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Full text of "Revue critique d'histoire et de littérature"

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REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


VINGT-QUATRIÈME  ANNEE 
I 
(Nouvelle    Série.   —   Tome    XXIX). 


iy. 


^ 


REVUE  CRITIQUE 


D'HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 


RECUEIL     HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  M.  A.  Chuquet 


VINGT-QUATRIÈME   ANNÉE 


PREMIER  SEMESTRE 


Nouvelle   Série.    —  Tome   XXIX 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE    DE   LA    SOCIÉTÉ    ASIATIQUE 

DE    l'École    des    langues    orientales    vivantes,    etc 
28,    RUE    BONAPARTE,    28 

1890 


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I 


ANNÉE     1890 


TABLE  DU  PREMIER  SEMESTRE 


ARTICLES 


TABLE  ALPHABETIQUE 

pages 
Aboul  Walid,  Le  livre  des  parterres  fleuris,  trad.  par  Metzger 

(R.  Duval) 38i 

^/g^/zan^' (les)  et  leurs  chants  populaires 241 

Amiel,  Erasme  (P.  de  Nolhac) 874 

Antiphon 144 

Antoine,  Édit.  de  Catilina 425 

Antona-Traversi,  Nouvelles  études  littéraires; 

—  Curiosités  foscoHennes; 

—  Catalogue  des  manuscrits  inédits  de  Léopardi  ; 

—  L'Œdipe  de  Foscolo  (Ch.  J.) 76 

Appleton,  La  propriété  prétorienne  et  l'action  publicienne  (P.  Gui- 

raud) 407 

Archipel  (1') 25 1 

Arétin  [V] 128 

Aristophane 248 

Arréat,  La  morale  dans  le  drame  (L.  Herr) 19 

Arsacides  (monnaies) 141 

Artin-Pacha,  L'instruction  publique  en  Egypte  (G.  Maspero).  .  36 1 

Asinius  Pollio 3o5 

Atharva-veda  (1') 461 

Aube  (monuments  de  T) 144 

AuRioL,  La  défense  du  Var  (A.  C.) 237 

Auerbach,  La  question  sociale  au  xv^  siècle  (Ch.  Pfister) 252 

Aulard,  Actes  du  comité  de  salut  public,  II  ; 

—  La  société  des  Jacobins,  I  ; 

—  Mémoires  de  Louvet  (A,  Chuquet) 194 

Ausone,  Le  poème  de  la  Moselle 186 

Avenel  (d'),  Richelieu  et  la  monarchie  absolue  (G.  H.) 3/4 

^vf^/ion  et  son  imprimerie .    ...  471 


VI  TABLE    DES    MATIERES 

pages 

Babeau,  Paris  en  1789  (A.  Gazier) î 35 

Ball,  Trad.  des  Voyages  de  Tavcnner  [Ch.  J.) 434 

Barbier  de  Meynard,  Supplément  aux  dictionnaires  turcs-arabes 

(C.  H.) ' 421 

Barrique   de   Fontainieu,  Le   livre  d'amour  de  Tirouvallouva 

(L.  Feer) 18  r 

Barthélémy  (papiers  de),  IV 175 

Barthélémy  (A.  de),  Manuel  de   numismatique  ancienne  (Salo- 

mon  Reinach) 326 

Bartholomae,  Le  groupe  indo-européen  ss.  (V.  Henry.) 3o2 

Bartholomeis,  Recherches  dans  les  Abruzzes  (Léon-G.  Pélissier).  329 
Bauer,  Les  tournures  subjectives  dans    les   chansons  de  geste 

(L.  C.) 327 

Baum,  Le  magistrat  et  la  Réforme  à  Strasbourg.  (X  ) 12 

Beaucaire 170 

Beaunis,  Les  sensations  internes  (L.  Herr) 198 

Below,  Origine  de  la  commune  allemande  (H.  Pirenne) 48 

Berenzi,  Histoire  de  Pontevico  (L.  G.  P.) 354 

Berger,   Histoire   de  la   géographie  scientifique  des  Grecs,    U. 

(B.  Auerbach) 363 

Bertin,  La  société  du  Consulat  et  de  l'Empire  (C.) 118 

Bertrand  (AL),  La  psychologie  de  l'effort  et  les  doctrines  contem- 
poraines [L.  Herr) .  .  298 

Béliers  dvani  la  Révolution 96 

Bienwald,  Les  manuscrits  d'Antiphon  [Ch.  Cucuel; 144 

BiNDi,  Monuments  hisioriques  et  artistiques  des  Abruzzes  (P.  N.).  5i3 

BiRCH-HiRSCHFELD,  Histoirc  de  la  littérature  française  (Ch.  J.).  .  208 

Blaze  DE  BuRY,  Jeanne  d^Arc  (Ch.  Pfister) 72 

Boccace 393 

BoDEMANN,  La  correspondance  de  Leibniz  à  Hanovre  (L.  Herr).  435 

B01SSONNADE,  Les  volontaires  de  la  Charente  (A.  Chuquet).  ...  413 

Bonet-Maury,  Burger  (A.  Chuquet) i5 

Bossuet  et  sa  prédication 210 

—  Sermon  sur  l'ambition 356 

BouRGOiNG,  Les  maîtres  de  la  critique  au  xix"  siècle  (A.  Delboulle).  93 

Brandt,  Le  mandaïsme  (R.  Duval) loi 

Bréal,  La  réforme  de  l'orthographe  française  (A.  Delboulle).  ...  33 1 

Breusing,  La  solution  de  l'énigme  de  la  trière  (A.  Cartault).    .  .  i83 

Bruch,  Souvenirs  {P.  R.j 3 17 

Bruni,  Les  trois  poètes  florentins 75 

Bryce,  Le  Saint-Empire  romain  germanique  et  l'Empire  actuel 

d'Allemagne  |Ch.  Pfister) 148 

Bûcher,  Poésies,  p,  p.  Denais  (A.  Delboulle) 354 

BuET,  François  de  Guise  (F.  D.) 453 

Bulgare  (recueil  de  folklore,  de  science  et  de  littérature).  —  L. 


_                                            TABLE    DES   MATIERES  VU 

■S^'  P»ges 

Léger i36 

Burger i5 

Gagnât,  Cours  d'épigraphie  latine  fP. -F.  Girard) 386 

Galiari,  Véronése  (L.-G.  P.) 394 

Cizm^aMX,  De  la  critique  du  texte  d  Horace  (F.  Plessis) 124 

Carducci,  Œuvres,  I-IV  (P.  N.) 49^ 

Garnio,  L'âme  humaine  (L.  Herr) 278 

Carré,  Le  Parlement  de  Bretagne  après  la  Ligue  ; 

—  L'administration  municipale  de  Rennes  au  temps  de  Henri  IV 

(L.  Farges) , i3i 

Cars  (duc  des),  Mémoires  (A.  Chuquet) 497 

Cartault,  Vases  grecs  en  forme  de  personnages  groupés  (Salomon 

Reinach) 41  et  119 

Castellani,  L'imprimerie  à  Venise  et  son  origine  (P.  de  Nolhac).  23o 
Castellani  et  P'avaro,  Les  manuscrits  vénitiens  de  la  collection 

Philipps  (L.  G.  P.) 418 

CvT,  La  carte  de  rOgôoué  (H.  D.  deGrammont) 416 

Catalogue  général  des  manuscrits  des  bibliothèques  publiques  de 

France  (F.) 332 

Catulle,  p.  p.  PosTGATE  (A.  Cartault.) 261 

—  Manuscrit  de  Saint-Germain-des-Prés  (P.  Lejay) 487 

César,  son  armée. 35 1 

Chantepie  de  La  Saussave,  Manuel  d'histoire  des  religions,    II 

(M.  Vernes) 226 

Chapelain 409 

Charavay,  Assemblée  électorale  de  Paris,  1 790-1 791,  procès-ver- 
baux (A.  Ch.) 474 

Charpentier,  Impressions  de  voyage  en  Russie  (L.  L.) 118 

Charvériat,  a  travers  la  Kabylie  (H.  D.  de  Grammont)  ....  3  18 
Châtelain,  Dictionnaire  latin-français  de  Quicherat  et  Daveluy  ; 

—  Lexique  de  Sommer  (P.  Lejay) 9 

Cha^erat{U..At) 297 

Chotard,  Louis  XIV,  Louvois,  Vauban  et  les  fortifications  de  la 

France  (A.  G.) 297 

Chrétien  de  Troyes,   Le  chevalier  au  lyon,  p.  p.  Fœrster  (E. 

Muret) 66 

CicÉRON,  Discours,  p.  p.  Nohl  (Em.  Thomas) 164 

—  par  Pellisson  (L.) 144 

—  Un  manuscrit  du  De  Senectute.  .       i25 

Cochin,  Boccace  (P.  de  Nolhac) 393 

CoNDAMiN,  Histoire  de  Saint-Chamond  (A.  G.) 116 

Congrès  scientifique  international  et  catholique  de  Paris  (Salomon 

Reinach) 5 

Conrad  de  Hirschau,  Dialogue,  p.  p.  Schepss  (A.  Cartault).  .  .  .  287 

Corrè\e  {[a),  pendant  la  Révolution 477 


vin  TABLE    DES    MATIERES 

pages 

CoRviN,  Le  théâtre  en  Russie  (L.  L.) 5i5 

CouAT,  Aristophane  et  l'ancienne  comédie  attique  (P.  Guiraud).  .  248 

CouRDAVEAUx,  Comment  se  sont  formés  les  dogmes  (M.  Vernes).  .  i65 

CoviLLE,  Les  Cabochiens  (Ch.  Pfister) 449 

Craon  (la  baronnie  del 228 

CuRTius  (E.),  Sous  trois  empereurs,  Études  et  discours  (B.  Haus- 

souliier) 423 

Darmesteter  (A.),  Reliques  scientifiques  (Salomon  Reinach).  .  .  3oi 

Daumesteter  (J.),  Chants  populaires  des  Afghans  (V.  Henry).  .  241 

Debidour,  LesChroniqueurs,  Froissart,  Commines(A.  DelbouUe).  168 

Delff,  Histoire  du  rabbi  Jésus  de  Nazareth  (M  .  Vernes) 121 

Delitzsch  et  Haupt,  Contributions  à  l'assyriologie  (J.  Halévy),  .  481 

Démosthène 222 

Denais,  Ed.  des  poésies  de  Bûcher. 354 

Derenbourg  (J.),  Édition  de  Kalilah  et  Dimnah,  II  (R   Duval)  .  .  21 

Dinant  au  moyen  âge 445 

D0ELLINGER,  Contributions  à  l'hist.  des  sectes  du  moyen  âge  (Ch. 

Pfister) , 126 

Doria  (André) 32 

Driver,  Les  livres  de  Samuel  (A.  Loisy) 462 

Du  Bois  DE  LA  Vjllerabel,  La  légende  de  saint  Yves  (A.  DelbouUe).  206 

DucHESNE,  Origines  du  culte  chrétien  (A.  Sabaiier) 426 

—  Le  Liber  pontificalis  (V.) 442 

DuMORTiER,  Lettres  de  Liguori  (L. -G.  P.) i35 

Duquet,  Paris,  le  quatre  septembre,  Châtillon  (A.  Chuquet)..  .  .  255 

DuTT,  Histoire  de  la  civilisation  dans  Tlnde  ancienne  (A.  Barth).  401 

Edkins,  L'évolution  de  l'hébreu  (R.  DuvalJ 5oi 

Ennodius 88 

Erasme 374 

Erdmannsdôrffer^  Correspondance  politique  de  Charles-Frédé- 
ric de  Bade,  I  (A.  Chuquet) 112 

Erman,  La  langue  du  papyrus  Westcar  (G.  Maspero) 422 

Espagnolle,  Les  imaginations  ou  les  doublets  de  M,  Brachet  ; 

—  La  clef  du  vieux  français  (A.  DelbouUe) 3 1 

Espérandieu,  Épigraphie  romaine  du  Poitou  et  de  la  Saintonge 

(R.  Cagnat) 108 

EssARTs  (E.  des),  Le  théâtre  d'Alfred  de  Musset  (Léo  Claretie).  .  .  396 

Etudes  sur  \q.  latin  archaïque,  I,  2  (P.  Lejay) 5o2 

Eyssette,  Histoire  administrative  de  Beaucaire  (Z.) 170 

Fabre  (A.),  Chapelain  et  nos  deux  premières  académies  (T.  de  L.).  409 

Fabre  (P.),  Le  liber  censuum  de  l'Égliôe  romaine,  I  (V.) 444 

Fage,  Le  diocèse  de  la  Corrèze  pendant  la  Révolution  (C).  .  .  .  477 

Falsan,  La  période  glaciaire  (L.  Herr) 198 

Favre  (Ed.),  Mémorial  des  cinquante  premières  années  de  la  So- 
ciété d'histoire  et  d'archéologie  de  Genève  (C.) i53 


TABLE    DES    MATIERES  IX 

pages 

Fay,  Souvenirs  de  la  guerre  de  Crimée  ; 

—  Marche  des  armées  allemandes  en  1870  (A.  Chuquet) 3i3 

Fehnrborg,  Les  verbes  latins  en  uo  (V,  Henry) 384 

FicHOT,  Statistique  monumentale  du  département  de  l'Aube  (H. 

d'Arbois  de  Jubainville) 144 

Fichte,  trad.  par  Kraeger  et  Smith  (L.  Herr) 417 

FiERViLLE,  Voyage  d\in  janséniste  en  Hollande  (A.  Gazier).  ...  75 

FiNOT,  Port-Royal  et  Magny  (A,  Gazier) 94 

FoERSTER  (W.),  Le  chevalier  au  lyon,  de  Chrestien  de  Troyes  (E. 

Muret) 66 

Foscolo 76 

Frœlich,  L'armée  de  César  (R.  C.) 35  i 

Gerofalo,  Les  fastes  des  tribuns  du  peuple  (R.  C.) i23 

Gasquet,  Henri  VIII  et  les  monastères  anglais  (Ch.  V.  Langlois).  262 

GaudenzI,  Les  compagnies  d'armes  de  Bologne  (Léon  G.  Pélissier).  329 

Geiger  (L,),  Annuaire  de  Gœthe,  X  (A.  Chuquet) 216 

—  Essais  et  conférences  (A.  Chuquet) 474 

Genève  (Société  d'histoire  et  d'archéologie  de) i53 

GiODA,  Morone  (L.G.  P.) 74 

Girart  de  Rossillon 371 

Godefroy,  Réponse  aux  attaques  contre  le  Dictionnaire  de  l'an- 
cienne langue  française  (A.  Jacques) 466 

Gœthe 216 

GoTTLOB,  La  fiscalité  pontificale  au  xv^  siècle  (Ch.  Pfister).  ...  166 

GouRCUFF,  Jean  Meschinot  et  Corentin  Royou  (T.  de  L.) 3  12 

Grill,  Hymnes  choisis  de  TAtharva-veda  (A.  Barth) 461 

Grundlach,  La  primauté  d'Arles  sur  l'église  des  Gaules  (Ch.  Pfis- 

ter) 5o3 

GiiLDENPFENNiNG,  Les  sources  de  Théodoret  (L.) 367 

GuiGUE,  Ed.  d'Olivier  de  La  Haye 189 

Gz«'5e  (François  de) 452 

Gz772?/zer,  Le  Ligurinus,  trad.  VuLPiNus  (R.) 466 

Gurlitt,  Pausanias  (A.  Hauvette) 202 

Guyau,  L'art  au  point  de  vue  sociologique  (R.  Doumic).  ....  36 

Guy  de  Bazoches 3qo 

ii/fli^r/e«  (Les  sources  de  l'histoire  d) 41 

Halle  ti  sa.  vie  littéraire 34 

Halphen,  Lettres  de  Henri  IV  à  M.  de  Béthune  (T.  de  L,).    .    .  1 1  r 

Hartmann  (E.  de),  La  théorie  de  la  connaissance  (L.  Herr)  ,  .  .  279 

Hatch,  Essais  sur  le  grec  biblique  (P.  L.) 24 

Hélène,  Le  bronze  (Salomon  Reinach) 382 

Hémon,  Chanson  de  Roland  ; 

—  Joinville; 

—  Montaigne  (A.  Delboulle) 71 

Henri  VHI , 262 


X  TABLE    DES    MATIÈRES 

pages 

Hertz,  L'Horace  de  Guyet  (Isaac  Uri) 352 

HiLDEBRANDT,  Le  Culex  de  Virgile  (E.  Plessis^ ii 

HocHART,  De  l'authenticité  des  Annales  et  Histoires  de  Tacite  (R. 

Gagnât) 5o3 

Hoffmann,  Le  Mediceus  de  Virgile  (P.  Lejay) rôi 

HoGARTH,  Dévia  Cypria  (Salomon  Reinach) 122 

//o^^wer  (le  baron) bg3 

HoLZMANN,  Les  Synoptiques  et  les  actes  des  Apôtres  (M,  Vernes).  8 

Horace 86,  124 

HoussAYE  (A  ).  Aspasie,  Cléopâtre,  Théodora  (Salomon  Reinach).  284 

—  Lettre  de  M.  H,  Houssaye , BSy 

Jean  de  Ravenne 75 

Jeanne  d'Arc 72,  igi 

Jellinek,  Loi  et  ordonnance  (P  .  Viollet), 277 

Jensen,  Cosmologie  des  Babyloniens  (J.  Halévy) 486 

Johnson,  Bibliothèque  platonique,  I  (L.  Herr) 247 

Josèphe,  p.  p.  NiESE  (Th.  Reinach) 22 

Joubert,  La  baronnie  de  Craon  (L.  Farges) 228 

JuRiEN  DE  LA  Gravière.  Lcs  ouvricrs  de  la  onzième  heure  (H.  D. 

de  Grammont) 394 

JuRiTSCH,  Otton  de  Bamberg  (Ch.  Pfister) 204 

Juvénal,  p.  p.  Wagner  (P.  A.  L.) 204 

Kalilah  et  Dimnah .  21 

Kaulek,  Papiers  de  Barthélémy,  IV  (A.  G.) 173 

Kawerau,  Le  passé  de  Magdebourg; 

—  La  vie  littéraire  de  Halle  (A.  Ghuquet) 34 

Kerviler,  Répertoire  général  de  bibliographie  bretonne,  I,  8  (T. 

deL.); 

—  Les  députés  de  la  Bretagne  aux  États-Généraux  et  à  la  Gonsti- 
tuante  (T.  de  L.) i55 

Kléber .*. 379  et  419 

Klette,  Les  deux  Jean  de  Ravenne; 

—  Les  trois  poètes  florentins  de  Bruni  (P,  de  Nolhac.) 75 

KoENiG,  Les  Ophites(R.  Du  val). 104 

Koertlng,  Le  roman  au  xvii^  siècle  (Gh.  J.) 453 

Kraeger,  Trad.  de  Fichte,   ...      417 

Krause,  Wissembourg  et  Hans  de  Drott  (Gh.  Pfister) 470 

Krebs,  L'inscription  de  Khnoumhotpou  (G.  Maspero) 32i 

Kronenberg,  La  philosophie  de  Herder  (L.  Herr) 494 

La  Fontaine,  Œuvres,  V,  p.  p.  H.  Régnier  (A    Delboulle).   .   .  i3 
La  Grassehie  de),  Études  de  grammaire  comparée,  De  la  catégo- 

gorie  des  temps  et  des  cas  (J.  Halévy) 341 

Lalher,  Edit.  de  Gatilina * 425 

Laloux  et  Monceaux,  Restauration  d'Olympie  (Salomon    Rei- 
nach)    io5 


TABLE    DES    MATIERES  XI 

pages 

Lanéry  d'Arc  et   Grellet-Balguerie,    La    Piuzela    d'Orlhienx 

(P.  M.) 408 

—  Du  franc-alleu  (H.  Pirenne) 465 

La/î^M^f  (Hubert) 3o8 

Laroque  [Bon'ihs] ' 17 

Laugel,  Rohan  (Rott) 208 

La  Ville  de  MiRMONT  (de],  La  Moselle  d'Ausone  (J.  Martha)    ,  .  186 
Lebarq,  Histoire  critique  de  la  prédication  de  Bossuet  (A.  Rebel- 

liau) 210 

—  Sermon  sur  l'ambition,  de  Bossuet  (L.) 356 

Lebègue,  Une  école  inédite  de  sculpture  gallo-romaine.  —  Tétri- 

cus  et  le  chevalier  Dumège  iT.  de  L.) 3o 

Lkdiru,  Le  livre  de  raison  d'un  magistrat  picard  (A.  Delboulle)  .  i3o 

Léger,  Russes   et  Slaves  (A C).          41 5 

Leibni\&t  sa  correspondance 435 

Lejay,  Inscriptions  antiques  de  la  Côte-d'Or  (R.  Gagnât) 108 

Leopardi 76 

Leroux,  Géographie  et  histoire  du  Limousin  (Ch.  V.  Langlois).  ,  3go 

Lesigne,  Jeanne  d'Arc  ,Ch.  Pfister) 191 

Levasseur,  La  population  française,  I  (J.  Flach) 266 

Liège  (Conférences  de  la  Société  d'art  et  d'histoire  du   diocèse 

de) 172 

Liguori i35 

Ligurimis  (le) 466 

Limousin  (Histoire  et  géographie  du) 390 

LiTZMANN,  Schiller  à  lena  (A.  G.) i53 

LoDS,  L'Eglise  réformée  de  Paris  (A    G.) 17 

LucHS,  Ed.  des  livres  XXVI-XXX  de  Tite-Live  (P.  Lejay).    .    .  124 

Luzio,  L'Arétin  à  Venise  (Pélissier) 128 

Lyon,  L'idéalisme  en  Angleterre  au  xvn^  siècle  (L.  Herr)  ....  23 1 

Madvig,  Opuscules  académiques  (P.  Lejay) 464 

Magdebourg 34 

Margoliouth,  Yèfelh,  commentaire  de  Daniel 441 

Markoff  (de),  Monnaies  arsacides  et  sassanides  de  l'Institut  des 

langues  orientales  de  Pétersbourg  (E.  Drouin) 141 

Meister,  Les  dialectes  grecs  (My) 221 

—  Du  dialecte  cypriote  (My) 383 

Meisterhans,  Grammaire  des  inscriptions  attiques  (My) 201 

Meschinot 3i2 

Metzger,  Tiad.    du  Livre  des  parterres  fleuris  d'Aboul  Walid.  38i 

Michael,  L'Histoire  universelle  de  Ranke  (Gh.  Pfister) 3y2 

Miranda  (le  général)  et  la  Révolution  française  (A.  Ghuquet).  .  39!) 

Morone 74 

Mo//ère,  X,  p.  p.  Mesnard(A.  Gazier) i33 

MoLiNiER  (Em.),  Venise,,  les  arts  décoratifs,  ses  musées  et  ses  col- 


XII  TABLE    DES    MATIERES 

pages 

lections  (L.  G.  P.) i5i 

MûNTz,  Les  archives  des  arts,  I  (L.  G.  Pélissier) 253 

Musset 396 

Neri,  De  Minimis  (L.  G.  P.) 493 

Nestlé,  L'Invention  de  la  Sainte-Croix  (R.  D.) 61 

Nettleship,  Edition  des  Essais  de  Mark  Pattison  (P.  de  Nolhac).  lyS 

Nicéphore 5o5 

NiESE,  Ed.  deJosèphe 22 

NoHL,  Discours  de  Cicéron(Em.  Thomas) '.  .  .   .  164 

NoLHAC  (de),  Le  château  de  Versailles  au  temps  de  Marie-Antoi- 
nette (A.  G.) 96 

—  Piero  Vettori  et  Carlo  Sigonio  (L.) 170 

Ogôoué  {ï) 416 

Olivier  de  La  Haye,  p.  p.  GuiGVE  (A,  Delhoulh) 189 

Olympie io5 

Otton  de  Bamberg 204 

Ouvré,  Démosthène  (Gh.  Cucuel) 222 

OvzWe,  Tristes,  p.  p.  Owen  (E.  Thomas) 43 

—  Extraits,  p.  p.  Sedlmayer  fE.  T.) ~55 

Owen,  Edition  des  Tristes  d'Ovide  (E.  Thomas) 43 

Paléologue,  Vauvenargues  (A.  Delboulle) 253 

Parfouru,    Deux  bourgeois    d'Auch    à  la    cour  de  France  (T. 

de  L.) 207 

Paris  (G. ^,  La  littérature  française  au  moyen  âge  (T.  de  L.).  •  •  43o 
Paris  (P.),   Musée  archéologique  de  Bordeaux,  I  (Salomon  Rei- 

nach) 28 

Pattison  (Mark),  Essais  (P.  de  Nolhac) 175 

Paulson,  Un  manuscrit  de  S.  Jean  Chrysostôme  (P.  A.  L.).  .  .  .  307 
Pellechet,  Les  dialogues  de  Heyden. 

—  L'imprimeur  Georges  Serre. 

—  Les  incunables  de  Versailles  (T,  de  L.) 491 

Pellisson,  Cicéron  (L.) 144 

Perrens,  Histoire  de  Florence,  III  (A.  Chuquet) 432 

Perrero,  La  maison  de  Savoie  (L.  G.  P.) 276 

Petit,  André  Doria  (L.  Farges) 3 

Pétrie,  Howara,  Biahmouet  Arsinoe  (G.  Maspero) i 

Pimodan,  Le  mère  des  Guises  *(F.  D.) 452 

PiRENNE,  La  constitution  de  Dinant  au  moyen  âge  (Lefranc)    .    .  445 

PiscHEL  et  Geldner,  Etudes  védiques.  I  (V.  Henry) 81 

Pistoie , 192 

Piuiela  d' Orlhienx  [\di) 408 

Pizzi,  Firduzzi,  Le  Livre  des  Rois. 

—  L'épopée  persane 

—  Chrestomathie  persane 281 

Platon,  Le  mallus   (Ch.  Pfister) ^  .   .    .   .  352 


o 


TABLE    DES    MATIERES  XIII 

pages 

Plessis,  L'Iliade  latine  (P.  L.) 47 

Plew,  Les  sources  de  rhistoire  d'Hadrien  (R.  Gagnât) 41 

P01RET,  Horace  (L  Uri) 86 

Pontevico 354 

PooLE,  Catalogue  des  monnaies  persanes  du  British  Muséum  (J. 

Darmesteter) 323 

PosTGATE,  Ed.  de  Catulle 261 

PouY,  Le  baron  Hogguer  (T.  de  L.).  . 193 

Pradel,  Un  marchand  de  Paris  au  xvi^  siècle  (T.  de  L.) 129 

Psaumes,  texte  grec,  p.  p.  Swete  (M.  Vernes) 66 

Rabaud,  Bonifas  Laroque  (A.  C) 18 

Rabelais 89 

Ranke  et  son  histoire  universelle 392 

Régnier  (H.),  Œuvres  de  La  Fontaine,  V  (A.  DelbouUe) i3 

Reichert,  La  seconde  partie  de  rOdyssée  (A.  Hauvette) 468 

Reisch,  Les  offrandes  votives  grecques  (Salomon  Reinach)  ....  61 

Requin,  L^imprimerie  à  Avignon  en  1444  (T.  de  L.) 471 

RiCHET,  La  chaleur  animale  (L.  Herr) 197 

Richter  et  KoHL,  Annales  de  l'empire  allemand,  I  (Ch.  Pfister).  227 

RiEZLER,  Histoire  de  Bavière  III  (Ch.  Pfister) 488 

Robert  (U),  Les  signes  d'infamie  au  moyen  âge  (T.  de  L.).   .  .  327 

Roberty  (de),  L'inconnaissable  (L.  Herr) 19 

Rohan 208 

Rolland  de  Denus,  Dictionnaire  des  appellations  ethniques  de  la 

France  et  des  colonies  (H.  G.) 52 

Rolland  (Eug.),  Variétés  bibliographiques 3o8 

Royou  (Coreniin) • 3 12 

Ruble  (de),  Le  colloque  de  Poissy  (T.  de  L.) .  5i3 

Sabbadini,  Etudes  critiques  sur  l'Enéide  (P.  Lejay) ''.  i63 

Saint-Chamond 116 

Salemann  et  Shukovski,  Grammaire  persane  (B.  M.) 322 

Salliiste,  Catilina,p.  p.  Antoine  et  Lallier  (Isaac  Uri) 425 

6amz«?/ (Les  livres  de) 462 

Sanders,  Causeries  d'un  lexicographe. 

—  Nouveau  choix  de  synonymes  (A.  Bauer) i  36 

Schepss,  Ed.  du  Dialogue  de  Conrad  de  Hirschau 287 

Schiller i  5  3 

Schlumberger,  Nicéphore  Phocas  (Salomon  Reinach) 5o5 

ScHMALz,  La  langue  d'Asinius  Pollio  (A.  Cartault) 3o5 

Schmidt(W.),  La  conscience  (L.  Herr) 278 

Schoene,  Ed.  de  l'Agricola  de  Tacite  (E.  T.) 87 

Schrader,  Bibliothèque  cunéiforme,  I(J.  Halévy) 483 

ScHURER,   Histoire  du  peuple  juif  à    l'époque    de  Jésus-Christ 

(M.  Vernes) 143 

—  Complément  à  cet  article 189 


XIV  TABLE    DES    MATIERES 

pages 

ScHWOB  et  GuiEYssE,  L'argot  français  (E.  Bourciez]^ 5i6 

Sedlmayer,  Extraits  d'Ovide 63 

Smith,  Trad,  de  Fichte 417 

Société  d'art  et  d'histoire  du  diocèse  de  Liège,  Conférences  II  (A. 

Chuqueti 172 

SoMMERVoGEL,  L'auteur  dcs  Monita  sécréta  (T.  de  L.) i5r 

S0UCAILLE,   Etat  monastique  de   Béziers  avant  la  Révolution  (T. 

de  L.) .• 96 

Stapfer,  Rabelais  (A.  Lefranc) 89 

Stimming,  Girart  de  Rossillon  (E.  Muret) 371 

Stockmar  (de),  La  fuite  de  Varennes  (A.  C) 476 

Strasbourg  et    la  Réforme 12 

Swete,  Texte  grec  des  Psaumes 66 

Tacite,  Agricola,  p.  p.  Schoene  (E.  T.) 87 

Tanzi,  La  Chronologie  d'Ennodius  (Ch.  Pfister) ^    .   .  88 

Tavernier,  Voyages  trad.  Ball  (Ch.  J.) 484 

Teicher,  Kleber(A.  Chuquet) 379 

—  Note  supplémentaire 419 

Theodoret  et  ses  sources 367 

Tibulle 223 

Tiroiivallouva 181 

Tite-Live,  XXXI-XXXVp.  p.  Zingerle  (E.  T.) 87 

—  XXVI-XXX  p.  p.  LucHs(P.  Lejay) 124 

Tolstoï  et  Kondakov,  Les  antiquités   scythes-sarmates.   II   (L. 

Léger) 85 

Tougard,  Les  saints  du  diocèse  de  Rouen  (A.  D.) 252 

TozER,  Les  îles  de  l'Archipel  (Salomon  Reinach) 25 1 

Trière  (la) > i83 

TuRNER,  Les  romanciers  russes  contemporains  (L.  L.) 398 

Ullrich,  Tibulle  (A.  Cartault) 223 

Vaillant,  Epigraphie  de  la  Morinie  (R.  Cagnat) 108 

Van  Muyden,  La  Suisse  sous  le  pacte  de  181 5  (F.) 477 

Vasili,  La  Sainte-Russie  (L.  L.) 499 

Vauvenargues 253 

Vengerov,  Dictionnaire  des  écrivains  russes,  I  (L.  Léger) 457 

Venise i5i 

—  et  son  imprimerie 23o 

Vergé  et  de  Boutarel,  Table  du  compte-rendu  des  séances  et  tra- 
vaux de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques  (C).  .    .  279 

Veronese 394 

Viollet,  Histoire  des  institutions  politiques  et  administratives  de 

la  France,  I(J.  Flach) 288 

—  Notes  complémentaires  (P.  V.  ) 291 

Virgile 11 

Vries  (de),  Un  manuscrit  du  De  Senectute  (Em.  Thomas).  .    ,    .  i25 


TABLE    DES    MATIERES  XV 

pages 

VuLPiNUS,  Gûnther,  le  Ligurinus. 466 

Waddington  (A.),  Hubert  Languet  (Ch.  J  ) 3o8 

Wallon,  Les  représentants  en  mission,  III  (A.  Chuquet) 97 

Wageningen,  Les  Géorgiques  (P.  Lejay) 102 

Wagner,  Edition  dcJuvenal 204 

Walther,  Science  et  christianisme  (M.  V.) 287 

Wattenbach,  Les  lettres  de  Guy  de  Bazoches  (Léon  Dorez).    .    .  Sgo 

Welzhofer,  Histoire  de  la  Grèce  jusqu'à  Solon  (Am.  Hauvette).  424 

Westcar  (le  papyrus) 422 

Weyland,  L'apocalypse  de  S.  Jean  (M.  Vernes) 87 

Willems,  Le  droit  public  romain  (P.  G.) 3o6 

WiMMER,  Les  runes. 

—  Les  fonts  baptismaux  d'Aar-Kirkeby  (E.  Beauvois) 368 

Winckler,  La  Fable  d'El  Amarna. 

—  Recherches  d'histoire  babylonienne  (F.  Halévy).   .  , 484 

Wissembourg  et  Hans  de  Drott 470 

WuLFF,  Le  lai  du  cor  (E.  Muret) 11 1 

—  Un  chapitre  de  phonétique  avec  transcription  d'un  texte  an- 
dalou  (E.  Bourciez) 07 

Yêfeth,,  Commentaire  de  Daniel,  p.  p.  Margoliouth  (R.  Duval).  441 

Yves  (Saint)  et  sa  légende 206 

Zahoroipski i5i 

Zarncke,  La  langue  littéraire  en  Grèce  (My) 35  i 

Zdekauer,  Études  sur  Pistoie  (L.  G.  P.) 192 

Zingerle,  Ed.  de  Tite-Live  XXXI'XXXV 87 


TABLE  MÉTHODIQUE  DES  OUVRAGES  ANALYSÉS 


Langues  et  littératures  orientales. 

Aboiil  Walid,  Le  livre  des  parterres  fleuris,  trad.  par  Metzger 

(R.  Duvalj 38i 

Artin  Pacha,  L'instruction  publique  en  Egypte  (G.  Maspero).  .  36 1 
Barbier  de  Meynard,  Suppléments  aux  dictionnaires  turcs-arabes 

(G.  H.) 421 

Barrigue  de  Fontainieu,  Le  livre  d'amour  de  Tirouvallouva  (L. 

Feer) 181 

Bartholomae,  Le  groupe  indo-européen  ss  (V.  Henry) 3o2 

Brandt,  Le  mandaïsme  (R.  Duval) 10 1 

Darmesteter  (J.),  Chants  populaires  des  Afghans  (V.  Henry).    .  241 

Delitzsch  et  Haupt,  Contributions  à  Passyriologie  (J.  Halévy).   .  481 


XVI  TABLE    DES    MATIERES 

pages 

Derenbourg  (J.),  Edition  de  Kalilah  et  Dimnah,  II  (R.  Duval).  21 

Driver,  Les  livres  de  Samuel  (A.  Loisy) 462 

DuTT,  Histoire  de  la  civilisation  dans  l'Inde  ancienne  (A.  Barth).  401 

Edkins,  L'évolution  de  Thébreu  (R.  Duval) 5ox 

Erman,  La  langue  du  papyrus  Westcar  (G.  Maspero) 422 

Grill,  Hymnes  choisis  de  l'Atharva-veda  (A.  Barth) 461 

Jensen,  Cosmologie  des  Babyloniens  (J.  Halévy) 486 

KoENiG,  Les  Ophites  (R.  Duval) 104 

Krebs,  L'inscription  de  Khnoumhotpou  (G.  Maspero) 32i 

La  Grasserie  (de),  Etudes  de  grammaire  comparée,  De  la  catégo- 
rie des  temps  et  des  cas  (J.  Halévy) 341 

Markoff  (de),  Monnaies  arsacides   et   sassanides  de  l'institut  des 

langues  orientales  de  Pétersbourg  (E,  Drouin) 141 

Pétrie,  Howara,  Biahmou  et  Arsinoe  (G.  Maspero) i 

PiscHEL  et  Geldner,  Etudes  védiques,  I  (V.  Henry) 81 

Pizzi,  Firdusi,  le  livre  des  Rois; 

—  L'épopée  persane; 

—  Chrestomathie  persane 281 

PooLE,  Catalogue  des  monnaies  persanes  du  Bristish  Muséum  (J. 

Darmesteter) 323 

Salemann  et  Shukovski,  Grammaire  persane  (B.  M,) 322 

ScHRADER,  Bibliothèque  cunéiforme,  I  (J.  Halévy) 483 

Winckler,  La  table  d^El-Amarna  ; 

—  Recherches  d'histoire  babylonienne  (J.  Halévy) 484 

Yêfeth,  Commentaire  de  Daniel,  p.  p.  Margoliouth  (R.  Duval).  441 


Langue  et  littérature  grecques. 

Bienwald,  Les  manuscrits  d'Antiphon  (Ch.  Cucuel) 144 

CoNAT,  Aristophane  et  l'ancienne  comédie  grecque  (P.  Guiraud).  248 
Cl'rtius  (E.j,  Sous  trois  empereurs.  Études  et  discours  (B,  Haus- 

souUier) 423 

Gurlitt,  Pausanias  (A.  Hauvette) 202 

Johnson,  Bibliothèque  platonique,  II  (L.  Herr) 247 

Josèphe,  p.  p.  Niese  (Th.  Reinach) 22 

Meister,  Les  dialectes  grecs  (My) 221 

—  Du  dialecte  cypriote  (My) 383 

Meisterhans,  Grammaire  des  inscriptions  attiques  (My).    .    .    .  201 

Ouvré,  Démosthène  (Ch.  Cucuel) 222 

Paulson,  Un  manuscrit  de  S.  Jean  Chrysostome  (P.  A.  L.)  ,  .  .  307 

Reichert,  La  seconde  partie  de  l'Odyssée  (A.  Hauvette) 463 

Zarncke,  La  langue  littéraire  en  Grèce  (My) 35 1 


TABLK    DES    MATIERES  XVII 

pages 


Langue  et  littérature  latines. 

Amiel,  Erasme  (P.  de  Nolhac) 374 

Campaux,  De  la  critique  du  texte  d'Horace  (F.  Plessis) 124 

Catulle,  Manuscrit  de  ?aint-Germain-des-Prés  (P.  Lejay).  .  .   .  487 

—  P-  p.  PosTGATE  (A.  Carlault) 261 

Châtelain,  Dictionnaire  latin-français  de  Quicherat  et  Daveluy; 

—  Lexique  de  Sommer  (P.  Lejay) 9 

Cicéron,  Discours,  p.  Nohl  (Em.  Tliomas) 164 

Conrad  de  Hirschaii,  Dialogue,  p.  p.  Schepss  (A.  Cartault).  .  .  287 

Etudes  s,\i\' \e.  Vài'm  archaïque,  I,  2  (P.  Lejay) 5o2 

Fehrnborg,  Les  verbes  latins  en  uo  (V.  Henry). ^84 

Giinther,  Le  Ligurinus,  irad.  Vulpinus  (R.) 466 

Hertz,  L'Horace  de  Guyet  (Isaac  Uri) 352 

Hildebrandt,  Le  Culex  de  Virgile  (F.  Plessis) 11 

HocHART,  DePauthenticité  desx\nnales  et  Histoires  de  Tacite  (R. 

Gagnât) 3o3 

Hoffmann,  Le  Mediceus  de  Virgile  (P.  Lejay) 161 

Juvénal,  p.  p.  Wagner  (P.  A.  L.) 124 

La  Ville  de  Mirmont  (de),  La  Moselle  d'Ausone  CJ.  Martha)  ...  186 

Madvig,  Opuscules  académiques  (P.  Lejay] 464 

Ovide,  Tristes,  p.  p,  Owen  (E.  Thomas) 43 

—  Extraits,  p.  p.  Sedlmayer  (E.  T.) , 65 

Pellisson,  Cicéron  (L.) 144 

Plessis,  L'Iliade  latine  (P.  L.) 47 

Poiret,  Horace  (L  Uri) 86 

Sabbadini,  Etudes  critiques  sur  l'Enéide  (P.  Lejay) i63 

Salluste,  Catilina,  p.  p.  Antoine  et  Lallier  (Isaac  Uri) 425 

ScHMALZ,  La  langue  d'Asinius  Pollio  (A.  Cartault) 3o5 

Tacite,  Agricola,  p.  p.  Schoene  (E.  T.) 87 

Tite-Live,  XXVI-XXX,  p.  p.  Luchs  (P.  Lejay) 124 

—  XXXI-XXXV,  p.   p.  ZiNGERLE  (E.  T.) 87 

Ulrich,  Tibulie(A.  Cartault) 223 

Vries  (de),  Un  manuscrit  du  De  Senectute  (Em.  Thomas).    ...  i  25 

Wageningen,  Les  Géorgiques  (P.  Lejay) 162 

Wattenbach,  Les  lettres  de  Guy  de  Bazoches  (Léon  Dorez).    .    .  390 


Langue  et  littérature  françaises. 

Bauer,  Les  tournures  subjectives  dans  les  chansons  de  geste  (L.  C.)  327 

Bertin,  La  société  du  Consulat  et  de  l'Empire  (C.) 118 

Birch-Hirschfeld,  Histoire  de  la  littérature  française  (Ch.  J  ).    .  208 


XVIII  TABLE    DES  MATIERES 

pages 

BouRGOiNG,  Les  maîtres  de  la  critique  au  xu*  siècle  (A.  Delboulle).  gS 

Bréal,  La  réforme  de  Torthographe  française  (A.  Delboulle).   .  .  33 1 

Bûcher,  "Poésies,  p.  p.  Denais  (A.  Delboulle) 354 

Chrétien  de  Troyes,  Le  chevalier  au  lyon,  p.  p.  Foerster  (E, 

Muret) 66 

Darmesteter  (A.),  Reliques  scientifiques  (Salomon  Reinach),  .   .  3oi 
Debidour,  Les  chroniqueurs,  Froissart,  Commines(A.  Delboulle).  i68 
Du  Bois  DE  La  Villerabel,  La  légende  de  saint  Yves  (A,  Del- 
boulle)   206 

Espagnolle,  Les  imaginations  et  les  doublets  de  M.  Brachet; 

—  La  clef  du  vieux  français  (A.  Delboulle) 3i 

EssARTs  (E.  des),  Le  théâtre  d'Alfred  de  Musset  (Léo  Claretie).    .  396 

Fabre  (A.),  Chapelain  et  nos  deux  premières  académies  (T.  de  L.).  40g 

FiNOT,  Port  Royal  et  Magny  (A   Gazier) 94 

GoDEFROY,  Réponse  aux  attaques  contre  le  Dictionnaire  de  l'an- 
cienne langue  française  (A.  Jacquet) ^    .    .  .   .  466 

GouRcuFF,  Jean  Meschinot  et  Corentin  Royou  (T.  de  L.) 3 12 

Hémon,  Chanson  de  Roland  ; 

—  Joinville; 

—  Montaigne  (A.  Delboulle) 71 

KoERTiNG,  Le  roman  au  xviii^  siècle  (Ch.  J.) 453 

La  Fontaine,  Œuvres,  V,  p.  p.  H.  Régnier  (A.  Delboulle)  ...  r3 
Lanéry-d'Arc    et   Grellet-Balguerie,    La    Piuzela  d'Orlhienx 

(P.  M.) 408 

Lf.barq,  Histoire  critique  de  la  prédication  de  Bossuet  (A.  Re- 

belliau) 210 

—  Sermon  sur  l'ambition  de  Bossuet  (L.] , 356 

Molière,  X,  p,  p.  Mesnard(A.  Gazier) i33 

Olivier  de  La  Haye,  p.  p.  Guigue  (A.  Delboulle) 189 

Paléologue,  Vauvenargues  (A.  Delboulle) 253 

Paris  (G.),  La  littérature  française  au  moyen  âge  (T.  de  L.).   .   .  430 

ScHwoB  et  GuiEYssE,  L'argot  français  (E.  Bourriez).  ......  5 16 

Stapfer,  Rabelais  (A.  Lefranc) 89 

Stimming,  Girart  de  Rossillon  (E.  Muret) 371 

WuLFF,  Le  lai  du  cor  (E.  Muret) m 

■ —  Un  chapitre  de  phonétique  avec  transcription  d'un  texte  anda- 

lou  (E.  Bourciez) .157 


Histoire  grecque. 

Berger,  Histoire  de  la  géographie  scientifique  des  Grecs,  II  (B. 

Auerbach) 363 

Breusing,  La  solution  de  l'énigme  de  la  trière  (A.  Cartault).  ...  i83 

Guldenpenning,  Les  sources  de  Théodoret  (L.) 367 


TABLE    DES    MATIERES  XIX 

pages 

HoussAYE  (H.),  Aspasie,  Cléopâtre,  Théodora  (Salomon  Reinach).      284 

TozER,  Les  îles  de  rArchipel  (Salomon  Reinach) 25  i 

Welzhofer,  Histoire  de  la  Grèce  jusqu'à  Solon  (Am.  Hauvette).      424 


Histoire  romaine. 

Appleton,  La  propriété  prétorienne  et  l'action  publicienne  (P. 

Guiraud) 407 

Froelich,  L'armée  de  César  (R.  G.) 35 1 

Garofalo,  Les  fastes  des  tribuns  du  peuple  (R.  G.) i23 

Plew,  Les  sources  de  l'histoire  d'Hadrien  (R.  Gagnât) 41 

Tanzi,  La  chronologie  d'Ennodius  (Gh.  Pfister) 88 

WiLLEMS,  Le  droit  public  romain  (P.  G.) 3o6 


Archéologie,  épigraphie  et  histoire  de  Vart  antique. 

Gagnât,  Gours  d'épigraphie  latine  (P.  F.  Girard) 386 

Cartault,  Vases  grecs  en  forme  de  personnages  groupés  (Salomon 

Reinach). 41  et  119 

EspÉRANDiEU,  Epigraphie  romaine  du  Poitou  et  de  la  Saintonge 

(R.  Gagnât) 108 

HÉLÈNE,  Le  bronze  (Salomon  Reinach) 382 

Hogarth,  Dévia  Gypria  (Salomon  Reinach) 122 

Laloux  et  Monceaux,  Restauration  d'Olympie (Salomon  Reinach).  io5 
Lebègue,  Une  école  inédite  de  sculpture  gallo-romaine; 

—  Tetricus  et  le  chevalier  Dumège  (T.  de  L.) 3o 

Lejay,  Inscriptions  antiques  de  la  Gote-d'Or  (R.  Gagnât)  .    .    .   .  108 
Paris  (P.),  Musée  archéologique  de  Bordeaux,   I  (Salomon  Rei- 
nach)   28 

Reisch,  Les  offrandes  votives  grecques  (Salomon  Reinach).    .    .  61 

Vaillant,  Epigraphie  de  la  Morinie  (R.  Gagnât) 108 


Archéologie  du  moyen  âge  et  art  de  la  Renaissance . 

BiNDi,  Monuments  historiques  et  artistiques  des  Abruzzes  (P.  N.).  5x3 

Galiari,  Véronèse  (L.  G.  P.) 394 

Fichot,  Statistique  monumentale  du  département  de  TAube  (H. 

d'Arbois  de  Jubainville) 144 

MoLiNiER  (Em.),  Venise,  ses  arts  décoratifs,  ses  musées  et  ses  col- 
lections (L.  G .  P. ) 1 5  I 

MuNTZ,  Les  archives  des  arts,  I  (L.  G.  Pélissier) 253 

PATTisoN(Mark),  Essais  (P.  de  Nolhac) 175 


XX  TABLE    DES    MATIERES 


pages 


Histoire  du  moyen  âge. 

AuERBACH,  La  question  sociale  au  xv^ siècle  (Ch.  Pfîster) 252 

Bellow.  Histoire  de  la  commune  allemande  (H.  Pirenne) 48 

Blaze  de  Bl'ry,  Jeanne  d'Arc  (Ch.  Ffister.! 72 

Bryce,  Le  Saint-Empire  germanique  et  l'empire  actuel  d'Alle- 
magne (Ch.  Pfister) 148 

C0VILLE,  Les  Cabochiens  (Ch.  Pfister) 449 

Grundlach,  La  primauté  d'Arles  sur  l'église  des  Gaules  (Ch.  Pfis- 
ter)    5o3 

Jol'bert,  La  baronnie  de  Craon  (L.  Farges) 228 

JuRiTscH,  Otton  de  Bamberg  (Ch.  Pfister) 204 

Krause,  Wissembourg  et  Hans  de  Drott  (Ch.  Pfister) 470 

Lanèry  d'Arc,  Du  franc  alleu  (H.  Pirenne) 465 

Lesigne,  Jeanne  d'Arc  (Ch.  Pfister) 191 

Michael,  L'Histoire  universelle  de  Ranke  (Ch.  Pfister) 392 

Pirenne,  La  constitution  de  Dinant  au  moyen  âge  (A.  Lefranc).  445 

Platon,  Les  mallus  (Ch.  Pfister) 352 

Richter  et  KoHL,  Annales  de  l'empire  allemand,  I  (Ch.  Pfister).  .  227 

RiEZLER,  Histoire  de  Bavière,  III  (Ch.  Pfister) 488 

Robert  (U.),  Les  signes  d"'infamie  au  moyen  âge  (T.  de  L.).    .    .  327 

ScHLUMBERGER,  Nicéphore  Phocas  (Salomon  Reinach). 5o5 

ViOLLET,  Histoire  des  institutions  politiques  et  administratives  de 

la  France,  I  (J.  Flach) 288 

—  Notes  complémentaires  (P.  V.) 291 


Histoire  moderne. 

Aulard,  Actes  du  comité  de  salut  public,  II  ; 

—  La  Société  des  Jacobins,  I  ; 

—  Mémoires  de  Louvet  (A.  Chuquet) 194 

AuRiOL,  La  défense  du  Var  (A.  C.) 237 

Avenel  (d'),  Richelieu  et  la  monarchie  absolue  (G.  H.) 374 

Babeau,  Paris  en  1789  (A.  Gazier) 33 

Bartholomeis,  Recherches  dans  les  Abruzzes  (Léon  G.  Pélissier).  329 

Baum,  Le  magistrat  et  la  Réforme  à  Strasbourg  (X.) 12 

Berenzi,  Histoire  de  Pontevico  (L.  G.  P.) 354 

Boissonnade,  Les  volontaires  de  la  Charente  (A.  Chuquet).  ...  413 

Bruch,  Souvenirs  (P.  R.) 317 

BuET,  François  de  Guise  (F.  D.) , ^53 

Carré,  Le  parlement  de  Bretagne  après  la  Ligue; 

—  L'administration  municipale  de  Rennes  au  temps  de  Henri  IV 


TABLE    DES    MATIERES  XXI 

pages 

(L.  Farges) i3i 

Cars  (duc  des),  Mémoires  (A.  Chuquet) 497 

Charavay,  Assemblée  électorale  de  Paris,  1790-1791,  procès- ver- 
baux (A.  Ch  ) 474 

Chotard,  Louis  XIV,  Louvois,  Vauban  et  les  fortifications  de  la 

France  (A.    C.) 297 

CoNDÀMiN,  Histoire  de  Saint-Chamond  (A.  C.) 116 

Duquet,  Paris,  le  4  septembre,  Châtillon  (A.  Chuquet) 255 

Erdmannsdœrffer,  Correspondance  politique  de  Charles-Frédéric 

de  Bade,  I  (A.  Chuquet) 112 

Eyssette,  Histoire  administrative  de  Beaucaire  (Z.) 170 

Fage,  Le  diocèse  de  la  Corrèze  pendant  la  Révolution  (C).  .  .  .  477 
Fay,  Souvenirs  de  la  guerre  de  Crimée; 

—  Marches  des  armées  allemandes  en  1870  (A.  Chuquet).  ...  3i3 
Gasquet,  Henri  VIH  et  les  monastères  anglais  (Ch,  V.  Langlois).  262 
Gaudenzi,  Les  compagnies  d'armes  de  Bologne  (Léon  G.  Pélis- 

sier) 329 

Gottlob,  La  fiscalité  pontificale  au  xv^  siècle  (Ch.  Pfister).    ...  166 

Halphen,  Lettres  de  Henri  IV  à  M.  de  Béthune  (T.  de  L.).  .  .  .  1 1  r 
JuRiEN  DE  LA  Gravière,  Lcs  ouvricrs  de  la  onzième  heure  (H,  D. 

de  Grammont) ,   .    .  394 

Kaulek,  Papiers  de  Barthélémy,  IV  (A.  C.) 175 

Kerviler,  Répertoire  général  de  bibliographie  bretonne,  I,  8  (T. 

deL.); 

—  Les  députés  de  la  Bretagne  aux  Etats-Généraux  et  à  la  Consti- 
tuante (T.  de  L.) i55 

Laugel,  Rohan  (Rott) 208 

Ledieu,  Le  livre  de  raison  d'un  magistrat  picard  (A.  Delbouile).  i3o 

Leroux,  Géographie  et  histoire  du  Limousin  (Ch.  V.  Langlois).  .  890 

LoD-s,  L'Église  réformée  de  Paris  (A.  C.) 17 

Miranda  (le  général)  et  la  Révolution  française  (A.  Chuquet).  .  395 

Neri,  De  minimis  (L.  G.  P.) 493 

Nolhac  (de),  Le  château  de  Versailles  au  temps  de  Marie-Antoi- 
nette (A.  C).  . 96 

PvRFOURU,  Deux  bourgeois  d'Auch  à  la  cour  de  France(T.  de  L.)  207 

Perrens,  Histoire  de  Florence,  111  (A.  Chuquet) 432 

Perrero,  La  maison  de  Savoie  (L.  G.  P.) 276 

Petit,  André  Doria  (L.  Farges) 32 

Plmodan  (de),  La  mère  des  Guise  (F.  D.) 452 

PouY,  Le  baron  Hogguer  (T,  de  L.).    .   .  . 193 

Pradel,  Un  marchand  de  Paris  au  xvni^  siècle  (T.  de  L.).  ...  129 

Rabaud,  Bonifas  Laroque  (A.  C.) 17 

Ruble  (de),  Lecolloque  de  Poissy  (T.  de  L.) 5i3 

Société  d'art  et  d'histoire  du  diocèse  de  Liège,  Conférences,  II 

lA.  Chuquet) 172 


XXII  TABLE    DES    MATIERES 

pages 

SoMMERVOGEL,  L'auteur  des  Monita  sécréta  (T.  de  L.) i5i 

SoucAiLLE,  État  monastique  de  Béziers  avant  la  Révolution  (T. 

de  L  ) 96 

Stockmar  (de),  La  fuite  de  Varennes  (A.  C.) 476 

Teicher,  Kléber  (A.  Chuquet) 379 

Van  Muyden,  La  Suisse  sous  le  pacte  de  181 5  (F.) 477 

Waddington  (A.),  Hubert  Languet  (Ch.  J.) 3o8 

Wallon,  Les  représentants  en  mission,   III  (A.  Chuquet],   ...  97 

Zdekauer,  Etudes  sur  Pistoie  (L.  G.  P.) ig-z 


* 


Théologie  et  histoire  de  l'Eglise. 

Chantepie  de  La  Saussaye,  Manuel  de  l'histoire  des  religions,  II 

(M.  Vernes) 226 

Congrès  scientifique  international  ',et  catholique  de  Paris  (Salo- 

mon  Reinach) 5 

Courdaveaux,  Comment  se  sont  formés  les  dogmes  (M.  Vernes).  i65 

Delft,  Histoire  du  rabbi  Jésus  de  Nazareth  (M.  Vernes) 121 

DoELLiNGER,  Contributions  à  l'hist.  des  sectes  du  moyen  âge  (Ch. 

Pfister) 126 

DucHESNE,  Origines  du  culte  chrétien  (A.  Sabatier) 426 

—  Le  liber  pontificalis  (V.) 442 

DuMORTiER,  Lettres  de  Liguori  (L.-G.  P.) i35 

F.\BRE  (P.),  Le  liber  censuum  de  l'Eglise  romaine,  I  (V.) 444 

Hatch,  Essais  sur  le  grec  biblique  (P.  L.) .  24 

HoLZMANN,  Les  Synoptiques  et  les  Actes  des  Apôtres  (M.  Vernes),  8 

Nestlé,  L'invention  de  la  sainte  Croix  (R.  D.). 61 

Psaumes,  Texte  grec,  p,  p.  Swete  (M.  Vernes) 66 

ScHiJRER,  Histoire  du  peuple  juif  à  l'époque  de  Jésus-Christ  (M. 

Vernes) 143 

TouGARD,  Les  saints  du  diocèse  de  Rouen  (A.  D.) 252 

Walther,  Science  et  christianisme  (M.  V.) 287 

Weyland,  L'apocalypse  de  saint  Jean  (M,  Vernes) 87 


Langue  et  littérature  allemandes. 

Bonet-Maury,  Bûrger(A,  Chuquet) i5 

Geiger  (L.),  Annuaire  de  Gœthe,  X  (A.  Chuquet) 216 

—  Essais  et  conférences  (A.  Chuquet) 474 

Kawerau,  Le  passé  de  Magdebourg  ; 

—  La  vie  littéraire  de  Halle  (A,  Chuquet) 34 

Litzmann,  Schiller  à  îena  (A.  C.) i53 

Sanders,  Causeries  d'un  lexicographe  ; 


1 


TABLE   DES    MATIÈRES  XXtlI 

pages 

—  Nouveau  choix  de  synonymes  (A.  Bauer) i36 

WiMMER,  Les  Runes  ; 

—  Les  fonts  baptismaux  d'Aarkirkeby(E.  Beauvois) 368 


Langue  et  littérature  italiennes. 

Antona-Traversi,  Nouvelles  études  littéraires; 

—  Curiosités  foscoliennes; 

—  Catalogues  des  manuscrits  inédits  de  Léopardi; 

—  L'Œdipe  de  Foscolo  (Ch.  J.). 76 

Carducci,  Œuvres,  I-IV  (P.  N.) 49^ 

GocHiN,  Boccace(P.  de  Nolhac) BgS 

GioDA,  Morone  (L.  G.  P.) 74 

Klette,  Les  deux  Jean  de  Ravenne; 

—  Les  trois  poètes  florentins,  de  Bruni  (P.  de  Nolhac).  .....         yS 

Luzio,  L'Arétin  à  Venise  (Pélissier) 128 

Nolhac  (de),  Piero  Vettori  et  Carlo  Sigonio  (L.) 170 


Langue  et  littérature  slaves. 

Bulgare,  Recueil  de  folklore,  de  science'  et  de  littérature  (L.  Lé- 
ger)   i36 

Charpentier,  Impressions  de  voyage  en  Russie  (L.  L.) 118 

CoRviN,  Le  théâtre  en  Russie  (L.  L.) 5i5 

Léger,  Russes  et  Slaves  (A.  C.) 41 5 

Tolstoï  et  Kondakov,  Les  antiquités  scythes-sarmates,  I  (L.  Lé- 
ger)   85 

TuRNER,  Les  romanciers  russes  contemporains  (L.  L.) SgS 

Vasili,  La  sainte  Russie  (L.  L.) 495 

Vengerov,  Dictionnaire  des  écrivains  russes,  I  (Louis  Léger).  .  457 


Ethnographie,  géographie  et  voyages. 

Cat,  La  carte  de  rOgôoué(H.  D.  de  Grammont) 416 

Charvériat,  a  travers  la  Kabylie  (H.  D.  de  Grammont) 3 18 

F1ERVILLE,  Voyage  d'un  janséniste  en  Hollande  (A.  Gazier).   .    .  75 

Levasseur,  La  population  française,  I  (J.  Flach) 266 

Tavernier,  Voyages,  trad.  Ball  (Ch.  J.) 434 


Science,  philosophie  et  histoire  de  la  philosophie. 

Arréat,  La  morale  dans  le  drame  (L.  Herr) 19 

Beaunis,  Les  sensations  internes  (L.  Herr) 19^ 


XXIV  TABLE    DES    MATIÈRES 

pages 

Brrtrand  (AI.),    La  psychologie  de  l'effort  et  les  doctrines  con- 
temporaines (L.  Herr). c 298 

BoDEMANN,  La  correspondance  de  Leibniz  à  Hanovre  (L.  Herr)  .  435 

Carnio,  L'âme  humaine  (L    Herr) 278 

Falsan,  La  période  glaciaire  (L.  Herr) 198 

i^/c/2?e,  trad.  par  Kraeger  et  Smith  (L.  Herr) 417 

GuYAU,  L'art  au  point  de  vue  sociologique  (R.  Doumic) 36 

Hartmann  (Ed.  de),  Théorie  de  la  connaissance  (L.  Herr).    ,    .   .  279 

Kronenberg.  La  philosophie  de  Herder  (L.  Herr) 494 

Lyon,  L'idéalisme  en  Angleterre  au  xviii^  siècle  (L.  Herr).   ...  23 1 

Richet,  La  chaleur  animale  (L.  Herr) 197 

Roberty  (de),  L'inconnaissable  (L.  Herr) 19 

Rolland  de  Denus,  Dictionnaire  des  appellations  ethniques  de 

la  France  et  des  colonies  (H.  G.) 52 

ScHMiDT  (W.),  La  conscience  (L.  Herr) 278 


Numismatique. 

Barthélémy  (An.  de),  Manuel  de  numismatique  ancienne  (Salo- 

mon  Reinach) ,       326 


Droit  et  sociologie. 
Jellinek,  Loi  et  ordonnance  (P.  Viollet).   - •    •      277 

Bibliographie  et  histoire  de  l'imprimerie. 

Castellani,  L'imprimerie  à  Venise  et  son  origine  (P.  de  Nolhac).      23o 

Castellani  et  Favaro,  Les  manuscrits  vénitiens  de  la  collection 

Philipps  (L.  G.  P.). 418 

Catalogue  général  dzs  manuscrits  des  bibliothèques  publiques  de 

France  F.). 332 

Favre  (Ed.),  Mémorial  des  cinquante  premières  années  de  la  So- 
ciété d'histoire  et  d'archéologie  de  Genève  TC  .) i53 

Pellechet,  Les  dialogues  de  Heyden  ; 

—  L'imprimeur  Georges  Serre; 

—  Les  incunables  de  Versailles  (T.  de  L.) 491 

Requin,  L'imprimerie  à  Avignon  en  1444  (T.  de  L.) 471 

Rolland^  Variétés  bibliographiques 3o8 

Vergé  et  de  Boutarel,  Table  ou  compte-rendu  des  séances  et  tra- 
vaux de  l'académie  des  sciences  morales  et  politiques  (G.).  .  .  .      279 


I 


TABLE    DES    MATIERES  XXV 

pages 


Chronique 


ABEL{Eug.),  Not.  nécrol iSg 

Amélineau,  Monuments  pour  servir  à  l'histoire  de  l'Egypte  chré- 
tienne   ^o 

Andrae.  La  voie  Appienne,  III 479 

Archives  de  Gœthe  et  de  Schiller 119 

Arneth  (d')   et  Flammermont,  Correspondance  secrète  de   Mercy 

avec  Joseph  II  et  Kaunitz. 259 

Attaï  et  RiABiNiNE,  Trad.  du  Livre  de  Kalilah  et  Dimnah     .  .  .  140 
Bergmans,  Antonius   Mathias  d'Anvers,  imprimeur  du  xvi*  siè- 
cle   i38 

Biblioteca  di  scrittori  politici  italiani^  p.  p.  Zanichelli  ....  218 
Bonaparte  (prince  Roland),  Etudes  géographiques  et  ethnographi- 
ques    ^^7 

Bréal  (M  ),  Premières  influences  de  Rome  sur  le  monde  germa- 
nique   239 

Breul,  Ed.  de  Guillaume  Tell  et  des  Fables  de  Geliert  et  Lessing.  460 

Brown  (P    Hume),  Buchanan  humaniste 479 

Bulletin  des  Musées 238 

Bulletino  délia  Societa  dantesca 438 

Camau,  La  guerre  dans  les  Alpes 438 

Carnov  et  Ledieu.  Revue  du  nord  de  la  France 178 

Charencey  (de),  Dialecte  bas-navarrais  du  basque 338 

Clédat,  Manuel  d'orthographe 259 

Darmesteter  (James),  Chants  populaires  des  Afghans 177 

Darmesteter  (M"^  Maryi,  The  French  in  Italy  and  their  impé- 
rial policy 419 

Ebeling,  La  lettre  signée  A.  Sorbin  et  relative  au  meurtre  de  Fr, 

de  Guise 459 

FouQUÉ,  La  nouvelle  loi  militaire  et  l'Ecole  normale 99 

Franklin  (Alfred),  La  vie  privée  d'autrefois 239 

Garofalo,  Fastes  des  édiles  de  la  plèbe 438 

Geiger  (L.),  Brochures  sur  l'histoire  des  Juifs 59 

Gherardi,  Les  consulte  délia  repubblica  fiorentina 120,  339 

Grillpar\er  (Société) 179 

Guérard,  Lettre  de  Grégoire  II  à  Léon  l'Isaurien 478 

Harrisse,   Christophe   Colomb,  les  Corses   et  le  gouvernement 

français 178 

~  Nouvelles  recherches  sur  Thistoire  de  l'Amérique. 419 

Havet  (Ernest) 19 

Henry,  Grammaire  comparée  du  grec  et  du  latin,  traduction  an- 
glaise    178 


XXVI  TABLE    DES    MATIERES 

page* 

—  2'' édition  française  du  Précis 319 

HiRscHFELD,  Lcs  gouvemeurs  de  provinces 58 

Huld,  Revue  de  folklore  et  de  littérature  islandaise 139 

JoRET  (Ch.),  Le  P,  Guevarre  et  la  fondation  de  Thôpital  général 

d'Auch 178 

JouBERT,  Brochures  diverses 259,  280,  469 

Kloucrk,  L'Enéide  de  Virgile,  2'  édit 399 

KosTov  et  MicHEv,  Chrestomalhie  pour  Tétude  de  la  littérature.  .  i38 

Labbé.  Syntaxe  latine  nouvelle 56 

Laporte,  Bibliographie  contemporaine,  VII,  3 478 

Leclerc,  (Max),  Lettres  du  Brésil 5  18 

Leforestjer,  Manuel  pratique  et  bibliographique  du  correcteur.  338 

Lefranc  (Abel),  Un  règlement  intérieur  de  léproserie  au  xin"  siècle.  259 

—  Ulrich  de  Hutten  à  Paris 459 

Léger,  Histoire  de  l'Autriche-Hongrie 20 

Lemonnier  (H.),  Les  origines  des  temps  modernes  et  la  Renais- 
sance   239 

LoisY  (A),  Les  proverbes  de  Salomon 5oo 

Lombard,  La  Petite  ville  allemande  de  Kotzebue 57 

Marquardsen,  Le  droit  public  des  États  modernes 479 

Mativet,  Tableaux  synoptiques  d'histoire  étrangère 459 

Melzi,  Dictionnaire  français-italien 119 

MuNTz  (Eug.),  Constructions  du  pape  Urbain  V  à  Montpellier.  419 

Némethy,  Etudes  des  fragments  d'Evhemère 139 

Neue  Kirchliche  Zeitschrift 120 

Nouveau-Testament  de  Tischendorf,   8"  éd.    major,    vol,    III, 

tasc.  II,  p.  p.  Gregory  et  Abbot 280 

Pélissier  (L.  p.),  Lettres  de  soldats i38 

Plato  club  (le)  de  Bloomington,  Missouri 139 

Regel,  Lectures  de  Thackeray , 459 

Réimpressions  berlinoises 80 

Ristelhuber,  Contes  alsaciens,  II 58 

Ruggiero,  Dizionario  epigrafîco 438 

Sathas,  Documents  inédits  relatifs  à  Phistoire  de  la  Grèce  au 

moyen  âge,  IX 398 

Sayous,  Etudes  sur  la  religion  romaine  et  le  moyen  âge  oriental.  i  38 

Schliemann,  Fouilles  de  Hissarlik 20 

Sepet,  Les  préliminaires  de  la  Révolution 319 

Société  des  études  historiques 338 

Société  d'histoire  et  de  géographie^  àcï\Jmv&rs\\é  àt'L\ts,Q.  .   .  199 

Société  Jablonowski^  prix  "proposés 339 

Solerti  et  de  Nolhac,  Le  Voyage  de  Henri  III  en  Italie i39 

Steiner  et  Scheindler,  Exercices  pour  la  seconde  année  de  latin.  299 

Strauch,  Bibliographie  de  la  littérature  allemande  moderne,  1888.  459 
Tamizey  de  Larroque,  Lettres  inédites  de  quelques  membres  de 


TABLE    DES    MATIÈRES  XXVII 

pages 

la  famille  de  Monluc, 56 

—  Une  gerbe  de  billets  inédits 338 

Tauvel,  Vie  du  Père  Damien 178 

Thédenat,  Apollo  Vindonnus 38 

Thewrewk  de  Ponor,  Édition  critique  de  Festus 20 

Thomas,  (Em.),  Les  poésies  de  Catulle 5  18 

Thomas  (Gabriel),  Du  Danube  à  la  Baltique 438 

Weidner,  3°  éd.  de  Cornélius  Nepos 399 

Weiss  (R.),  Du  digamma  dans  les  Hymnes  homériques 139 

Zeitschrijtfur  die  Geschichte  des  Oberrheins.       459 

Zeitschriftfur  Psychologie  und  Physiologie  der  Sinnesorgane.  338 


Lettres  et  communications 

Kleber  et  son  dernier  biographe  (un  Strasbourgeois) 419 

Lettre  de  M.  Bourgoin  et  réponse  de  M.  Delboulle 218 

Lettre  de  M.  Brandt  et  réponse  de  M.  R.  Duval 237 

Lettre  de  M.  Cartault  et  réponse  de  M.  Salomon  Reinach 119 

Lettre  de  M.  Psichari 258 

Lettre  de  M.  Ledos  et  réponse  de  M.  Psichari 358 


Sociétés  savantes 

Académie  des  Inscriptions  et  belles-lettres  (bulletin  rédigé  par 
M.  Julien  Havet,  du  20  décembre  1889  au  i3  juin  1890. 

Société  nationale  des  antiquaires  de  France  (Séances,  du  18  décembre 
1889  au  28  mai  1890). 


PERIODIQUES 

ANALYSÉS   SUR   LA  COUVERTURE 


Français. 

Annales  de  l'Ecole  libre  des  sciences  politiques,  n^^  i  et  2. 
Annales  de  l'Est,  n^s  j  et  2. 


XXVUI  TABLK    DliS    MATIERES 

Annales  du  Midi,  n°*  5  et  6. 

Bulletin  critique,  n"  24(1889)  et  no^  1-12  (1890). 

Bulletin  du  Cercle  Saint-Siinon,  n°  i. 

La  Révolution  française,  14  déc,  1889 —  14  juin  1890 

Revue  de  l'art  chrétien,  janvier  1890. 

Mélusine,  n»  24  (1889)  et  n»»  i-3  (1890). 

Revue  celtique,  no  4  (1889)  et  n»*  i  et  2  (1890). 

Revue  d'Alsace,  fasc.  IV  (1889)  et  fasc.  I  et  II  (1890). 

Revue  des  études  grecques,  n»*  7-9 . 

Revue  historique,  n°^  i,  2  et  3. 

Revue  rétrospective,  i^i"  jaiivier-i^r  juin  1890. 

Remania,  janvier  et  avril  1890. 


Allemands. 

Altpreussische  Monatsschrift,  fasc. VII  et  VIII  (1889),  fasc.  I-IV  (1890). 
Bertiner  philologische    Wochenschrift,    n°   5i-52    (1889)  et  n°^  1-24 

(1890). 
Deutsche  Litteraturieitung,  n°  5  i  (1889)  et  no*  i-25  (1890). 
Deutsche  Rundschau,  janvier-juillet  1890. 
Forschungen  ^ur  brandenburgischen    und    preussischen    Geschichte, 

III,  1. 
Germania,  XXII.  4. 

Guttingische  gelehrte  An:{eigen,  n»  25-26  (1889)  et  n^^  i-i  i  (1890). 
Literarisches  Centralblatt,  n°  52  (1889)  et  n^*  i-25  (1890). 
Literaturblatt  fiir  germanische  und    romanische  Philologie,   n»    12 

(1889)  et  nos  1.5  (1890). 
Magasin  fiir  die  Literatur  des  In-und  Auslandes  no  52  (1889)  et  n^s  r- 

24  (  1890). 
Neues  Archiv  der  Gesellschajt  fiir  altère  deutsche  Geschichtskunde, 

XV,  2. 
Theologische  Litteratur:{eitung,  n°  26  (18891  ^^^°^  i-i2  (1890). 
Zeitschrift  fiir  deutsches  Altertum  und  deutsche  Litteratur,  i^'',  2^  et 

3^  fasc. 
Zeitschriftff  deutsche  Philologie,  XXII,  3  et  XXIII,  i. 
Zeitschrift  fiir  katholische  Théologie,  fasc.  I  et  II. 
Zeitschrift  fUr  romanische  Philologie,  XXll,  1-4. 


Anglais, 


The  Academy  n°s  920-945. 
The  Athenaeum,  n°^  3243-3268. 


TABLE    DES    MATIERES  XXIX 


The  Babylonian  and  Oriental  Record,  n°^  2-6. 
The  English  Historical  Review,  avril  1890. 


Belges. 

Revue  de  Belgique,  j5  nov.  1889  —  i5  mai  1890. 
Revue  de  l'instruction  publique  (supérieure  et  moyenne)  en  Belgique, 
nos  1.3. 

Polonais  . 

Bulletin  international  de  l'Académie  des  sciences  de  Cracovie^  décem- 
bre 1889  et  janvier  —  avril  1890. 


LE    PUY,    IMPRIMERIE    MARCHESSOU    FILS,    BOULEVARD    SAINT-LAURENT,    23. 


HH 


4 


«I 

f 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


jMo  1  —  6  janvier  —  1890 


SomBîaSi'e  î  i.  Pétrie,  Howaia,  Biahmou  et  Arsinoe.  —  2.  Congrès  scientitique 
international  et  catholique  de  Paris.  —  3.  Holzmann,  Les  Synoptiques  et  les 
Actes  des  Apôtres.  —  4-6.  Châtelain,  Dictionnaire  latin-français  de  Quicherat  et 
Daveluy;  Lexique  de  Sommer.  —  7.  Hildebrandt,  Le  Culex  de  Virgile.  —  8. 
Baum,  Le  Magistrat  et  la  Réforme  à  Strasbourg.  —  9.  La  Fontaine,  Œuvres,  V. 
p.  p.  H.  Régnier.  —  10.  Eonet-Maurv,  Biirger.  —  11-12.  Lods,  L'Eglise  re'for- 
mée  de  Paris. —  i3.  Rabaud,  Bonifas  Laroque.  —  14,  Arréat,  La  morale  dans 
le  drame.  —  i5.  De  Roberty,  L'Inconnaissable.  —  Chronique. 


I.   —    W.    M.    Flinders    Pétrie.    Mawara,    Biahmu   and    Arsinoe   with    thirty 
plates.  Londres,  Trùbner,  1889,  in-4,  66  p.,  4  pi.  et  un  frontispice. 

M.  Pétrie  a  continué  le  cours  de  ses  fouilles  en  Egypte  avec  grand 
succès.  Le  volume  qu'il  nous  présente  aujourd'hui  contient  le  résultat 
des  recherches  qu'il  a  entreprises  au  Fayoum  pendant  la  saison  d"hiver 
1887-1888,  Le  Fayoum,  a  toujours  été  un  des  marchés  les  plus  riches 
où  se  sont  approvisionnés  les  antiquaires  du  Caire  et  d'Alexandrie,  et 
j'y  avais  installé,  en  i885,  un  service  de  surveillance  qui,  malheureuse- 
ment, n'a  pas  encore  réussi  à  empêcher  le  pillage  des  richesses  archéolo- 
giques qu'on  y  déterre  chaque  jour.  M.  P.  était  attiré  de  ce  côté  tant 
par  la  découverte  récente  de  portraits  de  l'époque  grecque,  que  par  le 
désir  d'explorer  les  pyramides  d'Howârâ,  d'Ulahoun  et  de  Biahmou. 
Son  travail,  mené  pendant  deux  ans  avec  l'autorisation  du  musée,  s'est 
donc  poursuivi  sur  les  sites  des  trois  pyramides,  en  même  temps  que 
dans  les  cimetières  des  villes  anciennes  où  l'on  avait  chance  de  rencon- 
trer des  objets  intéressants,  portraits,  étoffes  ou  papyrus. 

Le  premier  champ  qu'il  explora  s'étend  de  la  vallée  du  Nil  à  la  plaine 
d'Arsinoé,  à  travers  le  défilé  assez  étroit  par  lequel  le  Bahr-Youssouf 
lance  celui  de  ses  bras  qui  porte  les  eaux  au  Fayoum,  11  est  délimité  à 
chaque  extrémité  par  des  restes  de  pyramide,  par  ceux  de  la  pyramide 
d'Howârà  du  côté  du  Fayoum,  par  ceux  de  la  pyramide  d'Ulahoun  du 
côté  de  la  vallée.  La  pyramide  d'Howârà  n'a  été  définitivement  ouverte 
qu'en  1889,  et  la  description  des  objets  qu'elle  renferme  se  trouvera 
dans  un  autre  volume  que  celui  dont  je  rends  compte.  L'effort  de  M.  P. 
en  1888  porta  avant  tout  sur  les  ruines  dans  lesquelles  Lepsius  avait 
cru  reconnaître  le  Labyrinthe.  L'opinion  de  Lepsius,  admise  parla  plu- 
part des  Egyptologues,  n"était  point  partagée  par  Mariette.  Louis  Vas- 
salli,  qu'il  envoya  en  reconnaissance  sur  le  site  indiqué  en  186 1,  revint 
convaincu  que  les  ruines  d'Howârâ  n'étaient  point  celles  du  Labyrin- 
Nouvelle    série,  XXIX.  i 


2  REVUE    CRITIQUE 

the,  mais  appartenaient  à  des  constructions  d'assez  basse  époque,  au  mi- 
lieu desquelles  les  habitants  de  la  ville  d'Arsinoé  enterrèrent  leurs 
morts  ^  Les  fouilles  de  M.  P.  ont  démontré  complètement  la  justesse 
des  appréciations  que  Mariette  et  Vassalli  avaient  émises.  «  Les  débris 
«  que  Lepsius  prenait  pour  ceux  des  murs  et  des  chambres  du  Labyrin- 
«  the  sont  simplement  les  maisons  et  les  tombes  de  la  population  qui 
a  détruisit  ce  grand  édifice.  L'amas  d'édifices  en  briques  qu'il  identifiait 
«  avec  un  des  côtés  du  labyrinthe  représente  les  rues  d'un  village,  fondé 
«  sur  le  lit  épais  d'éclats  de  pierre  qui  marque  la  destruction  d'un  ou- 
«  vrage  en  maçonnerie  ;  le  couloir  en  pierre,  qu'il  a  figuré  sur  les  plan- 
«  ches  des  Denkmuler,  faisait  partie  d'une  tombe  bâtie  au  fond  d'un 
«  puits,  creusé  dans  ce  lit  de  décombres  après  que  toute  cette  partie  du 
a  Labyrinthe  eut  été  détruite  ~.  »  C'était,  comme  M.  P.  le  remarque,  la 
petite  ville  que  Strabon  mentionne  et  qui  s'était  établie  naturellement 
à  l'endroit  où  la  destruction  avait  commencé.  Les  ingénieurs  européens 
du  chemin  de  fer  ont  achevé  ce  que  les  fellahs  d'autrefois  avaient 
si  bien  commencé,  et  il  ne  subsiste  plus  aujourd'hui  de  l'édifice  tant 
vanté  par  les  anciens  que  des  blocs  isolés  du  patin  en  pierre  de  taille 
sur  lequel  il  se  dressait,  et  quelques  fragments  d'architraves  et  de  colon- 
nes au  nom  d'Amenemhâït  III  et  de  Sovkounofriou  :  M.  P,  a  même 
retrouvé  un  bout  d'inscription  qui  rappelle  les  constructions  de  cette 
dernière  reine.  Le  labyrinthe  était  primitivement  le  temple,  la  chapelle 
de  double,  attachée  à  la  pyramide  d'Amenemhâït  III,  et  peut-être 
agrandie  plus  tard,  M.  P.  essaie  d'en  restaurer  le  plan  en  comparant  le 
peu  qui  reste  sur  les  lieux  avec  les  descriptions  d'Hérodote,  de  Diodore, 
de  Strabon  et  de  Pline  (pi.  xxvi).  Il  obtient  de  la  sorte  un  plan  d'édifice 
assez  irrégulier,  ce  qui  est  d'ailleurs  conforme  à  l'impression  que  nous 
laissent  les  passages  des  auteurs  anciens.  J'ai  toujours  pensé,  quant  à 
moi,  que  le  Labyrinthe  devait  présenter  des  dispositions  analogues  à 
celles  qu'on  remarque  au  temple  de  Séti  P""  à  Abydos,  et  la  restauration 
de  M.  P.  me  confirme  dans  cette  idée. 

Le  cimetière  d'Hawârâ,  celui  du  moins  que  M.  P,  a  exploité,  est 
presque  entièrement  d'époque  gréco-romaine.  Les  quelques  fragments 
attribués  à  la  XX"^  dynastie  ont  été  trouvés  dans  la  maçonnerie  des 
tombes  ptolémaïques.  Quelques  sarcophages  de  la  XIP  dynastie,  violés 
et  usurpés  à  plusieurs  reprises,  sont  arrivés  intacts  jusqu'à  nous  :  ils  ne 
portent  malheureusement  aucune  inscription.  Parmi  les  cercueils  de 
style  purement  égyptien,  le  plus  intéressant  est  celui  d'un  certain  An- 
khâroui  (ou  Ankh-Shou-Tefnouit) ,  fils  de  Zadbastitaoufônkhou,  et 
prince  du  Fayoum,  probablement  sous  les  derniers  Ptolémées.  Il  est  en 
bois  de  sycomore  stuqué  et  porte  des  dessins  d'une  finesse  et  d'une  élé- 
gance extraordinaires. Toutefois  les  cercueils  de  stylegrec  l'emportent  de 

1.  L.  V'assalli,  Rapport  sur  les  fouilles  du  Fayoum  dans  le  Recueil,  t.  V,  p.  37- 

41- 

2.  Pétrie,  Howdrâ,  p,   5. 


3  HISTOFRK    ET    DK    LSTrEHATUKK  3 

beaucoup  sur  les  cercueils  de  st3-le  égyptien.  Ce  sont  eux  qui  ont  fourni 
à  M.  P.  une  riche  collection  de  portraits  à  Tencaustique,  répartie  aujour- 
d'hui entre  le  musée  de  Boulaq  et  le  British  Muséum.  Nous  avons  vu 
récemment  à  Paris  l'admirable  galerie  que  MM,  Graff  et  Richter  de 
Vienne  ont  rassemblée  dans  diverses  localités  du  Fayoum  :  je  n'insiste- 
rai donc  pas  sur  cette  partie  des  découvertes  de  M.  Pétrie.  Je  me  con- 
tenterai de  renvoyer  au  frontispice  et  à  la  pi.  x,  où  ii  a  reproduit  dix- 
huit  d'entre  eux  en  petites  dimensions,  par  un  des  nombreux  procédés 
connus  d'impression  photographique,  et  de  répéter  une  fois  de  plus  que 
tous  les  doutes  élevés  dans  le  public  contre  lauthenticité  de  ces  curieu- 
ses peintures  n'ont  pas  de  fondement  sérieux.  M.  P.  pense  que  ces  por- 
traits ont  été  exécutés,  pour  la  plupart,  du  vivant  du  modèle,  et  ont  été 
utilisés  ensuite  pour  la  fabrication  du  cercueil  :  on  les  encastrait  dans  la 
partie  supérieure  du  couvercle,  à  la  place  que  le  masque  en  relief  occu- 
pait jadis  dans  les  gaines  de  pur  style  égyptien.  De  fait,  il  a  retrouvé  l'un 
d'eux  encore  encadré  d'un  châssis  en  bois.  Il  suppose  même  qu'un  verre 
transparent   protégeait  le  panneau  contre  les  atteintes  de  l'air  et  de  la 
poussière  (pi.  xn).  Les  momies  ainsi  munies  de  portraits  datent  pour  la 
plupart  de  l'époque  des  Antonins  ou  de  celle  des  Sévères.  Certains  signes 
extérieurs  montrent  qu'elles  ont  été  conservées  plus  ou  moins  longtemps 
dans  des  chambres  accessibles  aux  parents,  avant  d'être  entassées  en  masse 
dans  les  caveaux  où  on  les  trouve  aujourd'hui.  J'avais   déjà  signalé  le 
même  fait  à  Akhmîm  et  j'avais  rappelé  à  ce  propos  et  les  témoignages  des 
auteurs  classiques,  depuis  Hérodote,  et  le  contrat  bilingue,  dit  Papyrus 
Casati,  qui  nous  avait  fait  connaître  l'acte  de  vente  d'un  de  ces  chan- 
tiers à  momies  avec  la  liste  des  occupants  '  :  la  nécropole  de  Howâra 
nous  donne  un  nouvel  exemple  de  cette  coutume  particulière  à  TÉ- 
gypte. 

Après  les  portraits,  d'autres  diront  avant,  les  papyrus  ont  fourni  à 
M.  P.  l'appoint  le  plus  important  de  ses  fouilles.  M.  Sayce,  qui  a  rédigé 
ce  chapitre  de  l'ouvrage,  en  compte  quatre  cent  quatre-vingt-douze 
(492),  complets  ou  en  fragments.  Les  uns  étaient  déposés  avec  les  mo- 
mies mêmes,  en  guise  de  livre  de  chevet,  comme  ce  rouleau  qui  renfer- 
mait les  deux  premiers  livres  de  l'Iliade  (p.  24  sqq.).  Les  autres  ont  été 
découverts  mêlés  au  sable  et  aux  décombres,  dans  les  ruines  des  mai- 
sons. M.  Sayce  a  relevé  soigneusement  les  variantes  accidentelles  ou 
critiques,  que  présente  le  nouveau  manuscrit  de  VIliade.  Il  signale 
encore  parmi  les  papyrus  qui  contenaient  des  œuvres  littéraires,  les  res- 
tes d"un  cahier  d'écolier  où  sont  transcrits  douze  vers  de  Virgile,  Non 
tibi  Tyndaridis faciès,  etc.,  des  fragments  très  mutilés  où  la  mention 
de  l'Hyrcanie  semble  indiquer  une  vie  d'Alexandre  ou  une  histoire  de 
ses  successeurs,  une  description  des  fortifications  et  des  ports  de  Syra- 
cuse où  il  est  question  de  Dion  et  qui  pourrait  bien  appartenir  à  l'ou- 
vrage de  Timée.   La  plupart  des   papyrus  sont  des  pièces   d'adminis- 

1.  Maspero,   Voyage  d'inspection  en  1884,  à&ns  \q  Bulletin  de  VInstitiit  égyptien, 
iS83,  p.  62-71. 


4  REVUE    CRITIQUE 

tration,  lettres  officielles  ou  privées,  comptes,  registres  de  contribu- 
tions et  listes  de  contribuables.  Les  plus  anciens  portent  des  dates 
ptolémaïques,  les  plus  modernes  ne  paraissent  pas  descendre  au  delà  de 
Tépoque  d'Antonin.  Beaucoup  d'entre  eux  sont  dans  un  état  de  destruc- 
tion lamentable  et  ne  pourront  être  utilisés  qu'après  de  longues  études  : 
toutefois  le  nombre  des  pièces  provenant  du  Fayoum  est  si  considérable, 
qu'on  pourra  très  probablement  restituer  par  la  comparaison  plus  d'un 
de  ces  papiers  d'affaiies  dont  le  texte  semble  être  désespéré  aujourd'hui. 
Quelques  morceaux  en  écriture  hiératique  et  démotique,  quelques  au- 
tres en  écriture  et  en  langue  copte  complètent  cette  collection  qui  est  au 
British  Muséum.  La  traduction  des  inscriptions  hiéroglyphiques  par 
M.  Griffilh,  une  étude  sur  la  technique  des  portraits  gréco-romains  à 
Tencaustique  par  A.  Cecil  Smith,  un  catalogue  raisonné  des  fleurs  et 
plantes  ramassées  dans  les  tombeaux  par  M.  Newberry,  montrent  com- 
bien la  récolte  de  documents  faite  par  M.  P.  à  Howârâ  a  été  riche  et 
variée. 

Le  site  de  Biahmou  a  fourni  moins  de  monuments.  Les  débris  de  mur 
qu'on  y  voit  passent  généralement  pour  être  les  restes  de  deux  pyrami- 
des. M.  P.  avait  été  amené  par  un  premier  examen  fait  en  1881-1882  à 
les  considérer  comme  marquant  l'emplacement  de  deux  cours  au  milieu 
desquelles  s'élevaient  deux  statues  colossales.  Les  fouilles  de  cette  année 
l'ont  confirmé  dans  celte  manière  d'envisager  les  choses.  Les  deux 
grands  piédestaux  qu'il  y  a  reconnus  lui  paraissent  être  les  deux  pyrami- 
des, surmontées  de  statues  assises,  dont  Hérodote  parle  dans  sa  descrip- 
tion du  labyrinthe  :  si  l'auteur  grec  les  dépeint  comme  étant  à  demi 
submergées,  c'est  qu'il  vit  le  Fayoum.  de  Crocodilopolis,  pendant 
l'inondation.  Le  plan  et  l'élévation  que  M.  P.  donne  à  la  planche  xxvi 
de  l'une  de  ces  statues  restaurée  sont  très  vraisemblables,  sinon  dans  le 
menu  détail  au  moins  dans  l'ensemble.  Il  a  du  reste  retrouvé  une  partie 
du  pavé  de  la  cour  et  des  murs  d'enceinte,  le  nez  d'une  statue  colossale 
et  du  trônesur  lequel  elle  était  assise.  Un  morceau  d'inscription  au  nom 
dWmenemhâït  III  provient  de  la  porte,  et  semble  indiquer  que  ce  roi 
construisit  ou  tout  au  moins  répara  le  monument.  Gomme  complément 
de  ces  fouilles,  M.  P.  fit  quelques  excavations  à  la  recherche  de  monu- 
ments du  Moyen-Empire  sur  le  site  d'un  temple  qui  s'élevait  à  la  par- 
tie nord  d'Arsinoé,  l'ancienne  Crocodilopolis.  Il  avait  été  construit 
avant  la  XI P  dynastie,  car  une  statue  dWmenemhâït  I"  y  a  été  décou- 
verte, mais  Amenemhâït  III  y  travailla,  les  Pharaons  de  l'époque  saïte 
le  réparèrent  et  il  existait  encore  presque  intact  au  début  de  l'époque 
romaine.  Le  peu  qui  s'en  était  conservé  au  commencement  du  siècle  a 
été  détruit  depuis  quelques  années,  et  ce  i\'est  qu'à  grand'peine  que 
M.  Pétrie  a  pu  retrouver  quelques  indications  qui  lui  ont  permis  d'en 
dresser  le  plan  (pi.  xxix). 

Le  volume  renfermant  le  résultat  des  excavations  faites  durant  l'hiver 
de  1 888-1889  ^st  sous  presse  et  paraîtra  bientôt, 

G.  Maspero. 


D  HISTOIRE    ET   DE    LITTERATURE  5 

2,  —  Congrès  scientifique  international  des  catholiques,  tenu  à  Paris  du  S  au 
i3  avril  liiSS.  Paris,  Bureaux  des  Annales  de  philoso]:hic  chrétienne,  1889. 
2  vol.  in-8  de  cxxui-452  et  800  p.  Prix;  i5  francs. 

Le  congrès  dont  on  vient  de  publier  le  compte-rendu  officiel,  est  né 
de  l'initiative  de  Ms'"  d'Hulst,  recteur  de  l'Institut  catholique  de  Paris. 
Le  projet  en  avait  été  approuvé  par  un  bref  du  Pape,  daté  du  20  mai 
1887,  sous  la  réserve  expresse  qu'il  n'y  serait  pas  traité  de  théologie, 
cwn  reriim  divinarum  major  sit  et  altitiido  et  gravitas  quavi  iit 
digne  qiieant  pro  concione  tractari.  On  devait  donc  discuter  les 
questions  scientifiques  en  faisant  uniquement  appel  à  la  science,  non 
sans  le  dessein  de  vérifier  partout  Taccord  de  ses  conclusions  avec  la 
foi.  Les  sujets  à  étudier  ont  été  répartis  entre  six  sections,  sciences  reli- 
gieuses, philosophiques,  juridiques,  anthropologiques,  mathématiques 
et  naturelles.  La  dernière  section  a  été  fort  négligée;  en  revanche,  le 
Congrès  a  reçu  quelques  bons  mémoires  d'anthropologie.  Comme  il  y 
a,  dans  les  deux  gros  volumes  que  nous  avons  sous  les  yeux,  des  tra- 
vaux qui  ne  rentrent  pas  dans  le  cadre  de  cette  Revue,  et  quelques-uns 
—  heureusement  en  petit  nombre  —  qui  ne  méritaient  guère  d'être  pu- 
bliés, nous  nous  contenterons  de  signaler  brièvement  ceux  qui  parais- 
sent utiles  à  connaître,  sans  nous  mettre  en  peine  de  discuter  la  va- 
leur des  autres.  L'impression  d'ensemble  que  laisse  la  lecture  de  ces 
mémoires  est  très  favorable  aux  organisateurs  du  Congrès;  ils  ont  su 
réprimer  ou  éliminer  les  écarts  de  langage,  les  intempérances  de  polé- 
mique, et  ce  n'est  qu'à  de  rares  intervalles  qu'on  voit  apparaître,  dans 
cette  longue  série  d'études,  quelques-unes  des  préoccupations  de  l'heure 
présente  qui  ne  sont  pas  d''ordre  purement  scientifique. 

I.  Sciences  religieuses,  —  Notre  collaborateur  M.  l'abbé  Loîsy  a 
traduit  et  commenté  un  petit  rituel  magique,  conservé  sur  une  brique 
de  la  bibliothèque  d'Assurbanipal  [W.  A.  I.  t.  V,  pi.  5o-5i);  il  con- 
tient l'indication  de  recettes  médicales  destinées  au  roi.  Un  détail  cu- 
rieux, et  dont  l'archéologie  classique  peut  tirer  parti  pour  l'explication 
des  (XTCOTpoTra'.a,  est  fourni  par  la  deuxième  incantation  :  la  maladie  y 
est  attribuée  à  un  démon  qui  s'introduit  dans  le  corps  des  hommes  et 
qu'on  peut  mettre  en  fuite  en  lui  montrant  sa  propre  image  (t.  I, 
p.  1-21).  —  M.  Robiou  a  étudié  les  influences  étrangères  exercées  sur  la 
religion  de  l'ancienne  Egypte  (t.  I,  p.  22-60)  ;  il  n'admet  pas  une  mo- 
dification des  croyances  égyptiennes  par  l'invasion  des  Hérousha  après 
la  VI"  dynastie  (théorie  de  M.  Krall),  ni  une  influence  due  aux  Hé- 
breux à  l'époque  de  la  réforme  d'Amenhotep  IV.  En  revanche,  il  croit 
que  «  le  contact  intime  et  prolongé  avec  le  panthéisme  presque  entière- 
ment matérialiste  de  l'Asie  occidentale  »  a  profondément  altéré  les  doc- 
trines primitives  de  l'Egypte.  —  M.  l'abbé  de  Broglie,  dans  un 
travail  sur  les  généalogies  bibliques  (t.  I,  p.  92-153),  propose  de 
traduire  tholedoth  par  «  l'histoire  de  la  descendance  »,  suivant  le  sys- 
tème de  Kurtz,  nie  que  certaines  généalogies  soient  mythiques  et  ethno- 


0  REVUE    CRITIQUE 

graphiques,  soutient  que  le  terme  «  a  engendré  »  ne  désigne  pas  néces- 
sairement la  descendance  immédiate,  d'où  la  non-continuité  des  généa- 
logies, etc.  —  M.  Graffin  a  insisté  sur  certains  archaïsmes  de  langage 
qui  se  trouvent  dans  le  Pentateuque,  mais  non  dans  le  livre  de  Josué, 
ce  qui  condamnerait  la  théorie  de  Y Hexateuque  et  confirmerait  la  haute 
antiquité  des  livres  mosaïques  (t.  I,  p.  1 54-1 65). 

II.  Sciences  philosophiques.  —  Notons  seulement,  dans  cette  section, 
un  mémoire  de  M.  Tabbé  Roiisselot  sur  l'origine  du  langage  (t.  I, 
p.  3o2-3i3].  «  En  fait  de  langue,  l'homme  ne  crée  rien  actuellement; 
loin  de  nous  montrer  en  œuvre  sa  puissance,  Thistoire  des  sons  nous 
fait  assister  à  la  dégradation  successive  d'un  fonds  ancien.  »  La  conclu- 
sion est  celle  de  Joseph  de  Maistre  et  de  Bonald. 

III.  Sciences  juridiques.  —  Les  travaux  de  M.  Cauvière  sur  le  di- 
vorce avant  Tère  chrétienne  (t.  II,  p.  68-90),  de  M.  Dehaye  sur  l'ou- 
trage à  la  religion  dans  les  diverses  législations  de  l'Europe  (t.  II, 
p.  i22-i3i),  de  M.  L.  Olivi  sur  les  capitulations  dans  les  états  musul- 
mans (t.  II,  p.  177-191),  de  M.  E.  Michel  sur  les  lois  successorales 
dans  leur  rapport  avec  la  puissance  d'expansion  des  différentes  races 
(t.  II,  p.  225-232),  de  M.  Chevalier  sur  l'Assistance  publique  depuis  la 
Révolution  (t.  II,  p.  233-246),  intéressent  plus  particulièrement  les 
études  historiques.  Nous  laissons  de  côté  ce  qui  est  exclusivement  juri- 
dique ou  relatif  aux  questions  sociales. 

IV.  Sciences  historiques.  —  M.  de  Rossi  a  donné  un  très  intéressant 
article  sur  les  nouvelles  découvertes  faites  dans  le  cimetière  de  Priscilla 
(t.  II,  p.  261-267).  Les  inscriptions  qu'on  y  a  recueillies,  relatives  aux 
Acilii  Glabriojies,  établissent  que  cette  grande  famille  était  chrétienne 
au  n«  siècle  et  tendent  à  prouver  que  le  consul  de  91,  mis  à  mort 
par  Domitien  en  95,  était  un  chrétien  lui-même.  —  M.  l'abbé  Clerval 
a  étudié,  d'après  VHeptateuchon  de  Thierry  de  Chartres,  l'enseignement 
des  arts  libéraux  à  Chartres  et  à  Paris  dans  la  première  moitié  du 
XII''  siècle  (t.  II,  p.  277-296).  —  Le  chef  actuel  des  Bollandistes,  le  R. 
P.  de  Smedt.,  a  essayé  de  montrer  que  l'organisation  des  églises  chré- 
tiennes, jusqu'au  milieu  du  m"  siècle,  n'a  jamais  été  démocratique 
ni  oligarchique  (t.  II,  p.  297-338).  —  M.  G.  Kurth  s'est  occupé  des 
sources  de  l'histoire  de  Clovis,  en  particulier  de  Grégoire  de  Tours 
(t.  II,  p.  339-386);  avec  M.  Arndt,  il  ne  croit  pas  que  Marius  d'Aven- 
ches  ait  copié  Grégoire,  ni  inversement,  mais  qu'ils  ont  puisé  l'un  et 
l'autre  à  une  même  source,  les  Annales  Burgondes.  La  Vita  Remigii 
et  la  Vita  Maxetitii  que  Grégoire  dit  avoir  consultées,  sont  des 
ouvrages  aujourd'hui  perdus,  remplacés  plus  tard  par  les  documents 
de  moindre  valeur  qui  nous  sont  parvenus  sous  les  mêmes  titres.  Le 
travail  de  critique  de  M.  Kurth  est  conduit  avec  une  méthode  et  une 
netteté  remarquables.  —  M.  l'abbé  Duchesne  propose  de  considérer  l'é- 
glise de  Milan,  et  non  celle  de  Lyon,  comme  la  mère  de  la  liturgie  galli- 
cane, primitivement  identique  à  la  liturgie  ambrosienne  (t.  II,   p.  387- 


D  HISTOIRE    RT    DE    LITTEKaTURR  7 

396).  —  M.  l'abbé  Batiffol  étudie  l'écrit  apocryphe  intitulé  Histoire 
du  juste  Joseph  et  d'Aseneth  son  épouse, dom  il  a  récemment  retrouvé  et 
publié  le  texte  grec  (t.  II,  p.  397-400).  —  M.  P.  Fournier  miontre  que 
les  Fausses  Décrétâtes^  les  Faux  Capitulaires  de  Benoist  le  Diacre  et 
les  Capitula  Angilramni  ont  été  composés  non  à  Mayence  ni  à  Reims, 
mais  au  Mans,  suivant  l'opinion  émise  en  1886  par  M.  B.  Simon  (t.  II, 
p.  403-419).  Signalons  encore  deux  notes  de  M.  Tabbé  Boudinhon  sur 
le  concile  de  Laodicée  (t.  II,  p.  420-427)  et  de  M.  Y ixhhé Malnory  sur 
le  quatrième  pseudo-concile  de  Carthage  (p.  428-439). 

V.  Sciences  naturelles.  —  Le  seul  travail  qui  rentre  par  certains  pas- 
sages dans  notre  cadre  est  celui  de  Tabbé  David  sur  la  faune  chinoise 
(t.  II,  p.  451-467).  Le  savant  naturaliste  a  recueilli  lui-même  à  plu- 
sieurs reprises  des  ossements  de  mammouth  et  de  rhinocéros  ticho- 
rhinus  dans  les  parties  superficielles  du  loess  de  la  Chine  et  de  la  Mon- 
golie ;  il  pense  que  ces  mammifères,  qualifiés  de  quaternaires  dans 
l'Europe  occidentale,  ont  subsisté  dans  la  Haute-Asie  jusqu'à  Tépoque 
historique.  Nous  ne  pouvons  que  signaler  un  beau  mémoire  de  M.  de 
Lapparent  sur  la  formation  de  Técorce  terrestre  et  l'hypothèse  de  Laplace 
(t.  II,  p.  481-500). 

VI.  Sciences  anthropologiques.  —  Le  mémoire  de  M.  A.  Arcelin  sur 
l'homme  tertiaire  (t.  II,  p.  638-667)  conclut  naturellement  par  un  non 
liquet;  c'est  le  seul  travail  où  Ton  trouve  un  résumé  complet  de  tout 
ce  qui  a  été  écrit  sur  cette  question  et  une  étude,  fondée  sur  des  recher- 
ches personnelles,  des  phénomènes  de  dislocation  des  silex  qui  ont  égaré 
l'abbé  Bourgeois,  M.  de  Mortillet  et  d'autres.  —  M.  d''Acjr  s'est  occupé 
des  crânes  de  Canstadl,  du  Néanderthal  et  de  TOlmo  (t.  II,  p.  668- 
683);  avec  M.  Dawkins,  il  croit  impossible  d'assigner  une  date  quel- 
conque aux  deux  premiers,  mais  il  considère  le  dernier  comme  inter- 
glaciaire. —  M.  l'abbé  Ducrost  a  décrit  une  fois  de  plus  la  station  de 
Solutré,  qu'il  connaît  mieux  que  personne  (t.  II,  p.  684-703).  — M.  de 
Beaujffort  a  traité  des  sépultures  quaternaires  de  Spy,  qui  ont  livré  en 
1886  des  crânes  devenus  célèbres  (p.  704-709);  le  fait  de  Penvelisse- 
ment  intentionnel  n'est  cependant  pas  encore  hors  de  doute.  Nous 
avons  déjà  rendu  compte  ici  même  de  l'excellent  mémoire  du  R.  P. 
Van  den  Gheyn  sur  l'origine  européenne  des  Aryas  (t.  II,  p.  718-760). 
Le  volume  se  termine  par  un  discours  de  M.  deNadaillac  intitulé  :  Les 
découvertes  préhistoriques  et  les  croyances  chrétiennes  (t.  II,  p.  761- 
771),  où  l'auteur  a  surtout  insisté  sur  la  thèse  monogéniste. 

Beaucoup  d'autres  travaux  sont  résumés  brièvement  dans  les  comptes 
rendus  des  séances,  qui  font  suite  aux  mémoires  de  chaque  section;  on 
y  trouve  aussi  l'analyse  des  discussions,  souvent  remarquables,  auxquel- 
les ces  diverses  communications  ont  donné  lieu. 

Un  second  Congrès  scientifique  internatiotial  des  catholiques  est 
annoncé  pour  1891  ;  nous  souhaitons  qu'on  y  apporte,  comme  au  pré- 
cédent, de  nombreux  mémoires  qui  auraient  pu  aussi  bien  paraître  ail- 


8  REVUE    CRITIQUE 

leurs.  Tel  est,  en  effet,  le  critérium  de  leur  râleur  ou  de  leur  esprit 
scientifique.  Les  éditeurs  du  futur  Congrès  feront  sagement  de  compo- 
ser un  index  et  de  surveiller  encore  plus  attentivement  les  typogra- 
phes '. 

Salomon  Reinach. 


3.  —  Ilaiicl.Cojnîîienlai*  zuui  IVouen  Xestanient,  bearbeiiet  von  Holz- 
mami,  Lipsius,  Schmiedel,  v.  SoJeii.  i'^'"  volume,  Les  Synoptiques  et  les  Actes 
des  Apôtres,  par  Holzmann.  Freiburg  i.  B.,  J.  G.  B.  Mohr,  i88g.  In-8,  xvm  et 
43  2  pages. 

Le  Commentaire  manuel,  dont  la  maison  Mohr  a  entrepris  la  publi- 
cation, se  distinguera  par  ses  dimensions  restreintes.  M.  Holzmann  de 
Strasbourg  s'est  chargé  de  la  plus  grosse  part  de  la  besogne  :  Evangiles, 
Actes  des  apôtres,  lettres  johanniques  et  Apocalypse.  M.  Lipsius  a 
donné  son  concours  pour  plusieurs  des  épîtres  pauliniennes,  le  reste 
ayant  été  confié  à  des  hommes  moins  en  vue.  L'ouvrage  sera  complet 
en  quatre  volumes,  dont  nous  avons  déjà  le  premier  sous  la  main;  les 
trois  autres  sont  annoncés  pour  la  première  partie  de  l'année  1890. 
Chacun  des  livres  est  précédé  d'une  courte  introduction  passant  en  revue 
les  principales  questions.  Voici,  par  exemple,  comment  M.  H.  a  pro- 
cédé en  ce  qui  concerne  les  trois  premiers  évangiles.  Il  y  traite  d'abord 
du  Problème  synoptique^  puis  de  la  Tradition  de  la  vie  de  Jésus,  enfin 
de  la  Composition  des  trois  premiers  évangiles^  en  se  bornant  à  ce  qui 
est  strictement  indispensable  pour  l'intelligence  du  commentaire  pro- 
prement dit  et  sans  s'engager  dans  les  détails  qui  appartiennent  à  l'Isa* 
gogique.  M.  Holzmann  n'a  pas  traité  les  synoptiques  isolément  et  suc- 
cessivement, ce  qui  eût  engendré  de  fastidieuses  redites,  mais  les  a  dis- 
posés et  étudiés  sous  forme  d'une  synopse,  à  laquelle  Marc  sert  de  base. 
Ce  procédé,  qui  a  forcément  quelque  chose  d'arbitraire,  ou,  si  l'on  pré- 
fère, de  personnel,  est  sans  inconvénient  dans  un  travail  de  cette  na- 
ture. 

Les  étudiants  en  théologie  sont  gâtés  en  Allemagne.  Les  maîtres  les 
plus  estimés  leur  servent  la  fleur  de  l'enseignement  dans  des  manuels 
d'un  accès  facile  et  les  éditeurs  y  mettent  du  leur  en  abaissant  les  prix 
jusqu'aux  conditions  des  bourses  les  plus  modestes.  Il  n'en  fallait  pas 
ig^n.l'poxxx  Sissnxtv  3i\x  Hand-Commentar  un  succès  éclatant.  En  dehors 
de  l'Allemagne  et  chez  nous,  en  particulier,  le  livre  fera  aussi  son  che- 
min.  Nous  signalons  à  qui  de  droit  son  apparition,  tout  spécialement 
aux  maisons  de  haut  enseignement  catholique,  où  l'on  pose  souvent 
cette  question  :  où  trouver,  sous  une  forme  à  la  fois  brève  et  technique, 
les  résultats  de  l'exégèse  du  Nouveau-Testament  telle  qu'on  la  pratique 

I.  Une  faute  d'impression  rend  inintelligible  la  fin  d'une  lettre  adressée  parle 
pape  Léon  Xill  à  M^  d'Hulst{t.  I,  p.  iX  :  animo  vos yerturbentes  sequciiiurj.  Je  pro- 
pose perlubeuier.  mais  ce  n'est  qu'âne  conjecture. 


d'histoirk  kt  de  littérature  9 

dans  les  grandes  écoles  prolestantes  ?   La  réponse  est  dans  le  présent 
Manuel. 

M.   VliRNES 


4.  —  Oîctîonnaîre  latiii-Ti-aiiçais,  par  Quicherat  et  Daveluy.  Nouvelle 
édition,  revisée,  corrigée  et  augmentée  d'après  les  travaux  les  plus  récents  de  la 
lexicographie  latine,  par  Emile  Châtelain.  Paris,  Hachette,  18S9,  xxvui-i5i5  pp. 
in-8. 

5.  —  E.  Sommer,  L,exique  latln-français  à  l'usage  des  classes  élémentaires. 
Nouvelle  édition,  entièrement  refondue,  par  Emile  Châtelain.  Paris,  Hachette, 
1886,  vii-471  pp.  in-8. 

6.  —  E.  Sommer,  Lexique  français-latin  à  l'usage  des  classes  élémentaires. 
Nouvelle  édition,  entièrement  refondue,  par  Emile  Châtelain.  Paris,  Hachette, 
1888,  viii-i)i2  pp.  in-8. 

La  nouvelle  édition  du  dictionnaire  latin  français  a  demandé  huit 
ans  de  travail  à  M.  Châtelain  ;  l'ancienne,  qui  a  servi  à  tant  de  généra- 
tions, en  avait  coûté  dix  de  préparation  à  Louis  Quicherat.  Voilà  une  œu- 
vre qui  se  recommande  par  les  soins  qu'on  lui  a  donnés,  en  ces  matières 
où  le  temps  fait  vraiment  quelque  chose  à  Taffaire.  C'est  dire  aussi  que 
M,  C.  ne  s'est  pas  contenté  des  retouches  inévitables  :  il  a  fait  œuvre 
plus  personnelle  que  ne  pourrait  le  faire  croire  sa  trop  modeste  préface. 
Enumérons  quelques-unes  des  améliorations  qu'il  a  introduites. 

Le  lexique  des  noms  propres  a  été  refondu  dans  celui  des  noms  com- 
muns :  tous  ceux  qui  ont  perdu  leur  temps  à  chercher  un  nom  propre 
dans  l'ancien  Quicherat  en  sauront  gré  à  M.  Châtelain.  Pour  les  mots 
rares  ou  présentant  un  emploi  exceptionnel,  le  passage  est  cité.  C'est  en 
effet  la  seule  mesure  dans  laquelle  l'indication  des  références  est  possi- 
ble dans  un  dictionnaire  manuel  :  mais  cette  innovation  était  néces- 
saire. Ces  renvois  au  texte  de  l'auteur  suppléeront  dans  une  certaine 
mesure  à  une  lacune  que  M.  Châtelain  n'a  pas  songé  à  combler.  Ce 
dictionnaire  servira  encore,  espérons-le,  dans  la  confection  du  thème  et 
des  compositions  latines.  Il  eût  donc  été  de  toute  nécessité  de  distin- 
guer par  une  note  ou  par  un  signe  typographique  les  mots  et  locutions 
classiques  des  mots  et  locutions  archaïques,  poétiques,  familières  ou 
appartenant  à  l'époque  impériale.  L'expérience  prouve  que  le  nom  de 
l'auteur  à  côté  du  mot  ne  suffit  pas.  On  aurait  donc  pu  insister  davan- 
tage, à  la  seule  condition  de  ne  pas  abuser  des  signes  diacritiques  et  de 
ne  pas  les  semer  à  tort  et  à  travers,  comme  on  l'a  fait  dans  certain  dic- 
tionnaire grec-français.  L'orthographe  a  été  modifiée,  trop  peu,  à  mon 
avis,  et  surtout  d'une  manière  fort  irrégulière  1.  Il  ne  semble  pas  que 
M.  C.  ait  adopté  une  méthode  sur  ce  point.  Tantôt  la  meilleure  ortho- 
graphe se  trouve  en  tête  de  l'article,  avec  les  graphies  moins  correctes 

I.  On  ne  saurait  trop  louer  M.  Châtelain  d'écrire  résolument  Euander,  Eiiange- 
liiim,  etc.  Il  était  assez  difficile,  avec  notre  mauvais  système  orthographique,  d'ex- 
pliquer aux  élèves  comment  l'équivalent  d'un  epsilon  grec  devenait  long  en  latin. 


10  REVUE    CRITIQUE 

eniie  parenthèses  et  aussi  à  leur  place  alphabétique  avec  renvoi  â  l'ar- 
ticle (voy.  beneuoliis  et  quattuor),  tantôt  et  plus  souvent  c'est  le  con- 
traire. D'ailleurs  un  grand  nombre  de  formes  barbares  ou  incorrectes 
ont  été  conservées  et  restent  têtes  d'articles  :  Annibal  (séparé  de  Hamil- 
car  et  de  Hanno),  ardus  et  composés,  bacca,  bellua,  comiubium,  Enna, 
epistola,  Falconia  (Proba),  genitrix^  Herculanum,  herus,  Iberus,  il- 
lico, laeuis,  latomiac,  Mauritania,  mercenarius,  tnulcta,  petoritum, 
pileus,  pomoerium,  quotidie  (cotidie  n'est  pas  un  archaïsme),  quum, 
soboles,  uillicus^  etc.  Quand  le  mot  est  donné  sous  sa  forme  autorisée, 
les   notations  fautives  sont   présentées   comme  acceptables  ou  même 
équivalentes  :  «  caehim  mieux  que  coelum  »,  «  caemim  ou  coenum  », 
«  ceterus  ou  caeterits  »,  «fétus  ou  foetus  ».    La  différence  de  sens 
qu'emporte  la  différence  d'orthographe  entre  derigo  et  dirigo,  dissi- 
gnator  et  designator,  dissignatio  et  designatio  n'est  pas  indiquée.  Rep- 
puli,  repperi,  rettuli,  rettudi  ne  sont  pas  poétiques. 

Il  serait  facile  et  oiseux  de  multiplier  les  observations  de  détail  i  :  on 
ne  trouverait  pas  deux  personnes  qui  seraient  d'accord  dans  le  choix  des 
choses  à  omettre.  J'ai  préféré  insister  sur  la  méthode  et  en  signaler  les 
petites  défectuosités.  Elles  n'atteignent,  comme  on  le  voit,  que  des 
points  secondaires.  Pour  être  juste,  il  faudrait  établir  la  contre-panie, 
signaler  tous  les  sens  nouveaux  ajoutés,  les  contre-sens  corrigés,  les 
nuances  précisées,  les  mots  employés  dans  les  inscriptions  ou  les  au- 
teurs de  basse  époque  introduits  et  traduits  ~. 

Une  liste  des  auteurs  latins,  avec  une  courte  notice,  le  titre  de  leurs 

ouvrages  et  les  éditions  les  plus  importantes,  se  trouve  en  tête  de  ce 

dictionnaire  :  elle  sera  très  utile,  surtout  si  M.  C.  la  tient  au  courant  ^. 

Dans  ce  but,  elle  a  été  composée  en  mobiles. 

I.  Anteponere  a  un  sens  spécial  quand  il  s'agit  de  sépultures  :  Wilmanns,  Exem- 
pla,  n°  273  ;  —  ara,  sépulture,  aj.  :  Suet.  Nero,  5o;  Tert.  Apol.  53  ;  —  argumenta 
[eraiit  in  ualtiis,  Cic.  Verr.  IV,  124]  a  un  sens  technique  défini  par  Q.uintilien  ;  cf. 
Véd.  Thomas,  p.  io8,  note;  —  Arnensis,  ethnique  de  tribu  romaine  sous  sa  seule 
forme  autorisée;  —  ascriptio,  inscription  d'un  citoyen  sur  les  registres  du  cens;  — 
jBoe//2M5,  ciseleur  de  Chalcédoine;  —  Bosporus,  fém.  Sulp.  Sev.,  dial.  I,  26;  — 
calita,  PoMPONius  ap.  Non.,  178,  24;  —  cancer,  croisée  d'ogive,  Bède  (d'après  J.  Q_ui- 
cherat);  —  centonarii,  compagnie  de  pompiers  qui  éteignent  les  incendies  avec  des 
bâches;  v.  le  mémoire  d'O.  Hirschfeld  sur  le  préfet  des  Vigiles  de  Nîmes;  —  cog- 
nata,  belle-sœur,  Inscr.  (Jullian,  Inscr.  de  Bordeaux,  p.  172);  —  conlegiwn,  ortho- 
graphe archaïque  omise;  —  collocare  in  solo,  CoD.  Iust.  XI,  48,  S,  i  :  établir  un 
tenancier  sur  une  terre;  cupressus,  i,  Hor.,  Epp.,  II,  3,  19;  —  elogium,  rapport  de 
police.  DiG.,  48,  3,  6;  Tert.  — Jîaminium  est  probablement  un  barbarisme  des  édi- 
tions classiques;  cf.  Mommsen,  Eph.  epigr.,  I,  p.  221  ;  —  girba,  omis,  Cass.  Fel., 
p.  63,  3;  —  historia,  roman,  dans  Apvlée  C  Hernies,  XXill,  497,  n.  2);  —  iusum, 
Tert.,  presc,  22:  etc. 

2.  On  trouvera  bien  entendu  dans  ce  dictionnaire  les  résultats  des  recherches  de 
M.  Châtelain  sur  la  prosodie  latine  dont  avait  déjà  bénéficié  le  lexique  publié  en 
1882  (cf.  Rev.  crit.,  1882,  n°  5i).  Ce  dictionnaire  doit  faire  autorité  en  la  matière. 

3.  Je  ne  vois  pas  bien  quel  principe  M.  C.  a  suivi  dans  le  choix  des  éditions.  S'il 
n'a  voulu  indiquer  que  des  éditions  critiques,  on  est  étonné  de  voir  passée  sous  si- 
lence la  seule  édition  critique  de  Phèdre  qui  puisse  compter,  celle  de  M.  L.  Mùller. 


D  HISTOIRK    KT    DR    LITTERAIURB  II 

Ceci  m'amène  à  formuler  un  vœu.  Il  y  a  45  ans  que  la  première 
édition  a  paru  et  il  y  a  54  ans  qu'elle  a  été  commencée.  Pendant  ce 
demi-siècle,  la  lexicographie  latine  a  été  profondément  modifiée;  dans 
un  autre  demi-siècle,  elle  sera  totalement  renouvelée.  11  faut  souhaiter 
que  ce  dictionnaire  soit  toujours  tenu  au  courant;  nous  ne  réclamons 
qu'une  édition  nouvelle  par  période  décennale.  C'est  bien  peu  pour  les 
besoins  de  la  science  :  en  42  ans,  le  dictionnaire  de  K.  E.  Georges  a 
eu  sept  éditions,  c'est-à-dire  a  été  refondu  six  fois.  Mais  le  temps  n'est 
plus  oîi  en  France  une  seule  maison  de  librairie  occupait  le  marché  : 
une  concurrence  s'est  établie,  et  je  pense  n'être  pas  très  hardi  en  affir- 
mant qu'en  ces  dernières  années  la  vente  du  vieux  Quicherat  avait  dû 
baisser.  Espérons  que  cette  concurrence  profitera  au  progrès  de  nos 
études  et  obligera  les  éditeurs  français  à  renoncer  à  des  traditions  lucra- 
tives mais  déplorables. 

Les  deux  Lexiques  que  Sommer  avait  extraits  du  dictionnaire  de 
Quicherat  ont  été  revus  par  M.  Châtelain.  C'est  dire  qu'en  gardant  les 
qualités  pédagogiques  qui  les  avaient  fait  adopter  dans  les  basses  clas- 
ses, ils  ont  été  mis  au  point  et  répondent  aux  exigences  de  la  science. 
Mais  je  suis  de  lavis  de  M.  Châtelain,  qui  termine  la  préface  de  ces 
Lexiques  en  déclarant  qu'on  ne  saurait  mettre  trop  tôt  les  grands  dic- 
tionnaires entre  les  mains  des  élèves. 

Paul  Lejay. 


".^  Studien  auf  dem  Geblete    dei*    i-eemlsclien    Poésie   uiid    Meli'-ik, 

von  Dr  Richard   Hildebrandt  :    I.  Vergils    Culex  ;  in-i6,    176   p.,   Leipzig,  Zan- 
genberg  u.  Himiy,  1887. 

M.  Hildebrandt,  §  126,  reproche  «  au  biographe  français  de  Calvus  » 
d'être  trop  bien  informé;  je  ne  lui  renverrai  pas  la  même  critique;  je 
suis  enchanté  qu'il  en  sache  aussi  long  sur  un  poème  fort  ennuyeux,  le 
Culex,  un  des  moins  intéressants  de  toute  l'Antiquité.  J'aurais  cepen- 

Voici  d'autres  oublis  du  même  genre  :  pour  Caipurnius  et  Nemesianus,  l'édition 
spéciale  de  Schenki  (i883);  pour  Ennius,  celle  de  L.  Mûller;  pour  Ennodius,  celle 
des  Momonenta  Gomaniae  {i^'&'?) ,  postérieure  à  l'édition  de  Vienne  qui  est  de  i88i  ; 
pour  la  iiita  S.  Seiierini  d'Eugyppius,  l'édition  Knœll  de  Vienne,  meilleure  et  plus 
récente  que  celle  des  Monumenta;  Luxorius  et  Pentadius,  dont  M.  C.  ne  mentionne 
pas  d'éditions,  ont  été  publiés  dans  le  vol.  IV  des  Poetae  latini  minores  de  Baehrens; 
le  Vêtus  Grainmaticus,  qui  semble  une  indication  couvrant  l'anonymat  de  tout  «  vieux 
grammairien  »  a  été  édité  dans  la  Bib.  Ec.  chartes,  I,  5i  :  M.  C.  omet  Vuniqiie  in- 
dication bibliographique  que  donnait  Quicherat.  Puisqu'il  cite  les  éditions  Orelli  de 
Tacite  et  d'Horace  (sans  parler  des  rééditions  postérieures,  il  est  vrai),  il  n'aurait  pas 
dû  omettre  d'autres  livres  du  même  type  :  le  Catulle  de  Riese,  le  Juvénal  de  Wt--id- 
ner  (2'  éd.  1889),  le  Tite-Live  de  Weissenborn-Mûller,  les  Discours  de  Cicérou  de 
M.  Thomas,  le  Martial  de  Friedlaender.  La  note  sur  Hirtius  n'est  plus  au  courant 
depuis  le  mémoire  de  Landgraf.  Ce  n'est  pas  d'ailleurs  le  défaut  de  cette  liste  qui 
mentionne  le  deuxième  volume  des  Juscriptiones  de  M.  de  Rossi  et  l'édition  Words- 
wonh  de  la  Vulgate  (i88g  et  <iuiv.!). 


12  RKVU1>:    CRITIQUE 

dant  préféré,  je  Tavoue,  qu'il  appliquât  sa  torce  et  sa  bonne  volonté 
d'investigations  à  la  Ciris,  par  exemple,  qui  offre,  même  la  part  faite 
au  centon,  tant  de  délicatesse  de  sentiment  et  tant  de  charme  dans 
l'exécution,  M.  H.  croit  le  Cî^/ej;  de  Virgile;  on  connaît  la  démons- 
tration du  contraire  faite  par  Hertzberg,  Benoist  et  d'autres.  M.  H. 
réduit  le  poème  de  414  à  96  vers,  qu'il  distribue  en  huit  strophes  de 
douze  vers,  travail  arbitraire  et  qui,  du  reste,  n'a  pas  en  général  con- 
vaincu la  critique.  Le  véritable  intérêt  de  ce  petit  livre  se  trouve  aux 
chap.  VI  et  vu,  où  il  est  traité  de  questions  de  métrique,  et  dans  lesquels 
l'auteur  fait  de  louables  efforts  pour  distinguer  exactement  dans  Thexa- 
mètre  latin  la  césure  et  Vintervalle,  c''est-à-dire  la  pause  du  sens  (§  83  à 
la  fin,  p.  96  et  suiv.).  Je  me  suis  récemment  expliqué  sur  ce  sujet,  dans 
mon  Traité  de  métrique  :  M.  Lucien  Miiiler,  avec  un  sentiment  très 
juste  de  la  forme  artistique  du  vers,  a  toujours  soutenu  que,  en  cas  de 
conflit,  on  doit  préférer  les  coupes  du  vers  à  celles  de  la  phrase.  C'est 
un  des  moyens  par  lesquels,  en  latin  comme  en  français,  le  poète  fait 
sentir  à  ceux  qui  ont  l'oreille  poétique  la  souveraine  beauté  de  la  versi- 
fication. Dans  les  vers  que  M.  H.  cite  §110: 

Gui  non  dictus  Hylas  puer  et  Latonia  Delos... 
Immotamque  coli  dédit  et  contemnere  ventos... 

La  césure  principale  est  penthémimère  et  prend  place,  dans  le  premier 
après  Hylas^  dans  le  second  après  coli;  mais  il  y  a  une  hephthémimère, 
dans  l'un  et  l'autre,  après  et,  et  l'on  ne  doit  se  préoccuper  de  la  pause  de 
la  phrase  après  puer  ou  dédit  que  pour  faire  remarquer  qu'elle  le  cède 
en  importance,  dans  la  diction,  à  celle  du  vers  après  et.  Les  dissenti- 
ments de  doctrine  n'empêchent  pas,  d'ailleurs,  de  rendre  justice  à  l'in- 
térêt du  livre  écrit  par  M.  Hildebrandt,  et  que  devront  connaître  tous 
ceux  qui  suivent  de  près  les  études  de  métrique  latine. 

F,  Plessis. 


8.    —    Magistrat    und     Kcrormatlon    in    Strassburg    bis     1529,    von   Adolf 
Baum.  Strassburg,  Heitz,  1887.  In-8,  xxiii  et  212  p.  4  m.  5o. 

Ce  travail  d'Adolphe  Baum  sur  le  Magistrat  et  la  Réforme  à  Stras- 
bourg n"a  pas  été  retouché  par  son  auteur  qui  est  mort  Iç  14  avril  1886. 
On  a  bien  fait  de  le  publier.  Baum  étudie  minutieusement  la  part  que 
le  magistrat  de  Strasbourg  a  prise  à  l'établissement  de  la  Réforme.  Nous 
suivons  pas  à  pas  la  sage  et  lente  politique  du  conseil.  Le  Raîh  ne  pu- 
blie que  le  3o  septembre  1621  l'édit  de  Worms,  du  26  mai  de  la  même 
année,  et  laisse  en  1622  imprimer  des  écrits  de  Luther,  interdit  même 
la  publication  du  Grand  fou  luthérien  de  Murner.  Il  défend  Zell  contre 
l'évêque  et  le  fait  maintenir  dans  ses  fonctions.  Lorsque  le  premier  prê- 
tre (Antoine  Firn)  se  marie  à  Strasbourg,  le  Conseil  l'autorise,  malgré 
le  chapitre,  à  continuer  ses  prédications.  Puis,  il  permet  aux  prêtres 
d'acquérir   le  droit  de  bourgeoisie  pour  les  soustraire  à  la  juridiction 


d'histoire    et    du    LITTÉRATURK  I  3 

épiscopale.  II  empiète  sur  les  droits  du  chapitre  et  revendique  pour  la 
commune  le  pouvoir  de  nommer  les  ministres  du  culte.  Il  tient  l'évêque 
en  échec  par  le  colloque,  la  discussion  publique  qu'il  propose.  Il  sait 
maintenir  l'ordre  et  le  calme  dans  la  cité,  et  avec  beaucoup  de  prudence, 
de  circonspection,  arrive  à  séculariser  les  couvents  ou  du  moins  à  les 
soumettre  à  sa  surveillance.  Enfin,  il  abolit  la  messe  le  20  février  1529. 
Tout  cela  est  exposé  avec  grand  détail  et  très  clairement,  en  un  style  net 
et  sain,  par  Ad.  Baum,qui,au  passage,  rectifie  les  nombreuses  erreurs  de 
Th.  de  Bussierre  et  donne  d'importantes  informations  sur  l'assistance 
publique  telle  qu'elle  fut  alors  organisée  à  Strasbourg. 

X 

g.  —  OEuvi'es  tlo  J.  de  Ln  Fuiiiuiiic.  Nouvelle  édition  par  Henri  Régnier. 
Tome  cinquième.  Contes  et  Nouvelles.  Troisième  et  quatrième  partie.  In-S, 
628  p.  Paris,  Hachette.  Prix:  7  fr.  3o. 

Les  Contes  de  La  Fontaine  résument  plusieurs  siècles  de  cette  litté- 
rature gauloise  pour  laquelle  M.  Brunetière  n'a  aucune  tendresse.  Les 
notes,  les  rapprochements  de  toute  sorte  cités  par  les  éditeurs  témoignent 
abondamment  que  «  le  bon  homme  »  connaissait  surtout  les  conteurs 
du  xvi«  siècle,  ceux  «  du  Nord  et  du  Midi  y.  Le  Commentaire  n'est 
guère  plus  édifiant  que  le  texte,  mais  ni  l'un  ni  l'autre  n'ont  été  faits 
a  pour  les  petites  filles  dont  on  coupe  le  pain  en  tartines  ».  Je  n'ai  que 
quelques  petites  notes  à  ajouter  à  ce  riche  Commentaire  : 

Page  10,  V.  21.  —         Non  pas  que  les  heureux  amants 

Soient  ni  phénix  ni  corbeaux  blancs. 

Chez  les  Latins  on  entendait  par  «  corbeau  blanc  »  une  chose  rare, 
merveilleuse  : 

Félix  ille  iamen  corvo  quoque  larior  albo.  (Juvénal,  Sat.  VU.) 
P.  39,  V.   ii5.  —  Quel  esprit  est  le  vôtre  ! 

Toujours  il  va  d'un  excès  dans  un  autre. 

Horace  avait  dit  dans  son  Art  poétique  :  «  In  vitium  dulcit  culpce 
fnga  »,  passage  que  Boileau  a  traduit  dans  ce  vers  : 

Souvent  la  peur  d'un  mal  nous  conduit  dans  un  pire. 
P.  91,  V,  6.  —        Si  l'oreille  lui  tinte,  ô  dieux!  tout  est  perdu. 

Ses  songes  sont  toujours  que  l'on  le  fait  cocu. 

Amans  quod  sitspiciatuv,  vigilans  somniat.         (Publ.  Syrus  ) 
P.   128,  v.  3 12.  —  Et  quelle  affaire  ne  fait  point 

Ce  bienheureux  métal,  l'argent,  maître  du  monde  \ 
Omnis  cnim  tes 

Virlus,  fama,  decus,  divina  liumanaque  pulchris 

Divitiis parent.  (Horace,  Sat.  II,  3.) 
P.  129,  V.  lu.  —  Un  tinancier  viendra  qui  sur  vostre  moustache 

,  Enlèvera  la  belle. 

Avant  La  Fontaine,  Boileau  l'avait  déjà  dit  : 

Jamais  surintendant  ne  trouva  de  cruelles.  (S.it.  VHI.; 


14  REVUE    CRITIQUE 

P.  239,  ÏAinoiir  mouillé.  Une  des  plus  gracieuses  traductions,  au  xvi«  siècle,  de 
cette  pièce  d'Anacre'on,  est  celle  du  poète  dieppois,  Jean  Doublet  {Voir 
ses  œuvres,  p.  120,  cdit.  Jouaust).  Les  éditeurs  ont  oublié  de  la  men- 
tionner. 

P.  298,  V.   III.  —      De  point  en  point  lui  conte  le  mystère... 
Et  ks  encore,  et  tout  le  phebé. 

On  rencontre  ce  mot  dès  le  xV  siècle  avec  un  emploi  très  curieux  : 
«  Quand  elle  fut  devant  son  confesseur,  luy  commença  à  dire  et  ra- 
compter  tous  ses  péchez,  et  entre  les  autres,  comme  elle  avoit  plusieurs 
foys  joué  dufebé  a  son  mary,  et  ne  luy  avoit  pas  tousjours  tenu  ce  que 
par  foy  luy  avoit  promis.  »  (Guill.  Tardif,  Fac.  de  Poge,  99,  Montai- 
glon).  Il  y  aurait  à  faire  sur  ce  mot  dont  Littré,  dans  son  Supplément, 
donne  une  étymologie  peu  probable,  une  dissertation  bien  intéressante: 
peut-être  M.  G,  Paris  nous  la  fera-t-il  un  jour. 

P.  3o8.  V.  66.  —  A  moins  enfin  qu'elle  n'ait  à  souhait 

Compagnie  d'homme.  Hippocrate  ne  fait 
("dioix  de  ses  mots,  et  tant  tourner  ne  sait- 

Nous  lisons  en  note  :  «  \'e  final  n'est  pas  élidé  :  c'est  prendre  avec  la 
prosodie  une  liberté  bien  grande.  »  Les  éditeurs  étaient  cependant  pré- 
venus que  les  médecins  ne  regardaient  pas  au  choix  des  mots,  et  encore 
bien  moins  aux  règles  de  la  prosodie. 
P.  326,  V.  62.  —  Et  Tiennette  est  rt"!&;-o/5e. 

Le  motestancien,  quoiqu'il  n'ait  pas  à  l'historique  d'autre  exemple  dans 
Littré  que  celui  de  La  Fontaine  : 

La  devine  herbete,  ambroise  dicte. 
(1480.  Baraive  infernal,  f^,  A.  297,  bibl.  de  Rouen,  anc.  fonds.) 

Est  encore  très  usité  au  xvi^  siècle: 

Puis  Aglaia  autre  nymphe  gentile 
Print  du  nectar,  et  de  Vambroise  utile, 
Dont  les  hauts  Dieux  sont  au  ciel  maintenus. 
(Le  Maize  des  Belges,  Œuv.,  111,  45,  Siecher), 

P.  36!',  V.  90.  —      Il  s'en  alla  chez  son  copartageant. 

Les  éditeurs  disent  en  note  que  les  éditions  i685,  1686,  1705,  portent 

compartageant.  C'était  évidemment  la  bonne  leçon  :  «  le  com-parta- 

geant  est  vendeur  »,  lisons-nous  dans  la  Coutume  de  Normandie,  édit. 

1599. 

P.  427,  V.   10.  —  Ce  n'est  rien  qui  ne  l'a  vue 

Toute  nue. 

«  Ellipse  hardie  :  pour  qui  ne  l'a  vue,  quand  on  ne  l'a  vue.  »  —  II  n'y 
a  pas  ici  d'ellipse,  non  plus  que  dans  cet  autre  passage  (p.  407)  :  «  Qui 
n'auroit  que  vingt  ou  trente  ans,  Ce  seroit  un  voyage  à  faire,  -o  Qui  tz 
si  on,  si  Ton,  très  fréquent  dans  le  vieux  et  le  moyen  français.  C'est 
ainsi  qu'on  pouvait  dire  en  latin  : 

Stullum  iniperarc  reliquis,  qui  ncscit  sibi.       (Publ.  Syrus. 


d'histoire  et  de  littérature  i5 

p.  433,  V.  90.  —  Le  montreur  d'appas.  Ce  mot  était  en  usage  dès  le 
xiii^  siècle.  Voir  le  Dictionnaire  de  Godefroy. 

P.  442,  V.  173.  —  Placez-vous  dans  l'église  auprès  du  bénitier. 
«  Et  quant  je  voys  a  l'église  il  me  vient  donner  de  l'eau  benoiste,  et 
partout  où  il  me  trouve,  il   me  fait  tous  les  services  qu'il  peut.  (Les 
Qiiin:{e  Joies,  124,  bibl.  elz.) 

P.  565,  V.  86.  —  Quelle  apparence  qu'il  en  mévienne...  Godefioy  cite  des 
exemples  de  ce  verbe  à  partir  du  xiii"  siècle. 

A.  Delbouli.e. 


10.  —G.  A..  Bùrgoi*    et    les   origine»  anglaises  de  la  ballade  en  AIle< 
magne,  par  G.  Bonet-Maury.  Paris,  Hachette,  1889.  In-8,  xiii  et  276  p.  5  fr. 

M.  Bonet-Maury  a  divisé  son  livre  en  deux  parties.  Dans  la  pre- 
mière partie,  il  étudie  Vhomme  et  son  époque  :  il  traite  de  la  ballade  an- 
glaise, du  lied  allemand,  de  Herder,  et  raconte  l'existence  de  Burger; 
dans  la  seconde  partie,  il  apprécie  Vœuvre  et  son  influence,  d'abord  les 
œuvres  d'imitation  (traductions,  parodies),  puis  les  compositions  origi- 
nales (ballades,  odes,  sonnets),  enfin  les  éditions  et  remaniements  des 
poésies.  11  conclut  en  faisant  de  sérieuses  réserves  sur  les  odes,  en  rele- 
vant des  taches  dans  les  sonnets,  mais  en  donnant  à  la  plupart  des  lieds 
et  des  ballades  ce  prix  de  la  classicité  que  Schiller  proposait  aux  efforts 
de  Burger.  Le  travail  de  M.  B.-M.  qui  est  une  thèse  de  doctorat,  lui  a 
coûté  sûrement  quelque  peine.  M.  B.-M.  est  au  courant;  il  connaît 
presque  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  Burger,  et  il  a  essayé  très  vaillam- 
ment d'agrandir  et  d'élever  son  sujet  en  examinant,  outre  la  vie  et  l'œu- 
vre de  Burger,  les  origines  anglaises  de  la  ballade  littéraire  en  Allema- 
gne et  la  valeur  philosophique  de  cette  forme  de  poésie  épico-lyrique 
(p.  218).  11  a  traité  ainsi  un  triple  sujet  —  il  le  dit  lui-même  — et  il  eût 
peut-être  mieux  fait  de  se  borner,  de  s'en  tenir  à  Burger.  Nous  n'avons 
pas  en  France  une  étude  à  la  fois  solide  et  brillante  sur  le  génial  poète 
dQ  Lenore :  M.  B.-M.  ne  nous  l'a  pas  donnée.  11  a  jeté  çà  et  là  de  bonnes 
observations  ;  mais  son  livre  est  hâtivement  fait  et  assez  terne;  il  n'a 
pas,  dans  le  style,  le  relief,  la  vivacité,  la  flamme  que  demanderait  une 
semblable  étude  ;  il  offre  aussi  des  lacunes,  des  erreurs.  Le  premier  cha- 
pitre sur  la  ballade  en  Angleterre  n'esl-il  pas  un  peu  superficiel? 
M.  B.-M.  a-t-il,  pour  son  deuxième  chapitre,  tiré  parti  du  Gœttinger 
Bund  de  Prutz?  A-t-il  raison  de  traduire  Sturm-und  Drangperiode  par 
«  période  d'assaut  et  de  presse  »,  et  puisqu'il  rend  plus  loin  (p.  170),  in 
diesem  Sturm  und  Drange  par  «  orage  et  presse  »,  ne  devrait-il  pas 
dire  «  période  d'orage  »?  Il  connaît  Burger,  mais  connaît-il  son  épo- 
que? Pourquoi  veut-il  ranger  Jung-Stilling  dans  «  la  pléiade  des  jeunes 
poètes  »  (p.  52)  ?  Et  Gotter,  le  timide,  froid  et  correct  Gotter,  si  passion- 
nément épris  des  Français  et  de  leur  théâtre,  Gotter  doit-il  figurer  parmi 
les  fougueux  écrivains  de  la  nouvelle  école  (p.  54)?  M.  B.-M.  nous  fait- 


lÔ  REVUE   CRITIQUE 

il  un  portrait  de  Klotz  (p.  60)?  A-t-il  lu  le  livre  de  Weinhold  et  doil-il 
dire  que  Boie  qui  s''intitulait  «  candidat  en  droits  »  se  fit  inscrire  à  la 
faculté  de  philosophie,  que  Kielmannsegge  —et  non  Killemannsegge — 
baron  du  Mecklenbourg,  était  «  issu  d"une  des  familles  nobles  du  Hano- 
vre »  (p.  62)?  S'il  avait  lu  le  livre  de  Prutz  cité  plus  haut  et  celui  de  Herbst 
sur  Voss,  dirait-il  que  Hahn,  de  Deux-Ponts,  «  était  de  Giessen  »  (p.  65)? 
Est-il  exact  de  regarder  —  en  oubliant  Werther  —  l'un  des  deux  cousins 
Miller  «  comme  le  créateur  du  roman  sentimental  »  (id.)?  N'est-ce  pas 
une  exagération  d'avancer  que  le  «  serment  des  six  bardes  de  Gœttmgue 
fait  songer  au  serment  des  trois  Suisses  aux  Grutli  »  ip.  66)  '  ?  Ne  fallait- 
il  pas  insister  plus  longuement  sur  la  genèse  de  Lenore  et  parler  de  cette 
ballade  d'une  façon  tout  à  fait  complète?  M.  B.-xM.  a-t-il  marqué  suf- 
fisamment la  peine  que  ce  chef-d'œuvre  a  coûtée  à  son  auteur,  le  profit 
que  Bûrger  a  tiré  des  corrections  des  Gœttinger  et,  comme  il  disait,  des 
Winke  des  Hains,  l'accueil  que  l'Union  des  jeunes  poètes  fit  à  la  bal- 
lade, l'émoi  que  Lenore  produisit  en  Allemagne  et  chez  les  novateurs  et 
dans  le  camp  des  classiques?  Il  montre  bien  que  Biirger  «  ne  fit  jamais 
véritablement  partie  de  cette  petite  église  »  qui  s'appelait  le  Hain,  mais 
ne  devait-il  pas  ajouter  que  Bûrger  était  engagé  plus  avant  que  les  bar- 
des dans  la  vie  pratique  et  qu'il  se  sentait  supérieur  à  ses  amis?  Il  y 
avait  là  bien  des  témoignages  curieux  à  utiliser,  entre  autres  cette  lettre 
juvénile,  si  fière  de  ton  et  d'allure,  si  pleine  de  l'orgueil  du  Stiirm  und 
Drang,  où  Bûrger  se  vante  d'être  le  condor  du  bocage  poétique  ;  M.  B.-M. 
eût  bien  fait  de  reproduire  cette  lettre  du  poète,  ainsi  que  la  réponse 
amusante  de  Cramer  et  du  Bocage  et  la  réplique  de  Bûrger.  Ces  docu- 
ments auraient  intéressé  le  lecteur;  ils  auraient  jeté  une  plus  vive  lu- 
mière sur  la  composition  de  Lenore  et  sur  les  rapports  de  Bûrger  et  du 
Biind.  Mais  M.  B.-M.  a-t-il  montré  que  son  héros  était  surtout  en  com- 
munauté d'idées  avec  les  deux  frères  Stolberg  et  Cramer  ^  A-t-il  dit  que 
Bûrger  enviait  Taisance  et  la  facilité  des  lieds  de  Miller  et  qu'il  regar- 
dait Pauieur  du  Siegwart  comme  le  meilleur  Liederd ichter?  A-t-'û  cité 
cette  lettre,  remplie  d'un  enthousiasme  exalté,  où  Bûrger,  sortant  de  la 
lecture  de  Werther,  écrit  à  Gœthe  qu'il  voudrait  «  être  tous  les  jours 
auprès  de  lui,  manger  dans  la  même  assiette,  boire  dans  le  même  verre, 
dormir  sur  la  même  paille?  »  A-t-il  rappelé,  à  propos  de  la  «  Fille  du 
pasteur  de  Taubenhain  »,  les  poètes  qui,  comme  Bûrger,  ont  traité  ce 
sujet  de  Tinfanticide,  alors  à  la  mode  (voir  Tétude  d'Erich  Schmidt  sur 
Henri  Léopold  Wagner,  p.  89-97)?  Pourquoi  ne  dit-il  point  ce  qu'é- 
taient Kestner  et  Meier  qu'il  nomme  sèchement  p.  78,  et  n'apprend-il 
pas  au  lecteur  que  ce  Kestner  est  le  mari  de  Charlotte  Buff  ?  Pourquoi 
a-t-il  donné  si  peu  de  détails  sur  les  trahisons  d'Elise   Hahn  (p.  87)? 


I.  Id.  lire  Bundesbuch  et  non  Bund-Buch.  De  même,  p.  86,  Chodowiecki  et  non 
Chlodowicky  :  p.  88,  Dieterich  et  non  Dietrich;  p.  G5,  peut-on  dire  que  Cramer  est 
de  Lûbeck  :  il  est  né  à  Quedlinbourg,  et  son  père  ne  vivait  à  Lûbeck  que  depuis 
1771. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  \J 

Quel  parti  il  aurait  pu  tirer  des  lettres  de  Biirger  à  sa  belle-mère  (Strodt- 
mann,  IV,  p.  142-193)  !  Croit-il  que  le  public  français  connaisse  cette 
tragique  histoire  et  serait  fâché  de  la  connaître?  La  comparaison  entre 
Biirger  et  Burns  (p.  216-217  et  221)  est  louable.  Mais  pourquoi  ne  pas 
insister  sur  les  poésies  révolutionnaires  de  Biirger  et  ne  pas  rappeler  les 
vers  célèbres  qui  flétrirent  les  déroutes  de  Mons  et  de  Tournai  (Straflied 
beimschîechten  Kriegsanfange  der  Gallier  et  Unmuth)'^.  Des  traductions 
et  des  analyses,  des  particularités  puisées  aux  bonnes  sources,  des  com- 
paraisons instructives,  des  jugements  sains,  tel  est  le  livre  de  M.  Bonet- 
Maury.  Mais,  lors  même  qu'on  excuserait  ses  fautes  et  lui  pardonnerait 
ses  lacunes,  il  n'atteint  pas  son  but.  Il  lui  manque  l'art,  Tensemble,  une 
claire  ordonnance.  L'époque  et  le  monde  de  Biirger  ne  revivent  pas  de- 
vant nous,  et  non  seulement  le  poète  n'est  pas  replacé  dans  son  cadre, 
mais  sa  âgure  passionnée  et  originale,  son  existence  avec  ses  aventures, 
ses  scandales  et  ses  malheurs,  sa  poésie  si  souvent  dramatique  et  saisis- 
sante, rien  de  tout  cela  ne  se  détache  dans  Touvrage  —  d'ailleurs  utile  — 
de  M.  Bonet-Maury  avec  vigueur,  avec  éclat. 

A.  Chuquet. 


11.  —  Centenaire  du  premier  exercice  public  du  culte  protestant  à  Paris,  7  juin- 
lySg-ÎS  juin  1889.  a^'Eglise  i-éformée  <le  I*arîs  de  I«  Révocation  à  la 
Révolution  1685-1739,  par  Armand  Lods.  Paris,  Fischbacher,  1889,  gr.  in-8, 
16  p. 

12.  —  Centenaire  de  ia  Révolution  française,  1789-1889.  L'Eglise  l'éfoi-mée  de 
t*ai*îsi  pendant  la  Révolution  1789-1802,  par  A.  LoDS.  Paris,  Fischbacher, 
188g.  In-8,  45  p. 

13.  —  Un  ministi'e  clirétlen  sous  la  Xei'reun  ou  Ronifas^Liaroqueg 
pasteur  à  Castres  et  membre  du  tribunal  révolutionnaire  14  septembre  1744-f)  oc- 
tobre 181 1,  par  Camille  Raeaud.  Paris,  Fischbacher,  1889.   In-8,  43  p. 

Dans  la  première  de  ces  brochures,  M.  Lods  reproduit  un  discours 
qu'il  a  prononcé  le  7  juin  1889  à  la  trente-sixième  assemblée  de  la 
Société  de  l'histoire  du  protestantisme  français  au  temple  de  l'Oratoire. 
Il  esquisse  à  grands  traits  le  tableau  des  souffrances  que  les  protestants 
durent  subir  après  Tctinfàme»  édit  de  i685;  il  retrace  le  périlleux 
apostolat  de  Cardel,  de  Salve,  de  Giraud,  de  Givry,  de  Malzac  qui 
furent  envoyés  aux  îles  Sainte-Marguerite;  il  rappelle  que,  malgré  les 
menaces  et  les  ordonnances,  les  protestants  de  Paris  se  rendaient  à  la 
chapelle  de  l'ambassade  de  Hollande,  et  qu'ils  n'obtinrent  qu'en  1766 
la  permission  d'aller  au  prêche  de  cette  chapelle;  que  même  après  l'édit 
de  1787  qui  leur  accordait  un  état-civil,  ils  n'eurent  pas  l'autorisation 
d'ouvrir  un  lieu  de  culte.  Mais  dès  que  les  Etats-Généraux  se  réunirent, 
la  communauté  protestante  ouvrit  un  lieu  de  culte,  l'ancienne  église 
Saint-Louis,  située  dans  la  cour  du  Louvre.  On  sait  que  cette  église  fut 
démolie  en  181 1  et  que  les  protestants  reçurent  en  échange  l'Oratoire. 
Un  arrêté  des  consuls  avait  mis  à  leur  disposition,  outre  Saint-Louis, 


l8  RKVUE    CRITIQUE 

Sainte-Marie  et  Pentemont;  grâce  aux  lenteurs  administratives,  le  culte 
ne  fut  célébré  à  Pentemont  qu'en  1846. 

Les  Réformés  de  Paris  avaient,  dès  Fédit  de  1787,  choisi  comme  pas- 
teur Paul-Henri  Marron,  chapelain  de  Tambassade  de  Hollande.  C'est 
à  ce  Marron  que  M.  Lods  consacre  la  seconde  de  ses  brochures  qui  a 
pour  titre  L'Eglise  réformée  de  Paris  pendant  la  Révolution.  Marron 
venait  d  être  révoqué  par  le  stathouder  Guillaume  V  ;  il  célébra  le  culte, 
d'abord  dans  une  salle  de  la  rue  Mondétour,  puis  dans  la  salle  des  En- 
fants d'Apollon  sise  rue  Dauphine  et  transformée  en  musée  par  Court 
de  Gébelin,  enfin  dans  l'église  Saint-Louis  du  Louvre.  M.  L.  nous 
retrace  avec  détail  l'existence  de  Marron,  son  arrestation  en  1793,  sa 
mise  en  liberté,  ses  concessions  à  l'esprit  du  jour  (il  ne  célébrait  le  culte 
que  le  décadi),  son  abjuration  (il offrit  à  la  Commune  les  quatre  coupes 
d^argent  qui  servaient  à  la  communion  et  jura  qu'il  '(  étendrait  le  règne 
de  la  Raison  »  et  ferait  la  guerre  aux  mensonges  et  aux  puérilités  de  la 
théologie).  Malgré  son  apostasie,  Marron  fut  arrêté  de  nouveau  et 
enfermé  à  l'hôtel  Talaru.  Il  sortit  de  sa  prison  après  Thermidor  et 
réorganisa  son  Eglise.  Deux  pièces  justificatives  curieuses  accompagnent 
l'étude  de  M.  L.  :  le  Bilan  politique  et  moral  de  Marron  «  tracé  par 
lui  pour  être  présenté  au  Comité  de  surveillance  de  la  section  Brutus  » 
et  un  rapport  inédit  présenté  par  Portails  au  premier  consul  sur  l'or- 
ganisation des  cultes  protestants.  Mais  pourquoi  M.  Lods  est-il  si  indul- 
gent envers  un  aussi  triste  personnage  que  Marron  et  pourquoi  ne  dit-il 
pas  que  son  héros  fut  un  instant  employé  à  la  commission  républicaine 
des  relations  extérieures  et  qu^il  a  célébré  en  latin  et  en  français  tous  les 
régimes  politiques  sous  lesquels  il  a  vécu? 

Bonifas  Laroque,  dont  M.  Camille  Rabaud  a  écrit  la  biographie,  — 
non  sans  quelques  longueurs —  était  pasteur  à  Castres,  lorsqu'éclata  la 
Révolution.  Il  fut  nommé  membre  du  conseil  général  de  la  commune, 
puis  en  1793  «  quitta  sa  place  de  pasteur, après  vingt-trois  ans  de  minis- 
tère», appartint,  comme  secrétaire,  au  comité  révolutionnaire  de  la  ville 
et  siégea  comme  juge  au  tribunal  du  district.  On  Ta  même  accusé 
d'avoir  condamné  à  mort  le  P.  Imbert  ;  mais  M.  R.  prouve  d'une  façon 
irréfutable  que  Bonifas  Laroque  ne  figura  point  parmi  les  juges  du 
P.  Imbert.  En  1796,  Laroque  reprit  sa  charge  de  pasteur,  après  avoir 
fait  au  temple  même  et  devant  l'Eglise  réunie  une  «  publique  et  con- 
venable réparation.  Il  ne  tarda  pas,  ajoute  M.  Rabaud,  à  reconquérir 
le  premier  rang  et  le  conserva  jusqu'à  la  fin,  rachetant  ses  fautes  par  ses 
talents  et  ses  services,  forçant  Pestime  de  ses  contemporains,  travaillant 
pour  l'Evangile  et  pour  l'Eglise  avec  une  ardeur  sans  égale,  jusqu'à 
épuisement  de  forces  »  (page  41). 

A.  G. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  ig 

Ij..    __   Lucien   Auréat.    La    morale    <Iuns    le    drame*  l'épopée    et   le    roman, 

2' édition.  Paris,  Alcan,  1889,  223  p.  in-12.  2  fr.   5o. 
i5.  —  E.  de  RoBERTY.   t.'Bneonnaîssal»le.    Sa    métaphysique;   sa   psychologie. 

Ibid.,   191  p.  in-i2.  2  fr.  5o. 

I.La  critique  du  livre  de  M.  Arréat,  qui  paraît  en  deuxième  édition, 
serait  nécessairement  une  série  de  critiques  de  détail.  On  pourrait  mon- 
trer que  l'auteur  remplace  la  critique  historique  par  une  critique  ac- 
tuelle et  dogmatique,  qu'il  substitue  à  l'interprétation  historique  et 
artistique  une  interprétation  souvent  toute  morale  et  théorique,  qu'il 
rompt  et  dissémine  parfois  l'unité  d'intention  des  écrivains  en  une  mul- 
titude d'intentions  de  détail,  le  plus  souvent  morales,  et  parfois  certai- 
nement étrangères  à  la  pensée  des  auteurs,  que  fréquemment  il  jette 
pêle-mêle,  dans  une  série  de  rapprochements  arbitraires  et  ingénieux, 
les  hommes  et  les  époques,  qu'il  fait  la  part  trop  petite  à  notre  époque, 
et  qu'il  n'a  qu'à  un  faible  degré  Tintelligence  sympathique  du  roman 
contemporain.  Tout  cela,  aussi  peu  qu^un  assez  grand  nombre  de  négli- 
gences de  langue  et  de  style,  ne  saurait  empêcher  que  la  lecture  de  son 
livre  ne  soit  attrayante  et  suggestive. 

II.  Il  reste  plus  d'un  point  obscur  dans  le  nouveau  livre  de  M.  de 
Roberty,  et  les  qualités  aussi  bien  que  les  défauts  de  cet  essai  fragmen- 
taire nous  font  également  désirer  la  théorie  générale  de  la  connaissance 
quMl  annonce,  mais  suppose.  L'on  entrevoit  bien  le  sens  et  la  portée  de 
cette  conception  psychologique  d'une  synthèse  réelle  et  continue  de  la 
connaissance,  et  Ton  devine  que  de  ce  point  de  vue  l'identité  des  con- 
traires qu'il  prétend  démontrer  devient  moins  terrible  qu'elle  n'en  a 
l'air.  Maison  est  en  droit  d'attendre  de  M.  de  Roberty,  qui  sait  réflé- 
chir, et  qui  sait  composer,  plus  que  des  indications  et  mieux  que  des 
promesses. 

Lucien  Herr. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Nos  lecteurs  auront  appris,  comme  nous,  avec  le  plus  vit  regret  la 
mort  de  M.  Ernest  Havet,  dont  les  deux  fils  touchent  de  si  près  à  notre  Revue.  L'é- 
diteur dQs  Pe)isées  de  Pascal  et  l'auteur  du  Christianisme  et  ses  origines  était  un 
des  esprits  les  plus  remarquables  de  notre  temps;  la  Revue  a  plus  d'une  fois  loué 
l'introduction  et  le  commentaire  philosophique  qui  accompagnent  l'édition  de  Pas- 
cal (1879,  n»  25)  et  la  richesse  des  détails,  l'élévation  des  vues,  la  vaste  connais- 
sance de  l'antiquité  qui  donnent  au  Christianisme  et  ses  origines  une  supériorité  si 
marquée  sur  tous  les  écrits  antérieurs  où  ce  sujet  est  traité  {1872,  n"  3o>. 

ALLEMAGNE.  —  L'Université  de  Halle  a  nommé  M.  Chabaneau,  professeur  à  la 
Faculté  de  Montpellier  «  Ehrendoctor  »  ou  docteur  honoris  causa. 

—  Le  iS  décembre  1889  est  mort,  à  Munich,  à  l'âge  de  soixante-quinze  ans,  le  cé- 
lèbre historien  W.  de  Giesebrecht. 


20  REVUE    CRITIQUK    D^HISTOIRK    KT    DE   LITTÉRATURE 

ALSACE.  —  Le  Joiii-iiai  de  Sclilcstadt  annonce  qu'il  publiera  dans  le  courant  de 
cette  année  la  Chrouique  de  Schlestadt  de  l'humaniste  Jérôme  Gebwiler  qui  dirigea 
l'école  de  la  ville  de  i5oi  à  iSog. 

ANGLETERRE.  —  La  librairie  Rivington  publie  à  Londres  une  édition  anglaise 
du  livre  de  M.  Louis  Léger,  Y  Histoire  de  l'Autriche  Hongrie.  Cette  traduction  due 
à  Mn'e  BiRBECK-Mii.L  est  précédée  d'une  introduction  de  M.  Freeman.  Le  savant  pro- 
fesseur d'Oxford  rend  pleine  justice  à  notre  collaborateur  «  dont  le  livre  est  aussi  clair 
que  peut  l'eue  une  histoiie  de  l'Autriche.  Il  a  de  grands  mérites,  et  il  est  remar- 
quablement exempt  des  fautes  qu'on  rencontre  en  général  dans  les  ouvrages  français 
sur  le  sujet.  » 

ASIE-MINEURE.  — Nous  avons  annoncé  dans  la  Revue  (1889,  1^  sem.,  p.  324), 
que  M.  Schliemann  avait  invité  M.  Boetticher  à  Hissarlik  pour  y  assister  à  des 
fouilles  nouvelles  et  discuter  sur  le  terrain  les  questions  pendantes  au  sujet  des  re- 
cherches antérieures.  Les  travaux  ont  duré  pendant  la  première  semaine  du  mois 
de  décembre,  en  présence  de  MM.  Schliemann,  Boetticher,  Doerpfeld,  Niemann  et 
Steffen.  Ces  deux  derniers  avaient  été  convoqués  par  M.  Schliemann  pour  servir  de 
témoins.  Ils  ont  rédigé  une  déclaration  aux  termes  de  laquelle  M.  Boetticher  aurait 
retiré  les  accusations  formulées  par  lui  contre  MM.  Schliemann  et  Doerpfeld,  sans 
vouloir  cependant  leur  donner  raison  sur  le  fond  du  litige;  quant  à  eux,  ils  n'hési- 
tent pas  à  déclarer  que  M.  Boetticher  s'est  trompé,  qu'Hissarlik  est  bien  une  acro- 
pole, avec  fortifications,  tours,  portes,  temples  ou  palais,  et  non  pas  une  nécropole  à 
incinération.  Nous  apprenons  d'autre  part  que  cette  campagne  archéologique  s'est 
terminée  par  une  dispute  violente  entre  MM.  Schliemann  et  Boetticher,  ce  dernier  ayant 
refusé  de  rétracter  publiquement  les  attaques  dirigées  par  lui  contre  son  adversaire. 

ETATS-UNIS.  —  Un  comité  s'est  formé  à  New  York  dans  le  dessein  d'élever  une 
statue  à  Gœthe.  Sur  le  piédestal  du  monument  seront  des  groupes  représentant  Faust 
et  Marguerite,  Iphigénie  et  Oreste,  Hermann  et  Dorothée,  Mignon  et  le  Harpiste. 
La  statue  coûtera  trente  mille  dollars  ;  elle  sera  exécutée  par  le  sculpteur  Henry 
Baerer. 

HONGRIE.  —  Mo  Emile  Thewrewk  de  Ponor  qui  s'occupe  depuis  douze  ans  de 
Festus,  vient  de  donner  une  édition  critique  de  ce  gram.mairien  sous  le  titre  :  Sexti 
Pompei  Festi  De  verborum  signi/îcatu  qiiae  super  sunt,  cum  Pauli  Epi  tome.  (Pars  I. 
Budapestini,  gr.  in-8°.  viii  et  632  p.  Prix  3  fl.  80  kr  =  8  fr.).  C'est  la  première  édition 
critique  d'un  auteur  ancien  parue  en  Hongrie.  L'Académie  des  sciences  a  prouvé  sa 
sollicitude  pour  les  études  philologiques  en  faisant  imprimer  cette  édition  qui  fait 
honneur  à  la  philologie  hongroise  dont  M.  Thewrewk  est  un  des  principaux  initia- 
teurs. Ce  premier  volume  donne  le  texte,  établi  à  l'aide  de  tous  les  manuscrits,  parmi 
lesquels  un  de  la  Corvina,  qui  est  dû  à  la  munificence  du  sultan  Abdul-Hamid  II.  La 
collation  des  diftérents  manuscrits  a  été  faite  en  partie  par  l'éditeur  lui-même,  en 
partie  par  des  savants  français  et  allemands.  La  dernière  édition  de  Festus,  par  Otfried 
Mùller,  date  de  i83g;  depuis  cinquante  ans  la  critique  a  fait  beaucoup  pour  le  texte 
de  Festus  qui,  par  suite  des  études  grammaticales  et  lexicographiques  contemporai- 
nes, gagne  toujours  en  importance.  La  deuxième  partie,  renfermant  VApparaius  cri- 
ticus,  paraîtra  dans  un  an,  et  ce  n'est  qu'alors  que  la  critique  compétente  pourra 
apprécier  la  somme  de  travail  dépensée  à  cette  édition  appelée  à  remplacer  celle  de 
Mûller  qui  est  du  reste  épuisée. 

—  Le  23  novembre  est  mort  à  Budapest  l'historien  Fred.  Pesty,  membre  de  l'Aca- 
déniie  des  sciences,  à  l'âge  de  66  ans. 

Le  Propriétaire-Gérant:  ERNEST  LEROUX. 
It  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevai'd  Haxnt'Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE     LITTÉRATURE 

N»  2  -  13  janvier  —  1890 


Somma t re  :  i6.  Kalilah  et  Dimnah,  II,  p.  p.  J.  Derenbourg.  —  17.  Josèphe,  V, 
p.  p.  NiESE.  —  18.  Hatch,  Essais  sur  le  grec  biblique.  —  19.  Musée  archéolo- 
gique de  Bordeaux,  I,  p.  p.  P.  Paris,  —  20-21.  Lebègue,  Une  école  inédite  de 
sculpture  gallo-romaine;  Tetricus  et  Dumège.  —  22-23.  Espagnolle,  Les  ima- 
ginations ou  les  doublets  de  M.  Brachet;  La  clef  du  vieux  français.  —  24.  Ed. 
Petit,  André  Doria.  —  25-26.  Kawerau,  Le  passé  de  Magdebourg;  la  vie  litté- 
raire de  Halle.  —  27.  Babeau,  Paris  en  178g.  —  28.  Guyau,  L'art  au  point  de 
vue  sociologique.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


16.  —  Joannl^  de  Capua  DIrectorium  vitsB  Iiumauae  alias  parabola  anti- 
quorum sapientum,  version  latine  du  livre  de  Kalilah  et  Dimnah,  publiée  et 
annotée  par  Joseph  Derenbourg,  membre  de  l'Institut,  2'^  fascicule,  soixante- 
douzième  fascicule  de  la  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  hautes  études.  Paris,  Emile 
Bouillon,  i88g,  in-8,  p.  242-373  et  i-xix. 

Ce  fascicule  termine  l'édition  de  la  version  latine  de  Kalilah  et  Dim- 
nah dont  la  première  partie  lut  publiée  en  1887.  Le  compte-rendu  du 
premier  fascicule  paru  dans  la  Revue^  n°  6  de  1888,  p,  101-102,  nous 
dispense  de  revenir  sur  les  mérites  de  cette  édition. 

L'examen  comparatif  des  diverses  versions  de  Kalilah  et  Dimnah 
auquel  M.  J.  D.  s'est  livré,  Ta  conduit  à  cet  important  résultat  que  la 
version  hébraïque  de  Joël  et  la  version  espagnole  publiée  par  M.  Gayan- 
gos  procèdent  du  même  texte  arabe.  Dans  l'avant-propos  joint  au  der- 
nier fascicule,  M.  J.  D.  estime  que  la  version  espagnole  est  d'unegrande 
utilité  pour  la  future  édition  critique  de  la  version  arabe  d'Abd-Allah 
ibn  Almokaffah.  Les  nombreux  mss.  de  cette  version,  dispersés  dans  les 
bibliothèques  de  l'Europe  et  de  l'Orient,  varient  beaucoup  entre  eux. 
Un  nouvel  éditeur  devra  donc  moins  se  préoccuper  de  collationner 
tous  ces  mss.  (oeuvre  aussi  fastidieuse  qu'inutile),  que  de  rechercher, 
par  la  comparaison  des  versions  européennes  qui  procèdent  de  Ta- 
rabe,  quels  sont  ceux  d'entre  ces  mss.  qui  ont  conservé  le  plus  fidè- 
lement le  texte  primitif,  et  d'établir  son  édition  d'après  ces  mss. 
Les  variantes  recueillies  par  M.  J.  D.  dans  les  notes  faciliteront  beau- 
coup cette  tâche  ardue  et  ce  ne  sera  pas  le  moindre  mérite  de  ces 
notes.  Nul  livre,  en  effet,  ne  se  prête  mieux  à  un  remaniement  qu\m 
recueil  de  contes  qui  encadrent  les  axiomes  de  la  morale  populaire,  et 
qui  se  modifient  suivant  les  milieux  où  ils  pénètrent.  Non  pas  que  les 
modifications  que  présentent  les  diverses  rédactions  de  Kalilah  et  Dim- 
nah soient  la  conséquence  d^un  système  théologique  préconçu;  un  tel 
système  demeure  en  dehors  d'une  œuvre  du  genre  léger  et  récréatif; 
Nouvelle    série,  XXIX.  2 


2  2  RKVUK    CRITIQUE 

cependant  l'influence  des  idées  religieuses  s'y  tait  souvent  remarquer; 
moins  sans  doute  dans  des  versions  littérales,  telles  que  la  version  sy- 
riaque de  Boud  et  la  version  latine  de  Jean  de  Capoue  qui  ne  comportent 
pas  d'importants  changements.  Mais  cette  influence  est  très  sensible  dans 
des  rédactions  plus  libres  comme  la  version  syriaque  publiée  par  Wright 
et  la  version  hébraïque  de  Jacob  ben  Eléazar.  M.  Nœldeke  Ta  retrou- 
vée également  dans  la  version  arabe  du  conte  du  Roi  des  Souris  qu'il 
a  publiée.  M.  J,  Derenbourg  lui-même  la  reconnaît  quand  il  dit, 
p.  35i  :  «  C'est  surtout  au  sujet  des  idées  religieuses  que  les  diverses 
rédactions  et  versions  varient  et  que  les  copistes  mêmes  se  permettent 
d'introduire  dans  les  mss.  les  dogmes  de  leurs  cultes  respectifs.  »  Après 
ces  paroles,  on  s'explique  difficilement  le  passage  suivant  qui  semble 
les  contredire,  p.  xvi  :  «  En  abordant,  il  y  a  déjà  longtemps,  l'étude  de 
Kalilah,  j'avais  conçu  un  espoir  qui  a  été  déçu.  Un  livre  aussi  ancien, 
qui  avait  traversé  tant  de  siècles  et  tant  de  civilisations  modernes,  de- 
vait, à  ce  que  je  supposais,  avoir  reçu  successivement  Tempreinte  de 
nations  et  de  religions  différentes.  Il  n'en  a  rien  été  et,  depuis  la  version 
syriaque  de  Boud  jusqu'à  la  version  latine  de  Jean  et  ses  dérivés  dans 
les  diff"érenls  idiomes  de  FEurope,  les  idées  religieuses  qu'on  professe 
dans  notre  livre,  sont  restées,  à  très  peu  de  chose  près,  sans  aucun  chan- 
gement. » 

Trois  appendices  sont  joints  à  Pédition  du  texte  de  Jean  de  Capoue.  Les 
deux  premiers  renferment  le  texte  arabe,  accompagné  d'une  traduction 
française,  des  chapitre  xvi  et  xvir  de  Jean  qui  ne  se  trouvent  pas  dans 
l'édition  arabe  publiée  par  S.  de  Sacy.  Dans  le  troisième  appendice 
M.  J,  Derenbourg  donne  une  traduction  française  du  conte  du  Roi  des 
souris  publié  par  M.  Nœldeke  et  qui  ne  se  trouve  ni  dans  Jean  ni  dans 
S.  de  Sacy.  Ces  appendices  seront  également  consultés  avec  fruit  pour 
une  nouvelle  édition  de  la  version  d'Abd-Allah  ibn  Almokaffah. 

Rubens  Duval. 


17.  —  Plavii  Joseplit   0|>ei-a,  edidit   et  apparatu  critico  insiruxit    Benedictus 
NiESE.    Vol.  V.    De  Judaeoium    vetustate    sive    contra   Apionem   libri   II.   Berlin, 
VVcidmann,    1889.  In-8,  xxviii-ioo  p. 
»       »  éd.  miner.  In-8,  iv-90  p. 

J^ai  déjà  rendu  compte  à  nos  lecteurs  ^  des  deux  premiers  volumes  de 
cette  importante  édition,  qui  comprenaient  la  moitié  des  Antiquités . 
Avant  de  poursuivre  Tédition  de  cet  ouvrage,  M.  Niese  a  reconnu  la 
nécessité  de  procéder  à  une  nouvelle  collation  de  deux  mss.  du  Vati- 
can ;  mais,  en  attendant,  et  pour  ne  pas  faire  subir  de  retard  à  sa  pu- 
blication, il  nous  offre,  par  anticipation,  le  tome  V,  consacré  au  Cojitre 
A  pion. 

L'importance  de  ce  pamphlet  célèbre  ne  doit  pas  être  mesurée  à  son 

I.  Revue  critique,  n"'  3i  et   171. 


N. 


D  HISTOIRE    ET    DR    LITTÉRATURE  23 

étendue;  en  réalité,  grâce  aux  nombreux  fragnnents  de  Bérose,  de  Ma- 
néthon  et  de  plusieurs  autres  historiens  grecs  qu'il  nous  a  seul  conservés, 
c'est  un  des  documents  historiques  les  plus  précieux  que  nous  ait  légués 
l'antiquité.  Malheureusement  le  texte  en  est  fort  délabré.  Environ  la 
moitié  du  second  livre  ne  subsiste  que  dans  une  traduction  latine,  entre- 
prise sur  l'ordre  de  Cassiodore;  pour  le  reste,  nous  avons  aussi  un  ma- 
nuscrit grec,  le  Laurentiatius,  du  xi^  siècle,  mais  défiguré  par  de  nom- 
breuses erreurs  et  de  graves  interpolations.  Les  autres  mss.  grecs  ne 
sont  que  des  copies  récentes  du  Laurentianus  et  n'entrent  pas  en  ligne 
de  compte  pour  la  constitution  du  texte  ;  en  revanche,  on  tire  un 
grand  secours  des  citations  d'Eusèbe,  particulièrement  nombreuses 
pour  cet  opuscule  de  Josèphe  :  du  premier  livre  seul,  Eusèbe  a  transcrit 
environ  la  moitié,  et  le  texte  dont  il  s'est  servi  était  supérieur  à  celui  du 
Laurentianus  et  même  à  celui  de  Cassiodore. 

C'est  en  s'aidant  de  ces  différentes  sources  que  M.  N.  nous  présente 
enfin  une  édition  à  peu  près  lisible  du  Contre  Apion,  singulièrement 
en  progrès  sur  les  éditions  de  Bekker  (Teubner)  et  de  Dindorf  (Didot), 
dont  on  était  réduit  à  se  servir  jusqu'à  présent.  Dans  plus  de  cent  pas- 
sages le  texte  a  été  amendé,  épuré,  grâce  surtout  à  une  étude  plus  atten- 
tive des  leçons  d'Eusèbe.  Une  des  corrections  les  plus  remarquables, 
que  M.  N.  signale  à  juste  titre  dans  son  introduction,  est  celle  des 
|§  122  suiv.,  du  livre  pr  (I,  i8  Didot).  Dans  ce  passage,  extrait  de 
Ménandre  de  Pergame,  Josèphe  donne  une  liste  des  rois  de  Tyr  qui  ont 
régné  depuis  la  construction  du  temple  de  Salomon  jusqu'à  la  fondation 
de  Carthage,  avec  Tindication  de  la  durée  de  leurs  règnes;  la  somme 
totale  des  années  devrait,  dit-il,  être  143  ans  et  8  mois;  or,  en  addition- 
nant les  durées  indiquées,  on  ne  trouve  que  I25  ans  et  8  mois.  Pour 
corriger  ce  résultat  contradictoire,  il  faut  :  1°  changer  les  7  années  de 
Baalbe^er  en  17,  chiffre  donné  par  la  version  arménienne  d'Eusèbe, 
Syncelle  et  Théophile  (ad  Autolycum^  III,  22);  2°  changer  les  9  an- 
nées de  Mettèn  en  29  (conjecture  de  Gutschmid,  au  lieu  de  25,  chiffre 
d'Eusèbe  et  consorts).  On  obtient  ainsi  un  excédant  de  3o  années;  or 
c'est  18  seulement  qu'il  faudrait  pour  péréquer  les  calculs  de  Josèphe, 
mais  préchémeni  au  ^  122  \q  Laurentianus  présente  une  faute;  en  la 
corrigeant,  on  fait  disparaître  12  années  inutiles.  Voici  le  texte  :  Mt-à 

TOUTCv    XéBâaTpaTSç Toytcv    cl  tt,;   ^po^ou    aÙTCu    uîci  -zi'zcxpiq    Izicyj- 

)veûaavT£ç  àrwAîcav,  wv  6  Tcpscêù-spoç  èêaaIXeuGev  [hr,  csy.aoûo.]  \).e^' 
oûç  'AaxapxOi;  ô  'EXsaaTapTCu  ^  ce...  èêasîXsucrîV  ërr,  cwoexa.  Les 
mots  entre  crochets  sont  une  glose  introduite  mal  à  propos  dans 
le  texte;  les  mots  qui  suivent  doivent  être  soudés  en  un  seul;  MsOcj- 
âaxap-ccç,  qui  nous  donne  le  nom  d'un  nouveau  roi  de  Tyr  (cp.  Méthu- 
salem).  Cette  brillante  correction  n'est  pas  fournie  par  Eusèbe,  qui 
avait  déjà  sous  les  yeux  un  texte  corrompu  (il   écrit  :  ]i.i^'  'cv  "As-apto; 


I.   Je    piéfère   celle    leçon,  qui    esl    celle   de  Guischmid,   à  hianz-lf-ou  que   donne 
M.  Niese. 


24  REVUE    CRITIQUE 

etc.),  mais  par  Théophile  et  par  la  version  latine  de  Cassiodore.  Il  me 
semble  que  voilà  un  exemple  bien  typique  de  la  multiplicité  des  remè- 
des et  des  médecins  auxquels  ils  faut  s'adresser  pour  remettre  sur 
pied  un  auteur  aussi  maltraité  par  le  temps  et  les  copistes,  mais  le  ré- 
sultat justifie  l'effort. 

Les  corrections  que  M.  N.  emprunte  ainsi  à  la  «  tradition  indi- 
recte »  du  texte  de  Josèphe  sont  presque  toutes  excellentes;  je  n'en  dirai 
pas  toujours  autant  des  conjectures  personnelles  auxquelles  il  est  obligé 
d'avoir  recours  faute  de  mieux,  là  où  ses  guides  ordinaires  le  laissent  en 
défaut.  En  voici  une,  par  exemple,  que  je  ne  puis  approuver.  Livre  II, 
ch.  7,  §  82,  dans  un  passage  qui  ne  s'est  conservé  qu'en  latin, 
Josèphe  énumère  les  différents  conquérants  qui  se  sont  emparés 
du  temple  de  Jérusalem  :  Dius  ac  Pompeius  Magnus  et  Licinius 
Crassus  et  ad  novissimum  Titus  Caesaj'.  Dius  est  ici  dénué  de 
sens;  M.  Niese  corrige  en  Pius  et  ajoute  en  note  «  dicit  Antio- 
chum  Pium,  t\)GE6-iq^  cognomine;  vid.  Antiq.  Jud.  XIII,  244  » 
(=XIII,  8,  2  Didot).  Il  est  vrai  que  dans  ce  paragraphe  des  Anti- 
quités Josèphe  nous  apprend  qu'Antiochus  Sidétès  reçut  des  Juifs  le 
surnom  de  Pieux  à  cause  de  sa  conduite  clémente  et  pleine  de  tolérance 
à  leur  égard,  mais  de  là  à  désigner  le  prince  sous  le  nom  d'EùceBi^ç  tout 
court,  on  avouera  qu'il  y  a  loin;  en  outre,  Antiochus  Sidétès  réduisit 
bien  les  Juifs  à  composition,  mais  il  ne  prit  pas,  à  proprement  parler, 
Jérusalem,  et  il  n'est  dit  nulle  part  qu'il  ait  pénétré  dans  le  temple; 
aussi  dans  le  texte  du  Bellum  judaicum  (VI,  10  Didot)  où  Josèphe  énu- 
mère les  conquérants  du  temple,  Antiochus  Sidétès  n'est-il  pas  nommé  : 
l'Antiochus  qui  figure  dans  cette  liste  est  Epiphane.  C'est  pourquoi 
Dindort,  dans  le  texte  du  Contre  Apion,  propose  la  correction  Deus, 
pour  Béoç,  surnom  d'Antiochus  Ephiphane.  Je  ne  la  crois  pas,  au  reste, 
meilleure  que  celle  de  M.  Niese;  la  véritable  leçon  reste  à  trouver, 

Théodore  Reinach. 


18.  —    Edwin  Hatch.    E«!says    in    biblieal   GreeU.    OxforJ,  Clarendon    PreSS, 
1889,  x-293  pp. 

L'ouvrage  de  M.  H.,  composé  de  sept  essais,  n'est  pas  en  réalité  urt 
recueil  d'articles,  mais  un  vrai  livre  où  l'on  pourrait  distinguer  deux 
parties,  unies  entre  elles  par  un  lien  assez  lâche.  La  première  est  l'exposé 
d'une  méthode  nouvelle  de  recherche  lexicographique;  la  deuxième  est 
l'application  à  la  critique  du  texte  de  la  Bible  de  procédés  en  usage 
depuis  longtemps  dans  la  critique  du  texte  des  auteurs  classiques. 

Dans  le  premier  essai,  M.  H.  formule  les  principes  généraux  de  la 
méthode.  Il  ne  faut  pas  croire  que  le  lexique  du  Nouveau-Testament 
soit  identique  à  celui  des  écrivains  attiques  du  iv«  siècle  av.J.C.  :  il 
contient  des  mots  nouveaux  et  les  mots  communs  aux  deux  vocabulai- 
res ont  reçu  des  sens  nouveaux.  C'est  plutôt  avec  la  langue  des  Septante 


OHISTOIRK     KT     l)K.     LITTÉRATURB  25 

que  l'on  doit  comparer  celle  du  Nouveau-Testament.  Le  principe 
fondamental  est  l'unité  du  grec  biblique,  sauf  à  déterminer  ensuite  les 
divergences  de  détail.  Or,  c'est  une  langue  très  différente  du  grec  clas- 
sique. Deux  causes  ont  agi  ou  amené  ces  modifications  :  le  temps, 
d'une  part  ;  le  lieu  et  la  race,  d'autre  part.  A  la  première  cause  se  ratta- 
chent des  restrictions  ou  des  extensions  de  sens  :  èp^iî^scôai  prend  un  sens 
moral;  àxaTacTacîa,  qui  à  Torigine  signifie  simplement  agitation,  sert  à 
désigner,  à  la  suite  des  compétitions  des  successeurs  d'Alexandre  l'insta- 
bilité politique  et  finalement,  dans  la  langue  des  Septante,  une  vive 
inquiétude,  la  terreur  :  Clément  de  Rome  l'associe  à  Sto)Y|x6ç  *,  xTiatç  du 
sens  d'acte  créateur  passe  à  celui  de  chose  créée  :  on  pourrait  noter  pour 
les  mots  latins  en  -tio  un  changement  analogue.  Il  n'y  a  là  jusqu'ici 
que  des  faits  communs  aux  écrits  de  la  même  époque.  Mais  ceux  où  l'on 
trouve  la  trace  d'une  influence  de  la  race  et  du  pays  sont  propres  au 
grec  biblique.  Les  métaphores  sur  lesquelles  reposent  les  mots  désignant 
chez  les  Grecs  et  les  Romains  la  vie  et  ses  divers  accidents,  lidentifient 
au  libre  mouvement  et  au  tumulte  affairé  des  rues  des  villes  (àvacTpéçea- 
ôat,  àvacripcçY],  uersari,  conuersatio).  Dans  les  montagnes  de  la  Syrie,  il 
n^y  a  guère  que  des  villages  ;  les  relations  entre  eux  ne  sont  possibles 
qu^à  pied,  par  des  sentiers  pénibles  et  pierreux  :  de  là  un  groupe  de 
métaphores  dans  lesquelles  la  vie  est  conçue  comme  un  voyage  et  ses 
diflnicultcs  comme  les  obstacles  habituels  que  doit  vaincre  le  voyageur 
(èTTOpeûô-^cav  ù(liy;Xo)  Tpay;r;Xco,  cxôvoaXa,  7:poa/,o[j.[xaTa,  7:aYÎ5cÇ,  péxuvo'.,  çopTia). 
Aux  occupations  agricoles  des  habitants,  à  leur  économie  rurale,  à  leur 
organisation  judiciaire  se  rattachent  d'autres  catégories  de  métaphores 
((T7r£(p£iv,6£p{î^£iv,  àXoav  ;  Bta-AOV£tv,  2av£(^£iv,[xiGG6ç,  6-/)C7aup5ç; -/.p'-TY];,  [j.apTupeç, 
TupoawzoXr/^ia,  etc.). 

Les  différences  du  grec  biblique  avec  le  grec  classique  sont  donc 
certaines.  M.  H.  indique  ensuite  les  moyens  de  les  connaître  à  l'aide  de 
la  veriion  des  Septante.  Considérée  en  «Ue-méme,  comme  un  ouvrage 
original,  elle  permet  déjà  de  dresser  deux  listes,  l'une  de  mots  nouveaux, 
tantôt  destinés  à  exprimer  des  idées  et  des  usages  propres  aux  juifs, 
tantôt  formés  régulièrement  d'après  les  modèles  antérieurs  du  grec 
classique,  l'autre  de  sens  nouveaux  donnés  à  des  mots  existant  depuis 
longtemps  dans  la  langue.  Si  on  l'étudié  en  tant  que  traduction,  on 
peut  la  comparer  au  texte  hébreu.  On  arrivera  à  préciser  les  nuances  de 
signification  en  se  servant  de  l'hébreu  comme  s'il  était  la  traduction  du 
livre  dont  les  Septante  fourniraient  Toriginal.  Les  gloses  et  les  para- 
phrases, les  changements  de  métaphores,  les  différentes  traductions  du 
même  mot  hébreu  permettront  d'arriver  à  une  grande  exactitude.  Car  à 
un  mot  comme  "triD  peut  correspondre  dans  le  grec  un  nombre  très 
varié  d'expressions  (pp.  18-20)  et  inversement  un  seul  mot  grec  comme 
£i'oo3Xov  (e'iâtoAa)  représentera  i3  mots  différents  de  l'hébreu  {p.  20).  De 
plus,  les  fragments  des  traductions  d'Aquila,  de  Théodotion,  de  Symma- 
que   fourniront  un  contrôle  fort  utile.  Tel  mot  ou  telle  signification 


20  RKVUE     CRITIQUE, 

qui  apparaît  pour  la  première  fois  dans  le  Nouveau-Testament  se  retrouve 
dans  ces  versions  ;  les  divergences  ou  les  contradictions  qu'elles  présen- 
tent entre  elles  ou  avec  les  Septante  ne  seront  pas  moins  instructi- 
ves ^  Enfin  les  manuscrits  offrent  eux-mêmes  des  cas  nombreux  où  un 
mot  est  substitué  à  un  autre.  Quelle  que  soit  la  cause  de  ces  variantes, 
elles  aideront  à  préciser  le  sens  du  mot  sinon  à  Tépoque  où  écrivait 
l'auteur,  du  moins  à  celle  où  vivaient  les  derniers  reviseurs  ou  copistes. 

Les  essais  II  et  III  offrent  des  applications  de  la  méthode.  En 
voici  deux  exemples.  A'.â6o>.oç,  dans  le  grec  classique,  se  rapporte  à  une 
accusation  mensongère  ou  du  moins  malveillante.  Dans  les  Septante, 
l'idée  d'accusation  vraie  ou  fausse  disparaît  pour  faire  place  à  celle  d'ini- 
mitié, et  dans  Job,  Zacharie,  la  Sagesse,  le  mot  désigne  une  personne 
déterminée,  l'ennemi  du  genre  humain,  ip'^ .  Ce  dernier  sens  est 
constant  dans  le  Nouveau-Testament,  sauf  dans  quelques  passages 
des  Epîtres  pastorales  où  le  mot  est  adjectif.  Muarrjpiov  reçoit  dans  les 
apocryphes  de  l'Ancien-Testament  le  sens  de  secrets,  secrets  d'Etat, 
desseins  du  prince,  et  par  suite  sert  à  désigner  les  secrets  conseils  de 
Dieu.  C'est  dans  cette  acception  que  le  mot  est  pris  dans  le  Nouveau- 
Testament.  Dans  deux  passages  de  l'Apocalypse  et  dans  un  texte  de 
TEpître  aux  Ephésiens  on  ne  peut  cependant  traduire  ainsi.  On  a  là  en 
effet  un  nouveau  sens  :  des  passages  de  Justin  le  martyr  et  de  Méliton 
où  (;,ua-rjp'.ov  est  rapproché  de  xuzoç,  aij[j.6oXov,  7capa6oX-/)  le  déterminent 
aisément.  De  l'idée  de  secret  dessein  de  Dieu,  on  est  passé  à  celle  de 
symbole,  du  signe  par  lequel  ce  dessein  s'est  manifesté.  Les  traductions 
latines  ayant  rendu  ixucrrjpiov  par  sacramentum,  le  mot  est  entré  dans  la 
langue  ecclésiastique  et  de  là  dans  les  idiomes  modernes  avec  son  der- 
nier sens. 

Ces  applications  feront  comprendre  tout  Tintérêt  de  ces  études. 
Grâce  à  l'importance  unique  du  livre  auquel  elles  s'appliquent,  ce  n'est 
pas  seulement  la  connaissance  du  grec  d'une  région  et  d'une  époque  qui 
en  profitera,  mais  celle  du  latin  postelagique  et  des  langues  filles 
du  latin.  On  peut  en  effet,  étendant  la  méthode  de  M.  H.,  suivre  les 
mots  grecs  dont  le  sens  a  été  précisé  dans  les  traductions  latines;  le 
grec  alors  servira  de  guide,  comme  s'il  était  la  traduction  du  latin.  De 
ces  mots,  les  uns  sont  entrés  tout  vifs  dans  la  version  latine,  avec  un 
simple  changement  dans  leurs  désinences  :  tels  sont  oïdôoXoq  et  [jLuaxYjpwv. 
Les  autres  ont  été  remplacés  par  des  équivalents  latins  et  les  mêmes 
phénomènes  se  produisent  que  dans  le  grec  des  Septante  :  changements 
et  acquisitions  de  sens,  équivalence  de  mots  différents  ou  inversement 
emploi  d'un  seul  mot  latin  pour  plusieurs  mots  grecs  (uirtus  =.  àpe'T:ri 

I.  Je  suis  surpris  que  M.  H.  ne  fasse  pas  entrer  en  ligne  de  compte  les  écrits  de 
Flavius  Josèphe  qui  peuvent  offrir  des  rapprochements  intéressants  sur  la  manière 
dont  sont  traduites  en  grec  les  idées  et  les  choses  juives.  Sur  l'utilité  que  peut 
pré.^enter  la  traduction  syriaque,  cf.  Kottek,  Dus  sechste  Buch  des  Bellum  Judaiciim 
nach  der  Peschisto-Handschrift. 


JHISfOIR!':     KT     OK     LITTERATURE  27 

(Hatch,  p.  40)  et  gûva[j,iç  :  cp.  Marc,  V.  3o  et  Act.,  VIII.  lo).  Ainsi  se 
forme  une  langue  particulière  que  la  multitude  des  écrivains  ecclésiasti- 
ques fait  entrer  dans  le  courant  de  la  circulation  générale  (uirtus  zrz 
Sùva[A'.ç  n^est  pas  moins  de  4  fois  dans  la  courte  Vie  de  s.  Martin  par 
Sulpice  Sévère  :  Halm,  pp.  117,  i,  et  22  ;  i2  3,  27;  1 32,  25).  Du  latin, 
ces  mots  nouveaux  et  ces  acceptions  nouvelles  ont  passé  dans  les  langues 
romanes,  soit  au  moment  même  de  la  formation  de  ces  idiomes,  soit 
plus  tard,  après  un  séjour  dans  les  écrits  des  scolastiques,  quand  un 
vocabulaire  philosophique  est  devenu  nécessaire  aux  langues  vulgaires. 
Et  c'est  ainsi  que  telle  recherche  sur  le  sens  d'une  locution  des  Septante 
éclairera  une  particularité  de  nos  parlers  modernes.  Voilà  les  fruits  qu'on 
doit  attendre  de  la  méthode  si  brillamment  exposée  et  inaugurée  par 
M.  Hatch.  Il  n'y  avait  fait  presque  aucune  allusion  :  il  convenait 
d'insister  \ 

La  deuxième  partie  du  livre  de  M,  H.  est  moins  neuve.  L'auteur 
montre  comment  les  citations  des  Septante  faites  par  les  Pères  peuvent 
être  utiles  pour  la  critique  verbale.  Prises  isolément,  ces  citations 
aident  à  déterminer  la  valeur  des  manuscrits,  à  les  classer,  à  découvrir 
les  recensions  diverses  subies  par  le  texte  et  à  reconstituer  ainsi  son 
histoire.  Leur  ensemble  dans  un  écrivain  donné  permet  de  reconnaître 
l'état  de  la  tradition  à  son  époque  et  la  valeur  des  contributions  que  ces 
citations  apportent  à  la  critique  textuelle.  Une  telle  méthode  n'a  rien 
d'inconnu  :  il  y  a  longtemps  qu'on  l'applique  aux  écrivains  classiques. 
Dans  un  grand  nombre  de  passages  que  M.  H.  soumet  à  ces  réactifs,  il 
arrive  à  des  résultats  nouveaux  qu'il  est  impossible  de  passer  en  revue 
l'un  après  l'autre.  M.  H.  conclut  que  les  citations  de  la  Bible  étaient 
faites  avec  grand  soin  ;  que  les  divergences  entre  ces  citations  et  nos 
mss.  proviennent,  non  d'erreurs  de  la  mémoire,  ma's  de  l'existence  d'un 
texte  vraiment  différent;  qu'enfin  des  recueils  d'extraits  permettaient 
les  citations  composites,  fréquentes  chez  les  anciens  auteurs,  comme 
Clément  de  Rome,  Barnabe  et  Justin  le  martyr. 

Dans  les  deux  derniers  essais,  qui  sont  plutôt  des  appendices, 
M.  Hatch  étudie  la  revision  du  livre  de  Job  faite  par  Origène  et  la 
situation  particulière  de  l'Ecclésiastique  vis  à  vis  de  la  critique. 

Un  index  des  passages  bibliques  termine  le  volume  :  on  regrette 
Tabsence  d'un  index  des  mots  cités  dans  la  première  partie  2. 

P. -A.  L. 

1.  M.  H.  paraît  étonné  que  ces  éludes  aient  été  négligées.  Mais  en  matière  de 
lexicographie  et  de  syntaxe  historiques  presque  tout  est  à  faire  pour  le  grec.  A 
peine  avons-nous  deux  ou  trois  bons  lexiques  d'auteurs  et  quelques  monographies 
du  genre  de  celle  que  M.  Cucuel  nous  a  donnée  sur  Antiphon  :  encore  celle-ci  est-elle 
toute   récente. 

2.  L'auteur  ne  pourra  pas  tenir  les  promesses  dont  ce  beau  livre  semblait  être 
le  gage.  Edwin  Hatch  vient  de  mourir,  à  l'âge  de  cinquante-quatre  ans. 


28  '  REVUE    CRITIQUE 

ig.  —  Faculté  des  Lettres  de  Bordeaux.  Musée  arcbéulo^^ique.  Catalogue 
méthodique  des  moulages  des  œuvres  de  sculpture  grecque,  rédigé  par  un  groupe 
d'étudiants,  sous  la  direction  de  P.  Paris.  Premier  fascicule.  Bordeaux,  impri- 
merie Cadoret.  In-8  de  112  p. 

Euge!  Voici  un  livre  que  l'on  a  plaisir  à  faire  connaître,  parce  qu'il 
marque  une  ère  nouvelle  dans  renseignement  d'une  de  nos  grandes 
Facultés.  En  1886,  sous  le  ministère  Berthelot,  on  créa  à  Bordeaux  un 
musée  de  moulages;  le  conseil  municipal,  éclairé  par  MM.  Daney  et 
Couat ,  contribua  généreusement  à  Pinstaller.  M.  Paris,  maître  de 
conférences,  ancien  athénien,  fut  chargé,  en  1887,  d'inaugurer  un  cours 
d'archéologie  dans  le  local  où  les  moulages  avaient  trouvé  place.  Une 
allocation  annuelle,  inscrite  depuis  1887  au  budget  de  la  Faculté  des 
Lettres,  pourvoit  à  l'entretien  et  à  l'accroissement  de  la  collection. 
Mais  ce  n'est  pas  tout  :  le  petit  séminaire  archéologique  dirigé  par 
M.  Paris  a  entrepris  de  publier  un  catalogue  de  son  musée  et  ce  groupe 
d'étudiants,  inspiré  par  un  jeune  maître  qui  aime  la  science,  vient  de 
nous  donner  le  premier  fascicule  d'un  travail  qui  m.érite  d'être  chau- 
dement encouragé.  C'est,  en  effet,  le  premier  de  ce  genre  qui  ait  été 
publié  en  France,  car  celui  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts  est  tout  à  fait 
sommaire  et  celui  de  Tatelier  du  Louvre  ne  répond  pas  même  à  des 
besoins  commerciaux. 

Le  fascicule  que  nous  avons  sous  les  yeux  comprend  la  description 
détaillée  de  soixante  et  un  monuments  de  l'art  grec  archaïque,  parmi 
lequels  il  en  est  plusieurs  d'inédits.  Chaque  notice  est  signée  du  nom 
de  son  auteur  et  suivie  d'indications  bibliographiques.  Comme  la  bi- 
bliothèque de  la  Faculté  n'est  pas  encore  très  riche,  on  ne  pouvait  espé- 
rer être  complet  à  cet  égard  et  l'on  a  cité  de  préférence  des  ouvrages 
accessibles,  publiés  en  France  et  en  français.  Je  pense  que  les  auteurs 
auraient  dû  aller  plus  loin  dans  cette  voie,  ne  jamais  énumérer  d'an- 
ciennes et  mauvaises  gravures  là  où  il  existe  des  reproductions  photo- 
graphiques excellentes  et  s'épargner  ainsi  quelques  erreurs  qui  résultent 
de  citations  faites  de  seconde  main.  Ainsi,  pour  l'Apollon  d'Orchomène, 
il  suffisait  de  renvoyer  au  Bull,  de  Corresp.  hellén.,  1881,  pi.  iv,  tou- 
tes les  autres  gravures  de  cette  statue  étant  détestables.  Pour  l'Apollon 
de  Pombino,  l'héliogravure  donnée  par  Rayet  annule  les  publications 
précédentes.  De  même,  pour  le  bas-relief  de  Samothrace,  il  ne  fallait 
pas  renvoyer  à  Millingen,  Unediti  monumenti  (sic),  d'abord  parce  que 
cet  ouvrage  (rare  et  coûteux)  est  en  anglais  et  non  en  italien,  puis 
parce  que  Unediti  est  un  barbarisme.  Les  renvois  à  des  périodiques 
sans  autre  indication  que  celle  de  l'année  ou  du  volume  (p.  76,  81)  doi- 
vent être  absolument  proscrits,  car  une  bibliographie  ne  peut  se  con- 
tenter d'à  peu  près.  Je  crains  que  l'auteur  de  la  notice  sur  le  monument 
des  Harpyes  n'ait  énuméré,  sans  les  avoir  vus,  les  travaux  d'ailleurs 
négligeables  de  Gerquand  et  autres  qui  encombrent  la  lin  de  sa  biblio- 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  20 

graphie  i.  P.  88,  le  Bulletino  Romano  (il  n'existe  pas  de  recueil  de  ce 
nom)  est  évidemment  cité  de  seconde  main.  Pour  la  prétendue 
Athéna  d'Endoios,  il  fallait  renvoyer  à  Beulé  et  à  Le  Bas,  non  pas  à 
Jahn  ;  pour  Tathlète  de  la  collection  Rampin,  à  Rayet  et  non  pas  à 
Dumont  ou  à  Collignon.  Vouloir  donner  une  bibliographie  complète 
est  chimérique  ;  y  réussir,  même  dans  une  large  mesure,  serait  inutile. 
Il  s'agit  de  choisir  en  connaissance  de  cause,  après  examen  personnel, 
et  de  ne  citer  que  ce  qui  vaut  la  peine  d'être  vu.  Un  critique  philistin 
vous  reprochera  d'avoir  oublié  des  références  sans  valeur  :  un  critique 
sérieux  et  sachant  ce  dont  il  parle  regrettera  surtout  que  vous  en  ayez 
donné  de  superflues. 

Quelques  menues  erreurs  typographiques  et  autres  sont  signalées 
dans  une  note-;  si  le  groupe  des  jeunes  archéologues  bordelais  réim- 
prime ce  fascicule,  je  tiens  à  sa  disposition  d'autres  remarques  que  j'ai 
consignées  à  la  marge  de  mon  exemplaire.  Quant  aux  descriptions,  elles 
sont  en  général  sobres  et  bien  écrites;  les  auteurs  ont  même  souvent  fait 
preuve  d'indépendance  à  l'égard  de  certaines  opinions  en  cours.  Là  où 
plusieurs  interprétations  étaient  en  présence,  leur  choix  n'a  peut-être 
pas  toujours  été  heureux  ',  mais  ce  ne  sont  là  que  des  détails  d'impor- 
portance  secondaire.  L'essentiel,  c'est  qu'ils  ont  beaucoup  appris  en 
rédigeant  ce  catalogue,  que  leurs  successeurs  apprendront  beaucoup  en 
le  consultant  et  que  MM.  Ravaisson  et  Dumont  n'ont  pas  perdu  leur 
temps  et  leur  encre  en  réclamant,  comme  ils  l'ont  fait  avec  tant  de  per- 
sistance, la  création  de  musées  de  moulages,  complément  ou  plutôt  pré- 
face indispensable  de  tout  enseignement  qui  veut  former  des  archéo- 
logues. 

Salomon  Reinach. 

1.  Ces  renseignements  sont  empruntés  à  mon  Manuel  de  Pliilol  ,  t.  II,  p.  258, 
mais  ils  ne  seraient  à  leur  place  que  dans  un  travail  spécial  sur  les  Harpyes. 

2.  P.  Q,  lire  Rayet...  pi.  25  (pourquoi  tab.,  ici  et  ailleurs,  quand  il  s'agit  d'un  ouvrage 
français?)  Ibid.,  ajouter  Rayet,  Etudes,  p.  ii5  et  modifier  d'après  ce  passage  le 
deuxième  alinéa  de  la  p.  8.  Ibid.,  des  au  lieu  de  der.  P.  12,  le  bas-relief  de  Samo- 
thrace  appartient  plutôt  à  la  fin  du  vi'  siècle.  P.  14,  lire  Ausgr.  -u  Olympia  et 
archaischc.  P.  18,  l'inscription  de  Chéramnès  ne  prouve  pas  que  la  statue  de  Samos 
soit  une  Héra;  ce  pourrait  être  une  prêtresse.  P.  20,  lire  Furtvvaengler.  P.  26, 
deuxième  paragraphe,  l'indication  des  monuments  représentant  Artémis  est  beau- 
coup trop  vague.  P.  28,  lire  von  Sybel.  P.  33,  le  texte  est  trop  afHrmatif  sur  le  ca- 
ractère funéraire  de  l'Apollon  de  Ténéa.  P.  34,  lire  Prokesch  d'Osten.  P.  36,  Ver-> 
:ieichniss,  et  non  Vcr:^eichwig ;  il  existe  d'ailleurs  une  édition  française  du  même 
ouvrage,  etc. 

3.  Ainsi,  je  regrette  que  le  rédacteur  de  la  notice  sur  la  stèle  de  Piiarsale  ait  adopté 
l'opinion  de  Rayet,  opinion  toute  de  polémique,  émise  dans  un  article  écrit  ab  ivato 
et  qui  ne  tient  pas  devant  un  examen  attentif  du  monument. 


3o  REVUE    CRITIQUE 

20.  —  l'ne  école  inédit©  «le  sculpture  j^ullo-i-omuine.,  par  Albert  Lebè- 
GUE,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Toulouse.  Toulouse,  Ed.  Privât,  i88(i, 
in-S  de  28  p. 

21.  —  L'Empereur  Teti'ieus  et  le  elievalîer  Dumègej  par  le  même. 
Agen,  veuve  Lamy,  1SS9,  in-8  de  56  p. 

Dans  le  premier  mémoire,  M.  Lebègue  s'occupe  des  découvertes  de 
Martres-Tolosanes,  qui  ont  fourni  au  musée  de  Toulouse  son  trésor 
d'antiquités  le  plus  abondant,  le  plus  précieux,  et  il  examine  spéciale- 
ment quelques  sculptures,  parmi  lesquelles  un  bas-relief  représen- 
tant l'empereur  Tetricus  appelle  surtout  son  attention.  Il  dit  d'excel- 
lentes choses  sur  ce  monument  archéologique  qui  lui  paraît  «le  plus 
intéressant  de  l'empire  gallo-romain.  »  D'après  le  savant  antiquaire, 
quelques-unes  des  sculptures  trouvées  à  Martres-Tolosanes  sont  les 
œuvres  originales  d'un  art  local,  gallo-romain,  peu  étudié  jusqu'à  ce 
jour  ^.  La  thèse  qu''il  soutient  a  eu  l'approbation  des  juges  les  plus 
compétents  qui  ont  eu  l'occasion  de  la  discuter  en  face  même  des 
monuments  découverts  aux  environs  de  Toulouse,  et  nous  répéterons 
avec  lui  que  «  le  midi  de  la  Gaule  a  vu  naître,  probablement  au  m*  siè- 
cle, une  école  de  sculpture  qui  doit  occuper  sa  place  dans  l'histoire  de 
l'art  antique.  » 

Le  piquant  début  du  second  mémoire  donnera  une  juste  idée  de 
l'intérêt  que  d'un  bout  à  l'autre  présenteront  des  pages  où  nous  trouvons 
un  sagace  critique  doublé  d'un  spirituel  narrateur  :  «  Le  musée  de 
Nérac  et  celui  de  Toulouse  possèdent  des  inscriptions  et  des  bas-reliefs 
qui  se  rapportent  presque  tous  au  règne  de  Tetricus.  La  science  s'en  est 
beaucoup  occupée,  de  i83o  à  i836,  les  a  condamnés,  presque  tous  pour 
des  raisons  évidentes,  et  a  même  flétri  le  fabricant  nommé  Chrétin. 
Elle  a  soupçonné  fort  justement  l'archéologue  Dumège  de  n'avoir  pas 
été  étranger  à  ces  falsifications.  Cependant  elle  ne  lui  a  pas  attribué 
le  rôle  prépondérant  qui  lui  revenait  de  plein  droit,  et  enveloppant 
tous  les  monuments  qui  lui  étaient  présentés  dans  une  égale  réproba- 
tion, elle  ne  s'est  pas  aperçue  qu'un  bas-relief  représentant  le  triomphe 
des  deux  Tetricus  n'était  pas  du  même  ciseau  que  les  autres  œuvres, 
et  qu'il  méritait  d'être  examiné  à  part.  Seules  les  inscriptions,  gra- 
vées après  coup,  portent,  sans  conteste,  la  marque  de  l'ofïîcine 
Dumège-Chrétin.  Je  reprends  donc  en  détail  un  procès  incomplè- 
tement ou  mal  jugé.   Il  n'est  pas  inutile  d'écrire  un  nouveau  chapitre 

I.  Je  demande  la  permission  de  remplacer  ^■'e;<  par  pas  du  tout,  car  on  n'a  écrit  à 
ce  sujet  que  des  lignes  insuffisantes  et  qui  ne  comptent  pas.  M.  L.  ne  trouve  à 
citer  qu'une  notice  dans  le  Musée  de  sculpture  de  Clarac,  mais,  dans  cette  notice, 
c'est  à  peine  si  une  distinction  est  établie  entre  les  œuvres  qui,  au  musée  de  Tou- 
louse, sont  de  style  purement  grec  ou  romain  et  celles  qu'il  faut  rattacher  incontes- 
tablement à  une  école  gallo-romaine.  M.  L.  exprime  le  vœu  que  les  fouilles  de 
Martres-Tolosanes  soient  reprises  et  achevées.  Nous  nous  associons  à  ce  vœu  et  nous 
le  complétons  en  demandant  que  les  nouvelles  fouilles  soient  dirigées  par  un  anti- 
quaire aussi  consciencieux  et  aussi  éclairé. 


d'histoire  et  de  littérature  3î 

sur  l'histoire  des  fraudes  scientifiques.  Il  est  bon  que  les  antiquités 
suspectes  qui  figurent  dans  nos  musées  soient  signalées  et  condam- 
nées définitivement.  Enfin  il  faut  réhabiliter  les  œuvres  authentiques 
comprises  à  tort  dans  un  ostracisme  trop  absolu  ». 

Je  ne  puis  suivre  M.  L.  dans  toute  sa  discussion.  Qu'il  me  sufiise  de 
dire  qu'elle  est  aussi  probante  qu'amusante  i.  L'auteur  met  en  pleine 
lumière  toute  l'histoire  d'une  affaire  très  compliquée.  Chrétin  et  son 
complice  Dumcge  sont  pris,  pour  ainsi  dire,  en  flagrant  délit  de  trom- 
perie -.  Jamais  juge  d'instruction  ne  s'est  livré  contre  des  faussaires  à 
une  enquête  plus  pressante.  La  sûre  critique  de  M.  L.  sépare  à  mer- 
veille ce  qui  a  été  fabriqué  de  ce  qui  est  authentique.  A  son  récit  des 
opérations  des  associés  Ghrétin-Dumège,  il  a  joint  une  très  bonne 
notice  historique  sur  l'empereur  Tetricus  (p.  10-20).  Quant  à  ses 
conclusions  en  faveur  de  l'authenticité  du  bas-relief  où  est  figuré  ce 
personnage,  j'estime  que,  «  sérieusement  contrôlées,  »  comme  il  le 
demande,  elles  feront  leur  chemin  dans  le  monde  savant  et  que  tous  les 
vrais  connaisseurs  diront  :  Je  crois  au  triomphede  Tetricus. 

T.  DE   L. 


22.  —   I.  Les  Imuginations  ou  le»   l>oublets   de  M.   Bracliet,  par  J.  Es- 

PAGNOLLE,  auteur   de   VOrigine  du  français,    in-S,    20    pages.  Prix  :  i  fr.  Paris, 
Ern.  Thorin,   i88g. 

23.  —  2.  t.o  elef  du   vieux.  fi-nnç'a>**»  par  l'abbé  J.  Espagnolle,  du  clergé  de 
Paris,  in-8,  93  pages.  Prix  :  b  fr.  Paris,  ap.  Ch.  Leroy,  1890. 

1°  Je  ne  crois  p«s  que  l'on  puisse  extravaguer  (en  étyraologie,  bien 
entendu),  avec  plus  de  suite  que  ne  le  fait  M.  l'abbé  EspagnoUe  dans 
ce  tout  petit  opuscule.  Il  est  impossible  de  soutenir  raisonnablement, 
dit-il,  qu'il  y  ait  dans  notre  langue  des  doublets  venus,  les  uns  de  la 
couche  populaire,  les  autres  de  la  langue  savante.  Il  y  a  bien,  il  est 
vrai,  une  couche  ancienne,  mais  cette  couche  n'est  pas  latine,  elle  est 
gauloise  ou  plutôt  dorienne,  ce  qui  est  absolument  la  même  chose. 
Ainsi  natif  et  naïf  nom  pas  une  origine  commune  :  le  premier  est  latin, 
la  seconde  n'est  autre  chose  que  la  transcription  exacte  du  grec  doricn 
nais.  De  exmota  ne  dérivent  pas  émue  et  émeute  :  ce  dernier  est  le  grec 
muthos,  ainsi  que  le  prouve  l'ancien  moimute^  et  avec  l'addition  d'un  e, 

1.  L'auteur  demande  en  ces  termes  un  pardon  qui  lui  sera  facilement  accordé  par 
les  plus  sévères  lecteurs  (p.  10):  «  On  nous  excusera  si  la  comédie  \'ient  ici  quel- 
quefois se  mêler  malgré  nous  à  la  gravité  de  l'histoire.  Il  faut  s'en  prendre  aux 
auteurs  de  ces  fraudes  qui  furent  souvent  d'une  étonnante  légèreté.  » 

2.  Ce  n'est  pas  seulement  dans  ses  inscriptions  que  Dumège  s'est  joué  de  la  cré- 
dulité de  ses  lecteurs;  c'est  aussi  dans  des  communicaiions  au  sujet  d'un  prétendu 
procès  Vanini,  pour  un  article  de  Victor  Cousin  destiné  à  la  Revue  des  Deux 
mondes,  au  sujet  de  Clémence  Isaure  et  de  poésies  apocryphes.  C'est  encore  dans 
divers  textes  dont  \\  z  enrichi  son  édition  de  V Histoire  générale  de  Languedoc.  On 
retrouve  ailleurs  encore  la  main  malfaisante  de  ce  déloyal  érudit  etl'onpeut  à  bon 
droit  frapper  de  suspicion  et  de  réprobation  presque  tout  ce  qu'il  a  publié. 


32  RKVUE    CRITIQUE 

émute  qu'on  trouve  dans  La  Fontaine.  Les  doublets  d'origine  germa- 
nique sont  de  pure  fantaisie,  comme  niche  et  nique  qui  viendraient, 
selon  M,  Brachet,  du  suédois  nyck  :  le  premier,  dit  M.  l'abbé  Esp.,  re- 
monte bien  haut,  car  dans  leviii''  chant  de  V Odyssée^  v.  75,  il  est  ques- 
tion des  niches,  neikos,  que  se  faisaient  Ulysse  et  Achille,  fils  de  Pelée. 
Il  n'est  pas  moins  absurde  de  prétendre  que  Sire  et  Seigneur  aient  été 
formés  l'un  sur  senior,  l'autre  sur  seniorem,  puisque  ces  mots  s'em- 
ploient Tun  pour  l'autre,  et  la  preuve  en  est  que  dans  ces  deux  vers  de 
la  chanson  de  Roland  seignur  est  sujet  : 

Le  Seignur  d'els  est  apelet  Oedun  f?o56) 
Richart  le  vieil,  le  Seignur  des  Normans  (3470). 

M.  l'abbé  Esp.,  ne  se  doute  pas  qu'il  faut  lire  pour  bien  des  raisons 
Le  Seignur  d'iils  apelent  ii  Oedun, 

et  que  dans  le  second  vers  Seignur  est  complément  d'un  verbe  : 

Pois  ad  ocis  Gebuin  e  Lorant, 

Richart  le  vieil,  ie  Seignur  des  Normands. 

Toutes  les  fois  que  M.  Tabbé  Esp.,  cite  un  passage  du  vieux  français, 
il  prouve,  je  l'ai  démontré  maintes  fois  déjà,  qu'il  n'en  sait  pas  un  mot. 
Mais  d'où  vient  donc,  selon  lui,  le  mot  Sire?  Naturellement  du  grec 
Kiirios.  H.  Estienne  l'avait  déjà  dit,  mais  on  sera  bien  aise  de  savoir 
que  M.  de  Bismarck  (on  ne  s'attendait  guère  à  voir  Bismarck  en  cette 
affaire)  a  donné  à  cette  étymologie  une  grande  autorité,  «  car  il  s'est 
servi  du  mot  Sire  en  écrivant  au  pape.  Il  ne  pouvait  employer  un  terme 
plus  grand  ni  plus  noble  que  celui-là.  »  yEgri  somnia. 

2°  La  Clef  du  vieux  français.  Toujours  la  même  chanson  avec  des 
variations  sur  le  même  air.  (Voir  Y  Origine  du  Français.)  L'ouvrage 
est  dédié  «  à  Messieurs  les  Elèves  de  l'Ecole  des  Chartes.  j>  Lisez  et  Jugez, 
leur  dit  presque  évangéliquement  l'auteur.  Je  suis  convaincu  que  cette 
lecture  leur  fera  passer  gaiement  une  heure  ou  deux. 

A.  Delboulle. 

24.  —  André  Doria.    Un    amiral    eondotisei-e   au    xvi^   siècle  (1466-1560J,  par 
Edouard  Petit.   Paris,  Quaniin,  1S87,   i  voL  in-S  de  xvi-ogi  pages. 

Bien  que  cet  ouvrage  ait  valu  à  son  auteur  le  grade  de  docteur  ès-let- 
tres  devant  la  faculté  d'Aix,  quelques  critiques  ne  l'en  ont  pas  moins 
Jugé  très  sévèrement.  On  lui  a  reproché  d'avoir  négligé  des  ouvrages 
importants  comme  les  Diarii  de  Marino  Sanuto  et  la  Storia  di  Ca- 
rolo  V incorrela^ione  colV Italia  de  G.  di  Leva;  de  n'avoir  pas  soumis 
à  une  critique  assez  rigoureuse  les  biographies  de  Capelloni,  de  Sigonius 
et  de  Guerrazzi;  enfin  d'avoir  raconté  la  vie  d'André  Doria  sans  la 
méthode,  la  concision  et  l'éclat  qu'elle  méritait. 

Il  faut  bien  reconnaître  que  tout  n'est  pas  exagéré  dans  ces  reproches. 
Le  plan  général  du  livre  manque  de  netteté;  on  sent,  en  effet,  une  cer- 
taine absence  de  méthode,  aussi  bien  dans  la  recherche  des  documents 


o'HISTOrRK    ET    DR    LITTÉRATURB  33 

que  dans  leur  mise  en  œuvre  ;  pour  tout  dire,  on  sent  l'inexpérience  de 
Fauteur  et  que  ce  livre  est  un  début.  Mais  il  serait  injuste  aussi  de  ne 
pas  tenir  compte  à  M.  Petit  des  sérieuses  recherches  qu'il  a  accomplies 
dans  les  archives  italiennes  et  du  méritoire  effort  qu'il  a  fait.  On  pour- 
rait plutôt  lui  reprocher  de  s'être  trop  enfermé  dans  les  documents 
étrangers.  Il  a  ainsi,  pour  avoir  négligé  les  sources  françaises,  perdu  de 
vue  l'ampleur  et  l'importance  du  sujet  qu'il  avait  choisi.  Ecrire  la  vie 
d'André  Doria,  en  effet,  ce  n'est  pas  seulement  raconter  les  actions  du 
grand  amiral,  c'est  aussi  étudier  un  des  chapitres  et  non  des  moins  im- 
portants de  l'histoire  de  l'influence  française  en  Italie.  Par  sa  situation, 
Gènes  menaçait  à  la  fois  le  Piémont  à  l'Ouest  et  au  Nord-Ouest,  le  Mila- 
nais au  Nord,  la  Toscane  au  Sud-Est.  Elle  laissait  à  celui  qui  en  dispo- 
serait la  liberté  de  déboucher  à  son  gré  dans  le  bassin  du  Pô  ou  dans 
l'Italie  centrale.  Par  sa  marine,  elle  aurait  permis  aux  rois  de  France  de 
se  passer  de  l'alliance  du  Turc,  alliance  souvent  onéreuse  et  toujours 
acceptée  à  contre-cœur. 

Voilà  ce  que  M.  P.  aurait  mieux  mis  en  lumière  s'il  avait  utilisé  suf- 
fisamment les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale,  si  riche  pour 
tout  ce  qui  concerne  l'histoire  extérieure  de  la  France  au  xvi'=  siècle, 
même  les  Archives  Nationales  et  celles  des  Affaires  Etrangères.  Les 
correspondances  de  nos  agents  en  Italie  lui  auraient  permis  de  contrôler 
bien  des  détails  de  son  livre.  Celles  de  nos  ambassadeurs  à  Venise,  cet 
admirable  poste  d'observation  qui  fut  au  xvi«  siècle  le  point  où  abou- 
tissait et  d'où  partait  toute  la  politique  de  la  France  en  Orient,  lui 
auraient  aussi  fourni  plus  d'un  renseignement  sur  les  luttes  de  Doria 
contre  les  Barbaresques.  M.  P.  semble  n'avoir  connu  que  Charrière,  et 
Charrière,  quelle  que  soit  d'ailleurs  sa  valeur,  est  loin  d'être  complet. 
C'est  en  combinant  les  documents  italiens  et  les  documents  français,  en 
les  contrôlant  et  les  éclairant  les  uns  par  les  autres,  que  M.  P.  serait 
peut-être  arrivé  à  écrire  une  page  définitive  sur  le  point  capital  de  la 
vie  d  André  Doria,  sa  défection  en  028.  Toute  la  question,  en  effet,  est 
de  savoir  :  d'abord,  si  François  I"  n'a  pas  donné  lieu  à  André  Doria 
d'abandonner  sa  cause  ;  ensuite  si,  le  sachant  prêt  à  passer  à  l'Empereur, 
il  n'a  pas  cherché  à  le  ramener.  Or,  cela,  c'est  dans  les  documents  fran- 
çais, dans  les  dépêches  de  la  Cour  à  ses  ambassadeurs,  dans  les  réponses 
de  ceux-ci,  que  l'on  doit  en  trouver  la  preuve,  si  toutefois  il  n'y  a  pas  là 
de  ces  raisons  intimes,  quelquefois  les  plus  décisives,  mais  dont  l'his- 
toire ne  peut  arriver  à  saisir  la  trace  certaine.  Quant  au  reproche  que 
fait  M.  P.  à  Doria  d'avoir  asservi  sa  patrie  à  l'Empereur,  remarquons 
que  la  petite  république  ligurienne,  placée  entre  ses  deux  puissants  voi- 
sins, n'avait  guère  que  le  choix  entre  la  suprématie  de  la  France  ou 
celle  de  l'Empire.  La  meilleure  politique  qu'elle  put  suivre,  fut  peut- 
être  encore  celle  que  pratiqua  Doria  :  acheter  au  prix  d'une  alliance  et 
d'une  demi-sujétion  la  protection  de  l'un  des  deux  rivaux,  quitte  à  résis- 
ter adroitement  à  des  prétentions  trop  fortes,  comme  il  le  fit  dans  l'af- 
faire de  Gastelletto. 


34  RKVUF.    CRITfQUK 

En  résumé,  le  livre  de  M.  Petit  témoigne  d'une  évidente  inexpé- 
rience, d'une  composition  hâtive,  attestée  encore  par  une  profusion  de 
fautes  typographiques.  Mais  il  y  a  cependant  un  sérieux  travail  de 
recherches,  des  faits  nouveaux  apportés,  et  l'ouvrage,  dans  son  ensem- 
ble, se  lit  avec  facilité,  quelquefois  avec  agrément.  Souhaitons  que  Fau- 
teur, dans  un  prochain  volume,  sache  combiner  ces  qualités  avec  celles 
qui  lui  font  défaut. 

Louis  Farces. 


Cultuibilder  aus  dem  Zeilalter  der  Aufklaerung. 

23.  —  I.  Aus  Mag<lel>ui*g!n  Ver^angeiilteil,   voii   Waldemar  Ka.werau.    Halle, 

Niemeyer,   i8Sô.  In-S,  x  et  326  p. 
26.  —   II.  Aus   llsiUcs  L.ittei'aturlcben,  von  W.  Kawerau.  Halle,  Niemeyer, 

1888.  ln-8,  iôo  p. 

M.  Waldemar  Kawerau  commence,  avec  ces  deux  volumes,  une  in- 
téressante série  d'études  locales  ou  plutôt  provinciales,  sur  la  littérature 
allemande  au  xvni"  siècle  durant  la  période  de  VAufklariing. 

Le  premier  volume  traite  du  passé  de  Magdebourg.  Mais  Magde- 
bourg  n^est  pas  un  centre  littéraire,  et  si  Klopstock  y  vint  quelquefois, 
si  Wieland  étudia  dans  le  voisinage,  au  Klosterbergen,  elle  n^a  produit 
aucune  œuvre  remarquable.  Pourtant,  à  l'époque  que  M.  K.  étudie 
avec  soin  et  amour,  il  y  avait  à  Magdebourg  un  commencement  de  vie 
artistique  et  scientifique,  sans  originalité,  il  est  vrai,  et  sans  grande  im- 
portance, mais  qui  méritait  d''étre  retracé.  Magdebourg  avait  des  re- 
vues, et  leur  rédacteurs,  Patzke  et  Kopken,  sont  Tobjet  de  notices  détail- 
lées et  curieuses  (p.  1 9-39).  Mais  la  meilleure  étude,  et  la  plus  attachante, 
du  volume  est  consacrée  à  Resewitz,  le  collaborateur  des  Littérature 
briefe  et  de  VAllgemeine  deiitsche  Bibliothek,  le  prédicateur  de  Copen- 
hague, l'auteur  du  livre  sur  1'  «  éducation  du  citoyen  »,  l'abbé  de  Kloster- 
berge  (p.  75-140).  Elle  est  suivie  d'un  essai  sur  ceJ.  G.  Schummel, 
dont  la  fertile  plume  pouvait,  tous  les  ans,  à  la  foire  de  Leipzig,  enfan- 
ter sans  peine  un  roman  ou  une  comédie;  M.  K.  analyse  ses  Empjind- 
same  Reisen  diirch  Deutscliland  —  qu'on  ne  connaît  que  par  la  sévère 
critique  du  jeune  Goethe  • —  et  son  roman  pédagogique  de  Spit:[bart 
(p.  140-176).  Le  volume  se  termine  par  une  longue  étude  sur  le  musi- 
cien Jean  Henri  Rolle  (p.  176-274). 

Le  second  volume  de  M.  K.  sur  Halle  et  sa  vie  littéraire  au  xvni*-"  siè- 
cle, est  mieux  composé,  mieux  ordonné  que  le  volume  sur  Magde- 
bourg. Il  comprend  trois  chapitres:  I.  Les  commencements  de  l'Univer- 
sité (p.  i-iio);II,  Piétisme  et  rationalisme  (p.  iii-!73);in.  L'époque 
de  floraison  du  rationalisme  (p.  174-321).  Nous  assistons  à  la  fondation 
de  l'Université  de  Halle,  et  nous  voyons  passer  devant  nous  Thomasius 
qui  «  inaugure  à  la  fois  l'Université  de  Halle  et  le  xvm^  siècle  »  (p.  38); 
Gundling,  lui  aussi  «  un  pionnier  des  temps  nouveaux  »;  J.  P.  de  Lu- 
dewig  à  la  fois  professeur  et  rédacteur  des   Wochentliche  Hallische 


O  HISTOIRH    KT    DE    LITTÉRATURB  35 

Nachrichten;  Hunold;  Stockmann  ;  Reimann;  Philippi,  si  cruellement 
exécuté  par  Liscow;  Lange,  le  méchant  traducteur  d'Horace;  Pyra, 
Baumgarten,  Meier,  et,  à  côté  des  professeurs,  les  étudiants — qui,  somme 
toute  et  malgré  leur  renom  de  rudesse  et  de  grossièreté,  n'étaient  pas 
plus  mauvais  qu'ailleurs  (p.  loo),  les  imprimeurs,  les  libraires.  Après 
ce  brillant  tableau,  M.  K.  revient  à  la  faculté  de  théologie,  au  piétisme 
qui  avait  trouvé  asile  à  l'Université,  et  il  retrace  les  luttes  de  Francke 
et  ses  fondations;  il  montre  le  piétisme,  persécutant  à  son  tour,  chas- 
sant Wolff  de  Halle,  mais  amenant  par  cette  brutale  expulsion  la  vic- 
toire finale  de  son  adversaire  qui  devient  le  champion  du  progrès  et  de 
la  liberté  scientifique;  dix-sept  ans  plus  tard,  Wolff  rentre  à  Halle  en 
triomphateur  (p.  169-171).  Semler,  Klotz,  Riedel  se  présentent  ensuite  ; 
puis  Schirach,  Bertram,  George  Jacobi,  Bahrdt.  Tous  ces  personnages, 
surtout  Klotz  et  Bahrdt,  sont  décrits  en  quelques  traits  nets  et  vigou- 
reux. Un  intéressant  chapitre  intitulé  Feldprediger  und  Musketier  fait 
revivre  Auguste  Lafontaine  et  l'aventurier  Laukhard  (p.  263-284).  Le 
dernier  du  volume  (p.  284-321)  traite  du  théâtre  de  Halle,  de  ses  luttes 
contre  le  piétisme  qui  ne  voyait  dans  la  comédie  que  frivolité  et  diable- 
rie, des  troupes  qui  vinrent  donner  des  représentations  (Schuch, 
Schônemann,  Ackermann,  Dôbbelin),  des  critiques  théâtrales  de  Klotz, 
de  la  petite  scène  de  Lauchstadt  où  les  acteurs  de  Weimar  jouèrent  les 
pièces  de  Gœthe  et  surtout  de  Schiller. 

Les  notes  sont  rejetées  à  la  fin  de  chaque  volume  (p.  276-316  et 
322-353);  elles  témoignent  du  savoir  étendu  de  M.  Kawerau  et  de  ses 
recherches  patientes  dans  les  journaux  et  autres  documents  de  Tépoque; 
elles  sont  accompagnées  d'un  précieux  index. 

A.  Chuquet. 


27.  —  Albert  Babeau.  Paris  en  !>*»,  ouvrage  illustré  de  96  gravures  sur  bois 
et  photogravures  d'après  des  estampes  de  l'époque.  Paris,  Didot,  un  vol.  in-8  de 
532  p. 

Ce  joli  petit  volume,  imprimé  avec  un  soin  tout  particulier  et  illustré 
de  la  façon  la  plus  heureuse,  est  venu  à  son  heure  pour  l'instruction  de 
ceux  qui  s'intéressent  au  centenaire  de  la  Révolution  française.  Maître 
passé  en  l'art  de  ressusciter  les  siècles  disparus,  l'auteur  de  la  Ville,  du 
Village  sous  Vancien  Régime,  et  de  tant  d'autres  publications  excel- 
lentes a  voulu  montrer  ce  qu'était  Paris  au  bon  vieux  temps;  son  livre 
est  écrit  avec  une  verve  charmante,  avec  une  gaîté  toute  parisienne  qui 
ne  décèle  nullement  le  savant  enfermé  durant  de  si  longues  années  dans 
les  archives  de  l'Aube.  Comme  il  s'adressait  de  préférence  aux  gens  du 
monde  et  aux  étrangers  qu'attirait  l'Exposition,  M.  Babeau  a  eu  l'atten- 
tion délicate  de  ne  pas  mettre  une  seule  note  au  bas  des  pages.  C'est  à 
peine  si  une  courte  notice  bibliographique,  reléguée  à  la  fin  du  volume, 
renseigne  le  lecteur  curieux  sur  l'immense  quantité  de  livres,  d'estam- 


36  REVUE    CRITIQUE 

pes,  de  pièces  d^archives  ou  de  musées  qu'il  a  fallu  étudier  pour  arriver 
à  composer  ce  petit  Manuel  à  l'usage  des  visiteurs  du  vieux  Paris. 

Non  content  de  faire  oeuvre  de  vulgarisateur  et  de  cicérone  admira- 
blement renseigné,  M,  B.  a  cru  devoir  insister  sur  certains  détails  peu 
connus,  et  en  cela  son  petit  livre  est  parfois  d'une  grande  originalité. 
Les  chapitres  sur  les  Couvents,  sur  les  Hospices,  sur  la  Bienfaisance^ 
où  percent  les  tendances  optimistes  de  l'auteur  (car  M.  B.  estime  que 
l'ancien  Régime  avait  du  bon  et  les  lauriers  des  «  vainqueurs  de  la  Bas- 
tille ))  n'ont  jamais  troublé  son  sommeil),  ces  chapitres,  dis-Je,  et  quel- 
ques autres  encore  sont  d'un  véritable  intérêt;  alors  même  que  l'on 
croit  bien  connaître  l'ancienne  organisation  de  Paris,  on  peut  les  lire 
avec  profit.  Il  faut  en  dire  autant  du  très  curieux  chapitre  sur  l'ensei- 
gnement en  1789  ;  il  est  neuf  à  bien  des  égards,  et  les  renseignements 
que  donne  M.  B.,  les  chiffres  qu'il  apporte  à  l'appui  de  ses  affirmations 
sont  de  nature  à  modifier  l'opinion  que  d'autres  historiens  s^efforcent 
d'accréditer.  Je  n'y  vois  guère  qu'une  très  légère  inexactitude  à  relever; 
c'est  à  la  page  828  où  M,  B.  parle  des  écoles  «  formées  en  171 3  dans  le 
faubourg  du  Temple  par  l'abbé  Tabourin,  et  qui  étaient  desservies  par 
40  laïques  portant  Thabit  ecclésiastique  et  dirigés  par  un  supérieur.  » 
Aujourd'hui  mieux  renseigné,  M.  B.  sait  que  ces  écoles,  fondées  en 
171 1  sur  la  paroisse  Saint-Etienne-du-Mont,  sont  restées  de  1713  à 
1794  dans  la  rue  de  Lappe,  à  l'entrée  du  faubourg  Saint-Antoine,  et 
que  les  frères  Tabourin  avaient  dans  Paris,  en  1789,  32  écoles  desser- 
vies par  un  ou  deux  maîtres  laïques,  mais  vêtus  d'une  soutanelle,  vivant 
en  communauté  et  récitant  chaque  jour  leur  office  1. 

Voilà  donc  un  livre  à  la  fois  attrayant  et  instructif;  je  regrette  seule- 
ment que  M.  B.  n'ait  pas  cru  devoir  donner  quelques  indications  pré- 
cises relativement  aux  illustrations  dont  il  a  enrichi  son  ouvrage  ;  plu- 
sieurs de  ces  gravures  sont  fort  curieuses,  et  Ton  aimerait  à  savoir  d'où 
elles  sont  tirées.  Tel  qu'il  est,  ce  nouveau  travail  de  M.  Babeau  conti- 
nue et  complète  heureusement  les  précédents,  et  sans  nul  doute  il  ob- 
tiendra le  même  succès. 

A,  Gazier. 


28.  —  GuYAU.  I^'ai't  ail  point  de  vue  sociologique,  publié  avec  une  intro- 
duction par  M.  Alfred  Fouillée.  Paris,  Alcan,  1889,  in-8,  XLViii-387  pages. 
7  fr.  5o. 

Ce  livre  est  l'un  des  deux  qu'a  laissés  après  lui  le  regretté  M.  Guyau. 
Il  complète  l'ensemble  des  travaux  de  M.  G.  qui  avait  précédemment 

I.  Une  autre  erreur,  d'un  genre  tout  différent  (p.  112),  rapporte  à  l'année  17 12  la 
construction  de  la  fameuse  Samaritaine  du  Pont-Neuf,  achevée,  comme  l'on  sait,  en 
1608.  Ajoutons,  pour  montrer  combien  la  critique  la  plus  minutieuse  trouverait  peu 
à  reprendre  dans  ce  livre,  qu'il  y  page  78  un  vers  faux  : 

L'emblûne  même  de  la  Folie, 

et  une  faute  d'impression  (scxagone  pour  hexagone)  à  la  page  102. 


o'histoirk  et  dk   littérature  3" 

étudié,  au  point  de  vue  sociologique,  la  religion,  la  métaphysique  et 
la  morale.  —  D'après  M.  G.,  l'art  est  un  phénomène  de  sociabilité, 
puisqu'il  est  fondé  tout  entier  sur  les  lois  de  la  transmission  des  émo- 
tions. L'émotion  artistique  est  l'émotion  sociale  que  nous  fait  éprouver 
une  vie  analogue  à  la  nôtre  et  rapprochée  de  la  nôtre  par  l'artiste.  Le 
génie  est  une  forme  extraordinairement  intense  de  la  sympathie  et  de  la 
sociabilité  qui  ne  peut  se  satisfaire  qu'en  créant  un  monde  nouveau 
d'êtres  vivants.  C'est  une  puissance  d'aimer  qui  tend  à  la  fécondité.  Par 
suite,  le  génie  sera  d'autant  plus  grand  qu'il  sera  plus  accueillant,  plus 
ouvert,  et  capable  de  se  dépersonnaliser  au  point  d'associer  plusieurs 
individualités  dans  la  sienne.  L'œuvre  d'art  de  premier  ordre  sera  celle 
où  les  personnages  auront  à  la  fois  la  vie  individuelle  et  la  vie  de  grou- 
pes, étant  à  la  fois  réels  et  symboHques.  Elle  devra  exciter  en  nous,  non 
pas  seulement  des  sensations  plus  aiguës  et  plus  intenses,  mais  des  sen- 
timents plus  généreux  et  plus  sociaux.  La  sympathie  sera  de  même  la 
première  qualité  requise  pour  s'occuper  de  critique.  La  critique  qui 
s'attache  à  faire  ressortir  les  beautés  est  la  seule  utile.  D'ailleurs  pour 
bien  juger  une  œuvre,  il  faut  la  pénétrer,  la  voir  par  l'intérieur;  ce 
q-a'on  ne  peut  faire  que  si  on  Taime.  Le  caractère  du  vrai  critique  est 
éminemment  sociable. 

Ce  système,  qui  repose  sur  une  idée  juste,  est  forcément  incomplet  : 
il  y  faut  faire  beaucoup  de  réserves  et  ajouter  beaucoup  de  correctifs.  — 
L'émotion  esthétique  est  une  émotion  sociale;  sans  doute,  mais  qui  offre 
ce  caractère,  d'être  accessible  à  un  nombre  d'individus  d'autant  plus  res- 
treint, qu'elle  est  plus  relevée.  — M.  G.  voit  surtout  dans  le  génie  la 
faculté  de  sortir  de  soi  ;  il  ne  serait  pas  moins  vrai  de  dire  que  le  génie, 
qui  de  sa  nature  est  absorbant  et  tyrannique,  est  un  pouvoir  de  tout 
ramener  à  soi.  —  La  portée  sociale,  non  plus  que  la  portée  morale  n'est 
un  critérium  suffisant  pour  l'œuvre  d'art;  mais  en  outre,  elle  n'est  pas 
toujours  en  rapport  direct  avec  la  valeur  esthétique.  Des  œuvres  dictées 
par  la  haine,  ou  d'autres  qui  décrivent  des  passions  anti-sociales  au 
premier  chef,  n'en  sont  pas  moins  de  très  belles  œuvres  d'art.  —  M.  G. 
exagère  beaucoup  l'influence  sociale  de  l'art.  Et  quand  il  formule  ainsi 
une  idée  qui  lui  est  chère  :  a  Les  grands  poètes,  les  grands  artistes  rede- 
«  viendront  un  jour  les  grands  initiateurs  des  masses,  les  prêtres  d'une 
«  religion  sans  dogme  »  (p.  i63],  il  ne  se  contente  pas  de  proposer  une 
hypothèse  qui  ne  s'appuie  sur  aucun  exemple  emprunté  au  passé,  il 
commet  une  véritable  confusion.  C'est  dans  les  civilisations  primitives 
que  se  rencontre  le  «  vates  »,  le  poète-prêtre.  Dans  les  sociétés  mo- 
dernes, divisées  à  l'infini  et  qui  tiennent  leurs  idées  de  toutes  sortes  de 
provenances,  l'influence  de  l'artiste  devient  chaque  jour  moins  étendue. 
—  On  pourrait  encore  présenter  des  objections  sur  plus  d'un  point  de 
détail.  Dans  un  livre  où  il  prétend  étudier  l'art  au  point  de  vue  socio- 
logique, M.  G.  ne  s'occupe  que  de  la  littérature,  et  dans  la  littérature 
que  du  roman  et  de  la  poésie  lyrique.  Il  se  montre  sévère  à  l'excès  pour 


38  REVUE    CRITIQUE 

Lamartine.  Par  contre,  il  semble  avoir  pris  un  plaisir  de  paradoxe  à 
vanter  chez  Victor  Hugo  précisément  les  mérites  qu'il  est  le  plus  diffi- 
cile de  découvrir  chez  lui  :  c'est  \cpenseur  qu'il  admire  en  Victor  Hugo; 
et  les  recueils  qu'il  cite  sont  tous  postérieurs  aux  Contemplations.  Enfin 
il  fait  beaucoup  d'honneur  à  M.  Zola  en  discutant  ses  idées  critiques, 
qu'on  a  plus  justement  qualifiées  quand  on  n'y  a  vu  qu'un  effort  pour 
ramener  la  littérature  au  niveau  des  illettrés. 

Mais  il  suffit  qu'une  vue  de  système  serve  à  faire  la  lumière  sur  plu- 
sieurs points.  Et  tel  est  le  mérite  de  la  théorie  de  M.  Guyau.  On  s'en 
convaincra  en  lisant  les  pages  vigoureuses  où  M.  G.  discute  la  théorie 
de  M .  Taine  sur  les  rapports  du  génie  et  du  milieu,  celles  où  il  montre 
Terreur  des  romanciers  qui  prétendent  introduire  dans  la  littérature  les 
procédés  de  l'expérimentation  scientifique,  enfin  tout  le  chapitre,  ingé- 
nieux et  solide  où  il  traite  de  la  littérature  des  désiquilibrés.  —  Ce  livre 
méritait  d'être  publié.  M.  Guyau  y  avait  mis  toutes  ses  qualités  :  origi- 
nalité de  la  pensée,  variété  des  connaissances.  Le  style,  toujours  clair 
et  simple,  se  colore  en  maints  passages  qui  témoignent  d'un  vif  senti- 
ment littéraire. 

René  Doumic, 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  Amélineau  se  propose  de  publier  à  la  librairie  Leroux  tous  les 
documents  de  la  littérature  copte  important  à  l'histoire  de  l'Eglise  copte,  soit  dans 
la  langue  originelle,  soit  dans  la  traduction  arabe.  Il  a  de'jà  fait  paraître  deux  volu- 
mes sous  le  titre  de  Monuments  pour  servir  à  l'histoire  de  l'Egypte  chrétienne,  le 
premier  renfermant  une  série  de  documents  sur  Schnoudi,  le  second  consacré  à 
saint  Pakhôme.  La  publication  comprendra  une  quinzaine  de  volumes  environ; 
plus  de  cinq  sont  préparés  pour  l'impression;  il  paraîtra  par  an  un  volume,  conte- 
nant des  textes,  une  traduction  aussi  exacte  que  possible  et  une  introduction  cri- 
tique (60  francs  le  volume  pour  les  souscripteurs). 

—  M.  l'abbé  Thédenat  publie  une  brochure  intitulée  ApoUo  Vindonnus  (16  pp. 
in-80,  2  pi.  et  2  dessins;  Paris,  1889.  Extrait  des  Mémoires  de  la  Société  des  Anti- 
quaires de  France,  t.  XLIX).  Il  s'agit  d'ex-voto  trouvés  à  Essarois  (Côte-d'Or),  aux 
sources  de  la  Cave,  et  qui  attestent  l'existence  d'un  sanctuaire  provincial  consacré 
à  Apollo   Vindonnus  et  aux   sources  (Deo  Apollini   Vindo{nno]   Vobicius  Flaccus  u. 

[s.  l.]m.  —  \Deo  Apolliyxi  Vind]—  onno  et  Fontibus  [ P]  risci  [filius)  u.  s.  l.  m. 

—  Vind  (onnoj  Iulia,  Mai  f(ilia)  u.  s.  h  m.).  Le  nom  de  ce  dieu  local  est  de  forme 
celtique.  M.  Thédenat  saisit  cette  occasion  pour  dresser  une  liste  complète  des 
noms  (d'hommes  et  de  femmes,  géographiques)  qui  se  rattachent  à  la  même  racine. 


ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  20  décembre  188 g. 

M.  Geftroy,  directeur  de  l'Ecole  française  de  Rome,  adresse  à  l'Académie  des  ren- 
seignements sur  les  découvertes  faites  dans  ces  derniers  temps.  Dans  les  fondations 
du'futur  palais  de  justice,  aux  Prati  di  Castello,  on  a  mis  au  jour  deux  sarcophages 
et  un  fragment  d'inscription.  A  Cività  Castellana,  l'ancienne  Paierie,  on  découvre 
tous  les  jours  de  nouveaux  objets,  dont  les  plus  intéressants  viennent  prendre  place 
au   musée  de  la   Villa  di  Papa  Giulio. 


d'histoire  et  de  littérature  39 

M.  Héron  de  Villefosse  adresse  au  secrétaire  perpétuel  une  note  sur  une  inscrip- 
tion romaine  qui  vient  d'être  trouvée  à  Cartilage  ei  dont  la  copie  lui  a  été  adressée 
par  le  R.  P.  Delattre.  Celte  inscription  contient  la  mention  du  proconsulat  de  Sym- 
maque.  On  sait  que  ce  célèbre  orateur  exerça  les  fonctions  de  proconsul  d'Afrique 
vers  les  années  Syo  à  o^b  de  notre  ère. 

M.  le  D''  Carton,  médecin  militaire  en  Tunisie,  adresse  à  l'Académie  une  note  sur 
la  disposition  du  biîcher  funéraire  employé  par  les  habitants  de  Biilla  Regia  Ren- 
voi à  la  commission  de  l'Afrique  du  Nord. 

M.  Edmond  Le  Blant  est  désigné  pour  lire,  à  la  prochaine  séance  trimestrielle  de 
l'Institut,  son  mémoire  sur  les  Sotiges  et  Visions  des  martyrs. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret.  La  séance  étant  redevenue  publique, 
M.  Georges  Perrot  communique,  de  la  part  de  M.  le  D"^  Vercoutre,  médecin-major  à 
Rambervillers,  une  note  sur  un  aureits  à  l'efïigie  deMarc-Antoine,  frappé  par  les  soins 
de  Publius  Clodius,  en  l'an  43  avant  notre  ère.  On  avait  cru  distinguer,  sur  le  revers 
de  cette  monnaie,  un  aigle  sur  un  cippe.  M.  Vercoutre  propose  d'y  voir  plutôt  un 
corbeau  sur  un  rocher,  armes  parlantes  de  la  ville  de  Lyon.  La  frappe  de  la  pièce 
aurait  eu  pour  objet  de  perpétuer  le  souvenir  de  la  fondation  de  la  colonie  romaine 
de  Lyon  et  de  la  protection  que  lui  accordait  Marc-Antoine. 

M.  Edmond  Le  Blant  communique  une  note  sur  une  inscription  latine  trouvée  à 
Auch  et  conservée  au  Musée  de  Saint-Germain-en-Laye.  Cette  inscription,  dont  la 
lecture  présente  beaucoup  d'incertitudes,  paraît  concerner  un  personnage  juif  appelé 
Peleger.  On  avait  lu,  à  la  fin  :  Dédit,  donimi  Jona  fecet.  M.  Le  Blant  montre  qu'il 
faut  lire  :  De  Dei  doiiu}7i  (pour  donu)  Jona  fecet  et  que  cette  formule  équivaut  à  :  De 
siio  fecit. 

M.  Le  Blant  annonce  ensuite  la  découverte  d'un  fragment  de  l'original  d'une  ins- 
cription métrique  du  pape  saint  Damase,  dont  le  texte  était  connu  depuis  longtemps, 
et  analyse  diverses  communications  faites  dans  les  dernières  séances  de  l'Académie 
d'archéologie  chrétienne  de  Rome. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Wallon  :  1°  Dehaisnes  (C),  la  Vie  et  l'Œuvre  de 
Jean  Bellegambe  ;  1°  Wallon  (H.),  les  Représentants  du  peuple  en  mission  et  la  jus- 
tice révolutionnaire  dans  les  départements  en  Pan  II,  tome  IV;  —  par  M.  Boissier  : 
Gagnât  (René),  Cours  d'épigrapliie  latine,  2"=  édition  ;  —  par  M.  Georges  Perrot  : 
1°  Collections  du  musée  Alaoui,  publiées  sous  la  direction  de  M.  René  de  la  Blan- 
CHLRE,  i^e  série;  2"  Souxzo,  Introduction  à  l'étude  des  monnaies  de  F  Italie  antique; 
3°  PoiRET  (Jules),  Horace,  étude  psychologique  et  littéraire;  —  par  M.  de  Barthé- 
lémy ;  Lecoy  de  la  Marche  (A.),  les  Sceaux;  —  par  M.  de  Rozière  :  Beautemps- 
Beaupré,  Notice  sur  Guillaume  des  Roches,  sénéchal  d'Anjou,  du  Maine  et  de  Tou- 
raine,  i  igg-i  222  ;  —  par  M.  Viollet  :  Livre  de  raison  de  la  famille  de  Fontainemarie; 
/640-/ 77./,  publié  par  Ph.  Tamizey  de  Larroq^ue. 

Séance  du  2j  décembre  188g 

M.  le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  d'un  décret  par  lequel  M.  le  président  de 
la  République  a  approuvé  l'élection  de  M.  de  la  Borderie  en  qualité  de  membre  li- 
bre de  l'Académie. 

L'Académie  procède  au  vote  : 

i"  Pour  le  renouvellement  du  bureau  :  M.  Schefer,  vice-président  de  l'année  i88(), 
est  élu  président  pour  1890;  M.  Oppert  est  élu  vice-président; 

2°  Pour  l'élection  de  la  commission  du  prix  Gobert  :  sont  élus  MM.  Delisle,  de 
Rozière,  Viollet,  Clermont-Ganneau. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret.  La  séance  étant  redevenue  publique,  sont 
proclamés  élus  correspondants  de  l'Académie,  savoir  ; 

Correspondants  étrangers,  MM.  Nauck,  Neubauer,  Yule  et  Radloff  ; 

Correspondants  français,  MM.  Sauvaire,  Bailly,  Champoiseaux. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  le  marquis  de  Vogué  :  Corpus  inscriptionum  se- 
miticarum,  2'  partie,  :«'■  fascicule  (inscriptions  araméenncs);  —  par  M.  Renan  :  di- 
vers mémoires  de  M.  Philippe  Berger. 

Séance  du  3  janvier  18 go. 

M.  Barbier  de  Meynard,  président  sortant,  remercie  ses  confrères  du  concours 
qu'ils  lui  ont  prêté  pendant  l'année  de  sa  présidence  et  invite  M.  Schefer,  président 
de  Tannée  1890,  à  prendre  sa  place  au  fauteuil.  —  M.  Schefer  prononce  également 
une  courte  allocution.  Sur  sa  proposition,  l'Académie  vote  des  remercîments  au  pré- 
sident sortant.  —  M.  Oppert,  vice-président  de  l'année  1890,  prend  place  à  côté  de 
M.  Schefer  au  bureau. 

M.  Schefer,  président,  annonce  à  l'Académie  la  mort  de  deux  de  ses  correspon- 
dants, le  baron  Alfred  de  Kremer  et  le  colonel  Yule.  Ce  dernier,  élu  il  y  a  huit  jours 
seulement,  a  reçu  sur  son  lit  de  mort  la  nouvelle  de  son  élection  et  a  répondu  à 
l'Académie  par  un  télégramme  ainsi  conçu  : 

«  Reddo  gratias,  illustrissimi  domini,  ob  honores  tanto  nimios  quanto  immeri- 
tos.  Mihi  robora  deficiunt,  vita  collabitur,  accipiatis  voluntatem  pro  facto.  Cum 
corde  pleno  et  gratissimo  moriturus  vos,  illustrissimi  domini,  saluto.  Yule.  » 


40  REVUE    CRITIQUE    d''hISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

L'Académie  pioccde  au  renouvellement  des  commissions  annuelles.  Sont  élus  : 

Commission  des  antiquités  de  la  France:  MM.  Hauréau,  Delisle,  de  Rozière,  Gas- 
ton Paris,  Alexandre  Bertrand,  Schlumberger,  Héron  de  Villefosse,  Siméon  Luce  ; 

Commission  des  travaux  littéraires  :  MM.  Ravaisson,  Renan,  Maury,  Delisle,  Hau- 
réau. de  Rozière,  Barbier  de  JNIeynard,  Jules  Girard; 

Commission  des  Ecoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome  :  MM.  Delisle,  Jules  Gi- 
rard, Heuzey,  Georges  Perrot,  Weil,  Paul  Meyer,  Boissier,  Croiset  ; 

Commission  du  nord  de  l'Afrique  :  MM.  Renan,  Le  Blant,  Duruy,  Heuzey,  Geor- 
ges Perrot,  Barbier  de  Meynard,  Maspero.  Héron  de  Villefosse; 

Commission  administrative  :  MM.  Delisle,  Deloche. 

M.Schliemann  écrit  à  l'Académie  pour  l'informer  que  MM.  Niemann  et  StefFen, 
délégués  des  Académies  de  Vienne  et  de  Berlin,  ont  procédé,  en  novembre  dernier, 
en  sa  présence  et  en  celle  de  M.  Bœtticher,  à  une  visite  des  ruines  d'Hissarlik  :  ils 
ont  constaté  que  les  inculpations  portées  par  M.  Bœtticher  contre  M.  Schliemann 
et  ses  collaborateurs  étaient  mal  fondées,  et  M.  Bœtticher  lui-même  a  retiré  l'accu- 
sation de  falsification.  M.  Schliemann  remercie  en  outre  l'Académie  d'avoir  décidé 
en  principe  l'envoi  d'un  délégué,  qui  assistera,  avec  les  représentants  des  autres  com- 
pagnies savantes  d'Europe,  à  une  seconde  visite  des  fouilles  d'Hissarlik,  au  prin- 
temps prochain. 

M.  Gefl'roy,  directeur  de  l'Ecole  française  de  Rome,  annonce  par  lettre  la  décou- 
verte de  plusieurs  fragments  de  sculptures  et  d'inscriptions,  trouvés  sur  le  Caelius, 
dans  les  fondations  du  futur  hôpital  militaire.  Il  ajoute  qu'une  mosaïque  romaine  a 
été  découverte  dans  l'église  de  San  Pietro  in  Vincoli,  au-dessous  du  Moïse  de  Michel- 
Ange. 

M.  Viollet,  au  nom  de  la  commission  du  prix  Gobert,  annonce  que  les  ouvrages 
envoyés  au  concours  pour  cette  année  sont  au  nombre  de  quatre  : 

1°  LucHAiRE  (Achille)    Louis  VI  le  Gros,  annales  de  sa  vie  et  de  son  règne; 

1"  Rmjnié,  Epitaphier  du  vieux  Paris,  i"  fascicule; 

3°  Lettres  de  Gerbert  (983-997),  publiées  avec  une  introduction  et  des  notes  par 
Julien  Havet; 

4"  CoviLLE,  les  Cabochiens  et  l'ordonnance  de  141 3. 

A  ces  quatre  ouvrages  s'ajoutent  ceux  qui  sont  actuellement  en  possession  du  pre- 
mier et  du  second  prix  : 

1*  Valois  (Noël),  le  Conseil  du  roi,  etc.; 

2°  MoLiNiER  (Auguste),  Géographie  historique  de  la  province  de  Languedoc. 

M.  de  Mas-Latrie  signale  à  l'Académie  un  curieux  texte  inédit  du  dominicain 
Brochard  l'Allemand,  adressé  en  i332  au  roi  de  France.  Ce  religieux  avait  navigué, 
probablement  à  bord  d'un  navire  de  commerce  arabe,  dans  les  régions  situées  au 
sud  de  l'Equateur.  11  donne  lui-même,  pour  établir  qu'il  a  passé  l'Equateur,  diver- 
ses preuves  astronomiques,  dont  l'exactitude  a  été  reconnue  par  les  savants  de  nos 
jours.  11  paraît  être  allé  au  moins  jusque  vers  le  tropique  du  Capricorne  et  avoir  vi- 
sité l'île  de  Madagascar.  Au  retour,  il  séjourna  à  Socotora,  à  l'entrée  de  la  mer 
Rouge. 

M.  Héron  de  Villefosse  donne  des  nouvelles  de  M.  H.  de  la  Martinière,  chargé 
d'une  mission  archéologique  au  Maroc.  Ce  jeune  et  hardi  voyageur  a  exploré  entiè- 
rement la  colline  de  Tchemmich,  dont  l'emplacement  répond  à  celui  de  la  ville 
phénicienne  de  Lixus  ;  mais  le  résultat  des  fouilles,  sur  ce  point,  a  été  faible.  M.  de 
la  Martinière  a  été  plus  heureux  à  Volubilis.  11  rapporte  de  cette  localité  un  plan 
complet  et  détaillé,  ainsi  que  34  inscriptions  nouvelles,  dont  deux  en  langue  grecque. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Alexandre  Bertrand  :  i*  Normand  (Ch,),  l'Ami  des 
Monuments  (revue),  14^  livraison;  2"  Nadaillac  (le  marquis  de),  les  Premières  Po- 
pulations de  l'Europe;  3°  Reinach  (Salomon),  les  Gaulois  dans  l'art  antique  (exirait 
de  la  Revue  archéologique)  ;  —  par  M.  Georges  Perrot  :  1°  Laloux  (Victor)  et  M^on- 
cEAUx  (Paul),  Restauration  d'Olympie,  l'hisloire,  les  monuments,  le  culte  et  les  fêtes; 
2"  Babelon  (Ernesti,  le  Cabinet  des  antiques  à  la  Bibliothèque  nationale,  i"'*  série, 
dernière  livraison;  3"  Gasquet  (A.),  Etudes  byzantines,  l'empire  by:^antin  et  la  mo~ 
narchie  franque  ;  4°  Perrot  (Georges)  et  Chipiez  (Charles),  Histoire  de  l'art  dans 
l'antiquité,  tome  IV  ;  —  par  M  Le  Blant  :  Espérandieu,  Monographie  du  baptistère 
de  Saint-Jean  à  Poitiers  (extrait  des  Paysages  et  Monuments  du  Poitou,  publiés 
par  la  Société  des  antiquaires  de  l'Ouest);  —  par  M.  Siméon  Luce  :  Lettres  inédites 
de  quelques  membres  ae  la  famille  de  Alonluc,  publiées  par  Ph.  Tamizey  de  Larro- 
QUE  ;  —  par  M.  Viollet  :  Maulde  La  Clavière  (René  de),  les  Origines  de  la  Révo- 
lution française  au  commencement  du  xvi^  siècle  :  la  veille  de  la  Réforme;  —  par 
M.  Héron  de  Villefosse  :  1°  divers  mémoires  de  M.  l'abbé  Thédenat  ;  2"  Lupattelli 
(Angelo),  //  Museo  etrusco  e  roniano  di  Perugia,  noti:^ie  raccolte  ed  ordinate; 
i"  RouiRE  (le  D'),  Une  page  de  l'histoire  des  guerres  puniques  .  bataille  entre  Xan- 
tippe  et  Régulus;  —  par  M.  Schefer  :  Pierling  (le  R.  P.),  Papes  et  Tsars  (i54y- 
^^97)>  d.'^p^ès  des  documents  nouveaux. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant:  ERNEST  LEROUX. 

Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Sainl-laurcnt,  '23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE     LITTÉRATURE 


N"  3  -  20  janvier  —  1890 


Soiuinaii-e  t  29.  Cartault.  vases  grecs  en  forme  de  personnages  groupés.  —  3o. 
Plëw,  Les  sources  de  l'histoire  d'Hadrien.  —  3i.  Ovide,  Tristes,  p.  p.  Owen.  — 
32.  Plessis,  L'Iliade  latine.  —  33.  Helow,  Origine  de  la  commune  allemande  — 
34.  Rolland  de  Denus,  Dictionnaire  des  appellations  ethniques  de  la  France  et  des 
Colonies.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires 
de  France. 


29-  —  Vases  grecs  en  forme   de    personnages  groupés,  par  A.  Cartault.  Paiis, 
Hachette,  i88g.  In-4  de  i6  p.,  avec  2  planches. 

Cette  brochure  est  consacrée  à  deux  groupes  en  terre  cuite,  formant 
appliques  sur  le  devant  de  petits  vases  ornés  de  rosaces,  que  nous  avons 
eu  récemment  l'occasion  de  voir  dans  le  commerce  et  dont  les  posses- 
seurs actuels  sont  MM.  E.  de  Rothschild  et  van  Branteghem. 

M.  Cartault  fait  observer  avec  raison  que  les  vases  à  reliefs  de  ce  genre 
sont  de  fabrique  attique;  c'est,  du  reste,  ce  que  Ton  avait  reconnu  de- 
puis longtemps.  Il  remarque,  en  second  lieu,  que  le  style  des  deux 
groupes  en  terre  cuite  qu"il  a  publiés  est  très  analogue  à  celui  de  grou- 
pes et  figurines  isolées,  qui  arrivent  depuis  plusieurs  années  à  Paris 
avec  l'indication  de  provenance  «  Asie-Mineure  ». 

De  là  il  conclut,  non  seulement  que  ces  derniers  objets,  groupes  et 
figurines  isolées,  sont  authentiques,  mais  qu'au  lieu  d'être  asiatiques,  ils 
sont  athéniens. 

Par  malheur,  les  deux  groupes  que  vient  de  publier  M.  C  ne  sont 
pas  moins  faux  que  leurs  congénères.  Comme  leurs  congénères,  du  reste 
—  et  ici  la  conclusion  de  M.  C.  est  exacte  —  ils  ont  probablement  été 
fabriqués  à  Athènes.  On  m'a  récemment  conté  là-dessus  des  détails  fort 
piquants,  mais  est-il  nécessaire  aujourd'hui  d'y  insister?  «  En  réalité, 
il  n'existe  pas  de  question  des  groupes  »,  écrit  M.  Cartault  (p.  i5i.  Je 
partage  absolument  cette  opinion. 

Salomon  Reinach. 


3o.    —    J.    Plew.    Quellcnuntersuehungeii     zur    Geseliiclite    des    Kaisers 
Hadrian  (Strasbourg,  1.S90,  in-8,  121  pages,  chez  J.  Trûbner). 

En  ce  temps  de  monographies  impériales,  où  nous  avons  eu,  après 
celle  de  Septime  Sévère,  celle  d'Antonin  le  Pieux  et  où  l'on  nous  pré- 
pare celle  de  Domitien,  il  en  est  une  qui  offrirait  un  intérêt  particulier: 
c  est  celle    d'Hadrien;  car  plus  les  travaux  sur  l'époque  impériale  se 
Nouvelle    série,  XXIX.  3 


42  REVUE    CRITIQUE 

nuiliiplient.  plus  on  s'aperçoit  que  bien  des  réformes  remontent  à  cet 
empereur.  A  celui  qui  serait  leniéparun  tel  sujet,  le  livre  de  M.  Plew 
serait  d'une  utilité  incontestable.  L'auteur  s'y  est  donné  pour  tâche  d'é- 
tudier les  sources  de  l'histoire  d'Hadrien,  en  se  limitant  toutefois  à  la 
partie  de  cette  histoire  relative  à  ses  voyages.  Gomme  celui  qui  a  le  dernier 
étudié  cette  question,  M.  Diirr,  M.  P.  admet  que  la  vie  d'Hadrien  par 
Sparcien,  est,  aussi  bien  que  le  passage  de  Dion,  ou  plutôt  de  Xiphilin, 
consacré  à  Hadrien,  composée  d'après  la  biographie  que  cet  empe- 
reur a  faite  de  lui-même.  De  là  une  étude  très  ingénieuse  sur  cette  au- 
tobiographie :  M.  P.  prouve  qu'elle  devait  être  écrite  en  latin  et  que,  à 
l'exemple  du  testament  d'Auguste  elle  était  disposée  partie  chronologi- 
quement, partie  peut-être  aussi  suivant  un  plan  méthodique,  les  diffé- 
rents faits  du  règne  en  étant  présentés  par  catégorie.  C'est  dans  ce  docu- 
ment que  Sparcien  et  Dion  auraient  puisé,  indirectement,  il  est  vrai; 
car  M.  P.  admet  comme  intermédiaire,  pour  Sparcien  Marins  Maxi- 
mus  et  non  pas,  comme  le  veut  M.  Durr,  un  inconnu,  pour  Dion  un 
abréviateur  que  Xiphilin  aurait  ensuite  abrégé  à  son  tour,  ce  qui  nous 
éloigne  fortement  de  l'original. 

Une  partie  du  travail  est  consacrée  aux  sources  de  la  réorganisation 
militaire  d'Hadrien  qui  fut,  on  le  sait,  un  excellent  général,  bien  qu'il 
n'ait  fait  la  guerre  qu'à  son  corps  défendant.  Dion  et  Sparcien  ayant, 
tous  deux,  placé  avant  le  récit  des  voyages  de  l'empereur  des  allusions 
à  ses  réformes  militaires,  l'auteur  a  cru  devoir  s'en  occuper  aussi,  d'au- 
tant plus  que  ces  réformes  ont  été,  en  grande  partie,  une  conséquence 
des  voyages  eux-mêmes;  cela  Tamène  à  parler  du  discours  d'Hadrien 
aux  troupes  du  corps  d'armée  de  Numidie  et  des  écrits  militaires  d'Ar- 
rien,  où  il  essaie  de  trouver  quelques  traces  des  ordonnances  impériales 
relatives  à  l'armée.  Il  y  a  là  des  choses  intéressantes,  le  sujet  étant  en- 
core très  mal  connu,  mais  le  passage  gagnerait  à  être  écourté;  à  moins  que 
l'auteurnepréfèrele  nourrir  davantageen  yajoutantune  étudeplusappro- 
fondie  des  institutions  militaires  de  l'époque,  au  moyen  des  inscriptions. 
La  comparaison  de  ce  qui  existait  avant  Hadrien  et  de  ce  qui  se  fit 
après  amènerait  à  connaître  les  réformes  de  cet  empereur,  aussi  sûre- 
ment, sinon  plus  que  les  quelques  fragments  de  lui  qui  nous  restent.  Re- 
tenons pourtant  la  conclusion  de  M.  P.,  qui  est  que  l'œuvre  d'Hadrien  a 
surtout  consisté  à  redresser  des  abus,  à  perfectionner  ce  qui  existait,  à 
réglementer  plutôt  qu'à  innover.  C'est  une  entreprise  moins  hardie,  qu'on 
ne  le  supposait,  mais  non  moins  utile,  car,  en  matière  d'institutions  pu- 
bliques, l'organisateur  est  en  réalité  un  créateur.  Aussi  M.  P.  a-t-il  bien 
raison  de  s'indigner  contre  MM.;Kôchly  et  Rustow,  lorsque,  dans  leur 
histoire  des  écrivains  militaires  grecs,  comparant  Trajan  à  Hadrien,  ils 
qualifient  celui-ci]de  pédant,  bon  à  passer  en  revue  des  soldats  de  parade. 
M.  Plew  fait  remarquer  que  ces  parades  étaient  de  belles  et  bonnes 
manœuvres  et  que  c'est  avec  des  manœuvres  qu'on  prépare  les  victoires| 
pour  soi  ou  pour  ses  successeurs. 


d'histoirk  et   dk  littérature  4*3 

Dans  un  appendice  assez  développé,  l'auteur  compare  l'autobio- 
graphie d'Hadrien  aux  autres  autobiographies  impériales  coniîues, 
un  peu  à  celle  de  Septime  Sévère  dont  il  s'est  occupé  dans  un  autre 
travail  (Marins  Maximus  als  direkte  iind  indirekte  Quelle  der 
scriptores  hist.  Aiig.jtl  beaucoup  au  monument  d'Ancyre.En  somme, 
dit-il,  ce  sont  là  des  écrits  à  tendance  politique  et  il  faut  y  voir  le  ré- 
sultat de  la  soif  de  gloire  qui  possédait  les  empereurs.  Mais  sur  qui  un 
prince  comme  Hadrien, qui  mourut  détesté  de  ses  contemporains,  et  qui, 
ayant  une  excellence  police,  était  fixé  sur  leurs  sentiments  à  son  égard, 
pouvait-il  compter  pour  être  son  avocat  auprès  de  la  postérité,  sinon 
sur  lui-même?  Il  est  permis,  sans  être  altéré  de  gloire,  de  désirer  Fes- 
lime  de  Thistoire,  surtout  quand  on  y  a  quelque  titre. 

R.  Gagnât. 


3i.  —  ï».  Oviill  iVasonîslibi-i  V  recensait  S.  G.  Owen. Oxford  in-8,1889.  Proleg. 
i-cxi.  Texte,  1-218.  Gonjecturae  aliorum  et  nostrae  seleciae,  219-246.  Auctores 
et  imitatores,  247-267.  Indices. 

M.  Owen  est  un  élève  d'EUis  '.  Il  a  préludé  en  quelque  sorte  au  pré- 
sent ouvrage  en  donnant  dans  les  Clarendon  Press  Séries  une  bonne 
édition  classique  du  P""  livre  des  Tristes  \  L'édition  critique  des  cinq 
livres  qu'il  donne  aujourd'hui  est  très  soignée,  très  complète,  tout  à  fait 
digne  de  la  collation  àts  Standard  Latin  Works  of  the  Clarendon  Press 
qui  contient  déjà  tant  d'oeuvres  remarquables.  Le  texte  est  celui  de  la 
belle  impression  d'Oxford.  L'apparat  critique  qui  remplit  souvent  la 
moitié  des  pages  est  disposé  extérieurement  (nous  parlerons  plus  tard  de 
la  méthode)  avec  clarté.  Entre  les  vers  et  les  notes  sont  placés  les  rares 
Testimonia  aiictorum  ;  plus  souvent  les  citations  qui  ont  été  faites  des 
vers  d'Ovide  dans  des  recueils  d^extraiis  (Deflorationes) .  Au  livre  sont 
joints  deux  beaux  fac-similés  du  Marcianus  et  du  Tiironensis .  On  a  vu 
dans  le  titre  Pindication  des  suppléments  rejetés  à  la  fin  du  volume  ^, 
et  rétendue  des  Prolegomena.  Sous  ce  titre  se  trouve  une  suite  de  cha- 
pitres sur  le  titre  de  l'ouvrage,  les  mss.  et  les  éditions  des  Tristes,  leurs 
rapports,  les  extraits  manuscrits  des  Tristes  (Deflorationes) ;  'enfin  sur 
les  altérations  et  les  recensions  que  le  texte  a  subies.  Je  tiens  à  bien  faire 

1.  Voir  ici  p.  cvii  et  la  seconde  édition  de  Catulle,  praef.  p.  xvii. 

2.  Voir  la  Revue  da  6  di.^cembre  i8>S6,  p.  444. 

3.  Parmi  ceux-ci  les  Conjecture  aliormn  et  nostvœ,  font  parfois  double  emploi  avec 
les  indications  courantes;  ailleurs  elles  seraient  mieux  placées  au  bas  des  pages.  11 
est  clair  que  l'auteur  a  voulu  alléger  des  conjectures  d'Heinsius  et  des  autres  savants, 
son  apparat  critique  déjà  très  chargé.  L'inconvénient  signalé  n'est  pas  moins  très 
sensible.  On  s'étonnera  surtout  de  voir  ramenées  à  la  page  (1,8  46),  ou  même  reçues 
dans  le  texte  (II,  gt  :  ethonosct  ;  111,7,28  :  facta  soluta),d£s  conjectures  de  M.  O., 
auxquelles,  avec  la  meilleure  volonté  du  monde,  on  ne  peut  accorder  beaucoup  de 
vraisemblance.  —  La  liste  des  Aucturcs  et  Imitatores  est  commode;  mais  l'auteur 
ne  la  donne  pas.  je  pense,  comme  complète. 


44  REVUE    CRITIQUE 

remarquer  tout  ce  que  M.  O.  nous  adonné,  afin  de  pouvoir  indiquer 
plus  librement  ce  qui  me  paraît  manquer  à  Pédition, 

La  recension  du  texte  n^est  peut-être  pas  originale  ;  elle  est  conscien- 
cieuse, ce  qui  vaut  tout  autant  ou  ce  qui  vaut  mieux  ;  elle  fournira  cer- 
tainement à  la  lecture  et  à  la  critique  des  Tristes   un  point  de  départ 
dont  chaque  jour  on  sentira  mieux  Tavantage.  —  Je  ne  crois  pas  qu^un 
apparat  critique   puisse    être   plus  riche  que   celui  que   nous    donne 
M.  Owen.  Ce  n'est  plus  ici  comme  dans  l'édition  in-12,  un  groupe  de 
trois  mss.  GHV  venant  s'ajouter  ou  suppléer  aux  leçons  du  Marcia- 
iius.  En  dehors  des   notes  de  Bentley,  de  d'Orville,  de  Vossius,  M.  O. 
nous  donne  la  collation  de  toutes  les  premières  éditions  distinguées  les 
unesdesautres  vingt-huitmss.  ontétécollationnés  en  entier  par  M.  Owen. 
Il  n'y  en  a  que  cinq  dont  il  se  borne  à  donner  des  extraits.  Ici  pour  la 
première  fois  est  faite  partout  dans  le  Marcianus  la  distinction  de  la 
partie  ancienne  (L  du  xi'=  siècle),  et  des  feuilles  d'une  écriture  beaucoup 
plus  récente  (A,  du  xve  siècle).  Dans  ce  ms.  et  dans  les  plus  importants, 
des  vérifications  ont  été  faites  aux  passages  douteux.  Enfin  il  faut  savoir 
tout  particulièrement  gré  à  M.  O.   d'avoir  retrouvé,  dans  une  édition 
annotée  par  Politien,  ses  collations  de  deux  mss.  perdus. 

Ce  qui  précède  suffira  pour  faire  craindre  au  lecteur  que  cette  profu- 
sion de  richesses  n'aille  pas  sans  quelque  excès.  Les  arbres  ne  cachent- 
ils  pas  la  forêt?  Aurait-on  les  matériaux  d'une  édition,  plus  qu'une  véri- 
table édition  critique?  Il  est  certain  qu'on  risque  fort  d'encombrer  un 
apparat  en  y  entassant  cinquante  à  soixante  collations,  et  peu  de  gens 
s'accommodent  de  digérer  tant  de  variantes,  de  variations  d'orthogra- 
phe, de  simples  fautes  de  copiste  avant  d'arriver  à  une  seule  leçon  inté- 
ressante. Merkel  avait  pris  autrefois  comme  base  de  son  texte  un  mau- 
vais ms.  (le  Palatinus  I,  ::);  Binsfeld  et  Tanke  ont  prouvé  que  le  choix 
était  malheureux.  M.O.  nous  donne  en  entier  la  collation  de  ce  ms.  pour 
montrer  qu'il  est  sans  valeur  1.    N'était-ce  pas  prendre   beaucoup  de 
peine  ?  De  tel    ms.  très  récent,  M.  O.  dit  (p.  xlvii)  :  «  meo  ut  dinoscas 
judicio  ut  aliorum  auctoritates  comprobentur,  utilis  esse  potest  ;  sed 
cum  per  se  stat,  vix  quicquam  valet.  »  Il  ajoute  que  quelques-unes  de 
ses  corrections  paraissent  venir  d'un  texte  imprimé.  Je  me  demande  en 
quoi  la  collation  complète  d'un  tel  exemplaire  peut  bien  nous  être  utile. 
Comment  tirer  quelque  parti  de  ce   demi-manuscrit  qui  est  aussi  une 
demi-édition  ? 

Mais  s'il  y  a  excès,  l'excès  est  voulu.  Nous  touchons  ici  au  point  le 
plus  délicat  de  la  doctrine  et  de  la  pratique  du  nouvel  éditeur  d'Ovide. 
S'appuyant  sur  l'opinion  de  Peter  et  de  Sekimayer  qu'il  fausse,  si  je  ne 
me  trompe,  M.  O.  p.  (xlvhi),  déclare  que  dans  la  critique  d'Ovide  on  se 
condamne  à  une  œuvre  stérile  en  ne  tenant  compte  que  des  meilleurs 
mss.  Il  faut  que  tous  les  mss.,  même  les  moins  bons,  soient  collaticnnés 


I.  P.  Liv  ;  Quam  fœde  inquinatus  sit 


d'histoire  et  de  littérature  45 

et    utilisés;  «  vix  quidquam   tcmcre  spernendiim  »  (p.  xiii).  Et  M.  O. 
prêche  d'exemple. 

Les  leçons  des  mss.  ne  sont  pas  rangées  dans  Tapparat  suivant  leur 
importance.  Elles  se  pressent  alignées  dans  un  ordre  arbitraire,  simple- 
ment l'ordre  alphabétique  des  lettres  romaines  et  grecques  qui  servent  à 
distinguer  les  mss.,  la  leçon  du  Marcianus  perdue  ainsi  au  milieu  des 
autres.  D'autre  part  il  est  visible  que  dans  les  conjectures  que  propose 
M.  O.  sur  des  passages  difficiles,  il  s'efforce  de  concilier  avec  les  leçons 
du  Marcianus  ou  de  ses  suppléants  celles  de  tel  ms.  médiocre  ou  même 
tout  à  fait  mauvais.  Il  faudra  croire  que  la  critique  d'Ovide  est  soumise 
à  des  règles  particulières  si  tant  est  qu'une  telle  méthode  puisse  pro- 
duire de  bons  résultats.  Mais  on  n'y  croira  guère  pour  peu  qu'on  ob- 
serve ici  même  quelles  déformations  subit  le  texte  en  passant  du  Mar- 
cianus à  ses  suppléants  ^  et  avec  quelle  rapidité  il  devient  presque  mé- 
connaissable. Il  paraît  bien  douteux  qu'en  s'éloignant  encore  de  cette 
classe  on  ait  quelque  chance  de  trouver  la  moindre  lumière.  On  ne  fera 
que  descendre,  per  loca  senta  situ  noctemque,  dans  la  suite  indéfinie  des 
altérations.  Qu'il  se  rencontre  dans  tel  ou  tel  des  détériores  (l-liv)  une 
ou  deux  bonnes  leçons  ",  nous  ne  verrons  en  cela  qu'un  hasard  heureux 
ou  plutôt  quelque  habile  conjecture. 

On  voit  qu'en  un  sens  l'apparat  donne  trop  ;  en  un  autre  sens  il  donne 
trop  peu.  Un  bon  classement  des  mss.  aurait  permis,  je  crois,  de  simpli- 
fier les  notcscritiques  ou  tout  au  moins  y  aurait  apporté  quelque  lumière. 
Qu'on  songe  à  tout  ce  qu'a  gagné  la  critique  de  César  et,  pour  certains 
discours,  tout  ce  qu'a  gagné  la  critique  de  Cicéron  à  la  répartition 
méthodique  des  mss.  en  quelques  classes  bien  caractérisées,  a,  jS,  7.  Dans 
le  3''  chapitre  des  prolégomènes,  chapitre  très  clair  et  très  bien  fait, 
M.  O.  a  indiqué  les  résultats  auxquels  est  arrivé  Tanke,  et  il  a  lui- 
même  tenté,  au  moins  pour  les  meilleurs  mss.,  un  classement  person- 
nel. Pour  cela  il  se  fonde  uniquement  sur  ce  fait  qu'en  des 
passages  déterminés,  les  mss .  ont  ou  la  lectio  genuina  ou  la 
lectio  depravata.  C'est  une  distinction  sérieuse,  solide,  parfois  évi- 
dente ;  mais  elle  ne  l'est  pas  toujours,  même  dans  quelques-uns  des 
passages  que  cite  M.  O.  ",  et  ce  n'est  pas  par  la  leçon  même,  mais  plu- 
tôt par  d'autres  raisons  qu'est  alors  déterminé  le  choix  entre  les  deux 
leçons.  M.  O.  admet  que  L  et  les  mss.  de  même  ordre,  AGHPV,  des- 
cendent d'une  même  source;  tandis  que  tous  les  autres  mss.  dérivent 
d'une  source  différente  ;  mais  qu'ici  il  y  a  eu  tant  de  recensions  qu'il  est 
impossible  de  se  reconnaître  (tantam  conluvionem  recensionum  quan- 
tani  vix  quisqiiam  umquam  satis  expedire possit).  Il  me  semble  qu'on 


1.  Par  ex.,  l,  10,  7;  I,  n,  3i;  III,  4,  8. 

2.  Voir  p.  L  et  suiv.  ies  passages  des  détériores  que  signale  M.  O.,  en   ajoutant: 
cum  Marciano  mire  congruit...  admirabililcr  consentit... 

3.  Ainsi  II,  8  :  demiim  ou  pridem;  II,  16;  maluin  ou  tneum;  II,  147  :  princeys  ou 
Cœsar,  etc. 


46  REVUK    CRITIQUK 

pouvait  trouver  mieux.  Il  sulïisait  de  recourir  à  des  indices  auxquels  je 
m'étonne  que  M.  O.  n'ait  pas  pensé:  aux  additions,  omissions  et  trans- 
positions de  vers  dans  les  mss.  C'est  un  signe  de  filiation  purement  ma- 
tériel, et  par  là  d'autant  plus  probant,  qui  permet  tout  au  moins  de 
distinguer  certains  groupes.  L'addition  par  plusieurs  mss.  de  vers  cer- 
tainement interpolés  (I,  1 ,  17  ;  II,  364;  III,  7,  i8;V,  I,  18  et  9,  8); 
l'omission  (I,  2,  20  et  II,  5)  ou  la  transposition,  (I,  i,  37  ;  II,  175  et  176; 
IV,  2,  by)^  commune  d'un  ou  plusieurs  vers,  donnent  la  preuve  incon- 
testable que  ces  mss.  dérivent  d'une  même  source.  Quand  l'omission 
dans  plusieurs  mss.  correspond  à  une  transposition  (I,  2,  20  ;  III,  3, 
47;  cf.  72;  III,  12,  i5;  IV,  3,  49-52;  10,  3i),  ou  à  une  interpola- 
tion certaine  dans  un  autre  (I,  8,  33),  on  peut  encore  conclure  à  une 
origine  commune,  sauf  à  distinguer  les  sous-groupes.  Enfin,  la  manière 
dont  s'accordent  plusieurs  mss.  pour  couper  à  faux  une  élégie  (III,  2, 
3;  V,  3,  35  et  47),  ou  pour  réunir  à  faux  deux  poèmes  (I,  1  et  2  ;  IV, 
I  et  2),  peut  fournir  d'utiles  indications. 

D'après  cette  méthode,  en  relevant  et  utilisant  les  indications  de  M.  O., 
je  suis  arrivé  aux  résultats  suivants  :  je  sépare  par  des  traits  les  sous- 
groupes  ;  les  points  d'interrogations  suivent  des  mss.  placés  dans  deux 
groupes,  afin  d'avertir  que  pour  eux  le  classement  n'est  pas  certain'  : 
i"""^  classe  :  le  Marciamis,  L,  avec  des  lacunes  nombreuses,  étendues,  et 
des  altérations  parfois  graves  (par  ex.  I,  3,  75  :  Priamus  au  lieu  de 
Mettus);  2"  classe,  très  inférieure  :  AGHPV  — T  -—  'Ç\  enfin  au-dessous 
et  très  au-dessous,  deux  groupes  différents,  tous  deux  également  médio- 
cres ou  suspects  :  l'un  formé  par  Faxvpç'-Î^  —  D  —  Cop  — y —  Ky,  et  où 
les  interpolations  sont  nombreuses  et  audacieuses  (voir  F,  II,  186)  ;  l'au- 
tre comprenant  :  V(?)  [3  ^.  — v)—  EG(?)  ::'];(?)  — O  -  A(?)  0^.  L'un  des  mss. 
les  plus  altérés  est  B  où  au  livre  V,  2,  5  le  vers  authentique  est  flanqué 
d'un  vers  interpolé.  De  même  dans  P,  III,  7,  28,  et  dans  G,  II,  260. 

Enfin,  j'aurais  souhaité  de  trouver  dans  les  prolégomènes  quelques 
mots  tout  au  moins  sur  la  valeur  littéraire  et  historique  des  Tristes. 
Ils  étaient  à  mon  avis  d'autant  plus  nécessaires  qu'on  juge,  de  notre 
temps,  les  dernières  œuvres  d'Ovide  et  surtout  l'avant-dernière  avec  trop 
de  sévérité.  Leurs  défauts  sont  connus;  on  les  exagère.  II  est  vrai  qu'on 
juge  ainsi  les  Tristes  sans  les  lire.  Combien  il  eût  été  désirable  qu'un 
éditeur  aussi  soigneux  que  M.  O.  indiquât  et  blâmât  cet  excès  '!  Sans 
doute  la  plainte  est  dans  ces  élégies  humble  et  souvent  monotone;  mais 
elle  est  souvent  touchante,  et  le  poète  y  varie  plus  qu'on  ne  le  croit  les 
accents  de  sa  tristesse.  Sa  langue  est  d'une  merveilleuse  souplesse  et  pleine 
de  tours  fins  et  ingénieux.  —  Il  eut  été  utile  aussi  de  se  demander  si  les 


1.  On  s'accommodera  plus  facilement  de  cette  imperfection  dans  le  classement 
proposé  si  l'on  se  rappelle  que  ces  mss.  sont  pour  la  plupart  des  plus  médiocres  et 
qu'ils  datent  du  xv  et  du  xvr  siècle. 

2.  La  première  hypoilièse  sur  laquelle  on  a  bâti  beaucoup  en  Allemagne,  ne  me 
paraît  nullement  prouve'e. 


D  HISTOIRE    El      DK     LITTERATURK  47 

personnages  auxquels  Ovide  s'adresse  en  cachant  leurs  noms,  si  l'ami 
inc^rat ,  l'ami  fidèle,  sont  réellement  des  contemporains,  nom- 
més plus  tard  dans  les  Pontiques,  ou  si  notre  poète,  ennemi  de  toute  ca- 
ractéristique, n'a  pas  jugé  commode  de  donner  ce  cadre  tout  fictif  aux 
développements  généraux  dans  lesquels  sa  muse  se  complaît.  Ovide 
pourrait  bien  avoir  fait  les  deux  choses  '. 

M.  Owen  nous  a  tant  donné  que  naturellement,  quoi  qu'avec  beau- 
coup d'injustice,  je  ne  me  lassais  pas  de  lui  demander  davantage.  — , 
Je  termine  en  appelant  son  attention  sur  quelques  détails  sans  grande 
importance  -.11  y  a  contradiction  pour  l'orthographe  dt  Laudamia  entre 
la  p.  cv  au  bas  et  la  note  sur  I,  6,  20.  Le  vers  interpolé  de  G  :  V,  6,  40; 
et  cité,  p.  Lxx,  a  été  fabriqué  d'après  TÉnéide,  IV,  405.  L'apparat  a  dû 
être  dressé  et  imprimé  avant  que  les  prolégomènes  fussent  achevés. 
D'où  l'inconvénient  que  rien  n'avertit  au  passage  même  que  des  remar- 
ques ou  des  justifications  très  intéressantes  se  trouvent  au  début  du  livre. 

Emile  Thomas. 

32.    —    ititlici  «lias  latiiia.    Edidit,    praefatus    est,   apparatu    critico    et    indice 
lociiplete  insiruxit  Fridericus  Plessis.  Paris,  i88d,  Li-98  pp.   in-S. 

Il  est  bien  tard  pour  signaler  cette  bonne  édition  de  VIlias  latina. 
L'ouvrage  mérite  cependant  une  mention.  On  sait  que  cette  version  fort 
abrégée  de  V Iliade  a  été  pendant  longtemps  un  des  livres  où  les  auteurs 
du  moyen  âge  allèrent  chercher  une  connaissance  bien  imparfaite  des 
épopées  homériques.  C'est  une  des  sources  les  plus  importantes  du  cy- 
cle de  Troie.  A  ce  titre,  une  édition  n'intéresse  pas  que  la  philologie 
classique.  M.  Plessis  l'a  établie  avec  grand  soin  1.  En  outre  des  treize 
manuscrits  principaux,  dont  les  meilleurs  sont  ceux  d'Erfurt  et  de  Leyde 
(xn«  s.),  M.  P.  a  fait  appel  à  un  manuscrit  de  Bruxelles  (n"  2717,  xv«  s.) 
et  à  deux  manuscrits  de  Paris  (f.  lat.  841  3  et  14909,  du  xv«  s.),  négligés 
avant  lui.  Dans  l'introduction,  il  nous  donne  quelques  renseignements 
sur  son  auteur  :  doit-on  Tidentifier  avec  Silius  Italiens?  MM.  Doehring 


1.  Je  n'ignore  piis  que  dans  l'édiiion  classique,  M.  O.  a  touché  aux  sujets  que  j'in- 
dique (voir  l'article  cité  de  la  Revue,  p.  444  et  443);  mais  M.  O.  ne  pense  pas,  j'en 
suis  sûr,  que  la  discussion  de  tels  sujets  et  que  les  remarques  qu'il  a  faites  lui-même, 
ne  soient  à  leur  place  que  dans  des  livres  d'élèves. 

2.  Je  me  garde  bien  de  relever  dans  un  travail  aussi  considérable,  tel  ou  tel  passage 
équivoque  de  l'apparat  ou  de  discuter  avec  l'auteur  telle  ou  telle  conjectuie. 

3.  J'ai  en  ma  possession  l'exemplaue  des  Poetae  latini  minores  qui  a  appartenu  à 
Wernsdorf  et  dont  cet  auteur  a  couvert  les  marges  de  notes  manuscrites.  J'y  relève 
seulement  deux  corrections.  Au  v.  654,  W.  propose  de  lire  super  au  lieu  de  simul 
qui  ne  donne  pas  un  bon  sens;  la  même  faute  (simul  pour  super)  a  été  commise  par 
le  copiste  du  Vossianus  au  v.  bb.  Au  v.  769,  la  leçon  de  VAnnabergensis,  fugiunt 
liquentes  castra,  indiquée  en  note,  est  déclarée  uerior  :  quod  sequentia  demonstrant 
dcbebatque  ideo  in  textnm  rccipi. 

4.  Ucber  d'jn  Honeius  latinui.  i88|.  Strasbourg. 


4^  REVUE    CRITIQUE 

et  '•-  Wagener  2  le  pensent.  Avec  prudence,  M,  P.  s'abstient:  l'auteurécri- 
vait  dans  la  prennière  moitié  du  premier  siècle,  plutôt  sous  Tibère  que 
sous  Ne'ron  ;  c'est  tout  ce  qu'il  ose  affirmer.  Les  arguments  que  l'on  a 
présentés  pour  démontrer  l'identité  de  ce  personnage  avec  le  poète  des 
Puniques  sont  très  fragiles.  Je  pense,  comme  M.  P.,  que  la  question 
n'est  pas  mûre  pour  une  solution,  si  elle  doit  jamais  en  recevoir  une. 

Le  latin  de  M.  Plessis  est  élégant  et  simple^  et  son  étude  se  lit  avec 
agrément.  Un  index  très  complet  la  termine. 

P.-A.  L. 


33.  —  J.  voii  Below.    Die    Entsteliung    <ler    deutschen    Statllgemeinde. 

Dùsseldorf,  Voss.   iSSq,  xi  et  127  pp.  in-S.  3  marcs. 

Ce  travail  forme  la  suite  de  deux  articles  très  importants,  publiés  par 
M.  von  Below  en  1887-1888,  dans  VHistorische  Zeitschrift,  sous  le 
titre  :  Zur  Entstehung  der  deutschen  Stadtverfassung.  Avec  beaucoup 
de  force  et  d'érudition,  l'auteur  s'y  est  attaqué  aux  théories  bien  con- 
nues de  Nitzsch  et  de  Heusler.  La  première  voit,  comme  on  sait,  dans 
le  droit  domanial,  dans  l&Hofrecht,  l'élément  formateur  par  excellence 
des  villes  allemandes  ;  la  seconde  considère  Péchevinage  comme  Tancé- 
tre  des  conseils  urbains.  Ainsi,  pour  Pune,  le  développement  ultérieur 
des  villes  est  essentiellement  conditionné  par  les  institutions  seigneuria- 
les, tandis  que,  pour  l'autre,  il  dérive  de  l'organisation  judiciaire  de 
l'époque  franque. 

En  opposition  avec  ces  deux  théories,  M.  v.  B.,  dans  l'ouvrage  qui 
fait  l'objet  de  ce  compte-rendu,  en  revient  aux  idées  émises,  il  y  a  bien- 
tôt trente  ans,  par  von  Maurer  (Geschichte  der  Stadtverfassung  in 
Deutschland,  1 869-73).  Il  n'y  a  toutefois,  entre  les  deux  auteurs,  que 
le  point  de  vue  de  commun.  On  a  bien  à  faire  ici  à  une  œuvre  origi- 
nale. M,  V.  B.  apporte  à  l'appui  de  la  thèse  de  son  devancier  de  nou- 
veaux arguments  et  sur  bien  des  points  essentiels  s'écarte  de  lui.  J'expo- 
serai rapidement  sa  manière  de  voir,  avant  de  dire  les  difficultés  qu'elle 
me  paraît  soulever. 

D'après  M.  v.  B.,  les  institutions  municipales  du  moyen  âge  n'ont 
leur  origine  ni  dans  le  droit  domanial,  ni  dans  le  droit  public  franc. 
Elles  présentent  un  caractère  essentiellement  communal.  La  ville  n'est 
ni  une  Pfal^  transformée,  ni  une  centéne  condensée  :  elle  est  avant  tout 
une  commune,  une  Gemeinde.  Et  cela,  parce  qu'elle  dérive  directement 
d'une  commune  antérieure,  de  la  communauté  de  village,  de  la  Land- 

1.  Compie-rendu  de  la  thèse  de  M.  Plessis  dans  la  Neue  philolog.  Rundschau  du 
26  juin  1886. 

2.  Ueber  den  Honerus  latinus,  1S84.  Strasbourg. 

3.  H  n'est  peut-être  pas  très  correct  d'employer  noster  =  «  notre  auteur  »,  p.  xix  ; 
uter  pour  uterque  (p.  xliii,  I.  4  de  la  note)  et  Schwelgev  (p.  xxxvii,  n.  2}  sont  des 
fautes  d'impression  omises  aux  errata. 


d'histoire  et  de  littérature  49 

gemeinde.  Cette  commune,  sur  laquelle  on  ne  possède  d'ailleurs  que 
fort  peu  de  renseignements  anciens,  nous  apparaît  revêtue  d'une  admi- 
nistration et  d'une  juridiction  autonomes.  L'organe  de  cette  administra- 
tion et  de  cette  juridiction  est  le  Biirding  (Bursprake,freie  Heimge- 
rede,  etc.),  c'est-â-dire  l'assemblée  des  habitants  du  village  présidée  par 
un  chef  électif  :  Honne,  Heimburger,  Zender,  etc.  Le  Burding  statue 
sur  les  intérêts  économiques  de  la  communauté  :  il  fixe  Tépoque  de  la 
moisson,  des  vendanges,  des  semailles.  Comme  juridiction,  il  est  com- 
pétent en  matière  de  poids  et  mesures,  de  contraventions  aux  règlements 
communaux  et  de  délits  de  police  (kleinere  Frevel).  D'ailleurs,  M.  v. 
B.  reconnaît  tout  de  suite  que  l'état  de  fait  ne  correspond  que  très  ra- 
rement à  l'état  de  droit.  Presque  nulle  part  la  Landgemeinde  n'a  con- 
servé entière  son  autonomie.  Dans  la  plupart  des  cas,  le  seigneur  a  res- 
treint son  self  government  :  très  souvent  c^est  lui  qui  nomme  leZender 
ou  revêt  son  villicus  domanial  des  attributions  de  celui-ci;  très  sou- 
vent encore,  le  Burding  est  réuni   au  Hofgericht.  Dès  lors,  la  condi- 
tion juridique  de  la.  familia  non  libre  et  celle  des  paysans  libres  se  rap- 
prochent et  tendent  à  s'égaliser.  Toutefois  ce  serait  une  erreur  de  croire 
que  l'ancienne  autonomie  ait  disparu  complètement  devant  le  Hofrecht. 
Plusieurs  exemples  prouvent  nettement  la  coexistence  de  deux  groupes 
distincts  de  population.  A  côté  de  la  familia  plus  ou  moins  servile, 
subsistent  des  tenanciers  plus  ou  moins  libres.  Vienne  la  grande  révo- 
lution économique  du  xii^  siècle,  et  dans  les  villages  que  le  commerce 
transforme  en  villes,  ces  derniers  reprennent  leur  indépendance  et  leur 
autonomie.  Seulement,  Tancien  Burding  a  disparu.  Mais,  à  sa  place, 
apparaît  une  nouvelle  assemblée,  comme  lui  essentiellement  commu- 
nale :   le  conseil  urbain,  le  Stadtrath  qui  recueille  ses   attributions. 
D'après  M.  v.  B-,  en  effet,  l'administration  et  la  juridiction,  exercées  à 
l'origine  par  le  conseil,  sont  essentiellement  les  mêmes  que  celles  dont 
le  Burding  était  jadis  l'organe. 

M.  V.  B.  a  compris  qu'il  fallait  prouver  par  quelques  exemples  la  vé- 
rité de  sa  doctrine.  Malheureusement,  je  dois  déclarer  que  la  théorie  ne 
me  paraît  pas  avoir  victorieusement  subi  l'épreuve  à  laquelle  son  auteur 
l'a  soumise. 

Les  exemples  choisis  sont  :  Hameln,  Quedlinbourg,  Halberstadt, 
Soest,  Strasbourg  et  Cologne.  Si  l'on  écarte  de  cette  liste  Strasbourg, 
dont  M.  V.  B.  avoue  lui-même  (p.  37)  qu'on  ne  voit  pas  de  preuve  que 
sa  constitution  dérive  d'une  Landgemeinde,  et  Cologne,  qui  a  eu  un 
développement  tout  à  fait  particulier,  il  reste  quatre  villes,  appartenant 
toutes  au  territoire  du  droit  saxon.  Les  preuves  invoquées  à  l'appui  de 
la  théorie,  perdent  donc,  par  là,  dès  le  début,  beaucoup  de  leur  force. 
Elles  ne  sont  pas  valables  pour  toute  l'Allemagne,  mais  pour  une  partie 
seulement  de  l'Allemagne.  Et  encore,  on  peut  douter  qu'elles  soient 
toutes  concluantes.  A  Hameln,  par  exemple,  le  Rath  est  d'après  M.  v, 
B.,  l'héritier  des  fonctions  communales  du  Schultheiss  seigneurial.  Par- 


5o  REVUE    CRITIQUE 

tant,  il  dériverait  donc  de  l'ancien  Burding,  dont  cet  officier  a  reçu 
postérieurement  les  attributions.  J'avoue  ne  pouvoir  comprendre  cette 
conclusion.  En  effet,  les  attributions  de  Schultheiss  n'ont  passé  à  la 
ville  qu'entre  i265  et  1267.  Or,  dès  1 237-1247,  je  vois  que  M.  v.  B. 
mentionne  déjà  (p.  25)  l'existence  des  Consules,  c'est-à-dire,  comme  on 
sait,  des  membres  du  conseil.  Le  Rath,  à  Hameln,  est  donc  antérieur  à 
l'acquisition  par  la  bourgeoisie,  des  fonctions  communales  de  l'officier 
seigneurial.  Conséquemment,  il  ne  provient  pas  du  Burding  :  il  faut 
chercher  ailleurs  son  origine  ^ 

L'exemple  de  Quedlibnourg  ne  me  parait  pas  plus  probant  que  celui 
de  Hameln.  M.  v.  B.  cite  un  diplôme  de  1040,  accordant  aux  negocia- 
tores  de  cette  ville  ut  de  omnibus  que  ad  cibaria  pertinent,  inter  se  ju- 
dicent.  Jusqu'ici,  à  tort  peut-être,  on  avait  vu  dans  ces  negociatores  une 
gilde  de  marchands.  Pour  M.  v.  B.,  ils  sont  simplement  identiques  aux 
cives,  aux  bourgeois.  Dès  lors,  les  mots  inter  sejudicent,  etc.,  montrent 
l'existence  à  Quedlinbourg  d'une   Bauerschaft  et  d'un  Burding.  Ce 
raisonnement  serait  irréprochable,  s'il  était  sûr  qu'il  faille,  par  negocia- 
tores,  entendre  les  bourgeois.  Mais  rien   n'est  moins  certain  que  cette 
interprétation.  Personne  n'ignore,  sans  doute,  que  mercator,  au  xi*  siè- 
cle, soit  pris  fort  souvent  dans  le  sens  de  burgensis  ou  de  civis.  Seule- 
ment, en  est-il  de  même  pour  negociator?  M.  v.  B.  l'affirme,  mais  ne 
le  prouve  pas.  On  ne  trouve  rien  de  tel  aux  passages  de  Waitz  et  de  Roth 
von  Schreckenstein,  auxquels  il  renvoie.  Bien  plus,  ce  dernier  auteur 
(RitterwUrde,  p.  432,  n,  4),  cite  un  texte  qui  empêche  de  considérer 
comme  synonymes  les  mots  civis  et  negociator  (cum  ab  Italia  redeuntes 
Wir^heburc  venissemus,  niaxima  civiunet  negotiatorum  querimonia  no- 
bis  occurrit). 

Si  les  observations  précédentes  sont  vraies,  deux  des  exemples  —  et 
précisément  ce  sont  les  deux  principaux  —  choisis  par  l'auteur  pour 
appuyer  sa  théorie,  perdent  toute  valeur.  Strasbourg  et  Cologne  ne 
prouvant  rien,  il  ne  pourrait  plus  donc  invoquer  que  les  constitutions 
de  Halberstadt  et  de  Soest,  deux  villes  saxonnes,  auxquelles  il  ne  con- 
sacre que  quelques  lignes.  C'est  évidemment  un  support  trop  fragile 
pour  une  théorie  qui  doit  pouvoir  s'appliquer  aux  institutions  urbaines 
de  fozi^e  l'Allemagne. 

Outre  que  les  exemples  choisis  par  M,  v.  B.  ne  me  semblent  pas  con- 


I.  Il  m'est  impossible  de  comprendre  comment  M.  v.  B.  n'a  pas  remarqué  cela.  Il 
dit  du  conseil  de  1237  (p.  27):  Wir  woller... .  keine  Vermuthung  darûber  ausstelien, 
welche  Functionen  er...  versah.  Mais  par  là  même  il  s'enlève  le  droit  de  dire  (p.  29), 
du  conseil  en  1277  :  die  Rathsgewalt  ist...  kommunalen  Ursprungs.  Puisque  les 
fonctions  communales  du  Shultheiss  ont  été  attribuées  au  conseil  postérieurement 
à  la  première  apparition  de  celui-ci,  il  est  évident  qu'elles  sont  non  organiques, 
mais  adventices.  On  pourrait,  en  raisonnant  de  même,  attribuer  au  Raih  une  ori- 
gine publique,  ce  contre  quoi  M.  v.  B.  proteste  avec  la  plus  grande  énergie,  là  où  il 
reçoit  les  attributions  d'un  fonctionnaire  public. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  5  r 

firmer  suffisamment  sa  théorie,  celle-ci  me  paraît,  en  outre,  prêter  le 
flanc  à  des  objections  fort  sérieuses.  Pour  qu'elle  fût  acceptable  dans 
tous  les  cas,  il  faudrait  en  effet  ;  i°  Que  partout  en  Allemagne  on  pût 
prouver  Texistence  dès  le  xi'^  siècle,  c'est-à-dire  dès  l'époque  où  se  for- 
ment les  premières  constitutions  communales  de  Landgemeinden  or- 
ganisée comme  le  veut  l'auteur  ;  2°  que  partout  également  il  fût  démontré 
que  le  conseil  a  comme  attribution  essentielle  cette  juridiction  sur  les 
poids  et  mesures  qui  constitue  par  excellence  la  compétence  du  Bur- 
ding.  Or,  je  doute  que  ces  deux  points  puissent  être  établis.  Lamprecht 
a  prouvé  que,  jusqu'au  xi''  siècle,  c'est  à  la  Marche  et  non  à  la  commu- 
nauté de  village  qu'appartient  la  juridiction  en  matière  de  poids  et  me- 
sures. Et  d'ailleurs,  quoi  qu'il  en  soit,  il  est  excessif  de  considérer,  dans 
tous  les  cas,  cette  juridiction,  comme  une  juridiction  nécessairement 
communale.  Elle  est  attribuée  fort  souvent  au  fonctionnaire  public,  au 
détenteur  du  droit  régalien  de  tonlieu.  A  Dinant  —  je  prends  cet  exem- 
ple parce  qu'il  est  cité  par  l'auteur  —  je  crois  avoir  montré  qu'elle 
appartient  au  comte,  non  à  la  commune.  On  trouverait  la  même  chose 
à  Metz,  à  Toul,  à  Liège  et  en  Flandre, 

Quant  à  la  compétence  des  conseils  urbains,  il  me  semble  fort  hasar- 
deux de  la  restreindre  à  la  juridiction  des  poids  et  mesures.  Que  les 
conseils  aient  presque  toujours  possédé  cette  juridiction,  d'accord.  Mais 
est-elle  partout  primitive?  N'est-il  pas  évident,  par  exemple,  que  les 
mouvements  communaux  en  Flandre  et  dans  le  nord  de  la  France  ont 
eu,  avant  tout,  pour  but  l'établissement  d'une  paix  propre  à  la  ville? 
Dans  ces  territoires,  on  voit  fort  nettement  la  bourgeoisie  chercher  à 
acquérir  un  droit  nouveau  en  harmonie  avec  les  nécessités  de  la  vie 
urbaine.  La  magistrature  essentiellement  communale  des  jurés  se  rat- 
tache directement,  dans  ces  territoires,  aux  institutions  de  paix  et  il  ne 
serait  pas  difficile  de  démontrer  la  même  chose  pour  plusieurs  villes 
allemandes  1. 

D'ailleurs,  si  entre  les  institutions  de  la  communauté  de  village  et 
celles  de  la  commune  urbaine  le  lien  est  si  étroit,  comment  se  fait-il 
que  M.  v.  B.  doive  bien  reconnaître  qu'il  n'existe  pas  einen  iiusseren 
Zusammenhang  :{wischen  Stadt-und  Latidgemeinde  hinsichtlich  des 
Reprusentativkollegs  (p.  84).  En  ceci,  il  s'écarte,  et  avec  grande  raison, 
de  von  Maurer,  qui  voit  dans  les  bourgmestres  et  les  conseils  des  villes 
les  descendants  des  anciens  administrateurs  de  la  communauté  rurale. 
Mais  ce  faisant,  il  enlève  beaucoup  de  force  à  sa  théorie.  S'il  n'apparaît, 
en  effet,  aucun  point  de  contact  entre  le  conseil  et  le  Burding,  c'est 
évidemment  que  ce  dernier  n'a  pas  été  aussi  vivace  que  le  croit  l'auteur. 


i.  Par  exemple  pour  Ratisbonne  (Gierke,  Genossenschaftsrecht,  I,  270).  Metz 
présente  un  cas  particulièrement  intéressant  :  les  échevins  et  le  comte,  c'est-à-dire 
la  justice  publique,  sont  compétents  en  matière  de  poids  et  mesures;  les  jurés,  c'est- 
à-dire  le  conseil  de  la  commune,  sont  les  organes  de  la  paix. 


Si  REVUE    CRITIQUE 

Et  comment  admettre,  dès  lors,  que  d'un  germe  aussi  chétif  soit  sortie 
la  puissante  floraison  des  constitutions  communales? 

Je  n'insisterai  pas  plus  longtemps  ici  sur  les  objections  que  provoque 
la  thèse  de  M.  v.  B.  prise  dans  son  entièreté.  Je  dïs  prise  dans  son  en- 
tièreté,  car  au  fond  et  en  tant  qu'il  reconnaît  dans  les  villes  des  forma- 
tions essentiellement  communales,  Pauteur  est  évidemment  dans  le 
vrai.  C'est  seulement  la  dépendance  nécessaire  qu'il  établit  entre  Land- 
gemeinde  et  Stadtgemeinde,  qui  me  paraît  être  sujette  à  caution.  Encore 
faut-il  reconnaître  que,  dans  plusieurs  villes  et  peut-être  même  en  géné- 
ral dans  la  basse  Allemagne,  la  commune  urbaine  semble  bien  la  fille 
légitime  de  la  commune  rurale.  Pour  les  autres  régions,  on  sera  en  tout 
cas  forcé  désormais  d'accorder  plus  d'attention  à  ce  qui  est  resté,  dans 
les  villes,  des  institutions  de  l'époque  agricole  du  moyen  âge.  Ce  seront, 
en  somme,  les  travaux  spéciaux  qui  élucideront  définitivement  la  ques- 
tion. Le  livre  de  M.  von  Below  est  de  nature  à  en  susciter  un  grand 
nombre.  C'est  le  plus  bel  éloge  qu'on  en  puisse  faire  et  ce  sera  la  meil- 
leure preuve  qu'il  aura  servi  largement  à  l'avancement  de  la  science. 

Henri  Pirenne. 

34.  —  Dictionnaire  des  appellations  ethniques  de  la  Fi-ance  et  de  se» 
colonies,  par  André  Rolland  de  Denus,  membre  de  la  Société  de  Géographie 
de  Bordeaux,  etc.,  viii  p.  et  666  col.  gr.  in-8.  Paris,  Emile  Lechevalier,  1889. 
Prix  :  10  fr. 

L'idée  de  recueillir  les  noms  qualificatifs  dérivés  des  noms  de  lieu 
(par  exemple  Parisien  de  Paris),  n'est  pas  nouvelle.  Déjà  en  1877, 
M.  L.  Merlet,  archiviste  du  département  d'Eure-et-Loir,  avait  publié, 
dans  le  tome  I^''  de  Mélusine,  un  Dictionnaire  des  noms  donnés  aux 
habitants  des  diverses  localités  de  la  France.  Quelques  années  après, 
M.  Merlet  qui,  dans  l'intervalle,  avait  recueilli  de  nouveaux  noms, 
fit  de  son  Dictionnaire  un  élégant  volume.  Si  nous  rappelons  ce  souve- 
nir, c'est  que  M.  Rolland  de  Denus  ne  paraît  pas  connaître  l'ouvrage  de 
M.  Merlet  (il  ne  le  cite  nulle  part),  quoiqu'il  refasse  le  même  travail, 
sur  le  même  plan  et  avec  les  mêmes  défauts,  à  cela  près  pourtant  que 
l'ouvrage  de  M.  Merlet  était  rédigé  avec  plus  de  goût  littéraire,  et  con- 
tenait bien  moins  de  citations  inutiles. 

Le  procédé  —  on  ne  peut  dire  la  méthode  —  de  M.  R.  de  D.  a  con- 
sisté à  relever  dans  ses  lectures  les  appellations  ethniques  qu'il  a  ren- 
contrées et,  le  plus  souvent,  à  copier  le  passage  oij  il  les  a  rencontrées. 
Ainsi  M.  P.  Giffard  {Figaro^  17  juin  i885)  est  cité  comme  autorité  pour 
Abbevillois  d^Abbeville;  M.  Gaffarel,  Les  colonies  françaises,  fournit 
un  long  passage  sous  le  nom  Acadien;  MM.  G.  et  A.  de  Mortillet,  A/z<- 
sée préhistorique,  sont  invoqués  comme  autorité  pour  Acheiiléen  de 
Saint-Acheul  ^.  A  ces  noms  sont  venus's'ajouter  ceux  que  des  correspon- 

I.  M.  R.  de  D.  dit  dans  sa  préface  :  «  Nous  avons  cru  devoir  appuyer  le  plus  possi- 
ble d'un  exemple  renonciation  des  ethniques.  En  dehors  de  l'intcrct  particulier  que 


D  HISTOIRE    ET     Dg     LITTÉUATURR  53 

dants  obligeants  lui  ont  communiqués;  M.  R.  de  D.  a  classé  le  tout 
par  ordre  alphabétique,  et  ii  en  a  fait  un  gros  livre  aussi  inutile  que 
peu  intéressant. 

Il  n'est  pas  venu  à  Tidée  de  M.  R.  de  D.  qu'il  fallait  distinguer  entre 
les  appellations  populaires,  c'est-à-dire  ayant  une  existence  réelle,  et 
celles  qui  sont  d'ordre  littéraire,  soit  conservées  par  la  tradition  des  let- 
trés, soit  inventées  par  un  lettré  qni  a  besoin  de  former  un  ethnique  sur 
un  nom  de  lieu  et  qui  le  fabrique  de  son  mieux.  Le  terme  «  époque 
acheuléenne  »  inventé  par  M.  de  Mortillet  pour  désigner  le  gisement 
préhistorique  de  Saint-Acheul,  n'est  pas,  par  le  fait  de  cette  citation, 
une  «  appellation  ethnique  »  :  l'appellation  ethnique,  dans  ce  cas,  est 
le  nom  (inconnu  de  nous,  comme  de  M.  R.  de  D  )  par  lequel  les  habi- 
tants de  Saint-Acheul  sont  désignés  dans  les  villages  voisins.  Une  fois, 
M.  R.  de  D.  cite  en  note  un  nom  patois,  A:[uès,  à  côté  d'A:{imois  '. 
Comment  n'a-t-il  pas  ^uqn'A^uès  est  le  nom  véritable,  et  A^unois  une 
appellation  étrangère  au  pays,  inventée  un  jour  par  quelqu'un  qui  vou- 
lait désigner  un  habitant  du  Val  d'Azun,  et  qui  a  formé  cet  ethnique 
par  analogie  avec  la  classe  si  nombreuse  des  ethniques  en  -ois  ? 

Il  ne  suffit  pas  encore  de  collectionner  des  appellations  ethniques 
comme  on  collectionne  des  timbres-poste;  il  faudrait  les  entourer 
d'exemples  qui  éclairent  leur  histoire.  Il  serait  bon  de  citer  sous  un 
ethnique  les  noms  d'homme  qui  en  sont  les  doublets,  par  exemple,  à 
propos  de  Berriiyer,  habitant  de  Bourges,  les  noms  d'hommes  Ber- 
ruyer  ei  Berryer ;  k  Tpvo^os  à' Auvergnat,  àts  noms  d'homme  comme 
Alvergnat  et  Alvergniat.  En  tout  cas,  si  on  laissait  de  côté  les  noms 
d'homme,  il  faudrait  chercher  les  formes  anciennes  des  appellations 
ethniques,  surtout  quand  ces  formes  anciennes  sont  différentes  des  mo- 
dernes. Il  faudrait,  par  exemple,  à  propos  d'Auvergnat,  citer  VAuver- 
nat,  vin  dont  parle  Boileau  (voir  Littré,  Dictionnaire,  s.  v).  Et  la  gra- 
phie Auvergnat  {pnv-atj  n'a-t-elle  pas  remplacé  une  graphie  plus 
ancienne  Auvergnac  (par  -acj?  Dans  une  nouvelle  où  il  met  en  scène 
un  méridional  du  siècle  dernier,  M.  H.  Babou,  lui  fait  prononcer  avec 
affectation  Auvergnac  :  «  Epouse  VAuvergnacf  épouse  VAuvergnac! 
dit-il  à  son  enfant  avec  sa  prononciation  de  vieil  émigré;  il  le  faut,  il  le 
faut...  2  »  Le  changement  de  la  graphie  -ac  (où  le  c  final  ne  se  pronon- 
çait plus)  en  -at  {ou  le  t  final  ne  se  prononce  pas  davantage),  est  attesté 


présentent  ces  exemples,  ils  affirment  encore  la  sincérité  de  nos  recherches  en  même 
temps  qu'ils  constituent  des  éléments  bibliographiques  dont  nos  lecteurs  tireront 
profit.  »  Faut-il  donc  faire  remarquera  M.  R.  de  D.  qu'une  citation  n'est  utile  et  un 
«  élément  bibliographique  »  qu'autant  qu'elle  permet  au  lecteur  de  retrouver  le  pas- 
sage cité,  et  que,  pour  cette  raison,  il  faut  indiquer  le  tome  et  la  page,  et  aussi, 
pour  les  ouvrages  peu  connus,  ia  date  et  le  lieu  de  la  publication:' 

1.  AzuNois*,  OISE,  du  Val  d'Azun,  arrondissement  de  Bagnères-de-Bigorre  (Hautes- 
Pyrénées).  ♦  {En  yatois,  on  dit  Azuès). 

2.  H.  Babou,  Lespayens  innocents,  édit.  Charpentier,  1878,  p,  142. 


54  RKVUK    CRITIQUE 

historiqucmenl  par  des  noms  de  lieu  de  cette  région  dont  l'orthographe 
(non  la  prononciation)  a  changé  par  analogie,  par  exemple  Saint-Georges- 
d'Aurac  qui  s'écrit  aujourd'hui  Saint-Georges-d'Aurat  '.  —  Si  nous  po- 
sons ces  questions,  c'est  pour  montrer  quelles  recherches  nécessiterait 
un  «  Dictionnaire  des  appellations  ethniques  de  la  France  »  fait  avec 
méthode  et  critique. 

Un  travail  de  ce  genre  devrait  avoir  pour  but  de  réunir  les  appella- 
tions ethniques  réelles,  employées  par  le  peuple  dans  le  pays  même,  et 
il  devrait  tenir  compte  du  nom  patois  de  la  localité.  Comment  s'expli- 
quer, par  exemple,  que  Tethnique  d'Aoste  (Isère)  soit  Ontard,  au  fém. 
Outarde,  s\  Ton  ne  sait  qu'Aoste  se  dit  dans  le  patois  du  pays  Ouia? 
Puis,  quand  on  a  recueilli  ces  noms,  il  faut  distinguer  entre  ceux  qui 
sont  des  termes  polis  et  ceux  qui  sont  des  termes  injurieux  :  par  exem- 
ple, pour  désigner  les  habitants  de  Clamart,  près  Paris,  Clamartin  est 
le  terme  poli,  et  Clamario  le  terme  injurieux;  de  même  pour  Sèvres, 
Sévrien  est  le  terme  poli  et  Sévriole  terme  injurieux.  —  Les  sobriquets 
viendraient  eu  troisième  ligne,  car  ils  ont  une  valeur  locale,  et  d'un  vil- 
lage à  l'autre  les  habitants  se  désignent  souvent  par  leurs  sobriquets.  Il 
faut  noter  enfin  que  dans  le  peuple  on  emploie  souvent  comme  ethni- 
que le  nom  de  la  localité,  sans  y  ajouter  aucun  suffixe.  Récemment,  à 
Néris  (Allier),  voulant  savoir  si  l'ethnique  Nérisien  employé  dans  les 
livres  était  d'usage  populaire,  je  demandai  à  une  personne  du  peuple 
comment  on  désignait  un  homme,  un  garçon  de  Néris.. —  Un  Néris, 
me  répondit-on.  —  Et  une  femme,  une  tille  de  Néris?  —  Une  Néris.  — 
Dans  plus  d'une  province,  la  collectivité  d'un  village  est  désignée  dans 
le  pays  par  le  nom  du  village,  précédé  de  l'article  pluriel,  Les  Beau- 
court,  par  exemple,  pour  les  gens  ou  habitants  de  Beaucourt,  etc.,  etc. 
Il  est  évident  qu'un  travail  de  ce  genre,  comme  œuvre  d'ensemble, 
ne  serait  possible  que  comme  résultat  et  centralisation  d'un  grand  nom- 
bre d'enquêtes  locales.  Le  Comité  des  Travaux  Historiques  pourrait  le 
provoquer  par  ses  questionnaires,  si  du  moins  il  s'intéressait  au  folk- 
lore, car  ceci  est  du  folk-lore  linguistique.  A  son  défaut,  les  Sociétés  ou 
les  Revues  de  Patois  pourraient  suggérer  l'idée  de  ces  recherches  à  leurs 
collaborateurs,  en  leur  esquissant  un  plan  ~.  C'est  en  prenant  une  pro- 
vince, ou  wn  paj's,  ou  simplement  un  canton  qu'un  chercheur  pourrait 
dresser  un  catalogue  de  ce  genre;  il  serait  nécessaire  qu'il  eût  quelques 
notions  philologiques  pour  rechercher  les  formes  anciennes  de  ces 
noms,  pour  compléter  son  enquête  par  des  recherches  dans  les  noms  de 
famille.  Un   travail  de  ce  genre,  fait  avec  soin,  ne  fût-ce  que  pour  un 


1 .  Annales  de  la  Société  académique  du  Puy,  t.  XXVI,  p.  6. 

2.  C'est  ce  que  pourrait  entreprendre,  par  exemple,  la  Socie'té  Liégeoise  de  Litte'- 
rature  wallonne  qui  a  déjà,  par  ses  concours,  suscite  tant  de  publications  utiles,  ou 
encore  sa  jeune  sœur,  la  Société  du  Folk-Lore  Wallon  (à  Liège),  qui  commence  en 
ce  moment  à  oiainer  tout  le  l'oik-iorc  du  pays  wallon. 


3HISrOIRK     KT     UK     Ll  TTKR  ATt.'KK  5  5 

canton,  serait  plus  utile  et  plus  intéressant  que  la  compilation  banale 

de  M.  Rolland  de  Denus. 

H.  Gaidoz. 

P. -S  :  —  QuMl  me  soit  permis  de  joindre  deux  desiderata  au  vœu  du 
paragraphe  précédent    : 

I"  Qu"'on  s'occupe  de  fixer  la  prononciation  réelle  et  locale  des 
noms  de  lieu  avant  qu'elle  soit  généralement  remplacée  par  une 
prononciation  réglée  sur  la  soi-disant  orthographe.  Nous  sommes 
excusables,  nous  Parisiens,  d'ignorer  la  prononciation  usitée  dans 
la  localité,  de  ne  pas  dire,  par  exemple,  Saint-Miel  pour  Saini-Mihiel, 
V^ou  pour  Vesoul ',  Monmirell  pour  Montmirail  (iMarne),  Alèss' 
pour  Alais,  Le  Tar  pour  le  Tarn,  Car^e/z^ra  pour  Garpentras,  Saint- Câ 
pour  Saint-Cast  (Gôtes-du-Nord),  Epinia  pour  Epiniac  (Ille-et-Vilaine), 
Songea  pour  Sougéal  (Ille-et- Vilaine),  Saint-I  pour  Saint-Ay  (Loiret), 
Le  Tê  ponv  Le  Theil  (près  de  Goulommiers),  etc.,  etc.  —  Getle  ques- 
tion a  été,  depuis  dix  ans,  mise  plus  d'une  fois  à  l'ordre  du  jour  des 
sociétés  françaises  de  géographie'-*;  mais  il  serait  à  désirer  qu'elle  fut 
prise  en  main  par  les  philologues  et  que  les  résultats  fussent  centralisés 
par  notre  Gomité  des  Travaux  Historiques  ",—  Si  l'on  n'y  prend  garde, 
par  suite  de  la  superstition  de  ce  qu'on  appelle  l'orthographe^  par  Tin- 
fluence  de  l'écriture  sur  la  prononciation  et  par  l'enseignement  des  maî- 
tres d'école,  la  prononciation  des  noms  de  lieu  sera  transformée  dans  un 
sens  réactionnaire,  et  cela  dans  la  localité  même.  Il  y  a  des  villes  où 
cette  transformation  est  déjà  faite.  A  Guéret  (Greuse),  les  ouvriers  de  la 
ville  et  les  paysans  des  environs  disent  encore  Garet^  ce  qui  est  à  la  fois 
l'ancienne  prononciation  et  l'ancienne  orthographe  d'avant  lexvi*'  siècle  : 
les  citadins  disent  Guéret  •*.  A  Arras,  les  citadins  disent  àràss\  les 
campagnards  ara^.  Dans  le  département  de  la  Loire-Inférieure  «  les 
lettréï-  disent  Vritz  en  faisant  sonner  le  t:{  que  les  gens  du  pays  suppri- 
ment pour  dire  Vri  I)  ^.  G  est  le  peuple  qui  a  raison  contre  le  pédantisme 
de  la  classe  dite  lettrée. 

2«  Que  tout  dictionnaire  de  patois   soit  accompagné  d'un  glossaire 

1.  Au  xvir  siècle  on  écrivait  Vesouj  et  Vesou. 

2.  Pour  la  bibliographie  de  ce  sujet,  voir  le  chapitre  consacré  par  M.  Egli  à  la 
prononciation  des  noms  de  lieu  dans  son  livre  :  Gesdiichte  der  geograpliischen 
Namenkiinde,  Leipzig,  1886,  p.  876  et  suiv. 

3.  Notons  au  passage  que  dans  son  Dictionnaire  topographique  de  Vancien  dépar- 
tement de  la  Moselle.  Paris,  1874,  M.  de  Boutciller  donne  les  noms  patois  des  loca- 
lités. C'est  ce  qu'auraient  du  faire  aussi  les  auteurs  de  dictionnaires  analogues,  et  le 
Comité  des  Travaux  Historiques  eut  sagement  fait  d'adresser  cette  recommandation 
aux  auteurs  de  ces  dictionnaires  topographiques  publiés  sous  son  patronage. 

4    M.  Jean  tie  Cessac,  dans  la  Revue  celtique,  t.  VI,  p.  264. 

5.  Communication  de  feu  Bergaigne. 

b.  Société  de  géographie  commerciale  de  Nantes,  t.  l"  (i883),  p.  25  :  article  de 
M.  Morci  sur  la  prononciation  des  noms  de  lieu  du  département  de  la  Loirc-lntc- 
riïLirc. 


56  RKVUE    CRITIQUE 

géographique  donnant  les  noms  patois  des  localités  et  de  leurs  habitants 
(je  veux  dire  les  a  appellations  ethniques  »).  Il  n'y  a  rien  de  plus  local, 
de  plus  patois,  de  plus  attaché  au  terroir  que  les  noms  de  lieu,  et  c'est 
justement  ce  dont  les  compilateurs  de  dictionnaires  patois  ne  se  préoc- 
cupent pas  1.  Il  est  inutile  de  faire  remarquer  Tintérêtde  ces  noms,  sur- 
tout pour  la  linguistique,  car  ils  fournissent  des  documents  plus  fixes, 
plus  immuables  que  ceux  de  la  langue  ordinaire;  ce  sont,  en  quelque 
sorte,  les  bornes-milliaires  ou  les  bornes-frontières  de  la  géographie  dia- 
lectale. Nous  recommandons  ce  sujet  d'enquête  aux  sociétés  de  langue 
locale,  et  aussi  aux  sociétés  de  folk-lore  (à  celles  du  moins  qui  sont 
organisée  sur  une  base  scientifique),  car  le  folk-speech  est  une  branche 
du  folk-lore. 

La  linguistique  elle-même  ne  peut  que  gagner  à  tenir  compte  de  la 
vie  populaire  du  langage,  puisque  l'écriture  n'est  qu'un  symbole,  qu'une 
convention  sociale  d'ordre  optique.  Or.  plus  l'instruction  primaire  se 
répandra,  plus  la  langue  sera  déformée  par  la  superstition  de  la  lettre 
moulée  et  par  la  tyrannie  de  la  soi-disant  orthographe.  Peut-être  même 
les  linguistes  qui  se  rendent  compte  du  byzantinisme  et  du  caractère 
superstitieux  de  l'orthographe,  au  lieu  de  demander  à  une  féodalité  lit- 
téraire la  permission  de  desserrer  ces  liens,  feraient-ils  bien  de  prendre 
cette  permission,  et  de  proclamer  la  liberté  de  l'orthographe,  comme 
avant  1789.  La  meilleure  des  propagandes  a  toujours  été  «  la  propa- 
gande par  le  fait.  » 

H.  G. 


CHRONIQUE 


France.  —  M.  Labbé  publie  une  Syntaxe  latine  nouvelle,  abrégée  pour  Vusage  des 
classes  (Paris,  Dupont  et  Tliorin,  1890,  XVI-126  pp.  in-12).  C'est  un  exposé  assez 
clair,  quoique  dans  un  langage  parfois  prétentieux,  des  règles  essentielles.  Use  recom- 
mande par  ses  qualités  pédagogiques.  Dans  la  préface,  il  est  question  de  Madivig  : 
l'éniinent  latiniste  danois  n'aurait  peut-être  pas  été  très  flatté  de  voir  germaniser 
son  nom. 

—  Nous  recevons  de  M.  Tamizey  de  Larroque  une  nouvelle  brochure,  contenant 
des  Lettres  inédites  de  quelques  membres  de  la  famille  de  Moulue.  (Auch,  Foix, 
1890.  In-8°,  5i  pages,  tiré  à  cent  exemplaires  de  la  Revue  de  Gascogne).  Nous  atti- 
rons principalement  l'attention  sur  les  trois  premières  lettres  qui  sont  signées  de 
Biaise  de  Monluc  (p.  ii-i5);  l'une  fut  écrite  aux  consuls  de  Lectoure  au  sujet  de 
certains  prisonniers,  accusés  d'avoir  voulu  surprendre  celte  ville  et  son  château;  les 
deux  autres  sont  adressées   au  cardinal   de  la  Bourdaisière  ;  toutes  trois  ajoutent 

I.  La  seule  tentative  que  je  connaisse  à  cet  égard  est  l'ouvrage  anglais  de  M.R.  C. 
Hope,  Dialectal  Place-Nomenclature  Je  ne  connais  cet  ouvrage  que  par  une  mention 
de  M.  Skeat  dans  les  Notes  and  Qjieries,  n°  du  9  aoiît  1884,  p.  109;  mais  M.  Skeat 
se  plaint  que  l'auteur  n'ait  pas  toujours  indiqué  d'une  façon  précise  la  valeur  qu'il 
attribue  aux  lettres  employées  par  lui. 


d'histoire  f.t  ûi:  littérature  5y 

quelque  chose  à  la  biographie  de  Monluc  ei  a  ■  hi^ojuc  civile  et  ecclésiasiique  de  la 
Gascogne.  Signalons  encore  des  lettres  de  Charles  de  Monluc,  petit-fils  du  maréchal, 
à  Henri  III  et  à  Henri  IV,  et,  en  appendice,  une  charte  de  Gaston  de  Gontaut,  sei- 
gneur de  Biron,  ainsi  qu'une  lettre  intéressante  de  M.  Gardère  sur  le  lieu  où  mou- 
rut Biaise  de  Monluc;  —  car,  chose  curieuse,  ce  que  l'on  connaît  le  moins  de  la 
vie  de  l'auteur  des  Commentaires,  ce  sont  ses  deux  extrémités,  le  lieu  et  la  date  de 
sa  naissance  comme  de  sa  mort.  Faut-il  dire  que  l'annotation  de  M.  Tamizey  de 
Larroque  est,  non  seulement  fort  copieuse,  mais  fort  instructive.'  Tous  nos  lecteurs 
le  savent  d'avance. 

—  Une  nouvelle  édition  de  la  Petite  ville  allemande  deKotzebue,  avec  notices  bio- 
graphique et  littéraire,  et  accompagnée  de  notes  en  français,  par  E.  Lombard,  doc- 
teur en  philosophie  de  l'Université  de  Leipzig  et  professeur  agrégé  d'allemand  au  ly- 
cée de  Limoges,  paraît  à  la  librairie  Belin  (1889.  In-8%  VIII  et   199  p.).  Les  notices 
sont  un  peu    courtes.  Les  notes  sont  très  nombreuses,  trop  nombreuses   même,  et, 
quelquefois  superflues.  Beaucoup  de  ces   remarques   ne  devraient    être  faites  qu'en 
classe    A  quoi  bon  ces  questions  et  interrogations  :  «  à  quel  cas  est  tel  mot. ..  tra- 
duisez ceci...  pourquoi  l'accusatif...  »,  etc.  r  Pourquoi,  àproposde  Wurst  {p.  198), 
citer  Wiiste,  Wûr^e  et  Wust?  Pourquoi,  à  propos  àtZaun  (id.),  citer  Zaum,  puis 
Ein^œnnutig  et  demander  ce  que  marque  le  substantif  en  ungr  Voilà  qui  est  «  vom 
Zaun  gebrochen  ».   Il  valait  mieux  donner  le    sens  exact  de  gestveng  (p.    28\  qui 
signifie  «  puissant  »  et  non  comme   dit  M.  L.,  «  sévère  ».  Il    valait  mieux    dire  que 
dramaiisiren  est  une  expression  de  Gœthe  et  de  ses  amis  (p.  17)  et   que  ein  gan^^es 
Kerlchen  (id.)  ou  ein  ganser  Kerl  est  encore  une  expression  de  l'époque  des  Kraft- 
genies  (cp.   p.  161).  P.    16,  lorsque  M.  Siaar  se  plaint  que  les  romanciers  allemands 
soient  assez  peu  patriotes  pour  n'immortaliser  que  des  Italiens,  pourquoi   dire  va- 
guement que  «  l'épicier  donne  en  passant  un  coup  de  patte  à  quelques  poètes  (?)  qui 
allaient  de  préférence  chercher  leurs  modèles  au-delà  des  Alpes  r  »I1  fallait  citer  le 
Rinaldo  Rinahiini  de  Vulpius  et  les  romans  de  Brûckner  (D/e  Hœlile  von  Stro^^i, 
Dianora,  Angelika),  de  Bornschein  (Antonia  délia  Rocciui,  Coronato  der  Schrcckli- 
che),  de  Zschokke  {Abœllino,  der  grosse  Bandit).  De  même,  lorsque  M.  Staar  cite 
Schinderhannes  {id.),  il  fallait  rappeler  qu'Ai  nold  avait  composé  en  1802  un  roman 
historique  de  Schinderhannes.  Si  M.  Staar  raconte  qu'il  «dramatise  »  la  vie  de  Lo- 
renz  Schmeckebein,  et  que  Sperling  compose  les  romances,  n'est-ce  pas  encore  une 
allusion  à  Vulpius  qui  sema  dans  son  Riualdini  des  lieds  et  des  romances  (par  exem- 
ple In  des  Waldes  finsteni  Griinden)  et  à  Zschokke  qui   mit  Abœllino  en    drame 
après  l'avoir  publié  comme  roman  dialogué?  Id.  Senten^^en  sprudelt  er  von  sich,  au 
lieu  de  traduire  «  les  sentences  jaillissent  de  son  cerveau»,  M.  L. devait  montrer  que 
sprudeln  est  ici  actif,  «  faire  jaillir  »  et  traduire  par  «  il  se  répand  en  un  flot  de  sen- 
tences ».  M.  L.  rend  ce  qui  suit  «  Fragmente  wûrgt  er  heraus  »,  par  «  il  sait  en  ex- 
tirper   des    fragments»;    il  traduit    mal  heraustvûrgen   qui  ne    signifie    point  ici 
«  faire  sortir  en  tordant  le  cou   »,  mais  (cp.   hinuntcnviirgen},  faire  sortir  avec    un 
violent  efiort;  traduisez  :  il  crache  des  fragments.  P.  40,  pourquoi  dire  simplement 
sintemal  =  da,  weil,  et  ne  pas  expliquer  sint  dem  mal  {sint  =  seit)?  P.  68,  Hans- 
wurst  n'a  pas  «  disparu  de  la  scène  allemande  vers  ijSy  ».  P.  91,  Spinnstube,  rap- 
procher de  ce  sens  Raspelhaus.  P.  95,  Dachstilbchen,  z]Q\iitr  Mansarde  ti  Mansar- 
den^immer.   P.   loq,  Rinaldo  Rinaldini    a  paru   en   1798,  et  non  en    1799.   P.    124, 
welchergestalt  =  dass;  tiaduire  «comme  quoi...  »  P.  i3o,  die  Honoratioren,  la  note 
est  déjà  plus  haut  (p.  49).  P.    177,  note  2,  remplacer  ind.  prés.,    par   imp.  [siehe). 
P.   17g,  ajouter  à  la  note  sur  Trenck  (et  non  Trenk),  le  titre    exact  de  son  autobio- 


58  RKVUK    CRITIQUH 

graphie.  P.  i8i  (Hiobspost),  insister  sur  Post  au  sens  de  «  nouvelle  »  et  citer  d'au- 
tres composés,  Freiidcnpost,  Kriei^espost,  Schaiierpost,  Schreckenspost,  Siegespost, 
Unglùckspost.  P.  192,  mieux  valait  expliquer  Spuk  que  treiben  et  en  général,  M.  L. 
néglige  trop  ces  mots  que  l'élève  rencontre  peu  souvent  (comme  Sporteln  et  abge- 
feimt,  p.  177,  Scinmck,  p.  i-^g,  Klemme,  p.  197».  P.  198,  lorsque  Sperling  dit  «  eiiie 
Elu  enpforte  mil  ich  dir  schveiben  «,  M.  L.  met  en  note  «  je  vais  te  dresser  un  arc 
de  triomphe  »,  il  ignore  que  Kotzebue  fait  allusion  à  la  satire  de  A.-W.  Schlegel  con- 
tre lui,  Elirenpforte  und  Triumphbogen  fïir  den  Theater-Prcesidenlen  von  Kotze- 
bue. Toutes  ces  remarques  n'empêchent  pas  l'édition  de  M.  Lombard  d'atteindre  le 
but  que  s'est  fixé  l'annotateur  :  «  être  utile  à  des  enfants  de  treize  à  quatorze  ans  qui 
ont  déjà  plusieurs  années  d'allemand  ». 

—  M.  P.  RisTELHUBER  a  fait  tirer  à  part  de  la  Tradition  (tome  III,  iSSo),  une 
deuxième  série  de  Contes  alsaciens,  qui  renferment  des  légendes  chrétiennes  et  met- 
tent en  scène  Jésus  et  l'apôtre  Pierre  :  «  .lésus  garde  son  caractère  de  sublimité, 
tandis  que  Pierre  est  dépouillé  de  toute  grandeur  et  laisse  voir  des  traits  de  faiblesse». 
C'est  ainsi  que  le  conte  X  qui  a  pour  théâtre  les  environs  de  Bouxwiller,  fait  de  l'a- 
pôtre un  mauvais  plaisant  et  un  souffre-douleur. 

—  La  librairie  Alcan  fera  prochainement  paraître  :  La  philosopliie  de  Lamennais, 
par  M.  Paul  Janet;  La  psychologie  des  idées  fortes,  par  M.  A.  Fouillée;  Les  lois 
de  Vimitation,  par  M.  Tarde;  La  révolution  de  la  chimie  (Lavoisier),  par  M.  Berthe- 
lot;  Les  problèmes  religieux  au  xix^  siècle,  par  M.  Alaux;  les  vol.  VIII  et  IX  du 
grand  recueil  des  Instructions  des  ambassadeurs  et  ministres  de  France  (Russie,  avec 
introduction  et  notes,  par  M.  Rambaud)  ;  la  Correspondance  des  deys'd'Alger  avec 
la  cour  deFra)ice  i5y  g-iS3j,  recueUWe  dans  les  dépôts  des  archives  étrangères,  de 
la  marine,  des  colonies  et  de  la  chambre  de  commerce  de  Marseille,  avec  introduc- 
tion, éclaircissements  et  notes,  p.  p.  E.  Plantet. 

—  MM.  Bernard  Prost  et  Eugène  Welvert  font  paraître  à  la  librairie  Bourloton 
(20,  boulevard  Montmartre),  un  nouveau  recueil,  Les  Archives  historiques  artistiques 
et  littéraires,  qui  paraît  depuis  le  i^'  novembre  1889. 

—  La  Revue  historique  des  Ardennes  de  Senemaud  n'avait  duré  que  trois  ans. 
M.  Jules  Poirier  reprend  aujourd'hui  l'œuvre  de  Senemaud  et  fait  paraître  depuis  le 
I"  janvier  un  Bulletin  historique  des  Ardennes,  revue  d'histoire  ardenuaise ;  lui 
adresser  les  souscriptions  à  Bogny,  par  Cliâteau-Regnault  (Ardennes.) 

—  La  Critique  philosophique   a  cessé  sa  publication  avec  la  fin  de  l'année  1889. 

—  Les  Comptes-rendus  du  congrès  international  de  psychologie  physiologique  sont 
sous  presse  et  paraîtront  très  prochainement. 

—  L'académie  des  sciences  morales  et  politiques  a  procédé  le  28  décembre  dernier 
au  remplacement  de  M.  Fustel  de  Coulanges  dans  la  section  d'histoire.  M.  Albert 
SoREL,  notre  collaborateur,  a  été  élu  au  premier  tour  par  18  voix  sur  3i  suffrages 
exprimés.  M.  Rocquain  a  obtenu  7  voix,  et  M.  Rambaud,  6. 

ALLEMAGNE.  —  La  librairie  Hahn,  à  Leipzig,  met  en  vente  le  4'  fascicule  du 
Lexicon  dcr  lateinischen  Wortformen  de  K.  E.  Georges  (col.  449-576,  dt  neglecte 
à  quadrifariani).  Nous  avons  déjà  parlé  des  trois  premiers  fascicules  (1889,  t.  II, 
p.  274,  art.  528);  nous  reviendrons  sur  cette  importante  publication  quand  elle 
sera  terminée. 

—  M.  Otto  HiRscHFELD  a  fait  tirer  à  part  (26  pp.  in-S»,  non  mis  dans  le  com- 
merce) son  intéressant  mémoire,  die  ritterlichen  Provim^ialstatthalter,  lu  à  l'Aca- 
démie de  Berlin  le  16  mai  1889  {Sit:^ungsberichte,  1889,  pp.  417-442).  C'est  une 
monographie  très  complète  sur  ces  magistrats,  leurs  pouvoirs,  leurs  titres  (pracfec- 


II 


J  HISTOIRE    ET     DK     LlIiK.rtAiUKB  SQ 

hts  praeses  piocurator),  leurs  fonctions,    les  provinces  où  ils  vésidaient,  l;"s  forces 
militaires  qui  pouvaient  leur  être  confiées,  etc. 

—  Après  une  longue  interruption,  la  librairie  Calvary  se  décide  à  poursuivre  la  4^ 
édition  maior  de  V Horace  d'Orelli.  C'est  M.  Mewes  qui  est  chargé  du  2e  volume  (le 
premier  a  été  terminé  en  i88ô/.  Espérons  qu'on  n'y  trouvera  pas  des  fautes  d'impres- 
sion aussi  grossières  que  dans  la  première  partie.  Q.  Hovatius  Flaccus,  reccnsuit 
atque  interpretatus  est  I.  G.  Orellius;  ei.  IV  maior.  Votiimen  alterum  curarit 
W.  Mewes.  Fascicules  1,  pp.  1-160;  Sat.  I  i-II  i  incl.  Prix  2  mark). 

—  M.  Lœseth  a  mis  sous  presse  une  édition  critique  de  VEracle  de  Gautier  d'Ar- 
ras. 

—  Voici  de  nouveaux  tirages  à  part  de  M.  Ludwig  Geiger  :  i'^  In  eigner  Sache, 
réplique  victorieuse  à  une  réponse  de  M.  Gùdemann;  -1°  des  lettres  de  Bcndavid  à 
J.-J.  Bellermann;  0°  àts  Kleine  Beitrœge  :{ur  Geschichte  der  Juden  in  Berlin  '^ijoo- 
iSij);  on  y  trouve  des  assertions  de  Spener  sur  les  Juifs,  une  anecdote  sur  les  Juifs 
berlinois  lors  du  passage  de  l'électeur  Auguste  de  Saxe  (1728),  deux  poésies  compo- 
sées par  des  Juifs  en  1756  et  1780  et  qui  témoignent  de  leur  Loyalitœt  et  de  leur 
dévouement  au  roi  ;  la  mention  de  deux  écrits  prétendus  judisch-deiitsch  sur  la 
guerre  de  Sept  Ans;  une  étude  fort  intéressante  sur  Maubert,  auteur  de  brochures 
sur  Éphraîm  et  sur  quelques  écrits  relatifs  à  la  querelle  de  Mendelssohn  et  de  Lava- 
ter;  une  notice,  accompagnée  d'extraits,  sur  une  satire  de  Herz  (1771),  Freimiithiges 
Gesprœcli  r^woer  jûHscber  Zuschauerinnen,  qu'il  faudra  consulter  pour  l'histoire  du 
théâtre  berlinois;  une  autre  note  sur  le  chrétien  Gossler  qui  défendit  les  Juifs  dans 
son  Versuch  iiber  das  Volk  (jjSÔj;  un  passage  des  Charîatauerien  de  Cranz;  la 
liste  des  écrits  qui  parurent  à  propos  du  Sendsckreiben  de  Friedlaender,  etc. 

—  M.  PiETSCH  prépare  une  édition  de  la  Bible  traduite  par  Luiher. 

—  L'éditeur  Léopold  Voss  (Hambourg  et  Leipzig)  publie  une  Geschichte  der  Ato- 
mistik  vom  Mittelalter  bis  Newton.  L'auteur,  M.  Kurd  Lasswitz,  a  déjà  donné  le  pre- 
mier volume,  Die  Erneuerung  der  Korpuskulartlieorie (20  mark};  le  second  volume  : 
Hœhepunkt  und  Ver/ail  der  Korpuskulartlieorie  des  X  VII  Jahrhunderts,  est  sous 
presse. 


ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  10  janvier  18 go. 

M.  Dieulafoy  écrit  pour  poser  sa  candidature  à  la  place  de  membre  libre  laissée 
vacante  par  la  mort  du  général  Faidherbe. 

L'Académie  piocède  à  l'élection  des  commissions  chargées  de  juger  divers  con- 
cours. Sont  élus  : 

Prix  Duchalais  (numismatique  du  moyen  âge),  MM.  Deloche,  Schlumberger,  Hé- 
ron de  Villcfosse,  de  Barthélémy; 

Prix  Burdin  (géographie  de  l'Egypte),  MM.  Renan,  Jules  Girard,  Barbier  de  Mey- 
nard,  Maspero; 

Prix  Bordin  (étude  sur  Strabon),  MM.  Jules  Girard,  Weil,  d'Arbois  de  Jubainville, 
Croiset; 

Prix  Louis  Fould  (histoire  des  arts  dans  l'antiquité),  MM.  Ravaisson,  Heuzey, 
Maspero,  Héron  de  Villefosse; 

Prix  La  Fons-Mélicocq  (histoire  et  antiquités  de  la  Picardie  et  de  Tlle-de-France), 
MM.  Hauréau,  d'Arbois  de  Juoainville,  Longnon,  de  Barthélémy; 

Prix  Stanislas  Julien  (ouvrages  sur  la  Chine),  MM.  d'Hervey  baint-Denys,  Barbier 
de  Meynard,  Senart,  ^L^spero.• 

Prix  Delaiande-Guérineau  (études  orientales),  MM.  Renan,  Barbier  de  Meynard, 
Senart,  Maspero; 

Prix  La  Grange  (anciens  poètes  de  la  France^,  M.'vl.  Gaston  Paris,  Siméun  Luce, 
Paul  Meyer,  Léon  Gautier; 


6o  RKVUE    CRITIQUK    d'hiSTOIRR    ET    DE    LITTÉUATURE 

Prix  Jean  Rcyiiaud,  MM.  Renan,  Dclisle,  Geoiges  Penot.  Boissier. 

M.  le  marquis  de  Nadaillac  lit  une  noie  sur  la  station  préhistorique  de  Lengyel 
(Hongrie),  située  sur  la  rive  droite  du  Danube,  sur  un  plateau  escarpé,  entouré  a'un 
double  fossé.  On  a  trouvé  plusieurs  groupes  d'habitations  et  deux  cimetières.  Les 
habitations  sont  des  souterrains  creusés  dans  la  terre.  Les  cimetières  ne  présentent 
aucune  trace  de  crémation.  Le  mobilier  funéraire  est  très  riche;  le  nombre  des  ob- 
jets recueillis  s'élève  au  chiffre  de  i2,o56.  Sur  ce  nombre,  les  poteries  figurent  pour 
près  de  quatre  mille,  les  armes  et  outils  en  pierre,  en  obsidienne,  en  os  ou  en 
corne,  pour  plus  de  six  mille,  les  bronzes  pour  241.  La  présence  des  bronzes  per- 
met d'assigner  pour  date  à  l'ensemble  des  constructions  et  des  objets  trouvés  la  der- 
nière période  des  temps  néolithiques.  M.  de  Nadaillac  compare  les  objets  découverts 
avec  ceux  qui  ont  été  recueillis  dans  les  stations  préhistoriques  de  divers  pays  et 
conclut  que  la  station  de  Lengyel  appartient  à  une  civilisation  qui  se  rattache  à  celle 
de  la  Grèce. 

M.  G.  Marmier,  commandant  du  génie,  termine  sa  communication  sur  la  géogra- 
phie ancienne  de  la  Syrie.  Ce  travail  porte  sur  trois  points  principaux  : 

1°  La  situation  du  pays  d'Aram-Naharaïm  de  la  Genèse,  où  résida  Abraham  : 
M.  Marmier  repousse  l'opinion  qui  identifie  ce  pays  à  la  Mésopotamie;  il  en  cherche 
l'emplacement  au  nord  du  pays  de  Kenaan  ; 

1"  Celle  de  la  ville  de  Qédesch,  célèbre  dans  les  annales  égyptiennes  de  la  18*  et 
de  la  I g"  dynastie  :  c'est,  dit  M.  Marmier,  la  Kadytis  d'Hérodote;  elle  était  située 
au  pied  du  Carmel  et  non  loin  de  la  ville  d'Arados,  mentionnée  dans  le  Périple  de 
Scylax; 

3°  Celle  du  pays  de  Neharina  :  M.  Marmier.  d'après  les  textes  égyptiens,  le  recon- 
naît comme  identique  à  celui  a'Aram-Naharaïm, 

M.  Marmier  ajoute  que  ces  déductions  géographiques  peuvent  jeter  quelque  lu- 
mière sur  l'histoire  des  Khétas,  en  écartant  la  légende  d'une  prétendue  invasion  de 
ce  peuple  dans  la  S)"rie  moyenne,  entre  le  règne  de  Thouimès  IV  et  celui  de  Ram- 
sès  IL 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Paul  Meyer  :  Murray  (J.  A.  H),  a  New  En^lish 
Dictionary  on  liislorical  principles,  part  V  (c.vst-clivy);  —  par  M.  Delisle  :  Prou 
(Maurice),  Manuel  de  paléographie  laiine  et  française  du  vi«  au  xvii«  siècle. 

Julien  Havet. 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  ic^  décembre  i88g. 

M.  Guiftrey  signale,  dans  l'inventaire  des  joyaux  du  duc  de  Berry,  dont  il  prépare 
la  publication,  quatre  médaillons  en  or,  de  facture  italienne,  représentant  des  empe- 
reurs romains,  et  dont  le  prince  tit  l'acquisition  en  1402  de  marchands  originaires 
d'Italie.  11  présente  les  moulages  de  deux  de  ces  médailles,  qui  appartiennent  actuel- 
lement au  cabinet  des  médailles. 

M.  Courajod  tait  observer  combien  la  date  d'exécution  de  ces  médailles  est  im- 
portante à  fixer  pour  établir  qu'à  l'époque  de  leur  exécution,  l'art  italien  n'était  pas 
encore  converti  à  la  doctrine  de  l'art  antique. 

M.  Omont  communique  le  texte  d'un  fragment  de  tablettes  de  cire  appartenant  au 
musée  Britannique  et  contenant  un  compte  de  distributions  de  l'abbaye  de  Cîteaux, 
de  la  tin  du  xiii'  siècle  ou  du  commencement  du  xiv«.  11  signale  en  même  temps, 
comme  étant  d'une  authenticité  très  suspecte,  d'autres  tablettes  appartenant  au  même 
établissement,  n°  .^3270,  portant  des  inscriptions  en  caractères  grecs. 

M.  de  Lasteyrie  propose  une  interprétation  nouvelle  du  bas-relief  de  Toulouse  où 
M.  Courajod  a  cru  voir  deux  signes  du  zodiaque  imités  de  l'antique  et  qui  doivent 
n'être  que  la  représentation  hgurée  d'une  légende  dont  il  est  fait  mention  dans  une 
histoire  de  l'église  Saint-Sernm  publiée  au  xyu*^  siècle. 

M.  l'abbé  Duchesne  entretient  la  compagnie  de  plusieurs  inscriptions  chrétiennes 
nouvellement  reçues  d'Afrique. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  ajoute  quelques  remarques  nouvelles  sur  la  communi- 
cation qu'il  avait  faite  à  une  précédente  séance  à  propos  des  rivières  du  nom  de 
Khodamus  existant  en  Gaule. 

M.  Guitlrey  signale  la  présence,  dans  l'église  de  Notre-Dame  de  Paris,  d'un  tableau 
représentant  la  légende  bien  connue  d'un  père  de  plusieurs  enfants,  dont  un  seul 
légitime  ;  pour  attribuer  son  héritage,  on  imagine  de  faire  pendre  le  père  et  d'obliger 
ses  fils  à  tirer  sur  son  corps;  un  des  fils  refuse  et  il  est  reconnu  comme  légitime. 
Le  tableau  de  Notre-Dame  représente  quatorze  enfants  au  lieu  de  trois,  puis  quatre, 
qui  figurent  sur  les  anciens  monuments. 

Le  Propriétaire-Gérant:  ERNEST  LEROUX. 
Lt  fuy,  imprimerie  Marckessou  fils,  boulevard  Saint- Laurenl,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N"  4  —  27  janvier  —  1890 


Sommatre  î  35.  L'Invention  de  la  Sainte  Croix,  p.  p.  Nestlé.  —  36.  Reisch,  Les 
offrandes  votives  grecques.  —  37.  Ovide,  Extraits,  p.  p.  Sedlmayer.  —  38.  Les 
Psaumes,  texte  grec  p.  p.  Swete.  —  3g.  Chrétien  de  Troyes,  Le  chevalier  au 
lion,  p.  p.  Fœrster.  — 40-42.  Hémon,  Chanson  de  Roland,  Joinvilie,  Montaigne. 

—  43.  GioDA,  Morone.  —  45-4Ô.  Klette,  Les  deux  Jean  de  Ravenne  ;  Les  trois 
poètes  florentins,  de  Bruni,  —  47.  Fierville,  Voyage  d'un  janséniste  en  Hollande. 

—  48.  Stahn,  L'évacuation  de  la  Belgique.  —  49-52.  Antona-Traversi,  Nouvelles 
études  littéraires;  Curiosités  Foscoliennes  ;  Catalogue  des  manuscrits  inédits  de 
Leopardi  ;    L'Œdipe    de  Foscolo.  — Chronique.  — Académie  des  Inscriptions. 


35.  —  De  Sancta  Cruce,  ein  Beitrag  zur  Christlichen  Legendengeschichte  von 
Eberhard  Nestlé.  Berlin,  Reuther,  1889,  in-8,  p.  viii  et  128. 

M.  Nestlé  publie  dans  cette  brochure  les  textes  syriaques  qu'il  a 
recueillis  des  légendes  relatives  à  l'Invention  de  la  sainte  Croix.  Ces 
textes  qui  avaient  déjà  paru  en  partie  dans  les  éditions  de  la  grammaire 
syriaque  de  la  Porta  linguarum  orientaliiim,  sont  tirés  de  deux  mss. 
du  British  Muséum  et  d'un  ms.  de  notre  Bibliothèque  nationale.  Dans 
la  Doctrine  d'Addai,  publiée  par  M.  Philipps  d'après  un  ms.  de  Saint- 
Pétersbourg,  la  légende  de  Tlnvention  delà  sainte  Croix  se  trouve  insé- 
rée tout  entière;  en  outre,  le  même  ms.  de  Saint-Pétersbourg  la  ren- 
ferme une  seconde  fois  dans  une  rédaction  à  part.  En  i686,  Dudley 
Lotfus  en  avait  donné  une  traduction  d'après  un  ms.  syriaque  que  l'on 
croyait  perdu  aujourd'hui.  Mais  ce  ms.  a  été  retrouvé  par  M.  Bensly  à 
la  Bodléienne  et  M.  N.  a  pu  en  donner  les  variantes. 

Les  textes  sont  suivis  d'une  traduction  allemande  et  d'une  étude  sur 
le  degré  de  parenté  qu'ils  offrent  entre  eux.  M.  N.  a  eu  l'heureuse  idée 
de  joindre  à  sa  publication  une  bibliographie  très  substantielle  concer- 
nant ces  légendes,  qui  facilitera  de  beaucoup  les  recherches  des  person- 
nes qui  portent  de  ce  côté  là  leur  activité  scientifique. 

R.  D. 


36.  —  Grlechisohe  Welh$;esclienke,  von  E.  Reisch  {Abhandhmgen  des  ar- 
chœologisdien  cpigraphischen  Seviinars  der  UniversitœtWieu,  Heft  VIII).  Vienne, 
Tempsky,  1890.  ln-8  de  vii-i53  p.,  avec  14  gravures  dans  le  texte. 

Le  titre  de  l'ouvrage  de  M.  Reisch  ne  donne  pas  une  idée  bien  exacte 
de  son  contenu.  S'il  avait  voulu,  en  effet,  traiter  des  offrandes  votives 
grecques  dans  leur  ensemble,  ce  n'est  pas  1 5o  pages,  mais  plusieurs  volu- 
Nouvelle    série,  XXIX.  4 


62  REVUE    CBITIQUE 

mes  qu'il  aurait  dû  consacrer  à  ce  grand  sujet.  L'auteur  s'est  borné  à 
étudier,  avec  un  incontestable  talent,  quelques-unes  des  questions  qui 
se  rattachent  aux  donaria  :  une  question  générale,  celle  de  l'origine,  de 
lasigniiication  et  de  la  classitication  des  ex-voto;  trois  particulières,  celles 
des  ex-voro  agonistiques,  des  trépieds  dionysiaques  et  des  offrandes  des 
chorèges  vainqueurs  aux  concours  dramatiques. 

I.  L\isage  des  offrandes  aux  dieux  tire  son  origine  de  celui  des  offran- 
des aux  morts.  Il  n'est  pas  très  ancien  dans  la  famille  indo-européenne, 
car  les  Védas,  où  le  rituel  du  sacritice  est  si  développé,  ne  font  pas  encore 
mention  de  ces  offrandes.  Même  dans  l'Iliade,  elles  sont  encore  presque 
inconnues,  mais  on  les  voit  apparaître  dans  VOdyssée  (III,  273-,  XII, 
345;  XVI,  184).  C'est  seulement  lorsque  les  dieux  commencèrent  à  avoir 
des  sanctuaires,  des  demeures  fixes  comme  celles  des  morts,  que  l'on  put 
songer  à  leur  consacrer  des  offrandes  durables.  Le  mot  àvâ9r/[;,a  dans  le 
sens  d'offrande  ne  se  trouve  pas  avant  Sophocle  et  Hérodote.  Peu  à  peu, 
ridée  qui  avait  inspiré  l'offrande,  perdit  de  sa  netteté  et  les  types  des 
ex-voto  devinrent  conventionnels.  Le  principe  primitif  de  Futilité  des 
offrandes,  fondé  sur  une  conception  anthropomorphique  (owpx  Osoùç 
Tïciôc'.,  cwp'  aîocto'jç  ■■jy.z'.\f,y.:,  Hés.  Fragm.  247),  tomba  dans  l'oubli  : 
elles  tendirent  bientôt  à  n'être  plus  que  des  œuvres  d'art  quelconques. 
Celte  partie  du  travail  de  M.  R.  est  intéressante  à  comparer  au  début 
de  l'excellent  article  Donaria,  publié  en  même  temps  par  M.  Homolie 
dans  le  Dictionnaire  de  M.  Saalio.  Le  savant  français  a  insisté  sur  une 
idée  juste  que  je  ne  trouve  pas  indiquée  par  M.  R.  :  c'est  que  l'offrande 
est  considérée  comme  une  redevance  obligatoire,  une  sorte  de  ov/A-Ti, 
par  la  raison  que  tous  les  biens  matériels  des  hommes  sont,  en  principe, 
la  propriété  des  dieux. 

M.  R.  distingue  deux  classes  d'àvaO-/;[j.aTa  :  ceux  qui  doivent  réjouir  les 
dieux  par  leur  valeur  matérielle  ou  artistique  et  ceux  qui  doivent  sur- 
tout leur  efficace  à  l'idée  qui  les  inspire.  Les  premiers  sont  naturelle- 
ment plus  anciens,  plus  voisins  de  la  vieille  naïveté  anthropomorphique, 
puisqu'ils  ont  pour  objet  de  contenter  les  besoins  humains  des  dieux. 
Dans  les  seconds,  le  sentiment  de  la  dévotion,  de  la  dépendance  du  do- 
nateur, et  par  suite  aussi  de  la  distance  qui  le  sépare  du  dieu,  se  fait 
jour  avec  plus  de  netteté.  M.  R.  place  en  première  ligne,  dans  cette 
classe  d'ex-voto,  les  statues  de  divinités  offertes  aux  divinités  elles- 
mêmes;  cet  usage  s'expliquerait  par  la  pensée  que  le  dieu,  comme 
l'homme,  se  plaît  à  la  contemplation  de  sa  propre  image.  J'avoue  que  je 
ne  partage  pas  cette  manière  de  voir  :  les  ex-voto  de  ce  genre  sont  avant 
tout  des  idoles,  que  l'on  offre  dans  le  temple  du  dieu  pour  y  multiplier, 
en  quelque  sorte,  sa  présence.  M.  R.  rattache  à  la  même  idée  les  offran- 
des dites  de  substitution,  qui  auraient  pour  objet  principal  de  rendre 
durables  des  ex-voto  périssables  de  leur  nature,  à  peu  près  comme  les 
fleurs  en  porcelaine  que  nous  déposons  sur  nos  tombes.  Je  crois  qu'il 
faut  tenir  compte  ici,  dans  une  plus  large  mesure,  de  cet  instinct  d'éco- 


I 


d'histoire  et  de  littérature  63 

nomie  auquel  sont  dus  les  bijoux  funéraires  en  or  très  mince,  ou  même 
en  terre-cuite  superficiellement  dorée.  Dès  les  temps  les  plus  anciens, 
comme  dans  l'histoire  du  sacrifice  d'Isaac,  on  voit  apparaître  cette  pra- 
tique de  la  substitution,  avec  la  pensée  de  rendre  moins  pesantes  les 
redevances  qu'impose  la  piété.  Une  offrande  durable,  comme  un  animal 
en  bronze  tenant  lieu  d'une  victime,  constitue  toujours  une  économie 
pour  le  donateur,  puisqu'il  ne  se  trouvera  pas  obligé  de  la  renouveler  à 
bref  délai.  D'autres  fois,  l'on  offre  à  la  divinité  l'image  d'un  épisode 
quelconque  où  son  intervention  bienveillante  s'est  fait  sentir,  à  la  fois 
pour  la  remercier  et  pour  s'assurer,  en  la  lui  rappelant,  la  continuation 
de  sa  bienveillance.  Puis,  par  une  substitution  du  symbole  à  l'image 
réaliste,  on  en  arrive  à  offrir  un  lion  pour  une  action  d'éclat,  une  palme 
pour  une  victoire;  ainsi  s'explique  la  dédicace  fréquente  des  statues  et 
des  figurines  de  Niké.  M.  R.  interprète  de  même  l'offrande,  faite  par  des 
malades  guéris,  de  modèles  des  parties  de  leur  corps  qui  ont  été  l'objet 
de  la  clémence  divine;  je  me  demande  si  l'effort  qu'il  a  fait  pour  simpli- 
fier sa  classification  ne  l'a  pas  entraîné,  ici  comme  ailleurs,  à  quelque 
subtilité.  Une  fois  l'idée  de  l'ex-voto  lancée,  elle  a  revêtu  naturellement 
les  aspects  les  plus  divers.  M.  R.  reconnaît  d'ailleurs  que  l'on  ferait  fausse 
route  en  essayant  de  classer  les  offrandes  d'après  la  pensée,  souvent  com- 
plexe et  obscure,  qui  les  a  inspirées;  il  vaut  mieux  se  fonder  sur  l'étude 
des  types  et  distinguer  trois  groupes  d'ex-voto:  i"  ceux  où  la  divinité  est 
figurée  seule  ou  en  relations  avec  l'homme;  2°  ceux  qui  sont  empruntés 
au  cercle  de  la  vie  humaine;  3°  ceux  qui  ont  pour  matière  des  objets  que 
les  dieux  et  les  hommes  possèdent  ou  dont  ils  sont  censés  avoir  besoin. 
Cette  classification  est  purement  extérieure  et  la  troisième  série  n'est  pas 
définie  bien  clairement;  on  pourrait  facilement  en  proposer  d'autres, 
mais  celle-ci  est  assez  compréhensive  pour  qu'il  soit  utile  d'en  tenir 
compte. 

II.  Les  offrandes  agonistiques  ont  pour  modèles  celles  que  l'on  fait 
aux  dieux  après  une  victoire.  La  plus  fréquente  sera  donc  l'objet  même 
auquel  la  victoire  est  due,  ou  une  représentation  de  cet  objet.  M.  R. 
étudie  à  ce  propos  les  bas-reliefs  qui  représentent  Niké  versant  une  li- 
bation dans  une  coupe  tenue  par  Apollon  ciiharède  (Welcker,  Alte 
Denkm.,  t.  II,  p.  38  sq.).  Avec  Friederichs,  il  croit  que  Niké  personni- 
fie ici  le  citharède  vainqueur,  faisant  une  libation  au  dieu  qui  présidait 
au  concours.  Ces  ex-voto  ont  été  offerts  par  les  vainqueurs  des  àvôive; 
i;.ouaao(  aux  Pythies,  théorie  déjà  ancienne  que  M.  R.  a  eu  raison  de 
défendre  contre  les  doutes  deStephani  et  d'Overbeck.  L'auteur  passe  de 
là  aux  bas-reliefs  dits  d'Icaros  (type  :  Baumeister,  Denkmœler^  t.  III, 
p.  1765,  fig.  1849),  où  il  reconnaît  non  pas  des  théoxénies  ou  des  théo- 
phanies,  ni  des  représentations  funéraires,  mais  des  scènes  agonistiques, 
des  ex-voto  d'artistes  dionysiaques  recevant  le  dieu  au  banquet  qu'ils  cé- 
lèbrent en  l'honneur  de  leur  victoire.  Le  travail  de  M.  R.  est  daté  du 
16  juin  1889;  il  n'a  donc  pas  pu  connaître  celui  de  M.  Hauser  sur  le 


64  REVUE    CRITIQUE 

même  sujet  (Die  neuattischcn  Reliefs,  Stuttgart,  1889,  p.  189-199- 
cf.  Rev.  crit.  1889,  I,  p.  5o3),  avec  lequel  il  se  rencontre  d'une  ma- 
nière frappante  non  seulement  dans  sa  conclusion,  mais  dans  un  grand 
nombre  de  détails.  Faut-il  admettre  une  source  commune,  c'est-à-dire 
quelque  enseignement  public  dont  les  deux  jeunes  archéologues  auraient 
profité? 

III.  La  troisième  partie  du  mémoire  de  M.  R.  est  le  complément  de 
sa.  dissenaùon  De  miisicis  certaminibus  Graecortim,  publiée  en  i885. 
L'auteur  étudie  la  forme  et  la  grandeur  des  trépieds  agonistiques,  d'après 
les  représentations  des  bas-reliefs  ou  des  vases  et  les  traces  de  scellement 
qu'ils  ont  laissées;- l'uniformité  des  modèles  est  remarquable  pendant 
toute  la  période  où  le  trépied  était  un  prix  donné  par  TEtat.  Les  chorèges 
se  sont  acquittés  différemment,  suivant  les  époques,  du  devoir  qui  leur 
incombait  de  dédier  le  trépied  reçu  en  prix.  D'abord,  on  le  plaça  simple- 
ment sur  une  base  dans  le  temple  de  Dionysos;  au  iv^  siècle,  on  com- 
mença à  construire  de  petites  chapelles  pour  les  recevoir  (les  monuments 
choragiques).  La  forme  même  de  la  base  a  beaucoup  varié,  depuis  le 
socle  quadrangulaire  ou  circulaire  jusqu'à  la  colonne  et  à  la  base  trian- 
gulaire ornée  de  reliefs,  comme  le  prétendu  autel  du  Latran  (Garrucci, 
pi.  xLvni)  ;  M.  R.  refuse  avec  raison  de  faire  entrer  Tautel  Borghèse  du 
Louvre  dans  la  même  série  de  supports.  Ce  chapitre  contient  encore 
une  étude  détaillée  des  monuments  et  des  statues  choragiques;  nous 
regrettons  de  ne  pouvoir  nous  y  arrêter. 

IV.  Bergk  a  le  premier  fait  observer  (Griech.  Literatiirgesch.,  t.  III, 
p.  60),  à  rencontre  de  l'opinion  courante,  qu'aucun  témoignage  formel 
ne  prouvait  que  les  chorèges,  vainqueurs  aux  concours  scéniques,  eus- 
sent reçu  en  prix  des  trépieds,  comme  les  chorèges  des  chœurs  dithy- 
rambiques 1.  Plutarque  dit  queThémistocle,  vainqueur  au  concours  des 
tragédies,  offrit  comme  ex-voto  r.ivT/.a.  Tqq  vixy]ç.  ..  èTuiYpacpvjv  e^ovia  (cf. 
Arist.  Polit.,  VIII,  6,  p.   1341  a).  Après  avoir  simplement  porté  des 
inscriptions,  ces  Tivay.sç  devinrent  des  tablettes  votives  ornées  de  reliefs 
ou  de  peintures.  Partant  de  là,  M.  R.  propose  de  classer  parmi  les  mo- 
numents de  ce  genre  un  certain  nombre  de  sculptures  dont  la  destina- 
tion est   contestée,  entre   autres  quelques  bas-reliefs  représentant  des 
offrandes  à  Dionysos.  Le  scholiaste  d'Aristophane  parle  d'un  tableau 
dont  le  sujet  se  rapportait  étroitement  aux  Héraclides  et  M.  R.  voudrait 
y  voir  une  peinture  votive  offerte  par  le  chorège  du  drame  d'Euripide. 
De  même,  les  peintures  campaniennes  dont  les  sujets  se  retrouvent  dans 
le  théâtre  grec  (sacrifice  d'Iphigénie,  Hippolyte  et  Phèdre,  Admète  et 
Alceste,  Oreste  en  Tauride),  ne  seraient  pas,  à  l'origine  du  moins,  de 
simples  tableaux  mythologiques.,  mais  des  -irivaxeç  àvaO-^[;,aTt/.o(  commé- 
moratifs  de  représentations  théâtrales.  M.  R.  va  beaucoup  trop  loin 
dans  cette  voie.  Par  exemple,  il  réclame  pour  la  série  des  ex-voto  cho- 

I.  Il  parut  cependant  difficile  d'écarter  le  texte,  malheureusement  un  peu  vague, 
de  Plutarque,  De  gloria  Athemensium,  VI,  p.  348  E. 


d'histoire  et  de  littérature  65 

ragiques  les  trois  célèbres  bas-reliefs  d'Orphée,  des  Péliades  et  de  Piri- 
thous.  Que  le  bas-relief  d'Orphée,  bien  connu  chez  nous  par  la  répli- 
que du  Louvre  (Clarac,  Musée,  II,  pi.  ii6,  n»  212)  ^  soit  l'ex-voto 
d'un  chorège  vainqueur  lors  de  la  représentation  de  quelque  tragédie 
à' Eurydice,  c'est  ce  que  je  ne  suis  pas  du  tout  disposé  à  croire;  je 
préfère  beaucoup, avec  Pervanoglu  (Arch.  Zeit.,  i86g,  p.  74),  considé- 
rer le  bas-relief  en  question  comme  funéraire.  M.  R.  ne  m'a  pas  con- 
vaincu non  plus  que  les  deux  bas-reliefs  analogues  des  Péliades  et  de 
Pirithoiis  avec  Héraklès  n'admettent  pas  la  même  explication  ;  il  est  au 
contraire  très  difficile  de  nier  qu'ils  la  comportent  tous  les  trois,  sans 
subtilité  aucune,  et  cette  circonstance  seule  suffit  à  rendre  très  incertaine 
l'hypothèse  M.  R.,  qui  l'a  d'ailleurs  fait  valoir  avec  autant  d'éru- 
dition que  d'esprit.  Mais  il  y  a  là  une  exagération  évidente  d'une  idée 
juste,  comme  lorsque  M.  R.  propose  un  peu  plus  loin  de  reconnaître  un 
[;,v^[j.a  Tpaviociâç  dans  la  statue  de  Jocaste  expirante,  œuvre  de  Silanion. 
Il  n'est  pas  facile  de  trouver  en  défaut  le  savoir  ou  l'exactitude  de 
M.  Reisch.  J'ai  noté  au  passage  quelques  vétilles  :  p.  84,  note  2,  il  attri- 
bue à  Rayet  un  article  qui  a  paru  sous  mon  nom  ;  p.  69,  note  6,  il  parle 
des  Vases  grecques  (sic)  de  L.  Bonaparte;  p.  28  et  i33,  il  renvoie 
inexactement  à  la  Notice  de  M.  Froehner  et  au  Mî^^ee  de  Clarac.  Je 
regrette  aussi  qu'en  discutant  l'interprétation  de  certains  bas-reliefs,  il 
en  ait  cité  des  publications  peu  répandues,  sans  indiquer  en  même  temps, 
pour  épargner  des  recherches  à  ses  lecteurs,  les  recueils  plus  accessibles 
(Saglio,  Baumeister,  Roscher,  etc.),  où  ces  monuments  ont  été  correcte- 
ment reproduits. 

Salomon  Reinach. 


37.  —  AusgewsBlilte  Oedichte  tle»  ï».  Ovidius  ]Vaso  fur  den  Schul- 
gebrauch  herausg.  von  H.  St.  Sedlmayer.  4"  umg.  Auflage.  Leipzig,  Freytag, 
1889,  ^24  p.  in-i2,  I  m.  20. 

Ce  recueil  d'extraits  d'Ovide,  préparé  par  l'éditeur  des  Héroïdes,  a  été 
goûté  en  Allemagne  puisque  depuis  quelque  six  ans,  voici  la  4^  édition. 
En  tête  quatre  pages  résument  la  vie  et  les  oeuvres  du  poète.  Suivent 
les  règles  essentielles  de  la  métrique  latine  (p.  xiii-xvn)  et  quelques  ver- 
sus memoriales  (xvn-xxii),  vers  isolés,  distiques,  courts  morceaux  ser- 
vant d'exemple.  Les  extraits  forment  deux  parties  :  d'abord  les  méta- 
morphoses ;  puis  les  élégies.  Il  est  assez  piquant  de  constater  qu'ici  il 
n'est  fait  aucun  emprunt  aux  Héroïdes.  Voilà  pour  un  éditeur  ce  qui 
s'appelle  savoir  se  détacher  de  sa  première  oeuvre.  A  la  fin  (p.  188-224), 
index  mythologique  et  géographique.  Bornons-nous  à  ajouter  que  le 
choix  est  judicieux  et  le  texte  très  soigné,  et  souhaitons  que  nous  ayons 


I.  M.  R.  semble  ignorer  que  le  même  bas-relief  a  été  publié  d'une  manière  très 
satisfaisante  dans  le  recueil  de  Bouillon. 


66  REVUE    CRITIQUE 

bientôt  en  France  un  petit  livre  qui  permette  à  nos  élèves  de  se  faire  de 
même  et  aussi  bien  quelque  idée  de  l'œuvre  d'Ovide. 

E.  T. 


38.  —  Xlie  l»salins  in  OrceU  according  to  ihe  Septuagint,  by  H.  Barclay  Swete. 
Cambridge,  at  the  University   press,  1889.  In-12,  xiv,  2i3-4i5  et  8  pages. 

Les  savants  anglais  qui  ont  entrepris  une  édition  critique  de  la  ver- 
sion des  Septante  (Greek  Old  Testament  according  to  the  Septuagint), 
ont  pensé  bien  faire  de  publier  à  part  les  Psaumes,  qui  doivent  figurer 
dans  leur  second  volume.  «  Les  syndics  de  la  Cambridge  University 
Press  ont  eu  la  pensée  qu'il  pouvait  être  utile  de  publier  à  part  les 
Psaumes  pour  les  besoins  de  ceux  qui  désirent  avoir  sous  une  forme 
maniable  le  texte  grec  du  livre  de  l'Ancien -Testament  qu'on  lit  le 
plus.  »  L'idée  était  excellente  et  bien  des  personnes  en  profiteront. 

Il  est  inutile  de  rappeler  l'intérêt  qui  s'attache  à  l'établissement  d'un 
texte  critique  de  la  Septante.  C'est  là  un  desideratum  du  monde  savant, 
auquel  les  éditeurs  anglais  répondent  en  se  conformant  aux  exigences 
de  la  publication  d'un  texte  ancien.  Au  début  du  présent  volume,  on 
s'est  borné  dans  une  introduction  courte,  mais  précise,  à  rappeler  les 
principes  qui  ont  présidé  à  Toeuvre  et  les  éléments  à  l'aide  desquels  a 
été  constitué  VApparatiis  criticiis. 

Le  texte  pris  pour  base  est  celui  du  Codex  Vaticanus;  dans  les  parties 
où  celui-ci  fait  défaut,  les  lacunes  sont  suppléées  par  l'emploi  du 
Sina'iticus.  Les  variantes  placées  en  bas  du  texte  sont  empruntées,  en 
dehors  du  Sina'iticus^  à  l'Alexandrinus,  aux  Psautiers  de  Vérone  et  de 
Zurich,  enfin  aux  fragments  sur  papyrus  de  Londres.  Quelques  lectures 
de  moindre  portée  ont  été  rejetées  en  appendice.  Les  différentes  mains 
ou  corrections  qui  apparaissent  dans  les  manuscrits  ont  été  sioigneuse- 
ment  notées.  Le  tout  est  fait  avec  la  conscience  et  le  soin  que  les  éditeurs 
anglais  savent  apporter  à  de  pareilles  publications,  sans  tomber  dans 
l'inconvénient  des  éditions  de  luxe  qui  ne  sont  abordables  qu'aux 
grosses  bourses.  L'impression  est  excellente,  le  type  grec  est  infiniment 
flatteur  pour  l'œil.  C'est  là,  à  tous  égards,  un  modèle  d'édition  critique 
et  nous  croyons  que  les  théologiens  et  hellénisants  de  toute  nation  seront 
heureux  d'exprimer  leur  reconnaissance  aux  syndics  de  la  Cambridge 
University  Press  ainsi  qu'à  leurs  distingués  collaborateurs. 

M.  Vernes. 


39.  —    Cliristlan    von    Troyes    saiHitlicho    ei-litiltene    Vl'erke.    II.     Der 

Lœwenrittev  (^Yvain),  herausgegeben  von  Weiidelin  F-cerster.   Halle,  Niemeyer, 
1887,  in-8,  xLiv-327  pages. 

Dans  l'introduction  de  son  édition  de  C//^e5,  parue  en  1884,  M.  Fœrs- 
ter  avançait  qu'à  une  analyse  attentive  le  Chevalier  au  Lion  n'offrirait 


d'histoire  et  dk  littérature  67 

qu'une  variante,  assurément  fort  originale,  du  thème  fameux  de  la  Ma- 
trone d'Éphèse.  A  ce  point  de  vue,  le  noyau  du  récit  serait  formé  par 
les  trois  ou  quatre  cents  vers  où  Landine,  pressée  par  les  arguments  de 
Lunète,  se  décide  à  épouser  le  meurtrier  de  son  mari  bien-aimé.  La 
fontaine  enchantée  de  la  forêt  de  Brocéliande,  Arthur  et  sa  cour,  les 
aventures  du  chevalier  Ivain  —  presque  toute  là  narration  en  un  mot, 
—  ne  fourniraient  que  des  accessoires,  habilement  disposés  pour  char- 
mer un  public  engoué  des  héros  de  la  Table-Ronde.  Il  est  certain  que 
la  plupart  des  épisodes  ne  convergent  nullement  autour  du  prétendu 
centre  du  poème.  Comme  celui-ci  compte  près  de  sept  mille  vers,  on 
s'attendrait  à  ce  que  M.  F.  le  jugeât  un  des  ouvrages  les  plus  mal  com- 
posés qu'il  y  ait  dans  aucune  littérature.  Nous  sommes  donc  un  peu 
surpris  de  lire,  en  tête  de  la  présente  édition  du  Chevalier  au  Lion,  que 
ce  roman  représente  Fart  d'un  Chrétien  de  Troyes  parvenu  à  son  plus 
haut  point  de  perfection.  Ce  n'est  pas  qu'en  étudiant  ce  texte  de  plus 
près,  pour  en  donner  une  édition  critique.  M,  F.  ait  le  moins  du  monde 
changé  d'avis.  Au  contraire,  il  précise,  il  développe  ses  affirmations  de 
jadis.  Le  Chevalier  au  Lion  est  une  véritable  création  de  Chrétien;  les 
éléments  celtiques  y  sont  insignihants.  Bien  plus,  le  cycle  breton  tout 
entier  a  jailli  de  l'imagination  française,  comme  Minerve  s'élança  tout 
armée  du  cerveau  de  Jupiter.  M.  G.  Paris,  «  le  savant  qui  connaît  le 
mieux  et  qui  est  peut-être  le  seul  à  connaître  »  l'immense  littérature  ar- 
thurienne,  s'est  trompé  en  pensant  que  les  poètes  français  du  xn°  siècle 
ont  emprunté  aux  Celtes  autre  chose  que  des  noms  et  quelques  traits 
épars,  quelques  détails  sans  importance. 

Et  cependant,  pour  quiconque  étudie  sans  préjugé  le  Chevalier  au 
Lion,  il  est  clair  que  la  donnée  principale  reproduit  une  de  ces  histoires, 
si  fréquentes  dans  la  tradition  populaire,  d'un  mortel  aimé  par  une  fée, 
banni  loin  d'elle  à  la  suite  de  quelque  faute  et  réconcilié  après  diverses 
épreuves  1.  C'est  un  thème  analogue  à  ceux  de  maints  lais  bretons,  dont 
personne,  que  je  sache,  n'a  contesté  la  provenance  celtique.  A  des  yeux 
non  prévenus  ^,  les  circonstances  singulières  du  mariage  d'Ivain  avec  la 
Dame  de  la  fontaine  n'ont  que  le  plus  vague  et  le  plus  lointain  rapport 
avec  l'anecdote  de  la  Matrone  d'Ephèse.  N'était  le  ton  légèrement  sati- 
rique du  malicieux  poète,  elles  me  rappelleraient  bien  plutôt  les  pathé- 
tiques amours  du  Cid  et  de  Chimène  :  chez  l'une  et  l'autre  héroïne, 
l'affectueuse  piélé  envers  un  mort  chéri  n'est-elle  pas  sacrifiée  au  devoir 
féodal  et  à  la  passion  ?  L'on  voudrait  connaître,  au  moins  pour  cet  épi- 
sode, la  source  de  Chrétien.  11  semble  avoir  recueilli  le  récit  oral  de 
quelque  conteur  en  prose;  peut-être  y  a-t-il  ajouté  de  son  propre  fonds 
plusieurs  des  aventures  assez  banales  qui  diversifient  la  trame  du  roman. 
M.  G.  Paris  dérivait  le  Chevalier  au  Lion  d'un  poème  anglo-normand, 

1.  Romania,  XVII,  p.  334  (G.  P.). 

2.  A  ceux  de  M.  Mussafia,  par  exemple.  Voir  son  compte-rendu  dans  le  Litera- 
turbîattfùr  german,  imd  roman.  Philologie,  1889,  n"  6. 


68  REVUE   CRITIQUE 

dont  nous  posséderions  la  traduction  écourtée  dans  un  des  Mabinogion 
gallois.  Mais  il  ressort  des  indications  malheureusement  trop  sommai- 
res de  M.  F.  que  le  Mabinogi  '  de  la  Dame  de  la  Fontaine  est  imité  de 
Chrétien,  de  même  que  celui  de  Geraint  ab  Erbyn  n'est  autre  chose 
qu\me  version  galloise  à''Erec, 

On  est  donc  amené  à  faire  quelques  restrictions  à  l'hypothèse  sui- 
vant laquelle  la  matière  de  Bretagne  aurait  été  transmise  aux  poètes 
continentaux  par  Tintermédiaire  de  poèmes  anglo-normands  aujour- 
d'hui perdus.  Mais  c'est  une  exagération  manifeste,  si  M.  F.  prétend 
qu'il  n'y  a  pas  trace  de  poèmes  anglo-normands  sur  Arthur  et  la  Table- 
Ronde.  Sans  parler  du  Tristran  de  Béroul,  dont  la  seconde  partie  met 
en  scène  le  roi,  Gauvain,  Girflet,  notre  Ivain,  n'est-il  pas  vraisemblable 
que  ce  manuscrit  prêté  par  Hugues  de  Morville  à  Ulrich  de  Zazikhofen 
contenait  un  poème  composé  en  Angleterre  sur  les  aventures  de  Lance- 
lot?  Le  Livre  du  Graal,  que  Philippe  de  Flandres  «  baille  »  à  Chré- 
tien de  Troyes,  ne  peut  guère  avoir  été  écrit  en  France  :  il  avait  pro- 
bablement été  apporté  d'Outre-Manche.  La  seule  mention  du  Lai  du 
Cor  détruit  l'assertion  qu'Arthur  et  ses  chevaliers  seraient  étrangers  aux 
plus  anciens  lais.  M.  Rajna  a  communiqué  Tan  dernier  ~  des  extraits  de 
chartes  italiennes,  paraissant  attester  que,  dès  la  fin  du  xi°  siècle,  le  nom 
d'Arthur  était  familier  à  des  Français  et  avait  même  franchi  les  Alpes. 
Si  nous  en  avions  cru  auparavant  l'éditeur  du  Chevalier  au  Lion^  la 
réputation  d'Arthur  ne  daterait  que  de  Gaufrei  de  Monmouth.  Encore 
aujourd'hui  ^  le  savant  professeur  de  Bonn  se  refuse  à  croire  que  nos 
poètes  aient  connu  des  légendes  celtiques  autrement  que  par  YHistoria 
regum  Britanniae.  A  Tentendre,  sur  le  mince  canevas  de  ce  latin,  la 
riche  fantaisie  de  nostrouveurs^  alimentée  aux  sources  les  plus  diverses, 
aurait  ingénieusement  brodé  mille  aventures  brillantes,  créant  de  toutes 
pièces  un  nouveau  genre  de  roman,  avec  des  mœurs  françaises  dans  un 
décor  breton.  M.  F.  définit  en  d'excellents  termes  les  romans  de  la  Ta- 
ble-Ronde :  «  De  l'esprit  français  sous  un  costume  étranger,  tout  comme 
la  tragéalie  classique  du  xvii*  siècle.  » 

Se  pourrait-il  concevoir  que  Corneille,  Racine,  Crébillon,  Voltaire 
eussent  composé  leurs  tragédies  antiques,  s'il  n'y  avait  jamais  eu  de  lit- 
térature grecque  ni  de  littérature  latine?  On  n'imagine  guère  mieux  un 
Béroul,  un  Thomas,  un  Chrétien  de  Troyes  rimant  les  aventures  de 
Tristan,  d'Erec,  de  Lancelot,  du  Chevalier  au  Lion,  de  Gauvain,  de 
Perceval  —  tous  plus  ou  moins  inconnus  à  Gaufrei  de  Monmouth,  —  si 
des  récits  antérieurs  n'avaient  glorifié  ces  héros  et  leurs  pareils  au  sein 
des  populations  celtiques  de  l'ouest  de  l'Angleterre.  Non  seulement  les 
noms  propres  du  cycle  de  la  Table- Ronde  sont  bretons,  non  seulement 

1.  C'est  à  tort  que  M.  F.  emploie  au  singulier  la  forme  plurielle  mabinogion. 

2.  Rom.,  XVII,  pp.   i6i  ss.,  355  ss. 

3.  Christian  von  Troyes  Ciigés.  Textausgabe  mit  Einleitung  und  Glossar,  hrsg. 
von  W.  Foerster.  Halle,  1889.  Introduction. 


d'histoire    et    DR    LITTÉRATURE  69 

les  localités  mentionnées  dans  les  plus  anciens  poèmes  français  appar- 
tiennent à  la  Cornouaille,  au  pays  de  Galles,  au  Cumberland  ;  mais  en- 
core certaines  aventures  répètent  des  traits  de  Tépopée  irlandaise  et  des 
contes  écossais.  Le  don,  particulièrement  le  don  sollicité  et  obtenu  dans 
l'espoir  de  posséder  une  femme,  se  retrouve  en  Irlande  ^  Guchulinn, 
Oisin  sont  aimés  et  désirés  de  toutes  les  iilles,  aussi  bien  que  Lancelot 
et  Gauvain  ~.  Dans  les  guerres  barbares  d'Ulster  et  de  Connaught, 
comme  dans  les  expéditions  chevaleresques  des  héros  bretons,  d'innom- 
brables combats  sont  livrés  au  gué  des  rivières.   D'autres  lieux  com- 
muns de  la  tradition  celtique  ont  été  signalés  dernièrement  dans  V His- 
toire littéraire  de  la  France,  dans  la  Roniania,  dans  les  Etudes  sur  la 
légende  du  S.  Graal  de  M.  Alfred  Nutt  3.  Sans  aucun  doute,  ces  indica- 
tions seront  multipliées,  à  mesure  que  l'on  connaîtra  mieux  la  littéra- 
ture irlandaise. 

M.  F.  s'est  constitué  le  champion  des  poètes  du  xii'=  siècle;  il  revendi- 
que pour  Chrétien   de  Troyes  et  ses   contemporains   une  originalité 
d'invention  que  d^autres  leur  ont  trop  injustement  déniée.  Mais  toute 
faculté  inventive  est  limitée  par  des  conditions  de  temps  et  de  lieu  : 
rhistoire,  pas  plus  que  la  biologie,  ne  reconnaît  de  génération  spontanée. 
Or,  le  roman  breton  n'apparaît  nullement  comme  la  continuation  nor- 
male, le  développement  régulier,  nécessaire  des  genres  qui  tlorissaient 
vers  ii5o  ou  1160  dans  la  littérature  française  :  il  est,  dans  toute  la 
force  de  ces  termes,  nouveau,  inattendu,  original.  Il  ne  s^agit  point  de 
Tesprit,  des  sentiments,  des  mœurs  qui  y  régnent  et  qui  reflètent  si  fidè- 
lement les  changements  accomplis  à  cette  époque  dans  la  vie  aristocrati- 
que. Ce  qui  me  frappe  bien  davantage  dans  ces  vieux  contes  arthuriens, 
c'est  qu'ils  accusent  un  type  de  fiction  nettement  caractérisé,  également 
différent  des  chansons  de  geste  et  des  romans  auxquels  les  meilleurs 
juges  attribuent    une  origine  byzantine.   Aux  bizarres  combinaisons 
d'événements  imprévus,  de   rencontres  soudaines    et  miraculeuses,  de 
catastrophes  inouïes,  qui  remplissent  le  roman  grec,  aux  grandes  luttes 
religieuses  ou  politiques  de  l'épopée,  ils  opposent  Paventure  indivi- 
duelle, la  chevauchée  sans  but  et  sans  fin,  la  promenade  vagabonde  à 
travers  un  monde  fantastique.  Le  hasard  providentiel,  ce  deus  ex  ma- 
china intervenant  à  chaque  péripétie  des  fables  byzantines,  le  surnaturel 
grave  et  religieux,  à  moins  qu'il  ne  soit  franchement  bouffon,  de  la  plu- 
part des  chansons  de  geste  n'ont  rien  de  commun  avec  cette  féerie  per- 
pétuelle où  se  meuvent  Arthur  et  les  compagnons  de  la  Table-Ronde. 
Tandis  que  l'épopée  nationale  et  les  romans  imités  des  Grecs  en  fran- 
çais portent  visiblement  la  marque   du   christianisme,   supposent  la 
croyance  en  un  Dieu  personnel  veillant  sur  ses  créatures,  le  roman  cel- 
tique n'est  chrétien  qu'à  la  surface  :  par  le  fond,  il  appartient  à  un  état 


1 .  H.  d'Arbois  de  Jubainville,  le  Cycle  mythologique  irlandais. 

2.  Zeitschriftfiir  Deiitsches  Alterthum^  XXXII,  p.  216,  en  note. 

3.  Cf.  Méliisinc,  IV,  col.  36i. 


JO  REVUE   CRITIQUE 

religieux  et  philosophique  inférieur,  où  des  agents  secondaires  guident 
seuls  les  destinées  humaines.  Si  les  figures  en  ont  quelque  ressemblance 
avec  celles  de  chansons  de  geste  tardives,  c'est  que  le  cycle  breton  a  de 
bonne  heure  exercé  une  grande  influence  sur  les  autres  genres  de  la 
poésie  narrative.  Mais  considérez  les  chansons  antérieures  à  Chrétien 
de  Troyes  :  que  les  nouveaux  preux,  sans  cesse  en  quête  d^aventures 
brillantes  et  puériles,  ressemblent  peu  aux  graves  barons  épiques  dont 
on  chantait  les  exploits  sur  la  vielle  ! 

Ce  sont,  en  fait,  de  véritables  héros  de  contes  de  fées  que  ces  premiers 
chevaliers  errants,  dont  les  aventures  se  succèdent  sans  lien  réel,  mises 
bout  à  bout  comme  les  grains  d'un  collier  ou  d'un  chapelet.  Jamais, 
comme  l'observe  très  justement  M.  F.,  ils  n'accomplissent  d'action  ayant 
un  caractère  historique  ou  national.  Excellente  preuve  que  les  plus 
anciens  romanciers  ne  se  sont  pas  inspirés  de  Gautrei  de  Monmouth, 
qu'ils  ont  puisé  à  de  tout  autres  sources  que  VHistoria  regiim  Britan- 
niae!  D''autres  peuples,  aussi  bien  que  les  Bretons,  ont  transformé  leurs 
héros  nationaux  en  personnages  de  féerie.  Dans  \esbylines  russes,  le  roi 
Beau-Soleil  et  sa  Table- Ronde  ne  nous  gardent  presque  aucun  souvenir 
des  événements  historiques  du  règne  de  S.  Vladimir.  Dans  quel  monde 
irréel,  fantastique,  l'épopée  germanique  évoque  les  ombres  d'Attila,  de 
Théodoric,  des  rois  goths,  burgondes,  francs,  de  l'invasion  barbare! 
N'observons-nous  pas  souvent  que  la  vérité  historique,  non  contrôlée 
par  l'esprit  critique,  tend  perpétuellement  à  s'altérer  par  la  tradition, 
pour  se  conformer  à  de  certains  types  idéaux?  Pour  se  rendre  compte 
d'un  grand  revers,  d'une  bataille  perdue,  l'imagination  populaire  a  be- 
soin d'un  traître  et  le  découvre  à  coup  sûr.  Chez  les  personnes  médio- 
crement instruites,  l'histoire  contemporaine  prend  habituellement  le 
caractère  d'un  roman  de  Dumas  père.  Moins  la  civilisation  est  avancée, 
plus  le  type  préconçu  sera  voisin  du  conte  de  nourrice.  Voilà  pourquoi, 
sans  doute,  tant  de  héros  épiques  ou  légendaires  délivrent  des  princesses 
enchantées,  conquièrent  de  merveilleux  trésors,  sont  vainqueurs  de 
géants  ou  de  dragons.  Lorsque  des  récits  héroïques  ont  été  répétés  pen- 
dant des  siècles,  ou  qu'ils  passent  du  peuple  qui  les  a  créés  à  un  peuple 
étranger,  il  est  tout  naturel  que  l'élément  historique,  national,  contem- 
porain en  soit  de  plus  en  plus  affaibli  au  profit  de  l'élément  fictif,  inter- 
national, éternel.  Telles  sont  les  conditions  dans  lesquelles  des  légendes 
bretonnes  nous  sont  parvenues  au  travers  de  la  littérature  française  du 
moyen  âge. 

Le  texte  critique  du  Chevalier  au  Lion  et  les  remarques  dont  il  est 
suivi  font  admirer  une  fois  de  plus  en  M.  F.  un  des  maîtres  de  la  philo- 
logie française,  un  de  ceux  à  qui  nous  devons  le  plus  de  reconnaissance 
pour  le  progrès  de  nos  études.  Des  juges  compétents  ont  apprécié  et 
loué  cette  édition,  mais  c'est  à  peine  s'ils  ont  parlé  de  l'introduction, 
bien  qu'elle  ait  suscité  à  l'auteur  des  partisans  et  des  contradicteurs  éga- 
lement zélés.  Ne  fallait-il  pas  enfin  entreprendre  de  réfuter  des  doctrines 


D  HISTOIRE    BT    DK    LITTKRATnRE  7I 

auxquelles  la  grande  et  légitime  réputation  de  M.  Fœrster  prête  une 
autorité  si  considérable? 

Ernest  Muret. 


Cours  de  Littérature  à  l'usage  des  divers  examens,  par  Félix  Hémon, 
professeur  de  rhétorique  au  Lycée  Louis-le-Grand,  Lauréat  de  l'Académie  fran- 
çaise. 

40.-1°  Chanson  de  Roland»  VIII  et  76  p.  o  fr-  -jb . 

41.  —  2°  Joinville,  52  p.  o  fr.  60. 

42.-3°  Montaigne.  Paris,  Delagrave.  In-8,  1889,  xxiv  et  47,  36.  5i  p,  i  fr.  25. 

Si  un  professeur  de  rhétorique  a  une  trentaine  d'élèves,  et  qu'il  s'avise 
de  leur  donner  à  développer  les  sujets  suivants  :  «  Du  merveilleux  dans 
la  Chanson  de  Roland,  —  Caractère  de  Ganelon,  de  l'archevêque 
Turpin,  de  Charlemagne,  de  Roland,  —  Comparaison  d'Achille  et  de 
Roland  »,  il  peut  être  certain  que  plus  de  la  moitié  de  la  classe  lui 
remettra  d'excellentes  dissertations,  puisqu'elles  seront  toutes  copiées 
dans  ce  petit  livre.  Il  n'est  donc  pas  besoin  de  le  recommander  :  je  vois 
déjà  les  écoliers  qui  aiment  la  besogne  toute  faite  (et  ils  sont  aujour- 
d'hui, je  sais  bien  pourquoi,  plus  nombreux  que  jamais)  se  précipiter 
dessus,  le  mot  n'est  pas  trop  fort.  M.  Hémon  ne  leur  laisse  plus  rien  à 
faire,  rien  à  chercher,  rien  à  trouver  par  eux-mêmes;  il  pousse  la  béné- 
volence  jusqu'à  leur  traduire  en  français  moderne  toutes  les  citations 
qu'il  donne  de  notre  glorieuse  épopée.  C'en  est  fait  ;  sauf  quelques 
élèves  laborieux  et  un  peu  rêveurs,  ceux  qui  aiment  l'étude  pour  l'étude, 
il  n'y  en  aura  plus  qui  liront  dans  le  texte  la  vieille  Chanson. 

Il  en  sera  de  même  pour  Joinville  dont  la  langue  est  pourtant  si 
simple  à  la  fois  et  si  colorée.  ^Est-il  permis  de  couvrir  d'un  badigeon 
moderne  cette  magnifique  toile  où  Saint-Louis  à  la  Massoure  «  paroit 
dessus  toute  sa  gent  des  les  espaules  en  amont,  un  heaume  doré  en  son 
chief,  une  espee  d'AUemaingne  en  sa  main  »?  M.  H.  n'a  pas  reculé 
devant  cette  profanation,  et  pourtant  son  livre  n'est  pas  destiné  aux 
bambins  des  écoles  primaires,  puisqu'il  le  fait  précéder  d'une  Histoire 
sommaire  du  genre  historique,  à  laquelle  ils  ne  comprendraient  rien.  Je 
suis  bien  forcé  de  louer  ce  chapitre,  aussi  bien  que  les  jugements  rapides 
et  sûrs  que  l'auteur  porte  sur  les  historiens  de  la  France  ancienne  et 
moderne.  Seulement  la  postérité  ratifiera-t-elle  celui-ci  :  «  Thiers  est 
politique,  diplomate,  tacticien,  financier,  toujours  clair  et  facile,  jusque 
dans  les  questions  les  plus  compliquées  »?  J'en  doute,  et  bien  d'autres 
avec  moi.  En  attendant  on  peut  dire,  sans  scandaliser  personne,  que 
c'est  un  écrivain  médiocre  :  or  (je  ne  sais  plus  trop  qui  a  dit  cela),  il 
n'y  a  que  les  ouvrages  bien  écrits  qui  passent  à  la  postérité,  et  à  condi- 
tion qu'ils  ne  soient  pas  trop  volumineux,  ajouterai-je. 

Le  travail  sur  Montaigne  sera,  plus  encore  que  les  deux  précédents, 
recherché  par  nos  élèves.  C'est  un  recueil  de  devoirs  tout  faits  et  bien 
taits,  tels  que  les  compose  un  protesseur  de  rhétorique  qui  sait  écrire. 


72  REVUR    CRITIQUE 


Je  me  contenterai  d "en  citer  quelques-uns  :  «  Quels  auteurs  ont  parlé  de 
1  amitié?  —  Les  moralistes  du  xvii'=  siècle  et  l'amitié.  —  Rabelais  et 
Montaigne  (comment  ils  comprennent  Finstitution  des  enfants).  — 
Quels  sont  les  traits  généraux  de  la  morale  de  Montaigne?  —  Compa- 
raison de  Montaigne  avec  Pascal.  — Le  moi  de  Montaigne  est-il  haïssa- 
ble?, etc.  »  .Te  n'ai  pas  besoin  de  dire  que  tous  ces  sujets  sont  traités 
avec  netteté,  avec  précision,  avec  élégance,  mais  cela  ne  m'empêche  pas 
de  regretter  que  M.  H.  ait  vidé  ses  tiroirs.  Parmi  les  livres  à  consulter 
sur  la  langue  de  Montaigne,  il  indique  la  thèse  de  Voizard  :  M.  Hémon 
ignorerait-il  qu'elle  contient  beaucoup  plus  d'erreurs  que  de  pages? 

A.  Belboulle. 


43.  —  Henri  Blaze  de  Bury.  Jeanne  tVArc.  Paris,  librairie  académique  Didier, 
18S9.   I  vol.  in-8,  525  pages,  -jfv.  5o. 

Le  sujet  de  Jeanne  d'Arc,  qui  semble  épuisé,  ne  cesse  de  tenter  les  his- 
toriens ou  ceux  qui  veulent  mériter  ce  titre.  Mais  parmi  les  ouvrages 
nombreux  qui  paraissent  sur  la.  bonne  Lorraine,  bien  peu  nous  appor- 
tent des  documents  ou  des  jugements  nouveaux  :  nous  ne  faisons  ici  ex- 
ception que  pour  les  beaux  livres  de  M.  Siméon  Luce  et  de  M.  l'abbé 
Chapotin  qui  se  combattent  l'un  l'autre,  pour  la  magnifique  histoire  de 
Charles  VII  par  M.  de  Beaucourt  et  encore  pour  la  curieuse  disserta- 
tion de  M.  Alexandre  Sorel  sur  la  prise  de  Jeanne  d'Arc  devant  Com- 
piègne,  M.  Blaze  de  Bury  rentre  dans  la  règle  commune,  avec  cette  cir- 
constance aggravante  qu'il  eût  pu  faire  son  profit  des  livres  cités;  mais 
il  a  préféré  les  ignorer  complètement.  Ne  cherchez  point  dans  son  ou- 
vrage si  les  franciscains  ont  agi  par  leurs  prédications  sur  Pesprit  de 
Jeanne  et  si  les  dominicains  se  sont  toujours  montrés  ses  adversaires; 
ne  vous  attendez  pas  à  y  trouver,  même  après  les  travaux  de  M.  de 
Beaucourt,  un  portrait  équitable  de  Charles  VII;  vous  y  lirez,  p.  45  : 
a  Charles  était  tout  à  ses  plaisirs,  à  ses  favoris,  à  ses  maîtresses  :  mais  à 
le  voir  si  médiocre,  si  absolument  incapable  et  si  nul...  on  se  demande 
comment  le  ciel  fit  des  miracles  à  propos  d'un  tel  damoiseau  »;  cf.  p.  119; 
—  enfin  ne  demandez  pas  à  Pauteur  de  vous  raconter  les  détails  'nou- 
veaux que  M.  Sorel  nous  a  livrés  sur  le  siège  de  Compiègne.  Si  M.  B. 
de  B.  n'est  pas  au  courant  des  travaux  modernes,  a-t-il  au  moins  lu  les 
chroniques  anciennes?  Il  a  sans  doute  puisé  à  quelques-unes  directe- 
ment, et  il  affecte  d'en  citer,  entre  guillemets,  des  phrases  ou  des  mots 
assez  insignifiants  :  il  en  connaît  d'autres  par  les  extraits  donnés  dans 
les  ouvrages  de  seconde  main.  Mais  il  ignore  la  valeur  relative  de  ces 
documents.  Pour  un  fait,  il  renvoie  en  note  aux  auteurs  suivants  (voir 
note  de  la  page  48)  :  «  Voy  sur  tout  cela  (sic)  :  Plistoire  de  la  Gaule  (??); 
Histoire  de  Richemont;  Chronique  de  France;  Villaret;  Lenglet  du 
Fresnoy;  Hume,  History  of  En  gland  :  Lebrun  des  Charmettes;  Ber- 
ryat-Saint-Prix  ».  Aussi,  comme  bien  l'on  devine,  les  petites  erreufs 


OHISTOIRB    ET    DB   LITTÉRATURE  jS 

sont  assez  nombreuses.  Je  lis,  p.  48  :  «  Les  Anglais,  au  commencement 
de  1428,  étaient  plus  redoutables  que  jamais»,  et  un  peu  plus  loin:  «  La 
rencontre  eut  lieu  vers  l'entrée  de  la  nuit,  à  Rouvray-Saint-Denis, 
12  février  1428  ».  Je  suis  bien  obligé  de  conclure  de  ces  deux  passages 
rapprochés  que  M.  B.  de  B.  ne  sait  pas  la  différence  entre  le  vieux  et  le 
nouveau  style  ;  il  faut  lire  1429  de  part  et  d'autre.  J'admets  que  Marey, 
p.  i3,  est  une  faute  d'impression  pour  Maxey  ^  ;  mais  comment  ne  pas 
relever  des  phrases  de  ce  genre  :  «  Domrémy,  hameau  à  trois  lieues  au 
sud  de  Vaucouleurs  et  dépendant  du  village  de  Greux,  terre  française 
comprise  dans  le  domaine  immédiat  de  la  couronne,  depuis  le  mariage 
de  Philippe  le  Bel,  avec  l'héritière  de  Navarre  et  de  Champagne.  »  Pour- 
tant il  est  certain  que,  pour  la  première  fois,  la  châtellenie  de  Vaucou- 
leurs fut  achetée  à  Jean  de  Joinville,  par  Philippe  VI  en  i335.  Il  est 
aussi  faux  d'écrire,  p.  28  :  «  Les  États-Généraux,  à  la  mort  de  Louis  X, 
en  i3i6,  confirmèrent  la  loi  salique  >,  etc.  Ce  sont  peut-être  là  des  vé- 
tilles; M.  Blaze  de  Bury  a  voulu  faire  avant  tout  œuvre  littéraire,  pro- 
bablement pour  cela  il  a  emprunté  à  la  musique  et  à  la  peinture  une 
série  de  métaphores,  assez  incohérentes,  et  écrit  parfois  des  phrases  très 
sonores,  mais  dont  le  sens  précis  échappe.  P.  18  :  «  Jeanne  a  commerce 
avec  des  saintes,  cause  avec  l'archange  Michel  et  son  confesseur  n'en  sait 
rien.  On  dirait  un  protestantisme  baigné  de  mysticisme  et  qui  s'ignore.  » 
P.  3i  :  «  Je  me  figure  un  Van  Eyck,  traduisant  selon  son  art  le  poème 
dantesque  de  cette  vie,  quel  tableau  et  quels  allégorismes.  »  P.  471  : 
«  Celte  colombe  (celle  qui  s'échappa  du  bûcher  de  Jeanne),  n'était  peut- 
être  qu'un  vulgaire  pigeon  du  voisinage.  On  aimerait  pourtant  voir  en 
elle  un  symbole.  Lorsque  naquit  à  Bethléem  celui  dont  le  divin  nom 
venait  de  s'exhaler  dans  le  dernier  soupir  de  Jeanne,  les  anges  empli- 
rent le  ciel  d'un  splendide  magnificat  sur  ces  paroles  :  Gloria,  etc. 
Supposez  un  idéaliste  mystique,  Van  Eck  (sic),  Albert  Clavser  ou  fra 
Angelico  voulant  feindre  le  retour  de  ce  cri  sublime  tombé  du  ciel  et 
I  que  la  terre  lui  renvoie.  Comment  s'y  prendra-t-il,  sinon  en  s'inspirant 
'  de  la  colombe,  emblème  du  vœu  de  réconciliation  universellepour  lequel 
vécut  et  mourut  Jeanne  d'Arc,  l'âme  par  excellence  de  son  peuple  et  du 
genre  humain,  l'âme  de  l'infinie  bonne  volonté.  »  Voir  encore,  p.  499 
et  passim. 
j  11  serait  injuste  de  ne  pas  ajouter  que,  si  l'on  fait  abstraction  de  phra- 
ses semblables,  on  lit  le  livre  avec  assez  de  plaisir.  L'histoire  de  Jeanne 
d'Arc  est  si  attachante  qu'il  faut  toujours  remercier  ceux  qui  vous  don- 
nent l'occasion  de  la  repasser  ~. 

Ch.  Pfister. 

1.  P.  488,  il  faut  lire  i558,  au  lieu  de  i638. 

2.  Notre  article  était  écrit,  quand  nous  avons  appris  que  ce  livre  était  composé 
depuis  assez  longtemps  :  il  a  été  trouvé  dans  les  papiers  de  M.  Blaze  de  Bury. 
Quelques-unes  de  nos  critiques  tombent  par  suite  ou,  pour  mieux  dire,  elles  s'a- 
dressent aux  éditeurs  qui  n'ont  rien  fait  pour  mettre  le  volume  au  courant  des  der- 
nières découvertes  de  la  science. 


74  REVUE    CRITIQIIK 

44.  —  GioD\  (Carlo),  dirolnnto  Moi>ono  cd  i  suoi  tcmpi,  studio  storico.  Un  vol. 
iii-i2,  37D  IV.  Turin,  i\iravia,  iBijy.  4  tr. 

C'est  une  bonne  biographie  du  célèbre  homme  d'État  milanais  (1470- 
1529),  qui  servit  successivement  avec  une  égale  fidéhté  et  trahit  avec  la 
même  désinvolture  Ludovic  Sforza,  Louis  XII,  Maximilien  Sforza, 
François  L''  et  Charles-Quint.  Après  les  deux  recueils  de  Muller  et  Pro- 
mis, Lettere  cd  ora^ioni  latine  di  Girolamo  Morone,  &i  Documenti  che 
concernono  la  vita  pubblica  di  G.  M.,  il  n'y  avait  plus  beaucoup  de  do- 
cuments inédits  à  rechercher.  M.Gioda  en  a  retrouvé  quelques-uns,  qui 
ne  sont  pas  tous  bien  importants,  et  les  a  très  habilement  mis  en  œuvre. 
Son  travail  sera  utile,  non  seulement  pour  la  connaissance  de  son  héros, 
mais  aussi  pour  Thistoire  générale  du  Milanez  de  i5i2  à  1527.  Les  cha- 
pitres Vil  et  IX  consacrés  à  l'histoire  de  la  tentative  faite  par  Morone 
pour  délivrer  l'Italie  de  la  domination  espagnole,  de  son  emprisonne- 
ment à  Pavie,  de  son  essai  d'évasion  et  de  sa  délivrance  moyennant  ran- 
çon, sont  particulièrement  bien  traités  et  intéressants.  Le  commentaire 
de  la  Conjessione  de  Morone  et  l'appréciation  de  cette  tentative  patrio- 
tique (ch.  vni,  p.  200-83),  me  paraissent  confus  et  superficiels.  M.  G.  a 
mis  en  tête  de  son  livre  une  introduction  relative  à  Ludovic  Sforza  etfà 
la  conquête  du  Milanez  par  Louis  XII,  qui  est  absolument  insuffisante, 
et  qui  ne  s'explique  guère,  puisque  l'auteur  ne  raconte  la  vie  publique 
de  Morone  qu'à  partir  de  1499.  Il  n'est  pas  juste  d'y  écrire  :  «  S'avan- 
^ano  i  Francesi  condotti  dal  Triid^io  ».  J.-J.  Trivulce  n'était  que  le  con- 
dottiere de  Louis  XII  et  non  son  conduttore.  La  conduite  de  Trivulce 
dans  toute  cette  affaire  fut  au  reste  plus  qu'ambigiie.  —  Les  causes  de  là 
chute  du  More  ne  me  semblent  pas  bien  comprises  (p.  16).  —  Ludovic 
Sforza  est  mal  apprécié  comme  diplomate  (p.  18). —  (p.  3o),  à  propos  de 
J.  Antiquario,  secrétaire  d'état  aux  affaires  ecclésiastiques  sous  L.  Sforza, 
M.  G.  aurait  pu  dire  qu'il  persévéra  dans  sa  fidélité  au  More  et  n'ac- 
cepta aucun  emploi  de  Louis  XII  ;  (on  ne  retrouve  son  nom  sur  aucun 
acte  des  archives  après  le  2  septembre  1499.)—  (P.  342),  une  note  rela- 
tive à  Marina,  abbate  di  Noqera,  annoncée  dans  le  texte,  manque. —  Les 
documents  annexés  à  ce  travail  comprennent  des  lettres  de  Morone  à 
Francesco  Guicciardini,  à  Vitello  Vitelli,  à  la  Balia  de  Sienne,  et  des 
documents  relatifs  à  Jean  de  Médicis  délie  Bande  Nere,  qui  mettent  en 
plein  jour  cette  intéressante  figure  de  condottiere.  On  ne  saurait  donc 
reprocher  à  M.  Gioda  d'avoir  parfois  dépassé  le  cadre  d'une  simple  bio- 
graphie, car  l'histoire  de  cette  période  troublée  y  trouve  toujours  un  réel 
profit. 

L.  G.  P. 


d'histoire   KT    de    LITTÉRATUIIK  j5 

45-46.  —  Ueiti-BCge  zui'  Ge^cliichte  und  I^îteratui»  clei"  Italienischen 
Gelelii'tenrenaîs&ance,  par  le  Dr.  Theodor  Klette.  I  et  II.  Greifswald,  J. 
Abel,  1888  et  1889,  2  vol.  de  59  et  v-iio  p. 

Les  recherches  sur  l'humanisme  continuent  à  être  aussi  nombreuses 
en  Allemagne  que  rares  chez  nous.  Voici  deux  brochures  d'un  nouveau 
travailleur,  M.  Th.  Klette,  qui  commencent  une  série  et  en  font  bien 
augurer.  La  première  est  consacrée  à  une  question  d'histoire  littéraire 
assez  importante,  la  distinction  des  deux  Jean  de  Ravenne,  Giovanni 
Conversano  et  Giovanni  Malpaghini,  qui  vivaient  en  même  temps,  à  la 
fin  du  XIV*  siècle  et  au  début  du  xv«,  et  dont  la  biographie  avait  fini  par 
se  confondre.  Cette  confusion  se  trouve  encore  dans  le  livre  de  M.  Voigt 
sur  le  premier  siècle  de  l'humanisme.  M.  Sabbadini  l'a  relevée  dans  le 
Giornale  storico  de  i885.  C'est  le  second  Jean  de  Ravenne,  Malpa- 
ghini, qui  fut  l'élève  et  le  secrétaire  de  Pétrarque  (entre  les  années  i36i 
et  1374)  ;  il  devint  plus  tard  professeur  à  Florence,  en  même  temps  que 
Manuel  Chrysoloras,  au  sujet  de  qui  le  travail  de  M.  K.  est  également 
à  consulter  '.  Je  crois  savoir  que  M.  Novati,  outre  les  lettres  de  Salutati 
adressées  aux  deux  humanistes  homonymes,  a  en  main  des  documents 
nouveaux  et  précis  sur  la  question. 

Le  second  fascicule  de  la  série  est  relatif  à  Leonardo  Bruni,  d'Arezzo, 
aux  travaux  du  chancelier  florentin,  et  surtout  au  dialogue  De  tribus 
vatibusjJorentinis,  auquel  M.  K.  conserve  le  titre  des  manuscrits  :  Leo- 
nardi  Aretini  ad  Petriim  Pauliim  Istrum  dialogus.  Voilà  un  opuscule 
bien  fortuné  :  \si  Revue  rendait  compte  récemment  (1889,  II,  p.  282),  de 
l'édition  qu'en  a  donnée  M.  K.  Wotke;le  Giornale  ^^or/co  annonce 
à  son  tour(xiv,  p.  299)  que  M.  Giuseppe  Kirner  vient  d'en  publier  une 
autre  à  Livourne.  11  y  a  dix  ans,  M.  Voigt  exprimait  le  désir  de  voir 
réimprimer  ce  curieux  document  littéraire,  qu'on  ne  pouvait  consulter 
qu'en  des  éditions  anciennes  et  incomplètes.  Son  souhait  a  été  exaucé, 
au-delà  même,  puisque  trois  érudits  viennent  de  se  livrer  simultané- 
ment au  même  travail.  Je  n'ai  pas  vu  le  travail  italien,  mais  l'une  des 
deux  publications  allemandes  était  superflue;  comparaison  faite,  je 
conseille  l'usage  de  l'édition  de  M.  Klette. 

P.  DE  NOLHAC. 


47.   —   Ch.   FlERVILLE.  Voyage    anonyme    et    inédit    tl'un     Janséniste    en 

Hollande  et  en   Flandre   en    i68i;    étude  historique  d'après  un  manuscrit   de   la 
Bibliothèque  du  Havre.  Paris,  Champion,  un  vol.  in-8  de  76  pages,  18S9. 

Il  ne  s'agit  pas  ici  d'une  publication  complète;  M.  Fierville  a  sim- 
plement extrait  d'une  relation  manuscrite  en  294  pages,  conservée  à  la 

I.  L'auteur  n'a  pu  connaître  l'hypothèse  développée,  depuis  son  travail,  dans  le 
Propugnaiore,  par  M.  G.  Mazzoni,  que  Malpaghini  pourrait  être  le  copiste  des 
parties  non  autographes  du  Çaii;[omere  de  Pétrarc^ue  {Vai.  3igb). 


76  REVUE   CRITIQUE 

bibliothèque  du  Havre,  les  passages  qu'il  a  jugés  les  plus  curieux  et  les 
plus  instructifs.  L'auteur  de  cette  relation,  le  docteur  de  Sorbonne 
Ch.  Lemaître,  n'est  pas  assez  célèbre  pour  intéresser  la  postérité  au  récit 
fort  peu  littéraire  de  ses  aventures  de  voyage,  et  nous  possédons  trop 
de  relations  analogues,  imprimées  aux  xvii^  et  xvni*  siècles,  pour 
avoir  besoin  de  la  sienne.  C'est  donc  avec  raison  que  M.  F.,  tout 
en  multipliant  dans  la  mesure  du  possible  les  citations  textuelles,  s'est 
contenté  de  faire  connaître,  grâce  à  des  extraits  habilement  groupés,  le 
manuscrit  du  Havre.  Ces  extraits  sont  précédés  d'une  notice,  et  des 
notes  d'une  grande  précision  éclaircissent  toutes  les  difficultés  qui  pour- 
raient arrêter  le  lecteur.  La  date  même  de  ce  voyage,  trois  ans  après  la 
paix  de  Nimègue,  et  la  situation  très  particulière  de  celui  qui  l'a  entre- 
pris, un  janséniste  obligé  de  fuir  pour  éviter  la  Bastille  ou  même  les 
galères,  sont  des  raisons  plus  que  suffisantes  pour  justifier  cette  publi- 
cation, fort  bien  faite  sans  doute,  mais  dont  M.  Fierville,  habitué  à  des 
travaux  d'une  tout  autre  valeur,  ne  s'est  nullement  exagéré  l'importance. 

A.  G. 

48.  —  K  onrad  Stahn,  Die  Ursaclien  den  Rseumung  Belgiens  im  Jahre 
1794,  ein  Beitrag  zur  Geschichte  der  Revolutionskriege.  Bunzlau,  Kreuschner, 
1889.  In-8,  60  p.   I  mark  5o. 

M.  Stahn  revient  sur  une  question  déjà  traitée  par  M.  de  Zeissberg. 
Il  croit  que  la  Belgique  fut  évacuée  en  1794  parce  que  l'armée  austro- 
anglaise  était  inférieure  en  nombre  aux  envahisseurs,  aux  «  puissantes 
masses  »  des  Français  et  que  Waldeck  voulait  l'abandon  du  pays  et 
dirigeait  dans  ce  sens  les  opérations  de  la  guerre  (eigenmàchtige  aiif 
Preisgabe  des  Landes  gerichtete  Kriegfiihriing,  p.  58).  Selon  M.  Stahn, 
on  a  tort  de  reprocher  à  Thugut  son  Interesselosigkeit  pour  la  posses- 
sion de  la  Belgique;  Thugut  s'efforça,  au  contraire,  de  vaincre  l'inva- 
sion française  par  tous  les  moyens  qu'il  put  employer,  sommant  les 
Etats  des  provinces  belges  de  le  soutenir,  pesant  sur  les  puissances  mari- 
times, tachant  d'envoyer  sur  le  théâtre  de  la  guerre  les  12,000  hommes 
de  Blankenstein  et  les  20,000  Prussiens  promis  par  le  traité  d'alliance  : 
la  politique  anglaise  fit  échouer  les  efforts  de  Thugut.  Les  conclusions 
de  M.  Stahn  ne  nous  semblent  pas  acceptables  de  tout  point;  mais  son 
travail  est  consciencieux,  plein  de  faits  et  de  textes,  et  il  sera  très  utile. 

A.  C. 

Camillo  Antona-Traversi,  prof,  di   lettere  italiane  nel  collegio  militare  di  Roma  : 

49.  —   I.  1%'uovS  etud  jlettei-«i'j.  Milano,  1889,   in-12,  435  pages. 

50.  —  II.  Cui-loBità  Foscoliaiie  in  gran  parte  inédite.  Bologna,  1889,  in-12, 
426  pages. 

DI.  III.  Il  catalogo  di  manoscritti  inediti  di  Giacomo  Leopardi  sin  qui  posse- 
duti  da  Antonio  Ranieri.   Città  di  Castello,  1889,   in-8,  3i  pages. 

52. —  IV.  L'Edipo  dl  Ugo  Foscolo,  schéma  di  uiia  tragedia  inedita  ©ra  la  prima 
volta  pubiicato.  Citià  di  Castello,  1889,  in-8,  38  pages. 

I.  Les  nouvelles  études  littéraires  de  M.  Camillo  Antona-'Traversi 


D  HISTOIRE   ET   DE   LITTERATURE  77 

portent  sur  les  objets  les  plus  divers  ;  les  trois  premières  concernent 
Monaldo  Leopardi  ;  des  quatre  suivantes  deux  se  rapportent  à  Ugo  Fos- 
colo  et  les  deux  autres  àManzoni;  la  huitième  comprend  quelques 
chants  recueillis  à  Recanati,  la  neuvième,  des  lettres  inédites  de  Guer» 
razzi,  enfin  «  quelques  mots  au  sujet  de  Giuseppina  Guacci  Nobile  », 
font  l'objet  de  la  dixième  et  dernière. 

On  sait  a  quel  point  l'attention  s'est  reportée  en  ces  dernières  années 
sur  le  père  calomnié  de  Leopardi  ;  on  s'est  attaché  à  le  laver  du  reproche 
de  cruauté  ou  du  moins  de  dureté  envers  le  jeune  poète;  mais  en  l'étu- 
diant de  plus  près,  on  n'a  pas  tardé  à  découvrir  que  Monaldo  Leopardi 
était  une  figure  aussi  originale  que  curieuse,  sinon  toujours  sympathi- 
que, et  qu'il  se  recommandait  par  ses  connaissances  étendues  et  son  ta- 
lent d'écrivain,  non  moins  que  par  la  dignité  de  son  caractère.  C'est  sous 
un  aspect  tout  particulier,  comme  journaliste,  que  M.  G.  A. -T.  cher- 
che à  nous  le  faire  connaître  aujourd'hui.  Après  avoir  collaboré  à  la 
Voix  de  la  vérité,  feuille  ultra-conservatrice  publiée  à  Modène,  écrit 
un  pamphlet,  les  Dialoghetti,  qui  eut  un  grand  retentissement,  le  père 
de  G.  Leopardi,  fonda  un  journal  qu'il  devait  diriger  à  lui  seul,  ce  fut 
la  Voce  délia  Ragione,  destinée  à  défendre  les  idées  théocratiques  et 
monarchiques  et  à  combattre  le  libéralisme  chaque  jour  plus  envahis- 
sant; le  premier  numéro  parut  le  3i  mai  i832  ;  accueilli  non  sans  fa- 
veur tout  d'abord,  lu  à  la  cour  pontificale,  le  nouveau  périodique  ne 
vécut  cependant  que  quarante-trois  mois;  un  article  sur  Deutz,  le  com- 
pagnon infidèle  de  la  duchesse  de  Berri,  déplut  au  pape  Grégoire  XVI, 
qui  avait  trop  bien  accueilli  cet  aventurier;  un  autre  article  sur  Y  École 
de  Lamennais,  ne  le  mécontenta  pas  moins;  il  fit  renvoyer  le  numéro  où 
cet  article  se  trouvait,  et  l'éditeur  reçut  l'ordre  de  supprimer  dans  les  deux 
numéros  suivants  tout  ce  qui  était  de  Monaldo  ;  c'était  un  désaveu  formel 
qui  était  infligé  à  celui-ci  ;  il  prit  aussitôt  la  résolution  de  suspendre  la 
publication  de  son  journal  et  à  partir  de  ce  moment  la  Voix  de  la  raison 
cessa  de  paraître.  Monaldo  a  raconté  lui-même  dans  les  Mémoires  repro- 
duits par  M.  G.  A.-T.  l'histoire  de  la  fondation  et  de  la  disparition  de 
cette  revue,  dont  l'existence  fut  si  courte.  On  rencontre  partout  dans 
cet  écrit  l'accent  de  sincérité  qui  faisait  le  fond  de  son  caractère  et  ce 
style  grave  et  simple  qui  lui  est  propre,  G'est  une  note  plus  douce  qu'on 
entend  dans  les  lettres  inédites  du  père  de  Leopardi,  au  moins  dans  les 
cinq  premières,  qui  ne  s'occupent  que  du  jeune  poète;  mais  une  affaire 
de  famille,  le  projet  de  mariage  de  son  second  fils  Carlo  avec  sa  cousine 
germaine  Paulina  Mazzagalli,  alliance  qu'il  regardait  comme  inces- 
tueuse, est  venu  irriter  Monaldo;  on  retrouve  l'écho  de  son  indignation 
dans  les  deux  dernières  lettres  à  Giacomo  que  nous  donne  M.  G.  An- 
tona-Traversi.  Monaldo  d'ailleurs  ne  s'en  tint  pas  là  ;  il  écrivit  une 
«  condamnation  »  motivée  du  mariage  qu'il  voulait,  mais  ne  put  em- 
pêcher, et  qu'il  finit  par  pardonner.  C'est  le  troisième  des  documents, 
qui  concernent  cet  homme  austère,  mais  bon,  dont  le  plus  grand  tort 


78  REVUE    CRITIQUE 

fut  de  ne  pas  comprendre  son  temps  et  d'être  supérieur  à  son  entourage. 
Des  deux  articles  qui  se  rapportent  à  Ugo  Foscolo,  le  premier  étudie 
et  nous  fait  connaître  les  vers  que  Fauteur  de  Jacopo  Ortis  écrivit  dans 
sa  première  jeunesse,  de  1793  à  1797  ;  ils  ne  sont  pas  sans  intérêt  pour 
refaire  Thistoire  de  ses  idées  et  de  son  développement  poétique.  Dans  le 
second  article  M.  C.  A.-T.  nous  donne  trois  billets  adressés  à  la  «  sage 
Isabelle  »  ;  c'est  un  épisode  curieux  de  l'histoire  des  amours  d'Ugo  Fos- 
colo, et  il  nous  est  raconté  avec  une  abondance  de  renseignements  qui 
en  rehausse  le  prix. 

Les  deux  articles  consacrés  à  Manzoni  sont  peut-être  d'un  intérêt  trop 
italien  et  grammatical  pour  ne  pas  paraître  un  peu  longs  à  des  étran- 
gers; le  premier  est  une  étude  de  42  pages  sur  Pexpression  «  irrevocati 
di  »,  employée  par  l'auteur  dts  Promessi  sposi  dans  le  chœur  de  l'A- 
delchi  ;  on  s'étonne  que  cette  expression  ait  suscité  tant  de  disputes  et  de 
si  longs  commentaires,  bien  plus,  il  faut  l'avouer,  qu'on  ne  s'y  inté- 
resse. Le  second  article  où  M.  C.  A.-T.  compare  les  deux  éditions 
données  en  1827  et  1840  par  Manzoni  de  ses  Promessi  sposi,  est  plus 
fait  pour  arrêter.  Lorsqu'il  composa  son  célèbre  roman,  Manzoni  n'é- 
tait point  persuadé  de  la  nécessité  pour  l'Italie  d'avoir  une  langue  litté- 
raire; les  provincialismes  abondent  aussi  dans  la  première  rédaction  ; 
plus  tard  ses  idées  se  modifièrent,  et  regardant  maintenant  le  toscan 
comme  le  seul  dialecte  vraiment  littéraire  de  la  Péninsule,  il  changea 
son  premier  texte  et  remplaça  les  formes  et  les  tournures  lombardes  qui 
s'y  trouvaient  par  des  expressions  toscanes;  M.  C.  A.-T.  montre,  bien 
qu'on  ait  dit  le  contraire,  que  cette  transformation  n'a  pas  toujours  été 
heureuse  et  que  plus  d'une  fois  le  texte  primitif  des  Promessi  sposi  est 
préférable  au  texte  amendé. 

Je  me  bornerai  presque  à  remercier  M.  C.  A.-T.  de  nons  avoir  donné 
les  44  chants  recueillis  à  Recanati  ;  un  cousin  de  Leopardi,  Pier  Fran- 
cesco,  en  avait  déjà  publié  16;  on  voit  que  le  jeune  et  savant  éditeur  a 
singulièrement  accru  la  collection  et  on  ne  saurait  trop  louer  l'intro- 
duction qui  la  précède.  On  lira  aussi  avec  intérêt  la  lettre  «  à  ma 
mère  »,  placée  en  tête  du  «  Bref  discours  prononcé  aux  funérailles  de 
Giuseppina  Guacci  Nobile  »  ;  mais  c'est  là  tout  ce  que  j'en  dirai.  Les 
lettres  inédites  de  Francesco  Domenico  Guerrazzi  veulent,  au  contraire, 
que  je  m'y  arrête;  publiées  deux  jours  avant  l'inauguration  du  monu- 
ment élevé  dans  Livourne  au  célèbre  écrivain,  elles  complètent  la  cor- 
respondance publiée  par  Giosuè  Carducci  et  achèvent  de  nous  faire  con- 
naître cette  personnalité  sympathique  et  curieuse.  Elles  sont  au  nombre 
de  3o  et  ont  été  écrites  de  1860  à  1868  ;  quelques-unes  ont  un  caractère 
politique,  qui  en  rehausse  l'intérêt,  les  autres  sont  des  lettres  d'affaires 
ou  familières;  la  plupart  de  ces  dernières  ont  été  adressées  au  père  de 
M.  C.  A.-T.;  on  comprend  sans  peine  qu'il  s'en  soit  fait  l'éditeur. 

II.  Les  Curiosités  Foscoliennes  portent  sur  les  points  les  plus  divers 
de  la  vie  du  chantre  des  Sépiilchres  et  offrent  l'intérêt  le  plus  différent. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITllOK  V  I  URl;  79 

Elles  sont  précédées  d'un  long  avis  «  au   Lecicnr  »,  dans  lequel  M.  C. 
A.-T.    examine   diverses  questions  se   rapportant    aux    œuvres  d'Ugo 
Foscolo  et  en  particulier  la  question  de  la  propriété  des  lettres  adressées 
à  un  correspondant;  puis  viennent  une  pièce  de  vers  du  genre  bcrnes- 
que  «  au  seigneur  Zanetti  »,  deux  lettres  inédites  de  Foscolo  adressées  à 
la  comtesse  d'Albany,  auxquelles  en  est  jointe  une  autre   publiée  en 
1872  par  Bianchini  dans  le    Novellatore,  deux  fragments  inédits  de 
ïOde  aux  Grâces,  ensuite  trois  lettres  d'Ugo  Foscolo  au  comte  Dionigi 
Roma,  ainsi  que  trois  autres  lettres  inédites  de  Quirina  Magiotti  à  An- 
dréa Calbo,  l'Ode  «  aux  Républicains  »,  dédiée  par  le  poète  à  son  frère 
Gioan-Dionigi,  les  diverses  éditions,  fidèlement  reproduites,  de  !'«  Ode 
à  Bonaparte,  libérateur  de  l'Italie  »,  suivies  du  commentaire  qu'en  a 
fait  Giovanni  Antonio  Restini;  on  trouve  ensuite  les  documents  publiés 
par  Achille  Neri  concernant  le  «  Discours  sur  Tltalie  »  et  1'  «  Ode  ù 
Bonaparte  »  du  grand  poète  et  une  étude  intitulée  «  Ugo  Foscolo  et 
TAutriche  (1814-1815)  »,  dans  laquelle  M.  C.  A.-T.  examine  lattitude 
de  l'auteur  de  Jacopo  Ortis  vis  à  vis  la  vieille  ennemie  de  l'Italie;  elle 
est  suivie  du  «  Capitolo  »  à  Leopoldo  Cicognara  sur  «  Tanimal  gracieux 
et  bénin,  qui  s'appelle  journaliste  »,  ainsi  que  d'une  lettre  curieuse  du 
typographe  G.   Ruggia,  de  Lugano,  adressée  à  l'amie  d'Ugo  Foscolo, 
Quirina  Magiotti,  le  28  août   1837,  avec  les  trois  réponses  de  cette 
femme  célèbre;  enfin  un  article,  intitulé  a  Ugo  Foscolo  académicien  », 
termine  ce  long  recueil  dont  les  indications  qui  précèdent  font  connaî- 
tre la  nature  et  pressentir  l'intérêt. 

Tout  n'a  pas  la  même  valeur  littéraire,  sans  doute,  dans  ce  recueil; 
mais  les  divers  articles  qu'il  renferme  contribueront  à  éclaircir  plus 
d'un  point  obscur  ou  peu  connu  de  la  vie  d'Ugo  Foscolo;  les  deux  let- 
tres à  la  comtesse  d'Albany,  ainsi  que  les  trois  lettres  inédites  de  Qui- 
rina Magiotti  à  Andréa  Calbo  sont  surtout  curieuses;  grâce  au  com- 
mentaiie  et  à  l'étude  qui  les  accompagnent,  les  premières  nous  font 
connaître  les  rapports  du  poète  avec  l'ancienne  amie  d'Alfieri,  les  autres 
nous  montrent  Ugo  Foscolo  dans  son  exil  de  Suisse,  son  incertitude 
et  sa  retraite  définitive  en  Angleterre,  ainsi  que  la  tendresse  inaltérable 
et  vigilante  de  Quirina  Magiotti  pour  lui.  La  correspondance  de  la 
même  Quirina  avec  le  typographe  Giuseppe  Ruggia  renferme  aussi  des 
renseignements  précieux  sur  les  œuvres  du  poète.  On  voit  par  là  tout 
ce  qu'offrent  d'intéressant  les,  Curiosités  Fosco Hennés,  mais  on  doit  leur 
reprocher  la  longueur  de  quelques-uns  des  articles  qui  les  composent. 

III  et  IV.  C'est  à  Ugo  Foscolo  et  à  Leopardi  que  se  rapportent  en- 
core les  deux  brochures  de  M.  C,  A.-T.  dont  on  a  lu  plus  haut  le  titre  ; 
la  première  renferme  le  «  Catalogue  des  manuscrits  inédits  »  du  poète  de 
Recanati;  c'est  assez  en  dire  Tintérêt.  La  seconde  se  compose  d'une  pe- 
tite étude  sur  le  plan  inédit  d'un  Œdipe  d'Ugo  Foscolo;  celte  tragédie 
.  ne  devait  rien  avoir  de  semblable  dans  la  pensée  de  son  auteur  avec 
celle  de  Sophocle;  ce  n'est  pas  par  là  seul  qu'elle  lui  était  inférieure, 


8o  REVUE    CRITIQUE   D^HISTOIRE    ET    DE   LITTERATURE 

mais  il  n'était  pas  moins  intéressant  de  la  connaître  et  il  faut  remercier 
M.  C.  Antona-Traversi  de  nous  en  avoir  donné  le  plan. 

Ch.  J. 


CHRONIQUE 


ALLEMAGNE.  —  La  maison  Trùbner  publiera  prochainement:  i°  ]es  Pumca  de 
Silius  Italicus,  livres  I-X,  par  L.  Bauer  ;  2"  des  Mythologische  Beitrcege  de 
"W.  Drexler  ;  3°  Die  Lehre  von  den  Redetheilen  bei  den  lateinischen  Grammatikern, 
par  L.  Jeep. 

—  Les  frères  Paetel  (Berlin,  7,  Lûtzowstrasse),  ont  publié  la  i'»  série  d'une  collec- 
tion intitulée  «  Réimpressions  berlinoises  »,  Berlinev  Neudrucke,  et  dirigée  par 
MM,  L.  Geiger,  B.-A.  Wagner  et  G.  Ellinger.  Cette  première  série  contenait  six 
volumes  (chaque  volume,  3  mark;  les  six  volumes,  12  mark);  I.-II.  Le  Kleyner  fei- 
ner  Almanach  de  Nicolai,  1777  et  1778.  p.  p.  G.  Ellinger;  IIL  Nicolaus  Peuckers 
Wohlklingende  Pauke  {lôSo-iôyS)  und  drei  Singspiele  Christian  Reuters  (ijoS 
u.  lyioj,  p.  p.  G.  Ellinger;  IV.  Musen  und  Gra:(ien  in  der  Mark,  Gedichte  von 
F.  W.  A.  Schmidt,  p.  p.  L.  Geiger;  V  et  VL  Von  gelehrten  Sachen,  année  1751 
de  li  Berlinische  privil.  Zeitung,  p.  p.  B.-A.  Wagner.  Une  seconde  série  des«  Réim- 
pressions berlinoises»  vient  de  commencer;  le  premier  volume  est  le  Musenalma- 
nach  auf  das  Jahr  1806,  de  Chamisso  et  Varnhagen,  que  publie  M.  L.  Geiger  : 
paraîtront  ensuite  :  Jiilius  von  Voss,  Faust,  Trauerspiel  mit  Gesang  und  Tan:{.  Ber- 
lin, 1823;  Berlinev  Lieder  aus  den  Jahren  ij86  bis  1806;  Volkslieder  auf  Frie- 
drich den  Grossen,  mit  besonderer  Berûcksichtigung  des  siebenjcehrigen  Krieges. 


ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES^LETTRES 


Séance  du  i y  janvier  18 go. 

M.  le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  des  lettres  par  lesquelles  M.  le  d'  Hamy 
et  M.  le  duc  de  laTrémoïlle  se  portent  candidats  à  la  place  de  membre  libre  vacante 
par  la  mort  du  général  Faidherbe.  Il  faut  ajouter  à  ces  noms  celui  de  M.  Dieulafoy, 
dont  la  lettre  a  été  lue  à  la  dernière  séance. 

L'Académie  décide  qu'il  y  a  lieu  de  pourvoir  à  la  place  de  membre  ordinaire,  va- 
cante par  la  mort  de  M.  Pavel  de  Courteille.  L'examen  des  titres  des  candidats  aura 
lieu  dans  la  séance  du  3i  janvier. 

Une  commission  sera  élue  à  la  prochaine  séance  pour  proposer  des  candidats  à  la 
place  d'associé  étranger,  vacante  par  la  mort  de  M .  Cobet. 

Sont  élus  membres  de  la  commission  de  la  fondation  Benoît  Garnier,  MM.  de  Vo- 
gué, Barbier  de  Meynard,  Senart,  Maspero. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Wallon  :  Dutreuil  de  Rhins  (J.-L.),  VAsie  centrale 
CThibet  et  régions  limitrophes),  texte  et  atlas;  —  par  M.  l'abbé  L.  Duchesne  :  i*  Le 
Liber  pontificalis,  publié  par  l'abbé  L.  Duchesne,  5«  \\\T&\son  (Bibliothèque  des  Eco- 
les françaises  d'Athènes  et  de  Rome);  2»  Clerval  (Pabbé  A.),  la  Famille  Chardonel, 
en  latin  Cardinalis,  et  les  vitraux  de  la  chapelle  du  Pilier  dans  la  cathédrale  d»  Char- 
tres ;  —  par  M.  de  Rozière  :  1°  Tardif  ^Adolphe),  Recueil  de  textes  pour  servir  à 
renseignement  de  l'histoire  du  droit  :  Coutumier  d'Artois.  Coutumes  de  Toulouse, 
Coutume  de  Lorris  ;  1"  le  même,  le  Droit  privé  au  xin'  siècle  d'après  les  coutumes  de 
Toulouse  et  de  AJontpellier;  3''Tanon,  Notice  sur  le  formulaire  de  Guillaume  de  Pa- 
ris; 4°  Beautemps-Beaupré,  Coutumes  et  Institutions  de  l'Anjou  et  du  Maine  anté- 
rieures au  x\i*  siècle,  tome  !«••. 

Julien  Havkt. 

Le  Propriétaire-Gérant:  ERNEST  LEROUX. 

Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

N»  5  —  3  février  —  1890 


Sommaire  :  53.  Pischel  et  Geldner,  Etudes  védiques,  I.  —  54.  Tolstoï  et 
KoNDAKOv,  Les  antiquités  scythes-sarmates,  II.  —  55.  Poiret,  Horace,  étude 
psycinologique  et  littéraire.  —  56.  Tite-Live,  xxxi-xxxv,  p.  p.  Zingerle.  —  5j. 
Tacite,  Agricola,  p.  p.  Schœne. —  bS.  Weyland,  L'Apocalypse  de  S.  Jean.  —  5g. 
Tanzi,  La  chronologie  d'Ennodius.  —  60.  Stapfer,  Rabelais.  —  61.  Bourgoing, 
Les  maîtres  de  la  critique  au  xvii«  siècle.  —  62.  Finot,  Port-Royal  et  Magny.  — 
63.  SoucAiLLE,  Etat  monastique  de  Béziers  avant  la  Révolution.  —  64.  De  Nolhac, 
Le  château  de  Versailles  au  temps  de  Marie  Antoinette. —  65.  Wallon,  Les  re- 
présentants en  mission,  II!.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  — 
Société  de»  Antiquaires  de  France. 


53.  —  Vedlsclie  Studien,  von  Richard  Pischel  und  Karl  F.   Geldner.  I  Band. 
Stuttgart,  W.  Kohlhammer,  1889.  In-S,  xxxiij-328  pp. 

Maintenant  que  le  Rig-Véda  a  déjà  été  traduit  nombre  de  fois,  dans 
son  ensemble  ou  par  fragments,  ie  moment  semble  venu  d'essayer  de  le 
comprendre.  C'est  à  quoi  s'emploient  aujourd'hui  deux  éminents  exé- 
gètes,  qui,  sinon  les  premiers,  du  moins  avec  plus  de  décision  et  de 
vigueur  qu'aucun  de  leurs  devanciers,  dénoncent  comme  surannées  et 
inexactes  les  anciennes  méthodes  d'interprétation,  et,  ne  voulant  voir 
dans  le  Rig-Véda  qu'un  livre  exclusivement  hindou,  se  refusent  à  l'ex- 
pliquer autrement  que  par  l'ensemble  de  la  littérature  hindoue.  Selon 
MM.  Pischel  et  Geldner,  on  a  lait  fausse  route  jusqu'à  présent  en  pré- 
tendant éclairer  l'un  par  l'autre  le  Véda  et  la  mythologie  indo-euro- 
péenne :  au  lieu  de  descendre  des  Indo-Européens,  que  nous  ne  con- 
naissons pas,  aux  poètes  védiques,  que  nous  connaissons  fort  peu,  il 
fallait  remonter  à  ceux-ci  en  partant  de  la  littérature  sanscrite  classique, 
bien  plus  aisément  accessible,  et  alors  on  se  serait  aperçu  qu'il  n'y  avait 
dans  les  Védas  rien  d'indo-européen  (p.  xxix,  p.  81,  etc.),  rien  que  de 
purement  hindou,  rien  enfin  qui  se  référât,  de  près  ou  de  loin,  à  la  pré- 
histoire de  notre  race. 

Il  y  a  certes  beaucoup  de  vrai  dans  ces  idées,  et  je  dirais  volontiers 
que  j'en  aime  jusqu'à  l'exagération  :  peut-être  ne  saurait-on  trop  pré- 
munir les  védisants  et  les  indogermanistes  contre  l'illusion  d'une 
«  Bible  aryenne  ».  Néanmoins,  l'exagération  est  évidente  :  de  ce  que  le 
Véda  est  hindou,  l'Iliade  et  l'Odyssée  grecques,  les  Nibelungen  germani- 
ques, s'ensuit-il  qu'ils  n'aient  rien  à  nous  apprendre  sur  le  vieux  fonds 
indo-européen  d'où  ils  sont  certainement  issus  ?  leurs  ressemblances, 
SI  souvent  et  si  ingénieusement  relevées,  seraient-elles  dues  au  hasard 
Nouvelle    série,  XXIX.  5 


82  REVUE   CRITIQUE 

OU  à  Temprunt  ?  ou  ces  œuvres  ne  sont- elles  pas  bien  plutôt  les 
copies  multiplie'cs  et  indéfiniment  grossies  d'un  manuscrit  princeps  que 
les  conteurs  du  temps  jadis  portaient  dans  leur  mémoire?  Je  vais  plus 
loin  :  par  cela  même  que  les  Védas  sont  incontestablement,  dans  quel- 
ques-unes de  leurs  parties.,  plus  rapprochés  de  la  source  commune  que 
la  plupart  des  autres  documents  littéraires  parvenus  jusqu^à  nous,  on 
doit  penser  qu'ils  ont  plus  de  chances  d'avoir  conservé,  sans  trop  les 
travestir,  certains  mythes  indo-européens  moins  fidèlement  reproduits 
ailleurs;  et  la  preuve  en  serait  aisée  à  taire,  si  elle  n'avait  déjà  été  cent 
fois  faite.  Je  suppose,  par  exemple,  que  M.  Pischel  ait  raison  (p.  77  sq.) 
d'assimiler  le  sens  primitif  du  célèbre  mot  gandharvd  sl  celui  de  gârbha 
(germe,  embryon)  ^  :  qu'en  résulte-t-il  de  décisif  quant  à  l'assimilation 
étymologique  et  mythique,  depuis  longtemps  reconnue,  des  Gandharvas 
et  des  Centaures?  Ces  «  embryons  des  eaux  »  (les  nuages  tonnants  et 
flottants?),  dont  les  Hindous  ont  fait  des  génies  et  des  musiciens  célestes, 
i'imaginaiion  hellénique  a  bien  pu  en  faire  des  monstres  biformes  et 
fougueux,  sans  que  l'unité  du  concept  primitif  cesse  de  nous  apparaître, 
une  fois  dégagée  des  ornements  postérieurs  qui  la  dissimulent.  En 
somme,  une  mythologie  isolée,  tout  comme  une  langue  prise  à  part, 
est  et  demeure  à  jamais  impuissante  à  rendre  raison  d'elle-même  et  de 
ses  origines  :  là  où  le  secours  de  la  comparaison  fait  défaut,  comme 
dans  les  théogonies  mexicaines  ou  péruviennes,  je  conçois  qu'on  se 
résigne  à  s'en  passer;  je  comprendrais  moins  bien  qu'on  s'en  privât  de 
parti  pris  lorsqu'on  l'a  sous  la  main. 

Ces  observations,  encore  une  fois,  ne  tendent  nullement  à  infirmer  la 
valeur  de  la  méthode  de  MM.  Pischel  et  Geldner.  Bien  au  contraire,  je 
suis  convaincu,  comme  eux  et  comme  les  chefs  incontestés  de  l'école 
sanscrite  française,  que,  pour  bien  comprendre  les  Védas,  il  faudra 
savoir  oublier  provisoirement  les  mythologies  étrangères  et  remonter, 
du  plus  connu  au  moins  connu,  la  filière  de  la  littérature  hindoue.  Les 
résultats  scientifiques  d'un  semblable  travail  n'apparaissent  nulle  part 
mieux  que  dans  Tinterprétation  des  légendes  que  les  Hindous  se  sont 
plu  à  rééditer  souvent  au  cours  des  âges  et  dont  la  Grèce  ne  nous  offre 
point  l'équivalent,  par  exemple  la  curieuse  aventure  de  Purûravas  et 
Urvaçî,  traduite  en  dialogue  dans  l'hymne  R.  V.  x.  95.  Bien  que 
M.  Geldner  (pp.  243-295)  ne  prétende  pas  avoir  élucidé  dans  ses  der- 
niers détails  ce  texte  exceptionnellement  obscur,  et  que  plusieurs  de  ses 
conjectures  doivent  être  tenues  pour  très  hasardées  2,  il  est  incontestable 

1.  Je  ne  sais  jusqu'à  quel  point  il  est  permis  d'identifier  deux  mots  parce  qu'ils 
semblent  se  substituer  l'un  à  l'autre  dans  deux  formules  védiques  de  sens  analogue. 
C'est  donner  bien  de  la  précision  et  de  la  raideur  au  formulaire  si  vague  et  si  élas- 
tique de  cette  poésie  où  les  mots  remplacent  les  idées. 

2.  De  ce  nombre  est  dhûnayas  c<  musiciens  »  (p.  269).  La  dernière  partie  de  la  st. 
R.  V.  VU.  5b.  8.  est  à  peu  près  inintelligible,  telle  que  M.  G.  la  construit.  Le 
plus  probable,  c'est  que  le  gén.  çârdhasya  dépend  de  mânâmsi,  et  que  l'ensemble 
signifie  «  les  cœurs  de  la  troupe  hardie  sont  fougueux  comme  un  ascète  en  colère  ». 
On  connaît  la  puissance  surhumaine  que  la  littérature  classique  attribue  à  ce  per- 
sonnage. 


d'MISTOIRB    et   DR   LITTÉRATURB  83 

que  sa  traduction  réalise  un  sérieux  progrès.  Il  a  surtout,  ce  me  semble, 
réussi  à  reconstituer  la  physionomie  originale  du  morceau,  en  montrant 
qu'il  devait  se  composer  d'un  récit  en  prose  coupé  par  endroits  d'un 
dialogue  en  vers,  ensemble  d'où  le  récit  a  disparu,  lors  de  la  compila- 
tion du  R.  V.,  par  la  raison  bien  simple  que  dans  un  rg-veda  on  ne 
pouvait  faire  entrer  que  des  «  vers  ».  Il  y  a  là,  non  seulement  pour 
l'intelligence  du  texte  en  lui-même,  mais  encore  pour  la  question  des 
origines  du  théâtre  hindou,  un  document  d'une  inappréciable  valeur, 
qu'utiliseront  les  historiens  futurs.  Voilà  ce  que  l'on  peut  gagner  à 
aborder  franchement  le  védisme  par  l'Inde  et  à  reléguer  l'indogerma- 
nisme  à  l'arrière-plan.  Oui,  sans  doute;  mais,  j'y  insiste,  à  Tarrière-plan 
seulement,  et  sous  réserve  de  savoir  l'en  tirer  à  propos.  C'est  du  reste  ce 
que  fait  M.   Pischel  lui-même  (p.  88),  lorsqu'il  cite  à  propos  du  Véda 
les  vers  d'Aristophane  xbv  M'  àXrfi&q  (oirr^v  oià.  y.ocy.tvou  cjpstv.  Si  les  idées 
éminemment  «   naturalistes  »>  sur  l'origine  de  la  pluie  sont  à  la  fois 
védiques   et  grecques,   elles  ont,   on   l'avouera,  beaucoup   de  chances 
d'être  indo-européennes. 

On  trouve  de  tout  dans  l'ouvrage  de  MM.  P.  et  G.  :  des  traductions 
d'hymnes  entiers,  et  non  des  moins  difficiles,  comme  bien  on  pense; 
des  explications  de  stances  isolées,  en  fort  grand  nombre,  et  surtout  de 
minutieuses  investigations  sur  le  sens  de  tel  ou  tel  mot,  poursuivi  dans 
tous  ses  emplois  à  travers  tous  les  passages  marquants  du  Véda  où  il  se 
laisse  saisir.   Dans  cette  méthode  rigoureuse  et  qui  tient  compte  du 
moindre  détail,  il  faut  parfois  quarante  pages  (pp.  1 1-52)  pour  fixer  le 
sens  d'une  seule  stance  (R.  V.  vi,  49.  8)  ;  mais   combien   d'autres  se 
trouvent  expliquées  de  surcroît  et  au  passage  !  Il  est  bien  rare  que  la 
lumière  ne  jaillisse  pas  d'une  discussion  aussi  abondante;  pourtant,  çà 
et  là,   l'hésitation    reste  encore  permise.   On   ne  voit  point  nettement 
(p.  122I  ce  que  M.  P.  ajoute  au  sens  déjà  connu  de  Véphhàxc  aptûr;  car, 
si  la  racine  tar  y  implique  sans  contredit  le  sens  de  0  traverser  »,  et  par 
suite  celui   de   «  dépasser  »,   il  est  clair  que  vrtratiir  signifie  «  qui 
dépasse  les  V7"tras  »,  par  conséquent  «  qui  en  triomphe  »,  et  que  cette 
interprétation  ne  s'oppose  nullement  à  celle  de  aptûr  et  de  rajastûr  par 
«  qui  traverse  les  eaux,  qui  traverse  les  espaces  ».  Le  sens  de  aptûrya, 
à  son  tour,  s'en  déduit  sans  difficulté  :  traverser  les  eaux,  dans  la  con- 
ception védique,  c'est  les  dépasser  et  les  conquérir.  On  regrettera  aussi 
que  M.  G.  ait  consacré  un  si  long  développement  au  sens  de  vvjdna 
neutre  (pp.  i  Sg-i  54),  sans  y  comprendre  la  question  non  moins  délicate 
de  vr;ana  masculin,  qu'il  nous  promet  pour  un  prochain  article  (p.  i5i)  : 
les  deux  homonymes  auraient  gagné  à  n'être  pas  disjoints.  Enfin,  bien 
qu'il  y  ait  certainement  avantage  à  se  représenter  l'hymne  R.  V,  iv.  27. 
comme  un  dialogue  à  trois  ou  même  quatre  personnages  (p.  21 5),  on  a 
grand'peine  à  admettre  \)onv  pûramdhî,  cette  entité  divine  si  souvent  et 
presque  constamment  personnifiée,  le  sens  d'un  simple  adjectif  signi- 
fiant «  généreux  »,  et  ce  dans  un  hymne  où  figurent  précisément  plu- 
sieurs autres  personnalités  mythiques. 


84  REVUE    CRITIQUE 

Parmi  les  conjectures  qui  paraissent  de  nature  à  inte'resser  plus  par- 
ticulièrement les  grammairiens,  je  dois  signaler  celle  d'un  accent  cir- 
conflexe sanscrit  (p.  192),  tout  à  fait  distinct  du  svarita  qu'on  désigne 
habituellement   par  ce  terme,   accent  qui   résulterait  de  la  fusion    de 
Tudàtta  avec  la  longueur  naturelle  de  la  syllabe,  et  qui  seul  aurait  la 
propriété  de  faire  compter  la  longue  pour  deux  brèves  dans  la  mesure 
du  vers  ^.  Non  moins  importante,  et  même,  quoi  qu^en  puisse  penser 
M.   P.,  au   point  de  vue  de    l'indogermanisrae,  serait  la   découverte 
(pp.  61-77)  d'un  datif  en  -â  dans  la  déclinaison  des  thèmes  en  -^-;  car 
enfin,  si  —  ce  qui  ne  saurait  faire  doute  —  le  type  açvdya  est  hystéro- 
gènc  et  dénoncé  comme  tel  par  tout  l'ensemble  des   témoignages  indo- 
européens -,  si  d'autre  part  il  existe  dans  le  Véda,  tiré  d'ailleurs  à  aussi 
peu  d'exemplaires  que  l'on  voudra,  un  type  de  datif* açvd,  la  conclu- 
clusion  s'impose  :  c'est  ce  type  *  açvd  =■  ^  açvai  (cf.  au  locatif  le  doublet 
agnaii  et  agnâ)  =  gr.  Ir.T^iù  =  lat.  equô  =  zend  asjpâi,  qui  représente  le 
véritable  datif  indo-européen,  dont  l'autre  n'est  qu'une  amplification 
postérieure.  Il  importe  peu  que  ce  datif  écourté  n'apparaisse  que  dans 
certaines  liaisons  où  précisément  l'euphonie  a  pu  en  faire  préférer  l'em- 
ploi :  quand  la  forme  plus  simple  apporte  avec  elle  tant  de  garanties 
d'authenticité,  pourquoi  vouloir  à  toute  force  la  faire  sortir  par  abré- 
viation de  la  forme  plus  compliquée?  Personne,  je  pense,  ne  s'aviserait 
plus  de  soutenir  que  les  pluriels  neutres  en  -a  soient  apocopes  de  ceux 
en  -âni.  La  déclinaison  sanscrite,  on  ne  saurait  se  le  dissimuler,  a  subi, 
du  chef  de  l'analogie,  de  graves  et  profondes  atteintes  :  c'est  une  raison 
de  plus  pour  colliger  avec  soin  tout  ce  que  la  langue  védique  nous  offre 
encore  de  vestiges  anciens. 

Parmi  les  interprétations  nouvelles  et  curieuses,  je  mentionnerai  celle 
des  stances  R.  V.  I.  120.  10-12.  et  VIII.  70.  i3-f  5.  par  une  dânastiiti 
ironique  (le  chantre,  sous  couleur  d'éloge,  tourne  en  ridicule  les  présents 
mesquins  qu'il  a  reçus).  Cela  est  fort  possible,  en  effet  :  les  poètes  védi- 
ques n'étaient  rien  moins  que  désintéressés,  et  plus  d'un  parmi  leurs 
clients  pouvait  être  tenté  de  laisser  Castor  et  PoUux  s'acquitter  envers 
Simonide.  Il  serait  piquant  de  trouver  jusqu'à  de  l'humour  dans  cette 
poésie  monotone,  artificielle  et  gourmée;  mais,  plus  la  tentation  est 
forte,  plus  il  faut  peut-être  se  défendre  d'y  céder  3.  Pour  l'application 
de  l'hymne  A.  V.  I.  18.  au  chat  domestique  (p.  3i3),  c'est  une  de  ces 
trouvailles  dont  on  ne  peut  s'empêcher  de  dire:  «  Si  ce  n'était  pas  vrai, 
quel  dommage  !  •*  » 

I.  En  ce  cas,  je  suppose  que  la  scansion  bien  éta.b\\Q  sâkhînaam  (et  similaires)  est 
analogique  de  la  scansion  matlnaâm,  qui  serait  régulière, 

■2.  Cety  me  paraît  provenir  de  l'analogie  des  thèmes  similaires  en  -â,  autrement 
dit,  acvûya  est  refait  sur  acvdyai,  datif  de  aovd  (jument). 

3.  Parmi  les  passages  qui  impliquent  pour  vdjînîvant  le  sens  de  «  riche  en 
juments  »,  il  est  étonnant  que  M.  P.  n'ait  pas  relevé  A.  V.  X.  4.  7.,  où  ce  mot  sert 
d'épithète  au  cheval  de  Pedu;  car  le  cheval  de  Pedu  est  un  étalon,  cf.  R.  V.  I. 
118.   9. 

4.  La  grande  objection,  c'est  vlcyapadîm  ;  car,  après  tout,  vvshadatim  pourrait 
signifier  «  aux  dents  puissantes  »;  mais  il  serait  étrange  que  les  conjurateurs  fus- 


d'histoirk  et  de  littérature  85 

En  parcourant  le  domaine  que  Bergaigne  a  sillonné  en  tous  sens  de 
sa  lumineuse  exégèse,  MM.  Pischel  et  Geldner  ne  pouvaient  manquer 
de  marcher  souvent  dans  les  voies  qu'il  avait  frayées  :  parfois  ils  le  citent 
en  adoptant  ses  vues  (p.  1 15);  parfois  ils  se  rencontrent  avec  lui  à  leur 
insu,  comme  on  le  verra  bientôt  par  la  publication  de  sa  Chrestomathie 
Védique  ^  ;  mais  en  général,  ils  ne  se  font  point  faute  de  se  séparer  de 
lui  et  de  le  combattre,  et  cette  opposition  même  rend  d'autant  plus 
précieux  l'hommage  public  qu'ils  ont  cru  devoir  lui  rendre  (p.  xx)  et 
qui  les  honore  autant  que  lui.  Qu'il  nous  soit  permis  d'en  prendre  acte 
ici,  au  nom  de  la  science  française  et  de  ses  amis  en  deuil  :  <?  Bergaigne 
est  sans  aucun  doute  le  savant  qui  a  le  mieux  connu  le  Rig-Véda.  » 

V.  Henry. 


54.  —    J.    Tolstoï   et  N.  Kondakov.    Itousskîe  Di-evnosti    v    pumiatmikakli 

iskousstva.  Les    antiquiie's   russes    dans  les   monumeius    de   l'art.    (Deuxième 
fascicule,  antiquités  scythes-sarmates).  In-4  de  iSy  p.  S'-Pétersbourg,  1889. 

Ce  volume  fait  partie  d'une  série  de  monographies  qui  comprendront 
toute  rhistoire  archéologique  de  la  Russie.  J'ai  rendu  compte  du  pre- 
mier fascicule  dans  un  numéro  récent  de  la  Revue  archéologique  (août 
1889)  et  je  ne  répéterai  pas  ici  des  détails  qu'on  peut  trouver  facilement 
dans  la  notice  en  question.  Le  présent  fascicule  est  consacré  aux  anti- 
quités Scythes  sarmates  :  il  est,  comme  le  premier,  rédigé  avec  beaucoup 
de  soin  et  illustré  d'une  façon  très  suffisante.  Il  résume  un  erand  nom- 
bre  de  travaux  russes  peu  accessibles,  ceux  du  professeur  Brunn  (sur  la 
Scythie  d'Hérodote),  de  M.  Mistchenko  (de  Kiev),  de  M.  Lapno-Da- 
nielevsky  sur  les  Antiquités  scythiques,  etc.  Tout  en  rendant  justice  à 
ces  recherches,  MM.  Tolstoï  et  Kondakov  déclarent  qu'à  leur  avis  l'ar- 
chéologie Scythe  sarmate  est  encore  à  sa  période  de  début.  Ils  regrettent 
que  les  objets  découverts  tombent  le  plus  souvent  aux  mains  d'amateurs 
ignorants  ou  soient  tout  simplement  pillés  par  ceux  qui  les  découvrent. 

sent  assez   peu    naturalistes  pour  attribuer  au  chat  des  pattes  d'antilope,  qui  font 
plutôt  songer  au  pied  de  bouc  dont  nos  légendes  ont  fait  l'apanage  du  diable. 

I.  Je  note  dès  à  présent  quelques-unes  de  ces  coïncidences  :  — vdja  ne  signifie 
jamais  «  cheval  »  (pp.  10  et  47);  toutefois  Bergaigne  n'aurait  certainement  pas  admis 
la  traduction  de  vàjebhis  par  a.  avec  force  »,  et  je  pense  qu'il  aurait  envisagé  la 
liaison  vâjcbhir  vdjinivati  comme  une  construction  irrégulière,  pouvant  équivaloir 
kvujavati  vâjinivati,  soit  «  riche  en  butin  et  en  juments  »;  —  l'identité  absolue  de 
féru  et  de  perû,  malgré  la  différence  d'accent  (p.  89;  ;  —  vdua  ne  signifie  jamais 
o  nuage  »  (p.  114);  —  pvshadaçva  signifie  «  qui  a  pour  chevaux  des  antilopes  »,  et 
non  «  qui  a  des  chevaux  mouchetés  »  (p.  226);  —  la  synonymie  de  vayv.na  et  de 
r/a  (p.  3oo),  etc.  Je  relève  enfin  (p.  139)  cette  phrase  de  M.  G.  ;  «  La  tendance  parti- 
culière de  Grassmann  àt  fendre  un  mot  en  un  grand  nombre  de  significations  hété- 
rogènes, est  de  nature  à  éveiller  a  priori  la  méfiance.  »  On  sait  que,  sans  se  départir 
jamais  de  la  courtoisie  et  du  respect  dus  aux  lexicographes  ses  aînés,  Bergaigne  n'a 
cessé  de  protester  avec  énergie  contre  cet  abus  ei  de  faire  porter  sur  ce  point  essen-^ 
|iel  à  ses  yeux  presque  tout  l'effort  de  sa  puis8£?iue  polémicjiîe. 


86  REVUE    CRITIQUE 

Cet  excellent  petit  volume  d'un  prix  très  accessible  (un  rouble)  con- 
tribuera certainement  à  répandre  dans  la  Russie  méridionale  le  goût  des 
recherches  sérieuses.  Que  les  auteurs  nous  permettent  de  leur  adresser 
une  requête  au  nom  de  leurs  confrères  de  l'étranger.  Nous  comprenons 
très  bien  qu'ils  écrivent  en  langue  russe  :  mais  ne  pourraient-ils  mettre 
au-dessous  de  leurs  planches  un  mot  d'explication  en  français  ou  en 
latin  :  tel  objet  trouvé  par  telle  personne  en  tel  endroit.  Sans  nuire  au 
caractère  national  de  leur  œuvre,  ils  en  accroîtraient  certainement  l'im- 
portance et  lui  assureraient  un  cercle  de  lecteurs  plus  considérable.  — 
Le  prochain  volume  traitera  des  antiquités  de  la  Sibérie,  de  l'Asie  cen- 
trale, du  Caucase  et  du  Sud-Est  de  la  Russie. 

L.  Léger. 

55.  —  Horace.  Etude  psychologique  et  littéraire»  par  Jules  Poiret.  Paris, 
Thorin,  jSgo,  35i  p. 

Il  semble  qu'il  a  passé  dans  Pâme  de  M.  Poiret  quelque  chose  des  dis- 
positions du  poète  qui  écrivait  à  Mécène  (Odes,  III,  9,  27-28)  : 

Dona  praesentis  cape  lœtus  horse,  et 
Linque  severa. 

M.  Poiret  a  banni  en  effet  de  son  ouvrage  tout  ce  qui  pouvait  lui 
donner  un  aspect  trop  austère;  ce  qui  est  trop  philologique  en  est  absent. 
Il  s'est  attaché  à  montrer  qu'il  est  psychologue  et  littérateur. —  Psycho- 
logue, il  l'est  lorsqu'après  avoir  rappelé  les  débuts  d'Horace  il  se  plaît 
à  étudier  dans  le  cœur  du  poète  le  développement  de  l'orgueil,  de  l'ava- 
rice, de  la  gourmandise,  de  la  colère,  de  la  paresse,  de  Tamour,  de 
l'envie,  des  sept  péchés  capitaux  en  un  mot,  et  qu'il  esquisse  la  philo- 
sophie d'Horace,  épicurien  demi-croyant,  que  la  pensée  de  la  mort 
anime  et  console.  M.  Poiret  remplit  à  merveille  le  programme  qu'il 
s'est  tracé  dans  la  préface  ^  (p.  i3)  :  «  Dussions-nous  nous  moquer  un 
peu  d'Horace  qui  s'est  tant  moqué  de  son  prochain,  finissons  ce  que 
Dave  a  commencé,  mettons-le  face  à  face  avec  ses  passions,  poussons 
son  amour-propre  dans  ses  derniers  retranchements  et  cherchons  dans 
son  cœur  la  raison  de  son  génie.  » 

M.  P.  montre  qu'il  est  littérateur,  dans  son  étude  sur  la  critique  litté- 
raire d'Horace  à  qui  il  reproche  d'être  partial,  d'avoir  une  poétique 
trop  sévère  et  trop  personnelle. 

La  conclusion  de  ce  travail,  c'est  que  dans  la  physionomie  du  poète 
domine  le  sourire,  mais  un  sourire  d'une  nature  particulière,  et  avec 
cela  a  une  indifférence  raison  née  à  tous  les  accidents  réels  ou  possibles, 
a  et  une  bonne  humeur  qui  finit  toujours  par  reprendre  le  dessus.  » 

Dans  tout  le  cours  de  cet  ouvrage,  on  sent  qu'on  a  affaire  à  un  huma- 
niste. —  Il  est  écrit  dans   un  style  vif,  alerte,  qui  ne  redoute  pas  de 

I .  Signalons  à  la  première  page  de  la  préface  une  faute  d'impression  :  on  y  lit 
Dichterpersœulicheit  au  lieu  de  Dichterpersœnlichkeit. 


d'histoire  et  de  littérature  87 

temps  en  temps  la  familiarité;  aussi  le  lit-on  sans  peine,  et  nous  som- 
mes convaincu  qu'il  sera  lu. 

Isaac  Uri. 


56.  —  T.  tiivl  ab  ut>be  condita  libi-i.  Ed.  Ant.  Zingerle.  Pars  V.  Lib.  xxxi- 
XXXV.  éd.  major.  Vienne  et  Prague,  Tempsky.  Leipzig,  Freytag,  1890,  petit  in-8, 
praef.  v-vii,  1-229. 

37.  —   Cornelii   Xaciti   De  vita   et   moribus    «lulii  .AgricoI»e>    liber.    Âd 

fidem  codicum  éd.  A.  E.  Schoene  Dr.  Phil.  Berlin,  Calvary,  1889.  In-8.  Texte, 
1-23.  Adnotationes,  24-40.  Commentarius  Criticus,  41-45.  Index  nominum  pro- 
priorum. 

M.  Zingerle  nous  donne  dans  la  collection  dirigée  par  Car.  Schenkl 
la  suite  d'une  édition  de  Tite-Live  dont  nous  avons  eu  déjà  l'occasion 
de  parler  ^  Ce  volume  est  fait  avec  le  même  soin  que  les  précédents.  11 
nous  rendra  plus  de  services  encore  puisque,  pour  Pinstant,  l'édition  de 
Aug.  Luchs  ne  contient  que  la  troisième  décade.  Les  lapsus  que  j'ai 
relevés  dans  le  livre  XXXI  sont  tout  à  fait  insignifiants. 

Le  second  ouvrage  indiqué  forme  le  premier  fascicule  du  t.  X  des 
Berliner  Studien.  C'est  une  contribution  méritoire  aux  études  sur 
Tacite.  Il  est  seulement  regrettable  que  la  disposition  et  Pexécution 
typographique  soient  partout,  mais,  surtout  dans  les  notes  critiques,  des 
plus  médiocres;  que,  parmi  les  très  nombreux  rapprochements  que  fait 
l'éditeur,  beaucoup  ne  soient  nullement  topiques;  enfin  que  quelques 
bonnes  corrections,  heureusement  conçues  '  ou  défendues  avec  mé- 
thode \  soient  étouffées  sous  une  masse  de  changements  et  de  conjec- 
tures peu  probables  qui  presque  toujours  ont  pris  place  dans  le  texte. 

E.  T. 


58.  —  Omwerkings-  en  Conipilatie-Hypotbesen  tœgepast  op  de  Apoka- 
lypse  van  Johannes,  door  G.  J.  Weyland.  Groningen,  Wolters,  1888,  in-8, 
182  pages. 

Nous  rendions  compte,  il  n'y  a  pas  longtemps,  à  cette  même  place, 
de  divers  travaux  consacrés  à  l'origine  et  à  la  composition  de  l'Apoca- 
lypse de  S.  Jeatî^,  et  nous  disions  la  fortune  singulière  de  cet  écrit, 
pour  lequel  un  accord  relatif  s^était  établi  dans  les  cercles  savants,  mais 
dont  le  sort  se  trouvait  soudain  remis  en  question.  Le  théologien  hol- 
landais, dont  l'œuvre  nous  est  soumise  aujourd'hui,  s'engage  à  son 
tour  dans  la  voie  périlleuse  de  la  dislocation   à  outrance,  dont   nous 


1.  Voir  la  Revue  du  16  juillet  1888,  p.  48. 

2.  9,  et  alla  vitia  exuerat. 

3.  Par  exemple  12,  nobis,  au  lieu  de:  pronobis;  pro  provient  d'une  abre'viation  de 
populo  romano,  glose  de  nobis;  ibid.  patiens  fiugum.  Fétus  (Fel')...,  au  lieu  de 
paiiens  frugum,  fecundiim  (fec') . 

4.  Revue  critique,  188g,  n»  4. 


88  REVUE   CRITIQUE 

avons  donné  quelque  idée.  M.  Weyland  admet  trois  auteurs,  deux  juifs 
et  un  chrétien.  Un  premier  auteur  Juif  écrivait  en  l'an  69,  un  second 
en  81  de  l'ère  chrétienne,  le  rédacteur  ou  compilateur  est  lui-même  de 
140  après  J.-C.  Nous  avons,  dans  l'article  auquel  il  est  renvoyé,  dit 
très  nettement  notre  avis  sur  ces  procédés  d'hypercritique,  où  la  fantaisie 
personnelle  se  donne  beau  jeu  sous  des  apparences  de  rigueur  et  de 
précision. 

M.  Vernes. 


5g.  —  Carlo  Tanzi.  La  cronologia  degli  ecritti  di  Alagno  Felice  Enno- 
dio.  —Un  papiro  perduto  dell'epoca  di  Odoacre.  Trieste,  Herrmanstorfer,  1889, 
I  vol.  in-8,  78  pages. 

Dans  les  œuvres  d'Ennodius,  telles  que  nous  les  ont  livrées  le  manus- 
crit de  Bruxelles  9845-9848  et  le  Vaticanus  38o3,  et  telles  que  récem- 
ment Fr.  Vogel  les  a  éditées  dans  les  Monumenta  Germaniœ  historica, 
in-4f>,  M.  Carlo  Tanzi  distingue  quatre  parties  différentes,  quatre  volu- 
mes rassemblés  à  diverses  époques  et  réunis  plus  tard  en  un  seul  : 
1°  I-XCV;  à  la  suite  de  cette  lettre  95  se  trouvent  deux  épigrammes 
dans  V  et  que  Vogel  a  rejetées  à  tort  à  la  fin  de  son  édition  ;  ces  deux 
pièces  marquent  le  début  d'un  volume  nouveau;  2°  XGVI-CCXLIV. 
La  lettre  244  se  termine  par  le  mot  le^i,  qui  indique  évidemment  la 
révision  d'un  ouvrage  qui  se  terminait  en  cet  endroit;  3°  CCXLV- 
CCCLXIII  (nous  négligeons  les  intercalations  que  suppose  Pauteur). 
A  la  fin  du  n»  363,  on  \\m  Ennodius  emendavimeamDeo  meo  juvante  »; 
4°  Le  reste  des  œuvres.  Ce  principe  une  fois  admis,  dit  M.  Tanzi,  la 
chronologie  des  œuvres  d'Ennodius  est  plus  facile  à  établir.  Celles  du 
tome  I  sont  les  œuvres  du  début,  composées  de  496  à  507;  celles  du 
second  ont  été  rédigées  vers  509  ;  celles  du  troisième  en  5o3-5o5  et  509  ; 
celles  du  quatrième  de  5 1  o  à  5 1 3 .  La  thèse  ne  nous  paraît  pas  être  exacte. 
Les  mots  «  Ennodius  emendavi,  etc.  »  peuvent  s^appliquer  au  n»  363 
tout  seul  et  non  à  l'ensemble  des  opuscules  qui  précèdent.  Puis, 
M.  Tanzi  ne  peut  pas  lui-même  assigner  des  dates  différentes  aux 
lettres  des  trois  premiers  volumes.  Néanmoins,  son  ouvrage  ne  doit 
pas  être  négligé  de  ceux  qui  s'occupent  d'Ennodius:  il  contient  de  fines 
remarques  dont  l'historien  fera  son  profit. 

Le  papyrus  perdu  de  l'époque  d'Odoacre  est  une  charte  que  cite  un 
manuscrit  de  Tristano  Calchi  et  par  laquelle  Flavius  Paulus  Andréas, 
vicaire  de  ce  souverain  à  Milan,  céda  des  biens  à  Benevent,  et  en  Cam- 
panie  à  un  certain  Vigile,  en  échange  de  ceux  qu'on  lui  avait  enlevés. 

Ch.  Pfister. 


d'histoire  et  de  littérature  89 

(jo.  Rabelais,  sa  personne,  son  génie,  son  œuvre,  par  Paul  Stapfer,  professeur 

à  la  Faculté  des   lettres  de  Bordeaux.  Paris,  Armand  Colin,   iSSg.  x  vol.  in-12, 
xiv-5o7  p. 

Le  nouvel  ouvrage  de  M.  Stapfer  a  été  accueilli  avec  faveur.  Disons 
tout  de  suite  que  son  succès  était  tout  à  fait  mérité  et  qu'il  est  digne 
de  figurer  en  un  excellent  rang  parmi  les  nombreux  livres  ou  travaux 
dont  Rabelais  a  été  jusqu'ici  l'objet.  Cest  qu^on  y  retrouve,  et  non  sans 
plaisir,  les  qualités  qui  ont  signalé  à  l'attention  du  public  les  précé- 
dents ouvrages  de  l'auteur  :  des  vues  personnelles,  un  tour  d'esprit 
franchement  original,  une  allure  très  libre  et,  ce  qui  vaut  mieux  peut- 
être  que  tout  le  reste,  une  absolue  sincérité.  De  plus,  cette  étude  corres- 
pondait à  un  besoin  réel.  Le  nombre  des  personnes  capables  de  com- 
prendre et  de  goûter  Rabelais  par  elles-mêmes  est,  somme  toute,  assez 
restreint.  Son  œuvre  n'est  pas  de  celles  qu'on  aborde  d'emblée  et  sans 
préparation.  Pour  le  lire  et  pour  le  pratiquer  avec  fruit,  une  sorte  d'ini- 
tiation est  nécessaire.  A  plus  forte  raison,  faut-il  pour  l'aimer,  des  con- 
naissances positives  qui  ne  sont  rien  moins  que  vulgaires.  Parmi  ceux 
qu'on  est  convenu  d'appeler  les  gens  du  monde,  beaucoup  goûtent  Ra- 
belais par  genre;  bien  peu  l'ont  lu  et  surtout  relu.  Ils  en  sont  réduits 
sur  son  compte  à  quelques  appréciations  vagues  et  générales,  qui  pour 
paraître  hardies  n'en  sont  que  plus  dénuées  de  sens  et  de  sincérité.  Ne 
craignons  pas  de  l'avouer,  l'auteur  de  Pantagruel  exige  de  ceux  qui 
veulent  le  comprendre  autre  chose  que  de  l'enthousiasme  et  de  la  bonne 
volonté.  Celui  qui,  faisant  fi  d'une  éducation  préparatoire,  se  mettrait  en 
face  de  cette  œuvre  dont  trois  siècles  et  demi  nous  séparent  et  préten- 
drait, armé  de  son  seul  bon  sens,  en  pénétrer  le  sens  caché,  risquerait 
fort  de  n'y  rien  voir.  Que  de  gens  à  qui  Rabelais,  faute  d'un  guide  au- 
torisé, est  demeuré  fermé!  C'est  à  ceux-là  que  M.  S.  présente  tout 
d'abord  son  livre.  Il  l'offre  encore  à  ceux  qui,  aimant  d'instinct  l'homme 
et  son  œuvre,  éprouvent  le  désir  de  raisonner  leur  affection, aux  étudiants 
de  bonne  volonté  qui  cherchent  «  un  fil  conducteur  dans  ce  labyrinthe 
de  richesses  entassées  et  confuses  »  ;  enfin  «  à  un  petit  nombre  de  dames 
de  grand  sens  et  de  libre  esprit  ».  M.  S.  poursuivait  ainsi  un  but  très  pré- 
cis, clairement  défini;  il  Ta  pleinement  atteint. 

L'ouvrage  commence,  comme  de  raison,  par  une  biographie  de  Rabe- 
lais, point  pédante,  alerte  et  agréable  à  lire.  Sans  doute,  elle  n'apporte 
guère  de  nouveau;  mais  on  ne  saurait  en  faire  un  reproche  à  son  au- 
teur. La  vie  de  notre  grand  écrivain  a  été  si  souvent  et  si  patiemment 
étudiée,  qu'il  est  bien  difficile,  à  moins  de  découvertes  tout  à  fait  impré- 
vues, d'espérer  y  apporter  de  nouvelles  clartés.  Ce  n'est  point  cependant 
que  les  points  obscurs  n'y  abondent.  Pour  ne  parler  que  d'une  seule 
période,  la  jeunesse  et  les  années  de  début  renferment  encore  une  grande 
part  de  mystère.  L'histoire  de  la  formation  littéraire  et  scientifique  de 
Rabelais  est  une  énigme  sur  laquelle,  à  mon  sens,  on  n'a  point  assez  in- 
sisté jusqu'à  présent.  On  s'est  trop  contenté  d'explications  vagues,  ou 


go  REVUE    CRITIQUE 

pour  mieux  dire,  d'à  peu  près.  L'amitié  de  Pierre  Amy,  les  relations 
avec  Tiraqueau,  avec  Bouchard  et  quelques  autres,  la  fréquentation  de 
l'entourage  érudit  de  Geoffroi  d'Estissac  à  Maillezais   n^expliquent  pas 
tout.  Comment  admettre  sérieusement  que  ce  savoir  universel  qui  se 
révéla  chez  Rabelais  dès  le  début  et  qui  frappa  d^admiration  ses  contem- 
porains, ait  été  acquis  dans  une  cellule  de  cordelier,  grâce  à  de  doctes 
entretiens  et  à  une  bibliothèque  bien  montée?  C'est  là  un  fait  qui  peut  à 
la  rigueur  se  concevoir  pour  d'autres  époques,  mais  qui  semble  impos- 
sible au  commencement  du  xvi^  siècle.  Il  était  nécessaire  à  quiconque 
voulait  s'instruire  dans  les  nouvelles  méthodes  de  courir  le  monde,  de 
voir  de  près  les  quelques  savants  dépositaires  de  la  science  nouvelle,  de 
s'introduire  dans  leur  familiarité,  d'aller  entendre  les  rares  maîtres  qui 
dans  les  Universités  avaient  rompu  avec  la  routine.  Le  mouvement 
scientifique  n'était  encore  qu'à  son  début.  Il  n'avait  pas  eu  le  temps  de 
gagner  les  petits  centres  et  se  trouvait  encore  circonscrit  dans  trois  ou 
quatre  grandes  villes  en  France.  C'est  à  Paris  surtout  que  l'étudiant 
pouvait  espérer  entrer  en  relation  avec  le  petit  groupe  de  privilégiés  qui 
détenaient  la  culture  nouvelle.  Il  n'est  point  de  savant  de  la  Renaissance 
qui  n'y  ait  fait,  dans  sa  jeunesse,  un  séjour  plus  ou  moins  prolongé. 
Gomment  croire  à  un  Rabelais  encyclopédique,  à  la  fois  philologue,  ju- 
riste,  naturaliste  et  médecin,  tel  qu'il  nous  apparaît  dès   i5  3o,  formé 
tout  entier  en  Poitou  ?  Ace  point  de  vue,  l'hypothèse  formulée  par  M.  S. 
pages  i5  et  170,  hypothèse  à  laquelle  nous  avions  déjà  songé  nous- 
même,  se  présente  avec  beaucoup  de  vraisemblance.  Entre  1524,  date  de 
sa  sortie  du  couvent  de  Fontenay,  et  i53o,  date  de  sa  première  inscrip- 
tion à  Montpellier,  Rabelais  dut  non  seulement  séjourner  à  Paris  et  à 
Lyon,  mais  encore  bien  probablement  étudier   la  science  juridique  à 
Orléans  et  à  Bourges.  Les  pérégrinations  savantes  de  Pantagruel,  rap- 
portées au  chapitre  5  du  livre  II,  présentent  sûrement  quelque  analogie 
avec  les  siennes  propres.  Il  n^est  pas  possible  de  lire  ce  curieux  chapitre, 
d'en  suivre  l'itinéraire  si  minutieusement  détaillé,  les  descriptions  si  pré- 
cises, sans  songer  qu'il  doit  s^  trouver  une  grande  part  de  souvenirs 
personnels.  Peut-être  la  lumière  se  fera-t-elle  quelque  jour  sur  cet  inté- 
ressant problème  d'origines? 

Sans  vouloir  insister  davantage  sur  la  partie  biographique,  nous  fe- 
rons cependant  à  l'auteur  un  reproche.  Le  côté  bibliographique  est,  d'une 
manière  générale,  trop  négligé  dans  son  étude.  Il  se  montre  trop  dédai- 
gneux des  procédés  ordinaires  de  l'érudition.  Je  sais  bien  quHI  ne  pré- 
tendait pas  faire  œuvre  savante  et  qu'il  préférait  rester  dans  son  rôle  de 
vulgarisateur;  mais,  n'importe,  une  bibliographie  claire,  sobre,  bien  au 
courant,  en  tête  du  volume,  eût  été  la  bienvenue,  surtout  pour  ce  qui  con- 
cerne la  biographie.  Les  références,  les  renvois  aux  sources  sont,  dans 
cette  dernière,  trop  souvent  omis  '.  Nombre  de   citations   de   textes 

I.  En  revanche,  on  ne  saurait  citer,  comme  le  fait  M.  S.  (p.  333),  pour  une  affaire 
de  l'importance  de  celle  des  Placards:  L'histoire  de  France  racontée  à  mes  petits  en- 


d'histoire    et   de    LITTERATURE  gi 

auraient   dû  être    justifiées  avec    une    plus    scrupuleuse    exactitude. 

D'autre  part,  l'auteur  aurait  bien  fait  de  ne  pas  se  fier  entièrement  aux 
textes  relatifs  à  la  biographie  de  Rabelais,  donnés  au  tome  VII  de  l'édi- 
tion Jannet.  Plusieurs  de  ces  textes,  notamment  ceux  qui  sont  extraits 
de  la  correspondance  avec  Guillaume  Pellicier  sont  défectueux  i. 
M.  S.  aurait  dû,  au  moins  pour  ce  qui  concerne  les  documents  les  plus 
importants,  recourir  aux  originaux.  Il  eût  évité,  grâce  à  cette  précau- 
tion, des  citations  incompréhensibles  du  genre  de  celle-ci,  faite  à  propos 
de  la  célèbre  consultation  du  président  de  Milan,  Philippus  Saccus,  dont 
Pellicier  parle  dans  Tune  de  ses  lettres  :  «  Or,  le  1 3  avril  1 540,  sa  femme 
«  luy  a  fait  una  picta  piche.  *  Ce  passage,  si  souvent  cité,  ne  présente 
aucun  sens.  Il  faut  lire  :  1  Sa  dicte  femme  luy  a  faict  iina puta; per  che 
si  disputa  si  cest  enfantement  est  légitime.  »  Je  n'ai  pas  besoin  de  faire 
remarquer  que  cette  nouvelle  leçon  offre  un  sens  très  clair. 

Le  deuxième  chapitre  intitulé  Les  Satires  renferme  nombre  de 
réflexions  justes  et  ingénieuses.  Faut-il  dire  cependant  que  l'apprécia- 
tion générale  de  l'humour  de  Rabelais  nous  paraît  un  peu  téméraire? 
Le  Rabelais  de  M.  S.  est,  à  notre  avis,  un  Rabelais  trop  pleinement 
bon,  trop  indulgent,  trop  sceptique,  pour  tout  dire,  trop  débonnaire  ^. 
Nous  croyons  que  l'auteur  de  Pantagruel  a.  eu  la  dent  plus  dure,  la 
haine  plus  vigoureuse.  A  coup  sûr,  il  serait  téméraire  de  le  transformer 
en  apôtre.  Mais  nous  persistons  à  croire,  malgré  l'argumentation  de 
M.  S.,  que  ses  convictions  ont  été  plus  profondes,  plus  énergiques.  A 
ce  point  de  vue,  l'analyse  si  fine,  si  mesurée  de  M.  Gebhart  se  rappro- 
che assurément  davantage  de  la  vérité. 

Dans  ce  même  chapitre,  M.  S.  énumère  les  satires  personnelles  qui  se 
trouvent  dans  l'œuvre  de  Rabelais.  «  On  voit,  dit-il,  qu'il  nV  en  a 
guère  et  qu'elles  ne  sont  pas  bien  méchantes.  »  La  remarque  est  juste. 
On  pourrait  découvrir  cependant  çà  et  là,  dans  Rabelais,  d'autres  sa- 
tires personnelles  qui  manquent  à  la  liste  dressée  par  M.  Stapfer.  Je 
signalerai,  en  particulier,  au  chapitre  xxi  du  livre  IV,  la  satire  dirigée 
contre  Pierre  Tempête,  régent,  puis  principal  de  ce  fameux  collège  de 
Montaigu,  dont  l'auteur  de  Pantagruel  ne  parle  jamais  qu'avec  haine 
et  dégoût.  Le  nom  de  ce  brutal  personnage  se  présentait  tout  naturel- 
lement sous  la  plume  de  Rabelais  dans  l'épisode  de  la  Tempête.  La 
traduction  burlesque  d'un  vers  des  Epodes  d'Horace  lui  a  fourni  l'oc- 
casion de  fustiger  à  son  tour  ce  «  grand  fouetteur  d'escoliers  » . 

fants.  Il  y  avait  des  sources  beaucoup  plus  précises  à  indiquer.  Ailleurs,  les  titres 
sont  inexactement  donnés.  Ainsi  page  33o,  le  titre  de  l'ouvrage  de  Calvin  donné 
dans  la  note  i  est  inexact.  C'est  Traité  des  reliques  qu'il  faut  lire. 

1.  C'est  ce  que  l'on  verra  quand  l'édition  de  la  correspondance  de  Guillaume  Pelli- 
cier, que  préparent  actuellement  MM.  Kaulek  et  Tausserat,  du  ministère  des  Affaires 
étrangères,  aura  paru. 

2.  Cette  tendance  a  été  encore  exagérée  dans  quelques  comptes  rendus  écrits  sur 
l'étude  de  M,  S.  C'est  ainsi  qu'un  critique  délicat,  M.  Anatole  France,  dans  un  ar- 
ticle du  journal  Le  Temps  arrive  à  nous  présenter  un  Rabelais  paterne  et  bon  en- 
tant qui  n'a  rien  de  commun  avec  celui  de  Pantagruel. 


g2  REVUE    CRITIQUE 

Plus  loin,  ce  que  M.  S.  dit  louchant  la  papauté  et  les  moines,  dans 
l'œuvre  de  Rabelais,  nous  semble  en  quelques  points  contestable.  En  re- 
vanche, le  paragraphe  qui  concerneles  juges  et  la  justice  est  excellent.  Le 
développement  relatif  à  la  Sorbonne  eût  peut-être  gagné  à  plus  d^étendue. 
Un  tableau  moins  rapide  de  Tétat  du  haut  enseignement,  au  commence- 
ment du  xvi'=  siècle,  n'aurait  pas  été  déplacé.  Le  chapitre  suivant,  con- 
sacré aux  Idées  7norales,  est  l'un  des  plus  intéressants  du  volume.  Il 
n'est  pas  possible  de  l'examiner  ici  en  détail,  pas  plus  que  les  suivants, 
l'Invention  comique  et  le  Style.  Disons  seulement  que  les  considéra- 
tions snv  Y  Education  intellectuelle  donnaient  lieu  à  des  rapprochements 
que  l'auteur  a  négligés.  Les  catalogues  publiés  par  le  Musée  pédago- 
gique fournissaient  cependant  des  éléments  de  comparaison  tout  réu- 
nis. Nous  ne  partageons  pas  toutes  les  idées  de  M.  S.  sur  l'attitude  de 
Rabelais  vis  à  vis  de  la  Réforme  et  des  réformateurs.  Est-il  exact,  par 
exemple,  de  dire  (p.  338)  qu'en  traitant  Calvin,  comme  il  l'a  fait,  Tau- 
leur  dt  Pantagruel  n'avait  fait  qu'user  de  représailles,  comme  sïl  était 
admissible  que  Rabelais  pût  connaître  le  jugement  énoncé  par  Calvin, 
en  i533,  dans  une  lettre  à  François  Daniel?  On  pourrait  également 
présenter  quelques  réserves  sur  plusieurs  jugements  formulés  dans  le 
chapitre  consacré  au  style. 

En  résumé,  ce  livre  témoigne  d'une  connaissance  profonde  de  Rabelais, 
Il  marque  un  progrès  très  sérieux  dans  l'écude  de  notre  grand  écrivain. 
C'est  un  guide  aussi  sûr  que  commode.  Le  style  en  est  chaud  et  vivant, 
parfois  seulement  un  peu  trop  familier.  La  fantaisie  de  l'auteur  ne  sait 
pas  toujours  s'arrêter  à  temps.  Félicitons-le  de  n'avoir  pas  craint  de 
citer  les  passages  de  Rabelais  que  d'ordinaire  la  critique  n'ose  guère 
reproduire.  11  l'a  fait  avec  tact  et  sans  fausse  pruderie.  D'autre  part, 
certains  hors-d'œuvre  eussent  été  avantageuseme;it  remplacés  par  des 
développements  plus  complets  sur  les  questions  controversées.  Il  faut 
noter  çà  et  là  quelques  passages  déclamatoires,  des  allusions  aux  événe- 
ments contemporains  qui  ne  sont  rien  moins  que  justifiées.  Le  ton  de 
l'auteur,  chaque  fois  qu'il  vient  à  parler  de  son  époque,  est  vraiment 
par  trop  pessimiste  ^  Nos  hommes  d'état  d'aujourd'hui  traités  de  grands 
inquisiteurs  et  de  fils  de  Noël  Beda  ^  Il  faut  laisser  ce  langage  aux 
journaux.  Que  M.  Stapfer  se  rassure  en  songeant  que  ceux  qu'il  mal- 
mène si  fort  n'ont  encore  brûlé  personne. 

A.  Lefranc. 


1.  Il  faudrait  citer  à  ce  sujet  de  nombreux  passages.  Voir,  par  exemple,  p.  294, 
ce  qui  a  été  dit  au  sujet  de  la  gymnastique.  C'est  tout  à  fait  injuste. 

2.  Page  346.  —  M.  S.  parle  des  temples  et  des  églises  fermés  par  «  ces  faux  amis 
de  la  raison  et  ces  faux  libres-penseurs  ».  Il  aurait  bien  dû  nous  donner  l'énumé- 
ration  des  églises  et  des  temples  ainsi  supprimés.  Que  dire  également  du  change- 
ment cité  comme  sérieux  d'un  vers  de  la  Fable  :  «  Le  petit  poisson  et  le  pêcheur.  » 
Franchement,  M.  S.  va  trop  loin.  11  suppose  une  trop  forte  dose  de  bêtise  à  ses 
contemporains. 


\ 


d'histoirb  et  de  littérature  9  3 

6i.  —  E.es  Maîtres  de  la  Critique  au  xvii»  siècle,  Chapelain,  Saint-Evrcmond, 
Boileau,  La  Bruyère,  P'énelon,  par  Auguste  Bourgoing,  docteur  ès-lettres,  pro- 
fesseur agrégé  au  Lycée  Michelet,  chargé  de  la  conférence  littéraire  de  l'agréga- 
tion de  l'enseignement  spécial  de  Paris.  Paris,  Garnier  frères,  1889.  In-12,  34a  p. 
Prix  :  3  fr,  i)o. 

La  critique  dans  Chapelain,  Boileau,  Fénelon,  etc.,  est  un  sujet  quel- 
que peu  usé  et  rebattu.  Il  y  avait  pourtant  moyen  de  le  rajeunir  par  la 
nouveauté  du  style  :  c'est  à  quoi  M.  Bourgoing  a  pleinement  réussi. 
Les  «  ouais  »,  les  a  ouf  i ,  les  0  holà  »,  les  «  mon  Dieu,  eh  !  mon  Dieu  », 
les  «  Dieu  merci  »,  les  «  tout  doucement,  s'il  vous  plaît  »,  agréable- 
ment semés  dans  son  ouvrage,  montrent  qu'il  écrit  sans  apprêt,  quoique 
cependant  les  «  encore  que,  encore  est-il  que  »  fassent  parfois  un  sai- 
sissant contraste  avec  cette  aimable  simplicité.  Souvent  il  faut  se 
donner  beaucoup  de  peine  pour  rencontrer  le  mot  juste  :  s'il  ne  vient 
pas  à  Tesprit,  cela  le  remplace  commodément,  et  il  est  facile  à  trouver. 
M.  B.  a  un  faible  prononcé  pour  ce  petit  mot  :  «  en  tout  cela,  après 
cela,  il  avançait  cela,  que  devons-nous  penser  de  cela,  cela  est  mince  et 
pincé,  cela  établi,  etc.,  etc.  A  la  page  258,  toutes  les  phrases  commen- 
cent à  peu  près  par  on  :  «  On  se  donne...  on  se  défie...  on  aurait...  on 
Va  considéré...  on  Ta  trouvé...  on  a  cru  que...  »  M.  B.  n'écrit  pas,  il 
cause  avec  ses  élèves,  je  suppose  ;  cependant  la  variété  de  ton  ne  déplaît 
pas,  même  dans  l'abandon  d'une  conversation  familière.  Mais  je  ne 
connais  pas  d'homme  qui  soit  moins  tourmenté  que  lui  de  la  déman- 
geaison du  style.  De  là  des  phrases  comme  celle-ci  :  «  Ce  style  (de  Saint* 
Evremond)  est  un  bordeaux,  en  qui,  à  un  fond  solide,  s'allie  la  délica- 
tesse, un  grand  cru.  —  Révérence  parler,  Boileau  ressemble  à  ces  beaux 
chevaux  qui,  froids  des  épaules,  hésitent  avant  de  partir,  mais  qui,  une 
fois  en  route,  sont  vifs  et  infatigables  ».  Je  ne  dis  rien  delà  comparaison, 
bien  qu'elle  sente  par  trop  le  vétérinaire  ou  l'homme  d'écurie,  mais  t  le 
révérence  parler  »  me  semble  tout-à-fait  délicieux.  11  est  douteux  néan- 
moins que  «  Boileau  qui  était  bilieux  comme  tous  les  diables  »  (c'est 
M.  B.  qui  cause)^  l'eût  trouvé  de  son  goût.  On  n'est  pas  tenu  dans  la 
conversation  d'avoir  ce  qui  s'appelle  l'esprit  de  suite,  je  veux  dire  qu'il 
n'est  pas  défendu  d'aller  de  ci  de  là,  et  même  de  se  contredire  :  aussi, 
M.  B.  a-t-il  largement  usé  de  la  permission.  Saint-Évremond,  dit-il  à 
la  page  98,  se  moque  de  la  poésie  de  son  temps,  et  il  ajoute,  ce  qui  est 
la  vérité  vraie  «  qu'il  a  fait  des  vers  qui  ne  valent  pas  beaucoup  mieux 
que  ceux  dont  il  se  moque  ».  Plus  loin,  p.  121,  nous  ne  lisons  pas  sans 
étonnement  que  ce  même  Saint-Evremond  a,  comme  Voltaire,  excellé 
dans  la  poésie  légère.  M.  Bourgoing  (p.  32 1)  loue  Fénelon  «  d'être  en 
tout  temps  un  critique  sagace  »,  et,  dix  lignes  plus  bas,  il  dit  que  <c  sa 
critique  n'est  pas  sûre,  qu'il  a  «  ce  mal-assis  du  sens  propre,  si  l'on  peut 
dire,  qui  fait  les  novateurs  ».  Le  mal-assis  du  sens  propre  est  neuf, 
mais  que  dire  de  ces  contradictions  singulières?  Il  prétend  (p.  265]  qu'il 
ne  serait  peut-être  pas  impossible  de  rapprocher  par  bien  des  côtés  Fénç- 


94  REVUE   CPxITIQUE 

Ion  et  M.  Renan  :  quel  dommage  que  M.  B.  n'ait  pas  fait  ce  parallèle! 
Il  ne  me  reste  plus  qu'à  relever  quelques  affirmations  hasardées,  quel- 
ques erreurs,  excusables  d'ailleurs  dans  des  causeries  de  cette  espèce.  Si 
nous  en  croyons  M.  B.,  Chapelain  aurait  peu  goûté  Molière;  cependant 
dans  une  de  ses  lettres  (t.  Il,  820,  édit.  Tarn,  de  Larroque),  il  l'appelle 
a  le  Térence  et  le  Plaute  de  notre  siècle  ».  Quel  plus  grand  éloge  en 
pouvait-il  faire?  Il  paraît  aussi  que  Chapelain,  lorsqu'il  dressa  la  liste 
des  gens  de  lettres  pensionnés  «  n'a  pas  résisté  à  la  pression  officielle  de 
Richelieu  et  de  Colbert  a.  Remarquez  que  Richelieu  mourut  en  1642, 
et  que  cette  liste  fut  établie  en  i663.  Enfin,  M.  B.  consacre  tout  un 
chapitre,  je  me  trompe,  une  causerie,  à  démontrer,  à  prouver  que 
«  Chapelain  est  vraiment  l'auteur  des  trois  unités  ».  Or  en  1572 
(l'auteur  de  La  Piicelle  n'était  pas  né),  Jean  de  La  Taille  l'avait  for- 
mulée en  ces  termes  :  «  Il  fault  tousjours  représenter  l'histoire  et  le  jeu 
en  un  mesme  jour,  en  un  mesme  temps,  en  un  mesme  lieu  »,  et  je  ne 
cite  ni  J.-C.  Scaliger,  ni  Vauquelin  de  La  Fresnaye  qui  l'avaient 
déjà  imposée,  en  termes  moins  précis,  il  est  vrai,  aux  poètes  tragiques 
et  comiques. 

Je  ne  crois  pas  que  cet  ouvrage  puisse  satisfaire  les  délicats,  mais  il 
sera  peut-être  accueilli  avec  faveur  par  les  aspirants  à  l'agrégation  de 
l'enseignement  spécial  ;   eux  seuls  sont  capables  d'en  goûter  le  style 

simple  et  sans  malice. 

A.  Delboulle. 

62.  —  Ed.  FiNOT.  Port-Royal  et  Magny,  avec  deux  plans  de  l'abbaye  et  plu- 
sieurs gravures  des  monuments  les  plus  remarquables.  Un  vol.  in-8  de  xiv-384  pa» 
ges.  Paris,  Chamerot,  1888. 

Cet  ouvrage  n'a  pas  la  moindre  prétention  scientifique,  car  il  a  été 
fait  uniquement  pour  les  gens  du  monde,  pour  les  touristes  qui  désirent 
visiter  le  vallon  de  Port-Royal  des  Champs  et  qui  ont  besoin  d'un  guide. 
M.  F.  s'offre  pour  conduire  les  visiteurs,  et,  comme  il  connaît  fort  bien 
la  localité,  il  les  renseigne  très  exactement.  Il  a  même  l'heureuse  idée 
d'avertir  que  Port-Royal  est  un  des  hameaux  de  l'antique  paroisse  de 
Magny-les-Hameaux,  que  l'église  paroissiale  a  hérité  après  1709,  de 
nombreuses  pierres  tombales  provenant  du  monastère  détruit,  et  que 
par  conséquent  les  curieux  feront  bien,  après  avoir  visité  Port-Royal, 
de  diriger  leurs  pas  vers  Magny.  M.  F.  s'est  dit  en  outre,  et  avec  raison, 
que  tout  le  monde  n'a  pas  le  loisir  de  lire,  pour  connaître  l'histoire  de 
la  célèbre  abbaye,  les  dix  volumes  de  don  Clémencet,  les  six  volumes 
de  Besoigne,  les  six  ou  sept  volumes  de  Sainte-Beuve;  aussi  son  guide 
du  visiteur  débute-t-il  par  une  notice  historique  développée  qui  offre  un 
intérêt  véritable.  Mais  la  partie  vraiment  neuve  de  ce  travail  est  celle 
qui  concerne  Magny,  et  l'on  doit  savoir  gré  à  M.  F.  d'avoir  transcrit 
sur  les  originaux  mêmes,  en  y  joignant  des  annotations  et  des  traduc- 
tions, les  belles  épitaphes  qu'il  fallait  chercher  avant  lui  dans  le  Nécro- 


I 


d'histoire  et  de  littérature  q5 

loge,  dans  le  supplément  au  Nécrologe  ou  dans  les  Inscriptions  de  la 
France,  de  M.  de  Guilhermy. 

Le  travail  étant  soigné,  le  livre  est  d'une  lecture  très  agréable,  et  si  les 
amis  de  Port-Royal  trouvent  que  M.  F.  n'est  pas  assez  janséniste,  le 
lecteur  peu  au  courant  de  ces  questions  voit  avec  plaisir  un  historien 
qui  cherche  à  être  impartial,  qui  sait  même  (chose  aujourd'hui  si  rare 
surtout  dans  un  certain  monde),  admirer  le  mérite,  la  vertu,  l'héroïsme 
jusque  chez  les  adversaires  des  jésuites. 

Le  guide  historique  de  M.  F.  est  destiné  à  faire  son  chemin  aujour* 
d'hui  que  l'attention  du  public  intelligent  se  porte  avec  un  intérêt  marqué 
vers  les  hommes  et  les  choses  de  Port- Royal.  C'est,  donc  rendre  service  à 
son  auteur  que  de  lui  signaler  un  certain  nombre  de  lapsus  ou  d'erreurs 
qui  déparent  cette  première  édition.  Il  faut  d'abord  noter  des  fautes 
d'impression  en  assez  grand  nombre  :  premiers  épîtres  (p.  21)  Haud 
ignOramalis,  avec  deux  grosses  fautes  (p.  27);  En  dehors  pour  dans  les 
dehors  (p.  36)  ;  Joie,  joie,  plein  de  joie,  au  lieu  de  pleurs  de  joie,  dans 
le  fameux  écrit  de  Pascal  qu'on  a  appelé  son  amulette  (p.  107);  redibus 
pour  sedibus,  dans  un  vers  de  Santeuil  (p.  182),  etc.,  etc.  Ces  inadver- 
tances tiennent  sans  doute  à  ce  que  M.  F.  n'avait  pas  l'habitude  de 
corriger  des  épreuves;  mais  voici  de  véritables  erreurs.  Au  temps  de  la 
Fronde,  la  ville  de  Paris  n'avait  pas  le  bonheur  de  posséder  le  «  conseil 
municipal  »  que  M.  F.  lui  octroie,  p,  160.  Le  roman  grec  de  Théagène 
et  Chariclée  n'est  pas  un  a  poème  »  comme  on  le  dit  p.  88;  il  est  faux 
que  les  écoliers  du  xvii'^  siècle  manquassent  de  dictionnaires  grecs 
(p.  79),  car  les  Racines  grecques  de  Lancelot  n'empêchèrent  nullement 
le  débit  des  Schrevelius.  Il  ne  faut  pas  non  plus  laisser  croire  que 
Racine  fit  Athalie  à  Port-Royal  (p.  x),  ou  que  ce  même  Racine  fut 
a  envoyé  par  sa  famille  à  Uzès  »  {p.  88). 

Où  donc  M.  F.  a-t-il  vu  que  Singlin  n'approuvait  pas  les  premières 
Provinciales  (p.  5o),  alors  que  ce  même  Singlin  est  le  Du  Gas  des 
Lettres  écrites  par  Pascal  à  Mlle  de  Roannez,  en  i656'?  Où  a-t-il  vu 
que  la  fistule  lacrymale  de  la  petite  Périer  ait  mis  huit  jours  à  se  guérir 
après  l'attouchement  de  la  sainte  épine  (p.  11  5)?  Voilà  un  passage  que 
Pascal  aurait  relevé  avec  vivacité.  Au  reste  Pascal,  Arnauld  et  Saint- 
Cyran  protesteraient  avec  non  moins  d'énergie  contre  un  certain  nom- 
bre d'assertions  que  l'on  peut  voir  dans  le  livre  de  M.  F.  (p.  21,  32,  94 
et  surtout  126).  Mais  il  est  inutile  d'insister,  car  ces  taches  sont  légères; 
un  peu  d'attention  les  fera  disparaître,  et  alors  le  livre  sur  Port-Royal  et 
Magny  pourra  rendre  tous  les  services  qu'on  doit  attendre  des  ouvrages 
de  ce  genre.  11  présente  surtout  en  fait  d'illustrations  une  vue  d'ensem* 
bledu  monastère  avant  1709,  et  un  plan  détaillé  qui  seront  fort  utiles, 
au  visiteur  d'abord,  et  même  au  simple  lecteur  qui  veut  pouvoir  lire 
avec  fruit  le  Port-Royal  de  Sainte-Beuve. 

A.  Gazier. 

I.  Sainte-Beuve  dit  simplement  que  Singlin  aurait,  ;7^r^?^-»7,  été  effarouché  er^ 
Usant  la  première  Provinciale, 


96  RKVUK    CRITIQUE 

63.  —  Etat  niouuBtique  de  Bézlers  nvaiit  17  99.  Notices  sur  les  anciens 
couvents  d'hommes  et  de  femmes  d'après  des  documents  originaux,  par  Antonin 
SoucAiLLE,  correspondant  du  Ministère  de  l'Instruction  publique,  secrétaire  de 
la  Société  archéologique,  scientifique  et  littéraire  de  Béziers,  etc.  Mémoire  cou- 
ronné par  l'Académie  des  sciences,  inscriptions  et  belles-lettres  de  Toulouse. 
Béziers,  1889,  grand  in-8  de  228  p. 

M.  Soucaille  s'occupe  successivement  des  couvents  d'hommes  (domi- 
nicains ou  frères  prêcheurs,  frères  mineurs,  pères  de  la  Mercy,  Jésuites, 
Minimes,  Carmes,  ermites  de  Saint-Auguslin,  capucins,  prêtres  de  la 
Mission,  chanoines  de  Saint-Aphrodise,  chanoines  réguliers  de  Sainte- 
Geneviève,  chanoines  de  SS.  Nazaire  et  Celse,  chapelains  du  Saint-Es- 
prit, Templiers  et  Hospitaliers,  Antonins)  ;  des  couve7its  de  femmes 
(Sainte-Claire,  Saint-Esprit,  Sainte-Ursule,  Sainte-Marie,  religieuses 
Hospitalières,  filles  de  la  Charité),  des  Confréries  (Sociétés  d'hommes  : 
pénitents  Minimes,  pénitents  de  la  Miséricorde,  pénitents  Rouges,  pé- 
nitents Bleus,  pénitents  Noirs,  pénitents  Gris,  pénitents  Blancs,  pèlerins, 
confrérie  du  Saint-Sacrement,  congrégations  d'artisans)  ;  (Associations 
de  femmes  :  congrégation  de  Sainte-Elisabeth,  sœurs  du  tiers  ordre  de 
Saint-François,  confrérie  deN.-D.  des  Suffrages,  confrérie  des  dames  de 
la  Miséricorde),  Cette  longue  énumération  permet  de  dire  que  rarement 
ville  fut  aussi  richement  pourvue  que  Béziers  de  couvents  et  confréries. 
M.  Soucaille  a  été  le  consciencieux  historien  de  tant  d'établissements  et 
d'associations.  Les  archives  municipales  de  Béziers  et  les  archives  dé- 
partementales de  l'Hérault  lui  ont  fourni  de  nombreux  documents  tan- 
tôt analysés  dans  son  récit,  tantôt  reproduits  in  extenso  •.  On  regrette 
de  trouver  dans  un  travail  bien  fait,  quelques  citations  qui  traînent  par- 
tout, comme  les  quatre  vers  de  la  Henriade  sur  le  duc  de  Joyeuse  de- 
venu capucin  (p.  109).  Notons  encore  (même  page)  ces  trois  lignes  su- 
perflues :  «  Faut-il  rappeler  qu'à  Tordre  des  capucins  appartenait  le  père 
Joseph,  l'ami  et  le  confident  du  cardinal  Richelieu,  et  surnommé  l'^"- 
minence  grise?  »  Chaque  lecteur  répondra  :  «  Mais  non,  il  ne  faut  point 
rappeler  ce  que  tout  le  monde  sait.  » 

T.  de  L. 


64. —  Le  Château  de  Versailles  au  temps  de  Marie  Antoinette,  1 770-1 789,  par 
Pierre  de  Nolhac.  Versailles,  Bernard,  1889.  In-8,  108  p. 

M.  de  Nolhac,  que  nos  lecteurs  connaissent  par  d'autres  études  et  qui 
achève  un  livre  sur  Marie-Antoinette,  vient  de  nous  donner  un  travail 
bien  instructif  sur  le  château  de  Versailles.  Grâce  aux  états  de  logement 
(il  y  en  a  sept),  grâce  aux  plans  et  aux  a  registres  des  magasins  »,  grâce 
surtout  à  sa  méthode  rigoureuse  qui  lui  permet  de  classer  logiquement 

I .  M.  S,  aurait  facilement  trouvé  quelques  autres  documents  aux  archives  de  la  Haute- 
Garonne,  notamment  en  ce  qui  regarde  les  dominicains.  l,es publications  de  M.  l'abbé 
Douaisauraiei^t  pu  lui  fournir  des  indications  utiles. 


o'HISTOIRE    KT    DR    LITTÉRATURK  97 

tous  les  renseignements  dont  il  dispose,  il  éclaire  d'une  vive  lumière 
rhistoire  d'une  époque  du  château  qui  n'est  pas  très  connue  et  qui  va 
de  l'arrivée  de  Marie-Antoinette  aux  journées  d'octobre  1789.  Il  fixe 
minutieusement  les  parties  du  palais  où  ont  résidé  M"'"  du  Barry, 
j^me  Adélaïde,  la  Reine  et  le  Roi,  les  Enfants  de  France,  M'^^s  de  Poli- 
gnac  et  de  Lamballe,  Monsieur,  Madame  et  le  duc  d'Orléans.  Il 
rectifie  au  passage  quelques  inexactitudes  des  historiens  antérieurs 
du  château.  Il  reconstitue  la  fameuse  scène  de  l'expulsion  de  Lauzun 
(p.  38),  et  ritinéraire  que  suivit  ce  médisant  de  Besenval,  lorsque  Marie- 
Antoinette  le  manda  à  la  veille  du  duel  entre  le  duc  d'Artois  et  le  comte 
de  Bourbon  (p.  42-45). 

Ces  curieuses  études  présentent  à  un  point  de  vue  nouveau  un  tableau 
du  Versailles  monarchique,  fournissent  à  l'histoire  anecdotique  d'utiles 
informations  et  faciliteront  les  recherches  de  détail  à  ceux  qui  étudient 
le  personnel  de  la  cour  à  la  veille  de  la  Révolution.  M.  P.  de  Nolhac  les 
a  fait  suivre  du  texte  intégral  d'un  état  des  logements  du  château 
de  Versailles,  qui  fut  dressé  sans  doute  en  1787  et  qui  donne 
assez  exactement  Pétat  des  logements  en  1789  (p.  77-103)  ;  il  accom- 
pagne cette  édition  de  notes  nombreuses,  mais  brèves  et  précises,  où  il 
essaie,  au  moyen  des  anciens  plans,  quelques  comparaisons  avec  l'état 
actuel  des  lieux,  et  suit,  à  l'aide  des  documents  de  l'époque  de  Louis  XV 
et  de  Louis  XVI,  les  changements  opérés  dans  la  distribution  inté- 
rieure du  palais.  Il  a  même  pris  la  peine  de  rédiger  un  index  des 
noms  (p.  io5-io8),  qui  augmente  encore  l'utilité  et  la  valeur  de  son 

travail. 

A.  G. 

65.  —  Les  représentants  du  peuple  en  mission  et  la  justice  révolution- 
naire dans  les  départements  en  l'an  II,  1793-1794,  par  Henri  Wallon,  membre 
de  l'Institut.  Tome  III.  18S9.  Paris,  Hachette.  In-8.  447  p.  7  fr.  5o. 

M.  Wallon  poursuit  ses  études  sur  les  représentants  du  peuple  en 
mission,  et  vient  de  publier  le  troisième  tome  de  cet  important  ouvrage. 
Ce  volume  est  consacré  au  Sud-Est,  à  l'Est  et  à  la  région  de  Paris. 
L'auteur  nous  transporte  d'abord  dans  la  région  des  Alpes  et  du  Rhône, 
puis  à  Lyon,  dans  le  Vaucluse,  dans  la  Bresse  et  la  Franche-Comté, 
dans  les  trois  départements  de  l'Allier,  de  la  Nièvre  et  du  Cher,  dans 
la  Bourgogne  et  la  Champagne,  enfin,  dans  la  région  voisine  de  Paris 
(Paris,  Seine-et-Oise,  Seine-et-Marne,  Eure-et-Loir,  Oise,  Aisne, 
Somme).  On  trouve  dans  ce  tome,  comme  dans  les  deux  précédents, 
de  nombreux  détails  puisés  aux  sources  officielles,  et,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit  {1889,  n»"  8  et  17),  M.  W.  s'efforce  de  tout  connaître, 
l'imprimé  et  l'inédit.  Il  a  fait  de  minutieuses  recherches  à  Paris,  au 
dépôt  de  la  guerre,  au  ministère  des  affaires  étrangères,  aux  archives 
nationales,  aussi  bien  qu'en  province.  C'est  ainsi  qu'il  a  compulsé,  à 
Avignon  et  à  Carpentras,  les  documents  exposés  par  M.  de  Baumefort 


98  REVUE   CRITIQUE 

et  par  l'abbé  Bonnel  dans  leurs  ouvrages  spéciaux  sur  la  commission 
d'Orange.  C'est  ainsi  qu'il  a  consulté,  pour  l'histoire  du  Lyon  révolu- 
tionnaire, outre  les  rapports  de  Maignet,  de  Couthon ,  de  CoUot 
d'Herbois  et  les  papiers  trouvés  chez  Robespierre,  le  livre  de  Salomon 
de  La  Chapelle  sur  les  tribunaux  de  Lyon  et  de  Feurs,  et  les  Prisons 
de  Lyon,  de  Delandine,  dont  il  cite  d'émouvants  extraits  ;  pour  TAu- 
vergne,  les  études  si  instructives  de  MM.  Mège  et  Boudet;  pour  Monl- 
béliard,  l'essai  de  M.  Lods  —  et  non  Lod'{  (p.  237)  -—  sur  Bernard  de 
Saintes,  etc.  Mais,  selon  son  habitude,  M.  W.  en  a  pris  à  son  aise;  il  se 
contente  trop  souvent  d'ajouter  les  témoignages  les  uns  aux  autres  ;  il 
laisse,  comme  on  dit,  parler  les  sources  et  se  soucie  peu  d'arranger  son 
récit,  de  le  disposer  habilement,  en  un  mot  de  faire  œuvre  personnelle 
d'écrivain  et  d'artiste.  Enfin  !  il  faut  en  prendre  son  parti,  et,  après 
tout,  savoir  gré  à  M.  W.  de  rassembler  de  toutes  parts,  sur  un  sujet 
assez  rebutant,  un  aussi  grand  nombre  de  documents  et  de  citations. 
Nous  lui  reprocherons,  néanmoins,  de  ne  pas  avoir  lu  le  livre  de 
M.  Raoul  Rosières,  la  Révolution  dans  une  petite  ville  {iSSS),  où  il 
aurait  trouvé  d'intéressants  détails  sur  les  actes  de  Delacroix  et  de 
Musset  à  Meulan,  ni  les  Etudes  sur  le  Cher  pendant  la  Révolution,  de 
M.  Lenias  (1887),  qui  lui  auraient  donné  des  renseignements  sur  la  mis- 
sion de  Fauvre-Labrunerie  et  de  Laplanche,  et  sur  les  actes  des  délégués 
de  Laplanche,  Bonnaire  et  Labouvrie  à  Sancerre  et  à  Vierzon.  Pourquoi 
(pp.  23  et  406)  fait-il  adresser  à  Keilermann  une  lettre  de  Danton  à 
Dubois-Crancé?  Danton  peut-il  traiter  Keilermann  de  «  cher  collègue  »? 
M.  W.  semble  douter  de  Tauthenticité  de  la  lettre,  qui  n'est  qu'une 
copie;  mais  qui  ne  reconnaît  Danton  à  ces  dernières  lignes  :  «  Si  les 
cultivateurs  crient,  demandent  où  ils  iront  vendre  leurs  denrées,  dis 
leur  qu'ils  aillent  à  Constantinople,  s'ils  le  veulent.  Distribue  à  force 
les  assignats,  ne  les  compte  pas,  tout  se  retrouvera.  »?  Pourquoi,  lors- 
qu'il vient  à  parler  (p.  69)  des  rapports  de  Bonaparte  avec  Robespierre 
jeune  et  de  sa  mission  à  Gênes,  n'a-t-il  pas  tiré  parti  du  livre  de  M.  Jung 
[Bonaparte  et  son  temps,  11,431-457)?  Pourquoi  n'a-t-il  pas  cité  un 
autre  ouvrage  du  général  Jung  sur  Dubois-Crancé,  et  le  remarquable 
article  d'Albert  Duruy,  qui  lui  aurait  appris  que  Lyon  fut  réduit  par 
l'offensive  vigoureuse  de  Doppet?  Pourquoi  n'a-t-il  pas  dit  (p.  3-4) 
que  la  Convention  avait  envoyé,  le  18  novem.bre  1792,  des  commissaires 
à  l'armée  du  Var  et  que  ces  commissaires  étaient,  outre  Collot  d'Her- 
bois,  Lasource  et  Goupilleau  de  Fontenay?  Enfin,  quelle  mauvaise 
grâce  à  reconnaître  ce  que  doit  l'armée  d'Italie  aux  représentants!  (p.  61). 
Les  commissaires  n'eurent-ils  pas  raison  de  suspendre  Anselme?  N'ont- 
ils  pas  remplacé  Carteaux  par  Dugornmier,  et,  après  la  blessure  de 
Dommartin  —  cet  officier  que  M.  W.  aurait  dû  nommer  (p.  49)  — 
confié  l'artillerie  à  Bonaparte?  N'ont-ils  pas  marché  devant  Toulon 
à  la  tête  des  colonnes  d'assaut?  N'ont-ils  pas  laissé  agir  Dumerbion  et 
Masséna?  M.  Wallon  ne  reconnaît-il  pas  qu'ils  ont  fait  tout  ce  qu'ils 
ont  pu  pour  habiller  et  approvisionner  les  troupes? 

A.  Chuquet. 


Il 


O'HISTOIRB    Et    DE    LITrÉRATURh  9^ 

CHRONIQUE 

FRANCE.  —  M.  J.  LoTH  va  publier  à  la  librairie  Bouillon  une  Chrestomathie 
bretonne  (vi  et  528  p.) 

—  La  Revue  de  la  Révolution  cesse  de  paraître. 

—  M.  l'abbé  Guillaume,  de  Gap,  publiera  très  prochainement  le  tome  premier  de 
VHistoire  générale  des  Alpes  maritimes  et  cottiennes,  du  R.  P.  Marcellin  Fournier, 
continuée  par  Juvenis. 

—  Notre  collaborateur,  M.  J.  Roman,  vient  de  faire  paraître  deux  brochures  intéres- 
santes sur  Y  Expédition  projetée  par  le  comte  de  Provence  contre  Gap  en  141 5  (Va- 
lence, Céas.  In-8°,  i5  p.)  et  sur  VExpédition  des  Provençaux  en  Dauphiné  en  i368- 
l36g  (Digne,  Chaspoul.  In-8°,  14  p.) 

—  Les  vieux  registres  de  l'Université  d'Aix  ont  été  découverts  par  M.  Belin,  rec- 
teur de  l'Académie,  qui  prépare,  en  deux  volumes,  une  Histoire  de  l'Université  d'Aix, 

—  Nous  avons  reçu  des  éditeurs  lillois  Desclée  et  de  Brouwer  un  exemplaire  de 
l'édition  revue  et  abrégée  de  la  Vie  du  bienheureux  Jean  Gabriel  Perboyre  (in- 8*, 
180  p.);  on  y  remarquera  les  lettres  qu'il  écrivit  de  Chine  et  qui  donnent  de  nom- 
breux détails  sur  le  Ho-nan  et  le  Hou-pé. 

—  M.  F,  FouQUÉ  a  bien  fait  de  publier  dans  la  Revue  scientifique  et  de  tirer  à  part 
un  article  sur  la  Nouvelle  loi  militaire  et  l'École  Normale;  il  montre  que  la  section 
des  sciences  de  l'École  reçoit  le  plus  rude  coup,  et  il  propose  d'employer  les  élèves 
de  cette  section  au  service  de  pyrotechnie  et  de  donnner  aux  élèves  de  lettres  la  fonc- 
tion de  secrétaires-rédacteurs,  ou  mieux  encore  d'autoriser  les  normaliens,  comme 
les  polytechniciens,  à  faire  leur  année  de  service  en  qualité  d'officiers  de  réserve,  en 
identifiant  les  exercices  militaires  à  l'École  normale  comme  à  l'École  polytechnique. 

ANGLETERRE.  —  M.  A.  Campbell  Fraser,  d'Edimbourg,  va  publier  un  volume 
sur  Locke  (x  Phiiosophical  Classics  for  Engiish  Readers  »),  et  M.  Sidney  Webb,  un 
ouvrage  intitulé  Socialism  in  England  («  Social  and  phiiosophical  studies  »). 

—  Le  troisième  volume  de  la  nouvelle  édition  des  Collected  writings  of  De  Quin- 
cey,  publiée  par  M.  Masson,  vient  de  paraître  à  la  librairie  Black.  d'Edimbourg;  il 
contient  des  London  Réminiscences  et  les  fameuses  Confessions  of  an  Engiish  Opium 
Eater. 


ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  24  janvier  18 go. 

M.  de  la  Borderie,  élu  membre  libre  en  remplacement  de  M.  Ch.  Nisard,  est  in- 
troduit et  invité  à  prendre  place  parmi  ses  confrères. 

M.  Geft'roy,  directeur  de    l'Ecole   française   de    Rome,  exprime,  dans   une   lettre 
adressée  à  1  Académie,  les  regrets  que  cause  la  mort  d'un  membre  de  l'Ecole,  dont 
les  travaux  avaient  été  remarqués,  M.  Léon  Cadier. 
L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  M.  Schefer,  président,  annonce  que  M.  Eu- 
gène Piot  a  légué  à  l'Académie  la  totalité  de  sa  fortune,  sous  la  réserve  d'un  petit 
nombre  de  legs  particuliers.  L'Académie  a  accepté  ce  legs,  sauf  l'approbation  du  gou- 
vernement. 

L'Académie  procède  à  l'élection  d'un  membre  libre,  en  remplacement  du  général 
Faidherbe.  Le  scrutin  donne  les  résultats  suivants  : 

i"'  tour.  2°  tour. 

M.  le  D""  Hamy 1 5  voix.        27  voix. 

M.  Dieulafoy 14    —  3    — 

M.  le  duc  de  la  TrémoïUe ,        i3     —  12     — 

42  votants.   42  votants. 
M.  le  D'  Hamy,  conservateur  du  Musée  d'ethnographie,  est  déclaré  élu.  L'électieil 
sera  soumise  à  l'approbation  du  Président  de  la  Republique. 


100  REVUE    CRITIQUE    D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

L'Académie  nomme  une  commission  chargée  de  présenter  des  candidats  à  la  place 
d'associé  étranger,  vacante  par  la  mort  de  M.  Cobet.  Sont  élus  :  MM.  Renan,  De- 
lisle,  de  Rozière,  Boissier. 

M.  l'abbé  Duchesne  lit  une  note  sur  la  persécution  exercée  contre  les  chrétiens 
dans  l'Arabie  heureuse  au  vi'  siècle.  M.  J.  Halévy,  dans  une  suite  de  communications 
faites  l'année  dernière  à  l'Académie,  a  soutenu  que  les  véritables  auteurs  de  ces  per- 
sécutions étaient,  non,  comme  on  l'a  cru  jusqu'ici,  les  juifs,  mais  les  chrétiens  ariens. 
M.  l'abbé  Duchesne  s'attache  à  réfuter  la  thèse  de  M.  Halévy  et  à  prouver  qu'elle  est 
en  contradiction,  non  seulement  avec  l'interprétation  naturelle  des  textes  déjà  con- 
nus, mais  aussi  avec  des  documents  nouveaux,  les  inscriptions  sabéennes  rapportées 
d'Arabie  par  M.  Glaser. 

M.  Delisle  a  la  parole  pour  une  courte  communication  : 

«  Au  mois  de  septembre  dernier,  dit-il,  j'ai  eu  l'honneur  de  communiquer  à  l'Aca- 
démie une  notice  sur  des  fragments  d'un  registre  des  enquêteurs  de  saint  Louis  qui 
avaient  servi  de  couverture  à  trois  exemplaires  de  la  Clirestomathie  grecque  publiée 
en  i8z3  par  la  librairie  Delalain  et  que  M.  Alfred  Richard,  archiviste  de  la  Vienne, 
venait  de  donner  à  la  Bibliothèque  nationale.  Je  disais  dans  ma  notice  que,  selon 
toute  apparence,  d'autres  feuillets  du  même  registre  avaient  dû  être  employés  par  le 
relieur  chargé  en  1823  de  cartonner  une  partie  de  l'édition  de  la  Clirestomathie,  et 
j'invitais  les  possesseurs  de  ce  livre  à  vérifier  la  condition  de  leurs  exemplaires.  Mon 
appel  a  déjà  produit  un  résultat. 

«  Le  R.  P.  Ingold  a  donné  ces  jours  derniers  à  la  Bibliothèque  nationale,  de  la 
part  de  M.  l'abbé  Delsor,  curé  de  Nordheim  (Alsace),  un  exemplaire  de  la  Chresto- 
mathie  de  1823,  dont  la  couverture  était  formée  par  un  double  feuillet  du  registre 
des  enquêteurs  de  saint  Louis.  Ce  double  feuillet  s'intercale  au  milieu  de  ceux  que 
nous  devons  à  la  libéralité  de  M.  Richard.  Il  contient  une  quarantaine  de  réclama- 
tions présentées  aux  commissaires  royaux  dans  les  diocèses  de  Laon  et  d'Amiens.  » 

M.  Wallon,  secrétaire  perpétuel,  donne  lecture  de  son  rapport  semestriel  sur  les 
travaux  des  commissions  de  publication. 

M.  Philippe  Berger  communique  une  note  sur  une  série  de  soixante-sept  inscrip- 
tions néo-puniques,  de  l'époque  impériale  romaine,  qui  ont  été  recueillies  à  Mak- 
teur  (Tunisie  ,  par  M.  Bordier,  vice-consul  de  France,  et  M.  Delherbe.  Ces  inscrip- 
tions sont  très  curieuses,  soit  par  les  symboles  dont  elles  sont  accompagnées 
(notamment  celui  du  poisson),  soit  surtout  par  les  noms  propres  qu'elles  renferment. 
M.  Berger  a  étudié  ces  noms,  avec  l'aide  de  M.  Gagnât,  et  a  reconnu  dans  presque 
tous  des  noms  romains  déguisés  sous  une  forme  punique.  Les  symboles  et  le  texte 
des  inscriptions  font  également  penser  à  la  religion  punique  telle  qu'on  la  voit  re- 
présentée dans  les  écrits  de  saint  Augustin. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Héron  de  Villefosse  -.  1°  Lejay  (Paul),  Inscriptions 
antiques  de  la  Côte-d'Or  (fasc.  80  de  la  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  hautes  Etudes); 
2"  EspÉRANDiEU  (Emile),  Epigraphie  romaine  du  Poitou  ci  de  la  Saintonge; —  par 
l'autenr  :  Barthélémy  (Anatole  de),  Manuel  de  numismatique  ancienne,  2*  édition  : 
—  par  M.  Bréal  :  Barth  (Aug.),  Bulletin  des  religions  de  /'/«de (extrait  delà  Revue 
de  l  histoire  des  religions). 

Julien  Havet. 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  i5  janvier  18 go. 

M.  Adrien  Blanchet  lit  un  travail  intitulé  :  Contribution  à  l'cpigraphie  romaine 
de  Langres. 

M.  Héron  de  "Villefosse  communique,  de  la  part  de  M.  Rochetain  d'Avignon,  un 
petit  vase  en  terre  cuite  trouvé  aux  baux  près  d'Arles,  qui  porte  en  caractères  grecs 
le  mot  Segomar  gravé  à  la  pointe  et  qui  paraît  être  le  nom  de  l'ancien  propriétaire 
du  vase. 

M.  le  lieutenant  Espérandieu  envoie  à  la  Société  communication  de  la  découverte 
d'un  cachet  d'oculiste  nouveau  portant  le  nom  de  Caius  Julius  Atilianus. 

Errata.  —  P.  44,  1.  12  :  ponctuer  après  :  des  autres.  —  Ibid.,  1.  16  :  /  (et  non  A). 
—  Ibid.,  1.  3i,  effacer  les  mots  :  ut  dinoscas  qui  auraient  dû  être  placés  avant  : 
quam...  dans  la  note  i.  —  La  note  i  de  la  p.  47  doit  prendre  la  place  de  la  note  2 
de  la  p.  46,  et  réciproquement. 

Le  Propriétaire-Gérant:  ERNEST  LEROUX. 

Lb  Pxiy.,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  ^aint-laurtnt,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE     LITTÉRATURE 


No  6  -  10  février  —  1890 


goiïimaire  s  66.  Brandt,  Le  ir.andaïsme.  —  67.  Kœnig,  Les  Ophites.  —  68.  La- 
Loux  et  Monceaux,  Restauration  d'Olympie.  —  6g.  Espérandieu.  Epigraphie 
romaine  du  Poitou  et  de  la  Saintonge.  —  70.  Lejay,  Inscriptions  antiques  de  la 
Côte  d'Or.  —  71.  Vaillant,  Epigraphie  de  la  Morinie.  —  72.  Wulff,  Le  lai  du 
cor.—  73.  Lettres  de  Henri  IV  à  M.  de  Béthune,  p.  p.  Halphen.  —  74.  Corres- 
pondance politique  de  Charles  Frédéric  de  Bade,  I,  p.  p.  Erdmannsdœrffer.  —  75. 
CoNDAMiN,  Histoire  de  Saint-Chamond.  —  76.  Bertin,  La  Société  du  Consulat 
et  de  l'Empire.  —  77.  Charpentier,  Impressions  de  voyage  en  Russie.  —  Lettre 
de  M.  Cartault  et  réponse  de  M.  Salomon  Reinach.  —  Chronique.  —  Académie 
des  Inscriptions.    —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


66.  —  I.  Die  mandaeîsclie  Religion,  ihre  Entwickelung  und  geschichtliche 
Bedeutung,  erforscht,  dargestellt  und  beleuchtet  von  Dr.  A.  J.  H.  Wilhelra 
Brandt,  Pfarrer  der  niederl.  reform.  Kirche.  Leipzig,  Hinrichs,  1889,  in-8,  p.  xii 
et  236. 

67.  _  2,  ï>îe  Opliiten,  ein  Beitrag  zur  Geschichte  des  jûdischen  Gnosticismus» 
von  Dr.  AdoU"  Hœnig,  Rabbiner  der  israelitischcn  Religionsgemeinde  zu  Sillein. 
Berlin,  Mayer  und  Mueller,  1889,  in-8,  102  p. 

I.  Au  premier  abord  le  niandaisine  semble  n'être  qu^uii  produit  du 
gnosticisme  :  Manda  d'hayé,  le  principe  supérieur  de  la  vie,  répond  à  la 
pwatç  i;a)-?;ç,  et  le  nom  de  Mandaya,  sous  lequel  les  Mandéens  se  dési- 
gnent, est  l'équivalent  du  grec  Yvwar.y.oç,  car  ces  mots  détivent  du  verbe 
vida'  «  savoir  ».  Cependant  la  pratique  du  baptême  dans  les  eaux  flu- 
viales le  rattache,  d'un  autre  côté,  aux  sectes  des  Baptistes  répandues 
en  Orient  vers  le  commencement  de  l'ère  chrétienne.  Les  livres  des  Man- 
déens sont  tellement  obscurs  et  confus,  ils  renferment  un  tel  chaos  d'i- 
dées, que  de  bons  esprits  ont  renoncé  à  les  comprendre,  après  en  avoir 
abordé  Tétude,  et  se  sont  demandé  s'il  ne  serait  pas  plus  logique  de  cher- 
cher chez  les  Mandéens  eux-mêmes  une  tradition  que  leurs  livres  ne 
reflètent  plus  que  dans  un  brouillard  épais.  Petermann,  dans  son  voyage 
en  Orient,  dirigea  ses  efforts  de  ce  côté,  mais  il  se  heurta  aux  réticences 
pleines  de  mystères  que  les  prêtres  affectent  vis-à-vis  Tétranger,  et  ne  re- 
cueillit que  des  informations  incomplètes.  M.  Siouffi  fut  plus  heureux  : 
ayant  rencontré  à  Bagdad  un  néophyte  chrétien,  fils  d'un  prêtre  man- 
déen,  il  consigna  par  écrit  tout  ce  que  celui-ci  savait  de  la  religion  de 
ses  pères.  Il  résulte  de  Texamen  de  ces  renseignements  comparés  entre 
eux,  conclut  M.  Brandt,  que  les  prêtres  mandéens  ne  possèdent  aucune 
tradition  et  s'en  tiennent  à  leurs  livres  sacrés  qu'ils  comprennent  mal. 
C'est  à  ces  livres  qu'il  faut  s''adresser  pour  avoir  une  connaissance  de  la 
religion  de  ce  petit  peuple  ;  malheureusement  les  copistes,  qui  parais- 
Nouvelle    série,  XXIX.  6 


102  REVUE    CRITIQUE 

sent  avoir  été  aussi  nombreux  qu'ignorants,  nous  les  ont  transmis  dans 
un  mauvais  état. 

Les  livres  que  M.  B.  a  eus  à  sa  disposition  sont  :  le  Gen:{a  «  trésor  » 
ou  Sùh'a  rabba  «  le  grand  livre  »,  connu  vulgairement  sous  le  nom  de 
Livre  d'Adam,  dont  M.  Petermann  a  donné  une  édition  qui  a  fait  dé- 
laisser celle  de  Norberg;  et  le  Qolasta,  recueil  de  chants  et  d'enseigne- 
ments sur  le  baptême  et  sur  l'âme  séparée  du  corps,  publié  avec  luxe  par 
M.  Euting.  Il  existe  encore  quelques  traités  moins  importants  qui  sont 
inédits  et  qui  sont  demeurés  inaccessibles  à  M.  Brandt. 

Le  mandaïsme  esî-il  une  de  ces  religions  mêlées  que  M.  Kessler  a 
cherché  à  définir  dans  son  premier  volume  sur  Mani?  M.  B.  évite  cette 
expression  et  suit  la  méthode  historique  ;  après  avoir  cherché  à  recons- 
tituer le  noyau  primitif  de  la  religion,  il  en  examine  les  développements 
et  distingue  les  éléments  étrangers  qu'elle  a  reçus.  Les  restes  d'un  an- 
cien polythéisme  sont  encore  visibles  dans  quelques  traités  du  Genza 
relatifs  à  la  théogonie  et  à  la  genèse  du  monde  terrestre.  Pirâ,  Ayar  et 
Mânà  forment  une  triade  analogue  à  celle  d'Anu,  Bil  et  Ea  dans  l'an- 
cien système  babylonien;  d'autre  part,  les  Outhras  jouent  le  rôle  de  dé- 
miurges. Dans  la  création  du   monde,  Ptahil  (quelquefois  Gabriel)  est 
l'agent  de  Manda  d'hayé,  tandis  que  Adakas  Mânâ  représente  un  Ou- 
thra.  Rouha  qadischta  (le  saint  Esprit)  et  ses  sept  fils  (les  planètes),  person- 
nifient le  principe  du  mal.  Les  Sept,  à  la  demande  de  Ptahil,  forment  le 
corps  d'Adam  qui  ne  peut  se  tenir  debout  jusqu'à  ce  que  Ptahil  lui  com- 
munique une  parcelle  de  l'Esprit  \ 

En  opposition  avec  ce  polythéisme  s'est  formée  la  doctrine  mono- 
théiste du  Roi  de  la  lumière,  le  principe  du  bien  et  l'antithèse  du  monde 
des  ténèbres.  Dans  ce  système,  la  création  du  monde  est  exposée  tout 
différemment  et  la  comparaison  avec  le  système  précédent  ne  laisse  pas  de 
doute  sur  la  priorité  du  polythéisme.  Mais,  après  cette  transformation, 
comment  les  documents  polythéistes  ont-ils  pu  subsister  dans  le  Genza 
à  côté  des  traités  monothéistes?  C'est  que  le  peuple,  pense  M.  B.,  tenait, 
déjà  à  ce  moment  là,  beaucoup  moins  aux  dogmes  qu'à  ses  usages  tra- 
ditionnels; dans  le  cas  contraire,  cette  réforme  qui  ne  fit  qu'une  brèche 
au  monde  idéal  des  anciens  Mandéens,  aurait  abouti  à  une  nouvelle  re- 
ligion. 

Les  chapitres  ii  et  m  sont  consacrés  aux  conceptions  cosmologiques  et 
anthropologiques  des  Mandéens.  Le  chapitre  iv  renferme  un  historique 
fort  intéressant  du  mandaïsme.  L'influence  judéo-chrétienne  est  mani- 
feste dans  certains  traités,  dont  un  des  plus  curieux  a  rapport  à  saint 
Jean-Baptiste.  M.  B.  estime  que  ce  document  appartient  au  groupe  po- 
lythéiste, parce  qu'il  ne  reflète  aucune  des  idées  de  la  doctrine  du  Roi 
de  la  lumière.  Jésus  baptisé  dans  le  Jourdain  par  saint  Jean-Baptiste  se 

I.  Comp.  le  mythe  de  Jaldabaoth  chez  lesOphites;  v.  l'ouvrage  recensé  ci-après  : 
Hœnig,  Die  Ophitcn,  p.  Sg,  52.  Ruha  (l'esprit),  joue  le  rôle  d'une  femme,  parce  que 
le  mot  est  du  genre  féminin. 


d'histoire  et  de  littérature  io3 

transforme  en  Manda  d'hayé  apparaissant  au  saint  qui,  par  ce  moyen, 
devient  un  héros  du  mandaïsme.  Le  nom  de  Nazaréens  que  les  Man- 
déens  s'appliquent  à  eux-mêmes,  ferait  supposerque,  dans  leur  croyance, 
Manda  d'hayé  aurait  donné  ce  litre  à  ses  adeptes  lors  de  son  apparition 
à  saint  Jean.  Dans  cette  hypothèse,  la  nouvelle  de  la  venue  du  Sau- 
veur parmi  les  Juifs  aurait  été  transmise  aux  Mandéens  par  une  secte  de 
chrétiens  qui  s'appelaient  Nazaréens.  Mais  comment  concilier  cette  idée 
avec  la  haine  qui  se  fait  jour  dans  le  Genza  contre  Jésus  et  tout  ce  qui 
lui  touche  de  près?  Celui-ci  est  traité  de  faux  prophète  et  de  sorcier  ;  il 
est  né  de  Rouha,  Pincarnation  du  mal  ;  il  fait  partie  avec  Rouha  des 
planètes  qui  exercent  une  influence  funeste  sur  le  globe  terrestre.  M.  B. 
croit  que  cette  haine  s'est  déclarée  plus  tard,  lorsque  les  missionnaires 
nestoriens  cherchèrent  à  convertir  au  christianisme  les  Mandéens.  Cette 
conjecture  n'est  appuyée  sur  rien  de  positif;  on  serait  plutôt  tenté  de 
comparer  le  passage  d'Origène  ',  d'après  lequel  les  Ophites  ne  laissaient 
pénétrer  personne  dans  leurs  réunions  avant  que  le  nouveau  venu  n'ait 
prononcé  des  malédictions  contre  Jésus. 

La  seconde  apparition  de  Manda  d'hayé  à  Jérusalem  et  les  pratiques 
initiatrices  de  saint  Jean  Baptiste  au  Jourdain  menaçaient  d'éclipser  la 
première  apparition  de  Manda  d'hayé,  à  l'origine  du  monde.  C'est  alors 
que  se  produisit  la  théorie  du  Roi  de  la  lumière,  formée  autant  des  idées 
personnelles  de  son  auteur  que  d'emprunts  faits  au  parsisme  et  sans 
doute  au  christianisme.  M.  B.  examine  en  détail  cette  théorie  qui  mar- 
que la  dernière  étape  du  mandaïsme. 

Dans  le  chapitre  vi,  M.  B.  revient  sur  les  origines  de  la  religion  man- 
déenne.  A  la  religion  naturelle  sémitique  rem.ontent  Tidée  du  séjour  des 
dieux  au  Nord  et  la  pratique  du  baptême  fluvial  ;  cependant  c'est  au  par- 
sisme qu'est  dû  le  dogme  de  la  rénovation  ou  plutôt  de  la  seconde  nais- 
sance par  le  baptême,  p.  206.  La  philosophie  babylonienne  a  révélé  aux 
Mandéens  le  monde  souterrain  et  leur  a  enseigné  les  mythes  relatifs  â  la 
théogonie  et  a  la  genèse  du  monde.  Ces  mythes  se  retrouvent  également 
dans  le  gnosticisme  qui,  ainsi  que  l'a  montré  M.  Kessler,  n'est  pas  resté 
étranger  aux  spéculations  chaldéennes.  Le  parsisme  a  prêté  au  man- 
daïsme le  dogme  de  l'antithèse  de  la  lumière  et  de  l'obscurité  symboli- 
sant le  bien  et  le  mal,  et  les  croyances  relatives  à  la  destinée  de  l'âme 
après  la  mort,  La  doctrine  du  Roi  de  la  lumière  a  déplacé  la  base  du 
développement  religieux  qui,  de  babylonien,  est  devenu  parsi.  Le  ma- 
lichéisme  présente  également  des  points  de  contact  avec  le  mandaïsme, 
quoiqu'il  ne  pratique  pas  le  baptême.  M.  B.  croit  que,  si  l'auteur  de  la 
loctrine  du  Roi  de  la  lumière  ne  s'est  pas  servi  lui-même  des  livres  ma- 
nichéens, son  école  a  dû  les  mettre  à  contribution.  Néanmoins  les  ca- 
■actères  principaux  du  manichéisme  :  la  rédemption,  le  dualisme  et  l'as- 
:étisme,  n'ont  pas  pénétré  chez  les  Mandéens. 
Tels  sont  les  résultats  auxquels  l'étude  des  livres  mandéens  a  conduit 

I.  Contre  Celse,  IV,  28  ;  comp.  Hœnig,  Die  Ophiten,  p.  46. 


104  REVUE   CRITIQUE 

M.  Brandt.  Plusieurs  hypothèses  pourront  soulever  des  doutes  et  appe-j 
1er  la  contradiction;   mais  le  grand   mérite  de  ce  travail  est  de  nous! 
donner,  pour  la  première  fois,  un  exposé  clair  et  raisonné  de  la  reli- 
gion mandéenne.  C'est  un  éminent  service  que  M.  B.  a  rendu  aux  scien- 
ces religieuses,  car  les  livres  mandéens,  écrits  dans  une  langue  accessible 
à  peu  de  personnes  et  dans  un  style  obscur,  risquent  fort  de  n'être  pas 
souvent  consultés;  aussi  est-il  à  désirer  que  M.  B.  qui  est  si  bien  pré- 
paré, nous  donne  prochainement  une  traduction  fidèle  de  ces  livres  '. 
II.  A  l'opposé  des  Mandéens,  les  sectes  gnostiques  ont  disparu  avec 
leur  littérature  et  elles  ne  nous  sont  connues  que  par  les  livres  chrétiens 
ou  juifs  qui  ont  combattu  leurs  doctrines.  Contrairement  aux  person- 
nes qui  voient  dans  les  gnostiques  des  hérétiques  chrétiens,  M.   Hœnig 
soutient  —  c'est  là  l'objet  de  sa  publication  —  que  les  premiers  gnos- 
tiques sont  sortis  du  judaïsme  et  que  ces  premiers  gnostiques  étaient 
les   Ophites  ou  Naasséens,    qui    tirent  leur  nom  du  mythe  biblique 
du  serpent  apportant  à  l'homme  la  connaissance  du  mal.  Cette  secte 
est  au  moins  contemporaine  du  christianisme,  si  elle  ne  lui  est  pas 
antérieure,   'Vers   le   commencement  de   l'ère  chrétienne,  en  effet,   la 
question  :  D'où  vient  le  mal?  s'imposait  d'une  manière  urgente  et  la  re- 
ligion monothéiste  des  Juifs  ne  pouvait  pas  lui  donner  une  réponse  sa- 
tisfaisante. C'est  ce  problème  que  l'ophitisme  a  cherché  à  résoudre,  sans 
sortir  d'abord  du  judaïsme.  En  dehors  du  mythe  du  démiurge  Jalda- 
baoth,  ce  système  religieux  ne  renferme  rien  dont  on  ne  trouve  un  écho 
dans  l'es  Tamulds  et  les  Midrasch,  ainsi  que  M.  H.  le  montre  par  de 
nombreux  passages  empruntés  à  ces  livres.  Mais  la  théorie  du  démiurge,, 
qui  forme  le  caractère  principal  du  gnosticisme,  ne  pouvait  être  acceptée 
par  les  Juifs  et  elle  fut  la  cause  d'une  séparation  devenue  inévitable. 
Selon  M.  H.  le  gnosticisme  pourrait  être,  comme  le  christianisme,  sorti 
de  l'essénisme,  mais  avec  cette  différence  que  le  premier  prenait  en  coa- 
sidération  l'élément  spéculatif,  tandis  que  l'autre  s'attachait  davantage  l| 
l'élément  religieux.  M.  Hœnig  rejette  toute  influence  étrangère  ;  cepen 
dant  il  est  difficile  que,  à  l'époque  de  Philon  d'Alexandrie  et  de  JohanI 
nan  ben  Zakkai,  rhellénisme  n'ait  pas  eu  sa  part  dans  cette  réactior 
contre  le  monothéisme  étroit  des  Juifs.  D'un  autre  côté,  M.  Kessler 
comme  nous  avons  eu  occasion  de  le  mentionner  plus  haut,  a  trouvé  dan 
les  systèmes  gnostiques  des  rapports  évidents  avec  les  anciens  mythes  dj 

la  Babylonie.  1 

Ce  livre  témoigne  autant  des  connaissances  étendues  de  1  auteur  qu 

I  Voici  quelques  observations  de  détail  :  p.  3o,  note  2.  le  mot  maldld  veut  di: 
comme  en  syriaque,  «  orateur  »  et  n'est  pas  altéré  de  mamlelâ ;  p.  46,  dayaraj\ 
signifie  «  habitants  «  et  non  pas  *  demeures  »;  p.  60  la  Monta-ne  de  fer  se  tro. 
vait  au  nord-est  de  la  mer  Morte;  v.  Neubauer.  Géographie  du  Taimud.  p.  4PJ 
J  Derenbourg,  Revue  des  Études  juives,  1884,  p.  27b;  p.  107,  nous  ne  connal 
sons  pas  de  mot  syriaque  petiia  dans  le  sens  d'hostie  ;  p.  12S  Ourasclihvn  n  est  p 
une  affreuse  déformation  de  l'hébreu  Jerouschalem  avec  le  sens  de  «  Our  l'a  accor 
pli  *  mais  répond  au  syriaque  Ourischlcm  et  à  l'arabe  Ourischahm. 


d'histoire  et  de  littérature  io5 

de  son  jugement  sain  et  critique,  quelque  doute  que  ces  questions  diffi- 
ciles laissent  encore  planer  dans  l'esprit  du  lecteur. 

Rubens  D  uval. 


68.  —  V.  Laloux  et  P.  MoNCKAUX.  Restam-atîon  d'Olympîe.  L'histoire,  les 
monuments,  le  culte  et  les  fêtes.  Paris,  Quantin,  1889.  In-4  àc  224  p.  avec 
10  planches  hors  texte  et  de  nombreuses  gravures  '.  Tiré  à  Doo  exemplaires  nu- 
mérotés. Prix:  100  francs. 

Ceux  qui  voulaient  connaîLre  les  résultats  des  fouilles  d'Olympie  sans 
dépouiller  des  collections  de  périodiques,  en  étaient  réduits,  jusqu'à 
présent,  à  trois  publications  en  langue  allemande  :  1°  les  Ausgrabungen 
lu  Olympia,  recueil  aussi  coûteux  qu'incommode  de  photographies 
collées  sur  bristol,  précédées  d'un  texte  insuffisant;  2"  une  bonne  com- 
pilation de  M.  Boetticher,  dans  le  format  in-S»,  dont  le  texte  vaut  mieux 
que  l'illustration;  3'^  le  remarquable  article  Olympia,  publié  par 
M.  Flasch  dans  les  Denkmaler  de  Baumeister.  On  est  heureux 
de  voir  paraître  en  P>ance  la  première  monographie  vraiment  satis- 
faisante, spécialement  destinée  aux  artistes  et  au  grand  public,  où 
un  texte  sobre  et  élégant,  dû  à  M.  Monceaux,  sert  de  commentaire  aux 
belles  planches  exécutées  soit  d'après  les  originaux,  soit  d'après  les 
restitutions  de  M.  Laloux.  Ce  dernier,  ancien  pensionnaire  de  l'Acadé- 
mie de  France  à  Rome,  auteur  d'une  histoire  résumée  de  Tarchitecture 
grecque  dont  nous  avons  rendu  compte  (Rev.  crit.^  1889,  I,  p.  83), 
a  passé  plusieurs  mois  à  Olympie,  de  1881  à  i883',  faisant  abstrac- 
tion du  travail  de  ses  prédécesseurs,  il  a  pris  une  fois  de  plus  toutes  les 
mesures,  toutes  les  côtes,  et  il  a  exposé  au  Salon  annuel,  puis  au  Champ 
de  Mars  en  1889,  une  restitution  de  l'Altis  qui  a  été  très  justement 
remarquée  parmi  tant  d'excellents  envois  de  ses  collègues  de  la  Villa 
Medici.  Presque  tout  est  à  louer  dans  les  planches  et  dans  les  vignettes 
de  ce  volume  ;  nous  signalerons  surtout  les  magnifiques  photogravures 
consacrées  à  la  restauration  générale  de  Tenceinte  sacrée  d'Olympie. 
Même  dans  la  série  des  vignettes,  exécutées  d'après  des  dessins  à  la 
plume,  il  y  a  de  petits  chefs-d'œuvre,  comme  les  vues  publiées  aux  pages 
44  et45.  Nous  de  von  s  cependant  présenter  deux  réserves  graves  à  l'adresse 
fj  du  travail  de  M.  Laloux.  D'abord,  dans  ses  restitutions,  il  a  singuliè- 
rement abusé  des  décorations  empruntées  à  la  céramique;  il  en  a  fait 
figurer  sur  le  mur  extérieur  de  la  cella  du  temple  de  Jupiter,  sans  souci 
du  style  de  ces  peintures  trop  archaïques  pour  le  monument  qu'elles 
décorent,  sans  souci  même  de  la  vraisemblance,  qui  interdit  de  trans- 
porter sur  une  muraille  la  décoration  d'un  vase.  Notre  seconde  objec- 
tion porte  sur  la  planche  intitulée  :  «  Essai  de  restitution  du  Jupiter  de 
Phidias.  »  Elle  est  si  mauvaise  qu'on  se  demande  vraiment  si  elle  a 

I.  Par  une  négligence  qui  me  paraît  inexplicable,  et  qui  rendra  les  renvois  à  ce 
livre  difficiles,  ni  les  planches  ni  les  vignettes  ne  sont  numérotées.  La  table  des 
gravures,  donnée  à  la  p.  225,  ne  dislingue  même  pas  les  vignettes  des  photogravures! 


I06  REVUE    CRITIQl!E 


pour  auteur  le  même  artiste  que  les  autres.  Rien  n'y  rappelle  que  Tori 
ginal  était  en  ivoire  et  en  or  ;  Je  modelé,  au  lieu  d'être  accusé  d'une 
manière  un  peu  sèche,  comme  il  convenait,  est  tout  à  fait  vague  et 
nébuleux,  même  incorrect.  Chose  plus  grave  encore,  les  figurines  d'or- 
nement, peintes  ou  sculptées  sur  le  trône  du  dieu,  sont  toutes  égale- 
ment inadmissibles  et  font  l'effet  de  véritables  contre-sens.  Les  pein- 
tures sont  empruntées  à  des  vases  qui  peuvent  remonter  à  l'an  600,  les 
sculptures  à  des  motifs  postérieurs  d'au  moins  trois  siècles,  comme 
celui  des  trois  Grâces  nues.  C'est  un  recul  marqué  sur  la  restauration 
de  Quatremère,  qui  date  pourtant  de  181 3.  Quand  les  5oo  exemplaires 
de  sa  belle  monographie  auront  trouvé  acquéreurs,  M.  Laloux  rem- 
placera cette  planche  dans  une  seconde  édition.  En  revanche,  il  n'est 
guère  possible  de  donner  des  reproductions  plus  satisfaisantes  d'après 
les  statues  des  frontons  et  l'Hermès  de  Praxitèle,  figuré  ici,  pour  la 
première  fois  en  France,  avec  les  jambes  que  lui  a  rendues  un  restau- 
rateur. Parmi  les  vignettes,  il  n'y  en  a  qu'une  seule  qui  soit  mauvaise  : 
c'est  TAthéné  de  la  métope  du  Louvre,  reproduite  à  la  p.  91. 

Le  texte  de  M.  Monceaux  mérite  tout  d'abord  d'être  loué  pour  sa  vive 
allure,  sa  bonne  ordonnance,  la  discrétion  que  l'auteur  a  mise  à  ne; 
pas  le  surcharger  d'érudition.  Toutefois,  à  cet  égard,  je  trouve  encore 
qu'il  a  donné  trop  ou  trop  peu.  Ses  références,  très  capricieusement 
choisies,  manquent  presque  toujours  de  précision  ;  ainsi  (p.  42,  note  3), 
les  titres  d'ouvrages  anglais  (non  traduits)  sont  cités  les  uns  en  fran- 
çais, les  autres  dans  la  langue  originale,  sans  qu'on  puisse  saisir  le 
motif  de  cette  inconséquence.  De  même  (p.  86,  note  i),  dans  une  note 
bibliographique  consacrée  aux  frontons,  il  n'y  a  presque  pas  un  titre 
qui  soit  transcrit  d'une  manière  correcte  ou  complète'.  Dans  le  même 
ordre  d'idées,  il  me  semble  que  l'auteur  a  passé  trop  légèrement  sur 
toutes  les  difficultés  pendantes,  en  se  contentant  de  faire  observer  que 
ces  questions  devaient  rester  litigieuses.  Qu'il  s'agisse  de  l'école  à 
laquelle  appartiennent  les  frontons,  de  la  disposition  des  figures  du 
fronton  oriental,  de  la  restauration  de  VHennès,  c'est  toujours,  sous 
des  formes  heureusement  variées,  la  même  conclusion  :  «  Je  n'en 
sais  rien,  et,  après  tout,  ça  m'est  bien  égal.  »  Les  gens  du  monde, 
auquel  ce  livre  s'adresse  de  préférence,  concevront  une  idée  fâcheuse 
de  l'impuissance  ou  de  l'insouciance  des  archéologues.  Entre  plusieurs 
opinions  en  conflit,  il  y  en  a  toujours  une  à  laquelle  s'arrête  un  savant, 
après  les  avoir  toutes  bien  considérées  :  c'est  celle-là  qu'il  doit  prendre 
sous  son  patronage  et  présenter  au  public,  quitte  à  indiquer  sommaire' 
ment,  s'il  le  juge  nécessaire,  celles  qu'il  repousse  ou  qui  le  satisfont^ 
moins. 

Facile   à  lire,  élégant,  souvent  spirituel,  le   style  de  M.  M.  subit 

I.  Le  titre  de  l'ouvrage  de  Pinder,  à  la  p.  210,  note  i,  est  tout  à  fait  estropie'.  II 
fallait  d'ailleurs  citer,  au  lieu  de  ce  travail  vieilli,  P.  Gardner,  Journ.  Hell.  Stud. 
t.  I,  p.  210. 


I 


d'hISTOIRK    et   DR   LITTÉRATURS  IO7 

cependant,  plus  qu'on  ne  le  voudrait  dans  un  tel  livre,  l'intiuence  du 
journal  et  du  feuilleton.  Il  dit  «  partir  au  siège  de  Troie  »  (p.  5), 
comme  M.  Ohnet  dit  «  partir  à  la  campagne  »  ;  p.  i3,  il  traduit  les 
[^.aa-îiYocpcpot  par  les  Jouet  tards,  ce  qui  n'est  ni  joli  ni  exact  (pourquoi 
pas  mastigophores  on  porte-verges?).  P.  26  et  129,  à  deux  reprises,  il 
nous  parle  de  statues  «  appelées  les  Zanes  dans  l'argot  d'Olympie  »  ; 
mais  Zâv  ou  Zâc,  comme  Aâv  ou  Aâ;,  est  une  forme  dialectale  qui  n'est 
pas  spéciale  à  Olympie  (cf.  Thés.  Dîd.  t.  IV,  p.  22,  col.  2),  et 
l'on  ne  doit  pas  confondre  un  dialecte,  qui  est  une  langue  particulière 
à  un  groupe  ethnique,  avec  un  argot,  qui  est  propre  à  une  classe 
sociale.  De  même  encore  (p.  64),  parlant  de  la  statue  d'une  jument, 
M.  M.  observe  :  «  Les  Grecs  savaient  honorer  le  mérite,  même  à  quatre 
pattes.  »  Franchement,  cela  manque  un  peu  d'atticisme,  et  M.  M.  en 
conviendra  lui-même  à  la  réflexion.  Je  n'insiste  pas,  d'ailleurs,  sur  ces 
taches  légères,  qui  n'enlèvent  pas  à  son  exposition  les  qualités  remar- 
quables qu'une  lecture,  même  superficielle,  y  fait  découvrir, 

La  disposition  du  texte  est  bien  entendue  :  une  histoire  d'Olympie 
poussée  jusqu'à  la  fin  des  fouilles  allemandes;  une  topographie  monu- 
mentale et  artistique,  sorte  de  périégèse  à  la  Pausanias,  mais  beaucoup 
mieux  ordonnée;  enfin,  une  étude,  qui  est  la  meilleure  partie  du  livre, 
sur  le  culte  et  les  fêtes.  M.  M.  a  fait  des  recherches  sérieuses  pour  réfuter 
la  légende  (née  des  confidences  d'un  pailikare  mystificateur  aux  archéo- 
logues allemands),  d'après  laquelle  les  fouilles  de  l'Expédition  de  Morée 
auraient  été  suspendues  sur  l'ordre  de  Capodistria.    Il   met  cette  fâ- 
cheuse interruption  sur  le  compte  des  chaleurs,  ce  qui  paraît  tout  à  fait 
vraisemblable.  Rayet  l'attribuait  à  la  mésintelligence  de  Blouet  et  de 
Dubois;  j'ignore  sur  quel  fondement,  mais  j'ai  peine  à  croire  qu'il  n'y 
ait  pas  là  aussi  quelque  vérité.  Dubois  était  un  si  bizarre  personnage  ! 
Dans  l'histoire  des  tentatives  faites  par  divers  archéologues  pour  amener 
la  repiise  des  fouilles  \  M.  M.  ne  prononce  pas  le  nom  de  Beulé,  ce  qui 
est  injuste.  En  parlant  des  plus  anciens  occupants  d'Olympie  (p.  4),  il 
fait  aux  Phéniciens  une  place  très  grande,  à  quoi  ne  l'autorisent  ni  les 
monuments  ni  les  textes.  Pas  une  ligne  d'écriture  phénicienne  n'a  été 
découverte    à    Olympie   :    c'est   là     un    fait   qui   doit   faire   taire    les 
hypothèses.  Dans  la  description  de  l'Altis,  rédigée  par  M.   Monceaux 
avec  le  concours  de  M.  Laloux,  il  y  a  plusieurs  observations  person- 
nelles, par  exemple  sur  le  tracé  de  la  voie  triomphale  (p.  5  5);  sur  les 
21  boucliers  de  Mummius,  que  les  auteurs  placent  sur  l'architrave  au- 
dessus  des  colonnes  (p.  74);  sur  l'hypèthre  du  grand  temple,  M.  Laloux 
ayant  reconnu  «  au  niveau  du  dallage,  sous  deux  colonnes  opposées,  en 
avant  de  la  statue,  deux  petites  ouvertures,  peut-être  celles  des  cani- 
veaux par  où  s'écoulaient  les  eaux  de  pluie»  (p.  94);  sur  l'emplacement 
probable  du  théâtre  (p.  145),  etc.  Je  signalerai  aussi  deux  remarques 

I.  Cette   histoire  est    faite  à  l'aide  de  documents  qui  ont  été  réunis  par  un  écri- 
vain antérieur;  M.  M.  a  oublié  ici  de  reconnaître  sa  dette. 


io8 


REVUK    CRITIQUE 


nouvelles  touchant  le  fronton  oriental  (p.  87)  :  V Œnomaos  tenait  à  la 
main  un  arc  et  non  une  lance,  le  Pélops  portait  une  cuirasse  adaptée 
après  coup,  dont  M.  Laloux  croit  avoir  reconnu  les  traces.  Dans  l'in- 
térêt du  livre  et  des  auteurs,  on  aurait  voulu  que  ces  nouveautés  fussent 
mieux  en  évidence  et  que  certaines  questions,  comme  celle  de  l'hypèthre, 
eussent  été  traitées  avec  un  peu  plus  de  détail. 

Tel  qu'il  est,  dû  à  une  collaboration  intelligemment  comprise,  cet 
ouvrage  tiendra  désormais  une  place  honorable  dans  les  bibliothèques 
artistiques;  je  suis  heureux  d'ajouter  que  le  prix  en  est  modeste,  le  for- 
mat maniable  et  qu'à  cet  égard,  comme  par  son  exécution  matérielle, 
il  mérite  de  servir  de  modèle  aux  auteurs  et  éditeurs  de  monographies 
qui  veulent  instruire  le  public  sans  le  rançonner. 

Salomon  Reinach. 


69.  —  E.  EspÉRANDiEU.  Epigi-apliie  l'omaine  du  Poitou  et  de  Iî«  Sain- 
toiige.  Melle  et  Paris,  1889,  in-8,  410  et  un  album  de  planches.  A.  Melle,  chez 
E.  Lacure;  à  Paris,  chez  Thorin. 

70.  —  P.  Lejay.  Insci-iptionis  antiques  de  la  Côte  d'Or.  Paris,  1889,  in-8, 
280  pages,  chez  Bouillon. 

71.  —  V.-J.  Vaillant.  Epigrapliie  de  la  Morinie.  Boulogne-SUr-Mer,  1890, 
262  p.,  avec  planches  et  figures,  chez  Simonnaire. 


Ayant  renoncé  à  faire  le  Corpus  inscriptionum  latinariim  de  la 
Gaule,  en  gros,  nous  le  faisons  en  détail  :  c'était  le  seul  parti  honorable 
qui  nous  restât  à  prendre.  Les  inscriptions  de  Bordeaux  et  de  Nar- 
bonne  ont  été  réunies  récemment  par  MM.  Jullian  et  Lebègue,  qui  en 
ont  tiré  un  excellent  parti;  celles  de  Lyon  viennent  d'être  rééditées  par 
MM.  Allmer  et  Dissard,  dans  deux  volumes  où  nous  retrouvons  le  vail- 
lant auteur  des  inscriptions  de  Vienne;  voici  maintenant  trois  recueils 
locaux  qui  nous  viennent  des  points  les  plus  opposés  de  la  France,  du 
Nord,  de  l'Est  et  de  l'Ouest.  C'est  un  signe  excellent  du  développe- 
ment qu'ont  pris  chez  nous  les  études  épigraphiques. 

Un  trait  commun  à  ces  trois  publications,  qui  doit  être  signalé  tout 
d'abord,  c'est  que  les  auteurs  ne  se  sont  pas  contentés  de  reproduire  le 
texte  des  inscriptions  en  caractères  typographiques,  ils  en  ont  donné  des 
fac-similé,  ou,  tout  au  moins,  ont-ils  indiqué  la  forme  des  lettres  les 
plus  caractéristiques.  M.  E.  a  dessiné  lui-même  tous  les  textes  abor- 
dables avec  un  talent  que  connaissaient  déjà  ses  compagnons  d'armes 
épigraphiques  d'Afrique  ;  M.  V.  a  fait  de  même  et  a  ajouté,  ce  qui  est 
mieux  encore,  une  héliogravure;  M.  L.  a  simplement  dressé  une  table 
paléographique,  ce  qui  peut  suffire,  à  la  rigueur.  MM.  E.  et  L.  ont,  de 
plus,  donné  à  la  suite  de  leur  livre  des  indices  complets  et  méthodiques. 
Tout  cela  est  bien. 

La  partie  la  plus  importante  d'un  travail  de  cette  nature  est  évidem- 
ment la  reproduction  du  texte  des  inscriptions.  Comment  les  trois 
auteurs  se  sont-ils  acquittés  de  cette  part  de  leur  besogne?  C'est  ce  que 


d'histoire  et  de  littérature  109 

je  puis  juger  sainement  pour  MM.  E.  et  L.,  ayant  copié  sur  place  les 
inscriptions  de  Saintes  et  celles  de  Dijon.  Je  rendrai  donc  justice  au  soin 
et  à  la  conscience  qu'ils  ont  apportés  dans  la  recherche  des  textes  et  dans 
leur  édition.  Sans  doute,  je  pourrais  signaler  telle  ou  telle  inscription  où 
je  ne  suis  pas  d'accord  avec  eux  pour  certains  détails,  mais  cela  ne  prou- 
verait qu'une  chose,  en  supposant  que  la  vérité  fût  de  mon  côté,  qui  est 
que  j'ai  vu  le  texte  sous  un  meilleur  jour  ou  dans  de  meilleures  condi- 
tions qu'eux  1  ;  je  pourrais  leur  signaler  aussi  tel  ou  tel  petit  fragment  qui 
leur  a  échappé,  par  exemple,  à  Saintes,  quelques  lettres  sur  les  deux 
faces  d'une  base,  dans  Tamphithéàtre,  ou,  à  Dijon,  des  débris  de  funé- 
raires. Mais  je  laisse  de  semblables  critiques  à  ceux  qui  n'ont  jamais 
publié  d'inscriptions  ou  qui  commencent  à  en  publier,  et  qui,  par  suite, 
regardent  ces  lapsus  comme  des  péchés  mortels  :  au  reste,  de  semblables 
critiques  sont  aussi  aisées  à  faire  qu'inutiles  et  malgracieuses.  Je  préfère 
insister  sur  le  service  rendu  par  des  recueils  comme  ceux  dont  il  est 
ici  parlé  et  par  ceux  qui  ont  le  courage  d'entreprendre  ces  sortes  de 
publications  singulièrement  ingrates;  il  faut  leur  savoir  infiniment  de 
gré  quand  ils  les  mènent  à  bonne  fin. 

Je  veux  aussi,  si  leur  exemple  trouve  des  imitateurs,  ce  qu'il  faut 
souhaiter,  soumettre  à  ceux  qui  le  suivraient  quelques  observations  sur 
la  méthode  employée  jusqu'à  présent  pour  de  semblables  travaux.  Il 
semble  qu'il  y  aurait  tout  intérêt  à  la  modifier,  lorsqu'il  s'agit  de 
recueils  d'ensemble  locaux.  On  a  coutume,  en  pareil  cas,  de  donner  le 
texte  de  chaque  inscription,  sa  lecture,  sa  bibliographie,  puis  on  ajoute 
une  dissertation  plus  ou  moins  longue,  où  l'on  traite  de  toutes  les  ques- 
tions qui  touchent  de  près  ou  de  loin  à  l'inscription  publiée.  Je  n'ai  rien 
à  dire  sur  les  trois  premiers  points  qui  forment,  à  proprement  parler, 
la  tâche  d'un  épigraphiste  "  ;  je  dois  faire  observer  pourtant,  pour  en 
revenir  aux  trois  travaux  de  MM.  E.,  L.  et  V.,  que  la  façon  dont  la 
bibliographie  a  été  comprise  par  M.  L.  est  bien  préférable  à  celle  qu'a 
adoptée  M.  E.  Ce  dernier  nous  obligea  lire,  avant  le  texte  même  de  l'ins- 
cription, tous  les  passages  des  auteurs  qui  en  ont  parlé  avant  lui,  toutes 
les  lectures  qui  en  ont  été  faites,  j'allais  dire  toutes  les  bévues  commises  à 
leur  su)et.  C'est  oublier  que  la  bibliographie  est  une  médecine,  néces- 
saire pour  rétablir  le  texte  des  inscriptions  perdues,  pour  fixer  la  pro- 
venance et  l'historique  de  toutes,  même  de  celles  qui  existent  encore, 
mais  assez  désagréable  à  avaler.  L'auteur  d'un  livre  doit  prendre  ce 
soin  pour  ses  lecteurs,  leur  prouver  qu'il  Ta  pris,  les  mettre  à  même 
de  contrôler  son  travail,  si  bon  leur  semble,  mais  ne  point  leur  impo- 

1.  C'est  quelquefois  le  contraire  qui  a  lieu.  Ainsi  j'affirme  à  M.  E.  que,  lorsque  j'ai 
copié,  à  l'ancien  musée  de  Saintes,  le  fragment  qu'il  a  édité  p.  261,  cf.  pi.  XVII,  le 
petit  fragment  portant  les  lettres  A  E,  qu'il  me  reproche  d'avoir  oublié,  n'était  pas  à 
sa  place. 

2.  Je  préfère  l'ordre  géographique  adopté  par  M.  L.,  dans  le  classement  des  ins- 
criptions, à  la  division  par  catégories  admise  par  M.  E.;  mais,  pour  de  petits  recueils 
comme  ceux-là,  les  deux  méthodes  peuvent  être  acceptées. 


I  10  REVUE    CRITIQUE 

ser  de  force  cette  besogne.  Quant  au  quatrième  point,  au  commen- 
taire dont  on  l'ait  suivre  les  inscriptions,  il  me  paraît  nécessaire  de 
changer  de  manière.  MM.  E  ,  L.  et  V.  ont,  ainsi  que  nous  l'avons  tous 
fait,  donné  à  la  suite  de  chaque  inscription  leur  avis  sur  la  lecture  de 
certains  mots,  sur  la  restitution  de  certains  autres,  sur  l'explication  de 
termes  particuUers,  ce  qui  est  indispensable;  puis  ils  ont  ajouté,  tou- 
jours suivant  l'usage,  et  à  la  façon  d'un  professeur  qui  enseigne,  des 
dissertations  historiques  ou  archéologiques  à  propos  des  différentes  ins- 
criptions. L'un  nous  dit  ce  qu^étaient  les  beneficiarii  ou  les  capsarii 
dans  Tarmée,  nous  explique,  à  propos  d'une  dédicace  à  Mercure,  com- 
bien son  culte  était  répandu  en  Gaule  et  nous  cite  toutes  les  divinités 
locales  qui  lui  étaient  identifiées,  ou  ce  quêtait  une  civitas  gauloise. 
Celui-là,  qui  est  M.  L.,  est  cependant  discret  dans  ses  développements. 
Les  autres  sont  plus  abondants  :  ils  font  des  dissertations  sur  les  cachets 
d'oculiste,  sur  les  evocati,  sur  les  milices  provinciales,  sur  les  légats 
d'Aquitaine,  sur  les  poids  romains  et  les  inscriptions  qui  y  étaient 
gravées,  sur  le  culte  de  Jupiter  Dolichenus ,  etc. Tout  pourrait  ainsi  être 
un  prétexte  à  dissertation,  où  Ton  ferait  passer  des  livres  entiers  écrits 
par  soi  ou  plus  souvent  par  les  autres.  Ce  système  était  de  mise  à 
répoque  héroïque  de  Tépigraphie,  quand  il  n'y  avait  ni  manuels  d'an- 
tiquités, ni  Corpus.  Aujourd'hui  que  nous  avons  ces  instruments  entre 
les  mains,  il  y  a  mieux  à  faire  que  de  recomposer  des  dissertations  déjà 
connues  à  propos  des  inscriptions,  alors  que  ce  sont  les  inscriptions 
qui  doivent  être  citées  à  propos  des  dissertations.  Je  concevrais  donc  un 
Corpus  local,  composé  de  deux  parties  :  la  première  comprendrait  le 
texte  des  inscriptions  awec  fac-similé  photographique  autant  que  pos- 
sible, bibliographie  et  explication  philologique  du  texte,  tout  cela  net, 
concis  et  sans  fleurs;  la  seconde  serait  un  travail  personnel,  où  Ton 
tirerait  des  textes  réunis  dans  la  première  tous  les  renseignements  qu'ils 
contiennent.  Au  lieu  d'éparpiller  ces  renseignements  après  chaque  ins- 
cription, on  les  réunirait  et  on  tracerait  ainsi  un  tableau,  incomplet 
peut-être,  mais  instructif  de  l'histoire,  de  l'organisation  de  la  vie  anti- 
que d'une  ville,  d'un  département  ou  d'une  province.  Il  est  bien  en- 
tendu, d'ailleurs,  qu'on  éliminerait  de  cet  ensemble  toutes  les  connais- 
sances élémentaires  que  les  lecteurs  doivent  posséder;  on  les  rejetterait 
en  note,  sous  forme  de  références,  pour  ceux  qui  les  voudraient  acqué- 
rir. De  cette  sorte,  toutes  les  inscriptions,  même  les  funéraires,  seraient 
commentées,  mais  méthodiquement  et  dans  un  ensemble  où  elles  pren- 
draient toute  leur  valeur.  Actuellement,  nous  faisons  comme  des  musi- 
ciens qui  composeraient  une  suite  de  variations  sur  chaque  mesure  d'un 
thème,  prise  séparément,  au  lieu  d'exécuter  tout  d'abord  le  thème  pour 
broder  ensuite  des  variations  sur  l'ensemble.  Avec  le  procédé  que  je 
viens  d'exposer,  thème  et  variations  viendraient  à  leur  place  ration- 
nelle ;  ceux  qui  ne  sentent  pas  la  nécessité  des  secondes  s'en  tiendraient 
au  premier,  et  ceux  que  le  premier  ennuie  pourraient  se  dispenser  d'y 
prêter  attention.  R.  Cagnat. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATUUK  III 

-2.  —  Le  lai  clw  Coi'.  Restitution  critique,  par  Dr  Fredrik  Wulff.  Lund  et  Paris, 
1^88,  in-8,  v-ioi   pages. 

Après  M.  G.  Paris  '  et  M.  Suchier  ~,  il  ne  reste  plus  grand'chose  à 
dire  de  l'excellente  publication  de  M.  Wulfï.  Je  me  borne  à  exprimer 
une  fois  de  plus  le  regret  que  la  disposition  typographique  en  soit  peu 
commode.  Nous  ne  possédions  de  Tun  des  plus  charmants  ouvrages  de 
Tancienne  littérature  française  qu'un  mauvais  texte  diplomatique,  im- 
primé par  Fr.  Michel  à  la  suite  des  recherches  de  F.  Wolf  Ueber  die 
Lais,  Sequen\en  iind  Leiche  (Heidelberg,  1841).  M.  Wulff  reproduit 
ce  texte,  soigneusement  coilationné  sur  le  manuscrit,  et  nous  donne  en 
regard  un  essai  de  restitution  de  Toriginal,  grâce  auquel  on  pourra 
désormais  lire  sans  peine  le  joli  poème  de  Robert  Biket. 

Le  manuscrit  Digby  86  a  toujours  au  cas  régime  Artu.  au  cas  sujet 
hr^urs.  Le  \  correspond  régulièrement  en  comique  au  th  gallois,  con- 
servé dans  l'anglais  Arthur  et  rendu  par  t  dans  l'ancienne  orthographe 
et  dans  la  prononciation  française  de  ce  nom  célèbre.  Cette  particularité 
ne  semblera  pas  dénuée  d'intérêt,  si  l'on  pense  avec  quelle  précision, 
quelle  exactitude  pittoresques  les  paysages  du  Dartmoor  ^,  aux  confins 
de  la  Cornouaille  et  du  Devon,  sont  décrits  dans  le  Tristran  de  Béroul, 
si  semblable  au  lai  du  Cor  et  par  la  langue  et  par  le  style. 

Ernest  Muret. 


73.  —  L.etti>es  iiiétlites  <Iu  i-ol  lleiii'i  IV  ù  III.  de  Bétliune«  ambassadeur 
de  France  à  Rome,  du  i8  octobre  au  24  décembre  1601,  publiées  daprès  le  ma- 
nuscrit de  la  Bibliothèque  nationale,  par  Eugène  Halphen.  Paris,  1S89,  grand 
in-8  de  56  p. 

Les  lettres  que  contient  la  très  élégante  plaquette  imprimée  par 
Jouaust,  à  trente  exemplaires  seulement,  sont  connues  depuis  long- 
temps, car  Berger  de  Xivrey,  au  tome  V  des  Lettres  missives,  p.  744- 
ySo,  a  eu  soin  de  les  signaler,  analysant  celles  du  18  octobre  et  du 
9  novembre  et  omettant,  on  ne  sait  pourquoi,  six  autres  lettres  qui  sont 
dans  le  même  manuscrit  ^.  M.  Halphen  a  eu  raison  de  penser  qu'il 
serait  utile  au  public  en  mettant  à  sa  disposition  les  dépêches  diploma- 
tiques adressées  à  notre  ambassadeur  à  Rome.  La  politique  extérieure 
de  Henri  IV,  comme  il  le  remarque,  ne  sera  bien  connue  que  lorsque 
les  documents  qui  l'expliquent  seront  sous  les  yeux  des  historiens  ;  les 

1.  Romania.  XVII,  p.  3oo. 

2.  Literaturblatt fur german.  tind  roman.  Philologie,  X,  p.  56. 

3.  Cf.  Rom.,  XVItl,  p.  176. 

4.  M.  Halphen  dit  très  justement  (p.  3)  :  «  11  est  difficile  de  comprendre  le  plan 
de  publication  de  M.  Berger  de  Xivrey,  car  souvent  ayant  dans  les  mains  des  recueils 
de  lettres  authentiques  et  même  autographes,  il  publie  les  unes  et  laisse  les  autres, 
sans  qu'il  soit  possible  de  déterminer  les  motifs  de  cette  exclusion.  »  Combien  de 
fois,  en  étudiant  le  recueil  des  lettres  missives,  j'ai  regretté  que  l'éditeur  n'ait  pas  été 
M.  Halphen  1 


I  12  REVUE    CRITIQUE 

instructions  et  les  dépêches  du  roi  à  ses  ambassadeurs  sont  évidemment 
le  point  de  départ  d'une  telle  étude.  Ces  instructions  et  dépêches  sont 
nombreuses,  car,  ajoute-t-il  «  Henri  IV  a  connu  et  dirigé  les  plus  petits 
détails  de  son  administration  au  dehors  et  au  dedans  de  son  royaume. 
C'est  de  l'ensemble  de  ces  documents  que  sortira  la  véritable  histoire 
diplomatique  de  ce  règne  fécond.  Les  pièces,  prises  séparément,  parais- 
sent quelquefois  de  peu  d'intérêt;  réunies  et  se  complétant  les  unes  les 
autres,  elles  éclairent  des  points  qui  ont  échappé  aux  historiens  ». 

Les  lettres  à  M.  de  Béthune  montrent  combien  Henri  IV  cherche  à 
être  agréable  au  pape  Clément  VIII,  11  fait  mille  efforts  pour  contenter 
le  souverain  pontife,  lequel  était  beaucoup  moins  conciliant.  C'est 
plaisir  de  voir  la  souplesse  avec  laquelle  le  roi  gascon,  si  heureusement 
secondé  par  cet  autre  gascon  qui  s'appelait  le  cardinal  d'Ossat,  cède  et 
cède  encore,  pour  obtenir  plus  tard,  à  son  tour,  d'importantes  conces- 
sions. Sur  bon  nombre  de  points,  le  petit  recueil  de  M.  Halphen  éclaire 
et  complète  les  admirables  lettres  du  grand  diplomate  que  je  viens  de 
nommer.  L'éditeur  a  joint  aux  huit  lettres  (i8  octobre-24  décembre 
1601)  des  notes  précieuses,  et  c'est  avec  une  modestie  qui  va  jusqu'à 
l'excès  qu'il  présente  en  ces  termes  «  à  quelques  amis  »  un  recueil  où  il 
a  mis  tant  d'excellentes  choses  :  «  Qui  donne  ce  qu'il  a,  qui  fait  ce  qu'il 
peut,  fait  ce  qu'il  doit.  » 

T.  DE  L. 


74.  —  P-olitisclue  Cor-respondenz  Kai-1  Fi-iedi'iclis  von  Baden  1783-1S06, 
hrsg.  von  der  Badischen  Historischen  Commission,  bearbeitet  von  B.  Erd- 
MANNSDŒRFFER.    Ersttr   Band,    1783-1792.    Heidelberg,  Winter,    1888.   In-8,    ix, 

Olb    p. 

Voilà  unedes  plus  remarquables  publications  d'archives  que  nous  con- 
naissons. L'éditeur,  M.  Erdmannsdôrffer,  y  a  mis  le  soin, la  conscience, 
le  savoir  qu'on  trouve  dans  ses  travaux  antérieurs.  Il  suit  les.  mêmes 
principes  que  dans  les  volumes  des  Urkunden  iind  Actenstiicke  de 
Brandebourg.  Non  seulement  il  a  fouillé  les  archives  de  l'Allemagne 
(Carlsruhe,  Berlin.  Hanovre,  Marbourg,  Zerbst,  Weimar,  Wiirzbourg, 
Vienne),  et  celles  de  notre  ministère  des  Affaires  étrangères.  Mais  il  a 
reproduit,  dans  ce  premier  volume,  ses  549  documents  avec  un  goût  et 
une  habileté  dont  il  faut  lui  savoir  le  plus  grand  gré.  Il  ne  donne  de 
chaque  lettre  que  l'essentiel,  et  se  contente  de  résumer  en  petits  carac- 
tères certains  documents  dont  il  sufïït  de  connaître  la  teneur  générale  ; 
il  indique  brièvement  en  lête  de  chaque  pièce  ce  qu'elle  contient;  il  met 
au  bas  des  pages  des  notes  historiques,  très  suffisantes  dans  leur  conci- 
sion. Enfin,  le  volume  étant  divisé  en  trois  parties,  M.  E.  a  fait  précéder 
chaque  partie  d'une  introduction  qui  est,  selon  l'expression  allemande, 
orientirend.  On  ne  sera  donc  jamais  embarrassé  dans  Ja  lecture  de 
cette  correspondance  qui  traite  de  sujets  fort  divers  et  fort  compliqués. 


d'hisxoikk  ai   db  littératuru  Il3 

Le  volume  commence  à  l'année  1783,  à  l'époque  où  le  margrave 
Charles-Frédéric  de  Bade  attire  l'attention,  non  plus  seulement  par  son 
administration  qui  fut  si  bienfaisante,  mais  par  son  rôle  politique,  par 
sa  «  situation  au  milieu  des  grands  intérêts  du  siècle  ».  On  est  attiré  par 
la  noble  figure  de  ce  prince  qui  montre  dans  ses  lettres  la  douceur  et  la 
générosité  de  son  caractère;  Goltz  le  nomme  avec  raison  un  homme 
sage  et  éclairé  (p.  21 3)  et  Hertzberg,  un  des  princes  les  plus  patriotes  et 
les  plus  respectables  de  l'Allemagne  (p.  41.) 

Le  ministre  du  margrave  est  moins  sympathique;  mais  on  le  suit 
avec  intérêt,  ce  souple  et  infatigable  Edelsheim,  à  l'esprit  inquiet  qui 
fermente  toujours,  forge  projets  sur  projets,  entretient  de  tous  côtés  la 
correspondance  la  plus  active,  et,  selon  le  mot  de  Charles-Auguste, 
voyage  sans  cesse  «  comme  un  ballon  aérostatique  »  (p.  104).  M.  de  Stein, 
le  frère  du  grand  Stein,  se  moque,  dans  une  lettre  au  duc  de  Weimar, 
de  cet  «  esprit  qui  jette  de  profonds  et  sublimes  regards  ministériels  dans 
l'empire  des  fantômes  politiques  »  (p.  177).  Mais  quand  Edelsheim 
aurait  été  légèrement  infatué  de  lui-même,  il  a  inspiré  de  durables 
affections;  il  écrit  à  Charles-Auguste  et  au  margrave  comme  à  de  véri- 
tables amis  sur  un  ton  cordial  et  familier;  il  sait,  en  outre,  observer  et 
ne  manque  pas  d'agrément  dans  le  style.  Il  écrivait  beaucoup,  il  est 
vrai,  et  l'empereur  Léopold  lui  dit  un  jour  :  Sie  bringen  sich  mit  dem 
Tintenfass  um  (p.  384).  Néanmoins  ses  jugements  sont  plus  d'une  fois 
frappants  et  vrais.  Il  confie  à  Charles-Auguste  que  la  tête  du  futur 
Paul  I  ne  lui  semble  pas  faite  pour  porter  une  couronne  autrement 
qu'avec  souci;  «  s'il  devient  et  reste  heureusement  empereur,  ma 
physionomique  me  trompe  absolument.  C'est  un  homme  tout  à  fait 
contradictoire;  bien  et  mal,  raison  et  folie,  arrogance,  faiblesse,  égoïsme, 
tout  cela  germe,  verdit  et  fleurit  en  lui,  et  parait  sur  son  visage  (p.  239). 
Il  mande  le  12  mai  1784  du  duc  Charles  Eugène  de  Wurtemberg  : 
«  Depuis  Gain  on  n'a  pas  d'exemple  d'un  tel  mouvement  perpétuel  et 
de  tant  de  folies.  Il  veut  maintenant  passer  pour  un  philosophe,  pour 
un  chrétien  qui  se  repent  de  ses  péchés,  pour  un  père  du  peuple  qui 
n'existe  que  pour  ses  sujets;  il  cache  son  sérail,  il  ne  va  plus  au  théâtre, 
il  a  donné  son  piano,  il  parle  toujours  de  ses  vieilles  sottises,  achète  de 
vieilles  bibles,  a  du  reste  plus  d'ostentation  que  jamais,  forme  un  corps 
de  mille  hommes  comme  avant-garde  d'une  armée  qui  n'existe  pas,  et 
ne  cesse  de  mentir  0  (p.  74'.  11  raconte  avec  beaucoup  de  vivacité  son 
entrevue  avec  Léopold  le  Florentin  (p.  384-385). 

Citons  encore,  à  côté  du  margrave  de  Bade  et  d'Edelsheim,  l'honnête 
et  original  Schlosser,  le  beau-frère  de  Gœthe,  l'ancien  bailli  d'Emmen- 
dingen,  chargé  d'une  mission  à  Vienne  et  de  la  rédaction  d'un  code 
badois,  puis  appelé  à  Carlsruhe  et,  en  sa  qualité  de  conseiller  intime, 
donnant  désormais  son  avis  sur  les  questions  de  politique  intérieure  et 
extérieure.  Edelsheim  ne  l'aime  pas;  il  le  regarde  comme  un  homme 
qui  veut  régner  «  coûte  que  coûte  y>,  comme  un  Plattfuss,  et  il  regrette 


I  14  REVUE   CRITIQUE 

de  ne  pouvoir  obtenir  son  renvoi  (p.  430).  Mais  Schlosser  a  parfois 
d'excellentes  idées.  C'est  lui  qui  prédit,  dansun  mémoire  du  19  juin  1790 
(p.  36 1)  que  Tinfluence  de  la  Révolution  française  ne  passera  pas  rapi- 
dement, et  qu'elle  se  terminera  par  la  domination  absolue  d'un  seul, 
par  une  Despotie.  Il  fait  prévoir  la  guerre  et  croit  —  comme  Edelsheim 
—  qu'il  n'y  a  que  plaies  et  bosses  à  y  gagner  (p,  393)  :  «  L'Autriche, 
conclut-il,  recouvrera  l'Alsace  et  la  Lorraine;  mais  la  Prusse  ne  per- 
mettra jamais  un  pareil  agrandissement,  et,  lors  même  que  la  France 
serait  assez  malheureuse  pour  faire  de  tels  sacrifices,  elle  reprendra  en 
moins  d'un  demi  siècle  tout  ce  qu'elle  aura  —  d'ailleurs  très  invrai- 
semblablement —  perdu.  Que  gagnera  donc  l'Empire  à  la  guerre?  Quel 
aveuglement  !  Le  margrave  doit  prévenir  toutes  les  mesures  violentes  s 
(p.  374).  C'est  Schlosser,  sans  doute,  comme  le  conjecture  avec  raison 
M.  E.  qui,  par  l'intermédiaire  de  Pteffel,  propose  à  Dumouriez  (alors 
ministre  des  affaires  étrangères)  une  pleine  neutralité  entre  la  France  et 
le  cercle  deSouabe  ;  car,  dit  cet  anonyme,  «  un  des  principaux  membres 
du  ministère  du  margrave  de  Bade  »,  les  petits  princes  et  états  du  corps 
germanique  «  se  déclareront  contre  une  guerre  de  l'empire  et  se  borne- 
ront à  demander  une  conférence  pour  l'arrangement  amiable  des  pré- 
tentions des  princes  possessionnés  »  (p.  452-453). 

M.  E.  a,  nous  Favons  dit,  partagé  le  volume  en  trois  parties.  La 
première  est  consacrée  au  Furstenbiind.  Elle  montre,  comme  on  le 
savait  déjà,  que  a  l'initiative  du  Bund  est  partie  en  un  certain  sens  du 
gouvernement  du  margrave  ».  Dès  1783,  Charles-Frédéric  songeait  à 
r  ■i  union  des  princes  »  et  mandait  au  prince  de  Dessau  que  «  les  bons, 
die  Guten  ans  uns,  devaient  se  rapprocher  plus  souvent  ».  Il  veut,  dit-il 
dans  un  mémoire  écrit  de  sa  main,  que  Tunion  «  donne  le  ton  en  Alle- 
magne, qu^elle  donne  l'exemple  de  la  justice  et  de  l'humanité,  délivre 
les  arts  utiles  et  le  commerce  de  toute  contrainte,  facilite  la  circulation 
des  denrées,  augmente  la  richesse  du  pays  »  (p.  186);  on  reconnaît  Pami 
de  Mirabeau  père  et  de  Dupont  de  Nemours.  Mais  il  ne  vise  pas  seule- 
ment un  but  politique;  il  pense  en  même  temps  à  réaliser  le  projet  de 
Herder,  à  fonder  une  Académie  allemande  (p.  i85-i86  et  1 90-191), 
Il  est  en  relations  durant  cette  période  avec  le  prince  François  de 
Dessau,  son  intime  ami;  avec  Charles-Auguste  de  Weimar,  un  de  ceux 
qui  s'attachent  avec  le  plus  d'enthousiasme  à  Pidée  de  ï  «  union  des 
princes  »  et  qui  avait  initié  à  ses  secrètes  négociations  Knebel  et 
Gœihe;  avec  le  duc  de  Deux- Ponts  et  l'évêque  de  Spire  ;  avec  l'arche- 
vêque de  Mayence  qui  ose  déclarer  à  Trautmannsdorf  que  «  Charles- 
Quint  a  été  arrêté  dans  ses  projets  par  une  petite  armée  de  confédérés 
qui  n'avait  pour  chef  qu'un  électeur  de  Saxe  »  (p.  100).  La  figure  du 
«  petit  »  Dalberg  apparaît  déjà  parmi  toutes  ces  intrigues  et  manœuvres 
diplomatiques. 

La  deuxième  partie  du  volume  traite  des  relations  de  Bade    avec  .^1 
l'étranger  {Auswartige  Be\iehungen]  avec  la  France,  la  Hollande,  la 


d'histoire  et  de  littérature  I  I  5 

Russie.  La  France  négocie  avec  Bade  à  cause  de  la  navigation  du  Rhin, 
du  transport  des  marcliandises,  du  droit  d'aubaine,  Dupont  de  Nemours 
est  à  Paris  le  chargé  d'affaires  et,  selon  le  mot  de  M.  E.,  l'homme  de 
confiance  du  gouvernement  badois.  Il  a  déjà  figuré  dans  la  première 
partie  du  volume,  où  il  reproche  à  «  Joseph  II  de  mettre  trop  en  avant 
son  aigle  impériale  »  (p.  75)  et  fait  un  grand  éloge  de  Vergennes  —  il 
dit  une  fois  que  ce  ministre  «  joint  la  réflexion  allemande  à  la  gravité 
asiatique  »  (p,  270).  Dupont  ajoute  à  ses  rapports  de  nombreux  et  remar- 
quables détails  sur  la  situation  politique  de  la  France.  Il  mande  l'arres- 
tation du  cardinal  de  Rohan  (p.  253)  et  les  actes  de  rassemblée  des 
notables  (p.  268  et  273-275).  Dans  une  lettre  du  27  décembre  1787,  il 
assure  que,  si  la  paix  ne  dure  pas,  la  France  fera  un  effort  national  qui 
la  relèvera  plutôt  que  de  l'abaisser  (p.  284).  A  côté  de  Dupont  paraît 
quelquefois  Butré,  le  physiocrate  tourangeau,  que  M,  Rod.  Reuss  a  fait 
tout  récemment  revivre. 

Nous  arrivons  à  la  troisième  partie  du  volume,  la  plus  attachante, 
qui  a  pour  titre  Bade  et  les  commencements  de  la  Révolution,  de  cette 
Révolution  qui  devait  faire  du  margraviat  un  grand  duché  et  lui  don- 
ner un  territoire  compacte  de  deux  cent  cinquante  lieues  carrées.  On  y 
voit  les  mesures  énergiques  que  prend  le  margrave,  de  concert  avec  le 
gouvernement  de  TAulriche  antérieure  à  Fribourg,  pour  mettre  à  Tabri 
delà,  propagande  stssu]txs(\m,  comme  dit  Edelsheim,  voient  la  désobéis- 
sance à  leur  droite  et  à  leur  gauche  et  devant  eux  (p.  SgS).  On  y  voit  ses 
eff"orts  pour  conserver  ses  droits  sur  ses  possessions  de  la  rive  gauche  du 
Rhin,  sur  les  seigneuries  de  Beinheim  et  de  Rodemachern.  Il  proteste 
contre  les  décrets  de  l'Assemblée  nationale,  puis  négocie  avec  le  cheva- 
lier de  Ternant  qui  vient,  au  nom  de  Montmorin,  offrir  une  indemnité  : 
soit  les  terres  de  la  ville  et  de  l'évêque  de  Strasbourg  sur  la  rive  droite 
du  Rhin,  soit  de  l'argent  comptant  (p.  355),  et,  à  cette  occasion,  Schlos- 
ser,  malgré  Edelsheim  et  l'évêque  de  Spire,  propose  d'accepter  immé- 
diatement les  propositions  de  la  France  :  ce  qui  serait  un  Meistercoup 
(p.  36i).  Outre  la  question  de  l'indemnité,  se  présente  la  question  des 
émigrés.  Condé  organise  son  corps  dans  les  environs  de  Rottweil,  et 
Mirabeau-Tonneau,  sa  légion  à  Ettenheim  ;  il  faut  éloigner  les  «  ras- 
semblements de  troupes  étrangères  »  (p.  408).  Après  une  négociation 
difficile  avec  l'abbé  d'Eymar,  Edelsheim  réussit  à  faire  quitter  Ettenheim 
à  la  légion  de  Mirabeau.  Maisl'animosité  croît  des  deux  côtés  ;  Mackau 
que  Dupont  nomme  justement  un  étourdi  (p,  129),  prend  une  attitude 
agressive  ;  le  vieux  Luckner  vient  au  pont  de  Kehl  menacer  le  margrave 
de  mettre  son  pays  à  feu  et  à  sang  s'il  n'expulse  pas  au  plus  tôt  les 
aristocrates  (p.  422).  La  guerre  est  déclarée.  Que  fera  Bade?  Une  cor- 
respondance s'engage  entre  Edelsheim,  l'envoyé  prussien  Madeweiss, 
le  résident  de  Bade  à  Vienne,  Mûhl,  le  comte  Gôrtz,  Jean  de  MûUer, 
alors  au  service  de  l'électeur  de  Mayence  et  qui  félicite  Edelsheim 
d'avoir  «  fait  disparaître  d'un  coup  de  baguette  toute  une  armée  contre- 


1  Ib  REVUE    CRITIQUE 

révolutionnaire  »  (p.  429).  En  vain  Maisonneuve ,  successeur  de 
Mackau,  s'efforce  d'empêcher  Talliance  de  Bade  avec  TAutriche  et  la 
Prusse;  le  21  septembre  le  margrave  signe  une  convention  militaire 
qui  met  un  corps  de  1,000  fantassins  à  la  disposition  des  alliés  et  lui 
promet  «  une  complète  indemnité  aux  dépens  de  la  couronne  de 
France  »  (p.  5oo). 

Le  volume  se  termine  par  des  extraits  d'an  journal  manuscrit  du 
conseiller  Meier  qui  contient  de  précieuses  indications  sur  les  disposi- 
tions de  la  cour  de  Carlsruhe,  sur  l'effroi  que  jette  dans  le  pays  l'inva- 
sion de  Custine,  et  en  général  sur  les  sentiments  qu'on  éprouvait  in 
der  tiirbulenten  Epoque  (p.  5o8).  Il  ne  nous  reste  qu'à  demander 
pardon  à  M.  Erdmannsdorffer  de  cet  article  si  tardif  et  trop  peu  élogieux, 
et  à  souhaiter  la  prompte  publication  du  second  volume  qui  sera 
plus  intéressant  encore  que  son  aîné,  puisqu'il  comprendra  les  an- 
nées J793-1806  '. 

A.  Chuquet. 

75.    —    Histoire     de    Snînt-CIiainond    et     de    la    ^eigneufie    de    Jnfez« 

depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  nos  jouis,  par  James  Condamix,  pro- 
fesseur à  l'Université  catholique  de  Lyon,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes. 
Ouvrage  honoré  de  la  souscription  du  Conseil  général  de  la  Loire.  Paris,  Picard, 
1S90.  In-4,  xxxH  et  748  pages. 

La  ville  de  Saint-Chamond  doit  être  heureuse  et  fière.  Elle  a  mainte- 
nant son  histoire  complète,  une  histoire  composée  d'  après  les  sources  et 
fondée  sur  les  documents  originaux,  les  parchemins,  les  terriers,  les 
livres  de  raison,  une  histoire  où  les  descriptions  du  texte  s'accompa- 
gnent du  précieux  appoint  des  illustrations,  de  dessins,  d'estampes,  de 
gravures  qui  font  revivre  les  monuments  du  passé  et  reproduisent 
l'aspect  actuel  de  la  petite  cité.  Voilà  quinze  ans  que  l'auteur  de  ce 
grand  et  beau  travail,  M.  James  Gondamin,  en  réunit  les  éléments  et 
glane  dans  les  bibliothèques  et  les  archives  toute  sorte  de  renseignements 
utiles,  11  a  divisé  son  sujet  en  trois  parties.  La  première  partie  a  pour 
titre  Annales  Samt-Chavionaises .  L'auteur  expose  d'abord  les  souvenirs 
de  la  domination  'romaine  à  Saint-Chamond,  puis  retrace  l'apostolat 
de  saint  Ennemond  patron  de  la  ville,  et  fait  l'histoire  de  la  seigneurie 
qui  appartint  successivement  aux  comtes  de  Lyon  et  de  Forez,  aux 
vicomtes  de  Lavieu,  à  la  maison  de  Jarez  (1185-1344),  ^  la  maison 
Durgel  Saint-Priest  (1344-1577),  aux  Mitte  de  Chevrières,  à  la  famille 
de  la  Vieuville  (1684)  et  au  marquis  de  Mondragon  (1768I.  On  remar- 
quera les  pages  consacrées  à  Melchior  Mitte  de  Chevrières,  lieutenant- 

I.  Le  volume  accompagné  d'une  table  des  noms  de  personnes  (due  à  M.  Obser), 
a  été  fait  avec  tant  de  soin  qu'on  a  peine  à  y  relever  des  vétilles,  comme  p.  74 
CdsO^es  pour  Castries  ;  p,  89  Stahrembevg  pour  Siarhemberg;  p,  253  Guichon  pour 
Guiche;  p.  2-/6  Aloussîer  pour  Mousticr;  p.  373  Rewbell  pour  Reubell  ;  —  p.  SSq 
Rochambeau  n'était  pas  encore  maréchal  à  cette  époque. 


d'histoire  et  dk  littérature  117 

général  du  roi  en  Lyonnais  et  surnommé  «  père  de  la  patrie  »,  gouverneur 
de  La  Rochelle  (1628),  chargé  de  missions  diplomatiques  à  Mantoue,  à 
Bruxelles,  à  Londres  et  près  des  cours  d'Allemagne,  lieutenant-général, 
«  grand  capitaine,  disait  Turenne,  sous  qui  j'ai  commencé  à  combattre 
et  qui  m'aappris  à  commander  »  (p.  418),  et,  comme  écrit  M.  C,  le  plus 
illustre  personnage  dont  Saint-Ghamond  aitledroitdes'honorer  (p.  439). 
Mais  M.  C.  ne  se  borne  pas  à  signaler  les  faits  et  gestes  de  Melchior 
Mitte  ou  les  expéditions  de  Christophe  de  Saint-Chamond  contre  Anno- 
nay  et  le  baron  des  Adrets  ;  il  rappelle  de  curieux  détails  relatifs  aux 
écoles  publiques  et  à  l'organisation  de  l'enseignement  dans  la  ville  de 
Saint-Chamond  au  xvie  siècle  (p.  294-296),  aux  recluseries^  à  la  collé- 
giale qui  fut  t  étroitement  mêlée  aux  affaires  et  à  la  vie  publique  de  la 
cité  »  (p.  395).  Le  chapitre  sur  Saint-Chamond  pendant  la  Révolution 
se  lit  avec  intérêt  ;  la  ville  s'appela  ^S^/'^-Chamond  (sans  f  j,  puis  Vallée' 
Rousseau;  elle  eut  ses  clubs,  elle  eut  aussi  ses  victimes  (p.  5o2-5o5),  et 
ses  héros,  entre  autres  le  brave  capitaine  Fanget  (p.  Sog).  M.  G.   ne 
s'est  pas  arrêté  là  ;  il  a  raconté  les  faits  les  plus  saillants  qui  se  sont 
passés  à  Saint-Chamond  dans  les  trois  premiers  quarts  de  ce  siècle  : 
rétablissement  du  premier  chemin  de  fer,  la  donation  de  Dugas-Mont- 
bel  qui  légua  sa  bibliothèque  à  la  ville, —  car  le  traducteur  d'Homère  est 
né  à  Saint-Chamond   (p.   545-547),  l'inondation  de  1834,  etc.  — La 
deuxième  partie  de   Touvrage    expose   le   commerce   et   l industrie   à 
Saint-Chamond  {Idi  houille,  le  fer,  les  soies,  la  teinture).  M.  C.  retrace, 
d'après  les  études  de  MM.  Gruneret  Brossard,  ce  qui  a  trait  aux  mines 
de  charbon;   il  fait  connaître,  en  les  classant  d'après  l'ordre  chronolo- 
gique d'installation,  les  forges  et  les  usines;   il  raconte  l'histoire  du 
commerce  des  soies  fondé  au  commencement   du    xv^   siècle   par   les 
Gayotti   et   qui  valut  à   Saint-Chamond   le   nom  de  «  métropole   des 
lacets   »;  enhn   il   consacre   quelques   pages  à   la   teinture   de   Saint- 
Chamond  dont  la  réputation  tient  avant  tout  à  la  qualité  des  eaux  du 
Gier  et  de  ses  affluents  ;  ces  eaux  sont  tout  à  fait  propres  au  «  décreusage  t> 
des  soies  (p.  649).  —  Une  troisième  partie  traite  des  dépendances  du 
pays  de  Jare:^  :  M.   G.  décrit  le  mont  Pilât,  le  Gier  et  les  ruisseaux 
qu'il  reçoit,   les  alentours  de   Saint-Chamond   :   Isieu,   Saint-Julien, 
Saint-Martin,  la  Valla,  etc.  ;  il  termine  par  diverses  pièces  justificatives. 
L'ouvrage  de  M.  J.  Gondamin  est  une  des  études  d'histoire  locale  les  plus 
consciencieuses  que  nous  connaissons  ;  l'auteur  ne  cesse  de  produire  des 
preuves,  et  on  peut  lire  au  bas  des  pages  ses  références  et  les  explica- 
tions qui  ne  pouvaient  entrer  dans  son  texte,  sous  peine  de  l'alourdir;  il 
a  tiré  un  très  bon  parti  des  matériaux  considérables  qu'il  avait  assemblés, 
et  l'on  n'a  pas  besoin    d'être    Saint-Chamonais    pour  trouver  plaisir 
à  son  récit;  enfin  ce  livre   d'histoire  est  en  même  temps   une  oeuvre 
d'art   et  de    luxe,  et   l'on  ne  saurait  croire    la  quantité  d'illustrations 
qu'il  renferme   :   ces   dessins  du  vieux   temps,    ces   vues   du   Saint- 
Chamond   moderne,  et    des    gravures    comme  le    Saut    du   Gier  et 


I  l8  REVUE   CRITIQUE 

tant    d'autres,    rehaussent   singulièrement   la     valeur   du    volume  \ 

A.  C. 


76.  —  l.a   Société  tlu  Consulat  et  de  l'Euipires  par  Ernest  Bertin.   Paris, 
Hachette,  1890.  I11-8,  t  et  344  p.  3  fr.  5o. 

Ce  livre  est  dédié  à  M.  Léon  Say.  Il  contient,  non  pas  comme  le  fe- 
rait supposer  le  titre  —  un  tableau  complet  de  la  Société  du  Consulat 
et  de  l'Empire,  —  mais  tout  simplement  six  études  d'ailleurs  plus  litté- 
raires qu'historiques  :  Lucien  (d'après  ses  mémoires  publiés  par  Jung); 
Mémoires  et  Lettres  de  M™*  de  Rémusat;  Mémoires  de  Metternich; 
Davout  (d'après  la  publication  de  M'"''  de  Blocqueville)  ;  M.^^  de  Custine 
(d'après  M.  Bardoux,  ce  sénateur  à  la  «  chaude  et  vibrante  parole  »  et 
cet  écrivain  qui  «  vit  par  l'étude  et  la  méditation  dans  l'ancienne  société 
française  »).  M.  Bertin  a,  dans  ces  six  études,  éclairé,  non  sans  esprit  et 
sans  finesse,  quelques  aspects  de  l'époque,  et  notamment  la  cour  de  Na- 
poléon; il  écrit  avec  agrément;  il  montre  joliment  comment  M™^  de 
Rémusat  et  la  maréchale  Davout  aimaient  chacune  leur  mari  ;  il  sait 
peindre  la  grâce  mélancolique  et  passionnée  de  M^^e  de  Custine.  Mais 
pourquoi  fait-il  de  Frédéric  Guillaume  II,  roi  depuis  six  ans  déjà,  un 
prince  royal  de  Prusse  (p.  169)  et  nomme-t-il  une  célèbre  juive  Lié- 
vin  au  lieu  de  «  Levin  »?  (p.  336). 

C. 


•jn,  —  D'  A.  Charpentier.   HtussîscSie  ^Wandei'bilder.  Oldenburg  et   Leipzig, 
Schulze,  1889.  Un  vol.  in-32  de  191  pp. 

Ce  petit  livre  est  écrit  sans  prétention.  L'auteur  ne  paraît  pas  con- 
naître à  fond  la  langue  russe  -  :  mais  c'est  un  observateur  intelligent; 
il  ne  se  contente  pas  de  décrire  les  localités  qu'il  visite  :  il  s'efforce  de 
faire  connaître  également  la  société  au  milieu  de  laquelle  il  a  vécu, 
particulièrement  les  Allemands  de  Russie  dont  il  constate  la  solide  or- 
ganisatiofi.  Ses  notes  sur  Pétersbourg,  Moscou,  Nijny  Novgorod,  Ka- 
zan,  Samara  et  la  Crimée  se  lisent  avec  intérêt;  elles  pourront  servir 
de  supplément  au  guide  Baedeker  pour  la  Russie.  On  aurait  tort  d'ail- 
leurs d'y  chercher  autre  chose  que  des  renseignements  pratiques  et  des 
impressions  personnelles. 

L.   L. 


1.  Il  y  a  de  ci  de  là  trop  d'histoire  générale;  c'est  l'écueil  du  genre.  P.  5o6  qui 
est  Kellennaim?  Serait-ce  Kellermann?  Il  n'a  aucun  droit  à  figurer  parmi  ceux  qui 
«firent  merveille  »  en  1794,  avec  Jourdan,  Hoche  et  Pichegru. 

2.  Quand  on  sait  le  russe  à  fond,  on  ne  change  pas  le  genre  des  mots  les  plus 
usuels.  Ainsi  (p.  q5)  osier,  lac,  lisez  opero.  Ceci  n'est  pas  une  simple  faute  d'impres- 
sion :  l'auteur  met  au  masculin  l'adjectif  qui  accompagne  osier. 


d'histoire  ht  de  littérature  119 

Lettre  de  M.  Cartault  et  réponse  de  M.  Salomon  Reinach. 

Deux  mots  seulement  à  propos  de  l'article  de  M.  S.  Reinach. 

D'après  M.  S.  R.,  les  groupes  dits  «  d'Asie  Mineure  »  sont  faux,  les  figurines  iso- 
lées fausses,  les  vases  faux.  Où  sont  ses  preuves?  A-t-il  démontré  d'une  façon  sé- 
rieuse, par  l'examen  de  la  terre,  qu'un  seul  de  ces  monuments  ne  soit  pas  antique  .' 
A-t-il  même  essayé  de  délimiter  d'une  façon  précise  la  catégorie  des  terres-cuites  qu'il 
met  en  suspicion  '  ? 

Il  a  déclaré  jadis  qu'il  connaissait  le  faussaire  ^  et  que  celui-ci  serait  prochaine- 
ment en  prison;  le  faussaire  est-il  sous  les  verrous'?  —  Il  parle  aujourd'hui  de 
révélations  fort  piquantes;  que  ne  nous  les   donne-t-il  ♦? 

Tout  ceci  n'a  rien  à  faire  avec  la  méthode  scientifique.  Je  ne  m'arrêterais  pas  à 
cette  polémique  si  je  ne  la  considérais  comme  désastreuse  pour  nos  collections  na- 
tionales. Actuellement  le  Louvre  pourrait  se  composer  une  série  de  monuments  uni- 
ques ^.  On  ne  les  lui  présente  même  plus  ^.  Quand  ceux-ci  vont  dans  des  collec- 
tions françaises,  il  n'y  a  que  demi-mal  ;  mais  souvent  ils  s'en  vont  à  l'étranger  '^ .  J'ai 
vu  partir  ainsi  récemment  deux  statuettes  merveilleuses  et  que  je  regretterai  long- 
temps. M.  S.  R.  sait-il  où  elles  sont  aujourd'hui  et  de  quoi  je  veux  parler  **? 

A.  Cartault. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  B.  Melzi  vient  de  publier  un  Nouveau  dictionnaire  français- 
italien  et  italien-français,  qui  nous  paraît  commode  el  utile;  il  renferme  en  effet  un 
grand  nombre  de  termes  techniques,  de  néologismes,  de  locutions  populaires;  il 
comprend  dans  la  nomenclature  italienne  beaucoup  d'archaïsmes  et  les  mots  les  plus 
usités  du  dialecte  toscan;  il  donne  fréquemment  des  exemples.  (Paris,  Le  Soudier, 
1889.  In-80,  539  et  56i  pages). 

ALLEMAGNE.  —  Les  archives  de  Gœthe  et  de  Schiller  (Gœthe-Schiller  ArchivJ, 
deWeimar,  se  sont  enrichies  d'un  nouveau  trésor.  L'arrière-petit-fils  de  Wieland, 
M.  Reinhold,  leur  a  donné  les  papiers  de  son  grand-père,  le  célèbre  philosophe  C.  L. 
Reinhold,  gendre  de  Wieland.  Ces  papiers  comprennent   200  lettres  de  Wieland  et 

1.  Voir  mes  articles  de  la  Classical  Review,  1888,  p.  i  19  et  suiv.,  p.  i53  et  suiv. 
Je  n'ai  pas  une  ligne  à  y  changer.  J'ai  dit  depuis,  dans  mes  Chroniques  d'Orient  de 
là  Revue  archéologique,  ce  qu'il  m'a  paru  opportun  d'y  ajouter. 

2.  Je  n'ai  jamais  déclaré  cela. 

3.  Malheureusement  non.  C'est  un  malin. 

4.  Parce  que  cela  ne  me  convient  pas.  M.  Cartault  écrivait  en  1887  qu'il  connais- 
sait la  nécropole  asiatique  d'où  provenaient  les  groupes,  qu'il  avait  passé  tout  auprès 
au  cours  de  ses  voyages,  mais  qu'il  lui  était  interdit  de  la  nommer.  Aujourd'hui,  il 
déclare  que  la  nécropole  n'est  pas  asiatique,  mais  attique.  Qu'il  nomme  donc  la  né- 
cropole asiatique  et  les  plaisants  informateurs  dcjnt  il  tenait  ses  renseignements  con- 
fidentiels. 

5.  Notre  cher  Louvre  est  en  de  bonnes  mains. 

6.  Parce  que,  dès  i883,  on  a  envoyé  promener  ceux  qui  en  présentaient. 

?•  Tant  pis  pour  l'étranger.  Mais  aucun  musée  n'achète  plus  de  groupes.  Le  con- 
servateur de  Berlin  a  caché  au  fond  des  tiroirs  ceux  qu'il  avait  acquis  avant  1887. 
8.  Je  ne  le  sais  pas  du  tout. 

Salomon  Reinach. 


120  REVUE    CRITIQUE    D^HISTOIRK    ET    DE    LITTÉRATURE 

d'autres  letucs  de  Charles  Auguste,  de  Schiller,  de  Kant,  de  Fichte,  de  Jean  Paul, 
etc.  C'est  ainsi,  dit  le  Centralblatt,  que  ces  archives  s'étendent  de  plus  en  plus  et 
nous  pouvons  espérer  que  sous  la  direction  de  M.  B.  Suphan,  elles  deviendront 
comme  le  centre  de  la  période  classique  de  la  littérature  allemande  du  xviiie  siècle, 

—  La  librairie  Deichert,  d'Erlangen,  publie  une  revue  mensuelle,  \?i  Neue  Kirch- 
liche  Zeitschrift,  qui  doit  remplacer  l'ancienne  «  Zeitschrift  fur  Protestantismus  und 
Kirche  «;  directeur  :  M.  G.  Holzhauser;  collaborateurs  :  MM.  Frank,  Buchrucker, 
von  Burk,  Frommel,  Haussleiter,  Klostermann,  Koehler,  Koenig,  Kolbe,  Kûbel, 
Krummel,  Loeber,  Luther,  Rabus,  von  Scheurl,  Schlier,  H.  Schmidt,  Schnedermann, 
Seeberg,  Staehlin,  von  Strauss  und  Torney,  Volck  ;  programme  :  «  servir  de  centre 

à  tout  le  travail  théologique  qui  se  fait  dans  l'église  luthérienne»;  conditions  d'à-  i 
bonnement  :  2  mark  40  par  trimestre. 

—  On  annonce  la  mort  du  libraire  viennois  Braumûller  (3o   décembre  1889);  dej 
l'éditeur  de  Gotha,  E.-F.-M.  Perthes;  de  W.  Mùller,  professeur  de  langue  et  littéra- 
ture allemande  à  l'Université  de  Goettingue(3  janvier), 

ITALIE.  —  Vient  de  paraître  à  Florence,  chez  l'éditeur  Sansoni,  le  i3«  fascicule 
des  Consulte  délia  Repiibblica  fioventina,  publiées  par  M.  Alessandro  Gherardi.  Ce 
fascicule  va  de  la  p.  481  à  la  p.  620,  et  du  17  octobre  1290  au  22  décembre  de  la 
même  année.  La  principale  affaire  dont  il  soit  question  pendant  ces  deux  mois  est 
celle  d'Arezzo,  si  importante  pour  une  ville  qui  n'avait  presque  qu'une  banlieue  et 
qui  aspirait  à  s'étendre,  à  se  donner  de  l'air. 


I 


ACADÉMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  3 1  janvier  i8go. 

M.  le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  d'un  décret,  en  date  du  29  janvier,  pa 
lequel  le  président  de  la  République  a  approuvé  l'élection  de  M.  le  d'  Hamy,  en  qua 
lité  de  membre  libre  de  l'Académie,  en  remplacement  du  général  Faidherbe. 

M.  le  d"^  Hamy  est  introduit  et  invité  à  prendre  place  parmi  les  membres  de  l'Aca- 
démie. ,       ,  ,  j-  j         •    1        1  j 

M.  le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  des   lettres  des    candidats   a  la   place  de 
membre  ordinaire,  vacante   par  la  mort  de  M.  Pavet    de  Courieille.   Ces  candidats 
sont  MM.  Philippe  Berger,  sous-bibliothécaire  de  l'Institut;  Louis  Courajod,  consei- 
vateur  au  musée  du   Louvre;  HomoUe,  professeur  suppléant  au  Collège    de  France 
R,  de  Lasteyrie,  professeur  à  l'Ecole  des  chartes;  et  Rémi  Siméon,  auteur  de  la  tra- 
duction des  Annales  de  Chimalpahin. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret, 

Julien  Havet, 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 

Séance  du  22  janvier  i8go. 

M.  l'abbé  Thédenat  lit  une  note  de  M.  l'abbé  Batiffol  relative  à  des  manuscrits  grecs 
conservés  en  Italie.  , 

M.  Durrieu  explique  comment  le  tableau  aujourd'hui  connu  sous  le  nom  ue  la 
Belle  FcrronVere,  n'est  pas  celui  à  qui  cette  désignation  convient  et  à  qui  tous  les 
inventaires  l'ont  régulièrement  attribuée  avant  le  commencement  de  ce  siècle.         . 

M,  Héron  de  Villefosse  présente  des  ampoules  de  pèlerinage  en  terre  cuite  origi- 
naires d'Ephèse.  ,      ,         1  , 

M.  l'abbé  Mûiler  appelle  successiveme.it  l'attention  de  la  Société  sur  des  braceiei; 
gaulois  en  bronze  et  un  cylindre  à  pendeloques  bruissantes  découverts  dans  le  depar 
iement  de  l'Ain,  sur  une  représentation  ancienne  de  la  crucifixion  en  cristal  grave 
et  sur  un  document  daté  de  iô36  intéressant  la  biographie  de  Callot. 

M.  Mowat  signale  la  découverte  à  Helden  (Limbourg;,  d'une  grande  plaque  en  « 
gent  doré  de  l'époque  franque  représentant  une  lutte  contre  des  bêtes  féroces.        1 

Le  Propriétaire-Gérant:  ERNEST  LEROUX. 

'"      Le  Puy,  imprxinerie  Marchessou  fils,  boulevard  Samt- Laurent,  23. 


I 


REVUE    CRITIQUE 
D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


No  7  -  17  février  —  1890 


Sommaire  î  78.  Delff,  Histoire  du  rabbi  Jésus  de  Nazareth.  —  79.  Hogarth, 
Dévia  Cypria.  —  80.  Garofalo,  Les  fastes  des  tribuns  du  peuple.  —  81.  Campaux, 
De  la  critique  du  texte  d'Horace.  —  82.  Tite-Live,  xxvi-xxx,  p.  p.  Luchs.  — 83. 
De  Vries,  Un  manuscrit  du  De  Senectute.  —  84.  Dcellinger,  Contributions  à 
l'histoire  des  sectes  du  moyen-âge.  —  83.  Luzio,  L'Arétin  à  Venise.  —  86.  Pra- 
DEL,  Un  marchand  de  Paris  au  ivi*  siècle.  —  87.  Ledieu,  Le  livre  de  raison  d'un 
magistrat  Picard.  —  88-89.  Carré,  Le  Parlement  de  Bretagne  après  la  Ligue  ; 
L'administration  municipale  de  Rennes  au  temps  de  Henri  IV.  —  90.  Molière, 
X,  p.  p.  Mesnard.  —  gi.  Dumortier,  Lettres  de  Liguori.  —  92.  Recueil  de  folklore, 
de  science  et  de  littérature  bulgare.  —  93-94.  Sanders,  Causeries  d'un  lexicogra- 
phe et  Nouveau  choix  de  synonymes. — Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 
—  Société  des  Antiquaires  de  France. 


yB.  —  Die  Gescliiclite  des  Ral>bi  Jesu»  von  IVazaretli.  Kritisch  begrûndet, 
dargestellt  und  erklaert,  von  D'.  H.  K.  Hugo  Delff.  Leipzig,  W.  Friedrich,  1889, 
In-8,  XVI  et  429  pages. 

Ce  livre  est  de  ceux  quMl  ne  faut  ni  déprécier,  ni  surfaire.  L'auteur  se 
plaint  qu'on  ne  fasse  cas  en  Allemagne  que  de  ce  qui  sort  des  univer- 
sités. C'est  là  ce  qui  arrivera  bientôt  aussi  chez  nous.  Le  fait  d'appar- 
tenir à  quelque  établissement  de  haut  enseignement  est  une  garantie  de 
préparation;  à  défaut  d'originalité,  on  est  assuré  de  trouver  un  certain 
niveau  dans  la  discussion,  de  la  méthode  dans  la  façon  d'alléguer  les  . 
faits.  Chez  les  personnes  qui  vivent  en  dehors  des  cercles  officiels  d'é- 
tude, il  peut  y  avoir  des  vues  nouvelles,  mais  la  mise  en  œuvre  laisse 
parfois  à  désirer. 

Nous  nous  empressons  de  dire  que  ce  n'est  pas  le  cas  de  VHistoîre 
du  rabbi  Jésus  de  Na:{areth.  L'auteur  fait  preuve  d'une  information 
suffisante;  son  exposition  est  précise  et,  tout  en  faisant  bien  voir  qu'il 
s'adresse  avant  tout  au  grand  public,  il  donne  toutes  les  indications  qui 
permettent  aux  gens  du  métier  de  se  rendre  compte  des  motifs  qu'il  a  de 
soutenir  telle  ou  telle  thèse.  L'ouvrage  se  compose  de  deux  parties,  à 
peu  près  d'égale  longueur,  une  discussion  critique  et  une  vie  de  Jésus 
proprement  dite  ou,  plus  exactement,  un  aperçu  des  principaux  mo- 
ments, dont  l'intelligence  est  nécessaire  à  qui  veut  comprendre  la  car- 
rière du  fondateur  du  christianisme. 

Ce  qu'il  y  a  d'assez  nouveau  dans  le  présent  livre,  c'est  que  l'auteur  a 
trouvé  une  voie  ingénieuse  pour  concilier  entre  eux  les  Évangiles,  sans 
rompre  en  visière  avec  les  résultats  le  plus  généralement  admis  par  les 
écoles  critiques.  Pour  M.  Delff,  les  Synoptiques  sont  l'œuvre  de  gens  de 
culture  médiocre  et  d'intelligence  simple  qui  ont  recueilli  et  transmis 
Nouvelle    série,  XXIX.  7 


123  REVUE    CRITIQUE 

les  parties  les  plus  populaires  de  renseignement  de  Jésus,  tel  qu^il  le 
donnait  aux  gens  de  la  Galile'e;  non  seulement  ils  se  sont  attachés  à 
l'élément  populaire,  mais  ils  ont  fréquemment  matérialisé  la  pensée  de 
Jésus,  en  même  temps  qu'ils  négligeaient  ceux  des  événements  qni  ont 
un  théâtre  autre  que  la  Galilée  et  les  bords  du  lac  de  Génésareth.  A  eux 
trois,  en  un  mot,  ils  forment  TÉvangile  populaire  et  galiléen.  VEvan- 
gile  selon  S.  Jean,  tout  au  contraire,  est  l'œuvre  d'un  homme  instruit, 
d\\n  théologien,  lequel  habitait  Jérusalem  quand  Jésus  y  est  venu  faire 
séjour  à  plus  d'une  reprise;  ce  personnage,  qui  n'est  pas  l'apôtre  Jean, 
mais  un  disciple  du  second  degré,  a  recueilli  les  discours  et  entretiens 
tenus  à  Jérusalem  dans  les  cercles  savants  et  où  le  fondateur  du  chris- 
tianisme exposait  sa  pensée  tout  entière  à  des  hommes  capables  de  l'en- 
tendre. Le  disciple  jérusalémite  a  donné,  d'autre  part,  au  cadre  de  la 
carrière  de  Jésus,  un  aspect  plus  vrai  et  plus  exact  en  relevant  l'impor- 
tance et  le  nombre  de  ses  séjours  dans  la  capitale.  Ainsi  le  4°  évangile 
est  un  témoin  fidèle  à  la  fois  pour  la  doctrine  et  la  vie  de  Jésus  ;  il  y  a 
lieu  cependant  d'écarter  certains  développements  théologiques  et  toute 
une  série  d'additions  qui  sont  le  fait  de  l'auteur. 

Nous  arrivons  ainsi  aux  résultats  suivants  :  le  cadre  d'un  aperçu  de 
la  carrière  du  fondateur  du  christianisme  sera  fourni  par  le  4P  évangile, 
ainsi  que  le  fond  de  sa  doctrine.  La  partie  galiléenne  de  la  vie  de  Jésus 
a  son  document  dans  les  Synoptiques.  Dans  le  document  johannique,  il 
y  a  lieu  de  faire  la  part  du  développement  ultérieur  de  la  théologie  ; 
dans  le  document  synoptique-galiléen,  il  faut  tenir  compte  de  la  défor- 
mation qu'ont  subie  les  faits  et  les  discours. 

Assurément  une  tentative  d'harmonistique  telle  que  celle-ci  n'a  pas 
les  inconvénients  de  ce  qu'on  nous  proposait  autrefois,  rétablissant  à 
tout  prix  l'accord  au  prix  des  pires  violences  faites  aux  textes,  au  goût 
et  au  bon  sens.  On  peut  même  mesurer  par  là  le  progrès  fait  dans  l'in- 
telligence des  questions.  Il  n'en  reste  pas  moins  que  ces  combinaisons 
continuent  d'avoir  un  caractère  singulièrement  personnel,  par  suite,  ar- 
bitraire. Les  vues  émises  ont  quelque  chose  de  plausible  et  ne  provo- 
quent pas  une  violente  contradiction;  mais  on  ne  saurait  dire  qu'il  y 
ait  là  rien  qui  approche  d'une  démonstration  proprement  dite. 

M.  Vernes. 


79.  —  D.  G.  HoGARTH.  Oevia  Cyprîa.  Notes  of  an  arcbseological  journey  in 
Cyprus  in  1888.  With  map  and  illustrations.  London,  Frowde,  1889.  Gr.  in-8 
de  vn-124  p. 

Ce  joli  volume  contient  une  description  de  la  pointe  septentrionale 
de  Chypre,  l'ancien  royaume  de  Salamis,  accompagnée  d'une  bonne 
carte  et  de  photogravures.  L'auteur  a  également  insisté  sur  les  restes  de 
l'antiquité  et  sur  ceux  du  moyen  âge,  mais  toutes  ses  informations  tou- 
chant cette  dernière  période  sont  dues  aux  ouvrages  de  M.  de  Mas- 


D  HISTOIRE    ET    DE   LITTERATURE  I3D 

Latrie.  Il  y  a  quelques  inscriptions  inédites,  par  exemple  p.  24  une 
dédicace  à  Apollon  MupTaxr,;.  A  ce  propos,  M.  Hogarth  retire  sa  conjec- 
ture au  sujet  d'une  ville  de  Melantha  (Athenaeum,  16  juin  1888)  et 
explique  le  surnom  d'Apollon  Me7vav6toç,  dans  les  inscriptions  paphien- 
nes,  par  l'herbe  médicinale  dite  {;.îXavOtov,  une  variété  du  pavot.  J'ai 
donné  ailleurs  mes  raisons  de  croire  que  l'épithète  MsXivB-.oç  se  rattache 
à  la  ville  arcadienne  de  MsXa'.vai  (Rev.des  Et.  gr.,  1889,  p.  225).  L'ex 
plication  suggérée  par  M.  Hogarth  s'appuie  du  nom  d'Aphrodite  [j.\j7:q- 
péB'.ç  (de  Tamandier),  qui  paraît  dans  une  inscription  de  Melusha  pu- 
bliée par  M.  de  Cesnola;  mais  en  admettant  que  cette  explication  soit 
juste,  il  ne  s'ensuit  pas  que  d'autres  épithètes  locales  des  dieux  à  Chy- 
pre doivent  s'expliquer  par  le  règne  végétal.  M.  Hogarth  rappelle  inci- 
demment la  curieuse  épithète  ;xaY£ipioç  attribuée  à  Apollon  sur  une  ins- 
cription de  Pyrla  (Dialektinschriften  ^  n"  120).  Il  n'essaie  pas  de 
l'expliquer  ;  pour  ma  part,  je  suis  disposé  à  y  voir  une  grécisation  d'un 
mot  sémitique  analogue  à  -i^'S,  lumineux  (d'où  le  nom  propre  Meïr), 
de  "i^N',  lumière.  L'équivalent  du  y  et  de  ïalepli  n'a  rien  de  surpre- 
nant. Il  y  a  encore  dans  le  livre  de  M.  H.  quelques  inscriptions  en 
caractères  chypriotes  indigènes,  par  exemple  à  la  p.  32.  A  la  p.  63  est 
publiée  une  dédicace  grecque  à  des  xpeos'jXa/wSç  par  un  chef  de  bureau  et 
son  commis;  Téditeur  ne  connaît  pas  le  travail  de  M.  Dareste  à  ce  sujet 
(Bull.  Corr.  Hell.  t.  VI,  p.  241),  sans  quoi  il  ne  dirait  pas  que  le  mot 
XpsoçûXa^  est  nouveau  (cf.  ibid.  p.  244).  Une  inscription  mutilée  de  Soli 
(p.  î  14)  est  datée  ït\  IlaûXo-j...  za-rou  ;  il  est  très  vraisemblable,  comme 
l'a  reconnu  M.  H.,  qu'il  s'agit  du  Sergius  Paulus  des  Actes.,  XIII,  ce 
qui  donne  à  ce  texte  une  grande  importance  historique. 

A  Larnaca-tis-Lapithou  (p.  11 3), 'M.  H.  s'est  assuré  que  l'épithète  de 
Poséidon  sur  une  inscription  connue  (Le  Bas-Waddington  n"  2779)  se 
lit  Napv[a]y.'.oç  et  non  Aapv[i]-/.'.oç.  «  Cela  dissipe,  ajoute-t-il,  l'illusion 
agréable  que  Larnaca  serait  un  nom  antique.  »  Il  me  semble  que  cette 
conclusion  est  erronée.  Napvr/.'.o;  a  pu  devenir  Aapva/.iO(;  par  dissimilation, 
comme  Bononia  a  donné  Bologna. 

Le  volume  se  termine  par  une  liste  des  gouverneurs  proconsulaires 
de  Chypre  (p.  1 16), 

Salomon  Reinach. 


80.  —  Fr.-P.  Garofalo.  I  fasti  rteS  tribunî  délia  plebe  délia  republica  romana, 
Catania,  18S9,  in-8,  122  p.  Typographie  Galati. 

Que  dire  de  la  brochure  de  M.  Garofalo,  qui  demande  dans  sa  préface 
l'indulgence  de  la  critique,  en  faveur  de  <c  son  âge,  du  cercle  très  limité 
de  ses  études  et  du  manque  des  ressources  scientifiques  que  fournissent 
les  grands  centres  »?  Qu'il  en  a  moins  besoin  qu'il  ne  le  croit.  Ses  fastes 
seront  utiles,  comme  tous  les  ouvrages  de  ce  genre,  surtout  parce  que 
ce  travail  n'a  jamais  été  fait,  au  moins  d'ensemble.  Les  textes  sont  dé- 


124  REVUE    CRITiQUB 

pouillés  avec  soin,  et  les  renseignements  qu'on  peut  en  tirer,  convena- 
blement réunis.  Mais  il  manque  à  la  fin  un  index  des  noms  d^hommes, 
qui  puisse  guider  les  chercheurs.  Privé  de  cet  appendice,  le  livre  perd  la 
moitié  de  sa  valeur.  Uauteur  peut  réparer  cette  lacune  en  publiant  les 
fastes  des  édiles  qu'il  nous  promet. 

R.  C. 


81.  —  Ke  îîs  crîtjfjue  <îu  texte  ci»Ho«-ace  au  xix°  siècle,  par  Antoine  Cam 
FAUX,  professeur  honoraire  à  la  Faculté  des  lettres  de  Nancy;  Paris  et  Nancy, 
che^  Berger-Levrault  et  C'",  1SS9,  in-8,  24  pages. 

Le  défaut  de  ce  travail  intéressant  est  que  le  titre  promet  plus  que  le  J 
livre  ne  contient  :  c'est  simplement  un  exposé  du  rôle,  en  ce  qui  touche 
Horace,  des  hypercritiques  de  ce  siècle,  Peerlkamp  en  tête,  puis  Lehrs, 
Gruppe,  Ljungberg,  suivi  d'une  réfutation  de  leurs  méthodes;  exposé  ^ 
clair,  suffisamment  nourri,  impartial;  réfutation  nette  et  courtoise.  Cela 
est  bien  quelque  chose  et  garantit  la  brochure  de  M.  Campauxdu  repro- 
che d'inutilité,  mais  ne  justifie  pas  le  titre,  d'après  lequel  on  attendrait, 
en  outre,  une  exposition  de  la  querelle  de  MM.  Keller  et  Lucien  Mûller, 
et  l'opinion  de  l'auteur  sur  les  mss.  et  les  éditions  importantes.  M.  G. 
annonce,  pour  paraître  prochainement,  une  étude  sur  la  critique 
du  texte  d'Horace  avant  Feerlkamp  :  si  elle  ne  porte  que  sur  le  même 
champ  restreint,  s'il  n'y  est  question  que  des  audaces  de  Guyet,  du  P,  { 
Sanadon,  etc.,  M.  G.  devra  modifier  le  titre,  trop  général,  afin  de  ne  pas 
préparer  à  ses  lecteurs  une  déception  d'autant  plus  vive  que  sa  science 
et  son  talent  rendent  ses  omissions  plus  regrettables. 

Une  observation  de  détail  :  p.  8,  les  hendécasyllabes  bien  connus  de 
Furius  Bibaculus  sur  Valérius  Gaton  sont  inexactement  cités  :  au  lieu 
de  Cato  grammaticus,  M.  Gampaux  écrit  Grammaticus  Cato,  ce  qui 
fait  un  vers  faux. 

Frédéric  Plessis. 


82.  —  T.  Liuii  aî>  îiï»bo  coUdîSta  libri.  Apparatu  critico  adi^cto,  edidit  Augus- 
tus  LucHs.    Vol.   IV    libros   XXVI-XXX    conlinens.  Berolini,  apud  Weidmannos, , 
1889,  x-2g5  pp.  In-8.  Prix  :  3  M.  M 

M.  Luchs  a  fait  paraître,  il  y  a  dix  ans,  des  mêmes  livres  deTite-Livcl 
une  grande  édition  critique  dont  le  regretté  Harant  avait  fait  en  soaj 
temps  le  compte  rendu  ici  même.  Il  y  a  quelques  mois,  j'annonçais  ur^ 
troisième  volume  (paru  avant  les  deux  premiers),  contenant  les  livres 
XXI-XXV.  11  semblait  continuer  l'œuvre  entreprise  en  1878,  bien  que 
publié  dans  un  autre  format  et  sur  un  autre  plan,  ce  qui  n'était  pas  très] 
étonnant  pour  un  ouvrage  allemand.  Mais  nous  avons  maintenant  les] 
livres  XXVI-XXX  formant  un  quatrième  volume  de  l'édition  minor. 
M.  Luchs  aura  donc  donné  une  grande  édition  de  la  deuxième  moitié] 


I 


k 


D  HISTOIRE    KT   DE    LITTERATURB  123 

a 

de  la  troisième  décade  (grand  in-S")  et  une  édition  plus  maniable  de 
l'ensemble  (petit  in-8°j. 

Le  présent  volume  n'est  guère  qu\ine  réduction  :  il  ne  dispensera  pas 
de  recourir  à  l'ouvrage  paru  antérieurement.  C'est  là  qu'il  faudra  aller 
chercher  la  liste  des  manuscrits  avec  leur  date,  le  stemme  et  le  sens  des 
siglesS",  2%  Z^,  S^  enfin  Pexplication  dudit  stemme  (préf.  pp.  vi  et  lx). 
Ces  trois  genres  d'indications  devraient  toujours  se  trouver  en  tête  d'une 
édition  critique  :  trois  pages  auraient  suffi  à  M.  L.  pour  satisfaire  à 
cette  obligation.  Il  y  a  dans  une  pareille  omission  un  sans-gêne  vis-à-vis 
du  public,  assez  habituel  dans  les  livres  de  ce  genre,  mais  tout  à  fait 
condamnable.  Il  semble  que  les  éditions  critiques  n'aient  d'autre  but 
que  l'ahurissement  du  lecteur. 

De  même,  dans  bien  des  cas,  la  leçon  du  Spirensis  à  ses  divers  degrés 
est  loin  d'être  évidente;  M.  L.  se  contente  de  faire  suivre  les  sigles 
énigmatiques  il',  -^  etc.,  d'un  point  d'interrogation  encore  plus  énig- 
matique.  Ce  n'est  qu'en  se  reportant  à  l'apparat  de  la  grande  édition 
qu'on  peut  se  rendre  compte  de  la  valeur  de  ces  témoignages;  la  repro- 
duction intégrale  des  initiales  représentant  les  mss.  compris  dans  la 
formule  synthétique  n'aurait  pas  demandé  beaucoup  plus  d'espace. 

Ces  réserves  n'enlèvent  pas  sa  valeur  à  ce  volume.  Comme  on  peut 
s'en  rendre  compte  par  la  liste  des  différences  entre  les  deux  éditions 
(pp.  viii-x),  le  te.Kte  n'a  pas  été  simplement  réimprimé.  M.  Luchs 
paraît  cependant  n'avoir  pas  faibli  dans  sa  confiance  au  Spii'ensis,  ou  à 
ce  qu'on  croit  être  le  Spirejisis;  les  articles  de  M.  Riemann  auraient  dû 
l'ébranler.  L'apparat  critique  a  été  amélioré  et  a  reçu  la  mention  des 
conjectures  les  plus  récentes. 

Paul  Lejay. 


83.  —  S.  G.  De  Vries.  Exercîtationes  ptilaeograpliicas  in  Bibliotheca 
universitatis  Lugduno-Batavœ  instaurandas  indicit  (Inest  commentatiuncula  de 
codicc  Ciceronis  Cat.  Maj.  Ashburnhamensi,  nunc  Parisino).  Lugduni  Batavo- 
rum,  Brill,  1889,  in-8,  46  p. 

On  sait  que  la  critique  du  De  Senectute  s'appuie,  avant  tout,  sur  le 
Parisinus  6332  ;  ensuite  sur  deux  mss.  de  Leyde  :  un  Vossianiis  12  (L) 
qui  porte  le  nom  de  P.  Daniel,  et  un  Vossianus  79  (V),  qui  sans  porter 
ce  nom,  a  dû  aussi  appartenir  à  Daniel.  A  ce  fonds  se  joindra  désormais 
un  ms.  de  Tours  du  ix^  s.,  égaré,  grâce  à  Libri,  dans  la  collection 
Ashburnham,  et  maintenant  rentrée  la  Bibliothèque  Nationale.  M.  De 
Vries  donne  de  ce  ms.  une  collation  complète  (p.  23-381.  Afin  qu'elle 
puisse  compléter  plus  commodément  les  publications  récentes  de 
M.  Bast.  Dahl  sur  les  mss.  du  De  Senectute  ^,  M.  De  Vries,  de  même 
que  M.  Dahl,  a  pris  comme  base  l'édition  MûUer,  et  il  a  fait  dresser  un 

I.  Ce  sont  deux  brochures  désormais  indispensables  pour  toute  étude  critique  sur 
cetrailé  :  I,  Codices  Leidenses,  Christiania,  t885;  II,  Codices  Parisini,  ibid.  1886. 


Ilb  REVUE    CRITIQUE 

tableau  (p.  44)  où  sont  réunies  les  variantes  des  trois  mss.  par  rapport 
à  P.  —  En  parcourant  ces  leçons,  on  remarque  surtout  l'accord  du  nou- 
veau ms.  avec  le  premier  Vossianus  (L)  ^. 

On  a  avant  la  collation  (p.  1 1  et  suiv.),  une  description  détaillée  du 
ms.  et  quelques  remarques  sur  les  confusions  de  lettres  qui  lui  sont 
habituelles  et  sur  son  système  d'orthographe.  La  conclusion  de  M.  De 
Vries  est  qu'on  aurait  tort  d'exagérer  Pautorité  du  Parisinus ,  qu'il 
est  en  plusieurs  passages  interpolé,  et  que  la  leçon  des  trois  autres 
mss.,  quand  ils  sont  d'accord,  mérite  la  préférence.  —  M.  De  Vries 
annonce  qu'il  publiera  prochainement  sur  quelques  passages  du  De 
Senectute  un  nouveau  travail  pour  lequel  il  utilisera  des  notes  et  des 
collations  de  Boot. 

Em,  Thomas. 


84.  —  Igii.  V.   Dœllinger.    OeîtfSige    zui-    Sekten^esobiclite   des  Mittcl> 

altéra.  Erster  Theil,  Geschichte  der  gnostich-manichceischeii  Sekten,  i  vol. 
in-8,  vi-25y  pages.  —  Zweiter  Theil,  Dokumenîe  vornehmlich  zur  Geschichte  der 
Valdesier  und  Katharer,  i  vol.  in-8,  ix-jSô  pages.  Miinchen,  1890,  G.  H.  Beck. 

Depuis  longtemps  déjà,  M.  I.  v.  Dôllinger  s'occupe  à  réunir  les  do- 
cuments que  les  bibliothèques  publiques  nous  ont  conservés  sur  la  doc- 
trine des  Cathares  ;  il  a  commencé  ses  recherches  dans  la  ville  même  où 
il  habite,  à  Munich;  puis,  il  a  parcouru,  pendant  les  vacances  scolaires, 
les  principales  bibliothèques  de  l'Europe,  Paris,  Vienne,  Florence,  Rome, 
etc.,  et,  à  chaque  fois,  il  a  rapporté  une  ample  moisson  de  pièces  inédi- 
tes. Dans  la  seconde  partie  de  son  ouvrage,  de  beaucoup  la  plus  longue, 
il  nous  donne  des  extraits  souvent  fort  étendus  de  soixante-douze  ouvra- 
ges différents  relatifs  aux  Cathares  ou  à  d'autres  sectes  analogues.  Ces 
extraits  sont  fort  curieux  et  on  les  lit  avec  beaucoup  de  profit  :  certaine- 
ment un  historien  ne  trouverait  nulle  part  ailleurs  tant  de  matériaux 
amassés  sur  les  idées  religieuses  et  morales  des  hérétiques  du  moyen- 
âge.  Mais,  il  faut  bien  le  dire,  tous  ces  documents  se  suivent  sans 
aucune  méthode,  selon  le  hasard  de  la  découverte  :  on  aurait  aimé  que 
l'auteur  nous  les  présentât  soit  dans  un  ordre  chronologique,  soit  dans 
un  ordre  logique,  et  on  lui  en  veut  de  ne  point  nous  avoir  donné  de  fil 
conducteur  à  travers  ces  nombreux  écrits,  d'origine  et  de  nature  fort 
différentes.  M.  v.  D.  aurait  aussi  dû  nous  fournir  quelques  renseigne- 
ments sommaires  sur  les  manuscrits  d'où  il  a  tiré  ces  pièces.  Il  publie, 
par  exemple,  quinze  pages  empruntées  au  manuscrit  latin  4269  de  laj 

1.  Comme  leçon  intéressante,  je  signale  surtout  l'omission  des  mots  du  g  26  fin  :\ 
discebani-antiqiii  ;  aussi  dans  83,  celle  des  mots  :  nec  tanqiiam-recoxerit  qui  man- 
quent aussi  dans  L'.  —  Les  mots  de  la  lin  du  g  67  :  cum  id  ci  videa'.is  interpolés] 
de  seconde  main  dans  les  meilleurs  mss.  après  tamen  du  commencement  de  65,» 
représentent  la  copie  à  faux  d'un  repère  et  peuvent  servir  à  déterminer  l'étendue  de 
la  page  ou  de  la  feuille:  dans  un  des  archétypes.  —  P.  42.  Les  derniers  mots  sur! 
145,  34-33,    contiennent  sûrement  une  erreur  ou  un  lapsus. 


D  HISTOma    ET    DS    LITTERATtJRÊ  12'J 

Bibliothèque  nationale  de  Paris  ;  il  ne  nous  dit  absolument  rien  sur  ce 
Codex  et  se  borne  à  donner  à  son  extrait  pour  titre  «  Acta  inquisitionis 
Carcassoizensis  contra  Albigenses  a.  i3o8  et  i3og.  »  Mais  il  eût  été 
bien  inte'ressant  pour  le  lecteur  de  savoir  qu'il  s'agit  ici  du  registre  de 
Geofïroi  d'Ablis,  dont  M.  Charles  Molinier  a  donné  naguère  une  analyse 
dans  son  ouvrage  sur  l'Inquisitioti  dans  le  midi  de  la  France.  Un  peu 
plus  loin,  de  la  page  97  à  la  page  25 1,  je  lis  des  extraits  du  Codex  Va- 
iicamis  11°  4o3o,  Je  vois  bien  qu'il  s'agit  ici  d'enquêtes  faites  par  les  in- 
quisiteurs du  Languedoc  au  début  du  xiv«  siècle;  je  devine  que  ce 
Codex  est  l'un  des  plus  curieux  de  ceux  qui  subsistent  des  archives  in- 
quisitoriales  ;  mais  l'éditeur  a  négligé  d'en  mettre  en  lumière  la  valeur 
historique.  Une  petite  introduction  eût  été  indispensable  en  tête  de 
chacun  de  ces  soixante-douze  documents.  La  publication  y  eût  certaine- 
ment gagné  en  netteté  :  nous  n'osons  pas  insister  sur  ces  critiques,  car  il 
faut  être  reconnaissant  à  M.  v.  D.  de  la  peine  qu'il  a  prise  de  copier  ces 
pièces,  et  du  soin  qu'il  a  mis  à  les  éditer. 

Ces  pièces  publiées  dans  la  seconde  partie  doivent  servir  de  preuves  à 
la  première  partie  où  M.  v.  D.  a  étudié  la  doctrine  des  Cathares.  Sans 
doute  l'historien  pourrait  en  tirer  une  foule  d'autres  renseignements, 
par  exemple  sur  la  procédure  et  sur  la  pénalité  des  tribunaux  d'inqui- 
sition; mais  ces  résultats  ne  seraient  qu'accessoires;  l'auteur  a  voulu 
avant  tout  montrer  en  quoi  consistaient  les  idées  religieuses  des  Albi- 
geois et  cette  préoccupation  explique  pourquoi  il  a  choisi  tel  extrait  de 
préférence  à  tel  autre.  Est-il  parvenu,  dans  cet  exposé  dogmatique,  à  des 
conclusions  nouvelles?  Nous  n'oserions  l'affirmer.  M.  Charles  Schmidt 
a  traité  en  1849  le  sujet  avec  une  autorité  si  grande,  avec  une  sûreté 
d'érudition  telle  qu'en  dépit  des  nouveaux  documents  mis  au  jour,  il  a 
peu  laissé  à  découvrir  à  ses  successeurs. 

M.  V.  D.  commence  par  nous  raconter  l'histoire  des  pauliciens  de 
l'Arménie;  il  les  suit  jusqu'au  x^  siècle  où  l'empereur  Jean  Zimiscès 
les  transporta  en  Thrace.  Là  ils  ne  tardèrent  pas  à  se  mêler  à  d'autres 
hérétiques,  les  bogomiles;  pourtant  tandis  que  les  pauliciens  ne  cessè- 
rent   de  croire  à  un    dualisme  absolu,   les    bogomiles   admirent    que 
Dieu  avait  créé  la  matière  et  que  celle-ci  n'avait  reçu  de  l'esprit  malin 
que  la  forme."  Après  ces  plus  anciens  hérétiques,  l'auteur  arrive  à  ceux 
que  l'on  découvrit  à  Orléans  et  au   nord  de  la  France  au  début  du 
xi^  siècle.  Il  essaie  à  son  tour  d'expliquer  leur  origine.  Il  prétend  que 
des  Manichéens,  partis  de  l'Afrique  après  Tinvasion  des  Vandales,  se 
seraient  établis  en  Gaule;  que,  dans  la  suite  des  temps,  d'autres  les  au- 
raient rejoints  ;  qu'ils  auraient  formé  une  communauté  longtemps  igno- 
rée du  pouvoir  et  de  l'Eglise.  Seulement,  sous  une  influence  extérieure, 
leurs  dogmes  se  seraient  modifiés;  cette  influence  aurait  été  exercée  par 
les  sectes  des  pauliciens  et  des  bogomiles,  vers  la  fin  du  x''  siècle,  à  un 
moment  où  se  sont  multipliées  les  relations  de  l'Orient  et  de  l'Occident. 
Cette  explication  ne  me  semble  point  meilleure  que  celles  qui  ont  été 


128  REVUE    CRITIQUE 

données  précédemment;  on  ne  saisit  point  comment  ces  manichéens 
ont   pu   échapper  à   la   surveillance   vigilante   des   missi  dominici  de 
Charlemagne   :    le  zèle    inquiet    de   quelque    membre   du  clergé   les 
aurait  certes  découverts  plus  tôt.  Le  problème  de  Porigine  et  de  la  filia- 
tion des  doctrines  gnostiques  et  manichéennes  continue  de  nous  pa- 
raître insoluble.  M.  v.  D.  au  moins  nous  fait  bien  connaître  en  quoi 
consistaient  les  opinions  de  ces  hérésiarques  du  xi*^  siècle;  puis,  dans 
trois  nouveaux  chapitres,  il  nous  présente  Pierre  de  Bruis  et  son  disci- 
ple Henri  qui,  au  début  du  xii°  siècle,  agitèrent  le  midi  de  la  France  (il 
voit,  ce  semble,  avec  raison,  en  eux  des  Cathares,  contrairement  à  l'opi- 
nion de  M.  Schmidt);  Eon  de  TEtoile,  dont  les  prédications  eurent  la 
Bretagne  pour  théâtre;  enfin  Tanquelin  et  son  disciple  Evermacher  qui 
cherchèrent  à  se  faire  adorer    dans  le  bassin  du  Rhin.   Ici  s'arrête  la 
partie   historique   du    livre.    La  fin   contient  l'exposition  des   dogmes 
de  ces  hérétiques  qui  se  partageaient  en   plusieurs  partis  :    les  Alba- 
nenses,  les  Coiicore^enses^  les  Bag-nolenses  (M.v.  D.  veut  faire  venir 
ces  noms  d'Alba  dans  le  Piémont,  de  Concoreggio  près  de  Monza,  de 
Bagnolo  près  de  Lodi;   l'hypothèse  est  séduisante,  mais  point  sûre). 
L'exposition  est  claire  et  nette,  autant  qu'il  est  possible  en  ces  sortes  de 
sujets,  et  l'analyse  est  exacte.  En  résumé,  M.  v.  DoUinger  nous  donne  : 
1°  une  série  de  documents  inédits  de  grand  prix,  mais  mal  disposés  et 
sur  lesquels   nous  aurions  désiré  de  plus  nombreux  renseignements; 
2°  une  étude  pas  très  neuve,  mais  consciencieuse,  claire  et  remplie  de 
faits . 

P. -S.  —  Nous  avions  déjà  écrit  cet  article,  quand  nous  est  parvenue  la 
nouvelle  de  la  mort  de  M.  v.  DoUinger.  Nous  n'avons  point  à  appré- 
cier ici  le  rôle  que  joua  le  célèbre  chanoine  dans  les  affaires  ecclésiasti- 
ques de  notre  époque  ;  mais  nous  devons  rendre  hommage  au  travailleur 
infatigable,  à  l'auteur  de  tant  de  curieuses  publications  sur  l'histoire  de 
l'Eglise.  Jusqu'au  dernier  jour,  il  est  resté  sur  la  brèche,  comme  le  prou- 
vent les  deux  importants  ouvrages  dont  nous  venons  de  rendre  compte. 

Ch.  Pfister. 


85.  —  Luzio  (Alessandro).  ï^îetro  Aretîiio  neî  pi'imi  kuoî   aniii  a  Vcnezia 

e  la  coric;  dei  Gonzaga,  Un  vol.  in-8,  viii-i35  pp.   Turin,  Lœscher,  i888.  4  fr. 

Un  travail  destiné  dans  l'intention  primitive  de  l'auteur  à  compléter 
les  recherches  d'Armand  Baschet  sur  la  jeunesse  de  l'Arétin  à  la  cour 
de  Rome,  s'est  développé  jusqu'à  devenir  une  biographie  complète  et 
nouvelle  du  fameux  sonnettiste.  C'est  un  fragment  de  cette  biographie 
que  M.  Luzio  nous  donne  aujourd'hui.  Dans  cette  étude  de  57  pp., 
appuyée  sur  quarante-quatre  documents  inédits  publiés  ici  intégrale- 
ment, et  suivie  de  curieux  appendices,  M.  L.  étudie  une  courte  période, 
de  quatre  années  ( (527-1 53 1)  qu'il  appelle  justement  le  moment  déci- 


d'histoire  et  de  littérature  129 

sif  de  la  vie  de  TArétin  :  c'est  Te'poque  où,  après  la  mort  de  Giovanni 
de  Medici  et  Tinsuccès  des  démarches  de  Frédéric  de  Gonzague  pour  ré- 
concilierlepoèteetClément  VII,  l'Arétin  s'établità Venise(25  mars  1327) 
et  où,  après  plusieurs  brouilles  et  réconciliations  avec  la  maison  de  Gon- 
zague, il  finit  par  rompre  complètement  avec  le  marquis  Frédéric  et 
s'installe  décidément  à  Venise.  M.  L.  met  justement  en  lumière,  d'une 
part,  la  générosité  mal  récompensée  et  la  tolérance  «  vergognosa  »,  selon 
lui,  des  Gonzague  à  l'égard  du  poète,  à  qui  ils  donnent  la  pleine  conscience 
de  sa  force,  de  l'autre  le  cynisme  égoïste  de  l'auteur  des  Ragionamenti. 
Ce  volume  abonde  en  piquants  détails  sur  la  vie  de  PArétin  ;  sa  passion, 
en  1 52  1,  pour  Isabella  Sforza,  que  protège  bénévolement  Frédéric  de 
Gonzague,  et  qu'il  chante  dans  des  vers  presque  impossibles  à  citer  et 
qui  eu  disent  long  sur  ses  mœurs  : 

Corne  di  novo  è  fatto  l'Aretino 

Servus  servorum  al  sesso  feminino  (p.  23)  ; 

ses  démarches  pour  obtenir  du  pape  et  de  l'empereur  un  privilège  d'im- 
pression ^onx  Marfisa,  en  décembre  1529  et  janvier  i53o(p.  29-30]; 
son  amitié  avec  le  Titien  qui  peint  l'admirable  portrait  des  Uffi^i 
(p.  II  sqq.);  la  maison  de  l'Arétin  à  Venise,  son  luxe,  ses  amis,  ses  re- 
lations avec  Lorenzo  Veniero,  l'illustre  auteur  de  la  Puttana  Errante 
(p.  41  sqq.).  Les  appendices  sont  consacrés  :  1°  aux  tentatives  de  jeu- 
nesse d'Arétin  pour  devenir  peintre;  2°  à  son  récit  semi-burlesque  du 
sac  de  Rome  dans  les  Ragionamenti  ;  3"  aux  poèmes  obscènes  de  Ve- 
niero, le  Trentuno  délia  Zajjfeta  et  la  Puttana  Errante  (cités  quand 
c'est  possible,  analysés  et  munis  d'éclaircissements.  Venier  a  voulu  se 
venger  dans  le  premier  poème  de  Elena  Ballerina,  que  le  Tarifât 
i535  appelle  cara  e  bella,  mais  de  «  cervel  sciocco  e  leggero  »  ;  dans  le 
second,  de  la  Zaffetta,  pour  un  refus  offensant.  L'Arétin,  en  iSSj,  ven- 
gea la  Zaffetta  de  ces  injures.  M.  L.  se  plaint  du  secret  rigoureux  avec 
lequel  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris  garde  les  éditiops  originales 
de  ces  œuvres  classiques  en  leur  genre)  ;  4°  aux  fêtes  offertes  à  Venise  au 
duc  de  Milan  en  i53o,  décrites  par  l'ambassadeur  milanais  Agnello 
dans  une  lettre  que  publie  JVI.  Luzio.  Il  faut  souhaiter  que  M.  Luzio 
donne  bientôt  la  suite  de  cette  biographie  de  l'Arétin,  où  il  renouvelle 
si  complètement  les  travaux  antérieurs  de  Mazzuchelli,  Chasles  et  au- 
tres. 

L  -G.  Pélissier. 


80.  —  iTn  marcliantl  de  Paris  au  seizième  siècle  (i564-i588),  par  Ch.  Pradel^ 

Toulouse,  1889,  in-S  de  27  p. 

On  conserve  dans  les  archives  des  hospices  civils  de  Toulouse  les  pa- 
piers d'un  marchand  de  Paris  qui  était  venu  s'établir  en  la  première  de 
ces  villes  vers  le  milieu  du  xvi®  siècle.  Ces  papiers  se  composent  de  vo- 
lumineux dossiers  de  procès,  et  de  trois  à  quatre  mille  lettres  d'affaires 


I 


I.-«0  REVUE    CRITIQUE 

commerciales,  qui  embrassent  une  période  de  24  années  (i564  à  i588). 
Un  des  membres  les  plus  laborieux  de  l'Académie  des  sciences,  inscrip- 
tions et  belles-lettres deToulouse,  M.  Charles  Pradel,  a  courageusement 
entrepris  le  dépouillement  de  toutes  ces  liasses  :  il  y  a  trouvé  les  corres- 
pondances de  divers  négociants,  des  premières  maisons  de  Paris,  avec  Si- 
mon Lecomte,  «  marchand  et  bourgeois  de  Paris  »,  Ces  négociants 
étaient,  entre  autres,  des  teintuiiers  célèbres,  les  frères  Canaye,  les  frères 
Gobelin,  de  gros  marchands,  comme  Charpentier,  fils  d'un  échevin  de 
Paris,  et  Rouillé  dont  les  descendants  devinrent  marquis  de  Boissy  ^ 
Joignez-y  de  nombreux  commerçants  d'Anvers,  de  Bordeaux,  de  Lyon, 
etc.  faisant  acheter  à  Toulouse  les  pastels  si  renommés  du  Lauragais. 
M.  Pradel  a  fort  bien  débrouillé  le  chaos  de  tant  de  vieux  papiers.  Il  en  a 
fait  une  analyse  intéressante  d'où  se  détache  la  biographie  de  Lecomte, le- 
quel, quoique  catholique,  fut  sur  le  point  d'être,  en  ces  temps  si  troublés, 
exécuté  comme  huguenot,  ainsi  que  l'avait  été  Philippe  Canaye  (octobre 
1 568).  Cette  biographie  est  fort  curieuse.  On  apprendra  avec  plaisir  que 
Simon,  qui  avait  si  fort  couru  le  risque  de  la  pendaison,  fonda,  plus  tard, 
à  Toulouse  une  société  moitié  épicurienne  et  moitié  philanthropique,  à 
laquelle  il  donna  le  titre  d'abbaye  de Bonvoiiloir.  Il  devint  naturellement, 
en  sa  qualité  de  fondateur  de  la  singulière  association,  Grand-Abbé  et 
superintendant  de  Tabbaye,  président  des  festins  rabelaisiens  égayés  par 
des  vers  bachiques.  Celui  qui  avait  déjà  frisé  la  corde  faillit  être  brûlé 
vif,  victime  de  son  appétit,  car  il  fut  accusé  d'avoir  fait  rôtir  un  quartier 
de  chevreau  un  jour  d'abstinence.  Comme  les  preuves  manquèrent,  il 
en  fut  quitte  pour  le  bannissement,  les  frais  de  justice  et  une  amende  de 
i5oo  écus.  La  piquante  notice  de  M,  Pradel  est  suivie  de  divers  docu- 
ments inédits  2. 

T.  DE  L. 


87.  —  Le  Livre  de  Raison  d'un  Magistrat  picard  (1601-1602),  par  Alcius 
Ledieu,  conservateur  de  la  bibliothèque  communale  d'Abbeville.  Abbeville,  ap. 
G.  Paillart,  1889. 

Cet  opuscule  de  5  i  pages,  dont  28  sont  prises  par  l'Introduction, 
coûte  3  francs  :  c'est  ce  qu'on  peut  appeler  «  une  belle  attrapouère  », 
comme  on  disait  au  xvi*  siècle,  et  comme  on  dit  encore  aujourd'hui  dans 
la  Picardie.  Je  ne  crois  pas,  en  effet,  qu'on  puisse  publier  un  Livre  de 
Raison  plus  insignifiant  que  celui-ci,  et,  quoi  qu'en  dise  M.  Alcius  Le- 
dieu, la  divulgation  des  notes  de  ce  Philippe  de  Lavernot,  président  de 

1.  Simon  avait  été  employé  dès  son  bas  âge,  dans  la  maison  de  Jean  Rouillé,  dra- 
pier de  Paris,  beau-frère  des  Canaye  et  des  Gobelin. 

2.  Comptes  des  fournitures  et  frais  exposés  par  Simon  Le  Comte  pour  les  affaires 
de  feu  Philippe  Canaye  {ibGcj);  passeport  (27   mars    1576);   commission  du  roi  dei 
Navarre  en  faveur  de  Simon  Lecomte  (6  mars  i582);  Attestation  sur  les  vie,  mœurs] 
et  religion  catholique  du  même  [prisonnier  à  la  conciergerie  du  palais  à  Toulouse],] 
ô  décembre   i586. 


d'histoire  et  de  littérature  i3i 

la  sénéchaussée  de  Ponthieu,  ne  contribuera  pas,  mais  pas  du  tout,  à 
ressusciter  sa  mémoire.  Ce  n'était  pas  la  peine  en  vérité  de  perdre  son 
temps  et  du  papier  à  relever  j'eligieusement  des  faits  tels  que  celui-ci  ; 
a  Je  me  mets  à  genoux  (une  grande  cérémonie  avec  Te  Deum  était  célé- 
brée à  l'église  Saint-Vulfran  d'Abbeville)  devant  le  dit  lieutenant  géné- 
ral, qui,  par  ce  moyen,  ouit  la  messe  derrière  moy,  sans  se  pouvoir  seu- 
lement mettre  a  genoux,  dont  il  avoit  grant  despit  ».  Hélas!  une 
querelle  de  préséance  n'a  jamais  été  chose  rare,  et  que  prouve-t-elle,  si- 
non une  vanité  imbécile?  Philippe  de  Lavernot  note  un  jour  que  jouant 
avec  un  nommé  Lempereur,  il  perd  six  testons  au  trictracq  ;  un  autre 
jour  il  écrit  que  sur  les  quatre  heures  du  matin  il  a  commencé  à  pleu- 
voir, et  que  la  pluie  sans  aucune  relasche  a  continué  jusqu'à  la  nuit. 
Le  mercredi,  17  octobre  1601,  il  ne  bouge  pas  de  son  étude  le  long  du 
jour,  et  le  dernier  mercredi  de  ce  même  mois,  il  mentionne  qu'il  est  allé 
à  la  messe  aux  Capuchins,  qu'il  a  vu  sa  tante  de  Huppi  et  le  sieur  Har- 
mant,  ce  qui  est  d'un  grand  intérêt  pour  la  postérité.  Le  jeudi  3  jan- 
vier 1602,  la  veuve  Filleau  lui  envoie  un  plat  de  sel  blanc;  le  même 
jour  il  donne  un  escu  à  Plantart  (un  de  ses  domestiques  sans  doute)  sur 
les  huit  qu'il  lui  devoit,  et  il  ajoute  :  reste  sept,  pour  prouver  peut-être 
qu'il  savait  faire  une  soustraction. 

Ces  citations  suffisent  amplement,  je  crois,  à  démontrer  le  néant  de 
cette  publication. 

A.  Delboulle. 


88.  —  I.  Le  Pai>Ieinent  de  Bretagne  après  la  Ligue  (iSgS-iôlo),  par 
Henri  Carré.  Paris,  Quantin,  1888,  i  vol.  in-8  de  v\n-56g  pages. 

89.  —  2.  Rechei'elies  sur  l'administration  municipale  de  Rennes  au 
temps  de  Henry  IV,  par  le  même.  Paris,  Quaniin,  1888,  i  vol.  in-8  de 
q6  pages,  avec  deux  planches. 

L  Ce  dont  il  faut  tout  d'abord  complimenter  M.  Carré,  c'est  des  divi- 
sions nettes  de  son  ouvrage.  Il  comprend  cinq  parties.  La  première  est 
consacrée  aux  origines  du  Parlement  de  Bretagne;  la  seconde  au  per- 
sonnel de  ce  Parlement;  la  troisième  aux  usages  et  règlements  qui  le 
concernaient,  aux  privilèges  des  magistrats,  à  leurs  devoirs,  à  leurs  re- 
lations entre  eux;  la  quatrième  à  la  compétence  judiciaire  du  Parle- 
ment ;  la  cinquième  enfin  au  rôle  du  Parlement  en  matière  politique  et 
dans  la  police  générale  de  la  Province,  Précédé  d'une  bibliographie,  le 
volume  est  en  outre  suivi  d'une  carte  des  juridictions  royales  classées 
par  présidiaux  et  d'un  tableau  de  ces  mêmes  juridictions  avec  leur  per- 
sonnel. 

L'histoire  du  Parlement  de  Bretagne  à  l'époque  dont  s'est  occupé 
M.  C,  est  dominée  par  un  grand  fait  :  c'est  la  lutte,  tantôt  sourde,  tan- 
tôt à  l'état  aigu,  entre  les  deux  éléments  dont  se  composait  le  corps,  les 
originaires  et  les  non-originaires.  Soit  en  effet  que  l'on  se  méfiât  des 
sentiments  d'une  province  réunie  à  la  couronne  depuis  un  temps  rela- 


iSz  REVUE    CRITIQUE 

tivement  court,  soit  que  Ton  voulût  qu\me  partie  au  moins  des  magis- 
trats fut  placée  au-dessus  des  coteries  et  des  divisions  locales,  il  y  avait 
au  Parlement  de  Bretagne  des  offices  français  et  des  offices  bretons.  Les 
titulaires  des  premiers  étaient  dits  non-originaires  ;  la  qualification 
d'originaires  s'appliquait  à  ceux  des  seconds.  La  division  fut  surtout 
accentuée  pendant  la  période  des  guerres  civiles  et  leligieuses  de  la  fin 
du  xvie  siècle.  Les  non-originaires  tinrent  plutôt  le  parti  de  la  Ligue; 
les  originaires  restèrent  attachés  au  Roi  et,  dans  la  suite,  firent  valoir 
leur  fidélité  pour  demander  l'extension  des  charges  qui  leur  étaient  ré- 
servées. Ces  divisions  persistèrent  après  les  guerres  civiles  et  donnèrent 
même  lieu  à  des  luttes  quelquefois  piquantes,  toujours  passionnées, 
dont  M.  C.  fournit  un  exemple  dans  le  récit  qu'il  fait  du  procès  du 
procureur  général  '  J.-J.  Le  Febvre,  sieur  des  Roussières  (i6o5). 

L'auteur  ne  se  laisse  pas  fréquemment  aller  à  raconter  ainsi  quelques- 
uns  des  épisodes  de  la  vie  intime  du  Parlement  de  Rennes.  Son  livre  est 
une  étude  d'institutions  pure,  où  les  faits  historiques  n'interviennent 
que  rarement  (entrées  de  grands  personnages,  etc.),  pour  servir  de  com- 
mentaire aux  détails  sur  l'organisation  en  quelque  sorte  théorique  du 
Parlement  que  M.  C.  a  déduite  d'un  examen  très  patient  et  très  appro- 
fondi des  documents.  On  pourrait  même  trouver  qu'ils  n'interviennent 
que  trop  rarement.  On  aimerait  à  voir  fonctionner  sous  ses  yeux  ce 
mécanisme  dont  M.  G.  a  très  habilement  et  très  laborieusement  démonté 
les  ressorts.  L'austérité  un  peu  aride  de  l'œuvre  y  eût  gagné  plus 
d'agrément  et  de  vie.  Mais,  telle  qu'elle  est,  elle  n'en  fait  pas  moins 
honneur  à  celui  qui  l'a  écrite.  On  y  voit  à  merveille  comment  se  recru- 
tait le  personnel  judiciaire  de  l'ancienne  France,  quelles  nuances  subti- 
les et  d'autant  plus  âprement  gardées  différenciaient  entre  eux  les  mem- 
bres du  corps  judiciaire,  quelle  énorme  influence,  à  la  fois  publique  ~  et 
privée,  mettaient  entre  leurs  mains  les  lois,  les  traditions  et  les  mœurs, 
et  enfin  comment  ils  l'exerçaient. 

2.  La  seconde  étude  du  même  auteur  est  claire,  substantielle,  plus 
courte,  mais  plus  vivante  que  la  précédente 

Après  une  rapide  esquisse  de  la  topographie,  de  la  population,  de 
l'industrie  et  du  commerce  de  Rennes  à  la  fin  du  xvi^  siècle,  M.  C.  ana- 
lyse l'organisation  municipale  de  la  ville,  pour  montrer  enfin  comment 
elle  fonctionnait.  Trois  pouvoirs  vivaient  côte  à  côte  à  Rennes,  non 
sans  qu'il  en  advint  parfois  quelques  froissements  :  i»  le  pouvoir  royal, 
représenté  par  le  gouverneur,  son  lieutenant  et  ses  connétables;  2°  le 
pouvoir  judiciaire,  car  les  membres  du  Parlement  de  Bretagne  avaient 
une  autorité  politique  et  des  pouvoirs  de  police  et,  comme  le  dit  M.  C, 

1.  V.  aussi  dans  les  Annales  de  Bretagne  (janvier  1887)  un  article  du  même  au- 
teur sur  la  réception  de  Le  Febvre  comme  procureur  général  au  Parlement  de 
Bretagne  (t6o3). 

2.  C'est  avec  raison  que  M.  C.  signale  l'enregistrement  et  la  publication  par  le 
Parlement  du  traité  de  Vervins.  V.  p.  439. 


d'histoire  et  db  littératorb  i33 

ils  a  se  montrèrent  de  plus  en  plus  entreprenants  pour  résoudre  nombre 
de  questions  dont  la  solution  appartenait  à  la  Communauté  »;  3°  le 
pouvoir  municipal  proprement  dit,  où  la  Communauté  représentait  le 
pouvoir  législatif,  et  ses  officiers  (procureur-syndic,  miseurs,  contrô- 
leur, greffier,  etc.),  le  pouvoir  exécutif. 

Je  reprocherais  à  l'auteur  de  ne  pas  nous  avoir  exposé,  au  moins 
brièvement,  l'origine  et  le  développement  de  cette  Communauté.  Il  eut 
été  du  plus  haut  intérêt  de  voir  comment  une  ville,  dont  les  privilèges 
municipaux  ont  pour  origine  une  simple  autorisation  du  duc  Jean  IV 
de  Bretagne  de  lever  le  o  devoir  de  cloison  »  ou  taxe  pour  Pentretien  des 
murailles,  put,  dans  la  suite  des  temps,  les  consolider  et  les  étendre. 
M.  G.  eût  pu  donner  ainsi  une  idée  plus  nette  de  la  composition  de  la 
Communauté,  sur  laquelle  il  a  peu  de  renseignements,  et  aussi  de  ses 
pouvoirs.  Ces  derniers  ne  durent  jamais  être  très  étendus.  La  ville  de 
Rennes  ne  semble  pas  s'être  rapprochée  à  aucune  époque  des  villes  du 
midi  de  la  France,  jouissant  de  privilèges  politiques  très  importants  et 
presque  d'une  quasi-indépendance.  C'est  ce  que  M.  Carré  aurait  pu 
mettre  en  lumière  en  remontant  aux  origines.  Mais,  dans  les  limites 
trop  restreintes  où  il  s'est  volontairement  enfermé,  son  étude  reste  très 
intéressante.  C'est  un  chapitre  très  clair,  très  solide  et  bien  informé  de 
la  vie  municipale  dans  l'ouest  de  la  France  au  début  du  xviie  siècle. 

Louis  Farges. 


90.  —  Paul  Mesnard.  Œuvres  de  Alollèi'e,  nouvelle  édition,  revue  sur  les 
plus  anciennes  impressions,  et  augmente'e  de  variantes,  de  notices,  de  notes,  d'un 
lexique  des  mots  et  locutions  remarquablss,  d'un  portrait,  de  fac-similé,  etc. 
Tome  dixième,  Paris,  Hachette  ;  un  vol.  in-S  de  486  p. 

Ce  io'' volume,  qui  contient  la  Notice  biographique  sur  Molière, 
termine  heureusement  une  publication  de  la  plus  haute  valeur,  com- 
mencée par  Eugène  Despois,  il  y  a  seize  ans,  et  continuée  à  dater  de 
1878  par  M.  Paul  Mesnard.  Encore  un  peu  de  patience,  et  lorsque  pa- 
raîtront la  Notice  bibliographique,  actuellement  sous  presse,  et  le  Lexi- 
que en  préparation,  nous  aurons  un  Molière  digne  à  tous  égards  du 
Racine  de  M.  Paul  Mesnard.  Mieux  que  personne,  M.  P.  M.  était  à 
même  de  composer  cette  Notice  biographique,  puisqu'on  lui  doit  déjà 
celles  de  Racine,  de  M'"^  de  Sévigné,  de  La  Fontaine  enfin.  Celle  de 
Molière  est  faite  sur  le  même  plan,  avec  le  même  soin  scrupuleux,  et 
elle  rendra  les  mêmes  services.  Assurément  la  tâche  du  biographe  était 
facilitée  par  les  innombrables  travaux  dont  la  vie  et  les  œuvres  de  Mo- 
lière ont  été  l'objet  depuis  Grimarest  jusqu'à  nos  jours,  mais  l'abon- 
dance même  des  matériaux  pouvait  être  un  embarras  pour  leur  mise  en 
œuvre.  Il  y  a  dans  la  vie  de  Molière  bien  des  points  obscurs,  et  le  bio- 
graphe se  trouve  assez  souvent  en  présence  d'affirmations  contradictoi- 
res, soutenues  quelquefois  avec  beaucoup  de  chaleur  par  ceux  qui  les 


1^4  ftEVUE   CRITIQUE 

ont  hasardées.  M.  P.  M.  a  su  marcher  avec  la  plus  grande  circonspec- 
tion au  milieu  de  toutes  ces  difficultés;  il  n'affirme  jamais  qu'à  très 
bonnes  enseignes;  il  élimine  résolument  les  hypothèses;  il  cherche  à  dé- 
gager la  vie  du  poète  de  toutes  les  légendes  accumulées  par  les  féti- 
chistes modernes.  Trop  volontiers  on  cherchait  des  indications  sur  le 
caractère  de  Molière  dans  ses  oeuvres  mêmes,  et  J.-B.  Poquelin  se  trou- 
vait être  tour  à  tour  Arnolphe,  Alceste,  Clitandre,  Dorante,  Chrysale 
même;  M.  P.  M.  s'est  mis  en  garde,  et  avec  raison,  contre  ce  système  de 
conjectures;  là  comme  ailleurs,  comme  quand  il  a  dû  aborder  l'histoire 
si  délicate  du  mariage  de  Molière  avec  Armande,  fille  ou  sœur  de  Made- 
leine Béjart,  il  a  fait  preuve  d'un  tact  et  d'une  sagesse  bien  rares  à  notre 
époque.  Les  moliéristes  à  outrance  le  lui  reprocheront  peut-être,  ceux 
qui  se  contentent  d'aimer  et  d'admirer  notre  grand  comique  sauront 
gré  à  M.  P.  M.  de  sa  franchise  et  de  sa  circonspection. 

Il  y  a  bien  des  parties  neuves  dans  cette  biographie  de  Molière,  et 
certains  points  d'histoire  littéraire,  qui  n'avaient  été  touchés  qu'en  pas- 
sant, ont  attiré  l'attention  de  M.  Mesnard.  On  ne  lira  pas  sans  intérêt 
les  observations  qu'il  a  faites  relativement  à  don  Garcie  de  Navarre,  ce 
pastiche  si  curieux  du  don  Sanche  d'Aragon,  de  Pierre  Corneille;  l'imi- 
tation est  même  plus  directe  que  ne  l'a  dit  le  nouveau  biographe  (p.  237) 
et  elle  mériterait  une  étude  à  part. 

Quant  aux  critiques  de  détail  que  peut  soulever  la  lecture  de  ce  livre, 
elles  sont  en  bien  petit  nombre,  et  c'est  un  plaisir  de  ne  rien  trouver  à 
reprendre  dans  un  si  gros  volume.  Voici  pourtant  deux  ou  trois  obser- 
vations minuscules  que  je  crois  pouvoir  adresser  à  M.  M.  11  dit,  p.  21, 
que  les  élèves  du  collège  de  Clermont  étaient  au  nombre  de  1,800  en 
1643,  et  c'est  un  jésuite  belge  qui  lui  sert  de  garant;  mais  dans  un 
document  officiel  émané  des  jésuites  mêmes  du  collège  de  Clermont  ', 
il  est  dit  que  cet  établissement  avait,  en  1646  il  est  vrai,  «  plus  de  deux 
mil  escoliers  ». 

Page  170  et  suivantes,  M.  M.,  amené  à  parler  de  ce  prince  de  Gonti,  qui 
ne  fut  pas  le  camarade  de  Molière  chez  les  Jésuites,  croit  pouvoir  repor- 
ter à  la  fin  de  l'année  i656  sa  conversion  définitive;  il  résulte  de  docu- 
ments manuscrits  que  j'ai  sous  les  yeux,  et  en  particulier  d'une  vie  très 
détaillée  de  l'évêque  d'Aleth  avec  des  lettres  du  prince  à  Pavillon  et  de 
Pavillon  au  prince,  que  les  premiers  symptômes  de  changement  se  pro- 
duisirent dans  le  courant  de  i655,  que  la  conversion  était  opérée  à  la  fin  de 
décembre,  et  que  Conti  était  déjà  un  pénitent  quand  il  revint  à  Paris  en 
mars  i656  -.  Ces  détails  ont  leur  importance,  car  la  fameuse  quittance 
donnée  par  Molière,  le  24  février  i656,  aurait  ainsi  un  caractère  tout 
particulier.  Le  gouverneur  du  Languedoc,  chassant  les  comédiens  de  sa 
province,  était  bien  obligé  de  les  payer,  et  si,  en  cette  occurrence,  Conti 

1.  Moyens  d'opposition  que  les  Jésuites  ont  fait  signifier  à  la  maison  de  Sorbonne 
pour  empêcher  la  clôture  de  la  rue  des  Poire'es,  1G46J  16  p.  iri-40. 

2.  Vie  ms.  de  M,  d'Aleth,  livre  II,  ch.  2,-\, 


DHISTOIRK    Kl    DE    LITTERATURE  l35 

contraignit  les  États  à  faire  les  frais,  on  en  voit  bien  la  raison:  il  se  se- 
rait reproché  d'employer  ainsi  une  somme  de  6,000  livres  qu'il  desti- 
nait à  des  restitutions  bien  autrement  importantes  à  ses  yeux.  Il  est 
donc  infiniment  probable  que  la  disgrâce  de  Molière  est  du  com- 
mencement de  i656  au  plus  tard,  et  qu'il  faut  faire  remonter  à  cette 
date  les  premières  colères  du  poète,  celles  qui  l'ont  amené  à  faire  don 
Juan  et  Tartuffe. 

Le  grand,  le  seul  défaut  de  la  Notice  sur  Molière,  c'est  qu'elle  a  450  pa- 
ges qui  se  suivent  sans  interruption.  Pas  un  chapitre,  pas  une  de  ces 
divisions  qui  permettent  de  se  reposer  et  au  besoin  de  se  retrouver. 
Toutes  les  notices  de  la  collection  Régnier  ont  dû  être  composées  de  la 
sorte,  c'était  la  règle;  mais  combien  elles  seraient  plus  goûtées  du 
grand  public  s'il  avait  été  possible  de  les  disposer  autrement!  Celles 
de  M.  P.  Mesnard  resteront,  on  peut  le  prédire  sans  crainte  de  se 
tromper,  car  ses  éditions  de  Racine  et  de  Molière  sont  vraiment  défini- 
tives ;  et  il  serait  à  souhaiter  que  la  patrie  française  eût  des  récom- 
penses pour  les  érudits  qui  rendent  de  tels  services  à  notre  littérature 
nationale. 

A.  Gazier. 


91.  —  DmiORTiER.  Lettres  de  S.  Alpîionao  —  M.  de  Lîguori,  etc.  (traduites 
de  l'italien  par).  Partie  1  :  Correspondance  générale.  Tome  II  :  Pendant  l'épisco- 
pat  (1762-1775).  Un  vol.  in-8,  5ii  pp.  Lille,  Desclée,  de  Brouwer,  1889. 

C'est  un  livre  de  piété  plus  que  d'histoire.  Les  374  lettres  qu'il  con- 
tient sont  presque  toutes  adressées  à  de  respectables  inconnus,  chanoi- 
nes, archiprétres,  jésuites,  religieuses,  et  traitent  de  matières  de  mysticité 
et  de  dogmatique.  Les  lettres  de  recommandation,  de  sollicitations  y 
sont  nombreuses  et  peu  intéressantes.  A  noter  quelques  appels  au  bras 
séculier.  (L.  396,472,  perquisitions  chez  un  libraire;  5o8  bis,  524,  etc.) 
les  lettres  relatives  aux  crises  de  la  vocation  du  P.  Melchionna  (L.  414, 
417,  421,  416,  419,  422,  460,  520,  etc.),  quelques  lettres  de  direction 
spirituelleà  Brianna  Carafa  (L.  528,  53o,  538,  543,  546,  55o,  553,  534, 
555  etc.)  et  les  lettres  à  son  frère  H.  de  Liguori  sur  le  choix  d'une 
femme.  (L.  374,  379.)  «Vous  êtes  avancé  en  âge.  Si  elle  est  trop  jeune  e'^ 
«  qu'elle  veuille  résider  toujours  à  Naples  pour  aller  tous  les  soirs 
«  dans  le  monde,  elle  n'aura  pas  de  peine  à  trouver  quelque  sigisbée  à 
«  la  mode.  Dès  lors  elle  ne  pourra  guère  vous  supporter,  et  vous  en  se- 
«  rez  réduit  ou  à  l'enfermer  bien  vite  dans  un  couvent  ou  à  vivre  dans 
«  de  continuels  soucis.  »  Et  ailleurs  :  «  (choisissez)  celle  qui  pourra  vous 
«  causer  le  moins  d'inquiétudes  en  ce  temps  où  ces  dames  ont  coutume 
a  d'avoir  plusieurs  maris.  »  On  voit  que  l'évêque  avait  pour  la  Dame 
un  mépris  schopenhauérien,  et  ce  témoignage  sur  le  sigisbéisme  est  cu- 
rieux. —  L'édition  est  soignée,  mais  il  faudrait  identifier  les  correspon- 
dants de  Liguori,  supprimer  une  grande  quantité  de  billets  inutiles  et 


l36  REVUE    CRITIQUE 

mettre  plus  de  pre'cision  dans  les  sommaires  très  vagues  des  lettres,  à  la 
table  des  matières.  La  traduction  est  bonne  et  l'on  n'y  rencontre  que  peu 
d'italianismes. 

L.-G.  P. 


92*  —  Sbornlk  nn  IVarocIi  Oumotvorenia,  Naiika  i  Knijina.  Kniga  I.  (Re- 
cueil de  Folkolore,  de  science  et  de  littérature,  publié  par  le  Ministère  de 
l'Instruction  publique  bulgare.  Tome  I,  un  vol.  in-Sdeiii,  3iô,  177,  263,  i6d  pp. 
Sofia,  imprimerie  de  l'État. 

La  littérature  bulgare  est  la  plus  jeune  des  littératures  slaves  :  depuis 
l'émancipation  partielle  de  la  Bulgarie  elle  a  fait  des  progrès  considéra- 
bles. Les  imprimeries  se  sont  multipliées  à  Sofia,  à  Roustchouk,  à  Philippo- 
poli,à  Varna,  àSliven.  Celle  que  l'État  possède  à  Sofia  peut  lutter  pour  la 
bonne  exécution  des  travaux  avec  les  meilleures  du  continent  :  le  présent 
recueil  lui  fait  grand  honneur.  Ainsi  que  Pindique  le  titre,  il  est  édité 
sous  les  auspices  du  Ministère  de  Plnstruction  publique  de  la  princi- 
pauté. Son  prix  modeste  (5  francs)  le  met  à  la  portée  de  toutes  les  caté- 
gories de  lecteurs.  —  Il  comprend  dans  la  première  partie  :  un  travail 
de  M.  Schichmanov  sur  le  rôle  de  l'ethnographie  en  Bulgarie,  de 
M.  Dragomanov  sur  le  sacrifice  des  enfants,  de  M.  Iliev  sur  la  numis- 
matique bulgare,  des  lettres  inédites  de  Veneline,  des  observations  mé- 
téorologiques, dans  la  seconde,  un  roman  et  des  poésies,  —  dans  la  troi- 
sième des  contes,  des  chants,  des  formulettes,  des  énigmes  etc.  Chaque 
partie  à  une  pagination  spéciale.  Nous  ne  pouvons  que  féliciter  le  gou- 
vernement bulgare  de  cette  intéressante  publication.il  y  a  quelque  temps, 
il  a  fait  publier  des  instructions  sur  la  manière  de  recueillir  les  docu- 
ments de  la  littérature  populaire.  Il  faut  se  hâter;  car  avec  les  transfor- 
mations sociales  et  économiques  qui  s''opèrent  dans  les  pays  bulgares, 
certains  de  ces  documents  auront  bientôt  disparu. 

Louis  Léger. 


93.^  I .  Aus  <lei*  ^Vei*kstatt  eines  '^VcKrterl.ucIisclii'eîbers.  Plaude- 
reien,  von  Daniel  Sanders.  Un  volume  in-8,  xix  et  54  pp.  (Avec  la  photographie 
de  l'auteur).  Berlin,  Lûstenœder,  1889. 

04,  —  2.    Bausteîiie    zu    einem    "Wœrt.ei*bueli    sinn%'ei"wandter    Aus- 

dr-iiclte    îm    OeulseJien.      Ein    Vermsechtniss    an    das    deutsche    Volk,    von 
Daniel  Sanders.  Un  vol.  in-8,  3jb  pp.  Berlin,  Lûstenœder,  i88g. 

L  C'est  à  Poccasion  du  yo"  anniversaire  de  sa  naissance  que  M.  San- 
ders a  publié  ces  causeries.  Elles  introduisent  le  grand  public  dans 
Patelier,  ou  comme  on  dit  vulgairement,  la  cuisine  d'un  lexicographe, 
indiquant  la  manière  de  procéder  pour  le  dépouillement  des  textes,  la 
confection  des  fiches,  etc.  Il  y  a  un  point  qui  intéresse  également  les 
hommes  de  science  :  ce  sont  les  raisons  et  les  circonstances  qui  ont 
amené  l'auteur  à  devenir  lexicographe.  Il  était  directeur  du  petit  gymnase 


d'histoire  et  de  littérature  i37 

d'Alt-Strelitz,  lorsque  parurent  les  premières  livraisons  du  dictionnaire 
de  Grimm.  M.  S.  publia  contre  cet  ouvrage  deux  brochures  d'une  cri- 
tique sévère  mais  juste,  il  faut  bien  le  reconnaître,  quoi  qu'on  pense  de 
la  violence  du  ton  ;  elles  provoquèrent  un  véritable  toile  dans  la  paroisse 
romantique  de  Grimm.  Car  il  fut  un  temps  oti  critiquer,  contredire 
Grimm  était  chose  dangereuse  ;  on  se  rappelle  encore  l'excommunica- 
tion majeure  lancée  par  le  cénacle,  il  y  a  quelque  vingt-cinq  ans,  contre 
Aug.  Schleicher,  à  l'occasion  de  son  livre  Die  deutsche  Sprache^  qui 
était  sur   divers   points  en  contradiction   avec   l'orthodoxie  courante. 
C'est  aussi  grâce  à  cet  état  des  esprits  que  les  livres  élémentaires  pour 
l'enseignement  de  Tallemand  sont  tous,  aujourd'hui  encore,  tellement 
arriérés.  Celui  qui  écrira  un  jour,  après  Raumer,  l'histoire  des  études 
germaniques,  constatera  certainement  combien  de  fois  des  considéra- 
tions d'ordre  romantique  ont  primé  celles  d'ordre  réellement  scienti- 
fique, dans  la  méthode  et  dans  l'œuvre  de  Grimm.  Cela  explique,  soit 
dit  en  passant,  pourquoi  la  philologie  romane  a  été  immédiatement,  et 
est  peut-être  maintenant  encore,  un  quart  de  siècle  en  avance  sur  son 
aînée,  la  philologie  germanique. 

Mais  revenons  à  notre  auteur.  Quelque  temps  après  l'apparition  de 
ses  deux  brochures,  une  librairie  lui  proposa  d'entreprendre  un  diction* 
naire  allemand  pour  un  public  plus  étendu  que  celui  de  Grimm,  et  de 
dimensions  moins  vastes.  Après  quelques  hésitations,  M.  Sanders 
accepta.  C'a  été  un  sujet  d'étonnement  pour  tous  que  la  rapidité  avec 
laquelle  il  composa  une  oeuvre  aussi  consciencieuse,  aussi  solide  que 
son  grand  dictionnaire  en  trois  volumes,  auxquels  il  ajouta  plus  tard 
un  quatrième  comme  supplément.  C'est  un  service  immense  rendu  non 
seulement  au  public  lettré,  mais  aussi  aux  continuateurs  du  diction- 
naire de  Grimm. 

IL  Ce  nouveau  choix  de  synonymes  fait  suite  aux  deux  recueils 
déjà  publiés  par  l'auteur.  Comme  dans  les  précédents,  M.  Sanders  n'y 
a  traité  que  des  mots  qui  manquent  encore  dans  les  ouvrages  du  même 
genre,  ou  qui  y  sont  traités  d'une  manière  insuffisante.  La  disposition 
des  matières  est  claire,  et  un  index  alphabétique  renvoie  également  au 
recueil  précédent. 

Alfred  Bauer, 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Les  Discours  prononcés  ie  24  décembre  1889  au  cimetière  Mont- 
martre sur  la  tombe  de  M.  Ernest  Havet  ont  été  réunis  en  une  brochure.  On  y  trouve 
les  discours  de  M.  Bouillier,  président  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politi- 
ques ;  de  M.  Renan,  administrateur  du  Collège  de  France;  de  M.  Albert  Réville,  pré- 
sident de  la  section  des  sciences  religieuses  de  l'école  des  Hautes-Études  ;  de  M.  Gas- 
ton BoissiER,  président  de  l'Association  des  anciens  élèves  de  l'Ecole  Normale;  de 


l38  REVUE   CRITIQUE 

M.  Emile  Deschaxel,  au  nom  de  la  famille  et  des  amis.  Un  portrait;  très  ressem- 
blant, d'Ernest  Havet  accompagne  la  brochure. 

—  M.  E.  Savous  vient  de  publier  à  la  librairie  Leroux  un  volume  d'Etudes  sur  la 
religion  romaine  et  le  7noye)i  âge  oriental  (un  vol.  in- 12°).  Ce  volume  renferme, 
entre  autres  études,  d'intéressants  essais  sur  l'introduction  de  l'Europe  slave  et  fin- 
noise dans  la  chrétienté,  et  les  idées  musulmanes  sur  le  christianisme. 

—  La  librairie  Thorin  fait  paraître  le  tome  II  du  Culte  chei  les  Romains  de 
J.  Marquardt,  traduit  de  l'allemand  en  français  par  M.  Brissaud,  professeur  à  la 
Faculté  de  droit  de  Toulouse  (gr.  in-8°  raisin,  10  fr.) 

—  M.  Léon  G.  Pélissier  a  publié  et  tiré  à  part  de  la  «  Revue  alsacienne  »  des  let- 
tres de  soldats  intéressantes  (Berger-Levrault.  In-S»,  12  p.)-  Comme  il  dit,  les  au- 
teurs de  ces  lettres  écrites  en  1792  et  en  1793  représentent  trois  types  curieux  : 
l'un,  Auguste,  soldat  à  l'armée  des  Vosges,  est  «  le  beau  parleur,  l'ancien  raisonneur 
de  club  et  de  cabaret,  mais  il  a  un  patriotisme  fervent,  l'entrain  militaire,  l'élan  des 
croyances  révolutionnaires,  le  diable  au  corps  ».  L'autre,  soldat  de  l'armée  du  Var, 
aigri,  nullement  tenu  en  haleine  par  la  présence  de  l'ennemi,  est  redevenu  clubiste  • 
il  suspecte  les  chefs  et  dénonce  les  camarades.  Le  troisième,  soldat  de  la  phalange 
marseillaise  et  héros  de  l'armée  départementale,  est  un  brave  bourgeois  qui  écrit  à 
sa  femme  le  jour  de  sa  fête  et  qui  envoie  de  quoi  acheter  des  gâteaux  à  son  petit 
Tisté;  «  il  a  quelque  chose  de  M.  Prudhomme  et  de  Tartarin  ». 

ALLEMAGNE.  —  L'éditeur  Herder,  de  Fribourg  en  Brisgau,  a  fait  paraître  le 
deuxième  volume  de  l'ouvrage  du  d''  Pastor,  Geschichtc  der  Pœpste  seit  dem  Aus~ 
gang  des  Mitîelalters  (1889.  In-8%  C87,  p.  10  mark;  c-ç.  Revue,  1889,  n"  i  i).  Nous 
aurons  occasion  de  revenir  sur  cet  important  travail  qui  conduit  l'histoire  de  la  pa- 
pauté jusqu'à  la  mort  de  Sixte  IV.  Un  Nachwort  de  polémique  accompagne  le  vo- 
lume, avec  une  pagination  spéciale  de  38  pages. 

BELGIQUE.  —  M.  Paul  Bergmans  a  fait  insérer  dans  le  Bulletin  des  séances  de 
l'Académie  royale  (classe  des  lettres),  et  tirera  part  sa  notice  sur  Antonius  Matkias, 
d'Anvers,  imprimeur  belge  du  xvi^  siècle.  Il  a  non  seulement  résumé  le  travail  de 
Van  der  Meersch  (i856),  mais  d'après  les  pièces  de  Mondovi  et  de  Gênes  et  d'après 
les  impressions  de  Mathias  qu'il  a  vues  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris,  il  a  donné 
de  nouveaux  détails  sur  les  Belges  établis  à  la  tin  du  xv"  siècle  en  Italie.  Mathias 
arriva  à  Gênes  en  1472  avec  Lambert  Laurenszoon  de  Delft,  s'associa  avec  Balthasar 
Cordero,  transporta  ses  presses  à  Mondovi,  revint  à  Gênes  en  1473  où  on  le  re- 
trouve en  compagnie  d'un  imprimeur  belge  du  nom  de  Henri  d'Anvers,  puis  vendit 
(23  mai  1474)  tout  son  matériel  à  Michel  Scopus  d'Ulm.  Est-il  le  Mathaeus  Flander 
qui  exerçait  l'art  typographiqne  à  Saragosse  vers  1475?  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette 
conjecture  de  M.  Bergmans,  on  saura  désormais  que  le  premier  imprimeur  de  Gê- 
nes fut,  non  pas  un  Allemand  (Mathias  Moravus.  d'Olmutz),  mais  un  Belge,  l'Anver- 
sois  Mathias. 

BULGARIE.  —  MM.  Kostov  et  Michev  viennent  de  faire  paraître  à  Sofia  une 
Chrestomathie  pour  l'étude  de  la  littérature  en  2  vol.  in-80.  Elle  renferme,  outre 
un  certain  nombre  de  morceaux  originaux,  des  fragments  des  principaux  auteurs 
français,  anglais,  allemands,  russes,  polonais,  etc.  Il  est  à  remarquer  que  notre  lit- 
térature classique  y  tient  fort  peu  de  place.  Possuet  ne  figure  pas  dans  l'éloquence 
sacrée;  Voltaire,  dans  la  partie  consacrée  à  l'histoire.  L'éloquence  politique  est  re- 
présentée par  des  fragments  de  Mirabeau  et  de  Gambetta.  En  revanche,  les  auteurs 
ont  fait  une  large  part  à  la  littérature  populaire  de  leur  pays.  Ces  deux  volumes  ee 
recommandent  à  tous  ceux  qu'intéresse  la  jeune  littérature  bulgare.  Les  mêmes  au- 


d'histoire  et  de  lîttékaturr  i3g 

leurs  ont  publié  un  Manuel  de  littérature  qui  est   le  commentaire  perpétuel  de  la 
Chrestoraathie. 

—  M.  A.  Odin,  privat-docent  et  lecteur  de  langue  française  à  l'Université  de 
Halle,  est  nommé  professeur  à  l'Université  nationale  bulgare  de  Sofia. 

ÉTATS-UNIS.  —  Il  existe  à  Bloomington,  dans  l'état  de  Missouri,  un  Plato  Club, 
dont  les  membres,  au  nombre  de  neuf,  comme  les  Muses,  se  réunissent  régulière- 
ment pour  étudier  les  œuvres  du  grand  philosoplie.  Cette  société  se  compose  d'un 
carré  de  quatre  demoiselles,  d'un  triangle  de  trois  dames;  le  sexe  barbu  n'est  repré- 
senté que  par  une  ligne,  formée  d'un  docteur  et  d'un  professeur.  Le  club  célèbre 
tous  les  ans  le  jour  de  la  «  descente  sur  terre  »  de  Platon  par  un  banquet,  disons 
mieux,  un  symposion.  A  l'imitation  des  platoniciens  de  Florence,  on  a  identifié  le  7 
de  Thargélion  avec  le  7  novembre.  L'année  dernière,  environ  cinquante  convives  se 
réunirent  dans  la  maison  deM"i*Julia  P.  Stevens  pour  fêter  cet  anniversaire.  Il  y  eut 
de  la  musique,  des  lectures,  des  discours,  de  la  prose  et  des  vers.  Le  bouquet  de  la 
fSte  était  une  improvisation  du  docteur  Hiram  K.  Jones,  de  Jacksonville  (Illinois)  ;  il 
avait  pris  pour  sujet  le  Banquet  de  Platon  et  il  développa  cette  thèse  que  les  person- 
nages introduits  par  le  philosophe  représentent  chacun  un  principe  ou  une  idée.  La 
fôte  se  donne  dans  la  maison  d'Agaihon  dont  le  nom  signifie  le  Bien  :  aussi  Socrate, 
c'est-à-dire  la  Sagesse,  est-il  couché  près  de  lui.  Pausanias  est  la  Tempérance,  Phè- 
dre est  le  Beau,  Aristophane  signifie  la  bonne  apparence.  Nous  lisons  dans  le 
deuxième  cahier  de  la  Bibliotheca  Platonica  (cp.  Revue,  i88g,  n'  46^  que  le  dis- 
cours du  docteur  Jones  excita  un  indicible  enthousiasme  et  tira  des  larmes  de  tous 
les  yeux. 

HONGRIE.  —  Les  philologues  hongrois  commencent  à  publier  leurs  ouvrages  en 
latin.  M.  H.  Némethy  vient  de  publier  une  édition  des  fragments  d'Euvémère  sous 
le  ihre  :  Eukemeri  reliquiae,  colle git  proie gomenis  et  adnotationibus  instruxit  Gey^a 
Némethy  (Budapest,  1889).  L'ouvrage  se  divise  en  cinq  chapitres  intitulés  :  i.  Quaes- 
tiones  Euhemereae.  1.  Testimonia  veterum.  3.  Euiiemeri  reliqidae.  4.  Adiiotatio- 
lies.  5.  Index  librorum  ad  Euhemerum  periinentium.  De  plus  un  index  des  noms. 

—  M.  R.  Weiss  a  fait  paraître  une  étude  intitulée  :  De  digammo  in  hymnis  ko- 
mericis  Qjiaestiones.  C'sst  un  travail  de  statistique  philologique  dans  le  genre  des 
Etudes  homériques  de  Hartel.  L'auteur  y  a  fait  preuve  de  beaucoup  d'érudition  et  de 
patience. 

—  On  annonce  la  mort,  à  l'âge  de  32  ans,  de  M,  Eugène  Abel,  professeur  de  lit- 
térature grecque  à  l'Université  de  Budapest.  Philologue  distingué,  il  avait  fait  paraî- 
tre chez  Calvary,  à  Berlin,  une  édition  de  Colluthus,  de  Jean  de  Gaza,  des  Lithica 
d'Orphée,  des  Hymnes  homériques  et  le  premier  volume  des  Scolies  de  Pindare. 
Outre  cela,  il  s'occupait  de  l'histoire  des  humanistes  hongrois  et  a  donné  une  édition 
d'Isota  Nogarola,  puis  une  description  des  manuscrits  de  la  Corvina.  Il  était  membre 
de  l'Académie  hongroise. 

ISLANDE.  —  Cinq  érudits,  Hannes  Thorsteinsson,  Jon  Thorkelsson,  Olafur  Da- 
VIDHSSON,  Palmi  Palsson,  et  Vald.  Asmundarson  vont  publier  une  revue  de  folklore 
et  de  littérature  irlandaise  qui  aura  pour  titre  Huld  et  paraîtra  par  fascicules.  Il  pa- 
raîtra au  moins  un  fascicule  par  an.  Trois  fascicules  formeront  un  volume.  On  s'a- 
bonne pour  un  volume  chez  l'éditeur  Sigurdur  Kristjansson,  à  Reykjavik.  Prix  de 
chaque  fascicule  :  2  couronnes. 

ITALIE.  —  M.  Angelo  Soleuti  et  notre  collaborateur  M.  P.  de  Nolhac  préparent 
en  commun,  pour  cette  année,  chez  l'éditeur  Roux,  de  Turin,  un  volume  sur  le 
voyage  de  Henri  III  en  Italie,  à  son  retour  de  Pologne,  en  1574.  Le  travail  est  con- 
duit sur  des  sources  entièrement  nouvelles,  récits  contemporains  et  pièces  d'archives. 


140  REVUE   CRITIQUE    d''hISTOIRE    ET   DE   LITTÉRATURE 

M.  Solerti  publiera  également  en  1890,  chez  Zanichelli,  de  Bologne,  le  premier  vo- 
lume des  Opère  minori  in  versi  de  Tasse,  dont  il  a  entrepris  une  édition  critique 
d'après  les  éditions  anciennes  et  les  autographes. 

RUSSIE.  —  MM.  Attaï  et  Riabinine,  l'un  professeur,  l'autre  étudiant  à  l'Institut 
Lazarev  des  langues  orientales,  viennent  de  faire  paraître  à  Moscou  une  traduction 
du  Livre  de  Kalilah  et  Dimnah  (un  vol.  in-S»),  de  290  pages.  Cette  traduction  est 
précédée  d'une  préface  de  M.  Riabinine,  sur  les  origines  et  l'histoire  de  ce  recueil, 
et  accompagné  d'un  tableau  synoptique,  qui  montre  comment  il  s'est  répandu  dans 
les  littératures  européennes.  Dans  les  langues  slaves  il  existe  une  version  slavonne 
du  xiii«  siècle  (Stephanile  et  Jklimlai)  et  une  version  tchèque  de  i528. 


ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  7  février  iSgo. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  M.  le  président  annonce  que  M.  le  chevalier 
de  Sickel,  professeur  honoraire  de  l'Université  de  Vienne,  a  été  élu  associé  étranger 
de  l'Académie,  en  remplacement  de  M.  Cobet. 

L'Académie  procède  ensuite  à  l'élection  d'un  membre  ordinaire  en  remplacement 
de  M.  Pavet  de  Courteille.  Deux  tours  de  scrutin  ont  lieu  et  donnent  le  résultat  sui- 
vant : 

!«'  tour.        2<^  tour. 

M.  de  Lasteyrie 1 5  voix.      28  voix. 

M.  Homolle ,....       8    —  4    — 

M.  Courajod 8    —  3    — 

M.  Ph.  Berger 4    —  i     — 

M.  Siméon i     —  i     — 

36  votants  36  votants. 
M.  de  Lasteyrie  est  élu.  L'élection  sera  soumise  à  l'approbation  du  président  de  la 
République. 

M.  Théodore  Reinach  communique  un  texte  de  l'historien  grec  Eusébios,  mal  in- 
terprété jusqu'à  présent.  Vers  le  milieu  du  m*  siècle  après  notre  ère,  à  l'époque  des 
invasions  des  Francs  en  Gaule,  ceux-ci,  que  l'historien  désigne  sous  le  nom  de  Cel- 
tes d'Outre-Rhin,  assiégèrent  la  «  ville  des  Tyrrhéniens  »,  dans  la  province  de  Lug- 
dunaise.  Grâce  à  un  système  de  réservoirs  et  de  pompes  à  incendie,  ils  parvinrent  à 
préserver  leurs  machines  contre  les  projectiles  incendiaires  que  leur  lançaient  les 
assiégés.  M.  Th.  Reinach  pense  que  par  le  nom  de  ville  des  Tyrrhéniens  l'historien 
grec  a  voulu  désigner  la  ville  de  Tours.  11  est  curieux  de  voir  les  Francs,  dès  leur 
première  apparition  dans  l'histoire  (^58),  posséder  des  notions  aussi  avancées  d'art, 
militaire  et  de  poliorcétique. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Georges  Perrot  :  Henry  (Charles),  Application  de 
nouveaux  instruments  de  précision  (cercle  chromatique,  rapporteur  et  triple  décimètre 
esthétique)  à  F  archéologie  {extra'n  de  la  Revue  archéologique)  ;  — par  M.  Schlumber- 
ger  :  Engel(A.)  et  Serrure  (R.),  Répertoire  des  sources  imprimées  de  la  numismati- 
que française,  tome  m  ;  —  par  M.  l'abbé  Duchesne  :  Gregory  (Caspar-René),  2^  fas- 
cicule, Novitm  Testamentum  greaece,  Frôle gomena,  t.  111. 

Julien  Havet. 

t 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES    DEFRANCE^' 


Séance  du  2g  janvier  18 go. 

M.  de  Barthélémy  lit  une  note  de  M.  le  baron  de  Baye  sur  la  nécropole  d'Habj 
blingbo.  t 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  donne  comn.unication  d'une  lettre  de  M.  Boyer,  agent^ 
voyer,  signalant  l'existence,  sur  le  territoire  de  Peraumont  près  Coussey  {Vosges)p 
d'un  monument  mégalithique,  dit  la  pierre  aux  œufs. 

M.  Blanc,  chargé'de  mission  en  Tunisie,  communique  des  photograptiies  de  mo- 
numents qu'il  a  recueillies  au  cours  de  ses  explorations.  , 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 
Lb  Puy,  imprimerie  Marchcssou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 
D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 


Tjo  8  —  24  février  —  1890 


SonixnaSi-a  :  gb .  De  Markoff,  Monnaies  arsacides  et  sassanides  de  l'Institut  des 
langues  orientales  de  Pétersbourg.  —  96.  Schûrer,  Histoire  du  peuple  juif  à 
l'e'poque  de  Je'sus-Christ.  —  97.  Bienwald,  Les  manuscrits  d'Antiphon.  —  98. 
Pellisson,  Cicéron.  —  9g.  Fichot,  Statistique  monumentale  de  l'Aube.  —  100. 
Bryce,  L'empire  germanique  et  l'empire  allemand.  —  10 1.  Sommervogel,  Le  vé- 
ritable auteur  des  Monita  sécréta. —  102.  E.  Molinier,  Venise,  ses  arts  décoratifs, 
musées  et  collections.  —  io3.  Litzmann,  Schiller  à  lena.  —  104.  Ed.  Favre,  Mé- 
morial des  cinquante  premières  années  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie  de 
Genève. —  io5-io6.  Kerviler,  Répertoire  de  bibliographie  bretonne,  I,  8  et  Re- 
cherches sur  les  députés  de  la  Bretagne  à  l'Assemblée  constituante.  —  107.  Wulff, 
Un  chapitre  de  phonétique.  —  Chronique.  — Académie  des  Inscriptions.  — Société 

:  des  Antiquaires  de  France. 


95.  —  Monnaies  arsacides,  subarsacides,  sassanides  etc.  de  l'Institut  des  lan- 
gues orientales,  décrites  par  Alexis  de  Markoff.  S.  Pétersbourg,  i8Sg,  in-8,  xvn, 
XX,  i36  p.  II  pi. 

L'Institut  des  langues  orientales  à  Pétersbourg  possède  une  collection 
I  numismatique  importante,  qui  a  été  créée  en  1826  par  Adelung.  Un 
premier  catalogue  des  monnaies  musulmanes,  décrites  par  Dorn,  a  paru 
j  en  deux  parties  en  1877  et  1881.  M.  A.  de  Markoff,  conservateur  au 
musée  de  l'Ermitage,  chargé  de  continuer  ce  travail,  vient  de  donner  la 
description  des  monnaies  arsacides  et  sassanides  qui  forment,  comme 
l'on  sait,  les  deux  premières  classes  de  la  numismatique  orientale.  — 
Après  une  introduction  historique  sur  l'origine  et  la  formation  de  la 
collection  russe  et  une  riche  et  très  complète  bibliographie  de  tous  les 
ouvrages  et  mémoires  concernant  la  matière,  Tauteur  aborde  la  des- 
cription de  la  série  parthe. 

La  collection  de  l'Institut  russe  comprend  680  pièces  arsacides  à 
légendes  grecques,  et  environ  une  centaine  de  monnaies  à  légendes 
araméennss  ou  proto-pehlvies,  émanant  des  feudataires  ou  rois  des  pro- 
vinces qui  relevaient  du  Grand-Roi,  et  qui  sont  connus  chez  les  auteurs 
orientaux  sous  le  nom  de  Molouk-et-taouâïf.  Le  Musée  possède  la 
série  presque  complète  des  arsacides,  sauf  quelques  lacunes,  notamment 
sous  le  rapport  des  tétradrachmes,  qui  ne  commencent  qu'assez  tard 
sous  Phraate  IV,  le  seizième  Arsace,  alors  qu'on  en  connaît  pour  pres- 
que tous  les  rois  antérieurs.  M.  de  M.  suit  l'ordre  et  la  classification  de 
Percy  Gardner  dans  son  catalogue  du  British  Muséum.  C'est  certaine- 
ment un  excellent  guide,  mais  il  y  avait  quelques  modifications  à  intro- 
duire dans  les  attributions,  depuis  le  remarquable  travail  de  von 
Gutschmid  (Geschichte  Irâns,  1888),  que  M.  de  M.  aurait  peut-être 
Nouvelle    série,  XXIX.  8 


I 


142  REVUE   CRITIQUE 

pu  Utiliser  davantage.  L'auteur  a  bien  fait  de  placer  sous  chaque  roi  les 
petites  monnaies  de  bronze  en  assez  grand  nombre,  jusqu'ici  fort  négli- 
gées à  cause  de  leur  module,  et  qui  sont  cependant  fort  intéressantes. 

En  dehors  des  monnaies  connues  des  Molouk,  que  possède  l'Institut, 
il  faut  signaler  une  très  belle  série  de  40  pièces  remarquables  par  leurs 
légendes  sémitiques.  M,  de  M.  n'a  fait  aucune  tentative  de  lecture,  il  ' 
nous  dit  seulement  (p.  49)  que  «  ces  monnaies,  d'une  époque  incertaine, 
émanent  de  rois  mazdéens  ayant  régné  dans  une  contrée  inconnue  de 
riran  ».  Malheureusement  aucune  de  ces  pièces  n'est  gravée  sur  les 
deux  planches  qui  accompagnent  l'ouvrage  et  aucune  référence  n'est 
faite  aux  publications  antérieures,  en  sorte  qu'il  est  impossible  de  se 
rendre  compte  de  ce  que  peuvent  être  ces  monnaies.  On  peut  croire, 
toutefois,  qu'elles  forment  une  variété  de  celles  qui  ont  été  signalées  par 
Fraehn,  Stickel  et  Tiesenhausen  (collection  Strogonof).  C'est  du  moins 
ce  qui  semble  résulter  de  la  description  donnée  par  l'auteur,  comme  du 
fac-similé  des  légendes.  L'alphabet,  tout  en  étant  différent  de  celui  des 
monnaies  arsacides,  n'est  pas  sans  analogie  avec  l'alphabet  des  inscriptions 
de  Bahbehan,  Teng-i-Botân,  etc.,  dont  la  date  est  probablement  anté- 
rieure à  l'époque  sassanide,  ce  qui  pourrait  fournir  un  point  de  repère 
pour  nos  monnaies  et  permettre  d'en  placer  l'émission  vers  le  in°  siècle 
de  notre  ère,  dans  le  Khorassan  et  jusqu'à  TOxus.  C'est  là,  en  tous  cas, 
un  phénomène  fort  curieux  à  étudier  pour  l'histoire  de  l'écriture  dans 
l'Asie  centrale.  Il  en  est  de  même  des  monnaies  frappées  dans  la  Sog- 
diane  quelques  siècles  plus  tard,  sous  les  derniers  Sassanides  ou  ai 
commencement  de  l'Hégire,  et  dont  l'alphabet  possède  encore  des  formel 
particulières  distinctes  du  précédent.  Ces  dernières  pièces  ne  sont  con-' 
nues  que  depuis  l'expédition  russe  à  Khiva  et  à  Samarcande,  c'est,] 
M.  P.  Lerch  qui  les  a  le  premier  déchiffrées  en  1878.  On  sait  qu'il  a  lu 
Bokhara-Khodddi ,  mais  cette  lecture  n'est  peut-être  pas  définitive. 

La  deuxième  partie  du  Catalogue  est  consacrée  aux  rois  sassanides» 
Elle  comprend  la  description  de  5oo  pièces,  plus  une  soixantaine  de, 
monnaies  à  légendes  pehlvies,  frappées  par  les  gouverneurs  arabes  de  làlj 
Perse.  L'auteur  a  suivi  Mordtmann  pour  la  classification  et  la  chrono4| 
logie.  Les  règnes  de   Firouz,   de  Cobad  I^""  et  des  deux  Khosroës  sont' 
particulièrement  riches;  par  contre,  il  y  a  quelques  lacunes  dans  là 
collection,  notamment  pour  la  série  des  Bahram  et  les  derniers  Sassa- 
nides.  Sous  le  rapport  du  monnayage  d'or,  qui  généralement  est  très] 
rare,  l'Institut  ne  possède  que  deux  médailles  de  Sapor  II   et  une  del 
Firouz.  Si  la  lecture  Khusriidi  du  n°  3og  est  certaine,  elle  trancherait] 
l'orthographe  du  nom  de  Khosroës,  ou  plutôt  d'une  des  variantes  de  cej 
nom,  que  l'on  trouve  sous  les  trois  formes  Khusrui,  Khusrudi  eiKliiis- 
rub  (sans  compter  l'arabe  Kesra]. 

Nous  nous   bornerons  à  ces   quelques  remarques   en    attendant  Ia| 
seconde  partie  de  l'ouvrage,  qui  devra  contenir  la  justification  de  cer- 
taines attributions  monétaires.   Mais,  dès  à  présent,  nous  ne  pouvom] 


à 


d'histoire  et  de  littérature  143 

que  rendre  un  juste  hommage  à  ce  premier  travail  qui  représente  un 
labeur  considérable  et  dénote  chez  son  auteur  une  connaissance  pro- 
fonde de  la  numismatique  perse. 

E.  Drouin. 


I 


g6.  —  Gescliichte  des   JûdiseSien  Volkes  im  £eltaltei'    Jlesu    Clirlstis 

von  D'  Emil  Schùrer.  Zweite  neu  bearbeitete  Auflage  des  Lehrbuchs  der  Neiites- 
tamentlichen  Zcitgeschichte.  Erster  Theil,  erste  Haslfte.  Leipzig,  Hinrichs'sche 
Buchhandlung,  1889.  In-8,  256  pages. 

Les  Allemands  ont,  beaucoup  plus  que  nous-mêmes,  l'habitude  de 
publier  leurs  oeuvres  par  cahiers.  C'est  un  procédé  très  légitime  pour  ras- 
surer le  public  sur  l'état  d'avancement  d'une  œuvre;  mais,  comme  Tau- 
teur,  ce  qui  est  parfaitement  naturel,  renvoie  souvent  au  second  cahier 
du  volume  son  introduction  ou  avant-propos  et  sa  table  des  matières, 
le  critique  se  trouve  momentanément  dépourvu  d'indications  qui  lui  se- 
raient fort  utiles.  Disons  donc  aujourd'hui  ce  que  nous  savons,  sauf  à 
compléter  nos  indications  quant  la  suite  de  l'ouvrage  nous  parviendra. 

M.  Schiirera  publié  il  y  a  quelques  années  un  Maiiuel  d'histoire  pour 
l'époque  du  Nouveau  Testament^  litre  embrouillé  pour  exprimer  une 
idée  fort  claire  et  répondre  à  un  besoin  généralement  ressenti,  qui  est, 
lorsqu'on  aborde  l'étude  des  origines  du  christianisme,  de  posséder  un 
ensemble  de  renseignements  sur  les  conditions  historiques,  géographi- 
ques, etc.,  où  se  trouvait  alors  la  Palestine.  Un  théologien  protestant 
de  langue  française,  M.  Stapfer,  nous  a  donné  dans  le  même  ordre  d'idées 
un  volume  intitulé  La  Palestine  au  temps  de  Jésus-Christ  qui  contient 
de  très  bonnes  parties.  Je  n'ai  point  sous  la  main  le  livre  de  Schûrer  dans 
sa  première  édition  et  n'ai  pas  conservé  le  souvenir  de  ses  divisions.  Je 
dirai  seulement  qu'il  a  reçu  un  accueil  très  favorable,  qu'on  a  rendu 
unanimement  hommage  à  son  mérite  et  qu'il  a  tout  de  suite  été  considéré 
comme  une  œuvre  classique,  dont  les  bibliothèques  théologiques  ne 
peuvent  plus  se  passer.  Aujourd'hui,  comme  on  le  voit  plus  haut,  le 
titre  se  lit  Histoire  du  peuple  juif  à  V époque  de  Jésus-Christ^  ce  qui 
est  beaucoup  plus  satisfaisant  et  ne  permet  pas  de  s'égarer  sur  les  limites 
assignées  par  l'auteur  à  son  sujet. 

Le  présent  cahier  contient  une  longue  introduction  principalement 
consacrée  à  l'indication  et  à  la  discussion  des  sources,  puis  le  commen- 
cement de  la  première  partie,  qui  traite  de  l'histoire  politique  de  la  Pa- 
lestine de  175  avant  J.-C  à  i35  après  J.-C.  L'auteur  annonçant  à  bref 
délai  la  publication  de  la  seconde  moitié  de  ladite  première  partie,  nous 
préférons  renvoyer  à  ce  moment  l'examen  de  l'ensemble  du  premier 
volume,  nous  bornant  pour  aujourd'hui  à  une  simple  annonce. 

M.  Ver  NES. 


144  •  REVUE    CRITIQUE 

97.   —    A.  BiENWALD,    Bîo    Cfîppsîîiiio   ot  Oxonîeiisi  Antiphontis,  Diiiarchi 
Lycurgi  codicibus;  diss.  inaug.  Gœrlitz,  iSSg,  40  p.  in-8. 

M.  Bienwald  s'est  surtout  proposé  de  combattre  les  conclusions  de 
M.  Graffunder  ^  sur  la  valeur  relative  des  deux  manuscrits  principaux 
d'Antiphon,    V Oxoniensis  et  le   Crippsianus,   M.   Graffunder  défend, 
avec  plusieurs  critiques,  la  supériorité  du  Crippsianus;  il  se  fonde,  en 
particulier,  sur  la  valeur  personnelle  du  copiste  de  ce  manuscrit.  M.  B. 
reprend,   au  contraire,  la  thèse  de  Maetzner,   Blass,   Jernstedt,  cic, 
tlièse  que  j'ai  soutenue  moi-même  dans  mon  Essai  sur  Antiphon.  11 
montre  que  le  copiste  du  Crippsianus  est  loin  d'avoir  la  valeur  qu'on 
lui  attribue;  la  plupart  des  corrections  qui  lui  sont  personnelles  sont, 
ou  non  justifiées,  ou  telles  que  le  premier  venu,  pourvu  qu'il  sût  un 
peu  de  grec,  pouvait  les  faire,  ou  enfin  dues  parfois  à  une  fausse  intel- 
ligence du  texte.  La  démonstration  avait  déjà  été  faite  par  Blass,  et  il 
est  à  espérer  que  l'on  n'y  reviendra  plus.  M.  B.  étudie  ensuite  rapide- 
ment l'ordre  des  mots,  l'hiatus,  l'omission  ou  l'emploi  de  l'article,  tlc.^ 
dans  les  deux  manuscrits.  Il  arrive  ainsi  à  une  conclusion  déjà  bien  des 
fois  exprimée.  C'est  qu'il  est  impossible  de  négliger  aucun  de  ces  deux 
manuscrits;  il  faut,  au  contraire,  les  compléter,  les  corriger  l'un  par 
l'autre,   puisque  c'est  seulement  par  leurs  données  combinées  qu'on 
pourra  espérer  retrouver,  dans  une  certaine  mesure,  le  texte  de  l'arché- 
type dont  ils  dérivent  tous  deux.  On  le  voit,  la  dissertation  de  M.  Bien- 
wald  n'apporte  pas  beaucoup  d'éléments  nouveaux  dans  l'étude  de  la 
question.  Mais  elle  a  le  mérite  de  grouper,  généralement  avec  clarté, 
la  plupart  des  arguments  en  faveur  de  l'Oxoniensis   disséminés  jus- 
qu'ici dans  diverses  études  ou  éditions. 

Ch.  CUCUEL. 

98.  —  Cîcéi'on,  par  M.  Pellisson.  Paris,  Lecène  et  Oudin.  In-8,  208  p.  i  fr.  5o 
(10  gravures). 

Ce  volume  a  paru  dans  la  collection  des  classiques  populaires,  éditée 
par  la  librairie  Lecène  et  Oudin  et  dirigée  par  M.  E.  Faguet.  Il  se  com- 
pose surtout  d'analyses  et  de  traductions^  habilement  disposées  et  mises 
en  œuvre.  Ce  sera,  croyons-nous,  une  lecture  de  vacances,  à  la  fois 
agréable  et  utile,  pour  nos  élèves  de  l'enseignement  secondaire. 

L. 


gg.  —  Stiitistiffue  inoiiuniciitalc  du  département  «le  l'Auhe»  pai* 
Charles  Fichoï.  Paris,  chez  l'auteur,  og,  "ue  des  Sèvres,  deux  volumes  gr.  in-8, 
494  et  562  pages,  avec  de  nombreuses  planches,  1884-1888.  Prix  :  120  fr. 

Le  département  de  l'Aube  est  bien  connu  des  archéologues  qui  font 

I.  Graffunder,  De  Grippsiano  et  Oxoniensi  Antiphojitis,  Dinarchi,  Lycurgi  codici- 
bus.  Berol,  1882. 


d'histoire  et  de  littérature  145 

du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance  l'objet  de  leurs  études  :  ses  églises, 
les  tombeaux  et  les  vitraux  qui  les  décorent  ont  fourni  le  sujet  d'articles 
et  de  planches  dans  bien  des  recueils  divers.  Jusqu'à  présent,  quatre 
ouvrages,  y  compris  celui  dont  on  vient  de  lire  le  titre,  ont  eu  pour 
objet  l'ensemble  des  monuments  figurés  de  ce  département. 

Le  premier  remonte  à  un  peu  plus  de  cinquante  ans.  C'est  le 
Voyage  archéologique  et  pittoresque  dans  le  département  de  VAube 
et  dans  Vancien  diocèse  de  Troyes,  publié  sous  la  direction  de  A. -F. 
Arnaud,  peintre,  un  volume  in-folio,  avec  de  nombreuses  planches, 
Troyes,  1837.  Le  second  a  paru  sous  le  titre  à' Album  pittoresque 
et  monumental  du  département  de  l'Aube  ;  c'est  un  volume  grand  in- 
folio, qui  a  vu  le  jour  à  Troyes  en  i852  ;  M,  Fichota  fait  les  dessins  ;  on 
doit  le  texte  à  M.  Aufauvre.  Le  troisième,  qui  date  de  1861  et  qui  n'est 
qu'un  mince  in-quarto,  est  le  Répertoire  archéologique  du  départe- 
ment de  VAube,  imprimé  en  1861  et  qui  fait  partie  du  Répertoire 
archéologique  de  la  France,  publié  par  le  Ministre  de  l'Instruction 
publique. 

Je  suis  Fauteur  du  dernier  de  ces  livres.  M.  Fichot,  si  honorable- 
ment connu  comme  dessinateur  dans  le  cercle  des  érudits  qui  s'intéres- 
sent à  l'archéologie  française,  a  pris  le  plan  du  Répertoire  archéologique 
et,  suivant  comme  cet  ouvrage  l'ordre  des  arrondissements  et  des  can- 
tons, il  étudie,  commune  par  commune,  les  monuments  figurés  du 
département  de  l'Aube.  Toutefois,  il  laisse  de  côté  les  cim.etières  romains 
et  mérovingiens  et  tout  ce  qui  est  antérieur  au  moyen  âge.  Il  a  donné 
à  sa  description  beaucoup  plus  de  développement  que  le  Répertoire 
archéologique.  Dans  celui-ci,  les  vingt-huit  cantons  du  département  de 
l'Aube  occupent  cent  quarante-trois  pages;  dans  la  Statistique  monu- 
mentale de  M.  F.,  huit  cantons  ont  fourni  la  matière  de  plus  de 
mille  pages.  L.&  Répertoire  archéologique  ne  contient  pas  une  planche, 
et  la  Statistique  monumentale  offre  à  ses  lecteurs  un  nombre  de  plan- 
ches que  je  n'ai  pas  eu  la  patience  de  compter,  presque  autant  que  de 
pages,  environ  un  millier. 

Quand  on  vient  de  lire,  dans  le  Répertoire  archéologique,  l'article 
consacré  à  une  commune  et  qu'on  parcourt  ensuite  l'article  correspon- 
dant à  celui-là  dans  la  Statistique  monumentale,  on  éprouve  une  sen- 
sation semblable  à  celle  de  la  vision  d'Ezéchiel;  il  semble  voir  un 
squelette  décharné  dont  les  os  se  recouvrent  instantanément  de  chairs 
vivantes  et  colorées.  Le  lecteur  me  pardonnera  de  lui  faire  part  de  la 
jouissance  que  j'éprouve  quand  dans  le  livre  de  M.  F.  je  vois  se  dresser 
de  nouveau  devant  mo>i  tant  de  jolis  monuments,  que  j'ai  si  souvent 
admirés  et  que,  dans  le  Répertoire  archéologique,  j'étais  réduit  à 
décrire  en  termes  si  brefs  et  si  secs. 

M.   F.    ne    s'est    pas    contenté  de  dessiner    l'ensemble  des  monu- 
ments, leurs  détails,  les  portails,  les  vitraux,  les  rétables,  les  chaires  à 
rêcher,  les  pierres  tumulaires  ;  il  les  a  décrits  et  il  a  été  en  cela  plus 


146  RICVU!'.    CniTlQUE 

hardi,  avec  raison,  Je  crois,  qu'en  i852,  lorsqu'il  publiait,  en  s'aidant 
delà  plume  de  M.  Aufauvre,  l'Album  pittoresque  et  monumental  du 
département  de  l'Aube.  M.  Aufauvre  était  un  élégant  journaliste;  il 
eut  même,  dans  le  chef-lieu  du  département  de  l'Aube,  Thonneur  d'être 
préféré  comme  rédacteur  d'un  journal  local  par  ses  concitoyens,  en  1 842, 
à  Charles  Blanc,  le  futur  directeur  des  Beaux-Arts,  1848-1852,  le  futur 
membre  de  l'Institut.  Charles  Blanc  fut  destitué  et  Aufauvre  lui  suc- 
céda, comme  p>lus  habile  et  moins  cher.  On  donnait  trois  mille  francs  à 
Charles  Blanc,  Aufauvre  se  contenta  de  dix-huit  cents.  Mais,  s'il 
était  grand  journaliste,  Aufauvre  était  médiocre  archéologue.  M.  F. 
a  eu  raison  de  ne  pas  recourir  de  nouveau  à  une  collaboration  comme 
celle-là  pour  exposer  au  public  le  sujet  de  ses  dessins. 

Son  ouvrage  est  un  complément  indispensable  du  Répertoire  archéO' 
logique.  Il  est  beaucoup  plus  complet  pour  les  détails  et  pour  les 
monuments  les  plus  modernes.  Toutefois,  je  manquerais  à  mes  habi- 
tudes et  à  la  tradition  de  la  Revue  critique  si  je  ne  parlais  ici  de  quel- 
ques points  sur  lesquels  je  ne  partage  point  la  manière  de  voir  de 
l'auteur. 

M.  F.  a  négligé  à  peu  près  complètement  la  bibliographie  de 
son  sujet.  Il  ne  mentionne  à  peu  près  nulle  part  les  travaux  anté- 
rieurs dont  les  divers  monuments  étudiés  par  lui  ont  été  précédemment 
Tobjet.  Com.me  exception  très  rare,  on  peut  citer  dans  le  tome  II, 
p.  280,  la  note  où,  à  propos  d'un  reliquaire  de  l'église  de  Villemaur, 
M.  F.  constate  qu'il  est  l'auteur  de  la  planche  du  Voyage  archéo- 
logique (1837,  il  y  a  cinquante  trois  ans),  qui  représente  ce  reliquaire 
(M.  F.  n'est  pas  tout  jeune);  or,  dans  cette  planche,  moins  bon 
paléographe  alors  qu'aujourd'hui;  il  a,  nous  dit-il,  écni  Marie  Magda- 
lene  pour  Marie  virginis.  Cette  observation  est  de  fort  bon  goût.  Mais 
il  aurait  peut-être  été  à  propos  de  dire,  trois  pages  plus  haut  (p.  278), 
que  des  deux  châsses  de  Villemaur,  reproduites  dans  la  planche  II, 
celle  du  bas,  en  cuivre  doré  et  émaillé  (xii'^  siècle),  ornée  de  figures  nom- 
breuses, a  déjà  fait  l'objet  d'une  planche  dans  le  chapitre  Emaux,  du 
Portefeuille  archéologique  de  la  Champagne,  par  Alfred  Gaussen.  La 
planche  d'Alfred  Gaussen  est  d'une  valeur  artistique  moindre  que  la 
planche  de  M.  F.,  mais  l'inscription  placée  au-dessus  de  la  tête  du 
Christ  en  croix  IHS  XPS  est  bien  plus  lisible  chez  Alfred  Gaussen  que 
dans  la  planche  de  M.  F.,  où  le  dernier  mot  XPS  est  écrit  XFS. 

A  la  page  210  du  tome  II,  M.  F.  a  consacré  seize  lignes  à  la  des- 
cription d'un  tableau  peint  en  i858  par  Valton,  peintre  troyen.  Ce 
tableau  représente  saint  Liébault,  patron  de  l'église  d'Estissac,  et  une 
inscription  latine  orne  celte  peinture.  Cette  inscription  n'est  pas  autre  :| 
chose  qu'une  notice  de  la  charte  qui  porte  le  numéro  358  dans  les 
Diplomata  de  Pardessus,  t.  II,  p.  142  :  «  Litterœ  fundationis  raonas- 
terii  sancti  Aniani  Floriacensis  prope  Aurelianensem  civitatem  a  sancto 
Leobaldo  abbate,  Ghlodovecho  secundo  régnante,  annoDomini  D  CL.  » 


DSHSTOIRE    KT    DK    HTTÉRATURB  I47 

A  ce  propos,  M.  F.  cite  un  auteur  troyen  du  xvii*  siècle,  Des- 
guerrois,  La  Saincteté  chrestienne ,  qui  a  discuté  la  question  de 
savoir  si  saint  Liébault  a  été  fondateur  d'ordre  ;  M.  F.  aurait  peut-être 
mieux  fait  ou  de  ne  rien  dire,  ou  s'il  tenait  à  parler,  de  renvoyer  soit 
aux  Diplomata  de  Pardessus,  soit  à  Bréquigny,  Table  chronologique 
des  diplômes,  t.  I,  p.  46. 

Deux  des  édifices  anciens  du  département  de  l'Aube  sont  l'église  de 
Saint-Lyé  et  celle  de  Moussey.  L'église  de  Saint-Lyé  a  été  l'objet  d'un 
mémoire  dans  la  Revue  archéologique,  de  mai  1860  (nouvelle  série, 
1. 1,  p.  289-293).  Ce  mémoire  est  accompagné  de  deux  planches,  conte- 
nant Tune  une  élévation  de  la  façade,  l'autre  un  plan  de  la  nef  de 
l'église.  Dans  ces  deux  planches,  on  trouve  distinguées  les  parties 
anciennes  de  l'édifice  et  les  additions.  Le  plan  présente  une  particularité 
singulière,  ainsi  décrite  dans  Isl  Revue  archéologique  (p.  291)  :  «  La 
a  tour  occupe  la  moitié  méridionale  de  la  cinquième  et  dernière  travée 
a  de  la  nef  [à  partir  du  chœur];  elle  est  carrée  ;  elle  a  quatre  mètres  de 
«  côté,  ce  qui  est  la  moitié  de  la  largeur  de  la  nef,  piliers  compris...  La 
«  porte  occupait  naturellement  le  milieu  de  la  façade.  Il  eût  été  dis- 
«  gracieux  de  la  placer  autrement,  mais  il  en  résultait  que  l'angle  nord- 
K  est  de  la  tour  était  évidé  à  la  base  et  ne  reposait  que  sur  le  trumeau 
«  de  la  porte.  Or,  ce  trumeau  offrait  un  appui  fort  peu  solide...  il  en  est 
«  résulté  au  bout  de  quelque  temps  des  lézardes  encore  visibles  dans  la 
<(  tour  et  la  nécessité  de  murer  la  partie  de  cette  porte  ouverte  dans  la 
oc  base  de  la  tour.  On  s'en  est  dédommagé  en  élargissant  cette  porte  du 
«  côté  du  Nord.  »  Voici  le  passage  correspondant  chez  M.  F.,  t.  i, 
p.  1 54  :  «  La  tour,  sur  sa  façade,  occupe  la  moitié  de  la  première  travée 
«  de  la  nef.  Sa  base  repose  sur  le  mur  de  cette  dernière  et  sur  un  pilier 
«  massif  de  style  romand  Elle  servait  autrefois  d'entrée  à  l'église,  mais 
a  depuis  bien  des  années,  on  a  muré  ses  arcades  et  consolidé  sa  base  au 
«  moyen  de  sarcophages  qui  rappellent  les  monuments  funéraires  des 
«  temps  mérovingiens.  »  Suit  le  dessin  de  la  muraille  formée  de  ces 
débris.  Cette  dernière  indication  manque  dans  l'article  de  la  Revue 
archéologique  et  dans  le  Répertoire  qui  en  est  le  résumé.  Ainsi,  le  tra- 
vail de  M.  F.  est  sur  ce  point  plus  complet  que  le  mien,  mais 
l'article  de  la  Revue  archéologique  expose  une  doctrine  qu'il  aurait 
peut-être  été  à  propos  de  citer,  ne  fût-ce  que  pour  la  contester. 

Dans  le  Répertoire  archéologique,  j'avais  constaté  que  l'église  de 
Saint-Lyé  a  dans  la  nef  neuf  mètres  de  hauteur  jusqu'au  plafond,  et 
treize  mètres  cinquante  jusqu'à  la  sous-faîtière  de  la  charpente  autre- 
fois apparente.  M.  F.,  qui  reproduit  mes  chiffres,  commet,  p.  i56,  une 
petite  erreur  :  g  Cette  grande  nef,  dit-il,  mesure  neuf  mètres  de  hauteur 
«  et  treize  mètres  cinquante  de  largeur.  »  Treize   mètres   cinquante, 

I.  A  l'angle  nord-est.  La  tour  à  l'origine  avait  au  nord  deux  supports  seulement  : 
le  trumeau  de  la  porte  occidentale  de  l'e'glise  au  nord-ouest,  et  le  pilier  massif, 
d2nt  parle  M.  Fichot,  au  nord-est. 


148  REVUE    CRITIQUB 

c'est,  je  crois,  à  peu  près  la  largeur  de  la  grande  nef  de  Notre-Dame  de 
Paris.  Non,  la  nef  de  Saint-Lyé  a  six  mètres  et  quelques  centimètres 
de  large,  et  treize  mètres  cinquante  sont  la  hauteur  jusqu'à  la  sous- 
faîtière  de  la  charpente. 

M.  F.,  t.  I,  p.  430,  date  de  la  fin  du  xn"  siècle  les  parties  anciennes 
de  Téglise  de  Moussey.  A  la  page  106  àw  Répertoire,  je  lésai  datées  du 
commencement  de  ce  siècle.  La  différence  est  peu  de  chose,  et  il  est  fort 
possible  que  M.  F.  ait  raison.  Cependant,  il  ne  dit  rien  d'un  des  motifs 
principaux  qui  m'ont  décidé.  C'est  que  ces  parties  de  l'édifice,  au 
lieu  d'être  en  moellons  de  craie  de  moyen  appareil,  sont  en  petit 
appareil  de  pierres  dures,  silex,  semble-t-il.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  notice 
de  M.  F.,  sur  l'église  de  Moussey,  est  infiniment  plus  complète  que  la, 
mienne.  M.  F.  consacre  à  cet  édifice  neuf  pages  et  dix  planches;  dans! 
le  Répertoire  archéologique,  on  trouvera  vingt-cinq  lignes. 

Je  conclus  que  le  livre  de  M.  Fichot  a  sur  les  parties  correspondantes! 
du  Répertoire  archéologique  de  l'Aube  une  très  grande  supériorité, 
quelles  que  soient  les  critiques  de  détail  que  puisse  lui  adresser  un  écri- 
vain, combattant  peut-être  à  son  insu  pro  arts  et  focis,  comme  le 
signataire  de  cet  article.  La  Statistique  monumentale  du  département 
de  l'Aube  par  M.  Fichot  a  obtenu  de  l'Académie  des  Inscriptions 
une  des  distinctions  les  plus  hautes  dont  elle  puisse  disposer  au  con- 
cours des  antiquités  de  la  France,  et  jamais  cette  distinction  si  honorable 
n'a  été  plus  méritée. 

H.    d'ArBOIS    de   JUBAINVILLE.  ■ 

100.  —  James  Bryce.  Le  saint  empire  i-omain  germanique  et  l'Empire 
actuel  d'Allemagne,  traduit  de  l'anglais  par  Emile  Doraergue  et  précédé 
d'un  préface  de  Ernest  Lavisse,  i  vol.  in-8,  XLi-596  pages.   Paris,  Colin,  1890. 

M.  James  Bryce,  professeur  de  droit  à  l'Université  d'Oxford,  membre 
de  la  chambre  des  communes,  ancien  sous-secrétaire  d'Etat  des  affaires 
étrangères  dans  le  ministère  Gladstone  en  1886,  s'est  posé  dans  cet  ou- 
vrage l'une  des  questions  les  plus  intéressantes  de  l'histoire  générale, 
tant  du  moyen  âge  que  des  temps  modernes.  11  a  recherché  quelles  idées 
ce  mot  «  empire  »  a  éveillé  dans  l'esprit  des  hommes,  aux  diverses  gran- 
des époques  de  Phistoire.  Que  pensait-on  de  ïEmpire,  quand  en  l'année 
476  le  faible  Romulus  Augustule annonça  sa  démission  au  sénat;  quand, 
le  jour  de  Noël  de  l'année  800,  le  pape  Léon  III  posa  une  couronne 
d'or  sur  la  tête  de  Charles,  roi  des  Francs-,  quand,  à  près  de  deux  siè-T 
clés  de  distance,  le  2  février  962,  Jean  XII  répéta  la  même  cérémonie 
en  faveur  du  souverain  d'Allemagne,  Otton  I"'?  Plus  tard,  quellea 
élaient  les  prétentions  et  de  Frédéric  I"  Barberousse  et  de  Frédéric  IIj 
lorsqu'ils  allèrent  s'emparer  à  Rome  de  la  couronne  impériale?  Qui( 
voulait  au  juste  Henri  VII,  quand,  en  i3i2,  il  se  fit  couronner  à  Saintf  j 
Jean  de  Latran?  Que  signifie  le  titre  de  «  imperator  electus  »  dont  s^ 


d'histoire    et    de    LITTERATURE  I49 

revêtit  Maximilien  I"  et  qu'après  lui  prirent  les  souverains  allemands, 
aussitôt  après  leur  couronnement,  et  sans  faire  le  voyage  de  Rome?  En- 
fin qu'est-ce  que  Tempire  allemand  actuel  qui  a  été  ressuscité  en  1871 
dans  la  galerie  des  glaces  de  Versailles,  en  faveur  de  Hohenzollerii, 
après  que  depuis  l'année  1806  les  Habsbourg  eurent  renoncé  à  cette 
qualité?  On  saisit  toute  l'importance  d'un  pareil  sujet  :  à  vrai  dire,  il 
constitue  une  philosophie  complète  de  l'histoire  d'Allemagne,  de  l'Italie 
et  des  pays  occidentaux  de  l'Europe.  Pour  le  traiter,  il  fallait  une  grande 
connaissance  des  détails  de  l'histoire;  un  esprit  plié  à  l'étude  des  textes 
et  assez  libre  de  préjugés  pour  ne  rien  ajouter  aux  documents  anciens, 
pour  ne  point  substituer  ses  conceptions  personnelles  à  celles  des  hom- 
mes du  moyen  âge;  une  intelligence  capable  de  saisir  l'essentiel  sous 
l'accessoire,  l'idée  sous  la  masse  énorme  des  faits  ;  le  goût  de  ces  géné- 
ralisations philosophiques,  qui  ne  se  perdent  point  dans  le  vague,  mais 
qui,  en  condensant  les  phénomènes  historiques,  restent  claires  et  préci- 
ses. M.  J.  B.  possède  en  partie  ces  rares  qualités  :  c'est  dire  que 
son  livre  est  remarquable;  il  est  fortement  pensé  et  il  fait  penser. 
Nous  signalons  comme  tout  à  fait  dignes  d'attention  le  chapitre  où  il 
montre  l'influence  de  la  doctrine  du  réalisme  sur  la  théorie  de  l'em- 
pire; celui  où  il  nous  fait  voir  comment  la  découverte  de  l'Amérique  a 
fait  crouler  les  anciennes  idées;  celui  où  il  expose  comment  la  Réforme 
a  achevé  de  détruire  la  vieille  conception  d'une  religion  et  d'un  empire 
universels.  Il  y  a  aussi  dans  son  livre  un  très  grand  sentiment  du  pit- 
toresque. M.  B,  a  parcouru  la  plupart  des  endroits  où  ont  vécu  ses  hé- 
ros; il  a  visité  les  églises,  les  palais,  théâtre  des  événements  qu'il  raconte  ; 
dès  lors,  il  nous  dépeint  souvent  un  paysage  ou  bien  un  monument  ar- 
tistique avec  un  soin  fort  scrupuleux;  et  ces  descriptions  rendent  ses 
récits  plus  vivants_,  ou  donnent  à  ses  réflexions  générales  une  netteté 
plus  grande.  Nous  avons  dit  tout  le  bien  que  nous  pensions  de  cet  ou- 
vrage; on  nous  permettra  d'en  signaler  quelques  défauts.  L'auteur 
n'a  pas  attaché  toujours  assez  d'importance  à  l'exactitude  minutieuse  dans 
le  détail  ;  quelques  noms  propres  sont  mal  transcrits;  on  lit  à  différentes 
reprises P/e/re  d'Andlo  au  lieu  de  Pierre  d'Andlau  ;  quelques  dates  sont 
fausses;  ainsi  le  royaume  des  Burgondes  n'a  pas  été  fondé  en  406  (p.  5^5)  ; 
pour  la  première  fois  ces  barbares  ont  été  transportés  dans  la  Savoie  en 
443  ;  les  renvois  manquent  de  précision  (par  exemple  Malchus  ap.  Pho- 
tium,  in  Corp.  Hist.  By:[ant)  ou  nous  indiquent  de  vieilles  éditions 
(le  liber  pontificalis  et  le  codex  carolinus  sont  encore  cités  d'après  Mu- 
ratori).  Quelques  erreurs  sont  plus  graves  et  déparent  vraiment  un  livre 
excellent  à  tant  d'égards.  Je  lis,  p.  22  «  Le  consulat  fut  un  triomphe 
pour  Clovis  :  son  fils  Theodebert  (sic),  après  avoir  conquis  la  Provence, 
sa  francisque  au  poing,  la  reçut  en  don  des  mains  de  Justinien.  »  C'est 
là  une  pure  invention  de  l'auteur.  Je  trouve  encore  p.  45.  «  Les  armées 
franques  ne  furent  pas  moins  favorisées  de  l'autre  côté  du  Rhin.  La 
victoire  de  Tolbiac  amena  la  soumission  des  AUamans,  qu'imitèrent 


l50  REVUE    CRITIQUE 

leurs  alliés  les  Bavarois,  k  Mais  Tolbiac,  s'il  est  vrai  que  la  bataille  de 
496  se  soit  livrée  en  cet  endroit,  est  sur  la  rive  gauche  du  Rhin.  Puis, 
je  lis,  p.  94  :  «  L'armée  de  Charlemagne  se  composait  de  Franks...  ces 
vastes  domaines  qui  s'étendaient  de  TEbre  jusqu'aux  Carpathcs,  de- 
l'Eyder  au  Liris  ont  été  le  prix  de  la  valeur  franke  et  étaient  en- 
core régis  exclusivement  par  des  vices-rois  et  des  officiers  d'origine- 
franke.  »  M.  B.  qui  cite  de  temps  en  temps  Waitz,  n'a  certainement  pas 
lu  les  chapitres  que  l'écrivain  allemand  a  consacrés  à  l'armée  carolin- 
gienne ;  il  saurait  que  le  service  militaire  pesait  sur  la  terre,  et  n'était  le 
privilège  ou  l'obligation  d'aucune  race  spéciale.  A  la  p.  416,  l'auteur 
prétend  que  Maximilien  l^r  voulut  se  faire  élire  pape  :  les  travaux 
d'Ulmann  ont  fait  justice  de  cette  légende.  Nous  n'insistons  pas 
davantage;  ces  exemples  prouvent  que  l'érudition  de  M.  B.  n'est  pas 
toujours  très  sûre;  certainement,  chez  lui,  l'érudit  est  inférieur  au  pen» 
seur  et  au  philosophe. 

Mais  même  la  partie  philosophique  de  son  livre  appelle  certaines  ré- 
serves. M.  B.  est  un  protestant  convaincu  et  il  le  laisse  trop  paraître.  Il 
éprouve  une  certaine  joie  à  flétrir  tous  les  dogmes  que  Luther  et  Calvirï 
ont  rejetés;  il  n'est  pas  toujours  impartial  pour  le  pape  auquel  il  ne 
cesse  de  reprocher  son  souci  de  se  procurer  un  domaine  temporel.  II 
écrit  par  exemple  cette  phrase  qui  n'est  pas  juste  :  «  Les  convoitises  pour 
les  richesses  et  les  pompes  de  ce  monde,  s'ajoutant  à  la  perspective  nais- 
sante d'une  principauté  indépendante,  entraînèrent  les  papes  dans  une 
longue  série  de  fraudes  et  d'intrigues.  »  (p.  55)  M.  B.  est  aussi  un  admi- 
rateur trop  chaud  de  cet  empire  allemand  dont  il  nous  a  résumé  les  des- 
tinées. Nous  lui  pardonnons  son  enthousiasme  rétrospectif  pour  l'em~ 
pire  de  Barberousse  et  de  Frédéric  II;  mais  nous  avons  lu  avec  peine 
le  chapitre  consacré  à  l'Empire  de  1871,  sans  contredit  le  plus  faible  de 
l'ouvrage.  M.  B.  a  flétri  le  partage  de  la  Pologne  «  la  plus  grande  des 
calamités  publiques  )>  (p.  452);  il  n'a  trouvé  nulle  parole  de  commiséra- 
tion sur  le  sort  de  l'Alsace-Lorraine;  il  n'a  pas  voulu  voir  de  quel  poids 
le  nouvel  empire,  centralisateur  et  militaire,  pesait  sur  ses  sujets  et  sur 
l'Europe.  Nous  pouvons  le  regretter  :  mais  cela  ne  nous  empêchera  pas 
de  rendre  justice  à  son  livre,  l'un  des  plus  profonds  que  nous  ayons  lus 
depuis  longtemps. 

Nous  ajoutons  que  la  traduction  de  M.  Emile  Domergue  est  très  élé- 
gante et  qu'elle  est  précédée  d'une  remarquable  préface  de  M.  Lavisse. 
Celui-ci  résume  avec  beaucoup  d'art  les  principales  idées  de  M.  B.  et  y 
ajoute  des  réflexions  personnelles  fort  curieuses,  avec  un  rare  bonheur    . 
d'expressions,  —  méditez  par  exemple  ce  qu'il  dit  de  l'influence  de  Char-    i 
lemagne  sur  Napoléon  I".   Ce  sont  là  autant  d'attraits  qui,  joints  à  la     ' 
très  haute  valeur  de  l'ouvrage,  assureront  à  M.  Bryce  de  nombreux 
lecteurs  en  France.  f  I 

Ch.  Pfister.  i 


D'HISTOIRB    et    DK    LITTÉRATURB  l5l 

joi.   ï^e    -véritable    auteui-  «les    Slonita    seci-el»,    par    le    R.    P.    Carlos 

SoMMERVOGEL.  Bruxclles.  Alfred  Vromant,   i8go,  grand  in-8  de  8  p. 

Feu  le  P.  Van  Aken,  publiant,  en   1881,  dans  le  recueil  beli^e  inti- 
tulé: Précis  historiques,  une  étude  complète   sur  le  célèbre  pampliler,, 
qui,  aux  yeux  des  ennemis  de  la  Compagnie  de  Jésus,  est  le  plus  formi- 
dable acte  d'accusation  porté  contre  elle,  disait  :   «   L'auteur  prenait 
bien  ses  précautions  pour  rester  inconnu.  Il  y  réussit,  car  aujourd'hui  en- 
core, malgré  toutes  les  recherches  de  la  bibliographie  moderne,  ce  point 
est  demeuré  enveloppé  de  mystère.  »  —  Ce  mystère  désormais  n'en  est 
plus  un,  déclare  le  grand  bibliographe  auquel  il  appartenait  d'annoncer 
une  aussi  intéressante  nouvelle  aux  curieux  et  chercheurs.  Parmi  les 
importants  ouvrages  inédits  publiés  par  l'Académie  de  Cracovie,  ajoute- 
t-il,   on  remarque  une  histoire  écrite  par  le  P.  Jean  Wielewicki,  inti- 
tulée :  Historiciim  diariwn  domus professœ  S.  J.  ad  S.  Barbaram  Cra^ 
coviœ.  Ce  Journal,  d'une  grande  valeur  pour  l'histoire  politique  de  la 
Pologne  et  pour  celle  des  Jésuites  de  ce  pays,  comprend  une  période  de 
58  ans  (1579-1637).  Trois  volumes  ont  déjà  paru  et  renferment  les  an- 
nées 1579  à  16 19.  Wielewicki  est  témoin  des  faits  qu'il  rapporte  ou,  du 
moins,  les  puise  à  des  sources  contemporaines.  Ses  assertions  sont  dignes 
de  toute  confiance.  Il  affirme  que  l'auteur  des  Monita  est  le  P.  Jérôme 
Zahorowski  et  il  donne  des  détails  très  précis  sur  ce  personnage  (né  en 
Volhynie),  professeur  de  classes  inférieures  au  collège  de  Sandomir,  et 
qui,  mécontent  de  ses  supérieurs,  commença,  dès  le  mois  d'août  161  3,  à 
lancer  dans  le  public  des  lettres  remplies  des  plus  graves  accusations 
contre  la  Société  de  Jésus.  Reconnu  comme  l'auteur  de  ces  lettres  par  le 
P.  Jean  Wielewicki,  alors  recteur  de  Lemberg,  l'historien  dont  nous 
venons  de  parler,  il  fut  chassé  de  la  compagnie  et  se  vengea  de  cette 
expulsion  en  publiant  (août  1614)  le  libelle  :  Monita  privât  a  Societa- 
tis  Jesu.  Le  P.  Sommervogel  termine  en  ces  termes  l'analyse  des  récits 
du  religieux  qui,  mêlé  à  toute  l'affaire,  a  si  bien  pu  la  dévoiler  entière- 
ment :   «  Il  est  donc  désormais  avéré  que  les  Monita  sont  de  Zaho- 
rowski. Son  nom  avait,  depuis  longtemps,  été  mis  en  avant,  comme 
celui  du  prétendant  le  plus  sérieux  à  cette  triste  paternité,  mais  les  preu- 
ves n'étaient  pas  suffisantes.  » 

T.  DE  L. 


102. —  iMoLiNiER  (Emile),  v^enîse,  ses  arts  décoratifs,  ses  musées  et  ses  coUeciions, 
Un  vol.  grand  in-4,  iv-299  pp.  Paris,  Librairie  de  l'art.  [Bibliothèque  interna- 
tionale de  l'art].  23  frs. 

En  résumant  à  peu  près  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  l'art  décoratif  et 
industriel  vénitien  et  en  y  ajoutant  ses  propres  observations,  intéres- 
santes toujours  et  le  plus  souvent  Justifiées,  M.  Molinier  vient  de  com- 
poser un  livre  qui  sera  utile  à  tout  visiteur  de  Venise.  Après  une  intro- 
duction sur  l'art  vénitien  en  général  (p.  137)  et  une  courte  description 


132  REVUE    CRITiQUE 

du  Musée  Correr, principal  centre  de  son  étude,  il  étudie:  (p.  37-104)  le 
bronze,  les  médaillcurs  et  les  plaquettistes,  en  insistant  sur  la  porte  de  la 
sacristie  de  S.  Marc,  dont  une  bonne  reproduction  est  donnée  en  frontis- 
pice, et  sur  les  margelles  de  puits,  cette  singularité  si  pittoresque  de  l'art 
vénitien  ;  (p.  io5-t27),  l'orfèvrerie;  (il  décrit  entre  autres  monuments  la 
Pala  d'Oro,  le  Trésor  de  S.  Marc,  les  reliquaires  du  bras  de  S.  Geor- 
ges et  de   la  Flagellation  ;  (p.  128-181)  la  poterie  et  la  faïencerie;  c'est 
un  des  plus  intéressants  chapitres  du  livre;  on  remarquera  l'histoire 
précisée  des  origines  de  la  faïencerie  vénitienne,  et  la  belle  discussion 
pour  l'attribution  du  fameux  service  du  Musée  Correr,  que  M.  M.  re- 
vendique, à  bon  droit  senible-t-il,  pour  Niccolô  da  Urbino,  potier  ori- 
ginaire  de  Castel  Durante  (p.  134-148);    (p.   182-220)  la  verrerie,  la 
mosaïque  et  l'émail  sont  traités  avec  moins  de  développement.  M.  M. 
insiste  sur  les  vitraux  de  S.  Maria  Gloriosa  de'  Frari,  et  définit  très 
Justement  les  caractères  des  verres  vénitiens  du  xv'^  siècle;  (p.  221-240) 
les  arts  du  bois,  la  tarsia,  la  certosina,  les  cassoni  viennent  ensuite,  avec 
les  cadres  des  peintures  vénitiennes  et  les  plafonds  du  palais  ducal  et  de 
l'Académie;  il  est  question  dans  le  même  chapitre,  un  peu  trop  briève- 
ment et  un  peu  confusément  peut-être,  des  coffrets  en  os,  des  cuirs  re- 
poussés, et  de  la  reliure  :  tout  cela  est  un  peu  mêlé.   La  ferronnerie 
(p.  241-255),  les  soieries  et  les  velours  (p.  255-272)  auraient  aussi  pu 
être  plus  complètement  étudiés.  Le  dernier  chapitre  (p.  274-293),  con- 
sacré aux  manuscrits  vénitiens  à  miniatures,  et  où  il  est  question  des 
miniatures  byzantines,  des  registres  des  confréries  et  corporations,  des 
commissions  de  fonctionnaires,  et  aussi  des  gravures  sur  bois  vénitien- 
nes, est  insuffisant,  et  aurait  pu  être  retranché.  —  Je  ne  reprocherai  à 
cette  inépuisable  mine  de  renseignem.ents,  à  ce  guide  aussi  artistique 
qu'érudit,  qu^un  peu  de  confusion  :  on  ne  sait  trop  si  c'est  l'art  décora- 
tif à  Venise  en  général,  ou  seulement  au  Musée  Correr,  que  l'on  étudie. 
Les  monuments  du  Musée  Correr  sont  certainement  décrits  et  étudiés 
beaucoup  plus  complètement  que  les  autres  :  de  là  un  manque  de  pro- 
portions  parfois  choquant.  Le  vrai  titre  du  volume  aurait  été  :  études 
sur  les  collections  du  Musée  Correr,  et  aperçus  sur  les  autres  œuvres 
d'art  vénitiennes.  Il  est  fâcheux  que  M.  M.  n'ait  pas  fait  pour  les  prin- 
cipaux dépôts  artistiques  de  Venise,   le  court   historique  qu'il  a    fait 
pour  le  Musée  Correr.  —  L'introduction  est  assez  peu  rattachée  au  reste 
du  livre  :  on  y  cherche  en  vain  une  idée  générale  de  Tart  vénitien  qui 
montrerait  ce  qu'ont  été  à  Venise  les  rapports  des  arts  industriels  et  dé- 
coratifs avec  les  beaux  arts  proprement  dits,  une  synthèse  du  milieu  his- 
torique qui  en  montrerait  le  développement  simultané.  —  M.  M.  est 
sévère  pour  le  Songe  de  Polyphile.  Il  écrit  (p.  287)  :  a  quelque  réputation 
qu'ait  THypnerotomachia  du  dominicain  Francesco  Colonna,  réputa- 
tion que  nous  ne  pouvons  plus  guère  comprendre  aujourd'hui,  si  Von 
tente  de  se  l'expliquer  en  parcourant  son  texte  insipide.  j>  Il  me  semble 
qu"'on  a  récemment  réhabihté  l'œuvre  étrange  de  F.  Colonna  (Cf.  Fin- 


d'histoire  et  de  littérature  i53 

troduction  de  Cl.  Popelin  à  sa  traduction  de  rHypnerotomachia. 
Paris,  i883).  —  Je  terminerai  par  deux  remarques  adressées  moins 
à  Fauteur  qu'à  l'éditeur  :  i»  il  est  fâcheux  qu'on  n'ait  pu  arriver  à  pla- 
cer les  planches  mieux  en  regard  du  texte  qui  les  concerne,  ou  qu'on 
ne  les  ait  pas  accompagnées  de  renvois  aux  pages  du  texte  explicatives. 
Il  en  est  plusieurs,  notamment  dans  le  chapitre  de  la  Faïence,  qu'il  est 
très  malaisé  de  retrouver;  2°  le  nombre  des  illustrations  est  inexacte- 
ment indiqué;  le  titre  annonce  «  2o5  gravures  dans  le  texte  et  plu- 
sieurs eaux  fortes.  »  Il  y  dans  le  volume,  si  je  sais  compter,  3  eaux 
fortes,  7  gravures  hors  texte  (dont  quelques-unes  assez  médiocres)  et 
193  gravures  dans  le  texte,  (y  compris  deux  vues  du  Foridaco  dei  Turchi 
et  un  croquis  du  dernier  turc  qui  Tait  habité,  que  nous  avions  déjà  ren- 
contrés dans  la  Ga:{ette  des  Beaux-Arts^  avec  quelques  autres  planches). 
—  Ces  bien  légères  observations  n'ôîent  rien  à  la  valeur  du  travail  de 
M.  Molinier,  qui  restera  le  tableau  le  plus  complet  et  le  plus  clair  de 
l'art  décoratif  et  industriel  à  Venise. 

L.  G.  P. 


io3.  —   Scliîller  in  lena,  eine  Festgabe   zum  26  Mai  188g  aus  dem  deutschen 
Seminar,  von  B.  Litzmann.  lena,  Mauke,  1889.  In-8,  i36  p,  i  mark  80  {z  fr.  25). 

Petit  livre  agréable  et  instructif.  Il  comprend  trois  chapitres.  Le  pre- 
mier (p.  1-93)  expose  la  vie  de  Schiller  à  lena  d'après  sa  correspondance, 
ses  cours  à  l'Université, ses  relations  avec  la  société  de  la  ville  (les  famil- 
les Paulus,  Griesbach,Schutz,  Hufeland,  G.  de  Humboldt,  Fichte),  ses 
travaux,  poésies,  drames,  études  de  philosophie  et  d'histoire.  La  deu- 
xième partie  (p.  74-124)  est  consacrée  aux  maisons  qu'habita  Schiller, 
—  on  nous  en  donne  de  jolies  reproductions  (la  Schrammei,  la  maison 
du  coin  du  marché,  celle  de  Griesbach  et  le  pavillon  de  la  Leutra).  La 
troisième  partie  (p.  i25-i36)  contient  tous  les  documents  que  M.  Litz- 
mann a  pu  trouver  sur  l'a  activité  académique  »  de  Schiller  :  appel  du 
poète  à  lena,  sa  réponse,  le  programme  de  ses  cours  d'après  le  Catalo- 
gus praelectionum.  Tel  quel,  le  nouvel  ouvrage  de  M.  Litzmann  sera, 
comme  il  l'espère,  un  iidéle  et  sûr  guide  pour  qui  voudra  connaître 
l'existence  de  Schiller  à  lena. 

A.  C. 


104.—  miémori»!  des  cinquante  premières  années  de  la  Société  d'iiistoire  et  d'ar- 
chéologie de  Genève,  1808- 18S8,  par  Edouard  Favre,  vice-président.  Genève, 
Jullien.  Paris,  Fischbacher,  1889.  In-8,  x  et  435  p. 

Ce  volume,  aussi  complet  que  possible,  utile  non  seulement  pour 
rhisroirc  de  la  Société,  mais  pour  celle  de  Genève  et  de  la  Suisse,  com- 
prend deux  parties.  On  trouvera  dans  la  première  partie  Phistoire  de  la 


104  REVUE   CRITIQUE 

Société,  la  liste  de  ses  membres,  le  Sommaire  de  ses  procès-verbaux  i, 
la  série  de  ses  Publications  —  cette  dernière  liste,  accompagnée  de 
détails  biographiques  minutieux,  est  l'œuvre  de  M.  Th.  Dufour.  —  La 
seconde  partie  renferme  le  procès-verbal  de  la  séance  du  2  mars  1888 
qui  célébra  le  cinquantième  anniversaire  de  la  Société  (discours  de 
MM.  Dufour  et  Chaix  et  rapport  de  M.  Ch.  Le  Fort),  et  deux  tables, 
l'une,  la  table  méthodique,  où  sont  classées  méthodiquement  toutes  les 
communications  qui  figurent  dans  le  Sommaire  des  procès-verbaux; 
l'autre,  la  table  alphabétique,  qui  contient  les  noms  de  tous  les  mem- 
bres et  la  mention  de  ce  qu'ils  ont  fait  pour  la  Société,  ainsi  que  des 
références  au  Sommaire  des  procès-verbaux  :  ces  deux  tables  se  com- 
plètent donc  Tune  par  l'autre.  Le  volume  se  termine  par  des  additions 
et  corrections.  Il  est  orné  des  portraits  de  neuf  membres  de  la  Société 
(entre  autres  Rilliet,  Roget,  Le  Fort)  qui  «  par  leur  érudition  et  leur 
dévouement  ont  le  plus  contribué  à  sa  prospérité  ».  Il  faut  remercier 
la  Société  d'avoir  décidé,  à  l'occasion  de  son  cinquantenaire,  la  publi- 
cation de  ce  volume;  elle  a  ainsi  laissé  un  document  inappréciable  pour 
ceux  qui  voudront  plus  tard  retracer  la  vie  intellectuelle  de  Genève  au 
xrx*'  siècle.  Il  faut  aussi  remercier  M.  Ed.  Favre,  notre  ancien  collabo- 
rateur, vice-président  de  la  Société,  d'avoir  si  patiemment,  si  conscien- 
cieusement, recueilli  et  mis  en  ordre  les  matériaux  de  ce  Mémorial  ;  le 
travail  était  ingrat  et  absorbant  ;  il  a  dû,  ce  nous  semble,  coûter  au 
moins  deux  années  d'assidu  labeur;  félicitons  M.  Edouard  Favre  et 
sachons  lui  gré  de  sa  persévérance  et  de  son  zèle  érudit. 

G. 


105.  —  Répertoire  général  de  liio-biklîograpliie  bretonne,  par  René 
Kerviler,  bibliophile  breton,  avec  le  concours  de  divers  érudits.  Livre  premier. 
Les  Bretons,  H'""  fascicule.  Bli-Boi.  Rennes,  Plichon  et  Hervé,  1889,  in-8  de 
160  p. 

106.  —  Recherches  et  notices  sur  les  députés  de  la  Bretagne  aux  états  géné- 
raux et  à  l'Assemblée  Nationale  Constituante,  par  le  même.  Rennes,  chez  les 
mêmes  libraires,  1888-1889,  2  vol.  in-8  de  426  et  3i4  p. 

M.  Kerviler  continue,  avec  une  persévérance  toute  bretonne,  la 
publication  du  Répertoire  déjà  souvent  mentionné  et  loué  ici.  Les 
articles  les  plus  importants  du  nouveau  fascicule  sont  les  articles  Blin 
(p.  2-8),  de  Blocquel  (p.  ii"i4),  de  Blois  (p.  i5-25),  Boaistuau  (p.  38- 
45).  Ge  dernier  article  est  particulièrement  curieux.  M.  K.  y  complète 
les  études  publiées  sur  ce  fécond  écrivain  par  M.  A.  de  la  Borderie, 
en  1870,  dans  la  Revue  de  Bretagne  et  de  Vendée,  et,  en  1887,  dans 

I.  Ce  Sommaire  énumère  toutes  les  communications  présentées,  quelle  qu'en  soit 
la  nature  ou  l'importance.  M.  Favre  signale  les  moindres  faits  dont  on  a  parlé.  Il 
fait  suivre  les  communications  imprimées  d'une  indication  qui  permettra  de  les 
consulter  facilement.  Pour  celles  qui  n'ont  pas  été  publiées,  il  a  mentionné  l'endroit 
où  l'on  pouvait  trouver  sur  le  même  sujet  des  détails  fournis  par  l'auteur  de  la 
communication  ou  par  d'autres  membres  de  la  Société. 


d'histoire  et  de  littérature  I  5  5 

le  Bibliophile  Breton.  C'est  ainsi  qu'il  indique  (p.  41),  d'après  un  exem- 
plaire de  sa  propre  bibliothèque,  une  première  édition  (de  i558)  du 
Bref  discours  de  l'excellence  et  dignité  de  l'homme,  que  le  nouvel 
acade'micien  croyait  de  iSSq  seulement.  En  ce  même  article,  qui  sera 
un  régal  pour  tous  les  bibliophiles,  M.  K.  relève  quelques  erreurs  des 
critiques  et  bibliographes.  Il  constate,  par  exemple,  que  François- 
Victor  Hugo,  qui  a  montré  (t.  VII  de  sa  traduction  de  Shakspeare,  1860), 
qu'une  des  Histoires  tragiques  de  Boaistuau  est  la  source  où  a  puisé 
Tadmirable  auteur  de  Roméo  et  Juliette  a  défiguré  son  nom  et  l'a 
sans  la  moindre  preuve  présenté  comme  un  gentilhomme.  Il  reproche 
aussi  à  Quérard  (Supercheries  littéraires  dévoilées,  t.  II,  p.  678,  à 
Tarticle  Launay]  d'avoir  cru  ce  nom  supposé  par  un  contrefacteur  et 
de  ne  s'être  pas  douté  que  c^était  réellement  celui  d'une  terre  possédée 
par  Boaistuau. 

M.  Kerviler,  au  début  de  son  important  ouvrage  sur  les  députés  de  la 
Bretagne  en  178g,  rappelle  que  Tordre  de  la  noblesse  et  une  fraction  de 
l'ordre  du  clergé  refusèrent  de  se  faire  représenter  aux  États- Généraux. 
Seuls  le  tiers-état  et  le  clergé  du  second  ordre,  c'est-à-dire  les  curés, 
obéirent  aux  lettres  de  convocation.  La  représentation  bretonne  se 
composa  donc  uniquement  de  la  classe  inférieure,  aussi  bien  dans  l'or- 
dre ecclésiastique  que  dans  Tordre  civil.  Le  groupe  breton  exerça  une 
influence  considérable  sur  les  événements  de  Versailles  1.  Ce  groupe 
méritait  une  étude  approfondie  ;  il  la  méritait  d'autant  plus  qu'aucun 
travail  sérieux  n^avait  été  consacré  à  la  députation  bretonne  de  1789. 
M.  K.,  qui  avait  été  péniblement  surpris  de  rencontrer  dans  les  recueils 
bibliographiques  et  même  dans  les  recueils  de  sa  province  natale,  si  peu 
de  notices  sur  les  membres  de  cette  députation,  n'a  pas  «  hésité  à  entre- 
prendre la  série  complète  de  ces  portraits,  pensant  qu'il  y  aurait  profit 
pour  nos  contemporains  à  suivre,  à  près  d'un  siècle  de  distance,  les 
destinées  de  tous  ces  fondateurs  du  nouvel  ordre  de  choses  ». 

L'auteur  n'a,  selon  sa  constante  habitude,  rien  négligé  pour  nous 
faire  bien  connaître  ses  compatriotes  d'il  y  a  cent  ans.  Son  recueil,  où 
Ton  trouve  tout  d'abord  (p.  i3-i5)  une  liste  des  députés  bretons  aussi 
exacte  que  Test  peu  celle  qui  a  été  donnée  par  M.  Antonin  Proust  ~,  est 

1.  M.  K.  ajoute  (p.  6)  :  «  La  popularité  du  député  de  Rennes,  Le  Chapelier,  qui 
présida  la  fameuse  séance  du  4  août,  fut  même  telle  un  instant,  que  j'aurai  occasion 
de  citer  un  curieux  pamphlet  intitulé  :  Vie  du  roi  Isaac  Chapelier,  chef  de  la  qua- 
trième race,  qui  ne  me  paraît  pas  avoir  été  suffisamment  connu  par  les  historiens 
de  cette  mémorable  époque.  »  Voir  sur  ce  pamphlet  divers  passages  de  la  notice  sur 
ce  député,  une  des  plus  considérables  du  recueil  (t.  II,  p.  71-101).  Une  autre  notice, 
bien  considérable  par  son  étendue  comme  par  sa  valeur,  est  la  notice  sur  Lanjuinais 
(Ibid.,  p.  i3-58.) 

2.  Ceci,  dit  M.  K.  (p.  12),  en  parlant  de  ses  minutieuses  recherches  «  nous  permet  de 
rectifier  notablement  les  tableaux  de  la  députation  donnés  par  M.  A  Proust  dans  les 
Archives  de  l'Ouest,  tableaux  auxquels  on  ne  peut  accorder  que  médiocre  confiance, 
tellement  ils  contiennent  d'erreurs  de  noms  de  lieux  et  de  personnes,  sans  compter 


l56  REVUE    CRITIQUE 

excellent  à  tous  les  points  de  vue.  C'est  l'œuvre  non  seulement  d'un 
travailleur  consciencieux,  mais  aussi  d'un  juge  impartial  i. 

Pour  faciliter  les  recherches,  M.  K.  a  cru  devoir  adopter  l'ordre 
alphabe'tique,  en  mêlant  dans  une  seule  liste  tiers-état  et  clergé.  Comme 
il  nous  en  avertit  (p.  i8),  il  ne  s'arrête  pas  longuement  à  décrire  les 
faits  connus  de  tout  le  monde,  ni  à  reproduire  certaines  biographies 
qu'on  peut  trouver  partout,  mais  il  s'attache  aux  détails  intimes,  aux 
correspondances  inédites,  à  tout  ce  qui,  en  un  mot,  peut  «  mettre  en 
relief  le  caractère  de  l'homme  et  les  services  rendus  ».  Sur  une  centaine 
de  notices  dont  se  compose  l'ouvrage  (43  dans  le  tome  I,  58  dans  le 
tome  II),  il  n'en  est  presque  pas  qui  ne  contiennent  quelque  document 
inédit,  tantôt  reproduit,  tantôt  analysé.  Les  registres  de  baptême  ont 
été  fouillés  avec  succès  et  ont  fourni  des  dates  précises  2.  Des  archives 
départementales  et  municipales  de  la  Bretagne,  surtout  des  archives 
particulières,  ont  été  extraits  en  grand  nombre  des  lettres,  des  mémoi- 
res, dont  le  biographe  a  fait  le  plus  heureux  emploi.  Contentons-nous 
de  citer  entre  tant  de  pièces  nouvelles  (et  sans  parler  de  beaucoup  de 
pièces  imprimées,  mais  tellement  rares  qu'elles  sont  à  peu  près  introu- 
vables), un  fragment  du  Journal  des  Etats  Généraux,  rédigé  par  le 
député  de  Lannion,  Baudouin  de  Maisonblanche  (I,  p.  22-27)  3,  un  autre 
fragment  des  mémoires  du  greffier  Blanchard  (p.  42-43),  divers  extraits 
des  mémoires  du  député  Fleury  (p.  804,  3og,  3 11),  une  autobiographie 
de  Dom  Pierre-Jean  Lebreton  (II,  p.  62),  des  lettres  de  L.-Fr.  Legendre 
(p.  1 31-140),  etc.  On  devine  toutes  les  rectifications  apportées  par 
M.  Kerviler  dans  les  travaux  de  ses  devanciers,  notamment  dans  les 
articles  de  la  Biographie  bretonne  •^.  Je  suis  trop  l'ami  de  l'auteur  pour 
oser  insister  sur  le  grand  mérite  de  son  travail.  Laissons-le  louer  par 

les  omissions,  les  confusions  de  titulaires  et  de  suppléants,  et  les  inexactitudes  dans 
les  chiffres  de  la  députalion  des  diocèses  ou  des  sénéchaussées.  Qui  reconnaîtrait,  à 
moins  d'être  doué  de  double  vue,  Locminé  dans  Louimé,  Banalec  dans  Balance, 
Crozon  dans  Kron^out,  le  château  du  Taureau  dans  le  château  du  Favreau,  Le 
Guillou  de  Kerincuft"  dans  Leguiou  de  Kerinavf,  Tréhot  de  Clermont  dans  Trébol 
de  Clermont,  Le  Deist  de  Botidoux  dans  Jean  de  Deust,  etc.  » 

1.  Voir  (p.  i8-2oi  les  loyales  déclarations  de  M.  K.,  lequel,  par  ses  ancêtres,  a 
«  pied  dans  les  deux  camps  ». 

2.  Voir,  par  exemple  et  pour  nous  en  tenir  au  tome  l'"",  les  actes  de  naissance  de 
l'abbé  Allain  (p.  28),  de  Baco  de  La  Chapelle  (p.  41),  de  Baudouin  de  Maisonblanche 
(p.  53),  de  i'abbé  J.  Binot  (p.  77),  de  J.-J.  Bodinier  (p.  92),  d'Etienne  Chaillon 
(p.  127),  de  Couppé  de  Kervennou  (p.  1961,  de  J.  de  Germon  des  Chapelières 
(p.  204),  etc. 

3.  Ce  fragment  est  une  préface  écrite  au  moment  même  de  la  convocation  des 
États-Généraux,  et  où  est  très  bien  décrits  la  situation  de  la  Bretagne  en  ce  moment. 

4.  Une  de  ces  rectifications  est  amusante  (I,  p.  343).  Le  député  Gérard  s'occupe  à 
la  tribune,  le  11  décembre  1789,  des  droits  de  détail  sur  les  vins  et  eaux-de-vie. 
Le  piquant,  remarque  M.  K.,  c'est  que  les  tables  du  Moniteur  (I,  58o)  ont  écrit 
droits  de  bétail,  et  tous  les  recueils  biographiques,  y  compris  celui  de  M.  Levot, 
reproduisent  imperturbablement  cette  jolie  coquille.  Me  permettra-t-on  de  dire  que 
cela  donnait  à  M.  K.  le  droit  de  citer  le  serviim  pecus? 


d'histoire  et  de  littérature  iSj 

les  hommes  politiques,  par  les  historiens,  par  les  simples  curieux  qui 
auront  tant  à  profiter  de  ce  riche  ensemble  d'informations  nouvelles. 

T.  DE  L. 


J07.  Un    Chapitre    de    Ptionétique    avec    transcription  d'un  texte 

i^ndalou,  par  Fredrik  Wulff.  Lund,  C.  W.  K.  Gleerup,  1889,  5o  pages  et  deux 
tableaux  hors  texte.  (Extrait  du  Recueil  offert  à  M.  Gaston  Paris  le  9  août  1S89). 

Cet  opuscule  se  compose  de  deux  parties  distinctes.  Dans  la  première, 
M.  F.  Wulff,  le  phonéticien  suédois  déjà  si  avantageusement  connu, 
expose  d'une  façon  provisoire  le  système  de  notation  phonétique  auquel 
il  travaille  depuis  de  longues  années  en  collaboration  avec  le  D'  Ivar 
Lyttkens.  Dans  la  seconde,  il  transcrit  d'après  cette  méthode  un  texte 
de  trois  pages,  autrefois  noté  par  lui  dans  le  sud  de  l'Espagne,  et  il 
accompagne  cette  transcription  de  remarques  intéressantes. 

La  notation  phonétique  exposée  ici  est,  dans  ses  traits  essentiels,  un 
développement  du  système  de  Sweet,  dont  le  Handbook  of  Phonetics  a 
marqué,  comme  on  le  sait,  un  progrès  réel  dans  l'histoire  de  la  science. 
Il  faut  d'ailleurs  reconnaître  que,  particulièrement  en  ce  qui  concerne 
les  voyelles,  M.  W.  est  arrivé  à  des  résultats  encore  beaucoup  plus  nets, 
ne  séparant  plus,  comme  le  faisait  Sw^eet,  des  voyelles  qui  ont  de  l'affi- 
nité pour  l'oreille,  et  laissant  aussi  des  places  libres  pour  la  notation  de 
toutes  les  nuances  intermédiaires.  Théoriquement,  la  méthode  est  donc 
sinon  parfaite,  du  moins  très  voisine  de  la  perfection.  Reste  la  pratique  : 
et,  sur  ce  point,  il  est  bien  difficile  de  ne  pas  faire  certaines  restrictions. 
Tout  d'abord,  le  nouvel  alphabet  proposé  par  M.  W.  ne  comprend  pas 
moins  de  61  voyelles  et  de  ï36  consonnes  :  ces  chiff"res,  assurément, 
n'ont  rien  d'exagéré,  si  l'on  songe  à  la  variété  de  sons  et  d'articulations 
qu'il  s'agit  de  noter;  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'il  faut  trouver  200 
caractères  environ  pour  constituer  cet  alphabet.  M.  W.,  préoccupé 
des  exigences  matérielles  et  typographiques,  n'a  employé,  à  l'exception 
de  trois  ou  quatre  caractères  empruntés  à  l'alphabet  des  langues  du 
Nord,  que  des  caractères  romains,  italiques  ou  grecs  :  mais  il  est  forcé 
naturellement  de  les  employer  tantôt  debout,  tantôt  renversés.  J'avoue, 
pour  ma  part,  que  cette  profusion  de  caractères  renversés  devient  à  la 
longue  une  fatigue  intolérable  pour  l'œil  :  puis,  que  de  chances  d'erreur 
n'engendre-t-elle  pas?  Ainsi,  dans  le  tableau  qui  est  à  la  p.  i5  (colonne 
des  Permutations,  dernier  carreau),  je  trouve  un  to  qui  est  pour  un  (o. 
Si,  dans  un  tableau  oii  chaque  caractère  a  sa  case  spéciale,  dont  les 
épreuves  ont  évidemment  été  revues  soigneusement  par  l'auteur,  il  peut 
déjà  se  glisser  une  erreur,  que  sera-ce  lorsqu'il  s'agira  d'imprimer  de  la 
sorte  des  pages  entières?  Puis,  alors  même  qu'on  serait  sûr  de  leur  cor- 
rection parfaite,  la  lecture,  je  le  répète,  en  sera  pénible  ;  il  est  plus 
difficile  qu'on  ne  croit  d'avoir  simultanément  présente  à  l'esprit  la 
valeur  conventionnelle  de  200  caractères.  Les  auteurs  de  ce  système  se 


l58  niiVUE    CRITIQUE 

sont  bien  euK-mémes  rendu  compte  de  cette  difficulté,  et  ils  ont  essayé 
d'y  obvier  dans  une  certaine  mesure  en  indiquant  dans  une  colonne 
spéciale  de  leurs  tableaux  ce  qu'ils  appellent  les  permutations,  c'est-à- 
dire,  pour  Tusage  courant,  la  représentation  possible  de  plusieurs  sons 
voisins  par  un  caractère  unique  :  les  voyelles  se  trouvent  ainsi  réduites 
à  26,  ce  qui  est  un  allégement  considérable;  mais  il  reste  toujours  102 
consonnes,  ce  qui  est  beaucoup.  Dirai-je  que  dans  ces  simplifications 
tout  ne  me  paraît  pas  très  heureux?  Il  est  difficile,  par  exemple,  d'ad- 
mettre dans  la  série  principale  II  la  permutation  de  ô  et  de  0,  c'est-à- 
dire  la  représentation  par  un  caractère  unique  des  sons  qu'on  entend 
dans  les  mots  fr.  bonne  et  seul.  J'ajouterai  enfin  qu'on  ne  saisit  pas 
bien  pourquoi  il  n'a  pas  été  tenu  compte  dans  les  exemples  donnés  de 
la  nasalité  des  voyelles  françaises  :  comment  les  mots  gagne  et  bande 
peuvent-ils  être  simultanément  donnés  comme  représentant  le  son  2?? 
Je  ne  comprends  pas  davantage  les  mots  im  et  rond  donnés  comme 
exemples  des  sons  0?  et  ô.  Il  y  a  là  quelque  chose  qui  nécessiterait  tout 
au  moins  un  supplément  d'explication. 

J'arrive  au  texte  andalous,  qui  forme,  comme  je  l'ai  dit,  la  seconde 
partie  de  cet  opuscule.  M.  W.  l'a  recueilli,  il  y  a  déjà  huit  ou  neuf  ans, 
dans  un  voyage  en  Espagne,  et  il  l'a  noté  de  façon  à  reproduire  aussi 
fidèlement  que  possible  la  prononciation  usitée  à  Grenade.  On  pourrait 
peut-être  regretter  que  la  publication  en  soit  si  tardive,  ce  genre  de  tra- 
vaux n'étant  pas  de  ceux  qui  réclament  le  «  nonum  prematur  in  anniim  » 
dont  parle  quelque  part  l'auteur.  Toutefois,  M,  W.  est  un  observateur 
si  scrupuleux  et  si  sagace  que  nous  avons  bien  des  chances  pour  avoir 
là  trois  pages  qui  fixent,  dans  ses  nuances  délicates,  la  phonétique 
actuelle  du  pays  de  Grenade  :  ce  travail  ne  peut  donc  qu'être  accueilli 
avec  faveur,  il  vient  compléter  sur  certains  points  l'étude  capitale  qu'a 
publiée  autrefois  H.  Schuchardt  sur  le  parler  andalous  (Die  Cantes 
Flamencos,  dans  la  Zeitschrift  fur  Rojn.  Philologie,  V,  p.  249-322), 
et  cette  contribution  est  d'autant  plus  utile  que,  si  l'on  en  excepte  le 
Portugal  et  la  Catalogne,  l'étude  phonétique  des  divers  dialectes  de  la 
péninsule  Ibérique  est  encore  bien  peu  avancée  —  on  s'en  aperçoit  dans 
la  belle  Grammaire  des  Langues  Romanes  que  publie  en  ce  moment 
W.  Meyer.  Après  avoir  noté  son  texte,  M.  W.  le  fait  suivre  de  remar- 
ques intéressantes  et  précises  sur  les  18  voyelles  et  les  28  consonnes 
dont  se  compose,  d'après  lui,  la  phonétique  de  Tandalous  tel  qu'on  le 
parle  à  Grenade.  La  plus  intéressante  et  la  plus  développée  de  ces 
remarques  est  celle  qui  concerne  la  dégénérescence  de  la  sifflante  dentale 
dans  le  sud  de  l'Espagne.  H.  Schuchardt  avait  déjà  signalé  qu'en  Anda- 
lousie s  se  transformait  en  une  pure  aspiration  dans  des  mots  comme 
Bios,  mismo,  devenant  respectivement  Dioh  et  mihmo  :  serrant  de  plus 
près  encore  la  question,  M.  W.  n'admet  cette  transformation  que  pour 
s  finale,  dans  Dioh,  par  exemple,  et  en  arrive  à  conclure  que  \'s  suivie 
d'une  consonne  devient  la  spirante  nasale  correspondant  à  cette  cou-" 


11 


d'histoîrh:  et  dk  littératurr  159 

sonne,  mismo  devenant  en  réalité  mimmo,  où  m  désigne  une  m  sourde, 
et  ainsi  de  suite.  Il  y  a  beaucoup  de  pénétration  dans  toute  cette  ana- 
lyse et  dans  les  exemples  allégués.  J'aime  moins  les  deux  pages  qui 
suivent,  où  l'auteur,  entraîné  par  le  désir  d'établir  un  parallèle,  a 
effleuré  l'histoire  de  l'amuïssement  de  1'^  en  ancien  français.  Il  eût 
peut-être  fallu  traiter  d"'une  façon  plus  complète  ce  point  délicat,  ou  se 
dispenser  de  l'aborder  ici,  ce  qui  était  en  somme  très  permis  :  on  s'étonne 
aussi  en  lisant  la  note  bibliographique  de  la  page  45,  de  ne  pas  y  voir 
figurer  la  dissertation  connue  de  W.  Koeritz,  Das  s  consonant  ini 
Fran^oesischen  [Strasbourg,  1886),  dissertation  où  les  divers  problèmes 
relatifs  à  cette  question  ont  été  sinon  résolus,  au  moins  posés  d'une 
façon  précise  et  méthodique.  Mais  enfin,  ces  deux  pages,  si  elles  n'y 
ajoutent  pas  grand  chose,  n'enlèvent  rien  non  plus  au  travail  de  M.  W. 
J'en  dirai  autant  de  l'historiette  qui  clôt  l'opuscule  :  l'auteur  raconte 
comment  sa  jeune  fille  Britta  en  est  arrivée  à  prononcer  par  des  degrés 
successifs  la  sifflante  dentale.  En  tous  cas,  ces  petits  détails  suffiraient  à 
prouver  —  si  nous  ne  le  savions  déjà  —  que  M.  Wulfî  apporte  beau- 
coup de  zèle  et  de  conscience  à  ses  études  sur  la  phonétique. 

E.  BoURCIEZ. 


CHRONIQUE 

FRANCE.  —  Notre  collaborateur  M.  René  Gagnât  vient  de  faÎTe  paraître  son 
Année  épigraphique  pour  1889.  On  sait  que  cette  publication  annuelle  contient  les 
principaux  textes  épigraphiques  qui  ont  paru,  dans  les  différentes  revues  françaises 
et  e'trangères,  au  cours  de  l'année  écoulée.  L  a  R<;vue  en  a  signalé  l'an  dernier  toute 
l'uiilité. 

ALLEMAGNE,  —  M.  Hugo  Gering  qui  publie  la  Zeitschrift  fur  deutsche  Philolo- 
gie, s'est  adjoint  son  collègue  à  l'Université  de  Kiel,  M.  Oscar  Erdmann,  comme 
co-directeur  du  recueil. 


ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 

Séance  du  14 février  18 go. 

M.  le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  d'un  décret  par  lequel  M.  le  président  de 
m-Hin^"  f'"^  ?  approuvé  l'élection  de  M.  R.  de  Lasteyrie,  à  la  place  de  membre 
orainaire  laissée  vacante  par  la  mort  de  M.  Pavet  de  Courteille 

M.    de  Lasteyrie  est  introduit  et  prend  place. 

demi.  n,?'7;.'^''"',''"''  '^^-  '^^'°'^  française  de  Rome,  adresse  au  président  de  l'Aca- 
n:iî  an  n„  '^  relative  a  diverses  nouvelles  archéologiques  Dans  le  Ghetto,  on  a 
d^ine  dÀ  t^nlc'  ^^^^"  'i""  portique,  bases,  tûis  de  colonnes,  etc.  La  démolition 
de  pLrr^  A  ^"'..entouraient  le  château  Saint-Ange  a  fait  uécouvrir  divers  engins 
riP  TK.^;!  ^V  ^'''^'^'  "otamment  aes  boulets  de  pierre.  M.  Audollent.  menibre 
tienri.P  h;"  de  retour  dune  campagne  d'exploration  en  Afrique,  qu'il  avait  en- 
ont^relevÏHr'f  '  ^^•"'^  M-  Letaille,  ue  l'Ecole  des  hautes  études  :  lel  explorateurs 
Se  dlL!,  '^■"^§'0"  saharienne,  le  p  an  d'un  camp  romain,  et  ont  recueilli  une 
se  -ne  Knf  V/  n  a""  ^'"'^^^  '^"?"  ?"'"  '^"  '°'^^^^  romains  sur  les  murs  d'une  ca- 
iZl\  Z.?-  ^^^'^°y  ajoLite  qu'un  ancien  membre  de  l'Ecole  de  Rome,  M.Arthur 
îuri'èmPSiifpn?  '?  moment  des  fouilles  en  Espagne,  dans  l'ancienne  Bétique, 
=>ur  1  emplacement  présume  de  la  ville  antique  de  Munda. 


l6o  REVUE   CRITIQUE   D^HISTOIRE    ET   DE   LITTÉRATURE 

M.  de  Barthélémy  communique  des  recherches  chronologiques  sur  les  monnaies 
gauloises.  11  étudie  successivement  différents  groupes  :  les  monnaies  du  sud-ouest 
de  la  Gaule;  les  monnaies  du  sud-est;  les  monnaies  d'or:  les  monnaies  de  Mar- 
seille. Pour  chacun  de  ces  groupes,  il  s'attache  à  déterminer  la  date  la  plus  ancienne 
à  laquelle  on  peut  en  faire  remonter  les  origines. 

M.  R.  de  Maulde  lit  un  mémoire  sur  la  chronique  de  Barthélémy  de  Loches,  qui 
fournit  des  renseignements  précieux  pour  l'histoire  de  la  fin  du  xv°  siècle.  Cette 
chronique  fut  écrite  en  i52o;  l'auteur  avait  recueilli  des  témoignages  contemporains 
qu'il  est  seul  à  reproduire  et  qui  donnent  à  ses  récits  un  grand  intérêt.  On  ne  pou- 
vait soupçonner  jusqu'ici  la  valeur  de  l'ouvrage,  parce  que  l'édition  qui  en  a  été 
donnée  par  Goaefroy,  dans  V Histoire  de  Charles  VIII,  est  fautive  et  incomplète. 
M.  de  .Maulde,  en  la  comparant  avec  le  manuscrit  conservé  à  la  bibliothèque  du  Va- 
tican, a  reconnu  que  Godefroy  a,  non  seulement  corrigé  ou  modilîé  arbitrairement 
le  texte  de  l'auteur,  mais  encore  supprimé  un  grand  nombre  de  passages,  qui  sont 
souvent  des  plus  importants,  notamment  dans  le  récit  de  la  bataille  de  Saint-Aubin- 
du-Gormier. 

M.  de  .Maulde  se  propose  de  donner  une  nouvelle  édition  de  la  chronique  de  Bar- 
thélémy de  Loches,  d'après  le  manuscrit  du  Vatican. 

M.  Maspero  lit  une  note  de  M.  Robiou,  intitulée  :  Détermination  chronologique 
d'une  double  date  égypto-babylonienne. 

Il  y  a  quatorze  ans,  M.  Robiou  a  publié,  dans  les  Mémoires  présentés  par  divers 
savants  à  V Académie  des  inscriptions,  une  étude  étendue  sur  le  calendrier  macédo- 
nien des  Lagides.  Il  a  mis  particulièrement  en  lumière  une  révolution  qui  fut  opé- 
rée dans  ce  calendrier,  entre  le  temps  des  premiers  Ptolémées  et  le  ii'  siècle  avant 
notre  ère,  et  d'où  il  résulta  que  le  premier  jour  du  mois  de  dios,  qui  tombait  en  au- 
tomne, fut  transféré  au  printemps.  M.  Robiou  signale  une  confirmation  de  ce  fait, 
que  lui  fournit  une  inscription  grecque  récemment  publiée  par  M.  Néroutsos  et  si- 
gnalée dans  la  Revue  des  études  grecques  (septembre  ibSg).  D'après  ce  texte,  le 
!«'■  Iiyperbérétaios  de  la  g'  année  d'un  certain  roi  d'Egypte  (le  nom  est  perdu)  répon- 
dait au  7  pharmouthi  du  calendrier  égyptien.  11  ne  peut  être  question,  dit  M.  Robiou, 
que  de  la  9e  année  de  Ptolémée  Atilète,  et  l'inscription  doit  être  datée  d'avril  72 
avant  notre  ère.  Il  y  a  d'ailleurs  dans  le  texte  une  légère  erreur  de  calcul,  inais  elle 
est  aisée  à  expliquer  et  à  corriger. 

M.  VioUet  commence  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  le  régime  successo- 
ral appelé  tanistry. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Gaston  Paris  :  i°  Jusserand,  English  wayfaring 
life  in  themiddle  âges;  2°  Varia  provincialia.  Textes  provençaux,  en  majeure  par- 
tie inédits,  publiés  et  annotés  par  Camille  Chabaneau;  —  par  M.  l'abbé  Duchesne  : 
Fabre  (Paul),  le  Polyptyque  du  chanoine  Benoit  (n»  3  des  Travaux  et  Mémoires  des 
facultés  de  Lille] ; —  par  M.  Maspero  ;  1°  Harrisse  (H.;,  Christophe  Colomb,  les 
Corses  et  le  gouvernement  français;  2"  Virey  iPhilippe),  Quelques  observations 
sur  l'épisode  d'Aristée,  à  propos  d'un  monument  égyptien;  —  par  M.  Delisle  :  Mar- 
tin ;H.;,  Catalogue  général  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  l'Arsenal,  tome  V; 
—  par  M.  Schefer  :  Guidi  (Ignazio),  Grammatica  elementare  délia  lingua  amaritia. 

Julien  Havet. 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  5  février  18 go. 

M.  Omont,  membre  résidant,  lit  une  note  sur  un  testament  grec  du  moyen  âge; 
c'est  le  testament  de  l'un  des  dignitaires  de  la  cour  de  Constantinople,  le  protospa- 
thaire  Eustathe,  qui  vivait  au  milieu  du  xi^  siècle. 

M.  Vauvillé,  associé  correspondant,  présente  une  bague  ancienne  trouvée  à  Mon- 
tigny-l'Engrais  (Aisne). 

M.vi.  le  commandant  Maurice  de  Vienne  et  Etienne  Michon  sont  élus  associés  cor- 
respondants. 

M.  Adrien  Blanchet,  associé  correspondant,  communique  la  photographie  d'une 
afiique  en  argent  du  Musée  de  Copenhague. 

M.  l'abbé  Duchesne,  membre  résidant,  traite  la  question  de  l'époque  de  la  fonda- 
tion des  évêchés  en  Gaule  et  conclut  qu'à  la  fin  du  n*  siècle  l'église  de  Lyon  devait 
être  le  seul  existant. 

M.  de  Crèvecœur.  associé  correspondant,  communique  un  anneau  trouvé  à  la 
Bourboule  ;Puy-de-Dôme). 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 
Lb  Puy,  imprimerie  Alarchessou  fits,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N»  9  -  3  mars  —  1890 


Sommaire  s  loS.  HoFFMA?iN,  Le  Mediceus  de  Virgile.  —  loq.  Wageningen,  Les 
Géorgiques.  —  iio.  Sabbadini,  Etudes  critiques  sur  l'Enéide.  —  m.  Cicéron, 
Discours,  p.  p.  Nohl.  —  i  [2.  Courdaveaux,  Comment  se  sont  formés  les  dogmes. 
—  ii3.  GoTTLOB,  La  fiscalité  pontificale  au  xv«  siècle.  —  114.  Debidour,  Les 
Chroniqueurs.  Froissart,  Commines.  —  ii5.  De  Nolhac,  Veltori  et  Signonio.  — 
116.  Eyssette,  Histoire  administrative  de  Beaucaire.  —  117.  Conférences  de  la 
Société  dart  et  d'histoire  du  diocèse  de  Liège,  II.  —  118.  Papiers  de  Barthélémy, 
p.  p.  Kaulek,  IV.  —  119.  Pattison,  Essais.  —  Chronique.  —  Académie  des  Ins- 
criptions, —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


108.  —  I.  Max  Hoffmann.   Dev   codex  Mediceus  pi.  xxxix,  n.  i  des  Vergilius. 
Berlin,  VVeidmann,  1889.  In-4,  xx-36  pp.  Prix  :3  m. 

109.  —  2.   De  Vergili  Georgîeis,  scripsit  L  van  Wageningen   iunior.  Traiecti 
ad  Rhenum,  apud  I.  van  Bœkhoven,  1888,  191  pp.  in-8. 

iio.  —  3.  Remigio  Sabbadini,  studî  critîcî  »ulla  Eneidej  interpretazioni, 
question!  grammaticali,  composizione,  cronologia.  Lonigo,  Gaspari,  1889, 
176  pp.  in-8. 

I.  —  Le  célèbre  manuscrit  de  Virgile,  conservé  à  la  Laurentienne,  n'a 
pas  été  l'objet  d'un  travail  sérieux,  depuis  qu'en  1741  Foggini  Ta  publié 
lettre  par  lettre.  Ribbeck  n'a  fait  que  reproduire  dans  son  apparat  criti- 
que les  indications  de  Foggini,  et  souvent  d'une  manière  peu  exacte  : 
c'est  ainsi  que,  par  une  inadvertance  singulière,  il  n'a  pas  tenu 
compte  pour  les  Géorgiques  des  additions  et  corrections  que  Foggini  a 
mises  à  la  fin  de  son  livre. 

Pendant  un  séjour  à  Florence  en  188 1,  M.  Hoffmann  a  longuement 
examiné  le  manuscrit  et  l'a  coliationné;  il  publie  aujourd'hui  une  partie 
des  résultats  de  ce  travail. 

Il  fait  à  nouveau,  et  d'une  manière  qui  semble  définitive,  la  descrip- 
tion du  précieux  manuscrit  dans  une  série  de  chapitres  où  il  traite  de 
son  aspect  extérieur  et  de  son  histoire,  de  ses  caractères  paléographi- 
ques, de  son  âge,  des  corrections  et  de  la  ponctuation.  Le  Mediceus  b, 
formé  sans  doute  originairement  deux  volumes,  dont  les  cahiers  étaient 
numérotés  en  deux  séries  différentes  (I-XV,  A-N)  ;  on  sait  que  le  pre- 
mier cahier  a  disparu  aujourd'hui.  L'écriture  en  est  bien  connue, 
même  de  ceux  qui  n'ont  jamais  mis  le  pied  à  la  Laurentienne,  par  de 
nombreux  fac-similés  :  M.  H.  n'aurait  pas  dû  citer  seulement  la  planche 
de  Zangemeister  et  Wattenbach  et  mentionner  aussi  les  belles  repro- 
ductions de  la  P  al  aeo  graphie  al  Society  et  de  la  Paléographie  des 
classiques  latins  de  M.  Châtelain  '.  M.  H.  donne  une  liste  étendue  des 

I.  Pal.  Soc,  pi.  86  (tome  1);  Châtelain,  pi.  LXVI.  Ce  dernier  fac-similé  paraît 
un  peu  réduit. 

Nouvelle  série,  XXIX.  9 


l6i  REVUE    CKITIQUK 

sigles  et  des  ligatures.  Suivant  lui,  deux  copistes  au  moins  se  sont  par- 
tagé la  besogne;  le  premier  a  transcrit  la  première  moitié  (quaternions 
U-XV  =  Ed.,  VI,  48  —  JEn.  V,  fin.)  et  le  dernier  cinquième  environ 
(dernier  feuillet  du  quaternion  H  à  la  fin  -=1  yEn.  X,  322-XII,  fin,); 
les  quaternions  A-D  (=  jEn.  VI,  i-VIII,  117)  sont  certainement 
d'une  autre  main;  il  est  enfin  probable  qu'un  troisième  personnage  est 
le  copiste  du  reste  (quaternions  E-H,  i"  7'-"  ).  M.  H.  n'a  pas  mis  moins 
de  soin  à  distinguer  les  conecieurs;  en  éliminant  les  surcharges  d'épo- 
que tardive,  il  croit  pouvoir  en  compter  neuf  différents.  L'histoire  du 
manuscrit  est  la  partie  la  plus  faible  de  sa  dissertation  :  il  est  loin  de 
donner  une  liste  complète  et  suivie  des  possesseurs  connus  et  commet 
encore  l'erreur  d'y  comprendre  le  cardinal  de  Garpi.  Les  travaux  les 
plus  récents  sur  ces  questions  semblent  lui  avoir  échappé  ^  Sur  l'âge 
du  ms.,  M.  H.  est  loin  d'être  afïirmatif  :  il  ne  s'explique  pas  bien  clai- 
rement et  paraît  osciller  entre  le  i'^^'  siècle  et  le  commencement  du 
moyen  âge.  On  ne  saurait  être  plus  prudent.  Autant  qu'on  peut  en  juger 
par  des  photographies,  le  ms.  ne  me  semble  pourtant  pas  antérieur  au 
commencement  du  v  siècle.  Quant  à  l'écriture  des  scolies,  que  Zange- 
meister  et  Wattenbach  rapportent  à  l'an  600  environ,  M.  H.  la  croit 
encore  plus  moderne. 

La  deuxième  partie  du  travail  de  M.  H.  est  la  liste  complète  des 
variantes  de  M  pour  les  Églogues,  les  Géorgiques  et  les  livres  I  et  VI 
de  l'Enéide.  Il  a  entièrement  séparé  les  variantes  du  texte  des  correc- 
tions et  a  eu  pleinement  raison.  Les  corrections  d'un  même  manuscrit 
ne  peuvent  avoir  de  valeur  pour  la  critique  que  groupées  ensemble  :  on 
doit  les  traiter  comme  si  c'étaient  les  variantes  d'un  autre  manuscrit. 
C'est  d'après  ce  principe  que  M.  H.  sépare  ces  corrections  suivant  les 
différentes  mains  qu'il  a  cru  reconnaître.  On  ne  saurait  trop  inviter 
l'auteur  à  publier  le  reste  de  sa  collation  dans  la  même  forme  que  le 
présent  fascicule. 

L'impression  est  d'une  exécution  irréprochable.  Pour  indiquer  les 
leçons  du  ms.,  l'imprimerie  Breitkopf  et  Hârtel  a  emprunté  à  l'Académie 
de  Berlin  une  partie  des  caractères  qui  ont  servi  à  l'impression  du  Gains 
de  Studemund  et  en  a  fait  fondre  d'autres  pour  se  rapprocher  davantage 
de  l'écriture  du  ms. 

2.  —  La  brochure  de  M.  van  Wageningen  iunîor  comprend  trois 
chapitres  :  date  de  la  composition  des  Géorgiques,  critique  de  passages 
isolés,  sources  des  Géorgiques.  Voici  ses  principales  conclusions  :  Virgile 
se  serait  préparé  à  écrire  son  ouvrage  en  721/33  et  722/32,  il  l'aurait^ 
écrit  dans  les  trois  années  suivantes,  et  ce  serait  à  la  fin  de  cette  période| 
en  tout  cas  avant  le  mois  de  janvier  727/27,  qu'il  l'aurait  lu  à  Octave,J 
en  train  de  soigner  sa  gorge  à  la  campagne,  après  le  triple  triomphe d^ 
725/29;  enfin  en  727/27,  le  poète  aurait  revu  son  œuvre  et  changé  Idj 

I.  On  peut  consulter  P.  de  Nolhac,  la  Bibliothèque  de  Fulvio  Orsini,  pp.  272-273 
ou  la  notice  de  la  planche  LXVI  de  M.  Châtelain. 


d'histoire  et  de  littérature  i63 

passage  relatif  à  Gallus.  Dans  ce  système,  la  publication  doit  se  placer 
au  commencement  de  l'année  728/26.  Ces  dates  sont  établies  sur  les 
données  de  la  vie  du  poète  et  sur  les  allusions  historiques  de  son  ou- 
vrage. Peut-être  ce  dernier  genre  de  considérations  conduit-il  M.  van  W. 
iunior  à  solliciter  les  textes  un  peu  vivement  ;  je  mentionnerai  les  rai- 
sonnements qu'il  bâtit  sur  les  premiers  vers  des  Géorgiques  (I  24  et  ss.  ; 
p.  14).  Mais  en  général  la  démonstration  est  claire  et  assez  plausible. 

M.  van  W.  iiinior  croit  que  Varron  est  la  principale  source  du  poème 
de  Virgile.  Il  combat  donc  à  la  fois  la  théorie  de  Morsch,  qui  fait  de 
Nicandre  le  guide  habituel  de  l'écrivain  latin   et  celle  de  Korche,  qui 
énumère  les  auteurs  les  plus  variés,  depuis  Hésiode  jusqu'à  Aristote 
et  Théophraste  sans  donner  la  préférence  à  aucun.  Je  crois  M.  van  W. 
-  iunior  dans  le  vrai,  pour  des  raisons  générales  qu'il  n'a  pas  données.  On 
se   figure  difficilement  Virgile,    quelque    passion  de    savoir  qu'on  lui 
suppose,  les  yeux  fixés  continuellement  sur  toute  une  bibliothèque  et 
tirant  des  livres  les  plus  divers  une  marqueterie  destinée  à  faire  le  tond 
de  son  travail.  C'est  bien  plus  le  fait  d'un  érudit  comme  Varron,  «  le 
plus  savant  des  Romains  » .  Le  livre  de  Varron  avait  de  plus  pour  Virgile 
tout  l'attrait  d'un  livre  nouveau  ^  Enfin, à  chaque  époque,  il  existe  un  cou- 
rant d'idées  commun  sur  les  choses  de  science  et  de  métier,  auquel  cor- 
respond un  ensemble  de  formes  de  langage  communes  à  tout  le  monde. 
Des  auteurs  qui  ont  écrit  séparément  peuvent  ainsi  employer  la  même 
terminologie  sans  qu'on  puisse  conclure  à  des  emprunts,  Virgile  a  dû 
en  bien  des  cas  n'être  que  l'écho  de  la  tradition  scientifique  de  l'anti- 
quité et  par  suite  être  amené  à  employer  les  mêmes  formules  que  ses 
devanciers  sans  les  avoir  lus.  Je  croirais  donc  que  le  fond  des  Géorgiques 
est  dû  à  Varron,  pour  les  points  où  l'expérience  de  Virgile  avait  besoin 
d'être  complétée.  Cela  n'exclut  pas  le  recours  à  un  auteur  spécial  le  cas 
échéant,  par  exemple  à  Aratus  pour  la  fin  du  premier  livre.  Quant  aux 
ornements  et  aux  détails  de  style,  les  poètes  grecs  dont  la  mémoire  de 
Virgile  était  pleine  les  lui  fournissaient  abondamment. 

Je  ne  dirai  rien  du  deuxième  chapitre  contenant  les  interprétations 
nouvelles  et  les  conjectures.  C'est  un  recueil  de  petites  discussions  de 
détail,  écrites  un  peu  longuement,  comme  le  reste,  et  dans  lesquelles 
tout  n'est  pas  neuf. 

3.  —  Le  même  reproche  peut  être  adressé  à  la  première  partie  de  la 
brochure  de  M.  Sabbadini.  Je  noterai  seulement  les  observations  relati- 
ves  à  II,  48  :  aliquis  =  alius  quis ;  IV,  Sji  (interrogations);  V,  97  : 
tot=  totidem;  VI,  SSg  (ablatif);  IX,  140  (ordre  des  mots);  IX,  418 
(coordination  pour  subordination);  XI,  i53  :  lit  déclaratif;  —  et  les 
corrections  :  IV,  256,  258,  257  (transposition  et  suppression  de  ad,  v. 
257);  IV,  485  :  ut  pour  et;  VIII,  346  :  testatumqiie ;  X,  280  :  iiirist. 
Les  observations  grammaticales  portent  sur  sedenim,  arma  dei  Volca- 
nia,  primus,  ultra,  deinde  et  le  datif  «  dynamique  ».  Les  qualités  que 

I.  Cf.  L.  Havet,  Véloge  de  l'Italie,  Rev.  de phil.,  VIII,  p.  J44. 


164  REVUE   CRITIQUE 

j\ii  signalées  dans  le  commentateur  du  de  qfîciisse  retrouvent  ici. 

Les  deux  dernières  parties  sont  d'un  intérêt  plus  général  et  se  com- 
plètent l'une  par  Pautre.  Dans  l'une,  M.  S.,  en  étudiant  la  composition 
l'Enéide  dans  ses  menus  détails,  détermine  la  chronologie  relative  des 
chants  et  des  morceaux  importants.  Dans  l'autre,  en  se  fondant  sur  les 
données  historiques  contenues  dans  le  poème  et  les  rapports  de  cette 
œuvre  avec  celles  de  Properce,  Tibulle,  Horace  et  Tite-Live,  il  établit 
ce  qu'on  pourrait  appeler  la  chronologie  absolue  de  PEnéide.  Il  résulte 
clairement  de  ce  travail  que  les  vues  de  Ribbeck  sur  le  II I«  livre  ne  sont 
plus  défendables.  Bien  loin  d'avoir  été  composé  l'un  des  premiers,  il  a 
été  écrit  le  dernier,  d'un  seul  jet,  après  que  tous  les  autres  étaient  ébau- 
chés. Les  livres  ébauchés  le  plus  tôt  furent  les  livres  I,  II,  IV,  VI, 
VIII,  IX  (avant  26)  et  tout  le  reste  n'est  pas  postérieur,  en  première 
rédaction,  à  24.  Des  onze  années  assignées  par  les  anciens  à  l'Enéide 
six  seulement  avaient  été  consacrées  à  la  composition,  les  cinq  autres  à 
la    révision.   Cette  révision    était   loin  d'être   également   avancée.    Le 
groupe  VIII-XI  est  celui  qui  demanderait  encore  le  plus  de  retouches. 
Il  résulte  de  là  une  conclusion  intéressante  sur  la  façon  de  travailler  du 
poète  :  il  était  lent,  non  à  composer,  mais  à  se  corrriger. 

Ces  résultats  sont  fondés  sur  une  infinité  de  discussions  minutieuses 
dans  lesquelles  je  ne  pourrais  entrer  sans  dépasser  les  limites  d'un 
compte-rendu.  Je  remarquerai  seulement  combien  je  suis  étonné  de 
voir  M.  Sabbadini  défendre  l'authenticité  des  vers  :  Ille  ego  qui 
qiiojîdam,  etc.  Ils  me  paraissent  l'œuvre  d'un  grammairien  assez  mala- 
droit et  assez  peu  maître  de  sa  langue.  Il  faudrait  ajouter  à  la  liste  des 
chants  dont  l'ébauche  est  la  plus  imparfaite  dans  l'état  actuel,  le 
VP  chant.  C'est  ce  qu'on  verra  clairement,  si  M.  Louis  Havet  se  décide 
à  publier  les  résultats  de  son  cours  au  collège  de  France  en  1886-1887. 

Paul  Lejay, 


1 1 1 .  —  Bibliotbeca  script.  Gi-aec.  et  Rom.  éd.  cur.  Car.  Scbenkl. 
M.  Xulli  Ciceronis  Orat.  selectae  schol.  in  usum  éd.  H.  Nohl.  Vol.  IV.  Pro 
L.  Murena.  Pro  P.  Sulla.  Pro  A.  Licinio  Archia  orationes.  Vienne  et  Prague  : 
F.  Tempsky,  Leipzig:  G.  Freytag.  Grand  in-12,  1889.  Ed.  major.  Praef.  v-xii. 
Add.  Gorrig.  xiu-xtv.  Argum.  xiv-xvi.  Texte  1-106,  notes  critiques  au  bas  des 
pages,  i-iob  p.,  80  pf.  Ed.  minor.  i  5o  pf. 

J'ai  eu  déjà  occasion  de  parler  d'un  des  Cicéron  de  M.  Nohl  dans  la 
collection  de  M,  Schenkl  '.  Remarquons  dans  ce  nouveau  volume 
l'heureux  changement  apporté  à  la  disposition  extérieure;  le  texte  est 
moins  dense;  les  marges  plus  grandes;  les  notes  plus  espacées;  les  ca-  || 
ractères  ont  plus  de  corps  ;  pour  la  clarté,  pour  le  plaisir  et  le  repos  des  fj 
yeux  il  y  a  tout  avantage.  —  Pour  ce  qui  regarde  notre  volume,  les  édi-  ij 
leurs  ne  se  sont  décidé  qu'au  dernier  moment  à  doubler  le  travail  princi-  fj 

I.  Voir  dans  cette  Revue  le  t.  XXVI,  p.  49. 


d'histoire  et  de  littérature  i65 

pal  d'une  édition  purement  classique; de  là  dans  la  préparation  quelque 
flottement;  après  avoir  retranché  certaines  leçons  [Prœf.  p.  ix  et  suiv.), 
M.  Nohl  a  dû  en  reprendre  quelques-unes  qu'il  adonnées  à  Y  Addenda. 

Ici  comme  dans  les  volumes  précédents,  le  texte  repose  sur  un  clas- 
sement nouveau  et  métliodique  des  mss.  L'avantage  sera  apprécié  surtout 
de  ceux  qui  ont  lu  le  Pro  Murena  dans  l'édition  de  Zumpt.  Quelqu'utiles 
que  soient  les  recensions  de  C.  W.  Miiller,  le  progrès  est  ici  considéra- 
ble, et  il  saute  aux  yeux.  Je  ne  puis  entrer  ici  dans  le  détail,  ni  citer, 
même  à  titre  d'exemple,  quelques-unes  des  conjectures  rares  et  judi- 
cieuses de  M.  N.  ;  qu'il  me  suffise  de  remarquer  d'une  manière  générale 
qu'on  retrouvera  ici  les  qualités  que  tout  le  monde  a  louées  dans 
les  ouvrages  précédents  de  M.  Nohl  :  sa  mesure  en  toute  chose,  sa  pru- 
dence, et  avant  tout  sa  netteté  de  décision  et  la  clarté  de  son  exposition, 
dans  les  préfaces  comme  dans  l'apparat  critique.  —  J'avoue  trouver  très 
commode  et  très  discret  Tusage  des  italiques.  Grâce  à  elles  on  peut  sui- 
vre le  discours  sans  se  reporter  sans  cesse  aux  variantes  et  l'on  est  as- 
suré cependant  de  ne  rien  omettre  de  nécessaire.  Peut-être  M.  N.  ferait- 
il  bien  d'avertir  au  commencement  de  chacun  de  ses  volumes  du  sens 
qu'il  donne  à  certains  signes  typographiques  :  par  exemple  aux  astéris- 
ques qui,  dans  son  texte,  indiquent  non  pas  une  altération,  mais  la 
suppression  d'un  mot  des  mss.  Quel  est  le  sens  ailleurs  d'une  série  de 
points?  P.  4,  27  on  ne  comprend  pas  bien  quelle  était  exactement  la 
leçon  de  Lag.  9. 

Dans  le  Pro  Sulla.,  M.  N.  croit  avec  Mûller  que  Halm  a  trop  donné 
d'importance  au  Tegernseensis'.—  L'apparat  critique  du  Pro  Archia  est 
très  clair  et  contient  tout  l'essentiel.  Comme  trait  caractéristique  de  la 
critique  de  ce  discours,  remarquons  que  pour  M.  Nohl,  l'accord  des  de^ 
teriores  avec  V Erfurtensis  peut  prévaloir  contre  le  témoignage  du  ms. 
principal  le  Gemblacensis. 

Em.  Thomas. 


112.  —  Comment  se  sont  fci-niés  les  dogmes?  Conférences  sur  l'histoire  de 
l'Eglise  faites  dans  les  loges  de  France  et  de  Belgique,  par  V.  Gourdaveaux.  Paris, 
Fischbacher,  1889;  in- 12,  xiv  et  482  pages. 

Quand  nous  avons  —  ce  qui,  si  nous  avons  bonne  mémoire,  nous 
est  arrivé  plus  d'une  fois  en  cette  même  place  —  exprimé  le  regret  de 
voir  M.  Gourdaveaux  mêler  des  préoccupations  polémiques  à  l'exposé 
des  questions  de  l'histoire  religieuse,  ce  n'est  pas  que  nous  soyons  assez 
naïf  pour  croire  que  le  moment  viendra  où  les  querelles  entre  théolo- 
giens et  philosophes  seront  absorbées  dans  le  besoin  supérieur  de  tirer 
au  clair  les  faits  et  les  idées  et  disparaîtront,  pour  ainsi  dire,  dans  une 
suprême  synthèse.  Non,   il  faut  de  la  polémique,  comme   il  faut  de 

I.  Voici  la  règle  suivie  par  M.  N.  pour  ce  discours  :  «  eclectica  ratione  in  his  !i- 
bris  adhibendis  opus  est,  in  qua  sibimet  ipsi  satis  facere  difficile   est  nedum  aliis.  » 


i 


166  REVUE   CRITIQUE 

l'apologétique;  seulement,  nous  les  voudrions  voir  reléguées  à  Textrême 
gauche  et  à  l'extrême  droite  et  n''intervenir  que  discrètement — nous 
laisser  même  parfois  caresser  la  douce  illusion  qu'elles  ont  cessé  d'in- 
tervenir —  dans  les  problèmes  que  soulève  soit  l'origine  de  la  Bible,  soit 
rélaboration  du  dogme.  Cela,  M.  C.  ne  nous  le  permettra  point.  Du 
plus  loin  qu'il  nous  voit,  il  embouche  la  trompette  guerrière  et  déploie 
son  drapeau,  et.  sur  ce  drapeau,  nous  lisons  :  «  Le  libéralisme  est  un 
dans  tous  les  pays,  car  partout  il  est  la  résistance  de  l'esprit  d'examen 
à  la  domination  d'une  Eglise,  quelle  qu'elle  soit  d'ailleurs,  qui  a  la 
prétention  d'asservir  les  âmes  à  des  dogmes  indémontrables,  et  les  corps 
à  l'organisation  sociale  qui  dérive  de  ces  dogmes.  » 

Mais,  puisque  polémique  il  y  a,  nous  voudrions  qu'elle  prît  partout 
et  toujours  pour  modèle  les  œuvres  de  M.  Courdaveaux,  c'est-à-dire  - 
qu'elle  se  présentât  avec  le  cortège  d'informations  exactes,  de  citations 
précises,  avec  les  mérites  de  discussion  claire  et  vivement  menée,  que 
nous  ne  relevons  pas  aujourd'hui  pour  la  première  fois. 

Nous  exprimerons  aussi   notre  satisfaction  de  voir  que   des   loges  -a 
maçonniques,  au  lieu  de  se  borner  à  de  brutales  négations,  ou  de  s'en 
tenir  à  un  dédain  qui  est  pire  encore,  ont  pris  plaisir  à  provoquer  et  à 
entendre  une  discussion  solide  et  approfondie  sur  des  matières  difficiles 
et  peu  connues. 

Nous  avouons  ne  pas  nous  rendre  très  bien  compte  du  titre  et  du 
sous-titre  adoptés  par  l'auteur  ;  ils  nous  semblent  de  nature  à  donner 
une  fausse  idée  de  l'œuvre  :  le  premier,  en  annonçant  une  revue  des 
principaux  dogmes  et  de  leur  formation;  le  second,  en  faisant  pressentir 
un  aperçu  des  grands  faits  de  l'histoire  de  l'Eglise.  Mais,  un  coup 
d'œil  jeté  sur  la  table  des  matières  et  sur  la  préface  mettra  bientôt  le 
lecteur  au  clair.  Ce  sont,  en  réalité,  des  études  séparées,  mais  qui  se  rat- 
tachent toutes  à  une  préoccupation  commune  :  ruiner  les  prétentions  de 
l'Église  à  rinfaillibilité  doctrinale. 

Les  principaux  morceaux  sont  consacrés  à  Thistoire  de  la  Bible,  aux 
prophètes  de  l'Ancien  Testament,  au  péché  originel  et  au  dogme  de  la 
Trinité. 

Nous  sommes  bien  souvent  d'accord  avec  l'auteur  sur  les  faits  eux- 
mêmes,  mais  nous  nous  entendrions  moins  aisément  sur  l'interprétation 
qu'il  en  donne  et  sur  les  conséquences  qu'il  en  tire.  Comme  nous  le 
disions  tout  à  l'heure  :  puisqu'il  faut  de  la  polémique,  qu'on  en  fasse 
toujours  avec  la  sincérité  et  la  science  de  M.  Courdaveaux  ! 

M.  Veunes. 


I 


Il3.   —  Adolf  GOTTLOB,    A^us    dei»    Caméra    apostolica    ties  1^    Jalirhun- 

derts.  Ein  Beitrag  zur  Geschichie  des  paepstlichen  Finanzwesens  und  des  eiicien- 
deii  Mittelahers.  i  vol.in-b",  3 17  pages.  Innsbruck,  Wagner,  1S89. 


Si  l'on  veut  savoir  quelles  étaient  avant  la  Réforme  les  exigences  d 
la  fiscalité  pontificale,  dit  avec  beaucoup  de  raison  M.  Gottlob,  il  y  a  un 


il 

11 

il 


dViISTOIRE    et    DR    LITTÉRATURE  167 

moyen  bien  simple  :  gardons-nous  avec  prudence  de  toute  déclamation, 
et  ouvrons  les  registres  de  comptabilité  qui  se  trouvent  aux  archives  du 
Vatican  et  à  celles  du  royaume  d'Italie;  après  les  avoir  consultés,  nous 
ne  dirons  plus  que  le  pape  percevait  des  sommes  immenses  et  épuisait  la 
chrétienté,  mais  bien  que  de  tel  chef  il  touchait  par  année  tant  de  florins 
ou  de  ducats;  nous  remplacerons  ainsi  des  données  vagues  par  des  chif- 
fres précis.  Le  raisonnement  est  fort  juste  et,  pour  encore  mieux  nous 
convaincre,  M,  G.  nous  énumère  quels  livres  de  comptes  des  papes 
nous  ont  été  conservés,  depuis  le  pontificat  de  Martin  V,  à  la  fin  du 
grand  schisme,  jusqu'à  celui  de  Jules  II  inclusivement  (ii  novembre 
141 7-21  février  i5i3).  Ce  sont  environ  i5o  volumes  de  introitus  et 
exitiis  où  sont  notées  toutes  les  sommes  entrées  au  jour  le  jour  dans  les 
caisses  du  souverain  pontife  avec  l'indication  de  toutes  les  dépenses;  des 
libri  mandatorum  ou  bulletarum  où  sont  inscrits  les  mandats  de  paie- 
ment adressés,  au  nom  du  pape,  par  le  camerarhis  au  thesaurarius;  des 
libri  sanctae  criiciatae  où  l'on  a  relevé  la  part  que  touchait  le  saint 
père  dans  la  dime  de  la  croisade;  des  libri  annatorum  où  sont  consi- 
gnées, chaque  an,  les  redevances  que  payaient  au  saint  siège  ceux  qui 
entraient  en  possession  d'un  bénéfice  ecclésiastique.  Tous  ces  livres 
constituent  des  documents  de  premier  ordre;  ils  sont  une  véritable 
mine  pour  l'érudit  que  ne  rebutent  point  les  chiffres  arides  et  qui  sait 
tirer  de  tous  ces  nombres  de  curieuses  conclusions  pour  l'histoire  géné- 
rale. Après  avoir  dressé  la  liste  de  ces  registres,  M.  G.  nous  montre,  dans 
un  second  chapitre,  la  constitution  de  la  caméra  apostolica  ;  il  nous  in- 
dique les  attributions  des  fonctionnaires  qui  y  étaient  employés  ;  il  nous 
donne  les  règles  de  comptabilité  qu^ils  devaient  suivre  et  il  nous  ap- 
prend comment  le  contrôle  s'exerçait  sur  eux.  C'est  la  meilleure  partie  de 
Touvrage,  celle  où  Ton  trouve  le  plus  de  faits  nouveaux.  Le  troisième 
chapitre  a  trompé  notre  attente.  Nous  pensions  que  Fauteur  nous  ferait 
connaître  tous  les  revenus  que  touchait  au  xv°  siècle  le  souverain  pon- 
tife; sans  doute  il  nous  livre  quelques  détails  intéressants  sur  l'adminis- 
tration financière  de  l'état  romain,  sur  les  inféodationsdans  le  territoire 
de  Saint-Pierre,  sur  les  impôts  indirects  comme  les  droits  de  douane, 
la  gabelle,  la  mine  d'alun  deToIfa;  mais  nous  aurions  surtout  désiré  sa- 
voir à  quels  moments  on  a  perçu  des  dimes  pour  la  croisade  et  à  com- 
bien de  ducats  elles  se  sont  élevées  à  chaque  fois,  et  aussi  quelles  som- 
mes sortaient  chaque  année  des  différents  royaumes,  France,  Allemagne, 
Angleterre,  etc.,  pour  grossir,  sous  prétexte  d'annates,  de  grâces  expec- 
tatives, de  denier  de  saint  Pierre,  etc.,  les  coffres  de  la  papauté.  Ici 
M.  G,  s'est  dérobé;  au  lieu  de  nous  fournir  des  chiffres,  il  nous 
décrit  les  résistances  que  les  États  opposèrent  à  la  fiscalité  pontificale  et 
encore  commet-il  une  grave  erreur,  en  soutenant,  malgré  les  nombreux 
travaux  publiés  en  France,  l'authenticité  de  la  pragmatique  de  saint 
Louis  (p.  199).  Il  nous  avoue  du  reste  qu'il  n'a  parcouru  que  rapide- 
ment, faute  de  temps,  les  registres  dont  il  a  si  bien  montré  Tintérêt  his- 


l68  RKVUE    CRiTIQUB 

torique.  Un  nouveau  voyage  à  Rome  lui  eût  permis  de  compléter  ses 
notes  et  de  faire,  au  lieu  d'une  esquisse,  un  véritable  tableau  des  reve- 
nus de  la  caméra  apostoltca ;  \\  est  vraiment  dommage  qu'il   ne  l'ait 

pas  entrepris. 

Ch.  Pfister. 


114.  —  Classiques  s>opuIaii-es  édités  par  H.  Lecène  et  H.  Oudin.  Les  Chroni- 
queurs, deuxième  série.  Froissart,  Commines,  par  Debidour,  doyen  de  la  Faculté 
des  Lettres  de  Nancy.  Paris,  in-8,  1890,  2  36  p.  Prix  ;  i  fr.  5o. 

Ces  éditions  populaires  des  classiques  du  vieux  et  du  moyen  français 
auront-elles  quelque  succès?  Je  le  souhaite,  mais  je  n'y  crois  guère.  Les 
romans  épicés  qui  paraissent  quotidiennement  dans  les  journaux  à 
cinq  centimes  ont  pour  la  multitude  des  attraits  irrésistibles,  et  l'en- 
seignement positif  qu'on  donne  dans  les  écoles  primaires  n'est  guère 
propre  à  susciter  des  admirateurs  à  Villehardouin,  à  Joinville,  à  Frois-  ^| 
sart,  ou  à  ces  vieux  trouvères  qui  chantaient  la  gloire  de  Gharlemagne 
«  à  la  barbe  florie  »,  et  les  exploits  de  ses  douze  pairs.  La  vieille  France  j^ 
et  ses  historiens  ne  sont  plus  guère  en  faveur;  en  aime-t-on  davantage 
la  France  moderne?  J'ai  lu  à  1  âge  de  onze  ou  douze  ans  le  Roman  de 
Fierabras  imprimé  à  Épinal  sur  du  mauvais  papier  buvard,  avec  quel 
intérêt  passionné,  je  m'en  souviendrai  toujours.  Le  duel  héroïque,  inter- 
minable, d'Olivier  et  du  Sarrasin,  m'arrachait  des  larmes,  et  j'avais 
pour  leur  bravoure  chevaleresque  une  égale  admiration.  Quelles  bonnes 
journées  m'a  fait  passer  la  merveilleuse  histoire  des  quatre  fils  Aymon, 
l'enchanteur  Maugis,  le  fameux  cheval  Bayard,  le  vieux  Bueves  d'Ai- 
gremont  qui  ne  voulait  pas  prêter  l'oreille  aux  conseils  pacifiques  de  laJ 
duchesse,  sa  femme,  qui  la  renvoyait  brutalement  dans  sa  chambre  avec 
ses  pucelles,  sous  prétexte  que  son  mestier,  à  lui,  était  de  frapper  de 
l'espée,  et  Renaud  assommant  d'un  coup  d'échiquier  Bertolais,  lequel 
furieux  de  perdre  au  jeu,  l'avait  appelé  traître  et  renégat!  Ah  !  les  beaux 
contes  et  les  merveilleux  récits!  Quelle  idée  saisissante  ils  me  laissaient 
de  ce  fier  moyen  âge,  de  ces  rudes  guerriers  vêtus  de  fer  qui  ne  faisaient 
pas  plus  de  cas  de  leur  vie  que  de  celle  d'autrui!  J'oubliais  leur  vio- 
lence, leurs  emportements  sauvages,  pour  ne  plus  voir  en  eux  que  des 
héros  fidèles  à  l'amitié  jusqu'à  la  mort,  esclaves  de  leur  serment,  et  qui 
réparaient  dans  le  sang  les  affronts  faits  à  leur  honneur.  Il  me  semble  que 
si  l'on  m'avait  mis  alors  dans  les  mains  une  traduction  des  Chroniques 
de  Froissart,  j'y  aurais  pris  aussi  un  plaisir  extrême,  car  elles  ne  sont  pas 
autre  chose  qu'une  sorte  d'épopée  homérique,  où  les  mœurs  violentes, 
les  passions,  les  vertus  et  les  vices  du  moyen  âge  sont  exprimés  avec  un 
relief  puissant,  ou  si  l'on  aime  mieux  «  peints  sur  place  avec  de  simples, 
mais  fortes  couleurs.  »  L'âme  du  peuple  est  comme  celle  de  l'enfant  : 
elle  aime  les  beaux  récits,  les  longues  descriptions,  les  tableaux  de  sièges 
et  de  batailles,  en  un  mot,  l'histoire  racontée  comme  une  légende,  et  se 
çoucie  fort  peu  de  la  critique.  C'est  ce  que  M.  Debidour  semble  n'avoir 


d'histoire  et  de  littérature  169 

pas  compris  :  son  livre  n'est  pas  et  ne  peut  pas  être  un  livre  populaire, 
parce  que  la  critique  y  tient  une  trop  grande  place.  On  croirait  volon- 
tiers qu'il  a  été  fait  pour  des  aspirants  au  baccalauréat,  plutôt  que  pour 
de  braves  gens  qui  n'ont  reçu  qu'une  instruction  médiocre.  Au  lieu 
d'un  chapitre  où  il  est  traité  oc  des  chroniqueurs  intermédiaires  entre 
Joinville  et  Froissart  »,  ne  valait-il  pas  mieux  donner  la  description 
tout  entière  de  la  bataille  de  Poitiers,  avec  le  texte  très  légèrement  ra- 
jeuni? Ce  n'est  pas  assez  de  citer  çà  et  là  vingt  lignes,  trente  lignes  du 
chroniqueur  :  il  ne  fallait  pas  craindre  de  donner  de  longs  extraits.  L'é- 
pisode du  siège  de  Calais,  l'amour  du  roi  Edouard  pour  la  comtesse  de 
•  Salisbury,le  voyage  de  Froissart  à  Orthez,  à  la  cour  de  Gaston  Phœbus, 
étaient,  entre  bien  d'autres,  des  morceaux  faciles  à  détacher  de  l'ensem- 
ble. Un  autre  chapitre  intitulé  t  Chroniqueurs  intermédiaires  entre 
Froissart  et  Commines  »,  ne  me  paraît  pas  moins  superflu  que  celui 
qui  ouvre  le  volume.  Il  n'y  a  que  ceux  qui  ont  fait  leurs  humanités,  et 
parmi  ceux-là  les  esprits  curieu\',  qui  pourraient  s'intéresser  a  la  Chro- 
nique du  bon  duc  Loys  de  Bourbon,  à  Jean  Chartier,  au  Journal  d'un 
bourgeois  de  Paris,  à  Monstrelet,  à  Chastellain,  à  Jean  Molinet.  Tous 
ces  historiens  ou  chroniqueurs  sont  morts  et  bien  morts  pour  le  peuple. 
Il  se  souvient  peut-être  encore  de  Commynes,  parce  qu'il  a  été  l'histo- 
rien d'un  roi  qui  a  laissé  après  lui  comme  une  trace  légendaire;  le  meil- 
leur moyen  de  le  faire  connaître  était  de  citer  de  longs  passages  tirés  de 
son  histoire,  sans  les  accompagner  d'aucun  commentaire.  Une  chose 
encore  bien  inutile  a  été  de  donner  le  texte  même  des  morceaux  extraits 
de  Froissart  et  de  Commynes,  et  de  les  faire  suivre  d'une  traduction. 
Cette  dernière  seule  suffisait;  il  y  a  d'ailleurs  dans  Commynes  des  pages 
entières  où  la  langue  est  aussi  facile  à  comprendre  que  celle  du  xvii«  siè- 
cle. 

Comme  ouvrage  populaire,  ce  livre,  à  mon  avis,  est  tout  à  fait  man- 
qué. S'il  eût  été  destiné,  je  le  répète,  à  des  lettrés  ou  à  des  demi-lettrés, 
il  ne  serait  pas  sans  intérêt,  ni  sans  utilité.  Quelques  erreurs  et  affirma- 
tions hasardées  mériteraient  pourtant  d'être  relevées  :  Henri  IV  (p.  i3o) 
n'a  jamais  dit  que  «  Plutarque  lui  souriait  toujours  d'une  fraîche  nou- 
veauté )),  et  il  y  a  longtemps  déjà  que  M.  Debidour  devrait  savoir  que 
ce  passage  est  extrait  d'une  lettre  fabriquée  par  un  faussaire.  L'édition 
de  Monstrelet  par  MM.  Beaune  et  d'Arbeaumont  (p.  no,  en  note),  est 
qualifiée  d'excellente  :  ce  n'est  pas  l'opinion  des  connaisseurs,  et  parti- 
culièrement de  M.  Henri  Stein.  Dans  le  chapitre  sur  «  la  Vie  de  Com- 
mines »,  il  eût  été  bon  de  renvoyer  à  un  opuscule  intéressant  de 
M.  Fierville,  publié  en  1881,  chez  Champion,  et  intitulé  :  a  Docu- 
ments inédits  sur  Philippe  de  Commynes»;  on  y  trouve  de  très  curieux 
détails  biographiques  sur  l'historien  de  Louis  XI. 

A.  Delboulle. 


jyO  REVUE  CRITIQUE 

ii5.  —  P.  de  NoLHAC.  Piei'o  vettorî  et  C«i'lo  stgonîo.  Correspondance  aTCC 
t'ulvio  Orsini.  Rome,  imp.  Vat,  1889,  in-4  de  66  p. 

On  analysait  récemment  ici-même  Touvrage  que  M.  de  Nolhac  a  con- 
sacré à  l'étude  de  la  Bibliothèque  de  Fulvio  Orsini  (1889,  11°  46).  Irir- 
dépendammentdes  renseignements  bibliographiques  qui  le  remplissent, 
ce  livre  contient  deux  ou  trois  chapitres  intéressant  l'histoire  littéraire 
de  ritalie  au  xvi^  siècle.  Ce  sont  \ts  preuves  de  ces  chapitres  qu'on  trou- 
vera dans  la  nouvelle  publication  de  Fauteur,  parue  d'abord  dans  les 
Studi  c  documenti  di  storia  e  diritto.  Les  trois  noms  ici  groupés,  dit- 
il,  c  sont  peut-être  les  plus  dignes  de  mémoire  du  groupe  italien  de  leur 
temps.  On  chercherait  difficilement  en  Italie,  au  moment  où  ils  vécu- 
rent, surtout  après  la  mort  de  Panvinio  et  de  Paul  Manuce;  un  philolo- 
gue comme  Vettori,  un  historien  comme  Sigonio,  un  archéologue! 
comme  Orsini.  »  La  correspondance  entre  Vettori  et  Orsini  ici  publiée 
va  de  i566  à  i582  et  compte  48  numéros;  on  y  trouvera  des  détails  sur 
les  découvertes  du  temps,  fouilles  et  manuscrits,  sur  les  travaux  des 
deux  savants  et  notamment  la  préparation  de  la  célèbre  édition  de  FeS" 
tus  donnée  par  Orsini.  L'éditeur  n'a  pas  trouvé  de  lettres  d'Orsini  à  Si- 
gonio; celles  de  ce  dernier,  au  nombre  de  vingt-sept,  vont  de  i563  àl 
i583,-  il  parle,  dans  les  dernières,  de  la  Consolatio  qu'il  avait  fabriquée 
et  mise  en  circulation  sous  le  nom  de  Cicéron,  par  une  supercherie' 
indigne  de  lui  et  de  tout  le  reste  de  sa  carrière. 

L. 


116.  —  Histoire  administrative  de  Beaueaire  depuis  le  XIII«  siècle  jusqu'à  i 

la  Révolution  de  1789,    ouvrage  composé  presque   en  entier  sur  des  documents  i 

inédits,   par  Alexandre   Eyssette.   Beaueaire,    Elisée   Aubanel,  1889,  2  vol.  476,  ( 
5 16  et  Lxxi  pp. 

Les  monographies  d'histoire  locale  touchent  toujours  par  un  point  )i 
quelconque  à  l'histoire  générale  ;  à  ce  titre,  elles  méritent  qu'on  leur  11 
accorde  quelque  attention,  mais  elles  offrent  un  intérêt  tout  particulier  i 
quand  elles  ont  pour  objet  une  ville  d'un  passé  long  et  célèbre,  pour  i 
auteur  un  homme  compétent  et  amoureux  de  son  sujet;  c'est  le  cas  de  i 
la  monographie  dont  il  est  ici  question.  Beaueaire,  dont  le  nom  ancien  : 
Ugernum^  est  déjà  mentionné  au  1"  siècle  de  notre  ère,  a  été,  pendant  i 
tout  le  moyen  âge,  un  des  marchés  les  plus  fréquentés  de  l'Europe;  t 
l'auteur  de  son  histoire,  M.  Alexandre  Eyssette,  est  un  de  ces  hommes  \i 
qui  consacrent  à  leur  petite  patrie  tous  leurs  loisirs  et  toutes  leur  force»  : 
disponibles.  En  1837,  M.  A.  E.  débutait  par  une  étude  sur  Y  Antique 
Ugernum,  en  1867  il  publiait  un  fragment  considérable  de  l'histoire 
de  Beaueaire  et  qu'il  fût  maire,  conseiller  général  de  sa  ville  natale,  oqj 
qu'il  rendît  la  justice  à  Pondichéry  —  il  a  été  en  effet  conseiller  à  h 
cour  d'appel  de  l'Inde  et  a  publié  un  ouvrage  sur  le  droit  hindou  —  il 
continuait  à  accumuler  les  documents  sur  Beaueaire,  si  bien  qu'à  s»| 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  I7I 

mort,  en  1886,  il  laissait  en  partie  imprime'e,  en  partie  manuscrite  jet 
inachevée  son  histoire  administrative  de  Beaucaire.  C'est  cette  œuvre 
que,  avec  un  soin  pieux,  son  neveu  M.  Gaston  Eyssette,  professeur  au 
Lycée  du  Puy,  a  terminée  et  qu'il  fait  paraître  aujourd'hui. 

Cette  œuvre,  d'une  étendue  considérable,  est  divisée  en  sept  livres 
répartis  en  deux  volumes.  Ces  sept  livres  sont  précédés  d'un  avant- 
propos  historique  résumant  Thistoire  de  Beaucaire  jusqu'en  i63i  et 
suivis  d'un  Appendice  contenant  des  notes  et  des  pièces  justificatives. 
Le  livre  1"  traite  du  consulat  et  de  Tadministration  générale  de  la 
commune.  Sous  les  comtes  de  Toulouse,  Beaucaire  a  six  consuls  qui 
délibèrent  avec  l'assistance  d'un  conseil;  mais  on  ne  sait  rien  du  sys- 
tème électoral  ni  de  l'administration  supérieure  à  cette  époque.  Après 
la  soumission  de  Beaucaire  à  Louis  VIII  tous  les  pouvoirs  sont  concen- 
trés dans  les  miains  des  officiers  de  la  couronne;  des  syndics,  élus  en 
présence  du  sénéchal,  remplacent  les  consuls.  En  i334,  les  nobles  se 
séparent  des  bourgeois  et  la  scission  dure  jusqu'en  1465  ;  Louis  XI  ré- 
tablit le  consulat.  Le  chapitre  sur  la  constitution  consulaire  contient 
des  détails  très  curieux;  des  tableaux  bien  drtssés  permettent  de  com- 
prendre le  mode  d'élection  assez  compliqué  des  quatre  consuls  et  du 
conseil  de  ville.  Le  livre  II  fait  connaître  l'ancien  personnel  adminis- 
tratif; on  y  voit  défiler  le  capitaine  de  la  ville,  les  défenseurs  des  pâtu- 
rages, les  lévadiers  et  les  robiniers,  fonctionnaires  à  qui  le  Rhône  lais- 
sait peu  de  loisirs,  les  voyers,  les  estimateurs-jurés,  les  gardes  fruits,  les 
inspecteurs  des  halles,  les  mesureurs,  les  inspecteurs  des  andrones,  les 
auditeurs  des  comptes,  le  clavaire,  l'archiviste,  le  notaire  de  la  com- 
mune, les  juges  conservateurs.  Le  livre  III  a  pour  objet  les  anciens 
privilèges  de  Beaucaire  et  de  ses  corporations;  le  livre  IV  traite  de  la 
topographie.  Dans  le  V%  intitulé  Mélanges  de  statistique  et  de  bio^ 
graphie,  sont  réunies  des  notices  sur  la  peste,  les  inondations  et  sur 
diverses  notabilités  beaucairoises.  Le  Vl°  livre  donne  des  listes  chro- 
nologiques des  consuls,  syndics,  viguiers,  etc.;  le  Vile  est  rempli  par 
les  chartes  et  les  pièces  justificatives. 

Cette  analyse  suffit  à  donner  une  idée  de  l'intérêt  que  présente  cet 
ouvrage;  ce  qu'elle  ne  dit  pas,  et  ce  qu'il  faut  ajouter,  c'est  que  pour 
une  bonne  part  les  renseignements  réunis  par  M.  E.  sont  inédits;  ils 
ont  été  pris  dans  les  archives  municipales  de  Beaucaire  ou  dans  les 
archives  particulières  des  familles  de  Roys,  de  Porcelet,  du  Puy,  de 
Clausonnette.  Quelques-uns  de  ces  documents  ne  laissent  pas  que  d'avoir 
une  saveur  toute  locale;  je  signale  aux  gens  curieux  le  règlement  de 
police  édicté  par  P.  Scatisse  en  iSyS  et  tout  spécialement  les  articles 
relatifs  aux  marchands  de  vins  pour  les  empêcher  —  déjà!  —  de  mouil- 
ler leur  marchandise,  et  aux  courtisanes  de  se  promener  sans  un  signe 
au  bras  gauche  «  sub  pœna  perditionis  raiipœ  superioris,  sous  peine  de 
la  perte  de  leur  robe  de  dessus.  »  Les  matériaux  intéressants  et  nom- 
breux réunis  par  M.  A.  E.  ont  été  mis  en  œuvre  avec  art  et  sont  pré- 


172  REVUE   CRITIQUE 

sentes  sous  une  forme  agréable.  En  publiant  le  travail  de  son  oncle 
M.  G.  Eyssette  n'a  donc  pas  seulement  bien  mérité  des  Beaucairois, 
comme  il  le  souhaite  modestement,  il  a  rendu  service  à  tous  ceux  qui 
s'intéressent  aux  études  historiques  ^. 

Z. 


117.  —    Conférenees   de    la   Société   d'art    et   d'histoire   du    diocèse  de   Liège. 
Deuxième  série.  Liège,  Demarteau,  1889.  In-8,  xxvi  et  045  p. 

Ce  volume  comprend  six  conférences  :  I.  Le  bilan  de  la  Révolution 
française,  par  M.  G.  Kurth  ;  II.  La  fin  de  la  nationalité  liégeoise,  par 
M.  Am.  de  Ryckel  ;  III.  La  Révolution  française  à  Liège  et  les  beaux- 
arts,  par  M.  J.  Helbig;  IV.  Destruction  de  la  cathédrale  de  Saint- 
Lambert  par  la  révolution  liégeoise,  par  M.  G.  Francotte;  V.  Un  type 
de  révolutionnaire  liégeois,  N.  Bassenge,  par  M.  F.  Gonne  ;  NI.  La 
Révolution  française  à  Liège  et  les  classes  populaires,  par  M.  J. 
Demarteau.  Les  premiers  et  les  derniers  mots  de  l'étude  de  M.  Kurth 
suffisent  à  marquer  l'esprit  du  volume  :  «  La  Révolution  a  fait  ban- 
queroute ;  elle  n'a  point  payé  ses  dettes  au  genre  humain;  elle  a  man- 
qué à  tous  ses  engagements  ;  elle  avait  tout  promis  et  n'a  rien  donné 
(p.  iii-iv).  Nous  rappellerons  ses  exploits  dans  le  pays  de  Liège;  nous  la 
montrerons  détruisant,  avec  une  nationalité  dix  fois  séculaire,  les  ins- 
titutions les  plus  libres  du  monde;  nous  mettrons  sous  les  yeux  des 
Liégeois  les  ruines  qu'elle  a  accumulées  dans  le  domaine  de  l'art,  de  la 
charité,  de  l'enseignement;  nous  ferons  connaître  les  personnages  répu- 
gnants qui  ont  été  ses  instruments  et  ses  complices  (p.  xxvi).  »  Nous 
voilà  prévenus.  Aussi  lirons-nous  dans  l'essai  de  M.  de  Ryckel  qu'il 
n'existait  pas  de  griefs  sérieux  contre  le  gouvernement  du  prince-évêque 
de  Liège,  et  nous  n'y  lirons  pas  les  représailles  exercées  par  le  prince  de 
Méan.  M.  Helbig  nous  dira  que  l'Exposition  a  célébré  une  faillite 
déclarée  au  tribunal  de  l'histoire,  et  que  la  tour  Eiffel  a  commencé  par 
la  confusion  des  idées,  comme  la  tour  de  Babel  a  fini  par  la  confusion 
des  langues  (p.  70).  En  racontant  la  destruction  de  Saint-Lambert, 
M.  Francotte  s'écriera  qu'il  ne  faut  ni  oublier  ni  pardonner  ce  grand 
crime  des  révolutionnaires  de  Liège  (p.  iio).  M.  Gonne  fera  de  Bas- 
senge un  homme  qui  a  le  «  délire  de  la  haine  »  et  qui  pousse  des  «  rugis- 
sements dignes  d'Hébert  ou  de  Marat  »  (p.  i3i).  M.  Demarteau  accusera 
la  Révolution  d'avoir  retardé  d'un  siècle  l'instruction  du  peuple  lié- 
geois, d'avoir  violé  ou  supprimé  toutes  les  libertés  populaires,  renversé 

I.  Je  ne  veux  pas  dire  que  ce  livre  soit  absolument  sans  reproche  :  la  composi- 
tion est  un  peu  lâche;  il  eût  mieux  valu  fondre  dans  un  seul  appendice,  les  chapi- 
tres VI,  VII,  et  l'appendice  proprement  dit;  —  le  chapitre  sur  la  topographie  eut  gagaé 
à  être  éclairé  par  une  carte;  —  le  lieu  d'origine  de  Peire  Cardinal  aurait  dû  être  élu- 
cidé par  l'auteur;  —  l'errata  aurait  dû  être  complété,  il  y  faudrait  par  exemple  ajou- 
ter brebris,  I,  p.  184,  apercevant,  I,  p.  4o5  et  le  vers  si  mal  coupé,  I,  p.  407,  etc. 


d'hjstoirb  et  dk  littérature  173 

les  institutions  protectrices  de  l'ouvrier,  restreint  son  travail,  abaissé  son 
salaire,  etc.  (p.  147J.  Cela  dit,  — et  tout  en  reconnaissant  la  justesse  de 
plusieurs  de  leurs  appréciations, —nous  louerons  volontiers  le  soin  que  les 
auteurs  du  volume  ont  mis  à  leurs  conférences  et  leur  ardeur  à  chercher 
et  à  trouver  des  documents  historiques;  ils  ont,  comme  dit  M.  Helbig, 
emprunté  la  méthode  de  M.  Janssen  pour  mettre  en  lumière  les  événe- 
ments de  la  révolution  liégeoise  (p.  36),  et  les  pièces  qu'ils  ont  tirées  des 
archives  seront  utilement  consultées  par  d'autres.  M.  de  Ryckel  repro- 
duit une  relation  du  temps  sur  le  meurtre  de  trois  prêtres  français,  et  le 
récit  du  docteur  Bovy  sur  le  bombardement  de  Liège  en  1794  (pp.  20- 
25).  M.  Helbig  cite  le  rapport  officiel  du  pillage  du  palais  des  princes- 
évéques,  énumère  les  églises  détruites  dans  la  ville,  les  tableaux  envoyés 
à  Paris  et  donne  in  extenso,  d'après  les  archives  municipales  de  Lille, 
la  liste  des  pièces  d'argenterie  emmenées  par  Waleff  après  la  prise 
de  Liège  (pp.  42-43,49-50-52-60).  M.  Francotte  reproduit  le  rapport  de 
Defrance,  le  chef  de  la  «  commission  destructive  de  la  cathédrale  »,  et 
raconte  avec  le  plus  grand  détail  la  démolition  de  Saint- Lambert. 
M.  Gonne  retrace  d'intéressantes  particularités,  inédites  pour  la  plupart, 
de  l'existence  de  Bassenge,  et,  si  M.  Demarteau  accuse  aussi  vigoureu- 
sement les  patriotes  liégeois  que  les  envahisseurs  français,  s'il  fait  peser 
la  responsabilité  des  événements  sur  Chestret  et  Fabry  autant  que  sur 
les  commissaires  de  la  Convention,  s'il  charge  les  deux  hommes  qui  ont 
«  troué  la  digue  »  avec  la  même  furie  que  les  émigrés  chargeaient 
Necker  et  Lafayette,  il  a  du  moins  réuni  dans  son  étude  une  foule  de 
documents  sur  les  corporations  religieuses  de  Liège  et  leur  avoir,  sur 
le  culte,  le  décadi  et  la  proscription  des  prêtres,  sur  les  impôts  de  la 
Révolution  et  les  assignats,  sur  le  travail,  les  salaires  et  le  prix  des  den- 
rées, sur  la  misère  générale,  les  soulèvements  et  le  brigandage  (les  gar- 
roteurs),  sur  la  carrière  de  Chestret  et  de  Fabry.  Il  faut  donc,  malgré 
tout,  remercier  les  auteurs  de  ce  volume  où  l'historien  delà  Belgique  et 
de  Liège  trouvera  de  précieuses  informations.  Les  fautes  matérielles  sont 
rares  :  p.  17  et  116,  il  est  singulier  que  des  Belges  écrivent  Jemmappes 
et  Jemmapes  pour  a  Jemappes  »;  id.,  l'armée  autrichienne  ne  fut  pas  du 
tout  «  culbutée  »  près  de  Waroux  ;  p.  20,  il  est  inexact  de  dire  que  «  dès 
le  2  mars  1793,  les  Autrichiens  et  les  Prussiejis  marchaient  sur  Liège  »  ; 
p.  45,  on  nous  dit  sérieusement,  d'après  la  duchesse  d'Abrantès,  que 
Cambacérès  dans  son  exil,  en  quelque  lieu  qu'il  fût,  se  réveillait  soudain 
à  l'heure  où  il  avait  condamné  Louis  XVI  et  que  «  le  spectre  de  sa  vic- 
time se  dressait  devant  lui  «;  p.  81,  lorsque,  le  4  mars,  les  Français 
battirent  en  retraite,  les  patriotes  ne  proclamaient  sûrement  pas  «  la 
trahison  de  Dumouriez  »,  que  tout  le  monde  appelait  à  grands  cris  pour 
réparer  le  désastre;  p.  1 17,  ce  n'est  pas  une  «  faible  minorité  »  qui  vota 
la  réunion  de  Liège  à  la  France  ;  p.  1 19,  on  voudrait  plus  de  détails  sur 
l'emprisonnement  de  Bassenge  et  le  schisme  qui  s'éleva  à  Paris  entre  les 
Liégeois  réfugiés  (Borgnet  qu'on  nomme  injustement  p.  321,  note,  un 


174  REVUE    CRITIQUE 

historien  aux  «  cliapitres  indigestes  »,  a  très  bien  insisté  sur  ce  point); 
p.  265,  la  letlre  du  volontaire  angevin  a  été  forgée  par  Grille  ;  p.  334- 
33/,  on  aura  beau  dire;  puisqu'il  était  impossible  de  conserver  Tindé- 
pendance  nationale,  Chestret,  Fabry,  Bassenge  et  leurs  amis  ne  pou- 
vaient faire  autre  chose  que  de  demander  l'annexion  à  la  France. 
M.  Demarteau  leur  reproche  d'avoir  «  refusé  de  s'associer  aux  Belges 
en  haine  de  la  religion  et  par  amour  du  philosophisme  »;  mais  les 
Belges  étaient-ils  unis?  Y  avait-il  le  moindre  espoir  de  constituer  la 
nationalité  belge,  lorsque  Anvers  et  Louvain  refusaient  d'envoyer  leurs 
députés  à  l'assemblée  de  Brabant,  lorsque  les  provinces  n'arrivaient  pas 
à  lever  une  armée  nationale  belge?  Ce  n'est  pas  seulement  le  «  fana- 
tisme de  l'impiété  francolâtre  »  (sic)  qui  détermina  Liège,  non  plus  que 
le  pavs  de  Franchimont  qui  le  premier  prononça  le  vœu  de  réunion,  à 
se  jeter  dans  les  bras  de  la  France,  ce  fut  la  nécessité;  ce  fut  la  pensée 
de  ce  grands  intérêts  et  avantages  n»  ;  la  France  seule  pouvait  protéger, 
défendre  Liège  contre  le  prince-évéque  et  l'empire  germanique.  C'est  ici 
qu'il  fallait  citer  Dumouriez  (III,  218)  «  se  trouvant  un  trop  petit  pays 
pour  former  un  Etat  particulier,  se  méfiant  de  la  disposition  des  Belges 
qui  ne  voudraient  pas  sacrifier  leur  religion  et  leur  clergé,  se  voyant  en 
avant  de  tout,  sans  places  fortes,  leur  pays  aisé  à  envahir,  les  Liégeois 
crurent  que,  devenant  Français,  la  république  défendrait  leur  liberté  »'. 
En  terminant,  remercions  les  auteurs  du  volume,  et  surtout  M.  Kurth, 
de  leur  sympathie  pour  la  France.  C'est  avec  ^t  douleur  »  que  M.  Kurth 
constate  la  diminution  de  notre  population  et  prévoit,  pour  un  avenir 
qui  n'est  pas  trop  éloigné,  le  moment  où  la  France  aura  vingt  millions 
d'habitants,  pendant  que  l'Allemagne  en  comptera  quatre-vingts; 
«  voilà,  dit-il,  qui  résoudra  d'une  manière  imprévue,  mais  irrésistible 
et  définitive,  la  question  de  savoir  à  qui  appartiendra  l'Alsace-Lor- 
raine  »  !  (p  xvn).  Que  M,  Kurth  déteste  la  République  et  la  Révolution  ; 
qu'il  s'imagine  que  notre  avenir  est  sombre  parce  que  «  Trompette  et 
Coquelin  sont  des  personnages  »;  nous  n'avons  pu  lire  sans  émotion, 
et  nous  lui  en  savons  le  gré  le  plus  vif,  les  lignes  suivantes  :  «  Douce 
France  !  Se  pourrait-il  qu'un  jour  l'Europe  dût  apprendre  à  se  passer  de 
loi  !  Certes,  il  manquerait  quelque  chose  au  monde,  le  jour  où  la  place 
de  la  France  sera  vide  dans  la  famille  des  peuples  chrétiens,  et  rien  ne 
remplacerait  cette  nation  héroïque  et  charmante,  cette  race  spirituelle 
et  sublime  qui  faisait  briller  sur  la  civilisation  européenne  quelque 
chose  comme  le  sourire  d'une  éiernelle  jeunesse!  » 

A.  Chuquet. 

I.  Autres  bagatelles  :  p.  60  :  le  2   février  1793,  Bassenge  n'était  pas  «  agent  duj 
Directoire»;   p.  cSi  :  ce  fut  le  5  et  non    le    i5    mars  que  Gobourg   occupa  la  ville ;j 
p.  116  :  comment  un  des  auteurs  met-ii  au  27   novembre    la   première  entrée  dciS 
Français  dans  Liège  que  tons  les  autres  placent  avec  raison  au  lendemain  28? 


d'histoire  et  de  littérature  175 

i,;^.  Papiers   de   BavthéSemj-.    (192-179,  p.  p.  Kaulek.    IV.   Paris,  Alcan, 

iSSc)).  In-8,  658  p.  18  francs. 

Voici  le  quatrième  volume  de  ces  Papiers  de  Barthélémy  que 
M.  Kaulek  publie  régulièrement  avec  soin  et  conscience  '.  Ce  volume 
commence,  sans  un  seul  mot  d'introduction,  au  mois  d'avril  1794  et 
finit  au  mois  de  février  1795.  Comme  les  précédents  tomes,  il  renferme 
un  grand  nombre  de  lettres  très  succinctement  analysées  et  quel- 
ques dépêches  et  rapports  in-extenso.  On  remarquera  particulièrement, 
parmi  les  pièces  que  M,  K.  a  reproduites  en  leur  entier,  celles  qui  sont 
signées  de  Barthélémy,  de  Bâcher,  de  Rivalz,  de  Venet.  Elles  donnent 
sur  les  événements  des  informations  prises  de  tous  côtés,  très  souvent 
fausses,  parfois  même  ridicules,  mais  parfois  très  précieuses.  Enfin,  et 
surtout,  elles  retracent  les  dispositions  de  la  Prusse,  les  pourparlers 
qui  doivent  amener  la  paix  de  Bâle,  les  missions  de  Schmerz,  le 
«  voyageur  »  de  Môllendorf,  et  de  Meyenrinck,  l'adjudant-général  du 
vieux  maréchal,  l'arrivée  du  comte  de  Gohz,  ministre  plénipotentiaire 
de  Frédéric  Guillaume  II  et  du  secrétaire  Harnier,  leurs  premiers  entre- 
tiens avec  Bâcher  et  Barthélémy.  Le  volume  se  termine  par  une  table 
analytique  très  complète,  et  dont  nous  remercions  M.  Kaulek  ;  mais 
pourquoi  fait-il  du  duc  Albert  de  Saxe-Teschen  deux  personnages, 
V archiduc  Albert  et  le  duc  de  Saxe-Teschen,  et  pourquoi  écrit-il 
RUgel  le  nom  du  général-major  Riichel  et  à  deux  pages  de  distance 
(p.  317  et  319)  Poissac  et  Boissac  •? 

A.  C. 


iiQ.  —  Essays  by  the  late  SBarU  Pattisou.  CoUected  and  arranged  by  Henry 
Nettleship,  m.  a.  2  vol.    in-8.  Oxford,  Clarendon  Press,  1889,  de  vii-494  p.  et 

447  P- 

L'article  que  j'ai  publié  dans  la  Classical  Reviens  {vo\.  III,  p.  3o8) 
me  dispense  d'insister  longuement  sur  les  Essais  posthumes  de  M.  Mark 
Pattison  qu'un  ami  fidèle  et  respectueux  vient  de  recueillir  et  de  confier 
à  la  a  Clarendon  Press  ».  Je  ne  répéterai  pas  les  observations  que  m'a 
suggérées  la  partie  la  plus  intéressante  peut-être  de  ces  deux  volumes  et 
les  menues  additions  que  j'ai  cru  pouvoir  y  faire.  Mais  il  est  utile  de 

i.Cp.  sur  les  trois  volumes  pre'cédents  iîei'we  1887,  n" 48;  1888,  no33  ;  1889,  n"  6. 

2.  P.  29,  Werdi,  lire  Woerth  (le  Woerth  de  1870);  p.  120,  Wolky,  Wolski  ; 
id.  Ingelstrœm,  Igelstrœm;  p.  i52,  Liechsthal,  Liestal  ;  p.  176,  Barss,  Barsch;  id. 
Badoffski,  Badowski  ;  p.  234,  Hannoncourt,  Hariioncourt;  p.  255  (et  ZdS)^  Eustache, 
Eustace;p.  3^6,  Demoutier,  DeMoiistier;  p.  347,  Li/ca^o«,Loucadou  ;  p.  395(et44i), 
Dahlberg,  Dalberg  ;  p.  422,  Veisey,  Vecsey;  p.  446,  Giindersblum,  Gunteisblura  ; 
p.  boi.  Lamarck,  Lamarque;  p.  534,  Benfeldan,  ]àiix\iQ\A  ;  p.  571,  Altœna-,  k\\oï\d,-^ 
p.  io5,  qu'est-ce  que  Ruhlsheim,  village  du  Bas-Rhin?  p.  352  (et  suiv.)«  le  docteur 
Kerner  »  a  été  l'objet  d'une  attachante  biographie  d'Ad.  Wohlwill,  Georg  Kerner 
(Hambourg,  1886);  p.  336,  Forstenbourg  était  un  bâtard  du  duc  de  Brunswick  et, 
comme  disait  Massenbach,  le  Vendôme  de  ce  Henri  IV  (cp.  Valmy,  p.  198). 


176  REVUE    CRITIQUE 

faire  connaître  davantage  en  France  ce  recueil.  Ce  sont  des  essais  à  la 
façon  anglaise,  articles  de  revue,  courtes  études  bien  composées  et  claires 
sur  des  questions  de  valeur,  toutes  à  propos  d'un  ouvrage  récemment 
paru.  Mais  on  trouve  presque  partout  la  marque  d'un  jugement  original, 
informé,  et  qui  n'a  pas  attendu  le  livre,  qui  est  l'occasion  de  son  article, 
pour  être  au  courant  du  sujet.  De  là  un  mérite  qui  dépasse  la  simple 
vulgarisation  et  laisse  de  l'intérêt  à  des  pages  dont  la  plupart,  au  point 
de  vue  de  l'information,  ont  déjà  vieilli. 

Plusieurs  essaisdeM.  Pattison  se  rattachent  à  l'histoire  des  études  dans 
l'université  d'Oxford  et  à  l'histoire  religieuse  moderne  du  Royaume- 
Unis  et  de  l'Allemagne.  Celles-ci  échappent  entièrement  à  ma  compé- 
tence et  je  les  signale  seulement  pour  mémoire;  la  personnalité  reli- 
gieuse de  l'auteur  et  ses  idées  anglicanes  y  sont  nettement  marquées. 
Mais  le  plus  grand  nombre  des  travaux  réunis  ici  intéresse  la  France  et 
surtout  notre  littérature  du  xvje  siècle,  qui  avait  dans  M.  P.  un  admira- 
teur passionné.  On  y  lira  une  étude  sur  Grégoire  de  Tours  (t.  I,  p.  1-29), 
qui  date  de  1844,  d'après  Michelet  et  Aug.  Thierry  et  qui  est  bien  un 
peu  ancienne,  une  autre  sur  Huet,  évêque  d'Avranches  (p.  244-305), 
plus  spécialement  dirigée  dans  le  sens  théologique  et  qui  n'a  plus  guère 
de  valeur  aujourd'hui,  une  troisième  sur  «  la  tragédie  de  Calas  »  (t.  II, 
p.  177-210),  d'après  le  livre  d'Ath.  Coquerel.  Pour  le  xvi^  siècle,  la  sé- 
rie est  plus  riche;  on  réimprime  ici  «  Calvin  à  Genève  »,  article  publié 
dans  la  Westminster  Revien/  de  i858,  une  «  Vie  de  Montaigne  »,  parue 
dans  la  Quarterly  de  la  même  année  et  esquissée  d'après  les  travaux  de 
Griin  et  de  Payen,  une  étude  sur  Muret,  du  Times,  d'après  le  livre  plus 
récent  de  M.  Dejob.  Enfin,  les  pages  les  plus  importantes  sont  consa- 
crées aux  Estienne  et  à  Joseph  Scaliger. 

L'essai  sur  les  Esiienne  f7"/ze  Stephenses,  t.  I,  p.  67-123)  a  pourpoint 
de  départ  le  mémoire  de  Léon  Feugère  que  couronna  l'Académie  fran- 
çaise et  qui  fut  réimprimé  en  1864  dans  les  Portraits  littéraires  du 
xvi*  siècle  de  l'auteur.  L'écrivain  français  y  est  traité  avec  une  courtoise, 
mais  réelle  sévérité;  M.  P.  établit  qu'il  fait  des  développements  sur  des 
livres  qu'il  n'a  pas  lus,  qu'il  n'est  aucunement  familier  avec  l'époque 
qu'il  étudie  et  qu'il  manque  de  la  condition  essentielle  pour  s'occuper 
des  Estienne,  la  connaissance  du  grec.  La  conclusion  est  d'intérêt  géné- 
ral et  mérite  d'être  traduite  :  «  Quand  M.  Feugère,  dans  un  essai  qui  a 
reçu  la  haute  sanction  de  l'Académie  française,  se  montre  incapable  de 
distinguer  entre  le  blanc  et  le  noir  en  matière  de  philologie  classique, 
nous  sommes  obligés  de  songer  que  le  plus  élevé  des  éléments  de  cul- 
ture fait  défaut  à  l'éducation  de  la  première  nation  d'Europe.  Si  l'A- 
cadémie française  regarde  la  production  d'un  bon  exercice  de  français 
comme  l'objectif  de  ses  concours  annuels,  elle  a  raison  de  décerner  ses 
couronnes  à  des  essais  comme  celui  de  M.  Feugère.  Mais  comme  cela 
tend  à  maintenir  en  France  le  niveau  superficiel  de  sa  critique  histori- 
que actuelle,  on  peut  regretter  que  l'Académie  sanctionne  de  son  appro- 


d'histoire  et  de  littérature  177 

bation  de  si  faibles  productions  de  seconde  main  ».  Le  passage  n'a  pas 
perdu  toute  actualité;  notre  critique  ne  mérite  peut-être  plus  aujour- 
d'hui, il  est  vrai,  le  reproche  du  savant  recteur  de  «  Lincoln  Collège  », 
mais  l'Académie  française  ne  peut  pas  se  vanter  d'avoir  été  pour  beau- 
coup dans  ce  progrès. 

Où  je  ne  fais  aucune  difficulté  de  me  ranger  à  l'avis  de  l'auteur,  c'est 
quand  il  déclare  que  les  Français  de  notre  temps  témoignent  d'une  in- 
différence coupable  à  l'égard  des  grands  philologues  qui  ont  honoré  leur 
pays  au  xvi«  siècle.  C'est  à  peine  si  quelques  monographies,  dont  plu- 
sieurs insignifiantes,  leur  ont  été  consacrées,  tandis  que  tant  d'autres 
points  moins  importants  de  l'histoire  littéraire  nationale  ont  été  l'objet 
de  recherches  considérables.  Rien  de  sérieux,  par  exemple,  n'a  été  tenté 
sur  les  Estienne  depuis  le  travail  de  M.  P.,  et,  pour  Joseph  Scali- 
ger,  c'est  encore  la  présente  étude  (t.  I,  p.  132-195),  provoquée  par  le 
livre  de  Bernays,  qui  constitue  le  tableau  le  plus  juste  que  nous  possé- 
dions, sous  forme  abrégée,  de  l'œuvre  immense  de  ce  savant.  Deux 
fragments  d'une  biographie  complète,  l'un  relatif  à  la  jeunesse  de 
Scaliger,  Tautre  à  ses  relations  avec  la  famille  Chasteigner  de  la  Roche» 
posay  (p.  196-243),  attestent  que  l'auteur  songeait  à  donner  un  pendant 
â  son  grand  ouvrage  sur  Casaubon.  Il  est  très  regrettable  que  l'ouvrage 
soit  demeuré  inachevé;  mais  nous  devons  savoir  gré  à  M.  Pattison 
d'avoir  si  patiemment  travaillé  à  la  gloire  de  nos  grands  hommes, 
à  une  époque  où  ils  étaient  dédaignés  chez  nous  ou  plutôt  victimes  de 
cette  admiration  de  convention  aussi  vaine  que  l'oubli. 

P.  de  Nolhac. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  La  librairie  Leroux  va  publier  pour  la  Société  asiatique  les 
Chants  populaires  des  Afghans  recueillis  par  M.  James  Darmesteter.  Cet  ouvrage 
considérable,  depuis  longtemps  annoncé,  se  compose  de  trois  parties  :  i°le  texte  des 
chants,  au  nombre  de  1 16,  recueillis  à  la  frontière  afghane  en  1886  ;  ils  sont  répartis 
sous  cinq  chefs  :  chansons  historiques,  chansons  religieuses,  légendes  romanesques, 
chansons  d'amour,  moeurs  et  folklore.  Elles  sont  toutes  inédites,  aucun  texte  popu- 
laire n'ayant  encore  été  recueilli,  bien  que  les  Anglais  soient  établis  dans  le  pays  de- 
puis quarante  ans;  2°  ia  traduction  avec  un  commentaire  philologique  et  historique 
qui  forme  une  véritable  encyclopédie  de  la  vie  afghane;  3°  une  introduction  sur  la 
langue,  l'histoire  et  la  littérature  des  Afghans  où  l'auteur  expose  le  résultat  de  ses 
recherches.  L'étude  sur  la  langue  est  une  véritable  grammaire  historique  de  l'afghan 
faite  sur  le  modèle  de  la  grammaire  historique  du  persan  du  même  auteur  :  la  con- 
clusion est  que  l'afghan  n'est  point,  comme  on  l'admet  généralement,  un  dialecte 
intermédiaire  entre  l'Inde  et  la  Perse,  mais  un  dialecte  purement  et  exclusivement 
iranien  et  que  dans  la  famille  iranienne  il  appartient  à  la  famille  zende.  «  Tout  s'ex- 
plique comme  si  l'afghan  était  dérivé  du  zend  ou  d'un  dialecte  très  voisin  du  zend  »  : 
1  afghan  est  le  descendant  direct  du  zend  arachosien.  M.  Darmesteter  recherche  en- 


IjS  REVUE   CRITIQUE 

suite  les  origines  des  Afghans  qu'il  suit  jusqu'à  l'époque  d'Alexandre,  et  expose  l'or- 
ganisation des  écoles  populaires  de  poésie  chez  les  Afghans.  La  Revue  critique  re- 
viendra plus  à  loisir  sur  ce  vaste  travail. 

—  Notre  collaborateur  Henry  Harrisse  vient  de  publier  chez  Welter  une  fort  in- 
téressante et  spirituelle  brochure  intitulée  Christophe  Colomb,  les  Corses  et  le  gou- 
vernement français  (in-S°,  32  p.).  On  sait  que  les  Corses  prétendent  que  l'illustre 
navigateur  est  né  à  Calvi.  Mais,  comme  le  démontre  surabondamment  M.  H.  :  i»  on 
n'a  jamais  trouvé  à  Calvi  l'acte  de  baptême  de  Colomb;  2°  il  n'y  avait  pas  un  seul 
Corse  avec  Colomb  au  temps  de  la  découverte  de  l'Amérique;  3»  Colomb  n'est  ja- 
mais allé  en  Guinée  et  n'a  jamais  donné  en  l'honneur  de  son  pays  natal,  le  nom  de 
Cap  Corse  au  Cap  Coast  actuel;  4.*  dans  tous  les  écrits  sur  lesquels  s'appuie  l'abbé 
Casanova,  —  qui  veut  à  tout  prix  faire  naître  Colomb  à  Calvi  —  on  ne  trouve  pas  un 
seul  mot  sur  celui  qu'il  nomme  le  «  héros  des  mers  »,  ni  sur  sa  prétendue  naissance 
à  Calvi,  etc.  Mais  ce  qui  navre,  comme  dit  M.  H.,  c'est  que  le  Temps  ait  imprimé 
sérieusement  que  le  président  des  Etats-Unis  allait  octroyer  le  titre  de  citoyens  amé- 
ricains à  tous  les  Corses;  c'est  que  le  président  Grévy  ait  autorisé  par  décret  l'é- 
rection de  la  statue  de  Colomb  sur  la  place  de  Calvi;  c'est  que  le  ministère  de  l'ins- 
truction publique  ait  souscrit  quatre  fois  et  par  centaines  d'exemplaires  au  Christo- 
phe Colomb,  Français,  Corse  et  Calvais  de  l'abbé  Peretti.  M.  H.  accompagne  cette 
substantielle  brochure  de  notes  et  preuves  documentaires  ainsi  que  de  très  impor- 
tants documents  extrinsèques  et  historiques  (p.  21-24)  et  de  documents  intrinsèques 
el  notariés  (p.  25-3o),  qui  démontrent  irréfutablement  que  Domenico  Colombo,  tisse- 
rand génois,  père  de  Christophe,  est  né  à  Quinto,  à  quelques  kilomètres  de  Gênes; 
qu'il  a  constamment  vécu  dans  l'enceinte  de  Gênes  du  i<î'' avril  1439  au  moins  jus- 
qu'au 28  septembre  1470,  et  après;  que  sa  femme  Susanna  Fontanarossa  est  née  au 
Bisagno,  dans  la  banlieue  de  Gènes;  que  Christophe  Colomb,  fils  aîné  de  Domenico 
et  de  Susanna,  naquit  dans  l'enceinte  de  Gênes  entre  le3i  octobre  1446  et  le  3 1  oc- 
tobre 145 1,  On  félicitera  vivement,  M.  Harrisse  d'avoir  ainsi  rétabli  la  vérité,  et 
l'entière  vérité;  on  dira  de  son  travail  ce  qu'il  dit  du  travail  [Le  berceau  de  Christo- 
phe Colomb  et  la  Corse),  de  l'abbé  Casablanca  qui  a  su  s'élever  au-dessus  de  l'a- 
mour-propre  de  clocher  :  «  C'est  à  la  fois  un  bon  livre  et  une  bonne  action  ». 

—  Nous  avons  reçu  de  la  librairie  Desclée  et  de  Brouwer  (Bruges,  1890.  In-S°, 
21 5  p.),  une  Vie  du  père  Damien,  de  la  congrégation  des  Sacrés-Cœurs,  par  le  R.  P, 
Philibert  Tauvel,  avec  une  introduction  de  son  frère  le  R.  P.  Pamphile  de  Veuster, 
de  la  même  congrégation.  Le  père  Damien  a  été  l'apôtre  des  lépreux  de  Molokai,  une 
des  îles  Sandwich. 

—  Dans  une  brochure  intitulée  Le  P.  Guevarre  et  la  fondation  de  l'hôpital  géné- 
ral d'Auch  («  Annales  du  Midi  »,  II,  i8go,  pp.  81-94),  M.  Ch.  Joret  prouve  que 
le  père  Guevarre  a  installé  l'asile  d'Auch  et  rectifie  certaines  inexactitudes  de  la  bio- 
graphie qu'il  avait  consacrée  au  charitable  jésuite. 

—  MM.  Henry  Carnoy  et  Alcius  Ledieu  fondent  une  Revue  du  N'ord  de  la  France 
(Paris,  rue  Vavin,  33;  une  livraison  de  32  pages  par  mois;  prix  de  l'abonnement 
annuel,  10  fr.,  et  pour  tous  les  fonctionnaires  civils,  ecclésiastiques  ou  militaires, 
8  fr.).  La  Revue  du  Nord  de  la  France  exclut  les  questions  politiques  et  religieu-.j 
ses;  elle  traitera  de  l'histoire  provinciale  ^t  de  l'histoire  locale,  n'oubliera  pas  liij 
langue  et  la  littérature  du  moyen-âge,  les  œuvres  des  trouvères,  les  mystères,  ieS' 
fabliaux,  les  beaux-arts,  le  folklore  ou  traditionnisme,  etc.  ;  ce  sera  «  une  revue  se-, 
rieuse  »  et  elle  demande  «  l'appui  et  la  collaboration  active  de  tous  les  travailleurs.  »• 

ANGLETERRE.  —  Vient  de  paraître,  à  Londres,  chez  MM.  Swan  Sonnenschein, 
a  short  Comparative  Grammar  of  Greek  and  Latin  for  Schools  and  Collèges,  by. 


i 


d'histoire  et  de  litteraturb  179 

Victor  Henry,  Deputy-Prof essor  of  Comparative  Philology  in  ihe  University  of 
Paris...,  Authori;(ed  translation  from  îhe  Second  French  Edition  by  R.  T.  EUiott, 
M.  A.,  Lecturer  in  Classics  and  Comparative  Philology  at  Trinily  Collège,  Mel- 
bourne. Cette  traduction,  exécutée  par  un  jeune  savant  qui  lui-même  eût  été  par- 
faitement capable  d'écrire  une  œuvre  originale,  et  revue  feuille  à  feuille  par  l'auteur, 
se  présente  au  public  anglais  sous  les  auspices  de  MM.  A.  H.  Sayce,  H.  Nettleship 
et  E.  R.  Wharton,  de  l'Université  d'Oxford. 

AUTRICHE.  —  Il  s'est  fondé  à  Vienne  une  Société  Grillparzer  ou  Grillpar^^erge- 
sellschaft,  qui  veut  mieux  faire  connaître  le  poète  par  la  création  de  bibliothèques, 
par  des  conférences  sur  Grillparzer,  par  des  représentations  de  ses  pièces,  par  la  pu- 
blication d'un  Annuaire  ou  Jahrbiich.  Le  président  de  la  Société  est  M.  Rob.  ZiM- 
mërmann;  les  membres  du  Comité  fondateur  sont  MM.  Carrière,  de  Munich,  Sauer, 
de  Prague,  Schœnbach,  de  Gratz,  Volkelt,  de  Wûrzbourg,  Levinsky,  Wilbrandt, 
Glossy.  L'ami  de  Grillparzer,  Bauernfeld,  a  été  nommé  premier  membre  d'honneur. 
Adresser  les  adhésions  à  M.  Em.  Reich,  Vienne,  II,  Czerningasse,  7. 

—  M.  K.  Patsch  vient  de  publier  une  étude  de  douze  pages  (Pragtie,  Ehrîich)  sur 
le  premier  mariage  de  Wallenstein,  Albrecht  von  Waldsteins  erste  Heirat. 

SUISSE.  —  La  Société  d'histoire  suisse  a  l'intention  de  donner  une  nouvelle  édi- 
tion de  y  Urbaire  autrichien  qui  date  du  roi  Albert  et  que  Pfeiffer  avait  publié  en 
i85o  dans  la  collection  de  la  Société  littéraire  de  Stuttgart.  Elle  fait  appel  aux  direc- 
teurs d'archives  et  de  bibliothèques,  ainsi  qu'aux  particuliers  qui  poun  aient  fournir 
des  pièces  complémentaires.  Ces  pièces  devraient  être  adressées  à  la  direction  des 
archives  d'État  du  canton  de  Zurich.  Des  communications  sur  l'auteur  présumé  de 
rUrbaire,  Burcard  de  Frick,  seraient  aussi  les  bienvenues. 

—  Le  XVII«  tascicule  (Ville  fasc.  du  deuxième  volume)  du  Schwei^erisches  Idioti- 
kon,  de  MM.  Fr.  Staub,  L,  Tobler,  R.  Schoch  et  H.  Bruppacher,  vient  de  paraître 
(Frauenfeld,  Huber)  ;  il  va  de  halb  à  hin. 

—  La  Bibliothèque  Universelle  et  Revue  Suisse  est  bien  près  d'être  centenaire  ; 
elle  entre  dans  sa  95^  année. 


ACADEMIE   DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  21  février  18 go. 

M.  Flandin,  consul  de  France,  écrit  à  l'Académie  que,  pour  se  conformer  aux  dé- 
sirs de  son  père,  M.  Flandin,  décédé  en  septembre  dernier,  il  se  propose  d'oftrir  à 
l'Institut  les  dessins  et  notes  recueillis  par  celui-ci  au  cours  des  fouilles  dont  il 
avait  été  chargé  par  le  gouvernement. 

M.  Senart  met  sous  les  yeux  des  membres  de  l'Académie  les  reproductions  de 
quelques  statues,  de  style  gréco-indien,  découvertes  récemment  par  le  capitaine 
Deane,  dans  les  fouilles  dirigées  par  lui  à  Sikri,  dans  la  vallée  du  tlcuve  de  Caboul. 
Une  des  statues  représente  un  type  absolument  nouveau,  celui  du  bouddha  émacié 
par  les  austérités  auxquelles  il  se  livre,  avant  d'obtenir  l'intelligence  parfaite.  11  si- 
gnale en  même  temps  une  inscription  publiée  dans  un  des  derniers  numéros  de 
VIndian  Antiquary .  Elle  accompagnait  une  sculpture  de  style  indo-grec.  M.  Senart  en 
reciihe  la  lecture,  mais  il  constate  que  la  date  reste  provisoirement  douteuse,  à  cause 
de  l'insuffisance  du  fac-similé.  Il  riutache  à  ce  monument  quelques  observations  gé- 
nérales au  sujet  de  l'influence  que  l'art  classique  peut  avoir  exercée  sur  l'art  indien. 
11  estime  que  M.  Fergusson  a  trop  rabaissé  l'âge  de  bien  des  sculptures  ou  autres 
monuments  gréco-inaiens  du  nord-ouest  de  l'Inde  :  à  son  avis,  c'est  l'hellénisme 
arsacide  qui  a  été  l'intermédiaire  principal  entre  l'Orient  et  l'Inde,  et  c'est  au  i'''  et 
au  u<=  siècle  de  notre  ère,  au  temps  de  la  domination  puissante  de  Kanishka  et  de 


l8o  REVUE   CRITIQUE   d'hISTOIRE    ET    DE   LITTERATURE 

ses  successeurs,  que  l'influence  occidentale  s'est  exercée,  sur  l'art  indien,  de  la  façon 
la  plus  sensible.  C'est  aussi  à  la  même  époque  que  doivent  appartenir  les  œuvres 
les  plus  importantes  et  les  plus  caractéristiques  qui  nous  ont  été  conservées  de  la 
sculpture  indo-scythique. 

M.  Edmond  Le  Blant  signale  deux  communications  qui  viennent  d'être  faites  à 
l'Académie  d'archéologie  chrétienne  à  Rome. 

On  sait  que  souvent  les  prières  prononcées  sur  les  tombes  des  religieuses 
rappellent  la  parabole  des  dix  vierges;  il  en  est  de  même  de  leurs  épitaphes.  La  dé- 
funte y  est  comparée  aux  vierges  sages  et  l'on  prie  le  Seigneur  de  lui  donner  une 
rlace  au  milieu  d'elles  Une  fresque  des  catacombes  romaines,  signalée  autrefois  par 
Bosio  et  récemment  examinée  à  nouveau  par  M"  Wilpert,  témoigne  de  la  même 
pensée.  Au  milieu  du  tableau  tigure  une  femme  en  prièie,  au-dessus  de  laquelle  est 
écrite  son  épitaphe;  à  sa  droite  sont  les  cinq  vierges  portant  des  flambeaux  allumés; 
à  gauche,  selon  la  gravure  de  Bosio,  on  les  verrait  encore  toutes  cinq  assises  au 
banquet  céleste  11  a  été  reconnu  qu'ici  la  gravure  reproduit  mal  la  fresque  :  quatre 
vierges  seulement  sont  assises  au  festin  et  réservent  la  place  vide  à  la  défunte  de- 
bout devant  elles.  C'est  un  fait  nouveau  dans  l'iconographie  chrétienne.  Il  y  a  là 
comme  une  traduction  faite  pour  les  yeux  des  vœux  exprimés  par  cette  prière  du 
sacramentaire  de  saint  Gélase,  Transeat  in  numerum  sapientium  puellarum,  et  par 
les  oraisons  nombreuses  où  l'on  demande  à  Dieu,  pour  les  morts,  une  place  au  fes- 
tin céleste. 

Dans  les  fouilles  de  Saint-Valentin,  à  Rome,  M.  Marucchi  a  trouvé  un  fragment 
d'inscription  où  il  faut  reconnaître,  semble-t-il,  l'épitaphe  d'un  juif  converti,  qui 
aurait  changé  de  nom  au  baptême. 

locus?  PascaSïl 

Q.VI  NOMEN  HABVIT  IVDA 

....zDVS  SEPTembns 

M.  Lecoy   de  la  Marche  lit  une   notice  intitulée  :  le  Bagage  d'un  étudiant  en 

Un  boursier  de  Sorbonne,  Guillaume  de  Vernet,  ayant  été  trouvé  mort  près  de 
Château-Landon,  sur  la  route  de  Nevers  à  Paris,  en  1347,  on  inventoria  dans  le 
plus  grand  détail  ses  effets,  son  costume  et  tout  ce  qu'il  portait  sur  lui.  On  trouva 
dans  ses  valises  des  vêtements,  des  livres,  divers  ustensiles  tels  que  des  couteaux, 
une  écritoire,  des  tablettes  d'ivoire  sculptées,  son  testament,  l'adresse  de  sa  chambre 
à  Paris,  un  nécessaire  de  voyage  contenant  des  ciseaux,  un  cure-dents  d'argent,  un 
canif,  un  peigne  d'ivoire,  etc.  La  description  de  tous  ces  objets,  jointe  à  l'énuméra- 
tion  des  pièces  de  monnaie  que  l'étudiant  avait  dans  sa  bourse,  fournit  les  plus  cu- 
rieux renseignements  sur  la  manière  dont  s'habillaient  et  voyageaient  les  écoliers 
aisés  du  xiv  siècle. 

M.  James  Darmesteter,  professeur  au  Collège  de  France,  commence  la  lecture  d'un 
travail  intitulé  :  La  grande  insaiption  de  Kandahar. 

M.  Violiet  continue  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  le  régime  successoral 
appelé  tanistry. 

Ouvrages  présentés  :  par  M.  Gaston  Paris  :  Darmesteter  (Arsène),  Reliques  scien- 
tifiques, recueillies  par  son  frère;  —  par  M.  Delisle  :  Lettres  de  Peiresc  aux  frères 
Dupuy,  publiées  par  Ph.  Tamizev  de  Larroque,  tome  II;  —  par  M.  Oppert  :  Keil- 
inschriftliclie  Bibliothek,  herausgegeben  von  Eberhard  Schrader. 

Julien  Havet. 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  12  février  18 go. 

M.  L.  Courajod  en  présentant  une  histoire  de  l'abbaye  d'Orbais  (Marne),  par  Dom 
du  Bout,  publiée  par  M.  Et.  Héron  de  Villefosse,  insiste  sur  l'importance  des  docu- 
ments mis  au  jour  dans  ce  volume  et  sur  les  faits  nouveaux  qu'ils  révèlent  au  sujet 
du  grand  mouvement  historique  dont  on  est  redevable  aux  bénédictins  du  xvii°  siè- 
cle. 

M.  le  Président  annonce  la  présence  à  la  séance  de  M.  A.  Evans,  fils  de  M.  John 
Evans,  associé  étranger  de  la  Société.  M.  A.  Evans  présente  un  petit  bronze  antique, 
représentant  un  bélier  couché  qui  a  peut-être  servi  d'encrier. 

M.  Evans  présente  en  même  temps  trois  médaillons  d'argent  de  Syracuse. 

M.  Audollent  met  sous  les  yeux  des  membres  de  la  Société  plusieurs  photogra- 
phies qu'il  a  laites  au  cours  o'une  récente  mission  en  Algérie.  L'une  de  ces  photo- 
graphies représente  l'Afrique  personnifiée,  les  trois  autres  une  victoire  ailée.  Ces 
deux  objets  appartiennent  au  Musée  de  Consiantine. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 
Le  Puy^  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


Il 


i\ 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N»  10  —  10  mars  —  1890 


Sommaire  :  i2o.  Le  livre  d'amour  de  Tirouvallouva,  trad.  par  Barrigue  de  Fon- 
TAiNiEU.  —  12  1.  Breusing,  La  solution  de  l'énigme  de  la  trière.  —  122.  De  La 
Ville  de  Mirmont,  La  Moselle  d'Ausone.  —  125.  Olivier  de  La  Haye,  p.  p.  Gui- 
GUE.  —  124.  Lesigne,  Jeanne  d'Arc.  —  126.  Zdekauer,  Etudes  sur  Pisloie. — 
126.  PouY,  La  baron  Hogguer.  —  127-129.  Aulard,  Actes  du  Comité  de  salut 
public,  H;  La  Société  des  Jacobins,  1;  Mémoires  de  Louvet.  —  i3o.  Richet,  La 
chaleur  animale.  —  i3i.  Falsan,  La  période  glaciaire.  —  i'i2.  Beaunis,  Les 
sensations  internes.  —  Correspondance.  —  Chronique.  —  Académie  des  Ins- 
criptions. —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


120.  —  B.e  BJvre   do  I'Ajuoui-  de  Tirouvallouva,  traduit   du   tamoul  par  G.  de 
Barrigue  de  Fontainieu.  Paris,  Alphonse  Lemerre,  1889,  in-8,  xix,  124  pages. 

Ce  «  Livre  de  l'Amour  »  n''est  que  la  troisième  section  des  Koural 
de  Tirouvallouva,  l'ouvrage  qui,  dans  Tlnde  dravidienne  et  méridio- 
nale, répond  à  peu  près  au  Livre  de  Manou  de  Tlnde  aryenne,  bien  que 
en  différant  notablement  et  construit  sur  lin  tout  autre  plan.  Koural 
signifie  «  vers  »  ou  «  distiques»;  Toeuvre  de  Tirouvallouva  se  compose 
de  i,3oo  de  ces  distiques,  groupés  10  par  10;  ce  qui  fait  que  l'ouvragé 
entier  compte  i3o  chapitres.  L'économie  de  ce  poème  moral  repose  sur 
ce  qu'on  appelle  en  sanscrit  le  trivarga,  c'est-à-dire  les  trois  conditions 
de  la  vie  humaine  :  le  devoir  —  les  affaires  —  l'amour.  C'est  de  cette 
troisième  partie  qu'on  nous  offre  aujourd'hui  une  traduction  nouvelle. 
Pourquoi  la  troisième  partie?  Avons-nous  ici  le  début  d'un  travail 
qui  commence  par  la  tin?  Ou  s'agii-il  du  choix  exclusif  de  cette  partie 
du  texte  tamoul?  Et,  dans  ce  cas,  pourquoi  cette  préférence?  A-t-on 
voulu  combler  les  lacunes  des  traductions  anglaises  faites  par  des  mis- 
sionnaires qui  ont  cru  devoir  «  expurger  »  les  Koural?  Mais  Lamairesse 
avait  déjà  pris  ce  soin;  il  nous  a  donné  une  traduction  complète.  Je 
n'insiste  pas;   mais  je  ne  puis  me  dispenser  de  faire  des  réserves  sur 
l'excuse  qui  termine  l'avant-propos  :  lasciva  pagina...    vita    proba. 
Je  ne  crois  pas  que  la  réserve  dans  la  conduite  dispense  de  la  réserve 
dans  le  langage.  On  peut,  avec  une  pareille  excuse,  autoriser  bien  des 
excès. 

Si  la  peinture  que  Tirouvallouva  fait  de  l'amour  est  caractérisée  par 
de  grandes  hardiesses,  il  faut  dire  aussi  qu'elle  est  présentée  sous  une 
forme  originale  et  dramatique;  c'est  toute  une  histoire  qui  se  déroule, 
soit  en  monologues,  soit  en  dialogues,  entre  l'Epoux  (ou  l'amant), 
l'Epouse  (ou  l'amante)  et  la  confidente  de  celle-ci.  Venant  le  second,  le 
traducteur  s'est  attaché  à  serrer  le  texte  de  très  près  ;  il  a  surtout  visé  à 
Nouvelle  série,  XXIX.  ,  lo 


l82  REVUE  CRITIQUE 

l'exactitude,  et,  par  là,  il  a  évité  les  défauts  de  la  traduction  de  Lamai- 
resse,  généralement  prolixe  et  tournant  à  la  paraphrase.  Mais,  par  cela 
même,  il  n'a  pas  toujours  pu  éviter  l'obscurité,  de  sorte  que,  en  plus 
d'une  rencontre,  son  devancier  a  sur  lui  l'avantage  de  Taisance  et  de 
l'élégance,  sinon  d'une  rigoureuse  exactitude.  Le  lecteur  sera  peut-être 
bien  aise,  tant  pour  se  faire  une  idée  de  l'auteur  que  pour  apprécier  les 
mérites  respectifs  des  traducteurs,  de  lire  parallèlement  quelques-unes 
de  ces  sentences. 


Lamairesse.  B.  de  Fontainieu. 


De  même  que  les  ténèbres,  pour  se  ré-  De  même  que  la  nuit  apparaît  à  la  fin 

pandre,  attendent  la  disparition  de  l'astre  du    jour,   de    même  survient  la   pâleur, 

du  jour,  de  même  la  pâleur  profite  de  lorsque  cessent  les  étreintes  de  l'époux 

l'éloignement  de  mon  époux  pour  couvrir  (p.  43}. 
mon  corps  <p.   189). 

Les  larmes  de  douleur  que  vous  arrache  Tu  songes  à  celui  qui  s'en  est  allé  au 

le  souvenir  de  votre  mari  absent  ont  dé-  loin,   nous   laissant  dans   l'affliction,   et 

truit  l'éclat  de  vos  yeux;  aujourd'hui  il  tes  yeux  sont  honteux  des  fleurs  odori- 

est  éclipsé  par  celui  des  nénuphars  qu'il  férantes  !...  (p.  61). 
surpassait  autrefois  (p.  194). 

La  bouderie  de  celles  qui  nous  chéris-  L'eau    sous    un    ombrage    est   douce; 

sent   est  aussi  délicieuse  que  l'eau  cou-  chez  les   amants   la  bouderie   est  douce 

lant  sous  l'ombrage  (p.  204).  (p.  91). 

Je  lui  dis  :  Il  n'est  point  d'amour  égal  «  Nous    nous  aimons  plus    que    per- 

au  nôtre.  Aussitôt  elle  me  boude,  se  mé-  sonne  »  ai-je  dit.  Elle  est  devenue  bou- 

prenant  sur  le  sens  de  mes  paroles  (p,  deuse   répétant  :  «  Plus    que    personne, 

^oS).  plus  que  personne  »  (p.  94). 


i 


i 


Evidemment,  la  traduction  nouvelle  réfléchit  mieux  le  texte  original;! 
elle  est  essentiellement  consciencieuse  et  fidèle.   Néanmoins,  le  lecteurfl 
qui  a  entre  les  mains  la  traduction  antérieure  y  recourra  quelquefois 
volontiers. 

M.  B.  de  F.  a  mis  à  la  suite  du  «  Livre  de  l'Amour  »  quelques  cha- 
pitres du  Naiadiyar,  autre  traité  de  morale  en  tamoul,  et  des  notes  peu 
nombreuses,  brèves,  mais  substantielles,  dont  quelques-unes  sont  expli- 
catives, mais  se  référant  pour  la  plupart  à  des  variantes  ;  ce  qui  indique 
le  soin  avec  lequel  ce  travail  a  été  fait.  Le  volume  est  accompagné  d'un 
portrait  de  Tirouvallouva. 

On  lira  avec  intérêt  la  savante  notice  que  M.  Julien  Vinson  a  mise  I 
comme  avant-propos  en  tête  du  travail  de  son  élève.  Il  y  traite,  entre 
autres  questions,  de  la  personnalité  de  Tirouvallouva,  dont  le  nom, 
ordinairement  traduit  :  «  divin  paria  »,  semble  désigner  un  homme  de 
condition  très  infime.  M.  Vinson  pense  que  cette  interprétation  est 
sujette  à  caution  et  que  la  légende  qui  s'y  rattache  n'est  guère  admis- 
sible. Toute  sa  discussion  peut  se  résumer  dans  cette  phrase  :  la  vérité 
est  que  nous  ne  savons  rien  de  positif  sur  l'auteur  des  Koural  (p.  xn). 
Tirouvallouva,  en  effet,  semble  désigner,  comme  Manou,  un  personnage 
indéterminé. 

L.  Feer. 


d'histoire  et  de  littérature  i83 

12  1.  —  Dîe  Lœsung  des  Xrierenrsetsels,  die  Irrfahrten  des  Odysseus  nebst 
Ergaenzungen  und  Berichtigungen  zur  Nautik  der  Alten,  v.  Dr.  A.  Breusing, 
Direktor  der  Seefahrtschule  iu  Bremen.  Bremen,  C.  Schûnemann,  i88g,  in-8, 
VI-124  p. 

M.  A.  Breusing  vient  d'ajouter  trois  nouveaux  chapitres  à  sa  Nautik 
der  Alten  ^  Comme  il  joint  à  une  connaissance  approfondie  des  choses 
de  la  mer  un  grand  souci  de  l'information  philologique,  c^est  actuel- 
lement rhomme  qu'il  y  a  le  plus  d'intérêt  à  écouter  dans  le  dialogue  qui 
se  poursuit  sur  l'archéologie  navale,  entre  les  marins  et  les  philologues 
de  profession. 

Laissant  de  côté  le  chapitre  x  consacré  â  relever  des  attaques  souvent 
injustifiées  ^,  et  le  chapitre  xi  sur  la  géographie  nautique  d'Homère, 
j'arrive  à  la  partie  capitale  du  livre,  la  solution  de  l'énigme  de  la  trière 
(ch.  XII),  Cette  solution,  la  voici  : 

Les  trières  des  anciens  présentaient  trois  files  horizontales  superpo- 
sées de  sabords  de  nage,  et  étaient  pourvues  de  trois  garnitures  de  rames 
différentes  par  les  dimensions  et  le  poids.  Les  plus  courtes  étaient  ac- 
tionnées par  les  matelots  encore  inexpérimentés,  les  thalamites  ;  les 
moyennes,  par  les  zygites  déjà  plus  habiles;  les  plus  longues  et  les  plus 
lourdes  par  les  marins  les  plus  expérimentés,  les  thranites.  Chaque 
rame  était  manceuvrée  par  un  seul  homme,  et  il  n'y  a  jamais  eu  plusieurs 
rameurs  assis  sur  un  même  banc. 

Mais  —  sauf  peut-être  pour  la  parade  —  il  n'y  a  jamais  eu  plu- 
sieurs rangs  de  rameurs  superposés  manœuvrant  ensemble. 

L'invention  de  la  trière  par  les  Corinthiens  a  consisté  en  ceci  :  ayant 
remarqué  que  dans  une  mer  agitée  les  avirons  bas  sur  l'eau  étaient  diffi- 
ciles à  manier,  ils  garnirent  leurs  navires  de  trois  rangs  de  sabords 
ayant  chacun  des  rames  de  dimensions  de  plus  en  plus  grandes  :  en  eau 
calme,  on  se  servait  des  rames  inférieures;  en  temps  de  houle,  des  rames 
moyennes;  en  haute  mer  et  dans  les  batailles,  c'est  la  rangée  supérieure 
d'avirons  qu'on  utilisait,  en  bouchant  avec  des  askômes  les  sabords  infé- 
rieurs, si  bien  qu'il  n'y  avait  jamais  qu'une  file  de  rames  en  action. 


1.  V.  Revue  critique  àw  5  mars  iSSS,  p.  186-92. 

2.  P.  6.  Le  passage  de  Thucyd.  7,  12,  est  bien  expliqué  au  point  de  vue  nautique; 
mais  ïïôsroTat  ne  signifie  pas  que  les  équipages  ont  souffert  du  manque  de  nourriture. 
Le  mot  est  expliqué  plus  loin  :  ils  ont  été  décimés  par  la  cavalerie  ennemie  en 
s'éloignant  pour  aller  au  bois,  à  la  maraude,  à  l'eau.  P.  g  sq.  Voici,  selon  moi,  le 
sens  du  passage  d'Aristoph.  Cheval,  v.  409-441.  Kléon.  Je  vais  souffler  en  tem- 
pête... Mardi,  de  saucisses  :  Eh!  bien,  je  carguerai  mes  saucisses  (plaisanterie  pour 
mes  voiles)  et  je    fuirai    devant  le  flot...  Démosth.  Et  moi    je  veillerai   à  la  sentine, 

si  ie  navire  fait  eau Démosth.  Attention!   Mollis  l'écoute;  il  souffle  en  vent 

du  N.-E Démosth.  Lâche  tes  cargues!  Le  vent  souffle  moins  fort.  —  Ce  sont-là 

tout  simplement  les  précautions  et  les  commandements  du  capitaine  qui  essuie  un 
grain.  P.  16.  Dans  Aristoph.  Cheval,  'jbcj  et  Plutarq.  Pomp.  y3  le  verbe  :iaîc/.Sâ//stv 
n'est  pas  suffisamment  traduit  par  gouverner  vers;  il  signifie  venir  bord  à  bord; 
cf.  Polyb.  1,  22,  0  et  i5.  2,  12. 


184  REVUK   CRITIQUE 

Il  n'y  avait  pas  un  nombre  d'hommes  correspondant  au  nombre  des 
avirons.  On  pouvait  équiper  une  trière  avec  cinquante,  cent  rameurs. 
On  mettait  au  besoin  des  zygites  sur  les  rames  thranites  ou  sur  les  rames 
thalamites,  des  thalamites  sur  les  rames  zygites. 

Tel  est  ce  système;  il  me  semble  inacceptable  pour  les  raisons  sui- 
vantes : 

1°  Sans  doute  les  monuments  figurés  ne  doivent  être  consultés  qu'avec 
circonspection,  et  il  faut  tenir  compte  des  inexactitudes  que  l'auteur  a 
commises  soit  par  l'insuffisance  des  moyens  d'exécution,  soit  par  parti- 
pris,  soit  par  ignorance.  Mais  dans  la  trière  de  l'acropole  qui  est  un 
relief  de  la  bonne  époque,  je  ne  saurais  voir,  comme  ledit  M.  Breusing, 
une  simple  image  d'Epinal ;  or,  sur  la  photographie  que  j'en  possède 
et  sur  le  moulage  qui  se  trouve  à  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  les  trois  rangs 
de  rames   me   paraissent   nettement  visibles  :  celles  du  rang  inférieur 
sont  même  munies  de  leurs  askômes.  La  seule  difficulté,  c'est  que,  sauf 
les  rames  thranites,  elles  ne  semblent  pas  extérieures  aux  préceintes 
hori:{ontales ;  cela  peut  tenir  à  ce  que  Tartiste  n'a  pas  voulu  les  mettre 
sur   le  même  plan  que  les  rames  thranites.  —  Sur  deux  fragments  de 
vases  d'époque  primitive  représentant  des  navires  %  on  voit  très  nette- 
ment en  action  deux  rangs  de  rameurs  superposés;  ici  la  naïveté  même 
du  peintre  nous  garantit  suffisamment  contre  tout  soupçon  de  fantaisie, 
2"^  Dans  Polyen  5,   22,  4,  Diotimos  débarque  une  partie  de  ses  équi- 
pages  qu'il  place  en  embuscade  pour  surprendre  Fennemi.    Le  lende- 
main, atîn  qu'on  ne  s'aperçoive  pas  du  lait,  il  ordonne  à  ses  rameurs 
d'actionner  tantôt  un  rang  de  rames,  tantôt  un  autre.  Dans  quel  but? 
Pour  que  l'ennemi  pense  que  tous  les  rameurs  thranites,  zygites  et 
thalamites  sont  à  leur  poste,  et  que,  s'ils  n'agissent  pas  tous  ensemble, 
c'est  parce  qu'on  exécute  des  manœuvres  particulières,  mais  qu'au  mo- 
ment voulu  ils  donneront  tous  à  la  fois.  Si  on  n'avait  jamais  manœu- 
vré qu'un  rang  de  rames  à  la  fois,  où  serait  la  ruse?  — Un  passage 
particulièrement  concluant,  c'est  celui  de  Xénophon  Hellén.  2,  i,  18. 
Une  flotte  est  surprise  pendant  que  les  équipages  sont  à  terre:  on  rembar- 
que à  la  hâte  le  plus  de  monde  possible,  mais  il  faut  combattre  avant  que 
tous  les  matelots  soient  à  bord,  de  sorte  que  parmi  les  trières  les  unes  ne 
pouvaient  actionner  que  deux  rangs  de  rames,  les  autres  un,  et  que  les 
autres  étaient  tout  à  fait  vides,  «  a?  \iv>  twv  v£wv  c(-/.poTC'.  Yicrav,  œ.  ci  H-ivô-,» 
•/.pc-cc,  aï  o£  TcavTEAû;  7.îvx(.  m  Dans  le  système  de  M.  B.  où  est  le  désavan-j 
tage  pour  les  deux  premières  catégories  de  navires,  puisqu'on  ne  met-j 
tait  jamais  en  mouvement  qu'un  rang  de  rames  à  la  fois? 

3°  Les  historiens  et  les  scholiastes  nous  parlent  toujours  des  thranites,! 
des  zygites  et  des  thalamites  comme  de  classes  de  matelots  distinctes. |j 
Pourquoi  ces  dénominations  si  persistantes, si  les  rames  thranites  avaient* 
été  manœuvrées  aussi  bien  par  les  zygites  que  par  les  thranites  propre- 
ment dits,  les  rames  thalamites  par  les  zygites  aussi  bien  que  par  les- 

j.  De  quelques  représentations  de  navires...  p.  A.  Cartault,  pi.  4. 


I 


d'histoire  et  de  littérature  i85 

thalamites?  On  aurait  simplement  distingué  les  vieux  matelots  et  les 
jeunes;  or,  ce  n'est  pas  ce  qui  a  lieu. 

En  résumé,  M.  B.  a  rompu,  à  la  fin  de  son  livre,  l'accord  si  heureu- 
sement inauguré  dans  le  reste,  entre  la  philologie  et  la  science  nau- 
tique. La  raison  qui  l'a  déterminé  à  prendre  une  résolution  aussi 
grave  est  particulièrement  la  suivante  :  «  Il  est  impossible,  dit-il,  de 
faire  manœuvrer  en  même  temps,  avec  ensemble,  des  avirons  de  dmien- 
sions  aussi  différentes  que  ceux  des  trières  :  il  y  a  là  une  impossibilité 
matérielle,  —p.  83,  eine  thatsiichliche  Unmoglichkeit  »,et  sur  une  pa- 
reille question  le  dernier  mot  doit  appartenir  au  marin. 

Sur  ce  terrain  je  ne  puis  suivre  M.  B.  n'étant  pas  moi-même  suffi- 
samment compétent.  Toutefois,  je  remarque  que  la  figure  de  la  page 
1 15,  qui  sert  à  la  démonstration,  me  semble  fautive.  Si  la  poignée  de 
la  rame  inférieure  décrit  dans  le  mouvement  de  la  nage  une  course  de 
deux  pieds,  pourquoi  supposer  que  la  poignée  de  la  rame  supérieure 
doit  nécessairement  en  décrire  quatre?  Les  bras  de  l'homme  sont  une 
quantité  invariable  ;  que  la  rame  supérieure  soit  plus  longue  et  plus 
lourde,  l'amplitude  du  mouvement  de  la  poignée  sera  toujours  la 
même.  Le  mouvement  du  rameur  supérieur  ne  sera  pas  plus  étendu, 
il  sera  simplement  plus  lent;  mais  qui  empêche  le  rameur  inférieur  le 
se  régler  sur  ce  mouvement? 

Je  persiste  à  croire  que  la  solution  du  problème  doit  être  cherchée 
ailleurs  :  en  ne  superposant  pas  les  files  horizontales  de  rameurs  dans 
un  plan  vertical,  mais  en  rapprochant  de  plus  en  plus  les  files  supé- 
rieures de  l'axe  longitudinal  du  navire,  en  plaçant  les  rameurs  corres- 
pondants de  deux  files  horizontales  de  manière  que  le  premier  de  la 
file  supérieure  soit  un  peu  en  avant  ou  en  arrière  du  premier  de  la 
file  immédiatement  inférieure  et  ainsi  de  suite,  on  doit  pouvoir  cons- 
truire un  navire  qui  ne  soit  pas  trop  élevé  sur  l'eau  et  dont  les  avirons 
n'aient  pas  des  dimensions  trop  inégales  pour  ne  pas  rompre  la  ca- 
dence   '.    Ce   n'est  pas  mon  affaire   de  donner  des  chiffres;    mais  je 

I .  C'est  là  la  disposition  que  je  considère  comme  la  disposition  antique  ;  si  elle  a  été 
abandonnée  au  moyen-âge,  c'est  qu'elle  offrait  des  inconvénients.  Or,  prenez  dans  la 
trière  le  thranite,  le  zygite  et  le  thalamite  correspondant  de  chaque  file,  et,  au  lieu 
de  les  placer  sur  des  sièges  de  hauteurs  différentes,  placez-les  sur  un  même  banc 
oblique  à  la  quille  du  navire  (ils  étaient  déjà  en  ordre  oblique  ;  vous  n'avez  fait  que 
supprimer  la  hauteur):  vous  aurez  un  des  bancs  de  la  galère  du  moyen-âge,  armée 
de  rames  alla  Zeuj^ile.  Maintenant  que  les  trois  rameurs  sont  sur  le  même  banc,  on 
peut  remarquer  qu'au  lieu  d'actionner  trois  avirons  légers,  ils  actionneront  plus 
utilement  un  seul  aviron  de  grandes  dimensions  ;  vous  aurez  un  nouveau  système, 
les  galères  armées  de  rames  alla  Scaloccio.  Entre  les  trois  systèmes,  ils  n'y  a  pas 
d'interruption  logique,  mais  un  passage  rationnel  de  l'un  à  l'autre.  En  réalité,  on 
n'a  pas  procédé  aussi  simplement,  puisque  les  anciens  ont  d'abord  exagéré  la  su- 
perposition en  hauteur  des  rangs  de  rameurs  pour  arriver  aux  polyères  ;  celles-ci 
n'ayant  pas  répondu  aux  espérances  qu'on  avait  conçues,  on  en  est  revenu  à  des 
navires  plus  simples,  mais  reposant  toujours  sur  l'étagement  des  files  horizontales 
de  rameurs  —  aux    liburnes  de  la  Dalmatie  et  aux  dromons  byzantins.  De  ceux-ci 


l86  RKVUE   CRITIQUR 

souhaite  vivement  que  M.  Breusing  examine  de  nouveau  le  problème 
avec  ces  données;  il  est  plus  capable  que  personne  de  le  résoudre  ;  mais 
actuellement,  ce  n'est  pas  la  solution  qu'il  nous  en  donne;  c'en  est  la 
négation. 

A.  Gartault. 


I 


122. —  D.  M.  Ausonii  Mosella,  La  Moselle  d'Ausone,  édition  critique  et  tra- 
duction française  précéde'es  d'une  introduction,  suivies  d'un  commentaire  expli- 
catif et  ornées  d'une  carte  de  la  Moselle  et  de  fac-similés  d'éditions  anciennes, 
par  H.  DE  LA  Ville  de  Mirmont,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  Lettres 
de  Bordeaux.  Bordeaux,  imprimerie  Gounouilhou,  1889. 

M.  de  la  Ville  de  Mirmont,  qui  s'occupe  depuis  plusieurs  années 
d'Ausone  et  qui  a  sur  la  Moselle  une  thèse  en  préparation,  nous  donne 
aujourd'hui  un  avant-goût  de  son  travail  en  faisant  paraître  une  édition 
du  poème.  En  un  temps  où  les  éditeurs  sont  généralement  peu  disposés 
à  publier  les  textes  antiques  avec  tout  l'appareil  de  la  science,  ou  du 
moins  ne  se  résignent  à  le  faire  que  pour  certains  ouvrages  classiques, 
inscrits  sur  les  programmes  universitaires,  nous  ne  saurions  trop  féli- 
citer M.  de  la  V.  de  M.  de  la  confiance  qu'il  a  su  inspirer  au  proprié- 
taire du  journal  la  Gironde  à  Bordeaux,  ni  assez  faire  honneur  à  M. 
Gounouilhou  du  désintéressement  scientifique  qu'il  a  montré.  LaMoselle 
est  imprimée  non  seulement  avec  un  soin  scrupuleux  et  une  correction 
rare,  mais  encore  avec  luxe,  dans  un  format  élégant  et  en  caractères 
choisis,  propres  à  réjouir  Tœil  d'un  bibliophile.  Nous  ne  sommes  pas 
habitués  à  voir  ainsi  traiter  les  auteurs  anciens  avec  les  mêmes  hon- 
neurs typographiques  que  nos  poètes  à  la  mode. 

Une  substantielle  introduction  de  275  pages  ouvre  le  volume.  Dans 
une  première  partie,  M.  de  la  V.  de  M.  donne  la  liste  des  manuscrits 
qui  ont  conservé  le  texte  de  la  Moselle  ;  il  en  étudie  l'origine  et  les 
classe  suivant  leur  valeur  relative,  avec  un  relevé  des  diflérentes  leçons 
particulières  à  chacun  d'eux,  d'après  les  recensions  de  Boecking,  de 
Schenkl  et  de  Peiper.  La  seconde  partie  est  beaucoup  plus  développée; 
c'est  aussi  la  plus  personnelle.  Grâce  à  la  complaisance  de  plusieurs 
bibliophiles  et  philologues  bordelais,  entre  autres  de  M.  Dezeimeris, 
l'auteur  a  pu  avoir  entre  les  mains  la  plupart  des  éditions  de  la  Moselle 
parues  depuis  trois  siècles.  Il  les  a  coUationnées  avec  un  soin  méticu- 
leux, notant  jusqu'aux  variantes  orthographiques  et  jusqu'aux  fautes 
d'impression,  cherchant  pour  chacune  d'elles  à  déterminer  le  manuscrit 
qui  a  servi  de  base  et  appréciant  la  valeur  du  texte  ^.  Une  partie  de  ce 
travail  avait  déjà  été  faite  par  Boecking,  Schenkl  et  Peiper;  mais,  en  le 

aux  galères  du  moyen-âge  le  passage  s'est  fait  comme  je  l'ai  indiqué.  Il  y  a  là  une 
marche  logique  qui  me  paraît  jeter  un  jour  singulier  sur  l'ensemble  de  l'histoire  de 
la  marine  à  rames. 

I .  Pour  toutes  les  éditions  importantes,  M.  de  la  V.  de  M.  donne  un  fac  similé  du 
titre  ou  de  la  première  page. 


D^HISTOIRE   ET   DE    LITTERATURE  187 

reprenant  dans  le  détail,  M.  de  la  V.  de  M.  a  constaté  bien  des  erreurs, 
des  omissions,  des  inexactitudes.  En  ce  qui  concerne  la  filiation  des  édi- 
tions, son  étude  est  surtout  intéressante.  Elle  rectifie  en  efTet  des  préjugés 
fâcheux  et  détruit  certaines  réputations  usurpées,  notamment  celle  de 
Scaliger  comme  éditeur  et  commentateur  d'Ausone.  M.  de  la  V.  de  M. 
ne  ménage  pas  Scaliger  et,  toutes  les  fois  qu'il  en  a  Toccasion,  il  ne 
manque  pas  de  le  fustiger  (p.  cxxiii-clxiv;  cf.  p.  90).  Rien  de  plus 
curieux  que  la  longue  et  instructive  comparaison  qu'il  établit  entre 
l'œuvre  de  Scaliger  et  celle  de  Vinet,  comparaison  qui  est  tout  à 
riionneur  de  celui-ci. 

Pour  établir  son  texte,  M.  de  la  V.  de  M.,  à  l'exemple  de  Boecking, 
de  Schenkl  et  de  Peiper,  se  fonde  principalement  sur  le  Satigallensis, 
mais  sans  s^astreindre  à  le  suivre  toujours.  Plusieurs  leçons  sont  em- 
pruntées aux  autres  mss.,  en  particulier  au  Bruxellensis  et  au  Rhenau- 
giensis.  Cette  méthode  est  légitime,  les  cinq  mss.  de  la  Moselle  déri- 
vant plus  ou  moins  directement  d'un  archétype  commun  et  pouvant  par 
conséquent  se  compléter  ou  se  rectifier  l'un  par  l'autre.  C'est,  du  reste, 
la  méthode  qu'ont  suivie  les  derniers  éditeurs  allemands.  Mais,  si  M.  de 
la  V.  de  M.   procède  d'après  les  mêmes  principes   critiques   que   ses 
devanciers  immédiats,  si   d'autre  part  il   met,  comme  de  juste,  leurs 
travaux  à  profit,  le  texte  qu'il  nous  offre  s'écarte  en  plus  d'un  point  de 
I  celui  de  Schenkl  ou  de  Peiper.  C'est  ainsi  qu'il  revient  à  certaines  leçons 
abandonnées  par  eux  et  dont  quelques-unes  sont  bonnes,  comme  fractis 
(v.  257),  }îervis  (v.  091),  superno  (v,  470.  —  A  l'appui  de  superno,  on 
aurait  pu  citer  Virgile,  Enéide,  vi,  658-659  •  i^nde  superne — plurimiis 
Eridani,  etc.,  d'autant  plus  que  le  v.  471  est  aussi  imité  d'un  vers  de 
j  Virgile  relatif  à  l'Éridan).  Au  v.  80,  le  retour  à  la  leçon  haud  me  paraît 
moins  heureux;  la  Justification  en  est  d'ailleurs  bien  subtile.  11  me  sem- 
ble que  dans  la  voie  conservatrice  où  il  était  entré,  M.  de  la  V.  de  M. 
aurait  pu  aller  plus  loin  qu'il  ne  l'a  fait.  Ainsi,  au  v.  68,  la  leçon  des  mss. 
talis  pictura  peut  parfaitement  se  défendre  avec  la  correction  de  Barth, 
nota,  au  heu  de  tota.  Pictura  est  ici  à  sa  place  au  milieu  d'une  descrip- 
fion  pittoresque,  où  le  poète  accumule  les  couleurs  (cœrulea,  viridem, 
riibra,  albeiites),  où  il  marque  les  contrastes  des  tons,  ainsi  que   les 
oppositions  de  l'ombre  et  de  la  lumière  (liicetqiie,  latetque,  distinguit). 
De  même,  je  ne  vois  aucune  raison  pour  rejeter  la  leçon  de  tous  les  mss. 
conexa  ou  conexa  (v.  248)-,  les  bâtons  de  lignes  sont  souvent  faits  de 
tiges  fiées  ensemble  bout  à  bout,  ce  qui  permet  d'avoir  un  manche  plus 
long.  Enfin,  au  v.  290,  pourquoi  ne  pas  conserver  la  leçon  magnum? 
Scaliger  et  ceux  qui  l'ont  suivi  écrivent  magni,  parce  qu'ils  pensent  au 
«  grand  roi  ».  Mais  l'expression  magmis  rex,  pour  désigner  le  roi  de 
Perse,  n'est  pas  usitée  (cf.  Diction,  de  Georges}. 

Il  serait  trop  long  de  passer  ici  en  levue  les  corrections  que  M.  de  la 
V.  de  M.  a  introduites  dans  son  texte  et  qui  proviennent  les  unes  des 
critiques  antérieurs,  les  autres  de  conjectures  personnelles.  Plusieurs 


l88  REVUE    CRITIQUE 

sont  inutiles  ou  contestables  (v.  iSg  :  defessa; — v.  149  :  additiir  — 
\\  206  :  dum  Sjpectat  transive  dies;  —  v.  307  :  metagenis) .  D'autres, 
comme  cccrula  cautes  (v.  3i6),  servator  (v.  387),  Aiigusti  pater  et 
natus  (v.  450),  sont  très  plausibles  et  améliorent  singulièrement  le 
texte. 

.  La  traduction  est  d'une  exactitude  scrupuleuse,  d'une  allure  assez 
libre,  d'un  tour  généralement  élégant,  malgré  certaines  longueurs  qu'il 
était  d'ailleurs  bien  difficile  d^éviter  du  moment  qu''on  se  faisait  une  loi 
de  traduire  aussi  littéralement  que  possible.  P.  5,  v.  48-49  :  l'emploi 
des  deux  impératifs  tapisse:^,  éte^ide^  semble  faire  supposer  qu'il  y  a 
deux  opérations  distinctes.  En  réalité,  il  ny  en  a  qu'une.  Il  s'agit  ici 
des  pavements  en  mosaïque,  dont  l'art  était  originaire  d'Asie-Mineure 
(d'où  Phrygiis  crustis),  et  non  pas,  comme  il  est  dit  au  commentaire 
(p.  56),  de  dalles  de  marbre  incrustées  de  pièces  rapportées.  Pour  faire 
une  mosaïque,  on  prépare  en  effet  le  sol  avec  un  enduit,  et,  quand  on 
en  a  bien  aplani  la  surface  {sola  levia),  on  incruste  les  petits  cubes  les 
uns  à  côté  des  autres,  si  bien  que  l'enduit  disparaît  sous  une  sorte  de 
semis  (consere)  qui  une  fois  sec  forme  une  croûte  et  comme  un  par- 
quet de  marbre.  Consere  tendens  équivaut  à  tende  consito  solo;  —  p.  6, 
V.  5 1-52  :  j'ai  de  la  peine  à  comprendre  «  les  excès  fous  d'une  indigence 
qui  se  }~é jouit  de  sa  ruine  ».  Il  est  vrai  que  le  texte  à  cet  endroit  est 
intraduisible.  Les  deux  vers  ne  seraient-ils  pas  un  souvenir  de  la  pensé 
de  Lucain  (Phars,  I,  iô5),fecunda  virorwn  paupertas?  Et  ne  pourrai 
on  pas  conjecturer  quelque  chose  comnit fecunda  nepotum  —  lœtaqUi 
fortiinis  ubi  luxuriatur  egestas? —  p.  7,  v.  65  :  ingenuijontes  s\s,m^Q, 
je  crois,  ici  comme  dans  Lucrèce  (cf.  Munro,  t.  II,  p.  52)  les  sources 
qui  naissent  du  fond.  Ce  sens  convient  bien  à  vibrantes  aquas,  qui 
indique  non  pas  le  mouvement  régulier  du  courant,  lequel  a  simple- 
pour  effet  d'incliner  les  herbes  (cf.  v.  64),  mais  la  sourde  agitation  de 
la  source  cachée  qui  les  soulève;  —  p.  18,  v.  187-188  :  la  traduction 
est  peu  nette.  Ausone  s'excuse  de  son  indiscrétion  qui  en  réalité  n'en 
est  pas  une;  car  son  tableau  n'est  qu'une  pure  imagination  (credam, 
V.  171),  venant  de  lui  (pro  parte),  et  qui  est  sans  conséquence  :  que  le 
fleuve  garde  son  mystère;  —  p.  19,  v.  194  :  que  signifie  pour  un  lec- 
teur  français  le  payv.pre  absent  tremble?  —  v.  38o,  p.  37  et  109  :  non 
pas  a  Rome  mère  de  l'empire  »,  mais  Rome  métropole  de  la  colonia 
Aiigusta  Treverorum  ». 

Le  volume  se  termine  par  un  commentaire  explicatif,  où  M.  de  la  V. 
de  M.  justifie,  toutes  les  fois  que  cela  est  nécessaire,  son  texte  et  sa  tra- 
duction et  où  il  cherche  à  résoudre  toutes  les  difficultés  de  géographie; 
d'histoire,  d'ichthyologie  que  soulève  l'étude  de  la  Moselle.  On  y  trouvi 
également  une  dissertation  intéressante  de  M.  P.  Tannery  sur  l'ombr» 
des  pyramides  d'Égvpte  (à  propos  du  vers  3i3).  Les  notes  sont  parfo| 
un  peu  longues,  mais  elles  sont  si  nourries  et  si  instructives  qu'elles  n 
fatiguent  pas  la  curiosité  du  lecteur.  Pour  l'intelligence  de  l'itinérair 


5l 

1 


d'histoire  et  de  littérature  189 

dWusone,  M.  de  la  V.  de  M.  a  joint  à  son  édition  une  excellente  carte 
du  bassin  de  la  Moselle,  dessinée  par  M.  JuUian  1. 

En  somme,  quelles  que  soient  les  chicanes  de  détail  qu'on  puisse 
faire,  le  travail  de  M.  de  la  V.  de  M.  témoigne  d'une  érudition  solide, 
d'une  critique  judicieuse  et,  ce  qui  n'est  pas  à  dédaigner,  d'un  goût 
littéraire  fin.  L'auteur  n'a  pas  seulement  traduit  et  commenté  son  poète: 
on  sent  qu'il  a  vécu  avec  lui  dans  l'intimité  d'un  commerce  prolongé, 
qu'il  l'aime  et  voudrait  le  faire  aimer.  On  ne  peut  pas  en  dire  autant 
de  tous  ceux  qui  publient  des  textes  antiques, 

Jules  Martha. 


!23.  —  Olîviei-  de  B.a  Haye.  Poëme  sur  la  grande  peste  de  134S,  publié  par 
Georges  Guigue,  archiviste  de  la  vilie  de  Lyon.  Henri  Georg,  1888.  In-12,  xl- 
234  p.  Prix  :  12  fr. 

L'an  mil  CGC  quarante  et  huit 
Régnant  alors  de  bon  courage 
Le  roy  Phelippe,  preux  et  sage, 

les  médecins  de  la  Faculté  de  Paris  rédigèrent  une  consultation  pour 
combattre  une  des  plus  grandes  épidémies  du  moyen-âge,  une  maladie 
dont  bien  <i  la  tierce  partie  dou  monde  morut  »,  dit  Froissart.  Le 
poëme  publié  par  M.  Guigue  n'est  sans  doute  que  la  traduction  ampli- 
fiée de  cette  consultation,  Ce  n'est  qu'au  troisième  chapitre  que  le  tra- 
ducteur (f  translate  de  mot  à  mot,  à  la  lettre  ou  bien  près  »,  en  l'année 
1425  le  livre  que  Philippe  de  Valois  «  fit  compiler.  »  Dans  les  deux 
premiers  il  explique  à  sa  manière  comment  cette  pestilence  a  grevé  le 
monde 

Par  tous  les  climatz  a  la  ronde 

Et  miz  a  mort,  avant  droit  aage 

t]ent  millions  d'umain  lignage. 

Le  fléau  a  été  envoyé  par  Mercure,  Saturne  et  Mars  dont  les  planètes 
par  «  mauvaises  conjonctions  »  lirent  élever  en  abondance, 

Parmy  l'air  diverses  matières 
Qui  portèrent  l'infection 
Par  toute  terre  et  région. 

C'est  déjà,  en  germe,  la  fameuse  théorie  des  microbes  :  elle  mettra 
plus  de  quatre  cents  ans  à  sortir  de  l'œuf.  Les  signes  et  «  arguments  » 
par  lesquels  on  peut,  suivant  la  faculté,  pronostiquer  les  mortalités  à 
venir,  sont  aussi  incertains,  aussi  vagues  que  les  fameux  oracles  de  Del- 
phes. Lorsque  l'air  est  «  caligineux,  obscur  et  trouble  »,  lorsque  les 
comètes  apparaissent  «  volans  en  l'air  legierement  »,  qu'il  y  a  multitude 
de  rainettes  ou  de  petits  crapaux,  ou  que  «  de  grosses  vapeurs  et  grans 
fumées  par  dedens  la  terre  engendrées  »  viennent  à  sortir  subitement 


I.  Je  ferai  seulement  observer  que,  sur  un  point,  les  données  de  la  carte  ne  sont 
pas  tout  à  fait  d'accord  avec  celles  du  poème  qui  semble  placer  Tabernœ  (Bern- 
<:astel)  en  dehors  des  frontières  de  la  Belgique  (v.  10). 


igo  REVUE    CRITIQUE 

quand  on  voit  les  oiseaux  abandonner  leurs  œufs  et  leurs  nids,  ce  sont 
là  les  signes  avant-coureurs  de  l'épidémie.  Malheur  alors  aux  hommes 
qui  sont  trop  replets,  à  tous  ceux  qui  ne  savent  pas  se  gouverner,  qui 
abusent  du  repos,  du  travail  ou  des  veilles!  «  La  passibilité  »  de  la  na- 
ture humaine  est  telle  qu'elle  obéit  promptement  «  à  l'influence  des 
corps  celesliaux  »,  et  par  suite  surviennent  toutes  sortes  de  mutations 
dans  notre  organisme.  Comme  on  le  voit,  a  l'inclyte  faculté  de  Lutèce  » 
ne  se  compromet  guère  :  elle  se  compromet  encore  moins  dans  la  liste 
de  remèdes  qu^elle  prescrit  aux  malades.  Le  principal  est  de  choisir 
pour  se  préserver  «  de  la  boce  ou  pestilence  »  un  air  pur,  exempt  d'hu- 
midité, éloigné  des  marais,  des  fosses  et  des  cimetières.  Qu'on  fasse  des 
fumigations  de  cyprès,  de  romarin,  d'oliban,  de  marjolaine  et  de  «  ci- 
péron;  qu'on  arrose  les  chambres  d'eau  froide  et  de  vinaigre,  et  le  fléau 
ne  franchira  pas  le  seuil  de  la  maison.  Quant  aux  pauvres  qui  «  ne 
peuvent  a  mie  ces  choses  faire  »,  ils  n'ont  qu'à  prier  Dieu  le  débonnaire 
de  vouloir  bien  les  préserver  de  mal  et  d'ofîense.  Pour  eux  la  Faculté  ne 
se  met  pas  en  frais  d'invention.  En  revanche  le  régime  qu'elle  prescrit  ] 
aux  riches  fait  venir  l'eau  à  la  bouche  :  elleleur  recommande  les  viandes 
friandes,  savoureuses,  les  lapereaux,  les  chapons,  les  gelines,  perdrix,  fai- 
sans, les  entremets  confits  «  d'espices  aromatisans,  »  les  poissons  de  tendre 
et  légère  substance  avec  les  fruitsj«  de  plaisant  acétosité.  »  Qu'ils  se  gardent 
cependant  de  boire  des  vins  trop  forts,  trop  chaleureux  ;  qu'ils  se  fassent 
saigner,  ventouser  et  prennent  de  fréquentes  purgations,  surtout  s'ils 
ont  t  les  corps  rudes  et  fors.  »  Si,  en  suivant  ce  régime,  ils  ne  s'aban- 
bandonnent  pas  aux  émotions  trop  vives,  aux  plaisirs  de  l'amour,  à  la 
joie,  à  l'espérance,  à  la  tristesse,  s'ils  se  réconfortent  surtout  avec  «  des 
electuaires  de  haut  pris  »,  composés  des  plus  fines  et  des  plus  rares  épi- 
ces,  la  Faculté  répond  de  leur  salut. 

Ce  poème,  publié  d'après  le  manuscrit  de  la  bibliothèque  du  Palais 
Saint-Pierre,  ne  vaut  pas  grand'chose  par  le  style.  L'auteur  qui  donne 
énigmatiquement  son  nom,  Olivier  de  La  Haye  (voir  la  p.  167)  s'excuse 
de  n'être  pas  savant  dans  le  «  langage  de  France  »,  en  prétextant  que 
sa  mère  «  estoit  pure  Brete  »,  et  il  ajoute,  non  sans  raison,  que  les  ter- 
mes de  médecine 

Sont  trop  merveilleux  et  divers 
A  faire  rime  et  joliz  vers. 

Il  a  fait  suivre  son  poème  d'un  glossaire  des  termes  techniques  qu'il  a 
employés,  lequel  est  très  précieux  pour  l'histoire  de  notre  langue.  On  y 
trouve  les  mots  altérable,  aptitude,  centre,  contingence,  consistance, 
directif,  /iimiger,  mastiquer^  etc.  qui  n'ont  pas  d'historique  ou  n'ont 
qu'un  historique  insuffisant  dans  le  dictionnaire  de  Littré.  Seulement 
il  est  fâcheux  que  le  traducteur  ne  comprenne  pas  toujours  ou  définisse 
par  des  à  peu  près  les  vocables  très  curieux  de  l'ancienne  médecine.  Le 
devoir  de  l'éditeur  était  de  tâcher  à  les  éclaircir  :  c'est  ce  qu'il  n'a  fait  que  ^j 
très  imparfaitement. 

A.  Delboulle. 


DHISTOIRB    ET    DE    LITTERATURB  igi 

124.  —    Ernest    Lesigne.    La    fin    d'une    légende.  Vie    de    .leanne  tî'Afc. 

I  vol.  in-i2,  252  pages.  Bayle,  Paris,  1889. 

II  est  évident  pour  nous  que  l'histoire  de  Jeanne  d'Arc  telle  qu'on  la 
raconte  couramment  est  légendaire.  Pas  plus  que  M.  Lesigne,  nous  ne 
saurions  admettre  que  Jeanne  seule  eût  sauvé  la  France.  Le  roi  Char- 
les VII  et  ses  conseillers,  par  leur  habileté  politique  ;  les  généraux 
comme  Richemond,  La  Hire  etc,  par  leur  courage;  les  états  généraux 
et  provinciaux,  par  leurs  sacrifices  pécuniares,  ont  concouru  pour  une 
très  forte  part  au  salut  du  royaume.  Si  la  Pucelle  était  venue  plus  tôt, 
si  elle  avait  trouvé  un  roi  plus  indolent,  des  soldats  moins  aguerris,  une 
artillerie  moins  perfectionnée,  une  nation  moins  résignée  à  fournir  des 
subsides,  elle  eût  échoué  et  elle  serait  rentrée  dans  l'obscurité,  comme 
tant  d'autres  voyantes  de  cette  époque.  Mais  elle  est  arrivée  au  moment 
opportun,  et  son  apparition  a  précipité  l'œuvre  de  la  délivrance  :  sans 
connaître,  comme  on  l'a  prétendu,  les  règles  de  la  stratégie,  elle  s'est 
battue  avec  courage,  elle  a  entraîné  les  soldats  à  la  victoire,  elle  a  été 
blessée  et  elle  est  morte  pour  la  patrie.  Certes  ce  sont  là  des  motifs  suf- 
fisants pour  justifier  les  éloges  qu^on  lui  accorde  à  notre  époque,  et  les 
nombreuses  statues  qu'on  se  propose  de  lui  élever. 

M.  L.  n'a  pas  gardé  cette  juste  mesure.  Il  a  voulu  dérober  toute  gloire 
à  la  bonne  Lorraine  ;  il  a  fait  d'elle  une  hallucinée  et  rien  qu'une  hallu- 
cinée. Bien  plus,  il  a  soutenu  que  Jeanne  n'a  jamais  été  brûlée.  Le  3o 
mai  143 1,  on  aurait  donné  lecture  à  la  Pucelle  de  la  sentence.  1  Les  juges 
ecclésiastiques  prièrent  la  justice  séculière  d'agir  doucement  avec  elle, 
c'est-à-dire  de  ne  la  condamner  ni  à  la  mutilation  des  membres  ni  à  la 
mort.  »  Puis  Jeanne  aurait  disparu  (comment,  M.  L.  néglige  ce  détail); 
dans  tous  les  cas,  on  la  retrouva  un  peu  plus  tard  mariée  à  un  che- 
valier lorrain,  Robert  des  Armoises.  Ainsi,  celte  fameuse  Claude  qui, 
en  i4?6,  prit  dans  les  environs  de  Metz  le  nom  de  Jeanne  du  Lis, 
serait  la  véritable  Jeanne  d'Arc  ! 

M.  Lesigne  n'a  pas  voulu  se  moquer  de  nous;  il  est  très-sérieux  dans 
son  livre.  Son  éditeur  nous  apprend  que,  pendant  plusieurs  années,  il 
s'est  livré  à  «  un  travail  opiniâtre  »,  à  «  des  recherches  soutenues.  »  Lui* 
même  laisse  entendre  qu'il  a  «  totalisé  tout  un  monde  de  documents.  » 
lia  en  effet  lu  certains  traités  de  médecine  d'où  il  a  tiré  quelques  dé- 
tails pathologiques  fort  déplaisants:  mais  il  ignore,  à  coup  sûr,  les  chro- 
niques historiques  et  les  ouvrages  modernes  traitant  du  même  sujet  ;  il  ne 
connaît  même  pas  de  nom  MM.  Siméon  Luce  et  de  Beaucourt  ;  il  a 
fort  mal  lu  Valletde  Viriville;  sans  quoi,  comment  aurait-il  pu  écrire  : 
«  Il  n'y  a  jamais  eu  de  fausse  Jeanne  d'Arc.  M .  Vallet  de  Viriville  fait  cette 
confusion  dans  sa  traduction  du  procès  de  condamnation  de  Jeanne;  mais 
il  a  loyalement  reconnu  son  erreur,  dans  son  Histoire  de  Charles  VII.  » 
Nous  n'avons  pu  découvrir  cette  rectification  dans  VHistoire  de  Char- 
les F//(t.  IL  p.  366  et  ss.)  D'ailleurs l'/Zw^o/rerfe  Charles  VII,  termi- 
née en  i865,  est  antérieure  au  Procès  de  condamnation  de  Jeanne  d'Arc 


192  REVUE    CRITIQUE 

traduit  du  latin  et  publié  chez  Didot  en  1S67.  On  devine  que  Fau- 
teur, étant  aussi  mal  informé,  a  commis  de  nombreuses  erreurs.  Il  fait 
naître  Jeanne  en  1409  (en  réalité  elle  est  venue  au  monde  le  6  janvier 
1412);  il  prétend  que  Domrémy  appartenait  au  duc  de  Bar  (la  plus 
grande  partie  du  village  relevait  de  la  châtellenie  française  de  Vau- 
couleurs]  ;  il  écrit  Marcey  pour  Maxey;  il  parle  d'un  traité  conclu  en 
141 8  entre  le  Dauphin  Charles  et  le  duc  de  Lorraine,  etc.  etc.  Il  est 
inutile  d'insister  davantage  sur  un  livre  aussi  mauvais  que  prétentieux. 

Ch.  Pfister. 


125.  —  Lodovico  Zdekauer.  stutlî  PistoicsS,   fasc.    I.  Un  vol.  in-8  de  73   pp. 
Torrini,  Sienne.  2  fis. 

M.  Zdekauer,  qui  a  publié  en  1888  \t  Statutum  potestatis  communis 
Pistorii,  et  qui  prépare  l'édition  du  Codice  Diplomatico  Pistoiese^ 
publie  simultanément  des  études  critiques  sur  divers  points  de  Phistoire 
de  Pistoie,  dont  le  présent  volume  est  un  premier  spécimen.  Les  deux 
travaux  qu'il  contient  ont  du  reste  été  publiés  déjà  dans  les  Studi 
Senesi,  t.  V,  fasc.  III-IV,  et  t.  VI  fasc,  L  —  Dans  la  première  étude 
Focaccia  de  Cancellieri  ed  il  cap.  VI délie  Istoric  Pistoiesi  (pp.  7-16). 
M.  Zd.  établit  au  moyen  d'un  document  retrouvé  par  lui  dans  PAr- 
chivio  del  commune  de  Pistoie,  Opéra  di  S.  Jacopo,  cod.  I  (mise.) 
f.  119  et  qui  est  une  sentence  au  criminel  du  podestat  datée  du  3i  oc- 
tobre 1293  :  1°  Tautorité  du  chap.  vi  des  Ist.  Pist.  pour  le  récit  de 
l'assassinat  de  Delto  di  S.  de'  Cancellieri  Neri;  2"  la  date  de  cet  assas- 
sinat (octobre  1293).  La  série  de  déductions  par  laquelle  il  essaie  de 
fixer  à  1267  (au  lieu  de  1272),  la  date  de  la  formation  des  partis  à 
Pistoie  me  semble  un  peu  trop  hypothétique.  —  Dans  la  seconde  étude 
//  consiglio  XVI.  to  di  Dino  di  Miigello  (pp.  17-52).  M.  Zd.  s^'efTorce 
de  rattacher  cette  consultation,  donnée  au  sujet  d'un  appel  de  cautions 
en  paiement  d'une  amende  de  3, 000  fr.  par  le  podestat  de  Pistoie,  à 
l'assassinat  de  Bertacca  de'  Cancellieri,  père  de  Focaccia,  par  Fredo  (ou 
Fredi)  di  Detto  di  S.  de'  Cane.  C'est  vraisemblable.  M.  Zd.  fait  une 
généalogie  très  complète,  un  peu  confuse,  des  Cancellieri  du  xiii«  siècle 
et  étudie  la  situation  juridique  du  bâtard  d'après  le  statut  de  Pistoie,  et 
la  valeur  de  la  consultation  de  Dino.  Ces  deux  études  constituent  une 
importante  contribution  à  l'histoire  de  Pistoie  au  xiii^  siècle  et  donnent 
envie  de  voir  paraître  bientôt  de  nouveaux  fascicules  de  ce  livre.  Les 
pp.  53-73  de  celui-ci  sont  occupées  par  huit  documents  du  xiii«  siècle 
extraits  de  TArchivio  de  Pistoie  et  relatifs  soit  à  la  famille  des  Cancel- 
lieri soit  aux  querelles  des  Neri  et  des  Bianchi.  —  Le  style  italien  de 
M.  Zdekauer  est  généralement  correct,  mais  il  est  facile  toutefois  d'y 
reconnaître  l'origine  étrangère  de  l'auteur.  La  correction  typographique 
de  ce  volume  aurait  pu  être  plus  soignée. 

L.  G.  P. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  ig3 

126.— lUémoireilu  baron  Hoëguei»,  financier-diplomate,  concernant  la  France 
et  la  Suède  1700  à  1767,  publié  avec  des  notes  et  documents  inédits  relatifs  aux 
relations  du  Baron  avec  la  célèbre  actrice  Desmares,  par  F.  Pouy.  Amiens, 
Delattre-Lenoel,  1890,  1890,  in-8  de  40  p. 

M.  F,  Pouy  constate  tout  d'abord  qu'on  chercherait  en  vain  dans  un 
livre  français  un  article  un  peu  étendu  concernant  le  baron  Antoine 
Hogguer,  et  cependant,  dit-il,  ce  financier  diplomate  doit  être  cité  parmi 
ceux  qui  ont  rendu  de  grands  services  à  la  France  dans  ses  moments 
de  détresse  et  de  crise  publique,  sous  Louis  XIV,  et  pendant  la  mino- 
rité de  Louis  XV,  sous  la  régence.  Il  nous  apprend  ensuite  que  les 
ancêtres  du  banquier  sont  d'origine  suédoise  et  qu'ils  se  fixèrent  en 
Suisse,  où  naquit  A.  Hogguer  vers  1680;  que,  dès  1711,  Louis  XIV 
récompensa  les  doubles  services  du  financier  et  de  l'agent  de  diplomatie 
secrète  en  érigeant  pour  lui  en  baronnie  la  terre  de  Presles,  comprenant 
les  seigneuries  de  Combreux  et  Vignoles,  avec  leurs  dépendances,  le 
tout  situé  près  de  Tournont  (Seine-et-Marne);  enfin  qu'il  décéda  sans 
postérité  à  Vaugirard,  le  10  janvier  1767. 

Après  nous  avoir  donné  ces  indications,  M.  F.  reproduit  un  mémoire 
fort  curieux  qu'il  a  trouvé  chez  un  marchand  de  vieux  papiers  et  dans 
lequel  Hogguer  fournit  divers  détails  sur  sa  famille,  notamment  sur 
son  frère  aîné  ',sur  ses  propres  aventures^,  sur  plusieurs  grands  person- 
nages avec  lesquels  il  fut  en  relation,  les  contrôleurs  généraux  des 
finances  Chamillart  et  Desmnrets,  le  duc  de  Chevreuse,  le  duc  de 
Noailles,  le  garde  des  sceaux  d'Argenson,  Law  ^,  le  Régent,  le  baron  de 
Gortz,  ministre  du  roi  de  Suède  à  Paris,  l'abbé  Dubois,  quMl  juge  aussi 
durement  que  le  jugeait  la  princesse  Palatine,  les  frères  Paris,  le  cardi- 
nal Fleury,  etc.  L'éditeur  a  enrichi  le  mémoire  d'annotations  excellentes. 

Les  dernières  pages  de  la  brochure  sont  les  plus  piquantes,  comme 
le  laisse  facilement  deviner  leur  titre  :  Desmares  Christine  Antoinette 
Charlotte^  actrice  à  la  Comédie  française,  ses  relations  avec  le  finan- 
cier Hogguer.  M.  P.  a  rédigé  ces  pages  d'après  de  nombreuses  pièces 
manuscrites  qui  se  trouvent  aux  Archives  nationales,  dans  les  cartons 
relatifs  aux  atiaires  d'Hogguer  et  à  sa  déconfiture.  Ajoutons  que  cette 
déconfiture  fut  amenée  par  les  folles  dépenses  du  financier  amoureux 
de  la  belle  actrice  qui  avait  inspiré  au  Régent  une  si  vive  passion.  Parmi 
ces   dépenses   signalons    11,600    livres    pour   étoffes    d'or    et   tie    soie, 

1.  «  Mon  aîné  fait  sa  résidence  à  Coppet,  petite  ville  de  Suisse,  dont  il  est  baron 
et  seigneur,  et  doit  succéder  incessamment  à  mon  père  dans  les  fonctions  de  ministre 
du  roy  de  Suède  auprès  des  cantons  »  (p.   10). 

2.  Le  narrateur  nous  apprend  (p.  1 1)  qu'il  passa  en  France  à  l'âge  de  16  à  17  ans, 
que  son  père  lui  remit  cent  mille  écus,  que  le  premier  usage  qu'il  fit  de  cette 
somme  fut  des  plus  heureux,  car,  s'étant  trouvé  à  Bordeaux,  il  gagna  en  moins 
d'un  mois  près  de  douze  cent  mille  livres. 

3.  Hogguer  (voir  la  page  18  de  son  Mémoire)  donna  au  duc  d'Orléans,  qui  Tavait 
consulté,  un  avis  défavorable  aux  dernières  entreprises  de  Law,  lequel  ne  lui  par-^ 
donna  jarnais  un  «  pronostique  qui  ne  s'est  trouvé  que  trop  juste  ». 


194  REVUE   CRITIQUE 

8,600  livres  pour  étoffes  de  tentures  fabriquées  à  Amiens,  12,000  livres 
pour  travaux  de  peinture  à  l'hôtel  de  la  rue  de  Varennes  qu'allait 
acheter  un  peu  plus  tard  (6  août  1742)  le  duc  de  Villeroy. 

T.  DE  L. 


127.  —  Recueil  des  idoles  tlu  Coniîté  de  salut  public  avec  la  correspon- 
dance officielle  des  représentants  en  mission  et  le  Registre  du  Conseil  exécutif 
provisoire  publié  par  F. -A.  Aulard.  Tome  deuxième,  22  janvier  1793 — 3i  mars 
1790.  Paris,  Hachette,   1889.  Gr.   in-8,  63o  p. 

128.  ~  Lo  >*<>ciétê  «Ses  .Bîicolvîns,  recueii.de  documents  pour  l'iiistoire  du  club 
des  Jacobins  de  Paris,  par  F. -A.  Aulard.  Tome  I,  1789-1790  Paris,  Jouaust, 
Noblet,  Quantin,  1S89.   ln-8,  cxxvi  et  494  p. 

12q.  —  HïêîHoîj'es  de  B^otïvet  de  Couvi'aS  sur  la  îtêvoluîion  ffançaîse, 
première  édition  complète  avec  préface,  notes  et  tables,  par  F. -A.  Aulard.  Paris, 
Jouaust,  1889.  Deux  volumes  in-ib,  xxviii  et  256,  285  p.  6  francs. 

Le  deuxième  volume  du  Recueil  Aulard  n'a  pas  tardé  à  suivre  le 
premier.  Il  s'étend  du  22  janvier    1793  au  3i  mars   1793.   Il  ne  com- 
prend pas  seulement  les  procès-verbaux  du  comité  de  défense  générale  ;  il 
renferme  aussi  la  correspondance  officielle  des  représentants  en  mission 
et  les  actes  du  conseil  exécutif  provisoire.  Tous  ces  documents  sont, 
comme  dans  le  premier  tome,   réunis  d'après  Tordre   chronologique, 
jour  par  jour,  et  accompagnés  de  notes  instructives  (cp.  i^evi^e,  1889, 
n°  40).  On  remarquera  les  p,   302-317:  M.  Aulard  a  reconstitué  avec 
beaucoup  de  peine  et  de  patience,  d'après  la  correspondance  des  com- 
missaires et  les  pièces  relatives  à  leurs    faits  et   gestes    dans  la   pro- 
vince,   la   liste   complète   des   conventionnels    qui    appartinrent  à   la 
grande  mission  du  9  mars  1793  et  des  départements  dans  lesquels  ils  se 
rendirent.  Il  ajoute  à  sa  liste  les  titres  des  rapports  imprimés  dont  ces 
missions  ont  été  l'objet  et  dit  en  peu  de  mots  ce  que  les  rapports  nous 
apprennent.  Nous  n'insistons  pas  davantage  sur  ce  volume  qui  mérite 
par  l'exacte  reproduction  des  documents,  par  le  soin  de  l'annotation, 
par  son  excellente  table  des  matières,  les  mêmes  éloges  que  son  devan- 
cier, et  nous  souhaitons  que  M.  Aulard  nous  donne  prochainement  le 
troisième  tome  de  cette  publication  si  importante  et  si  précieuse.  Mais 
nous  ne  voulons  pas  la  quitter,  sans  montrer  par  un  seul  exemple  de 
quelle  utilité  elle  peut  être.  Ouvrez  le  Moniteur  et  lisez  dans  le  compte- 
rendu  de  la  séance  du  19  mars  1793  ce  résumé  d'une  lettre  des  commis- 
saires de  la  Convention  en  Belgique  :  1  Ils  annoncent  qu'ils  ont  destitué 
de  ses  fonctions  le  général...  pour  avoir  négligé  de  mettre  à  exécution 
le  décret  du    i5  décembre.   »  P.  366  de  son  volume,  M.   Aulard  nous 
communique  le  texte  de  la  lettre  des  commissaires  et  de  leur  arrêté  de 
destitution  :  ils  ont  destitué,  non  pas  un  général,  mais  un  capitaine, 
non  parce  qu'il  n'exécutait  pas  le  décret,  mais  parce  qu'il  l'exécutait 
trop  bien,  pour  n'avoir  pas  «  empêché  des  profanations  et  des  dégâts  à 
Sainte-Gudule  '  m.  

I.  Lire  p.  m,  Saint-Fief  el  non  F.  Fief;  —  p.  169,  Bruix  ctnon  Bruis  ;  —  p.  292, 
Dornach  et  non   Donnuch;   —  p.    332,   Eickemeyer  et  non  Echmayer ;  —  p.  355, 


d'histoire  et  dk  littérature  Î95 

En  même  temps  qu'il  fait  paraître  les  Actes  du  comité  de  salut  public 
et  des  «  missionnaires  »  de  la  Convention,  M.  Aulard  publie  un  autre 
Recueil  de  documents  pour  l'histoire  du  club  des  Jacobins  de  Paris. 
Il  divise  ce  recueil  en  trois  parties  :  1°  de  1789  au  i^r  juin  1791, 
moment  où  commence  à  paraître  le  journal  qui  rend  compte,  d'une 
manière  suivie,  des  séances  des  Jacobins;  2°  du  i"''  juin  1791  à  la  fin 
de  décembre  1793,  moment  oti  ce  journal  cesse  sa  publication  ;  3°  de  la 
fin  de  décembre  1793  au  21  brumaire  an  III  ou  11  novembre  1794, 
moment  où  le  club  des  Jacobins  est  fermé  définitivement.  Un  Appendice 
contiendra  quelques  textes  sur  les  diverses  sociétés  politiques,  club  du 
Manège,  club  du  Panthéon,  etc.,  où  l'on  voit  revivre,  sous  le  régime  du 
Directoire,  l'ancien  club  des  Jacobins.  Mais,  fort  justement,  M.  A.  ne 
reproduit  pas  tous  les  textes  qui  se  rapportent  à  Thistoire  des  Jacobins; 
le  nombre  des  volumes  serait  infini.  Il  ne  réimprimera  même  pas  le 
Journal  des  Jacobins,  de  crainte  de  doubler  l'étendue  de  sa  publication, 
et  il  se  bornera  à  une  analyse  succincte  de  la  feuille  qu^on  trouve  d'ail- 
leurs dans  les  grandes  bibliothèques.  Avant  tout,  il  veut  essayer  de 
suppléer,  pour  les  deux  premières  années,  ainsi  que  pour  la  dernière 
année,  à  l'absence  du  Journal  des  Jacobins,  et,  pour  la  période  même 
où  parut  le  Journal.,  il  tâche  de  combler  les  lacunes  qui  s'y  trouvent 
(cp.  Introd.  p.  cxxiv).  Voici  le  premier  volum.e  relatif  aux  deux  an- 
nées 1790  et  1791.  M.  A.  y  a  reproduit  :  1°  des  discours  publiés  par 
I  ordre  de  la  Société  ou  par  l'initiative  et  aux  frais  d'un  de  ses  orateurs; 
2"  des  extraits  de  son  procès-verbal  qu'elle  publiait  dans  des  circons- 
tances importantes  ;  3°  des  parties  de  sa  correspondance  active,  impri- 
mées à  part  ou  dans  des  journaux;  4°  des  renseignements  sur  ses 
séances  épars  dans  les  journaux;  5°  des  pamphlets  contre-révolution- 
naires. Tous  ces  documents  et  opuscules  nous  renseignent  sur  le  club 
des  Jacobins  de  Paris  et  sur  l'idée  qu'on  s'en  faisait.  On  y  remarquera 
le  discours  de  Mosneron  de  l'Aunay  sur  les  colonies  et  la  traite  des 
noirs  (p.  9-17),  deux  discours  du  fameux  Peyssonnel  sur  la  situation  de 
l'Europe  (p.  17-28)  et  sur  l'alliance  de  la  France  avec  la  Suisse  et  les 
Grisons  (p.  79-98),  les  Réflexions  de  Loyseau  sur  le  plan  de  constitution 
judiciaire  de  Du  Port  (p.  42-58)  et  son  Opinion  sur  le  mode  de  respon- 
sabilité des  agents  du  pouvoir  exécutif  (p.  1 16-129),  ^^  projet  d'adresse 


I 


Alost  et  non  Alon  ;  —  p.  383,  Prûm  et  non  Priinn;  —  p.  388,  Sontag  et  non 
Sonteg ;  —  p.  Sgi,  Beauvert  et  non  Beauvais ;  —  p.  4qt,  mettre  25  au  lieu  de  i5; 
—  q.  494  et  544  on  trouve  la  même  lettre  deux  fois  reproduite;  —  p.  464,  la  lettre 
de  Delacroix  n'est  donnée  qu'en  analyse,  la  voici  textuelle  presque  en  son  entier  : 
«  Si  l'armée  de  Belgique  ne  reçoit  pas  des  renforts,  l'évacuation  est  inévitable. 
Danton  vous  donnera  à  cet  égard  tous  les  renseignements  nécessaires...  Je  vous 
engage  à  prendre  les  mesures  nécessaires  pour  l'approvisionnement  de  nos  places 
frontières  devant  lesquelles  nos  troupes  vont  se  retirer  incessamment.  II  serait  peut- 
être  bon  de  faire  travailler  dès  à  présent  à  relever  le  camp  de  Maulde  qui  nous  est 
d'une  très  grande  utilité.  Songez  au  salut  de  l'armée;  vous  n'avez  pas  un  instant  à 
perdre,  et  je  crains  bien  que,  malgré  votre  zèle  et  votre  activité,  vous  ne  soyez  pas 
à  temps  ». 


ïg6  REVUE    CRITIQUE 

de  Grouvelle  sur  le  duel  (p.  225-239),  ^^^  idées  de  Carra  sur  l'organisa- 
^on  de  l'armée  (p.  241-246),  l'Eloge  de  Loustallot  par  Camille  Desmou. 
lins  (p.  288-297),  la  Requête  de  Reine  Audu  arrêtée  après  Taffaire  des 
5  et  6  octobre  (p.  329-33o),  le  discours  prononcé  par  La  Harpe  sur  la 
liberté  du  théâtre  (p.  409-420),  un  mémoire  de  Chépy  sur  la  délégation 
de  l'accusation  publique  (p,  404-437),  etc.  Des  pamphlets  terminent  le 
volume.  M.  A.  a  eu,  en  outre,  Theureuse  idée  de  reproduire  des  extraits 
du  Journal  authentique  du  duc  de  Chartres  qui  fut  présenté  au  club 
le  22  octobre  1790  (p.  325)  et  nommé  membre  du  comité  des  présenta- 
tions (p.  345).  Mais  ce  qu'il  faut  surtout  louer  dans  son  volume,  c'est 
V Introduction.  M.  A.  donne  d'abord  tout  ce  qu'il  a  pu  recueillir  sur  le 
Club  breton  de  Versailles,  «  réunion  toute  privée,  secrète  et  réservée 
aux  seuls  députés  ».  Puis  il  montre  que  ce  Club  breton  devint  la 
Société  des  amis  de  la  constitution  établie  à  Paris  aux  Jacobins  Saint- 
Honoré  à  la  lin  de  1 789.  Il  décrit  le  local  ou  mieux  les  différents  locaux 
de  la  Société  et  reproduit  le  Règlement  rédigé  par  Barnave,  la  liste 
des  membres  imprimée  le  21  décembre  1790,  les  trois  listes  des  Socié- 
tés affiliées  parues  en  mars,  mai  et  juin  179  t-  Enfin,  après  avoir  exposé 
la  législation  des  clubs,  il  cite  et  apprécie  les  ouvrages  relatifs  à  This- 
toire  générale  des  Jacobins,  livres  et  journaux.  Ces  dernières  pages  de 
l'Introduction  sont  nourries,  judicieuses  et  constituent  une  excellente 
étude  des  sources  ;  on  lira  notamment  avec  grand  profit  tout  ce  qui 
concerne  la  rédaction  du  Journal  des  Jacobins  1. 


I.    P.     2o5    Gouget   des   Landes,     dont    M.     M.    ignore   la    date    de    naissancel 
avait,     de    son     propre     témoignage,    trente-huit    ans    en    1793.    —    P.    4.00    lira 
Sauer    et     non    Saur.    —    La    liste    générale    des     membres    du     club    renferme 
des    noms     que   M.    A.    a    essayé    de  restituer    et    d'identifier.    Je  lui  soumets   les 
notes  suivantes.    Aubrémé  :  D'Aubremé  (ou   d'Aubremez)   réfugié  belge;  Aubviet 
Aubrié,   envoyé  en  1792  dans    les  départements   pour  y  propager   l'esprit   public; 
Aiidibert-Caille  :  nommé  comm.issaire  de  la  marine  et  du  commerce  à  Amsterdam  à 
la  fin  de  1792  ;  Aii.iiffred  :  AudiftVet,  employé  à  la  Bibliothèque  et  collaborateur  de 
la   Biographie   universelle;    Barbayitane  :  Y'ugeX.-^&i-hanldtne.  (cp.    sts  Méni.  p.   19); 
Barneville  :  commissaire  des  guerres  à  l'armée  d'Harviile  en  i7o3;  Eéne^ei  :   Béne- 
zech  ;  Bose  ou  Bo^e  :  Bosc  ;  Bresson  :  le  futur  député  des  Vosges  à  la  Convention; 
Brichard  :  il  est  mort  sur  l'échafaud  ;  Broglie  (Victor)  :  il  était  prince,  et  non  duc; 
Buxot  :  Buzot;  Canchois  :  Cauchois;  Chanchat  :  Chauchat;  Chapelle  :  le  composi- 
teur;  Colot  :  siàrement  Collot  d'Herbois  (cp.  p.  lxxviii);  Damour  :  employé  au  bu- 
reau du  chiffre  ;  Dechapt  :  l'abbé  Ghapt  de  Rastignac  ;   Delbecq  :  d'Elbhecq;   Dou- 
trepont  :  d'Outrepont,  avocat  et  réfugié  belge;  Fevelat  :  missionnaire  en  Vendée  et| 
consul  à  Danzig  ;  Ilyon  :   Hion,  commissaire   à  Troyes   (cp.  kvtntl.  Lundis    révol. 
206);  Lagarde  :  successeur  de  Noël  à  la  rhétorique  de  Louis  le  Grand,  employé  au  j 
Comité   du  Salut   public,  etc.;  Laqmante   :   Laquiante,  le    notaire   de   Strasbourg;, 
Mendou^e  :  chef  de  bureau  aux   affaires  étrangères;  Metman   :  agent  de  la  nati« 
française  en  Belgique  (avec  Bourdois  et  Chépy)  ;  Meusnier  :  le  célèbre  général  et  ac 
démicien  ;  Ailles  :  le  correscondant  et  ami  de  Maretet  de  Le  Brun  ;  Œlsner  :  l'éc^ 
vain  allemand  ;   Papion  :  sans    doute  Papillon;  Pascal   :    secrétaire  de  Dumourie^ 
Patris  :  commissaire  de   section,   officier  municipal,  chef  de  bureau    du  chiffre 
Comité  de  salut  public;  Robert  :  le    journaliste  et  conventionnel;  Rochejean  ■ 
grand-vicaire  terroriste  de  Blois;  Ru^illy  :  Razilly;  Sandelin   ;  avocat  et,  conu 


d'histoire  et  dk  littératurk  197 

A  ces  publications  de  M,  Aulard  s'ajoute  une  édition  nouvelle  des 
Mémoires  de  Louvet.  Les  éditions  antérieures  ne  contenaient  pas  une 
première  partie  des  Mémoires  composée  par  Louvet  à  Saint- Emilion  et 
demeurée  entre  les  mains  de  Mi'je  Bouquey.  Lorsque  le  girondin,  réfu- 
gié dans  le  Jura,  se  remit  à  écrire,  il  refit  cette  première  partie,  mais 
très  brièvement  et  en  laissant  de  côté  de  curieux  détails.  Les  pages  rédi- 
gées à  Saint-Emilion,  achetées  par  la  Bibliothèque  nationale,  signalées 
et  décrites  par  Dauban  et  Vatel,  analysées  déjà  par  M.  A.  dans  la i^evo- 
lution  française,  paraissent  aujourd'hui  pour  la  première  fois,  en  tête 
des  Mémoires  de  Louvet,  à  la  place  des  pages  sommaires  qu'il  avait 
écrites  après  coup.  M.  A.  a  donc  le  droit  de  dire  que  cette  édition  des 
Mémoires  est  la  première  qui  soit  complète.  Il  y  joint  le  texte  de  trois 
pamphlets  de  Louvet  contre  Robespierre  et  les  Montagnards  (II,  p.  84- 
271).  On  relira  volontiers,  dans  une  édition  joliment  imprimée  par 
Jouaust,  ces  Mémoires  dramatiques  où  Louvet  a  retracé  la  fuite  des 
Girondins,  la  résolution  désespérée  qui  le  pousse  de  Périgueux  à  Paris, 
son  voyage  terrible  à  travers  la  France,  son  séjour  à  Paris,  sa  retraite 
dans  les  montagnes  du  Jura  à  deux  pas  de  la  frontière.  M.  A.  a  fait  pré- 
céder les  Mémoires  d'une  préface  (p.  i-xxviu)  oti  il  apprécie  le  talent 
souple  et  ingénieux  de  Louvet  et  raconte  d'une  façon  très  intéressante 
les  péripéties  de  son  existence.  Il  a  divisé  en  dix  chapitres  ce  texte  «  très 
touffu  et  où,  faute  de  point  de  repère,  les  recherches  sont  très  diffici- 
les ».  Il  a  mis  des  notes  historiques  au  bas  des  pages  et  rédigé  un  index 
alphabétique  qui  est  complet  et  rendra  des  services  ^. 

A.  Chuquet. 

i3o.  —  Ch.  RiciiET.  t,a   ctiaîeuB*   animale.    (Biblioth.    scient,  internat.,    t.  65). 

Paris,  Alcan,  1889,  Soy  p.  in-8.  6  fr. 
i3i.  —  A.  Falsan.  iLa  péi-iotlc  glaciaire,  étudiée  principalement  en  France  et 

en  Suisse  (id.,  t.  66),  ibid.,  364  p.  in-8.  6  fr. 
i32.  —  H.  Beaunis.  Les  ecnsations  inlei'nes  (id.,  t.  67),  ibid.,  256  p.  in-8.  6  fr. 

I.  Personne  n'ignore  la  compétence  de  M.  Ch.  Richet  en  matière  de 
chaleur  animale.  On  pouvait  donc  être  assuré  que  le  sujet  serait  savam- 

Saint-Remi,  réfugié  beige;  Saiitereau,  directeur  de  !'«  Almanach  des  Muses  », 
liomme  de  lettres,  un  des  précieux  auxiliaiees  de  M.d'Hauterive;  Sauthonay  :  pour- 
quoi pas  «  Santhonax  »?;  Schlaberndorf  (et  non  Schlabrendorf  :  l'original  révolu- 
tionnaire décrit  par  Rist,  Mém.  1,  263-263  et  par  Avenel,  Lundis  revol.,  81;  Sii- 
tières  :  envoyé  à  Metz  avec  Paris  et  Fréron  par  le  conseil  exécutif  en  septembre  1792 
(Recueil  Aulard,  I,  38 1);  Schiiut;^  :  Schmutz,  jacobin  de  Strasbourg  et  archiviste  des 
aftaires  étrangères;  TI:omassi)i  :  encore  un  Strasbourgeois;  Venniuac  :  Verninac; 
Vitry-  :  employé,  comme  Févelat,  au  bureau  des  fonds  du  ministère  des  aftaires 
étrangères. 

1.  L'annotation  est  peut-être  un  peu  maigre.  Tome  I,  p.  20,  lire  «  sauvant  »  au 
au  lieu  souvent  et  p.  23  Dazincourt  au  lieu  de  D'A;:[incour.  A  l'index,  art.  Beysscr 
mettre  169  à  la  place  de  168  et  1 12  à  la  place  de  12  ;  Es  tienne  était,  non  pas  «  com- 
missaire du  Conseil  exécutif»,  mais»  général  »  de  la  légion  des  Sans-Culottes  de 
Bruxelles. 


igS  REVUE    CRITIQUE 

ment  et  complètement  traité,  et  l'attente  n'est  point  déçue.  J'y  mets  une 
seule  restriction  :  l'excellence  du  fond  eût  gagné  à  être  appuyée  d'une 
perfection  égale  de  la  forme;  or,  il  est  manifeste  que  nous  avons  devant 
nous  des  leçons  et  des  notes  de  cours  qui  réclamaient  un  remaniement. 
La  preuve  en  est  d'abord  dans  un  défaut  général  de  composition  :  l'au- 
teur annonce  deux  grandes  divisions  de  son  sujet  (divisions  factices  d'ail- 
leurs, comme  le  prouve  tout  Poiivrage),  et  ne  traite  expressément  que 
la  première.  La  preuve  en  est  ensuite  dans  le  manque  d'indications  pré- 
cises des  sources  où  puise  l'auteur  ;  sans  lui  demander  ce  qu'il  appelle 
«  des  amas  indigestes  de  documents,  qui  sont  le  plus  souvent  stériles  », 
il  y  avait  place  pour  quelques  renseignements  de  bibliographie,  tant 
historique  que  contemporaine,  dans  un  livre  qui  est  mieux  que  de  la 
simple  vulgarisation.  La  preuve  en  est  enfin,  sans  parler  de  certaines 
recommandations  techniques  trop  minutieuses,  qui  sont  tout  au  plus  à 
leur  place  dans  un  cours  i,  dans  l'apparence  un  peu  lâchée  d'une  élo- 
quence parfois  familière  et  souvent  désordonnée. 

IL  Le  livre  de  M.  Faisan  est  tout  à  fait  bon.  Les  faits  y  sont  décrits^j 
et  les  théories  y  sont  exposées  et  discutées  avec  une  remarquable  netteté. 
L'abondance  des  renseignements  historiques  et  la  précision  des  infor- 
mations bibliographiques  font  de  cet  ouvrage  un  répertoire  peut-être| 
unique,  où  les  géographes  de  la  nouvelle  école,  pour  ne  pas  parler  des. 
géologues,  trouveront  à  faire  leur  profit.  Je  ne  puis  exprimer  qu'un' 
regret,  c'est  que  la  théorie  de  la  concentration  du  soleil,  sous  sa  forme 
la  plus  nouvelle,  y  soit  exposée  avec  trop  de  sobriété;  peut-être  y  avait- 
il  lieu  d'intervenir  d'une  manière  plus  expresse  et  plus  décidée  dans  laj 
discussion  soulevée  par  les  travaux  récents  de  M.  de  Lapparent. 

IIL  II  vaut  mieux  le  dire  tout  franchement  :  les  «  Sensations  internes  » 
ont  été  une  déception  pour  ceux  qui  connaissent  et  apprécient  à  sa 
valeur  la  science  remarquablement  instruite  de  M.  Beaunis.  Ce  n'est 
pas  qu'on  n'y  retrouve  les  qualités  distinguées  qu'on  sait  à  l'auteur^ 
une  intelligence  très  ouverte  et  très  cultivée,  et  une  sûreté  très  attentive 
et  maîtresse  d'elle-même  en  tout  ce  qui  est  de  pure  physiologie  ;  mais  les 
parties  proprement  psychologiques  laissent  après  elles  l'impression  de 
je  ne  sais  quoi  de  vide  et  d'inachevé.  La  faute  n'en  est  pas  à  un  manque 
de  connaissances  et  de  réflexion  psychologique,  mais  sans  doute  à  la 
hâte  manifeste  avec  laquelle  cette  esquisse  a  été  tracée  ~.  Personne  ne  tient 
quitte  M.  Beaunis  de  l'étude  complète  et  approfondie  que  mérite  le  sujet. 

Lucien  Herr. 


1.  P.  i3.  Il  faut  se  servir  d'un  thermomètre  d'une  précision  absolue;  p.  i6,  il 
faut  se  tenir  en  garde  contre  les  fautes  d'impression  des  ouvrages  où  l'on  puise; 
p.  17  «  de  part  la  moyenne  (de  la  température  du  chien)  nous  ne  pourrons  évidem- 
ment savoir  quelle  température  aura  tel  chien  donné  »,  etc. 

2.  Comment  M.  Beaunis  laisse-t-il  imprimer  deux  fois,  à  deux  pages  de  distance 
(p.  100  et  102)  William  Jones  pour  James  ?  Il  est  clair  que  ce  n'est  pas  là  une  faute 
d'impression-,  c'est  une  erreur  de  mémoire  qui  dénote  une  rédaction  précipitée. 


à 


D^HISTOIRE    ET    DE    LITTERVIUKIi  igg 

CORRESPONDANCE 


La  Revue  critique  (no  8,  p.  i52),  orthographie  Songe  de  Polyphile.  La  faute 
est  commune,  et  M.  Mûntz  lui-même  écrit  toujours  Polyphile  dans  son  «  Histoire  de 
l'art  pendant  la  Renaissance  ».  C'est  pourtant  un  véritable  contre-sens.  Il  faut  écrire 
Poliphile  (amant  de  Polia).  J'ai  sous  les  yeux  le  beau  volume  de  i56i,  Paris,  pour 
Jacques  Kerver  à  la  Licorne;  partout  on  lit  Poliphile  et  sur  le  titre  d'abord  Hypne- 
rotomachie  ou  Discours  du  Songe  de  Poliphile  déduisant  comme  Amour  le  combat 
à  l'occasion  de  Polia.  —  A.  Roussel. 


Je  n'ai  pu  revoir  à  temps  l'épreuve  de  mon  article  sur  le  récent  fascicule  de  l'ou- 
vrage de  M.  ScHûRER,  Geschichte  des  jûdischen  Volkes  im  Zeitalter  Jesu  Christi  (cp. 
n»  8,  p.  143).  Mais  les  renseignements  qui  suivent,  ne  seront  pas,  je  crois,  inutiles. 
La  première  édition  (1874),  formait  un  volume  de  696  pages,  divisé  en  une  histoire 
politique  et  un  tableau  de  la  vie  intérieure  du  peuple  juif  .  Dès  1886,  la  seconde  partie 
a  paru  en  une  deuxième  édition,  en  un  volume  de  884  pages,  sous  le  titre  Die  in- 
neren  Zustaende  Palaestinas  iind  des  jûdischen  Volkes  im  Zeitalter  J.  C.  L'ou- 
vrage sera  donc  complet,  lors  de  la  publication  du  fascicule  annoncé  qui  terminera 
l'histoire  politique.  Le  livre,  sous  sa  nouvelle  forme,  aura  plus  que  doublé  au  grand 
profit  des  travailleurs.  —  M.  V. 


CHRONIQUE 


BELGIQUE.  —  Une  Société  d'histoire  et  de  géographie  s'est  fondée  à  l'Université 
de  Liège.  Elle  a  pour  but  d'approfondir,  au  moyen  de  réunions  hebdomadaires, 
d'une  bibliothèque  et  de  la  publication  d'un  bulletin  périodique,  l'étude  de  l'histoire, 
de  la  géographie  et  des  sciences  qui  s'y  rattachent.  Le  premier  Bulletin  de  la  Société 
(Liège,  imprimerie  liégeoise.  In-80,  67  p.)  vient  de  paraître.  Il  contient  les  articles 
suivants  :  i°  P.  Fredericq,  L'emploi  des  langues  dans  la  Belgique  du  passé  ;  c'est 
le  résumé  d'une  conférence;  selon  M.  Fredericq,  il  faut  mettre,  comme  dans  l'an- 
cienne principauté  épiscopale  de  Liège,  comme  dans  la  confédération  helvétique,  les 
deux  idiomes,  français  et  flamand,  sur  un  pied  complet  d'égalité;  —  2°  Abel  LEFRA^'C, 
Notes  sur  la  nation  d'Allemagne  à  l' Université  de  Paris  au  xv^  siècle  :  M.  Lefranc 
a  trouvé  aux  archives  nationales  de  Paris  quatre  registres  des  comptes  de  la  nation 
d'Allemagne,  comptes  qui  ont  conservé  la  liste  exacie  et  complète  des  étudiants  te- 
nus de  payer  une  cotisation  selon  leur  bourse  ou  somme  nécessaire  à  leur  entretien; 
il  fait  à  ce  propos  quelques  remarques  fort  instructives  sur  le  rôle  de  la  nation,  sur 
la  nationalité  des  étudiants,  sur  le  parti  qu'on  peut  tirer  de  ces  listes;  il  donne  enfin 
le  compte  qui  va  de  la  Saint-Mathieu  de  147 1  à  celle  de  1472  et  qui  «  donne  mieux 
que  tout  autre  exposé,  une  idée  de  l'organisation  de  la  nation  germanique  à  cette 
époque,  de  ses  charges,  de  ses  obligations,  et  de  l'ensemble  de  son  budget  »  ;  —  3° 
E.  B.,  Les  bibliographies  des  bibliographies  ;  —  40  H.  Boddaert,  Contribution  à 
l'étude  de  l'œuvre  politique  des  ducs  de  Bourgogne  dans  les  Pay^s-Bas  :  M.  B.  mon- 
tie  que  Charles  le  Téméraire,  levant  des  taxes  sur  le  Franc  de  Bruges,  répondait  à 
toutes  les  récriminations  en  invoquant  un  intérêt  national  ;  il  se  sentait  chef  d'un 


200  RKVUE   CRITIQUE   D  HISTOIRE    ET    DE   LITTERATURE 

état  unifie,  el  comme  roi  des  Belges;  l'opposition,  des  communes  tut  réactionnaire, 
inintelligente,  et  surtout  antinationale(p.  52-53); — 5°  Camena.  d'Almeida,  Les  forets 
et  les  climats  :  «  La  forêt  est  un  agent  modérateur;  elle  atténue  les  climats  extrêmes, 
entretient  l'humidité,  rend  le  cours  des  eaux  plus  régulier  et  les  inondations  moins 
fréquentes  ». 


ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  2  j  février  i8qo. 

M.  .lames  Darmesteter  termine  sa  communication  sur  la  grande  inscription  de 
Candahar . 

L'épigraphie  de  l'Afghanistan  était  restée  jusqu'à  présent,  dit  M.  Darmesteter,  in- 
connue, le  pays  étant  fermé  aux  Européens,  et  les  Anglais,  lors  de  leurs  deux  ex- 
péditions, en  1839  et  en  1879,  ayant  négligé  de  prendre  des  copies  des  inscrip- 
tions qu'ils  rencontraient.  Mais  M.  Darmesteter  vient  d'obtenir  indirectement 
copie  d"une  grande  inscription  p)ersane  de  Candahar,  souvent  signalée  par  les  voya- 
geurs. Ce  texte  lui  a  été  communiqué  par  l'entremise  d'un  agent  politique  anglais 
du  Béloutchistan,  le  lieutenant  William  Archer,  qui  en  a  fait  prendre  copie,  sur  sa 
demande,  par  le  correspondant  indigène  du  gouvernement  de  Candahar. 

La  première  partie  de  l'inscription  date  de  1322;  elle  a  été  gravée  pour  commé- 
morer la  prise  de  Candahar  par  l'empereur  Bâber,  événement  décisif  dans  la  carrière 
de  ce  prince,  car  Candahar  lui  ouvrait  la  route  de  l'Inde  et  c'est  à  la  suite  de  cette 
conquête  qu'il  s'empara  de  tout  pays  et  fonda  l'empire  du  Grand-Mogol. 

La  seconde  partie  de  l'inscription  est  de  l'an  1598  de  notre  ère,  c'est-à-dire  du 
temps  de  l'empereur  Akbar.  Elle  contient  un  résumé  de  l'histoire  de  Candahar,  de- 
puis Bâber  jusqu'à  Akbar,  et  une  liste  des  provinces  et  des  villes  principales  de 
l'empire  du  Grand-Mogol. 

M.  Joseph  Halévy  commence  la  lecture  d'une  série  de  remarques  philologiques 
sur  les  textes  araméens  qui  viennent  d'être  publiés,  par  les  soins  de  l'Académie  et 
particulièrement  de  M.  le  marquis  de  Vogué,  dans  la  dernière  livraison  du  Corpus 
inscriptionum  semiticarum. 

M.  le  marquis  de  Vogué  est  heureux  de  constater  que,  s'il  y  a  quelques  diversités 
entre  les  interprétations  proposées  par  M.  Halévy  et  celles  qui  avaient  été  données 
par  les  auteurs  du  Corpus,  c'est  uniquement  sur  des  points  d'ordre  secondaire. 

M.  VioUet  termine  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  le  régime  successoral 
appelé  tanistry. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  de  Barthélémy  :  Boudet  fMarcellin),  la  Source 
minérale  gallo-romaine  de  Coren  et  son  trésor  (extrait  du  Bulletin  de  l'Académie 
des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Clermont-Ferrand)  ;  —  par  l'auteur  :  Schlum- 
BERGER,  Un  Empereur  romain  au  x'  siècle,  Nicéphore  Phocas. 

Julien  Havet. 


I 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  i  g  février. 

M.  de  Villefosse  offre  à  la  Société,  de  la  part  de  M.  C.-J.  Penon,  associé  corres- 
pondant, un  mémoire  intitulé  «  Etudes  sur  les  origines  de  Marseille  ». 

M.  Guitfrey  fait  une  communication  sur  une  médaille  de  François  II  de  Carare 
qui  reprit  Padoue  en  iSgo. 

M.  l'abbé  Thédenat  communique  un  petit  mortier  en  marbre  appelé  akonè  par  les 
médecins  grecs  et  coticula  par  les  médecins  latins.  Il  porte  sur  un  tranchant  le  nom 
Tulius.  Ce  petit  monument,  fait  assez  rare,  possède  encore  son  pilon. 

M.  Homolle  établit,  grâce  aux  inventaires  de  Délos,  que  la  domination  des  Athé- 
niens dans  cette  île  a  pris  fin  en  l'année  3  1 5-3  14. 

M.  Courajod  entretient  la  Société  d'un  buste  en  marbre  représentant  Dominique 
de  Vie,  vicomte  d'Ermenonville,  vice-amiral  de  France,  sculpté  par  Guillaume  Dupré 
en  1610.  Ce  monument  avait  fait  précédemment  partie  du  Musée  des  Petits-Augus- 
tins. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Le  Fuy,  imprimerie  Marchessou  /ils,  boulevard  Saint-Laurent,  33. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N»  11  -  17  mars  —  1890 


iSomniiiîre  :  i33.  Meisterhans,  Grammaire  des  inscriptions  atiiques.  —  134. 
GuRLiTT,  Pausanias.  —  i35.  Juvenal,  p.  p.  Wagner.  —  i36.  Juritsch.  Otton  de 
Bamberg.—  ii-] .  Du  Bois  de  La  Villehabel,  La  légende  de  Saint  Yves.  —  i38. 
Parfouru,  Deux  bourgeois  d'Auch  à  la  cour  de  France.  —  iSq.  Laugel,  Rohan. 
—  140.  BiRCH-HiRSCHFELD,  Histoiie  de  la  littérature  française.  —  141.  Lebarq, 
Histoire  critique  de  la  prédication  de  Bossuet.  —  142.  Geiger,  Annuaire  de 
Gœthe,  X.  —  Lettre  de  M.  Bourgoin  et  réponse  de  M.  Delboulle.  —  Chronique. 
Académie  des  Inscriptions.  -—  Société  des  Antiquaires  de  France. 


l33.  —   Meisterhans.    Gi-ammatîk    dei*    attîscUen    laiseSii'îfteii,   2*  édition 
Berlin,  Weidmann,  1888,  xu-237  p. 

Cette  nouvelle  édition  de  l'excellent  livre  de  M.  Meisterhans  est, 
comme  on  pouvait  s'y  attendre,  considérablement  augmentée;  le  nom- 
bre des  pages  en  a  doublé;  l'auteur  a  ajouté  une  grande  quantité  de 
faits  recueillis  dans  les  inscriptions  attiques  publiées  depuis  1 885,  et, 
avec  la  conscience  qui  caractérise  le  vrai  savant,  il  a  su  mettre  à  profit 
les  critiques  faites  à  sa  première  édition  par  divers  recenseurs,  notam- 
ment par  M.  Riemann;  certains  auteurs  n'ont  pas  la  même  modestie. 
M.  M.  y  a  gagné  de  rendre  son  ouvrage  plus  nécessaire  encore,  s'il  est 
possible,  à  tous  ceux  qui  s'occupent  du  dialecte  attique.  La  Grammaire 
des  Inscriptions  attiques  devra  sans  doute,  comme  tous  les  ouvrages 
de  ce  genre,  être  tenue  au  courant;  mais  elle  n'a  plus  à  enregistrer  que 
des  faits  de  détail,  elle  est  pour  ainsi  dire  complète  maintenant,  et  les 
desiderata  que  Ton  pourrait  signaler  sont  de  peu  d'importance.  Par 
exemple,  on  apprendrait  avec  plaisir,  au  §  yS,  si  les  inscriptions  atti- 
ques nous  donnent  des  témoignages  particuliers  sur  les  verbes  qui  n'ont 
que  la  forme  moyenne  du  futur,  et  sur  ceux  dont  le  futur  actif  et  le  fu- 
tur moyen  sont  également  usités.  —  Le  parfait  'uéOrj/.x  est  bien  signalé 
au  g  74,  6  ;  mais  l'emploi  isolé  de  àvaTsOrjy.îv  en  regard  de  Taor.  àvé6r(y,Ev, 
CIA.  II,  835,  45,  devrait  être  mentionné  §  86  ^  à  la  syntaxe  du  par- 
fait. Mais  ces  légères  critiques,  et  celles  que  l'on  pourrait  encore  faire 
en  entrant  dans  les  moindres  détails,  ne  sauraient  prévaloir  contre  le 
soin  et  la  conscience  que  M.  Meisterhans  a  apporté  au  perfectionnement 
de  son  œuvre  '. 
My^ 

I .  Ajouter  à  l'erratum  de  la  page  x  :  §  32,  i  5  c  lire  Toùii/yjziizoj;  au  lieu  de  to6-j;ï)z.  ; 
§  3o,  1,  b  lire  Ojpo/.j.ij/.lii  avec  deux  /.;  §  72,  i,  lire  sy/îy/i^îT^at  et  non  i-/)s)..;  §  78, 
6,  Tr,)iij.xyo\j  au  lieu  de  T...//y.'j;  §  8g,  8  et  notes  1678  et  1679,  rétablir  la  date  284  au 
lieu  de  285  pour  l'inscr.  CIA,  II,  314;  note  532,  le  premier  mot  doit  être  lu  [j^ârJoTr- 
Tjsov  et  non  \/.'J-]po~TO-j ;  note  1182,  avant-dernier  mot  iooj).r,Orrj,  lire  y,S.;  note  1Ô77, 
û:'TCTJ/(ov,  lire  ix/.zj/ioj.  —  Pourquoi  M.  M.  écrit-il  pp  avec  le  double  esprit.' 
Nouvelle  série,  XXIX.  11 


I 


202  REVUE  CRITIQUE 

134.  —  GuRLiTT  (Wilhelm).  Uebor  i*ausanisis,  Graz,  Leuschner  u.  Lubensky, 
1S90,  494  p.  in-8. 

Nous  exprimions  ici  même,  il  y  a  trois  ans  (Revue  critique,  1887, 
n°  38),  en  rendant  compte  de  Touvrage  de  M.  Kalkmann  sur  Pausanias 
le  Périégète,  Topinion  que  ce  livre  n'e'tait  pas  de  nature  à  rallier  tous 
les  suffrages,  et  que  le  procès  de  Pausanias,  au  lieu  de  toucher  à  sa  fin, 
entrait  plutôt  dans  une  phase  nouvelle,  La  violence  de  l'attaque  appelait  ^ 
en  effet  une  riposte.  On  pourrait  même  s'étonner  que  cette  riposte  se  fût 
fait  si  longtemps  attendre,  si  l'on  ne  savait  avec  quelle  science  et  quelle 
habileté  M.  Kalkmann  avait  rédigé  son  réquisitoire.  Il  ne  suffisait  pas 
de  répondre  à  un  pareil  travail  par  des  réserves  et  des  doutes,  par  des 
objections  plus  ou  moins  timides  :  il  fallait  une  réfutation,  qui  ne  fût 
ni  moins  habile  ni  moins  savante. 

M.  W.  Gurlitt  a  mis  près  de  quatre  ans  à  réunir  les  matériaux  de 
cette  contre-enquête,  et,  non  content  de  présenter  au  public  des  maté-  ^ 
riaux,  il  s'est  donné  la  peine  de  les  classer  méthodiquement,  suivant  "' 
une  idée  maîtresse,  en  un  mot  de  faire  un  livre.  Malgré  Taridité  du 
sujet  et  la  multiplicité  des  détails,  ce  livre  se  lit  sans  peine  d'un  bout  à 
l'autre,  et  pourtant,  pas  une  des  preuves  que  l'on  peut  demander  à  un  Û 
travail  de  ce  genre  n'est  épargnée  au  lecteur.  Le  secret  de  cette  compo-    l 
sition  lumineuse  est  dans  un  système  de  notes  fort  bien  entendu  :  placées 
à  la  suite  de  chacun  des  six  chapitres  que  contient  le  volume  et  impri-     j 
mées  en  caractères  plus  fins,  ces  notes  peuvent  se  consulter  aisément, 
grâce  à  la  précaution  excellente  qu'a  prise  l'auteur  d'indiquer,  pour 
chacune  d'elles,  le  numéro  de  la  page  à  laquelle  elle  se  rapporte,  et 
aussi,  en  caractères  plus  gros,  le  sujet  traité  dans  cette  note.  Quelques- 
uns  de  ces  appendices  sont  considérables.  Enfin,  M.  G.  n'a  pas  ménagé 
les  index  :  il  nous  donne  une  table  des  matières  très  complète,  une  liste 
des  mots  grecs,  une  autre  des  noms  d'auteurs  anciens,  avec  Findication 
des  passages  de  chacun  d'eux,  enfin  un  index  des  inscriptions. 

Nous  n'avons  loué  encore  dans  le  livre  de  M.  G.  que  la  clarté  de  la 
mise  en  œuvre.   La  méthode  ne  nous  paraît  pas  moins  satisfaisante. 
M.  G.   répond  à  M.  Kalkmann  et  aux  partisans  de  la  même  thèse  en 
attaquant  leur  principe  même,  c'est-à-dire  l'idée  qu'ils  se  font  de  Pau- 
sanias, de  son  caractère  et  de  son  œuvre.  C'est  en  effet  par  la  base  que 
pèche  toute  la  théorie  nouvelle  :  Pausanias  est-il  un  périégète  ou  un 
romancier?  un  voyageur  qui  a  vu,  ou  un  compilateur  qui  a  lu?  Pour 
répondre  à  ces  questions,  M.  G.  commence  par  interroger  Pausanias 
lui-même,  c'est-à-dire  par  rechercher  dans  son  livre  tout  ce  qui  concerne 
sa  patrie,  la  composition  et   le  but  de  son  ouvrage,  ses  voyages,  ^^^Jl 
sources  où  il  a  puisé,  sa  manière  de  citer  les  auteurs;  en  un  mot,  il  sôlj 
fait  de  lui  une  idée  qu'il  résume  en  ces  termes  :  «  Vers  le  milieu  du 
second  siècle  après  J.-C,  un  Grec  de  Lydie,  que  nous  pouvons  appeler  |B 
Pausanias,  d'après  la  tradition  des  manuscrits  et  les  citations  de  son 


I 


i 


D^HISTOIRE   ET   DE   LITTERATURE  20  3 

livre  relevées  dans  divers  auteurs,  entreprit  d'écrire  un  «  Guide  en 
Grèce  »,  où  il  voulut  consigner  dans  un  ordre  topographique  les  plus 
importantes  (-à  àzioXo-^ù-za-x)  des  curiosités  (6E0)p-/)[;,a':a)  qui  existaient 
encore  de  son  temps  {Xe'.z6\j.t'fci],  et  les  traditions  Çki-{Q:)  qui  se  ratta- 
chaient à  ces  monuments.  Dans  cette  intention,  il  visite  les  contrées  et 
les  villes  de  la  Grèce,  rassemble  dans  ses  voyages  des  notices  de  toutes 
sortes,  recueille  des  renseignements,  et  dresse,  en  faisant  un  choix,  la 
liste  des  monuments  remarquables,  avec  Pindication  de  leur  état  actuel. 
En  même  temps,  il  se  sert  largement  des  écrits  relatifs  à  son  sujet.  Il 
compose  et  publie  d'abord  la  partie  de  son  ouvrage  qui  concerne  TAt- 
tique  et  la  Mégaride;  le  reste  ne  paraît  que  plus  tard.  Mais  les  inter- 
valles mêmes  qui  séparent  la  composition  de  ses  différents  livres  n'ont 
rien  changé  en  général  au  plan  de  l'œuvre,  n'en  ont  pas  modifié  le  but, 
n'ont  pas  fait  abandonner  à  l'auteur  sa  méthode  de  description;  ils  ont 
seulement  rendu  nécessaire  une  série  de  suppléments  au  premier  livre; 
de  plus,  on  peut  reconnaître  dans  les  parties  ultérieures  une  disposition 
plus  commode  des  matières,  un  style  plus  coulant  et  quelque  différence 
dans  l'appréciation  de  certains  mythes...  L'auteur  imite  surtout  Héro- 
dote, et  cherche  par  là  à  donner  à  son  style  une  couleur  archaïque;  ses 
idées  religieuses  se  rattachent  presque  exclusivement  aux  mystères 
d'Eleusis  »  (p.  53-54). 

Après  avoir  tracé  ce  portrait  de  Pausanias,  M.  G.  se  demande  si  la 
conception  d'un  tel  personnage  offre  en  elle-même  quelque  contradic- 
tion, quelque  invraisemblance  :  est-ce  que  cette  figure  n'est  pas  con- 
forme à  l'idée  qu'on  peut  se  faire  d'un  homme  de  ce  temps?  Quels  traits 
conteste-t-on?  Est-ce  la  possibilité  de  ses  voyages?  Est-ce  l'intention 
qu'il  aurait  eue  de  recueillir  sur  place  des  traditions,  et  d'y  joindre  des 
indications  tirées  d'oeuvres  littéraires?  Ou  bien,  ce  qui  serait  plus  grave, 
les  livres  dont  il  prétend  se  servir  n'existaient-ils  plus  alors?  Les  monu- 
ments qu'il  cite  avaient-ils  disparu?  Ou  leur  état  réel,  tel  que  nous 
pouvons  nous  le  représenter  d'après  d'autres  données,  est-il  en  contra- 
diction avec  ce  qu'il  en  dit?  Ces  questions  amènent  l'auteur  à  contrôler 
l'autorité  de  Pausanias  par  une  comparaison  détaillée  avec  les  résultats 
des  fouilles  modernes.  Les  chapitres  III,  IV  et  V  contiennent  une  cri- 
tique approfondie  de  la  description  du  Pirée,  d'Athènes  et  d'Olympie, 
c'est-à-dire  des  villes  que  les  fouilles  nous  font  le  mieux  connaître;  et 
la  conclusion  de  ce  travail  est  celle-ci  :  il  n'est  pas  vrai  que  Pausanias 
décrive  un  état  de  choses  antérieur  à  son  temps;  il  n'est  pas  vrai  qu'on 
puisse  fixer  dans  l'histoire  une  date  à  partir  de  laquelle  la  description 
des  monuments,  chez  notre  auteur,  change  tout  à  fait  de  caractère;  en 
d  autres  termes,  il  n'est  pas  prouvé  que  Pailsànias  nous  trompe  en  se 
donnant  pour  un  témoin  oculaire  des  monuments  qu'il  signale  dans 
5on  livre. 

Nous  nous  garderons  bien  d'opposer  aucune  objection  fondamentale 
a  cette  conclusion,  qui  nous  paraît  en  somme  fort  vraisemblable.  Mais 


204  RKVUE    CRITIQUIC 

il  est  permis  de  rester  un  peu  sceptique  sur  l'emploi  de  preuves  qui, 
par  leur  nature,  devraient  être  décisives,  et  que,  de  part  et  d'autre,  on 
continue  à  invoquer  avec  une  égale  confiance  :  si  les  fouilles  d'Olympie 
n'ont  pas  éclairé  la  question  d\ine  manière  définitive,  il  est  douteux  que 
des  découvertes  archéologiques  offrent  jamais  des  données  plus  com- 
plètes et  plus  méthodiquement  étudiées.  On  voudrait  espérer  que  Del- 
phes jettera  un  jour  quelque  lumière  nouvelle  sur  ces  problèmes 
obscurs. 

Am.  Hauvette. 


i35.  —   B>.    Bunii   Guuenalis   Saiui-H3.  Erkiairt    von  Andréas  Wagner.  Zweite 
umgearbtiitete  Autlage.  Leipzig,  Teubner,  1889,  xxxn-3i3  pp.  in-8. 

Ce  serait  une  erreur  de  juger  des  modifications  apportées  par  M.  Wa- 
gner à  son  Juvénal  d'après  le  compte  des  pages;  leur  nombre  ii^est  pas 
sensiblement  plus  élevé  dans  la  deuxième  édition  que  dans  la  première] 
Mais  on  peut  dire  qu^il  n'y  a  presque  pas  une  ligne  qui  ne  porte  des  tral 
ces  de  la  révision  sérieuse  que  M.  W.  a  fait  subir  à  son  livre.  L'introduc] 
tion  a  été  entièrement  refaite  d'après  les  travaux  nombreux  qui  ont  pari 
depuis  1873  sur  l'œuvre  et  l'époque  de  Juvénal.  Le  commentaire  a  étél 
remanié;  les  annotations  ont  été  abrégées  et  resserrées;  des  références  à] 
des  ouvrages  modernes  un  peu  vieillis  ou  indiqués  dans  l'introduction, j 
nombre  de  rapprochements  avec  les  auteurs  anciens  faciles  à  faire  à  l'aide 
des  lexiques  et  des  dictionnaires  de  tout  genre  ont  disparu.  On  a  ainsi 
gagné  de  la  place  pour  un  très  grand  nombre  de  notes  nouvelles,  de  tellefl 
façon  qu'on    peut  appeler  vraiment  ce  commentaire  un    commentaire 
perpétuel'.  L'apparat  critique  abrégé  qui  occupait  les  dernières  pages' 
a  été  placé  sous  le  texte,  à  la  grande  satisfaction  du  lecteur.  On  regrettera 
la  suppression  des  indices  grammaticaux,  métriques,  etc.  de  la  première 
édition;  la  seconde  ne  présente  plus   qu'une  liste  des    noms  propres, 
M.  Wagner  annonce,  il  est  vrai,  un  Lexicon  Iiiuenalianum  :  puisse-t-il 
ne  pas  trop  tarder. 

P.-A.  L. 


t35.  _    Georg    Juritsch.    Gescliîclite    <les   BiscIioffS  Otto  I  von  Bainberg» 
«les    l»ominorii-Ai>osteIs   (1102-1139).    I    vol.    in-8,    xvi-479    pages.    Gotha, 

Pcrthes,   1889.  ,  •. 

L'évéque  Otton  I^r  de  Bamberg  est  Tune  des  personnalités  les  plus 
curieuses  de  l'Allemagne,  au  début  du  xn"  siècle.  Non-seulement  il  se|| 

I.  M.  W.  a  fait  effort,  surtout  dans  l'introduction,  pour  faire  entrer  dans  ses  expli-, 
cations  les  renseignements  fournis  par  l'épigraphie.  Cette  partie  du  commentaire  estj 
restée  néanmoins  assez  faible.  C'est  ainsi   qu'il  aurait  pu  identifier  les  deux  fcmmesf 
désignécsXlV,  25;cf.  L.  Renier,  Mem.  Ac.  Insci:  XXVI,  1,  p.  291,  n.   i.  Qui  nous 
donnera  pour  Juvénal  une  lable  des  noms  de  personnes  comparable   à  l'admirable 
index  dressé  par  Mommsen  pour  l'édition  Keil  de  Lettres  de  Pline  i 


I 


d'histoire  et  de  l;ttékatuhe  2o5 

signale  dans  l'intérieur  de  son  diocèse  par  de  nombreuses  réformes,  in- 
troduisant la  règle  de  Hirschau  au  monastère  de  Michelsberg,  construi- 
sant l'abbaye  d'Aura  où  bientôt  Ekkehard  écrira  sa  chronique,  etc., 
mais  encore  il  est  mêlé  à  tous  les  grands  événements  de  son  époque;  il 
prend  notamment  une  part  très  active  ù  la  dernière  phase  de  la  que- 
relle des  investitures,  Il  avait  appartenu  à  la  chapelle  de  Henri  IV; 
néanmoins,  une  fois  promu  au  siège  de  Bamberg,  il  sut  se  faire  agréer 
par  le  saint  siège,  et,  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie,  il  suivit  une  politique 
moyenne,  également  éloignée  des  excès  des  deux  partis  en  présence;  il  ne 
lança  pasl'anathème  contre  Henri  IV  et  ne  maudit  point  sa  mémoire, 
après  sa  triste  fin;  quand,  en  Tannée  ii  i  i,  Henri  V  tint  Pascal  II  pri- 
sonnier dans  la  ville  de  Rome,  il  apporta  quelque  soulagement  à  la 
triste  situation  du  pape  et  mérita  d'obtenir  de  lui  lepalliwn.  Il  fut  Pun 
de  ceux  qui  contribuèrent  le  plus  à  faire  signer  le  concordat  de  Worms, 
qui  termina  cette  longue  lutte  :  ce  fut  à  Bamberg  même  que  les  pré- 
lats allemands  se  réunirent,  le  jour  de  la  Saint-Martin  1 122,  pour  don- 
ner leur  assentiment  à  cet  acte  si  justement  célèbre. 

Cette  conduite  montre  toute  Fhabileré  d'Otton;  mais  ses  deux  voya- 
ges en  Poméranie,  en  11 24  et  en  1 128,  nous  sont  garants  de  sa  piété  et 
lui  ont  valu  à  bon  droit  le  titre  de  saint.  11  pénétra  en  missionnaire  dans 
ce  pays,  qui  dépendait  à  ce  moment  de  la  Pologne,  et  le  premier  il  éta- 
blit des  stations  chrétiennes  chez  ces  Slaves  du  continent  aussi  bien  que 
dans  les  îles  situées  à  Fembouchure  de  l'Oder.  Une  vie  d'Otton  de  Bam- 
berg présente,  par  suite,  un  grand  intérêt;  nous  ajoutons  que  les  sources 
ne  font  pas  défaut  pour  cette  oeuvre.  Dans  le  codex  Udalrici^  beaucoup 
de  documents  concernent  ce  prélat;  dans  la  chronique  d'Ekkehard,  on 
peut  retrouver  ses  sentiments  sur  la  politique  de  son  époque;  puis  trois 
moines  du  xii^  siècle,  Ebon  et  Herbord,  de  Tabbaye  de  Michelsberg 
(dans  Jatié,  Momimenta  bambergensia),  et  un  anonyme  qui  habitait 
selon  toute  apparence  l'abbaye  de  Priiiiingen  près  cie  Ratisbonne  (voir 
édition  Koepke  dans  les  Monumenta.  Script,  t.  XII),  nous  ont  laissé  un 
récit  de  ses  exploits.  On  conçoit  donc  que  le  sujet  ait  tenté  de  nombreux 
écrivains,  et  qu'il  ait  fait  naître  une  toule  de  dissertations,  notamment 
sur  les  rapports  des  trois  biographes  les  uns  avec  les  autres. 

M.  Juritsch  qui  arrive  le  dernier  ^,  est  le  meilleur  et  le  plus  complet 
des  historiens  d'Otton  ;  son  livre  est  fait  avec  un  très  grand  soin  ;  il 
connaît  tous  les  documents  et  il  les  manie  avec  art;  son  style  coloré, 
parfois  un  peu  déclamatoire,  rend  la  lecture  de  l'ouvrage  attrayante. 
Nous  ne  recommanderons  à  Fauteur  que  de  mieux  veiller  à  l'identifica- 
tion des  noms  propres  de  géographie.  Il  parie  à  la  page  i6r  d'une  ah- 
bayc  de  Haselbach  en  Alsace;  il  faut  lire  Haslach;  il  n'est  d'ailleurs 
pas  bien  sûr  que  dans  les  chartes  de  Henri  II  et  de  Conrad  II  il  s'agisse 
de  l'abbaye  alsacienne.  Il  cite  à  la  page  2o3  Beureliaciim  non  loin  de 

I.  Ou  à  peu  près.  M.  Looshorn,  dans  le  second  volume  de  son  Histoire  de  l'évéché 
de  Bamberg  paru  à  Munich  en   1889,  a  consacré  un  long  cliapitre  à  l'évêque  Otton. 


206  REVUE  CRrTIQUE 

Mouzon  ;  c'est  aujourd'hui  Brévilly  près  de  la  Chiers,  canton  de  Mou- 
zon  (Ardennes).  Ce  sont  là  de  très  petites  taches  ;  nous  avons  relevé  ces  né- 
gligences, parce  qu'il  nous  fallait  bien  faire  quelques  critiques,  ne  tût-ce 
que  pour  donner  plus  de  prix  à  nos  éloges. 

Gh.  Pfister. 


iSy.  —  l>a  Légende  merveilleuse  de  Monseigneur  Sainct  Yves,  Ornement  de 
son  siècle,  iMirouer  des  Ecclésiastiques.  Advocat  et  Père  des  poures,  veufves  et 
orphelins,  Patron  universel  de  la  Bretaigne-Armoricque,  i253-i3o3,  imité  des 
Légendaires  Bretons,  par  le  v"  Arthur  Du  Bois  de  l\  Villerabel.  Illustrations 
de  Paul  Chardin.  Rennes,  Hyacinthe  Caillière,  1S89.  Un  vol.  in-4,  i58  p.  12  fr. 

Littré,  dans  ses  heures  de  loisir  très  rares  et  par  manière  de  distrac* 
tion,  s'est  amusé  à  traduire  en  vers,  dans  la  langue  du  xni*  siècle,  d'ar 
bord  le  premier  chant  de  V Iliade,  puis  V Enfer  de  Dante.  Pour  exécuter 
«  ce  petit  travail  de  marqueterie  »,  comme  il  l'appelle,  il  faut  avoir  lu 
une  grande  quantité  d'anciens  textes,  sinon  on  s'expose  à  faire  des  bar- 
barismes, des  anachronismes  de  langage,  ou  à  user  de  tournures  de 
phrases  qui  contrastent  de  la  façon  la  plus  bizarre  avec  celles  de  notre 
vieil  idiome.  Littré  qui  le  connaissait  si  bien,  qui  en  avait  acquis  un 
sentiment  très  vif  par  les  lectures  les  plus  variées,  n'a  pourtant  réussi 
qu'à  moitié  dans  ces  essais.  A  son  insu  le  français  moderne  s'est  glissé 
dans  sa  traduction  de  Dante;  le  lecteur  est  tout  étonné  d'y  rencontrer 
des  mots  comme  «  fracas,  claquer,  christianisme  »,  auxquels  il  n'a 
même  pu  donner  un  historique  dans  son  Dictionnaire.  On  y  trouve 
encore  «  empoisser,  enceinte,  remoiirir,  embarrasser^  sylvestre  »,  et 
beaucoup  d'autres  vocables  qui  sont  inconnus  aux  xiii^  et  xiv^  siècles.  I 
s'est  même  servi  de  mots  qui  paraissent  n'avoir  jamais  existé,  tels  que 
V.  fluncel.  guiance,  niiileux  » ,  ow  leur  a  donné  des  acceptions  qu'ils  n'ont 
pas  dans  le  vieux  français.  Je  citerai  seulement  poltron,  terme  qui  n'a 
pas  d'autre  sens  que  celui  de  «  croupe,  derrière  »,  par  lequel  il  traduit 
c  il  petto  =la  poitrine  ».  A  l'exemple  de  Littré,  M.  de  La  Villerabel  a 
entrepris  de  mettre  en  vieux  français  la  Légende  de  saint  Yves,  «  cet 
avocat  qui  n'était  pas  un  voleur  »,  et  le  premier  de  sa  profession  qui  ait 
été  canonisé.  L'idée  était  heureuse  :  raconté  dans  la  langue  de  nos  pè- 
res, le  merveilleux  nous  semble  tout  simple,  tout  naturel.  L'auteur  a, 
dit-il,  édulcoré  son  escripl  du  suc  d'excellents  autheurs...  J'arrête  ici 
M.  de  La  Villerabel.  Dans  quel  glossaire  du  moyen-âge  a-t-il  trouvé 
édulcorer?  S'il  n'y  avait  que  ce  mot-là,  mais  il  y  en  a  des  centaines 
d'autres  qui  appartiennent  aux  xv^,  xvi",  xvn**  et  xvni^  siècles,  de  ma- 
nière que  chaque  page  du  livre  ressemble  tout-à-fait  à  un  habit  d'Arle- 
quin. On  n'a  jamais  dit  nuptial  diW  xiv"^  siècle,  mais  noceable  ei  peut-être 
nocal;  quant  au  verbe  éduquer  il  est  des  plus  modernes,  ainsi  que  les 
noms  «  robin  =  homme  de  robe,  condisciple,  galoubet,  historiette.  »  Je 
ne  crois  pas  qu'on  puisse  rencontrer  avant  le  xvi^  siècle  des  exemples  de 
a  ululer,  rutiler,  halluciner,  tracasserie,  parangonner,  prosa'ïque,  chi 


d'histoire  et  de  littérature  207 

mérique,  barde,  agonisant  »,  pas  plus  que  la  locution  «  rabattre  le  ca- 
quet. »  Adlaisi,  Adelaisi  =  qui  a  du  loisir,  ne  date  aussi  que  de  cette 
époque.  Je  voudrais  savoir  dans  quel  texte  ancien  ou  même  moderne 
M.  de  La  Villerabel  a  trouvé  «  forbeux  —  fourbe,  cahoteux  =^  (\m  ca- 
hote? »L^orthographe,  au  bon  vieux  temps,  était  moins  variable  qu'on  ne 
le  croit  généralement  :  je  n'ai  jamais  vu  s  bachelerie,  assaisonner,  acerte- 
ner,  menée,  »  écrits  «  baschellerie,  assaiczonner,  ascertener,  mesnée.  » 
Ces  menues  critiques  montrent,  et  c'est  tout  ce  que  je  voulais  prouver, 
qu'il  est  très  difficile  de  faire  un  bon  pastiche  du  vieux  français;  elles 
n'empêcheront  personne  de  lire  avec  intérêt  les  légendes  gracieuses  dont 
ce  volume  est  rempli,  d'autant  plus  que  le  texte  est  très  soigné,  et  qu'il 
est  encore  embelli  par  les  jolis  crayons  de  M.  P.  Chardin. 

A.  Delboulle. 


i38.  —  Voyage  de  deux  Iiourgeois  d'Aucli  à  la  cour  de  France  en  iSîS  et 
i529,  par  Paul  Parfouru,  archiviste  du  département  du  Gers.  Auch,  Foix,  1889, 
grand  in-8  de  16  p. 

Deux  comptes  en  gascon  (mélangé  de  quelques  mots  français),  con- 
servés dans  les  archives  de  la  mairie  d'Auch,  contiennent  un  état  dé- 
taillé des  dépenses  d'un  double  voyage  fait  en  i528  et  1529  à  la  cour 
de  France,  où  résidaient  alors  fleuri  d'Albret,  roi  de  Navarre,  comte 
d'Armagnac,  et  sa  femme,  Marguerite  d'Angoulême,  sœur  de  Fran- 
çois Je'-.  M.  P.  Parfouru  nous  donne  une  excellente  analyse  de  ces  docu- 
ments qui  se  recommandaient  à  lui,  comme  ils  se  recommandent  à 
nous,  par  leur  date,  par  l'idiome  dans  lequel  ils  sont  écrits,  par  les  per- 
sonnages de  marque  qui  s'y  trouvent  mentionnés.  Les  deux  bourgeois 
auxquels  la  ville  d'Auch  confia  la  mission  d'aller  plaider  à  Paris  sa 
cause,  au  sujet  du  siège  de  la  Sénéchaussée  qui  avait  été  transportée  à 
Lectoure,  Raymond  de  Bonnecaze,  licencié  en  droits,  et  Bernard  Ga- 
bandé,  sieur  duFagel,  se  mirent  en  route  le  14  juillet  i528,  après  avoir 
acheté  trois  chevaux  1,  deux  sacs  en  basane  pour  serrer  les  papiers  et 
une  malle  de  voyage  :  ils  emportaient  la  somme  de  400  livres  et  étaient 
escortés  d'un  page  et  d'un  laquais.  Ils  allèrent  souper  et  coucher  à  Con- 
dom;  ils  dînèrent  le  lendemain  à  Nérac;  ils  passèrent  ensuite  à  Dama- 
zan,  Marmande,  Monségur,  Saint-Émilion,  Guîtres,  Barbezieux,  Vi- 
vonne,  Poitiers.  Chàtellerault,  Amboise,  Blois,  Orléans,  Étampes, 
Montlhéry  ~.  Le  retour  en  Gascogne  s'effectua  par  une  route  plus  directe. 
• — _ — . « — 

1.  Sur  les  infortunes  de  ces  chevaux,  l'an  qui,  trop  faible,  dijtêtre  renvoyé  de  Né- 
rac à  Auch,  l'autre  qui  tomba  malade  à  Saint-Germain,  'x  que  era  marfondut  »  et 
qu'il  fallut  terriblement  droguer,  voir  p.  7  et  8. 

2.  Le  prix  des  repas  variait  d'une  étape  à  l'autre  :  le  dîner  coûtait  i5,  16  ou 
17  sous,  et  le  souper  (avec  coucher)  i  livre  5  sous  ou  i  livre  6  sous  et  quelques  de- 
niers tournois.  Voir  p.  8-9  l'indication  de  diverses  petites  dépenses  que  tout  sollici- 
teur était  tenu  de  faire  dans  les  antichambres,  les  bureaux  et  chez  les  hommes  de 
loi. 


208  RKVUK    CRITIQUE 

C'est  presque  le  tracé  actuel  de  la  voie  ferrée  de  Paris  à  Agen  par  Li- 
moges. Le  voyage  avait  duré  60  jours  et  coûté  184  livres.  En  témoi- 
gnage de  leur  satisfaction,  les  consuls  firent  don  à  leurs  députés  d'une 
somme  de  72  livres,  à  titre  d'honoraires  (12  sous  par  jour).  Mais  comme 
les  habitants  de  Lectoure,  menacés  dans  leurs  intérêts,  firent,  de  leur  côté, 
d'activés  démarches  pour  conserver  le  siège  convoité  par  la  ville  voisine, 
un  second  voyage  à  la  cour  devint  nécessaire.  Raymond  de  Bonnecaze 
repartit,  accompagné,  cette  fois,  de  Guilhem  de  Authon  ou  Dauton. 
L'itinéraire  fut  quelque  peu  différent.  M.  Parfouru  reproduit  (p.  12- 
14)  les  articles  du  compte  qui  ont  trait  au  séjour  du  député  gascon  à 
Amboise,  où  la  cour  résidait  alors.  11  y  a  là  de  fort  curieux  détails  que 
Ton  voudra  lire  dans  la  brochure  du  savant  archiviste. 

T.  DE  L. 


iSg.  —   Bienry   «le    Rohan.    Son   rôle    politique    et  militaire   sous    Louis   XIII 
(i573-i638),  par  Auguste  Laugel.  Paris,  Pion,  18S9,  in-8,  vii-445  p.  7  fr.  5o. 

On  peut  différer  d'avis  quant  à  la  manière  d'écrire  un  livre.  Mais, 
s'il  est  une  règle  généralement  admise,  c'est -bien  l'obligation  pour  tout 
auteur  quelque  peu  sérieux,  de  réunir  les  éléments  d'une  question  avant 
de  songer  à  la  traiter.  M.  Laugel  s'est  affranchi  de  ce  principe.  Y  a-t-il 
lieu  dès  lors,  de  s'étonner  que  son  œuvre  n'apporte  aucune  contribution 
nouvelle  à  l'histoire  des  règnes  de  Henri  IV  et  de  Louis  XIII? 

Etranger  à  la  bibliographie  de  son  sujet,  dédaigneux  par  système  des. 
sources  manuscrites  les  plus  indispensables,  il  apporte,  par  surcroît,  unej 
légèreté,  à  tout  le  moins  étrange,  dans  l'identification  des  noms  propres 
qui  se  présentent  au  cours  de  son  récit.  Quelques  dépêches  inédites 
d'une  importance  discutable  —  empruntées  aux  archives  de  Venise  et 
de  Chantilly,  marquent  en  somme  le  seul  progrès  réalisé  par  l'auteur 
sur  son  devancier,  M.  Henry  de  la  Garde.  Celui-ci  obtint  jadis  un  prix 
de  l'Académie  française  pour  son  Histoire  de  Rohan.  A  mérites  égaux, 
M.  Laugel  pourrait  briguer  une  distinction  supérieure.  Il  est  vrai  que 
l'on  est  en  droit  de  se  demander  ;  laquelle? 

ROTT. 


1^0.  —  Adolf  iiiRCH-HlRSCHFELD.    Gesel»îclite    ïBei'   ri'jinsEOesîsielien  I>îttei"»> 

tui"   »eit    Antamg   «les  XVI.    Jahrhunderts.    Erster   Band.   Das    Zeiiaher   der 
Renaissance.  Stuttgart,  i88g,  in-8,  3o2  et  5o  pages. 


il 


L'histoire  de  notre  littérature,  depuis  quelques  années,  excite  de  l'autre 
côté  du  Rhin  un  intérêt  qui  ne  s'épuise  pas  ;  de  1878  à  1884,  M.  Ferdi- 
nand Lotheissen  en   a  fait  un  tableau  curieux  et  étudié  pendant  le, 
xvn^  siècle,  et  voilà  que  M.  Adolf  Birch-Hirschfeld  lui  consacre  unj 
premier  volume,  qui  sera  vraisemblablement  suivi  d'un  nombre  d'au- 
tres assez  considérable.  Que  se  propose  au  juste  le  savant  écrivain  ?  Ilj 

II 


d'histoire  et  de  littérature 


209 

a  cru  inutile  de  nous  le  dire  ;  mais  à  en  juger  par  le  titre,  l'ouvrage  qu'il 
entreprend  pourrait  aller,  sinon  jusqu^à  nos  jours,  du  moins  jusqu'au 
milieu  de  ce  siècle.  Gomme  le  premier  volume  s'arrête  à  la  Pléiade,  on 
voit  que  beaucoup  d'autres  devront  lui  succéder.  Mais  sans  préjuger  ce 
que  M.  A.  B.-H.  compte  faire  à  l'avenir,  voyons  ce  qu'il  a  déjà  fait  et 
examinons  ce  qu'il  nous  donne  aujourd'hui  dans  le  premier  volume, 
qui  est  aussi  le  premier  livre,  de  son  ouvrage. 

Ce  livre,  consacré  au  «  siècle  de  Louis  XII  et  de  François  I*""  »,  se 
compose  de  six  chapitres  :  le  premier  traite  de  a  l'humanisme  et  de  la 
Réforme  »,  le  second  de  «  la  littérature  dramatique  »,  le  troisième  fait 
rhistoire  de  «  l'école  des  rhétoriqueurs  »,  le  quatrième  parle  de  «  Ma- 
rot  et  de  son  école  »  ;  «  Lyon  et  la  cour  de  Marguerite  »>,  tel  est  le  titre 
du  cinquième  »  ;  enfin  dans  le  sixième,  M.  A.  B.-H.  retrace  l'historique 
du  «  roman  et  de  la  nouvelle  ».  Cette  division  simple  et  logique  témoi- 
gne déjà  de  la  connaissance  approfondie  que  l'auteur  a  de  son  sujet;  la 
manière  dont  il  l'a  traité  le  montre  encore  mieux.  Partout  M.  A.  B.-H. 
apparaît  également  bien  renseigné;  au  courant  des  dernières  et  des  plus 
importantes  publications,  il  en  a  condensé  et  reproduit  la  substance 
dans  son  livre;  on  y  trouve  un  écho  fidèle  et  sûr  de  tout  ce  qui  a  été 
dit  et  pensé  sur  les  écrivains  français  de  la  première  moitié  du  xvi«  siècle. 

On  sait  quelles  influences  diverses  ont  agi  sur  le  mouvement  des  es- 
prits à  cette  grande  époque;  l'étude  de  l'antiquité  —  l'humanisme,  — 
et  la  Réforme  sont  les  deux  plus  importantes  ;  c'est  par  elles  aussi  que 
commence  M.  A,  B.-H.;  le  chapitre  qu'il  leur  a  consacré,  s'il  n'est  pas 
le  plus  long,  est  un  des  meilleurs  de  son  livre  ;  sous  sa  forme  concise,  il 
nous  fait  très  bien  connaître  les  forces  nouvelles  qui  vont  transformer  la 
pensée  humaine,  ainsi  que  les  écrivains  qui  les  mettent  en  action.  Éru- 
dits  et  réformateurs,  philosophes  et  novateurs  nous  sont  présentés  en 
quelques  mots  qui  les  peignent. 

M.  A.  B.-H,  n'a  pas  moins  bien  résumé  l'histoire  de  la  poésie  dra- 
matique dans  les  vingt  et  quelques  pages  où  il  en  raconte  les  diverses 
phases;  moralités,  sotties,  farces,  représentations  italiennes,  pièces  lati- 
nes, il  n'a  rien  omis  des  manifestations  différentes  de  cet  art  qui  va  se 
transformer  sous  l'influence  de  la  Renaissance.  Puis  vient  l'histoire  de 
l'Ecole  des  Rhétoriqueurs.  Si  l'on  excepte  Jean  le  Maire,  on  sait  com- 
bien furent  médiocres  les  écrivains  et  surtout  les  poètes  de  cette  école; 
M.  A.  B.-H.,  preuve  de  son  impartialité  et  de  sa  sympathie  pour  son 
sujet,  en  parle  sans  mépris  et  le  jugement  qu'il  porte  sur  les  chefs  et  les 
disciples  est  aussi  équitable  que  sensé.  Marot  n'est  pas  moins  bien 
apprécié,  ni  sa  vie  moins  bien  racontée.  Le  réveil  de  la  poésie  qui  se 
manifeste  avec  lui,  l'influence  italienne  qui  se  fait  alors  sentir  et  qu'il 
subit  en  partie,  ainsi  que  celles  de  la  Réforme  et  de  l'humanisme  sont 
fort  bien  caractérisés.  Ses  disciples  Charles  Fontaine,  Mélin  de  Saint- 
Gelais,  François  Habert  ne  sont  pas  moins  bien  jugés  dans  les  quelques 
pages  qui  en  traitent. 


2IO  REVUE    CRITIQUE 

Le  chapitre  qui  a  pour  titre  «  Lyon  et  la  cour  de  Marguerite  »  est  un 
de  ceux  qui  m'ont  offert  le  plus  d'intérêt  ;  c'est  peut-être  celui  où  il  y  a 
le  plus  d'originalité.  Le  rôle  de  Lyon  est  parfaitement  détini  et  son  im- 
portance littéraire  appréciée.  La  personnalité  de  Marguerite  d'Angou- 
léme  était  plus  connue  ;  M.  A.  B.-H.  a  su  conserver  tout  son  attrait  à 
cette  figure  sympathique  et  curieuse,  dont  Paction  bienfaisante  et  paci- 
ficatrice se  fait  sentir  sur  tout  ce  qui  l'entoure.  On  retrouve  encore,  à 
la  fin  du  chapitre  consacré  au  roman  et  à  la  nouvelle,  la  reine  de  Na- 
varre, en  sa  qualité  d'auteur  de  VHeptaméron,  oeuvre  que  M.  A.  B.-H. 
a  étudiée  fort  longuement,  et  jugée  avec  une  bienveillance  peut-être 
excessive.  Il  a  passé  d'autant  plus  rapidement  sur  les  autres  auteurs  de 
nouvelles,  même  sur  Bonaventure  Despériers,  dont  l'étude  forme,  avec 
celle  de  VHeptaméron,  le  dernier  paragraphe  de  ce  chapitre.  Des  deux 
autres,  le  premier  traite  des  origines  du  roman  chevaleresque  et  en  par- 
ticulier de  l'Amadis,  l'autre  de  celles  du  roman  populaire,  ce  qui  con- 
duit naturellement  au  Gargantua  et  à  Rabelais. 

L'étude  consacrée  au  célèbre  écrivain  est  la  plus  longue  et  la  plus 
importante  du  livre,  comme  il  en  est  lui-même  la  personnalité  la  plus 
considérable.  Les  renseignements  ne  manquent  pas  sur  l'auteur  du  Gar* 
gantua  ;  mais  la  légende  coudoie  à  chaque  instant  la  vérité,  et  celle-ci 
est  bien  souvent  difficile  à  démêler;  M.  A.  B.-H.  a  fait  habilement  le 
départ  entre  le  faux  ou  le  fictif  et  le  vrai,  et  il  a  donné  de  Rabelais  une 
biographie  aussi  bien  composée  qu'intéressante.  11  n'a  pas  moins  bien 
apprécié  sous  ses  diff^érents  aspects  le  Gargantua;  le  jugement  qu'il 
porte  sur  cette  œuvre  étrange  est  aussi  équitable  que  sympathique;  il 
en  met  aussi  bien  en  lumière  les  grandes  qualités  que  les  défauts.  On  le 
voit,  M.  Adolf  Birch-Hirschfeld  possède  de  la  littérature  de  son  sujet, 
comme  du  sujet  lui-même,  une  profonde  connaissance.  C'est  par  l'étude 
consciencieuse  qu'il  a  faite  des  hommes  et  des  choses  que  se  recommande 
surtout  son  livre;  il  est  peut-être  écrit  d"'un  style  un  peu  terne;  mais  il 
est  bien  composé,  et  le  tableau  intéressant  et  curieux  qu'il  nous  offre  du 
mouvement  littéraire  en  France  pendant  la  première  moitié  du  xvi^  siè- 
cle nous  fait  désirer  vivement  que  l'auteur  ne  nous  fasse  pas  trop  atten-|. 
dre  la  suite  de  cet  excellent  manuel. 

Ch.  J. 


141.  —  Histoire  ci-îtique  tie  la  prédication  de  Bossuet  d'après  les  ma- 
nuscrits autographes  et  des  documents  inédits,  par  l'abbé  J.  Leuarq,  docteur 
ès-lettres.  —  Société  de  Saint-Augustin,  Desclée  de  Brouwer  et  C'',  Lille  et  Paris, 
1888,  in-8,  Tcx-469  pages. 

La  soutenance  de  cette  thèse  a  obtenu  en  Sorbonne  un  succès  d'autant 
plus  honorable  que  parmi  les  professeurs,  tous  dévots  de  Bossuet,  dont 
se  composait  le  jury,  il  s'en  trouvait  deux,  MM.  Gazier  et  Croiset,  qui 
ayant  eux-mêmes  —  le  premier  surtout  —  étudié  les  manuscrits  des 


D  HISTOIRE  ET    DE    LITTERATURE  2  f  I 

Sermons^  pouvaient  d'une  façon  plus  particulière  apprécier  les  efforts 
faits  par  M.  l'abbé  L.  pour  en  élucider  le  texte  et  en  établir  Tordre 
chronologique. 

Cette  partie  d'érudition  est  en  eflfet  la  plus  étendue,  comme  la  plus 
estimable,  de  l'ouvrage  de  M.  L.,  et  elle  mériterait  ici  un  examen  minu- 
tieux. N'ayant  pas  les  manuscrits  à  ma  disposition,  je  dois  me  borner 
quant  à  présent  à  faire  connaître  par  une  analyse  générale  le  plan  et  le 
contenu  de  cet  intéressant  travail. 

Un  index  des  documencs  employés  donne  d'abord  au  lecteur  une  idée 
des  recherches  que  M.  L.  a  dû  faire  un  peu  partout  pour  réunir  la 
matière  même  de  son  étude.  Car  si  le  gros  des  manuscrits  de  Bossuet 
se  trouve  à  Paris  et  à  Meaux,  il  y  en  a  aussi  dans  plusieurs  collections 
provinciales,  publiques  ou  particulières,  à  Juilly,  à  Dijon,  à  Nancy,  à 
Limoges,  en  Normandie  (chez  M'"^  Floquet),  en  Auvergne  (chez  M. 
Choussy).  Et  qui  sait  —  bien  que  M.  L.  n'ait  rien  pu  trouver  à  Téiran- 
ger  —  s'il  ne  se  cache  pas  encore  quelques  sermons  en  Belgique  et  en 
Angleterre?  M.  L.  a  fait  sans  doute  une  abondante  récolte:  vingt-quatre 
manuscrits  retrouvés  dont  on  n'avait  que  l'imprimé  souvent  fautif;  un 
sermon  entièrement  inédit  pour  la  fête  de  la  Conception;  le  troisième 
point  d^un  sermon  de  1654  pour  Pâques;  une  Prœfatio  inEvangelia... 
Mais  ces  découvertes  ne  seront  pas  les  dernières.  Les  fureteurs  de  biblio- 
thèques ont  toujours  le  devoir  de  diriger  de  ce  côté  leurs  recherches,  et 
le  droit  d'espérer  des  surprises  heureuses.  Je  leur  signale  le  troi- 
sième chapitre  de  la  seconde  partie  de  l'ouvrage  de  M.  L.  ;  ils  y  trou- 
veront rutile  indication  de  tous  les  desiderata  qui  restent  à  combler. 

L'ouvrage  se  divise  en  deux  parties  :  V Histoire  générale  de  la  prédi- 
cation de  Bossuet  et  V Histoire  particulière  de  tous  les  sermons  conser- 
vés ou  perdus. 

Le  titre  de  la  première  n'en  exprime  pas  très  clairement  le  contenu  : 
ce  sont  en  réalité  des  considérations  générales  sur  la  méthode  de  com- 
position de  Bossuet  prédicateur,  telle  que  les  manuscrits  nous  en  révè- 
lent les  procédés  ordinaires.  C'est  ainsi  que,  dans  le  premier  chapitre, 
M.  L.  nous  fait  assister  à  ce  qu'il  appelle  \di préparation  éloignée  des 
sermons,  autrement  dit  les  lectures  et  les  méditations  dans  lesquelles 
Bossuet  cherchait  à  l'avance  l'aliment  de  sa  parole  sacerdotale.  Cette 
préparation,  nous  savions  déjà,  —  ne  fût-ce  que  par  l'une  de  ces  cu- 
rieuses confidences  que  Bossuet  consent  parfois  à  laisser  tomber  du 
haut  de  sa  chaire,  —  qu'elle  devait  être  sérieuse  et  savante;  les  recher- 
ches des  critiques  modernes,  en  particulier  de  MM.  Floquet  et  Gandar, 
l'avaient  plusieurs  fois  confirmé.  Mais  M.  L.  réussit  à  mettre  en  évi- 
dence, plus  précisément  que  l'on  n'avait  encore  fait  jusqu'ici,  la 
patience  prévoyante  avec  laquelle  Bossuet  amassait  les  matériaux  qu'il 
devait  plus  tard  mettre  en  œuvre.  C'est  ce  que  prouvent,  en  parti- 
culier, des  cahiers  de  Remarques  morales  et  ^''Extraits  des  Pères, 
cahiers  que  Dom  Déforis  avait  infidèlement  et  incomplètement  repro- 


2  1  2  RBVUE    CRITIQUB 

duits.  Étudiés  de  plus  près,  ils  contribuent  à  nous  faire  plus  exactement 
apprécier  le  caractère  propre  et  si  souvent  méconnu  d'un  génie  essen- 
tiellement laborieux.  L'abbé  Le  Dieu  prétendait,  par  exemple,  que  «  le 
long  d'un  Avent  ou  d'un  Carême,  Bossuet  ne  se  préparait  que 
dans  l'intervalle  d'un  sermon  à  l'autre  »,  et,  sur  sa  foi,  Ton  pouvait 
s'imaginer  le  grand  orateur  chrétien  composant  ses  sermons  à  peu  près 
en  aussi  grande  hâte  que  Molière  ses  ballets  pour  la  cour.  Les  docu- 
ments retrouvés,  examinés  à  nouveau  et  datés  par  M.  L.^  nous  appren- 
nent au  contraire  à  n'en  pas  douter  qu'  «  avant  d'entrer  dans  la  compo- 
sition des  discours  d''une  de  ses  principales  stations,  Bossuet  en  avait 
arrêté  dans  son  esprit  la  série  complète  ».  Cette  légende  d'un  Bossuet 
improvisateur  s'était  sans  doute  formée  à  l'origine  pour  la  plus  grande  ] 
gloire  de  son  éloquence;  mais  il  n'y  a  pas  à  en  regretter  la  destruction;  ; 
la  vérité  vraie  est  tout  aussi  honorable  à  son  génie.  : 

Voici  une  autre  rectification.  M.  Gandar  —  un  fervent  admirateur  de  i; 
Bossuet,  cependant  —  ne  croyait  pas  pouvoir  affirmer  qu'il  fût  «  bel-  \ 
léniste  «  en  sortant  du  collège,  et  pensait  qu'il  ne  l'était  devenu  a  à  | 
fond  »  que  beaucoup  plus  tard.  «  A  fond  »  peut-être,  mais,  sans  faire  de 
Bossuet  un  philologue,  il  n'en  est  pas  moins  incontestable  que  des  notes  j 
autographes,  écrites  de  i655  à  i666,  nous  le  montrent  dès  cette  époque  j 
lisant  très  soigneusement  les  Pères  grecs.  Quelque  menues  que  puissent  ) 
paraître  aux  indifférents  ces  remarques  de  détail,  ceux-là  ne  s'en  plai- 
gnent pas  qui  pensent  que  l'on  n'a  pas  encore  rendu  assez  de  Justice  à 
la  science  et  à  la  conscience  dont  Bossuet  a  fait  preuve,  dans  presque  il 
tous  les  genres  où  Ta  poussé  son  activité  entreprenante. 

Ajoutons  que  ces  Extraits  présentent  quelquefois  des  canevas  entiers 
qui  devraient  reprendre  rang  dans  la  série  chronologique  des  sermons. 
M.  L.  leur  donnera  assurément  une  place  dans  l'édition  qu'il  prépare 
des  œuvres  oratoires  de  Bossuet. 

La  date  prochaine  de  cette  publication  me  dispense  d'énumérer  toutes 
les  additions  et  tous  les  changements  qu'une  nouvelle  étude  des  manus- 
crits a  fournis  à  M.  L.  Ses  contributions  à  l'établissement  du  texte  sont 
nombreuses,  et  l'on  comprend  la  satisfaction  fière  avec  laquelle  il  se 
vante,  très  justement,  d'  «  une  assez  belle  moisson  ».   Tout  en  nous 
faisant  assister,  d'après  les  manuscrits,  à  l'élaboration  d'un  sermon  de 
Bossuet,  M.  L.   relève  les  erreurs  commises  par  les  éditeurs,  depuis 
Déforis  jusqu'à  Lâchât,  dans  la  reproduction  des  autographes,  erreurs 
fréquentes  surtout  dans  les  avant-propos  et  dans  les  exordes  dont  les 
diverses  rédactions  ont  été  souvent  confondues.  Après  M.  Gandar,  il  a 
travaillé  à  discerner  ces  interpolations  maladroites,  qui  parfois  faussent 
gravement,  dans  une  œuvre  de  Bossuet,  le  fond  comme  la  forme.  C'est 
peut-être,  en  effet,  à  ces  amalgames  inintelligents  qu'il  faut  attribuer 
en  partie  l'impression  produite  par  les  plans  de  Bossuet  sur  des  juges 
difficiles,  qui  regrettent  de  n'y  pas  trouver  cette  netteté  de  Bourdaloue. 
Il  est  vrai  qu'il  pourra  se  faire  aussi,  après  l'expurgation  définitive  du 


DHISTOIRK    ET    DE    LITTÉRATURE  21  3 


texte,  que  tel  discours  très  touffu,  dont  les  théologiens  admiraient  im- 
prudemment la  substantielle  richesse  et  la  plénitude  doctrinale,  se 
trouvera  peut-être  trop  allégé  pour  mériter  cette  louange,  quand  on 
l'aura  dégagé  de  la  «  contamination  »  d'un  autre  sermon  que  la  har- 
diesse des  premiers  éditeurs  y  avait  adjoint  d'autorité. 

Quant  à  ces  corrections  dans  le  détail  du  texte,  qui  sont  la  récom- 
pense de  l'âpre  travail  de  la  recension  des  manuscrits,  le  second  cha- 
pitre de  la  première  partie  nous  offre  un  choix  des  plus  notables.  Et  les 
restitutions  de  M.  L.  paraissent  souvent déûniny es  ;  je  ne  dis  pas  toujours. 
C'est  ainsi  que  dans  un  passage  du  sermon  de  1660,  sur  V Honneur,  le 
texte  accepté  par  M.  Gandar,  par  M.  Gazier  et  par  moi  —  sans  enthou- 
siasme du  reste  et  avec  des  essais  d'interprétation  plus  laborieux,  j'en 
conviens,  que  lumineux  —  portait  ceci  (il  s'agit  d'un  concussionnaire 
enrichi  et  avare)  :  «  Il  tient  bonne  table  à  ses  mines,  à  la  ville  et  à  la 
campagne;  cela  paraît  libéralité...  j»  M.  L.,  au  mot  mines, X'cts  peu  clair, 
substitue  le  mot  ruines  qui  ne  me  satisfait  pas  davantage.  Le  mieux  est 
peut-être  ici  d'admettre,  avec  M.  Gazier,  une  inadvertance  inintelligible 
de  la  plume  de  Bossuet,  et  d'abandonner  comme  un  locus  desperatus  ce 
lapsus  irréparable.  —  Une  correction  plus  incontestablement  heureuse, 
c'est,  dans  l'//bm£?7/e  de  la  femme  adultère,  la  substitution  des  mots 
suivants:  «  Commencement  de  l'âme  pécheresse, Timide,  tremblante  » 
à  ceux-ci  :  «  Commerce  de  l'âme  pécheresse.  Plus  de  semblance  »,  que 
M.  Lâchât  avait  imprimés  sans  sourciller.  Cette  acception  inusitée  du 
mot  semblance^  attribuée  à  Bossuet,  aurait  sans  doute  inquiété,  bien 
inutilement,  les  lexicographes  de  l'avenir. 

Dans  la  seconde  partie  de  sa  thèse,  M.  L.  s'occupe,  après  MM.  Vail- 
lant, Floquet  et  Gandar,  de  la  chronologie  des  sermons.  Combien  c'est 
là  une  utile  entreprise,  non  seulement  pour  l'histoire  du  génie  de  Bos- 
suet, mais  pour  celle  de  la  langue,  du  style  et  de  la  pensée  au  xvn*  siècle, 
il  est  superflu,  je  pense,  de  le  faire  ressortir.  Or,  pour  déterminer  la  date 
des  sermons  de  Bossuet  qui  subsistent,  on  s'était  servi  presque  unique- 
ment jusqu'ici  des  allusions  historiques  ;  de  la  comparaison  à.Q.s  pas- 
sages similaires  dans  des  sermons  sur  le  même  sujet  ou  sur  des  sujets 
analogues;  des  indications  que  peuvent  donner  la  langue  et  le  style; 
de  celles  qu'offrent  le  caractère  de  l'écriture  et  l'aspect  matériel  du 
manuscrit.  Aces  différents  modes  d'investigation,  M.  L.  en  ajoute  un 
nouveau  :  la  considération  de  l'orthographe.    Si   l'on   n'y  avait  pas, 
jusqu'à  présent,  recouru,  c'est  que  l'on  s'accordait  à   regarder   l'or- 
thographe   de    Bossuet  comme    très  incertaine    et    très   capricieuse. 
Or,  M.  L.  croit   pouvoir  affirmer   d'abord  que  ce   n'est  guère  que 
jusqu'en  1657  ^^^  l'orthographe  des  Sermons  est  irrégulière;  à  partir 
de  cette  époque,  elle  ne  varie  presque  plus,  selon  lui,  jusqu'à  sa  mort. 
1657  est  la  date  où,  entre  les  deux  systèmes  orthographiques  qui  se 
partageaient  encore  à  ce  moment  les  suffrages  des  lettrés  —  le  système 
phonétique  et  le  système  étymologique  —  Bossuet  fait  définitivemeni 


I 


214  REVUE   CRITIQUE 

son  choix.  Il  se  rallie  à  Torthographe  étymologique,  qui  a  prévalu  ; 
c'est  elle  qu'il  défend  à  l'Académie  contre  Torthographe  phonétique,  et 
qu^il  observe  exactement  dans  son  écriture  journalière. 

Est-ce  à  dire  qu'antérieurement  à  1657,  il  eût  toujours  pratiqué  un 
phonétisme  constant  et  exclusif?  Non  assurément,  et  si  Ton  prenait 
pcle-méle  les  pages  écrites  par  lui  depuis  1643  (date  à  laquelle  remon- 
tent ses  plus  anciens  autographes),  jusqu'en  1657,  on  le  verrait,  dans 
ces  quatorze  années,  écrire  tour  à  tour  et,  parfois,  dans  le  même  sermon  : 
temps  et  tans,  même  et  mesvie,  nôtre  et  nostre,  hureiix  et  heureux, 
sambler  et  sembler,  projeté  et  prophète,  feblesse  et  faiblesse,  Provi- 
dance  et  Providence,  ateîidre  et  atantij,  etc.  Mais  ce  désordre,  selon 
M.  L.,  n'est  qu'apparent;  ces  «  fluctuations  »  ont  eu  leur  loi,  qu'il 
pense  avoir  découverte,  et  dont  voici,  résumée  d'après  lui,  la  formule 
historique  :  «  Les  premiers  manuscrits  de  Bossuet  {1643)  ne  portent  pas 
trace  de  phonétisme.  Bossuet,  au  sortir  de  rhétorique,  se  conforme 
tout  naturellement  à  l'orthographe  commune,  à  l'orthographe  étymo- 
logique, à  laquelle  l'avaient  formé  ses  premiers  maîtres,  les  Jésuites  de 
Dijon.  »  Mais  «  au  collège  de  Navarre,  il  trouve  »  (peut-être,  car  M.  L. 
ne  nous  cite  pas  de  noms)  a  des  logiciens  qui  préconisent  le  système 
phonétique  ;  il  en  essaye,  il  s'y  façonne  insensiblement.  Il  y  a  »  dans 
ce  sens  «  une  progression  croissante  de  1646  à  i65i,  jusqu'à  la  fin  de 
ses  études  théologiques,  et  quand  il  part,  en  i652,  pour  son  canonicat 
de  Metz,  il  est  acquis  à  la  méthode  des  réformateurs.  »  Mais  cependant 
«  il  ne  s'obstine  pas  à  marcher  contre  le  courant  général.  On  aperçoit 
bientôt  des  symptômes  de  relâchement,  et  les  particularités  les  plus 
significatives  vont  s'effacer  les  unes  après  les  autres,  de  sorte  que,  vers 
la  fin  de  i653,  dans  un  ensemble  d'aspect  phonétique,  les  formes 
étymologiques  feront  de  fréquentes  réapparitions.  En  i656,  le  retour  à 
l'orthographe  usuelle  est  un  fait  accompli.  » 

N'y  a-t-il  pas  une  assez  grande  part  d'hypothèse  dans  cette  ingénieuse 
histoire  des  variations  de  l'orthographe  de  Bossuet?  Et  la  double  pro- 
gression,   tantôt  croissante,  tantôt  décroissante,   que  M.   L.   assure  y 
reconnaître,  si  large  et  si  élastique  qu'il  l'ait  faite,  n'est-elle  pas  encore 
trop  étroite  et  trop  précise?  Ne  faut-il  pas  tenir  un  bien  plus  grand 
compte  (et  ce  que  je  dis  ici  de  l'orthographe,  je  le  dirais  de  l'écriture),  l| 
des  revenez-y  persistants  aux  anciennes  habitudes,  comme  aussi  des  ^j 
étourderies   inconscientes   d'une   plume  toujours   pressée,  dont   nous 
n'avons,  en  somme,  que  les  brouillons  rapides  et  négligés?  Et  puis,  le- 
nombre  des  manuscrits   sûrement  datés  avant  1657,  et   qui  sont  les* 
points  de  départ  de  cette  chronologie  orthographique,  est-il  assez  con- 
sidérable pour  servir  de  base  à  des  généralisations  solides?  Voilà  les  ■ 
scrupules  que  le  «  tableau  synoptique  et  comparatif»,  fort  bien  fait  du  H 
reste,  que  M.  L.  ajoute  à  son  ouvrage,  n'a  pas  suffi  à  dissiper,  ni  chez  ^ 
ses  juges,  je  crois,  ni  chez  ses  lecteurs  ;  voilà  les  questions  qui  peut-être 
auraient  besoin  d'être  encore  débattues  avant  d'user,  en  toute  sûreté  de 


d'histoire    El    OS,    LITTÉRATURE  21 5 

conscience,  dans  le  classement  des  manuscrits  de  date  inconnue,  des 
principes  posés  par  M.  Lebarq.  Et,  sans  entrer  ici  dans  un  examen  dont 
je  n'ai  que  des  éléments  très  insuffisants,  je  me  demande  seulement  si, 
dans  ces  inductions,  M.  L.  a  toujours  évité,  comme  il  l'assure,  jusqu'aux 
apparences  d'un  cercle  vicieux.  Je  vois,  par  exemple,  que,  pour  nous 
démontrer  les  changements  successifs  du  «  t  »  euphonique  dans  les 
manuscrits  des  Sermons,  M.  L.  s'appuie  (p.  109)  sur  de  certains  écrits, 
tels  que  la  Méditation  sur  la  Brièveté  de  la  vie  ou  le  sermon  sur  la 
Bonté  et  la  rigueur  de  Dieu,  dont  il  rétablira  plus  loin  la  date  (pp.  120 
et  126),  précisément  en  se  fondant  surtout,  à  ce  qu'il  semble,  sur  l'ab- 
sence ou  la  présence  de  ce  t  euphonique.  Je  n'oserais  donc,  jusqu'à  plus 
ample  informé,  affirmer  aussi  catégoriquement  que  M.  L.  que  les 
a  oscillations  »  de  Bossuet  dans  son  orthographe  «  peuvent  constituer 
pour  les  sept  années  de  1648  à  î655  une  donnée  chronologique  frè^ 
sûre  et  très  précise  ».  Que  les  observations  ingénieuses  et  nouvelles 
faites  par  M.  L.  sur  l'orthographe  puissent  nous  empêcher  d'attribuer 
à  la  période  antérieure  à  1657  un  sermon  postérieur,  ou  réciproque- 
ment; que,  pour  les  sermons  antérieurs  à  1657,  elles  puissent  apporter 
un  supplément  utile  aux  lumières,  assez  rares  du  reste,  qui  nous  vien- 
nent d'autre  part,  je  n'y  contredis  pas...  Mais  ce  qui  est  vrai  surtout,  et 
ce  que  M.  L.  a  grande  raison  de  déclarer  lui-même  (p.  108),  c'est  que, 
dans  le  délicat  travail  de  conjecture  sur  lequel  doit  s'édifier  le  classe- 
ment chronologique  des  Sermons,  il  convient  de  n'être  pas  exclusif  et 
de  ne  point  isoler  les  uns  des  autres  les  renseignements  obtenus 
par  les  divers  moyens  d'enquête  dont  nous  disposons.  Composition, 
style,  allusions  historiques,  écriture,  orthographe,  tout  cela  contribue 
à  nous  éclairer;  rien  de  tout  cela  n'y  suffit.  Chacun  de  ces  procédés 
peut  servir  aux  autres  d'appoint  et  d'auxiliaire  ;  aucun  d'eux  n'a,  ce  me 
semble,  à  lui  seul  une  valeur  très  sûre  et  très  précise.. 

Il  ne  me  paraît  pas,  du  reste,  que,  dans  sa  pratique  habituelle,  M.  L. 
se  soit  départi,  par  esprit  de  système,  même  pour  les  sermons  antérieurs 
à  1657,  de  cet  éclectisme  intelligent,  qui  seul  peut  dormer  des  résultats 
un  peu  certains.  Dans  les  deux  cent  cinquante  pages  qu'il  consacre  à 
déterminer  la  suite  chronologique  des  Sermons,  il  use  concurremment 
des  diverses  méthodes  que  MM.  Vaillant,  Floquet,  Lâchât,  Gandar  ont 
employées.  Ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  contredire  parfois  aux  conclu- 
sions auxquelles  ils  étaient  arrivés.  Il  serait  malaisé  de  le  suivre  dans  ce 
long  défilé  de  notices  particulières  qu'il  consacre  à  chacun  des  sermons, 
l'un  après  l'autre.  Notons  seulement  qu'il  parvient  assez  heureusement  à 
dissimuler  Taridité  de  ces  monographies  critiques,  par  des  citations  bien 
choisies  et  par  des  renseignements  historiques  sobres  et  instructifs. 
J'ajoute  quen  outre  de  l'intérêt  qu'il  a  su  donner  à  l'exposition  de  ces 
recherches  exactes,  son  livre  aura  encore  l'avantage  de  permettre  à  ses 
lecteurs  d'établir  dans  les  éditions  de  Bossuet  qu'ils  possèdent  un  ordre 
chronologique  dont  les  données   manquent  dans  la    plupart  d'entre 


2  I  6  REVUE    CRITIQUE 

elles  ou  sont  fort  insuffisantes  dans  celles  où  l'on  s'est  risqué  à  indiquer 
des  dates. 

Une  conclusion  où  l'auteur  se  propose  de  montrer  dans  la  prédica- 
tion de  Bossuet  «  l'unité  d'inspiration  et  de  pensée,  la  variété  et  le 
progrè's  de  l'éloquence  »,  est  peut-être  la  partie  de  l'ouvrage  qui,  malgré 
de  judicieuses  observations  de  détail,  me  semblerait  la  moins  nette  et  la 
moins  substantielle.  Je  sais  du  reste,  aussi  bien  que  M.  L.  et  que  tous 
ceux  qui  touchent  à  Bossuet,  que,  s'il  est  aisé  d'étudier  par  le  menu 
tels  ou  tels  de  ses  ouvrages,  c'est  uns  autre  entreprise  que  d'apprécier 
d'une  façon  générale  et  d'ensemble  le  développement  de  son  activité 
intellectuelle,  ne  fût  ce  que  dans  un  seul  des  genres  où  elle  s'est  appli- 
quée. On  risque  fort  de  ne  satisfaire  qu'à  demi  les  autres  et  soi-même, 
lorsqu'on  essaie  soit  de  définir,  même  vue  d'un  seul  côté,  cette  pensée 
dont  la  réflexion  est  si  profonde  et  le  rayonnement  si  vaste  ;  soit  d'analy- 
ser, même  dans  un  seul  de  ses  emplois,  cette  forme  si  riche  et  si  hardie,  où 
le  travail  entre  pour  beaucoup,  et  où  pourtant  la  sincérité  et  la  nature 
débordent.  Il  y  a  là  une  variété,  avec  des  apparences  de  contradiction, 
qui  déconcerte  la  critique  et  semble  défier  ses  formules. 

Alfred  Rébelluu. 


142.  —  Gœtlie  Jahi'bueli    hrsg.  von  Ludwig  Geigee.   X^' Band.  Frankfurt    ain 
Main,  Literarische  Anstalt,  Rûtten  u.  Lœning,  1889.  In-8,  vm  et  348  p.  10  maïk. 

Le  dixième  volume  du  Gœthe  Jahrbuch  que  nous  a  donné  l'an  der- 
nier M.  Ludwig  Geiger,  renferme  cette  fois  encore  de  précieuses  com-  il 
munications  tirées  des  archives  de  Gœthe.  *| 

Nous  trouvons,  sous  la  rubrique  Neiie  Mittheiliingen  :  1°  des  lettres 
de  Gœthe,  de  Christiane,  de  Riemer,  de  Vulpius  à  Auguste  de  Gœthe, 
étudiant  en  droit  à  Heidelberg  (1808-1809);  2"  le  «  commencement 
d'un  roman  fantastique  î>  écrit  de  la  propre  main  de  Lenz  et  communi- 
qué par  M.  Weinhold;  3°  des  lettres  et  un  discours  de  Gœthe  qui  ont 
trait  à  la  direction  du  théâtre;  4°  un  mémoire  de  Knebel  sur  la  littéra- 
ture allemande;  5"  comme  dans  les  précédents  volumes,  divers  témoi- 
gnages des  contemporains  de  Gœthe  sur  le  poète.  -Atj 

J'insiste  seulement  sur  le  roman  de  Lenz  et  sur  le  mémoire  de 
Knebel.  Lenz  aima  la  sœur  de  Gœthe,  Cornélie  Schlosser.  Il  raconte  sa 
passion  et  ses  péripéties  dans  le  Journal  que  publie  M.  Weinhold 
(p.  46-70]  et  qui  a  pour  titre  «  conversion  morale  d'un  poète  décrite 
par  lui-même  ».  Ce  journal  comprend  quinze  monologues  plus  ou  moins 
courts,  où  Ton  retrouve  le  Lenz  qu'on  connaissait  déjà,  capricieux, 
excessif,  prenant  pour  des  réalités  les  rêveries  et  les  extravagances,  les 
Aiisschweifungen,  comme  il  disait,  de  sa  folle  imagination,  amoureux 
de  trois  femmes  à  la  fois,  de  Cléophé  Fibich,  d^Henriette  de  Waldner 
et  de  Cornélie.  Il  voit  Cornélie  à  Strasbourg;  ii^  s'imagine  qu'elle  est 
venue  pour  le  voir  et  connaître  de  près  le  célèbre  Lenz;  il  croit  avoir 


d'histoire  et  de  littérature  217 

produit  sur  elle  une  impression  ineffaçable,  et  lorsqu'elle  revient  à 
Emmendingen,  il  lui  écrit  des  lettres  passionnées  qu'il  n'ose  envoyer  de 
peur  qu'elles  ne  tombent  entre  les  mains  du  mari.  En  réalité,  Cornélie 
ne  l'avait  nullement  encouragé;  elle  avait  écouté  avec  indulgence  les 
confidences  de  Lenz  qui  lui  révéla  son  amour  pour  Araminte-Gleophé; 
elle  l'avait  traité  —  Lenz  l'avoue  lui-même  —  comme  un  petit  garçon 
imberbe  (ohnburtigen  Buben)  qui  l'intéressait  parce  qu'il  faisait  des  vers 
et  des  drames,  parce  qu'il  était  l'ami  de  son  frère  et  de  son  mari;  le 
seul  sentiment  que  Lenz  lui  ait  jamais  inspiré,  est  une  sympathie  mêlée 
de  pitié.  Mais  Lenz  s'était  mis  en  tête  qu'il  aimait  Cornélie  et  que 
Cornélie  l'aimait.  Un  jour,  il  écrit  à  Schlosser  qu'il  part  pour  la  Lor- 
raine; mais  il  prend  le  chemin  d'Emmendingen  et  arrive  soudain  chez 
le  bailli.  Il  croyait  que  Cornélie  soupirait  après  lui,  qu'elle  se  désolait 
de  son  absence,  qu'elle  avait  appris  avec  douleur  la  nouvelle  de  son 
départ,  et  il  se  figurait,  dit-il,  entrer  en  conquérant  dans  une  ville  sou- 
mise. Il  avoue  qu'il  se  trouva  trompé  (betrogen),  répudié,  repoussé, 
exclu  (ausgeschlossen) .  Cornélie  était  malade,  elle  l'accueillit  une  seule 
fois  et  avec  mépris  (mit  Verachtung),  puis  défendit  sa  porte.  Lenz 
partit,  confus,  contrit,  l'oreille  basse,  et  regagna  Strasbourg,  Il  recon- 
naissait que  Cornélie  avait  raison  et  qu'elle  ferait  un  mauvais  échange, 
si  elle  acceptait  son  amour,  l'amour  d'un  fou  (die  Liebe  eines  Wahu' 
n^it^îgen)  contre  le  plus  noble  trésor  (den  edelsten  Sellât^},  l'amitié  et 
le  respect  de  son  mari.  Il  ne  cessait  de  l'aimer,  mais  il  l'aimait  comme 
une  madone.  Il  glorifiait  sa  vertu,  son  éloignement  de  tout  ce  qui  a 
l'apparence  de  pompe  et  de  vanité,  sa  modération,  son  «  grand  cœur  ». 
Il  la  nommait  l'idole  de  sa  raison,  sa  première  et  sa  meilleure  amie,  son 
amie  la  plus  sacrée,  son  amie  morale,  son  amie  céleste,  sa  muse,  son 
Uranie,  la  Minerve  qui  le  protégeait  de  son  égide,  celle  qui  guidait  son 
cœur  et  opérait  sa  conversion  morale  (moralische  Bekehrung^  de  là  le 
titre  de  l'opuscule).  Pourtant  il  revint  à  Emmendingen,  en  compagnie 
de  Gœthe.  Il  retrouva  Cornélie  malade  et  alitée.  Mais  la  vue  de  son 
frère  fit  sur  M"«  Schlosser  une  impression  salutaire;  elle  se  leva  le  len- 
demain. De  nouveau  Lenz  l'admira;  de  nouveau  il  remarqua,  comme 
il  le  dit  naïvement  et  sans  jalousie,  la  «  tendresse  volontaire,  naturelle, 
libre  de  Cornélie  pour  son  mari  »,  une  tendresse  qui  était  plus  que 
l'amour  commandé  par  le  devoir  (mehr  als pflichtvollj  et  qui  la  pous- 
sait à  aider  Schlosser  avec  une  véritable  patience  angélique  à  porter  les 
fardeaux  de  la  vie.  Mais  il  n'aurait  pas  été  Lenz  s'il  n'était  retombé  dans 
sa  ridicule  passion.  De  retour  à  Strasbourg,  il  s'imagina  derechef  que 
Cornélie  l'aimait  parce  qu'elle  lui  avait  prêté  un  exemplaire  de  Pétrar- 
que, et  il  écrivit  ce  Poète  où  il  épanchait  son  cœur.  Il  voulait  le  donner 
à  Cornélie  pour  lui  montrer  l'espèce  d'homme  bizarre  et  drôle  qu'il 
était  (die  seltsame  drolligte  Art  Menschen).  Il  n'osa  l'envoyer.  Mais 
lorsqu'il  fit  sa  fugue  à  Weimar  en  1776,  il  emporta  son  manuscrit  et 
le  confia  avec  d'autres  papiers  à  Gœthe  qui  le  conserva  et  qui,  naturel- 
lement, ne  la  jamais  publié. 


2l8  RKVUE    CRITIQUR 

Le  Mémoire  de  Knebel  sur  la  littérature  allemande  était  destiné  à 
M™«  de  Staël  qui  devait  s'en  servir  dans  le  livre  qu'elle  projetait  sur 
l'Allemagne.  Mais  Bottiger  garda  le  manuscrit,  que  M.  K.  E.  Franzos 
publie  aujourd'hui  dans  le  Gœthe-Jahrbuch  (p.  1 28-1 35).  On  y  trouvera 
beaucoup  d'esprit  et  des  appréciations  justes  et  importantes,  mais  aussi 
des  jugements  sévères  et  singuliers  :  en  l'an  1804  Knebel  fait  Péloge 
d'Uz  et  de  Gotz,  passe  Schiller  sous  silence,  blâme  Goethe  plus  qu'il  ne 
le  loue,  et  fait  un  éloge  enthousiaste  de  Wieland  et  de  Herder  ;  Wieland, 
dit-il,  est  l'écrivain  le  plus  accompli  de  toutes  les  nations  modernes  et 
Herder  a  parlé  la  langue  de  la  véritable  éloquence. 

Après  les  Neue  Mittheilungen  viennent,  comme  toujours,  dans  1'  «  An- 
nuaire de  Gœthe  »,  les  Abhandlungen.  Ce  sont  :  un  curieux  article  de 
M.  H.  Dechent  sur  les  querelles  des  ecclésiastiques  de  Francfort  avec  les 
Annonces  savantes  ou  «  Frankfurter  gelehrte  Anzeigen  »,  une  étude  de 
M.  H.  Schreyer  sur  le  manuscrit  à'Hermann  et  Dorothée  et  sur  les 
remaniements  que  fît  le  poète  à  son  idylle  épique,  un  travail  intéressant 
de  M.  J.  Minor  sur  les  classiques  et  les  romantiques. 

Des  Mélanges,  une  chronique  et  une  bibliographie  terrilinent  ce 
volume,  très  digne  de  ses  aînés.  La  bibliographie,  complète  et  fort  soi- 
gnée, fait  le  plus  grand  honneur  au  directeur  de  l'Annuaire,  qui  suit  si 
attentivement,  si  patiemment  le  mouvement  des  études  gœthéennes. 
Les  Mélanges  renferment  un  certain  nombre  de  remarques  ingénieuses, 
entre  autres,  sur  des  vers  de  Jerjr  et  Bately  (Ellinger)  ;  sur  la  scène  de 
la  reconnaissance  dans  i'Iphigénie  à  Delphes  (Morsch)  ;  sur  le  roman 
dans  la  langue  des  fleurs  (Seufîert);  sur  la  traduction  des  «  Essais  sur  la 
peinture  »,  de  Diderot  (L.  Geiger);  sur  le  général  de  Hoffmann,  grand 
oncle  du  poète  (Alex.  Dietz). 

A.  Chuquet. 


Lettre  de  M.  Bourgoin  et  réponse  de  M.  Delboulle. 

Monsieur  le  Directeur, 

Permettez-moi  d'adresser  quelques  mots  de  réponse  à  un  article  bibliographique    || 
paru  sur  mon  livre  :  Les  maîtres  de  la  critique  au  xvii«  siècle,  dans  votre  numéro 
du  3  février  dernier.  11  me  serait  facile  de  prendre  à  partie  l'auteur  sur  l'ensemble 
de  son  travail,  je  ne  lui  reproche  que  son  manque  de  probité.  Voire  impartialité  ne 
peut  me  refuser  de  motiver  ce  reproche  : 

1'  Extraire  d'un  ouvrage  de  trois  cents  pages  certaines  façons  de  parler  familières, 
quatre  ou  cinq  interjections  qui  s'y  trouvent,  et  donner  à  supposer  au  lecteur  qu'il 
les  y  rencontrera  à  chaque  ligne,  c'est  là  un  procédé  peu  honnête; 

2°  Détacher  de  son  contexte  une  expression  et  prouver  par  là  qu'elle  détonne,  c'est 
encore  un  procédé  peu  honnête.  M.  Delboulle  s'oft'ense,  par  exemple,  que  j'aie  com- 
paré le  style  de  Saint- EvremonJ  à  un  «  grand  crû  de  Bordeaux  »;  mais  en  criti- 
quant cette  expression,  il  se  garde  bien  de  rappeler  comment  j'ai  été  amené  à  l'em- 
ployer. J'ai  écrit  :  «  Le  style  de  Saint-Evremond,  ;;owr  emprunter  une  comparaisott 
qui  n'eût  pas  déplu  à  l'ami  du  comte  d'Olonne,  n'est  ni  un  Ai  fumeux,  ni  un  bour- 


DHISTOIRB    ET    DE    LITTKRATL'RK  219 

gogne  généreux,  c'est  un  bordeaux  etc..  »  M.  D.  a  sciemment  tronqué  ma  phrase, 
pour  le  besoin  de  sa  cause.  Fi,  c'est  laid  ! 

3°  M.  D.  fait,  sans  pédanterie,  sans  vain  étalage  d'érudition,  comme  en  passant, 
remarquer  au  lecteur  que  Richelieu  est  mort  en  16^2.  Je  ne  l'en  blâme  pas,  c'est  si 
rare  d'allier  la  modestie  à  la  science!  Mais  pourquoi  veut-il  que  j'aie  prolongé  les 
jours  du  ministre  de  Louis  XIII  jusqu'en  i663.'  Dans  la  phrase  incriminée  où  je 
parle  de  la  pression  officielle  que  Richelieu  et  Colbert  auraient  exercée  sur  Chape- 
lain, je  fais  allusion  à  celle  qu'aurait  subie  le  vieux  critique,  non  seulement  en  dres- 
sant la  Liste  des  gens  de  lettres,  mais  encore  en  écrivant,  quelque  vingt-cinq  ans 
auparavant,  Les  Sentiments  de  r Académie  sur  le  Cid.  Il  n"est  pas  besoin  d'être  clair- 
voyant, il  faut  être  simplement  honnête  pour  s'en  rendre  compte. 

M.  D.  est  pourtant  un  délicat,  il  nous  l'affirme  lui-même,  puisque  mon  livre,  qui 
n'a  pas  l'heur  de  lui  plaire,  ne  plaira  pas  aux  délicats,  si  quid  veri  augurât.  Allons, 
soyez  délicat,  M.  Delboulle,  et  malheureux,  comme  le  sont  tous  les  délicats,  et  si, 
c'est  possible,  soyez  aussi  plus  honnête.  Par  la  même  occasion,  rafraîchissez,  rajeu- 
nissez votre  critique;  elle  a  quelque  chose  d'acide  et  de  vieillot  qui  fait  peine. 

Auguste  BouRGom. 

Je  n'ai  que  quelques  mots  à  répondre  à  cette  airhable  lettre.  Ma  critique,  dit 
M.  Bourgoin,  est  «  aride  et  vieillote  »  :  il  voudrait  évidemment  nous  faire  croire  que 
la  sienne  est  «  plantureuse  et  juvénile.  »  On  en  a  pu  juger  par  les  passages  de  son 
livre  que  j'ai  cités  très  exactement .  Je  lui  permets  donc  de  se  chanter  à  lui-même  des 
triomphes  tant  qu'il  voudra  et  de  maudire  son  juge.  Ses  ergoteries  n'affaiblissent 
aucune  de  mes  critiques,  aucune  de  mes  remarques,  et  il  se  garde  bien,  par  exemple, 
de  parler  de  son  fameux  chapitre  :  «  Chapelain  est  vraiment  l'inventeur  des  trois 
unités.  »  Mais  ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  se  fâchent  les  gens  dont  on  a  le  cou- 
rage de  relever  les  contradictions,  les  erreurs  ou  les  lourdes  bévues  :  aussi  les  inju- 
res et  la  colère  de  M.  Bourgoin  me  laissent  tout  à  fait  indifférent. 

A.  Delboulle. 

CHRONIQUE 

RUSSIE.— M.  Tratchevsky  commence  dans  le  Recueil  de  la  Société  impériale  his- 
torique de  Saint-Pétersbourg  la  publication  des  Documents  relatifs  aux  rapports  di- 
plomatiques de  la  Russie  et  de  la  France  à  l'époque  de  Napoléon  L  Ce  recueil  com- 
prend les  années  1800  à  1802  :  la  plupart  des  documents  cités  sont  en  français  ;  l'in- 
roduction  et  l'index  sont  en  langue  russe.  Cette  importante  publication  formera 
trois  ou  quatre  volumes. 

—  Il  paraît  à  Moscou  une  Revue  de  philosophie  et  de  psychologie,  sous  la  direction 
de  M.  N.  Grot,  professeur  à  l'Université  de  cette  ville. 

ACADEMIE   DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  7  mars  iSgo. 

Le  ministre  de  l'Instruction  publique  invite  par  lettre  l'Académie  à  présenter  deux 
candidats  pour  la  chaire  d'épigraphie  et  d'antiquités  sémitiques  au  Collège  de  France. 
L  Assemblée  des  professeurs  du  Collège  a  présenté  à  l'unanimité  M.  Clermont-Gan- 
neau  en  première  ligne  et  M.  Philippe  Berger  en  seconde  ligne. 

I^^^^^'lémic  des  sciences  transmet  à  l'Académie  des  inscriptions  un  mémoire  de 
M.  bd.  Schneider,  ingénieur  en  chef  de  la  province  de  Scutari  d'Albanie,  sur  des 
antiquités  préhistoriques  découvertes  dans  la  province  d'Alep  et  aux  environs  d'An- 
tioche.  Ce  mémoire  est  renvoyé  à  l'examen  de  M.  Alexandre  Bertrand. 


I 


220 


REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRK    ET    DE    LITTÉRATURE 


M.  Hamy  signale  à  l'Acadcmie  les  j^rands  travaux  exécutes  récemment  pour  le  dé- 
blaiemeni  de  quelques-unes  des  ruines  les  plus  importantes  du  centre  de  Java.  Les 
monuments  en  question  peuvent  remonter  au  v*  siècle  de  notre  ère.  Ils  sont  d'une 
architecture  élégante  et  bizarre,  qui  s'inspire  de  celle  de  l'Inde.  Encombrés  d'une 
végétation  puissante,  disloqués  par  les  tremblements  de  terre,  ils  n'avaient  pu  être 
étudiés  jusqu'ici  que  très  imparfaitement.  Le  déblaiement  qui  vient  d'en  être  fait  a 
permis  de  les  photographier.  M.  Hamy  fait  passer  sous  les  yeux  de  ses  confrères  les 
vues  de  quelques-unes  de  ces  belles  ruines.  Il  signale  à  leur  attention  des  statues, 
particulièrement  remarquables  par  la  finesse  du  travail  et  la  beauté  des  types  qu'elles 
reproduisent. 

M.  H. -M. -P.  de  la  Martinière,  chargé  d'une  mission  d'exploration  archéologique 
au  Maroc,  rend  compte  des  recherches  et  des  fouilles  qu'il  a  faites  sur  l'emplacement 
de  la  ville  antique  de  Lixus.  dans  la  Tmgitane.  11  rapporte  de  cette  première  campa- 
gne une  série  de  documents  divers,  ttls  que  photographies,  plans  de  l'acropole  et  des 
murailles  phéniciennes,  etc. 

^L  le  vicomte  H. -François  Delaborde  communique  une  notice  sur  la  chronique 
dite  du  Religieux  de  Saint-Denis .  On  désigne  habituellement  sous  ce  nom  un  ou- 
vrage latin  qui  ne  comprend  que  l'histoire  du  règne  de  Charles  VI.  M.  Delaborde 
montre  que  cet  ouvrage  n'est  que  la  dernière  partie  d'une  œuvre  beaucoup  plus  éten- 
due, dans  laquelle  l'auteur  avait  raconté  toute  l'histoire  du  monde  chrétien;  depuis 
les  origines  de  la  monarchie  française.  Une  grande  partie  de  cette  vaste  compilation 
historique  est  perdue  ;  les  fragments  conservés  sont,  d'une  part,  la  chronique  de 
Charles  VI;  d'autre  part,  l'histoire  des  années  769  a  1270,  contenue  dans  les  deux 
manuscrits  de  la  bibliothèque  Mazarine,  n*»  553  et  534. 

Ouvrages  présentés:  —  par  M.  Boissier  :  Giovanni  (V.  di).  la  Topografia  antica 
di  Palermo  dal  secolo  X  al  XV  {■}  vol.)  ;  —  par  M.  Delisle  :  i»  Plaintes  et  Doléances 
de  la  province  de  Toiiraine  aux  Etats-Généraux,  publiées  et  annotées  par  M.  Charles 
DE  Grandmaison  ;  2*  Du  Bout  (dom),  Histoire  de  l'abbaye  d'Orbais,  publiée  par 
M.  Etienne  Héron  de  Villefosse;  —  par  M.  Gaston  Paris  :  Regnaud  (Paul).  Esquisse 
du  véritable  système  primitif  des  voyelles  dans  les  langues  d'origine  indo-euro- 
péenne ;  2"  les  Grandes  Lignes  du  vocalisme  et  de  la  dérivation  dans  les  langues 
indo-européennes;  —  par  M.  de  Boislisle  :  Baudrillaut  (Alfred),  Philippe  V  et  la 
cour  de  France,  tomel;  —  par  M.  Georges  Perrot  ,  Bulletin  de  correspondance  hellé- 
nique, décembre  i'S8g  (contenant  une  lettre  de  Darius,  fils  J'Hystaspe,  dont  la  traduc- 
tion grecque  a  été  découverte  par  MM.  G.  Cousin  et  G.  Deschamps);  —  p,ir  M.  Bréal  : 
I  0  LoTH  Chrcstomathie  bretonne  ;  2°  Collection  de  reproductions  de  manuscrits,  pu- 
bliée par  L.  Clédat  :  Classiques  latins,  I,  Catulle,  manuscrit  de  Saint-Germain-des- 
Prés ;  3°  Revue  de  philologie  française  et  provençale,  tome  III,  fascicule  4  (conte- 
nant des  léponses  adressées  à  M.  Clédat  par  divers  savants,  sur  l'accord  du  participe 
passé  en  français);  —  par  M.  Barbier  de  Meynard  :  Fulcrand,  Notice  sur  le  généra. 
Faidherbe. 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANGE 

Séance  du  26  février. 

M.  Lecoy  de  la  Marche  donne  lecture  d'un  mémoire  relatif  au  bagage  d'un  étudian 
en  Sorbonne  trouvé  mort  sur  la  grande  route  de  Nevers  à  Paris,  près  de  Château 
Landon  en  1437.  L'inventaire  de  ce  bagage  fait  connaître  par  le  menu  comment  vi 
valent  les  écoliers  aisés  de  ce  temps. 

M.  Adrien  Blanchit  présente  une  anse  de  vase  qui,  après  avoir  fait  partie  de  la  col 
lection  Benjamin  Fillon,  appartient  aujourd'hui  à  M.  Paul  Rattier.  M.  Fiilon  pensa' 
qu'il  fallait  voir  dans  la  figure  principale  de  ce  bronze  remarquable,  la  Gaule  assis 
dans  l'attitude  de  la  douleur.  M.  Blanchet  indique  les  rapprocliements  qui  doiven 
être  faits  avec  les  figures  du  grand  camée  de  France. 

M.  Héron  de  Villefosse  communique  une  lettre  de  M.  Duvernoy,  conservateur  d 
musée  de  Montbéliard,  relative  aux  antiquités  trouvées  à  Mnndeure.  M.  de  Villefosf 
fait  remarquer  l'intérêt  qu'il  y  aurait  a  dresser  une  liste  des  objets  anciens  trouvi. 
dans  les  musées  d'Europe  ou  dans  les  collections  particulières. 

M.  de  Lasteyrie  lit  une  lettre  de  M.  Palustre  au  sujet  de  la  communication  c 
M.  Roman,  publiée  dans  le  Bulletin  de  la  Société,  iur  l'écusson  qui  existe  dans  lacoi 
de  l'Ecole  ues  Chartes. 

^L  l'abbé  Tiiédenat  présente  de  la  part  de  M.  Maire  le  dessin  d'une  inscription  rc 
maine  funéraire  trouvée  il  y  a  quelques  mois  à  Clermont-Ferrand. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le   r'uY,  iir.yrimerie  Marchessou  ftls,  boulevard  Samt-Laureut.  2.y. 


REVUE   CRITIQUE 
D'HISTOIRE   ET    DE    LITTÉRATURE 


N»  12  -  24  mars  —  1890 

Sommaire  :  143.  Meister,  Les  dialectes  grecs.  —  144,  Ouvré,  Démosthène.  — 
145.  Ullrich,  Tibulle.  —  146.  Chantepie  de  La  Saussaye,  Manuel  d'histoire  des 
religions.  —  147.  Richter  et  Kohl,  Annales  de  l'Empire  allemand,  L  —  14S. 
JouBERT,  La  baronnie  de  Craon.  —  149-150.  Castellani,  L'imprimerie  à  Venise 
et  son  origine.  —  i5i.  Lyon,  L'idéalisme  en  Angleterre  au  xvin^  siècle.  —  i52. 
AuRioi.,  La  défense  du  Var.  —  Lettre  de  M.  Brandt.  —  Chronique.  —  Académie 
des  Inscriptions. 


143.  —  R,  Meister.  liïe   griechischen   Dialekte,    tome   2,   Gœttingen,  Van- 
denhœck  et  Ruprecht,  i88g,  xii-35o  p. 

M.  Meister  continue,  après  un  assez  long  intervalle,  la  publication 
f|  de  son  ouvrage  sur  les  dialectes  grecs  ;  il  a  adopté,  dans  le  tome  II,  les 
types  spéciaux  de  r,  et  de  w  employés  dans  le  recueil  de  Collitz,  com- 
mencé deux  ans  après  le  premier  volume.  Chose  à  remarquer,  cette 
yiite  aurait  gagné  à  paraître  quelques  mois  plus  tard  (la  préface  est  de 
ars  1889);  M.  M.  aurait  alors  connu  le  Bull,  de  corresp.  hell.  du 
ois  d'avril  1889,  et  l'inscription  de  Tégée  publiée  par  Bérard  aurait 
\  modifier  ses  opinions  sur  quelques  points,  et  beaucoup  enrichi  ses 
atistiques,  notamment  pour  ce  qui  concerne  la  déclinaison.  Ce  second 
volume,  qui  contient  l'éléen,  l'arcadien  et  le  cypriote,  se  recommande 
par  les  mêmes  qualités  que  le  premier  :  sérieuse  et  sûre  connaissance  des 

«sources,  examen  approfondi  des  faits,  clarté  et  précision  dans  l'analyse 
des  formes  ;  il  est  difficile  de  mieux  mettre  en  lumière  la  structure  gé- 
nérale en  même  temps  que  les  traits  caractéristiques  d'un  dialecte.  Ce 
n'est  pas  qu'il  n'y  ait  quelques  réserves  à  faire;  M.  M.  est  d'une  extrême 
hardiesse  dans  ses  conclusions,  qui  sont  parfois  appuyées  sur  des  formes 
douteuses,  surdes  exemples  d'insuffisante  autorité, sur  des  lecturesou  res- 
titutions purement  conjecturales.  Il  est  très  vraisemblable,  par  exemple, 
que  le  dialecte  de  la  Triphylie  était  en  quelques  points  distinct  de  celui 
de  l'Elide  ;  mais  les  exemples  d'après  lesquels  M.  M.  établit  cette  distinc- 
tion ne  sont  pas  tous  probants.  La  forme  "AXtiç,  connue  seulement  en 
dehors  de  l'épigraphie,  est  la  seule  invoquée  pour  justifier  l'assertion 
suivante  (p.  11)  :  a  suff.  nominal  triph.  -ci-,  éléen  -xi»  »,  d'où  la  con- 
clusion (p.  52)  :  «  le  suff.  nominal  -ti-  ne  s'assibile  pas  dans  l'ancien 
éléen  ».  Comment  se  fait-il  alors  qu'on  lise  xoGapci  dans  un  texte  nette- 
ment caractérisé  comme  éléen  (p.  10),  et  qui  remonte  (p.  17)  au  moins 
au  ve  siècle  (Collitz,  t.  I,  n"   11 56)?  On   pourrait  d'ailleurs  opposer 
que    AXxiç  est  une  très  ancienne  forme  immobilisée  dans  ce  seul  mot 
devenu  nom  propre,  et  la  différence  des  dialectes,  en  ce  point  du  moins, 
Nouvelle  série,  XXIX.  12 


222  REVUE    CRITIQUE 

devient  alors  très  problématique.  Il  n'est  pas  plus  sûr  d'affirmer  (p.  12) 
«  triph.  àvofo-,  éléen  àvipe  »,  car  cette  seconde  forme  ne  repose  que  sur 
une  conjecture,  le  second  a  n'étant  rien  moins  que  certain  ■.  M.  M. 
lui-même  est  obligé  de  faire  remarquer  (p.  58),    «   combien    variée  et 
peu  conséquente  est,  dans  la  plupart  des  cas,  l'orthographe  des  inscrip- 
tions d  Olympie.  »  Il  est  donc  au  moins  prématuré  de  conclure,  sur  la 
foi  d'un  seul  témoin  ou  de  témoins  suspects,  que  telle  ou  telle  forme 
est  éléenne,   telle  autre  triphylienne.    La   même  observation  serait  à 
faire  au  sujet  de  la  théorie  sur  l'élision,  en  éléen,  des  formes  de  l'article 
terminées  par  une  consonne;  théorie  chancelante  qui  repose  unique- 
ment sur  des  restitutions  hypothétiques  ou  d'incertaines  interprétations 
(v.  d'ailleurs,  p.  3 17,  la  note  de  la  page  44).  Cette  tendance  à  formuler 
des  règles  sans  y  être  suffisamment  autorisé  se  remarque  dans  tout  le 
cours  de  l'ouvrage  ;  je  n'en  citerai  plus  qu'un  exemple  :  p.  261,  sec- 
tion IV  (par  erreur  VI)  du  §  14,  on  lit  ceci  :  «  Dans  l'écriture  syllabique 
cypi:iote,  la  nasale  devant  une  explosive  n'est  pas  exprimée quelque- 
fois à  la  fin  du  substantif,  devant  un  pronom  qui  s'y  rapporte  ou  devant 
l'article  répété.  »  Or,  M.  M,  ne  cite  que  trois  exemples  à  l'appui,  et  il 
n'y  en  a  que  trois  ;  deux  sont  des  lectures  propres  à  l'auteur,  et  le  troi- 
sième est  une  transcription  qui  lui  est  également  personnelle.  Ces  cas 
étant  ailleurs  expliqués  par  la  règle  fondée  sur  eux,  qui  ne  voit  qu'il 
y  a  là  une  véritable  pétition  de  principes?  — Je  me  bornerai  maintenant 
à  un  petit  nombre  de  rectifications.  P,  1 10,  [£>Jvav]ooiy.6vTûiv  n'est  pas  à 
sa  place  parmi  les  thèmes  en -0-.  P.  200,  1.  6,  supprimer  «  été  »  dans  la 
citation  française.  P.   257,  la  forme  primitive  du  parfait  de  xto)  serait 
*':£7:cia   et  non  *T^izoia..  P.    270,   'AXajj.JTrpijiTa'.  et  'AXaaiwxai   sont  par 
erreur  rangés  parmi  les  thèmes  en  -a-  féminins.  P.  258,  note  1,  M.  M. 
fait  remarquer  fort  justement  que  le  sens  de  7:oTtt|/a6w,  au  vers  1214  des 
Trachiniennes,  est  «  mettre  (le  feu)  à,  allumer  »  ;  mais  il  a  le  tort  d'ajou- 
ter «  sens  non  compris  par  les  commentateurs  »  ;  en  France,  allumer 
est  le  sens  universellement  reconnu,  et  il  n'est  pas  une  traduction,  même 
en  vers,  qui  se  soit  méprise  sur  l'exacte  valeur  du  mot.   La  note  de 
M.  Meister  ne  saurait  donc  s'adresser  qu'aux  commentateurs  d'Outre- 
Rhin. 

My. 


144.  —  oémosthène,  par  H.    Ouvré,    maître  de    conférences  à  la  Faculté  dei 
Lettres  de  Bordeaux.  Paris,  1890,  Lecène  et  Oudin,  287  pp.  in-8. 

Le  Démosthène  de  M.  Ouvré  fait  partie  de  la  collection  des  Classique 
populaires  dont  MM.  Lecène  et  Oudin  ont  eu  l'heureuse  idée  d'entre 
prendre  la  publication.  C'est  donc  essentiellement  un  ouvrage  de  vulga 

I.  J'ai  pris  moi-même  à  Olympia,  au  printemps  de  1880,  des  copies  de  toutes  i< 
inscriptions  alors  découvertes,  copies  soigneusement  revues  sur  des  estampages 
comparées  avec  le  fac-similé  de  VAvch,  Zeitung, 


d'histoire   et   de   littérature  2  23 

risation  ■.  Mais  qu'on  ne  se  méprenne  pas  sur  notre  pensée.  Il  est  sou- 
vent aussi  difficile,  pour  ne  pas  dire  plus,  d'écrire  un  bon  ouvrage  de 
ce  genre  que  de  composer  une  dissertation  érudite  sur  tel  ou  tel  point 
de  philologie  ou  de  linguistique.  Bien  entendue,  la  composition  d'une 
œuvre  de  vulgarisation  demande  de  longues  et  patientes  études,  la 
connaissance  de  tout  ce  qui  a  paru  d'essentiel  sur  le  sujet,  une  lecture 
attentive  et  personnelle  de  l'auteur  dont  on  s'occupe.  Ces  avantages, 
M.  O.  les  possède  à  un  haut  degré.  On  sent  en  le  lisant  qu'il  connaît 
fort  bien  les  opinions  des  autres  ;  mais  il  ne  les  adopte  pas  les  yeux 
fermés.  La  note  personnelle  se  fait  souvent  entendre,  discrète  et  modeste, 
comme  il  convient  quand  on  parle  après  des  hommes  comme  Blass, 
Schaefer,  et  Weil. 

L'affection  raisonnée  qu'éprouve  l'auteur  pour  son  héros  ne  le  rend  ni 

trop  indulgent  pour  lui,  ni  trop  sévère  pour  ses  rivaux.  Il  sait  admirer 

et  louer  Eschine,  et  il  avoue  avec  franchise  n'être  pas  pleinement  con- 

i  vaincu  du  parfait  désintéressement  de  Démosthène.  Dans  les  questions 

si  controversées  que  soulève  le  Discours  pour  la  couronne,  il  ne  cache 

pas  non  plus  la  façon  trop  habile  pour  n'être  pas  quelque  peu  suspecte 

,  dont  Démosthène  présente  sa  défense.  Mais  il  prend  nettement  position 

I  contre  toute  une  école  allemande  quand  il  s'agit  de  juger  la  conduite  de 

Démosthène  dans  les  débats  qui  précédèrent  la  bataille  de  Chéronée. 
|l  Nous  pensons  en  avoir  dit  assez  pour  faire  apprécier  le  livre  à  sa  juste 
valeur.  Il  y  aurait  assurément  quelques  critiques  de  détail  à  faire  :  les 
dates  sont  un  peu  clairsemées;  on  voudrait  quelquefois  plus  de  clarté  : 
ainsi  dans  ce  qui  concerne  le  discours  j^oz/r  les  Rhodiens ;  le  style,  en 
général  très  soigné,  est  parfois  légèrement  tendu.  Mais,  en  résumé,  le 
livre  de  M.  Ouvré  sera  agréable  à  lire  pour  les  lecteurs  bénévoles,  pro- 
fitable aux  étudiants,  et  utile,  en  plus  d'un  cas,  même  aux  professeurs. 

Ch.    CUCUEL. 


I 


145. —  studia  Tibulliana.  De  libri  secundi  editione,  scrips.  Richard  Ullrich  dr. 
phil.  Berolini,  W.  Weber,  1889,  in-8,  86  p. 

La  question  de  l'authenticité  d'une  partie  du  recueil  qui  nous  est 
parvenu  sous  le  nom  de  Tibulle,  l'ordre  des  pièces  du  livre  l^"^,  la  date 
de  l'édition  des  deux  premiers  livres  ont  donné  lieu  à  de  grandes  di- 
vergences de  vues  entre  les  critiques  —  divergences  bien  naturelles, 
puisque  sur  ces  divers  sujets  les  preuves  directes  manquent.  C'est  de  la 
date  de  l'édition  des  deux  premiers  livres  que  s'occupe  M.  R.  Ullrich, 
non  sans  toucher  à  bien  des  points  connexes.  Je  me  bornerai  à  indi- 
quer en  quoi  je  me  rapproche  et  en  quoi  je  m'éloigne  de  lui. 

I.  Le  plan  de  l'ouvrage  est  très  simple  :  I.  Athènes  au  iv"  siècle.  —  II.  Les  débuts 
de  Démosthène.  —  Ili,  Les  premières  Philippiques.  —  IV.  Démosthène  et  Eschine; 
le  discours  sur  l'ambassade.  —  V.  Démosthène  et  Philippe.  —  VI.  Le  discours  pour 
la  couronne.  Les  dernières  années  de  Démosthène.  —  Conclusion. 


2,^  RKVUE    CRITIQUE 

L'enchaînement  le  plus  vraisemblable  des  choses  me  paraît  le  sui 
vant  :  TibuUe  a  fait  la  connaissance  de  Messala  avant  l'an  3i.  Ei 
Tan  -^1,  à  l'occasion  de  son  élévation  au  consulat,  il  lui  a  adresse  soj 
panégyrique  K  Messala  est  parti  avec  Octave  et  a  combattu  avec  lui 
Actium  Renvoyé  en  Occident,  il  a  emmené  TibuUe  dans  sa  campa^ 
gne  d'Aquitaine  -  en  l'an  3o.  Il  est  revenu  à  Rome  et  repart,  au 
printemps  de  l'an  29  pour  TOrient.  TibuUe,  qui  l'avait  suivi  après  bien 
des  hésitations,  a  dû  s'arrêter  malade  à  Corcyre.  C'est  là  qu'il  a  écrit 
l'élégie  III  du  livre  I^r  \  De  retour  à  Rome  dans  le  courant  de  1  an  29, 
il  s'y  installe  définitivement  et  compose  l'élégie  I. 

Jusqu'ici  je  suis  d'accord  avec  M.  U.  pour  l'ordre  des  élégies  du 
1er  livre  Ici  je  me  sépare  de  lui.  A  l'ordre  qu'il  propose  :  V,  II,  VI. 
je  substitue  le  suivant:  II,  V1,V.  Je  ne  crois  pas  comme  lui  que 
Délia  fût  veuve  au  moment  de  la  pièce  III,  au  pouvoir  d  un  amant  ri- 
che dans  la  pièce  V,  récemment  mariée  dans  la  pièce  IL  Ce  sont  la  des 
complications  inventées  par  les  commentateurs. 

Les  choses  me  paraissent  beaucoup  plus  simples  :  Délia  est  une  plé- 
béienne appartenant  au  demi-monde  et  pourvue  d'un  mari  peut-être  assez 
complaisant.  TibuUe  a  fait  sa  connaissance  en  30/29.  Il  la  quitte  cepen- 
dant pour  suivre  Messala.  Malade  à  Corcyre,  il  se  rappelle  avec  ivresse 
leurs  entrevues  3  sans  paraître  songer  au  mari  ;  mais  il  serait  bien  éton- 
nant qu'il  en  parlât.  De  retour  à  Rome,  il  songe  à  reprendre  le  cours  de 
ses  amours,  mais  il  rencontre  tout  de  suite  des  difficultés,  Ii.  I,  v.  56.  Et 
sedeo  duras  janitor  ante  fores;  en  effet  DéUa  est  mariée.  Ce  sont  ces 
difficultés  oui  sont  peintes  dans  la  pièce  II  étroitement  apparentée  avec 
la  pièce  I  dont  elle  développe  le  v.  56:  v.  5  Namposita  est  nostrœcus- 
todia  durapuellœ.  Les  soupçons  du  mari  sont  éveillés;  il  s'agit  de  le 
tromper  Bientôt  Délia  se  refroidit  et  songe  à  un  autre  VI  v.  539.  Jam 
mihi  tenduntur  casses:  jam  Délia furtim  Nescio  quem  tactta  callida nocte 
fovet  TibuUe  -  par  plaisanterie  -  menace  de  faire  aUiance  avec  le 
mari  pour  la  surveiller,  mais  conserve  bon  espoir.  Suit  naturellement 
la  pièce  V  qui  complète  et  explique  la  pièce  VI.  Le  mscioquis  dont  il  est 
question  dans  la  pièce  VI  est  maintenant  dans  les  bonnes  grâces  de  De 
lia  v  17  fruitur  mine  aller  amore  :  c'est  un  homme  riche.  Mais  il  est 
déjà  menacé  par  un  rival  et  TibuUe  lui  prédit  qu'il  sera  remplace  a  sor 
tour  Ainsi  se  termine  le  roman.  La  pièce  VII  datée  par  le  triomphe  d. 
Messala  est  antérieure  au  7  de3  calendes  d'octobre  27.  Quant  aux  troi 
élégies  à  Marathus,  il  n'y  a  pour  les  mettre  avant  plutôt  qu  après  ci 
après  plutôt  qu'avant  le  cycle  de  DéUa  que  des  ^^^^^^^^^V^'î^'^wL 

^On  a  daté  l'édition  du  I-  livre  en  se  servant  des  .v.d^Ovid^^T^^ 

X   Bien  que  l'œuvre  soit  faible,  le  plus  simple  est  encore  d'admettre  l'^"'h^";';'H 
2.  L'élég.  X  a  été  écrite  auparavant  dans  des  circonstances  que  nous  ne  connais 

"7  uX  jamais  eu  avec  Délia  que  des  rapports  furtifs  facilités  par  la  mère  de  celU 
ci.  C'est  à  une  de  ces  entrevues  qu'il  fait  allusion  i,  III,  v.  8-^  sq. 


d'histoire  et  de  littérature  225 

II,  463/4  legiturque  Tibullus  Et placet  et  jam  te  principe'  notus  erat. 
Octave  a  été  appelé  prince  du  sénat  en  l'an  28,  Auguste  le  1  7  avant  les 
calendes  de  février  27  —  début  de  son  principat.  Les  critiques  ont  voulu 
qu'à  ce  moment  TibuUe  fût  déjà  connu  :  notus  erat.  Mais  la  pièce  VII 
étant  postérieure  même  à  la  seconde  de  ces  dates,  le  I^'"  livre  n'était  pas 
édité, — grosse  difficulté;  les  élégies  à  Délia  auraient  été  connues  par  des 
révélations;  quelques-unes  auraient  été  publiées  à  part,  etc.  M.  U.  re- 
pousse avec  raison  ces  hypothèses  ;  mais  il  a  tort  d'essayer  de  fixer  à  l'aide 
du  passage  d'Ovide  la  date  de  l'édition  du  V'^  livre.  Ce  sont  deux  choses 
qui  n'ont  —  quoi  qu'il  en  dise  — aucun  rapport.  Voici  en  effet  le  sens  des 
vers  en  question  :  Ovide  exilé  —  en  partie  pour  l'immoralité  de  sesœuvres 
—  essaie  de  montrer  à  Auguste  qu'il  est  frappé  à  tort,  qu'une  foule  de  poè- 
tes ont  commis  avant  lui  le  même  méfait  sans  être  châtiés.  Arrivant  à  'l'i- 
bulle,  il  cite  complaisamment  toute  une  partie  de  la  pièce  VI  et  ajoute  : 
legiturque  Tibullus  tl  placet  —  tandis  que  lui  est  banni.  Ici  il  s'aper- 
çoit que  son  raisonnement  est  faible;  Auguste  pouvait  répondre  :  Ti- 
buUe est  mort  :  que  puis-je  contre  lui?  Aussi  s'empresse-t-il  d'ajouter 
et  jam  te  principe  notus  erat,  c'est-à-dire  et  tu  étais  déjà  empereur 
quand  il  était  connu  ".  Autrement  dit:  il  a  vécu  sous  ton  principat,  de 
28  ou  27  à  19  —  période  où  il  s'est  fait  connaître  par  ses  vers  —  et  tu 
n'as  pas  sévi  contre  lui.  Ce  passage  ne  donne  donc  aucun  renseignement 
sur  la  date  de  la  publication  du  l^'^  livre,  dont  nous  savons  seulement 
qu'une  pièce  la  VI I^  est  datée  de  l'an  27.  C'est  peut-être  en  27  —  mais 
peut-être  aussi  dans  l'une  des  années  suivantes  que  le  livre  a  paru.  Il  va 
sans  dire  que  les  subtilités  de  M.  U.  sur  le  sens  de  7îotus  erat  —  était 
connu  ou  était  célèbre  —  tombent  d'elles-mêmes. 

Quant  au  deuxième  livre,  M.  U.  se  fait  fort  de  démontrer  ailleurs  que 
les  pièces  qui  le  composent  ont  reçu  du  poète  la  dernière  main  et  ne  sont 
pas  uniquement  des  matériaux  publiés  tels  quels  après  sa  mort.  —  At- 
tendons cette  démonstration.  —  M.  U.  se  donne  beaucoup  de  peine 
pour  prouver  que  dans  Ov.  Am.  III,  9,  3i  sq.  Sic Nemesis  longum,  sic 
Délia  nomen  habebunt,  Altéra  cura  recens,  altéra  primus  amor,  Né- 
mésis  et  Délia  désignent  non  pas  les  deux  maîtresses  du  poète,  mais  sont 
les  titres  de  ses  deux  premiers  livres.  L'interprétation  me  semble  inad- 
missible à  cause  des  qualificatifs  cura  recens  qI  primus  amor.  Le  sens 
est  :  «  Comme  la  guerre  de  Troie,  comme  le  travail  de  Pénélope  ont  été 
immortalisés  par  Homère,  ainsi  Némésis  et  Délia  seront  immortelles 
grâce  à  Tibulle.  »  M.  U.  pense  qu'en  l'an  19  Ovide  avait  connaissance 
des  deux  premiers  livres  de  Tibulle.  Cela  est  à  la  rigueur  possible.  Mais 
le  second  peut  avoir  été  édité  par  un  ami  de  l'auteur  très  peu  de  temps 
après  sa  mort.  —  Ovide  décrivant  les  obsèques  de  Tibulle  v  fait  figurer 
ses  deux  maîtresses  :  v.   5  3   sq.  Délia  descendens  <ifelicius  n  inquit 
î  amata  sum  tibi  :  vixisti  dum  tuus  ignis  eram  »  Cui  Nemesis  :  «  quid  » 
'xit's.  tibisunt  mea  damna  dolori  ?  Me  tenuit  moriens  déficiente  manu.  » 
I.  Et  non  pas  :  il  était  déjà  célèbre  au  début  de  ton  principat. 


220  REVUE  CRITIQUE 

M.  U.  montre  justement  qu'il  ne  faut  voir  là  qu'une  figure  et  que  Délia, 
par  exemple,  brouillée  depuis  longtemps  avec  Tibulle,  n'a  pas  suivi  son 
convoi.  Mais  il  ne  me  paraît  pas  bien  saisir  le  sens  de  la  réplique  de  Né- 
mésis;  même  dans  ses  moments  d'émotion  Ovide  aime  trop  à  s'amuser  de 
son  sujet  pour  se  priver  de  faire  une  remarque  malicieuse.  Cest  juste- 
ment là  ce  qu'il  a  fait.  Dans  un  élan  d'amour,  Tibulle  avait  souhaité  de 
mourir  dans  les  bras  de  Délia  :  i,  I,  59  sq.  Te  spectem,  supreina  mihi 
cum  venerit  hora;  Te  teneam  moriens  déficiente  manu.  Or  il  était  mort 
ayant  unemaîtresse;  maiscen'était  plusDélia.  C'estceque  fait  remarquer 
Ovide  avec  une  pointe  d'ironie;  il  n'y  a  aucune  raison  pour  ne  pas  voir 
dans  Némésis  le  dernier  amour  de  Tibulle.  Toutes  les  tentatives  de 
M.  Ullrich  pour  placer  après  la  composition  du  second  livre  le  cycle  de 
Sulpicia,  les  élégies  problématiques  à  Glycéra  —  qui  se  placent  aussi 
bien  avant  — ,  pour  établir  que  le  deuxième  livre  a  dû  paraître  en  l'an  24, 
sont  de  pures  conjectures  qui  ne  sauraient  prévaloir  contre  le  témoi- 
gnage formel  d'Ovide  :  Némésis  a  été  le  dernier  amour  de  Tibulle  et 
son  deuxième  livre,  son  dernier  ouvrage. 

A.  Cartault. 


146.  —  Lelirbucli  dei*  ReIî§;ionsgescliicl)te,  von  P.  D.  Chantepie  de  la 
Saussaye.  Second  volume.  Freiburg  in  B.,  J.  C.  B.  Mohr,  18S9;  in-8,  xvi  et 
406  pages. 

Le  second  volume  du  Manuel  d'histoire  des  religions  ne  s'est  point 
fait  attendre  et  l'œuvre  se  trouve  aujourd'hui  complète.  En  rendant 
compte  naguère  du  premier  volume,  nous  y  avons  loué  de  solides  qua- 
lités tout  en  faisant  des  réserves  sur  quelques  points.  Ce  volume,  on  s'en 
souvient,  traitait  des  Chinois,  des  Egyptiens,  des  Babyloniens-Assyriens 
et  du  développement  religieux  dans  l'Inde.  M.  G.  de  la  Saussaye  nous 
expose  aujourd'hui  les  religions  des  Perses,  des  Grecs,  des  Romains,  des 
Germains,  et  en  dernier  lieu,  ITslamisme. 

Il  nous  paraît  que  tous  ces  chapitres  sont  traités  d'une  façon  satisfai 
santé.  L'espace  accordé  à  l'auteur  lui  a  permis  de  dire  l'essentiel  et  di 
donner  à  la  discussion  une  place  suffisante.  En  ces  matières,  où  tant  d^ 
points  sont  douteux  et  mal  éclaircis,  le  caractère  trop  succinct  de  l'œuj 
vre  est  un  inconvénient.  L'Islamisme  seul  nous  semble  présenté  d'un' 
façon  un  peu  sommaire. 

L'ensemble  de  ce  Manuel  constitue  une  œuvre  solide.,  judicieuse,  bieij 
informée.  Le  patronage  sous  lequel  il  paraît,  lui  assure  immédiatemer] 
un  nombreux  public  et  l'on  peur  prévoir  que  la  présence  d'un  ouvragj 
de  cette  nature  dans  la  <?  Collection  de  manuels  théologiques  »  de  lai, 
brairie  Mohr,  présence  qui  est  une  innovation,  provoquera  plus  d'u 
enseignement  sur  la  matière  dans  les  facultés  de  théologie.  Ce  sera 
un  honneur  mérité  pour  M.  Chantepie  de  la  Saussaye  ;  ce  sera  aussi  uj 
honneur  pour  le  pays  et  le  haut  enseignement  auquel  il  appartient.  G'ej 


d'histoire  bt  de  littérature  227 

la  Hollande  qui  a  fondé  l'enseignement  de  l'histoire  des  religions;  c'est 
elle  qui  en  a  résumé  les  principales  données  dans  le  livie  de  M.  Tiele, 
professeur  à  Leyde,  et  dans  celui  de  M.  de  la  Saussaye,  professeur  à 
Amsterdam.  En  France,  nous  aurions  à  signaler  comme  symptôme  en- 
courageant de  ce  même  mouvement  l'apparition  d'une  nouvelle  Revue 
des  Religions,  dirigée  par  des  prêtres  et  qui  s'adresse  avant  tout  au 
clergé  catholique. 

M.  Vernes. 


147.  —  G.    RiCHTER  et   H.    KOHL.  Annalen  des   deutschen  Reiclis  im  Zeit- 

alter  der  Ottonen  und  Salier.  Erster  Band.  von  der  Begrûndung  des 
deutschen  Reichs  durch  Heinrich  I  bis  zur  hœchsten  Machtentfaltung  des  Kai- 
sertums  unter  Heinrich  III.  Halle  a.  S.,  Buchhandlung  des  Waisenhauses,  in-8, 
426  pages,  1890. 

Avec  ce  volume  commence  la  troisième  partie  de  l'ouvrage  qui  porte 
le  titre  général  :  «  Annalen  der  deutschen  Geschichte  im  Mittelalter.  » 
La  première  partie,  consacrée  aux  Mérovingiens,  avait  paru  en  1873  ; 
la  seconde,  comprenant  deux  fascicules  et  traitant  de  la  période  carolin- 
gienne et  du  règne  de  Conrad  I",  s'était  fait  attendre  pendant  un  assez 
long  temps.  Le  début  de  la  troisième  suit  de  près  la  seconde.  Il  se  sub- 
divise en  deux  livres  :  Tun,  qui  est  l'œuvre  de  M.  Kohi,  s'occupe  des 
règnes  des  princes  saxons  et  de  celui  de  Henri  H  de  Bavière;  Tautre, 
dû  à  M.  Richter,  a  pour  objet  la  période  des  deux  premiers  franco- 
niens. C'est  un  plaisir  pour  nous  que  de  signaler  ce  travail;  il  en  est 
peu  qui  puisse  rendre  aux  historiens  d'aussi  grands  services.  Une  table 
chronologique  résume  les  événements  ;  pour  chacun  d'entre  eux,  vous 
trouverez  un  renvoi  à  une  longue  note;  là  sont  cités  et  reproduits  par- 
fois intégralement  les  textes  des  anciens  chroniqueurs  qui  nous  en  ont 
conservé  la  mémoire.  S'il  y  a  des  difficultés  pour  l'interprétation  de 
CCS  textes,  MM.  Kohi  et  Richter  vous  les  signalent,  et,  d'une  façon 
sommaire,  s^efîorcent  de  les  lever.  Ainsi,  grâce  à  eux,  vous  êtes  mis 
très  rapidement  au  courant  de  la  science  :  vous  avez  sous  les  yeux, 
avec  leur  solution,  tous  les  matériaux  nécessaires  pour  vous  former 
une  opinion  personnelle. 

Pour  la  période  traitée  dans  le  présent  volume,  MM.  Kohi  et  Richter 
ont  trouvé  de  grands  secours  dans  les  Jahrbùcher  des  deutschen  Reichs. 
Au  premier  abord  même,  il  semblerait  qu'ils  n'eussent  eu  qu'à  résumer 
les  ouvrages  de  Waitz  sur  Henri  I",  de  Dûmmler  et  Kopke  sur  Otton 
le  Grand,  de  Hirsch  sur  Henri  II,  de  Bresslau  sur  Conrad  II,  de  Stein- 
dorff  sur  Henri  III,  sans  parler  de  la  vieille  collection  des  annales  des 
empereurs  saxons,  entreprise  sous  la  direction  de  Ranke.  Mais  ils  ont 
voulu  tout  contrôler  par  eux-mêmes,  et  sont  assez  souvent  arrivés  à  des 
résultats  nouveaux  et  originaux;  ils  ont  aussi  pu  faire  leur  profit  des 
publications  récentes,  dont  la  plus  importante  et  la  plus  parfaite  est 
celle  des  diplômes  des  princes  saxons,  édités  par  Sickel. 


228  REVUE   CRITIQUE 

Nous  devons  pourtant  présenter  une  critique  assez  grave  aux  auteurs 
de  cet  ouvrage,  à  la  fois  si  utile  et  si  excellent.  Ils  ignorent  complètement 
les  récents  travaux  français  qui  ont  été  publiés  sur  la  même  période.  Eux 
qui  relèvent  avec  tant  de  soin  les  plus  peùts  programmes  et  les  moin- 
dres dissertations  imprimés  en  Allemagne,  ne  citent  point  l'ouvrage  de 
M.  Luchaire  sur  les  premiers  Capétiens,  où  ils  auraient  trouvé  de 
très  utiles  indications  sur  les  entrevues  des  souverains  français  et  alle- 
mands. L'édition  des  lettres  de  Gerbert,  faite  par  M.  Julien  Havet, 
leur  aurait  pu  rendre  de  grands  services;  mais  peut-être  n'avait-elle  pas 
paru  quand  ils  ont  rédigé  le  règne  d'Otton  III.  Il  nous  a  aussi  déplu 
que  leur  livre  soit  daté  du  jour  anniversaire  de  la  bataille  de  Sedan,  ce 
qui  n'ajoute  certes  rien  à  sa  valeur  scientifique.  En  revanche,  nous 
avons  vu  avec  satisfaction  la  dédicace  à  M.  de  Giesebrecht;  le  grand 
historien  que  l'Allemagne  vient  de  perdre  méritait  cet  honneur. 

Ch.  Pfister. 


148.  —  Histoire  de  la  baronnie  de  Craon  de  iSSa  à  1626,  d'après  les  archi- 
ves du  chartrier  de  Thouars  (fonds  Craon),  par  André  Joubert.  Angers,  Germain 
et  G.  Grassin  et  Paris,  E.  Lechevalier,  i888,  i  vol.  in-8  de  tiii-ôoo  pages. 

Il  y  a  deux  parties  bien  distinctes  dans  le  nouvel  ouvrage  de  M.  André 
Joubert  :  l'histoire  de  la  baronnie  de  Craon  et  les  pièces  justificatives, 
qui  forment  à  elles  seules  près  de  la  moitié  du  volume  et  sont,  pour  la 
plupart,  fort  intéressantes. 

Ce  fut  Marie  de  Sully,  fille  de  Louis  de  Sully  et  d'Isabeau  de  Craon, 
qui  apporta  la  terre  de  Craon  à  la  maison  de  La  Trémoille,  par  son 
mariage  avec  Guy  VI,  fils  de  Guy  V,  grand  panetier  de  France.  Très 
menacé  à  l'époque  des  guerres  des  Anglais,  le  Craonnais  fut  occupé  par 
l'armée  du  Roi  pendant  la  Ligue  du  Bien  public.  Les  doctrines  de  la 
Réforme  s'étant  introduites  en  Anjou  dès  l'épiscopat  de  François  de 
Rohan  (1499-1532),  il  paraît  certain  que,  vers  le  milieu  du  siècle,  il  y- 
avait  à  Craon  un  groupe  important  de  religionnaires.  C'est  grâce  à  sa 
connivence  que  les  huguenots  occupèrent  la  ville  le  18  mai  i562  et  y 
brûlèrent  Féglise  de  Saint-Nicolas.  Craon  ne  fut  rendu  aux  catholiques 
que  le  27  septembre,  quand  La  Chesnaye  Laillier  et  René  de  Scépeaux 
se  rangèrent  à  leur  parti.  La  ville  et  son  territoire  furent  d''ailleurs  agités 
et  désolés  pendant  toutes  les  guerres  de  religion.  Le  1 1  septembre  iSSg, 
André  Goulay,  sieur  de  la  Guinebaudière,  capitaine  du  château  de 
Craon,  y  fut  tué  par  des  prisonniers  révoltés,  égorgés  à  leur  tour,  près- 
qu'aussitôt  après,  par  la  garnison  et  la  population  réunies.  La  Ligue 
confia  la  garde  de  Craon  à  Le  Cornu  du  Plessis,  qui  désola  le  pays  par 
ses  exactions,  et  le  siège  de  la  ville  par  les  Royaux  n'aboutit  qu'à  leur 
défaite  par  Mercœur  (23  mai  i  5q2).  Mais  ce  n'était  là  qu'un  succès  par- 
tiel. La  partie  était  définitivement  perdue  pour  la  Ligue  et  Craon, 
comme  le  reste  du  pays,  devait  être  compris  dans  la  grande  œuvre  de 


d'histoire  et  de  littérature 


229 

pacification  et  de  relèvement  dont  Henri  IV  fut  l'instrument,  mais  qui 
fut  souhaitée,  désirée  et  accomplie  par  la  France  entière.  Mayenne  ayant 
fait  sa  soumission  et  Mercœur  préparant  la  sienne,  Le  Cornu  du  Plessis 
dut  songer  à  les  imiter.  Le  20  février  iSgS,  le  Roi  liai  accorda  des 
a  Articles  »  qui  furent  confirmés  par  des  lettres  enregistrées  au  Parle- 
ment, le  28  mars  de  la  même  année.  Presqu'aussitôt  après  les  Angevins 
demandèrent  la  démolition  du  château  de  Craon.  Henri  IV  l'ordonna 
en  septembre  1604.  La  place  ne  fut  cependant  pas  tellement  ruinée  que 
du  Plessis  de  Juigné,  qui  commandait  à  Craon  pour  le  prince  de  Condé, 
ne  s'y  retranchât  solidement  en  161 5.  Ce  n'est  qu'après  la  vente  de  la 
baronnie  à  Louis  d'Aloigny,  baron  de  Rocheiort  (1620),  que  les  restes 
de  l'ancien  château  furent  convertis  en  habitation  de  plaisance  par  le 


nouveau  seigneur. 


L'analyse  que  nous  venons  de  faire  du  livre  de  M.  André  Joubert 
suffit  à  montrer  tout  l'intérêt  qu'il  présente  pour  l'histoire  locale.   Il 
sera  une  mine  précieuse  de  renseignements  sur  Craon  et  le  Craonnais. 
Il  est  regrettable  que  l'œuvre  pèche  par  la  composition  et  le  style.  Elle 
manque  de  divisions  nettes  et  elle  est  encombrée  de  détails  inutiles  qui 
en  rendent  la  lecture  pénible.  C'est  une  critique  d'ailleurs  qui  pourrait 
s'adresser  à  bien  d'autres  qu'à  M.  A.  J.  Il  fut  un  temps  où  les  docu- 
ments n'étaient  qu'un  prétexte  à  des  développements  prétendus  litté- 
raires. Les  plus  grands  noms  de  la  littérature  historique  du  commence- 
ment de  ce  siècle  sont  moins  qu'on  ne  le  croit  à  l'abri  de  ce  reproche, 
mais  c'est  surtout  en  province  que  sévissait  l'épidémie.  Tous  ceux  qui 
ont  consulté  des  recueils  provinciaux  un  peu  anciens  savent  qu'on  y 
retrouve  abondamment  tout  le  bric-à-brac  du  moyen  âge  romantique, 
douceâtres  légendes  soi-disant  religieuses  ou  amoureuses,  chevaliers  de 
romance  et  troubadours  de  pendule.  Aujourd'hui,  le  vent  a  changé. 
Sous  1  influence  d'une  réaction  légitime,  on  s'est  mis  à  la  chasse  du 
document  avec  ardeur,  avec  passion.  On  fait  plus  que  le  respecter,  on 
en  a  le  culte.  C'est  assurément  un  grand  progrès,  mais  il  ne  faudrait 
cependant  pas  oublier  qu'il  ne  suffît  pas  à  une  pièce  d'être  inédite  pour 
être  intéressante,  que  les  documents  sont  d'importance  fort  inégale  et 
méritent  l'attention  à  des  degrés  fort  divers.  En  tout  état  de  cause,  ils 
doivent  être  soumis  à  la  critique.  Si  l'on  se  borne  à  les  publier,  ils  ne 
prennent  toute  leur  réelle  valeur  qu'éclairés  par  des  notes  et. des  com- 
mentaires-, si  l'on  se  décide  à  les  mettre  en  œuvre  pour  en  tirer  un  récit 
original,  il  faut  les  contrôler  les  uns  par  les  autres,  s'en  servir  et  non 
pas  les  servir,  en  un  mot  rester  maître  de  ses  matériaux  et  de  son  sujet. 
Ce  sont  là  vérités  de  sens  commun,  mais  l'occasion  et  le  moment  sont 
peut-être  favorables  pour  les  rappeler,  alors  surtout  que  le  zèle  et  la 
conscience  de  la  plupart  de  nos  érudits  méritent  qu'on  leur  parle  avec 
une  entière  franchise. 

Louis  Farges. 


2:>o 


REVUE   CRITIQUE 


149.  —  La  Stampa  in  Venczia  dalla  sua  origine  alla  morte  di  Aldo  Manuzic- 
seniore,  ragionamento  storico  di  Carlo  Castellani.  Venise,  Ongania,  1889,  in-8- 
de  XLV111-134  p.  Prix  :  8  fr. 

150.  —  l>'oi"îgîne  tetlcsea  o  i'oi-îgine  oinnrïcso  tîell'  iu'venzîone  della. 
$)taiupa,  testimonianze  e  documenti  raccohi  e  iilustrati  da  C.  Castellani. 
Venise,  Ongania,  1889,  in-8  de  67  p.  Prix  :  4  fr.  (Les  deux  ouvrages  ens.  :  lo  fr.) 


La  Stcvnpa  in  Vene^^ia  est  une  des  contributions  les  plus  utiles  ap- 
portées en  ces  dernières  anne'es  à  l'histoire  de  l'imprimerie.  Venise  a 
été,  en  effet,  pendant  la  Renaissance,  le  centre  italien  le  plus  important 
de  l'art  typographique;  c'est  le  véritable  berceau  de  la  typographie 
grecque  et  le  nombre  considérable  de  perfectionnements  qui  y  furent 
apportés  à  l'invention  venue  d'Allemagne,  faisait  dire  à  Conrad  Ges- 
ner  :  Non  minor  virtiis  est  tiieri  et  perjïcere  rem  inventant  quant  re- 
perire.  C'est  par  centaines  de  mille  (près  d'un  million  de  volumes,  dit 
Aug.  Bernard)  qu"il  faut  compter  les  exemplaires  mis  en  circulation 
par  la  typographie  vénitienne  dans  les  trente  dernières  années  du 
xv^  siècle.  M.  Castellani  a  choisi  cette  période  de  prodigieuse  activité 
pour  sujet  de  son  étude  ;  il  a  résumé  les  résultats  apportés  par  les  docu- 
ments connus  et  par  ceux  qu'il  a  lui-même  découverts.  Il  commence 
à  l'arrivée  à  Venise,  en  1469,  de  Jean  de  Spire,  porteur  des  procédés 
nouveaux  de  fabrication  du  livre  ;  il  passe  en  revue  ses  successeurs  im- 
médiats, insistant,  comme  il  convient,  sur  l'œuvre  de  Nicolas  Jenson, 
dont  il  réimprime  le  testament  avec  un  texte  un  peu  différent  de  celui 
de  M.  Stein.  Mais  il  dépasse  bientôt  la  fin  du  xv*  siècle  et  la  partie  ca- 
pitale de  son  sujet  est  l'œuvre  d'Aide  Manuce,  qu'il  suit  jusqu'à  sa 
mort  en  i5i5.  Ce  sont  des  pages  substantielles  qu'il  nous  donne,  plus 
exactes,  somme  toute,  et  plus  instructives  dans  leur  brièveté  que  le  livre 
très  surfait  d'Ambroise  Firmin-Didot.  On  peut  regretter  que  le  travail 
de  l'auteur  ait  été  terminé  avant  la  publication  d'une  collection  nom- 
breuse de  documents  inédits,  Les  correspondants  d'Aide  Manuce 
(Rome,  1888),  qu'il  mentionne  d'ailleurs  avec  la  plus  grande  bienveil- 
lance ;  il  aurait  pu  en  tirer  parti  pour  obtenir  sur  plusieurs  points 
cette  précision  qu'il  recherche;  il  y  aurait  trouvé,  pour  ne  citer  qu'un 
exemple,  le  moment  précis  du  mariage  d'Aide,  qui  reste  encore  dans  !e 
vague  à  sa  p.  53.  Il  y  aurait  surtout  complété  ses  indications  sur  les 
rapports  d'Aide  avec  le  monde  littéraire  de  son  temps  ;  et,  pour  ma 
part,  je  l'engagerais  à  supprimer  divers  noms,  tels  que  ceux  de  Guil- 
laume Budé  et  d'Angelo  Colocci,  de  la  liste  des  savants  qui  ont  eu  avec 
Aide  des  relations  directes.  Les  contemporains  du  grand  imprimeur  ne 
sont  pas  oubliés,  et  l'auteur  met  paiticulièrement  en  lumière  cet  Otta- 
viano  Petrucci,  qui  a  donné  à  Venise  l'honneur  d'inventer  des  types 
mobiles  pour  l'impression  de  la  musique  figurée.  Je  ne  parle  que  pour 
mémoire  de  la  dissertation  où  l'auteur  fait  définitive  justice  de  la  tra- 
dition qui  attribue  l'invention  de  l'imprimerie  à  Pamfilo  Castaldi  de 
Feltre;  cette  légende  n'est  guère  sortie  du  pays  où  elle  est  née.  L'ou- 


f 


î 


d'histotre  et  de  littérature  23 I 

vrage  esc  complété  par  un  index  très  complet,  un  appendice  de  docu- 
ments tirés  des  archives  des  i^rarf  et  une  liste  chronologique  des  typo- 
graphes vénitiens  de  1469  à  i5i5.  Un  tel  travail  ne  pouvait  être  mené 
à  bien  que  par  l'examen  direct  des  monuments  de  Tancienne  imprime- 
rie italienne  et  à  portée  de  cette  magnifique  bibliothèque  de  Saint- 
Marc,  aussi  riche  en  incunables  qu'en  manuscrits,  dont  M.  C.  sait  si 
bien  faire  valoir  tous  les  trésors. 

—  Sans  avoir  la  même  importance,  le  second  travail  du  préfet  de  la 
Marcienne  intéressera  d'une  façon  particulière  les  bibliographes.  La 
question  de  l'origine  de  Timprimerie  y  est  traitée  à  fond  ;  les  témoi- 
gnages des  XV''  et  xv!*"  siècles  y  sont  recueillis  en  plus  grand  nombre 
qu''ailleurs,  cités  intégralement  et  soumis  à  la  critique.  Ce  n'est  pas, 
comme  le  titre  pourrait  le  faire  croire,  une  simple  réimpression  d'une 
brochure  que  la  Revue  critique  annonçait,  l'an  dernier,  du  même  au- 
teur (t.  I,  p.  i5o);  le  cadre  est  fort  élargi,  et  M.  G.  présente  ici  des 
conclusions  personnelles.  Ces  conclusions  ont  eu  la  bonne  fortune 
d'être  appuyées  à  temps  par  la  mise  au  jour,  due  à  M.  Dziaticko,  de  l'ori- 
ginal égaré  du  procès  intenté  à  Gutenberg,  en  1455,  par  Fust  et  Peter 
Schôffer  L'auteur  analyse  ce  document  en  appendice  et  montre  qu'il 
met  hors  de  doute  l'attribution  de  la  découverte  à  Gutenberg.  C'est  ce 
qu'enseignent  tous  nos  manuels  ;  mais  il  faut  lire  le  travail  de  M.  Cas- 
tellani  pour  se  convaincre  qu'une  démonstration  nouvelle  de  cette  vé- 
rité n'était  nullement  inutile. 

P.    DE  NOLHAC. 


l5i.  —    G.   LvoN.  L'idéalisme    en   Angleterre    au  xviii*  siècle.    Paris,  Alcan, 
i888,  4.S1  p.  in-S.  jfv.  5o. 

Le  livre  de  M.  Lyon  a  été  accueilli,  en  Ai:igleterre  et  en  France,  avec 
la  faveur  qu'il  mérite.  Les  qualités  sautent  aux  yeux  :  le  sujet  est  étudié 
minutieusement;  des  chapitres  comme  ceux  sur  Burthogge,  Norris, 
Samuel  Johnson  sont  neufs;  ceux  sur  Malebranche  et  Berkeley  sont 
faits  de  première  main,  avec  une  parfaite  connaissance  des  sources; 
l'article  sur  Collier  a  été  relu  avec  plaisir,  et  la  trop  courte  étude  con- 
sacrée à  Hume  n'est  pas  sans  intérêt.  Le  tout  est  bon  et  complète  sur 
plusieurs  points,  sans  le  faire  oublier,  l'ouvrage  de  M.  Leslie  Stephen. 
Voilà  pour  les  éloges;  voici  les  critiques.  Les  premiers  l'emportent  cent 
fois  sur  les  secondes;  c'est  une  raison  pour  ne  rien  dissimuler  de  celles- 
ci. 

La  première,  c'est  que  le  titre  ne  s'adapte  pas  exactement  à  l'ouvrage. 
Les  deux  premiers  chapitres  traitent  de  Descartes,  de  Hobbes  et  de 
Locke;  le  troisième  est  consacré  à  Burthogge,  qui  vit  à  peine,  s'il  les 
vit,  les  premières  années  du  xviue  siècle;  le  chapitre  sur  Malebranche, 
qui  est  le  centre  véritable  du  livre  et  dont  tous  les  grands  ouvrages 
avaient  paru  avant  1700,  nous  met  à  la  page  lyS.  Voilà  donc  un  peu 


2  32  REVUE    CRITIQUE 

plus  du  tiers  de  l'ouvrage  consacré  au  xvii=  siècle,  surtout  français. 
Avec  Taylor,  Norris,  Collier  et  Berkeley,  nous  sommes  en  pleine  Angle- 
terre du  xviii^  siècle.  A  la  page  Sji,  nous  passons  en  Amérique,  où 
nous  restons,  avec  Samuel  Johnson  et  Jonathan  Edwards,  jusqu'à  la 
page  443.  Nous  avons  donc  dans  un  ouvrage  de  481  pages,  245  pages, 
plus  de  la  moitié,  étrangères  soit  au  xvni«  siècle,  soit  à  l'Angleterre, 
c'est-à-dire,  de  toutes  façons,  au  sujet  qu'annonce  le  titre. 

Le  sujet  véritable,  et  c'est  ma  seconde  critique,  c'est,  au  moins  pour 
les  trois  premiers  quarts  du  livre,  Malebranche  et  les  sources  cartésien- 
nes de  l'idéalisme  anglais.  Or  ce  biais  est  certainement  inutile  en  ce  qui 
concerne  Berkeley,  qui  s'explique  par  lui-même  et  par  Locke,  non  par 
Malebranche,  et  il  est  certainement  dangereux,  en  ce  qui  concerne 
Taylor,  Norris  et  Collier.  Un  centre  secondaire  d''influence  ne  doit 
pas  être  transformé  en  un  centre  principal  d'action.  La  méthode  qui 
consiste  à  isoler  les  hommes  du  milieu  sentimental  et  intellectuel 
dans  lequel  ils  vivent  et  à  s'attacher  uniquement  aux  filiations 
érudites  qui  se  croisèrent  accidentellement  dans  leurs  cerveaux,  cette 
méthode  peut  fournir  de  bons  résultats  lorsqu'elle  s'applique  à  des 
esprits  de  premier  ordre,  et  d'utiles  monographies  lorsqu'elle  s'ap- 
plique aux  autres;  elle  ne  donne  point  d'histoire  générale.  Les  créateurs 
philosophiques  valent  par  eux-mêmes,  parce  qu'ils  dirigent  l'histoire; 
les  esprits  de  second  ordre,  qui  ne  sont  que  des  intermédiaires  et  des 
effets,  flottent  dans  l'histoire  qui  les  entraîne.  Je  persiste  à  croire  qu'on 
comprend  aussi  incomplètement  des  hommes  comme  Taylor,  Norris  ou 
Collier  que  des  hommes  comme  Toland  ou  Shaftesbury,  lorsqu'on  perd 
de  vue  la  réaction  théologique,  superstitieuse  et  cléricale  de  l'Angleterre 
à  demi  rationaliste  et  intellectuellement  désorganisée  de  l'époque  de 
Guillaume  et  d'Anne. 

La  troisième  critique,  qui  découle  de  la  seconde,  s'en  prend  égale- 
ment à  un  défaut  de  méthode.  Il  s'agit  de  trouver  au  xvii"=  siècle,  en 
France  et  en  Angleterre,  les  germes  d'où  se  développera  l'idéalisme  de 
Malebranche,.  puis  des  Anglais.  J'ai  quelque  défiance  à  l'égard  d'une 
méthode  qui  cherche  dans  des  doctrines  construites  et  bien  conformées, 
comme  celles  de  ûescartes  et  de  Locke,  les  «  virtualités  »  de  doctrines 
qui  seront,  sur  quelques  points  essentiels,  la  contrepartie  de  celles'là. 
Je  comprends  les  essais  d'interprétation  philosophique  d'une  doctrine, 
mis  à  part  tout  souci  de  l'exactitude  historique,  comme  le  Descartes  de 
M.  Natorp;  ce  n'est  pas  de  l'histoire,  c'est  franchement  autre  chose.  Je 
comprends  moins  la  douce  sollicitation  des  textes,  qui  les  respecte,  tan- 
dis qu'elle  les  viole.  Je  prends  le  Descartes  de  M.  Lyon  :  «  Qu'on  les 
parcoure  (les  méditations)  même  superficiellement,  on  ne  pourra  ne  pas 
êire  frappé  de  la  persistance  avec  laquelle  s'y  élève,  pour  défier  la  dia- 
lectique réaliste  ce  que  nous  appelons  dans  notre  langage  moderne  le 
doute  transcendantal  »  (p.  26).  C'est  vrai  de  la  méthode.  C'est  inexact 
de  la  doctrine.  Je  continue  :  dans  la  deuxième  méditation,  il  est  dit  de 


d'histoire  et  de  littérature  2  33 

la  cire:  «  quand...  je  la  considère  toute  nue,  il  est  certain  que...  je  ne  la 
puis  néanmoins  concevoir  de  cette  sorte  sans  un  esprit  humain  ».  D'où 
M.  Lyon  conclut  :  «  Combien  il  serait  aisé,  en  pressant  un  peu  ces 
riches  paroles,  d'y  reconnaître  un  sens  bien  voisin  du  subjectivisme 
qu'exposera  le  Traite  de  Berkeley  de  la  connaissance  humaine...  Ils 
conviennent  Tun  et  l'autre  en  ceci  d'essentiel  :  point  de  morceau  de 
cire  que  pour  un  esprit  »  (p.  27).  La  citation  n'est  pas  comprise  :  à  la 
lire,  et  la  page  qui  précède  (1"  édition  française,  p.  29  sq.)  d'une  manière 
moins  «  superficielle  »,  on  en  voit  aisément  le  sens  :  il  ne  faut  point 
qu'un  philosophe  tire  des  occasions  de  douter  (qu'il  est  occupé  à  cher- 
cher) des  formes  et  termes  de  parler  du  vulgaire;  la  connaissance  évi- 
dente et  parfaite  de  ce  qu'est  la  cire,  la  seule  à  laquelle  il  convienne  de 
s'attaquer,  n'est  pas  la  connaissance  par  le  moyen  des  sens  ou  de  la 
puissance  Imaginative,  mais  bien  celle  qui  résulte  d'un  examen  exact 
de  ce  qu'elle  est.  a  Certes,  il  seroit  ridicule  de  mettre  cela  en  doute,  car 
(\m(sic)  auroit-il  dans  cette  première  perception  qui  fust  distinct  et 
évident,  et  qui  ne  pouroit  pas  tomber  en  mesme  sorte  dans  le  sens  du 
moindre  des  animaux?  Mais  quand  je  distingue  la  cire  d'avec  ses  formes 
extérieures,  et  que...  je  la  considère  toute  nue,  certes...  je  ne  la  puis 
concevoir  de  cette  sorte  sans  un  esprit  humain.  »  C'est-à-dire  que  la 
connaissance  claire  et  distincte  est  celle  qui  se  fait  par  le  moyen  de  la 
raison  qui  appartient  à  l'homme  seul.  Il  y  a  cela,  et  il  n'y  a  que  cela. 
—  Plus  loin  :  <»  Ne  disons  pas  que  le  monde  dont  sa  physique  a  besoin 
est  un  pur  intelligible  ;  contentons  nous  d'afïirmer  qu'f/  doit  ressembler 
d'aussi  près  que  possible  à  un  univers  exclusivement  idéal  »  (p.  37). 
«  Les  méthodes  qu'il  applique  à  l'étude  de  la  nature  ne  s'accommodent 
que  d'une  matière  aussi  spiritualisée  que  possible  »  (p.  38).  Nous  voilà 
en  pleine  «  sollicitation  ».  Plus  loin  :  n  Le  soupçon  d'une  productivité 
intérieure,  propre  à  la  pensée  humaine...  perce  de  plus  en  plus  dans  la 
Correspondance  »  (p.  40).  On  voudrait  des  preuves,  qu'on  a  peine  à 
trouver  soi-même.  M.  Lyon  dit,  en  concluant  (p.  44)  :  «  Si  une  inspira- 
tion hautement  immatérialisie  anime  à  ce  point  l'œuvre  de  Descartes, 
d'où  vient  cependant  que  nombre  de  ses  admirateurs  s'y  trompèrent?  » 
Je  pense  qu'ils  ne  se  trompèrent  pas.  —  Je  me  hâte  d'ajouter  que  cette 
critique  porte  surtout  contre  le  chapitre  relatif  à  Descartes  et  aussi,  à 
un  moindre  degré,  contre  le  Hobbes,  le  Locke  et  un  peu  le  Burthogge 
(notamment  pp.  85,  86)  de  M.  Lyon.  Elle  disparaît  sitôt  que  nous  nous 
trouvons  en  plein  idéalisme  ou,  plus  exactement,  en  plein  immatéria- 
lisme. 

C'est  là  ma  quatrième  critique,  qui  est  la  plus  importante,  parce 
qu'elle  s'adresse  à  l'esprit  général  du  livre  et  à  son  inspiration  philoso- 
phique. Idéalisme,  pour  M.  Lyon,  est  exactement  synonyme  d'immaté- 
nalisme.  A  quoi  j'objecterai  que  tout  idéalisme  n'est  pas  immatérialiste, 
et  que  tout  immatérialisme  n'est  pas  nécessairement  idéaliste.  Si  ce 
n  était  là  qu'une  question  d'usage  et  de  définition  de  mot,  ou  même  s'il 


234  REVUE    CRITIQUE 

n'y  avait  là  qu'une  attitude  d'esprit  personnelle  à  M.  Lyon  et  sans  effets 
manifestes  dans  son  présent  ouvrage,  il  n'y  aurait  pas  lieu  d'insister  sur 
cette  critique;  ce  qui  m^  oblige,  c'est  que  le  manque  de  distinctions 
nettes  l'a  conduit  à  forcer  la  doctrine  idéaliste  de  Malebranche  dans  le 
sens  du  phénoménisme  immatérialiste  où  il  voyait  la  conséquence 
nécessaire  de  ses  prémisses,  à  déterminer  incomplètement  la  position 
historique  de  Berkeley  et  de  Hume,  et,  sans  parler  des  inexactitudes  de 
détail,  trop  nombreuses  pour  être  toutes  relevées  i,  à  interpréter  la 
doctrine  de  Kant  d'une  manière  qui  n'est  pas  la  vraie. — J'indique  briè- 
vement le  sens  général  de  cette  critique  qui  voudrait  être  développée. 

1°  Tout  idéalisme  n^est  pas  immatérialiste.  —  Le  mot  idéalisme 
signifie  d'abord  la  doctrine  qui  affirme  Texistence  d'une  réalité  supra- 
sensible  et  y  voit  la  source  et  la  cause  d'existence  de  la  réalité  sensible. 
Cette  doctrine,  qui  est  dans  ses  traits  généraux  celle  de  Platon,  de 
Malebranche  et  de  Leibniz,  n'est  pas  un  immatérialisme,  car  :  i"  Teffort 
même  tendant  à  réduire  un  ordre  de  choses  à  un  autre  atteste  la 
croyance  profonde  à  la  réalité  de  l'un  et  de  l'autre  ;  i°  cette  réduction, 
qui  repose  tout  entière  sur  l'interprétation  mystique  du  mot  être^  s'ef- 
force uniquement  d'établir  que  Tordre  idéal  est  autrement  et  est  plus 
que  l'autre,  étant  admis  qu'ils  sont  l'un  et  l'autre;  3°  toutes  ces  doc- 
trines, à  supposer  même  qu'elles  réduisent  la  réalité  sensible  à  n'être 
qu'un  non-être,  qu'une  limite,  qu'un  phénomène,  restent  toujours  des 
philosophies  de  l'être,  c'est-à-dire  qu'elles  maintiennent  comme  point 
de  départ  le  dualisme  substantialiste  de  l'être  et  du  connaître.  Une 
matière  idéalisée  ou  théologiquement  divinisée  n'est  pas  la  matière 
niée.  Ces  doctrines  ne  sont  pas  immatérialistes.  —  D'où  suit,  au  point 
de  vue  spécial  qui  nous  occupe,  que  la  philosophie  de  Malebranche,  à 
supposer  qu'elle  soit  un  idéalisme,  n'est  pas  un  immatérialisme,  ne 
tend  pas  logiquement  à  l'immatérialisme  et  ne  prépare  pas,  absolument 
parlant,  l'immatérialisme  de  Berkeley. 

L'idéalisme,  en  second  lieu,  au  sens  moderne  et  strict  du  mot,  est  la 

I.   En  voici  quelques-unes  :  Il  n'est  pas  exact  que  Kant  ait  substitué  «  à  la  simple 
observation  empirique  la  réflexion  pure  »  (p.  471);  Kant,  dans  la  Critique,  fait  œuvre 
d'analyste  logicien;  le  rôle  de  l'expérience  reste  entier  dans  les  domaines  qui  sont 
les  siens;  Kant  en  affirme  plus  que  personne  la  validité,  que  tous  ses  efforts  tendent 
à  justifier.  Il  n'est  pas  exact  qu'il  maintienne  contre  Hume  «  la  valeur  de  l'expérience 
a  priori  »;  il  n'eût  compris  ni  la  chose  ni  le  mot.  Il  n'est  pas  exact  qu'il  édifie  une 
métaphysique  «  avec  le  scepticisme  pour  base  >•>;  il  n'est  un  sceptique  qu'aux  yeux 
du  dogmatisme  vulgaire  ;  son  rationalisme  est  critique  en  un  sens,  dogmatique  en  un 
autre.  Il  n'est  pas  exact  qu'il  admette  «  des  synthèses  a  priori  préalables  à  la  plus 
élémentaire  expérience  »  ;  autant  vaudrait  reprocher  aux  lois  de  la  gravitation  d'être 
préalables  à  la  chute  d'une  pomme.  Il  n'y  ù  enfin  rien  de  moins  exact  que  les  phrases 
vraiment  surprenantes  que  voici  :  «  Les  notions  abstraites...  régnent  souverainement 
dans  les  trois  Critiques.  Elles  peuplent  la  pensée  humaine,  la  nature,  le  ciel,  sous  !l 
les  noms  divers  de  catégories,  de  formes  a /^n'orf,  d'idées  pures,  d'impératifs.  »  Kant   1 
est  étranger  à  cette  fantasmagorie.  Ces  concepts,  ces  formes  et  ces  idées  peuplent  la 
pensée,  c'est-à-dire  que  la  pensée  les  retrouve  dans  les  objets  qu'elles  constituent,  cl 
dans  ses  propres  démarches  qu'elles  dirigent.  —  J'en  omets  diverses  autres. 


d'histoire    et    de    LITTÉRATURK  2  35 

doctrine  qui  débute  par  déclarer  vaine  toute  spéculation  relative  à  l'être 
des  choses,  et  se  place  au  cœur  même  de  la  connaissance  pour  chercher 
la  raison  de  l'être  en  tant  qu'il  est  connu,  et  non  plus  la  cause  de  l'être 
en  tant  qu'il  est.  Cette  doctrine,  que  Kant  inaugure,  n'est  pas  immaté- 
rialiste, car  :  i°  elle  accepte  comme  étant  donnée  avec  des  caractères 
d'objectivité  qui  mettent  sa  validité  hors  de  doute,  la  forme  spatiale, 
temporelle  et  généralement  matérielle  de  certaines  d'entre  nos  repré- 
sentations; 2"  même  lorsqu'elle  cherche  dans  des  éléments  intellectuels 
la  raison  de  l'intelligibilité  (et  non  plus  la  raison  de  l'existence),  de  la 
réalité  sensible  immédiatement  donnée,  elle  poursuit  une  explication  et 
non  plus  une  réduction,  c'est-à-dire  qu'elle  conserve  aux  données  sen- 
sibles immédiates  leur  caractère  d'irréductibilité;  3°  à  supposer  même 
que  ce  qu'elle  conserve  d'irréductible  dans  le  contenu  immédiat  de  la 
sensibilité  externe  ne  soit  qu'une  sorte  de  limite  fuyante  de  la  pensée, 
cette  doctrine  reste  une  théorie  immanente  et  moniste  du  connaître, 
c'est-à-dire  qu'elle  ignore  la  distinction  du  dedans  absolu  et  du  dehors 
absolu.  Ignorer  l'extériorité  absolue  n^est  pas  nier  l'extériorité.  Nier  la 
validité  de  toute  spéculation  relative  à  un  soi-disant  en  soi  des  choses 
n'est  pas  nier  la  matière.  Une  doctrine  qui  considère  la  matière  comme 
donnée  en  fait  et  fondée  en  droit  n'est  pas  une  doctrine  immatérialiste. 
—  D'où  suit,  au  point  de  vue  spécial  qui  nous  occupe,  que  la  philoso- 
phie de  Kant,  qui  est  un  idéalisme,  ne  continue  en  aucune  façon  l'im- 
matérialisme  de  Berkeley. 

2°  Tout  immatérialisme  n'est  pas  idéaliste;  —  je  veux  dire,  toutes  les 
doctrines  que  M.  Lyon  considère  comme  immatérialistes  ne  sont  pas  des 
idéalismes.  Hume  et  Stuart  Mill,  qui  sont  des  phénoménistes  psycho- 
logues, ne  sont  pas  idéalistes.  Hume,  qui  n'est  pas  un  fils  authentique 
de  Berkeley  et  qui  est  le  père  authentique  de  Kant,  est  un  analyste 
psychologue,  comme  Kant  est  un  analyste  logicien.  De  même  que  lui, 
dégagé  du  préjugé  de  l'être,  il  considère  comme  concret  et  donné  le 
contenu  immédiat  de  la  conscience  ;  comme  lui,  il  en  étudie  la  forma- 
tion et  la  structure,  mais  par  d'autres  moyens.  Kant  est  un  idéaliste, 
parce  qu'il  est  un  logicien  et  un  aprioriste,  c'est-à-dire  parce  qu'il  se 
pose  la  question  de  l'objectivité  des  choses  en  tant  qu'elles  sont  con- 
nues, et  qu'il  la  résout  logiquement  et  métaphysiquement  au  bénéfice 
de  la  pensée,  parce  qu'en  un  mot  il  cherche  et  croit  trouver  le  sens  et  la 
valeur  métaphysiques  de  la  connaissance.  Hume  est  un  réaliste  et  un 
empiriste,  parce  qu'il  s'en  tient  à  l'histoire  de  la  connaissance  et  à  la 
critique  psychologique  de  sa  genèse.  Hume  et  Stuart  Mill  ne  sont  à 
aucun  titre  des  idéalistes.  —  Mais  ils  ne  sont  pas  davantage  des  imma- 
ténalisies,  car  ce  n'est  pas  répondre  négativement  à  la  question  de 
l'existence  extérieure  que  d'éliminer  la  question  de  l'extériorité  absolue, 
comme  fait  Hume,  que  de  la  considérer  comme  éliminée,  comme  fait 
Stuart  Mill. 

Ainsi  l'idéalisme  dogmatique — qui  est  à  peine  un  idéalisme—  s'épuise 


2  36  REVUE   CRITIQUB 

dans  la  réduction  jamais  achevée  d'un  ordre  de  l'être  à  l'autre;  il  n'est 
donc  pas  immatérialiste;  l'idéalisme  critique  et  le  phénoménisme  — 
qui  n'est  pas  un  idéalisme  —  cherchent  dans  l'un  des  ordres  du  connaître 
l'explication,  logique  ou  psychologique,  de  l'autre;  ils  ne  sont  donc 
pas  immatérialistes.  Que  reste  t-il  donc  à  l'immatérialisme? 

Il  reste  Beikcley,  qui  est  seulde  son  espèce,  parce  qu'il  est  hybride. 
C'est  que  le  développement  historique  que  raconte  M.  Lyon  est  double 
et  non  pas  unique,  comme  il  le  fait.  Berkeley  est  à  la  croisière  des  deux 
voies  qui  viennent  l'une  de  Locke,  l'autre  des  idéalistes  cartésiens.  De 
ceux-ci  et  surtout  de  son  éducation  théologique,  il  reçoit  la  doctrine  de 
la  primauté  de  l'ordre  supra-sensible  ;  il  reçoit  aussi,  et  c'est  l'essentiel, 
l'état  d'esprit  dogmatique,  le  souci  de  l'être  des  choses,  la  répugnance 
théologique  pour  le  donné  inintelligible  et  irréductible.  De  Locke,  il 
reçoit  la  méthode  de  la  critique  psychologique  et  génétique  des  concepts. 
Son  effort  tout  entier  consiste  à  appliquer  à  l'être  la  méthode  critique 
valant  seulement  dans  les  limites  du  connaître;  sa  philosophie  tout 
entière  est  l'adaptation  illégitime  de  raisons  psychologiques  aux  réalités 
ontologiques;  il  se  dépensera  à  réduire  par  une  critique  psychologique 
l'extériorité  absolue  qui  ne  se  laisse  point  déduire.  D'où  la  parfaite  soli- 
dité apparente  de  ses  argumentations;  elles  sont  merveilleusement 
liées,  mais  elles  reposent  toutes  sur  le  sophisme  de  la  \j.it:xîx'j'.i;  tic,  ôcXas 
Y^voç.  Il  fallut  la  netteté  d'esprit  peu  superstitieuse  de  Hume  pour  en 
venir  à  bout. 

Et  il  fallut  un  esprit  infiniment  grossier  pour  donner  la  formule  naïve 
de  ce  qu'il  y  a  d'absurde,  c'est-à-dire  de  radicalement  illogique  dans 
l'immatérialisme  conséquent  :  c'est  Schopenhauer  s'émerveillant  de  voir 
l'univers  entier,  et  les  espaces  infinis  tenir  à  l'aise  dans  l'étroite  boîte 
crânienne.  C'est  une  caricature,  mais  qui  ressemble. 

J'arrive  à  ma  cinquième  et  dernière  critique,  la  plus  superficielle  de 
toutes.  Elle  tient  en  un  mot  :  le  style  de  M.  Lyon  est  joli,  très  joli, 
mais  trop  joli.  En  voici  quelques  exemples  :  Locke  «  n'aurait  fait...  -' 
qu'un  bien  mauvais  cartésien,  à  juger  de  ce  qu'il  eût  été,  disciple,  par  ce  i 
qu'on  le  vit  opposant  »  (p.  5j).  «  Arnauld,  mort  en  1694,  ^^  désarma 
point  pour  cela;  car,  en  169g,  deux  lettres  posthumes  de  lui,  etc.  » 
(p.  102,  n.  4).  Le  philosophe  a  le  devoir  <i  de  prendre  de  ces  traces 
attentivement  note  »  (p.  i3i).  En  maints  autres  passages,  la  langue  de 
M.  Lyon,  toujours  colorée,  souple  et  aimablement  capricieuse,  a  de  ces 
affaissements  qui  distraient  un  moment.  On  ne  s'arrêterait  point  à  rele- 
ver ces  minuties  si  la  grâce  un  peu  trop  parée  du  vêtement  ne  fardait 
parfois  au  point  de  le  cacher  le  sérieux  de  la  pensée. 

Lucien  Herr. 


% 


d'histoire  et  de  littérature  237 

i52.  —  Documents  militaires  du  lieutenant-général  de  Campredon.  l.a  défense 
du  Van  et  le  passage  des  Alpes,  lettres  des  généraux  Masséna,  Suchet,  etc., 
lettres  diverses  annotées  et  publiées  par  Ch.  Auriol  (avec  quatre  cartes).  Paris, 
Pion,  1890.  In-8,  XII  et  426  p.  4  fr. 

Après  nous  avoir  donné  les  documents  et  notes  de  Campredon  sur  la 
défense  de  Danzig  (cp.  Revue,  i88g,  n^  9],  M.  Auriol  publie  les  pièces 
relatives  à  la  défense  du  Var  et  au  passage  des  Alpes  qu'il  a  trouvées 
dans  les  papiers  du  général.  Ces  pièces,  sauf  quelques  fragments  d'Iti- 
néraire, ne  sont  pas  de  la  main  de  Campredon  :  elles  se  composent  de 
lettres  de  Masséna,  de  Suchet  et  autres  (par  exemple,  de  Vallongue, 
dont  la  correspondance  a  été  cofnmuniquée  à  M.  A.  par  le  général 
baron  Berge).  M.  A.,  suivant  sa  méthode  antérieure,  y  a  joint  des  let- 
tres contenues  dans  les  Récits  sur  l'histoire  de  Nice  du  chevalier  To- 
selli,  ou  tirées  de  la  correspondance  du  Premier  Consul  (lettres  de  Bona- 
parte et  des  généraux  de  l'armée  d'Italie).  Ces  documents,  ainsi  juxtaposés, 
montrent,  comme  dit  M.  A.,  les  causes  légitimes  de  Tinaction  de  Mas- 
séna au  début  de  la  campagne  de  l'an  VIII,  Tinfluence  qu'exerça  Tatti- 
tude  de  Suchet  sur  le  succès  définitif,  les  obstacles  que  rencontrèrent  des 
généraux  à  peine  secourus  et  placés  dans  une  situation  difficile.  M.  A. 
n'a  pas  voulu  faire  un  récit  ;  il  se  contente  de  donner  des  documents, 
tout  en  les  interprétant  quelquefois  et  en  reliant  les  chapitres  du  volume 
par  des  sommaires  consciencieux  ;  il  écrit  pour  «  ceux  qui  cherchent  dans 
l'histoire,  non  pas  un  délassement,  mais  une  base  certaine  à  leurs  tra- 
vaux. »  De  même  que  dans  son  précédent  volume,  il  imprime  en  gros 
caractères  tout  ce  qui  est  citation  textuelle  dedocuments  authentiques,  et 
en  petits  caractères  les  renseignements  puisés  à  d'autres  sources.  Il  main- 
tient —  et  nous  regrettons  et  blâmons  ce  procédé  par  trop  commode  — 
l'orthographe  des  noms  propres  telle  qu'elle  est  dans  les  documents  eux- 
mêmes.  Mais  à  quoi  bon  un  Index  des  noms  qui  n'indique  pas  les 
pages  où  se  trouvent  ces  noms?  De  quelle  utilité  peut  être  cette  liste 
toute  sèche?  Et  ne  fallait-il  pas,  dans  cet  Index,  écrire  les  noms  selon 
leur  véritable  orthographe?  M.  Auriol  sait-il  que  Radat^ki  est  le  célèbre 
Radetzky?  P.  173  le  général  Mainoni  n'était  pas  un  «  officier  d'origine 
italienne  »  ;  il  est  né  à  Strasbourg  en  1752.  Ajoutons  que  le  livre  com- 
prend quatre  parties  :  L'armée  de  réserve  et  l'armée  d'Italie;  Défense  de 
la  Ligurie-,  La  défense  du  Var  et  le  passage  du  Saint-Bernard;  Gênes 
et  Marengo. 

A.C. 

Lettre  de  M.  W.  Brandt  et  réponse  de  M.   Rubens  Du  val. 

Permettez-moi  de  présenter  les  observations  suivantes  à  propos  de  l'article  que 
M.  Rubens  Duval  a  consacré  à  mon  livre  sur  la  Religion  mandéenne  (n°  du  10  fé- 
vrier). 

P.  102,  je  lis  :  «  Pirâ,  Ayar,  Mânâ  forment  une  triade  analogue  à  celle  d'Anu,  Bil 


238  REVUE    CRITIQUE 

et  Êa  dans  l'ancien  système  babylonien.  »  —  C'est  au  contraire  l'assertion  de  M.  Kess- 
ler  que  j'ai  réfutée  comme  incompatible  avec  les  textes  mandéens  dont  il  s'agit 
(voyez  p.  28,  184)  ». 

La  note  an  bas  de  la  même  page  semble  impliquer  qu'on  chercherait  en  vain 
chez  moi  le  mythe  des  Ophites,  auquel  se  rapporte  la  légende  mandéenne  sur  la 
création  de  l'homme.  M.  Duval  avouera  que  dans  mon  livre,  p.  189  suiv.,  se  trou- 
vent mentionnés  non  seulement  les  textes  ophites,  mais  en  sus  les  autres  textes  pa- 
rallèles des  différents  systèmes  gnostiques  '. 

P.  io3,  mon  opinion  que  la  haine  contre  Jésus  et  tout  ce  qui  lui  touche  de  près 
s'est  déclarée  par  opposition  aux  missionnaires  nestoriens  est  rejetée  comme  une 
«  conjecture...  appuyée  sur  rien  de  positif.  »  Qu'on  me  permette  de  dire  que  cette 
opinion  n'est  pas  du  tout  une  conjecture,  mais  le  résultat  direct  et  clairement  iné- 
vitable des  textes  mandéens  cités  par  moi  p.  142-145,  où  sont  décrites  les  allures 
des  missionnaires  célibataires  :  résultat  appuyé  en  outre  par  le  fait  démonstratif  que 
dans  tous  les  passages  haineux  du  Genzâ  contre  le  christianisme,  ce  dernier  est  dé- 
signé par  les  termes  techniques  de  l'église  édesséenne  3, 

Quant  au  mot  malala,  c'est  en  mandéen  verbe  et  non  pas  orateur  :  presque  partout 
où  il  se  trouve,  le  sens  de  la  phrase  défend  de  le  prendre  pour  le  mot  syriaque.  Voici 
une  des  difficultés  du  mandéen  qui  montre  que  la  ressemblance  avec  le  syriaque  est 
souvent  trompeuse.  L'éiymologie  mandéenne  a  ses  formations  propres,  et  pour  le 
mot  en  question,  M.  Duval  en  sera  convaincu  quand  il  aura  comparé  les  variantes 
recueillies  par  M.  Noeldeke,  Mandaeische  Grammatik  g  70  *. 

L'explication  du  nom  Ourashlam  =  «  Our  (le  diable)  l'a  accompli  »,  est  due  à 
M.  Petermann;  mais  je  conviens  qu'elle  est  à  délaisser,  parce  que  :  10  cette  expli- 
cation est  tout  à  fait  superflue,  et  2°  il  lui  manque  un  appui  dans  les  traités  du  Genzâ, 
où  la  fondation  de  la  ville  de  Jérusalem  n'est  jamais  attribuée  à  ce  démon  Gur.  —  La 
traduction  de  dayârê  (non  pas  dayarâyé!)  a  déjà  été  rectifiée  par  moi-même,  voyez 
p.  235. 

Je  ne  terminerai  pas  cette  lettre  sans  remercier  M.  Duval  d'avoir  parlé  de  mon  ou- 
vrage avec  tant  de  bienveillance. 

W.  Brandt. 


CHRONIQUE 


FRANCE.—  Nous  recevons  le  premier  no  an  Bulletin  des  Musées^  Revue  mensuelle 
publiée  sous  le  patronage  de  la  direction  des  Beaux-Arts  et  de  la  direction  des  Musées 
nationaux,  par  E.  Garnier  et  L.  Benedite  (Paris,  librairie  Léopold  Cerf,  12  francs 
par  an).  L'avant-propos,  signé  de  M.  P.  Mantz,  nous  apprend  que  cette  nouvelle  re- 
vue a  pour  but  d'établir  entre  les  conservateurs  de  musées,  critiques,  amateurs,  etc. 

1.  Cette  triade  résulte  du  passage  suivant  du  Genza  traduit  par  M.  B  ,  p.  24  .  u  Aïs  da  war  das 
Pirâ  in  dem  Pirâ,  und  als  da  war  das  Ajar  in  dem  Ajar,  und  als  da  war  der  grosse  Mânâ  der 
Herrlichkeit.  >  R.  D. 

2.  M.  B.  ne  parle  de  Jaldabaot,  p.  190,  que  comme  instigateur  du  déluge.  Il  m'était  donc  bien 
permis,  à  propos  de  la  création  d'Adam,  de  renvoyer  le  lecteur  au  livre  de  M.  Hœnig.  R.  D. 

3.  Les  Mandéens  se  rencontrent  avec  les  Op'nites  dans  leur  haine  contre  Jésus;  était-ce  donc  par 
réaction  contre  le  Nestorianisme  que  les  Ophites  avaient  conçu  cette  haine?  Que  vient  faire  l'église 
d'Edesse,  qui  était  jacobite,  dans  une  question  de  mission  nestorienne?  R.  D. 

4.  Malgré  l'autorité  citée  par  M.  B.,  il  me  paraît  difficile  d'admettre  que  malala  soit  pour  mam- 
lela,  et  signifie  «  verbe  »  au  lieu  de  »  orateur  ».  —  R.  D. 


d'histoire  et  de  littérature  239 

«  le  lien  fraternel  qui  n'existe  pas  et  de  compléter  notre  outillage  en  mettant  en  nos 
mains  le  précieux  instrument  d'informations  qui,  tous  les  jours,  manque  à  notre  la- 
beur. »Quoi  qu'en  pense  M.  Mantz,  il  nous  semble  que  la  nécessité  de  cette  publica- 
tion ne  se  faisait  pas  sentir.  L'indication  des  acquisitions  récentes  des  Musées  trou- 
verait tout  naturellement  sa  place,  à  l'abri  du  patronage  administratif,  dans  la  Re- 
vue archéologique  et  dans  la  Ga:^etle  des  Beaux-Arts,  pour  ne  citer  que  ces  deux 
périodiques  qui  embrassent  tout  le  domaine  de  l'art  et  de  l'archéologie.  C'est  ainsi 
qu'en  Allemagne  le  Jahrbuch  des  Archaeologischen  Instituts  publie  les  acquisi- 
tions d'objets  antiques  et  que  le  Jahrbuch  der  k.  k.  Sammîungen  fait  connaître 
les  autres.  Les  travailleurs  ont  beau  protester  contre  la  création  encombrante 
de  Revues  nouvelles;  il  ne  semble  pas  que  les  administrations  en  aient  cure.  Le 
premier  fascicule  du  Bulletin  des  Musées  contient  une  seule  gravure,  aussi  mau- 
vaise que  possible,  d'après  le  couvercle  d'une  boîte  à  miroir  du  Musée  du  Louvre  ; 
on  ne  peut  que  regretter  de  voir  sacrifier  ainsi  un  monument  qui  méritait  mieux. 
Les  autres  notices,  se  rapportant  aux  sujets  les  plus  divers,  font  de  ce  Bulletin  une 
sorte  de  capharnaum  dont  ils  montrent  suffisamment  l'inutilité. 

—  M.  Michel  Bréal  publie  en  tirage  à  part,  sous  le  titre  «  Premières  Injluences 
de  Rome  sur  le  monde  germanique  »,  deux  articles  du  «  Journal  des  Savants  »  (oct.- 
nov.  1889),  écrits  à  l'occasion  du  nouvel  ouvrage  de  M.  S.  Bugge,  Studien  iiber  die 
Entstehung  der  nordischen  Gœtter-  und  Heldensage.  Ce  travail  promet  d'être  pour 
la  lexicographie  germanique  ce  que  furent  pour  l'étymologie  latine  les  ingénieuses  et 
suggestives  études  par  lesquelles  M.  Bréal  a  ramené  à  un  emprunt  du  latin  en  grec 
un  si  grand  nombre  de  formes  latines  dont  on  s'obstinait  en  vain  à  chercher  l'ori- 
gine et  les  concordances  phonétiques  indo-européennes.  Rien  a  priori  n'est  plus 
plausible  que  sa  conjecture  :  Platon  déjà  enseignait  que  les  mots  grecs  qui  ne  s'ex- 
pliquent point  par  le  grec  doivent  trouver  leur  raison  d'être  chez  les  barbares;  la 
marche  inverse  est  encore  bien  plus  naturelle,  et  il  serait  vraiment  surprenant  que 
Latins  et  Germains  eussent  vécu  si  longtemps  côte  à  côte  sans  presque  rien  échan- 
ger que  des  termes  savants  ou  techniques.  Partant  de  cette  idée,  M.  B.  n'hésite  pas  à 
attribuer  à  l'emprunt  direct  des  mots  tels  que  le  gothique  rathjô  (compte,  lat.  ratio), 
les  adjectifs  allemands  kur^,  lang,  wahr,  etc.,  et  même  —  ce  qui  d'ordinaire  offre 
plus  de  difficulté  —  des  suffixes  dérivatifs  comme  le  gothique  -duth-,  qui,  au  point 
de  vue  sémantique,  équivaut  au  latin  -tûdô  et  en  serait  conséquemment  issu.  (L'em- 
prunt admis,  ce  serait  plutôt  au  suffixe  latin  -tût-,  de  servitûs,  qu'il  faudrait  le  rap- 
porter ;  car,  l'accent  latin  demeurant  intact  dans  le  transport  en  gothique,  le  résultat 
prévu  par  la  loi  de  Verner  serait  mathématiquement  -duth-;  mais  les  deux  suffixes 
latins  -tût-  et  -tûdô  n'en  font  qu'un  sans  doute  à  l'origine.)  Les  mots  baûrgs  (lieu 
fortifié)  et  skip  (navire),  appartiendraient  à  une  couche  d'emprunts  antérieure  et 
préhistorique.  L'argumentation  est  conduite  avec  cette  élégance  persuasive  que  le 
maître  sait  allier  à  la  solidité. 

—  Vient  de  paraître  un  volume  nouveau  de  la  Vie  privée  d'autrefois  de  M.  Alfred 
Franklin  (Paris,  Pion.  In-S",  m,  244  et  41  p.).  H  est  consacré  à  Yhygiène  et  com- 
prend quatre  chapitres:  xiie-xvi'  siècle,  xvi«  siècle,  xviie  siècle,  xvme  siècle.  C'est  un 
des  volumes  les  plus  curieux  et  les  plus  piquants  de  la  série  et  on  y  remarquera 
r^;;;7e)i^jce  qui  renferme  certains  renseignements  à  la  fois  utiles  et  scabreux. 

—  M.  Henry  Lemonnier,  qui  supplée  cette  année  M.  Lavisse  à  la  Sorbonne,  a  fait 
tirer  à  part  sa  leçon  d'ouverture  qui  a  pour  titre  Les  origines  des  temps  modernes 
et  la  Renaissance  et  qui  avait  paru  dans  le  n"  du  i5  janvier  de  la  <i.  Revue  internatio- 
nale de  l'enseignement  ». 


240  REVUE   CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

ACADÉMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  14  mars  i8go, 

M.  Layard,  élu  associé  étranger  de  l'Académie,  adresse  au  secrétaire  perpétuel  une 
lettre  de  remercîmcnts. 

M.  GcflVoy,  directeur  de  l'Ecole  française  de  Rome,  donne,  par  une  lettre  adressée 
au  président  de  rAcadcmie,  des  détails  sur  les  dernières  découvertes  faites  à  Pompéi. 
Outre  deux  nouvelles  empreintes  decadavies,  dont  les  moulages  en  plâtre  sont  main- 
tenant exposés,  on  a  trouvé  l'empreinte  d'un  arbuste,  avec  ses  branches,  ses  feuilles 
et  ses  fruits.  Le  moulage  a  pu  en  être  opéré  et  on  a  reconnu  un  laurier  dont  les 
baies  ne  mûrissent  qu'à  la  fin  de  l'automne.  On  doutait  jusqu'ici,  à  cause  du  désac- 
cord des  manuscrits  de  Pline,  si  l'éruption  du  Vésuve  avait  eu  lieu  le  24  août  ou  le 
.j3  novembre  :  la  preuve  est  maintenant  en  faveur  de  cette  dernière  date. 

En  terminant,  M.  Gefl'roy  signale  l'importance  d'un  nouveau  recueil,  dont  la  pu- 
blication vient  d'être  commencée  par  l'Académie  royale  des  Lincei,  sous  le  titre  de 
Moniimenti  antichi. 

M.  Schefer,  président,  annonce  à  l'Académie  la  mort  de  l'un  de  ses  correspondants, 
M.  Deschamps  de  Pas. 

L'Académie  procède  au  vote  pour  la  présentation  de  deux  candidats  à  la  chaire 
d'épigraphie  et  d'antiquités  sémitiques  au  Collège  de  France. 

M.  Clermont-Ganneau  est  présenté  en  première  ligne,  M.  Philippe  Berger  en  se- 
conde ligne. 

M-  l'abbé  Duchesne  lit  une  notice  intitulée  :  Une  martyre  africaine  inconnue.  Il 
appelle  l'attention  de  ses  confrères  sur  un  texte  hagiographique  qui  vient  d'être  pu- 
blié tout  récemment,  la  Passion  de  sainte  Salsa,  martyre  à  Tipasa,  en  Maurétanie. 
Cette  sainte,  une  jeune  fille  chrétienne  de  quatorze  ans,  déroba,  dit-on,  une  idole 
païenne  pendant  une  fête  et  la  précipita,  du  haut  du  promontoire  qui  domine  la  ville 
de  Tipasa,  dans  la  mer.  Massacrée  par  les  païens  et  jetée  à  son  tour  à  la  mer,  elle 
fut  rencontrée  par  un  navire  provençal,  dont  le  capitaine  lui  donna  la  sépulture.  Un 
sanctuaire  lui  fut  plus  tard  consacré  sur  l'emplacement  du  temple  de  l'idole  détruite. 
Ce  récit  est  curieux  pour  l'histoire  et  la  topographie  antique  de  la  côte  africaine.  On 
y  trouve  notamment  des  détails  sur  la  révolte  du  prince  maurétanien  Firmus,  au 
temps  de  l'empereur  Valentinien. 

M.  de  la  Martinière,  terminant  sa  communication  sur  les  rechsrches  archéologi- 
ques entreprises  par  lui  au  Maroc,  dans  l'ancienne  province  de  Tingitane,  met  sous 
les  yeux  des  membres  de  l'Académie,  d'abord  des  objets  recueillis  sur  l'emplacement 
de  la  ville  antique  de  Lixus,  puis  des  plans  et  levés  topographiques  et  des  photo- 
graphies des  diverses  enceintes  de  la  ville,  depuis  l'antiquité  jusqu'à  l'époque  byzan- 
tine. Il  communique  ensuite  une  grande  photographie  de  la  basilique  de  Volubilis, 
autre  ville  antique  où  il  a  recueilli  un  grand  nombre  d'inscriptions  romaines.  M.  de 
la  Martinière  insiste  sur  le  concours  etHcace  que  lui  a  prêté  le  repiésentant  de  la 
France  à  Tanger,  M.  Patenôtre  :  c'est  grâce  à  l'intervention  de  M.  Paienôtre  qu'ont 
été  obtenues  du  sultan  les  autorisations  nécessaires  pour  commencer  et  poursuivre 
les  fouilles. 

M.  Théodore  Reinach  communique  une  étude  sur  le  temple  d'Hadrien  à  Cyzique, 
oeuvre  colossale  de  l'art  gréco-romain,  que  certains  auteurs  comptaient  au  nombre 
des  sept  merveilles  du  monde.  L'édifice  est  aujourd'hui  entièrement  ruiné,  mais  il 
n'en  était  pas  ainsi  au  xv^  siècle.  Cyriaque  d'Ancône,  à  cette  époque,  en  vit  encore 
une  grande  partie  debout  et  en  nota  avec  précision  les  mesures.  Ses  notes,  retrou- 
vées par  M.  J.-B.  de  Rossi  et  communiquées  à  M.  Th.  Reinach  par  M.  Georges  Per- 
rot,  lui  ont  fourni  tous  les  éléments  nécessaires  pour  restituer  le  plan  et  l'élévation 
du  monument.  Les  colonnes,  au  nombre  de  soixante-deux,  étaient  des  monolithes 
de  21  mètres  de  hauteur,  les  plus  grands  qui  aient  existé.  Le  fronton  était  décoré 
d'une  série  de  statues  et  d'un  buste  colossal  d'Hadrien.  Cyriaque  avait  copié  même  , 
une  inscription  qui  donne  le  nom  de  l'architecte  :  il  s'appelait  Aristénète. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M,  Barbier  de  Meynard  :  Vernes  (Maurice),  les  Résul- 
tats de  l'exégèse  biblique  ;  —  par  M.  Siméon  Luce  :  Lefranc  (Abel),  Un  règlement 
intérieur  de  léproserie  au  moyen  âge-,  —  par  M.  Senart  :  Oppfrt  'Gustave),  On  the 
original  inhabitants  of  Bliaratavarsa  or  India,  2'  partie,  the  Gaudians  ;  —  par  M.  G. 
Oppert  :  Amiaud  (A.)  et  Scheil  (V.),  les  Inscriptions  de  Salamanasar  11,  roi  d'Assy- 
rie ;  —  par  M.  'VioUet  :  Declareuil,  la  Justice  dans  les  coutumes  primitives;  —  par 
M.  Gaston  Paris  :  d'Arbois  de  Jubainville  et  J.  Loth,  Cours  de  littérature  celtique, 
IV  :  les  Mabinogion,  par  J.  Loth,  tome  II;  —  par  M.  Schefer  :  3°  Darmesteter 
(James),  Chants  populaires  des  Afghans;  2°  Yacoub  Artin  Pacha,  l'Instruction  publi- 
que en  Egypte. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 
Le  fuy.,  imprimerie  Marchessou  Jils,  boulevard  Saint- Laurent,  s3. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N"  13  -  31  mars  —  1890 


Sommaire:  i53.  James  Darmesteter,  Chants  populaires  des  Afghans.  —  154. 
Johnson,  Bibliothèque  platonique,  II.  —  i55.  Couat,  Aristophane  et  l'ancienne 
comédie  attique.  —  i5b.  Tozer,  Les  îles  de  l'Archipel.  —  iSy.  Tougard,  Les 
saints  du  diocèse  de  Rouen.  —  i5S.  Auerbach,  La  question  sociale  au  xv'  siècle. 
—  159.  Pai.éologue,  Vauvenargues.  —  160.  Miintz,  Les  archives  des  arts.  —  161. 
WL  DuQUET,  Paris,  le  quatre  septembre,  Chatillon.  —  Lettre  de  .M.  Psichari.  — 
^  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.   —  Société  des   Antiquaires  de  France. 


i53.  —  (Société  Asiatique.  Collection  d'ouvrages  orientaux,  2«  série.)  Ohants  po- 
pulatres  des  Afghans,  recueillis  par  James  Darmesteter.  —  Paris,  Imp. 
Nat.,  E.  Leroux,  1888-90.  In-8,  xii,  ccxviii,  299  et  228  pp.,  plus  3  pp.  de  faux- 
titre,  titre  et  dédicace  au  commencement,  et  2  pp.  de  faux-tiire  et  titre  en  ca- 
ractères arabes  à  la  fin  (da  Pushtankhwà  da  sha'r  hâr  u  bahâr). 

Cet  ouvrage,  le  plus  considérable,  le  plus  digne  d'attention  à  tous 
égards,  de  ceux  que  M.  J.  Darmesteter  a  rapportés  de  sa  fructueuse 
mission  dans  l'Inde  et  l'Afghanistan  britannique,  paraît  beaucoup  plus 
tard  qu'il  n'entrait  dans  les  prévisions  de  l'auteur  et  du  public.  Mais 
nous  n'aurons  rien  perdu  pour  attendre,  et,  tout  au  contraire,  les  lettrés 
qui  feuilletteront  ce  beau  livre,  comme  les  orientalistes  qui  l'étudieront 
â  fond,  s'étonneront  qu'une  œuvre  aussi  im.portante,  aussi  parfaitement 
équilibrée  en  toutes  ses  parties,  ait  pu  être  élaborée  et  mise  au  point  en 
un  temps  aussi  court.  Il  faudrait  plus  d'un  article,  et  sans  doute  aussi 
plus  d'un  critique,  pour  en  donner  une  idée  exacte  et  complète  ;  mais 
il  a  déjà  été  annoncé  et  sommairement  analysé  dans  ce  volume  de  la 
r-  Revue  (p.  177);  le  littérateur,  l'historien,  l'ethnographe,  le  folk-loriste 
savent  ce  qu'ils  y  trouveront  de  renseignements  précieux  et  inédits  ou 
d'exquises  perles  de  poésie  populaire  :  qu'il  me  soit  donc  permis  —  et 
pour  cause  —  de  restreindre  mon  horizon  et  de  me  borner  à  mettre  en 
lumière  les  données  nouvelles,  précises  et  sûres  dont  les  travaux  de 
M.  J.  D.  ont  enrichi  la  linguistique  indo-européenne. 

Aussi  bien,  ce  faisant,  aurai-je  encore  sous  les  yeux  une  notable  par- 
tie de  ce  grand  ouvrage;  car  l'introduction  ne  comprend  pas  moins  de 
218  pages,  soit  près  d'un  tiers  du  livre,  près  de  la  moitié  si  l'on  tient 
compte  de  ce  que  la  2^  partie  est  la  traduction  et  le  commentaire  de  la 
^*;  et,  sauf  les  dernières  pages,  où  l'auteur  caractérise  à  grands  traits  la 
poésie  des  Afghans  et  en  classe  les  différents  genres,  sauf  un  précis  his- 
torique qui,  à  travers  d'obscures  vicissitudes  de  conquête,  d'asservisse- 
ment et  d'anarchie,  rattache  les  nâvaueç  d'Hérodote  aux  Pushtûn  (mon- 
Nouvelle  série,  XXIX.  i3 


242  REVUE   CRITIQUE 

tagnards)  de  nos  jours,  toute  cette  introduction  est  essentiellemer 
linguistique.  Jamais  le  problème  afghan  n'avait  été  abordé  à  la  fois  avec 
une  aussi  grande  abondance  de  documents  modernes  et  une  connais- 
sance aussi  approfondie  des  langues  anciennes  auxquelles  l'afghan  doit 
être  comparé  :  aussi  les  solutions  qui  en  avaient  été  proposées  jusqu'à 
présent  n'étaient-elles  tout  au  plus  que  des  pierres  d'attente.  Celle  de 
M.  J.  D.  est  définitive. 

Pour  la  faire  bien  comprendre,  il  est  indispensable  d'en  exposer  briè- 
vement les  antécédents.  Le  peuple  que,  d'un  nom  probablement  persan 
et  d'ailleurs  mal  expliqué,   nous  appelons  à  tort  Afghan,  et  qui  se 
nomme  lui-même  Pushtûn  (dialecte  du  sud)  ou  Pukhtûn  (dialecte  du 
nord),  a  été  de  fort  bonne  heure,  dès  la  seconde  moitié  du  vii'^  siècle, 
converti  à  l'islamisme  et  a  reçu  avec  lui  un  fonds  de  légendes  hébraï- 
ques qu'il  s''est  merveilleusement  approprié:  soit  foi  naïve,  soit  désir  de 
se  relever  aux  yeux  des  conquérants  et  des  convertisseurs  par  l'attesta- 
tion d'une  origine  commune,  il  a  rattaché  son  passé  aux  généalogies  bi- 
bliques, et,  complètement  dépourvu  d'histoire,  s''en  est  tabriqué  une  apo- 
cryphe où  figurent  les  noms  glorieux  de  David  et  de  Salomon.  Ces 
noms  y  apparaissent  sous  leur  forme  arabe,  ce  qui  eût  pu  donner  l'éveil 
aux  savants  occidentaux;  car  enfin,  si  les  Afghans  les  eussent  tirés  d'un 
fonds  traditionnel  à  eux  propre  et  transmis  en  leur  langue,  il  était  peu 
vraisemblable  qu"*ils  y  eussent  présenté  exactement  les  mêmes  particula- 
rités de  vocalisme  que  chez  les  tribus  du  Hedjâz.  Mais  il  faut  croire  que 
l'ethnographie  d'antan  n'y  regardait  pas  de  si  près  :  sur  la  foi  de  ces  lé- 
gendes et  du  type  sémitique  très  accusé,  paraît-il,  chez  certains  Afghans, 
mais  que  des  croisements  arabes  suffisent  à  expliquer,  on  les  accepta  bel 
et  bien  en  masse  pour  des  Sémites,  comme  on  tint  pour  sémitique  leui 
langue  surchargée  d''emprunts  étrangers.  Il  n'y  a  pas  un  demi-siècle  que 
Dorn  et  Ewald  commencèrent  à  éventer  la  supercherie  et  montrèren 
le   peu  de   fond  qu'il  convenait   de  faire  sur  les  contes   de  nourrice.'! 
qu'un  peuple  indo-européen  de  langue,  sinon  tout  entier  de  race,  aval 
substitués  à  la  tradition  à  Jamais  perdue  de  ses  origines. 

Le  sémitisme  une  fois  écarté,  une  autre  question  se  posait,  plus  intél 
ressante  et  plus  ardue  :  le  pushtu  appartenait  à  la  famille  indo-euro] 
péenne,  et  plus  spécialement  à  la  branche  asiatique  ou  aryenne  de  ceti 
famille;  mais  quelle  division  y  occupait-il?  Etait-ce  un  idiome  indierj 
ou  éranien,  ou  mixte?  Habitant  de  temps  immémorial  les  deux  versan' 
des  monts  Soliman,  aux  confins  de  la  plaine  du  Sindh  et  du  platea 
d'Eran,  les  tribus  afghanes  semblaient  le  chaînon  indécis  unissant  h 
deux  groupes  ethniques  qui  les  peuplent.  Ajoutons  que,  comme  il  arri^j 
toujours  à  des  peuplades  barbares  en  contact  avec  des  civilisations  supij 
rieures,  elles  avaient  pris  de  toutes  mains  et  s'étaient  créé  un  lexiqi 
composite,  tout  bigarré  dhindoustani  et  de  persan,  de  nature  à  dérout 
la  plus  consciencieuse  sagacité.   Aussi  les  linguistes  se  divisèrent  ;  1 
uns,  frappés  de  l'extrême  fréquence  en  afghan  des  consonnes  cacumin 


D^HISTOIRK    ET    DE    LITTERATURE  2^3 

les  (cérébrales),  qui  caractérisent  le  sanscrit  et,  à  un  bien  plus  haut  de- 
gré, les  langues  prâcritiques,  constatant  en  outre,  dans  la  dérivation 
secondaire,  Texistence  de  suffixes  notoirement  prâcrits  et,  dans  la  syn- 
taxe, l'usage  de  tournures  que  reproduisent  les  langues  modernes  de 
rinde,  inclinèrent  versTorigine  indienne;  les  autres,  attribuant  ces  par- 
ticularités à  Pemprunt  direct,  firent  observer  que,  si  Ton  en  faisait  abs- 
traction, le  pushtu  revêtait  une  physionomie  nettement  éranienne,  et 
même  paraissait  se  rattacher  plus  étroitement  au  rameau  oriental  (zend 
ou  bactrien)  qu'au  rameau  occidental  ou  perse  de  l'éranisme;  d'autres 
enfin  s'efforçaient  de  maintenir  la  balance  égale  et  faisaient  de  Tafghan 
une  langue  intermédiaire,  un  type  de  transition.  Disons  tout  de  suite 
que  cette  dernière  solution  off^rait  aussi  peu  de  surface  que  la  plupart 
des  théories  éclectiques;  car,  à  la  distance  énorme  à  laquelle  il  fallait 
faire  remonter  les  affinités  préhistoriques,  et  étant  donnée  l'extrême  res- 
semblance du  sanscrit  et  du  zend,  une  langue  intermédiaire  entre  eux 
aurait  grande  chance  d'être  soit  le  sanscrit  soit  le  zend,  ou  de  ne  se  dis- 
tinguer de  l'un  ou  de  l'autre  que  par  des  différences  devenues  imper- 
ceptibles à  travers  les  altérations  séculaires  qui  les  auraient  recouvertes^ 

Restaient  les  deux  opinions  extrêmes,  toutes  deux  fortement  repré- 
sentées :  M.  Spiegel,  l'éminent  éraniste,  penchait  pour  le  prâcritisme; 
M.  Fr.  Mûller,  le  grand  voyageur  de  la  Novara^  concluait  en  faveur 
de  l'éranisme.  quand  parurent,  à  huit  années  de  distance  (1864-1873), 
deux  grammaires  pratiques  et  détaillées  de  la  langue  afghane.  La  pre- 
mière, celle  du  capitaine  Raverty,  sauf  un  malencontreux  retour  vers 
l'hypothèse  sémitique,  n'affichait  aucune  prétention  scientifique  et 
formait  le  complément  obligé  d'un  lexique  et  d'une  chrestomathie  res- 
tés jusqu'à  présent  encore  indispensables  à  quiconque  s'y  veut  initier. 
Celle  du  docteur  Trumpp,  au  contraire,  aussi  pleine  de  règles  minu- 
tieuses qu'une  grammaire  latine  écrite  par  un  cicéronien,  apportait 
en  outre  à  la  thèse  prâcritique  le  renfort  d'un  grand  nombre  d'argu- 
ments qu'avait  fournis  à  l'auteur  sa  rare  connaissance  des  dialectes  hin- 
dous. C'est  elle  qui  m'a  servi  de  base,  mais  pour  arriver  à  des  conclu- 
sions tout  opposées,  dans  ces  Etudes  a/ghajies  (iSSi-ïSS>2]  queM.  J.  D. 
a  bien  voulu  mentionner,  avec  trop  d'indulgence,  dirai-je;  mais  d'au- 
cuns penseront  peut-être  qu'il  devait  bien  cette  réparation  à  un  essai 
hâtif  que  son  livre  va  reléguer  dans  l'oubli. 

Quoi  qu'il  en  soit,  M.  J.  D,  n'est  point  venu  du  premier  coup  à  la 
solution  que  j'avais  cru  entrevoir.  Plus  on  sait,  moins  vite  on  affirme. 
Il  a  longtemps  hésité,  et  lui-même  nous  rappelle  qu'en  1887,  dans  un 
document  officiel,  il  se  ralliait  à  un  prâcritisme  mitigé.  Mais  cette  thèse 
surannée  n'a  pas  tenu  devant  sa  méthode  sincère  et  impeccable,  et  voici, 
dans  toute  leur  netteté,  ses  conclusions  d'aujourd'hui,  qui  seront  la 
science  de  demain  :  —  l'afghan,  une  fois  déblayés  les  éléments  hétéro- 
gènes qui  l'ont  envahi,  est  éranien,  exclusivement  éranien ,  comme 
l'anglais  apparaît  exclusivement  germanique  lorsqu'on  a  passé  au  crible 


244  REVUE  CRITIQUE 

les  mots  savants  et  les  importations  normandes;  —  il  appartient  à  l'é- 
ranien  oriental  et  dérive,  soit  du  zend  lui-même,  soit  d'un  dialecte  très 
semblable  au  zend  de  Zoroastre,  le  \end  arachosien;  —  il  est  donc  au 
zend  ce  que  le  persan  actuel  est  au  perse  des  Achéménides,  à  cela  près 
toutefois  quMl  a  subi  un  moindre  travail  de  désorganisation  analytique, 
et,  pour  tixer  les  idées  en  prenant  le  latin  comme  représentant  le  stade 
linL;uistique  du  zend  et  du  perse,  le  persan  en  serait  au  stade  d'analy- 
tismedu  français  actuel,  tandis  que  l'afghan  représenterait  assez  bien  ce- 
lui du  français  deïEulalie  ou  de  la  Chanson  de  Roland;  —  seulement 
le  pehlvi,  ce  précieux  anneau  de  transition  entre  le  perse  et  le  persan, 
nous  manque  entre  le  zend  et  Tafghan;  mais,  au  fait,  il  est  ici  bien  moins 
nécessaire,  puisque  Tafghan,  moins  corrompu  que  le  persan,  est  à  lui- 
même  son  propre  pehlvi  :  —  bref,  «  l'afghan  nous  offre  pour  le  zend  ce 
témoin  moderne  qu'on  lui  cherchait  en  vain  et  que  l'on  pouvait  déses- 
pérer de  jamais  trouver,  et  les  tribus  sauvages  de  la  passe  de  Khaibar, 
les  fanatiques  Musulmans  des  monts  Sulaimàn,  ont  conservé  sur  les 
lèvres,  mieux  que  les  Parsis  de  Bombay,  la  parole  des  Mages  antiques 
et  de  Zoroastre  ». 

Certes,  il  est  bien  curieux  de  voir  toute  une  race,  nomade,  illettrée, 
sans  cités  ni  monuments,  conserver  à  travers  les  âges  l'irréfragable  té- 
moin d'un  passé  ethnique,  politique  et  religieux  dont  elle  a  perdu  jus- 
qu'au plus  vague  souvenir;  mais  surtout  il  est  satisfaisant  pour  l'esprit 
humain  de  constater  que  de  pareilles  exhumations  sont  possibles,  et  ins- 
tructif de  suivre  la  filière  des  recherches  qui  y  ont  abouti. 

M.  J.  D.  commence  par  faire  le  départ  des  nombreux  éléments  em- 
pruntés par  l'afghan  au  persan,  à  Parabe  et  à  Phindoustani.  Ce  travail 
préliminaire  était  indispensable,  s'il  ne  voulait  s'exposer,  comme  Pa- 
vaient fait  ses  devanciers,  à  étayer  toute  une  théorie  de  la  langue  afghane 
sur  des  mots  non  afghans.  De  plus,  les  transformations  que  l'afghan 
avait  manifestement  fait  subir  aux  termes  par  lui  empruntés,  devaient 
mettre  le  linguiste  surla  voie  des  principalesloisphonétiquesdela  langue,  I 
sauf  à  les  vérifier  subsidiairement  sur  les  éléments  indigènes,  en  même 
temps  qu'elles  l'éclairaient  sur  le  caractère  phonétique  primitif  et  pur  de  | 
Tafghan.  De  cette  première  étude  se  dégagent  déjà  les  faits  suivants  :  — 
i''   l'afghan  laisse  intacts  les  phonèmes  persans,  ce  qui  crée  une  pré- 
somption générale  d'identité  entre  les  systèmes  phonétiques  des  deux 
langues;  —  2°  il  modifie  tous  les  phonèmes  caractéristiques  de  l'arabe, 
ce  qui  achèverait,  s'il  était  nécessaire,  de  ruiner  la  légende  sémitique  ;  — 
3**  il  ne  montre  de  consonnes  cacuminales  que  dans  les  mots  emprun- 
tés à  l'hindoustani,  ce  qui  brise  l'unique  lien  phonétique  par  lequel  il 
semble  se  rattacher  aux  langues  prâcritiques. 

Ces  points  acquis,  l'auteur  compare,  consonne  à  consonne,  les  deux 
systèmes  phonétiques  de  Pafghan  et  du  vieil-éranien  (zend  et  perse).  Il 
établit,  par  exemple,  que  l'afghan  ne  possède  plus  aucune  des  explosives 
aspirées  qui  caractérisent  le  sanscrit  et  qu'ont  maintenues  les  langues  d| 


d'htstoire  et  de  littérature  245 

l'Inde,  qu'en  revanche  il  a  développé,  comme  l'éranien,  des  continues 
aspirées  telles  que  son  kh,  qui  vaut  ■/  du  grec  moderne,  et  non  7  du 
grec  ancien,  qu'à  s  initial  sanscrit  devenu  h  en  éranien,  il  répond  par  h, 
à  cv  sanscrit  par  sp  éranien  (sk.  çvan-  «  chien  »,  zd  spaka,  afgh.  spai}, 
etc.j;  que,  par  suite,  l'afghan  n'est  point  indien,  mais  éranien.  Rétrécis- 
sant encore  la  limite  qu'il  vient  de  tracer,  il  démontre  que,  si  l'afghan 
est  éranien,  il  n'est  ni  pehlvi  ni  persan,  et  qu'on  ne  peut  dès  lors  le  rat- 
tacher au  rameau  perse,  que  toutes  ses  affinités  le  reportent  vers  le  zend 
ou  un  dialecte  voisin,  et  il  formule  alors  à  bon  droit  la  conclusion  ma- 
gistrale, que  j'ai  déjà  transcrite  en  remplaçant  par  l'indicatif  d'affirma- 
tion son  trop  modeste  conditionnel. 

La  morphologie,  comme  il  arrive  souvent,  est  moins  décisive  que  la 
phonétique  :  elle  indique  bien,  à  n'en  pas  douter,  que  le  pushtu  est  éra- 
nien, mais  elle  ne  le  rapproche  guère  plus  du  zend  que  du  perse.  En 
tout  cas,  sa  déclinaison  l'éloigné  beaucoup  du  persan  moderne,  qui  a 
perdu  la  notion  du  genre  grammatical  et  remplacé  tous  les  cas  par  des 
prépositions.  L'afghan,  par  une  exception  étrange  à  la  rigueur  des  lois 
phonétiques,  a  gardé  le  souvenir  de  l'ancien  contraste  -as-  -â  qui  distin- 
guait le  masculin  du  féminin  en  aryen,  alors  pourtant  qu'il  a  laissé  tom- 
ber toutes  les  autres  finales  :  ici  la  nécessité  sémantique  semble  avoir 
prévalu  sur  l'usure  phonétique;  mais  évidemment  cette  explication  n'en 
est  pas  une,  et  il  vaudrait  la  peine  de  rechercher  les  actions  d'analogie 
qui  ont  pu  préserver  ou  ramener  les  finales  condamnées.  De  plus,  l'af- 
ghan conserve  une  déclinaison  à  deux  cas,  toute  pareille  à  celle  du  fran- 
çais du  moyen  âge,  sauf  toutefois,  si  mes  souvenirs  sont  exacts,  —  M.  J. 
D.  ne  s'en  explique  pas  expressément  —  que  son  cas  direct  est  à  la  fois 
nominatif  et  accusatif,  son  cas  oblique  procédant  essentiellement  du  gé- 
nitif ancien.  Dans  la  conjugaison  aussi,  l'afghan  est  plus  pur  :  tandis 
que  le  persan  s'est  refait  une  conjugaison  active  nouvelle,  en  transférant 
le  sens  actif  aux  formes  de  la  construction  passive  que  le  pehlvi  déjà 
faisait  prévaloir  en  les  obscurcissant,  l'afghan  maintenait  intacte  la 
distinction  des  deux  constructions  active  et  passive  et  continuait  à 
employer  concurremment  l'une  et  l'autre.  Il  faut  lire  les  détails  de  ce 
remarquable  processus,  qui  montre  une  fois  de  plus  combien  une  langue 
sauvage  peut  rester  pure,  et  combien  de  barbarismes  peut  s'assimiler  une 
langue  élégante  et  raffinée. 

L'étude  de  la  dérivation  n'est  pas  moins  suggestive.  L'afghan  a  deux 
participes  passés,  l'un  sans  suffixe  apparent  (kar  «  fait  »,  fm.  kra,  pi. 
kra),  l'autre  avec  un  suffixe  -/  (kra  «  fait  »,  fm.  kral-a,  pi.  kral)^  qui 
ont  fait  longtemps  le  désespoir  des  interprètes  :  si  le  premier,  comme 
l'indiquait  la  théorie,  devait  contenir,  à  l'état  latent,  le  suffixe  indo-eu- 
ropéen -iô-  des  verbaux,  le  second  était  donc  le  produit  d'une  suffixa- 
tion secondaire  :  quelle  pouvait  bien  être  cette  formation  participiale 
nouvelle  greffée  sur  une  ancienne?  M.  Fr.  Miiller  pensait  à  un  redou- 
blement du  suffixe  -fd-,et  restituait  un  préafghan  *kar-tata-\  pour  moi, 


246  REVUE    CRITIQUE 

je  croyais  avoir  trouvé  en  Éran  un  pendant  au  participe  latin  en  -iû- 
rus,  jusqu'à  présent  isolé,  et  en  dépit  de  la  différence  de  sens  je  posais 
*mv-tara  v  mortuus  »  =  moritilrus.  M.  J.  D.  fait  bien  voir  que  ces 
deux  formes  ne  sont,  en  quelque  sorte,  que  des  doublets  phonétiques,  et 
se  ramènent  l'une  et  l'autre  au,  suffixe  -tô-  :  dans  certaines  positions,  le 
t  devait  tomber;  dans  certaines  autres,  permuter  en  /  ;  de  là,  deux  dé- 
sinences différentes,  que  l'analogie  a  confondues  et  parfois  superposées. 
En  même  temps  qu'il  identifie  ces  deux  formes  dissemblables,  il  sépare 
nettement  deux  formes  absolument  identiques  en  apparence,  le  participe 
passé  en -a/ et  l'infinitif  en  al,  dont  l'homophonie  ne  laissait  pas  que 
d'être  embarrassante  :  l'infinitif  se  ramène  au  nom  d'action  indo-euro- 
péen en  -tî-,  et  c'est  un  simple  accident  phonétique,  la  chute  de  la  finale 
atone,  qui  l'a  fait  ressembler  extérieurement  au  participe. 

C'est  par  cette  délicate  et  brillante  application  de  la  méthode  linguisti- 
que à  un  idiome  jusqu'à  présent  réfractaire,  que  M.  J.  D.  a  mérité  de 
formuler  des  conclusions  qui  demeureront.  Les  seuls  traits  de  la  mor- 
phologie afghane  que  l'on  ait  signalés  comme  prâcritiques  ou  néo-hin- 
dous, sont,  ou  bien  illusoires,  ou  communs  aussi  au  néo-éranien  :  le 
participe  en  -al  n'est  point  le  participe  en  -il  de  l'hindi,  puisqu'il  est  le 
produit  d'une  évolution  phonétique  bien  constatée  en  afghan  même  ;  la 
tournure  passive  «  par  moi  lettre  écrite  »,  substituée  à  «  j'ai  écrit  la  let- 
tre »,  n'est  point  celle  que  les  dialectes  prâcritiques  ont  reçue  en  héii- 
tage  du  sanscrit  des  conteurs  — -  ou  lui  ont  transmise,  je  ne  me  charge 
pas  de  décider  ce  point  —  {râjnoktam  au  lieu  de  râjovâca),  puisque  le 
pehlvi  a  la  même  construction,  et  que  le  verbe  persan,  sorti  du  verbe  '| 
pehlvi.  Ta  reçue  de  lui,  sauf  à  Toblitérer  plus  tard.  Il  n'y  a  rien  enfin  * 
que  d'éranien  dans  Tafghan. 

Ce  résultat  n'est  point  le  seul  que  nous  devions  à  la  patiente  investi- 
gation de  M.  James  Darmesteter.  Lorsqu'une  langue  nouvelle  entre  dans 
le  canon  scientifique  et  retrouve  ainsi  ses  origines  effacées,  la  science  i 
qui  les  a  retrouvées  se  met  à  son  école  et  recueille  à  son  tour  tout  ce 
qu'elle  en  peut  apprendre.  Ainsi,  l'arménien  a  complété  nos  données  sur 
le  vocalisme  proethnique,  et  l'albanais  tient  peut-être  en  réserve  quel-1 
que  découverte  qui  éclairera  la  période  ténébreuse  où  le  germanique  et  \ 
le  letto-slave  ne  formaient  encore  qu'une  seule  unité  linguistique.  Mieux 
classé  qu'eux,  puisqu'il  se  rattache  à  une  famille  nombreuse  et  bien 
connue,  tandis  que  l'éranien  et  l'albanais  semblent  condamnés  à  l'isole- 
ment, l'afghan,  ce  zend  vivant,  animera  pour  nous  le  zend  mort  —  si 
bien  mort  que  les  Parsis  ne  comprenaient  plus  leurs  livres  saints  avant 
que  l'exégèse  européenne  les  leur  expliquât. —  Il  a  déjà  commencé  :  le 
n-\o\.ztndva\dvare,  qu'on  traduisait  vaguement  «  bien,  bien-être  »,  d'a- 
près la  glose  pehlvie,  mais  signifiant  «  embonpoint  »  selon  la  traduc- 
tion de  Néryosengh,  se  voit  confirmer  ce  sens  par  celui  de  l'afghan 
wâ-{da.  Au  point  de  vue  phonétique,  l'une  des  grandes  lacunes  de  nos 
documents  crâniens,  c'est  l'absence  de  l'accent,  si  minutieusement  ob- 


II 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  247 

serve  au  contraire  dans  la  transmission  des  textes  védiques  :  bien  que 
l'accent  sanscrit  soit  en  général  très  pur,  il  serait  parfois  intéressant  de 
le  contrôler;  il  le  serait  surtout^  de  savoir  si  l'accent  aryen  avait  subi 
dans  le  domaine  éranien  des  altérations  particulières.  Qui  sait  si  l'obser- 
vation attentive  des  dégradations  vocaliques  et  des  chutes  de  syllabes  de 
l'afghan  ne  nous  permettra  point  de  restituer  l'accent  du  dialecte  zend 
d'où  il  est  issu?  Ainsi  le  contraste  phonétique  de pldr  (père)  et  de  jprôr 
(frère),  semble  refléter  fidèleipent  le  contraste  tonique  de  épater-  et 
*bhrdte7~- (skr.  pitdr-  bhrdtar)  ;  mais  il  se  pourrait  aussi  que  la  quantité 
de  la  première  syllabe  fût  seule  en  cause.  La  conservation  des  désinences 
féminine  et  masculine  -a-  -as  ne  viendrait-elle  pas  de  ce  qu'elles  appa- 
raissaient surtout  dans  les  verbaux  en  -tô-,  parfaitement  conservés,  on 
Fa  vu,  en  afghan,  et  de  ce  que  là  elles  étaient  proethniquement  frappées 
de  l'accent,  comme  en  témoignent  encore  le  sanscrit,  le  grec  et  le  gothi- 
que? Je  soumets  sans  y  insister  cette  conjecture  à  l'auteur  i. 

L'ouvrage  est  dédié  à  la  mémoire  d'Arsène  Darmesteter.  Que  n'a-t-il 
assez  vécu,  cet  aîné  à  qui  les  succès  de  son  frère  tenaient  plus  à  cœur 
que  les  siens  propres,  assez  du  moins  pour  voir  cette  œuvre  achevée  et 
applaudir  au  progrès  qu'elle  inaugure,  puisqu'une  destinée  jalouse  le 
condamnait  à  ne  point  achever  la  sienne? 

V.  Henry. 


154.  —  Bibllotheca   plaionica,  éd.  by  Thos.   M.  Johnson.  I,  2.  Osccola,  Mo, 
Un.  St.   1889. 

M.  Johnson  me  fait  l'honneur  de  répondre  aux  quelques  lignes  que 
j'ai  consacrées  à  sa  première  livraison  [R.  Cr.  i88g,  n°  46);  il  veut  bien 
trouver  cette  notice  «  somewhat  curions  ».  Je  disais  que  certains  indices 
donnaient  à  penser  que  c'était  là  plutôt  une  entreprise  d'évangélisation 
mystique  qu'une  publication  scientifique.  11  me  répond  que  c'est  bien 

[|  cela;  je  n'en  demande  pas  davantage.  Il  revendique  en  outre  le  droit 
d'appeler  divin  et  Platon  1,  et  Plotin,  et  encore  Porphyre,  s'il  lui  plaît. 

Il   C'est  évidemment  son  affaire. 

'  Cette  seconde  livraison  débute  par  la  traduction  des  six  premiers  cha- 
pitres du  Traité  de  Damascius  (est-il  aussi  divin,  Damascius  i')  11  n'est 
pas  dit  si  l'on  se  propose  de  le  donner  ainsi  tout  entier.  Il  comprend 
maintenant,  depuis  la  publication  de  M.  Ruelle  ^\  et  si  l'on  admet  sa 
manière  de  voir,  460  chapitres.  A  raison  de  6  par  livraison,  cela  fait  de 
la  copie  pour  environ  douze  ans  et  demi,  ce  qui  suppose,  de  la  part  des 
lecteurs,  une  constance  toute  religieuse. 

1.  On  se  fait  presque  scrupule  de  relever  des  lapsus  comme  ô/jLÔyXozroi  (p.  lxui, 
'•  b),  «  j;  du  grec  et  du  latin  »  (p.  lxx,  en  bas),  «  le  Chien  et  les  deux  Lices  »  (p.  236, 
1.  3,  lire  u  la  Lice  et  sa  Compagne  »),  tivo  (p.   236,  1.  12,  lire  too). 

2.  Il  me  fait  dire  qu'il  est  «  out  of  fashion  »  de  gratifier  Platon  de  l'épithète  de 
divin  ;  je  n'ai  pas  dit  un  mot  de  cela. 

3.  M.  Ruelle  nous  prie  d'informer  M.  Johnson  qu'il  tient  à  sa  disposition  les  feuil- 
les de  la  première  partie  de  son  édition.  —  N.  D.  L.  R. 


248  REVUE    CRITIQUE 

Viennent  ensuite  trois  lectures  faites  au  «  Symposion  ».  du  7  novem- 
bre dernier.  C'est,  comme  on  nous  le  fait  savoir,  la  date  adoptée  pour 
la  «  Platonic  célébration  »  par  la  société,  composée  classiquement  de 
neuf  muses,  dont  deux  hommes.  M'""  Julia  P,  Stevens  est  d'avis,  comme 
les  Florentins,  que  le  7  Thargélion  correspond  au  7  novembre.  Cette 
opinion  est  un  fait,  et  il  est  de  l'essence  des  faits  de  n'être  pas  contesta- 
bles. —  De  ces  trois  lectures,  la  première,  de  M.  Winter,  dont  nous 
connaissons  déjà  la  manière,  et  la  seconde,  de  M"*  Stevens,  manquent 
évidemment  de  calme;  la  troisième  de  M.  Johnson,  nous  apprend  qu'il 
n'y  a  pas  grand'chose  à  attendre  d'une  génération  qui  tient  Spencer 
pour  un  philosophe,  et  Howells  pour  un  romancier.  —  On  nous  donne 
ensuite  le  récit  de  la  «  célébration  »,  où  nous  trouvons  un  morceau  de 
poésie  bien  extraordinaire  en  l'honneur  de  Platon,  et  une  «  éloquente  » 
improvisation  d'un  D'  Hiram  K.  Jones,  qui  débute  en  déplorant  de 
n'être  lucide  que  le  matin.  Après  quelques  pages  de  M.  Ribot  sur  l'ex- 
tase (extraites  de  son  livre  sur  l'attention),  et  deux  autres  articles  de 
mince  valeur,  le  tout  finit  par  une  lettre  de  M.  Barthélémy  Saint- 
Hilaire  à  l'éditeur.  Ici  une  note  nous  apprend  que  M.  Barthélémy  Saint- 
Hilaire  est  l'auteur  «  d'une  des  meilleures  traductions  »  d'Aristote,  ce 
qu'en  effet  nous  ignorions;  la  lettre  elle-même  célèbre  les  louanges  de 
Cousin  et  de  sa  (?)  traduction  de  Platon,  et  nous  apprend  qu'il  n'eut 
pour  ainsi  dire  pas  de  devanciers  (alors  qu'il  connaissait  fort  bien  ceux 
qu'il  avait,  et  savait  les  utiliser  sans  scrupules).  —  N'oublions  pas  le- 
plus  beau  de  l'affaire  :  une  note  pleine  de  mystère  annonce  aux  Plato-" 
niciens  que  l'on  s'occupe  à  prendre  des  mesures  pour  que  «  le  siège  de 
lancienne  académie,  à  Athènes,  Grèce,  »  soit  soustrait  à  la  main  des 
profanes.  «  11  n'y  a  pas  de  bonne  raison,  est-il  ajouté,  pour  que  l'école 
platonicienne  ne  se  reprenne  pas  à  fleurir  au  lieu  même  où  elle  a  pris 
naissance,  et  pour  qu'elle  ne  redevienne  pas,  comme  jadis,  le  berceau  de 
la  Science  et  de  la  Sagesse  pour  le  monde  entier.  »  11  n'y  a  pas  de  bonne 
raison,  en  effet;  —  mais  les  étranges  gens  ! 

Lucien  Herr. 


i55.  —  CouAT.  Ai-istopliane  et  l'ancienne  Comédie  attique.  Paris,  Lecène 
et  Oudin,  1886,  in-8  de  392  pages.  Prix  :  3  fr.  5o. 

Dans  cet  ouvrage,  M.  Couat  s'est  proposé  de  répondre  aux  questions 
suivantes  :  «  Qu'était-ce  qu'un  poète  comique  à  Athènes,  au  v^  siècle 
av.  J.-C?  Qu'étaient  les  événements,  les  hommes,  et  les  idées  dont  il 
avait  à  parler?  Dans  quel  esprit  en  u-t  il  parlé?  Pourquoi  ne  pouvait-il 
en  parler  autrement?  »  (p.  2),  Après  une  courte  introduction  sur  les 
origines  de  la  comédie,  et  un  aperçu  des  conditions  spéciales  où  se 
trouvait  le  poète,  il  passe  en  revue  les  jugements  d'Aristophane  sur  les 
institutions,  sur  les  personnages  officiels,  sur  les  dieux,  sur  l'éducation, 
sur  l'état  des  mœurs,  sur  les  luttes  entre  riches  et  pauvres.  Toutes  ces 


d'histoire  et  de  littératurb  249 

analyses  sont  fort  exactes,  et  nous  donnent  une  idée  nette  des  peintures 
et  des  opinions  de  l'auteur.  M.  Couat  ne  se  contente  pas  de  nous  ap- 
prendre ce  qu'il  pensait;  il  tâche  aussi  de  déterminer  dans  quelle  me- 
sure il  se  rapproche  ou  s'éloigne  de  la  vérité.  Il  le  fait  avec  sobriété, 
comme  il  convenait,  mais  avec  précision.  Il  montre,  par  exemple,  que 
les  attaques  du  poète  contre  la   démocratie  ne  portent  pas  toujours  à 
faux,  et  que  Thucydide  s'accorde  sur  bien  des  points  avec  lui.  Mais  il 
ajoute  avec  raison  que  pour  être  impartial  il  aurait  dû  opposer  aux  tra- 
vers et  aux  vices  qu'il  relève  chez  les  démocrates,  ceux  de  ses  amis  les 
aristocrates,   lesquels,  à  ce  qu'il  semble,  ne  valaient  pas  mieux.   De 
même  il  remarque  qu'Aristophane  se  montre  également  impitoyable 
pour  Périclès  et  pour  Hyperbolos,  pour  Cléon  et  pour  Cléonyme,  c'est- 
à-dire  pour  les  a  protagonistes  »,  et  pour  les  «  comparses.  »  Entre  eux 
tous,  «  il  ne  fait  presque  pas  de  différence.  Il  suffit  qu'ils  aient  tous 
servi  la  démocratie  pour  qu'ils  soient  tous  dignes  du  même  mépris.  » 
(p.  170).  Par  contre,  tous  les  hommes  du  parti  adverse  sont   loués  ou 
épargnés  par  lui.  S'il  y  a  jamais  eu  à  Athènes  un  mauvais  citoyen,  c'est 
assurément  Alcibiade;  pourtant  il  n'est  ici  nommé  nulle  part,  et  rien 
rie  prouve  qu'Aristophane  ait  songé  à  lui  dans  les  Nuées  ou  ailleurs. 
Ce  silence  n'est  guère  à  l'honneur  de  son  indépendance  d'esprit,  et  il 
justifie  toutes  les  défiances. 

Quoiqu'il  n'étale  pas  son  érudition,  M.  C,  on  le  sent,  connaît  à  fond 
son  sujet.  Il  a  surtout  le  mérite  d'en  apercevoir  toutes  les  difficultés, 
de  s'y  arrêter,  et  d'en  chercher  la  solution.  Dans  le  chapitre  consacré  à 
la  religion,  il  ne  manque  pas  de  se  demander  pourquoi  Aristophane 
traite  avec  tant  d'irrévérence  les  dieux  et  leurs  prêtres.  Il  était  dange- 
reux d'aborder  une  pareille  étude  après  M.  Jules  Girard.  Ce  n'est  pas 
un  mince  mérite,  de  la  part  de  M  C,  que  d'avoir  su  y  mettre  un  peu 
du  sier.  Il  s'est  occupé  aussi  des  rapports  d'Aristophane  avec  Socrate. 
Il  a  bien  établi  que  le  poète,  du  moment  qu'il  voulait  jeter  un  philo- 
sophe sur  la  scène,  était  forcé  de  choisir  celui-là  de  préférence  à  tout  au- 
tre; il  a  été  naturellement  très  injuste  envers  lui,  parce  qu'il  a  été 
obligé  de  le  prendre  «  tel  que  le  voyaient  beaucoup  de  ses  concitoyens  » 
(p.  281);  et  M.  C.  pense,  contrairement  à  une  opinion  très  répandue, 
qu'il  a  largement  contribué  à  la  condamnation  de  Socrate.  «  C'est  lui, 
dit-il,  et  non  Mélitus  ou  Anytus,  qui  a  rédigé  l'acte  d'accusation...  Son 
excuse,  c'est  qu'il  ne  l'avait  pas  compris  »  (p.  3ii). 

Il  est  un  point  qui  a  nécessairement  attiré  l'attention  de  M.  C.  :  Aris- 
tophane, sous  un  régime  démocratique  et  dans  des  représentations  de 
gala,  a  constamment  poursuivi  de  ses  critiques  les  plus  virulentes  les 
gens  en  place,  les  institutions,  et  le  peuple  lui-même.  Les  fragments 
que  nous  possédons  des  autres  poètes  prouvent  qu'ils  faisaient  tous  de 
même.  Il  semble  que  ce  fût  là  une  loi  du  genre,  et  le  peuple,  qui,  d'or- 
dinaire, n'était  pas  endurant,  toléra  longtemps  cette  licence,  l'encoura- 
gea même  par  ses  applaudissements.  Quelles  sont  les  raisons  de  cette 


2  5o  REVUE    CRITIQUE 

singulière  anomalie?  M.  C.  observe  en  premier  lieu  que  a  les  autorités 
préposées  au  théâtre  appartenaient  toutes  aux  classes  aisées  »  (p.  38), 
C'était  un  des  archontes  fjui  décidait  si  une  pièce  serait  jouée  ou  non  ; 
or  il  est  visible  que  ces  magistrats  sortaient  généralement  de  l'aristocra- 
tie. En  outre,  le  succès  de  la  comédie  dépendait  pour  une  large  part  de 
la  bonne  volonté  du  chorège  chargé  de  la  monter  à  ses  frais,  et  les  cho- 
règes  étaient  toujours  des  riches,  puisqu'ils  avaient  chaque  fois  à  dé- 
penser en  moyenne  quinze  cents  francs.  Enfin,  les  prix  étaient  décernés 
par  une  commission  de  cinq  membres  tirés  au  sort.  Le  sort  sans  doute 
n'était  pas  ici  le  pur  hasard,  et  on  ne  laissait  pas  au  premier  venu  le  soin 
d'apprécier  la  valeur  littéraire  des  comédies.  Nous  savons  que  les  juges 
de  ces  concours  se  trompaient  rarement  ;  c'étaient  donc  des  gens  de 
goût,  des  esprits  cultivés,  par  suite  des  hommes  de  la  haute  société. 
Pour  tous  ces  motifs,  le  poète  était  amené  à  flatter  les  opinions,  les 
préjugés  de  cette  classe,  hostile  le  plus  souvent  à  la  démocratie,  et  il  se 
pliait  d'autant  plus  volontiers  à  cette  exigence  que  c'était  là  le  milieu  oii 
il  vivait  habituellement^  même  quand  il  était  d'une  humble  origine. 
M.  C.  ajoute  que  parmi  les  spectateurs  beaucoup  avaient  l'humeur  fron- 
deuse. Tels  étaient  les  étrangers  qui  avaient  à  se  plaindre  de  la  lour- 
deur de  l'empire  athénien,  les  paysans  de  l'Attique,  plus  conservateurs 
que  les  citadins,  et  presque  tous  les  individus  riches  ou  aisés.  Quant  à 
la  masse  des  citoyens,  elle  n'était  pas  fâchée  de  s'égayer  aux  dépens  des 
personnages  que  le  poète  bafouait,  et  pour  qui,  bien  qu'ils  fussent  ses 
chefs,  elle  témoignait,  soit  à  l'assemblée,  soit  à  l'armée,  peu  de  respect.  J 
Rire  d'eux  était  faire  acte  d'indiscipline,  et  les  Athéniens  ont  été  le  plus  • 
indiscipliné  de  tous  les  peuples.  On  ne  sentait  pas  d'ailleurs  encore  les 
inconvénients  de  la  liberté  excessive  qu'on  accordait  à  la  comédie.  On 
essaya  bien  de  la  restreindre  à  deux  reprises,  en  440  et  en  415  ;  mais  on 
n'alla  pas  jusqu'à  fermer  le  domaine  de  la  politique  au  poète  comique, 
et  on  ne  tint  pas  la  main  à  ce  que  la  loi  fût  obéie.  Peut-être  se  figurait- 
onqueces  railleries  étaientsans  conséquence,  et  que,  si  elles  blessaient  les 
hommes,  elles  n'atteignaient  pas  les  institutions.  La  révolution  de  41 1 
et  la  tyrannie  des  Trente  dissipèrent  cette  illusion.  On  comprit  alors 
que  la  démocratie  devait  se  défendre  contre  les  abus  d'une  liberté  qui 
en  somme  n'était  pas  inoffensive,  et  on  finit,  au  début  du  iv^  siècle,  par 
interdire  la  comédie  politique.  J'emprunte  à  M,  Couat  toutes  ces  ré- 
flexions, dont  quelques-unes  ont  une  certaine  nouveauté.  Je  regrette 
seulement  qu'il  ne  les  ait  pas  développées  davantage. 

Aux  mérites  du  fond,  le  présent  ouvrage  joint  ceux  de  la  forme.  Il  est 
plein  d'agrément,  et  se  lit  avec  un  vif  intérêt.  Le  style  manque  parfois 
de  légèreté;  mais  il  a  de  la  netteté,  de  la  fermeté,  de  la  verve  et  de  la  sa- 
veur. On  dirait  que  l'auteur  a,  sans  le  vouloir,  tiré  profit  de  son  long 
commerce  avec  Aristophane.  Il  lui  a  emprunté  plusieurs  de  ses  qualités, 
et  il  a  réussi  par  là  à  écrire  un  livre  tout  à  fait  digne  du  sujet. 

Paul    GUIRAUD. 


Il 


d'histotre  et  de  littérature  25  I 

i55.  _  xhe  islands  of  tlie  Aegean,  by  the  Rev.  H.  P'anshawe  Tozer.  Oxford, 
Clarendon  Press,  1S90.  In-8  de  xii-3Ô2  p.,  avec  cartes  et  vignettes. 

Il  est  peu  de  personnes  qui,  ayant  voyagé  dans  l'Archipel,  n^éprou- 
vent  de  temps  à  autre  la  nostalgie  de  ces  lieux  charmants.  Pour  elles,  la 
lecture  du  livre  de  M.  T.  ne  sera  pas  moins  agréable  qu'elle  l'a  été  pour 
moi,  car  il  est  écrit  avec  chaleur,  avec  Tinstinct  du  détail  caractéristique, 
et  ses  descriptions,  quoique  fort  courtes,  sont  toujours  vivantes.  Qu'on 
n'y  cherche  pas  d'ailleurs  un  complément  aux  ouvrages  indispensables, 
quoique  vieillis,  de  Ross,  de  Fiedler,  de  Lacroix  :  ce  sont  des  notes  à 
l'usage  du  grand  public,  dont  une  partie  considérable  a  déjà  paru,  sous 
forme  de  correspondances,  dans  VAcademy  de  iSyS  et  de  1886.  On  y 
trouve  un  peu  de  tout,  géographie  comparée,  histoire  ancienne  et  mo- 
derne, folklore,  botanique  et  géologie,  mais  ce  ne  sont  guère  que  des 
indications;  quelques-unes  rendront  service  au  futur  auteur  d'une  mo- 
nographie sur  l'Archipel,  et  je  citerai  comme  particulièrement  intéres- 
sante la  petite  étude  consacrée  à  la  terre  rouge  de  Lemnos,  la  Ar^pt'a  y^ 
de  Dioscoride.  Comme  M.  T.,  j'ai  été  fort  surpris,  lors  de  mon  voyage 
à  Lemnos,  de  ne  trouver  presque  personne  qui  en  eût  entendu  parler  : 
il  y  a  là  une  superstition  près  de  s'éteindre.  Les  chapitres  relatifs  à  Lem- 
nos, Thasos,  et  Samothrace  sont  les  plus  développés  et  l'on  y  rencontre 
quelques  indications  utiles  qui  manquent  à  la  description  des  îles  de 
la  mer  de  Thrace,  publiée  il  y  a  trente  ans  par  M.  Conze.  J'avoue 
toutefois,  étant  donné  le  talent  de  M.  Tozer,  que  ces  notes  de  touriste 
ont  été  une  déception  pour  moi.  Elles  viennent  grossir,  sans  utilité 
appréciable,  une  littérature  déjà  bien  volumineuse  et  retarder  le  jour  où 
l'on  nous  donnera  cette  description  scientifique  de  l'Archipel  qui  est  un 
des  besoins  les  plus  vivement  ressentis  de  la  science.  J'ai  noté  un  certain 
nombre  d'inexactitudes.  P.  12,  il  est  faux  que  le  lac  sacré  de  Délos  soit 
généralement  à  sec,  usually  dry  ;  je  ne  crois  même  pas  que  cela  arrive 
jamais.  P.  43,  la  superstition  qui  fait  de  mardi  un  dies  nefastus  n'est 
nullement  particulière  à  la  Crète.  P.  5i,  M.  T.  dit  que  le  mot  îxoc,  n'a 
survécu  en  grec  moderne  que  dans  la  formule  de  salutation  r^oWà  xx 
lv(]  caç  ;  il  oublie  le  mot  ècpéxoç,  qui  est  très  usité.  P.  112,  il  parle  de 
graffittes  dans  la  grotte  d'Antiparos  «  d'où  nous  concluons  que  la  vulga- 
rité consistant  à  écrire  son  nom  dans  des  lieux  célèbres  n'est  pas  entiè- 
rement nouvelle  »;  je  crois  que  la  statue  de  Memnon  nous  avait  appris 
depuis  longtemps  la  même  chose.  P.  i56,  M.  T.  décrit,  d'après  Chand- 
1er,  les  sculptures  taillées  dans  le  roc  au  lieu  dit  ï Ecole  d'Homère  à 
Ghios,  et  prétend  qu'il  n'en  reste  aucune  trace;  c'est  une  erreur,  car  ces 
sculptures  ont  été  étudiées,  de  notre  temps,  par  M.  Conze  (Philologiis, 
t.  XIV,  p.  i56),  et  par  M.  Studniczka  (Mittheil.  des  d.  Inst.^  t.  XIII, 
p.  i63).  P.  268,  l'auteur  allègue  des  découvertes  de  monnaies  à  l'appui 
de  l'identification  d'Héphaestia  de  Lemnos  avec  Palaeopoli;  c'est  donc 
qu'il  ignore  les  deux  inscriptions  qui  ont  mis  cette  synonymie  hors  de 


252  REVUE   CRITIQUE 

doute,  postérieurement  au  voyage  de   M.   Conze  (Bull,  de  Corresp. 
Hellén.,  t.  IV,  p.  642;  Revue  arcliéoL,  i885,  t.  II,  p.  90.) 

Salomon  Reinach. 


157.   —   I^e»  Snints  du    diocèse    de  Rouen,  par  l'abbé    A.  ToUGAUD,  docteur 
ès-letU'es.  In-8,   i6  p.  Paris,  Ernest  Dumoiit.  Prix  :   i  fr. 

Cette  petite  plaquette  sera  consultée  avec  profit  par  les  hagiographes, 
et  surtout  par  ceux  qui  s'intéressent  à  l'histoire  ecclésiastique  du  diocèse 
de  Rouen.  J'y  relève  quelques  tristes  souvenirs  de  la  Révolution  :  le 
22  avril  on  célèbre  l'anniversaire  du  martyre  de  S.  Bucaille,  laboureur 
de  Thionville,  massacré  en  lygS  pour  n'avoir  pas  voulu  assister  à  la 
messe  d'un  prêtre  constitutionnel  ;  le  7  septembre,  celui  de  l'abbé  d'An- 
fernet,  de  Bures  (dans  Tarrondissement  de  Neufchâtel-en-Bray),  sup- 
plicié à  Rouen. 

A.  D. 


i58.  —  H.-B.  AuERBACH.  Die  sociale    Krage    Im    fùnfzelinten    Jlalirliun- 

dert  mit  besonderer  Bezugnahme  auf  das  Vogtland.  Géra,  1889,   brochure  in-8 
de  34  pages. 

Sur  l'Erzgebirge  s'appuie  un  plateau  assez   pauvre   que  traversent 
l'Elster  et  la  Mulde  ;  c'est  le  Vogtland.  Il  est  partagé  entre  plusieurs 
dominations,  le  royaume  de  Saxe  auquel  appartient  la  circonscription 
de  Plauen,  les  deux  principautés  de  Reuss,  avec  Schleiz,  Greiz  et  Géra, 
un   tronçon  de  Saxe-'Weimar,  avec  Berga,  etc.   Cette  contrée  possède 
une  société  des  antiquaires  (altertumsforschendes  Verein)  qui  tient  des 
assemblées  solennelles,  et,  dans  ces  assemblées,  un  orateur  fait  une  lec- 
ture (vortrag)  sur  quelque  point  de  Thistoire  locale.  Cette  tâche  était 
échue  en  1889,  au  21  août,  à  M.  H.  Auerbach,  qui  a  pris  pour  sujet  : 
la  question  sociale  au  xv^  siècle.  Il  apporte  quelques  document  nou- 
veaux sur  les  redevances  que  payaient,  à  cette  époque,  à  leurs  seigneurs, 
les  paysans  du  Vogtland.  Mais  c'est  tout  ce  que  nous  pouvons  louer 
dans  sa  brochure.  Le  reste  n'est  que  pure  déclamation.  L'auteur  pense 
que  la  religion  protestante  seule,  avec  l'aide  du  chancelier  de  l'Allema- 
gne,  avec  l'appui  du  jeune  empereur,  résoudra  un  jour  la  question 
sociale;  le  catholicisme  a  été  impuissant  au  xv°  siècle  à  secourir  le 
paysan  opprimé  :  comment  prétenderait-il  de  nos  jours  tendre  la  main  à 
l'agriculteur  et  à  l'artisan  ?  Il  est  inutile  d'insister  sur  de  pareilles  élucu- 
brations,  qu'a  dictées  le  plus  étroit  zèle  religieux. 

Ch.  Pfister. 


D'HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  2:>0 

139.  —  Les  Grands  écrivains  français.  Vauvenargues,  par  Maurice  Paléologue. 
Paris,  librairie  Hachette,  1890.  i  vol.  in-i6,  164  pages.  Prix  :  2  fr. 

On  n'apprendra  dans  ce  petit  livre  rien  de  nouveau  sur  Vauvenar- 
gues,  et  je  ne  dis  pas  cela  pour  le  déprécier,  tant  s'en  faut.  C'est  un  bon 
résumé  et,  ce  qui  ne  gâte  rien,  élégamment  écrit,  de  tout  ce  qui  a  été 
dit  de  meilleur  sur  cet  écrivain  mûri  avant  l'âge  par  les  déceptions,  par 
la  maladie  et  les  épreuves  de  tout  genre.  S'il  est  quelqu'un  qui  montra, 
selon  les  expressions  de  Bossuet,  qu'une  àme  forte  est  toujours  maîtresse 
du  corps  qu'elle  anime,  ce  fut  bien  ce  jeune  homme  qui,  à  vingt-neuf 
ans,  le  corps  tout  perclus  de  douleurs,  garda  jusqu'à  sa  dernière  heure 
de  souffrance,  une  inaltérable  sérénité,  sans  jamais  tomber  dans  la  misan- 
thropie d'un  La  Rochefoucauld  ou  dans  l'ironie  malicieuse  d'un  La 
Bruyère.  M.  Maurice  Paléologue  s'est  attaché  particulièrement  à  mettre 
en  lumière  la  vertu  de  Vauvenargues,  à  faire  ressortir  le  caractère  de 
l'homme,  revêtu  d'honneur  et  de  loyauté  dans  un  siècle  où  la  platitude 
et  la  servilité  nourrissaient  la  plupart  des  gens  de  lettres.  Cette  vertu 
fut  celle  d'un  stoïcien,  car  Vauvenargues  resta  toujours  neutre  en  ma- 
tière de  dogme.  Quoique  très  lié  avec  Voltaire,  il  n'approuva  jamais  le 
ton  railleur  qui  commençait  à  régner  dans  les  polémiques  religieuses 
de  ce  temps.  Il  était,  je  crois,  de  ces  esprits  délicats  qui,  comme  le  dit 
M.  Renan,  auraient  mieux  aimé  être  croyants  qu'incrédules  de  mauvais 
goût.  S'il  eût  vécu  plus  longtemps,  il  n'est  pas  douteux  néanmoins 
qu'il  eût  pris  le  parti  des  novateurs,  tout  en  étant  l'adversaire  des  fana- 
tiques ;  mais  comme  le  royaume  de  ce  monde  n'appartient  qu'aux  vio- 
lents, il  aurait  été  certainement  en  butte  aux  défiances  des  uns,  à  la 
haine  des  autres.  S'imagine-t-on  bien  quel  rôle  politique  aurait  pu 
jouer  dans  cette  fin  d'un  siècle  si  troublé  un  moraliste  qui  conseillait 
de  a  préférer  la  vertu  à  tout  »,  et  qui  avec  le  précepte  donnait  l'exem- 
ple? La  mort  prématurée  a  peut-être  été  pour  lui  un  bienfait  :  il  n'a 
laissé  que  des  regrets,  et  son  nom  ne  sera  pas  livré  aux  disputes,  mais  à 
l'estime  et  à  l'admiration  de  la  postérité. 

A.  Delboulle. 


160.  —  Eug.  MûNTZ.  Les  Archives  des  Arts.  Recueil  de  documents  inédits  ou 
peu  connus.  Première  série.  Un  vol.  in-.S  de  19Ô  pp.  Paris,  librairie  de  l'Art. 
Prix  :  b  frs. 

Je  reprendrais  volontiers,  à  propos  de  ce  nouveau  volume  de  notre 
infatigable  confrère,  la  comparaison  que  M.  de  Nolhac  faisait  ici  même 
à  l'apparition  de  son  livre  «  Les  collections  des  Médicis  au  xv^  siècle.  » 
Ici  encore,  c'est  le  maître  d'une  riche  collection  qui  y  introduit  des  vi- 
siteurs, qui  leur  donne  tout  loisir  de  tout  admirer,  et  qui  pique  leur 
curiosité  sans  la  satisfaire.  Dans  cette  galerie  qui  va  de  Giottino  à 
Bailly  et  Monnoyer,  tout  est  intéressant  et  presque  tout  est  à  sa  place. 
L  unique  réserve  que  je  fais  porte  sur  l'article  Une  lettre  du  grand 
Condé  à  L.  Holstenius  (p.  89),  dont  la  présence  ici  n'est  motivée   par 


2  54  REVUE    CRITIQUE 

aucune  autre  raison  sans  doute  que  le  désir  de  M.  Mûntz  de  l'imprimer 
quelque  part;  mais  je  puis  assurer  à  M.  M.  que  le  peu  aimable  biblio- 
thécaire de  la  Barberiiie  n'avait  rien  d^un  artiste.  Quant  aux  lettres  de 
Peiresc  publiées  p.   i83  sous  le  titre  Les  collections  de  Fabri  de  Pei- 
resc.  M.  M.  aurait  également  pu  les  abandonner  à  Téditeur  des  Lettres 
de  Peiresc.  A  ceb  près,  il  n'y  a  qu'à  choisir  dans  le  volume  de  M.  M., 
entre  les  notes  sur  les  ateliers  de  tapisseries  à  Urbin  et  Milan,  utiles 
appendices  à  son  Histoire  de  la  tapisserie,  les  lettres  de  Melioli,  Titien, 
Vivant  Denon,  Horace  Vernet,  etc.,  les  comptes  des  Portes  de  Ghiberti, 
les  recettes  et  dépenses  de  l'Académie  de  Peinture  et  de  Sculpture  au 
xviiie  siècle,  ou  plutôt  il  n'y  a  qu'à  ne  pas  choisir,  car  tous  ces  docu- 
ments, presque  tous  savamment  annotés  et  illustrés,  sont  curieux  et  in- 
téressants.  Le  seul  défaut  que  je  trouve  à  ce  livre,  c'est  son  existence 
même  :  car  le  nombre  de  ces  documents  «  inédits  ou  peu  connus  »  est 
encore  considérable,  et  le  nombre  des  séries  des  Archives  de  l'art  pro- 
met d'être  très  grand.  Ce  qui  abonde  ne  vicie  pas,  et  ce  n'est  certes  pas 
moi  qui  me  plaindrai  de  voir  publier  des  documents,  mais  l'inédit  a  ses 
ennemis.  —  Pour  ses  futures  séries,  M.  M.  me  permettra  de  lui  signaler, 
pour  terminer,  diverses  pièces  conservées  dans  des  manuscrits  de  la 
Bibl.  Corsini  qui  ont  peut-être  échappé  à  ses  recherches  :  Cod.  i658  : 
Informazione  sopra  l'azienda  délia  fabrica  di  S.    Pietro  in  Vaticano 
(1657);  le  même  recueil  signale,  mais  ne  contient  plus,  un  rapport: 
Délie  cagioni  délie  rovine  délia  facciata  e  campanile  del  Tempio  Va- 
ticano e  suoi  rimedii,  écrit  en  1645,  Cod.  1660,  fol.  56,  des  notes  adres- 
sées à  Bottari  pour  son  commentaire  aux  vies  de  peintres  de  Vasari 
(une  note  placée  en  tête  indique  les  auteurs  de  ces  notes  :  Giacinto  Fos- 
sombroni,  cav.  Guarresi   Lod.  e.    Franc"  de  Giudicis  mi  somministra- 
rono  queste  notizie  per  le  note  del  Vasari.    Bottari  semble,  d'ailleurs, 
s'en  être  peu  servi.)  Cod.  1271,  f.  70  :  Etat  de  la  maison  de  S.  A.  R.  le 
grand  duc  de  Toscane  en  l'/'ij  '•  on  y  trouve  la  mention  du  personnel 
des  galeries  grand-ducales  et  de  ses  appointements.  Cod.  io5i  (f.  176) 
une  dissertation  de  Passeri  sur  deux  majoliques  du  musée  de  Pesaro 
attribuées  à  Raffaele  del  Borgo.  Ibid  ,  fol.    191,  le  catalogue  du  Salon 
de  Rome  en  1736,  «  nel  cortile  di  S.Gio  Decollato.  »  Cod.  85 r,  divers 
documents  d'un  intérêt  plutôt  archéologique  qu'artistique.  Cod.  32  G  (  5, 
un  document  relatif  au  séjour  à  Rome  du  peintre  Wicar.  Les  testaments 
de  cardinaux  pourraient  fournir  à  M.  M.  de  précieux  renseignements 
sur  l'histoire  et  l'identification  des  tableaux  des  xvi^  et  xvn«  siècles  sur- 
tout :  il  y  a  un  grand  nombre  de  ces  documents  à  la  bibl.  Corsini  et 
surtout  à  la  bibl.  Vallicelliane.  —  A  la  bibliothèque  Méjanes,  M.  M. 
trouvera  aussi  beaucoup  de  pièces  intéressantes  sur  l'histoire  des  œuvres 
d'art  :  je  me  borne  à  le  renvoyer  au  catalogue  des  mss.  de  la  Méjanes 
qui   va  paraître  incessamment.  — Ce  n'est  donc  pas  la  matière  qui  fera 
défaut  à  M.  Miintz,  et,  quand  on  connaît  la  maîtrise  de  l'ouvrier,  on 
ne  peut  que  s'en  applaudir. 

L.-G.  Pélissier. 


d'histoire    et    de    LITTÉRATIRE  255 

loi.  —  Guerre  de  1870-187 1.  I»aris,  le  quatre  septembre  et  Chatillon,  2  septem- 
bre-ig  septembre,  avec  quatre  cartes  des  opérations  militaires,  par  Alfred  Duquet. 
Paris,  Charpentier,  iSgo.  In-8,  352  p.  3  fr.  5o. 

M.  Duquet  a  suivi  la  mêine  méthode  que  dans  ses  volumes  précédents 
(cp.  Revue,  1888,  n*^*  3  et  8)  ;  il  n'avance  rien  qui  ne  soit  appuyé  par 
des  notes  nombreuses,  et,  en  le  lisant,  on  peut  à  tout  instant  vérifier 
les  sources,  contrôler  les  dires  et  les  appréciations  de  l'auteur  :  méthode 
excellente  et  fort  précieuse  pour  tous  ceux  qui  ne  se  contentent  pas 
d'affirmations  et  qui  veulent  des  preuves,  des  faits  certains. 

Ce  volume  est  consacré  aux  événements  qui  se  sont  passés  du  i^""  au 
ig  septembre.  L'auteur  nous  décrit  d'abord  la  Chute  de  l'Empire  et  la 
révolution  qui  amène  au  pouvoir  les  députés  de  Paris;  mais  il  regrette 
que  cette  révolution  inévitable  ait  été  «  souillée  par  l'envahissement  du 
corps  législatif  et  ternie  par  la  proclamation  illégale  de  la  République  » 
(p.  jy).  Il  retrace  ensuite  la  Marche  des  Allemands  sur  Paris  et  fait  le 
plus  grand  éloge  de  la  retraite  du  général  Vinoy  :  «  pourquoi  Vinoy 
n'était-il  pas  à  Metz,  à  la  place  de  Bazaine  »  (p.  loi)?  Puis,  après 
avoir  raconté  l'occupation  de  Reims,  ^explosion  de  la  citadelle  de  Laon 
et  la  «  virile  détermination  »  du  garde  d'artillerie  Henriot  pour  qui  «  le 
désastre  du  Vengeur  n'était  pas  un  simple  morceau  de  lecture  à  l'usage 
des  écoles  primaires  '  »,  la  première  résistance  de  Soissons,  le  combat 
de  Mesly  et  l'escarmouche  de  Dame-Rose,  il  entame  un  des  chapitres 
les  plus  intéressants  de  son  livre,  Quinze  jours  de  politique  [p.  130-174). 

M.  D.  a,  quelques  pages  plus  haut,  montré  Trochu  faisant  à  Pimpé- 
ratrice  une  promesse  qu'il  ne  tient  pas,  n'empêchant  point  l'invasion 
du  Palais  Bourbon,  ne  recouvrant  son  activité  et  sa  parole  que  pour 
réclamer  la  présidence  du  nouveau  gouvernement  (p.  66);  il  le  définit 
«  chef  d'une  République  sans  en  désirer  le  triomphe,  général  ne  croyant 
pas  à  ses  soldats,  gouverneur  d'une  place  assiégée  et  considérant  la 
résistance  comme  inutile  et  condamnée  d'avance  »  (p.  i32).  Jules  Favre 
lui  paraît  ressembler  à  Trochu  ;  lui  aussi  croyait  «  que  les  phrases 
remplacent  les  faits  et  que  l'Allemagne  pouvait  être  repoussée  au  moyen 
d'entrevues,  de  circulaires  et  de  proclamations  »  (p.  140).  Picard, 
«  Parisien  sceptique  et  gouailleur,  eut  le  flair  de  deviner  tout  de  suite 
la  nullité  militaire  de  Trochu  ».  Je  renvoie  le  lecteur  aux  portraits  de 
MM.  Jules  Simon,  Jules  Ferry,  Rochefort  et  au  jugement  d'ensemble 
que  porte  M.  D.  sur  ces  hommes  d'opposition,  devenus  hommes  de 
gouvernement  (p.  144  et  suiv.). 

I.  L'équipage  du  Vengeur  n'a  pas  voulu,  comme  semble  le  croire  M.  Duquet, 
s'engloutir  plutôt  que  de  capituler;  il  suffit  de  lire  le  rapport  de  son  capitaine 
Renaudin,  reproduit  par  Jal  dans  son  Dict.  crit.  et  par  Moulin  (Les  marins  de  la 
République).  «  Il  s"était  battu  avec  acharnement,  dit  Chevalier,  et  coula  peu  de  temps 
après  avoir  été  amarjné,  entraînant  dans  Tabimc  non  seulement  les  blessés,  mais 
une  partie  de  son  équipage  {Hisl.  de  la  marine  franc,  sous  la  première  République, 

1886,    p.    H2.) 


256  REVUE    CRITIQUE 

Mais  revenons,  comme  dit  M.  D.,  aux  questions  militaires  et,  des 
premiers  actes  du  gouvernement,  de  la  vaine  revue  du  i3  septembre, 
des  pèlerinages  à  la  statue  de  Strasbourg,  arrivons  au  combat  de  Châtil- 
lon.  L'auteur  explique  très  bien  la  panique  des  zouaves;  il  retrace 
d'une  façon  fort  intéressante  la  résistance  héroïque  du  ib^  de  marche  et 
l'abandon  définitif  du  plateau  ;  il  distribue  l'éloge  et  le  blâme  :  les 
soldats  allemands  se  sont  plus  mal  battus  que  dans  les  affaires  d'Alsace, 
de  Lorraine  et  des  Ardennes;  mais  la  journée  eut  sur  l'avenir  delà 
défense  une  influence  fatale  et  entraîna  l'investissement  complet  de  la 
capitale  (p.  219,  223,  227).  «  Et  oui,  nous  avions  la  position  centrale  et 
la  supériorité  numérique;  et  oui,  l'état-major  prussien  agissait  avec  un 
sans-géne  parfait;  et  oui,  en  se  disséminant  à  l'infini  pour  barrer  tous 
les  passages,  les  Allemands  commettaient,  à  leur  tour,  la  grande  faute 
commise  par  les  stratégistes  de  la  cour  des  Tuileries,  au  commencement 
de  la  guerre,  quand  ils  avaient  voulu  couvrir  en  même  temps  nos 
frontières  de  l'Est,  depuis  Thionville  jusqu'à  Belfort;  et  oui,  tout  cela 
est  vrai,  mais,  une  dernière  fois,  il  nous  aurait  fallu  faire  de  la  guerre 
et  pas  de  politique,  aller  à  l'exercice  et  non  au  club,  au  combat  et  non 
à  la  revue,  avoir  foi  et  non  douter,  savoir  diriger  une  armée,  et  ne  pas 
croire  que  l'Algérie,  Malakoff  et  Solferino  étaient  le  dernier  mot  de  la 
tactique  moderne;  il  aurait  fallu  faire  le  contraire  de  ce  que  faisait  la 
population  parisienne,  et  être  l'opposé  de  ce  qu'étaient  les  généraux 
chargés  de  la  grande  mission  de  conduire  3oo,ooo  Français  à  la  bataille 
suprême  »  (p.  2  32). 

U entrevue  de Ferrières  suit  le  combat  de  Châtillon;  M.  D.  la  raconte 
après  avoir  esquissé  la  situation  diplomatique  de  la  France;  Jules 
Favre,  dit-il,  ne  fut  qu  <('  un  brave  homme,  ahuri,  naïf,  ému,  n'ayant 
pour  toute  arme,  contre  son  redoutable  adversaire,  que  des  phrases  de 
rhétorique  sentimentale  »  (p.  259).  Mais  quoique  cette  entrevue  témoi- 
gne chez  le  ministre  des  affaires  étrangères  «  d'une  grande  dose  de 
simplicité  »,  elle  n'a  pas  nui  à  la  France;  tout  le  monde  d'ailleurs  vou- 
lait la  guerre  à  outrance,  et  «  ce  refus  de  se  rendre  au  vainqueur,  après  | 
les  catastrophes  qui  nous  avaient  broyés ,  était  le  fait  d'un  grand  ^ 
peuple  »  (p.  259). 

Le  siège  commence,  et  dans  le  dernier  chapitre  du  volume,  Paris 
place  de  guerre,  M.  D.  fait  un  tableau  exact  des  divers  éléments  de  la 
défense,  décrit  la  situation  de  la  «  place  »,  ses  fortifications,  sa  garni- 
son, son  armement,  ses  ressources  de  tout  genre,  son  personnel.  Il  juge, 
malgré  l'abandon  de  positions  nécessaires,  que  les  défenses  de  Paris 
étaient  formidables  ;  mais  s'il  y  avait  beaucoup  d'hommes,  il  y  avait  peu 
de  soldats,  et  Trochu  ne  sut  pas  se  servir  de  et  peu  de  soldats  (p.  3 14). 
Les  Allemands  ne  croyaient  pas  enlever  Paris  de  force;  «  ils  comptaient, 
non  sur  la  puissance  de  leurs  moyens  militaires,  mais  sur  les  démago- 
gues et  la  faim  »  (p.  325). 

Voilà  le  volume  nouveau  de  M.   D.,  brièvement  analysé,  et   l'on 


I 


d'histoire  et  de  littérature  aSy 

conçoit  que  nous  avons  laissé  de  côté  une  foule  de  curieux  détails.  Ce 
qui  constitue,  en  effet,  la  haute  valeur  des  ouvrages  de  M.  Duquet, 
c'est  qu'il  a  tout  consulté  et  qu'il  dit  tout,  sinon  dans  le  texte,  du  moins 
dans  les  notes.  Son  livre  nous  dispense  presque  de  lire  ce  qu'ont  écrit 
ses  devanciers,  car  il  reproduit  leurs  passages  les  plus  saillants  et  leurs 
appréciations  les  plus  topiques.  On  le  blâmera  même  de  faire  aux  histo- 
riens qui  l'ont  précédé  la  part  si  belle  et  de  s'eff"acer  si  volontiers  pour 
son  compte  personnel. 

Le  trait  essentiel  de  ce  volume,  comme  des  volumes  antérieurs,  c'est 
la  sévérité  des  jugements,  et  quelquefois  on  trouvera  M.  D.  trop  rigou- 
reux -,  il  devrait  méditer  ce  mot  de  M'^^  Roland  qui  le  rendrait  peut-être 
plus  indulgent,  que  «  la  justesse  d'esprit  et  la  fermeté  de  caractère  sont 
rares  »  et  que  a  peu  d'hommes  sont  propres  aux  affaires  et  encore  moins 
à  gouverner.  »  Mais  lisez  avec  attention  son  texte  et  ses  notes,  et  souvent, 
très  souvent  vous  lui  donnerez  raison,  et  le  féliciterez  de  se  placer 
comme  il  dit,  au  dessus  des  choses,  des  gens,  des  partis,  et  d'écrire  sans 
souci  des  colères  qu'il  soulève.  Qu'il  se  rassure  toutefois  :  si  on  l'ac- 
cuse d'  «  hérésie  »  et  de  «  crime  »  pour  qualifier  de  sottise  et  d'attentat 
l'invasion  du  Palais  Bourbon  au  4  septembre,  il  ne  sera  pas,  comme  il 
le  croit,  excommunié  pour  avoir  dit  que  la  garde  nationale  ^  pérora  plus 
qu'elle  n'agit.  » 

Ce  que  nous  reprocherons  à  M.  D.,  c'est  de  ne  pas  garder  le  «  calme  » 
qu'il  veut  pourtant  «  s'imposer  »  en  racontant  les  événements  de  l'épo- 
que contemporaine.  Certes,  il  n'a  pas  tort  d'exprimer  les  angoisses  que  lui 
inspire  l'avenir;  mais  s'attendait-on  à  lire  dans  une  œuvre  d'histoire  que 
«  la  campagne  contre  le  capital  a  repris  avec  violence  grâce  à  Tor  Israé- 
lite, et  aux  libertés  de  la  presse  et  de  la  parole  »  et  que  la  ruine  de  la 
France  est  inévitable  «  si  le  peuple  et  la  bourgeoisie,  éclairés  d'un  rayon 
de  bon  sens,  ne  se  réunissent  pas  contre  leurs  ennemis  mortels  :  les 
manieurs  d'argent  et  leurs  complices  »  ?  (p.  i65). 

Il  est  bon  néanmoins  qu'un  historien  ose  librement,  hardiment,  comme 
fait  M.  D.,  dire  sur  les  événement  et  les  personnages  ce  qu'il  croit  être 
la  vérité.  C'est  chez  M.  D.  qu'on  trouvera,  en  un  récit  d'ensemble,  ce 
qu'il  faut  penser  des  maires  de  Paris,  (p.  146-147).  Il  montre  que  Du- 
crot  voulut  «  primer  Vinoy  »  et  il  insiste  fortement  sur  l'irritation  de 
ce  dernier  qui  voyait  la  défense  «  compromise  par  l'indécision  de  Tro- 
I  chu  et  la  présomption  de  Ducrot  »  (p.  180).  Comme  il  se  moque  de  lu 
revue  du  i3  septembre  que  Trochu,  avec  un  «  charlatanisme  indigne 
d'un  officier  français  »,  proclamait  un  grand  spectacle  (p.  i56),  et  de 
l'illusion  des  bonnes  gens  qui  croyaient,  après  le  4  septembre,  que  le 
mot  de  République  suffirait  à  repousser  l'invasion  et  qu'on  n'avait  qu'à 
clianter  la  Marseillaise  à  pleins  poumons  pour  faire  reculer  l'Allema- 
gne! (p.  272-273).  Il  n'hésite  pas  à  imprimer  qu'à  Châtillon  «  Ducrot, 
Renault,  Appert,  de  Caussade  furent  aussi  coupables  ou  incapables  les 
les  uns  que  les  autres.  »  (p.  201)  et  que  Trochu  «  ne  daigna  ni  se  mon- 


2  58  REVUE   CRITIQUA 

trer  ni  donner  un  ordre  pendant  toute  la  journée  »  (p.  202).  Il  remarque 
amèrement  que  les  généraux  qui  «  avaient  emporté  les  ouvrages  de  Tot- 
lebcn  à  Sébastopol,  n'avaient  jamais  médité  sur  IMmportance  des  fortifi- 
cations improvisées  par  le  grand  ingénieur  russe  »  (p.  272).  Il  relève 
sans  pitié  les  fautes  commises  par  le  gouvernement  de  la  défense  natio- 
nale :  l'appel  des  mobiles  de  province,  l'élection  des  officiers  par  les  sol- 
dats, la  résurrection  de  la  garde  nationale  à  qui  Trochu  «distribua  libé- 
ralement des  certificats  de  capacité  militaire  »  au  lieu  de  la  former  et  de 
Paguerrir  peu  à  peu,  la  liberté  de  former  des  corps  de  trancs-tireurs. 

Nous  ferons  encore  à  M.  Duquet,  en  terminant  notre  article,  de  me- 
nues critiques.  Il  exagère,  ce  nous  semble,  les  mérites  et  services  de  Pa- 
likao.  Il  devait  citer,  à  propos  du  gouvernement  s'enfermant  dans  la 
capitale  au  lieu  de  gagner  la  province,  le  témoignage  de  Chanzy  u 
{p.  i52l,  nommer  Ducrot  l'évadé  de  Pont-à-Mousson  et  non  «  Pévadé 
de  Sedati  ^)  {p.  180;  cp.  p,  175),  écrire  Aronssohn  (p.  Sy  et  i3i  au  lieu 
de  Arronsohn  et  de  Arhonnson),  Meusnier  et  Aubert  (p.  807  au  lieu  de 
Meunier  et  AiiberJ.  Enfin,  on  trouvera  trop  rigoureux  le  jugement 
qu'il  porte  sur  Ducrot  au  combat  de  Châtillon.  Mais  son  volume  est 
l'œuvre  d'un  érudit  très  consciencieux,  très  au  courant,  qui  veut  appli- 
quer à  l'histoire  militaire  comtemporaine  la  méthode  de  MM.  Aubry 
et  Rau  dans  leur  Droit  civil  français  (p.  2)  et  qui  joint  à  une  immense 
lecture  et  à  un  habile  arrangement  de  ses  matériaux  une  franchise  rare 
«  avec  laquelle  il  ne  craint  pas  de  crier  toutes  les  vérités.  » 

A  Chuquet. 


Lettre  de  M.  Psichari. 

Je  ne  voudrais  pas  laisser  ignorer  aux  lecteurs  de  la  Revue  critique  la  découverte 
importante  que  nous  devons  à  M.  Gabriel  Ledos  (Bibl.  de  l'Ec.  des  Chartes,  1889, 
livr.  6,  678  suiv.) 

M.  Gabriel  Ledos  nous  apprend  que  Simon  Portius  était  Grec  et  catholique.  C'est 
le  résultat  auquel  m'avait  conduit  une  courte  analyse  de  la  grammaire  de  cet  auteur, 
réimprimée  et  commentée,  sur  mon  conseil  (p.  n  de  l'Introd.),  par  M.  Wilhelm 
Meyer.  Notamment  en  ce  qui  concerne  la  nationalité  de  Simon  Portius,  S.  Portius 
nous  dit  lui-même  qu'il  est  grec  :  voy.  S.  Portius,  éd.  W.  Meyer,  Paris,  1889,  p.  XX: 
(11.  32-37)-xxi  (II.  1-5). 

M.  Gabriel  Ledos  dédaigne   ce  témoignage.  En  revanche,  il   enrichit  la   critique 
d'un  principe  nouveau  :  il  est,  dit-il  (p.  67g),  d'une  méthode  dangereuse  de  demander  1 
de  pareils  renseignements  à  des  livres  aussi   impersonnels  qu'une  grammaire  (cf.  J 
S.  Portius,  op.  cit.  p.  xxi,  1.  i  à  2), 

11  est  vrai  que  M.  Gabriel  Ledos  saisit  à  ce  propos  l'occasion  précieuse  de  relevé: 
avec  la  plus  fine  ironie  une  distraction  de  ma  part  :  réflexion  faite,  je  ne  trouve  pas 

d'autre  terme Je  ne  connais  pas  l'âge  de  M.  Gabriel  Ledos,  ni  ses  travaux.  lis 

doivent  être  jeunes. 

Il  est  grand  dommage  pourtant  qu'en  signalant  cette  distraction,  M.  Gabriel  Ledos 
en  ait  eu  une  lui-même.  P.  67g,  il  nous  déclare  que  o>  ro'ù  6aùu.aroi  est  une  «  ex- 


i 


i 


d'histoire  et  de  littérature  259 

pression  grecque  vulgaire  n.  Pour  se  convaincre  du  contraire,  il  aurait  suffi  d'ouvrir 
un  dictionnnaire  ;  je  ne  dis  pas  une  grammaire,  c'eût  été  un  raffinement  1 . 

Jean  Psichari. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  L.  Clédat,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon,  vient  de 
publier  un  Manuel  d'orthographe.  Ce  n'est  pas  qu'il  ait  la  superstition  de  cette 
science,  au  contraire.  Ainsi  débute  la  préface  :  «  De  très  bons  esprits  pensent  que 
notre  orthographe  pourrait  être  beaucoup  simplifiée,  rendue  plus  logique,  débarras- 
sée des  puérilités  et  des  règles  arbitraires  qui  la  faussent.  Mais  en  attendant  que  la 
réforme  se  fasse,  nous  avons  voulu  rendre  service  à  ceux  qui  sont  obligés  d'appren- 
dre ou  d'enseigner  toutes  ces  minuties.  »  Et  voici  comment  cette  même  préface  se 
termine  :  «  Nous  espérons  que  ce  livre,  où  nous  nous  bornons  cependant  à  constater 
des  faits,  sans  ies  commenter,  fournira  de  bons  arguments  aux  partisans  de  la  ré- 
forme orthographique,  et  nous  souhaitons  vivement  que  notre  manuel  d'orthographe 
puisse  être  considérablement  réduit  après  la  prochaine  édition  du  Dictionnaire  de 
l'Académie.  »  Le  livre  (162  p.  in-i'.i)  se  compose  nécessairement  de  listes  à  appren- 
dre par  cœur  ou  à  consulter;  les  notes  sont  le  sel  de  l'ouvrage,  car  elles  font  ressor- 
tir les  anomalies.  Texte  ;  «  Imbécillité  Avec  deux  /,  malgré  imbécile.  »  Note  :  «  Tan- 
dis que  mobilité  s'écrit  avec  une  /  comme  mobile,  et  tranquillité  avec  deux  /  comme 
tranquille.  » 

—  M .  André  Joubert  nous  envoie  une  nouvelle  brochure  :  Le  marquisat  de  Cha- 
teau-Gontier  de  1684  a  /  6  90  (Laval,  Moreau);  il  y  retrace,  d'après  un  ancien  regis- 
tre inédit  :  i'»  les  mouvances  féodales  du  marquisat  en  1684;  2°  les  poursuites  diri- 
gées contre  les  vassaux  du  marquisat,  de  1684  à  à  1690. 

—  Signalons  également  un  tirage  à  part  de  l'article  que  M.  Abel  Lefranc  a  publié 
dans  le  tome  VIII  des  «  Mémoires  de  la  Société  académique  de  Saint-Quentin  »,  sur 
Un  règlement  intérieur  de  léproserie  au  xiu"  siècle;  c'est  un  règlement  promulgué 
pour  la  maladrerie  de  Noyon  par  l'évêque  de  la  ville  entre  i25o  et  1272;  il  entre 
dans  de  minutieux  détails  sur  l'ameublement  et  le  costume,  sur  les  occupations  jour- 
nalières des  frères  et  des  sœurs,  etc. 

—  Nous  avons  reçu  le  tome  premier  de  la  Correspondance  secrète  du  comte  de 
Mercy-Argenteau  avec  l'empereur  Joseph  II  et  le  prince  de  Kaunit:^,  publiée  par  le 
chevalier  Alfred  d'ARNETH  et  M.  Jules  Flammermont.  (Paris,  Hachette,  gr.  in-80, 
494  p.).  Il  renferme  223  lettres,  la  première,  datée  du  6  décembre  1780,  la  dernière, 
du  27  décembre  1785.  La  publication  appartient  à  la  collection  des  documents  iné- 
dits relatifs  à  l'histoire  de  France.  L'introduction  qui  devra  être  reliée  en  tête  du 
premier  volume,  paraîtra  en  un  fascicule  séparé,  en  même  que  le  second  volume. 


I.  Je  regrette  une  autre  inexactitude  de  M.  Gabriel  Ledos  :  je  n'ai  jamais  plaisanté  sur  les  éco- 
les de  théologie  (cf.  p.  679);  j'ai  dit  que  S.  Portius  n'y  avait  pas  «  beaucoup  profité  de  ses  leçons 
de  latin  »  (Introd.,  op.  cit.,  p.  xxv,  1.  dernière).  On  peut  enseigner  très  bien  le  grec  dans  les  lycées  : 
cela  n'implique  pas  nécessairement  que  M.  Gabriel  Ledos  l'y  ait  appris. 


26o  RKVUE  critiqup:  d'histoire  et  de  littérature 

ACADÉMIE    DtS    INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 

Séance  du  21  mars  iSgo. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  M.  Théodore  Reinach  termine  sa  communi- 
cation sur  le  temple  d'Hadrien  à  Cyzique.  Il  examine  l'inscription  qui  nous  a  conservé 
le  nom  de  l'architecte  Aristénète  ;  il  réussit,  en  interprétant  les  indications  données 
par  Cyriaque  d'Ancône,  à  en  restituer  le  texte  en  vers  grecs,  et  il  en  donne  la  tra- 
duction suivante  :  «  Celui  qui  m'a  fait  surgir  du  sol,  aux  frais  de  toute  l'Asie,  à  grand 
renfort  de  bras,  c'est  le  divin  Aristénète.  »  On  constate  ici,  une  fois  de  plus,  que 
les  temples  consacrés  à  la  divinité  des  empereurs  étaient  élevés,  le  plus  souvent,  par 
l'initiative  des  provinces  et  à  leurs  frais. 

M.  Flouest  signale  à  l'Académie  un  pilier  de  grès,  sculpté,  à  quatre  faces,  qui  vient 
d'être  découvert  à  Mayence.  Chacune  des  faces  porte  la  figure  d'un  dieu  et  celle 
d'une  déesse,  sa  parèdre.  Le  plus  intéressant  de  ces  quatre  groupes  est  celui  qui 
représente  une  Diana  veiiatrix  avec  le  dieu  gaulois  connu  des  savants  sous  le  nom 
de  «  dieu  au  maillet.  »  M.  Flouest  expose  les  raisons  pour  lesquelles  il  reconnaît 
dans  ce  dieu  le  Dis  pater  que  les  Druides,  au  dire  de  César,  donnaient  pour  père 
à  la  race  gauloise.  Il  rattache  ce  mythe  aux  traditions  des  religions  primitives  de 
l'Asie,  traditions  qui  étaient  parvenues  en  Gaule,  ajoute-t-il,  en  dehors  de  toute  in- 
fluence gréco-romaine. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Georges  Perrot  :  Bulletin  de  correspondance  hellé- 
nique, 1890,  n°  1  ;  —  par  M.  A.  Croiset  :  Houssaye  (Henry),  Aspasie.  Cléopdtre, 
Tnéodora  ;  —  par  M.  Delisle  :  1°  Les  Poètes  limousins  jugés  par  Baluze.  lettre  iné- 
dite à  François  d'As^uesseau  publiée  par  Emile  du  Boys  ;  2°  Lettres  inédites  de  B.  de 
LA  MoNNOYE  à  Nicolas  Thoynard,^  publiées  par  Emile  du  Boys  ;  3°  Petite  Chronique 
de  Vabbaye  de  Bonneval,  deSSy  à  io5o  environ,  publiée  par  René  Merlet;  —  par 
M.  Oppert  :  Strassmaier,  Babylonische  Texte,  Vil  :  Inschriften  von  Cyrus,  Kœnig 
von  Bcibylon  ;  —  par  M.  Schefer  :  Correspondance  des  deys  d'Alger  avec  la  cour  de 
France^  i5jg-i 83o,  publiée  par  M.  Plantet. 

Julien  Havet 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANGE 


Séances  des  5  et  12  mars  18 go. 

M.  Roman  signale  la  découverte  faite  au  mois  d'aoiât  188g  à  Riotier  'Hautes-Al- 
pes', de  diverses  antiquités  en  bronze  :  ces  objets  ont  été  trouvés  dans  une  source 
ferrugineuse  située  près  de  la  voie  romaine. 

M.  Omont  lit  une  note  sur  un  projet  de  réunion  des  églises  grecques  et  latines  en 
1327  et  sur  la  mission  du  dominicain  Benoît  de  Côme  envoyé  à  cet  effet  par  le  roi 
de  France  Charles  le  Bel  et  par  le  pape  Jean  XXII  auprès  de  l'empereur  de  Constan- 
tinople,  Andronic  II  Paléologue. 

M.  E.  Petit  soumet  le  dessin  d'une  cheminée  du  xvi«  siècle  qui  se  trouve  au  châ- 
teau de  Jouveney  près  Noyers  (Yonne). 

M.  Michon  met  sous  les  yeux  de  la  Société  des  poids  anciens  récemment  acquis 
par  le  Musée  du  Louvre. 

M.  le  baron  de  Baye  lit  un  rapport  sur  le  congrès  réuni  à  Moscou  à  l'occasion  de 
la  fête  jubilaire  de  l'association  archéologique  de  cette  ville. 

M.  Roman  présente  cinq  bagues  en  or  trouvées  en  Dauphiné;  deux  de  ces  bagues 
datent  de  l'époque  romaine  et  l'une  d'elles  porte  une  inscription. 

M.  l'abbé  Thédenat  communique  une  fibule  en  forme  de  semelle  avec  l'inscrip- 
tion AVESEVDE  trouvée  par  M.  l'abbé  Morillot  à  Beire-le-Chatel. 

M.  Courajod  signale  l'existence  d'une  fabrique  de  faux  ivoires  anciens  qui  a  inondé 
de  ses  produits  la  France  et  les  pays  voisins,  et  continue  sa  production. 

M.  P'iouest  indique  certains  caractères  qui  doivent  faire  distinguer,  parmi  les  au- 
tels trouvés  en  Gaule,  ceux  que  l'on  doit  rattacher  à  l'influence  de  la  mythologie  ro- 
maine et  ceux,  au  contraire,  qui  appartiennent  à  la  religion  indigène.  Ces  derniers, 
par  leurs  formes  allongées,  pourraient  conserver  un  souvenir  dis  menhirs  et  autres 
monuments  analogues. 

M.  Ruelle  signale  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale  qui  contient  un  texte 
correct  d'Hermias  (scholies  sur  le  Phèdre  de  Platon)  permettant  de  corriger  la  publi- 
cation faite  anciennement  d'après  le  manuscrit  de  Munich. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX.      ^ 

Le  Puy,  inifrimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  2.?. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    Et    DE    LITTERATURE 


No  14  -  7  avril  •-  1890 


Sommaire  t  162.  Catulle,  p.  p.  Postgate.  —  i63.  Gasqdet,  Henri  VIII  et  les 
.  monastères  anglais.  —  164.  Levasseur,  La  population  française,  I.  —  i65.  Wal- 
lon, Les  représentants  du  peuple  en  mission,  IV.  —  166.  Perrero,  La  maison  de 
Savoie.  —  167,  Jellinek,  Loi  et  ordonnance.  —  168.  Carnio,  L'âme  humaine,  — 
i6ci.  W.  ScHMiDT,  La  conscience.  —  170.  Ed.  de  Hartmann,  La  théorie  de  la 
connaissance.  —  171.  H.  Vergé  et  de  Boutarel,  Table  du  compte-rendu  des 
séances  et  travaux  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  —  Chronique. 
—  Société  des   Antiquaires  de  France. 


162.  —  Gaî  Valei-i  Catulli  cni-mina  recognovit  Joh.  P.  Postgate.  Londoni,  G. 
Bell  et  fil.,  1889.  Petit  in-12,  xn-8q  p. 

Une  nouvelle  édition  de  Catulle  était-elle  bien  nécessaire?  M.  Post- 
gate l'a  pensé,  moins  peut-être  dans  le  but  de  nous  donner  un  joli 
volume  d'une  lecture  attrayante  et  un  résumé  substantiel  de  l'apparat 
critique  de  Schwabe  (2«  édit.,  1886),  que  d'introduire  dans  le  texte  les 
conjectures  qu'il  avait  proposées  dans  la  Mnemosyne,  N,  S.,  XIV, 
p.  433  sq.  et  dans  \q  Journal  of  Philologj- ,  XVII,  p.  226  sq.  et  XVI II, 
p.  145  sq.  Quand,  dans  une  centaine  de  conjectures  on  en  trouve  une 
qui  s'impose,  il  faut  se  déclarer  satisfait;  avec  M.  Postgate,  cette  pro- 
portion est  dépassée.  Très  heureuse  est  la  correction  de  II,  5  sq.  Gum 
desiderio  meo  nitenti  Carum  nescio  quid  lubet  jocari  Et  solaciolum  sui 
doloris,  Credo,  et  quo  gravis  acquiesçât  ardor.  V  ut  cum...  acquiescet. 
Jusqu'ici  le  sens  et  la  construction  grammaticale  clochaient  également. 
La  correction  de  Schœll  —  la  meilleure  —  approchait  du  but  sans  y 
atteindre.  J'adopterais  également  volontiers  XXII,  7,  Novi  umbilici 
[ef]  lora,  rubra  membrana.  —  XXXVI,  9  sq.  Et  haec  pessima  sic  puella 
vidit  Joco  se  lepido  vovere  divis.  V  Et  hoc  (heec  w)  pessima  se  puella 
vidit  Jocose  lepide  vovere  divis.  Joco  se  lepido  est  de  Scaliger.  —  GVII, 
3  sq,  Quare  hoc  estgratum  nobis  quoque,  Carior  auro,  quod  te  resti- 
tuis,  Lesbia  mi  cupido.  V  Carius  auro.  M.  P.  a  eu  également  raison 
d'admettre  dans  son  texte  quelques  corrections  excellentes  de  ses  prédé- 
cesseui-s.  VI,  12,  B.  Schmidt  mis  sur  la  voie  par  Baehrens  :  Jam  tu  ista 
ipse  nihil  va/e5 (mieux  vales  nihil)  tacere.  V.  Nam  ni  ista  (inista  O)  pre- 
valet  nihil  facere.  Catulle  déclare  à  Flavius  qu'il  est  trop  discret;  on 
sait  qu'il  a  une  maîtresse,  d'après  le  remue-ménage  qu'on  entend  chez 
lui  et  aussi  par  l'aspect  de  sa  personne.  C'est  le  v.  12  qui  fait  la  transi- 
tion 1.  —  XLI,  7,  Frôhlich  suivi  par   EUis  et  Bliasrens.  Non  est  sana 

I.  En  revanche,  au  v.  7,  je  me  refuse  à  rapporter  tacitum  à  te.  Le  sens  est  :  ton  lit 
a  beau  ne  pas  pouvoir  parler,  il  crie  tes  méfaits.  Tacitum  clamât  est  une  antithèse 
"voulue. 

Nouvelle  série,  XXIX.  14 


202  REVUE    CRITIQOB 

puella,  nec  rogare  Qualis  sit  solet  œs  imaginosum  (le  miroir)  V  et  yma- 
ginosum.  Il  s'agit  d'une  personne  laide  qui  met  ses  faveurs  à  trop  haut 
prix.  Le  passage  très  tourmenté  par  les  critiques  a  ainsi  retrouvé  un 
aspect  satisfaisant.  Sur  d'autres  points,  je  ne  serais  pas  d'accord  avec 
M.  P.  XXXI,  12.  Gaudete  vosque  o  liquidœ  lacus  undae.  Je  préfère  la 
leçon  des  mss.  lydiîc  (ou  avec  Scaliger  lydii),  et  l'allusion  savante,  même 
dans  un  poème  familier,  me  paraît  convenir  à  Catulle.  —  Dans  le 
poème  LXIII,  Catulle  fait  successivement  Attis  du  masculin  et  du  fémi- 
nin, pour  des  raisons  assez  subtiles  et  qui  ont  naturellement  échappé 
aux  copistes  quand  ils  n'étaient  pas  guidés  par  la  métrique.  Attis  mas- 
culin avant  la  mutilation  doit  ensuite  être  toujours  du  féminin,  e.Kcepté 
v.  55,  parce  qu'il  se  reporte  au  temps  où  la  mutilation  n'avait  pas  eu 
lieu,  et  v.  78  et  80,  parce  que  Cybèle  le  voyant  en  état  de  révolte  ne 
veut  pas  reconnaître  en  lui  le  signe  distinctif  de  ses  prêtres  Le  mas-: 
culin  dans  la  bouche  de  Cybèle  est  une  sorte  d'excommunication.  — 
Je  rejetterais  purement  et  simplement  le  v.  63,  qui  n'est  qu'une  expli- 
cation misérable  du  v.  62,  qui,  malgré  la  correction  de  M.  P.,  n'offre 
pas  de  sens  (adulescens  et  ephebus  disent  la  même  chose)  et  qui  inter- 
rompt la  suite  des  idées.  Peut-être  faudrait-il  sacrifier  aussi  le  v.  62.  — 
LXVIII  *,  V.145.  Sed  furtiva  dédit  mira  munuscula  nocte.  Mira  attend 
encore  une  correction  :  média?  —  LXXXIH,  v.  6.  Je  conserverais  la 
correction  de  J.  Lipse  coquitur-,  loquitur  de  V  provient  de  la  fin  du 
V,  4,  obloquitur.  Le  sens  est  le  suivant  :  si  Lesbie  m'avait  oublié  et  ne 
parlait  pas' de  moi,  c'est  qu'elle  serait  guérie  —  sana  esset;  du  m.oment 
qu'elle  en  parle,  c'est  qu'elle  ne  l'est  pas.  Uritur  et  coquitur  est  opposé 
à  sana  esset  ;  il  faut  là  deux  mots  qui  expriment  la  persistance  de  la 
passion;  loquitur  ne  signifie  rien. 

M.  P,  est  très  au  courant  des  travaux  récents  sur  Catulle;  ses  correc- 
tions sont  souvent  ingénieuses.  Actuellement  nous  possédons  toutes  les 
ressources  nécessaires  pour  la  constitution  du  texte  de  Catulle,  c'est-à- 
dire  les  collations  exactes  de  O.,  de  G '.et  de  T.  L'édition  de  M.  Schwabe 
ne  laisse  pas  grand'chose  à  désirer  sous  ce  rapport.  Malheureusement, 
les  meilleurs  mss.  sont  récents  et  la  tradition  fautive.  Le  seul  moyen 
d'essayer  d'améliorer  le  texte  est  donc  celui  qu'a  pris  M.  P.,  et  sa  ten- 
tative est  louable. 

A.  Cartault 

l63    -  Ileni-Î  Vin   and  tlie  englis.1»  monasterîes,  an   aUempt  to  illustrât 
ihe    history   of  their  suppression,  by  F.    A.  Gasquet,  O.  S.   B.,  Londres,  vol. 
1888;  vol.  II,  1889,  chez  John  Hodgcs  (Catholic  Standard  library). 

Cet  ouvrage  a  reçu  en  Angleterre  le  meilleur  accueil.  Suivant  Lusag 

I    Je  saisis  l'occasion  de  signaler  ici  aux  lecteurs  de  la  Revue  la  reproduction  ph 
toliihographique  par  les  procédés  de  M.  M.  Lumière  du  ms.  G  qui  vient  de  parait 
dans  la  collection  des  reproductions  de  manuscrits  par  L.  Clédat  :  classiques  latm 
Catulle,  manuscrit  de  Saint-Germain  des-Prés  (Biblioth.  nat.,  no  14137),  pieceûea  u 
étude  de  M.  E.  Châtelain.  Paris,  E.  Leroux,  1890,  VII,  p.  36  f^ 


d'histoire  et  de  littérature  263 

l'éditeur  a  fait  précéder  le  2^  volume  de  quelques  a  avis  de  la  presse  » 
sur  le  premier,  et  c'est  un  chœur  d'éloges  très  nourri.  —  «  Trenchant 
writer ,  formidable  historical  scholar  »,  dit  le  Star.  «  Splendid  addi- 
tion ta  oiir  history,  dit  VUniverse.  Punch  lui-même  estime  que  le 
livre  du  P.  Gasquet  sera  a  very  valuable  workfor  historical  référence. 
—  Et  ce  ne  sont  point  là  des  réclames  vulgaires  :  le  compte-rendu  le 
plus  favorable  a  paru  dans  Y Academy ,  et  il  est  signé  James  Gairdner. 
Cette  unanimité  des  suffrages  est  d'autant  plus  significative  que  le 
P.  G.  est  moine  de  l'ordre  de  saint  Benoît,  qu'il  a  dédié  son  œuvre  au 
pape  Léon  XIII  et  qu'il  a  écrit  dans  un  pays  protestant  pour  détruire 
une  des  légendes  les  plus  tenaces  et  les  plus  chères  au  protestantisme 
anglican. 

Depuis  le  xvii^  siècle,  en  effet,  on  a  cru  fermement  dans  l'Angleterre 
protestante  que  la  suppression  des  monastères  par  Henri  VIII  avait  été 
légitimée  en  son  temps  par  la  paresse,  par  les  vices  odieux  des  moines. 
On  disait  que  c'avait  été  une  triste  nécessité.  On  invoquait  tradition- 
nellement, à  l'appui  de  cette  opinion,  l'autorité  d'un  mystérieux 
Blackboule,  compilation  des  enquêteurs  désignés  par  Henri  VIII  pour 
examiner  l'état  des  monastères  vers  i525  :  ce  Blackbook  aurait  contenu 
de  si  effroyables  révélations  que  le  Parlement  indigné  aurait,  après  en 
avoir  pris  connaissance,  supplié  le  roi  de  détruire  ces  lieux  de  débauche. 
Sans  doute,  le  Blackbook  ne  se  retrouvait  pas,  mais  on  expliquait  le 
fait,  avec  Tévêque  Burnet,  en  accusant  l'entourage  de  Marie  Tudor 
d'avoir  fait  disparaître  ce  recueil  de  témoignages  accablants  pour  le  pa- 
pisme. Le  violent  réquisitoire  lancé  par  Burnet  dans  son  History  of 
the  Reformation  contre  les  moines  anglais  du  xvf  siècle  avait  été  jus- 
qu'à nos  jours  universellement  admis  comme  l'expression  de  la  vérité 
historique  :  de  là  le  mépris  opiniâtre  pour  le  monachisme  qui  est  enra- 
ciné au  fond  du  cœur  des  anglicans  :  teachingfirst  imbibed  and  latest 
lost. 

Le  P.  G.  a  entrepris  de  critiquer  d'une  manière  scientifique  la  tradi- 
tion populaire,  déjà  combattue  sur  quelques  points  par  le  canon  Dixon, 
l'éminent  auteur  de  YHistory  ofthe  Chiirch  of  England.  11  a  dépouillé 
à  cet  effet  les  collections  inédites  du  Record  Oflnce,  où  il  a  retrouvé 
l'importante  correspondance  des  enquêteurs  d'Henri  VIII.  Il  a  réuni 
tous  les  témoignages  contemporains;  il  les  a  pesés;  il  les  a  comparés; 
et,  en  laissant  constamment  la  parole  aux  textes  originaux,  il  a  détruit 
sans  effort  les  croyances  communes.  Son  livre  est  très  probant,  et  d'une 
éloquence  singulière,  malgré  sa  simplicité.  Je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  de 
monographie  plus  solide  dans  la  littérature  historique  anglaise.  Il  y  en 
a  peut-être  de  plus  conformes  au  goût  insulaire.  Il  n'y  en  a  pas  où  brille 
une  érudition  aussi  élégante  et  aussi  sûre,  tant  de  sagesse  et  de  bon 
goût. 

Le  premier  volume  est  consacré  à  la  narration  des  épisodes  prélimi- 
naires qui  préparèrent,  depuis  l'avènement  d'Henri  VIII,  la  spoliation 


204  REVUE   CRITIQUE 

des  monastères  (ch,  i-vii,  Cardinal  Wolsey  and  the  monasteries,  the 
Hoir  Maid  of  Kent,  the  Friars  Observant,  the  Carthusians,  etc.),  et 
surtout  à  rhistoite  et  à  lu  critique  des  «  visitations  »  ou  enquêtes  faites 
à  partir  de  i535  sur  l'ordre  d'Henri  VIII  dans  les  monastères  d'Angle- 
terre. Ces  enquêtes  furent  menées,  sous  Fautorité  de  Thomas  Cromwell 
par  les  docteurs  Richard  Layton  et  John  London,  et  par  Thomas  Legh, 
assistés  du  notaire  John  ap  Rice.  -  Le  P.  G.  examine  d'abord,  comme 
il  convient,  la  crédibilité  de  ces  agents  de  Cromwell  (ch.  xi)  ;  c  étaient 
des  hommes  peu  scrupuleux,  très  grossiers,  bassement  courtisans,  et 
Cromwell  les  tenait  de  court.  Layton  ayant  eu  l'imprudence  de  dire  du 
bien  de  l'abbé  de  Glastonbury,  fyt  réprimandé  en  haut  lieu;  il  s'excusa 
aussitôt  de  son  «  excessive  and  indiscrète  praise  »,  dans  une  lettre  qui 
est  un  chef-d'œuvre  de  servilité  (i,  439).  Son  opinion  a  priori  sur  les 
moines,  et  il  ne  s'en  cachait  pas,  était  que  tliej-  be  ail  Jalsejeigned, 
hrpocrital  knaves,   Thomas  Legh   était  un  jeune  homme,  fastueux, 
brutal  et  vénal,  c  Les  moines  en  avaient  grand  peur,  dit  le  notaire  ap 
Rice,  he  useth  siich  rough  fashion  with  them.  »  Il  prenait   plaisir  à 
rudoyer  ses  justiciables  et  à  raconter  sur  les  nonnes  des  historiettes  scan- 
daleuses, to  makeyou  laugh.  Quant  à  London,  c'était  un  déterminé 
pillard,  a  J'ai  saisi,  écrivit-il  à  Cromwell,  le  presbytère  de  Noteley  abbey 
avec  son  verger  et  son  jardin  :  it  will  do  well  for  anyfriend  ofyours  ». 
C'est  sur  la  foi  de  ces  trois  personnages  que  la  postérité  a  cru  longtemps 
aux  abus  extraordinaires  du  monachisme  anglais  au  xvi«  siècle.  Nouj 
avons  leurs  rapports  et  leurs  lettres,  les  Comperta,  le  Blackbook  de  Te- 
vêque  Burnet.  Le  P.  G.  fait  (ch.  ix),  la  critique  intrinsèque  de  ces  do- 
cuments.  Il  n'a  pas  de  peine  à  montrer  que,  même  abstraction  faite  ai 
la  moralité  de  leurs  auteurs,  ils  n'ont  absolument  aucune  valeur.  L'en- 
quête fut  achevée  en  si  peu  de  temps  qu'il  est  impossible  de  croire  qu  elh 
ait  été  conduite  avec  soin.  Cent  cinquante-cinq  monastères  furent  vis| 
tés  en  quelques  mois,  et  des  énormités  furent  relevées  à  la  charge  * 
plus  d'une  centaine.  Les  commissaires  avouent  du  reste  dans  les  Comi 
verta  que  la  seule  source  de  leurs  renseignements,  de  leurs  accusations 
est  le  «  bruit  public  ».  Us  n'ont  donc  fait  que  compiler  et  peut  être  em 
beUir  des  rancunes  malveillantes;  nulle  part  ils  n'ont  cherché  a  recueil 
lir  des  preuves.  A  Chiksand,  Bedfordshire,  Layton,  par  exemple,  visita  u 
couvent  de  Gilbertines;  il  «  ne  put  rien  tirer  des  sœurs  »  ;  il  n'en  accuJ 
pas  moins  deux  de  ces  religieuses  d'incontinence,  dans  les  Com];erf^,  si 
la  dénonciation  d'«  un  vieux  bedeau  ».  Remarquez  que  les  accusatiot 
portent  en  majorité  sur  des  fautes  personnelles  et  secrètes,  vivemei 
niées  par  les  inculpés,  et  presque  impossibles  à  prouver  autrement  qi 
par  l'aveu  des  coupables.  —  Aussi  bien,  les  Comperta  des  commissair 
ne  semblent  avoir  persuadé  personne  ;  on  les  soumit  pour  la  forme  . 
Parlement;  mais  tout  le  monde  savait  bien  que  l'enquête   n  avait  «1 
qu'une  comédie  dont  le  dénouement  —  la  suppression  des  monastère»,  | 
était  décidé  d'avance.  Les  calomnies  accumulées  par  Legh  et  Layton 


d'histoire  et  de  littérature  2  65 

furent  certainement  prises  au  sérieux  par  personne,  pas  même  par  le  roi, 
pas  même  par  Cromwell,  encore  moins  bien  entendu,  par  Legh  et  Lay- 
ton  eux-mêmes. 

Nous  ne  pouvons  résumer  ici  tous  les  arguments  présentés  par  le 

I  P.  Gasquet.  Il  suffit  de  dire  que  sa  conclusion  paraît  inattaquable  (p.  378). 
«  On  suppose  généralement  que  la  principale  cause  de  la  suppression  a 

j  été  l'état  désespéré  d'immoralité  où  les  monastères  étaient  tombés.  La 
vérité  est  que  l'argent  d'une  confiscation  a  été  le  seul  objet  que  Henri  VIII 
et  son  ministre  aient  eu  en  vue.  Quant  aux  charges  produites  par  Lay- 
ton  et  consorts,  ce  sont  des  assertions  sans  preuves;  elles  pèsent  ce  que 
doivent  peser  les  assertions  de  pareils  hommes.  » 

Ce  n'est  pas  à  dire  que  la  discipline  ait  été  parfaite  dans  tous  les  cou- 
vents anglais  au  commencement  du  xvi"  siècle.  Il  n'y  a  pas  de  siècle  où 
les  dignitaires  de  l'Eglise  n'aient  gémi  sur  le  relâchement  des  mœurs, 
sur  les  vices  et  l'ignorance  des  clercs  et  des  moines,  ou  de  quelques  clercs 
et  de  quelques  moines.  Pendant  l'âge  d'or  du  monachisme  celtique  en 
Grande-Bretagne,  saint  Gildas  ne  se  plaignait-il  pas  amèrement  du  dé- 
sordre des  monastères?  Au  temps  de  saint  Louis,  l'archevêque  de  Rouen, 
Eudes  Rigaud,  ne  trouva-t-il  pas  à  condamner  paternellement  beaucoup 
d'ignominies  dans  les  abbayes  et  les  prieurés  de  Normandie?  Les  évo- 
ques d'Angleterre,  comme  tous  leurs  frères  de  la  chrétienté,  avaient  cou- 
tume de  «  visiter  »  et  de  surveiller  les  moines  de  leurs  diocèses,  et  nous 

y  avons  des  «  visitations  m  épiscopales  du  xvi«  siècle  où  les  erreurs  et  les 
vices  du  clergé  régulier  sont  sévèrement  dénoncées  et  reprises.  Le  P.  G. 
ne  l'ignore  pas  (i,  333)  ;  il  cite  les  enquêtes  épiscopales^  et  s'abstient  sa- 
gement d'une  apologie  sans  réserves.  Mais  il  compare  aussi  les  enquêtes 
des  évéques  avec  celles  des  commissaires  de  Cromwell,  et  il  tire  de  cette 
comparaison  un  dernier  et  décisif  argument  pour  établir  la  mauvaise 
foi  et  les  exagérations  énormes  du  Blackbook.  —  Il  lui  arrive  très  rare- 
ment, du  reste,  de  se  laisser  aller  à  un  parti  pris  de  réhabilitation;  il  a 
trop  de  jugement  pour  vouloir  blanchir  sans  preuves  tout  ce  que  Legh 
et  Layton  ont  noirci  sans  preuves.  11  me  paraît  cependant  avoir  cédé  à 
cette  tendance  dans  quelques  cas  particuliers,  notamment  en  faveur  de 
l'abbé  de  Langdon,  accusé  par  Layton  d'avoir  entretenu  une  femme  dans 
sa  cellule  (i,  36o).  Les  textes  témoignent  ici,  en  bonne  critique,  de  la  cul- 
pabilité de  l'abbé,  qui,  d'ailleurs,  se  rallia  plus  tard  et  reçut  une  pen- 
sion d'Henri  VIII.  Si  incroyable  que  soient  dans  l'ensemble  les  Com- 
perta  de  Layton,  cet  homme  so  éloquent  in  accusations,  comme  dit  son 
collègue  Legh,  quelques  parcelles  de  vérité  peuvent  s'y  rencontrer;  et 
1  anecdote  de  l'abbé  de  Langdon,  saisi  en  flagrant  délit,  paraît  bien  de 
celles  qui  ont  été  vécues. 

Le  deuxième  volume  traite  de  la  procédure,  des  incidents  et  des  résul  • 
tats  de  la  dissolution  des  monastères.  On  y  trouvera  le  meilleur  récit 
qu'on  puisse  lire  des  rebellions  des  comtés  du  Nord  en  i536  (Pilgri- 
'^Jage  of  Grâce,  ch,  m). —  L'ouvrage  se  complète  par  des  cartes  (distribu- 


266  REVUE   CRITIQUE 

tion  géographique  des  maisons  des  différents  ordres  en  Angleterre  au 
moment  de  la  suppression)  et  par  des  appendices  excellents. 

J'ai  dit  ailleurs,  et  c'est  ici  le  lieu  de  répéter,  que  ce  livre  est  très  sug- 
gestif pour  d'autres  encore  que  ceux  qui  s'intéressent  à  l'histoire  de  l'é- 
tablissement de  la  réforme  en  Angleterre.  Il  y  a,  à  deux  siècles  de  dis- 
tance, une  similitude  remarquable  entre  le  procès  pour  la  suppression  de 
l'ordre  du  Temple  par  Philippe  le  Bel  et  le  procès  de  la  suppression  des 
monastères  par  Henri  VIII.  Guillaume  de  Nogaret  est  un  autre  Tho- 
mas Cromwell.  Ce  sont,  dans  les  cas,  les  mêmes  passions,  les  mêmes 
calomnies,  les  mêmes  violences  hypocrites,  longtemps  amnistiées  par 
l'histoire.  Le  P.  Gasquet  vient  de  faire  justice  de  la  légende  propagée 
par  l'évêque  Burnet.  Il  est  temps  d'arrêter  la  circulation  des  légendes 
accréditées  sur  la  politique  de  Philippe  le  Bel  par  les  théoriciens  de  la 
monarchie  absolue. 

Ch.  V.  Langlois. 


164.  —  La  population  française.  Histoire  de  la  population  avant  1789  et 
démographie  de  la  France  comparée  à  celle  des  autres  nations  au  xix^  siècle, 
précédée  d'une  introduction  sur  la  statistique,  par  E.  Levasseur,  membre  de 
l'Institut.  T.  I.  Paris,  Rousseau,  ibSg.  In-8,  iv-468  pp. 

Notre  époque  procède  à  une  curieuse  répartition  du  travail  scientifi- 
que. A  mesure  que  le  champ  des  investigations  s'élargit,  chaque  groupe 
de  travailleurs  non  seulement  se  cantonne  dans  un  territoire  distinct,  i 
mais  s'efforce  d'en  faire  un  centre  privilégié,  une  curtis  dominica,  une 
sorte  de  cour  seigneuriale  de  laquelle  relèvent  les  régions  limitrophes. 
Toute  branche  du  savoir  humain  est  élevée  ainsi  à  la  dignité  de  science^ 
et  si  l'on  persévère  dans  cette  voie,  l'enchevêtrement  finira  par  devenir 
extrême.  Voici  une  science  nouvelle,  la  démographie.  Elle  s'est  déta- 
chée de  la  statistique  sous  prétexte  que  celle-ci  se  livre  à  des  constata- 
tions matérielles  et  ne  découvre  pas  de  lois.  J'avoue  ne  pas  voir  ce  qu 
empêche  la  statistique  d'être  raisonnée;  en  tout  cas,  pourquoi  créer  um 
science  nouvelle?  L'ethnographie  ne  suffisait-elle  pas?  Pourquoi  aus? 
considérer  l'histoire  et  jusqu'au  droit  comme  de  simples  auxiliaires  d 
la  démographie?  N'est-ce  pas  renverser  les  rôles? 

Je  n'insiste  pas  et  d'autant  moins  que  si  ces  critiques  me  sont  sug 
gérées  par  le  livre  de  M.  Levasseur,  elles  ne  s'y  adressent  pas  directe 
ment.  M.  L.,  en  effet,  n'est  pas  le  promoteur  de  la  démographie  cons 
dérée  comme  science  distincte,  et  il  a  sagement  encadré  la  partie  de  se 
ouvrage  qu'il  appelle  Démographie  comparée  entre  l'histoire  et  la  stj 
tistiqucc  Les  titres  et  sous-titres  transcrits  en  tête  de  cet  article  sutfiseij 
déjà  à  le  prouver. 

Ce  n'est  donc  pas  à  une  œuvre  de  démographie  pure  que  nous  avoij 
affaire,  dans  la  pensée  même  de  son  auteur,  mais  à  une  œuvre  mixtj 
L'introduction  retrace  l'histoire  de  la  statistique,  le  livre  I"  est  u; 


d'histoire  et  de  littérature  267 

histoire  abrégée  de  la  population  française,  tant  au  point  de  vue  des 
éléments  ethnographiques  dont  elle  se  compose  que  des  vicissitudes 
politiques  qui  ont  influé  sur  son  nombre  et  sur  son  état  matériel  ou 
moral  ;  le  livre  II  (dont  une  partie  seulement  se  trouve  comprise  dans 
le  volume  paru)  est  consacré  à  Tétat  et  au  mouvement  de  la  population 
française  contemporaine ,  comparée  à  la  population  des  principaux 
États  étrangers;  enfin,  le  livre  III  doit  traiter  des  lois  de  la  population 
et  de  l'équilibre  des  nations;  il  se  rattachera  étroitement  à  l'économie 
sociale  et  à  la  politique,  comme  le  livre  premier  se  confond  souvent 
avec  l'ethnographie  et  Thistoire. 

Pour  mener  à  bien  une  telle  entreprise,  il  fallait  une  grande  sûreté  de 
vue,  une  grande  netteté  de  pensée  et  d'exposition,  la  profonde  habitude 
de  se  mouvoir  au  milieu  des  dangers  de  la  statistique,  surtout  un  esprit 
d'une  assez  vaste  portée  pour  embrasser  l'ensemble  sans  sacrifier  la 
rigueur  du  détail.  M.  L.  avait  prouvé  maintes  fois  à  quel  degré  éminent 
il  possède  ces  qualités  si  rares;  il  nous  en  fournit  une  preuve  nouvelle. 

Je  ne  m'arrêterai,  pour  présenter  quelques  observations  et  formuler 
quelques  réserves,  qu'au  livre  I^^'  de  Touvrage,  le  seul  qui  rentre  direc- 
tement dans  le  cercle  de  mes  études.  M.  L.  a  voulu  y  condenser  les 
recherches  des  historiens  et  des  ethnographes,  et,  avec  leur  aide,  déter- 
miner, ne  fût-ce  que  par  hypothèse  ou  conjecture,  les  chiffres  successifs 
de  ]a  population  de  la  France.  Je  reconnais  que  la  difficulté  était 
grande;  je  comprends  même  que  l'auteur,  animé  du  désir  de  fixer  des 
chiffres,  se  soit  parfois  contenté  de  données  douteuses  et  imparfaites; 
mais  nVst-il  pas  à  craindre  que  l'apparence  de  précision  mathématique 
n'égare  bien  des  lecteurs?  Ne  valait-il  pas  mieux  avouer  la  plupart  du 
temps  qu'en  l'état  actuel  des  connaissances  aucun  chiffre  ne  pouvait 
être  posé  ? 

Je  choisis  comme  exemple  l'époque  de  Charlemagne.  M.  L.  a  étudié 
à  nouveau  en  économiste  et  en  statisticien  le  polyptyque  ^  d'Irminon, 
et  il  a  calculé  qu'à  le  prendre  pour  base,  la  population  de  la  France  en- 
tière ne  se  serait  élevée  qu'à  5,284,000  habitants.  Il  remarque  aussitôt 
que  la  composition  des  domaines  de  Saint-Germain-des-Prés  (formés  en 
grande  partie  de  forêts)  explique  cette  faible  densité,  qui  doit  dès  lors 
être  considérée  comme  exceptionnelle  ;  il  ajoute  que  la  population  fixée 
sur  la  partie  non  boisée  du  domaine  est  par  contre  infiniment  plus  dense 
qu'on  ne  saurait  l'admettre  pour  la  moyenne  générale,  puisqu'elle 
dépasse  même  la  densité  actuelle;  mais  alors,  que  reste-t-il  du  calcul 
proposé?  Quelle  conséquence,  proche  ou  lointaine,  peut-on  en  tirer? 
Quelle  valeur,  même  approximative,  y  peut-on  attacher?  M.  L.,  pour- 
tant, ne  l'abandonne  pas  ;  il  en  fait  comme  le  premier  échelon  d'une 
approximation  nouvelle.  11  faut  faire  entrer,  dit- il,  en  ligne  de  compte 
la  population  plus  dense  des  villes,  il  faut  avoir  égard  à  la  double  cir- 

I.  M.  L.  écrit  polyptique  contrairement  à  l'usage.  Je  lui  signale  aussi  une  faute 
d'impression  notable  page  146  :  Sully  au  lieu  de  Suger. 


268  REVUE    CRITIQUE 

constance  que  le  Midi  a  été  moins  ravagé  que  le  bassin  de  la  Seine,  le 
Nord  davantage,  et  cette  combinaison  d'hypothèses  et  de  réserves  doit 
faire  ressortir  la  population  de  la  France  sous  Charlemagne  au  chiffre 
de  8  à  9  millions  d'habitants.  Pourquoi  pas  sept?  Pourquoi  pas  dix? 

Pour  le  x'=  et  le  xi*^  siècle,  M.  L.  n'avance  pas  de  chiffre  ;  il  se  con- 
tente de  dire  :  «  On  est  autorisé  à  croire  que,  durant  les  ix*,  x*  et  xi«  siè- 
cles, la  population  de  la  Gaule  diminua.  Les  conditions  semblent  avoir 
été  plus  favorables  à  partir  de  la  seconde  moitié  du  xi*  siècle  :  la  popu- 
lation a  dû  augmenter  de  nouveau  (p,  141).  e  Les  deux  termes  de  cette 
proposition  peuvent  être  acceptés  provisoirement,  quoique  avec  beau- 
coup de  réserve,  mais  les  raisons  sur  lesquelles  M.  L.  se  fonde,  telles 
notamment  que  le  peuplement  exceptionnel  des  couvents  par  la  crainte 
de  la  fin  du  monde  en  l'an  1000,  ou  que  le  nombre  des  croisés  sont  les 
unes  inexactes,  les  autres  sujettes  à  caution. 

L'auteur  ne  trouve  un  terrain  un  peu  plus  solide  pour  ses  calculs 
qu'au  commencement  du  xiv^  siècle  :  c''est  le  célèbre  état  des  a  paroisses 
et  feux  des  bailliages  et  sénéchaussées  »  en  i328,  qui  le  lui  fournit.   La 
solidité  toutefois  de  cette  base  est  plus  apparente  que  réelle.  Comment 
calculer,  en  effet,  à  l'aide  de  cet  état,  la  population  de  la  France  entière, 
alors  que  Ton  ignore  et  le  territoire  auquel  il  s'applique  et  le  chiffre 
moyen  d'habitants  réprésenté  par  un  feu?  Bureau  de  la  Malle  avait  été 
conduit  à  un  chiffre  de  34,625,299  habitants,  en  prenant  pour  coeffi- 
cient des  feux  41/2  et  en  rapportant  l'état  au  domaine  royal  qui,  à  ses 
yeux,  représentait  à  peine  le  tiers  de  la  France  de  1 829  (époque  où  D.  de 
la  Malle  écrivait).  —  M.  L.  trouve  le  chiffre  de  84  millions  invraisem- 
blable, et  il  adopte  dès  lors  de  préférence  une  moyenne  de  4  habitants 
par  feu.  Quant  au  territoire,  il  estime  qu'il  ne  comprend  pas  seulement  ^1 
le  domaine  royal,  mais  aussi  des  paroisses  situées  en  dehors  du  domaine 
et  astreintes  à  payer  un  impôt  par  feu  au  roi.  Il  propose  donc  de  cal- 
culer la  superficie  d'après  le  nombre  des  paroisses.  Rien  de  mieux,  si 
nous  possédions  le  chiffre  des  paroisses  de  la  France  en  i328,  mais  ce 
chiffre  est  inconnu,  et  pour  y  suppléer  M.  L.  prend  le  chiffre  des 
paroisses    existant   en    1790,  soit  42,800.    Il   conclut   que  les  24,000 
paroisses  qui  figurent  à  l'état  de  i328  représentaient  plus  de  la  moitié 
des  paroisses  de  la  France,  soit  plus  de  la  moitié  du  territoire.  II  y 
aurait  donc  eu  environ  43,000  paroisses,  4,800,000  feux,  20,000,000 
d'habitants. 

Ce  qui  fait,  à  mes  yeux,  la  faiblesse  du  calcul,  c'est  que  l'un  de  ses 
éléments  principaux  est  séparé  des  autres  par  un  intervalle  de  près  de 
cinq  cents  ans,  sans  qu'il  soit  tenu  aucun  compte  des  données  intermé- 
diaires. Est-il  légitime  d'accepter  pour  constant  le  chiffre  de  43,000 
paroisses,  quand  Froumenteau  compte, au  xvi'^  siècle,  1 32, 000  paroisses 
et  clochers?  Je  ne  prétends  certes  pas  qu'il  faille  s'appuyer  sur  ce  der- 
nier chiffre,  mais  il  démontre  du  moins  que  la  notion  de  la  paroisse  a 
singulièrement  varié  au  cours  des  siècles  et  qu'elle  n'était  certainement 


d'histoire  et  de  littérature  269 

pas  en  l'an  i328  ce  qu'elle  a  été  en  1790.  Remarquez  encore  que  le 
nombre  de  feux  indiqué  par  Froumenteau  en  i58i  est  de  3,5oo,ooo, 
ce  qui,  pour  retendue  actuelle  de  la  France,  représenterait  un  total  de 
5  millions  de  feux.  On  arrive  ainsi  à  un  chiffre  de  population  supérieur 
à  celui  de  i328,  quand  tout,  au  contraire,  démontre  que  la  population 
a  considérablement  diminué  en  France  depuis  le  xiv«  siècle  jusqu'à  la 
fin  du  xvi''.  M.  L.  lui-même  le  reconnaît  en  partie  et  il  n'hésite  pas 
davantage  à  se  servir  de  Froumenteau  pour  déterminer  le  nombre  de^ 
habitants  de  la  France  en  i58i. 

En  réalité  —  c'est  la  conclusion  qui  se  dégage  pour  moi  de  la  première 
partie  de  l'ouvrage  de  M.  L.  —  l'investigation,  la  critique  des  sources, 
l'élaboration  des  renseignements  statistiques  qu'elles  contiennent  ne 
sont  pas  assez  avancées  encore  pour  permettre  d'évaluer  la  population 
de  la  France  aux  diverses  périodes  de  son  histoire.  Ce  n'est  qu'à  partir 
du  xvme  siècle  que  l'évaluation  devient  possible.  Autant  il  serait  injuste 
de  reprocher  à  l'auteur  d'un  ouvrage  d'ensemble  de  n'avoir  pas  comblé 
une  telle  lacune,  autant  faut  il  souhaiter  que  des  études  régionales, 
embrassant  un  espace  de  temps  plus  ou  moins  étendu,  soient  entreprises 
pour  la  faire  disparaître.  Je  compte  montrer  moi-même,  pour  le  xi''  siè- 
cle, que  la  tâche  n'est  pas  irréalisable. 

Je  me  suis  attaché  à  la  partie  historique  du  livre  de  M.  L.  La  partie 
contemporaine  échappe  davantage  à  ma  compétence  :  elle  m'a  frappé 
par  la  richesse  des  informations  et  le  talent  de  les  mettre  en  œuvre. 
L'auteur  se  retrouve  sur  un  domaine  où  il  est  passé  maître. 

Jacques  Flach, 


i65.  —  L,B»  repi-éeentant»  du  peuple  en  mission  et  la  justice  révolution- 
naire dans  les  départements  en  Tan  II,  I7q3-i794,  par  Henri  Wallon,  membre 
de  l'Institut.  Tome  quatrième.  Paris,  Hachette,  1890.  In-8,  455  p.  7  fr.  5o. 

Le  quatrième  volume  de  l'ouvrage  de  M.  Wallon  sur  les  représen- 
tants du  peuple  en  mission,  a  suivi  de  près  le  troisième  (cp.  Revue, 
n"  5).  M.  W.  expose,  en  sept  chapitres  —  XXVI-XXXII  de  tout  l'ou- 
vrage —  les  missions  aux  armées  depuis  le  début  de  la  guerre  jusqu'à 
fin  de  la  campagne  de  1794  et  dans  les  deux  départements  du  Rhin. 

Ce  tome  comprend  donc  deux  parties  distinctes  :  i"  les  campagnes  de 
la  frontière  du  Nord  ;  2°  l'Alsace.  Mais  dans  la  première  partie,  M.  W. 
perd  quelquefois  de  vue  son  sujet.  Il  fait  plutôt  l'histoire  des  campagnes 
que  celle  des  représentants.  Il  écrit  (p.  3o),  que  les  commissaires  de  la 
Convention,  ne  manquaient  pas  à  l'armée  de  la  Belgique,  et  il  ajoute 
qu'ci  ils  se  trouvaient  sans  doute  fort  effacés  par  le  général,  mais  avaient 
pourtant  leur  rôle  auprès  de  lui  ».  M.  W.  ne  met  pas  ce  rôle  en  assez 
pleine  lumière;  dans  son  livre,  les  commissaires  devraient  effacer  le  gé- 
néral. 

N  y  a-t-il  pas  en  effet,  dès  le  commencement,  une  foule  de  détails  su- 


270  REVUK   CRlTIQIÎ<i 

perflus?  Les  actes  et  les  rapports  des  commissaires  ne  disparaissent-ils 
pas  au  milieu  de  la  narration  diffuse  des  faits  de  guerre?  M.  W.  ne  sait 
pas  sacritier  une  partie  de  ses  notes  ;  il  les  donne  toutes,  il  en  accable  le 
lecteur  ;  il  se  reluse  à  garder  par  devers  lui  ses  extraits  longuement  amas- 
sés. Mais  devaii-il  reproduire  des  pièces  qu'on  trouve  déjà  au  iWo;7z7ez<r, 
dans  Ternaux,  dans  le  recueil  Aulard,  et  ailleurs  encore?  A  quoi  bon 
raconter  de  nouveau  la  campagne  de  l'Argonne,  la  querelle  de  Keller- 
mann  et  de  Custine,  etc.  ?  Les  27  premières  pages  du  volume  pouraient 
être  aisément  réduites  à  neiif  qm  seules  appartiennent  au  sujet  (pp.  10- 
i3,  i5,  25-27).  Pourquoi  narrer  si  amplement  l'invasion  delà  Hollande, 
révacuation  de  la  Belgique,  la  perte  du  camp  de  Famars,  les  démêlés  de 
Custine  et  de  Bouchotte?  Pourquoi  citer  la  lettre  de  Beurnonville,  du 
18  décembre  1792,  qui  a  été  reproduite  tout  au  long  par  M.  Camille 
Rousset?  N'est-il  pas  évident  que  M.  W.,  ne  serrant  pas  assez  son  récit 
des  batailles  et  des  sièges,  ne  met  pas  en  relief  l'activité  des  commissai- 
res et  ne  marque  pas  leur  intervention  en  traits  frappants  et  vigoureux? 
Pourtant  ce  défaut  est  bien  moins  sensible  dans  les  pages  consacrées  à  la 
fin  de  1793  et  à  1794.  Mais  il  faut  remarquer  que  les  représentants 
jouent  désormais  un  rôle  plus  énergique,  plus  efficace,  et  queCarnot  se 
trouve  au  premier  plan. 

D'ailleurs  cette  première  partie  du  volume  n'est  pas  exempte  de  fautes 
de  détail,  et  M.  W.  qui  relève  malignement  quelques  taches  dans  le  re- 
cueil Aulard,  a  commis  plus  de  légèretés  et  d'erreurs  quMl  le   croit.  11 
place  Servan  au  ministère  de  la  guerre  alors  occupé  par  DeGrave(p.  3). — 
Il  croit  avec  Thiers  (comme  si  Thiers  qui  ne  vaut  que  par  l'ensemble  avait 
quelque  autorité  sur  les  points  de  détail  !)  que  ^0,000  Prussiens  ont  en- 
vahi la  France,  quand  tout  le  monde  sait  que  l'armée  de  Frédéric-Guil- 
laume II  ne  comptait  que  36, 000  hommes  (p.  7).  —  Il  dit  que  Lamou- 
rette  proposa  le  premier  d''envoyer  des  commissaires  aux  frontières  (id) 
et  il  ignore  que  Pastoret  avait  dès  le  3o  juin,  demandé  à  la  Législative 
d'envoyer  à  l'armée  des  commissaires  chargés  de  vérifier  l'état  des  ap- 
provisionnements et  de  recueillir  tous  les  renseignements  nécessaires  à 
la  surveillance  des  actes  administratifs  et  à  la  confection  de  bonnes  lois 
militaires.  —  Il  ne  comprend  pas  du  tout  la  situation  hiérarchique  de 
Dumouriez  en  juillet  et  dans  les  premiers  jours  d'août  (p.  9)  ^  —  H 
met  Lafayette  qui  commandait  l'armée  du  Nord  à  la  tête  de  l'armée  du   i 
Centre  (p.  1 1)  et  s'imagine  que  le  vaniteux  Kellermann   voulait  exercer  j 
son  commandement  sous  «  les  auspices  de  Luckner  »  (p.  14)  ~,  qu'il  a 
risqué  la  bataille  de  Valmy —  qui  fut,  selon  Texpression  du  colonel 
Miot,  accidentelle  —  et  soutint  seul  (M.  W.  oublie  Stengel  à  droite  et 
Chazot  à  gauche),  la  fameuse  canonnade  (p.  17).  —  Il  écrit  sérieusement 


1.  Il  était  aux  ordres  de  Dilloii,  son  ancien,  et  par  contre-coup  de  Lafayette,  après 
avoir  refusé  de  suivre  Luckner  à  Metz. 

2.  Il  consentait  à  servir  sous  Luckner  à  condition  que  Luckner,  généralissime  des 
trois  armées,  fût  à  Châlons,  et  loin  de  lui,  Kellermann. 


D  HISTOIRE   ET    DE    LITTERATURE  27  I 

que,  dans  la  poursuite  des  Prussiens,  Beurnonville  savait  «  entraîner 
ses  soldats  »  (p.  2  3  et  34),  Beurnonville  qui  fit  trois  lieues  en  cinq  jours! 
Mais  comment  M.  W.,  dans  ce  volume  consacré  aux  représentants  du 
neuple,  a-t-il  raconté  l'arrivée  des  commissaires  qui  viennent  proclamer 
la  République  au  milieu  des  combattants  de  Valmy?  «  Dans  une  lettre 
suivante,  écrit-il  froidement,  ils  disent  qu'ils  ont  recueilli  les  justes  ré- 
clamations des  soldats,  parcouru  les  lignes  de  l'armée,  harangué  les 
troupes  —  c'est  une  monnaie  dont  ils  ne  manquaient  pas  ».  On  remar- 
quera la  pointe  d'ironie  qui  termine  la  phrase.  Nous  le  regrettons  pour 
M.  W.  ;  mais  il  eût  mieux  fait  de  lire  avec  attention  le  Moniteur  du 

I  et' octobre,  les  Mémoires  àt  Dumouriez,  la  page  619  du  tome  II  de 
V Histoire  de  Sainte  Menehouldde  Buirette,  la  lettre  d\m  correspondant 
allemand  d'Archenholz  (Minerva,  janvier  1793,  p,  173),  et  alors  il  eût 
représenté  Prieur  de  la  Marne  haranguant  les  soldats  de  sa  «  voix  d'ai- 
rain »  qui  portait  au  loin  dans  la  plaine  de  Braux  Sainte-Cohière,  leur 
annonçant  l'abolition  de  la  rovauté,  leur  disant,  en  montrant  de  la  main 
le  camp  prussien  de  Hans  à  une  lieue  de  là,  que  la  patrie  comptait  sur 
leur  courage  et  sur  leur  haine  des  despotes,  puis  poussant  son  cheval 
vers  les  officiers  qui  murmuraient,  et  leur  criant  de  se  retirer  s'ils  n'a- 
vaient pas  le  courage  de  défendre  la  nation  ;  il  eût  décrit  l'enthousiasme 
des  troupes  qui  accueillaient  les  commissaires  aux  cris  de  Vive  la  Ré- 
publique et  de  Vive  la  Convention  nationale;  il  eût  retracé  le  «  prompt 
effet  »  de  l'arrivée  des  représentants  et  leur  influence  sur  l'armée  qui 
«  passa  de  l'état  constitutionnel  à  l'état  républicain,  avec  la  rapidité  d'un 
torrent  1.  » 

Mais  poursuivons  la  liste  de  nos  errata.  M.  W.  croit  que  Dumouriez 
confia  le  soin  de  la  poursuite  des  Prussiens  à  Beurnonville  (p.  26),  qui 
mena  l'armée  française  à  Valenciennes,  dans  une  direction  opposée.  — 

II  place,  au  27  septembre  le  commencement  du  siège  de  Lille  (id.)^  alors 
que  la  tranchée  fut  ouverte  le  25,  et  au  même  27  (p.  27),  la  sommation 
qui  eut  lieu  le  29.  —  Il  dit  (p.  3o)  que  «  plusieurs  commissaires  de  la 
Convention  avaient  accompagné  Dumouriez  en  Belgique  »  :  il  oublie 
que  l'Assemblée,  sur  la  proposition  de  Barère,  leur  avait  ordonné  de  re- 
gagner Paris,  et  il  n'a  cure  d'un  mot  de  Labourdonnaye  qu'il  citeà  cette 
même  page;  s'il  fallait  envoyer  des  commissaires,  c'est  qu'il  n'y  en  avait 
pas  encore,  et  d'où  sont  datées  les  lettres  que  M.  W.  cite  inutilement 
en  note?  De  Dunkerque,  de  Calais,  de  Lille;  pas  une,  de  Belgique;  ce 
qui  prouve  que  nul  commissaire  n'avait  suivi  l'armée.  —  Il  fait  du 
commissaire-ordonnateur  Petit  Jean  un  «  agent  de  la  Trésorerie  »  et  un 
«  payeur-général  »  et  parle  de  l'abbé  d'Espagnac,  comme  d'un  homme 
«  prêt  à  traiter  d'une  foule  de  choses  que  son  titre  ne  comportait  pas  » 
(p.  38);  que  M.  W.  se  consulte  lui-même  sur  Petit  Jean  (p,  84,  note,  et 
Hist.  du  trib.  rév.,  IV,  487)  et  qu'il  lise  sur  l'abbé  d'Espagnac  le  livre 
de  M.  de  Seilhac  (Tulle,  188 1).  —  Il  prétend  que  Dumouriez  venait  à 

I.  Expression  de  Dumouriez.  Mém.,  1823,  tome  III,  p.  Sg. 


272  RRVUE   CRITIQUE 

Paris  pour  exposer  deux  choses  :  la  situation  de  la  Belgique  et  le  plan 
de  sa  prochaine  campagne  (p.  43);  et  le  renversement  de  Pache  et  du 
Comités  des  achats  !  —  Il  n'a  pas  lu  sur  le  père  de  Paul  de  Kock,  le  ré- 
volutionnaire batave,   l'article  d'Avenel   (p.    59).   —   Il    ignore  qu'au 
4  février  il  était  question,  non  plus  de  «l'expédition  deZélande  »  (p.  61), 
mais  de  Maestricht  et  de  Venloo.  —  11  écrit  que  Danton  proposa   la 
réunion  de  la  Belgique  «  sur  une  lettre  de  Miranda  d  (p.  62),  ce  qui  est 
bien  étonnant,  au  lieu  de  dire  :  sur  une  lettre  de  Waleff  annonçant  le 
vote  de  Liège  et  communiquée  par  Miranda.  —  11  affirme  (p.  71)  que 
Danton,  chargé  «  de  faire  retirer  la  lettre  du  12  mars  »,  n'y  put  rien, 
et  il  oublie  la  lettre  du  21  mars  qui  contenait,  en  somme,  une  demi  ré- 
traction. —  11  se  figure  que  Proly,  Dubuisson  et  Pereyra  ont  «  surpris  ■» 
les  intentions  de  Dumouriez  et  que  la  Convention  «  ne  pouvait  pas  atten- 
dre davantage  »  (p.  73),  alors  que  Dumouriez  ne  cachait  pas  ses  intentions, 
Et,  qu'après  la  lettre  du  28  mars,  avant  de  connaître  l'entretien  deTour- 
nay,  le  Comité  de  défense  générale  avait  déjà  résolu  de  mander  le  géné- 
ral à  la  barre.  —  Il  cite  sur  le  «  soulèvement  »  des  Belges,  non  pas  Bor- 
gnet,  mais...  Ihiers!  (id.J.  —  Il  met  à  Lille  Dubois  Dubais,  collègue 
de  Lesage  Senault,  au  lieu  et  place  de  Carnot  (p.  yb)  ^.  —  Il  fait  du  com- 
mandant de  Dunkerque,  Pascal  Kerenveyer,  deux  personnes,  l'une  qu'il 
nomme  Pascal^  l'autre  qu'il  nomme  Kenveyer  (p.  84).  —  Il  assure  que 
la  légion  du  Nord  qui  date  de  1792  et  qui  fit  la  campagne  de  Belgique 
et  de  Hollande,  avait  été  «  organisée  par  Westermann  pour  aller  com- 
battre en  Vendée  »  (p.  91).  —  Il  fait  enlever  par  les  Autrichiens  «  les 
représentants  qui  sortaient  de  Maubeuge  »,  lorsque  Drouet  seul  fut  fait 
prisonnier  [p.  146)  2. —  Il  ne  connaît  pas  le  Custine  et  Houchard  de  Gay- 
Vernon  et  passe  totalement  sous  silence  la  mission  de  Billaud-Varenne 
qui  arriva  le  9  août  1794  a  l'armée  de  Houchard,  fit  arrêter  Des  Bruslys 
et  emporta  les  registres  de  l'état-major  à  Paris  (Gay-Vernon,  p.   229* 

23l). 

Voilà  pour  la  première  partie  du  volume.  Dans  la  seconde  qui  traite 
delà  Révolution  en  Alsace,  nous  trouvons  aussi  quelques  fautes.  Tout 
d'abord,  M  .  W.  n'est  pas  absolument  au  courant  ;  il  cite  le  Schneider  àt 
Heitz  et  le  Livre  bleu;  mais  il  ne  connaît  pas  la  Cathédrale  de  Strasbourg 
de  R.  Reuss,  les  iVofe^  biographiques  d'Etienne  Barth,  l'ouvrage  de  Sein- 
guerlet  sur  Strasbourg,  les  travaux  de  Guerber  et  de  Klelé  sur  Hague- 
nau,  les  études  de  Bardy  sur  Belfort.  D'où  tient-il  que  Rouget  de  Lisle 
composa  la  «  Marseillaise  »  che\  le  maire  Dietrich  (p.  299)?  —  11  ne 
mentionne  pas  le  rôle  de  Philibert  Simond,  savoisien,  lui  aussi,  comme 
Monet,  et,  comme  Monet  et  Laveaux,  implacable  ennemi  de  Dietrich 
(p.  3oo).  —  H  laisse  croire  que  Monet,  qui  ne  fut  élu  procureur-général 
syndic  qu'en  novembre,  occupait  déjà  ces  fonctions  importantes  aux 
journées  de  septembre  (id).  — Il  prétend  que  Dietrich  «  s'était  constitué 

1.  Erreur  très  grave,  la  plus  grave  peut-être  du  volume. 

2.  «  Petite  perte  que  celle  là!  »  remarque  l'auteur. 


I 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  273 

prisonnier  à  TAbbaye  »  (p.  3oi),  tandis  que  Dietrich  se  constitua  pri- 
sonnier le  5  novembre   1792  à  Saint-Louis,    à  l'extrême  frontière  du 
Haut-Rhin,  après  avoir  annoncé  son  intention  trois  jours  auparavant 
au  commissaire  civil  du  département.  — II  n'a  pas  bien  vu  quel  était  le  but 
de  l'adresse  des  délégués  de  Strasbourg,  Baudreville  et  Engel  (il  fallait 
les  nommer),  qui  se  présentèrent  à  la  Convention  le  23  décembre;  ils 
protestent  qu'ils  n'ont  rien  de  commun  avec  Dietrich  —  «  on  le  savait 
de  reste  »,  ajoute  M.  W.,  —  mais  sans  esprit  d'hostilité  contre  l'ancien 
maire,  et  s'ils  demandent  l'envoi  de  commissaires,  c'est  pour  apaiser  le 
conflit  entre  la  municipalité  et  le  général  CoustarJ,  pour  avoir  à  Stras- 
bourg des  juges  qui  «  voient  tout  et  observent  tout  avec  impartialité, 
qui  soient  accessibles  à  tout  le  monde  et  qui  rendent  justice  à  tous  »,  et 
non  point  pour  donner  témoignage  de  leurs  attaches  jacobines,  comme 
le  croit  M.  Wallon  (p.  3o2-3o3).  —  Plus  loin,  M.  W.  ne  donne  pas  les 
noms  des  pétitionnaires  courageux  du  17  mars  1793  (Liebich  et  Lauth) 
qu'il  compare  d'ailleurs,  et  assez  joliment,  au  paysan  du  Danube  (p.  307). 
—  Il  transcrit  très  mal  certains  noms  de  lieux  alsaciens  :  Oberschijfols- 
heim  pour  Oberschaeffolsheim  (p.  346),    Oberehnheim,  pour  Obernai 
(p.  346),  Volschwiller  pour  WoUschwiller  (p.  362),  et  Sosolsheim  pour 
Saessolsheim  (p.  370).—  Il  fait  du  commandant  de  Lauterbourg,  Mill- 
ier, un  commissaire  (p.  372).  —  Il  a  trop  de  confiance  dans  le  témoi- 
gnage de  Nodier.  —  Mais  tout  ce  récit  fait  honneur  à  un  homme  qui  n'a 
point  pâli  sur  les  alsatiques  révolutionnaires;  s'il  n'offre  rien  de  nou- 
veau, il  est  exact,  clair,  assez  impartial,  et,  dans  l'ensemble,   c'est  un 
louable  travail,  sans  éclat,  sans  grande  distinction,  il  est  vrai,  mais  en 
somme,  excellent  comme  résumé. 
Selon  son  usage,  M.  W.  qui  ne  veut  rien  perdre,  a  fait  suivre  d'^^- 

pendices  le  texte  de  son  quatrième  tome.  Certains  de  ces  appendices  sont 
intéressants,  comme  le  siègede  Valenciennes,  les  indications  supplémen- 
taires sur  les  missions,  la  notice  relative  à  Dentzel,  le  récit  des  faits  et 
gestes  de  l'agent  Garnerin.  Mais  à  quoi  bon  la  note  sur  le  général  Biron 
depuis  la  publication  du  Talleyrand  en  ijg2  de  M.  Pallain  ?  A  quoi 
bon  les  notes  sur  l'armée  de  Lafayette  au  10  août,  sur  l'Argonne,  sur  le 

siège  de  Lille  .->  A  quoi  bon  l'extrait  de  Heitz?  Tout  cela  est  connu,  et 
M.  'W.  y  laisse  encore,  assez  malencontreusement,  échapper  quelques 
fautes  et  y  oublie  certains  faits  importants.  Il  dit  qu'un  capitaine  autri- 
chien (d'Harnoncourt),  annonça  l'arrestation  de  Lafayette  à  Clerfart  — 
c'est  à  Saxe-Teschen.  —  Il  semble  croire  (p.  404)  que  les  décrets  de  l'As- 

■  semblée  et  les  lettres  du  ministre  de  la  guerre  ont  déterminé  la  fuite  de 
Lafayette,  et,  ne  s'en  tenant  qu'à  la  correspondance  oflScielle  pour  ex- 
pliquer «  le  triomphe  de  la  Révolution  du  10  août  au  sein  de  l'armée  », 
il  ignore  la  revue  du  i  5  passée  par  Lafayette,  les  compagnies  de  canon- 
niers,  les  volontaires  de  l'Allier,  les  grenadiers  de  Mayenne-et-Loire 
refusant  le  serment,  les  émissaires,  entre  autres  Westermann,  arrivant 
de  Paris  et  quelques-uns  se  déguisant  en  recrues,  Lafayette  laissant  avec 


274  REVUE    CRITIQUE 

sa  naïveté  habituelle  distribuer  aux  troupes  les  journaux  de  la  capitale 
et  mettre  à  la  poste  des  pétitions  contre  lui,  l'artillerie  enfin  se  pronon- 
çant et  le  colonel  Galbaud  refusant  d'assister  à  la  réunion  de  Douzy  pro- 
voquée par  Stengel.  —  Il  ne  sait  pas  que  Servan  n'a  point  été  «  ramené» 
à  Diilon  et  s'est  constamment,  non  sans  raison,  détié  de  ce  général  de 
cour  (p.  405).  —  11  écrit  les  Grands-Illettes  pour  les  4  Grandes  Islettes  », 
s'imagine  que  Dumouriez  a  «  quitté  »  Grandpré  le  10  septembre  —  ce 
qui  n^était  qu'une  fugitive  idée  du  général,  —  substitue  les  Prussiens 
aux  Autrichiens  dans  le  combat  de  la  Croix-aux-Bois,  oublie  que  Prieur, 
Beaupuy,   Broussonnet,   appartenaient  à  la  Législative  et  les   baptise 
«    collègues  »,    du  commissaire  du  pouvoir  exécutif  Billaud-Varenne 
(p.  407).  —  Il  mentionne  les  grenadiers  au  lieu  des  carabiniers  à  la 
journée  du   20  septembre  (p.  408)  et  transforme  Kalkreuth  en  Keith 
(p.  41 3),  Rheinfels  en  Rheinfeld  (p.  414),  Gertruydenberg  en  Gertruy- 
denbourg  (p.  422).  —  11  croit  que  Danton  «  avait  à  cœur  de  se  prému- 
nir du  témoignage  de  ceux  qui  l'avaient  vu  en  Belgique  »  (p.  416),  alors 
qu'il  s'agit  de  Delacroix;  car  c'est  Delacroix  qui  demande  ces  témoigna- 
ges, et  si  notre  auteur  avait  bien  lu  X^Procès  des  dantonistes  de  M.  Ro- 
binet (p    264),  il  ne  commettrait  pas  cette  erreur  et  ne  citerait  pas  une 
lettre  de  Carnot  déjà  citée  par  le  biographe  dantonien.  —  Enfin,  dans  sa 
note  sur  le   siège  de  Valenciennes,  M.  W,  a  fait  du  directeur  (en  réalité 
a  lieutenant-colonel  faisant  les  fonctions  de  sous-directeur  »)de  l'artille- 
rie, Lauriston,  un   directeur  de  V agriculture  et  en  accusant  d'erreur 
Verdavaine,  il  tombe  lui-même  dans  une  autre  erreur  :  Tholosé  et  Boil- 
laud,  dit  Verdavaine,  étaient  lieutenants  généraux;  non,  reprend  M.  W., 
ils  étaient  adjudants-généraux  ;  c'étaient  de  simples  généraux  (p.  429)  ; 
Boillaud  était  général  de  brigade  et  Tholosé,  directeur  des  fortifications, 
faisait  les  fonctions  de  général  de  brigade  1. 

Remarquons  encore,  pour  épuiser  nos  critiques,  que  M.  W.  a  sûre- 
ment un  parti-pris.  Il  est  ennemi  de  la  Révolution,  et  son  hostilité  se 
fait  trop  voir.  Pourquoi  rappeler  le  mot  a  le  cléricalisme,  c'est  l'en' 
nemi?  »  (p.  64).  —  Est-il  de  bon  goiit  et  de  toute  exactitude  de  nommer 

I.  Autres  errata.  Lire  p.  16,  Choderlos  et  non  Chanderlos  ;  —  supprimer  p.  40, 
le  B  devant  Beurnonville  ;  —  lire  p.  5o,  Oberndorf  et  non  Obevendorff  ;  —  p.  52  (et 
p.  408),  Deprez-Crassier  et  non  Després,  p.  62,  Varlet  et  non  Varley  ;  —  p.  102, 
Fabre-Fond  (frère  de  Fabre  d'Églantine  et  non  Fabre/oiid  ;  —p.  i3{,  l.eVeneuret 
non  Levcneur.  d'Hangest  et  non  Dangest;  —  p.  142,  Werwicq  et  non  Werwick]  — 
p.  174,  Enionnot  et  non  Emoinot:  —  p.  188,  Bouxwiller  et  non  Bouxvillers;  — 
p.  262,  Hal  et  non  Hall; —  p.  278,  Schweigenheim  et  non  Siveigenheim  ;  —  p.  280,, 
Trippstadt  et  non  Tripstadi;  —  p.  344,  Geispolsheim  et  non  Geispol:{heim  ;  —  p.  345, 
Bodenhans  et  non  Bodenhaus,  Bodemer  et  non  Bodmer;  —  p.  346,  Spiesser  et  noa 
Spiescr;  —  p.  375,Altkirch  et  non  Allkirck  ;  —  p.  383,  Willibald  Wachier  et  non 
Willibad  Wuchler;  —  p.  408,  Sparre  et  non  Spare;  —  p.  429,  Blaquetot  et  non 
Blactot,  Dembarrere  et  non  Danbarere,  Boillaud  et  non  Boileau;  —  p.  43  i,  Durkheim 
et  noa  Turkheim  ;  —  p.  43 1 ,  pourquoi  mettre  au  bas  de  ce  déshonorant  billet  des  ini- 
tiales qu'il  est  si  aisé  de  compléter  en  se  reportant  à  la  liste  de  la  p.  428,  et  qui  ne 
devinera  sous  H.  de  Cr.  Hamoir  du  Croisier? 


I 


d"'histoire  et  de  littérature  275 

les  jacobins,  maîtres  du  pouvoir  et  adversaires  de  Schneider,  les  oppor- 
tunistes de  Strasbourg?  (p.  SyS).  —  Je  ne  discuterai  pas  les  deux  pages 
—  rien  que  deux  pages  !  —  où  M.  W.  juge,  à  la  fin  de  la  première  par- 
tie du  volume,  les  commissaires  de  la  Convention  aux  armées  de  1792, 
de  1793  et  de  1794.  Il  ne  leur  reconnaît  d'autre  mérite  que  d'avoir  fait 
vivre  les  soldats,  de  leur  avoir  procuré  des  munitions,  des  armes,  des 
souliers,  et  leur  reproche  d'avoir  fomenté  l'indiscipline,  désorganisé  les 
corps,  semé  la  défiance  contre  les  officiers,  enlevé  aux  soldats  leurs 
meilleurs  généraux  (p.  295-296).  Mais — sans  me  faire  l'avocat  des 
commissaires,  sans  approuver  les  agissements  d'un  Duquesnoy  et  en 
déclarant  avec  Gay-Vernon  (voir  Ciistine  et  Houchard,  p.  99-103),  que 
la  plupart  des  représentants  ont  montré  des  vertus  patriotiques  et  des 
qualités  guerrières,  mais  qu'ils  se  sont  mêlés  de  tout,  qu'ils  ont  élevé 
écharpe  contre  écharpe  et  pouvoir  contre  pouvoir,  qu'ils  ont  introduit 
l'espionnage  et  la  délation,  et  que  s'ils  ont  causé  plusieurs  succès,  ^  la 
France  doit  ses  plus  durables  triomphes  au  génie  de  ses  généraux  et  à 
l'héroïsme  de  ses  soldats  »  —  encore  faut-il,  comme  Gay-Vernon,  ren- 
dre justice  aux  missionnaires  de  la  Convention,  et  je  répondrai  à  M.  VV. 
par  M.  W.  lui-même;  nous  lisons  p.  75,  que  les  commissaires  ont 
a  rendu  les  plus  signalés  services  »,  lors  de  la  trahison  de  Dumouriez; 
p.  82,  qu'ils  ont  «  bien  rempli  leur  rôle  »  à  l'armée  des  Ardennes  ;  p.  87, 
qu'ils  ont  «  eu  la  prudence  de  ne  point  peser  sur  la  résolution  de  Dam- 
pierre  »  ;  p.  io5,  qu'ils  n'ont  <i  négligé  aucun  moyen  d'aider  à  l'action 
militaire  »;  p.  1 19,  qu'ils  «  voyaient  clair  dans  la  situation  »;  p.  i35, 
qu'ils  n'omettaient  aucun  détail  du  service  ;  p.  198,  qu'ils  ont  donné  à 
Hoche  le  commandement  supérieur;  etc.  Enfin,  quel  est  l'organisateur 
de  la  victoire,  sinon  Carnot,  c'est-à-dire,  comme  le  nomme  M.  W.,  0  un 
représentant  en  mission  permanente  auprès  des  armées  »?  11  y  eut  des 
généraux  destitués  ;  mais  combien  étaient  incapables  !  Beaucoup  le  fu- 
rent comme  nobles;  mais  qu'on  se  reporte  à  cette  époque  où  régnait  un 
esprit  de  défiance  que  M.  W.  lui-même  regarde  comme  «  motivé  » 
(p.  221)  '. 

Ce  4*  tome  est  donc,  comme  les  précédents,  un  recueil  de  documents, 
recueil  consciencieux,  précieux,  indispensable  à  tous  ceux  qui  étudient 
la  période  révolutionnaire,  plein  de  renseignements  de  toute  sorte  — 
à  condition  que  l'auteur  publie  un  index  à  la  fin  de  son  dernier  volume. 
Qui  ne  remerciera  le  vaillant  et  vénérable  érudit  de  réunir  tant  de  dé- 
pêches et  de  rapports  ou  d'en  reproduire  des  morceaux  considérables? 
Qui  ne  lui  saura  gré  de  citer  tant  de  correspondances  de  représentants 
et  de  généraux,  de  compléter  les  lettres  de  Hoche  mutilées  par  Rousse- 

I.  Je  voudrais  que  toutes  les  fois  qu'on  jugera  le  rôle  des  commissaires  de  la  Con- 
vention  aux  armées,  on  se  souvienne  de  ce  mot  qui  m'a  toujours  frappé.  Il  a  été 
prononcé  par  un  officier  supérieur  de  l'armée  qui  vit  de  près  les  actes  de  Bazaine  et  la 
capitulation  de  Metz.  «  J'ai  regretté  hautement,  à  Metz,  de  ne  pas  voir  arriver  les  an- 
ciens commissaires  de  la  Convention  aux  armées  qui  faisaient  tomber  les  têtes  des 
Benéraux  et  ne  leur  laissaient  d'autre  alternative  que  de  vaincre  ou  de  mourir!  » 


2/0  REVUE    CRITIQUE 

lin,  d'énumérer  les  pièces  remarquables  des  cartons,  de  semer  ainsi  pour 
les  travailleurs  une  foule  d'indications?  Mais  abstraction  faite  des  erreurs 
dues  à  la  rapidité  de  la  rédaction  et  presque  pardonnables  dans  tout  tra- 
vail de  cette  longueur  et  de  cette  importance,  abstraction  faite  de  docu- 
ments inutiles  et  de  détails  qui  grossissent  le  livre  en  pure  perte, 
abstraction  faite  d'un  certain  penchant  à  ignorer  les  travaux  des  contem- 
porains et,  sous  prétexte  de  u  voir  les  choses  par  soi-même  »,  à  ne  consul- 
ter que  les  documents,  sans  se  soucier  si  d'autres  les  ont  déjà  mis  en 
œuvre,  et  à  se  croire  infaillible  et  omniscient  parce  qu'il  consulte  les 
pièces  des  archives,  nous  regrettons  que  M.  Wallon  ne  prenne  pas  un 
peu  plus  de  peine  pour  mieux  ordonner  sa  matière,  y  mettre  plus  d"art, 
de  mouvement  et  de  vie,  y  faire  saillir  l'essentiel.  Comme  dans  les  tomies 
antérieurs,  le  récit  est  un  peu  terne  et  trop  souvent  manque  de  vivacité  et 
de  chaleur.  Il  ne  suffit  pas  de  fouiller  les  dépôts  des  ministères  et  de 
publier  des  pièces  ou  des  extraits  de  pièces,  de  compulser  les  brochures 
de  répoque  et  de  donner  la  cote  de  l'exemplaire  de  la  Bibliothèque  na- 
tionale; il  faut  se  faire  lire  par  quelques  uns,  et  lorsqu'on  peut  et  veut 
employer  si  noblement,  si  utilement  ses  loisirs,  ne  point  se  borner  à 
n'être  qu'un  simple  instrument  de  travail. 

A.  Chuquet. 


i56.  —  Perrero  Domenico).  Gli  ultimi  reali  dl  Savoia  fiel  ramo  primo- 
genito  ed  il  piincipe  Carl«-AIbei>to  di  Cai-ignano.  Studio  storico  SU 
documenti.  Un  vol.  in-8  de  xx-463  pp.  Turin,  Francesco  Casanova.  Frs.  6. 

Ce  livre  est  une  étude  très  documentée  et  très  approfondie  sur  une  période 
fort  importante  de  l'histoire  de  la  maison  de  la  Savoie:  celle  delà  Restau- 
ration, des  luttes  entre  l'absolutisme,  représenté  par  Victor-Emmanuel  I 
et  Charles-Félix,  et  les  idées  libérales  de  Charles-Albert  de  Carignan, 
jusqu'au  triomphe  de  celui-ci  par  le  choix  que  Charles-Félix  fit  de  lui 
en  1825  comme  héritier  de  la  couronne.  Sur  beaucoup  de  points,  l'au- 
teur renouvelle  les  connaissances  antérieures  :  il  explique  bien  le  carac- 
tère de  Victor- Emmanuel  et  réussit  à  le  disculper  en  partie  des  reproches 
de  petitesse  d'esprit,  d'incapacité  militaire  et  de  débonnaireté  politique 
qu'on  lui  adresse;  il  prouve  que  Maria-Teresa  n'a  pas  été  une  ennemie 
systématique  et  haineuse  de  Charles-Albert  et  une  fervente  amie  de  l'Au- 
triche, et  qu'elle  n'a  pas  ruiné  les  finances  du  pays  ;  il  expose  les  causes 
de  la  Révolution  de  1821  d'une  manière  fort  neuve  et  intéressante,  ainsi 
que  les  vrais  motifs  de  l'abdication  de  Victor-Emmanuel.  Pour  être 
moins  original,  il  n'en  est  pas  moins  intéressant  en  racontant  la  vie 
aventureuse  de  la  mère  de  Charles-Albert,  la  jeunesse  de  ce  prince,  ses 
relations  et  ses  luttes  avec  ses  cousins.  Il  y  a  donc  beaucoup  à  appren- 
dre dans  cette  étude.  Mais  la  lecture  en  est  rendue  extrêmement  confuse 
par  de  graves  défauts  de  composition  :  l'auteur  n'expose  pas  les  faits,  il 
discute  le  récit  qu'en  a  fait,  dans  sa  Jeunesse  du  Roi  Charles  Alberts 


il 


D  HlSTOlKh.    KT    DK     LITTÉRATURE  277 

M.  Costa  de  Beauregard  ;  il  ne  fait  pas  un  récit  complet,  mais  une  suite 
de  dissertations  critiques,  rattachées  chacune  à  un  chapitre  ou  à  un 
texte  de  son  devancier;  il  faut,  pour  comprendre  M.  Perrero  dans  cer- 
tains passages,  avoir  sous  les  yeux  le  livre  de  Costa,  par  exemple  pour 
le  chapitre  relatif  à  la  famille  de  Montléart  (p.  8  sqq  ).  Là  même  où  il 
n'est  pas  entraîné  à  la  suite  de  JVl.  Costa  à  des  digressions  sans  lien,  il 
n'y  a  aucun  ordre  dans  son  livre  :  le  récit  de  l'abdication  de  Victor- 
Emmanuel  précède  l'histoire  des  causes  de  cette  abdication.  Celui  des 
débuts  du  règne  de  Charles-Félix  est  placé  juste  avant  le  tableau  de  son 
enfance.  Le  chapitre  XV  est  consacré  à  l'histoire  des  relations  de 
Charles-Albert  et  de  Charles-Félix,  de  1821  à  1824,  et  le  chapitre  XVI 
à  celle  de  l'Émigration  de  1821.  L'ouvrage,  si  intéressant  et  par  certains 
côtés  si  utile  de  M.  P.,  perd  beaucoup  à  ce  manque  de  méthode  et  à  ce 
souci  de  réfutation  du  livre  de  Costa,  qui,  a  dit  Errera,  «  sembra  pesare 
corne  im  inciibo  »  sur  son  travail.  Il  faut  dire  que  la  plupart  des  criti- 
ques de  P.  contre  Costa  sont  justes,  et  qu'un  certain  nombre  de  por- 
traits et  de  tableaux  sont  tracés  d'une  façon  pittoresque  et  vivante. 

_'_  L.  G.  P. 

167.  —  Gesetz  und  Verordnung.  Staatsrechtliche  Untersuchungen  auf 
rechtsgeschichtlicher  und  rechtsvergleichender  Grundlage  von  Dr.  Georg  Jelli- 
NEK,  Professer  des  Staatsrechtes  an  der  Universitaet  Wien.  Freiburg  i.  B.  1887, 
Mohr,  I  vol.  in-8dexv-4i2  pages. 

Cet  ouvrage  contient  une  partie  historique  et  une  partie  théorique. 
Nous  n'analyserons  ici  que  la  partie  historique.  L'auteur  s'est  appli- 
qué à  retracer  le  mouvement  des  idées  politiques  particulièrement  en 
ce  qui  concerne  la  distinction  entre  les  lois  et  les  décrets,  distinction 
aujourd'hui  familière  à  tous.  Son  exposé  est  intéressant  :  il  pourrait 
être  plus  complet.  Les  documents  mérovingiens  et  carolingiens  notam- 
ment eussent  été  interrogés  avec  fruit  :  on  sait,  en  effet,  que  pendant  la 
période  franque,  l'idée  de  loi  se  distingue  d'une  manière  fort  remar- 
quable de  l'idée  d'ordonnance  ou  de  décret  :  en  d'autres  termes,  la  lex 
et  les  capitula  ne  sont  point  identiques  '.  L'influence  des  théories  an- 
glaises et,  en  particulier,  celle  de  Locke  sur  la  formation  du  système  de 
Montesquieu  est  nettement  indiquée.  Celle  de  Rousseau  sur  nos  concep- 
tions et  sur  notre  nomenclature  politique  est  heureusement  mise  en  re- 
lief. Rousseau  avait  dit  :  L'objet  des  lois  est  toujours  général.  «  J'en- 
tends que  la  loi  considère  les  sujets  en  corps  et  les  actions  comme 
abstraites,  jamais  un  homme  comme  individu,  ni  une  action  particu- 
lière. Ainsi  la  loi  peut  bien  statuer  qu'il  y  aura  des  privilèges,  mais 
elle  n'en  peut  donner  nommément  à  personne...  En  un  mot,  toute 
fraction  qui  se  rapporte  à  un  objet  individuel  n'appartient  point  à  la 
puissance  législative.  On  voit  encore  que  la  loi,  réunissant  l'universa- 

1.  Cf.  Thévenin,  Lex  et  capitula,  contribution  à  l'histoire  de  la  législation  carol., 
Paris,  1878. 


278  REVUE    CRITIQUE 

lité  de  la  volonté  et  celle  de  l'objet,  ce  qu'un  homme,  quel  qu'il  puisse 
être,  ordonne  de  son  chef,  n'est  point  une  loi,  ce  qu'ordonne  même  le 
souverain  sur  un  objet  particulier  n'est  pas  non  plus  une  loi,  mais  un 
décret:  ni  un  acte  de  souveraineté,  mais  de  magistrature,  »  Voilà  bien 
ce  qui  différencie  dans  le  droit  moderne  les  lois  et  les  décrets. 

Les  pages  i3o-i8o,  consacrées  à  l'histoire  du  procédé  financier  que 
nous  appelons  le  budget  (Angleterre,  France,  Belgique,  Allemagne, 
Autriche)  sont  fort  intéressantes.  Le  lecteur  diligent  y  joindra  l'ex- 
cellent livre  que  vient  de  publier  M.  Stourm  :  Le  budget,  son  histoire 
et  son  mécanisme. 

L'auteur  ne  semble  pas,  je  le  répète,  avoir  interrogé  toutes  les  sour- 
ces d'informations  qui  lui  étaient  ouvertes.  Ainsi  les  auteurs  du  moyen 
âge  dont  les  théories  sont  souvent  identiques  à  celles  des  écrivains  an- 
glais, m'ont  paru  sacrifiés.  Bracton  et  Fortescue  veulent  être  rapprochés 
de  théoriciens  du  continent  qui  ne  sauraient  être  passés  sous  silence. 
MM.  Ch.  Jourdain!  et  Paul  Janet  ^  eussent  ici  fourni  à  Pauteur 
d'excellents  résumés  et  eussent  été  pour  lui  des  guides  très  utiles.  L'im- 
portante étude  de  Gierke  sur  Althusius,  consultée  d'ailleurs  avec  fruit 
par  M.  Jellinek,  ne  saurait  remplacer  certaines  lectures. 

L'exposé  du  droit  public  français  que  nous  devons  à  M.  Lebon,  excel- 
lent ouvrage  trop  peu  connu  chez  nous,  a  été  mis  à  profit  par  l'auteur. 
En  revanche,  il  n'a  pas  utilisé  l'œuvre  si  remarquable  de  M.  Lefebvre  3. 

Paul  ViOLLET. 


168.  — L.  Carnio.  Ble   Monsclienseele.  Wien,  Konegen,   i88g,  118  p.   in-8. 

169.  —  Wilh.   ScHMiDT.    Das  Gewissen.  Leipzig,  Hinrichs,    1889,   876   p.    in-8. 
7  m.  20. 

170.  —  Ed.  von  Hartmann.    Das   Grundproblem  der  Erkenntnisstheorîe. 

Leipzig,  Friedrich,  1889,   127  p.  in-8.  i  m. 

I.  C'est  une  naïve  et  innocente  chose  que  la  brochure  de  M.  Carnio. 
Quand  un  homme  convient  avec  candeur  qu'il  n'a  ni  savoir-faire  ni 
connaissances  étendues,  qu'il  se  défend  d'avoir  aucune  prétention  scien- 
tifique, qu'il  aime  les  hommes,  tout  simplement,  qu'il  déplore  leur  dé- 
sunion, et  que  des  «  dizaines  d'années  »  de  réflexion  lui  ont  enfin  mon- 
tré dans  l'idée  de  la  spiritualité  de  l'âme  Pinstrument  de  leur  réconci- 
liation définitive,  il  y  aurait  de  la  cruauté  à  lui  demander  compte  d'autre 
chose  que  de  ses  intentions.  Les  doux  philanthropes  sont  devenus  chose 
rare,  et  d'autant  plus  exquise.  La  paix  de  leur  cœur  doit  être  sacrée. 

IL  M.  W.  Schmidt  est  un   théologien   semi-orthodoxe  qui  nous  ra- 

1.  Mémoire  sur  la  royauté  française  et  le  droit  populaire  d'après  les  écrivains  du 
moyen  âge  dans  Excursions  historiques  et  philosophiques  à  travers  le  moyen  âge, 
pp.  5i  1-558. 

2.  Paul  Janet,  Histoire  de  la  science  politique  dans  ses  rapports  avec  la  morale, 
2  vol.  ^Hl 

3.  Ch.  Lefebvre,  Études  sur  les  lois  constitutionnelles  de  J8y5,  Paris,  1882.        ^■1 


d'histoire  et  de  littérature  279 

conte  l'histoire  de  la  conscience  morale;  pour  beaucoup  de  gens,  c'est 
assez  dire  Voici  qui  donnera  aux  autres  une  idée  de  sa  méthode  histo- 
rique. Il  débute  par  le  stoïcisme;  puis  viennent  Aristote,  Platon,  So- 
crate,  les  orateurs,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  Homère;  puis  les  Romains, 
puis  les  races  primitives,  les  Chinois,  les  Égyptiens,  etc.;  puis  l'ancien 
et  le  nouveau  Testament,  puis  l'ère  chrétienne.  Il  est  aisé  de  voir  qu'il  a 
débuté  par  relever  tous  les  passages  du  nouveau  Testament  où  figure  le 
mot  cuvci'oTjCiç,  besogne  facile  et  inutile;  le  reste  est  là  pour  l'œil  ;  le  tout 
est  peu  de  chose. 

III.  M.  de  Hartmann  abuse  du  droit  qu'on  a  de  parler  et  défaire 
parler  de  soi.  Il  expose  pour  la  vingtième  fois  ses  idées  en  matière  de 
théorie  de  la  connaissance,  sans  une  ligne  vraiment  nouvelle.  Il  va  de 
soi  que  cet  exposé  est  bien  fait;  il  faudrait  être  stupide  pour  ne  pas  finir 
par  être  parfaitement  maître  d'idées  qu'on  ressasse  depuis  vingt  ans. 

Lucien  Herr. 


171.  —  Séances  et  travaux  de  rAcadémie  des  sciences  morales  et  politiques 
(Institut  de  France.  —  Table  alphabétique  et  bibliographique  des  ma- 
tières et  des  auteurs  figurant  dans  les  i3o  premiers  volumes  du  compte-rendu, 
par  MM.  Henry  Vergé  et  P.  de  Boutarel,  sous  la  direction  de  M.  Jules  Simon, 
secrétaire  perpétuel  de  l'Académie.  Paris,  Picard,  1889.  in  8,  vu  et  3o8  p.  5  francs. 

On  saura  le  plus  grand  gré  à  MM.  Henry  Vergé  et  P.  de  Boutarel 
d'avoir  dressé  cette  Table  du  Compte-rendu  des  séances  et  travaux  de 
l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  Elle  est  à  la  fois  synthéti- 
que et  analytique.  Cherchez  un  mot  désignant  une  matière  et  vous 
trouverez  l'énumération  de  tous  les  auteurs  qui  en  ont  traité.  Cherchez 
le  nom  d'un  auteur,  et  vous  trouverez  tous  les  sujets  dont  il  a  entretenu 
l'Académie.  MM.  V.  et  de  B.  ont  même  groupé  sous  des  dénominations 
générales,  histoire,  morale,  administratioji,  statistique,  la  plupart  des 
documents  du  Compte-rendu  et  donné  aux  mots  concours,  discours,  let- 
tres, rapports  sur  les  concours,  les  titres  complets  de  toutes  les  espèces 
correspondantes  avec  les  noms  de  leurs  auteurs.  Ils  font,  en  outre,  figurer 
dans  leur  table  les  auteurs  d'ouvrages  dont  on  a  rendu  compte  à  l'Aca- 
démie, en  renvoyant  de  leurs  noms  au  nom  du  rapporteur.  On  conçoit 
l'utilité  de  cette  Table.  MM.  V.  et  de  B.  ont  naturellement  eu  soin  de 
donner  en  tête  du  volume  la  liste  des  abréviations  dont  ils  ont  fait 
usage  ainsi  que  la  concordance  des  volumes  et  des  années.  Ils  nous  di- 
sent que  la  présente  Table  n'est  que  la  mise  au  point  d'une  première 
édition  publiée  en  1873  par  M.  Charles  Vergé.  Mais  ils  ont  très  bien  et 
très  nettement  suivi  la  méthode  de  leur  devancier,  et  grâce  à  eux,  les 
travailleurs  pourront,  en  feuilletant  ce  livre,  trouver  aisément  tous  les 
renseignements  sur  les  séances  de  l'Académie  des  sciences  morales  et 
politiques  et  sur  les  sujets  si  divers  qu'a  traités  la  docte  compagnie  de 
1843  a  1888. 

G. 


28o  RrVTTF,    CRITIQUE    D'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

CHRONIQUE 


FRANCE  —  Sous  \e  ùtvc  Documents  inédits  pow  set-vii-  à  l'histoire  de  la  Révolution 
dans  la  Loire-Inférieure  (Vannes,  impr.  Lafolye,  i8qo.  In-8»,  i5  p.),  M.  André  Jou- 
BERT  a  publié  une  lettredu  Directoire  delà  Loire-Intérieure  au  ministre  de  l'intérieur 
Roland.  Cette  lettre  est  datée  de  juin  1792.  Roland  reprochait  aux  administrations 
leur  retard  à  accuser  réception  des  lois,  leur  négligence  à  publier  les  instructions, 
et  il  leur  demandait  des  renseignements  sur  l'état  du  département.  Le  Directoire  pro- 
teste contre  les  imputations  du  ministre  et  trace  un  tableau  très  intéressant  de  la  si- 
tuation critique  de  la  Loire-Inférieure  ;  les  causes  principales  des  difficultés  sont 
«  les  opinions  religieuses  et  l'assiette  des  nouvelles  contributions  ».  M.  Joubert  joint 
à  ce  document  une  lettre  du  citoyen  Haumont  relative  aux  prêtres  non  assermentés 
et  datée  du  7  germinal  an  V. 

ALLEMAGNE.  —  La  librairie  Hinrichs  nous  envoie  le  2«  fascicule  du  vol.  III  de 
la  8'  éd.  maior  du  Nouveau  Testament  de  Tischendorf,  publiée  sous  la  direction  de 
M.  C.  R.  Gregory  avec  le  concours  de  M.  Abbot.  Il  nous  est  difficile  de  parler  d'un 
livre  dont  nous  n'avons  qu'un  cahier  commençant  à  la  p.  441  et  dont  les  lo  pre- 
mières pages  sont  consacrées  à  des  rectifications  et  additions  aux  parties  précéden- 
tes. La  réputation  de  Tischendorf  ne  peut  que  gagner  à  être  soutenue  par  M.  Gregory, 
d'après  le  peu  que  nous  pouvons  en  juger.  Ce  fascicule  contient  la  notice  des  mss. 
en  minuscule  et  des  lectionnaires.  Un  3*  fascicule  complétant  l'ouvrage  paraîtra  dans 
l'année.  (Nouum  Testamentum  graece,  rec.  C.  Tischendorf;  edit.  octaua  maior.  Vo- 
lumen  lll,  Prolegomena  scripsit  C.  R.  Gregory  additis  curis  Ezrae  Abbot;  pars  al- 
téra, pp.  441-800.  In-80,   1890). 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séayice.  du  i g  mars  18 go. 

M.  Roman  communique  le  dessin  d'un  sceau  en  cire  rouge  de  Jean  Dolée,  avocat 
du  duc  d'Orléans  au  siège  de  Tours,  appendu  à  une  quittance  datée  du  21  septembre 
1418.  11  constitue  un  rébus,  car  le  type  est  composé  des  lettres  I  et  D,  d'une  aile  ,^ 
placée  entre  deux  E.  Il  en  rapproche  la  devise  du  dauphin,  fils  de  Charles  VI,  en 
l'honneur  de  sa  maîtresse  la  Cassinelle  ainsi  composée  un  K,  un  cygne  et  une  aile 
d'oiseau. 

M.  Durrieu  signale  dans  le  même  ordre  de  faits  une  devise  peinte  sur  les  marges  |j 
d'un  livre  d'heures  appartenant  à  la  Bibl.  nationale;  elle  consiste  en  une  aile  passée  '«1 
à  travers  une  couronne^qui  porte  écrite  les  mots  sans  et  ne  puis;  elle  doit  donc  se  lire  .;'j 
«  sans  elle  ne  puis  ».  \\ 

M.  Adrien  Lilanchet  présente  une  photographie  d'un  bas-relief  italien  qui  provient  '^j 
de  l'Italie  centrale  et  appartenant  à  M.  P.  Rattier.  11  représente  une  tête  vue  de  pro-  V 
fil  et  couverte  d'un  casque  dont  le  cimier  est  formé  d'un  dragon;  au-dessus  du  buste 
on  lit  :  P.  SCPIONl.  Ce  bas-relief  présente  une  grande  ressemblance  avec  un  mo- 
nument connu  sous  la  domination  de  Victoire  de' Florence.  M.  Blanchet  croit  de- 
voir rapprocher  ces  bas-rcliefs  de  certaines  têtes  casquées  du  recueil  Vallardi  attribué 
à  i'écolc  de  Léonard  de  Vinci. 

M.  Durrieu  donne  lecture  d'une  communication  de  M.  Grellet  Balguerie  au  sujet 
d'une  découverte,  faite  aux  environs  de  Saint-Aignan-en-Guès  (Loiret),  de  construc- 
tions anciennes  qui  paraissent  les  restes  d'un  cirque  ou  d'un  théâtre  romain. 

M.  Babelon  commence  la  lecture  d'un  mémoire  de  M.  de  Laigue,  consul  à  Cadix, 
sur  l'origine  phénicienne  de  cette  ville. 

M.  Mciwat  fait  une  communication  sur  un  fragment  d'inscription  antique  trouvé 
dans  la  maison  habitée  par  Pétrarque  à  Vaucluse. 

M.  Flouest  lit  une  lettre  de  M.  Counahaye  donnant  des  détails  sur  les  fouilles 
qu'il  a  entreprises  aux  environs  de  Suippes  :  des  restes  de  peintures  murales  impor- 
tantes ont  été  mises  au  jour  et  on  a  pu  enlever  une  peinture  représentant  une  bac- 
chante. La  villa  qui  contenait  ces  ornementations  devait  dater  du  m»  siècle. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Le  t'uy,  imprimerie  Marcliessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  3.3. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N"  15  -   14  avril  —  1890 


Sommaire  î  172-174.  Pxzzi,  Firdusi,  Le  Livre  des  Rois;  L'épopée  persane; 
Chrestomathie  persane.  —  175.  H.  Houssaye,  Aspasie,  Ciéopâtre,  Theodora.  — 
176.  Conrad  de  Hirschau,  Dialogue,  p.  p.  Schepss.  —  177.  Walther,  Science  ou 
chiistianisme.  —  178.  Viollet,  Histoire  des  institutions  politiques  et  adminis- 
tratives de  la  France,  I.  —  179.  (^hotard,  Louis  XIV,  Louvois,  Vauban  et  les 
fortifications  de  la  France  d'après  des  lettres  inédites  de  Louvois  adressées  à 
M.  de  Chazerat.  —  uSo.  Al.  Bertrand,  La  psychologie  de  la  doctrine  de  l'effort  et 
les  doctrines  contemporaines.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


172.  —  Italo  Pizzi  :  Firtluei.  11  libro  dei  Rei   poema  epico   recato  del  Persiano  in 
versi  italiani;  Torino,  Vincenzo  Bona,  8  vol.  in-12,   1886-1888. 

173.  —  lu'Epopea   t'ersiana,  e   la  vita  e  i  costumi   dei   tempi  eroici  di  Persia, 
Studi  e  ricerche;  Firenze,  tipografii  éditrice  di  L    Niccolai  ;  i  vol.  in-8,  1888. 

174.  —  Chi-estoniatliie  persane  avec  un  abrégé  de  la  grammaire  et  un  diction- 
naire; Turin,  Hermann  Lœscher,  i  vol.  in-8,  1889. 

M.  Italo  Pizzi,  professeur  à  l'Université  royale  de  Turin,  est  un  des 
représentants  les  plus  actifs  et  les  plus  brillants  de  la  jeune  école  orien- 
taliste d'Italie.  L'Italie,  dyns  le  renouvellement  des  études  orientales  et 
la  création  de  la  philologie  comparée,  qui  marque  ce  siècle,  a  donné 
à  la  science  deux  de  ses  plus  grands  noms  :  Amari  et  Ascoli.  Mais 
l'Italie,  comme  la  France,  n^a  guère  pu  citer  jusqu'à  présent  que 
de  ces  individualités  puissantes  et  créatrices,  mais  isolées,  qui  honorant 
leur  pays  sans  fonder  une  tradition  ni  laisser  une  école.  En  Italie, 
comme  en  France,  on  a  essayé  dans  les  quinze  dernières  années  de  sus- 
citer l'esprit  de  tradition  et  de  fonder  ces  écoles,  instrument  nécessaire 
de  la  recherche,  sans  lesquelles  Tesprit  de  la  science,  fût-il  représenté 
dans  un  pays  par  le  génie  le  plus  original,  reste  étranger  au  pays  même. 
Les  efforts  très  louables  que  nous  avons  faits  en  France  pour  créer  une 
tradition  scientifique  dans  l'ordre  des  études  orientales  et  philologi- 
ques, n'ont  pas  été  très  heureux  jusqu'à  présent.  Souhaitons  à  nos 
frères  d'Italie  un  meilleur  succès  :  Fortiinam  ex  aliis... 

Les  travaux  de  M.  Pizzi  sont  un  heureux  symptôme  dans  ce  sens,  et 
voici  trois  ouvrages  qui,  à  des  titres  divers,  méritent  d'être  connus  du 
public  de  la  Revue  critique.  Le  premier,  et  le  plus  considérable  par  le 
volume,  la  traduction  du  Livre  des  Rois^  est  certainement  celui  qui 
fera  le  plus  pour  rendre  populaire  en  Italie  le  nom  de  M.  Pizzi.  Il  y  a 
quelques  années,  quand  on  annonça  qu'un  jeune  savant  italien  entre- 
prenait une  traduction  en  vers  des  soixante  mille  distiques  du  Livre 
des  Rois,  il  y  en  eut  beaucoup  qui  hochèrent  la  tête  en  disant,  les  uns  : 
Nouvelle  série,  XXIX.  i5 


282  REVUE    CRITIQUK 

Cui  bono?  les  autres  :  A  quand  la  fin?  A  ces  derniers,  tout  d'abord 
M.  Pizzi  a  répondu  victorieusement  :  en  1886  paraissait  un  premiei 
volume  de  six  cents  pages;  sept  autres  de  même  taille  suivaient  régu]^ 
lièrement  de  quatre  en  quatre  mois,  et  1888  voyait  la  fin  de  la  colossale 
entreprise,  à  laquelle  M.  Mohl  avait  usé  quarante-cinq  ans  de  sa  vie 

sans  en  voir  la  fin. 

La  traduction  même,  naturellement,  avait  pris  plus  de  trois  ans  à 
faire.  Elle  avait  occupé  dix-huit  ans  M.  Pizzi,  mais  à  travers  bien  des 
vicissitudes  de  conception  et  de  style.  M.  Pizzi  était  encore  étudiant 
quand  il  se  mit  à  l'œuvre  et  publia  en  1868  dans  le  Rivista  Orientale 
l'épisode  de  Rustem  et  Akvân  ;  il  en  publia  à  diverses  reprises  de  nou- 
veaux épisodes,  en  1 877  (Raconti  epici  del  Libro  dei  Rei  di  Firdusi),  et 
en  1882  (Avventure  di  un  Principe  diPersia).  En  1882,  il  était  arrivé 
au  milieu  de  sa  tâche,  au  trente  millième  distique.  A  ce  moment,  il 
reconnut  qu'il  avait  tait  fausse  route  dans  la  méthode  suivie  et  que  tout 
était  à  refaire.  11  refit  tout.  Il  y  a  une  chose  phis  admirable  que  le  cou-  ^ 
rage  qui  entreprend  une  pareille  œuvre  :  c'est  l'héroïsme  qui  la  recoin-  i 
mence.  M.  Pizzi,  dans  ses  premiers  essais,  avait  suivi  la  décevante 
méthode  de  la  paraphrase  élégante.  Il  n'est  pas  toujours  facile  de  traduire 
fidèlement  un  Oriental  si  on  veut  le  rendre  intelligible  :  mais  si  pour 
être  compris  il  a  besoin  d'être  paraphrasé,  vous  pouvez  vous  épargner 
la  peine  de  le  traduire  ;  c'est  qu'il  ne  la  mérite  pas,  ou,  au  cas  le  plus 
favorable,  qu'il  n'a  rien  à  dire  à  vos  compatriotes,  et  en  ce  cas  laissons 
tranquilles  et  lui  et  eux.  Firdusi  n'est  pas  dans  ce  cas:  c'est  le  plus  tra- 
duisible  des  Orientaux  :  c'est  un  poète,  mais  c'est  un  conteur,  et  moins 
le  traducteur  s'interpose  entre  lui  et  nous,  mieux  nous  le  comprenons. 
C'est  en  général  la  méthode  qu'avait  suivie  M.  Mohl  qui,  il  est  vrai, 
traduisait  en  prose.  C'est  la  méthode  à  laquelle  s'arrêta  M.  Pizzi,  après 
avoir  traduit  tel  épisode  dans  trois  systèmes  différents. 

La  traduction  de  M.  Pizzi,  il  n'est  pas  besoin  de  le  dire,  intéresse  le 
public  lettré  italien  auquel  elle  est  destinée  plus  que  les  Orientahstes  en 
aénéral.  Nous  n'avons  qu'à  rendre  hommage  à  l'exactitude  de  la  tra- 
duction et  à  remercier  Fauteur  d'avoir  suivi  le  texte  de  Calcutta  plutô 
que  celui  de  Paris,  dont  nous  avons  déjà  la  traduction  complète.  Quan 
à  la  valeur  littéraire  de  sa  traduction,  il  y  aurait  impertinence  de  la  par 
d'un  étranger  de  Papprécier  ;  nous  nous  contenterons  de  laisser  parle 
un  juge  autorisé,  le  maître  de  la  poésie  italienne  contemporaine 
«  Uendécasyllabe  blanc,  écrit  Carducci,  conduit  selon  les  traditions  d 
l'école  classique,  s'y  déroule  correct,  sans  être  guindé,  digne,  varie  d  ir 
tonations  et  d'amplitude,  autant  que  le  permet  le  caractère  de  cett 
poésie  épique  et  orientale.  Au  large  courant  de  cette  poésie  la  Muî 
italienne  d'aujourd'hui  ne  ferait  pas  mal  d'aller,  ne  fût-ce  que  pour  ^ 
laver  les  pieds  de  l'eau  fangeuse  de  certains  ruisseaux  auxquels  elle  e 

habituée.  »  .  i-         -^   n'm 

Firdusi,  en  terminant  le  grand  œuvre  qui  avait  rempli  sa  vie,  n  01 


D'HISTOIRE    ET   DE   LITTERATURE  283 

bliait  pas  de  remercier  Ali  de  Dîlem,  qui  faisait  des  copies  de  son  poème 
(nassdkhj  et  Bû  Dolaf  qui  le  récitait  frâvi)  :  qu'aurait-il  dit  du  traduc- 
teur lointain  qui  devait  passer  vingt  ans  de  sa  vie  à  répandre  sa  gloire 
dans  un  siècle  et  chez  un  peuple  lointain  ?  A  tout  le  moins  eût-il  répété 
le  vœu  du  roi  Daius  :  «  Si  tu  lis  ces  textes  au  peuple,  qu'Ormuzd  te  soit 
ami!  » 

L'Epopea  Persiana  est  une  intéressante  introduction  à  la  traduction 
du  Livre  des  Rois.  Elle  se  compose  de  deux  parties  :  la  première  traite 
de  l'histoire  de  l'épopée,  la  seconde  de  la  vie  et  des  mœurs  des  héros  de 
Firdusi.    Dans  la  première  partie,  Fauteur  aborde  successivement   les 
origines  de  la  légende  épique,  dont  il  analyse  les  éléments,  éléments 
mythologiques  et  éléments  historiques.  11  reconnaît  très  justement  que 
les  divs  contre  lesquels  luttent  les  héros  ne  sont  pas  toujours  des  êtres 
surnaturels,  mais  les   races  barbares  aborigènes,  contre   lesquelles  la 
colonisation  aryenne  a  à  lutter,  les  dasyus  de  l'Iran  :  il  ne  faut  pas  les 
confondre  avec  les  Touraniens,  lesquels  représentent  une  forme  de  civi- 
lisation ennemie,  mais  organisée  et  reconnue  :  le  Touranien  est  l'étran- 
ger, ce  n'est  pas  le  barbare,  comme  les  Divs  de  Mazandéran.  M.  Pizzi 
distingue  aussi  dans  l'ensemble  de  l'épopée  des  cycles  indépendants  mal 
fondus  :  le  cycle  de  Féridun  et  de  Zohak  est  le  plus  ancien,  étant  encore 
engagé  dans  le  naturalisme  mythique.  Puis  viennent  le  cycle  du  Seistan 
(Sam,  Zal  et  Rustem  ^)  ;  le  cycle  de  Segsar  et  de  Mazandéran  ;  celui  de 
Syâvush  et  des  Goderzides;  celui  de  Khosru  et  d'Afrasyab;  celui  de 
Gushtasp  et  celui  d'isfendyar.  M.  Pizzi  met  bien  en  relief  l'indépen- 
dance de  ces  cycles,  dont  le  plus  important,  celui  du  Seistan,  semble 
avoir  été  primitivement  formé  dans  un  esprit  hostile  à  celui  du  cycle 
avestéen.  Comme  il  le  montre  bien,  le  cycle  de  Gushtasp,  qui  contient 
déjà  des  additions  si  récentes  (toute  l'histoire  de  ses  aventures  en  Rûni 
est,  au  moins  dans  sa  forme  présente,  imprégnée  d'éléments  grecs  et 
conçue  dans  Tesprit  du  pseudo-Callisthène  et  du  cycle  d'Alexandre); 
ce  cycle  de  Gushtasp,  même  dans  sa  partie  la  plus  essentielle,  la  lutte 
contre  Arjasp,  nous  transporte  dans  un  milieu  très  différent  de  celui  de 
Khosru  et  d'Afrasyab,  et  qui  semble  un  milieu  historique.  La  lutte 
n'est  plus  une  lutte  de  race  entre  Iran  etTouran;  Arjasp,  dansl'Avesta, 
n'est   jamais   appelé   Touranien    (Tura);  c'est   un    Hvyosna  :  ce  n'est 
pas  une  lutte  de  race,  c'est  une  lutte  de  religion  entre  les  adorateurs  de 
Mazda  et  les  adorateurs  des  Daêvas.  M.  Pizzi  observe,  comme  jadis 
M.  Spiegel,  que  dans  le  Shah  Nameh  Arjasp  est  dit  Pêghû  ni:{hâdi<.  ori- 
ginaire du  Pégou»,  ce  qui  ne  peut  guère  signifier  que  Bouddhiste.  La  lutte 
de  Gushtasp  contre  Arjasp  serait  donc  la  lutte  de  l'Iran  mazdéen  contre 
les  Bouddhistes   de  l'Ouest.    Elle  est  cela  certainement  dans  le  Shah 
Nameh:  l'est  elle  déjà  dans  l'Avesta  ?  Si  la  réponse  est  affirmative,  la 

I.  A  propos  du  nom  pehlvi  de  Rustem,  Ràdastdm,  observons  que  le  mot  peut  se 
lire  aussi  Rôdastalim,  ce  qui  rapproche  le  nom  de  Rustem  de  son  surnom  Tehem-tan  : 
Tehem-tan=  Takhmà-tanu  ;  Rustem  ^=  Raodas-taklima. 


284  REVUE    CRITIQOR 

date  de  cette  partie  de  TAvesta  se  trouve  fixée  au  plus  tôt  aux  derniers 
siècles  avant  Tère  chrétienne.  Nous  reviendrons  alors  sur  cette  question 
intéressante. 

De  la  Chrestomathie  persane,  nous  dirons  seulement  que  c'est  de 
toutes  lesChrestomathies  persanes  la  plus  séduisante  que  nous  connais- 
sions. M.  Pizzi,  qui  ne  séparé  pas  le  lettré  de  l'érudit,  a  rassemblé  dans 
son  livre  la  fleur  de  la  poésie  persane  (la  prose  y  est  assez  pauvrement 
représentée).  Il  a  fait  une  large  part  à  cette  admirable  poésie  des  Sama- 
nides  et  des  prédécesseurs  de  Firdusi,  dont  M.  Ethé  a  si  diligemment 
recueilli  les  fragments  trop  rares,  et  qui,  à  nos  yeux,  marque  l'apogée  de 
la  poésie  persane.  Une  traduction  de  cette  chrestomathie  ferait  une  an- 
thologie slire  de  charmer  les  lettrés  et  qui  devrait  tenter  M.  Pizzi  ', 


175.  —  Henri    Houssaye.    Aspasie,    tléopâtre,   Tliéodora.    Paris,    Calmann 
Lévy,  1890.  In-8  de  iii-336  p.  Prix  :  3  fr.  5o. 

Ce  livre,  écrit  avec  agrément,  se  compose  de  trois  essais,  dont  le  pre- 
mier et  le  troisième  ont  déjà  paru  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes.  Ils 
ont  pour  sujet  Aspasie,  Gléopâtre  et  Théodora  a  la  triade  des  grandes 
femmes  d'amour  des  temps  anciens.  »  Aspasie  est  dédiée  à  M.  Leconte 
de  Lisle,  Théodora  à  M.  V.  Sardou  et  Cléopâtre  à  M.  Alex.  Dumas 
«  qui  a  peint  Gléopâtre  en  ses  avatars  multiples,  depuis  Marguerite  Gau- 
tier )usqu''à  la  princesse  de  Bagdad  ».  Voilà  bien  des  dédicaces  académi- 
ques pour  un  court  volume! 

Le  principal  tort  de  M.  Houssaye,  c'est  de  broder  sur  les  textes  et  d'y 
ajouter  des  détails  imaginaires.  Ainsi  Plutarque  dit  que  Gléopâtre 
«  voyant  que  les  plaisanteries  d'Antoine  n'avaient  rien  que  de  commun 
et  qu'elles  sentaient  le  soldat,  lui  répondit  sur  le  même  ton,  sans  aucun 
ménagement  et  avec  la  plus  grande  hardiesse  ».  {Antoine,  c.  xxvni,  tr. 
Ricard).  —  Citons  maintenant  les  broderies  de  M.  Houssaye  (p.  123): 
e  Voyant  bien  que  les  façons  d'Antoine  étaientgrossières  et  brutales,  qu'il 
avait  la  plaisanterie  triviale  et  la  parole  fort  libre,  elle  se  mit  tout  de 
suite  au  même  diapason. ..  Elle  plaisantait  en  termes  cyniques,  chantait 
des  chansons  erotiques,  récitait  des  priapées.  Elle  se  querellait  avec  son 
amant,  provoquant  et  rendant  les  injures  et  les  coups.  Rien  ne  plaisait^ 
tant  à  Antoine  que  de  voir  cette  ravissante  petite  main  le  menacer  et  lej 
battre  et  de  retrouver  dans  cette  bouche  divine,  faite  pour  la  musique 
des  chœurs  de  Sophocle  ou  des  odes  de  Sappho,  des  mots  qu'il  avait  en- 
tendus dans  les  corps  de  garde  de  la  porte  Esquiline  et  dans  les  bouges 
innommables  de  Suburre.  »  M.  H,  se  fie  vraiment  trop  à  la  crédulité  de 
ses  lecteurs  lorsqu'il  ajoute   en  note  :  «  Cf.   Plutarque,  xxviii,   xxx.  >' 

I.  Il  est  regrettable  que  les  textes  soient  transcrits  en  caractères  romains;  c'est  ur 
mauvais  service  rendu  aux  débutants  et  un  mauvais  tour  joué  aux  autres.  11  n'y  a  pa: 
de  langue  où  une  transcription  romane  déroute  autant  qu'une  langue  écrite  dan; 
l'alphabet  arabe. 


d'histoire  kt  de  littérature  285 

Peut-être  à  côté  des  Plutarque  expurgés  que  l'on  connaît,  en  existe-t-il 
de  pimentés  que  M.  H.  connaît  seul. 

La  manie  de  broder  a  joué  d'autres  mauvais  tours  à  M.  Houssaye.  Il 
nous  parle,  à  la  p.  5 ,  d'une  troupe  d'éphèbes  où  se  trouvent  Aristophane, 
Conon  et  Thrasybule,  et  que  le  péripolarque  conduit  devant  l'autel 
d'Agraule  ;  mais  le  péripolarque  n'a  rien  à  voir  avec  les  éphèbes  du 
v"  siècle.  A  la  p.  7,  il  nous  montre  Aspasie  «  causant  philosophie  avec 
Anaxagore,  morale  avec  Socrate,  hygiène  avec  Hippocrate.  »  Ce  dernier 
trait  est  délicieux  :  l'imagination  de  M.  H.  lui  représente  Hippocrate 
comme  un  médecin  du  beau  monde,  discourant  microbes  aux  Jive 
o'clock  de  ces  dames.  P.  i33,  M.  H.  veut  nous  convaincre  que  Cléopâ- 
tre  était  vraiment  amoureuse  d'Antoine  pendant  les  trois  années  où  elle 
vécut  loin  de  lui  (3g-36  av.  J,-C.).  Aucun  texte  ne  l'affirme,  mais 
«  Shakespeare  le  dit  et  la  parole  de  ce  grand  peintre  du  cœur  humain, 
de  ce  génie  si  miraculeusement  compréhensif,  peut  bien  suppléer  sur  ce 
point  au  silence  d'un  Dion  Cassius  ou  d'un  Paul  Orose.  »  Le  choix  du 
nom  de  Paul  Orose  est  sans  doute  dicté  par  l'euphonie.  La  description 
du  palais  de  Cléopâtre  (p.  116)  est  d'une  exubérante  fantaisie,  où  les 
luxes  de  tous  les  temps  se  confondent  comme  dans  les  riches  ameuble- 
ments des  gens  sans  goût.  Quelquefois,  les  additions  de  M.  H.  ne  sont 
que  plaisantes.  11  nous  assure  (p.  7)  que  Périclès  baisait  au  front  As- 
pasie, quand  il  sortait  et  quand  il  rentrait,  mais  Plutarque,  qu'il  cite  en 
note,  se  sert  des  mots  àairâî^eaBai  et  vtaxaçiAsTv,  qui  ne  localisent  point  les 
tendresses  de  Périclès. 

Les  références  de  M.  H.  prêtent  encore  à  d'autres  critiques.  On 
trouve  des  renvois  comme  ceux-ci  :  «  Cf.  Hirtius  et  Appien  »  (p.  85). 
a  Pétrone,  Aulugelle  et  Athénée  passim  n  (p.  119).  M.  H.  n'est  pas 
heureux  non  plus  dans  ses  citations  d'ouvrages  modernes.  A  propos 
de  l'ostracisme  de  Damon,  après  avoir  indiqué  en  note  les  témoi- 
gnages anciens,  qui  signifient  seuls  quelque  chose,  il  ajoute  :  «  Para- 
dys,  De  ostracismo,  p,  52.  »  Ce  livre,  publié  en  1793,  ne  vient  ici 
que  pour  éblouir  les  lecteurs,  mais  il  est  certain  qu'il  ne  les  éblouira 
pas  tous.  Lorsque  M.  H.  cite  (p.  60)  :  t  Kiepert,  Topographie  der 
alten  Alexandrie  »,  il  prouve  qu'il  n'a  jamais  vu  la  couverture  d'un 
opuscule  dont  il  donne  si  inexactement  le  titre.  Mais  c'est  à  la  der- 
nière page  du  livre  qu'on  trouve  l'erreur  la  plus  amusante  où  soit 
tombée  l'érudition  de  M.  Houssaye. «  Tous  les  chroniqueurs,  Théophane, 
Cédrénus,  Paschal,  Zonare,  rapportent  à  la  disgrâce  subie  par  Bélisaire, 
etc.  ».  Ce  chroniqueur  Paschal  m'était  inconnu.  Comme  M.  H.  cite 
souvent  (sans  doute  de  seconde  main)  la  Chronique  Paschale,  je  conclus 
qu'il  a  attribué  cette  chronique  au  nommé  Paschal,  comme  les  poèmes 
homériques  à  Homère.  Tels  sont  les  dangers  de  l'érudition  d'emprunt. 

M,  H.  n'est  pas  bien  informé  de  ce  qui  touche  à  l'histoire  de  l'art. 
Parlant  du  buste  du  Museo  Pio  Clémentine  qui  porte  l'inscription  As- 
pasie^ il  écrit  (p.  32 1)  :  «  Le  buste  voilé  du  Vatican  appartient  à  l'art 


286  REVUE    CRITIQUE 

romain.  La  coiffure  et  rajustement  sont  purement  romains  ».  C'est  là 
une  complète  eneur,  mais  M.  H.  ignore  éi^alement  qu'un  buste  du  Lou- 
vre (n"  393)  et  un  autre  de  Berlin  (n»  266),  ont  été  considérés  avec  beau- 
coup de  vraisemblance  comme  des  portraits  d'Aspasie  (Bernoulli,  Arch. 
Zeit.,  1877,  P-  ^^)  ^-  P"^'^  '^  parle,  d'après  Gronovius,  d'un  «  camée 
représentant  une  Athéné  casquée  et  portant  Tinscription  'AaTriaou  ».  Or, 
d'abord,  ce  prétendu  camée  est  une  intaille;  en  second  lieu,  la  signa- 
ture 'Ac-act'cu  y  est  parfaitement  lisible  et  Brunn  a  montré  depuis  long- 
temps que  Gronovius,  en  donnant  la  lecture  fausse  'Aaxâaou,  a  simple- 
ment copié  Canini,  qui  avait  commis  cette  erreur  en  1 699.  On  est  étonné 
de  voir  M.  H.  qualifier  Aspasios  de  «  sculpteur  v,  mais  Tétonnement 
disparaît  quand  on  se  reporte  à  Sillig,  Catal.  artif.,  p.  100  (cité  par 
M.  H  ),  où  Aspasios  est  mentionné  comme  «  scalptor  gemmae  ».  La 
traduction  de  scalptor  par  sculpteur  est  certainement  peu  tieureuse. 

J'aurais  encore  bien  de  petites  erreurs  à  noter.  Cléopâtre  essaie  (p.  95) 
de  a  plaire  au  divin  Jules  »  ;  mais  Jules  ne  fut  divin  que  lorsque  per- 
sonne ne  pouvait  plus  lui  plaire,  La  femme  de  Ménippos  obtient  pour 
son  mari  «  le  grade  de  stratège  »  (p.  27)  ;  la  stratégie  n'est  pas  un 
«  grade  »,  mais  une  «  magistrature  »,  ce  qui  est  tout  différent.  Je  n'ai 
pas  compris  sans  peine  la  bévue  étrange  qui  fait  écrire  à  l'auteur  quel- 
ques lignes  plus  haut  :  «  On  accusait  la  Milésienne  de  faire  de  la  mai- 
son de  Périclès  un  véritable  diktérion,  rempli  de  courtisanes.  »  Dikté- 
rion  m'a  rendu  rêveur,  car  ce  mot  désigne  seulement  une  localité  de 
Samos  et,  dans  la  basse  grécité,  un  ambon.  Mais  M.  H.,  à  la  p,  6,  dans^ 
un  de  ces  tableaux  de  fantaisie  qui  lui  coûtent  si  peu,  avait  montré  «  les 
dictériades,  un  brin  de  myrte  entre  les  lèvres.  »  Or,  dans  un  seul  pas- 
sage d'Athénée,  dont  le  texte  est  peut-être  corrompu,  BearripiiBeç  paraît 
bien  signifier  courtisanes  (le  brin  de  myrte  est  dû  a  l'imagination  de 
M.  H.);  l'auteur  en  a  hardiment  conclu  que,  puisque  ozvAvripidq  = 'Kopr'q, 
oeixTYjpiov  peut  bien  signifier  xopvetov.  Et  voilà  comment  on  enrichit  le 
Thésaurus  d'Henri  Estienne  ^î 

Arrêtons-nous.  Quand  M.  Henri  Houssaye  voudra  de  nouveau  exer- 
cer sur  des  sujets  antiques  ses  incontestables  qualités  d'écrivain,  il  fera 
bien  de  changer  de  méthode,  de  se  méfier  des  connaissances  rapidement 
acquises  et  de  s'inspirer  de  M.  Gaston  Boissier  plutôt  que  de  Chaussard 
et  de  Jules  Janin. 

Salomon  Reinach. 


1.  L'analogie  de  ces  bustes  avec  celui  du  Vatican  est  incontestable;  M.  BernouUi 
a  d'ailleurs  eu  tort  de  révoquer  en  doute  l'authenticité  de  l'inscription  que  porte  ce 
dernier. 

2.  Les  fautes  d'impression,  surtout  dans  les  citations  grecques,  sont  inr.ombrables. 
Mais  il  n'y  a  pas  que  des  fautes  d'impression.  Nous  trouvons  Ly^bie  (p.  148) 
et  Lybique  {p.  5i);  Letronne  est  deux  fois  appelé  Letrone  (p.  328,  33o)  ;  !'«  aboyant 
Anubis  »  est  traduit  par  «  lairantis  Anubius  »  (p.  i35);  une  monnaie  de  Cléopâtre 
porte  K/c07râT/PK  /5st!ri).i5y.  (p.  325). 


Il 


^ 


d'histoire  et  de  littérature  287 

iy5.  —  Conrad!  Hirsaugiensîs  dialogus  isupei-  auctores  sive  Didas- 
calon.  Eine  Literaturgeschichte  aus  dem  XII  Jahrhundert,  erstmals  hisggb. 
V.  Dr.  G.  ScHEPSs.  Wûrzburg,  A.  Stuber,  1889,  in-8,  84  p. 

M.  G.  Schepss  publie  pour  la  première  fois,  d'après  un  ms.  de  Wûrz- 
burg, un  opuscule  du  moine  Conrad  de  Hirschau,  qui  vécut  environ 
de  1070  à  I  i5o.  Cet  opuscule  est  fort  intéressant  pour  l'histoire  de  l'en- 
seignement, de  la  connaissance  de  l'antiquité  et  de  l'état  des  esprits  au 
xii^  siècle.  C'est  un  dialogue  entre  un  maître  et  un  élève,  où  le  maître 
après  un  petit  cours  de  littérature  théorique  (sur  le  sens  des  mots  livre, 
prose,  rythme,  mètre,  etc.),  passe  en  revue  tous  les  auteurs  latins 
qui  formaient  alors  le  cycle  des  études  d'un  homme  instruit,  depuis 
Donat,  où  l'on  apprenait  la  grammaire,  les  distiques  de  Caton,  Esope, 
Avienus  où  l'on  apprenait  la  morale,  Sedulius,  Juvencus,  etc.,  où  l'on 
apprenait  les  éléments  de  la  religion,  jusqu'à  Cicéron,  Horace,  Virgile, 
Lucain,  etc..  Bien  que  la  connaissance  des  auteurs  latins  fût  bien 
incomplète  et  bien  défectueuse,  bien  qu'on  les  étudiât  tous  d'après  des 
règles  immuables  —  matière  de  l'œuvre  —  intention  de  l'écrivain  — 
profit  moral  de  la  lecture — Conrad  nous  apparaît  comme  un  esprit 
distingué  pour  son  temps  :  absolument  dévoué  aux  intérêts  de  la  foi, 
il  soutient  pourtant  avec  vivacité  l'utilité  de  l'étude  des  auteurs  pro- 
fanes. Un  point  que  M.  Schepss  a  bien  mis  en  lumière  dans  sa  préface 
et  dans  ses  notes,  c'est  l'usage  alors  constant  de  travailler  de  seconde 
main.  Conrad  s'appuie  indirectement  sur  Isidore  de  Séville,  directement 
sur  le  commentaire  (encore  inédit)  de  Théodule,  par  Bernard  d'Utrecht. 
Ainsi,  la  science  allait  sans  cesse  se  corrompant,  sans  qu'on  eût  l'idée 
de  la  renouveler  en  puisant  aux  sources. 

L'édition,  conforme  au  texte  du  ms.,  sauf  quelques  corrections  évi- 
dentes, paraît  faite  avec  soin. 

A.  Cartault. 


177-  —  "^.VUsenschaft  oder  Cliristentum?  Wer  denkt  schaerfer?  von  Dr.  Fr. 
Walther.  Stuttgart,  Kohlhammer,  1889;  in-12,  ii3  pages. 

L'auteur  de  cette  brochure  est  frappé  de  la  contradiction  qu'il  remar- 
que chez  les  libres  penseurs  entre  leurs  prétentions  philosophiques  et 
les  nécessités  de  l'action  pratique.  Il  y  a  là,  d'après  lui,  une  dualité  à 
laquelle  on  ne  saurait  échapper  que  par  un  retour  au  christianisme. 
Sans  être  complètement  dénué  d'intérêt,  cet  «  appel  »,  c'est  ainsi  que 
M.  Walther  le  désigne  lui-même,  ne  contient  rien  de  fort  nouveau.  Le 
ton  en  est  chaleureux,  mais  c'est  plutôt  celui  de  la  prédication  que  de  la 
discussion  scientifique. 

M.  V. 


288 


REVUE    CRITIQUE 


lyS.  —  Histoire  des  institutiontai  iiolitîqucs  et  ndminietratives  de  la 
Fi-anee,  par  Paul  Viollet.  T.  l.  Période  gauloise.  Période  gallo-romaine. 
Période  franque.  Paris,  Larose  et  Forcel,  iSuO. 

Depuis  que  l'histoire  du  droit  a  repris  faveur,  depuis  que  les  juris- 
consultes ont  recommencé  à  en  comprendre  l'importance  et  que  les 
historiens  se  sont  jetés  à  Tenvi  sur  les  institutions,  comme  s'ils  venaient 
de  découvrir  un  champ  neuf  à  défricher,  nous  avons  assisté  à  l'éclosion 
d'œuvres  de  toute   nature,  fort  inégales  de  mérite,  de  conception  fort  1 
opposées.    Beaucoup    de  jurisconsultes,  incomplètement    préparés    aux 
études  historiques,  n'ont  pas  su  se  défaire  d'habitudes  d'esprit  excellen- 
tes pour  étudier  les  législations  contemporaines,  dangereuses  pour  recons- 
tituer un  état  juridique  entièrement  dissemblable  du  nôtre.  Pour  eux,  le 
texte  est  la  base.  L'interpréter  suivant  les  règles  de  la  dialectique  d'école, 
le  concilier  avec  les  documents  contradictoires,  suppléer  à  ses  lacunes; 
par  des  arguments  afortiori  ou  a  contrario,  finalement  échafauder  unei 
théorie  qui  se  rattache  plus  ou  moins  étroitement  aux  théories   dites 
romaines  ou  germaniques,  tel  est  à  leurs  yeux,  le  rôle  de  Thistorien 
du  droit.    Les  historiens,  de  leur  côté,  s'imaginent  volontiers  que  le, 
droit  est  affaire  de  bon  sens,  qu'on  peut  traiter  des  anciennes  institu- 
tions de  la  France    sans   avoir   approfondi    les  législations  de  Tanti- 
quilé  grecque  ou  romaine  et  sans  être  apte,  dans  le  présent,  à  résoudiej 
la  moindre  question  juridique;  que  les  documents  pris  en  eux-mêmes 
donneront  leur  sens  naturel,  qu'enfin,  loin  d'avoir  besoin  d'un  bagage] 
juridique,  Thistorien  doit  se  féliciter  de  n'en  avoir  pas,  et  de  pouvoir: 
ainsi   décrire   le  passé  sans   préoccupation  d'école  et  sans  parti  pris. 
N'avons-nous  pas  vu  des  historiens  de  profession  le  prendre  de  haut 
avec  le  droit  et  les  jurisconsultes,  comme  si  ignorer  le  droit  était  la 
première  condition  requise  pour  traiter  de  son  histoire! 

Il  n'est  pas  ditïicile  de  montrer  combien  ces  deux  tendances  sont 
l'une  et  l'autre  funestes.  Le  jurisconsulte  ne  donne  pas  au  fait  la  place 
souvent  prépondérante  qui  lui  revient  dans  les  institutions  anciennes; 
il  ne  se  rend  pas  compte  que  le  texte  écrit  qui  nous  est  parvenu  a  par- 
fois été  lettre  morte  dès  l'instant  où  il  fut  édicté;  il  applique  à  l'étude 
de  l'histoire  des  procédés  qui  ne  sont  admissibles  que  pour  une  législa- 
tion positive  d'un  État  fortement  constitué.  L'historien,  à  son  tour,  s'il 
n'est  pas  doublé  d'un  jurisconsulte,  ou  bien  ne  parvient  pas  à  dégager  le 
droit  du  fait,  ou  bien  tombe  dans  des  méprises,  commet  des  contre-sens 
juridiques,  dont  il  est  le  seul  à  ne  pas  s'apercevoir,  qui  déparent  et 
faussent  les  œuvres  les  plus  éclatantes. 

Des  ouvrages  parus  depuis  une  vingtaine  d''années,  il  en  est  un  petit 
nombre  qui  échappent  à  ces  reproches,  qui  aient  réalisé  l'indispensable 
alliance  de  la  science  du  jurisconsulte  et  de  la  science  de  l'historien.  Les 
exemples  se  présenteraient  d'eux-mêmes  sous  ma  plume;  je  préfère  dire 
tout  de  suite  que  le  livre  de  M.  "Viollet,  dont  je  m'occupe,  de  même  que 
son  Précis  de  l'histoire  du  droit  français,  paru  en  1886,  consacrés, 


d'histoire  et  de  littérature  289 

celui-ci  aux  sources  et  au  droit  privé,  celui-là  au  droit  public,  rentrent 
dans  les  heureuses  exceptions.  C'est  dire,  mieux  que  par  des  formules 
élogieuses,  la  grande  estime  où  je  le  tiens;  c'est  donner  aussi  aux  criti- 
ques que  je  puis  avoir  à  faire  leur  vraie  signification  et  leur  Juste 
portée.  Elles  ne  sauraient,  dans  ma  pensée,  abaisser  le  rang  d'élite  que 
je  lui  assigne.  La  distinction  est  nécessaire,  on  la  néglige  trop  souvent. 
L'auteur,  dans  sa  préface,  expose  sa  conception  philosophique  de 
l'histoire  des  institutions.  Il  a  raison.  Il  nous  initie  ainsi  à  la  pensée 
maîtresse  qui  circule  à  travers  tout  l'ouvrage  et  en  unit  les  parties,  il 
nous  met  en  main  le  til  conducteur  qui  Ta  dirigé  lui-même  à  travers 
les  faits  et  les  lois.  Peut-être  seulement  nous  a-t-il  donné  deux  fils  au 
lieu  d'un.  Ramené  ,en  effet,  à  ses  termes  simples,  cet  exposé  renferme 
deux  séries  de  propositions,  ou  divergentes  ou  contradictoires.  Pour 
plus  de  clarté,  je  les  résume  et  les  mets  en  regard. 


PREMIERE   SERIE 

1 .  Toute  constitution  viable  d'un  peu- 
ple suppose  son  assentiment,  exprès  ou 
tacite.  C'est  donc  le  peuple  lui-même 
plus  que  la  forme  de  la  constitution 
qu'il  faut  étudier  (p.  i). 

2.  Tout  corps  de  nation  est  dans  un 
état  permanent  d'évolution  (p.  i-ii). 

3.  Cette  évolution  se  fait  suivant  des 
lois  nécessaires  qui  ont  leur  source  dans 
la  volonté  divine  (p.  ii-iii). 

4.  Donc,  l'assentiment  '  donné  par  un 
peuple  à  sa  constitution  n'est  qu'apparent 
ou  inconscient  (p.  ii-in). 

Donc  encore,  on  a  tort  d'attribuer  une 
action  profonde  à  des  individualités,  aux 
«  grands  hommes  »,  sur  la  formation  des 
institutions  (p.  vi). 

I.  N'est-ce  pas  ce  que  M.  V.  appelle 
ailleurs  la  souveraineté  du  peuple  ? 


DEUXIEME    SERIE 

I.  L'histoire  du  droit  s'efforce  de  dé- 
couvrir les  lois  qui  président  à  l'évolu- 
tion des  sociétés  (p,  u-iii). 


2.  Toute  société  naît,  grandit  et  meurt 
(P    V). 

3.  Les  lois  qui  président  à  cette  évo- 
lution sont  de  simples  hypothèses  (p. 
viit). 

4.  Les  deux  lois  principales  que  four- 
nit l'observation  des  sociétés  sont  :  une 
loi  de  division  progressive  du  travail  et 
des  fonctions,  et  une  loi  de  centralisa- 
tion progressive. 

Suivant  la  première,  les  fonctions  se 
multiplient  à  mesure  que  les  sociétés 
vieillissent,  aux  dépens  et  de  la  souve- 
raineté du  peuple  et  du  pouvoir  exécutif 
(roi  ou  président  parlementaire\  p.  iv-v  1. 

Suivant  la  seconde,  les  forces  se  con- 
centrent en  même  temps  que  les  fonc- 
tions se  divisent  (p.  v)  2. 

Le  point  où  ces  deux  lois  atteignent 
leur  maximum  d'intensité  correspond  à 
la  mort  des  sociétés. 


1.  Cela  veut  dire,  si  j'entends  bien,  que 
V administration  se  substitue  au  peuple 
et  au  roi,  considérés  comme  souverains. 

2.  L'administration,  en  d'autres  ter- 
mes, se  centralise  et  devient  omnipo- 
tente à  mesure  qu'elle  multiplie  ses 
rouages. 


290  REVUE   CRITIQUA 

Si  M.  V.  ne  s'est  pas  rendu  compte  de  la  contradiction  qui  règne 
entre  ces  deux  séries  de  propositions,  c'est,  qu'au  fond,  les  deux  conclu- 
sions auxquelles  elles  aboutissent  se  concilient  dans  son  esprit.  A  ses 
yeux,  l'Etat  qui  se  centralise  aussi  bien  que  l'homme  de  génie  qui  pré- 
side à  la  destinée  d'un  peuple  se  mettent  en  travers  des  lois  naturelles, 
des  lois  divines;  ils  ont  une  volonté  propre  qu'ils  entendent  substituer 
au  libre  jeu  de  ces  lois;  ils  sont  donc  des  rebelles  qui  fatalement  doi- 
vent être  brisés,  l'État  centralisé  entraînant  en  outre  dans  sa  perte  la 
société  entière.  Soit  dans  la  préface,  soit  dans  le  corps  de  l'ouvrage, 
M.  'V.  laisse  sur  ces  divers  points  entrevoir  clairement  sa  pensée. 

P,  VI  :  a  II  me  semble  parfois  que  quelques-uns  de  ces  «  grands 
«  hommes  »  doivent  une  partie  de  leur  vaine  gloire  aux  efforts  violents 
qu'ils  ont  faits  pour  lutter  contre  certains  phénomènes  historiques,  pres- 
que aussi  irrésistibles  que  les  phénomènes  physiques  ;  cette  lutte  inégale 
a  fait  leur  grandeur.  » 

P.  369  :  «  De  grandes  choses  se  peuvent  faire,  lorsqu'il  n'y  a  plus 
d'Etat  ou  presque  plus  d'État,  t 

P.  459  :  a  La  théorie  de  l'anarchisme  a  sa  part  de  vérité  ;  l'anarchie 
spontanée  est  vraiment  la  matrice  des  constitutions.  » 

P.  462  :  «  Qu'il  me  suffise  d'avoir  marqué  en  quelques  lignes  les 
grandes  choses  préparées,  sans  nul  effort  d^esprit,  par  ces  hommes 
grossiers  ..  que  ne  gênait  aucune  législation  encombrante,  aucun  Etat 
envahissant.  » 

P.  v  :  «  Cette  force  centrale...  envahissante  par  nature  comme  tout 
organisme  vivant...  absorbe  peu  à  peu  toutes  les  puissances  secondai- 
res... Plus  une  société  s'avance  vers  cette  centralisation  extrême,  plus 
elle  s'approche  du  terme  fatal,  de  la  mort.  » 

Ainsi,  les  grands  hommes  sont  des  obstacles  qui  contrarient  et  com- 
promettent l'évolution  normale  des  sociétés  politiques,  la  formation 
d'un  État  centralisé  est  une  maladie  inévitable  qui  paralyse  le  corps  ^j 
social  et  finit  par  le  détruire. 

Cette  double  conclusion  me  paraît  bien  contestable.  Et  d'abord,  ne 
serait-il  pas  surprenant  que  le  rôle  des  individualités  les  plus  fortes  fût 
précisément  le  plus  stérile?  Est-ce  là  une  conception  que  l'histoire, 
l'histoire  de  notre  droit  surtout,  suggère  ou  légitime?  Je  ne  le  crois  pas. 
Prenons  un  exemple.  M.  Y.  parlant  des  efforts  de  Charlemagne  pour 
endiguer  la  féodalité  et  rétablir  l'empire,  s'exprime  ainsi  : 

«  Endiguer  cette  féodalité  naissante  et  rétablir  l'empire  romain, 
c'était  une  pensée  politique  ;  c'était  une  de  ces  œuvres  grandioses,  telles 
que  les  conçoit  un  homme  de  génie  ;  ce  n'était  pas  un  de  ces  faits 
engendrés  d'eux-mêmes  par  les  nécessités  nouvelles  et  les  besoins  nou- 
veaux, nécessités  et  besoins  plus  puissants  que  les  plus  puissants  cer- 
veaux... Il  (Charlemagne)  fut  grand,  mais  son  œuvre  éphémère.  Il  passa 
comme  un  de  ces  astres  irréguliers  dont  l'apparition  imprévue  vient 
éclairer  inopinément  le  firmament  et  y  laisse  une  longue  traînée  de 


d'histoire  et  de  littérature  291 

lumière.  L'œuvre  échoua  »  (p.  256-257).  Ce  jugement  est-il  équitable? 
L'action  de  Charlemagne  a-t-elle  été  purement  négative,  son  rôle  éphé- 
mère et  de  simple  apparat?  S'est  il  borné,  comme  un  vain  météore,  à 
éblouir  les  yeux  du  monde  qu'il  a  traversé  et  de  la  postérité  lointaine? 
Qui  ne  voit,  au  contraire,  que  si  la  féodalité  a  pu  s'organiser  comme 
état  politique,  c'est  grâce  aux  cadres  que  Charlemagne  lui-même  lui 
avait  légués?  Qui  ne  voit  surtout  que  la  formation  des  nations  prend 
sa  source  dans  cette  puissante  fusion  qu'il  avait  tentée  et  dans  la  cohé- 
sion qu'il  a  donnée  aux  parties  à  défaut  du  tout?  N'est-il  pas  certain 
encore  que  le  prestige  qui  a  permis  aux  Capétiens  de  refaire  l'unité  de 
la  France,  c'est  en  grande  partie  dans  les  grands  souvenirs  laissés  par 
Charlemagne,  dans  les  grands  services  rendus  par  lui,  qu'ils  l'ont  puisé? 

Si  je  passe  aux  deux  lois  historiques  formulées  par  M.  V.,  je  cherche 
en  vain  leur  fondement  dans  la  marche  de  nos  institutions.  Sont-ce 
donc  les  fonctions  —  au  sens  politique  du  mot —  qui  se  sont  multipliées 
à  mesure  que  la  société  vieillissait  ?  Ne  sont-ce  pas  plutôt  les  besoins  et 
les  services  —  au  sens  économique?  Comment  soutenir  ensuite  que  la 
multiplication  des  fonctions,  c'est-à-dire  la  formation  d'une  administra- 
lion  complexe,  se  serait  faite  aux  dépens  soit  de  la  royauté,  soit  de  la 
souveraineté  du  peuple?  Enfin,  quant  à  la  loi  de  centralisation  pro- 
gressive (plus  exactement  de  concentration  des  pouvoirs  aux  mains  de 
l'Etat),  je  ne  saurais  souscrire  à  la  pensée  qu'un  Etat  centralisé  corres- 
pond nécessairement  à  un  état  de  décadence  de  la  société.  Sous  Tancien 
régime,  l'unité  féconde  de  la  France  ne  s'est  opérée  que  grâce  à  la  cen- 
tralisation, et  de  notre  temps  la  constitution  de  l'État  a  assuré  à  tous 
les  biens  inappréciables  de  la  sécurité,  de  la  tolérance,  du  respect  de  la 
liberté  individuelle,  du  bon  fonctionnement  de  la  justice,  biens  inconnus 
au  moyen  âge,  au  sein  de  cette  «  anarchie  spontanée  »  que  M.  V.  me 
semble  trop  regretter.  Sans  doute,  la  centralisation  excessive,  ou  mieux 
Textension  abusive  des  attributions  fondamentales  de  l'État,  pourrait 
anéantir  jusqu'à  ces  avantages  eux-mêmes,  mais  c'est  là  un  État  que  les 
socialistes  sont  seuls  à  rêver  aujourd'hui. 

Pour  résumer  cette  discussion  trop  longue,  j'indiquerai  en  quelques 
mots  la  conception  que  mon  esprit  se  forme  de  l'histoire  politique  :  elle 
mettra  davantage  en  lumière  les  points  qui  me  rapprochent  et  ceux  qui 
me  séparent  de  M.  "V". 

Je  suis  tout  disposé  à  reconnaître  que  la  charte  constitutionnelle  d'un 
peuple  n'est  que  le  vêtement  —  ou  trop  ample  ou  trop  serré  ou  exacte- 
ment ajusté  —  qui  recouvre  le  corps  politique;  que  c'est  le  corps 
lui-même  qu'il  faut  étudier,  dans  ses  organes  vitaux,  si  l'on  veut 
connaître  la  constitution  réelle.  Ces  organes  ont  leur  point  de 
départ  et  leur  aboutissant  dans  la  nature  humaine  :  ils  se  diversi- 
fient sous  l'influence  de  la  race,  du  climat,  des  événements  exté- 
rieurs, des  traditions,  et  sous  l'action  aussi  d'hommes  de  génie  qui 
reunissent  comme  en  un  faisceau  les  forces  de  leur  temps  et  font  accom- 


292  REVUE   CRITIQUE 

plir  à  la  société  ce  que,  dans  l'ordre  des  phénomènes  physiques,  on  a 
appelé  un  saut  de  la  nature.  —  L'expression  «  lois  historiques  »  ne  cor- 
respond qu'à  une  relation  de  cause  à  effet;  elle  sert  à  constater  que  les 
mêmes  actes  entraînent  les  mêmes  conséquences;  de  sorte  qu'en  se 
plaçant  à  un  point  de  vue  élevé  ces  «  lois  »  pourraient  se  ramener  toutes 
à  ce  commun  principe  :  la  violation  des  préceptes  de  la  morale  a  sa 
sanction  aussi  nécessaire  et  aussi  logique  que  la  violation  des  lois  de 
l'ordre  physique.  —  Le  côté  philosophique  du  rôle  de  l'historien  con- 
siste à  suivre  à  travers  Timmense  multiplicité  des  faits  et  des  institu- 
tions, des  sentiments  et  des  idées,  ces  rapports  de  cause  à  effet,  dont  le 
retour  périodique,  dans  des  conjonctures  semblables,  éclaire  la  route  de 
Phumanité. 

Je  reviens  à  l'ouvrage  de  M.  V.,  pour  l'examiner  plus  en  détail. 
M.  V.  y  donne  place  à  une  théorie  qu'il  a  développée  récemment 
devant  l'Académie  des  inscriptions  et   belles  lettres.    La  succession  au 
trône  se  serait  réglée  chez  les  Francs  d'après  un  mode  spécial  qu'il 
appelle  tanistry,  nom  sous  lequel  il  pense  l'avoir  retrouvé  dans  l'an- 
cienne Irlande.  Ce  régime  successoral  consiste  dans  l'exclusion  des  des- 
cendants par  les  collatéraux.  Je  ne  connais  pas  le  mémoire  de  M.  V.  ; 
il  n'a  pas  été  publié;  mais  le  résumé  qu'il  en  donne  ne  me  convainc 
pas,  et  je  m'en  tiens  à  l'opinion  ancienne  de  Lehuërou.  Cette  opinion 
n'a  pas  été  exactement  rapportée  par  M.  V.  (p.  247,  note  2).  Lehuërou 
ne  parle  pas  seulement  d'absence  de  représentation,  il  ne  rapporte  pas 
seulement  les  textes  qu'il  cite  au  partage  de  la  succession  d'un  auteur 
commun.  Au  contraire,  il  a  fort  bien  vu  que  les  frères  l'emportent  tout 
aussi  bien  sur  les  fils   de  leur  frère  prédécédé  dans  la  succession  de 
celui-ci.  Voici  ses  propres  termes  :  «  Cette  prétention  des  frères  au  par- 
tage exclusif  de  la  succession  de  leur  frère  était  très  conforme,  et  à 
l'esprit  général  des  institutions  germaniques,  et  aux  passions  du  cœur] 
humain  1.  »  Mais  Lehuërou  considère  que  c'est  là  un  état  de  fait  plutôt 
que  de  droit  :  «  Il  semblerait,  dit-il,  que  le  préjugé  populaire  fût  en 
faveur   des  oncles,  uniquement  parce  qu'ils  étaient  plus  forts  et  plus 
capables,  et  que  dans  tous  les  cas  la  question  dépendît  moins  du  droit 
que  des  circonstances  ~.  »  Je  crois  de  même  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  d'une 
succession  de  plein  droit.  Remarquez,  en  effet,  que  pour  régler  la  suc- 
cession au  trône  l'élection  se  combine  toujours  avec  l'hérédité.  Il  fal- 
lait être  à  la  iois parent  et  élu.  Dans  de  telles  conditions,  il  est  naturel 
qu'on  ait  donné  la  préférence  au  plus  apte,  que  le  collatéral,  puissant 
guerrier,  l'ait  emporté  sur  le  fils  en  bas  âge  ou  de  moindre  valeur,  et 
cela  d'autant  plus  que  la  cohésion  de  la  famille  primitive,  la  solidarité 
étroite  qui  en  unissait  tous  les  membres  sans  distinction  reléguait  à 
l'arrière-plan  la  proximité  des  degrés.  En  somme,  les  fils  n'étaient  pas 
primés  en  droit  par  leurs  oncles,  pas  plus  qu'ils  ne  les  primaient  d'une 

1.  Lehucrou,  Institutions  carolingiennes,  p.  104. 

2.  Ibidem. 


d'histoire  et  de  littérature  293 

façon  absolue.  Seulement,  en  fait,  les  oncles  avaient  dans  la  pluralité 
des  cas  l'avantage  de  l'âge  et  de  la  puissance  acquise  et  l'emportaient 
ainsi  sur  leurs  neveux.  Le  texte  de  Grégoire  deTours,  que  M.V.  allègue 
et  qu'il  déclare  «  le  plus  probant  en  faveur  de  l'idée  de  tanistry  ■»,  loin 
d'appuyer  son  système,  confirme  ce  que  je  viens  d'énoncer;  car  la  rai- 
son décisive  qui  légitimait  la  cause  de  Gondoald  à  ses  propres  yeux  et 
aux  yeux  de  ses  partisans,  c'est  qu'il  était  le  seul  qui  fût  en  état  de  gou- 
verner le  royaume  :  «  Qui  regnum  ilium  regcre possit  1.  » 

Un  problème  d'une  grande  importance  historique  —  l'origine  des 
communes  —  est  abordé  dans  ce  volume.  Ici  encore,  je  ne  puis  me  ral- 
lier à  l'opinion  de  M.  V.  Il  faut  citer  : 

«  Dans  plusieurs  de  ces  petits  milieux  francs  primitifs,  les  pacages 
sont  communs,  la  forêt  commune,  les  eaux  communes  et  le  nouveau 
venu  y  aura  sa  part  :  il  faut  donc  qu'il  soit  autorisé  par  tous  à  la  rece- 
voir. N'est  il  pas  évident  que  ces  biens  communs  nécessitent  quelques 
mesures  communes,  un  certain  ordre,  une  certaine  réglementation  ?  Il 
suffit  enfin  d'un  peu  de  réflexion  pour  apercevoir  d'autres  intérêts  col- 
lectifs... Si  l'on  entend  par  commune  la  représentation  permanente  et 
organisée  d'un  groupe  local,  ce  ne  sont  point  là  des  communes  :  mais 
si  on  songe  que  cette  représentation  permanente  n'a  pas  d'autre  objet 
que  celui  d'assurer  le  bon  fonctionnement  de  l'activité  locale,  on  s'aper- 
çoit que  chez  ces  Francs,  l'activité  locale,  la  liberté  locale  que  la 
commune  aura  pour  objet  de  protéger  et  de  sanctionner,  existe  déjà  .. 
Le  mouvement  communal  sera  donc,  au  xi"  et  au  xii^  siècle,  un  réveil, 
une  renaissance  plutôt  qu'une  naissance,  une  organisation  plutôt  qu'une 
création  »  (pp.  3i3->3i4).  M.  V.  ajoute  qu'à  côté  de  ces  sortes  de  com- 
munes franques,  les  municipalités  romaines  se  sont  conservées  un  cer- 
tain temps  comme  un  doublet  (pp.  3 14-31  5),  mais  qu'elles  ont  perdu 
successivement  toute  réalité  objective  et  sont  devenues  de  vains  fantô- 
mes. C'est  donc  la  commune  franque  qui  l'emporte  et,  par  surcroît,  elle 
donnera  jusqu'à  son  nom  à  la  commune  du  moyen  âge,  car  ce  nom 
(le  neutre  «  commune  »,  dans  le  sens  à'ordo  et  plebsj,  ne  le  trouve-t-on 
pas  dès  le  vii^  siècle  dans  une  formule  de  Marculf  ?  (p.  3 18). 

J'ai  d'abord  des  réserves  à  faire  sur  l'exisience,  à  l'époque  franque, 
d'une  propriété  commimale  des  forêts,  des  pacages  et  des  eaux.  Je  touche, 
je  le  sais,  à  une  question  épineuse  qui  passionne  et  obsède  les  érudits  mo- 
dernes, qui  a  fait  couler  des  flots  d'encre,  sans  que  la  source  paraisse  près 
de  tarir.  Je  ne  m'y  engagerai  pas  avant.  Je  veux  rendre  attentif  à  ce  seul 
point  qu'on  a  été  beaucoup  trop  prompt  à  admettre  l'existence  des  biens 
communs,  qu'on  a  trop  souvent  considéré  comme  tels  des  biens  non  ap- 
propriés, des  res  nullius  La  méprise  était  d'autant  plus  facile  que  la  ter- 
minologie romaine  qui  a  servi  pour  la  rédaction  des  lois  germaniques  s'y 
prêtait  mieux.  Les  Romains  appelaient  res  commîmes  les  choses  indi- 


i.  Grégoire  de  Tours,  VII,  36,  (Edit.  Arndt  (i885},  p.  317.) 


2g4  REVUE   CRITIQUE 

vises,  soumises  à  une  propriété  collective  ^,  et  res  omnium  communes 
les  choses  livrées  à  l'usage  de  tous,  placées  hors  du  commerce  -,  en 
d'autres  termes  n'appartenant  à  personne,  tout  en  pouvant  sous  de  cer- 
taines conditions,  être  Tobjet  d'une  détention  à  titre  précaire  3,  C'est 
pour  avoir  perdu  de  vue  cette  distinction  qu'on  a  cru  apercevoir  des 
forêts  communes  là  où  il  n'y  avait  en  réalité  que  des  forêts  livrées  à 
l'usage  de  tous.  Ainsi  le  texte  même  de  la  loi  des  Ripuaires  cité  par 
M.  V.,  p.  3 19,  note  2,  qui  paraît  au  premier  abord  ne  pouvoir  désigner 
qu'une  torêt  indivise^  peut  fort  bien  s'appliquer  à  une  forêt  non  appro- 
priée. Comme  le  démontre,  en  effet,  le  rapprochement  avec  la  loi  sali- 
que  •',  il  ne  faut  pas  lire  :  «  Si  quis  Ribuarius  in  silva  communi  seu 
régis  vel  alicitjus,  locata  materiamen,  etc.;  »  mais  :  «  Si  quis  Ribuarius 
in  silva  communi  seu  régis,  vel  alicujus  locata  materiamen  vel  ligna 
fissa  abstulerit.  «  Le  texte  tout  entier  vise  manifestement,  au  lieu  d'une 
atteinte  à  la  propriété  foncière,  collective  ou  privée,  une  soustrac- 
tion d'un  objet  mobilier,  acquis  par  occupation  ou  droit  d'usage.  A  plus 
forte  raison  ne  saurait-on  considérer  comme  forêt  commune,  dans  le 
sens  de  forêt  coynmunale,  une  forêt  simplement  désignée  :  «  invia  et 
inculta  »  -K 

Ces  réserves  faites,  je  reconnais  qu'il  y  avait  dans  les  «  petits  milieux 
francs  »,  groupes  ruraux  ou  même  urbains,  des  intérêts  matériels 
communs  qui  ont  pu  donner  naissance  à  une  organisation  collective 
rudimentaire,  mais  de  là  à  une  assimilation  avec  les  communes  des 
xi^  et  xii«  siècles,  de  là  à  pouvoir  dire  que  «  chez  ces  Francs  l'activité 
locale,  la  liberté  locale  que  la  commune  aura  pour  objet  de  protéger  et 
de  sanctionner,  existe  déjà  »,  la  distance  est  grande.  J'ignore  ce  qu'était 
au  vue  siècle  la  liberté  locale,  mais  je  sais  que  la  raison  d'être  essen- 
tielle de  la  commune  du  moyen  âge  a  été  la  fixation  des  redevances  et, 
des  services  que  les  habitants  des  villes  devaient  à  leurs  seigneurs  et 
l'admission  de  la  collectivité  urbaine  dans  la  hiérarchie  féodale.  Or,  je 
le  demande,  quel  rapport  peut-il  y  avoir  entre  une  pareille  institution 
et  le  groupement,  basé  sur  une  exploitation  rurale  ou  sur  une  certaine 
justice  locale,  que  l'on  entrevoit  à  l'époque  franque?  Ce  groupement 
même  a-t»il  pu  persister?  Cela  me  semble  inconciliable  avec  la  transfor- 
mation profonde  qui  s'est  opérée  dans  la  société  à  partir  de  la  fin  du 
ixe  siècle.  Les  droits  et  les  redevances  se  sont  depuis  lors  non  seulement 

1.  Res  communis  (L.  i,  Communi  dividundo,  10,  3),  Ager  communis  [h.  6,  De 
aqua  et  aquœ  pluv.  ave,  3o,  3),  Aedes  communes  (L.  18,  §  5,  De  damno  infecta, 
39,  2),  etc.. 

2.  «  Naturali  jure  omnium  communia  sunt  illa  :  aer,  aqua  profluens  et  mare,  et 
per  hoc  littora  maris  »  (L.  2,  g  i,  De  divisione  rerum,  8,  i). 

3.  L.  5o,  De  acquit-,  ver.  dam.  41,  i,  L.  3,  g  i,  g  4,  A^e  quid  in  loc.  publ.,  43,  8, 
etc. 

4.  Lex  Salica  tit.  XXVII,  cap.  i5  (col.  i54.  Édit.  Hesselsl  :  «  Si  quis  in  silva  ma- 
terium  alterius  concapuiaverit  ».  Cap.  16  :  «  Si  qu's  materium  alienum, ..  » 

6.  Je  fais  allusion  à  un  texte  cité  par  M.  V.,  note  2,  p.  3 19. 


d'histoire  et  de  littérature  295 

multipliés,  mais  morcelés  et  divisés  à  tel  point  que  dans  un  village  ou 
un  bourg  autant  il  y  avait  d'hommes  ou  de  maisons,  autant  il  pouvait 
V  avoir  de  droits  dûs  à  des  maîtres  différents. 

Voilà  pour  le  fond.  Quant  à  la  terminologie,  le  mot  «  commune  », 
dans  la  formule  de  Marculf  1  (à  supposer  qu'il  se  rapporte  aux  pétition- 
naires et  non  au  seigneur  sollicité),  a  un  sens  tout-à-fait  archaïque  et 
romain.  Il  ne  désigne  pas  la  ville;  il  ne  peut  désigner  que  le  diocèse  ou 
bien  la  province  ecclésiastique.  Qu'était  en  effet  le  «  commune  »,  le 
xoivôv  sous  les  empereurs  romains?  un  district,  une  circonscription  ayant 
un  centre  religieux  et  un  sacerdos  provinciœ  élu.  Quoi  de  plus  naturel 
dès  lors  que  le  nom  ait  passé  à  la  province  ou  au  diocèse?  Ne  voit-on 
pas  au  XI*  siècle  encore,  quand  les  associations  de  la  paix  se  constituent, 
le  même  mot  «  commune  »  reparaître  pour  désigner  l'association  du 
diocèse? 

La  formule  de  Marculf  ne  peut  donc  s'entendre  d'une  commune 
urbaine,  et  j'ajoute  que  la  diversité  des  acceptions  que  les  mots  com- 
munio,  commun,  etc.,  ont  eues  au  moyen  âge  doit  mettre  en  garde  contre 
toute  assimilation  basée  sur  une  similitude  de  nom.  Dans  les  chansons 
de  geste,  par  exemple,  il  arrive  que  //  communs  désigne  l'ensemble  des 
chevaliers,  vassaux  d'un  même  seigneur,  réunis  en  un  même  lieu  ^. 
Cherchera-t-on  là  une  corrélation  quelconque  avec  la  commune? 

En  ce  qui  concerne  les  municipalités  romaines,  je  pense,  comme 
M.  V.,  que  leur  vitalité  du  ix<=  au  xii^  siècle  n'est  pas  prouvée.  Par  contre, 
je  doute  fort  qu'on  puisse  les  considérer  avant  cette  époque  comme  un 
doublet  des  groupes  communaux  d  origine  franque.  Là  où  ces  groupes 
se  sont  organisés,  ils  ont  dià  se  substituera  la  municipalité  romaine; 
ailleurs  celle-ci  a  subsisté  seule.  Il  y  aurait  donc  eu  non  pas  juxtaposi- 
tion dans  les  mêmes  lieux,  en  une  même  région,  mais  existence  simul- 
tanée en  des  lieux  fort  distants.  En  d'autres  termes,  M.  V.  ne  me  paraît 
pas  avoir  tenu  un  compte  suffisant  de  la  diversité  profonde  que  devaient 
présenter  les  diverses  régions  de  la  France. 

Je  pourrais  facilement  relever  d'autres  passages  du  livre  où  je  m'écarte 
des  opinions  de  l'auteur.  De  pareilles  divergences  sont  inévitables  en 
un  si  vaste  sujet,  et  il  ne  saurait  être  question  de  les  signaler  toutes.  Je 
terminerai  par  une  observation  d'un  caractère  plus  général.  M.  V.  me 
semble  procéder  trop  souvent  par  indication  ou  groupement  de  détails, 
curieux  mais  secondaires,  au  lieu  de  tracer  les  grandes  lignes  des  insti- 
tutions à  l'aide  de  leurs  éléments  essentiels.  La  généralisation,  faute 
d'une  assise  assez  large  et  fortement  cimentée,  tourne  alors  au  vague  et 
à  l'image  3.  On  a  l'impression  qu'on  est  resté  à  la  surface,  qu'on  n'a  pas 

1.  Marculf,  I,  7,  p.  47  (éd.  Zeumer). 

2.  Li  Romans  de  Garin  le  Loherain,  I,  p.  72  (Éd.  Paulin  Paris). 

3.  Voici,  par  exemple,  en  quels  termes  il  résume  l'influence  exercée  par  le  droit 
franc  sur  le  développement  de  nos  institutions  :  «  En  s'agrandissant  et  en  s'élar- 
gissant,  ce  peuple  conservera  le  souvenir  de  son  passé  :  il  y  restera  fidèle  dans  une 


2g6  REVUE   CRITIQUE 

pénétré  suffisamment  dans  les  entrailles  du  sujet.  Ce  n'est,  sans  doute, 
qu'une  apparence  produite  par  un  excès  de  critique  et  d'analyse;  néan- 
moins comme  elle  peut  nuire  à  la  puissance  de  pénétration  de  Touvrage, 
je  la  signale  à  l'auteur,  il  réussira  d'autant  plus  facilement  à  s'y  soustraire: 
dans  le  second  volume,  qu'il  y  a  réussi  déjà  dans  certaines  parties  de 
celui-ci,  dans  le  chapitre  3  du  livre  III,  notamment,  intitulé  VEglise, 
qui  est  excellent. 

Je  viens  de  m'acquitter,  en  toute  franchise,  de  ma  tâche  de  critique.] 
Je  n'ai  plus  qu'à  rappeler,  en  le  complétant,  le  jugement  d'ensemble] 
que  j'ai  porté  au  début  de  cet  article.  Je  le  formulerai  ainsi  :  par  Téten-j 
due  et  la  sûreté  de  l'érudition,  par  la  richesse  de  la  bibliographie,  pari 
rétroite  alliance  du  droit  et  de  l'histoire,  le  livre  de  M.  Viollet  est  une, 
œuvre  de  grand  mérite,  une  œuvre  digne  de  la  science  contemporaine. 

Jacques  Flach. 


Notes  communiquées  par  M.  Viollet. 

Six  mois  après  la  publication  d'un  ouvrage,  il  est  facile  de  se  critiquer^ 
soi-même,  quand  on  a  causé  avec  quelques  amis  et  qu'on  a  continué  àj 
lire  et  à  travailler.  Voici  quelquescorrections  : 

—  P.  365  (chapitre  De  l'église),  j'ai  écrit  :  «  Un  de  ses  disciples,  (uni 
disciple  de  saint  Benoît),  saint  Maur,  avait  créé  en  Gaule,  vers  544,  U 
monastère  qui  fut  connu  sous  le  nom  de  Saint-Maur-sur-Loire  ».  De-j 
puis  que  Roih  a  soumis  à  un  sérieux  examen  critique  la  vie  de  saini 
Maur,  il  est  devenu  difticile  de  maintenir  cette  tradition.  Il  convient  doncj 
d'efîacer  ces  lignes  malencontreuses. 

—  p.  293,  note  I,  je  discute  la  question  de  savoir  si,  comme  le  pens 
M.  Fustel  de  Goulanges,  la  préfecture  des  Gaules  avait  disparu  avantj 
l'arrivée  des  Francs.  Il  ne  reste,  ai-je  dit,  aucune  place  à  une  déforma-*] 
tion  dont  les  Barbares  ne  seraient  pas  la  cause.  Fort  bien.  Mais  j'ai  omis-^'j 
de  citer,  parce  que  je  ne  le  connaissais  pas,  un  texte  décisif  qui  prouve 
que,  longtemps  après  l'arrivée  des  Francs,  l'empire  prétendait  toujours 
avoir  en  Gaule  un  préfet  du  prétoire.  En  effet,  en  529,  un  certain  Libe- 
rius  prenait  encore  ce  titre.  Le  préfet  du  prétoire  des  Gaules  de  l'an  Sa^l 
aurait  dû  aussi  être  mentionné  dans  le  chapitre  ou  j'énumère  les  traces 
de  certaines  fonctions  impériales  dans  les  Gaules  après  476  (pp.  190-193)^ 
Il  est  clair  que  notre  Liberius,  préfet  du  prétoire,  devait  être  rapproché 
de  Syagrius  qui,  en  587,  reçut  le  titre  de  patrice  des  Gaules  (p.  192). 

—  P.  467.  Ce  qui  a  été  dit  sur  la  croyance  à  la  fin  du  monde  vers  l'an 
mil  est  incomplet,  parce  qu'on  n'a  pas  mentionné  le  point  de  départ  re- 
ligieux de  ces  préoccupations. 

certaine  mesure,  car  la  conscience  populaire  est  éminemment  conservatrice;  c'est  un 
tre'sor  de  traditions.  Elle  forme  un  puissant  véliicule  qui  charrie  lentement  les  idées, 
et  aujourd'hui  encore  nous  les  voyons  passer,  ces  idées,  à  travers  les  protocoles  et 
les  formules.  Sauver  ainsi  le  moule  de  l'idée,  l'enchâsser  comme  un  dépôt  sacre, 
c'est  agir  très  sagement,  car  ce  dépôt  sera  peut-être  la  semence  de  l'avenir  »  (p.  291). 


d'histoire  et  de  littérature  297 

—  p.  447,  on  lit  :  «  On  est  devenu  cavalier,  ou,  du  moins,  on  a  ac- 
quis la  possibilité  d'être  cavalier,  en  achetant  un  fief  militaire;  dès  lors, 
en  acquérant  ce  fief,  on  s'est  anobli.  «  Au  lieu  de  me  contenter  d'un 
renvoi  au  Droit  privé,  j'aurais  dû  mentionner  ici  les  anoblissements 
plus  lents,  les  anoblissements  à  la  tierce  foi. 

P.  V. 


i^g.  —  Louis  XIV,  Louvois,  Vaiiban  et  les  fortifications  de  la  France  d'après 
des  lettres  inédites  de  Louvois  adressées  à  M.  de  Gh-izerat,  par  H.  Chotard. 
Paris,  Pion,  1890.  Ia-8,  298  p. 

Il  eut  mieux  valu  intituler  ce  livre  M.  de  Cha^erat  et,  selon  l'usage 
du  jour,  ajouter  en    sous-titre  «   un  collaborateur  de   Vauban  «,   ou 
encore  «  un  ingénieur  au  temps  de  Louis  XIV  »    ou  quelque  chose 
d'approchant.   M.  Chotard  a  mieux  aimé  mettre  en  tête  de  son  livre  les 
grands  noms  de  Louis  XIV,  de  Louvois  et  de  Vauban.  Mais,  au  fond, 
il  ne  nous  retrace  que  l'existence  d'un  officier  du  génie.  Cet  officier, 
M.  de  Chazerat,  capitaine  d'infanterie  et  en  même  temps  qualifié  de 
major  et  de  directeur  des  fortifications,  fut  employé  un  instant  à  Brisach 
et  à  Belfort,  mais  il  passa  presque  toute  sa  vie  d'ingénieur  dans  la 
Flandre;  il  fortifia  Dunkerque,  Gravelines^  Ypres;  il  avait  des  défauts, 
des  «  emportements  »,  et  Louvois  lui  reprochait  de  n'être  pas  suffisam- 
ment sociable  (pp.  29-30);  toutefois,  il  rendit  de  grands  services  que  le 
ministre  sut  apprécier.  M.  C.  a  retrouvé  la  correspondance  de  Louvois 
avec  Chazerat  :  il  l'analyse  dans  le  présent  volume  et  en  communique 
d'intéressants  extraits;    il  montre  tout  le  travail  qu'exigeait  l'établisse- 
ment d'une  place  forte;  il  fait  l'histoire  de  la  construction  de  Dunker- 
que, de  Bergues,  de  Gravelines  et  surtout  d'Ypres.  On  lui  rendra  cette 
justice,  qu'il  n'a  pas  surfait  son  héros  ;  il  loue  Vauban,  Louvois  et  par- 
ticulièrement Louis XIV.  Mais  n'a-t-il  pas  exagéréré  les  mérites  du  roi? 
Il  assure  que  Louis  ne  s'est  jamais  trompé  dans  ses  choix  (pp.  5y-6o). 
Et  Villeroy?  11  affirme  que  Louis  connaissait,  par  un  travail  assidu  de 
chaque  jour,  les  affaires   de  son  royaume  et  prenait  dans  les  petites 
comme  dans  les  grandes  des  décisions  efficaces  ;   il  croit  que  de  son 
propre  mouvement  Louis  punit  l'entrepreneur  qui  a  mal  construit  des 
batardeaux,  que  Louis  ordonne  ou  défend  de  son  chef  de  faire  tel  ou 
tel  ouvrage,  qu'il  commande  de  couper  du  bois  dans  telle  forêt,  de  cons- 
truire tel  bastion  derrière  tel  ouvrage  à  corne,  qu'il  «  s'inquiète  de  la 
qualité  de  la  chaux,  comme  de  la  solidité  des  parpaings  et  de  la  bonne 
fabrication  des  briques  »  (pp.  43-44).  Mais  toutes  les  fois  que  le  ministre 
parle  du  roi,  il  n'emploie  qu'une  formule  ;  il  met  en  avant  le  nom  de  Sa 
Majesté  pour  mieux  imposer  sa  volonté.  En  réalité,  et  M.  C.  le  recon- 
naît parfois,  c'est  Vauban  qui  conseille   et   Louvois  qui  commande; 
Vauban,  dit  M.  C,  est  en  définitive  l'inspirateur  et  le  directeur  général 
des  travaux  (p.   i32),  et  Louvois,  actif,  infatigable,  instruit  de  toutes 


298  RKVUK    CRITIQUE 

choses ,  entouré  de  plans  et  de  profils  et  de  mémoires  et  de  devis, 
approuve  ou  désapprouve  de  son  cabinet  (p.  63).  C'est  même  le  grand 
mérite  de  ce  livre,  de  nous  faire  admirer  Louvois  en  montrant  ce  que 
cet  incomparable  ministre  a  su  faire  sur  un  seul  point  de  la  frontière  : 
il  voit  tout,  prévoit  tout  et  sait  tout;  il  ne  cesse  de  donner  à  Chazerat 
de  minutieuses  instructions  et  le  conduit  comme  par  la  main.  Nous 
ferons  encore  à  M.  C.  de  menues  critiques.  N'a-t-il  pas  abusé  des  excla- 
mations admiratives  et  ne  s'est-il  pas  exposé  à  des  «  redites  »?  (p.  68). 
Est-il  bien  sûr  que  les  travaux  exécutés  à  Belfort  aient  contribué  au 
succès  de  la  campagne  de  1675  et  que  Turenne  soit  «  parti  de  Belfort  »  ? 
(p.  89).  Où  a-t-il  vu  que  Créqui  ait  été  vainqueur  à  Gretxingen  ?  (p.  25). 
Pourquoi  demander  quel  est  \tVolant  que  désigne  le  ministre  (p.  i52), 
et  ne  pas  se  souvenir  que  Chazerat  (cp.  p.  75)  avait  à  Douai  un  «  collè- 
gue »  du  nom  de  Voilant?  Pourquoi  dire,  à  propos  de  benne,  que  ce 
rnot  n'est  pas  français  et  signifie  certainement  «  espace  »?  (p.  160): 
benne  est  un  mot  très  connu;  il  désigne  le  chemin  étroit  qui  existe 
entre  un  rempart  et  un  fossé  (<i  II  faut  laisser  une  berme  de  dix 
toises  au  pied  extérieur  de  la  chaussée  »).  Enfin,  pourquoi  une  réflexion 
comme  la  suivante,  et  qui  ne  s'appuie  sur  aucun  document?  (p.  221  ; 
il  s'agit  delà  ville  d'Ypres  et  des  travaux  qu'on  y  fait).  1  Quelle  activité, 
s'écrie  M.  Chotard,  et  comme  tout  est  en  mouvement  dans  cette  ville 
réunie  à  notre  France  depuis  quatre  ans!  Et  comme  les  habitants  habi- 
tués à  l'indolence  espagnole  devaient  être  surpris  et  en  même  temps 
charmés!  »  Ce  n'est  là  qu'une  phrase. 

A.  C. 


180.  —  Alexis  Bertrand.  La  pajctaologle  de  l'effort  et  les  doctrines  con 
temporalnea.  Paris,  Alcan,  1889,  202  p.  in-12.  d|l 

Le  titre  de  cet  opuscule,  ou  mieux  de  ce  recueil  d'articles  et   de  lec- 
tures académiques,  est  mal  choisi.  On  s'attend  à  lire  un  exposé  théori- 
que et  critique,  et  Ton   ne  trouve  que  des  notices  historiques.  Je  ne 
pense  pas  que  M.  Bertrand  lui-même  se  contente  des  29  pages  de  son 
chapitre  IV,  le  seul  qui  soit  de  doctrine,  oti  il  prend  à  partie  successive- 
ment MM .  Gley  et  Marillier,  et  MM.  Renouvier  et  'William  James  ;  il 
sait  fort  bien  que  son  exposé  est  incomplet  et  que  ses  arguments  sont 
insuffisants,  en  quantité  et  en  qualité.  Il  y  a  quelque  naïveté  à  conclure, 
après  une  discussion  aussi  écourtée  «  en  affirmant  que  Biran  a  connu  et 
réfuté  par  anticipation  toutes  les  objections  élevées  contre  l'effort,  et   :| 
que  vraisemblablement  l'avenir  n'en  produira  pas  de  nouvelles  »  (p.  i23). 
Il  serait  facile  d'insinuer  dans  cette  phrase  autant  de  points  d'interro- 
gation qu'elle  compte  de  mots. 

Ce  livre  n'est  pourtant  pas  sans  utilité;  il  montre  une  fois  de  plus,  à 
l'aide  d'une  heureuse  abondance  de  textes  inédits,  la  place  qu'il  convient 


d'histoire  et  de  littérature  299 

de  faire  à  Maine  de  Biran  1  dans  l'histoire  des  doctrines  psychologiques, 
et  à  Ampère  dans  l'histoire  des  idées  métaphysiques.  Il  se  lit  même 
volontiers,  bien  que  M.  Bertrand  paraisse  prendre  à  tâche  de  rebuter  le 
lecteur  par  une  désolante  profusion  d'élégances  travaillées  et  de  rémi- 
niscences usées.  Qu'est-ce  que  :  ignorer  leur  œuvre  (de  Biran  et  d'Am- 
père) «  ce  serait  s'exposera  découvrir  l'Amérique,  accident  qui  est  arrivé 
à  maint  explorateur  contemporain  parti  de  la  physiologie  en  oubliant 
ses  cartes  ».  Et  que  «  leurs  travaux  sont  destinés  à  défendre  le  moi,  le 
77101,  dis-je,  et  c'est  assez  ».  Et  que  «  avec  la  bonne  grâce  de  l'aristocrate 
de  vieille  roche,  il  prendra  lui-même  la  craie,  et  sans  nous  humilier  nous 
tirera  d'embarras  ».  Et  que  «  une  hypothèse...  qu'ils  reconduisent  hors 
des  frontières  de  la  science,  sans  même  la  remercier  de  ses  services  pro- 
visoires ».  Et  que  «  on  me  vole  mon  moi  »  (deux  fois).  Et  les  citations  : 
In  eo  vivimus  et  sumus  ;  —  clamante  conscientia  ;  -  inconcussum  quid  ; 
—  mœnia  mundi  ;  —  etc.,  etc.  Tant  d'érudition  humiliera  les  psycho- 
physiologistes ;  il  vaut  mieux  les  convaincre  sans  les  humilier. 

Lucien  Herr. 


CHRONIQUE 


—  MM.  J.  Steiner  et  A  Scheindler  publient  à  la  librairie Tempsky  (Wien  u.  Prag) 
un  volume  d'exercices  destiné  à  faire  suite  à  celui  que  nous  avons  annoncé  il  y  a 
quelques  mois  (Lateinisches  Lèse  =  u.  Uebungsbuckfur  die  II  Classe  der  œsterreich- 
ischen  Gymnasien;  vi-i2i  p.,  in-8,  1890).  Ce  volume  correspond  à  une  seconde 
année  de  latin  et  on  y  trouve  la  même  compétence  et  la  même  intelligence  des  besoins 
des  classes  que  dans  le  précédent.  Un  lexique  (Wortkunde  \u  Steinev-Scheindlers 
lat.  Lese=:  u.  Uebungsbiiche /m-  die  II  Classe,  W\e.nne,  i8<^o  ;  118  p.),  enfermé  dans 
le  même  cartonnage,  complète  le  livre  d'exercices. 


ACADÉMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  28  Tnars  18 go. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  puilique,  il  est   procédé  au   vote  pour  l'attribution    du 
prix  Jean  Reynaud. 
Deux  tours  de  scrutin  ont  lieu  et  donnent  les  résultats  suivants  : 

I"  tour  2«  tour 

M.  Mistral 21  voix.        27  voix. 

M.  Dutreuil  de  Rhins 14     —  14     — 

M.  Eugène  Mûntz 6    —  2    — 

M.  Châtelain i     —  »     — 

Bulletin  blanc i     —  »    — 

Votants 43  43 

Le  prix  Jean  Reynaud  est  décerné,  en  conséquence,  à  M.  Frédéric  Mistral,  pour  son 
dictionnaire  de  la  langue  provençale,  intitulé  :  lou  Trésor  dou  Felibrige. 

Julien  Havet. 

I.  La  note  de  la  page  7  est  curieuse  :  «  J'écris  partout  Biran  et  non  Maine  de 
Biran  pour  la  même  raison  qui  fait  écrire  Descartes  tout  coui  t  et  non  Descartes  du 
Perron.  »  Je  ne  vois  pas  bien  le  rapport,  et,  s'il  y  en  avait  un,  c'est  Perron  qu'il 
faudrait  dire. 


300  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

Séance  du  2  avril  18 go. 

M.  Th.  de  Sickel,  par  une  lettre  adressée  au  secrétaire  perpétuel,  remercie  l'Aca- 
démie de  l'avoir  admis  au  nombre  de  ses  associés  étrangers. 

M.  Consiantin-N  Rados  atlresse  en  liommage  à  la  Compagnie  sa  traduction  de 
l'ouvrage  de  l'amiral  Jurien  de  la  Gravière  sur  la  marine  des  anciens  :  'Icropiv.  toïi 
i/avTiy.oi)  Tcôv  àp/atwv  'E///7vwv  (Athènes,    iSgo,  in-8°). 

M.  Heuzey  donne  lecture  d'un  mémoire  intitLilé  :  Un  dieu  carthaginois.  Il  s'agit 
d'une  divinité  que  l'ait  gréco-romain  représentait  sous  la  forine  d'un  Jupiter-Séra- 
pis  ou  plutôt  d'un  Esculape,  coillé  de  la  dépouille  d'un  coq.  Après  avoir  énuméré  les 
divinités  qui,  à  l'exemple  de  la  déesse  égyptienne  Maut,  coiffée  d'un  vautour,  por- 
tent ainsi  sur  leur  tête  la  peau  d'un  animal  et  particulièrement  d'un  oiseau,  il  fait 
remarquer  que  le  coq  ne  peut  avoir  été  un  attribut  d'une  très  haute  antiquité.  En 
effet,  cet  animal  ne  fut  acclimaié  dans  l'Asie  occidentale  qu'au  vi'  siècle,  par  les  Per- 
ses, et  n'exista  d'abord  que  dans  les  bois  sacrés  des  sanctuaires,  qui  jouèrent  sou- 
vent dans  Tantiquiié  le  rôle  de  nos  jardins  d'acclitnataiion.  Sur  des  cachets  néo-ba- 
byloniens, le  coq  est  l'emblème  du  dieu  Nergal,  le  Mars  assyrien.  C'est,  pour  les 
Orientaux,  l'oiscau  dont  le  chant  matinal  chasse  le  mauvais  esprit.  Chez  les  Grecs, 
il  est  consacré,  comme  symbole  de  l'ardeui  guerrière,  à  Mars,  à  Hermès  ou  aux  Dios- 
cures  :  comme  chantre  du  jour,  a  Apollon  et  à  la  Minerve  ouvrière  ;  comme  vainqueur 
des  influences  malignes,  à  Esculape.  Dans  les  images  qui  font  l'objet  du  mémoire  de 
M.  Heuzey,  il  faut,  pense-t-il,  reconnaître  Eshmoun,  l'Esculape  phénicien,  dont  le 
temple  était  le  principal  sanctuaire  de  Carthage. 

M.  Biéal  signale,  dans  une  devotio  récemment  découverte  à  Tunis  par  M.  de  la 
Blanchère,  la  mention  d'un  dieu  qui  liabet  aixeptorem  (c'est-à-dire  acceptorem) 
super  caput. 

M.  Maspero  fait  remarquer  que  Champollion  a  signalé  des  poulets  sur  des  mo- 
numents égyptiens  de  la  Xll°  dynastie,  à  Béni  Hassan.  Il  semble  résulter  de  là  que 
le  poulet  fut  connu  en   Egypte   beaucoup  plus  tôt  qu'on  ne  le  croit  ordinairement. 

M.  Abel  des  Michels,  professeur  a  l'Ecole  des  langues  orientales  vivantes,  lit  un 
mémoire  sur  le  testanient  d'un  roi  d'Annam.  Ce  roi,  Thièu-tri,  est  le  fils  de  Mmh 
mang,  à  qui  la  cruauté  de  ses  persécutions  contre  les  chrétiens  a  fait  donner  le  sur- 
nom de  «  Néron  de  l'Annam  w.  Son  testament  est  en  chinois;  M.  des  Michels  en 
communique  à  l'Académie  la  traduction  complète.  Il  fait  ressortir,  dans  le  document, 
le  style  à  la  fois  archaïque  et  prétentieux,  le  soin  que  prend  le  roi  de  recommander 
à  ses  successeurs  les  ministres  qui  le  dominent,  son  affectation  de  sollicitude  envers 
son  peuple.  Thiêu-tri  soutint,  contre  le  royaume  de  biam,  une  guerre  qui  tut  toute 
au  détriment  de  l'Annam;  il  s'efforce,  dans  son  testament,  de  présenter  son  rôle  en 
cette  affaire  sous  le  jour  le  plus  favorable.  La  pièce  four.ii;  des  renseignements  nou- 
veaux qui  éclairent  plusieurs  points  de  l'histoire  de  l'Indo-Cbine. 

M.  Marcel  Schwob  communique  des  documents  tirés  des  archives  de  la  Côte-d'Or, 
qui  jettent  un  jour  tout  nouveau  sur  l'interprétation  des  ballades  en  jargon  de  Fran- 
çois Villon.  On  doutait  si  le  jargon  employé  dans  ces  pièces  était  un  pur  langage 
de  fantaisie  ou  un  véritable  argot  de  malfaiteuis  :  la  seconde  hypothèse  est  la  vraie, 
et  on  n'en  peut  plus  douter.  M.  Schwob  a  examiné  à  Dijon  les  pièces  du  procès  fait 
aux  membres  d'une  bande  de  voleurs,  les  Compagnons  de  la  Coquille  ou  les  Co- 
qiiillards,  qui  furent  arrêtés  et  exécutés  en  cette  ville  en  1453.  Parmi  ces  pièces,  on 
trouve  un  vocabulaire  qui  fut  dicté  par  l'un  des  accusés  aux  magistrats  chargés  de 
l'instruction  et  qui  contient  un  choix  des  principaux  termes  du  langage  secret  dont 
se  servaient  les  affiliés  à  la  bande.  Plus  de  vingt  mots  de  cette  liste  se  retrouvent 
dans  les  ballades  de  Villon,  où  l'on  n'en  comprenait  pas  toujours  bien  le  sens  et  où 
ils  deviennent  désormais  plus  clairs.  La  Coquille  était  une  bande  puissante,  d'environ 
mille  affiliés,  qui  dut  subsister  longtemps  après  l'arrestation  de  quelques-uns  de  ses 
membres  a  Dijon.  La  ballade  II  du  jargon  de  Villon  est  expressément  adressée  aux 
Coquillards,  et  deux  de  ses  amis,  dont  il  parle  dans  ses  vers,  Régnier  de  Montigny 
et  Colin  de  Cayeux,  étaient  de  la  Compagnie.  On  peut  craindre  que  Villon  n'en  ait 
fait  partie  lui-même 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Delisle  :  Condamin  (James),  Histoire  de  Saint-Cha- 
mond  et  de  la  seigneurie  de  Jare\,  depuis  les  temps  les  plus  recules  jusqu'à  nos  jours; 
—  par  M.  Siméon  Luce  :  1"  Marin  (Pauli  Jeanne  d'Arc  tacticien  et  strategiste, 
tome  II  :  les  Voix  de  Jeanne  d'Arc  ava)ii  la  sortie  de  Compiègne;  2"  Joubert  lAn- 
dré),  les  Lonsta)itin,  seigneurs  de  Varennes  et  de  la  Lorie;  —  par  M.  Boissier  : 
JuLLiAN  (Camille),  Inscriptions  rom  ines  de  Bordeaux,  tome  complémentaire;  — 
par  M.  de  Lasteyrie  :  Mély  F.  de)  :  i"  Jehan  Soûlas  au  Louvre  et  à  la  cathédrale 
de  Chartres;  2°  le  Cardinal  Etienne  de  Vanc:[a  et  la  famille  Cliardonel,  réponse  à 
M,  l'abbé  Cltrval. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 
Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  /ils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N»  16  -  21  avril  -  1890 


Sommaire  î  i8i.  Arsène  Darmesteter,  Reliques  scientifiques.  —  182.  Bartho- 
LOMAE,  Le  groupe  indo-européen  ss.  —  i83  Schmalz,  La  langue  d'Asinius 
Pollio.  —  184.  WiLLEMS,  Le  droit  public  romain.  —  i85.  Paulson,  Un  manuscrit 
de  S.  Jean  Chrysosiôme.  —  186.  Rolland,  Variéte's  bibliographiques.  —  187. 
A.  Waddixgton,  Hubert  Languet.  —  188.  Gourcuff,  Jean  Meschinot  et  Corentin 
Royou.  —  189-iqo.  Fay,  Souvenirs  de  la  guerre  de  Crimée;  Marches  des  armées 
allemandes.  —  191.  Bruch,  Souvenirs.  —  192.  Charvériat,  A  travers  la  Kabylie. 
—  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  -  Société  des  Antiquaires  de  France. 


181.  —  Arsène  DaRiMesteter.  Reliques  scientifiques,  recueillies  par  son  frère. 
Paris,  Cerf,  1890.  ^  vol.  in-8  de  lxxvi-3io  et  028  p.  Avec  portrait  par  Ch. 
Waltner.  —  Prix:  3o  francs. 

Ces  deux  volumes  seront  accueillis  par  les  lecteurs  de  la  Revue  criti- 
que comme  le  plus  bel  hommage  à  la  mémoire  d'un  homme  qui  fut, 
pour  beaucoup  d'entre  eux,  un  conseiller  et  un  maître,  et  dont  le  nom 
reste  indissolublement  attaché  à  l'œuvre  que  notre  recueil  a  entreprise. 
L'excellence  des  travaux  d'Arsène  Darmesteter  leur  a  permis  d'affronter 
victorieusement  répreuve  de  la  réimpression,  si  fatale  aux  œuvres  que  To- 
riginalité  du  savoir  personnel  ne  soutient  pas. On  y  retrouvera  entr'autres 
le  mémoire  publié  dans  la  Romania  dt  i%-j6^o\i  Darmesteter  établit  pour 
la  première  fois  une  loi  de  la  phonétique  française  qui  suffirait  à  faire 
vivre  son  nom,  et  l'article  sur  Thistoire  de  l'épopée  française  de  Rajna, 
admirable  résumé  d'un  beau  livre,  qui  a  paru  dans  notre  Revue  en  1 884. 
Tous  les  romanistes  connaissent  le  travail  sur  les  çlosses  et  glossaires  hé- 
breux  du  moyen  âge,  mais  peu  de  personnes  savent  qu'Arsène  n'avait  pas 
vingt-cinq  ans  lorsqu'il  Ta  écrit.  Avec  la  publication  des  deux  élégies  du 
Vatican,   la  notice  sur  l'autodafé  de  Troyes  et  les  deux  rapports  sur  ses 
missions  en  Angleterre  et  en  Italie,  il  forme  l'ensemble  des  études 
judéo-françaises,  oti  Darmesteter  n'avait  pas  de  précurseur.  L'important 
mémoire  sur  le  Talmud,  imprimé  tout  récemment  dans  les  Actes  de  la 
Société  des  études  juives,  sera  une  révélation  pour  ceux  à  qui  les  études 
favorites  de  l'auteur  cachaient  en  lui  l'érudit  théologien.  On  est  frappé, 
en  relisant  ses  deux  Leçons  d'ouverture,  de  la  sûreté  et  de  la  vigueur  d'un 
style  qui  atteint  à  l'éloquence  sans  y  prétendre.  Mais  il  faudrait  énu- 
mérer  tous  ces  articles,  car  il  n'en  est  aucun  qui  n'apporte  une  vive 
lumière  tant  sur  le  sujet  qu'il  traite  que  sur  l'intelligence  privilégiée  de 
son  auteur.  Ce  philologue  était  un  artiste  et  un  poète  ;  c'était  aussi,  et 
par  dessus  tout,  un  penseur. 

Pourquoi  et  comment,  c'est  ce  qu'on  a  pris  soin  de  nous  apprendre. 
Nouvelle  série,  XXIX.  16 


302  REVUE   CRITIQUE 

M.  James  Darmesteter,  qui  a  publié  ces  deux  volumes,  les  a  fait  précéder 
d'une  notice  biographique  digne  de  son  frère  et  de  lui.  Il  a  écrit  là,  sur 
les  débuts  difficiles  d'Arsène,  sur  les  qualités  que  Phérédité  morale  lui 
avait  transmises  et  que  l'éducation  a  développées,  des  pages  émues  où  tout 
est  à  retenir.  Comme  dans  le  beau  portrait  gravé  en  tête  de  l'ouvrage,  et 
mieux  encore,  on  y  verra  revivre  cette  douce  et  sympathique  figure  de 
savant,  qui  reste  entourée  de  tant  d'affections  et  de  regrets.  Assurément, 
il  était  difficile  à  un  frère  d'exposer  et  d'apprécier  avec  clairvoyance 
Toeuvre  scientifique  d'un  frère  tendrement  aimé;  M.  James  Darmesteter 
y  a  réussi.  A  côté  de  la  leçon  d'ouverture  du  maître  d'Arsène,  consacrée 
à  la  mémoire  de  Paulin  Paris,  cette  belle  notice  restera  un  témoignage 
de  la  sérénité  d'une  intelligence  d'élite,  qui  domine,  sans  Tétouffer,  le 
trouble  du  cœur,  pour  aller  droit,  suivant  son  usage,  à  la  vérité. 

Salomon  Reinach. 


182.  —  (Studien  zur  indogermanischen  Sprachgeschichte.  Von  Chr.  Bartholomse. 
I.)  Indogei'inanisch  ss,  mit  vier  Exkursen  :  Zur  n-deklination  ;  zur  bildung 
des  gen.  sing.;  der  abhinihitasandhi  im  rgveda;  zu  den  ai.  gen.  plur.  auf -an, 
-în,  -un,  -rn.  Von  Chr.  Bartholomae.  Halle  a.  S.,  Max  Niemeyer,  i8go.  In-8, 
X-148  pp.  Prix  :  5  mk. 

C'est  par  un  excellent  travail  de  phonétique  indo-européenne  que 
M.  Bartholomae  inaugure  cette  nouvelle  série  d'études  linguistiques. 
Comme  de  tous  les  essais  de  ce  genre,  il  s'en  dégage  presque  autant  de 
suggestions  conjecturales  que  de  certitudes.  Je  voudrais  essayer  de  faire 
brièvement  le  départ  des  unes  et  des  autres. 

Un  point  me  semble  acquis  :  le  groupe  indo-européen  ss  ne  devient 
jamais  phonétiquement  ts ;  il  se  réduit  simplement  à  un  seul  s,  si  l'on 
en  juge  par  sk.  dsi  =  gr.  ei  =  *èt7i  =  i.-e.  *ési^^^  *és-si {tu  es);  ou  peut- 
être  y  persiste-t-il  dans  certains  mots  où  il  a  été  ramené  par  l'analogie  ji 
vers  la  fin  de  la  période  proethnique:  cf.  gr.  ècct,  doublet  homérique  de. 
et  1.  Les  exemples  de  mutation  indo-éranienne  en  ts  sont,  ou  suspects, 
ou  étrangers  à  la  phonétique  pure;  et  il  n'y  a  notamment  rien  à  tirer  du  Ij 
type  vidvâtsu  pour  *vidvds-su,  soit  parce  que  ce  thème  contenait  réelle- 
ment, dans  certaines  de  ses  flexions,  un  t  final  (cf.  gr.  etoox-oç),  soit  plu- 
tôt parce  qu'il  a  pu  être  influencé  par  d'autres  thèmes  de  participes  (type 
bhdrant-  bhdrat-],  ou  par  les  adjectifs  en  -vaut-,  avec  lesquels  il  pré- 
sente certainement  des  affinités  sémantiques  ^. 

Dans  cet  ordre  d'idées,  il  n'y  a  vraiment  d'embarrassant  que  le  type 


1.  Je  rappelle  qu'en  grec  aussi  le  groupe  an  postérieurement  de'veloppé  est  sujet  à 
des  réductions  dont  la  formule  nous  échappe.  C'est  sans  doute  qu'en  réalité  il  n'y  a 
pas  de  sifflante  double,  mais  un  seul  sifflement  continu  qui  peut  être  prolongé  ou 
écourté. 

2.  Dans  un  article  dont  iM.  B.  ne  paraît  pas  avoir  eu  connaissance  [Rev.  crit., 
xxvdi,  p.  117I,  j'ai  cité  un  petit  fait  qui  peut-être  vient  encore  à  l'appui  de  sa  théo- 
rie. 


d'histoire  kt  de  littérature  3o3 

gàchati  gàcchati,  où  le  cch  semble  provenir  d'un  groupe  sk  devenu  se 
et  traité  ensuite  comme  le  serait  tç  en  semblable  position  ;   mais,  quand 
il  en  serait  ainsi,  on  ne  voit  pas  au  juste  ce  qu'il  en  ressortirait  de  con- 
cluant quant  au  traitement  du  ss  intervocalique.  L'expédient  de  M.  B. 
n'en  laisse  pas  moins  fort  à  désirer:  si  à  son  exemple  on  pose  i.-e. 
*gmskhéti,  on  rompt  inutilement  la  connexion  entre  le  sanscrit  et  ses 
congénères  (gr,  (3aax£i),  et  l'on  n'aboutit  jamais  qu'à  un  indo-éranien 
'gacçhati,  d'où  l'on  n'aperçoit  pas  de  retour  à  gàcchati.  Il  reste  la  res- 
;ource  d'un  mdo-év^mtn* gaskhati,  sorti  de  *gaskati par  une  aspiration 
lystérogène,  comme  dsthdt  de  *dstât  = 'éarri  =  \at.  stat,  etc.  Mais  à 
[uoi  bon?  Si  le  groupe  skh  a  pu  donner  cch,  pourquoi  le  groupe  ^A- 
l'aurait-il  pu  tout  uniment  le  donner  aussi?  Que  savons-nous  de  la 
aleur  phonétique  de  ces  divers  groupes  à  l'époque  lointaine  où  s'est 
ccomplie  la  mutation?  Nous  nous  trouvons  ici  en  présence  d'un  pro- 
-ssus  qui,  par  cela  même  qu'il  n'apparaît  que  dans  une  seule  catégorie 
lorphologique,  défie  toute  analyse  et  réduit  la  tâche  du  linguiste  à  une 
mple  constatation. 

Je  ne  crois  donc  pas  que  55  devienne  ts,  comme  l'a  enseigné  M.  J. 
:hmidt,  mais  je  ne  crois  pas  non  plus,  comme  le  veut  M.  B.,  que  :(bh 
do-éranien  donne  dbh  en  sanscrit.  Les  supports  de  l'une  et  l'autre 
ese  me  paraissent  se  valoir  :  pour  étayer  une  loi  phonétique,  il  faut 
.itre  chose  que  des  formes  casuelles  isolées  et  rares,  ushddbhis  (th.  ushds- 
fois  dans  le  R.  V.),  mddbhyds  (th.  mds-,  2  fois  dans  l'A.  V.),  et  lé 
^^prochement  de  sk.  madgiU  (animal  aquatique)  avec  le  lat.  mergus, 
nfli*^  mots  dont  la  finale  ne  concorde  pas  et  que  leur  isolement  même  a 
^exposer  à  mainte  corruption.  J'ai  toujours  admiré  la  hardiesse  des 
^^.|nts  qui  parviennent  à  se  former  une  conviction  sur  de  pareilles  don- 
■s.  M.  B.  concède  aujourd'hui  (p.  5)  -  et  il  a  bien  raison  -  que  lat. 
-giisvxt  procède  peut-être  pas  de  ^me:igus  '  :  est-il  beaucoup  plus  sûr 
J  sk.  madgu-  soit  sorti  de  ^maigû-?  Si  nidisya-  (poisson)  est  sans  rap- 
P't  primitif  avec  madgû-,  jurerait-il  que  la  dentale  de  l'un  de  ces  mots 
^,it  pu  s  introduire  dans  l'autre?  «  Aliqua  nescire  »  est  mieux  qu'une 
■^'jss.te  pratique  :  comme  l'a  dit  Quintilien,  c'est  parfois  une  vertu, 
lais  alors,  si  ss  ne  devient  point  ts,  si  -^bh  ne  devient  pas  dbh,  d'où 
c  la  dentale  de  mddbhyds  et  d'ushddbhis.  ..■> -Q_,^Q  sais.je>  A-t-on 
''..que  1  r  d  usharbûdh  et  de  vanargû,  le  Jde  adbhyds,  le  d  cacuminal 
^<nadvah  ttdepadbhis,  et  tant  d'autres  phonèmes  capricieux  ?  Peut-on 
'^-xphquer  autrement  que  par  une  intrusion  analogique  ou  parl'exis- 
^  e  de  doublets  tout  hypothétiques?  Là -dessus  tout  le  monde  est 
^•^ord;  personne  ne  se  refuse  à  admettre  que  la  déclinaison  sanscrite, 
^me  toute  autre,  et  plus  que  toute  autre,  puisqu'elle  est  plus  riche, 

éod^-'rr  '^"^^'  ^'  ^'^™''*^  »i'"e  ^^  dtgerâ  ne  repose  pas   sur   un  défaut  de 


léodd  ■  à  1  A  "igeru  ne  repose  pas   sur   un  détaut  de 

'f'  s^r'dîdl  ^'^"  "gueur,  il  est  vrai,  on  pourrait  supposer  que  dîgerâaété 
I"  li  été  rnn/°  "^  similaires;  mais  pourquoi,  au  contraire,  IV  de  'dirgerô  n'aurait- 
L  ,,"  cte  conserve  nar  'ar,,^,,;  ^,,„  1..-   ...•.■ .'  *" 


L       ""'^"'^  par  l'appui  que  lui  prêtait  iV  de  diri 


mo  r 


..      ,  REVUE  CRITIQUE 


est  une  systématisation  artificielle  de  formes,  les  unes  normales  les 
autres  troublées.  Mais  voici  où  gît  le  différend  :  les  uns,  en  présence  d  un 
â-a'^  disent  «  c'est  un  accident  »  et  passent  outre;  les  autres,  plus  une 
forme  est  rare,  insolite  et  isolée,  plus  ils  la  prisent  et  l'estiment  authen- 
tioue-  «  car,  pensent-ils,  l'analogie  tendait  à  la  faire  disparaître  bien 
nlutô't  qu'à  la  créer,  et  elle  a  eu  dautant  plus  de  peine  à  subsister  qu  elle 
était  seule  de  son  espèce.»  Les  deux  points  de  vue  sont  exacts  :  il  ne 
'agit  que  d^en  changer  à  propos,  et  c'est  souvent  affaire  de  divinauon 

plus  que  de  méthode.  /„„.fiQ\.i 

L'étude  sur  le  groupe  ss  n'occupe  que  la  moitié  du  livre  (pp.  1-68)  1, 
reste  se  répartit  entre  quatre  essais  dMnégale  longueur,  dont  on  a  vu  le 
titres  et  parmi  lesquels  l'intéressante  statistique  des  cas  d  abhmihila 
sandhi  dans  le  Rig-Véda  (pp.  81-116)  mérite  une  mention  a  part. 

On  sait  que,  pa?mi  les  complications  arbitraires  dont  les  compilatem 
se  sont  pluà  encombrer  les  textes  védiques,  il  n'en  est  pas  de  plus  arb: 

a  re  que  la  prétendue  élision  d'à  initial  après  e  ou  o  final.  Constan 
daTrusage  c'a ssique,  elle  semble  dans  le  Véda  n'avoir  ^  -.e  loi  qt 
la  fantaisie  des  copistes;  mais,  là  même  ou  ils  ont  elide  1  a,  la  prosod 
en  exige  la  plupart  du  temps  la  restitution.  La  conclusion  de  M.  E 

estTu'elle  l'exige  toujours  et  que  les  rares  cas  ^'^l^-PP^-  - 
vanouissent  au  grand  jour  de  la  critique  grammaticale.  Il  les  clas 


comme  suit^^.^  est  celui  d^un  augment  (ce  cas  est  de  beaucoup     ^ 
fréquent),  v.  g.  pri^dso  ^janayanta  :  -  il  est  dès  lors  bien  plus  simj 
de  Vn-tjanayanta  sans  augment,  également  correct  ;  J 

00  Va  est  rinitiale  d'une  préposition,  api,  abhi,  adhi,  etc.  .  -  mais 
Plupart  de  ces  préfixes  avaient  des  doublets  monosyllabiques,  i^/,  b 
ec  a  estes  par  le  sanscrit  ou  par  ses  congénères, et  ceux  qui  n  enavai 
pa^'ont  pu  en  recevoir  à  limage  de  ceux  qui  en  étaient  primitivem 

'T  L'a  suit  le  démonstratif  .0,  soit  .0  'gnis:-  ce  démonstratif? 
d'.  final  dès  la  période  proethnique,  comme  le  montre  le  gr.  0,  et  û 
leurs  proclitique,  pouvait  se  contracter  avec  le  mot  --\ny- §;,,., 
séd^sd  id),  ce  qui,  dans  l'espèce,  donnait  '-ën^s=  saj^m 
bien  11  pouvait,  par  analogie  des  autres  thèmes  en  .-,  se  congru 
agnis  (comme  .shvé  agnis),  et  les  deux  liaisons  sa  agnjs  et  sagm. 
abouti  par  contamuKUion  à  ^sôgnis,  qu'on  a  écrit  so    gms  faute  d 

voir  comment  récrire;  ^  „n  •  —  i  les 

40  La  suit  un  pronom  personnel  enclitique,  me  te,  nova.         ^^ 
explications  de  M.  B  (p.  no)  me  paraissent  confuses  et  pe^    <>"   ^ 
cantes,  et  j'y  renvoie  sans  insister,  préférant  de  beaucoup  voir  da 
cas  tout  sporadique  une  imitation  du  précèdent  ; 

50  L'a  est  l'initiale  de  l'enclitique  a^r^  :  -  ^^/^P^^V^^";/ J'^:!^ 
un  doublet  monosyllabique  de  asya.  méconnu  ^es  d.ascevastes  J^ 
la  liaison  pilâsra  ait  servi  de  modèle  à  une  liaison  put,osy  a  qu^^ 
rait  écrite  j'U/ro  ''sya; 


d'histoire  et  de  littérature  3o5 

6«  Tout  ce  triage  effectué,  il  demeure  un  résidu  irréductible,  mais 
raiment  insignifiant,  qui  disparaît  au  prix  de  quelques  corrections  ai- 


vr 
sées 


On  pourra  disputer  sur  quelques-unes  de  ces  corrections.  Celle  no- 
tamment de  R.  V.  IIl.  59.  2  d  (p.  94),  J7dinam  dnlio  acnotjr  dntito  nd 
durât,  ne  saurait  me  satisfaire.  M.  B.  supprime  acnoty,  ce  qui  suppose 
une  ellipse  hardie  —  admissible,  Je  le  veux  bien,  à  la  rigueur  —  et 
donne  d'ailleurs  une  trishfubh  boiteuse;  or,  autant  je  concède  qu'on 
rencontre  çà  et  là  des  trish^ubhs  de  dix  syllabes,  autant  je  crois  qu'il 
faut  slnterdire  d'en  restituer  une  :  la  critique  verbale  a  le  devoir  de 
s'appuyer  sur  la  règle,  et  non  sur  Fexception.  J'avoue  que  j'aimerais 
encore  mieux  laisser  le  texte  tel  quel  et  y  lire  une  trish^ubh  de  douze 
syllabes,  si  açnoty  pour  açnoti  n'était  invraisemblable.  En  l'état,  on 
peut,  ou  suppvimev  enam,  ou,  si  l'ellipse  paraît  offrir  difficulté  (cf.  pour- 
tant R.V.  m.  5.  8  b,Vn.  32.  8  c,  etc.),  supposer  une  corruption  plus 
profonde  que  M.  B.  ne  la  soupçonne,  par  exemple  une  glose  prosaïque 
remplaçant  le  texte  primitif  nan/za^  tdm  dnad...  '. 

En  somme,  quoique  la  base  assignée  par  M.  B.  à  l'abhinihita-sandhi 
semble  prodigieusement  étroite,  personne  ne  s'étonnera  de  voir,  dans 
une  langue  aussi  factice  que  le  sanscrit  classique,  toute  une  théorie  pho- 
nétique édifiée  sur  la  pointe  d'une  aiguille.  Mais,  en  admettant  que  la 
question  des  origines  doive  encore  être  réservée,  un  point  important 
demeure  acquis  :  l'abhinihita-sandhi  est  encore  absolument  étranger  à 
la  littérature  védique,  et  la  restitution  de  l'a  indûment  élidé  y  est  beau- 
coup plus  facile  que  ne  l'est,  par  exemple,  celle  du  digamma  dans  Ho- 
mère, tenue  cependant  ajuste  titre  pour  certaine. 

Outre  les  index,  M.  Bartholomae  a  joint  à  son  ouvrage  un  substan- 
tiel sommaire  de  cinq  pages,  qui  periTiet  de  suivre  le  fil  de  son  argumen- 
tation et,  le  livre  une  fois  lu  et  compris,  de  le  relire  au  besoin  en  quel- 
ques minutes.  C'est  une  innovation  heureuse,  dont  tous  les  travailleurs 
lui  sauront  gré. 

V.  Henry. 


I 


l83.  —  Uebei"  <len  Spracligebraucli  des  Asinius  Pollio  in  den  bei  Cicero 
ad  Farnilias  X,  3i,33  erhaltenen  Briefen  mit  Berikksichtigung  der  bei  Quin- 
tilian,  Seneca...  etc.,  ûberlieferten  Fragmente  aus  dessen  Reden  und  Geschi- 
chtsbûchern,  von  J.  H.  Schmalz.  2"  verbesserte  Auflage.  Mûnchen,  1890.  C.  H. 
Bek'sche  Verlagsbuchhandiung,  in-S,  iv-60  p. 

Cet  opuscule,  accueilli  favorablement  tout  d'abord,  reparaît  en 
seconde  édition.  C'est  un  catalogue  soigné  de  toutes  les  particularités 
qu'offre  la  langue  d'Asinius  PoUio.  Le  nom  de  l'auteur,  qui  joint  à 
une  science  exacte  du  latin  historique  une  connaissance  étendue  des 

I.  Observer  dans  ce  cas  la  triple  allitération. 


5o6 


REVUE   CRITIQUA 


travaux  analogues  récents,  suffit  pour  le  recommandera  Je  ne  puis 
cependant  me  dispenser  de  soulever  une  objection  sur  la  valeur  des 
résultats  obtenus.  M.  Schmalz  se  propose  de  confirmer  par  une  étude 
de  détail  le  jugement  porté  sur  Pécrivain  par  l'auteur  du  Dial.  des 
Orat.,  ch.  21  :  «  Duriis  et  sicciis  »,  et  par  Quintilien,  X,  i,  1 1  3  : 
<(  A  nitore  et  jucunditate  Ciceronis  ita  longe  abest,  ut  videri  possit 
sœculo  prior.  »  Assurément,  ce  jugement  subsiste;  mais  il  est  délicat 
d'en  prouver  la  justesse  par.  ce  qui  nous  reste  d'As.  Poil.  ;  nous  avons 
conservé  bien  peu  de  chose  et  parmi  les  exemples  cités  par  M.  Schmalz,  il 
en  est  un  certain  nombre  qui  n'apportent  rien  de  décisif. —  P  i3,  Pollio 
emploie  adfamil.^  X,  32,  5,  nanctus  au  lieu  de  Jiactus,  et  Priscien 
mentionne  cette  particularité;  mais  M,  Schm.  convient  que  dans  Cicé» 
ron  et  dans  César  nactiis  l'emporte  sur  7ianctus ;  il  n'y  a  donc  rien  à 
tirer  de  là.  —  P.  i5,  Pollio,  ib.  X,  33,  3,  emploie  dans  un  membre  de 
phrase  uterque  avec  le  verbe  au  singulier  et  met  dans  le  suivant  le  verbe 
au  pluriel;  mais  Cicéron  et  César  en  font  tout  autant.  —  P.  i6,  il 
écrit,  ib.  X,  33,  4  :  Ventidlum  quoque  se  cum  legione  IV,  VIII,  IX.... 
En  pareil  cas,  Cicéron  met  le  mot  legio  tantôt  au  singulier,  tantôt  au 
pluriel.  Cet  exemple  unique  de  Poil,  suffit-il  à  montrer  qu'il  avait  pour 
le  singulier  une  préférence? —  P.  21,  X,  3 1,  6,  Poil,  écrit  :  familiarem 
meum  tuorum  numéro  habes,  sans  in  devant  numéro.  Or,  Cicéron 
use  indifféremment  des  deux  constructions;  il  n'y  a  donc  rien  à  con- 
clure du  passage  cité,  etc.,  etc.  En  outre,  M.  Schmalz  a  une  tendance 
à  attribuer  à  l'influence  de  Poil,  sur  les  historiens  postérieurs  l'usagH 
de  certaines  locutions  qu'ils  peuvent  aussi  bien  avoir  pris  à  ses  devan- 
ciers. M.  Schmalz  n'a  donc  pas  échappé  complètement  au  danger  que  lui 
faisait  courir  l'insuffisance  des  matériaux.  Il  reste  cependant  un  cer- 
tain nombre  de  faits  intéressants  qui  étayent  sa  thèse. 

A.  Cartault. 


184.  ~-  WiLLEMS.   Le   droit  public    romain.   Louvain,   Peeters,  1888;  in-8  de 
671  pages  (6*  édition). 

M.  Willems  n'a  pas  cessé  d'améliorer  ce  manuel  à  chaque  nouveau  | 
tirage.  Si  l'on  compare  la  présente  édition  aux  premières,  on  y  remar- 
que des  différences  assez  sensibles.  Bien  que  l'ouvrage  soit  imprimé  en 
plus  petits  caractères,  il  compte  deux  cents  pages  de  plus.  Les  matières 


I.  P.  20  sq.,  M.  Sclimalz  étudie  avec  soin  la  construction  du  complément  indi-  J 
rect  de  imponere ;  mais  il  oublie  de  citer  le  passage  d'As    P.  qui  donne  lieu  à  cette 
discussion.  Cic.  ad  fam.,  X,  33,  3.   —   P.  40,  il  identifie   l'emploi  fait  par  Asinius  ^ 
Pollio,  Ibid.,  X,  3  1 ,  4,  et  par  Cornificius,  4,  3i,   du  mot   transvolarc;  il  y  a  une 
grande  différence:  chez  Cornif.,  c'est  une  métaphore  de   rhéteur:  Alexandre  si  vita  ■ 
data  longior  esset,  Oceanum  (manus)  Macedonum  transvolasset.  Chez  As.  P.,  Ces   | 
un  mot  énergique  pris  dans  son  sens  propre  :  les  troupes  de  Lepidus  occupent  les  i 
Alpes,  dit-il;  pouvais-je  les  franchir  comme  un  oiseau'' —  Si  cetera  transissem,  nunc 
etiani  Alpes  poteram  transvolare,  quae  pr?esidiû  illius  tenenturr 


d'histoire  et  de  littérature  3o7 

y  sont  distribuées  dans  un  ordre  meilleur;  l'auteur  s'est  surtout  efforcé 
de  mieux  déterminer  les  transformations  qu'ont  subies  aux  diverses 
époques  les  institutions.  Il  n'est  pas  un  chapitre  qui  n'ait  été  soumis  à 
une  révision  attentive,  et  il  en  est  plusieurs  qui  ont  été  modifiés  de  la 
façon  la  plus  heureuse.  La  bibliographie  est  parfaitement  au  courant, 
et  la  plupart  des  opinions  énoncées  par  les  modernes  sur  les  questions 
controversées  sont  discutées  ou  tout  au  moins  indiquées.  J'ajoute  que 
les  solutions  adoptées  par  M.  W.  sont  généralement  sages  et  dénotent 
une  connaissance  personnelle  des  documents.  Ce  manuel  est  donc  de 
ceux  qu'on  peut  recommander  en  toute  confiance.  On  regrette  seule- 
ment de  n'y  rien  trouver  sur  l'armée  et  la  marine. 

P.  G. 


i,'^^.  —  tnynibolse  ail  Clii'ysostomum  patrein.  Scripsit  Johaniies  Paulson. 
I.  De  codice  Lincopensi.  Accedit  tabula  palseographica.  (Ex  actis  Universitatis 
Luiidensis,  t.  XXV).  Lundae,  1889,  Hjalmar  Mœller,  88  pp.  in-4,  i  planche. 

M.  Paulson  public  une  étude  très  complète  du  manuscrit  des  homé- 
lies de  S.  Jean-Ghrysostôme,  sur  la  V"  aux  Corinthiens,  qui  se  trouve 
dans  la  bibliothèque  diocésaine  de  Linkôping  (Suède),  sous  la  cote  : 
theol.  ijS.  Ce  manuscrit,  qu'il  date  du  commencement  du  xii"  siècle,  a 
été  apporté  de  Grèce  en  Suède  par  les  compagnons  de  Christophe  von 
Kônigsmark  (mort  en  1694),  et  probablement  à  la  suite  du  siège  de 
Négrepont  en  1688.  Divisé  en  plusieurs  parties,  ce  qui  en  reste  a  été 
réuni  par  Benzelius  (mort  en  1743),  et  passa  en  ijSy  à  la  bibliothèque 
de  Linkôping  avec  tous  les  livres  de  ce  savant.  Le  manuscrit  primitif 
devait  comprendre  au  moins  228  feuillets  :  il  n'en  reste  plus  que  58, 
écrits  sur  deux  colonnes.  Les  lacunes  sont  réparties  entre  la  plupart  des 
cahiers,  de  façon  que  cinq  homélies  seulement  ont  été  conservées  en 
entier  :  XX,  XXIIl,  XXIV,  XXX,  XXXIII  \  M.  P.  fait  une  description 
très  minutieuse  des  particularités  paléographiques,  grammaticales  et 
orthographiques  du  manuscrit.  On  peut  citer  son  travail  comme  un 
modèle  de  monographie.  Il  publie  à  la  suite  delà  description  les  varian- 
tes par  rapport  au  texte  de  Migne.  Comme  il  le  reconnaît,  il  est  difficile 
de  se  prononcer  sur  leur  valeur,  faute  de  collations  complètes  des  autres 
mss.  Néanmoins,  on  peut  conjecturer  que  le  Lincopensis  est  de  la 
même  famille  que  le  Regius  (B.  N.  18 18),  et  que  les  mss.  qui  ont  servi 
aux  traducteurs  latins.  De  plus,  il  semble  bien  que  les  textes  de  l'Écri- 
ture ont  été  ramenés  par  les  copistes  dans  le  Lincopensis  à  la  forme 
commune. 

P. -A.  L. 


I.  En  outre,   on  a   les  fragments  de  VI,  XVIII,  XIX,  XXI,  XXII,  XXV-XXVII, 
XXIX,  XXXI,  XXXII,  XXXlV,  XXXV,  XXXVII  et  XXXVIII. 


3o8  RKVUK    CKITIQUK 

i86.  —  Variétés'  bibliogrupliîquos.    (Librairie  Rolland,  2,  rue  des  Chantiers; 
5  fr.  le  volume;  o,5o  le  numéro). 

M.  E.  Rolland,  Pauteur  de  la  Faune  populaire,  un  des  deux  fonda- 
teurs de  Mélusine,  qui  a  déjà  tant  lait  pour  le  folk-lore  français,  vient 
de  lui  donner  un  nouvel  essor  en  fondant  les  Variétés  bibliographi- 
ques, publication  qui  paraît  tous  les  deux  mois  et  forme  un  véritable 
magasin  de  curiosités  où  chacun  trouvera  son  compte.  Les  Variétés  ne 
se  bornent  pas  au  folk-lore  :  elles  contiennent  nombre  de  curiosités 
historiques,  littéraires  et  lexicographiques,  des  réimpressions  de  docu- 
ments rares  ou  oubliés.  Nous  trouvons,  par  exemple,  dans  les  premiers 
numéros:  des  glanures  lexicographiques  (termes  de  caresse,  termes  rela- 
tifs ù  la  culbute,  noms  donnés  aux  ricochets,  noms  de  la  chiquenaude), 
des  séries  de  proverbes  sur  la  femme,  des  contributions  à  l'histoire  des 
postes,  des  vins  artificiels,  des  ascenseurs,  etc.,  des  renseignements  sur 
des  textes  anciens  d'argot.  La  partie  la  plus  précieuse  du  recueil  sera  la 
publication  de  la  Flore  populaire,  que  M.  Rolland  y  commence  et  qui 
s'y  poursuivra  en  recevant,  au  fur  et  à  mesure,  tous  les  documents  qui 
lui  arriveront,  de  sorte  que  Penquête  restera  toujours  ouverte.  Les 
Variétés  publient  aussi  des  addenda  à  la  Faune. 


187.  —    Albert    Waddington.    De   Hubei'ti    I^angueti   Vita    (i5 18-81).  Paris, 
i888,  in-8,  vi,  140  pages. 

Il  faut  féliciter  M.  Albert  Waddington  d'avoir  pris  pour  thèse  la  vie 
de  Hubert  Languet  ;  il  était  difficile  de  choisir  un  sujet  qui  offrît  plus 
d'intérêt;  voyageur,  diplomate,  doué  d'une  rare  connaissance  des  hom- 
mes et  des  choses,  Languet  est  une  des  figuros  les  plus  curieuses  du 
xvie  siècle.  Sans  doute  il  n'était  rien   moins  qu'inconnu;  mais  de  la 
Mare,  son  premier  historien,  n'a  point  eu  à  sa  disposition  nombre  de 
documents  qui  n^ont  été  que  publiés  ou  accessibles  depuis  lui,  et  les  autres 
écrivains  qui  se  sont  occupés  de  ce  français,  ambassadeur  pendant  dix- 
sept  ans  d'un  prince  allemand,  n'ont  abordé  que  des  parties  isolées  de 
sa  vie.  Il  restait  donc  à  glaner  après  eux.  Grâce  à  une  étude  attentive  de 
l'immense  correspondance    et  à    la  découverte   dans    la  bibliothèque 
Sainte-Geneviève  de  lettres  de  Languet  non  encore  publiées,  M.  A.  W. 
a  pu  rectifier  ou  compléter  sur  plus  d'un  point  ses  devanciers,  et  en  s'ai* 
dant  de  leurs  travaux,  ainsi  que  des  sources  nombreuses  d'information 
qui  se  rapportaient  à  son  sujet,  il  a  retracé  avec  une  consciencieuse  ha- 
bileté rhistoire  de  ce  politique,  Tun  des  hommes  les  plus  célèbres  du 
siècle  de  la  Réforme. 

Son  étude  se  compose  de  six  chapitres;  le  premier  raconte  l'histoire 
de  Languet  pendant  les  quarante-deux  premières  années  de  sa  vie;  le 
second  est  consacré  aux  missions  qu'il  remplit  en  France  de  i56o  a 
1572;  le  troisième  à  l'ambassade  dont  il  fut  chargé  par  l'électeur  de 


d'histo(rk  et  dk   littérature  Soq 


Saxe  à  la  cour  de  Vienne  pendant  les  cinq  années  suivantes;  le  qua- 
trième retrace  les  dernières  années  de  sa  vie  ;  dans  le  cinquième, 
M.  A.  W.  nous  fait  connaître  ses  relations  les  plus  importantes  et  ses 
principaux  amis;  enfin,  dans  le  sixième  et  dernier  chapitre,  il  a  essayé 
de  donner  du  diplomate-érudit  un  portrait  fidèle  et  ressemblant. 

Si  Languet  ne  joua  aucun  rôle  pendant  la  première  moitié  de  sa  vie, 
elle  n^en  offre  pas  moins  un  grand  intérêt  ;  c'est  l'époque  de  ses  voyages 
et  de  ses  longues  études.  Né  à  Vitteaux  en  Bourgogne,  en  i5i8,  après 
trois  ans  passés  à  TUniversité  de  Poitiers,  il  était  revenu  dans  sa  famille 
en  1539;  c'était  le  moment  où  la  Réforme  se  répandait  en  France;  Lan- 
guet sentit  des  doutes  sur  la  doctrine  catholique  s'élever  dans  son  esprit  ; 
pour  les  dissiper,  on  l'envoya  dans  le  midi  de  la  France,  en  Espagne  et 
en  Italie  ;  mais  la  vue  de  tant  de  pays  nouveaux  ne  ramena  point  la  paix 
dans  son  âme;  elle  ne  fit  que  développer  en  lui  le  goût  des  voyages;  il 
les  poursuivit  pendant  plusieurs  années;  en  1547,  il  était  encore  en 
Italie.  Il  revint  dans  son  pays  natal  l'année  suivante;  il  ne  devait  pas 
y  rester  longtemps,  La  lecture  des  Loci  communes  de  Mélanchton  lui 
avait  inspiré  la  plus  grande  admiration  pour  le  réformateur;  en  1549, 
il  prit  la  résolution  de  se  fixer  auprès  de  lui  et  partit  pour  Wittenberg. 
Il  ne  devait  rentrer  dans  sa  patrie  qu'au  bout  de  onze  ans.  Il  ne  les 
passa  pas  en  entier  en  Allemagne.  Employant  ses  hivers  à  l'étude  de  la 
théologie,  des  lettres,  de  la  politique,  il  consacrait  ses  étés  à  des  voyages 
dans  les  pays  les  plus  divers  ;  c'est  ainsi  qu'il  visita  tour  à  tour  la  Prusse, 
la  Silésie  et  la  Pologne,  la  Hongrie,  l'Italie,  la  Belgique,  la  Suède,  avec 
la  Livonie,  la  Carélie,  la  Laponie,  peut-être  même  l'Angleterre  et  le 
Danemark.  On  le  voit  en  i553  à  Vienne,  en  i554  à  Nurenberg,  en  i55  5 
à  Rome,  oti  il  rencontra  le  cardinal  du  Bellay;  l'année  suivante  il  faisait 
à  Francfort  la  connaissance  de  Calvin,  etc.  Les  itinéraires  de  ces  nom- 
breux voyages  sont  souvent  obscurs  et  incertains.  M.  A.  W.  a  fait  de 
louables  et  souvent  heureux  efforts  pour  les  éclaircir  et  permettre  ainsi 
de  su'vre  Languet  dans  ses  longues  pérégrinations. 

Jusque-là  Hubert  Languet  avait  mené  une  vie  indépendante  :  en  i56o 
il  entra  au  service  de  l'électeur  de  Saxe,  Auguste  I'',  et  devint  son  agent 
à  Paris.  La  guerre  civile  allait  éclater  en  France;  les  princes  allemands 
en  observaient  d'un  œil  curieux  les  signes  avant-coureurs.  Auguste, 
menacé  par  la  branche  ernestine,  avait  d'ailleurs  des  raisons  particuliè- 
res de  chercher  à  connaître  l'attitude  de  la  cour  de  France;  nul  mieux 
que  Languet  ne  pouvait  le  renseigner  à  cet  égard.  De  là  les  missions  ré- 
pétées dont  il  le  chargea  de  i56oà  iSyi  dans  notre  pays.  La  corres- 
pondance de  l'envoyé  saxon  pendant  cette  période,  offre  un  intérêt  ex- 
ceptionnel. Témoin  des  événements  les  plus  graves,  en  rapport  avec  les 
hommes  les  plus  distingués  de  l'époque,  ses  lettres  sont  une  source  pré- 
cieuse d'informations  pour  l'histoire  de  la  première  période  des  guerres 
de  religion.  Lecercledes  relations  de  Languet,  déjà  si  vaste,  s'étendit  en- 
core pendant  les  séjours  qu'il  fit,  car  il  ne  résidait  pas  toujours  à  Paris, 


3  10  REVUE    CRITIQUE 

à  Strasbourg,  à  Cologne,  à  Francfort  ou  à  Spire,  etc.  Ce  fut  alors  qu'il 
lit  la  connaissance  personnelle  de  Guillaume  d'Orange,  de  Télecteur  pa- 
latin et  de  Jean-Casimir,  ce  ((  condottiere  »  allemand  qui  Joua  un  si 
grand  rôle  dans  nos  guerres  civiles.  Chargé  de  négociations  avec  le  roi 
de  Navarre  et  la  reine-mère,  il  prit  part  à  Tambassade  envoyée  en  iSjo 
par  les  princes  protestants  d'Allemagne  à  Charles  IX,  et  ce  fut  lui  qui 
porta  la  parole  en  leur  nom.  Mais  Languet  n'était  pas  seulement  un  di- 
plomate habile,  c'était  encore  un  érudit;  aussi  entretenait-il  des  relations 
avec  les  savants  les  plus  célèbres  de  France,  Daurat,  Turnèbe,  l'écossais 
Buchanan,  alors  fixé  dans  notre  pays,  bien  d'autres  encore.  En  1569  il 
accompagna  Ramus,  qui  se  rendait  en  Allemagne.  On  trouve  un  écho 
de  ces  relations  savantes  ou  politiques  dans  ses  lettres;  c'est  là  ce  qui 
en  rend  la  lecture  si  attrayante  et  instructive. 

La  Saint-Barthélémy  mit  brusquement  fin  à  la  mission  de  Languet  en 
France;  il  n^y  avait  plus  d'alliance  possible  entre  les  princes  protestants 
d'Allemagne  et  le  roi  qui  venait  de  proscrire  les  réformés  dans  ses  états  ; 
Auguste  rappela  son  ambassadeur  de  Paris.  Mais  les  talents  dont  il 
avait  fait  preuve  engagèrent  Télecteur  à  envoyer  Languet  à  Vienne  dès 
l'année  suivante.  Il  devait  y  rester  jusqu'en  1577.  Maximilien  II,  qui 
régnait  alors,  était  d'une  santé  débile;  craignant  sa  fin  prochaine,  il 
fit  en  1575  sacrer  son  fils  Rodolphe  àRatisbonne;  Languet  se  rendit 
alors  dans  cette  ville;  l'année  précédente  il  avait  visité  la  Moravie  et 
accompagné  l'empereur  en  Bohême.  Il  retourna  encore  à  Prague,  en 
1576,  avec  le  successeur  de  Maximilien.  Il  observait  ainsi  les  événe- 
ments par  lui-même;  aussi  les  jugements  qu'il  poitait  sur  les  affaires  du 
jour  sont-ils  précieux  à  recueillir,  M.  A.  W.  relève  avec  raison  la  jus- 
tesse de  ses  appréciations  sur  Pétat  de  la  Pologne  et  sur  la  situation  de 
la  Turquie.  Les  portraits  qu'il  a  faits  de  Maximilien  et  de  Rodolphe 
sont  aussi  à  remarquer.  M\ 

En  1577,  Languet  demanda  à  être  relevé  de  ses  fonctions  d'ambassa- 
deur à  'Vienne;  Auguste  fit  droit  à  sa  demande  et  lui  accorda  un  re- 
venu de  200  thalers.  C'était  le  spectacle  des  divisions  religieuses,  dont  la 
Saxe  était  alors  le  théâtre,  et  la  persécution  à  laquelle  étaient  en  butte 
quelques-uns  de  ses  amis,  non  le  désir  du  repos,  qui  avaient  fait  pren- 
dre à  Languet  cette  résolution.  Les  années  qui  suivirent  comptent  en 
effet  parmi  les  plus  occupées  de  sa  vie.  Il  n'avait  point  cessé  d'être  en 
rapport  avec  l'électeur  et  de  le  renseigner  sur  les  affaires  du  jour.  Celles 
de  Belgique  attiraient  surtout  l'attention.  Les  habitants  appelaient 
Jean-Casimir;  Languet  qui  était  allé  voir  ce  prince,  ainsi  que  Télecteur 
palatin,  à  Heidelberg.  raccompagna  quand  il  se  décida  à  se  rendre  à 
l'invitation  des  Belges,  Mais  l'accord  ne  dura  pas  longtemps  entre  le 
condottiere  et  ceux  qui  l'avaient  appelé;  bientôt  rebuté  des  difficultés 
qu'il  rencontrait,  Casimir  passa  en  Angleterre  et  se  rendit  auprès  d'Eli- 
sabeth. Languet,  qui  l'avait  suivi,  revint  seul  sur  le  continent  avec 
Robert  de  Sidney,   qu'il  s'était  chargé  de  conduire  à  Strasbourg.   Il 


d'histoire  et  de  littérature  3  I  I 

s'arrêta  quelque  temps  à  Anvers,  et  y  reçut  Taccueil  le  plus  amical  de 
Guillaume  d'Orange.  Il  y  rencontra  aussi  Duplessis-Mornay,  avec  qui 
il  était  étroitement  lié  depuis  son  séjour  en  France.  De  Strasbourg, 
Languet  alla  aux  eaux  de  Bade.  Il  trouva  dans  cette  ville  Thisto- 
rien  de  Thou,  et  c'est  alors  qu'il  lui  adressa  une  «  lettre  »  curieuse  sur 
les  affaires  d'Allemagne  que  M.  A.  W.  a  eu  la  bonne  fortune  de  décou- 
vrir à  la  Bibliothèque  nationale.  Peu  de  temps  après,  il  retournait  à 
Anvers.  Cependant  des  conférences  s'étaient  ouvertes  à  Cologne  pour 
régler  les  affaires  de  Belgique;  Languet  reçut  de  l'Electeur  de  Saxe 
l'ordre  de  se  rendre  dans  cette  ville,  afin  de  le  renseigner  sur  la  marche 
des  événements.  Ainsi  son  rôle  politique  continuait.  Il  fut,  l'année  sui- 
vante (i58o),  appelé  par  le  prince  d'Orange  à  en  jouer  un  nouveau.  En 
quittant  Cologne,  il  avait  regagné  Anvers,  devenu  son  séjour  de  pré- 
dilection ;  de  cette  ville,  Guillaume  le  chargea  de  se  rendre  en  France 
avec  les  ambassadeurs  belges  envoyés  auprès  du  duc  d'Alençon.  Ce  fut 
là  la  dernière  mission  de  Languet;  l'année  suivante,  il  mourut  à  An- 
vers, où  il  s'était  empressé  de  rentrer  après  son  voyage  de  France. 
Ainsi  jusqu'à  son  dernier  jour  il  se  trouva  mêlé  aux  événements  con- 
temporains; c'est  là  ce  qui  donne  un  si  grand  intérêt  à  sa  correspon- 
dance et  à  sa  vie  tout  entière. 

Peu  d'hommes,  je  l'ai  déjà  dit,  eurent  des  relations  plus  étendues  que 
Languet;  la  connaissance  qu'il  fit  dans  ses  nombreux  voyages  des  ré- 
formateurs et  des  savants,  ainsi  que  des  hommes  politiques  les  plus  cé- 
lèbres de  l'époque,  l'explique  sans  peine;  un  chapitre  de  l'étude  de 
M.  A.  W.,  et  non  le  moins  curieux,  traite  de  ces  relations,  qui  donnè- 
rent presque  toujours  lieu  à  un  échange  de  lettres  d'un  haut  intérêt 
et  furent  non  moins  souvent  l'occasion  de  vives  et  durables  amitiés. 
Parmi  tant  de  noms  illustres,  il  faut  citer  des  hommes  politiques,  tels 
que  Achille  de  Harlay,  l'Hôpital,  Coligny,  de  Pibrac,  Duplessis-Mor- 
nay, les  théologiens  Mélanchton,  Peucer,  Calvin,  Théodore  de  Bèze, 
Pierre  Martyr,  les  imprimeurs  Henri  Estienne,  Wechel,  Plantin,  les 
érudils  Lambin,  Camerarius,  Ramus,  Turnèbe,  l'historien  de  Thou, 
les  jurisconsultes  Baudoin,  Hotman.  M.  A.  W.  n'a  point  essayé  de 
refaire  l'histoire  de  chacune  de  ces  amitiés  célèbres  —  c'eût  été  raconter 
à  nouveau  l'histoire  de  Languet  —  mais  il  a  cru  devoir  consacrer  une 
notice  particulière  aux  rapports  du  diplomate  avec  Mélanchthon,  les 
deux  Camerarius,  et  Philippe  Sidney,  qu'il  avait  rencontré  d'abord  à 
Francfort,  en  iSyB,  chez  son  ami  Wechel,  et  pour  lequel  il  éprouva, 
malgré  la  différence  d'âge,  une  vive  affection.  Il  y  a  là  des  détails  cu- 
rieux, sinon  entièrement  nouveaux. 

A  la  fin  de  son  étude  sur  Languet,  M.  A.  W.  a  réuni  en  quelques 
pages  tous  les  traits  du  caractère  de  cet  homme  véritablement  grand  et 
si  peu  connu;  on  y  trouve  les  éléments  d'un  portrait  qu'on  peut  à  bien 
des  égards  regarder  comme  définitif.  C'est  là  aussi  qu'est  examinée  la 
question  de  savoir  si  Languet  est  l'auteur  des  Vîndîciae  contra  tyran- 


3l2  REVUE    CRITIQUE 

tîos  qu'on  lui  attribue  d'ordinaire;  Bayle  avait  déjà  mis  le  fait  en 
doute,  sans  se  prononcer  néanmoins  d'une  manière  définitive;  de  notre 
temps,  le  hollandais  Antoine  Thierne  a  restitué  ce  pamphlet  à  Dupies- 
sis-Mornay,  en  s'appuyant  sur  le  témoignage  même  de  la  femme  du 
célèbre  réformé;  c'est  dans  le  même  sens  qu'opine  M.  A.  W.  :  son 
impartialité  l'a  empêché  de  maintenir  à  Languet  un  ouvrage  qui  ne 
lui  appartient  pas.  Cette  in>partialité,  la  connaissance  approfondie  des 
sources,  telles  sont  les  qualités  qui  recommandent  surtout  l'étude  que 
je  viens  d'analyser,  et  qui  la  rendent  irréprochable  à  tant  d'égards.  En 
la  lisant,  toutefois,  on  ne  peut  se  défendre  d^un  regret  :  c'est  qu'elle  ait 
été  écrite  non  en  français,  mais  en  latin.  J'y  sais  bien  un  remède,  et 
M.  Albert  Waddington  me  permettra  de  le  lui  ijidiquer;  ce  n'est  pas 
sans  doute  de  faire  une  traduction  française  de  sa  thèse,  mais  de  repren- 
dre son  sujet,  de  lui  donner  les  développements  qu'il  comporte  et  d'é- 
crire enfin  la  biographie  que  mérite  l'homme  dont  ses  amis  disaient  : 
Optiinus  Hiibertus  melior  quo  nemo  repertus. 

Ch.  J. 


l88.  —  Ol[V1ER  de  Gourcuff.  —  Ecrivains  bretons.  Vie  de  Jean  Meschinot 
1490,  par  Guillaume  Colletet.  Jacques  Corcntin  Royou  1749-1828.  Vannes,  Eug. 
Lafolye,  1890,  grand  in-8  de  20  p. 


Je  ne  dirai  que  peu  de  mots  de  la  seconde  partie  de  la  brochure  d 
M.  de  Gourcufî,  car,  comme  il  le  déclare  lui-même  (p.  i5),  on  n'a  rie, 
de  nouveau  à  consigner  dans  une  notice  sur  la  vie  d'un  homme  qui  « 
été  consciencieusement  biographie  par  M.  Levot  »,  que  M,  du  Châtel- 
lier  a  encore  étudié  «  dans  une  série  d'articles  du  Collectionneur  breton' 
sur  les  Fréron  et  les  Royoïi^  et  auquel,  enfin,  M.  Trévedy,  dont  les 
affirmations  sont  toujours  puisées  aux  meilleures  sources  »,  a  consacré, 
des  pages  excellentes  dans  Fréron  et  sa  famille .  M.  de  G.  s'est  donc 
contenté  de  très  bien  résumer  ce  que  l'on  sait  du  personnage,  en  insis- 
tant sur  les  pièces  qu'il  fit  représenter  :  Phocion,  tragédie  en  cinq  actes 
et  en  vers  (théâtre  Français,  16  juillet  181  7)  i;  le  Flatteur,   comédie 
en  un  acte  et  en  vers  (théâtre  Français,  t8  novembre  18 19);  Zénobie, 
tragédie   en  cinq  actes  et  en  vers  ^  (Théâtre  Français,  23  février  1821); 
la  Mort  de  César,  tragédie  en  cinq  actes  et  en  vers  (théâtre  de  l'Odéon, 
9  mai  1825),  «  une  des  chutes  les  plus  bruyantes  qu'aient  enregistrées 
les  annales  dramatiques.  » 

M.  de  Gourcufî,  après  avoir  cité   sur  Jean    Meschinot,   auteur  des 

1.  M.  de  G.  rappelle  (p.  17),  d'après  un  des  biographes  de  Victor  Hugo,  M.  Ed- 
mond Biré,  que  «  le  grand  poète  analysa  le  Phocion  de  Royou  dans  le  Conservateur 
littéraire,  et  que,  quinze  ans  plus  tard,  dans  Littérature  et  Pailosophie  mêlées,  il 
présenta  cette  analyse  comme  l'ébauche  d'un  drame  qu'il  aurait  composé  au  collège. 
Le  geai  Hugo,  paré  des  plumes  du  paon  Royou,  c'est  amusant  et  imprévu  ». 

2.  Un  de  ces  vers  reproduit  le  mot  de  François  I"  : 

Tout  est  perdu,  Thamis,  tout,  except»^  l'honneur. 


Il 


d'histoire  et  de  littérature  3i3 

Lunettes  des  Princes,  La  Croix  du  Maine,  Du  Verdier,  Niceron,  l'abbé 
Gayet,  P.  Levot,  ajoute  :  «  Il  nous  manquait  une  notice  ancienne, 
étendue,  donnant,  avec  quelques  détails  biographiques,  l'opinion  d'un 
bon  juge  littéraire  sur  l'œuvre  de  Meschinot.  »  Cette  notice,  il  l'em- 
prunte à  la  copie  partielle  du  manuscrit  du  Louvre,  faite  au  commen- 
cement du  siècle  par  M.  Aimé  Martin,  et  acquise  en  1872  par  la  Biblio- 
que  nationale,  copie  qui  «  nous  a  conservé  147  notices,  précieuses 
épaves  arrachées  au  vandalisme  de  la  Commune  ^  »  Elle  avait  paru 
assez  intéressante  au  professeur  Aimé  Martin  pour  qu'il  écrivît  plu- 
sieurs fois  dans  la  marge  cette  note  au  crayon  :  Bon  pour  mon  cours. 
M.  de  G.  a  bien  fait  de  dire  à  son  tour  :  Bon  pour  ma  plaquette.  Si 
quelques  renseignements  du  vieux  critique  sont  inexacts,  comme  ceux 
qu'il  donne  sur  la  première  édition  des  Lunettes  des  Princes,  en  revan- 
che, le  choix  de  ses  citations  est  très  heureux,  la  richesse  de  ses  réfé- 
rences fort  utile,  et,  somme  toute,  la  lecture  de  la  Vie  de  Jean  Mes- 
chinot (discrètement  mais  sûrement  annotée),  fait  encore  plus  regretter 
la  perte  du  manuscrit  original  et  encore  plus  désirer  —  comme  fiche  de 
consolation  —  la  publication  à  laquelle  songeait  jadis  M.  de  Caussade  - 
des  notices  abrégées  qui  nous  ont  été  conservées  dans  la  copie  du  n°  SoyS 

des  Nouvelles  acquisitions. 

T,  DE  L. 


1S9.  —  Souvenirs  de  la    ;;uerre  de  Ci-imée  i854-l856,  par  le  général  Fay. 

Deuxième  édition.  Paris,  Berger-Levrault,  1889.  In-8,  xi  et  363  p.  7  fr.  bo. 
190.  — Marches  des  armées  allemandes  du  3i  juillet  au   i"  septembre  1870, 

par  le  général  Fay.  Paris,  Berger-Levrault,  1889.   Grand  in-4,  33  pages  de  texte. 

Deux  tableaux  et  deux  cartes.    12  fr. 

Le  Souvenirs  de  la  guerre  de  Crimée  paraissent  en  une  deuxième 
édition.  M.  le  général  Fay  a  complété  son  premier  récit  par  quelques 
extraits  de  la  Défense  de  Sébastopol,  de  Todleben,  et  des  Lettres  du 
maréchal  Bosquet  à  sa  mère.  On  sait  qu'il  était  aide  de  camp  de  Bos- 
quet. Aussi  met-il  surtout  en  relief  ce  vaillant  et  habile  soldat  qui  pen- 
sait à  tout  avarît  le  combat,  et  qui,  à  l'heure  du  combat,  voyait  tout, 
appréciait  tout  avec  sang-froid  et  parait  sur  le  champ  aux  difficultés  qui 

I.  M.  de  G.  loue  (p.  3)  le  très  ingénieux  «  essai  de  restitution  n  de  notre  regretté 
collaborateur  Léopold  Pannier,  essai  qui  parut  ici  (1872).  «Nous  y  relevons,  dit-il 
(p.  4),  les  noms  de  plusieurs  poètes  bretons  :  Charles  d'Espinay,  évêque  de  Dol,  auteur 
d'un  petit  volume  de  Sonnets  ronsardiens  (i56o);  Odet  de  La  Noue,  le  fils  aîné  de  La 
Noue  bras  de  fer,  dont  les  Paradoxes  sur  Vadversité  (i583)  ont  été  très  goûtés  et 
même  traduits  en  vers  anglais  par  le  fameux  Sylvester  (i6o5);  Michel  Q.uillian  de  La 
Tousche,  qui  imite  Du  Bartas  dans  sa  Dernière  Semaine  (ibgb);  François  Auftray, 
le  recteur  de  Pluduno,  dont  nous  avons  étudié  la  Zoantliropie  (16 14),  et  les  Hymnes 
(1625);  le  carme  Nicolas  Dadier,  l'auteur  agréablement  fleuri  de  la  Parthenice 
Mariane  {i6i3).  Hélas!  pas  une  de  ces  notices  n'existe  dans  la  copie  de  la  Biblio- 
thèque nationale». 

2.  Voir  V  Avertis  cernent  de  la  Vie  de  Jean-Pierre  de  Mesmes,  par  Guillaume  Col- 
letet.  (Paris,  A.  Picard,  1878.  p.  vu.) 


:)I4  REVUE    CRITIQUE 

se  présentaient  (p.  235-236).  Il  donne  le  récit  succinct  de  ce  qu'ont  fait 
les  autres  chefs  ou  les  autres  fractions  de  l'armée  d'Orient,  mais  il  parle 
le  plus  souvent  de  la  2*=  division  d'infanterie,  puis  du  2=  corps,  que  Bos- 
quet commanda  successivement.  Il  insiste  particulièrement  sur  Inker- 
mann  et  retrace  aussi  exactement  que  possible,  non  seulement  d'après 
tous  les  documents  publiés  depuis,  mais  d'après  ses  notes  et  ses  souve- 
nirs, les  phases  successives  de  cet  assaut  qui  dura  plus  de  sept  heures; 
lui-même  demeura  jusqu'au  soir  sur  le  champ  de  bataille  au  milieu  des 
morts  et  des  mourants,  "^i  Nous  regardions  avec  tristesse,  du  haut  du 
parapet  de  la  batterie  sur  laquelle  nous  étions  assis,  ces  mâles  figures 
saisies  par  la  mort  au  moment  de  l'action;  les  uns  déchirant  encore  la 
cartouche,  d'autres  se  suspendant  aux  embrasures,  presque  tous  sans 
colère  sur  le  visage,  et  les  traits  reposés  comme  dans  le  sommeil  »  (p.  1 40). 
Mais  M.  F.  ne  se  borne  pas  à  nous  raconter  la  sanglante  mêlée  d'Inker- 
mann.  Il  a  narré  auparavant  l'expédition  de  la  Dobrudja,  la  bataille  de 
l'Aima  où,  par  une  manœuvre  hardie  et  très  simple,  la  division  Bosquet 
menaça  la  gauche  et  presque  les  derrières  de  l'armée  russe,  la  charge  de 
Balaclava  qu'il  a  vue  de  ses  yeux  et  qui  fut  pour  lui  un  spectacle  navrant 
(p.  92).  Il  décrit,  après  Inkermann,  la  tempête  du  14  novembre  1854; 
les  premiers  tâtonnements  et  les  hésitations  de  l'assiégeant;  la  défense 
énergique  de  Tassiégé  qui  prit  le  rôle  de  l'assaillant  et  parut  jusqu'au 
mois  de  juin  assiéger  lui-même  les  tranchées  de  l'adversaire;  Toffensive 
vigoureuse  résolue  et  prise  par  Pélissier,  la  tête  de  fer  blanc  ;  la  prise 
du  Mamelon  Vert  et  des  ouvrages  blancs;  Tasssaut  du  18  juin;  la  ba- 
taille de  la  Tchernaya  ou  de  Traktir,  ce  «  dernier  enjeu  »  de  la  Russie; 
l'assaut  du  8  septembre  qui  échoua  sur  quatre  points,  mais  qui  réussit 
sur  le  cinquième,  sur  Malakof,  la  «  clef  de  Sébastopol  ».  Un  des  endroits 
les  plus  curieux  du  volume,  c'est  l'état  d'affaiblissement  de  l'armée  an- 
glaise dès  le  premier  hiver,  c'est  sa  démoralisation,  c'est  la  lenteur  et  la 
méthodique  froideur  de  ses  mouvements.  M.  le  général  F.  ne  nie  pas  la 
solidité  des  soldats  et  la  loyauté  des  officiers,  mais  il  montre  tout  ce  que 
les  Anglais  durent  à  leurs  alliés  :   nos  hommes  furent  obligés  de  leur 
apporter  sur  le  dos  leurs  boulets  et  leurs  obus  depuis  Balaclava  jusqu'aux 
tranchées;  nos  cacolets  conduisirent  leurs  blessés  et  malades  du  camp 
aux  ambulances;  lord  Raglan  demanda  même  si  les  Français  pourraient 
garder  et  défendre,  deux  jours  sur  trois,  les  ouvrages  du  siège  anglais, 
pour  que  son  armée  pût  prendre  du  repos  ;  enfin  il  fallut  fournir  un 
bataillon  de  travailleurs  français  pour  terminer  la  redoute  anglaise  du 
Phare  (p.   146-152).  Un  autre  trait  remarquable,  c'est  l'amitié  entre 
Français  et  Russes;  dans   les  trêves  et  tandis  qu'on  ramasse  les  morts, 
les  officiers  des  deux  nations  causent  familièrement  :  «  L'un  des  nôtres  | 
complimentait  un  prince  russe  sur  la  fraîcheur  de  ses  gants  et  lui  deman-  ' 
dait  en  riant  si  la  marchande  de  Sébastopol  était  jolie;  d'autres  par- 
laient de  Paris,  du  plaisir  qu'on  aurait  de  se  retrouver  ensemble,  la  paix 
faite,  et  en  attendant  on  échangeait  des  cigares.  »  Puis  on  se  sépare  et  le 


d'histoire  et  de  littérature  3x5 

canon  tonne  de  nouveau  ;  «  le  vacarme,  dit  M.  F.,  recommence  de  plus 
belle,  comme  si  l'on  se  repentait  d'avoir  pu  oublier  quelques  instants 
qu'on  était  en  face  l'un  de  Tautre  pour  se  faire  le  plus  de  mal  possible. 
Ces  premiers  coups  de  canon  après  une  trêve  m'ont  toujours  laissé  dans 
l'âme  une  profonde  impression  de  tristesse.  Dure  nécessité  de  la  guerre! 
A  peine  le  drapeau  parlementaire  a-t-il  disparu,  voilà  les  hommes  dans 
leurs  embuscades,  le  fusil  au  poing,  et  guettant  la  première  tête  qui  se 
montrera  par  dessus  le  parapet  ;  ils  l'ajustent,  au  risque  peut-être  de  tuer 
celui  à  qui  ils  viennent  de  donner  la  main,  et  qu'ils  ont  quitté,  le  sourire 
d'adieu  sur  les  lèvres  !»  (p.  1 96- 1 97).  On  voit,  par  ces  citations,  que  M.  F. , 
tout  en  ne  recherchant  que  la  vérité,  sait  tracer  de  petits  tableaux  saisis- 
sants, et  l'on  nous  en  voudrait  de  ne  pas  citer  encore  la  description  de 
l'incendie  de  Varna  (p.  28-29),  ^^'^^  ^^  camp  d'Oldfort  où  commencent 
les  fatigues  et  les  privations  des  Anglais  (p.  40-41)  ^  celle  de  l'assaut  de 
Malakof  (p.  3o3-3o5)  ~,  et  surtout  les  pages  consacrées  aux  divertisse- 
ments des  zouaves  et  à  leur  théâtre  comique.  M.  F.  reproduit  le  pros- 
pectus lithographie  d'une  de  ces  représentations.  «  J'ai,  dit-il,  ce  pro- 
gramme sous  les  yeux,  et  j'avoue  que  je  ne  puis  jamais  le  regarder  sans 
une  profonde  émotion;  car,  derrière  ces  comédies,  il  y  a  un  drame  :  ce 
programme,  raturé  en  plusieurs  endroits,  porte  ces  simples  et  bien  tou- 
chantes lignes  :  deux  amateurs  ayant  été  tués,  et  plusieurs  blessés,  on  a 
été  obligé  de  changer  le  spectacle  qu'on  se  proposait  de  donner  »  (p.25 1- 

252)  3. 

En  même  temps  qu'il  publiait  une  deuxième  édition  de  ses  Souvenirs 
de  Crimée,  M.  F.  faisait  paraître  une  étude  sur  les  marches  des  armées 
allemandes  du  3i  juillet  au  i"  septembre  1870.  11  a  lu  avec  la  plus 
grande  attention  la  Guerre  franco-allemande  de  iSyo-iSj  i ,  publiée 
par  le  grand  état-major  prussien,  et  il  en  a  tiré  de  précieux  renseigne- 
ments. Les  cavaleries  ont  noblement  rempli  leur  rôle  sur  le  champ  de 
bataille;  mais  en  ce  qui  touche  le  service  d'exploration,  la  cavalerie 
française  n'a  rendu  aucun  service  et  la  cavalerie  ennemie,  inexpérimen- 
tée, taisant  mal  son  office,  ne  s'est  enhardie  que  peu  à  peu.  On  le  verra 

1.  A  remarquer  dans  cette  description  du  camp  d'Oldfort  la  comparaison  entre 
Anglais  et  Français  qui  se  nourrissaient,  les  premiers,  fort  mal,  et  les  seconds,  fort 
bien  :  les  Français  vivaient  en  escouade,  par  association;  les  Anglais  faisaient  leur 
cuisine  individuellement.  Ceux-ci  reconnurent  enfin  les  avantages  de  la  vie  en  com- 
mun; mais,  au  lieu  de  nos  petites  marmites  portatives,  ils  tirent  venir  des  marmi- 
tes énormes  qu'ils  ne  pouvaient  déplacer. 

2.  L'auteur  décrit  les  troupes  qui  attendent  dans  les  tranchées  le  cri  «  en  avant  » 
et  rapproche  de  ce  spectacle  le  tableau  de  Protais,  Avant  le  combat,  qui  offre  l'image 
exacte  des  préliminaires  de  la  journée  du  8  septembre  ;  Protais,  dit  M.  Fay,  a  u  passé 
près  de  nous,  au  2'  corps,  plusieurs  mois  durant  lesquels  il  a  appris  à  connaître  et  à 
rendre  la  vie  de  nos  soldats  avec  autant  de  cœur  que  de  vérité  ». 

3.  M.  Fay  nous  permettra  une  légère  critique.  P.  210,  il  écrit  que  Turenne  repose 
à  Sal:(bach  et  Marceau  à  Altenkirchen  ;  le  nom  du  village  badois,  toujours  estropié 
par  nos  historiens;  est  Sasbach  et  Marceau  fut  mortellement  blessé,  mais  non  enterré 
à  Altenkirchen. 


3  l6  REVUK    CRITIQUE 

par  le  détail  des  marches  autant  que  par  Taveu  même  de  l'état^major 
allemand;  depuis  Wœrth  jusqu'au  26  août,  Moltke  a  été  réduit  à  peu 
près  aux  renseignements  des  agents  et  des  journaux.  Ce  n'est  que  le 
26  août,  lorsque  s'opère  la  conversion,  lorsque  tous  les  fronts  se  tour- 
nent dans  la  direction  du  Nord,  que  la  cavalerie  allemande   retrouve 
enfin,  après  vingt  jours,  le  contact  perdu,  en  face  d'une  cavalerie  qui 
s'attachait  plutôt  à  couvrir  ses  propres  troupes  qu'à  rechercher  son  ad- 
versaire. Aussi  M.  F.  fait-il  ingénieusement  observer  (p.  23)  que  si  la 
cavalerie  française  avait  eu  plus  d'indépendance,  le  contact  aurait  été 
certainement  obtenu  quelques  jours  plus  tôt  :  «   Tinertie  qu'on  lui 
reproche  a  donc  pu,  en  définitive,  être  profitable  à  notre  armée,  et  cette 
faute  lui  aurait  même  permis,  si  elle  eût  été  moins  lente  à  se  mouvoir, 
soit  de  passer  la  Meuse,  puisqu'on  la  poussait  follement  dans  cette  im- 
passe, soit  de  se  retirer  vers  le  Nord  ou  sur  Paris.  »  M.  F.  remarque 
encore  que  les  ordres  des  Allemands,  très  concis  et  ne  disant  que  ce 
qu'il  faut,  laissent  une  grande  initiative  aux  chefs  chargés  de  l'exécu- 
tion. Cette  initiative  ^  lui  paraît  une  grande  qualité  qui  a  produit  d'ex- 
cellents résultats  et  qu'il  faut,  en  tout  cas,  préférer  à  l'inertie  extraordi- 
naire des  généraux  français.  Partout  les  généraux  allemands  ont  appli- 
qué la  formule  banale  des  ordres  de  manœuvres  :  «  rechercher  l'ennemi 
et  l'attaquer  partout  où  on  le  trouvera  »  ;  et  l'état-major  fut  toujours 
obligé  de  les  retenir  plutôt  que  de  les  pousser  en  avant.  M,  F.  joint  à 
ces  observations  instructives  deux  tableaux  :  1'  des  marches  des  armées 
allemandes  du  3i   juillet  au  20  août  (investissement  de  Metz);  2°  des 
armées  allemandes  et  de  l'armée  de  Châlons,  du  21  août  au  i"  septem- 
bre 1870  (bataille  de  Sedan).  Ces  tableaux  donnent  jour  par  jour,  et  pour 
chaque  armée,  les  emplacements  du  quartier  général,  ceux  des  corps 
d'armée  et  des  divisions  de  cavalerie.  Deux  cartes  accompagnent  Tou- 
vrage.  Elles  sont  toutes  deux  au  i/320.ooo,  et  reproduisent,  la  première, 
les  itinéraires  donnés  par  ces  tableaux  pour  tous  les  corps  d'armée  alle- 
mands, moins  la  cavalerie;  la  seconde,  les  itinéraires  de  cette  arme.  Les 
zones  de  marche  des  quatre  armées  allemandes  sont  représentées  par 
quatre  larges  teintes  plates  (verte,  rouge,  bleue,  bistre)  qui  figurent  au 
vif  et  d'une  manière  saisissante  l'invasion  qui  déborde  et  s'étend  sur  le 
territoire  français;  un  trait  particulier  donne  dans  chaque  zone  l'itiné- 
raire des  corps  d'armée  (i'"«  carte)  et  des  divisions  de  cavalerie  (2^  carte); 
des  petits  cercles  (i'^  carte)  ou  des  rectangles  de  couleur  (2^  carte)  indi- 
quent sur  l'itinéraire  l'emplacement  journalier  des  corps  d'armée  et  des 
divisions  de  cavalerie;  un  double  trait  de  la  couleur  des  cercles  et  des 
rectangles,  avec  la  date  des  jours,  réunit  les  emplacements  des  troupes  de 
première  ligne.  Toutes  ces  indications,  nettes,  claires,  nullement  confu- 
ses, permettent  de  voir  les  fronts  successifs  de  toutes  les  armées  et  de 
calculer  leur  étendue  ainsi  que  l'emplacement  des  corps,  leurs  niouve- 

I.  Elle  est  peut-être,  selon  iM.  F.,  une  conséquence  forcée  du  mode  de  combat  très 
rationnel  qu'il  a  vu  appliquer  aux  manœuvres  comme  à  Rezonville  (p.  33). 


D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  Siy 

ments,  les  opérations  de  la  cavalerie,  les  détails  du  service  de  l'explora- 
tion, le  temps  nécessaire  aux  concentrations  sur  les  points  menacés,  la 
long'jeur  des  marches,  l'éloignement  des  troupes  de  seconde  ligne.  Tous 
nos  officiers  devront  étudier  les  cartes  et  tableaux  de  M.  Fay. 

A,  Chuquet. 


igi.  —  .loliaun  Fi'ledi'icl»  Bi-uch.  Seine  Wirksamkeit  in  Schule  und 
Kirche  1821-72.  Aus  seinem  handschrifilichen  Nachlasse  herausgegeben  von 
Th.  G(érold).  Strasburg,  Heitz,  1890,    lo'i  p.  in-8. 

Cette  brochure,  qui  fait  suite  aux  Souvenirs  de  jeunesse  de  l'ancien 
doyen  de  la  faculté  de  théologie  protestante  de  Strasbourg  et  qui  est  de 
même  publiée  par  son  gendre,  M.  Gérold,  contient  les  chapitres  sui- 
vants :  I^r  Commencements  à  Strasbourg;  —  II  Carrière  académique  ; 

—  III  Carrière  pastorale;  —  IV  Direction  du  gymnase;  —  V  Carrière 
administrative;  — VI  Participation  à  la  fondation  de  diverses  sociétés; 

—  VII  Carrière  littéraire  ;  —  VllI  Les  années  1870-1872. 

Le  chapitre  IV  contient  quelques   passages   qui   peuvent   illustrer 
l'histoire   de   renseignement  secondaire  sous  la   monarchie  de  iB3o. 
«  Chaque  année  apparaissaient,  dans  le  courant  de  Tété,  les  inspecteurs 
généraux  de  l'Université.  II  se  trouvait  parmi  eux  des  hommes  remar- 
quables qui  nouèrent  avec  moi  des   relations  d'amitié,  Fréd.  Guvier, 
Dutrey,  Dubois  de  Nantes,  Burnouf,  Ozaneaux.  Je  ne  m'attirai  d'affaires 
fâcheuses  qu'avec  Gaillard  et  Cournot,  puis  avec  Nisard.  Celui  ci  se 
mit  en  colère  parce  qu'un  professeur  avait  partagé  ses  élèves  en  Alsa- 
ciens et  Français.  11  avait  conclu  que  nous  n'éprouvions  pas  de  sym- 
pathie pour  la  France.  »  —  <f  Dans  les  années  trente,  une  coalition  par- 
vint à  faire   retirer  au  gymnase,    par  le    Ministre  de  l'instruction,  le 
droit  de  délivrer  des  certificats  d'aptitude  au  baccalauréat.  Nos  récla- 
mations  étant  restées  sans  résultat,  je  me  décidai  à  aller  moi-même 
à  Paris.    Villemain,   alors     ministre,    me    reçut    avec   bienveillance 
et  me  promit  de  rendre  au  gymnase  sa  capacité,  ce  qui  fut  fait.  »  — 
«  Parmi  les  obligations  du  décanat  revenait  tous  les  ans,  à  la  séance 
de  rentrée,  celle  de  lire  le  compte  rendu  des  travaux  de  la  faculté  de 
théologie.  En  i853.  J'avais,  dans  mon  rapport,  parlé  de  la  place  de  la 
théologie  dans  la  science  et  signalé  les  thèses  qui  s'étaient  fait  remar- 
quer par  leur  valeur  scientifique.  Parmi  celles-ci  se  trouvait  le  travail 
d'un  M.  Lièvre,  de  l'ouest  de  la  France,  sur  le  rôle  que  le  clergé  a 
joué  dans  la  révocation  de  l'Édit  de  Nantes.  Je  concluais  par  le  souhait 
que  Dieu  voulût  bénir  nos  travaux  et  nous  assister  dans  la  formation  de 
pasteurs  zélés,  pour  le  plus  grand  bien  de  Téglise  protestante  de  France. 
Le  lendemain,  le  journal  l'Alsacien  publia  un  article  virulent  où  l'on 
prétendait  que  j'avais  insulté  l'église  catholique.  Pour  toute  réponse,  je 
me  contentai  de  faire  insérer  mon  discours  entier  dans  le  Courrier  du 
Bas-Rhin,  en  ajoutant  qu'il  avait  été  lu  et  approuvé  par  le  recteur 


3i8 


RKVUE    CRITIQUR 


avant  la  séance  solennelle.  U Alsacien  publia  un  second  article  encore 
plus  furibond  que  le  premier,  puis  VUnivers  s'en  mêla  à  son  tour. 
Le  Ministre  demanda  des  éclaircissements  au  recteur.  Je  dus  me  justi- 
fier, puis  je  déclarai  au  recteur  que  je  ne  prendrais  plus  la  parole  dans 
la  séance  de  rentrée.  Cette  déclaration  fut  transmise  au  Ministre  qui 
arrêta  que  dorénavant  les  rapports  des  doyens  seraient  lus  en  séance  du 
conseil  académique,  puis  analysés  dans  le  discours  du  recteur  et  impri- 
més dans  le  compte  rendu  de  la  séance  solennelle.  » 

P.  70,  l'auteur  de  ces  Souvenirs  revendique  le  mérite  d'avoir  été 
rinstigateur  de  la  fête  de  Gutenberg  en  1840.  Il  ajoute  :  «  On  réunit 
les  doyens  des  diverses  facultés.  On  leur  adjoignit  d'autres  personnes,  par 
exemple  le  célèbre  juriste  Ristelhuber  qui  était  versé  dans  Thistoire  de 
Strasbourg  et  de  sa  constitution.  Celui-ci  s'exprima  sur  notre  projet  en 
termes  presque  ironiques.  »  Sa  mémoire  trompe  M.  Bruch.  Il  n'y  avait  à 
Strasbourg,  en  1840  qu'un  médecin  du  nom  de  Ristelhuber  ;  ce  médecin 
ne  s'occupait  guère  d'histoire  locale  et  il  n'a  pas  joué  de  rôle  dans  l'or- 
ganisation de  la  fête  en  question. 

Nous  ne  pousserons  pas  plus  loin  nos  remarques,  nous  dirons  seu- 
lement que  M.  Bruch  peut  être  regardé  comme  ayant  eu  de  la  chance 
et  qu'il  figure  en  bonne  place  dans  cette  légion  d^étrangers  qui  sont 
venus  demander  à  la  France  honneurs  et  argent. 

P.  R. 


192.    —  Al.  travers  la   Kab^rlie,  par  François  Charvérut.   Paris,  Pion,   1889, 
in-12). 


On  a  déjà  beaucoup  écrit  sur  la  Kabylie,  et  quelquefois  de  bien  bon- 
nes choses  1  ;  le  livre  de  M.  Charvériat  mérite  d'être  classé  parmi  les 
meilleurs,  et  fait  regretter  encore  davantage  la  mort  prématurée  de  son 
auteur  ~.  On  y  reconnaît  un  observateur  bien  sagace  et  bien  fin  des  hom- 
mes et  des  choses;  ses  jugements  parfois  sévères,  sous  une  forme  très 
modérée,  peuvent  offrir  plus  d'un  sujet  de  méditation  à  ceux  qui  sont 
chargés  d'administrer  en  pays  Berbère. 

Bien  que  présenté  sous  le  titre  de  :  Huit  jours  en  Kabylie^  cet  ouvrage 
est  le  résumé  de  longues  études  sur  le  pays  •'-.  Celui-ci  est  l'objet  d'une 
description  exacte,  élégante  et  claire,  à  laquelle  ne  manquent  ni  le  sens 
artistique,  ni  l'agrément  du  style;  mais  c'est  surtout  à  l'étude  des  hom- 
mes et  des  institutions  que  M.  Ch.  s'est  attaché.  Il  y  a  vu  bien  clair,  et 

1.  On  peut  citer  les  ouvrages  de  MM.  Hanoteau,  Letourneux,  Paul  Bert,  baron 
Aucapitaine,  de  Bibesco. 

2.  M.  Charvériat,  professeur  à  l'École  de  droit  d'Alger,  est  mort  le  24  mars  1889, 
âgé  de  34  ans. 

3.  En  réalité,  M.  Gh.  avait  fait  onze  voyages  en  Kabylie.  Il  était  tout  particulière- 
ment préoccupé  de  la  question  difficile  de  la  fusion  des  races;  dès  i885,  ayant  été 
chargé  de  faire  le  discours  de  rentrée  des  Écoles  supérieures  d'Alger,  il  avait  choisi 
pour  sujet  :  L' Assimilation  des  indigènes  dans  l'Afrique  romaine. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  SlQ 

il  est  bon  de  lire  ses  appréciations  de  l'impôt  indigène  {3y  à  44),  de  la 
répression  des  crimes  et  délits  (100  et  suiv.),  de  la  responsabilité  collec- 
tive et  des  peines  de  l'indigénat  (108  et  suiv.),  de  Tinstruction  publique 
en  pays  Berbère  et  des  avantages  qu'on  croit  pouvoir  en  retirer  (i23, 
142,  148,  etc.),  et  enfin  de  la  laveur  accordée  à  l'Islamisme.  Ces  vérités 
sont  présentées  sous  une  forme  souvent  très  spirituelle;  on  peut  citer 
les  pages  consacrées  à  la  visite  de  M.  Berthelot  (3  5,  j5,  etc.),  aux  tenta- 
tives d'assimilation  par  l'emploi  du  chapeau  à  haute  forme  et  de  l'eau 
de  Lubin  (i  14  etsuiv.),  aux  querelles  politiques  des  colons  (igS  et  suiv.). 
Il  faut  cependant  avouer  que  l'argumentation  de  M.  Ch.  se  ressent 
parfois  de  l'éducation  première  de  l'auteur,  qui  ne  lui  a  laissé  aucune 
indulgence  pour  les  exagérations  libérales  ;  mais,  comme  il  le  dit  lui- 
même  :  «  Si  l'on  veut  parvenir  à  la  vérité,  il  faut  observer  même  ce  qui 
«  peut  déplaire,  regarder  en  face  les  hommes  et  les  choses;  en  Kabylie, 
«  il  faut  voir  le  Kabyle,  et  le  Kabyle  tel  qu'il  est  »  (283).   Et  c'est  ce 
qu'il  a  fait. 

H.-D.  DE  Grammont. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  Marius  Sepet  vient  de  publier  sous  ce  titre  Les  préliminaires  de 
la  Révolution.  (Paris,  Retaux-Bray,  1890,  x-358  pages,  in-12),  un  volume  où  il  dé- 
crit avec  beaucoup  d'art  et  de  talent  l'état  de  la  société  française  avant  la  Révolution 
et  passe  en  revue  les  événements  politiques  des  dernières  années  de  l'ancien  régime. 
Nous  avons  particulièrement  goûté  les  chapitres  consacrés  à  l'administration  de  l'an- 
cien régime  :  cette  esquisse  en  quelques  traits  sobres  nous  a  paru  excellente. 

—  M.  Louis  Havet  nous  envoie  les  lignes  suivantes  :  «  Le  Précis  de  grammaire 
comparée  du  grec  et  du  latin  de  M.  V.  Henry,  dont  la  seconde  édition  a  été  l'objet  d'un 
article  de  moi  dans  la  Revue  du  21  janvier  1889,  vient  de  paraître  en  troisième  édi- 
tion chez  Hachette.  Il  y  a  plaisir  à  voir  les  réimpressions  de  cet  excellent  livre  se 
succéder  à  bref  délai,  mais  l'auteur,  dans  sa  préface,  parle  de  ma  critique  avec  un 
tel  excès  de  courtoisie  que  je  serais  bien  empêché  de  rédiger  cette  fois  autre  chose 
qu'une  simple  annonce.  » 


ACADÉMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  11  avril  18 go. 

M^Q  ÇPP^'"''  vice-président,  a  le  regret  d'annoncer  à  ses  confrères  que  le  président, 
M.  i)cheter,_  est  encore  retenu  loin  de  l'Académie  par  raison  de  santé.  Ces  jours  der- 
niers, son  état  a  même  donné  quelques  inquiétudes.  Une  amélioration  s'est  heureu- 
sement produite  depuis  lors. 

M.  Renan  communique  à  l'Académie  une  inscription  phénicienne,  gravée  sur  un 
cippe  de  marbre,  de  provenance  sidonienne,  aujourd'hui  conservé  au  Musée  du  Lou- 


?20  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

vre.  Par  les  soins  de  M.  Heuzey,  un  moulage   du  cippe  a  été  apporté  dans  la  sa! 
des  séances  de  l'Académie.  L'inscription,  selon  M    Renan,  doit  se  traduire  ainsi  : 

«  Celte  offrande  a  été  donnée  par  Abd-Mi^kar,  fils  d'Abd-Lésept,  second  magistral 
tils  de  Baal-Sillekh.  A  son  seigneur  Saiman  :  qu'il  bénisse!  » 

L'oftVande  dont  il  s'agit  n'était  pas  le  cippe  lui-même,  mais  un  aiiathéma  posé 
sur  ce  cippe.  de.vant  l'image  du  dieu.  Ce  dieu,  Saiman,  se  retrouve  dans  le  nom  du 
roi  Salmanasar  et  dans  la  déesse  palmyrénienne  -e/a'/iviç.  Le  nom  divin  de  Miskar, 
inconnu  jusqu'ici  en  Phénicie,  se  rencontre  fréquemment  dans  les  inscriptions  de 
Cartilage.  Celui  de  Lésept  doit  peut-être  être  rapproché  de  celui  de  la  divinité  sy- 
rienne Nésept. 

M.  Moïse  Schwab,  de  la  Bibliothèque  nationale,  communique  et  interprète  des 
inscriptions  hébraïques  de  la  première  moitié  du  xiV  siècle. 

Les  unes  se  trouvent  à  Issoudun  (Indre),  dans  le  monument  appelé,  en  souvenir 
de  la  reine  Blanche  Je  Castilie.  la  tour  Blanche.  Elles  ont  été  gravées  sur  les  murs 
par  des  Juifs  emprisonnés  dans  cette  tour.  Une  d'entre  elles  porte  une  date  juive  qui 
répond  au  mois  de  décembre  de  l'an  i3olî. 

Les  autres  sont  deux  épiiaphes  découvertes  à  Senneville,  près  de  Mantes  fSeine-el- 
Oise),  sous  la  roue  d'un  moulin  à  eau,  par  M.  Reyboubet,  instituteur  à  Guerville. 
Celui-ci  a  dû  pour  en  prendre  copie,  surmonter  de  grandes  difficultés  matérielles. 
L'un  de  ces  deux  textes  est  daté  du  commencement  de  l'an  i33(j.  Les  caractères  sont 
de  dimension  remarquable  :  ils  ont  jusqu'à  o™,  12  de  hauteur. 

^L  E.  Rodocanachi  communique  une  étude  sur  le  ghetto  de  Rome,  d'après  des 
documents  nouveaux  tirés  des  archives  romaines.  Jusqu'au  xi*  siècle,  les  juifs  de 
Rome  avaient  habité  le  Transtévère  :  c'est  à  cette  date,  selon  l'auteur  de  la  commu- 
nication, qu'ils  quittèrent  ce  quartier  pour  se  fixer  sur  l'autre  rive  du  Tibre,  entre 
le  palais  des  Cenci,  le  portique  d'Octavie  et  le  fleuve  Ils  vécurent  mêlés  aux  chré- 
tiens jusqu'au  xvi'  siècle  :  ûes  églises,  des  palais  appartenant  à  de  nobles  familles 
chrétiennes,  telles  que  les  Juvenali  et  les  Boccapaduli,  s'élevaient  au  milieu  du  quar- 
tier juif.  En  i535  seulement,  Paul  IV  entoura  ce  quartier  de  murailles,  en  rasa  les 
églises,  déposséda  les  propriétaires  chrétiens  et  défendit  aux  juifs  d'habiter  ailleurs. 
M.  Rodocanachi  décrit  les  monuments  et  la  physionomie  de  ce  quartier  misérable, 
dont  l'édilité  romaine  poursuit,  depuis  peu   de  temps  seulement,  la  transformation. 

M.  Maurice  Prou,  de  la  Bibliothèque  nationale,  communique  des  observations  sur 
un  peuple  gaulois  de  l'Aquitaine,  les  Antobroges,  qui,  selon    Pline  l'Ancien,  étaient 
voisins  des  Ruteni  habitants  du  Roueigue).  Le  nom  d' Antobroges  ne  se  rencontrant 
pas  ailleurs,  les  éditeurs  de  Pline,  depuis  Scaliger.  se  sont  accordés  à  le  considère! 
comme  une  faute  de  copie  et  l'ont  remplacé  par  Nitiobriges,  nom  d'un  autre  peu- 
ple aquitain    bien    connu.  Mais  trois  monnaies  mérovingiennes,  qui    viennent  d'en- 
trer à  la  Bibliothèque  nationale,  portent  la  \égend^  :  Antubevix    Le  style  de  ces  mon- 
naies les  rattache  d'ailleurs  à  celles  du  Rouergue.  M.  Prou  en  conclut  qu'il  a  réellemen 
existé  un  peuple  des  Antobroges,  distinct  des  Nitiobriges,  et  dont  la  capitale  s'appe 
lait  Antobrix  ou.  en   latin  barbare,  Antuberix.  Les   futurs  éditeurs  de  Pline  feron 
donc  bien  de  revenir,  sur  ce  point,  à  la  leçon  des  manuscrits. 

M.  Deloche  exprime  quelques  réserves  sur  les  conclusions  du  travail  de  M.  Prou 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Delisle  :  i»  Collection  Spit^er,  lome  l"  ;  2°  Beau- 
court  (G.  DU  Fresne  DE),  le  Procès  de  Jacques  Cœur;  —  par  M.  Jules  Girard  :  Géo 
graphie  de  Strabon,  traduction  nouvelle,  par  Amédée  Tardieu,  tome  IV  :  Table  al 
phabétique  et  analytique. 

Julien  Havet.  j 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE| 

Séances  des  26  mars  et  2  avril  18 go. 

M.  l'abbé  Duchesne  met  sous  les  yeux  des  membres  de  la  Société  la  photograph  1 


qu  elle  a  consacre  sa  virginité  au  Christ.  C  cst  la  seule  inscnpti 
jusqu'ici  qui  ait  été  trouvée  dans  l'ancienne  Maurétanie  Tangitane. 

M.  Babelon   continue  la  lecture  du  mémoire  de  M.  de   Laigue,  consul  de  Fran] 
à  Cadix,  sur  le  sarcophage  phénicien  du  Musée  de  Cadix. 

M.  de  Villefosse  signale  l'intérêt  qu'il  y  aurait  à  comparer  ce  sarcophage  avec 
sarcophages  phéniciens  du  Louvre  et  autres  similaires. 

M.  Mowat  communique  l'empreinte  d'une  bague  en  or,  un  anneau  de  mariage  sa^ 
doute,  trouvée  à  Rouen  et  acquise  par  le  musée  de  cette  ville. 

Le  Secrétaire, 
Ulysse    Robert. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Pu}',  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent.  23. 


REVUE   CRITIQUE 
D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


Ho  17  _  28  avril  —  1890 


Sommaire  î  iqS.  Krebs,  L'inscription  de  Khnoumhotpou.  —  194.  Salemann  et 
Shukovski,  Grammaire  persane.  —  igb.  Poole,  Catalogue  des  monnaies  persanes 
du  British  Muséum.  —  196.  An.  de  BARTHÉLEiMY,  Manuel  de  numismatique  an- 
cienne. —  197.  Bauer,  Les  tournures  subjectives  dans  les  chansons  de  geste.  — 
198.  U.  Robert,  Les  signes  d'infamie  au  moyen  âge.  —  199.  Gaudenzi,  Les 
compagnies  d'armes  de  Bologne.  —  200.  Bartholomeis,  Recherches  dans  les 
Abruzzes.  —  201.  Bréal,  La  réforme  de  l'orthographe  française.  —  202.  Catalo- 
gue général  des  manuscrits  des  bibliothèques  publiques  de  France.  —  Chroni- 
que. —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


193.  —  Fr.  Krebs,    De  cbnemotliî»  (Hnmhtp)  Nomarchi  inscriptione  aegyptiaca 
commentatio.  Berlin,  1890,   Speyer  et  Peters,  in-4,  5i  p. 

L'inscription  de  Khnoumhotpou,  nomarque  de  Bèni-Hassan,  a  été 
analysée  à  plusieurs  reprises  et  traduite  en  entier;  elle  renferme  malgré 
tout  plus  d'un  passage  dont  le  sens  est  demeuré  obscur,  et  M.  Krebs 
a  eu  raison  d'en  aborder  de  nouveau  l'étude.  M.  K,  est  élève  de 
M.  Erman,  et  cela  se  voit  au  soin  et  à  la  minutie  avec  laquelle  il  se  livre 
à  l'examen  des  questions  grammaticales.  Plusieurs  des  traductions  nou- 
velles qu'il  propose  sont  excellentes,  d'autres  ne  me  paraissent  pas  être 
aussi  heureuses  ;  çà  et  là,  il  n'a  pas  connu  l'explication  que  tel  ou  tel 
égyptologue  a  proposée,  en  passant,  de  tel  ou  tel  passage  mal  interprété 
auparavant.  Ainsi,  le  groupe  difficile  formé  du  vase  arrondi  et  des  trois 
lignes  ondées  a  été  déchiffré  dans  la  Zeitschrift  (1887,  p.  33-34),  P'^^" 
Piehl  qui  y  voit  une  variante  de  la  préposition  khonou,  em-khonoii,  dans, 
à  l'intérieur  de...  La  phrase  que  M.  K.  rend  Exstruxi  monumentum 
mei...  iirbi  meœ,  laissant  en  blanc  le  groupe  en  litige,  se  traduira  donc 
Jejis  des  monuments  dans  mon  domaine.  M.  Piehl  a  de  même  indiqué 
(p.  25)  une  correction  possible  du  groupe  corrompu  qui  termine  le  pro- 
logue de  l'inscription  et  que  M.  K.  a  laissé  en  blanc  (p.  16,  18)...  et 
omne..,,  sic  ut  gerebatur  ;)q  pense,  pour  mon  compte,  qu'il  y  faut  lire 
âhoutiou,  les  fellahs.  Ces  oublis  et  quelques  légères  erreurs  dans 
des  passages  difficiles  n'empêcheront  personne  de  considérer  le  mémoire 
que  je  signale  à  lattention  des  lecteurs  comme  un  travail  très  méritoire. 
M.  Krebs  nous  promet  un  égyptologue  doué  de  qualités  solides,  et  nous 
avons  grand  besoin  de  recrues  aussi  bien  préparées  qu'il  semble  l'être. 

G.  Maspero. 


Nouvelle  série,  XXIX.  17 


322  REVUE   CRITIQUE 

i()4,  —   S^ei*»<â!^i-Iic     Gi'»im»i>tik     mît     lsttef»tui'j    elir^^foinutliio     uni 
glos&ui-  von  Cari  Salcmann   und  Valcnlin  Shukovski.  Berlin,  1889,  in-12. 


Ce  nouveau  manuel  tiendra  une  place  honorable  dans  la  collection 
intitule'e  Porta  linguaruvi  orientalium,  qui  a  rendu  et  rendra,  quoi 
qu'on  en  dise,  de  notables  services  à  l'étude  des  langues  de  POrient.  Le 
plan  général  de  cette  collection,  due  à  Pinitiative  de  Petermann,  est  bien 
fait  pour  donner  de  tels  résultats  :  abrégé  de  grammaire,  morceaux  gra- 
dués accompagnés  d'un  glossaire,  enfin  une  liste  biographique  qui,  sans 
avoir  la  prétention  d'être  complète,  indique  les  meilleurs  documents  à 
consulter.  Voilà  plus  qu'il  n'en  faut  pour  mettre  le  débutant  en  état  de 
prendre  ensuite  son  essor. 

Je  constate  avec  plaisir  que  ces  mêmes  qualités  se  retrouvent  dans  la 
grammaire  persane,  due  à  la  collaboration  de  MM.  Salemann  et  Shu- 
kovski.  Tout  ce  qui  concerne  la  phonétique,  la  morphologie  et  les 
règles  de  dérivation  y  est  expliqué  avec  concision,  mais  clairement.  Au 
besoin,  des  renvois  à  la  langue  de  Firdousi  et  aussi  aux  formes  plus 
anciennes  conservées  dans  le  pehlevi  concourent  heureusement  à  expli- 
quer les  anomalies  du  style  littéraire.  On  aurait  pu  cependant  donner 
plus  de  place  à  la  langue  vivante  qui  renferme  tant  de  particularités 
curieuses  et  encore  imparfaitement  étudiées.  Un  fin  connaisseur^  le 
regretté  Kazimirski  de  Biberstein,  en  a  signalé  plusieurs  dans  les  notes 
grammaticales  qui  précèdent  ses  Dialogues,  mais  il  reste  encore 
beaucoup  à  glaner  après  lui. 

On  legrettera  aussi  l'absence  complète  et  de  parti  pris  des  paradigmes. 
Si  simple  que  soit  la  structure  d'une  langue,  quelques  exemples  ne  son 
jamais  de  trop  pour  faciliter  l'explication  des  règles  et  en  corriger  là 
sécheresse.  J'aurais  volontiers  sacrifié  pour  cela  les  pages  que  les  auteurs 
ont  cru  devoir  consacrer  à  la  prosodie,  résumé  beaucoup  trop  écourté 
pour  être  de  quelque  utilité. 

Je  voudrais  pouvoir  louer  sans  restriction  leur  chrestomathie,  mais 
elle  porte  la  trace  de  je  ne  sais  quelles  incertitudes  qui  nuisent  à  la  bonne 
classification   de   l'ensemble.    Les  auteurs   avouent  eux-mêmes  qu'ils 
croyaient  d'abord  ne  pouvoir  lui  donner  qu'une  quarantaine  de  pages 
et  ils  les  avaient  consacrées  exclusivement  à  un  choix  de  poésies.  Plus 
tard,  voyant  qu'ils  pouvaient  disposer  de  plus  de  place,  ils  ont  ajouté,  et 
l'on  ne  peut  que  les  approuver,  deux  ou  trois  morceaux  de  prose,  aux 
extraits  du  Schah-namèh  et  d'autres  poèmes.  Mais  le  tirage  étant  d€]3i 
très  avancé,  les  morceaux  faciles  n'ont  pu   prendre  place  qu'après  lesf 
extraits  poétiques.  Ces  derniers  auraient  dû  être  sinon  sacrifiés  en  entier 
au  moins  élagués.   Passe  encore  pour  les  poèmes   de  Firdousi  et  de 
Ménoutchehri,  qui  sont  déjà  commentés  et  traduits,  mais  que  viennent 
faire  ici  les  Odes  si  dépourvues  d'originalité  de  Mouizzi  et  de  Kémal  Is- 
maïli?  Pourquoi,  puisqu'on  ne  recherchait  pas  l'inédit,  n'avoir  pas  donne 
la  préférence  aux  classiques?  11  y  a  pourtant  dans  le  Kiilliat  de  Saadi  ei 


1 

"Il 


O  HISTOIRE   ET   DE   LITTéRATURB  32  3 

de  Hafez,  dans  les  Divans  d'Enveri  et  de  Nizami  nombre  de  pièces  qui 
auraient  fait  bonne  figure  dans  cette  anthologie.  J'insiste  d'autant  plus 
sur  ce  point  que  le  glossaire  est  insuffisant  pour  faciliter  la  lecture  de 
plusieurs  des  vers  qui  y  sont  donnés.  La  différence  entre  la  prose  nnême 
élégante  et  la  langue  poétique  est  si  grande,  le  choix  des  images,  le  tour 
des  idées  empruntées  aux  bizarres  théories  du  soufisme  créent  de  telles 
complications  qu'il  faut,  pour  aborder  la  poésie  persane,  une  préparation 
spéciale  qui  dépasse  de  beaucoup  les  limites  d'un  traité  élémentaire. 

En  revanche,  la  bibliographie  est  faite  avec  soin  et  n'omet  rien  d'es- 
sentiel. Peut-être  les  orientalistes  français  auraient-ils  quelques  lacunes 
à  lui  reprocher,  mais  la  faute  en  est  sans  doute  à  nos  éditeurs,  qui  ne 
répandent  pas  leurs  catalogues  avec  autant  de  libéralité  que  leurs  con- 
frères de  l'étranger.  A  part  quelques  menues  erreurs  typographiques,  le 
texte  m'a  paru  très  correct.  Je  signalerai  cependant,  page  32,  le  second 
hémistiche  du  troisième  vers  qu'il  est  impossible  de  scander,  et  le  vers 
suivant  où  la  mesure  exige  qu'on  lise  guèlii  au  lieu  de  guèh.  Ajouter 
aussi  au  glossaire  quelques  mots  oubliés,  par  exemple  :  ''arif  dans  le 
sens  spécial  d'initié  au  soufisme;  der  beraber,  en  face;  bouté,  tige  de 
plante;  ba{,  ouvert,  etc.  Enfin  de  courtes  explications  sur  les  noms 
géographiques  et  les  ethniques  n'auraient  pas  été  de  trop  dans  le  glos- 
saire ou  en  note  au-dessous  du  texte.  Ces  légères  imperfections,  qu'il 
sera  facile  de  corriger  dans  une  seconde  édition,  n'enlèvent  rien  au 
mérite  de  ce  petit  livre,  qui  ne  peut  manquer  d'être  bien  accueilli  des 
gens  du  métier  et  contribuera  à  répandre  le  goût  de  la  plus  char- 
mante des  littératures  de  l'Orient  musulman. 

B.  M. 

195.  —  Catalogue  of  Coins  of  the  Shahs  ofPersIa,  in  the  British  Muséum, 
by  Reginald  Stuart  Poole,  LL.  D.,  correspondent  of  ihe  Institute  of  France; 
London,  1887.   1  vol.  in-8,  xcv-336,  24  planches. 

Nous  sommes  bien  en  retard  avec  le  livre  de  M .  Poole,  mais  c'est  un  de 
ces  livres  qui  peuvent  attendre  sans  danger,  car  leur  valeur  et  leur  mi- 
lité ne  passent  pas  avec  le  temps.  La  collection  de  catalogues  numis- 
matiques,  publiée  par  le  British  Muséum  sous  la  direction  de  M.  P., 
est  un  modèle  et  un  exemple  donné  aux  cabinets  de  médailles  du  conti- 
nent. L'habile  directeur  de  cette  publication  n'est  point  orientahste  de 
profession  et  nous  ne  l'avions  pas  encore  rencontré  jusqu'ici  sur  le  do- 
maine iranien  :  mais  il  montre  dans  ce  catalogtie  qu'avec  de  la  con- 
science et  de  la  méthode  il  n'est  point  de  tâche,  si  nouvelle  qu'elle  soit, 
dont  on  ne  puisse  se  charger  et  s'acquitter  avec  succès.  M.  P.  n'avait 
pas,  il  est  vrai,  à  chercher  bien  loin  autour  de  lui  pour  trouver  le  plus 
sûr,  le  plus  compétent  et  le  plus  obligeant  des  conseillers,  dans  la  per- 
sonne de  M.  Rieu,  l'auteur  du  catalogue  des  manuscrits  persans.  M.  P., 
très  modestement,  reporte  à  M.  Rieu  le  mérite  des  nouveautés  de  son 


:)24  REVUE    CRITIQUE 

catalogue  :  quelle  que  soit  la  part  de  Tun  ou  de  Tautre,  nous  n'avons 
qu'à  profiter  du  résultat  de  celte  collaboration  et  à  nous  en  féliciter. 

Le  volume  traite  des  monnaies  persanes  depuis  l'avènement  desSéfévis 
(i5o2)  jusqu'à  nos  jours.  Le  British  Muséum  possède  environ  neuf  cents 
monnaies  de  cette  période,  dont  deux  cents  environ  autonomes  (les 
monnaies  de  cuivre),  et  sept  cents  royales.  Dans  une  large  introduction 
qui  forme  la  partie  originale  du  livre,  M.  P.  donne  tous  les  renseigne- 
ments d'usage  en  pareil  cas  sur  les  divers  types  de  monnaies,  leur  poids, 
leur  valeur,  les  ateliers  monétaires;  le  style,  les  formules.  Mais  la  par- 
tie la  plus  neuve  et  qui  constitue  un  véritable  progrès  pour  Thistoirede 
la  Perse  est  la  détermination  précise  de  l'avènement  des  divers  Shahs 
et  Khàns,  depuis  Ismail  1".  La  chronologie  persane  n'a  jamais  été 
serrée  de  près  par  les  historiens,  faute  d'indications  précises  dans  les 
sources,  et  surtout  à  cause  des  complications  que  crée  l'emploi  d'un 
double  comput,  ou  pour  parler  plus  exactement,  la  combinaison  de  Père 
musulmane  qui  est  lunaire  avec  le  cycle  tartare  qui  est  solaire.  La  déter- 
mination exacte  du  juins  ou  jour  d'avènement  des  divers  souverains,  que 
M.  P.  établit  par  la  confrontation  des  chroniques,  formera  la  base  d'une 
histoire  des  périodes  modernes  moins  vague  que  celle  qui  a  cours  jus- 
qu'à présent. 

L'étude  des  inscriptions  monétaires  permet  de  suivre  sur  le  métal 
l'histoire  religieuse  et  politique  de  la  Perse.  Avec  les  Séfévis,  le  Shiisme 
monte  sur  le  trône  et  devient  religion  d'état  :  à  la   formule  «  Il  n'y  a.^ 
point  d'autre  Dieu  qu'Allah  et  Mahomet  est  le  Prophète  de  Dieu  «  s'a- 
joutent les  mots  «  et  Ali  est  le  Valî  (le  Représentant)  de  Dieu  ».  Quand 
l'espace  le  permet,  les  noms  des  douze  Imams  viennent  se  dérouler  alen- 
tour. Les  rois  s'intitulent  Ghiilâmi  'Ali,  (n  SQrvitzur  d' A\h^ ,  Bendehi Shâhi 
Vilayat  «  serviteur  du  roi  du  pays  »,  Ali  étant  le  vrai  roi  de  Perse^Kalbi 
'Alî,Kalbi  âstdn  '^/2i?/za«  le  chien  de  garde  d'Ali,  le  chien  de  garde  du 
sanctuaire  d'Ali  Ri;;^a.  »  La  dynastie  afghane,  sunnie  fervente,  supprime  le 
nom  d'Ali  et  des  Imams  et  le  remplace  par  celui  des  Khalifes:  leur  monnaie 
est  <(  le  monnayage  des  Quatre  compagnons  »  ( Sikkai  car yârân) .  Nadir 
Shah,  q ui  renverseles  Afghans^au  nom  du  roitelet  légitime  Thamasp,  mais 
n'ose  pas  encore  s'asseoir  sur  le  trône  du  Séfévis  et  graver  son  nom  sur 
la  monnaie  royale,  en  supprime  le  nom  de  Thamasp  et  le  remplace  par 
celui  de  l'Imam  Riza,  le  huitième  successeur  d'Ali,  le  saint  dont  le  tom- 
beau fait  de  Meshed  la  cité  sainte  de  la  Perse.  Une  fois  sur  le  trône, 
Nadir  Shah  écarte  l'Imam  sans  plus  de  façon  qu'il  avait  écarté  Tha- 
masp :  même  la  profession  de  foi  Alide  disparaît  de  ses  monnaies.  Elle 
reparaît  avec  son  petit  fils  Shah  Rukh.  Pendant  les  luttes  entre  les 
Khans,  Zenas  et  Qajars,  qui  n'osent  ni  les  uns  ni  les  autres  prendre  le 
titre  royal,  l'interrègne  recommence  au  profit    des   dieux  et  c'est   le 
Mahdi  —  le  dernier  Imam,  celui  qui  n'est  pas  encore  venu,  —  qui  re- 
cueille, comme  avait   fait  Ali  Riza  aux  débuts  de  Nadir  Shah,  l'héri- 
tage royal  revenu  à  son  maître  légitime,  faute  d'un  autre. 


d'histoire  et  de  littérature  32  5 

Ce  ne  sont  pas  là  des  faits  nouveaux,  mais  la  lumière  métallique  les 
éclaire  d'une  façon  singulièrement  vive.  Il  y  a  pourtant  çà  et  là  des 
données  nouvelles.  Je  signalerai  en  particulier  une  véritable  trouvaille 
qui  jette  un  jour  nouveau  sur  les  rapports  des  premiers  Mogols  de  Delhi 
avec  la  cour  d'Ispahan.  Parmi  les  monnaies  au  nom  d'Ismail,  le  pre- 
mier Séfévi,  s''en  trouve  une  qui  porte  un  second  nom  royal,  évidem- 
ment le  nom  d'un  prince  vassal,  Sultan  Mohammed.  Quel  est  ce  prince? 
Il  ne  serait  autre,  pense  M.  P.,  que  le  futur  Grand  Mogol,  Moham- 
med Baber.  Selon  Khondemir,  Baber,  au  moment  d'entreprendre  la 
conquête  de  la  Transoxiane,  demanda  le  secours  de  Shah  Israail  —  ils 
avaient  un  ennemi  commun,  les  Uzbegs  —  et  lui  promit  en  retour 
qu'après  la  conquête,  la  Khutba  et  la  Sikka,  c'est-à-dire  la  prière  publi- 
que et  le  monnayage,  se  feraient  au  nom  du  roi  de  Perse,  symbole  de  sa 
suzeraineté.  Samarkand  conquise,  Baber  tint  sa  promesse  et,  pour  citer 
les  termes  d"un  autre  historien,  Iskander  Beg,  «  il  fit  réciter  dans  tout  ce 
pays  paradisiaque  la  Khiitba  des  Douze  Imams  au  nom  du  Roi  Ismail.  » 
La  pièce  au  nom  d'Ismail  er  de  Sultan  Mohammed  prouverait  qu'il 
tint  aussi  sa  promesse  pour  la  Sikka.  Baber  a  donc  été,  tout  le  temps 
qu'il  régna  à  Samarkand,  vassal  du  roi  de  Perse;  et  on  comprend  alors 
pourquoi  le  récit  des  années  914-925  manque  dans  ses  mémoires.  Mais 
ce  qu'il  y  a  de  particulièrement  intéressant,  c'est  de  voirie  fondateur  de 
la  dynastie  mogole  débuter  par  le  Shiisme  et  quatre  monnaies  d'argent 
venues  de  Transoxiane  nous  le  montrent  en  effet  shiite  déclaré  :  «  Il  n'y 
a  pas  d'autre  Dieu  qu'Allah,  Mohammed  est  son  Prophète,  Ali  est  son 
représentant.  —  Sultan  Baber  Behadur.  w  Les  historiens  de  Baber  disent 
qu'il  dut  bientôt  évacuer  la  Transoxiane,  s'étant  rendu  impopulaire  en 
adoptant  et  faisant  adopter  à  ses  troupes  le  costume  des  Perses  Shiites  : 
on  voit  qu'il  y  a  plus  qu'une  question  de  costume  :  c'était  le  Shiisme 
que  Baber  imposait  aux  Sunnis  fanatiques  de  Samarkand  et  Bukhara  : 
tâche  impossible  où  toute  sa  fortune  devait  échouer. 

Quelques  années  plus  tard,  quand  son  fils  Humayun,  chassé  de  l'Inde, 
va  chercher  refuge  à  la  cour  du  fils  d'Ismail,  Thamasp,  celui-ci  lui  fait 
payer  son  secours  en  lui  imposant  la  conversion  au  Shiisme.  Ce  n'était 
pas,  comme  le  présentent  les  historiens  de  l'Inde,  une  exploitation  peu 
généreuse  du  m.alheur  de  son  voisin  :  c'était  un  marché,  librement  con- 
clu entre  son  père  et  celui  d'Humayun,  dont  il  réclamait  l'exécution. 
On  voit  comment  une  ou  deux  pièces  de  monnaies  peuvent  changer 
l'aspect  de  toute  une  période  historique  et  donner  aux  faits  une  couleur 
que  les  chroniques  ne  savaient  pas  mettre  en  lumière. 

M.  Poole  résume  ses  recherches  dans  des  tables  donnant  les  rapports 
généalogiques  et  chronologiques,  —  si  obscurs  et  compliqués  dans  la  pé- 
riode qui  suit  la  chute  des  Séfévis,  —  des  diverses  dynasties  qui  se  sont 
succédé  ou  juxtaposé  en  Perse.  Son  livre  renferme  une  riche  collection  de 
données  précises  et  sûres  qui  le  rend  indispensable  pour  quiconque 
veut  étudier  l'histoire  moderne  de  la  Perse. 

James  D.\rmesteter. 


326  REVUE    CRITIQUE 

196.  —  Anatole  de  Barthélémy.  Manuel  <lo  numismatique  ancienne.  Paris, 

Roret,  1890.  In-iô  de  4S3  p.,  avec  atlas  de  12  pi. 

La  première  édition  de  ce  petit  livre  a  paru  en  i85i,  dans  l'utile  col- 
lection des  Manucls-Rorct,  où  il  représentait  seul  l'archéologie  classi- 
que à  côté  de  la  déplorable  traduction  du  Hmidbuch  d'Otfried  Muller. 
Depuis  cette  époque,  il  a  servi  à  des  générations  de  voyageurs,  dont  il  a 
été  et  dont  il  restera  le  vade  mecum:  l'exiguité  de  son  format,  l'extrême 
modicité  de  son  prix,  la  quantité  de  renseignements  accumulés  dans  les 
Notions  préliminaires  et  dans  la  description  des  diverses  séries,  lui  ont 
permis  de  rendre  d'excellents  services  à  tous  ceux  que  le  hasard  de  leurs 
recherches  éloignaient  des  grandes  bibliothèques.  Je  m''acquitte  ici  d'une 
véritable  dette  de  reconnaissance,  contractée  pendant  mon  séjour  en 
Orient,  en  remerciant  l'auteur  de  ce  livre  modeste  qui  a  été  pour  moi, 
pendant  longtemps,  lex  et  prophetœ.  Aujourd'hui,  grâce  à  VHistoria 
numorum  de  M.  Head,  on  n'a  pas  besoin  du  coûteux  Mionnet  ou  des 
catalogues  non  moins  coûteux  du  Musée  britannique  pour  s'orientera 
travers  la  numismatique  des  anciens;  mais,  outre  que  cet  excellent  ou- 
vrage laisse  de  côté  les  monnaies  romaines,  il  est  trop  gros  et  trop  lourd 
pour  accompagner  un  archéologue  ou  un  amateur  dans  ses  pérégrina- 
tions à  travers  les  pays  classiques.  Ainsi  le  Manuel  de  M.  de  Barthé 
lemy  conserve  son  utilité  et  cette  utilité  s'est  accrue  par  la  révision 
dont  il  vient  d'être  l'objet  pour  l'édition  nouvelle  que  nous  annonçons 
Il  est  vrai  que  cette  révision  a  été  fort  inégale.  Si  le  chapitre  relatif  au 
monnaies  gauloises  se  trouve  sérieusement  et  efficacement  remanié,  si 
les  monnaies  ibériques  ont  profité  des  travaux  récents  que  ce  sujet  dif- 1 
ficile  a  provoqués  en  France  et  en  Espagne,  si  enfin  M.  de  B.  a  mis 
à  contribution  un  certain  nombre  de  monographies  concernant  les 
monnaies  grecques,  il  a  encore  laissé  échapper  ou  subsister  trop  d'er- 
reurs dans  cette  partie  de  son  travail  et  l'on  a  d'autantplus  le  droit  de  le 
regretter  qu'un  dépouillement  attentif  de  VHistoria  numorum  lui  aurait 
permis,  sans  grands  efforts,  d'éviter  ou  de  corriger  toutes  ces  méprises. 
Ainsi,  p.  210  (P'e  éd.,  p.  176),  il  ne  devait  plus  être  question  de  monnaies 
dePotnies;  p.  217  (peéd.,  p.  182),  il  n'existe  pas  de  monnaies  d'argent 
de  Pylos;  p.  226,  Axos  de  Crète  ne  s'est  jamais  appelé  Saxus^  mais 
"Oa^o;,  Fa6;o;,  Fâço;  ou  "A^oç;  p.  242,  la  monnaie  citée  de  Mithridate 
Évergcte  est  fausse  (Th.  R.,  Rois  de  Pont,  p.  19);  p.  243,  Tryphaena 
était  la  mère  et  non  la  femme  de  Polémon  II  ;  p.  271,  les  monnaies  à  la 
légende  ÂBBAITQN  n'appartiennent  pas  à  Aba  de  Carie;  p.  277,  le 
satrape  de  Carie  s'appelait  POONTOnATHC  et  non  OGONTOIIATIIC; 
p.  3oo,  la  ville  à'Asia  n'a  jamais  existé  et  les  monnaies  mentionnées 
sous  cette  rubrique  sont  des  pièces  d'Apamée.  J'ajoute  que  l'impres- 
sion n'est  pas  toujours  correcte  ;  ainsi  le  nom  de  Vercingétorix, 
sur  les  monnaies  arvernes ,  est  transcrit  VERCINGETORIS 
(sic)  et  nous  voyons  (p.  208,  n.  i  =p.  174,  n.  i  de  la  i"""  éd.)  que 
«  Boeotus  était  fils  de  Neptune  et  de  Arnès  »;  il  faut  naturellement  lire 


Hk 


d'histoire  et  de.  littérature  327 

d'Arné.  On  pourrait  aisément  multiplier  ces  observations  et  signaler 
d'autres  lapsus  qui,  sans  nuire  beaucoup  à  l'utilité  du  Manuel  comme 
vade  mecum,  imposeront  à  ceux  qui  en  font  usage  le  devoir  de  contrô- 
ler ses  assertions.  Tel  qu'il  est,  cependant,  avec  ses  qualités  et  ses 
défauts,  ce  livre  répond  autrement  bien  au  desideratum  d'un  «  Mionnet 
de  poche»  que  le  fantastique  attrape-nigauds  récem.ment  publié  sous  ce 
titre  à  l'étranger. 

Salomon  Reinach. 

igy.  _  Di"  Phil.  Rudolf  Bauer.  Uebei-  die  subjektiven  -«Vendwingon  in 
den  Altfi'anzœslBclien  Karlsepen.  Frankfurt  a.  M.  und  Lalir,  1889,  in-8, 
124  p. 

La  dissertation  de  M.  Bauer,  dédiée  à  M.  le  professeur  Freymond, 
fait  honneur  au  maître  et  à  Télève.  M.  B.  étudie  les  tournures  subjec- 
tives, autrement  dit  les  interventions  personnelles  de  l'auteur,  dans  la 
rédaction  des  chansons  de  geste  et  particulièrement  dans  la  Chanson  de 
Roland.  Assurément  le  travail  n'est  pas  complet,  mais  il  est  cependant 
très  nourri,  et  il  en  résulte  avec  une  grande  évidence  que  les  tournures 
subjectives,  rares  dans  les  plus  anciennes  rédactions,  deviennent  de  plus 
en  plus  fréquentes  et  de  plus  en  plus  développées  par  une  progression 
constante.  C'est  un  élément  important  d'appréciation  pour  l'ancienneté 
de  nos  poèmes  épiques  et  de  leurs  diverses  rédactions. 

L.  C. 


I 


198.  —  ï^es  Signes  d'înfamîe  au  moyen  âge,  juifs,  sarrasins,  hérétiques, 
lépreux,  cagots  et  filles  publiques,  par  Ulysse  Robert,  membre  résidant  de  la 
Société  nationale  des  Antiquaires  de  France.  Paris,  i88g,  grand  in-8  de  116  p. 

Tout  le  monde  ou  presque  tout  le  monde  sait  que,  depuis  le  com- 
mencement du  xm^  siècle,  les  Juifs,  les  Sarrasins  et  les  hérétiques,  no- 
tamment les  Albigeois,  furent  soumis  à  l'obligation  de  porter  sur  leurs 
vêtements  un  signe  extérieur  destiné  à  les  faire  reconnaître;  que,  plus 
tard,  cette  obligation  fut,  par  une  sage  mesure,  étendue  aux  lépreux, 
ensuite  aux  cagots  et  autres  malheureux  de  la  même  catégorie,  enfin  aux 
filles  publiques.  Ce  que  l'on  sait  moins,  dit  M.  Robert  (p.  i),  c'est  ce  en 
quoi  consista  ce  signe,  quelles  en  furent  l'origine,  la  forme,  la  matière, 
la  couleur,  les  dimensions,  etc.  L'auteur  a  recherché  tout  cela  dans  les 
canons  des  Conciles,  les  ordonnances  des  rois,  les  statuts  municipaux, 
et,  pour  les  hérétiques,  dans  ce  qui  reste  des  registres  de  l'Inquisition. 
De  ces  sources  générales  et  de  diverses  sources  particulières  énumérées 
soit  en  la  page  3,  soit  au  bas  de  la  plupart  des  pages  du  volume,  il  a  tiré 
des  renseignements  aussi  abondants  que  précis  sur  cette  question,  «  éga- 
lement intéressante  au  point  de  vue  historique  et  au  point  de  vue  archéo- 
logique '  ». 

I.  M.  R.  signale  en  termes  excellents  (p.  2)  l'importance  delà  question  magistrale- 
ment traitée  par  lui  :  «  Si  l'étude  des  signes  permet  de  suivre  les  diverses  manifcs- 


328  REVUE   CRITIQUA 

M.  R.  rappelle  qu'en  i883,  il  avait  publié  dans  la  Revue  des  études 
juives,  sous  le  tilre  de  Etude  historique  et  archéologique  sur  la  roue 
des  Juifs  depuis  le  xin°  siècle,  lu  première  partie  du  présent  travail. 
N'ignorant  pas  que  cette  étude  serait  forcément  incomplète,  tant  le  su- 
jet est  vaste,  il  voulait,  ajoute-t-il,  appeler  sur  son  essai,  surtout  à  l'étran- 
ger, l'attention  des  crudits  qui  se  sont  occupés  de  l'histoire  des  Juifs 
dans  les  divers  pays  de  l'Europe  et  provoquer  ainsi  un  complément 
d'informations,  moyen  qui  lui  a  réussi  et  lui  a  permis  de  faire  à  son 
Etude  primitive  d'importantes  additions  i.  Dès  la  première  page  du 
chapitre  sur  le  signe  des  Juifs,  nous  trouvons  la  rectification  d'une  er- 
reur commise  dans  un  recueil  très  répandu  et  sur  laquelle  il  est  d'au- 
tant plus  utile  d'appeler  l'attention  :  «  J'ai  dit  en  commençant  que 
c'est  au  xiu^  siècle  que  les  Juifs  et,  avec  eux,  les  Sarrasins  d'Occident 
furent  tenus  d'avoir  sur  leurs  vêtements  un  signe  distinctif.  M.  Chéruel, 
qui  s'est  occupé  incidemment  de  la  question  ~,  fait  remonter  cette  obli- 
gation au  xn^  siècle-,  selon  lui,  lorsque  le  pape  Innocent  II  fit  son  en- 
trée solennelle  à  Saint-Denis,  le  i5  avril  ii3o,  les  Juifs  seraient  venus 
lui  offrir  une  rouelle.  Mais  M.  Chéruel  a  mal  interprété  le  passage  de 
la  vie  de  Louis  le  Gros  par  Suger  3;  il  a  confondu  le  rouleau  de  la  loi, 
l'Ancien  Testament,  avec  la  rouelle  dont  il  sera  longuement  parlé  ci- 
après  4. 

talions  de  l'esprit  public  contre  quelques-uns  de  ces  infortunés  mis,  souvent  sans 
raison,  au  ban  de  la  société,  elle  peut  fournir  à  l'archéologue  et  à  l'érudit  des  indi- 
ces presque  sûrs  pour  déterminer  la  date  et  l'origine  des  monuments  figurés  où  sont 
représentés  des  personnages  avec  un  signe.  » 

1.  Encouragé  par  ces  heureux  résultats.  M.  R.  adresse  (p.  3)  un  nouvel  appel  aux 
savants  de  tous  pays  :  «  J'ai  tâché,  autant  qu'il  était  en  mon  pouvoir,  de  compléter 
par  mes  recherches  personnelles  [en  ce  qui  concerne  le  signe  des  hérétiques,  celui 
des  cagols  et  caqueux,  celui  des  filles  publiques]  les  travaux  des  érudits  dont  je  viens 
de  citer  les  noms  [Charles  Molinier,  Bernard  Gui  (édition  du  chanoine  Douais),  Fran- 
cisque Michel,  Rabutaux  et  Paul  Lacroix],  mais,  malgré  les  résultats  acquis,  la 
somme  des  lacunes  restera  encore  trop  considérable.  J'accueillerai  avec  la  plus  vive 
reconnaissance  tous  les  renseignements  qui  me  permettraient  de  les  combler.  » 

2.  Dictionnaire  historique  des  institutions,  mœurs  et  coutumes  de  la  France,  t.  IL 
p.  629,  V"  Juifs. 

3.  Recueil  des  historiens  des  Gaules  et  de  la  France,  t.  XII,  p.  58. 

4.  Parmi  les  autres  rectifications  indiquons,  celles-ci  :  «  Je  ne  sais  ce  qui  a  autorisé 
Pasquier  à  dire  que  les  Juifs  avaient  jadis  eu  sur  l'épaule  une  rouelle  ou  platine  d'é- 
tain  »  (p.  12).  — «  La  ceinture  dorée,  dont  on  oarle  beaucoup,  n'est  pas  un  signe; 
c'est  une  parure  que  prirent  d'elles-mêmes  les  filles  publiques;  on  ne  la  leur  imposa 
pas  »  (p.  108).  —  «  Si  les  statuts  relatifs  à  l'établissement  d'une  maison  de  to- 
lérance à  Avignon  ne  sont  pas  apocryphes.  —  Je  crois  c[u'ils  le  sont,  [et  moi  aussi  je 
le  crois  et  très  fermement  et  j'ajoute  qu'ils  ont  été  rédigés  au  xyiii*^  s.  par  un  mystifi- 
cateur] c'est  la  reine  Jeanne  de  Naples,  comtesse  de  Provence,  qui  aurait  imposé  le 
signe  [une  aiguillette  rouge  sur  l'épaule]  aux  filles  publiques  d'Avignon,  en  1347... 
(p.  109).  A  propos  d'aiguillette,  M.  R.  cite  (p.  ii3;,  d'après  Sabatier  (Histoire  de  la 
législation  sur  les  femmes  publiques  et  les  lieux  de  débauches),  une  coutume  qui  exis- 
tait à  Beaucaire.  On  avait  établi,  dit-il,  «  dans  cette  ville  des  courses  de  prostituées, 
qui  avaient  lieu  la  veille  de  la  fameuse  foire,  A  celle  qui  la  première  avait  atteint  le 


™ 


D^HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  829 

Les  chapitres  sur  le  signe  des  Sarrasins  et  des  hérétiques  du  ynidi  de 
la  France,  sur  les  signes  des  lépreux,  cagots,  caqueux,  etc.,  sur  le  si- 
gne des  Jî  II  es  publiques,  ne  sont  pas  moins  nourris  que  le  chapitre  sur  le 
signe  des  Juifs.  Même  parfaite  méthode,  même  vaste  érudition,  même 
sûre  critique,  même  netteté  d'exposition.  Si  l'on  tient  compte  à  la  fois 
des  particularités  très  curieuses  éparses  dans  tous  ces  chapitres  et  des 
renseignements  minutieusement  exacts,  et  en  grande  partie  nouveaux, 
qui  en  forment  le  fond,  on  peut  en  toute  vérité  appliquer  au  mémoire 
de  M.  R.  la  vieille  formule  :  lecture  aussi  agréable  qu'instructive. 

A  ces  éloges  mêlerai-je  quelques-unes  de  ces  observations  qui  mon- 
trent encore  mieux  que  les  plus  justes  éloges,  l'estime  que  nous  inspire 
un  remarquable  travail?  J'aurais  eu  deux  petites  querelles  à  chercher  à 
M,  Robert  :  Tune  au  sujet  de  son  explication  de  l'origine  de  la  rouelle 
des  Juifs  (p.  69),  Tautre  au  sujet  de  certaines  indications  qui  manquent 
au  dernier  chapitre  (p.  107-11 5).  Mais  comment  adresser,  en  ces  deux 
cas,  le  moindre  reproche  à  un  homme  qui,  d'une  part,  présente  ses  con- 
jectures avec  tant  de  réserve  et  de  modestie  ^  et  qui,  d'autre  part,  s'ex- 
cuse ainsi  de  n'avoir  pas  donné  plus  de  développements  à  une  série  de 
rapprochements  parmi  lesquels  il  n'eût  eu  que  Tembarras  du  choix 
(p.  116)  :  «  Tels  sont  les  renseignements  que  j'ai  pu  recueillir  sur  le 
signe  des  filles  publiques.  Ils  sont  forcément  incomplets,  je  le  sais,  parce 
que  le  champ  d'explication  est  vaste,  beaucoup  plus  encore  que  pour 
les  Juifs,  les  hérétiques,  les  lépreux  et  les  cagots.  Ce  qui  est  de  nature  à 
atténuer  le  regret  que  l'on  pourrait  en  éprouver,  c'est  que  le  sujet  n'est 
pas  de  ceux  qui  passionnent  tout  le  monde,  de  ceux  que  l'on  étudie 
pour  eux-mêmes.  » 

T.   DE   L. 


199.  —  (Bulletino  dell'  Isiituto  Storico   Italiano,  fasc.  8).  Gaudenzi,  Gli   statuti 
delle    società  délie  armi  del   popolo  di    Bologna. 

200.  —  V.    de  Bartholomaerfs,    Ricerche   Abruzzesi.  Un  vol.    in-8  de    lyS  pp. 
Rome,  Palazzo  dei  Lincei  (sede  dell'  Isiituto),  1889.  3  Fr.  5o. 

La  remarquable  collection  publiée  par  l'Institut  historique  italien, 
sous  le  titre  de  Bulletino  et  sous  forme  de  fascicules  d'importance  iné- 
gale, contenant  chacun  un  ou  plusieurs  mémoires,  vient  de  s'enrichir 
de  deux  travaux  très  intéressants  qui  en  composent  le  fascicule  n°  VIII. 
i°(P.  I  à  74),  M.  Gaudenzi,  qui  a  entrepris  de  publier  dans  l'autre  col- 
lection de  l'Institut  [Fonti  per  la  storia),  les  Statuti  delle  Società  del 

but  on  donnait  en  prix  un  paquet  d'aiguillettes.  C'est  de  cet  usage  que  proviendrait 
le  proverbe  appliqué  aux  femmes  de  mœurs  légères  :  courir  l'aiguillette.  »  J'en  de- 
mande bien  pardon  à  Sabatier,  mais  je  ne  crois  ni  à  l'étymologie,  ni  à  l'anecdocte. 

I.  tt  Je  terminerai  cette  étude  en  exprimant  —  mais  bien  timidement,  je  l'a- 
voue, —  l'opinion  que  la  roue  peut  être  considérée  comme  la  représentation  d'une 
pièce  de  monnaie,  allusion  à  l'âpreté  des  Juifs  pour  le  gain  ou  au  prix  de  trente  de- 
niers que  Judas  reçut  pour  livrer  le  Christ.  » 


33o  REVUE   CRITIQUE 

popolo  di Bologna  (dont  le  premier  volume,  Società  délie  annî,  464  p., 
a  déjà  paru),  donne  ici  une  importante  contribution  à  l'histoire  des 
compagnies  d'armes,  qu'il  appelle  justement  «  une  des  institutions  les 
plus  importantes  et  les  moins  étudiées  des  communes  du  moyen  âge, 
surtout  dans  P Italie  centrale  ».  Après  avoir  sommairement  exposé  et 
réfuté,  avec  raison,  l'opinion  qui  rattache  l'origine  de  ces  sociétés  mili- 
taires à  un  reste  d'institutions  byzantines  (hypothèse  vraiment  improba- 
ble, puisque  les  Società  délie  anni  n'apparaissent  qu'au  début  du 
xui'  siècle),  et  émis  timidement  Popinion  que  les  sociétés  de  Bologne  se 
rattachent  à  celles  de  Rome  et  de  Ravenne,  M.  G.  essaye  de  fixer  la  date 
de  la  formation  de  ces  Società  :  il  démontre  que  les  textes  de  la  Cro- 
naca  miscella,  de  la  Cronaca  Rampona,  qui  la  fixent  à  1 174,  s'appli- 
quent soit  à  la  ligue  lombarde  (Societas  Lombardie^  et  non  à  la  société 
des  Lombards  f  Societas  Lombard  arum),  soit  encore  aux  Società  délie 
arti;  il  la  place  à  une  époque  antérieure  à  i23i,  et  probablement  après 
le  soulèvement  de  1228,  après  lequel  les  Bolonais /ecero  moite  cose 
contro  i  iiobili.  M.  G.  donne  ensuite,  d'après  les  catalogues  de  1260  et 
1262,  les  noms  des  Società  délie  armi,  leur  distribution  par  quartiers, 
explique  pourquoi  la  population  bolonaise,  déjà  divisée  en  Società  délie 
arti,  se  divisa,  pour  organiser  sa  défense  militaire,  en  nouvelles  com- 
pagnies (p.  23),  donne  des  détails  particuliers  sur  la  formation  des  Lom- 
bardi  et  des  Toschi.  L'exposé  de  l'organisation  et  du  programme  de 
ces  sociétés  est  fait,  avec  un  peu  de  confusion,  p.  33-39;  P^is  M.  G. 
expose  la  révolution  interne  de  ces  compagnies  qui,  aristocratiques  à 
l'origine  et  peut-être,  au  moins  quelques-unes,  fermées  aux  popolani, 
deviennent  démocratiques  (vers  i256).  (Cet  exposé  n'est  pas  fait  avec 
assez  de  méthode,  et  il  aurait  fallu  en  marquer  plus  nettement  Pimpor- 
tanc:.)  11  indique  ensuite  comment  les  ^Soc/e^^  délie  armi  et  celles  délie 
arti  s'associèrent  deux  à  deux,  et  conclut  en  disant  qu'«  au  xiii^  et  au 
xiv^  siècle  leur  histoire  est  l'histoire  même  de  Bologne  ».  Les  pages  44 
à  5o  sont  occupées  par  une  longue  et  subtile  discussion  de  la  date 
approximative  de  la  disparition  de  ces  sociétés,  qui  a  eu  lieu  peu  à  peu 
plutôt  que  par  une  loi  de  suppression  :  leur  disparition  devait  être 
achevée  à  la  fin  du  xiv*  siècle.  Les  pages  5o  à  74  sont  consacrées  à  des 
recherches  sur  les  manuscrits  des  statuts  de  ces  sociétés.  —  L'historien 
des  communes  italiennes  au  moyen  âge  aura  beaucoup  à  profiter  de 
cette  excellente  étude. 

7°  Pp.  75  à  173,  sous  le  titre  de  Ricerche  Abruzezzi,  M.  de  Bartholo- 
meis  expose  les  résultats  de  diverses  recherches  dans  les  bibliothèques 
de  Rome  et  de  l'Italie  méridionale,  et  fait  connaître  des  manuscrits  et 
des  documents  d'histoire  littéraire  importants.  Pages  77-1 17,  il  donne 
la  description  de  61  manuscrits  provenant  de  Giovanni  da  Capistrano, 
contenant  des  œuvres  théologiques  et  des  poésies  en  vulgaire  (publie  des 
laudes  attribuées  à  Jacopone  da  Todi).  Pages  126  à  iSg,  ii  publie 
d'après  le  Ms.  Corsin,  <43  B  3i  >  une  Passio  D.  N.  J.-C.  en  vulgaire, 


4 


d'histoire  et  de  littérature  33 I 

d'après  le  Neap.  XII,  D.  59,  des  Sermoni  semi  drammatici  des  Abruz- 
zes,  et  d'après  des  parchemins  de  l'Archivio  Capitolare  de  Sulmona,  au 
revers  desquels  il  est  conservé,  un  Responsorium  seu  versi  per  la  pas- 
sione  de  J.-C,  véritable  mystère.  Tous  ces  documents  sont  très  impor- 
tants pour  l'histoire  des  origines  du  drame  sacré  en  Italie. 

LéonG.  Pélissier. 


201.  —  l,a    Réforme     de    l*Ortliograplie     française,    par    Michel    BrÉAL, 
membre  de  l'Institut.  Paris,  Hachette,   1890,  In-12,  63  p.  Prix:   i  fr. 

On  trouvera  dans  ce  petit  livre  beaucoup  d'esprit  allié  à  un  bon  sens 
exquis.  Je  ne  sais  ce  qu'en  penseront  les  réformateurs  intransigeants  de 
l'alphabet  et  de  l'orthographe,  mais  il  pourrait  bien  se  faire  qu'ils  fus- 
sent plus  découragés  par  les  traits  malicieux  dont  les  crible  M.  Bréal 
que  par  les  arguments  sérieux  qu'il  leur  oppose.  Ce  n'est  pas  assez  de 
leur  dire  que  notre  langue  sortirait  tout  à  fait  défigurée  de  leurs  mains, 
il  leur  montre  encore  que  «  si  on  les  écoutait,  ils  nous  feraient  perdre 
le  bénéfice  de  vingt-cinq  siècles  de  culture  ».  Se  figure-t-on  bien  ce  que 
deviendraient  les  vers  de  Corneille  et  de  Victor  Hugo,  la  prose  de  Pas- 
cal ou  de  Bossuet,  traduite  par  cette  phonographie  ou  ce  phonétisme 
dont  M.  B.  nous  donne  quelques  plaisants  échantillons?  Le  système 
du  grammairien  Meigret  était  la  limpidité  même  si  on  le  compare  aux 
caJigineuses  inventions  de  ces  barbares  qui  a  feraient  du  français  une 
sorte  de  conglomérat  fossile  où  les  seuls  linguistes  pourraient  encore 
démêler  les  mots  et  découvrir  la  trace  d'une  ancienne  grammaire  ». 
Laissons-les  poursuivre  leurs  chimères  en  l'air;  ils  finiront  par  ne  plus 
s'entendre  eux-mêmes,  comme  ceux  qui,  il  y  a  peu  de  teinps  encore, 
essayaient  de  faire  du  Volapuk  la  langue  universelle. 

Les  néographes  sont  plus  raisonnables  :  ils  veulent  seulement  simpli- 
fier notre  système  d'écriture.  Mais  s'ils  sont  d'accord  pour  démolir,  ils 
ne  le  sont  plus  dès  qu'il  s'agit  de  reconstruire.  Les  améliorations  qu'ils 
rêvent  ne  se  feront,  si  toutefois  elles  se  font,  qu'avec  une  grande  len- 
teur et  d'une  manière  imperceptible.  Le  romancier  Balzac  a  dit  qu'on 
ferait  plutôt  en  France  dix  révolutions  que  de  changer  la  forme  des 
chapeaux  :  de  même  avant  qu'on  écrive  démocracie,  iniciacion,  no- 
cion,  comme  le  voulait  Ambroise-Firmin  Didot,  ou  sosieté,  obéisanse, 
comme  le  proposait  le  regretté  Darmesteter,  plus  de  dix  générations 
peut-être  auront  disparu.  La  raison  principale  en  est,  dit  M.  B., 
«  qu'à  l'envers  de  ce  qui  se  passe  en  politique,  il  y  a  fatalement  des 
divergences  dans  le  parti  du  changement,  au  lieu  que  celui  de  la  con- 
servation présente  la  plus  complète  unité  ».  Ajoutez  à  cela  que  nous 
avons  une  admirable  littérature  classique,  dont  nous  sommes  juste- 
ment fiers  :  c'est  un  patrimoine  que  nous  ne  vouions  ni  entamer,  ni 
gâter,  et  auquel,  en  somme,  nous  avons  raison  de  tenir. 

M,  Bréal  n'est  pas  cependant  l'ennemi  déclaré  de  toute  réforme  :  ce 


332  REVUE   CRITIQUE 


qu'il  conseille,  c'est  de  ne  pas  en  demander  beaucoup  à  la  fois,  et  de  ne 
pas  a  exhiber  tout  un  programme.  »  Les  règles  des  participes  ayant  été 
embrouillées  à  plaisir  par  les  iirammairiens,  il  laisserait  toute  liberté 
pour  les  phrases  comme  :  «  La  maison  que  j'ai  vu  construire  ou  la 
maison  que  f  ai  vue  tomber  ».  L'invariabilité  du  participe  avec  en  lui 
paraît  meilleure,  mais  là  encore  il  permet  le  choix,  au  risque  de  s'ex- 
poser à  l'indignation  du  maître  d'école.  Il  ne  s'opposerait  pas  qu'on 
enlevât  aux  mots  populaires  les  lettres  doubles  qui  ne  se  prononcent 
pas  :  on  pourrait  donc  écrire,  sans  être  refusé  aux  examens,  home,  ho- 
neur,  anée,  acorder,  aporter,  etc.  Je  suis  convaincu  qu'il  regarde 
comme  une  belle  chinoiserie  la  règle  qui  impose  d'orthographier  abatis 
et  abattre,  dissonance  et  consommnce,  charrette  et  chariot,  etc.  Il  in- 
siste peu  sur  les  mots  tirés  du  grec,  où  nous  abusons  depuis  le  xvi^  siè- 
cle des  lettres  inutiles,  mais  il  nous  fait  comprendre  que  l'Académie  ne 
peut  pas  enregistrer  fîsique,  rododendron,  misantropie,  ojtalmie,  etc., 
avant  que  ces  formes  soient  autorisées  par  une  génération  d'écrivains. 
L'Académie  n'a  pas  un  pouvoir  souverain,  c'est  ce  qu'on  oublie  trop  : 
elle  est  simplement,  comme  on  l'a  dit,  la  grefïière  de  l'usage.  Tout  le 
monde  lira  avec  intérêt  ces  pages  toutes  pleines  des  idées  les  plus  sages 
et  les  plus  philosophiques,  écrites  par  un  homme  dont  l'autorité  en 
linguistique  est  universellement  connue,  mais  c'est  à  ceux  qui  entre- 
prennent de  révolutionner  tout  d'un  coup  notre  orthographe  et  notre 
système  d'écriture,  que  je  conseille  surtout  de  les  méditer.  Ce  passage 
les  frappera  comme  il  m'a  frappé  moi-même  :  «  Un  mot  n'est  pas  un 
assemblage  de  lettres,  c'est  une  manière  d'hiéroglyphe  qui  représente 
directement  l'idée.  Il  nous  rappelle  nos  premières  lectures,  nos  premiè- 
res émotions,  et  plus  le  groupement  de  lettres  qui  le  forme  est  singulier 
et  rare,  plus  l'idée  qu'il  éveille  semble  avoir  de  distinction.  »  Ces  sortes 
de  mots  peuvent,  comme  toutes  choses,  disparaître  après  de  longs  siè- 
cles, mais  ils  meurent  sans  avoir  été  détériorés. 

A.  Delboulle. 


^ 


202.  —  Catalogue  général  des  manuscrits  des  bibliothèques  publiques  de  France. 
Paris,  Pion,  iSSS-iSgo,  22  volumes  in-8. 

La  rédaction  d'un  catalogue  général  des  manuscrits  des  bibliothèques 
publiques  est  assurément  l'une  des  oeuvres  les  plus  utiles  que  puisse  se  i 
proposer  un  gouvernement  soucieux  de  la  culture  intellectuelle  de  la 
nation  et  des  hautes  études  en  général.  Il  s'agit,  en  effet,  de  rendre 
accessibles  aux  érudits  et  aux  lettrés  nationaux  et  étrangers  de  riches 
trésors  enfouis  dans  des  dépôts  où  bien  souvent  rien  ne  révèle  leur  pré- 
sence et  où  ils  demeurent  sans  profit  aucun  et,  de  plus,  exposés  à  des 
dangers  sur  lesquels  la  triste  affaire  Libri  nous  dispense  d'insister. 

Deux  grands  ministres,   qui  furent  aussi   des   historiens  éminents, 
Guizot  et  Villemain,  comprirent  l'importance  et  l'intérêt  d'une  telle 


D'HISTOrRE    ET    DE    LITTÉRATURE  333 

entreprise,  et  c'est  leur  honneur  à  tous  deux  d'en  avoir  tracé  le  plan  et 
commencé  l'exécution.  Le  dernier  surtout,  par  la  publication  qu'il 
décréta,  en  1841,  du  catalogue  général  des  manuscrits  des  départements, 
a  bien  mérité  des  études  littéraires  et  son  nom  restera  attaché  à  ce  pre- 
mier essai  d'inventaire  de  nos  richesses  manuscrites  qui  a  rendu  déjà  de 
précieux  services  et  en  rendra  encore.  Malheureusement,  il  était  plus 
facile  de  décréter  la  rédaction  d'un  catalogue  que  d'en  assurer  la  publi- 
cation. En  1841,  les  personnes  capables  de  déchiffrer  et  de  décrire 
comme  il  convient  des  manuscrits  anciens  étaient  rares  en  France,  et 
l'École  des  Chartes,  fondée  en  1821,  n'avait  pas  encore  fourni  en  nombre 
suffisant  des  paléographes  exercés  et  des  érudits  versés  dans  la  connais- 
sance de  l'histoire  nationale  et  de  l'histoire  littéraire.  Aussi  la  collection 
in-4°,  comme  on  nomme  de  coutume  le  catalogue  institué  par  Villemain 
et  continué  sous  les  trois  régimes  qui  ont  succédé  au  gouvernement  de 
Juillet,  la  collection  in-4°  est-elle  de  valeur  très  inégale.  Plusieurs  cata- 
logues de  cette  collection  demanderaient  aujourd'hui  à  être  sinon  entiè- 
rement refaits,  du  moins  rectifiés  et  complétés  —  et  il  en  est  qui  l'ont 
été  comme  celui  de  la  bibliothèque  de  Saint-Omer  ' —  d'autres  sont 
estimables,  et  le  dernier,  œuvre  de  M.  Auguste  Molinier,  excellent. 

Le  recueil  in-4°,  commencé  en  1849  ^^  terminé  en  i885,  compte 
sept  volumes  qui  renferment  l'inventaire  descriptif  et  raisonné  des 
bibliothèques  suivantes:  Autun,  Laon,  Montpellier,  Albi  (t.  I"^',  1849); 
Troyes  (t.  II,  i855);  Saint-Omer,  Épinal,  Saint-Dié,  Saint-Mihiel, 
Schlestadt  (t.  III,  1861);  Arras,  Avranches,  Boulogne  (t.  IV,  1872); 
Metz,  Verdun,  Charleville  (t.  V,  1879);  Douai  (t.  VI,  1878);  Toulouse 
et  Nîmes  (i885.  En  tout,  dix-neuf  bibliothèques  et  trente-six  années  de 
travail.  A  ce  compte,  il  eût  fallu  plusieurs  siècles  pour  venir  à  bout  de 
la  collection. 

Évidemment,  l'entreprise  languissait,  faute  de  direction  active,  faute 
surtout  de  collaborateurs  instruits  et  rompus  à  ce  genre  de  labeur  si 
difficile  ei  si  délicat.  Il  devenait  urgent  d'aviser  et,  à  la  fois,  de  remédier 
à  l'extrême  lenteur  de  la  publication  officielle  et  de  seconder  d'une 
manière  efficace  les  efforts  tentés  par  quelques  villes  de  province  pour 
répandre  la  connaissance  de  leurs  collections  manuscrites,  sur  une 
partie  desquelles  l'État  revendique  un  droit  incontestable  de  propriété. 
Déjà  un  zélé  bibliographe,  aujourd'hui  inspecteur  général  des  archives 
et  des  bibliothèques,  M.  Ulysse  Robert,  avait  entrepris  de  subvenir  en 
quelque  mesure  aux  désirs  et  au-^  besoins  des  érudits  par  la  publication 
d'un  Inventaire  sommaire  des  manuscrits  des  bibliothèques  de  France, 
dont  les  catalogues  n'ont  pas  été  imprimés.  Cet  inventaire,  dont  trois 
fascicules  ont  été  publiés  de  1879  à  1882,  contient  le  recensement  et  la 
description  très  sommaire  de  cent  cinquante-deux  collections  de  manus- 
crits conservés  dans  nos  départements  et,  en  outre,  la  liste  des  ouvrages 

I.  Voy.,  dans  la  Revue  critique  du  i5  novembre  1873,  l'aïUcle  instructif  de  M.  A. 
Giry. 


33  I  REVUE  CRITIQUE 

manuscriis  du  si  riche  et  si  précieux  dépôt  de  l'Arsenal  à  Paris. 

L'impulsion  étant  donnée,  on  pouvait  espérer  que  TEtat  interviendrait 
utilement  et  énergiquement  en  accordant  les  crédits  nécessaires  à  la 
confection  de  nouveaux  et  nombreux  catalogues  et  en  chargeant  de  ce 
grand  travail  bibliographique  les  plus  dignes  de  le  mener  à  bonne  fin. 
C'est  heureusement  ce  qui  eut  lieu  en  1884.  Grâce  à  l'esprit  d'initiative 
de  M.  Xavier  Charmes,  directeur  du  secrétariat  au  Ministère  de  l'Ins- 
truction publique,  qui  sut  obtenir  des  Chambres  une  subvention  suffi- 
sante et  sut  organiser,  d'après  un  nouveau  plan,  les  travaux  du  Catalo- 
gue général  des  manuscrits,  l'affaire  fut  remise  en  bonne  voie  et  nous 
la  voyons  maintenant  marcher  avec  une  activité  surprenante  et  de  fort 
bon  augure. 

Deux  modifications  devaient  être  apportées  à  l'ancien  catalogue,  l'une 
de  forme,  l'autre  de  fond.  Il  convenait  d'abord  de  substituer  à  l'ancien 
et  incommode  format  in-40,  le  format  plus  maniable  et  moins  coûteux 
de  l'in-S";  il  convenait  surtout  de  mettre  de  l'uniformité  dans  la  rédac- 
tion des  notices  de  manuscrits,  de  contraindre  les  collaborateurs  de 
l'œuvre  à  n'être  ni  trop  longs  ni  trop  brefs,  tout  en  donnant  les  rensei- 
gnements vraiment  utiles,  et  de  les  soumettre  à  certaines  règles  bien 
précises  sinon  absolument  immuables. 

Le  soin  de  rédiger  les  instructions  du  nouveau  catalogue  fut  confié  à 
une  commission  qui,  s'inspirant  des  conseils  donnés  par  M.  Léopold 
Delisie,  dès  iSjS,  dans  une  brochure  intitulée  :  Note  sur  le  catalogue 
général  des  manuscrits  des  bibliothèques  des  départements,  détermina 
avec  une  très  grande  netteté  les  principes  qui  doivent  guider  les  auteurs 
de  catalogues  et  leur  proposa  un  certain  nombre  de  modèles  de  notices'. 
M.  Ulysse  Robert  reçut  la  mission  de  diriger  et  de  contrôler  tous  les 
travaux  relati.f's  à  la  nouvelle  collection  in-8°. 

Ainsi  est  né,  en  18S4,  le  Catalogue  général  des  manuscrits  des 
bibliothèques  publiques  de  France,  destiné  à  contenir,  non  seulement  la! 
description  des  manuscrits  des  départements,  mais  encore  ceux  des 
bibliothèques  de  Paris  (la  Bibliothèque  nationale  exceptée,  qui  opère  d^ 
son  côté)  et  ceux  qui  se  trouvent  dans  les  archives  de  Paris  ou  de^ 
départements.  ' 

Restait  à  trouver  des  collaborateurs.  L'École  des  Chartes,  dont  l'en- 
seignement s'était  depuis  bien  des  années  fortifié  et  élargi,  pouvait  en 
donner  maintenant  et  des  plus  aptes  à  s'acquitter  très  heureusement  dff' 
cette  tâche.  Parmi  ses  anciens  élèves,  l'un  était  tout  désigné  d'avance 
par  sa  solide  érudition  historique  et  littéraire  aussi  bien  que  par  sa  col- 
laboration au  catalogue  in-40.  Nous  entendons  parler  naturellement  de 
M.  Auguste  Molinier.  En  même  temps,  le  Ministère  de  l'Instruction 
publique  put  s'assurer  le  concours  d'un  jeune  savant,  fort  connu  déjà  et 
par  ses  études  grecques  et  par  ses  excellents  travaux  de  bibliographie, 

I,  Note  sur  la  rédaction  des  catalogues  de  manuscrits.  Paris,  18^4,  in-S"  dej 
20  pages. 


1 


d'histoire  et  de  littérature  335 

M.  Henri  Omont,  de  la  Bibliothèque  nationale.  Ces  deux  érudits  ont 
admirablement  répondu  aux  espérances  qu'on  était  en  droit  de  fonder 
sur  leur  zèle  et  leur  mérite.  A  eux  seuls,  ils  ont  rédigé  plus  des  deux 
tiers  des  catalogues  imprimés  Jusqu'à  ce  jour,  et  nous  n'étonnerons  per- 
sonne en  disant  qu'ils  ont  choisi  les  morceaux  les  plus  difficiles.  La 
Mazarine,  Rouen,  Chartres,  Dijon,  etc.,  les  bibliothèques  les  plus  riches 
en  manuscrits  anciens  et  dont  la  description  ne  peut  être  bien  faite  que 
par  d'experts  bibliographes,  tous  ces  dépôts  ont  été  explorés  par  MM. 
Molinier  et  Omont,  et  c'est  à  eux  qu'on  doit  maintenant  de  connaître 
avec  exactitude  et  par  le  menu  ce  qu'ils  renferment  d'intéressant.  D'au- 
tres élèves  de  l'École  et,  dans  le  nombre,  des  bibliothécaires  de  Paris,  des 
archivistes  départementaux  ou  des  professeurs  de  l'enseignement  supé- 
rieur ont  été  également  associés  à  l'entreprise.  Ce  sont,  à  Paris,  tout 
d'abord  M.  Henri  Martin,  qui  a  dressé  à  lui  seul  le  catalogue  de  l'Ar- 
senal dont  cinq  volumes  ont  paru,  MM.  Bougenot,  Couderc,  Coyec- 
que,  Stein;  en  province,  le  regretté  Léon  Cadier,  MM.  P.  Fournier, 
J.  de  Fréminville,  Gauthier,  Lex,  Musset,  Prudhomme,  et  d'autres  que 
nous  oublions  sans  doute.  Parmi  les  plus  jeunes,  plusieurs  ont  travaillé 
sous  la  direction  et  le  contrôle  de  MM.  Molinier  et  Omont. 

A  cette  phalange  d'élite,  le  Ministère  a  pensé  avec  raison  qu'il  con- 
venait d'adjoindre  quelques  bibliothécaires  de  province  dont  les  capa- 
cités lui  étaient  connues  et  avaient  été  dans  d'autres  occasions  mises  à 
J'e'preuve.  Ces  fonctionnaires  départementaux  ont  prêté  un  très  utile 
concours  à  MM.  Molinier  et  Omont,  quelques-uns  ont  travaillé  seuls 
et  montré  qu'ils  n'étaient  pas  indignes  de  faire  au  public  érudit  les  hon- 
neurs des  dépôts  confiés  à  leur  garde. 
Voici,  à  l'heure  présente,  l'état  du  Catalogue  général  des  manuscrits. 
Paris,  Margarine,  par  M.  Auguste  Molinier,  t.  I^rà  III  (1885-1890). 
—  Arsenal,  par  M.  Henri  Martin,  t.  I^fà  V  (iSSS-iSSg). 

Départements.  Tome  Ier(i886).  Rouen,  par  M.  Henri  Omont.  — 
Tome  II  (1888).  Rouen  (suite  et  fin),  par  M.  H.  Omont;  Dieppe,  par 
M.  Ch.  Paray  :  Eu,  Fécamp,  Elbeuf,  Gournay-en-Brajy,  par  M.  H. 
Omont;  Le  Havre,  par  M.  J,  Bailliard;  Neufchâtel-en-Bray,  par 
M.  Ernest  Coyecque;  Bernay,  Conches,  Gisors,  Louviers,  Verneuil, 
Evreux,  Alençon,  par  M.  H.  Omont  ;  Montivilliers,  par  M.  E.  Coyec- 
que. —  Tome  III  (i885).  Chalons-sur-Marne,  Soissons,  Saint-Quen- 
tin, Provins,  Meaux,  Melun,  Noyon  et  Corbeil,  par  M.  A.  Molinier; 
Moulins,  Beauvais  et  Vendôme,  par  M.  H.  Omont;  Ajaccio,  par  M. 
A.  Touranjon;  Agen,  par  M.  G.  Tholin  ;  Gap,  par  M.  J.  Roman; 
Bourbourg,  par  M.  C.  Couderc.  —  Tome  IV  (1886).  Bourges,  par  M. 
H.  Omont;  Issoudun,  Brive,  Guéret,  Clamecy,  Bourmont,  Àpi,  par 
M.  J.  de  Fréminville  ;  Brioude  et  Auch,  par  M.  Cadier  ;  Chdtellerault, 
Dinan,  Saint-Amand,  par  M.  Bougenot;  Nancy,  par  M.  Favier  ;  Aire- 
sur-la-Lys,  Béthune,  Calais,  Saint-Pol  et  Hesdin,  par  M.  H.  Lori- 
qiiet  ;  Roubaix,  par  M.  Th    Leuridan  ;  Privas,  par  M.  Massip  :  Laval, 


336  REVUE    CRITIQUE 

par  M.  Ochlert;  Mende,  par  M.  André.  —  Tome  V  (1889].  Dijon,  par 
MM.  Molinier,  Oniont,  Bougenot  et  Guignard.  —  Tome  VI  (1887). 
Aiixe7're,  Tonnerre,  Avallon,  Joigny,  Sens,  palais  de  Fontainebleau, 
Nemours,  Beaune,  Semiir,  par  M.  A.  Molinier;  Bourg-,  JSantua,  Tré- 
voux et  Pont-de-Vaux,  par  M.  Brossard  ;  Chatillon-sur-Seine,  par  M. 
V.  Croix  ;  Auxonne,  Gray,  Vesoul  et  Bawne-les-Dames,  par  M,  J. 
Gauthier;  Aiitun,  Charolles  et  Chalon-sur-Saône,  par  M.  Bougenot; 
Cluny,  Mdconet  Tour  nus,  par  M.  Lex.  —  Tome  VII  (1889).  Grenoble, 
par  MM.  P.  Fournier,  E.  Maignien  et  A.  Prudliomme.  —  Tome  VIII 
{1889).  La  Rochelle,  par  M.  G.  Musset.  — Tome  IX  (1888).  Salins,  par 
M.  Coste  ;  Lure,  par  M.  Arnoux  ;  Pontarlier,  par  M.  J.  Gauthier; 
Pau  ei  j:alais  de  Pau,  par  M.  Soulice  ;  Bayonne,  Narbonne,  Péri- 
gueux,  Châteauroux,  par  M.  L.  Cadier;  La  Ferté-Bernard,  par  M. 
Duchemin;  Digne,  par  M.  Chaspoul  ;  Dreux,  Aurillac,  Cahors, 
Rode\,  par  M.  Couderc  ;  Saint-Germain-en-Laye,  Pontoise,  Versail- 
les, par  MM.  E.  Delerot  et  A.  Taphanel  ;  Lagny,  Coulommiers,  Hyè- 
res,  Corte  et  Bastia,  par  M.  J.  de  Fréminville  ;  Abbeville,  par  M.  A. 
Ledieu  ;  Villeneuve-sur-Yonne,  Limoges^  par  M.  L.  Guibert;  Mire- 
court.  —  Tome  X  (1889).  Avranches,  Coutances,  Valognes  ei  Lisieux, 
par  M.  H.  Omont;  Cherbourg,  par  M.  Amiot;  Bayeux,  Falaise, 
Fiers,  Honfleur  et  Pont-Audemer,  par  M.  E.  Coyecque;  Condé-sur- 
Noireau,  Dovifront,  Argentan,  Saint-Lô,  Mortain,  Bayeux  (chapitre), 
par  M.  E.  Deslandes;  Vire,  par  M.  C.-A.  Fédérique.  —  Tome  XI 
(1889).  Chartres,  par  MM.  Omont,  Molinier,  Couderc  et  Coyecque. 
—  Tome  XII  (1889).  Orléans,  par  M.  Ch.  Cuissard,  sous-bibliothécaire 
de  la  ville.  —  Catalogue  des  manuscrits  grecs  des  départements  [\^%Çi), 
par  M.  Omont. 

Archives.  Catalogue  des  manuscrits  conservés  dans  les  dépôts  d'ar- 
chives départementales,  communales  et  hospitalières  (1886),  par  les 
archivistes  des  départements. 

Le  Catalogue  général,  outre  qu'il  comblera  le  vœu  des  érudits,  pré- 
sentera encore  un  autre  avantage  :  il  réveillera  le  zèle  fort  endormi  des 
administrations  municipales  pour  leurs  collections  bibliographiques  en 
leur  en  révélant  la  valeur.  Nous  ne  sommes  pas  de  ceux  qui  désirent 
que  l'Etat,  usant  de  ses  droits,  dépouille  les  villes  de  province  d'une 
partie  de  leurs  manuscrits  les  plus  précieux  et  les  verse  dans  l'océan  de 
la  Bibliothèque  nationale;  mais  nous  nous  permettons  d'exprimer  le 
vœu  que  ces  villes  organisent  le  service  de  leurs  bibliothèques  tout  autre- 
ment qu'il  ne  l'a  été  jusqu'ici,  qu'elles  le  prennent  au  sérieux  et  le  trai- 
tent aussi  bien,  si  possible,  que  le  service  de  la  voirie  ou  des  pompes 
funèbres.  Et  il  ne  suffit  pas  de  placer  les  manuscrits  dans  des  locaux 
convenables  et  de  les  défendre  contre  les  voleurs,  il  faut  encore  en  assu- 
rer et  très  libéralement  la  communication  à  quiconque  peut  avoir  à  s'en 
servir;  il  faut  que  MM.  les  bibliothécaires  balayent  leur  dépôt,  ce  qui 
est  très  louable,  mais  sachent  aussi  ce  qu'ils  gardent  et  n'accueillent  pas 


I 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  337 

le  visiteur  sérieux  comme  un  ennemi  ou  un  gêneur;  il  faut  surtout 
qu'ils  soient  le  moins  possible  atteints  d'à  absentéisme  »,  ouvrent  et  fer- 
ment la  maison  à  époques  fixes,  afin  de  ne  pas  causer  à  ceux  qui  vien- 
nent de  loin  des  dérangements  inutiles,  «  Dans  combien  de  bibliothè- 
ques n'avons-nous  pas  été  témoin  de  choses  lamentables  ou  grotesques  », 
disait  naguère,  à  propos  de  nos  établissements  de  province,  un  savant 
considérable  et  animé  de  Tesprit  le  plus  conciliant  i.  La  remarque  n'est 
que  trop  vraie,  et  qui  de  nous  n'a  fait  plus  ou  moins  la  même  expé- 
rience? Sans  doute,  l'érudit  national  finit  presque  toujours  par  triom- 
pher de  l'incurie  ou  de  la  mauvaise  volonté  de  ces  fonctionnaires;  il 
«  fait  agir  »,  se  remue  et  entre  par  la  petite  porte  quand  on  lui  ferme  la 
grande.  Mais  l'étranger?  Celui-là  n'insiste  guère;  il  s'en  va  en  mau- 
gréant et  en  maudissant  notre  administration  départementale. 

Les  sacrifices  considérables  que  l'Etat  est  en  train  de  faire  par  la 
publication  du  Catalogue  général,  contribueront,  espérons-le  du  moins, 
à  améliorer  cet  état  de  choses  regrettable  et  qui  n'a  que  trop  duré;  ce 
ne  sera  pas  un  des  moins  heureux  résultats  de  cette  si  utile  entreprise. 

F. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Un  de  nos  lecteurs  nous  signale  une  amusante  «  coquille  »  du  Jour- 
nal des  Débats  (g  avril)  qui,  se  souvenant  du  rôle  d'Eckermann  auprès  de  Gœthe,  ap- 
pelle trois  fois  de  suite  Jules  Toubat,  le  secrétaire  de  Sainte-Beuve,  VErckmann  de 
la  rue  Montparnasse.  Soit.  Mais  que  dira  le  pauvre  Chatrian? 

—  M.  Louis  Léger,  professeur  au  Collège  de  France,  vient  de  publier  à  la  librai- 
rie Hachette  (In-S",  XIV  et  346  p.,  3  fr.)  un  volume  intitulé  Russes  et  Slaves,  étu- 
des politiques  et  littéraires.  Voici  les  titres  de  ces  études  :  Les  Slaves  et  la  civilisa- 
tion ;  La  formation  de  la  nationalité  russe;  Les  débats  de  la  littérature  russe;  La 
femme  et  la  société  russe  au  xvi«  siècle;  Les  premières  ambassades  russes  à  l'étran- 
ger; La  Bulgarie  inconnue;  Le  peuple  serbe;  Jean  Kollar  et  la  poésie  panslaviste 
au  XIX»  siècle.  Nous  reviendrons  prochainement  sur  ce  volume  intéressant  et  curieux. 

—  Voici  de  nouvelles  et  instructives  études  du  prince  Roland  Bonaparte  :  1°  un 
résumé  de  la  conférence  qu'il  a  faite  à  Genève  le  25  janvier  1889,  sur  la  Laponie 
et  la  Corse  (tiré  à  part  du  «  Globe  »,  février  1889);  1°  une  étude  sur  Le  glacier  de 
VAletsch  et  le  lac  de  Mœrjelen;  le  glacier  de  l'Aletsch  qui  a  environ  16  kilomètres 
de  long,  est  le  plus  grand  des  Alpes,  et  le  lac  de  Masrjelen  se  trouve  juste  au  pied  de 
l'Eggishorn  à  l'altitude  de  2,367  mètres;  3°  un  travail  sur  Le  premier  établissement 
des  Néerlandais  à  Maurice.  Ce  travail,  très  intéressant,  accompagné  de  planches  et 
de  pièces  justificatives  en  grand  nombre,  trace  d'une  façon  minutieuse  les  relations 
des  Néerlandais  avec  Maurice;  l'Ile  de  France,  dit  le  prince  Roland  Bonaparte  «  attire 
toujours  l'attention  des  personnes  qui  étudient  l'histoire  des  anciens  navigateurs 
allant  d'Europe  aux  Indes,  en  doublant  le  cap  de  Bonne-Espérance.  Sans  doute  l'at- 
traction qu'exerce  l'Ile  de  France  sur  notre  esprit,  est  due  en  partie  à  nos  littéra- 
teurs qui  en  ont  fait  les  charmants  tableaux  que  tout  le  monde  connaît.  Mais  cette 

1.  Voy.  Bulletin  critique  du  i^''  décembre  1889. 


338  RKVUE   CRITIQUE 

île,  perle  de  la  mer  des  Indes,  n'esl-cllc  pas  encore  habitée  par  des  hommes  parlant 
notre  langue,  qui  sont  les  descendants  des  héros  de  nos  grandes  guerres  mari- 
times ».  Le  prince  Roland  prépare  une  édition  critique  des  voyages  de  Tasman. 

—  Notre  infatigable  et  savant  collaborateur  Tamizey  de  Larroque  vient  encore  de 
nous  donner  une  de  ces  plaquettes  qu'on  lit  avec  tant  de  profit  et  d'agrément. 
Elle  a  pour  titre  ;  Une  petite  gerbe  de  billets  inédits  (Paris,  Techener,  i8go.  In-iS», 
24  p.).  On  y  trouve  des  lettres  adressées  :  1°  au  neveu  de  Beaumarchais,  Raguet- 
Lépine;  2°  au  lils  -de  ce  dernier  qui  fut,  sous  le  règne  de  Louis-Philippe,  député  et 
pair  de  France.  La  première  série  contient  des  billets  de  Beaumarchais,  et  la 
seconde  des  billets  de  Guizot;  «  les  petites  pages  écrites  par  le  plus  spirituel  des 
intrigants  du  xviiie  siècle  seront  ainsi  rapprochées  des  petites  pages  écrites  parle  plus 
austère  des  hommes  d'état  du  xix^  siècle.  »  Signalons  encore  une  lettre  du  général 
Husson,  un  billet  du  doux  Grétry,  un  autre  billet  laconique  du  patriote  italien  Ser- 
belloni,  une  lettre  du  peintre-archéologue  Houel.  Tous  ces  documents  sont  annotés 
avec  autant  d'esprit  que  de  savoir,  et  nos  lecteurs  féliciteront  avec  nous  M.  Tamizey 
de  Larroque  d'avoir  fait  encore  une  si  belle  et  fructueuse  moisson  de  documents. 

—  Le  Manuel  pratique  et  bibliographique  du  correcteur  que  vient  de  publier 
M.  J.  Leforestier  (Quantin,  i  franc)  est  une  plaquette  aussi  utile  qu'élégante.  On  y 
trouve,  avec  les  signes  de  correction,  la  description  des  opérations  du  correcteur,  un 
traité  de  ponctuation,  des  remarques  sur  l'emploi  des  majuscules  et  des  abréviations, 
une  bibliographie  des  traités  de  typographie.  La  préface  est  intéressante  et  renferme 
de  curieux  détails  sur  les  coquilles. 

—  M.  deCharencey,  va  publier  très  prochainement  dans  les .(4ciesrfe  laSociété phi- 
lologique un  vocabulaire  étymologique  du  dialecte  bas-navarrais  du  basque,  ouvrage 
qu'il  a  commencé  dspuis  longtemps.  Il  s'efforce  d'établir  que  la  majorité  des  mots 
de  la  langue  basque  actuelle  est  empruntée  aux  langues  latines. 

—  La  Société  des  études  historiques  a  choisi  le  sujet  du  concours  Raymond  (prix 
de  mille  francs  à  décerner  en  1S92).  Les  concurrents  devront  étudier  les  lettres  de 
cachet  dans  une  province,  une  généralité  ou  une  intendance  de  l'ancienne  France, 
d'après  les  documents  d'arciiives  publiques  ou  privées.  Il  devront  étudier  le  rôle  que 
ces  actes  ont  joué  dans  la  vie  de  famille  de  nos  ancêtres.  Les  mémoires  manuscrits 
devront  être  déposés  le  3i  décembre  1891,  au  secrétariat,  rue  Garancière,  6. 

ALLEMAGNE.  —  Une  nouvelle  revue,  la  Zeitschrift  fur  Psychologie  und  Phy- 
siologie der  Sinnesorgane,  paraît  à  Hambourg  et  à  Leipzig,  chez  Léopold  Voss  (six 
fascicules  par  an  i5  mark):  directeurs,  MM.  Herm.  Ebbinghaus  et  Arthur  Kœnig;, 
collaborateurs,  MM.  H.  Aubert,  S.  Exner,  H.  von  Helmholtz,  E.  Hering,  J.  von 
Kries,  Th.  Lipps,  G.-E.  Mûller,  W.  Preyer,  G.  Stumpf. 

—  La  librairie  Scliœningh,  de  Paderborn,  publie,  depuis  le  mois  de  février,  par 
livraisons,  un  Lateinisch-romanisches  Wœrterbuch,  par  M.  Gustave  Kœrting.  L'ou- 
vrage aura  neuf  livraisons  environ  (chaque  livraison,  au  prix  de  2  mark). 

—  Le  Jahresbericht  du  c<  Nicolaigymnasium  •>■>  de  Leipzig  (1890),  contient  un  tra- 
vail de  M.  Joh.  Baunack,  Aus  Epidauros,  eine  epigraphische  Studie  (20  p.  in-4"). 
M.  Baunack  y  présente  une  série  d'observations  sur  les  inscriptions  d'Epidaure  pu- 
bliées en  i883-i885,  par  P.  Kavvadias  dans  r'Eyvî/iepf?  àpy^onoloyiy.ri.  Un  nouvel  exa- 
men des  originaux  lui  a  permis  de  rectifier  dans  un  bon  nombre  de  cas  les  lectures 
du  premier  éditeur. 

—  MM.  Ernst  Martin  et  H.  Lienhart  préparent  un  Idioiikon  alsacien  dont  la  pri 
mière  livraison  paraîtra  prochainement. 

—  Une  collection  de  monuments  de  la  littérature  latine  du  xv'^  et  du  xvi«  siècle 
(œuvres  de  J'humanisme  et  de  la  Réforme,  vers  et  prose)  va  paraître  par  les  soins 


1 


d'histoire  et  de  littérature  339 

de  MM.  Max  Herrmann  et  Szamatolski,  avec  la  collaboration  de   MM.   WeixuOld, 
Erich  ScHMiDT,  Geiger,  Bolte,  Ellinger. 

—  Le  grand  État-major  général  de  Berlin  publie  un  important  ouvrage  sur  les 
guerres  de  Frédéric  II  {Die  Kriege  Friedrichs  des  Gvossen),  L'ouvrage  aura  plusieurs 
volumes. 

—  M.  Bernhard  Volz  fera  prochainement  paraître  une  histoire  de  l'Allemagne  au 
xix*  siècle  (de  la  paix  de  Lunéville  à  la  mort  de  Guilaume  I'^''). 

—  Le  21  mars  est  mort  à  Berlin,  à  l'âge  de  77  ans,  Victor  Hehn,  auteur  de  Italien 
qui  a  eu  trois  éditions,  de  Cultur-pjlan-^en  und  Haiisthiere  qui  en  a  eu  cinq,  de  Ge- 
dankenûber  Gœthe  qui  en  a  eu  deux.  Hehn  a  été  aussi  collaborateur  du  Gœthe-Jahr- 
bucli  (tomes  VI  et  VIII).  Il  était  sujet  russe  et  dirigea  longtemps  la  bibliothèque  de 
Saint-Pétersbourg. 

—  Sujets  proposés  parla  société  Jablonowski,  de  Leipzig  :  pour  1890,  Darstellung 
der  Entwickelung  welche  der  Gewevbjleiss  in  Païen  seit  dem  Aufhœren  der  polnis- 
chen  Nationalselbstcendigkeit  gehabt  hat  (1000  mark);  pour  1891,  Darstellung  des 
griechischen  Genossenschafts-und  Vereinswesens  auf  Grund  der  schriftstellerisdien 
11.  bes.  der  inschriftl.  Qiiellen,  welche  ebenso  sehr  die  Arten  u.  die  Organisation  der 
Genossenschaften,  wie  ihre  ^^eitliche  u.  rœumliche  Entwickelung  beriicksischtigt 
(1000  mark);  pour  1892,  Geschichte  der  Colonisation  u.  Germanisierung  der  Wet- 
tinischen  Lande  (jooo  mark);  pour  iSgS  :  Kritische  Uebersicht  iiber  die  allmœhli- 
che  Einfiihrung  der  deutschen  Sprache  in  œffentlichen  u.  privaten  Urkunden  bis  um 
die  Milte  des  XIV  Jahrhunderis  (1000  mark). 

GRÈCE.  —  Parmi  les  ouvrages  récemment  parus,  nous  signalons  les  suivants  : 
1"  L'Hésiode,  faisant  partie  de  la  bibliothèque  Zographos,  par  M.  Sittl,  préface  et 
notes  en  grec  moderne.  C'est  le  3°  volume  de  la  bibliothèque.  Les  deux  autres  sont 
VAntigone  de  Sophocle  par  M.  Sémitélos  et  les  Phéniciennes  d'Euripide,  par 
M.  D.  Eernardakis  ;  2°  un  ouvrage  en  trois  volumes  sur  Coray  intitulé  'Aoa/y.y.vT to; 
l^opa>5?,  par  D.  Thérianos  (Trieste,  typ.  Lloyd),  i88g;  3°  Histoire  des  îles  Ioniennes 
('l^Toplx  Tûv  'lovt'wv  v/jawv)  de  1797  à  î8i5,  parG.-E.  Maurogiannis,  en  2  vol.  (Typ. 
naAr/ysvccrtaî,  1889). 

—  La  'EïTtV.,  qui  paraît  depuis  quatorze  ans,  se  publie  depuis  le  i"  janvier,  illus- 
trée, sous  la  nouvelle  direction  de  MM.  Politis  et  Drosinis,  et  devient  de  plus  en 
plus  intéressante  par  la  publication  de  nouvelles  et  de  romans  grecs. 

ITALIE.  —  Vient  de  paraître  chez  l'éditeur  Sansoni,  à  Florence,  le  14*  fascicule 
de  l'immense  recueil  que  publie  M,  Alessandro  Gherardi,  sous  ce  titre  :  Le  con- 
sulte délia  Republicafiorentina.  Ce  fascicule  contient  d'abord  les  sept  dernières  pages 
du  premier  volume  qui,  dans  son  format  in-folio,  en  a  527;  puis  les  32  premières 
pages  du  second  volume,  allant  du  4  janvier  1291  (1290  vieux  style)  au  2g  mai  de  la 
même  année.  Le  sujet  de  ces  innombrables  délibérations  est  souvent  bien  peu  de 
chose  et  plus  souvent  encore  la  même  chose,  par  exemple,  la  question  de  savoir  à 
quelle  date  ou  sous  quelle  forme  se  fera  l'élection  de  tel  ou  tel  petit  officier  munici- 
pal. Certains  détails  étonnent  :  ainsi,  à  titre  d'indemnité  pour  un  cheval  mort,  tué 
apparemment,  il  est  alloué  40  florins  d'or.  Le  cheval  était  donc  bien  beau,  ou  si  c'est 
parce  que  le  propriétaire  en  était  un  Pazzi,  membre  d'une  des  plus  grandes  familles, 
alors  que  les  Pazzi  étaient  loin  encore  de  sombrer  dans  leur  conjuration  contre  les 
Médicis''  N'est-il  pas  curieux  de  rapprocher  celte  somme  de  celle  que  reçoit  le  sei- 
gneur Guidone  de  Polenta,  pour  ne  pas  entraver  l'arrivage  des  blés  et  grains  de  Ro- 
magne  à  Florence  :  442  Ywrts  jlorenorum  parvoruni?  Ces  Consultes  publiées  seront 
pour  les  historiens  de  l'avenir  une  mine  précieuse;  mais  ils  y  trouveront  beaucoup 


340  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  ^1 

plus  à  laisser  qu'à  prendre.  Ce  sont  les  manuscrits  eux-mêmes  que  M.  Gherardi  met 
sous  nos  yeux,  avec  leurs  variantes,  leurs  ratures,  surcharges,  leurs  sigles  et  jusqu'à 
leurs  blancs.  On  ne  saurait  pousser  plus  loin  l'exactitude. 


ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  18  avril  18 go. 

M.  P'iandin,  consul  de  France,  adresse  à  l'Académie  la  collection  des  dessins  et 
estampages  de  son  père,  dont  il  avait  annoncé  l'envoi  par  une  lettre  précédente. 

M.  Oppert,  vice-président,  donne  des  nouvelles  de  la  santé  de  M.  Schefer,  prési- 
dent de  l'Académie.  L'amélioration,  constatée  déjà  il  y  a  huit  jours,  s'est  beaucoup 
accentuée. 

M.  Heuzey  commence  la  lecture  d'un  mémoire  intitulé  :  l'Archaïsme  gréco-phé- 
nicien en  Espagne.  L'objet  de  ce  travail  est  l'étude  des  sculptures  antiques  trouvées 
en  i66q,  au  nord-ouest  de  Murcie,  au  lieu  appelé  «  la  Colline  des  Saints  »,  et  con- 
servées aujourd'hui  à  Madrid.  Des  moulages  de  plusieurs  de  ces  sculptures  ont  été 
exposés  à  Vienne  et  à  Paris,  en  1873  et  en  1878,  mais  l'étrangeté  de  quelques-unes 
d'entre  elles  a  conduit  la  plupart  des  archéologues  à  se  demander  si  l'on  n'avait  pas 
affaire  à  des  falsifications.  Ces  doutes,  que  personne  ne  s'est  efforcé  d'éclaircir  d'une 
façon  définitive,  ont  empêché  le  monde  savant  d'accorder  à  la  collection  l'attention 
qu'elle  méritait. 

M.  Heuzey,  réservant  pour  un  examen  ultérieur  les  morceaux  le?  plus  bizarres 
de  la  série,  met  sous  les  yeux  de  ses  confrères  les  moulages  de  quelques  sculptures 
choisies  parmi  les  meilleures  et  s'attache  à  établir  que  celles-ci  au  moins  sont  au- 
thentiques. Il  y  reconnaît  un  art  mixte,  résultant  de  l'action  du  vieux  style  helléni- 
que sur  l'art  phénicien.  En  effet,  le  point  où  ont  été  trouvés  ces  monuments  occu- 
pait une  situation  intermédiaire  entre  les  comptoirs  grecs  du  golfe  de  Valence  et  les 
colonies  phéniciennes  du  golfe  de  Murcie. 

M. Oppert  estime  qu'il  est  bien  difficile  d'admettre  l'authenticité  de  certains  frag- 
ments de  la  collection,  qu'il  a  vus  à  Madrid. —  M.  Heuzey  prie  l'Académie  de  réser- 
ver pour  un  autre  moment  ce  côté  de  la  question  et  insiste  seulement  sur  l'authen- 
ticité des  morceaux  dont  il  a  parlé.  — M.  Ravaisson  s'étonne  que  l'authenticité  de 
ces  morceaux  ait  pu  être  contestée  un  seul  instant.  —  M.  Schlumberger  croit  utile 
de  faire  remarquer  que  feu  M.  de  Longpérier,  qui  avait  condamné  la  collection  de 
Madrid  d'après  les  spécimens  apportés  à  Paris,  n'avait  pu  voir  les  sculptures  pré- 
sentées aujourd'hui  par  M.  Heuzey. 

M.  Héron  de  Villefosse,  au  nom  de  M.  Georges  Perrot,  en  ce  moment  absent  de 
Paris,  communique  une  lettre  de  M.  A.  Gérard,  ministre  de  France  au  Monténé- 
gro, qui  donne  des  détails  sur  les  fouilles  de  Doukla,  l'ancienne  Doclea.  Ces  fouilles 
ont  été  exécutées,  par  ordre  du  prince  Nicolas,  par  un  savant  russe,  M.  Paul  Rowinsky, 
qui  les  a  conduites  avec  autant  de  méthode  que  de  bonheur.  On  a  mis  au  jour  les 
restes  d'une  grande  basilique,  dont  les  difiérentes  parties  sont  relativement  bien  con- 
servées, et  dont  il  est  facile  de  reconstituer  toute  la  décoration  intérieure.  Plusieurs 
inscriptions  mentionnent  un  personnage  du  nom  de  Flavius  Balbinus,  à  qui  la  ville 
de  Doclea  avait  décerné  des  honneurs  et,  en  particulier,  une  statue  équestre  après  sa 
mort.  Un  autre  fragment  se  rapporte  à  un  magistrat  municipal,  Flavius  Fronton, 
parent  du  précédent.  M.  Rowinsky  a  recueilli  aussi  plusieurs  textes  funéraires. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Siméon  Luce  :  Boureulle  (P.  de),  le  Pays  de  Jeanne 
d'Arc;  —  par  M.  de  Barthélémy  :  Baye  (J.  de),  le  Tombeau  de  Wiitislingen,  aumu- 
sée  national  bavarois  (extrait  de  la  Ga:;ette  archéologique);  —  par  M.  Croiset  :  Aubi- 
GNÉ  'Agrippa  d'j.  Histoire  universelle,  publiée  pour  la  Société  de  l'histoire  de  France, 
par  le  baron  de  Ruble,  tome  IH,  j 56 8-1 5/2  ; —  par  M.  Delisle  :  M.  Valois  (Noël), 
Raymond  Roger,  vicomte  de  Turenne,  et  les  papes  d'Avignon,  d'après  un  document 
découvert  par  M.  Camille  Rivain. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  /ils,  boulevard  Saint-Laurent, 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N^  18  -  5  mai  ■-  1890 


Sommaire  »  203-204.  De  La  Grasserie,  Etudes  de  grammaire  comparée,  De  la 
catégorie  des  temps  et  des  cas.  —  10b.  E.  Zarncke.  La  langue  littéraire  en 
Grèce.  —  206.  F.  Frcelich.  L'armée  de  César.  —  207.  Hertz,  L'Horace  de  Guyet. 

—  208.  Platon,  Les  mallus.  —  209.  Berenzi,  Histoire  de  Pontevico.  —  210. 
Bûcher,  Poésies,  p.  p.  Denais.  —  211.  Bossuet,  sermon  sur  l'ambition,  p.  p.  Le- 
BARQ.  —  Lettre  de  M.  Henri  Houssaye  et  réponse  de  M.  Salomon  Reinach.  — 
Lettre    de   M.  Ledos  et    réponse  de   M.  Psichari.  —   Académie  des   Inscriptions. 

—  Société  des  Antiquaires  de  France. 


203.  —   Etudes  de    grammaire  comparée.    De   la  catégorie  du    temps,   par 

Raoul  DE  LA   Gbasserie,  docteur  en   droit,  juge  au  tribunal  de  Rennes.  Paris, 
Maisonneuve,  1888. 

204.  —  Etudes  de  grammaire  comparée.  Des  relations  grammaticales  considérées 
dans  leur  concept  et  dans  leur  expression,  ou  de  la  catégorie  des  cas,  par 
le  même.  Paris,  1890. 

Il  se  passe  actuellement  en  linguistique  quelque  chose  de  très  analogue 
à  ce  qui  vient  de  se  passer  sur  le  domaine  de  la  mythologie.  Il  n'y  a  pas 
encore  longtemps,  la  mythologie  était  envisagée  comme  une  faculté  in- 
tellectuelle particulière  à  telles  races  et  faisant  défaut  à  telles  autres,  de 
façon  que  l'humanité  se  divisait  en  races  mythologiques,  préconisées 
supérieures,  et  en  races  non  mythologiques  et  par  cela  même  inférieures. 
Aujourd'hui,  grâce  aux  recherches  de  M.  Lang  on  sait  que  la  produc- 
tion de  mythes  est  inhérente  à  la  pensée  humaine  en  général,  surtout  aux 
premiers  stages  de  son  développement.  En  linguistique  de  même  :  la 
division  des  langues  en  isolantes,  agglutinantes  et  flexionnelles  parais- 
sait naguère  le  point  culminant  de  la  science  et  l'on  partait  de  là  pour 
disserter  très  doctement  sur  les  facultés  natives  des  races  dont  les  lan- 
gues se  rangent  dans  l'une  ou  dans  l'autre  de  ces  catégories.  Eh  bien,  il 
faudra  désormais  en  rabattre  beaucoup  ou  plutôt  changer  entièrement 
de  méthode  et  de  direction.  Une  nouvelle  école  linguistique  se  forme  un 
peu  partout  qui,  rompant  courageusement  avec  les  anciens  aperçus  su- 
perficiels, cherche  à  pénétrer  toutes  les  manifestations  de  la  parole  hu- 
maine en  étudiant  soigneusement  la  grammaire  d'autant  de  langues  que 
possible  et,  par  une  comparaison  judicieuse,  à  expliquer  les  singularités 
des  unes  par  les  lois  résultant  des  autres.  A  ce  point  de  vue,  les  idiomes 
des  peuples  sauvages  sont  parfois  plus  instructifs  que  les  idiomes  policés 
et  littéraires;  quelques-uns  d'entre  eux  ont  même  atteint  un  degré  de 
nuance  et  d'analyse  logique  inconnu  aux  langues  des  peuples  les  plus 
avancés  dans  la  civilisation. 

Nouvelle  série,  XXIX.  i8 


3^2  REVUE    CRITIQUE 

Des  deux  nouvelles  disciplines  que  nous  venons  de  menlionner,  celle 
qui  vient  de  renverser  l'ancien  édifice  vermoulu  des  mythologues  accré- 
dités, est  presque  entièrement  due  aux  efforts  de  savants  étrangers;  au 
contraire,  celle  qui  cherche  à  fonder  une  linguistique  comparée  vraiment 
digne  de  ce  nom  est  cultivée  avec  bonheur  par  une  élite  de  savants  fran- 
çais. M.  Raoul  de  la  Grasserie  appartient  à  cette  phalange  courageuse 
que  l'aridité  du  sujet  n'effraie  pas,  parce  qu'elle  a  la  certitude  de  décou- 
vrir, sous  l'écorce souvent  rude  et  épineuse  des  sons  barbares,  unfondsde 
philosophie  et  de  logique  inconscientes  qui  sont  le  lot  commun  de  notre 
espèce.  Les  publications  de  M.  de  la  G.  ont  depuis  longtemps  déjà  attiré 
l'attention  des  spécialistes.  Sous  le  titre  général  de:  FAiides de  grammaire 
comparée^  il  a  fait  paraître  dans  la  Revue  de  Linguistique  de  1887,  un 
article  très  remarqué,  intitulé  :  De  la  catégorie  du  nombre,  article  que 
suivit  bientôt  un  autre  non  moins  important,  intitulé  :  Du  verbe  être 
considéré  comme  un  instrument  d"" abstraction  et  de  ses  diverses  fonc- 
tions. Les  années  suivantes  parurent  dans  les  revues  de  France  et  de 
rétranger  plusieurs  études  importantes  ayant  trait  à  la  conjugaison  ob- 
jective, aux  divisions  de  la  linguistique,  à  la  nature  du  pronom,  à  la 
psychologie  du  langage,  à  la  classification  des  langues,  à  la  catégorie 
des  modes,  à  la  catégorie  des  temps,  à  la  catégorie  des  cas,  sans  compter 
plusieurs  autres  ouvrages  sur  des  langues  spéciales.  On  voit  avec  quelle 
persistance  louable  M.  de  la  G.  serre  de  près  tous  les  problèmes  qui  se 
présentent  dans  le  vaste  domaine  de  la  linguistique  et  combien  de  temps 
et  de  connaissances  il  faudrait  pour  rendre  compte  des  nouvelles  idées 
qui  surgissent  à  chaque  page  de  ces  divers  écrits.  Je  me  bornerai  donc 
à  dire  quelques  mots  des  deux  seuls  travaux  nommés  plus  haut,  que  j'ai 
eu  l'occasion  de  lire  et  de  méditer  suffisamment  dans  le  but  de  ma  pro- 
pre instruction.  Comme  sémitisant,  mon  attention  avait  tout  d'abord 
été  attirée  sur  les  solutions  que  le  savant  auteur  propose  à  divers  problè- 
mes concernant  les  langues  sémitiques,  mais  l'exposé  à  la  fois  limpide 
et  profond  des  idées  défendues,  la  méthode  lumineuse  qui  préside  à  la 
construction  du  cadre  général,  le  classement  fin  et  judicieux  des  sujets 
spéciaux,  le  nombre  aussi  riche  que  varié  des  exemples  qui  servent  à 
illustrer  les  lois  étudiées,  tous  ces  avantages  littéraires  qui  témoignent 
d'une  netteté  d'esprit  très  remarquable,  m'ont  entraîné  presque  malgré 
moi  à  lire  ces  livres  d'un  bout  à  l'autre.  Les  notes  que  j^ai  prises  sous 
Tempire  de  cette  lecture  absorbante  pourront  donner  quelques  notions 
des  ouvrages  précités,  mais  n'ont  pas  la  prétention  d'en  fournir  une  ap- 
préciation exacte  ou  seulement  suffisante. 

I 

M.  delà  Grasserie  divise  la  catégorie  des  temps  en  trois  parties  intime- 1 
ment  indépendantes  et  logiquement  successives. 

En  premier  lieu  se  placent  les  temps  objectifs  dont  le  point  de  repèrej 
est  dans  Taction  elle-même  :  duratif,  aoriste,  parfait;  les  temps  subjec- 


0  HISTOIRE    KT    DE    LITTÉRATURK  3^3 

tifs  dont  le  point  de  repère  est  dans  la  personne  :  présent,  prétérit,  futur; 
les  temps  relatifs  dont  le  point  de  comparaison  est  pris  dans  une  antre 
action  :  plus-que-parfait,  futur,  passé,  etc.  Les  temps  objectifs  ont  dans 
beaucoup  de  langues  précédé  les  temps  subjectifs  et  ils  forment  une  pre- 
mière couche.  Certaines  langues  n'ont  jamais  possédé  que  les  temps 
objectifs;  d'autres  n'ont  eu  que  des  temps  subjectifs;  d^autres,  enfin, 
cumulent  ces  deux  sortes  de  temps,  tantôt  en  laissant  s'effacer. les  pre- 
miers devant  les  seconds,  tantôt  en  les  conservant  tous  les  deux  au  même 
degré  et  en  conjuguant  chaque  temps  objectif  par  tous  les  temps  subjec- 
tifs, comme  c'est  le  cas  des  langues  slaves. 

En  deuxième  lieu  :  temps  réels  et  temps  imaginaires.  A  ces  derniers 
appartiennent  le  futur  et  ses  dérivés. 

En  troisième  lieu  :  temps  indéterminés,  déterminés,  surdéterminés 
(p.  1-8). 

Ces  trois  grandes  divisions  forment  autant  départies  dans  Fouvrage 
que  nous  analysons  et  la  description  de  l'expression  de  ces  temps  divers 
se  poursuit  sous  des  subdivisions  adéquates. 

L'expression  du  temps  objectif  se  présente  soit  à  ïétatpur,  soit  en  pré- 
sence du  temps  subjectif  et  se  croisant  avec  lui.  Les  temps  objectifs  sont 
inconnus  à  nos  langues  dérivées  et  à  beaucoup  de  langues  primitives. 
Le  sanscrit  en  a  développé  l'expression.  Ils  constituent  souvent  dans  la 
même  langue  un  double  temps  avec  le  temps  objectif.  En  grec,  Vaoriste 
second,  \q  parfait  second  sont  objectifs;  ïaoriste  premier.,  le  parfait 
premier  sont  subjectifs.  Certaines  langues  ne  possèdent  qu'incomplète- 
ment les  temps  objectifs.  Le  parfait  manque  dans  les  langues  sémitiques 
et  chamitiques,  dans  le  singalais  et  dans  les  langues  ajtaïques;  les  lan- 
gues indo-germaniques  l'expriment  au  contraire  d'une  manière  très 
énergique. 

En  général,  les  temps  objectifs  s'expriment  par  modification  du  radi- 
cal du  verbe  tandis  que  les  temps  subjectifs  le  font  par  des  éléments  ex- 
ternes et  les  temps  relatifs  par  l'emploi  d'auxiliaires.  En  particulier,  les 
modes  d'expression  des  temps  objectifs  sont  :  i°  l'ordre  de  construction 
syntactique;  2°  les  modifications  internes,  vocaliques  ou  consonnanti- 
ques  ainsi  que  les  aflfixes  pronominaux  différents;  3°  l'adjonction  de 
mots  vides  ou  indices  temporels  de  diverses  origines  ainsi  que  l'adjonc- 
tion de  verbes  auxiliaires. 

Il  sera  difficile  de  donner  une  idée  exacte  de  la  façon  pénétrante  et 
originale  avec  laquelle  le  savant  auteur  classe  les  diverses  langues  qu'il 
étudie.  Je  m'arrêterai  cependant  quelques  instants  sur  les  explications 
qui  concernent  la  conjugaison  des  langues  sémitiques,  parce  que  je  crois 
que  le  dernier  mot  n'a  pas  encore  été  dit  à  ce  sujet.  Si  la  majorité  des 
langues  sémitiques  n'a  que  deux  temps  objectifs,  la  forme  affixée,  loin 
d'être  un  aoriste  (p.  1 2),  a  toujours  le  sens  d'un  passé,  de  même  la  forme 
préfixée  tout  en  exprimant  le  durât  if  rend  régulièrement  le  futur.  La 
comparaison  avec  le  basque  fp.  i  i)  n'est  donc  pas  possible.  Puis,  l'assy- 


344  REVUK    CRITIQUA 

rien  doit  être  classé  à  part.  Cettte  langue  possède,  outre  la  forme  affixée 
qui  rend  le  duratif,  deux  formes  préfixées,  distinguées  par  la  vocalisa- 
tion intérieure,  dont  Tune  marque  toujours  lapasse,  Pautre  le  présent 
et  \q futur.  En  voici  le  paradigme  : 

!'■'=  personne  sbakna-ku,  je  fais,  j'ai  fait,  je  ferai. 
2*        —        shakna-ka,  tu  fais,  tu  as  fait,  tu  feras. 

f.  shakna-ki. 

3°        —        shakn-u,  il  fait,  il  a  fait,  il  fera. 

f.  shakn-at,  elle  fait,  elle  a  fait,  elle  fera. 

a-shkun,  j'ai  fait  :  a-shakkin,  je  ferai. 

ta-shkun,  z,  tu  as  fait  :  ta-shakkin,  i,  tu  feras. 

i-shkun,  il  a  fait  :  i-shakkin,  il  fera. 

ta-shkun,  elle  a  fait  :  ta-shakkin,  elle  fera. 

II 

Dans  le  second  ouvrage,  M.  de  la  G.  examine  à  fond  la  catégorie  des 
cas.  Ce  qu'on  appelle  communément  les  cas,  c'est  l'idée  et  l'expression 
des  relations  existant  entre  les  êtres,  ou  entre  les  qualités,  ou  entre  les 
actions,  prises  seules  ou  comparées  ensemble.  L'examen  comprend  qua- 
tre études  très  intéressantes.  Dans  la  première  (p.  i-5i),  les  relations 
sont  considérées  en  elles-mêmes  dans  leur  ensemble,  sans  égard  à  leur 
mode  d'expression.  Le  point  de  vue  est  pmemcnt psj^chiqiie,  non  celui 
de  la  réalisation  morphologique. 

Les  relations  se  classifient  suivant  les  idées  qu'elles  relient,  suivant  le 
degré  de  nécessité  de  ces  liaisons  ou  suivant  leur  nature.  De  la  première 
classification,  Texamen  comprend  la  relation  de  mot  à  mot  ou  d'idée  à  idée 
et  celle  de  mot  à  proposition  ou  d'idée  à  pensée.  Celte  dernière  rela- 
tion présente  trois  catégories  bien  distinctes  :  i^  liaisons  nécessaires  pour 
constituer  la  proposition;   2"  liaisons  nécessaires  pour  ïintégrer ;  3" 
liaisons  utiles  pour  la  compléter  ;  l'accusatif  est  un  cas  constituant;  le 
datif  est  un  cas  intégrant  ;  l'indication  du  temps  et  surtout  du  lieu  forme 
le  type  du  cas  complémentaire .  Pour  ce  qui  est  du  verbe,  ainsi  que  de 
la  proposition,  qui  en  est  solidaire,  il  peut  prendre  soit  une  tournure 
active-neutre,  soit  une  iouvnnve  passive -qualificative  soit  une  tournure 
transitive.  L^antériorité  relative  de  ces  tournures  varie  suivant  les  grou- 
pes de  langue.  Tandis  que,  pour  les  groupes  du  Caucase,  c'est  le  passif] 
qualificatif  qui  sert  de  point  de  départ,  dans  le  turc  c^est  l'actif-neutre, 
et  dans  le  sanscrit  c'est  le  transitif.  11  est  cependant  prouvé  par  un  exa- 
men attentif  du  degré  de  nécessité  des  parties  de  la  proposition  que  laj 
tournure  active-neutre  est  logiquement  la  plus  indispensable  et  par  con- 
séquent la  plus  ancienne,  puis  vient  la  tournure  passive,  enfin,  la  tour- 
nure transitive.  A  ces  tournures  répondent  immédiatement  les  trois  casj 
primordiaux  :  le  génitif,  le  nominatif,  l'accusatif.  Aussi  les  prononisf 
revêtent-ils  dans  les  langues  primitives  très  souvent  trois  lormes  :  Id 
possessif,  le  prédicatif  ex.  Vobjectif,  Ces  formes  comportent  quelquetoi.' 


d'histoire  et  de  littérature  345 

chacune  l'emploi  de  racines  différentes,  mais  même  lorsque  la  différen- 
ciation ne  consiste  qu'en  une  mutation  vocalique,  elle  est  bien  antérieure 
à  toute  idée  de  déclinaison  et  ne  peut  se  confondre  avec  elle.  Le  besoin 
de  se  rendre  compte  de  la  cause  de  l'action,  du  but  et  du  moyen  de  réa- 
lisation produit  les  cas  suivants  :  l'instrumental,  le  datif,  l'ablatif.  Le 
datif  est  apparenté  à  l'accusatif,  le  nominatif  à  Tinstrumental;  l'ablatif 
a  d'étroits  rapports  logiques  avec  le  génitif.  Enfin,  un  troisième  groupe 
de  cas,  exprimant  des  relations  externes,  contient  le  locatif,  susceptible  de 
nuances  infimes,  le  temporal,  V  intensif  on  quantitatif.  Dans  les  lanijues 
primitives,  ce  groupe  a  joué  un  grand  rôle,  dominant  alors  que  les  autres 
n'existaient  pas  encore,  mais  ce  rôles'est  bien  affaibli,  ou  plus  exactement, 
ils  ont  changé  totalement  de  mode  d'expression  en  formant  les  préposi- 
tions modernes.  En  suivant  leur  nature,  les  relations,  soit  de  mot  à  mot, 
soit  de  mot  à  préposition,  peuvent  être  ou  subjectives  ou  objectives  ou 
dans  un  autre  sens  concrètes  o\x  abstraites.  Les  relations  objectives-con- 
crètes, comprennent  :  le  locatif  avec  ses  nombreuses  divisions,  le  tem- 
poral et  {"intensif.  Les  relations  objectives-abstraites  comprennent  Va- 
blatif,  instrumental  et  le  datif.  Les  subjectives-abstraites  comprennent 
h  génitif,  le  nominatif  et  V accusatif.  Les  subjectives-concrètes  ne  con- 
tiennent que  le  vocatif.  M.  de  la  G.  étudie  successivement  ces  diverses 
relations  et  ensuite  il  recherche  leur  genèse  respective,  qu'il  éclaircit  au 
moyen  de  faits  tirés  des  langues  les  plus  variées.  Les  langues  du  Caucase 
offrent  une  richesse  de  cas  vraiment  exubérante. 

La  deuxième  étude  (p.  52-97)  traite  de  la  catégorie  des  cas  considérés 
dans  leur  expression  en  générai  et  spécialement  dans  leur  expression 
psychologique  et  linguistiquement  imparfaite  par  l'ordre  syntactique. 
L'auteur  envisage  ici  non  plus  les  différents  cas,  les  diverses  relations 
d'idée  à  idée  ou  à  pensée,  mais  le  cas,  la  relation  dans  son  ensemble  et 
dans  son  procédé  d'expression. 

L'expression  d'une  catégorie  grammaticale,  entre  autre  du  cas,  peut 
se  faire  d'une  manière  linguistique  plus  ou  moins  parfaite.  La  per- 
fection linguistique  s'obtient  lorsque  le  langage  exprime  le  plus  com- 
plètement, le  plus  exactement  et  le  plus  proportionnellement  à  leur 
importance  chaque  idée,  chaque  pensée,  chaque  catégorie  de  concepts 
principaux  et  accessoires  et  il  faut  que  cette  expression  soit  due  au  lan- 
gage lui-même.  La  langue  chinoise,  avec  ses  radicaux  attributifs,  ses 
mots  pleins  seuls,  peut  exprimer  toutes  les  nuances  d'idées,  toutes  les 
déterminations,  toutes  les  relations  avec  une  exactitude  et  une  finesse 
remarquables,  mais  c'est  que  la  pensée  supplée  à  l'invariabilité  formelle 
des  mots;  linguistiquement  l'expression  est  au  plus  haut  degré  impar- 
faite. D'autre  part,  le  membre  de  phrase  :  près  de  la  cime  de  la  monta- 
gne, ne  contenant  que  deux  attributifs  :  cime  et  montagne,  tandis  que 
cinq  autres  mots  expriment  des  idées  accessoires  de  détermination  et  de 
relation.  Le  mot  formel  a  trop  dépassé  le  mot  substantiel  ;  la  représenta- 
tion des  idées  n'est  pas  proportionnelle  à  la  catégorie  de  ces  idées.  Lors- 


346  REVUE   CRITIQUE 

que  l'irlandais,  au  contraire,  dit  lus,  Therbe;  luis,  de  l'herbe,  le  concept 
du  génitif  exprimé  par  un  i  introduit  dans  la  racine  du  mot,  il  trans- 
porte la  proportion  exacte  psychique  dans  la  morphologie.  De  même, 
lorsque  l'arabe  distingue  l'intransitif  du  transitif,  le  passif  de  l'actif,  le 
pluriel  du  singulier,  par  la  modification  d^une  seule  voyelle  radicale,  il 
observe  rigoureusement  cette  proportion  ;  l'expression,  toute  linguisti- 
que, est  en  même  temps  proportionnelle.  De  là  ces  trois  grandes  divi- 
sions :  le  procédé  psychologique  ou  imparfait,  qui  peut  s'appeler  aussi 
procédé  de  racine  ou  d'ordre  syntactique ;  celui  morphologique  ou  en- 
tier, se  réalisant  au  moyen  du  mot  vide\  celui  proportionnel,  procédé 
pJionétique.  Dans  chacun  de  ces  grands  systèmes  des  cas  il  y  a  encore 
d'autres  divisions  importantes  :  la  distinction  entre  le  7ion  formel  et  le 
formel  :  entre  le  subjectif  ti  V  objectif  ;  entre  le  concret  et  l'abstrait.  Ces 
modes  ont  suivi  Tordre  d^évolution  suivant  : 

I"  Le  procédé  psychologique  dans  lequel  se  sont  développés  successi- 
vement :  1°  le  système  non  formel  ;  2°  dans  le  système  formel,  le  sys- 
tème subjectif;  3°  dans  le  système  subjectif,  le  système  concret,  puis  à 
son  tour  le  système  abstrait  à  ses  différents  degrés  ;  4°  le  système  objec- 
tif, et  en  lui  le  système  concret,  puis  le  système  abstrait  ; 

2°  Au  procédé  psychologique  a  succédé  le  procédé  morphologique  ou 
à  mots  vides,  lequel  a  passé  à  son  tour  par  les  mêmes  étapes  ; 

3"  Enfin,  dans  le  sein  du  procédé  des  mots  vides  a  pris  naissance  le 
procédé  d'expression  phonétique  qui  a  aussi  passé  par  le  non  formel,  le 
subjectif  et  le  concret  pour  arriver  à  Tobjectif  abstrait. 

Voici  maintenant  comment  s'effectua  le  passage  d'un  procédé  à  un  au- 
tre. Lorsque  tous  les  mots  exprimaient  les  relations  par  leur  ordre  seul, 
mais  furent  séparés  les  uns  des  autres  et  placés  dans  un  ordre  dévelop- 
pant :  sujet,  verbe,  régime  direct,  régime  indirect,  le  besoin  se  fit  sentir 
de  sortir  de  cet  ordre  fixé  et  gênant,  et  comme  les  matériaux  dont  on 
disposait  étaient  invariables,  on  fit  varier  leur  sens  et  on  plaça  un  sens 
pur  de  relation  à  côté  de  leur  sens  attributif;  puis  le  sens  attributif  se 
perdit  ;  puis,  le  mot  devenu  vide  de  sens  autonome,  perdit  son  équilibre 
et  dut  graviter  autour  d'un  autre,  puis  s'y  affixer;  puis,  sous  une  puis- 
sante attraction,  il  se  déforma  et  finit  par  se  vider  de  son.  Le  passage  du 
procédé  morphologique  par  les  mots  vides  au  procédé  d'expression  pho- 
nétique s'est  produit  de  la  manière  suivante  :  le  mot  vide,  sutïixe  d'ori- 
gine pronominale,  très  court,  souvent  consistant  en  une  seule  voyelle, 
pénètre  dans  le  mot  plein  auquel  il  est  afïixé;  sa  voyelle  y  entre  ou  bien 
agit  par  induction  sur  la  voyelle  radicale  qu'elle  s'accommode;  de  là  la 
périphonie.  La  transition  s'accomplit  lorsque  le  suffixe  pronominal 
oblitéré  et  ayant  laissé  sa  trace  dans  la  modification  phonique  du  mot 
plein,  cette  modification  phonique  exprime  seule  la  relation. 

Cela  établi,  M.  de  la  G.  passe  à  Texamen  du  premier  précédé  de  l'ex- 
pression des  cas  imparfaite  par  l'ordre  syntactique.  L'étude  se  termine 
par  une  très  intéressante  monographie  du  génitif  dans  le  système  et  par 


d'histoire  et  de  littérature  347 

un  appendice  relatif  à  la  survivance  de  l'ordre  syntactique  dans  le  groupe 
indo-europe'en.  Voici  comment  la  formule  est  devenue  successivement  : 
1°  complément,  verbe,  sujet;  2°  sujet,  complément,  verbe;  3°  ordre  li- 
bre; 40  sujet,  verbe,  complément. 

La  troisième  étude  traite  de  l'expression  des  relations  morphologique 
et  linguistiquement  complète  par  l'emploi  des  mots  vides.  L'importance 
de  la  transformation  du  mot  plein  en  mot  vide,  signalée  déjà  par  les 
grammairiens  chinois,  a  été  mise  en  relief  par  une  école  de  grammairiens 
modernes.  Cependant,  en  faisant  entrer  toutes  les  langues  dans  la  divi- 
sion tripartite  :  isolantes,  agglutinantes  et/lexionnelles,  on  a  comprise 
tort  dans  ce  domaine  du  mot  vide  les  langues  polysynthétiques,  concrè- 
tes, allitérales  et  versionnelles  comme  les  sémitiques.  De  plus,  cette 
classification  même,  abstraction  faite  de  la  catégorie  de  langues  isolan- 
tes qui  est  l'absence  du  mot  vide,  renferme  encore  un  double  défaut. 
D'abord  elle  laisse  en  dehors  toute  une  catégorie  de  mots  vides  qui  pré- 
cèdent le  mot  plein  et  qui,  plus  tard,  s'y  préfixeront.  Même  préfixes,  ces 
mots  vides  présentent  un  caractère  tout  à  fait  différent  de  celui  des  mots 
vides  suffixes  et  forment  entre  eux  une  classe  naturelle  d'une  importance 
qui  n'est  pas  négligeable.  D'autre  part,  la  division  en  agglutination  et  en 
flexion,  quoique  exacte  en  soi,  devient  inexacte  par  la  définition  qu'on 
donne  du  mol  flexion  suivant  l'école  de  Schleicher,  tandis  que  l'aggluti- 
nation consiste  dans  la  fixation  du  mot  vide  à  la  fin  du  mot  plein,  la 
ûexïon  serait  la  modification  vocalique  interne  du  mot  plein  ou  celle  du 
mot  vide.  Or,  la  première  est  ou  purement  phonétique  ou  rentre  dans  le 
système  abstrait,  la  seconde  est  purement  phonétique.  En  vérité,  la 
flexion  ne  diffère  de  l'agglutination  que  par  l'emboîtement  du  mot  vide 
dans  le  mot  plein  et  cette  union  plus  intime  vient  de  ce  que  le  mot  vide 
est  d'une  nature  différente  de  celle  du  mot  vide  employé  dans  l'aggluti- 
nation. 11  y  a  une  foule  de  mots  vides  qui  n'ont  jamais  été  des  mots 
pleins.  Ces  mots  réellement  vides  comme  les  syllabes  indo-européennes 
ra,  la,j'a,  na,  etc.,  seraient  dues,  suivant  M,  Reignaud,  à  Vélargisse- 
ment  successif  du  phonème  final  radical,  modifié  par  l'influence  du 
rhotacisme.  M.  de  la  G.,  rappelant  que  les  suffixes  de  dérivation 
du  mandchou  sont  presque  les  mêmes  qu'en  sanscrit,  sans  que  les  deux 
langues  aient  quelque  chose  de  commun,  est  plutôt  d'avis  d'admettre 
l'origine  autonome  de  ces  suffixes.  Il  y  a  donc  deux  sortes  de  mots  vides  : 
ceux  autrefois  pleins  de  sens  attributif  et  ceux  qui  ont  toujours  été  vides 
d'un  tel  sens;  les  premiers  seuls  expriment  les  cas  objectifs  concrets  ou 
locatifs,  les  seconds  expriment  pour  la  plus  grande  partie  les  cas  abs- 
traits. 

La  classification  des  modes  d'expression  des  relations  par  le  mot  vide, 
on  peut  la  résumer  dans  le  tableau  suivant  : 

i"  Période  anté-linguistique  ou  7ion  formelle.  Un  seul  mot  vide  ex- 
primant le  génitif,  les  autres  cas  ne  s'exprimant  pas  du  tout  ou  par  la 
position  seule  ou  par  le  génitif  (Algonquin,  Esquimau,  vieil  égyptien)  ; 


348  REVUE  CRITIQUE 

2"  Période  primaire.  Mots  vides  gravitant  autour  du  verbe,  occupant 
une  position  soit  séparée  (langues  polynésiennes),  soit  préfixée,  soit  post* 
fixée  (langues  Cafre,  Viti,  Namaqua)  ; 

3''  Période  secondaire.  Mots  vides  gravitant  autour  du  substantif,  dans 
une  position  ou  préposée  ou  postposée  ou  bien  à  lu  fois  préposée  et  posi- 
posée  ; 

4»  Période  tertiaire.  Mots  vides  entre  le  verbe  et  le  substantif.  Côté 
de  la  régression  (langues  néo-latines,  persane,  néo-indiennes);  côté  de  la 
progression,  par  l'inflection  vocalique  (langues  néo-celtiques)  ;  côté  mixte 
(langue  allemande). 

La  place  nous  manque  pour  analyser  les  innombrables  divisions  et 
subdivisions  que  comporte  ce  tableau  sommaire,  mais  il  m'est  impossi- 
ble de  ne  pas  signaler  comme  une  œuvre  d"'une  importance  hors  ligne 
l'appendice  à  l'agglutination  (p.  i65-25i)  où,  en  comparant  les  suffixes 
agglutinés  dans  les  diverses  langues,  l'auteur  établit  avec  évidence  la  res- 
semblance des  indices,  des  cas  qui  y  sont  employés,  spécialement  des 
indices  ?i  qui  marque  le  génitif  dans  plusieurs  langues  non  apparentées 
et  s,  m,  t  communs  aux  langues  indo-européennes,  ouraliennes  et  poly- 
nésiennes-australiennes. M.  de  la  G.  y  voit  une  onomatopée  subjective. 
Le  phonème  de  Tharmonie  vocalique  dans  les  langues  ouraliennes  est 
également  étudié  avec  beaucoup  de  méthode  et  d'étendue.  Le  même  ca- 
ractère de  netteté  distingue  l'exposé  du  lien  entre  les  affixes  de  dériva- 
tion et  les  atfixes  de  flexion  (p.  23o-252). 

La  quatrième  étude,  enfin,  est  relative  à  Texpression  des  relations 
phonétique  ou  proportionnelle.  Par  expression  phonétique,  terme  abso- 
lument nouveau,  il  faut  entendre  le  procédé  qui  consiste  à  rendre  les  re- 
lations non  par  l'ordre  syntactique,  ni  par  l'emploi  d'un  mot  vide,  mais 
par  l'introduction  d'un  phonème,  sa  modification  ou  son  accord.  On 
sait  que  le  chinois  multiplie  ses  matériaux  lexicologiques,  tous  monosyl- 
labiques, par  divers  accents  musicaux  ou  intonations.  Ailleurs,  ce  n'est 
plus  à  la  lexicologie  seule,  c'est  à  la  grammaire  que  s'applique  Finstru- 
ment  musical,  phonétique.  C'est  alors  tantôt  à  la  mélodie,  tantôt  à  Yhar- 
monie,  c'est-à-dire  tantôt  aux  modulations  tantôt  aux  accords  qu'on  a 
recours  ;  ce  dernier  emploi  est  le  plus  important.  Le  passage  du  mot  vide 
au  phonème  s'effectue  déjà  dans  la  périphonie  (Umlaut)  ou  mutation  de 
la  voyelle  radicale  par  la  voyelle  du  suflfixe,  procédé  qui  appartient  au 
système  précédent  aussi  longtemps  que  sa  cause  persiste  et  au  système 
actuel,  dès  que  sa  cause  a  cessé  de  coexister.  Mais  dans  le  système  du 
mot  vide,  l'abstraction  a  été  exagérée  au  point  de  dépasser  l'expression 
concrète.  Il  faut  que  l'expression  de  la  relation  soit  aussi  proportion- 
nelle que  là  où  l'idée  principale  veut  un  mot  entier,  que  la  relation  de  Ti-  | 
dée  n'ait  qu'une  lettre.  C'est  cette  proportion  exacte  que  vient  apporter  \ 
le  système  d'expression  phonétique. 

Avant  d'examiner  les  différents  modes  de  ce  système,  M.  de  la  G,  met 
en  lumière  un  principe  important,  celui  de  l'unification  des  cas,  de  l'u-  || 


d'histoire  et  de  littérature  349 

niversalilé  du  génitif.  Ordinairement  les  expressions  des  relations  demo^ 
à  proposition  sont  profondément  différenciées  entre  elles,  tout  en  diffé- 
rant de  l'expression  des  relations  de  mot  à  mot.  Mais,  par  exception, 
dans  certains  groupes  de  langues  toutes  ces  barrières  disparaissent  et 
l'expression  des  relations  de  mot  à  mot,  le  génitif,  devient  le  cas  uni- 
versel, le  seul  cas  subsistant.  Pour  comprendre  comment  cela  a  pu  s'o- 
pérer, il  faut  bien  saisir  la  nature  intime  de  ce  cas.  Le  génitif,  outre  sa 
fonction  de  marquer  la  possession,  la  détermination  et  l'origine,  marque 
plus  généralement  la  domination  d'un  mot  sur  l'autre.  L'auteur  a  plus 
haut  étudié  l'expression  psychologique  et  celle  morphologique  du  géni- 
tif lorsqu'il  était  le  seul  cas  existant  faisant  fonction  de  tous  les  autres. 
Il  s'agit  ici  de  son  expression  dans  le  système  purement  phonétique. 
Dans  ce  procédé  d'expression,   la  prédominance  du  génitif  dura   plus 
longtemps.  Dans  les  langues  Bantou,  par  exemple,  la  relation  génitive, 
c'est-à-dire  la  relation  de  mot  à  mot  a  conservé  son  domaine  en  l'éten- 
dant ;  il  ne  s'est  formé  là  d'expression  de  mot  à  proposition  autre  que 
celle  qui  résulte  de  l'ordre  syntactique  conservé.  Le  principe  de  l'accord 
suppose  une  relation  pure  de  mot  à  mot. 

L'analyse  de  procédé  dans  les  diverses  langues  qui  remploient  est 
consciencieusement  exposée  dans  deux  chapitres,  que  nous  ne  pouvons 
qu'indiquer  très  sommairement. 

Chapitre  premier  :  Expression  des  relations  par  l'accord  seul.  A  Har- 
monie initiale  :  1°  et  2"  harmonie  préposée  et  préfixée  (langues  Bantou  ; 
langues  Bullom  et  Temné);  harmonie  dont  le  premier  terme  a  dispara 
[langues  du  Caucase  septentrional,  le  Bari,  le  vieil  égyptien),  B  Har- 
monie finale  :  a)  accord  en  genre  et  en  son;  b)  accord  en  genre  et  en 
nombre,  avec  la  disparition  de  l'accord  phonétique;  c)  accord  en  son  en 
dehors  du  secours  du  genre  et  du  nombre  :  1°  répétition  sur  le  mot  do- 
miné du  déterminatit  du  mot  dominant  ;  2°  rime. 

Chapitre  deuxième  :  Expression  des  relations  par  la  variation  du  pho- 
nème. A  Mutation  vocalique  n'exprimant  qu'indirectement  les  catégo- 
ries grammaticales  ;  5  Mutation  vocalique  l'exprimant  directement;  a) 
expression  des  catégories,  autres  que  celles  des  relations  (dans  les  langues 
sémitiques  ;  dans  les  langues  indo-européennes  ;  dans  les  autres  langues)  ; 
b)  expression  des  relations  :  i»  dans  l'état  actuel  de  la  science  (dans  les 
pronoms;  dans  les  noms);  2°  d'après  une  hypothèse  probable.  Dans  ce 
dernier  paragraphe,  l'auteur  revient  sur  la  question  relative  à  l'origine 
des  indices  des  cas  logiques.  L'école  de  Schleicher  fait  dériver  dans  les 
langues  indo-européennes  ces  indices  uniquement  de  divers  pronoms 
suffixes,  par  conséquent  d'un  mot  vide.  Cette  origine  semble  plausible, 
si  Ton  n'envisage  que  ces  langues,  quoiqu'elle  y  rencontre  déjà  l'objec- 
tion de  peu  de  convenance  spéciale  de  tel  pronom  à  tel  cas.  Sans  sortir 
de  l'indo-germanique,   M.  de  la  G.    a  déjà  conclu  que  les  indices  de 
ces  cas  provenaient  d'une  sorte    d'onomatopée   antérieure    à  eux-mê- 
mes ainsi  qu'aux  pronoms  et  où  tous  les  deux  avaient  puisé  leur  exis- 


35o 


KEVUE    CRITIQUK 


tencc.  Cette  conviction  devient  plus  forte  si  on  passe  à  la  comparaison 
générale  des  langues.  En  effet,  \'7n,  signe  de  l'accusatif  se  rencontre  aussi 
dans  les  langues  finnoise  et  samoyède,  non  seulement  sous  la  forme  m, 
mais  aussi  sous  la  forme  ^,  et  cependant  ne  possèdent  pas  le  pronom 
amas.  D'autre  part,  dans  les  langues  agglutinantes,  il  s'est  trouvé  que 
les  indices  des  cas  pouvaient  être  ramenés  aux  suivants  :  nominatifs  :  s, 
r  ;  génitif:  n;  datif  :  A-,  g^  i,  h;  accus,  m,  p  ;  abbl.  ?,  d;  locatif  n.  Or, 
dans  les  langues  indo-germaniques,  sauf  le  génitif  qui  se  fonde  sur  un 
système  spécial,  on  retrouve  pour  les  mêmes  cas  les  mêmes  indices  : 
nom.  :  s,  r;  datif:  ai\;  accus.  :  m;  abbl.  :  t.  L'instrumental  et  le  locatif 
ne  concordent  pas,  la  forme  deuxième  ayant  une  origine  adverbiale,  la 
forme  première  étant  inexpliquée.  Mais  cette  concordance  est  assez  com- 
plète pour  être  décisive.  11  existe  donc  des  indices  de  cas  ayant  pour  ori- 
gine une  véritable  onomatopée,  soit  acoustique,  soit  physiologique,  soit 
à  la  fois  l'une  et  l'autre.  Cette  onomatopée  se  réalise  de  la  manière  sui- 
vante :  l'objet  s'exprime  par  la  lettre  la  plus  sourde  exprimant  mieux  sa 
situation  passive,  Ym  à  la  fois  labial  et  nasal;  le  sujet  par  la  lettre  plus 
tranchante  s  ou  r.  Ce  n'est  d'ailleurs  que  comme  hypothèse  que  l'auteur 
propose  cette  théorie. 

L'étude  se  termine  par  un  appendice  s'occupant  :  i°  de  l'antériorité 
de  l'expression  de  la  relation  de  l'inessif  sur  celle  des  autres  cas  objectifs 
concrets  et  de  sa  persistance;  2°  de  l'influence  des  cas  primitifs  de  l'un 
sur  l'autre,  en  particulier  du  locatif  sur  le  génitif;  3^  du  vocatif;  4°  du 
prédicatif  et  du  mutatif;  5°  des  cas  dans  les  mots  du  discours  autres  que 
les  substantifs,  en  particulier  dans  les  verbes  aux  modes  personnels. 

Voilà  les  contours  des  ouvrages  dont  M.  de  la  G.  vient  d'enrichir  la 
littérature  de  la  linguistique,  œuvres  à  la  fois  claires  et  profondes  dans 
lesquelles  les  complications  des  divisions  et  des  subdivisions,  multipliées 
presque  à  l'infini,  loin  d'alourdir  la  marche  de  la  démonstration,  lui 
servent  d'étapes  naturelles  et  de  guides  sûrs  et  éclairés.  Je  crois  rester 
dans  les  limites  d'une  juste  appréciation  en  rangeant  les  travaux  parmi 
les  meilleurs  de  notre  époque  et  en  les  considérant  comme  des  facteurs 
puissants  du  progrès  de  la  linguistique.  Lorsque  je  commençai  à  lire 
ces  ouvrages,  l'idée  seule  d'avoir  à  méditer  la  philosophie  de  l'inconscient 
me  faisait  frémir  ;  mais  peu  à  peu  la  voie  lumineuse  tracée  magistrale- 
ment par  l'auteur  dans  ce  dédale  inextricable  rassura  mes  pas.  Mainte- 
nant que  je  suis  arrivé  au  bout,  je  me  trouve  singulièrement  fortifié  par 
une  foule  de  notions  utiles  et  suggestives  que  j'avais  à  peine  entrevues 
auparavant.  Si  cette  annonce  contribue  à  faire  connaître  les  ouvrages  de 
M.  de  la  Grasserie  au  public  studieux  que  les  méditations  sérieuses  n'ef- 
fraient point,  j'en  serai  doublement  enchanté;  d'abord  parce  que  j'aurai 
ainsi  payé  en  partie  le  tribut  de  reconnaissance  et  de  félicitation  que  je 
dois  au  savant  auteur;  puis  ensuite  parce  que  la  propagation  rapide  de 
nouvelles  vérités  est  le  seul  moyen  de  faire  disparaître  les  vieilles  erreurs 
devenues  classiques. 

J.  Halévy. 


I 


1 


d'histotre  et  de  littérature  35 I 

2o5.  —  Ed.  Zarncke.    Die   lintstehung  deic    gi-iecSiisclieii  iLitei'atui-spra- 

uhen.  Leipzig,  vVeigel  successeur  (Tauchnitz),  1890.  53  p. 

Chez  tous  les  peuples,  dès  la  naissance  d'une  littérature,  se  forme  une 
langue  littéraire  plus  ou  moins  éloignée  de  la  langue  parlée  ;  bientôt,  la 
littérature  devenant  plus  abondante,  la  séparation  s'accentue  davan- 
tage et  la  langue  littéraire  se  développe  à  part  avec  ses  lois  propres. 
L'importance  de  ce  fait  ayant  été  niée  par  les  uns,  en  partie  contestée 
par  d'autres,  il  est  utile  d'insister  sur  ce  sujet,  et  M.  Zarncke  nous 
donne  à  grands  traits  une  sorte  d'esquisse  générale  du  développement 
historique  de  la  langue  grecque,  en  nous  montrant,  dans  cette  rapide 
revue,  comment  sont  nées  et  se  sont  développées  les  langues  des  diffé- 
rents genres  littéraires.  Si  courte  qu'elle  soit,  cette  étude  est  extrême- 
ment substantielle  ;  des  notes  très  étendues  (p.  24-53)  éclairent  et  con- 
firment les  assertions  de  l'auteur,  et  un  résumé,  plein  de  précision  dans 
sa  brièveté,  achève  de  gagner,  je  pourrais  presque  dire  forcer,  l'assenti- 
ment du  lecteur  non  prévenu.  M.  Z.  a  indiqué  sommairement  que  la 
poésie  épique,  créant  pour  la  première  fois  en  Grèce  une  langue  litté- 
raire, a  été  en  tout  guide  et  maîtresse  ;  que  sur  la  langue  de  certains 
genres  poétiques,  par  exemple  sur  la  langue  de  la  comédie,  son  influence, 
pour  être  moindre,  n'en  est  pas  moins  visible  ;  et  qu'enfin  la  prose  atti- 
que,  au  moins  dans  ses  commencements,  doit  être,  elle  aussi,  jugée 
comme  une  a  élève  de  la  poésie  ».  Ce  n'est  pas  que  les  dialectes  parlés 
n'aient  eu  leur  part  dans  la  formation  de  la  langue  littéraire,  mais  il 
convient  de  ne  pas  perdre  de  vue  qu'il  y  a  une  distinction  très  nette 
entre  la  langue  des  écrivains  et  les  dialectes  populaires  ;  oublier  ce  prin- 
cipe fondamental  dans  la  critique  des  textes  conduirait  à  les  corrompre 
bien  plutôt  qu'à  les  améliorer.  C'est  poser  à  nouveau,  comme  on  le 
voit,  une  question  déjà  souvent  traitée  :  jusqu'à  quel  point  convient-il, 
pour  l'établissement  du  texte  des  auteurs,  de  se  servir  des  inscriptions? 

My. 

200.  —  Fr.    Frœlich.   Das  Kriegsweseu   Cseeurs  (ir»  série).   Zurich,  Schul- 
tess,  1889,111-8,  98  pages. 

M.  Frôlich,  dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  prononcer  le  nom  dans  la 
Revue  et  qui  paraît  s'occuper  spécialement  de  l'organisation  militaire 
de  Rome  sous  la  République,  a  étudié,  dans  la  brochure  qui  fait  l'objet 
de  cet  article,  une  période  très  intéressante  de  l'histoire  de  l'armée,  en 
cela  qu'elle  marque  la  transition  entre  la  République  et  le  régime  impé- 
rial. Sans  doute,  le  sujet  a  été  déjà  plus  d'une  fois  abordé,  ne  serait-ce 
que  par  M.  Kraner;  mais  on  peut  encore  s'y  appliquer.  La  première 
partie  du  travail  de  M.  F.  traite  de  la  levée  des  troupes,  de  leur  com" 
position  et  de  leur  commandement;  c'est  un  bon  résumé  des  connais- 
sances auxquelles  on  peut  arriver  par  la  lecture  de  César  et  des  travaux 
déjà  parus  sur  la  question  ;  mais  il  ne  faudrait  pas  y  chercher  des  dis- 


352  REVUE    CRITIQUE 

eussions  approfondies,  même  sur  les  questions  difficiles.  L'auteur  les 
aborde,  expose  l'état  de  la  question  en  citant  les  opinions  les  plus  auto- 
risées ou  les  plus  récentes,  y  ajoute  une  conclusion  généralement  sage 
et  vraisemblable,  puis  il  passe  à  un  autre  sujet.  C'est  plutôt  un  guide  à 
l'usage  de  ceux  qui  liront  les  oeuvres  de  César,  qu'un  travail  d'érudition 
développé. 

R.  C. 


207.  —  Marlinus  Hertz.  De  Horatii  opemini  exemplurt   oliin    Guyetiano 

nrarratio  I  (en  tête  de  l'Index  lectionum  in  Universitate  litterarum  Vratisla- 
viensi  per  œstatem  anni  1890  a  die  XV  mensis  aprilis  habendarum).  Typis  Frie- 
dcrichii,  20  p.  in-4. 

U Horace  de  François  Guyet,  philologue  du  xviie  siècle,  n'était 
connu  jusqu'à  présent  que  par  les  quelques  notes  que  Michel  de  Marol- 
les  en  a  tirées  pour  sa  traduction  (Paris,  1660),  et  que  le  P.  Sanadon  a 
çà  et  là  reproduites  dans  son  édition  de  lySô.  D'autre  part,  Th.  Fritzs- 
che  les  avait  signalées  dans  le  35*^  volume  du  Philologus  (1876,  p.  476- 
492).  —  M.  Martin  Hertz,  qui  a  publié  des  travaux  si  distingués  sur 
l'antiquité  classique,  vient  d'hériter  de  son  collègue  à  l'Université  de 
Breslau,  le  savant  G.  Studemund,  d'une  édition  ài'Horace,  par  Daniel 
Heinsius  (Leyde-Elzevir,  1612).  Cet  exemplaire,  qui  a  appartenu  à 
Guyet,  est  couvert  de  ses  notes  marginales  (284  pages).  M.  Hertz  a  eu 
l'heureuse  idée  de  nous  en  donner  un  premier  spécimen  très  intéressant, 
et  il  les  apprécie  à  leur  juste  valeur.  Comme  il  l'indique  à  plusieurs 
reprises,  elles  confirment  le  jugement  que  les  nombreux  travaux  du 
«  savant  Angevin  »  nous  avaient  déjà  permis  de  porter  dans  notre  thèse 
de  doctorat  sur  sa  méthode  en  matière  de  critique  des  textes,  et  prou- 
vent une  fois  de  plus  que,  si  Bentley  et  Peerlkamp  méritent  d'occuper 
une  place  importante  dans  Phistoire  de  la  philologie,  François  Guyet 
est  digne  d'être  mis  à  côté  d'eux,  car  ils  n'ont  fait  que  s'inspirer  de  ses 
principes.  —  Nous  espérons  que  M.  Hertz  poursuivra  l'œuvre  qu'il  a 
entreprise  en  l'honneur  d'un  philologue  français,  longtemps  méconnu 
en  France. 

Isaac  Uri. 


208.  —  G.  Platon.  L.e  mallus  ante    tlieoda  vel    tliunglnum  et  le  mallus 
legitimus.  Bordeaux,  ChoUet,  1889,  46  p.  ia-8. 

M.  G.  Platon  est  un  audacieux  :  il  s'attaque,  dans  cette  brochure,  à 
l'un  des  problèmes  les  plus  difficiles  que  soulève  l'étude  du  droit  ger- 
manique. Il  expose  d'abord  la  théorie  généralement  admise  en  Alle- 
magne sur  l'organisation  judiciaire  à  l'époque  salique  :  et  ce  n'est  pas! 
un  mince  mérite  que  d'avoir  compris  de  façon  aussi  nette  et  d'avoir 
rendu  de  façon  aussi  claire,  dans  un  langage  à  la  fois  châtié  et  élégant,  . 


\\ 


I 


d'histoire  et  de  littérature  353 

le  système  de  Sohm,  naguère  encore  repris  parWilhelm  Sickel  i  [Zeit- 
schrift  der  Savigny-Stiftinig,  t.  VI,  1 885,  dans  un  article  intitulé  :  Die 
Entstehimg  des  Schoffengerichts).  Ce  système  peut  se  résumer  ainsi  : 
l'État  n'intervient  en  aucune  façon  dans  la  justice;  la  justice  émane 
directement  du  peuple  ;  c'est  à  l'assemblée  de  la  centaine,  réunie  sous 
la  présidence  du  thimginus,  qu'aboutit  tout  acte  comportant  Pinterven- 
tion  judiciaire;  on  distingue  du  reste  deux  sortes  de  plaits  :  ceux  qui 
reviennent  à  intervalles  fixes,  déterminés,  les  malli  legitimi,  édites 
Ding,  et  ceux  qui  sont  spécialement  convoqués,  selon  les  besoins  et  la 
nécessité  pour  un  objet  déterminé,  les  malli  indicati,  gebotenes  Ding. 
A  cette  théorie,  aussi  absolue,  M.  Platon  essaie  de  faire  quelques  objec- 
tions. En  s'appuyant  sur  diverses  considérations  et  sur  le  texte  du 
titre  46  de  la  loi  saiique  fde  affatimire)  qu'il  interprète  fort  bien,  il 
montre  que  les  malins  legitimus,  loin  d'être  une  certaine  espèce  de 
plait  réuni  devant  le  thungimis,  est  un  plait  d'une  circonscription  plus 
étendue;  cette  circonscription  est  le  pagiis  ou  la  civitas.  A  l'origine,  les 
limites  du  royaume  et  du  pagus  se  confondaient;  le  roi  présidait  en 
personne  le  malins  du  pagus  ;  ce  tribunal  était  le  malins  régis,  au  sens 
propre  et  littéral  du  mot  :  le  malins  ante  t^egem.  Bientôt,  plusieurs  cités 
se  groupent  ensemble  pour  former  un  état;  lepagns  reste  circonscrip- 
tion judiciaire,  seulement  le  roi  n'en  préside  plus  le  tribunal;  celui-ci 
est  transformé  de  malins  ante  regem  en  malins  régis,  puis  en  malins 
legitimus  ;  il  devient  le  plait  placé  sous  la  protection  et  la  sauvegarde 
des  lois  royales.  Ainsi,  M.  Platon  fait  intervenir  dans  l'exercice  de  la 
justice  le  pouvoir  politique  que  Sohm  en  avait  entièrement  banni. 

Toutes  ces  considérations  me  semblent  à  la  fois  très  ingénieuses  et 
très  justes.  Au-dessus  du  plait  de  la  centaine,  il  y  a  le  plait  de  la  cité 
que  préside  sans  doute  le  comte  (M.  Platon  ne  s'explique  pas  nettement 
sur  ce  point).  Mais  nous  irons  plus  loin.  Qui  nous  dit  que  le  thnnginus 
n'est  pas  un  officier  royal,  au  même  titre  que  le  graffio?  Avez-vous  un 
seul  texte  pour  prouver  qu'il  soit  élu  par  le  peuple  ?  Vous  voulez  voir 
le  thnnginns  dans  le  fameux  passage  de  Tacite  :  «  Elignntur  in  iisdem 
conciliis  principes  qnijnra  per  pagos  ~  vicosqne  reddant.  «Mais  ces 
principes  ne  sont  pas  choisis  dès  lors  dans  la  centaine  même  ;  ils  sont 
désignés  dans  les  assemblées  politiques  de  la  nation  entière,  où  l'auto- 
rité royale  est  prépondérante  :  ils  nous  apparaissent  par  suite  comme  de 
véritables  fonctionnaires  royaux.  Nous  n'insistons  pas.  Le  système  de 
Sohm  nous  paraît  entièrement  faux;  mais,  certes,  pour  aucun  roman 
judiciaire  on  n'a  dépensé  autant  de  science,  d'esprit  ingénieux  et  de 
talent,  nous  dirons  presque  de  génie. 

Gh.  Pfister. 

1.  Il  ne  faut  pas  confondre  M.  Sickel,  de  Marbourg,  auteur  de  cet  article,  avec 
M.  Th.  Sickel,  de  Vienne,  l'éminent  professeur  de  diplomatique,  nommé  récemment 
associé  étranger  de  l'Institut. 

2.  Le  mot  pagus  ne  désignerait  pas  ici  le  gaii,  mais  une  circonscription  inférieure, 
la  centena. 


:>:)4  REVUK  critique 

209.  —  Berenzi  (l'abbé  Angelo).  stoi>in  di  l^ontevico.  Un  vol.  in-8,  xvi-56o  pp. 
Crémone,  Ghizani,  1888  >. 

Bonne  monographie  dMiistoire  locale.  Pontevico,  qui  a  perdu  toute 
importance  depuis  le  xv*-'  siècle,  est  une  petite  bourgade  sur  l'Og'.io,  au- 
jourd'hui station  du  chemin  de  fer  Brcscia-Crémone,  entre  Verolanova 
et  Robecco.  Son  histoire  méritait  cependant  d''être  écrite  à  cause  de  son 
rôle  du  XI'-  au  xiv"  siècle,  pendant  les  luttes  entre  Guelfes  et  Gibelins,  à 
cause  de  son  importance  comme  port  et  débouché  commercial  sur 
rOglio  dans  les  luttes  entre  les  communes  de  Brescia  et  de  Crémone. 
A  partir  de  l'établissement  du  dominio  Sfor:{esco,  Pontevico  a  subi  le 
sort  commun  de  toutes  les  villes  frontières  entre  le  Milanez  et  les  ter- 
ritoires de  Venise  :  successivement  occupée  par  les  Milanais,  les  Véni- 
tiens, les  Français,  elle  devint  finalement  terre  vénitienne.  L'histoire 
interne  de  sa  commune  depuis  le  milieu  du  xvi^  siècle  (p.  418  à  56oj 
manque  d  intérêt.  —  Il  est  fâcheux  que  l'auteur  n'ait  pu  consulter  tous 
les  volumes  parus  des  Diarii  de  Sanuto  (il  n'a  connu  que  les  seize  pre- 
miers) et  qu'il  n'ait  pas  distingué  dans  son  récitée  qui  est  vraiment  This- 
toire  de  Pontevico  et  les  faits  divers  qui  ont  eu  son  territoire  pour 
théâtre.  Le  travail  de  M.  B.  est  du  reste  fort  complet,  généralement 
bien  informé  et  assez  clair,  mais  Je  croirai  toujours  que  l'histoire  de 
Pontevico  pouvait  se  raconter  en  moins  de  56o  pages  :  materiem  supe- 
ravit  oviis. 

L.-G.  P. 


210.  —  Les  Poésies  de  Germain  «^ulin  Bucliei'..  angevin,  secrétaire  du  grand- 
maître  de  Malte,  publiées  pour  la  première  fois  avec  notice,  notes,  tables  ei  glos- 
saire, par  M.  Joseph  Denais.  Paris,  ap.  Techener,  i8go.  Un  vol.  in-8,  332  pages. 
Prix  :  12  fr.   5o. 

Germain-Colin  Bûcher  naquit  à  Angers  vers  1475,  d'une  ancienne  et 
illustre  famille  de  robe,  et  il  est  probable  qu'il  mourut  dans  cette  ville 
en  1545.  Ce  que  l'on  sait  de  sa  vie  se  borne  à  un  petit  nombre  de  faits 
certains  et  à  beaucoup  de  conjectures.  Il  avait  à  peine  vingt  ans  que 
l'amour  «  lui  apprit  à  parler  en  ornature  »,  c'est-à-dire  à  rimer  en 
l'honneur  d'une  «  gentille  femme,  belle  en  myracle  »,  qui  s'appelait 
Gylon.  Si  le  jeune  poète  brûlait,  son  idole  était  et  resta  de  glace  :  «  Nul 
vent  si  froid  que  Gylon  »,  disait-il  avec  amertume.  Elle  répondit  pour- 
tant à  ses  vers  tantôt  langoureux,  tantôt  réellement  passionnés,  mais  à 
la  façon  d'une  Minerve  qui  ne  connaît  que  le  fuseau  et  la  quenouille  : 

Cerche  aultre  part  desduyt  qui  pour  toy  ployé... 

Tu  ne  fais  rien  :  myeulx  te  seroit  apprendre, 

Lorsque  tu  as  jeunesse  doulce  et  tendre. 

Grec  et  latin  et  la  langue  hébraïque... 

Pense  au  futur. 

I.  La  couverture  du  volume  dit  :  Cremona,  tipogr.  dell'  Instituto  Manini,  mais 
une  feuille  de  réclames  en  faveur  de  ce  livre,  qui  nous  est  envoyée  avec  lui,  est 
signée  par  M.  Ghizani,  comme  éditeur. 


I 


d'hjstoirk  et  de  littérature  355 

Le  conseil  était  bon,  mais  Colin  ne  le  mit  guère  en  pratique.  Sa 
jeunesse,  il  la  de'pensa  en  folies,  comme  avait  fait  le  pauvre  Villon, 
comme  faisait  à  Auxerre  son  contemporain   Roger  de  Collerye,  et  la 
table,  le  jeu,  «  les  belles  garses  »,  lui  firent  tout  perdre  «  terres,  prez, 
bruyères  ».  Il  ne  lui  restait  sans  doute  que  peu  ou  rien  de  l'héritage 
paternel  lorsque,  en   029,  le  grand-maître  de  Tordre  de  Saint-Jean  de 
Jérusalem,  Philippe  Villieis  de  l'Isle-Adam,  le  prit  en  qualité  de  secré- 
taire et  remmena  avec  lui  à  Malte,  à  Nice,  en  Sicile,  à  Sarragosse.  Hélas  ! 
l'air  marin  lui  fit  regretter  maintes  fois  «  la  douceur  angevine  »  :  quand 
il  lui  faut  s'embarquer  sus  la  grosse  nau  de  Rhodes  «  son  sang  se  glace 
et  froidit  sous  la  peau  »,  et  il  ajoute  en  termes  qui  ne  manquent  pas  de 
réalisme  :  «  Je  ne  sçauroys  avaler  un  morceau  Qui  tost  ne  soit  revomy 
du  boyau  Sans  digérer.  »    Pauvre  poète!  Pour  comble  de  malheur,  le 
frère  trésorier  Jean  Boniface  «  gros  villain  qui  ressembloit  aune  tonace  », 
lui  retient  ses  gages,  on  ne  sait  pour  quelle  raison,  en  sorte  qu'il  revient 
dans  sa  ville  natale  avec  la  bourse  aussi  plate  qu'il  en  était  parti.   11 
passa  ses  dernières  années  dans  la  misère,  et  avec  la  vieillesse  s'accru- 
rent ses  douleurs  et  ses  privations.  Dans  de  petites  pièces  de  vers  joli- 
ment tournées,  il  demandait  à  celui-ci  un  peu  de  bois,  à  celui-là  «  un 
poure  escu  »,  et  comme  il  n'y  a  pas  «  d'homme  vivant,  tant  soit-il  clerc 
instruit  »,  que  l'on  ne  méprise  «  s'il  n'est   puissant  d'héritage  ou  de 
pécune  »,  il  se  plaint  qu'un   tas  de  gens,  barbiers,  foulons,  forgeurs, 
engeance  sans  pitié,  l'appellent  beste  et  sot,  et  s'amusent  de  sa  pauvreté! 
La  fourmi  n'a  jamais  été  tendre  pour  la  cigale. 

Colin  Bûcher  n'était  pourtant  pas  un  poète  sans  mérite,  et  M.  Joseph 
Denais  n'a  pas  tort  de  l'appeler,  dans  l'intéressante  introduction  qui 
ouvre  ce  volume,  un  émule  de  Marot.  On  ne  sera  peut-être  pas  de 
mon  avis,  mais  je  donnerais  presque  toutes  «  les  marguerites  de  la  Mar- 
guerite des  princesses  »  pour  quelques-unes  des  pièces  du  poète  angevin. 
Il  y  en  a  de  ravissantes,  celles-ci  entre  autres  dont  je  donne  simplement 
l'intitulé  :  Célébration  de  la  Vigile  Saint-Martin,  Signes  pour  co- 
gnoistre  un  amoureux,  De  lapiqueure  de  Cupido  et  des  avettes.  A  ung 
sien  parent,  gentille  imitation  de  la  délicieuse  épigramme  de  Martial, 
Vitam  quœ  faciunt  beatiorem,  etc.  Un  petit  chef-d'œuvre  encore,  c'est 
l'épitaphe  de  cet  ivrogne  «  grant  meurtrier  et  tirant  de  bouteilles  r;,  dont 
la  vue  seule  «  alteroit  les  hommes  ».  Colin  Bûcher  a  le  trait,  et  avec  cela 
un  langage  presque  toujours  simple,  naturel,  gracieux  parfois,  qui  n'est 
point  farci  de  ces  latinismes  où  se  complaît  Le  Maire  de  Belges,  de  ces 
allitérations,  de  ces  jeux  de  mots  puérils,  habituels  à  Guillaume  Crétin, 
et  que  Marot  lui-même  n'a  pas  assez  évités.  M.  J.  Denais  nous 
donne  les  œuvres  de  Colin  Bûcher  d'après  un  manuscrit  unique  con- 
servé à  la  Bibliothèque  nationale.  Il  est  juste  de  le  remercier  d'avoir 
rendu  à  la  lumière,  après  plus  de  trois  siècles  d'oubli,  un  aimable 
poète,  auquel  peut-être  il  n'a  manqué  pour  devenir  l'égal  de  Marot 
que  : 


356  REVUE    CRITIQUE 


. . .  Grâce  de  Reine  et  Sire, 

Dont  bas  espritz  deviennent  souverains  '. 

A.  Delboulle 


m.  —  J.  Lebarq  (abbé).  Kossuet,  sermons  sur  l'Ambition,  édition  critique  avec 
introduction  et  notes.  Lille  et  Paris,  Desclée  et  de  Brouwer,  xx-iii  pp.  in-i6, 
S.  d.  Prix  :  o,Go  (éd.  de  luxe  :  i  fr.  20). 

M.  Tabbc  Lebarq  qui,  l'année  dernière,  a  soutenu  une  thèse  de 
doctorat  très  remarquée  sur  ï Histoire  critique  de  la  prédication  de 
Bossuet  ~,  vient  de  détacher  de  Tédition  des  Sermons  qu'il  imprime 
actuellement,  le  Sermon  sur  l'Ambition.  Nous  avons  ainsi  :  1°  l'es- 
quisse du  sermon  donné  chez  les  Carmélites  en  1661  ;  2°  le  vrai  sermon 
sur  l'Ambition,  du  carême  du  Louvre  (1662);  3°  un  fragment  écrit  en 
i666,  qui  ne  fut  point  alors  prêché,  mais  fut  utihsé  quelques  semaines 
après  dans  le  sermon  sur  la  Justice.  Chacun  de  ces  textes  est  accompagné 
des  variantes  que  présentent  les  manuscrits  et  aussi  des  leçons  adoptées 
par  les  précédents  éditeurs.  Dans  l'introduction,  M.  L.  donne  des  ren- 
seignements historiques,  raconte  les  diverses  tentatives  de  Bossuet  pour 
prêcher  sur  ce  sujet  et  indique  les  sources  oti  il  a  puisé.  Ce  dernier 
article  m'a  paru  particulièrement  nouveau.  En  appendice,  M.  L.  donne 
le  tableau  chronologique  de  la  prédication  du  grand  orateur,  avec  l'in- 
dication de  l'état  actuel  des  textes;  il  termine  par  la  liste  des  particula- 
rités orthographiques  du  sermon  sur  l'Ambition.  L'idée  de  les  avoir 
groupées  est  très  heureuse  :  les  divergences  que  l'on  peut  remarquer 
entre  Porthographe  des  manuscrits  de  Bossuet  et  la  notre  n'ont  d'intérêt 
que  si  on  les  rassemble  en  faisceau.  Leur  reproduction  dans  le  texte 
serait  d'un  pédantisme  inutile  à  ceux-là  mêmes  qu'intéresse  la  question, 
puisqu'ils  seraient  obligés  d'aller  chercher  ces  détails  dispersés  dans  un 
texte  assez  long.  Dans  son  avertissement,  M.  L.  a  eu  d'ailleurs  le  soin 
de  justiHer  longuement  et  par  des  raisons  solides  le  parti  qu'il  a  pris  au 
sujet  de  l'orthographe.  Une  planche  en  photogravure  reproduit  une 
page  du  manuscrit  du  sermon.  On  voit  par  ces  indications  combien  de 

1.  11  est  fâcheux  que  le  glossaire  qui  termine  ce  beau  volume,  dont  le  texte  est 
très  soigné,  contienne  trop  d'erreurs.  Si  M.  Joseph  Denais  avait  bien  consulté  les 
dictionnaires  anciens  et  modernes,  il  n'aurait  pas  expliqué  s'acoucher  par  se  mettre  u 
dehors,  sortir;  adurée  par  répandue,  avertin  par  gosier,  brandie  ^ar  suspendue,  con-  || 
vers  (frère  lai)  par  faux,  game  ou  gamme  par  signe,  gourmé  par  gontlé,  irrite  (vain)  \\ 
par  irrité, ;;/zeres/rc  par  flèche,  pleuvi  par  excellent,  etc.  Je  ne  sais  comment  il  a  été 
amené  à  interpréter  «  pois  en  gousse  »  par  «  pois  engraisse  ».  Enfin  Alciat  (p.  1 1  0' 
n'est  pas  le  poétique  oiseau  qu'on  appelle  alcyon,  mais  un  célèbre  jurisconsulte  du 
xvi^  siècle,  auteur  des  Emblcmata,  ouvrage  auquel  Colin  Bûcher  fait  allusion  dans 
ces  deux  vers  : 

La  Cigongne  est  un  oyseau  moult  piteux, 
Vosirc  Alciat  bien  a  clcr  le  figure. 

2.  Cp.  Rev.  cr.,  I,  210. 


d'histoire  et  de  littérature  357 

choses  M.   Lebarq  a  su  réunir  dans  son  petit  volume,  et  on  peut  bien 
augurer  de  l'édition  qu'il  a  entreprise  1.  L. 


Lettre  de  M.  Henry  Houssaye  a  M.  Salomon  Reinach. 

Paris,  16  avril  1890. 
Monsieur  et  cher  confrère, 
Vos  critiques  sont  très  nombreuses  et  vous  les  avez  formulées  avec  une  concision 
extraordinaire.  Pour  les  discuter,  il  me  faudrait  au  moins  cinq  ou  six  pages.  Ce  se- 
rait excéder  le  droit  de  réponse.  Un  jour  où  nous  nous  rencontrerons  à  la  Société  des 
Études  grecques  et  où  nous  aurons,  vous  et  moi,  une  heure  à  perdre,  nous  dispute- 
rons à  l'aise  de  tout  cela.  En  attendant,  je  me  bornerai  à  deux  observations  sur  l'es- 
prit de  votre  article. 

Vous  avez  une  telle  façon  de  comprendre  l'histoire  de  l'antiquité,  que  pour  obte- 
nir votre  approbation,  l'historien  devrait  simplement  traduire  les  textes  et  mettre 
ces  traductions  les  unes  à  la  suite  des  autres,  sans  même  un  mot  de  transition.  Tout 
alinéa,  toute  phrase,  tout  mot  qui  n'est  pas  traduit  servilement  d'un  auteur,  vous 
l'appelez  broderie.  C'est  broder,  d'iTQ  que«Cléopâtre  plaisantait  en  termes  cyniques», 
quand  Plutarque  dit  seulement  «  qu'elle  conversait  sur  un  ton  grossier.  »  C'est  bro- 
der, dire  que  Périclès,  lorsqu'il  sortait  ou  qu'il  rentrait  «  baisait  Aspasie  au  front», 
quand  Plutarque  dit  seulement  «  qu'il  l'embrassait.  »  Une  autre  broderie  encore, 
que  je  ne  regrette  pas  davantage,  c'est  mon  tableau  de  la  Vie  inimitable.  A  la  vérité, 
les  auteurs  nous  donnent  pour  tout  renseignement  caractéristique  sur  l'existence 
fastueuse  et  effrénée  d'Antoine  et  de  Cléopâtre,  que  les  deux  amants  péchaient  à  la 
ligne.  D'après  votre  système,  peut-être  un  peu  étroit,  j'aurais  dû  me  borner  à  dire  : 
«  La  Vie  inimitable  consistait  à  pêcher  à  la  ligne.  » 

Nous  sommes  en  désaccord  sur  la  façon  d'écrire  les  portraits  historiques.  Nos  sen- 
timents ne  diffèrent  pas  moins  sur  la  façon  d'entendre  la  critique.  J'ai  publié  plus 
de  deux  cents  articles  dans  le  Journal  des  Débats,  je  me  suis  toujours  efforcé  de 
mettre  en  lumière  les  qualités  d'un  livre  dans  son  ensemble  et  nullement  d'en  mar- 
quer les  fautes  de  détail.  Si  le  livre  était  sans  valeur,  je  ne  m'en  occupais  point.  Ou 
mon  petit  livre  ne  vaut  rien,  ou  il  vaut  quelque  chose.  Dans  le  premier  cas,  vous 
avez  perdu  votre  temps  à  en  parler.  Dans  la  seconde  hypothèse,  n'auriez-vous  pas 
dû  discuter  les  problèmes  historiques,  grands  ou  petits,  que  le  sujet  soulève  et  que 
j'ai  cherché  à  résoudre  ou  à  éclaircir?  Par  exemple,  le  plan  d'Antoine  à  Actium,  le 
prétendu  mariage  de  Périclès  avec  Aspasie,  la  situation  d'Aspasie  à  Athènes,  la  pré- 
tendue royauté  d'Antoine,  les  monnaies  d'Antoine  et  de  Cléopâtre,  la  jeunesse  de 
Théodora,  le  caractère  de  Cléopâtre,  le  rô'e  de  Théodora,  impératrice.  Si  vous  m'a- 
viez aidé  de  votre  science  et  de  vos  critiques  pour  élucider  ces  questions,  sans  doute 
vous  auriez  fait  œuvre  plus  utile  qu'en  signalant  dans  mon  livre  des  erreurs  comme 
la  confusion  entre  une  intaille  et  un  camée  et  des  coquilles  comme  Vy  transposé 
dans  Libye  &l  Letronne  écrit  avec  un  seul  n. 

Au  demeurant,    je  reconnais    la  gravité  considérable    de    ces  nombreux   lapsus, 

erreurs  et  coquilles.  Je  vous    remercierais  de  me    les  avoir  indiqués,  si   je  ne  m'en 

étais  aperçu  sans  votre  secours  et  si  dé)à  je  ne  les  avais  corrigés  dans    une  nouvelle 

édition  qui  a  paru,  tout  justement,  hier  i5  avril. 

Agréez,  monsieur  et  cher  confrère,  l'assurance  de  mes  sentiments  les  plus  distin- 

§"^^-         Henry  Houssaye. 

i.  M.  L.  fera  bien  de  remanier  le  court  avertissement  placé  en  tête  du  fragment 
de  1666.  Il  y  a  un  embarras  de  pronoms  qui  rend  deux  phrases  fort  énigmatiques. 
Je  me  permettrai  aussi  de  faire  observer  à  l'éditeur  que  le  cartonnage  est  un  peu... 
belge. 


358  RKVUE    CRITIQUK 

RÉPONSE  DE  M.  Salomon  Reinach. 

Je  vois  en  effet,  monsieur  et  cher  confrère,  que  nous  avons  des  idées  toutes  diffé- 
rentes sur  les  devoirs  de  l'iiistorien  et  du  critique.  Pour  vous  exposer  ma  manière 
de  voir  là-dessus,  il  me  faudrait  cinq  ou  six  pages  dont  je  ne  dispose  pas.  Du  reste, 
la  collection  de  la  Revue  critique  est  là  pour  vous  montrer  qu'on  entend  ici  l'appré- 
ciation des  ouvrages  de  science  autrement  que  dans  les  journaux  quotidiens. 

Agréez,  monsieur  et  cher  confrère,  l'assurance  de  mes  sentiments  les  plus  distin- 
gués. 

Salomon  Reinach. 

Lettre  de  M.  Ledos. 

Permette/.-moi  de  répondre  à  une  lettre  de  M.  Psichari,  publiée  dans  h  Revue  ci  i- 
tique  du  ?i  mars. 

Je  ne  pensais  pas  établir  un  principe  de  critique  nouveau  —  et  je  persiste  à  le 
croire  sûr  —  en  disant  qu'il  est  d'une  méthode  dangereuse  de  chercher  dans  un  li- 
vre aussi  impersonnel  que  l'est  en  général  une  grammaire,  des  renseignements  sur 
la  personne  et  les  opinions  de  l'auteur.  Cela  a  conduit  M.  Psichari  à  penser  que 
Porlius  n'était  pas  originaire  de  Crète,  alors  que  justement  c'est  sa  patrie  d'origine. 

M.  P.  raille  ma  jeunesse.  Je  suis  jeune,  il  est  vrai;  et,  si  c'est  la  maturité  de  l'es- 
prit qui  fait  prendre  un  adverbe  latin  pour  un  substantif,  en  commettant  d'ailleurs 
un  solécisme,  j'espère  bien  que  mon  esprit  restera  toujours  vert  et  ne  mûrira  jamais. 
Je  suis  même  assez  jeune  pour  n'avoir  pas  pu  oublier  les  leçons  de  grec  que  j'ai 
reçues  au  lycée,  si  peu  que  j'en  aie  profité.  Et  M.  P.  fait  une  charité  inutile  en 
m'apprenant  que  o>  toi)  6a.ùf/.xzoi  est  une  expression  connue  des  anciens  Grecs.  Bien 
que  je  ne  sois  point  professeur  de  grec,  même  moderne,  je  n'ignore  pas  ce  terme 
qui  se  trouve  dans  tous  les  dictionnaires;  pas  plus  que  je  n'ignorais  le  sens  de 
papae  qui  se  trouve  dans  les  lexiques  latins  les  plus  élémentaires  comme  celui  de 
Sommer.  J'avoue  d'ailleurs  humblement  que  la  rédaction  de  la  phrase  incriminée 
par  M.  P.  est  mauvaise  et  que  «  vulgaire  »  que  j'avais  mis  dans  le  sens  de  «  cou- 
rante »,  «  bien  connue»,  prête  à  l'équivoque.  Mais  telle  qu'elle  est  et  non  pas  tron- 
quée comme  M.  P.  (par  distraction?)  la  présente  à  vos  lecteurs,  ma  phrase  ne  con- 
tient rien  que  je  ne  puisse  avouer.  Je  n'ai  pas  dit  que  o>roï)  du.ùij.x70i  fût  une  expres- 
sion spéciale  au  grec  vulgaire;  et  j'avais  bien  le  droit  de  dire  qu'un  mot  donné  par 
S.  Portius,  dans  un  dictionnaire  grec-vulgaire  comme  traduction  du  mot  latin  papae, 
était  une  expression  employée  par  les  Néo-hellènes,  c'est-à-dire  une  «  expression 
grecque  vulgaire  »  au  sens  large  du  mot. 

Il  me  reste  à  remercier  M.  P.  d'avoir  signalé  ici  ma  découverte;  mais  l'humilité 
me  force  d'avouer  qu'elle  n'était  point  difficile  à  faire  et  que  pour  y  atteindre  je  n'ai 
eu  à  consulter  que  des  livres  assez  élémentaires  pour  que  l'inexpérience  de  ma  jeu- 
nesse m'ait  permis  de  les  connaître.  La  Litteratur  der  grammatiken,  lexica,  etc.,  de 
Vater  est  un  ouvrage  que  n'ignore  pas  celui  qui  s'occupe  de  grammaire.  Le  Glossaire 
de  Ducange  est  connu  de  ceux  même  qui,  comme  moi,  n'étudient  pas  le  grec.  Le 
Trésor  de  Graesse,  qui  à  l'article  Portius  renvoie  au  curieux  texte  de  Sincerus  que 
j'ai  reproduit,  est  un  ouvrage  élémentaire  pour  tous  les  travailleurs.  Je  conclurai  en  r 
disant,  dût-on  m'accuser  encore  d'établir  de  nouveaux  principes  de  critique,  que, 
quand  on  étudie  un  sujet,  il  est  bon  de  consulter,  même  ne  fût-on  plus  jeune,  les 
ouvrages  élémentaires  qui  en  traitent. 

Veuillez  agréer.  Monsieur  le  directeur,  avec  mes  remerciements,  l'assurance  de  ma 

haute  considération. 

Gabriel  Ledos, 
Secrétaire  de  rédaction  du  Polybiblion. 


I 


j 


d'histoire  et  de  littératukb  359 


RÉPONSE    DE   M.    PsiCHARI. 


Cette  lettre,  un  peu  longue,  se  termine  par  une  réflexion  juste.  Malheureusement 
M.  Gabriel  L.  n'a  pas  lu  le  livre  dont  il  parlait,  c'est-à-dire  l'édition  de  S.  Portius; 
et,  quand  il  a  lu,  il  a  mal  compris.  En  voici  les  preuves  : 

I"  La  locution  '^>  tou  eai^/zscTo?  se  trouve  expliquée  p.  aSg  du  Commentaire,  auquel 
je  renvoie  moi-même  (Introd.  xxi).  M.  Gabriel  L.  n'y  a  pas  jeté  les  yeux  :  d'où  sa 
première  méprise  et  les  justifications  ci-dessus,  qui  montreront  à  tout  homme  com- 
pétent combien  l'auteur  soupçonne  peu  les  questions  où  il  s'engage. 

2°  M.  Gabriel  L.  accepte,  sans  contrôle,  le  témoignage  de  Du  Cange.  Il  n'est  pas 
assez  linguiste  pour  saisir  les  raisons  majeures  (Introd.  p.  xxv)  qui  détruisent  ce 
témoignage.  S,  Portius  ne  peut  pas  être  crélois.  M.  Gabriel  L.  verra  bientôt,  par  une 
notice  de  M.  E.  Legrand,   la  confirmation  de  mon  hypothèse  et  sa  propre  erreur. 

3»  L'interprétation  donnée  à  papae  se  lit  déjà  dans  le  commentaire  de  M.  W.  Meyer. 
Le  devoir  de  M.  Gabriel  L.  eût  été  de  citer  le  passage.  Il  n'en  a  pas  eu  connaissance. 

4"  J'ai  expressément  établi  moi-même,  S.  Portius,  p.  xx  (11.  32-37)-xxi  (11.  i5)  et 
rappelé  avec  insistance  dans  cette  Revue  (1890,  p.  258)  la  distinction  que  la  critique 
doit  faire  entre  les  exemples  impersonnels  d'une  grammaire  et  les  exemples  ou  ob- 
servations qui  découvrent  la  personne  du  grammairien.  C'est  S.  Portius  qui  nous 
renseigne  le  plus  siîrement  sur  lui-même.  Cela  est  si  vrai  que  mes  résultats  restent 
acquis,  parce  que  je  me  suis  fié  à  ces  renseignements.  C'est,  au  contraire,  M.  Ga- 
briel L.  qui  se  trompe  sur  la  patrie  de  mon  auteur.  Les  mots  de  «  méthode  dange- 
reuse »  qu'il  m'appliquait  me  paraissent  donc  irréfléchis. 

5°  M.  Gabriel  L.  a  altéré  ma  pensée,  en  me  faisant  dire  ce  que  je  n'ai  jamais  dit 
(Cf.  Revue  critique,  1890,  239,  n.  i ,  au  sujet  des  écoles  de  théologie). 

Au  demeurant,  je  reconnais  sans  la  moindre  difficulté,  que  l'état  civil  de  M.  Ga- 
briel L.  m'intéresse  peu.  Restons  sur  le  terrain  de  la  philologie.  Je  voulais  dire  ceci  : 
quand  on  critique  un  livre  sans  le  lire,  quand  on  n'est  pas  au  courant  des  questions 
dont  on  se  mêle,  quand  on  commet  plusieurs  erreurs  pour  le  plaisir  de  signaler  une 
vétille,  quand  on  ne  craint  pas  de  parler  de  méthode  et  qu'on  en  manque  soi-même, 
quand  on  ne  comprend  même  pas  celle  des  autres,  on  est  un  philologue  jeune  ou, 
si  M.  Gabriel  L.  aime  mieux,  un  philologue  sans  dge. 

J.  P. 


ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  25  avril  18 go. 

M.  le  baron  de  Baye  signale  à  l'Académie  des  parures  de  bronze  émaillées,  qui  ont 
été  trouvées  récemment  dans  le  gouvernement  de  Kalouga  (Russie)  et  qui  ont  été 
exposées  à  l'occasion  du  congrès  archéologique  de  Moscou,  Cette  découverte  jette  une 
lumière  nouvelle  sur  l'origine  de  lemaillerie  dans  l'art  de  l'Europe. 

M.  Lecoy  de  la  Marche  commence  une  lecture  sur  un  traité  du  dominicain  Hum- 
bert  de  Romans  (xui'^  siècle),  relatif  à  la  prédication  de  la  croisade. 

Après  délibération  en  comité  secret,  M.  Oppert,  vice-président,  annonce  que  le 
prix  Fould  est  décerné  à  MM.  G.  Perrot  et  Chipiez,  pour  leur  Histoire  de  l'art  dans 
i  antiquité. 

M.  Oppert  ajoute  que  les  nouvelles  de  la  santé  de  M,  Schefer,  président  de  l'Aca- 
démie, coiitinuent  à  être  des  plus  satisfaisantes. 

M.  René  de  la  Blanchère,  directeur  des  antiquités  et  des  arts  en  Tunisie,  donne 
des  détails  sur  les  travaux  d'exploration  poursuivis  dans  la  régence.  A  Cafsa,  M.  Pra- 


36o 


REVUE    CRITIQUE    D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 


dère  a  procédé  à  l'extraction  d'une  grande  mosaïque  et  fait  maintenant  des  recher- 
ches dans  les  ruines  de  l'ancienne  Thalepte,  près  de  Fenana.  A  Buiia  Regia,  M.  le; 
D""  Carton,  continuant  ses  touilles,  étudie  une  nécropole  où  se  rencontrent  des  corps 
couchés  dans  des  cercueils  de  plomb.  A  Tabarka,  M,   Toutain  déblaie  les  tombes  du' 
cimetière  chrétien,  qui   renferment   de  nombreuses  mosaïques.  A   Sousse,  M    Dou-" 
blet  a   repris   l'exploration   de  lantique    nécropole    d'Hadrumète,   déjà   fouillée    par' 
MM    de  Lacomble  et  Hannezo.  Au  Bardo  même,  M.  de  la  Blanchère  fait  extraire  des. 
ruines  des  palais  beylicaux  de  nombreux  matériaux  artistiques,  notamment  des  faïen- 
ces tunisiennes  anciennes.  Enfin,  on  espère  pouvoir  commencer  prochainement  l'exa- 
men des  ruines  de  Maktar. 

M.   F.  de  Mély  communique  à  l'Académie  des  reproductions   de   monuments,  qui, 
permettent  de  se  rendre  compte  de  la  forme  de  la  croix  portée  par  les  premiers  croi- 
sés. Ce  sont  :  les   vitraux   de  Saint-Denis,  donnés   par  Suger;   une   miniature  d'uni 
manuscrit  de  Berne,  représentant  Frédéric  1",  et  un  panneau  de  la  châsse  de  Char- 
lemagne,  à  Aix-la-Chapelle. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Barbier  de  Meynard  :  i"  Basset  (René),  Loqvidni 
berbère:  2°  Histoire  du  roi  Djeinchid  et  des  Divs,  traduite  du  persan  par  M.  Serge' 
La:uo.\off-, —  par  M.  Siméon  Luce  :  Mazon  (A.),  Essai  historique  sur  le  VivaraiS] 
pendant  la  guerre  de  cent  ans  fi33j-i453);  —  par  M.  Delisle  :  Documents  histori- 
ques relatifs  à  la  principauté  de  Monaco  depuis  le  xv«  siècle,  recueillis  et  publiés,! 
par  ordre  de  S.  A.  le  prince  Charles  111,  par  Gustave  Saige,  tome  II;  —  par  M.  J.' 
Girard  :  Ruelle  (Ch.-Em.),  un  article  sur  Damascius,  extrait  d'une  revue  allemande. 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  g  avril  18 go. 

M.  Flouest  fait  passer  sous  les  yeux  de  la  Société  des  statuettes  de  bronze  décou-l 
vertes  à  Marbieux  (Ain);  elles  sont  d'une  basse  époque,  banales  et  d'une  exécution! 
très  lâchée;  dans  le  nombre,  il  y  a  le  dieu  au  maillet,  dieu  gaulois  dont  M.  Flouest] 
avait  entretenu  la  Société  dans  une  séance  précédente. 

M.  le  baron  de  Baye  communique  plusieuis  objets  provenant  de  la  nécropole  de\ 
Mauranka,  gouvernement  de  Simbirsk  (Russie),  découverte  par  MM.   Polivanoff  et  il 
de  Tolstri.  Les  sépultures  sont  datées  par  des  monnaies  barbares  du  xiV  siècle. 

M.  Ulysse  Robert  donne  lecture  d'un  petit  mémoire  sur  un  traité  conclu  le  16  juin 
1 1  20  entre  la  cour  de  Rome,  avec  l'autorisation  du  pape  Calixie  l^""  et  les  Génois,  au  j 
sujet  de  ia  consécration  des  évêques  de  Corse;  il  donne  notamment  l'indication  des 
sommes  en  argent  et  des  petits  cadeaux  faits  aux  cardinaux  et  à  des  nobles  romains.- 

Le  Secrétaire,  ' 

Ulysse  Robert.  : 


i 


SéaJtce  du  16  av?'il  18 go.  ',J 

M.  le  D' Thonion,  membre   de   la  Société  florimontane  d'Annecy,   soumet  à   la" 
Société  le  produit  d'une  intéressante  découverte  d'antiquités  gauloises,  épées,  fibu-j.  . 
les,  fer   de  lance,   bracelets,  dents  d'ours,  etc.,  faite   sous   un   tuinulus   construit  ena| 
pierre  sèche  dans  le  voisinage  d'Annecy. 

M.  Fiouest  complète  les  indications  fournies  par  M.  le  D'  Thonion;  cette  sépul- 
ture se  rapporte  aux  derniers  temps  de  l'indépendance  gauloise  et  à  l'invasion  de 
César  en  Gaule. 

M.  Heuzey  communique  à  la  Société  un    monument  (plateau)  de  schiste  vert,  de | 
style  oriental,  tiouvéen  Egypte,  qui  représente  une  tribu  asiatique  en  expédition. 

M.  Courajod  fdit  une  communication  sur  un  bas-relief  en  marbre,  italien,  de  la 
collection  Rattier,  rapporté  en  1846  d'Italie  par  M.  Piault;  cette  pièce  a  été  attribuée 
à  Léonard  de  Vinci;  elle  a  été  publiée  par  M.  Baudet  dans  un  travail  sur  Verrochio. 
M.   Courajod  lui  attribue  un  caractère  léonardesque. 

M.  de  Geymùller  ajoute  quelques  observations  au  sujet  des  analogies  qu'il  présente' 
avec  les  œuvres  tloreniincs;  il  lui  attribue  aussi  un  caractère  léonardesque. 

M.  Duruflé  communique  à  la  Société  un  staière  de  Lampsaque,  qui  remonte  à^la 
fin  du  v'=  siècle  avant  lère  chrétienne.  Ce  statère  est  probablement  unique;  la  tête 
représente  Actéon.  M.  Babelon  signale  un  statère  de  Cyzique  imité  de  celui  de  Lamp- 
saque. 

M.  Durrieu  présente  à  la  Société  un  tryptique  acquis  récemment  par  le  Musée  du 
Louvre  11  expose  qu'il  est  possible  que  ce  tableau  soit  l'œuvre  d'un  artiste  franco- 
Hamand,  plutôt  que  celle  d'un  artiste  appartenant  à  la  pure  école  flamande. 

Le  Secrétaire, 
Ulysse  Robert. 

ERNEST  LEROUX. 


Le  Propriétaire-Gérant 


Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N'  19  -   12  mai  —  1890 


Sommaire  s  212.  Artîn-Pacha,  L'instruction  publique  en  Egypte.  —  2i3.  Beb- 
GER,  Histoire  de  la  géoji;raphie  scientifique  des  Grecs,  II.  —  214.  Gùldenpenning, 
Les  sources  de  Théodoret.  —  21 3-2 16.  Wimmer,  Les  runes;  Les  fonts  baptis- 
maux d'Aarkirkeby.  —  217.  Stimming,  Girart  de  Roussillon.  —  218  Amiel, 
Erasme.  —  219.  G.  d'Avenel,  Richelieu  et  la  monarchie  absolue.  —  220.  Teicher, 
Le  ginéral  Kleber.  —  Académie  des  Inscriptions. 


212.  —  Yacoub    Artin    Pacha.    L'Instruction    publique    en    Egypte.    Paris, 
Ernest  Leroux,  i88g,  in-8,  214  p. 

Yacoub  Artîn  Pacha  a  été  pendant  de  longues  années  sous-secrétaire 
d'État  au  Ministère  de  l'Instruction  publique  d'Egypte  :  cela  explique 
et  les  mérites  de  son  livre  et  les  lacunes  qu'il  renferme.  Fils  et  neveu 
de  deux  des  hommes  qui,  sous  Méhèmet-Ali,  travaillèrent  le  plus  sé- 
rieusement à  implanter  aux  bords  du  Nil  l'instruction  européenne,  mis 
au  courant  par  ses  fonctions  de  tout  ce  qui  touche  aux  écoles,  il  nous  a 
donné  des  renseignements  certains  sur  des  points  où  d'autres  n^auraient 
pu  rien  dire  ;  mais  en  même  temps,  ses  attaches  officielles  Font  obligé  au 
secret  professionnel  et  il  ne  nous  a  livré  qu''une  partie  de  ce  qu'il  sait. 
Il  ne  s'est  pas  cru  autorisé,  par  exemple,  à  nous  exposer  les  motifs,  bien 
connus  dans  certains  milieux,  qui  ont  amené  la  modification  du  régime 
intérieur  de  diverses  écoles  et,  en  désespoir  de  cause,  la  suppression  de 
l'une  au  moins  d'entre  elles  :  je  ne  lui  en  ferai  pas  un  reproche,  loin  de 
là,  et  je  crois  qu'il  a  eu  raison  de  ne  pas  nous  montrer  les  misères  de 
son  pays  d'adoption.  Malgré  ces  lacunes  forcées,  son  livre  nous  permet 
de  porter  un  jugement  favorable  sur  l'état  de  l'instruction  publique  en 
Egypte  et  de  constater  les  progrès  accomplis  depuis  le  commencement 
du  siècle. 

Les  écoles  organisées  à  l'européenne  occupent  la  meilleure  partie  du 
volume.  Anîn  Pacha  écrivant  pour  les  Égyptiens  n'a  pas  songé  à  leur 
exposer  ce  qu'ils  savent  déjà  par  l'usage  journalier  :  il  a  négligé  les 
écoles  populaires,  si  intéressantes  pour  nous  autres  Européens,  et 
n'en  a  point  expliqué  le  mécanisme  et  l'organisation.  J'espère  qu'il 
voudra  bien  revenir  plus  tard  sur  ce  sujet  :  nul  ne  peut  mieux  que  lui 
nous  faire  pénétrer  dans  ces  kottab  bruyants  et  encombrés  qu'on  ren- 
contre dans  tous  les  bourgs  un  peu  importants  de  l'Egypte.  Nous  ne 
savons  pas  comment  le  personnel  enseignant  s'en  recrute,  le  point  où 
s^arrête  la  science  des  maîtres,  l'influence  qu'ils  exercent  sur  la  forma- 
tion des  générations  nouvelles.  J'ai  toujours  pensé,  pour  ma  part,  qu'ils 
étaient  plus  fréquentés  qu'on  ne  le  dit,  et  je  sais  que,  dans  les  villages 
Nouvelle  série,  XXIX.  19 


362  RKVUK   CKITIQUK 

OÙ  j'ai  eu  Toccasioa  de  vivre  assez  longtemps,  à  Louxor,  à  Karnak,  à 
Nagadèh,  ù  Saqqarah,  le  chiffre  des  élèves  qui  y  recevaient  l'instruction 
primaire  était  d'un  tiers  au  moins  supérieur  à  celui  que  les  statistiques 
récentes  accusent.  J'ai  eu  souvent  lu  curiosité  de  rechercher  quelle  était 
la  proportion  des  lettrés  sur  les  ouvriers  que  j'employais  aux  fouilles, 
et  de  m'informer  de  Tendroit  où  chacun  d'eux  avait  appris  le  peu  qu'il 
savait:  un  tiers  des  hommes  et  des  enfants  savait  lire  ou  écrire  à  Saqqa- 
rah, un  quart  à  Louxor,  un  cinquième  environ  à  Karnak.  Les  églises 
dans  les  pays  à  population  copte,  les  mosquées  dans  les  villages  à  po- 
pulation musulmane,  contribuent  plus  fortement  qu'on  ne  croit  à 
répandre  Tinstruction  rudimentaire.  Les  renseignements  que  nous  avons 
sur  l'Egypte  pharaonique  me  portent  à  penser  qu'auparavant  les  tem- 
ples en  faisaient  de  même  et  qu'un  kottab  moderne  reproduit  assez 
fidèlement  l'aspect  et  l'organisation  de  Yâ-n-sbaou  ancienne. 

Artîn  Pacha  avait  pour  l'éducation  des  garçons  et  surtout  des 
filles  des  projets  qu'il  n'a  pu  réaliser  comme  il  l'aurait  voulu  :  je  dirai 
ici  en  deux  mots,  ce  qu'il  ne  pouvait  dire,  qu'une  bonne  partie  des  pro- 
grès récents  est  due  à  son  initiative  et  à  son  activité.  Malheureusement, 
le  système  égyptien  a  un  vice  radical  que  personne  encore  n'a  pu  ou 
n'a  voulu  corriger.  Méhèmet-Ali  en  l'élaborant  ne  songeait  qu'à 
dresser  des  fonctionnaires  instruits  dans  les  différentes  branches  néces- 
saires au  fonctionnement  de  ses  armées,  de  ses  entreprises  agricoles  ou 
industrielles,  de  l'administration,  de  la  justice  :  en  dehors  des  employés, 
il  se  souciait  peu  de  ce  que  le  reste  de  la  population  savait  ou  ne  savait 
pas.  Aussi  toutes  les  écoles  qu'il  établit  sur  le  modèle  européen  furent- 
elles  des  écoles  spéciales,  école  polytechnique,  école  de  médecine,  école 
de  droit,  etc.  Aujourd'hui  encore  il  en  est  de  même:  dès,  qu'un  enfanta 
reçu  l'instruction  primaire,  il  entre  dans  une  de  ces  écoles  qui  le  conduit 
à  la  fin  de  ses  études,  jusqu'au  moment  où  il  est  ingénieur,  soldat, 
médecin,  magistrat,  etc.  L'éducation  sans  attribution  de  carrière  spéciale, 
telle  qu'on  la  reçoit  chez  nous,  n'existe  pas  en  Egypte,  au  moins  dans  les 
établissements  du  gouvernement.  Le  conseil  de  l'Instruction  publique 
institué  en  1881  s'était  préoccupé  de  cet  état  de  choses  :  un  projet  lui 
avait  été  présenté  qui  proposait  de  modeler  l'organisation  scolaire  de 
l'Egypte  sur  ce  qui  existe  en  France.  Les  lycées  auraient  donné  à  la  jeu- 
nesse l'instruction  générale  dont  tout  homme  a  besoin,  quelque  soit  sorf 
métier  :  les  écoles  n'auraient  plus  eu,  comme  en  Europe,  qu'à  donnejj 
aux  élèves  sortant  des  lycées  un  enseignement  purement  technique.  D( 
tous  les  membres  indigènes  devant  qui  ce  projet  fut  exposé,  un  seul,  1<| 
cheikh  Abdou,  comprit  l'importance  de  cette  réforme  et  la  soutint  danj 
la  séance  où  il  fut  présenté.  La  révolution  de  1882  l'emporta,  comnij 
bien  d'autres  choses. 

En  résumé,  je  recommanderai  la  lecture  du  livre  d'Artîn  Pacha 
toutes  les  personnes  qui  veulent  connaître  l'état  actuel  de  l'instructioi 
en  Egypte  :  nul  ouvrage  ne  leur  fournira  autant  de  renseignements  cer 


d'histoire  et  de  littérature  363 

tains.  Je  me  permettrai  en  terminant  de  signaler  à  l'auteur  une  lacune 
que  j'ai  remarquée  dans  Ténumération  qu'il  fait  des  écoles  existant  ou 
ayant  existé  en  Egypte.  Il  parle  d'une  école  d'Égyptologie,  qui,  fondée  en 
1869  par  Ismaïl,  fut  placée  sous  la  direction  de  Tégyptologue  Henri 
Brugsch  (qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  son  frère  Emile  Brugsch, 
photographe  et  conservateur  du  Musée  de  Boulaq),  et  disparut  en  1876 
sans    avoir  produit  de  résultats  appréciables.   Une  seconde  école  du 
même  genre  fut  établie  en  188 1  au  musée  de  Boulaq,  aux  ordres  du  di- 
recteur et  sous  la  surveillance  d'Ahmed  Effendi  Kamal,  secrétaire  inter- 
prète du  musée.  Elle  eut  cinq  élèves  qui,  après  avoir  reçu  les  rudiments 
de  rinstruction  égyptologique ,  furent  envoyés  dans  les  provinces  et 
nommés  inspecteurs  des  antiquités  en  i885;  après  quoi  Técole  fut  sup- 
primée, comme  il  avait  été  convenu  au  moment  de  la  fondation.  L'ou- 
bli est  mince  :  c'est  le  seul  que  J'aie  découvert  dans  la  liste  qu'Artîn  Pa- 
cha a  dressée  et  c'est  pourquoi  je  me  permets  de  le  signaler. 

G.  Maspero. 


2i3. —    H.  Berger.   Gesclilclite  der -wissenscliaftllclien    Ertlkunde  der 
Grieclien  lUe  Abth.  Die  Vorbereitung    fur    die    Geogropliie  dei-  Erd- 

kugel.  Leipzig,  Veit,  18S9,  pp.  xn-i5o. 

M.  H.  Berger,  qui  avait  abordé  les  problèmes  de  la  géographie 
ancienne  dans  ses  Commentaires  des  fragments  d'Hipparque  et  d'Era- 
tosthène,  s'est  vu  naturellement  amené  à  exposer  dans  un  ordre  à  la  fois 
plus  chronologique  et  plus  méthodique  des  questions  où  sa  compétence 
s'est  exercée  déjà.  11  est  remonté  aux  origines  de  la  géographie  scienti- 
fique des  Grecs.  Le  premier  volume  de  son  œuvre  est  consacré  aux 
Ioniens  ^. 

Le  second  ne  le  cède  en  rien  au  précédent.  Peut-être  l'emporte-t-il 
en  intérêt.  Car  il  traite  d'une  doctrine  moins  étrangère  à  notre  esprit 
que  les  conceptions  plus  lointaines  des  Ioniens,  celle  de  la  sphéricité  de 
la  terre.  L'auteur  en  cherche  la  genèse,  en  suit  l'évolution.  Aucun  argu- 
ment, aucune  allusion  même  d'un  écrivain  ancien  ne  lui  échappe.  Chez 
lui,  d'ailleurs,  le  géographe  est  doublé  d'un  philologue  judicieux,  vertu 
indispensable  à  l'intelligence  de  textes  souvent  obscurs  ou  corrompus. 
Nous  examinerons  l'ouvrage  de  M.  B.,  non  pas  avec  l'ambition  de  juger 
les  théories  qu'il  interprète  lui-même  et  de  rouvrir  le  débat  sur  des 
points  irrémédiablement  litigieux,  mais  avec  le  désir  de  relever  les  vues 
neuves  ou  originales  que  lui  suggère  une  étude  approfondie.  Les  tra- 
vaux sur  la  matière  ne  manquent  pas,  ni  les  opinions.  Nous  nous  bor- 
nerons à  signaler  les  controverses  sans  nous  y  mêler. 

Dans  sa  préface,  l'auteur  trace  son  programme.  Il  veut  montrer  com- 
ment la  géographie  scientifique,  cultivée  dans  des  cercles  fermés,  dédai- 
gnée des  historiens, des  hommes  d'État,du  public, envahit  insensiblement 

i.Woir  Revue  critique,  n"  348,  23  juillet  1888. 


364  REVUE    CRITIQUE 

la  philosophie,  Platon  en  est  le  poète,  Aristote  le  prophète.On  peut  même 
avancer  que  l'œuvre  de  M.  B.  est  composée  admajorem  gloriam  d'Aris- 
tote.  Si  Platon  s'est  aventuré  dans  le  domaine  de  la  géographie,  ce 
n'est  pas  pour  l'explorer,  mais  plutôt  pour  en  conter  les  merveilles  et 
les  mystères.  Aristote,  au  contraire,  a  servi  la  géographie  en  toute  con- 
naissance de  cause;  il  l'a  solidarisée  avec  les  sciences  physiques  et  natu- 
relles; il  lui  a  donné  rang  dans  l'encyclopédie. 

Aussi  Aristote  apparaît-il,  dès  le  début  du  livre  de  M.  B.,  comme  j 
l'historien  et  le  critique  du  dogme  de  la  sphéricité. 

Ce  dogme,  les  Pythagoriciens  Tont-ils  découvert,  ou  Font-ils  reçu  par 
tradition  de  POrient?  Certains  indices  permettent  d'admettre  que  les 
Égyptiens  et  les  Babyloniens  peut-être  le  possédaient  déjà  à  la  suite  de 
longues  spéculations.  Pour  M.  B.,  cette  vérité  fut  non  pas  créée, 
mais  simplement  confirmée  par  les  preuves  physiques  ou  astronomiques 
dont  se  prévalurent  les  Grecs.  Ainsi,  à  l'époque  où  fleurit  l'école  de  Py- 
thagore,  se  dresse  contre  l'ancienne  loi  la  croyance  en  la  sphère  ter- 
restre, miniature,  en  quelque  sorte,  delà  sphère  céleste. 

Cette  sphère,  quelle  est  sa  place  dans  le  monde?  Plate  ou  sphérique, 
les  anciens  assignaient  à  la  terre  une  position  privilégiée  au  centre  de 
l'univers.  Les  Pythagoriciens,  rompant  avec  ce  préjugé,  la  rejettent  dans 
l'espace,  où  elle  plane  comme  un  astre  parmi  les  astres.  Philolaos,  con- 
temporain de  Socrate,  fut  l'apôtre  de  cette  idée  hardie,  et,  pour  ne  point 
détrôner  l'harmonie  universelle,  il  imagina  la  doctrine  des  nombres. 
Une  conséquence  plus  scientifique  se  dégage  de  cette  notion  des  choses  : 
du  moment  que  la  terre  plane  comme  un  astre,  les  Pythagoriciens  furent 
amenés  à  penser  qu'elle  pouvait  bien  être  animée  d'un  mouvement 
propre,  et  par  une  déduction  très  logique,  le  soleil  fut  considéré  comme 
le  centre  du  système  planétaire.  Ainsi  se  manifestèrent,  dès  le  milieu 
du  iii«  siècle  avant  J.-C,  les  devanciers  de  Copernic.  M.  B.  s'accorde 
là-dessus  avec  Schiaparelii.  Mais  il  déclare  que  cette  révélation  n'eut 
aucune  influence  sur  la  géographie  scientifique  :  la  foi  géocentrique  ne  | 
fut  pas  ébranlée.  Aristote  ne  s'en  départit  pas  et  la  couvrit  de  son  auto-  | 
rite.  Platon  fut  séduit  peut-être,  en  tous  cas,  M.  B.  l'affirme,  ému  des  | 
discussions  que  souleva  le  problème  dans  ses  vieux  jours  :  telle  est  la 
clef  des  hésitations,  sinon  des  contradictions,  dont  les  exégètes  se  sont 
inquiétés. 

Jusqu'ici,  M.  B.  a  fait  honneur  aux  Pythagoriciens  des  nouveautés 
qu'on  leur  attribue  généralement.  Mais  sa  curiosité  ne  se  contente  pas 
si  aisément.  Il  se  demande  si  ces  idées  n'auraient  pas  été  élaborées 
ailleurs  encore,  et  il  découvre  de  singulières  affinités  entre  les  Pytha- 
goriciens et  les  Eléates.  Les  Éléates  sont  géocentristes,  comme  les  i 
Pythagoriciens  de  l'ancienne  observance,  ceux  d'avant  Philolaos,  mais  '' 
ils  proclament  aussi  la  sphéricité.  C'est  ce  qui  ressort,  aux  yeux  de 
M.  B.,  des  vers  de  Xénophane,  le  fondateur  de  la  secte.  M.  B.  s'évertue 
à  démontrer  que  Xénophane  a  été  mal  compris,  qu'on  lui  a  prêté  un 


11 


1 


d'histoire  et  de  littérature  365 

système  cosmique  qui  était  la  négation  des  vérités  conquises  depuis 
Anaximandre.  Il  le  réhabilite  dans  une  dissertation  des  mieux  docu- 
mentées et  se  félicite  d'avoir  eu  pour  précurseur  dans  cette  tâche  Sim- 
plicius  a  un  des  connaisseurs  et  commentateurs  les  plus  savants  et  les 
plus  sûrs  des  anciens  philosophes  ».  M.  B.  reprend  à  son  tour  et  expli- 
que les  théories  de  Xénophane  :  celle  de  la  nuit  polaire,  notamment,  le 
conduit  à  une  interprétation  nouvelle  du  texte  d'Hérodote  sur  ce  sujet. 

C'est  encore  de  l'école  des  Éléates,  dont  le  second  maître  est  Parmé- 
nide,  qu'est  sortie  la  doctrine  des  zones;  Parménide  l'a  formulée  ou 
plutôt  chantée,  et  Platon  l'aurait  traduite  dans  son  mythe  astronomique 
de  la  migration  des  âmes.  M.  B.  reconstitue  le  système  de  Parménide, 
mais  il  n'a  garde  d'oublier  la  part  des  Pythagoriciens  dans  la  position  et 
l'étude  du  problème. 

La  théorie  des  zones  implique  celle  de  l'habitabilité,  dont  Parménide 
aurait  encore  été  l'initiateur.  Selon  M.  B.,  il  aurait  connu  le  récit  de 
Hannon,  qui  confirme  l'existence  d'une  zone  lorride  inhabitable. 
Quelle  est  l'étendue  de  la  zone  torride  de  Parménide?  C'est  ce  que  M.  B. 
s'efforce  d'éclaircir,  et  il  modifie  à  ce  propos  l'opinion  qu'il  avait  émise 
dans  son  premier  volume. 

Mais,  après  Parménide,  il  restait  à  résoudre  bien  des  problèmes.  Le 
plus  urgent  était  la  mensuration  de  la  terre.  M.  B.  montre  qu'une  fois 
en  possession  du  terme  essentiel,  la  concentricité  des  deux  sphères  céleste 
et  terrestre,  avec  leurs  zones  qui  se  répondent,  les  géographes  pouvaient 
tenter  l'opération  qui  excita  l'étonnement  des  profanes.  Il  estime,  d'ail- 
leurs, que  la  détermination  du  méridien  entre  Lysimachia  sur  l'Helles- 
pont  et  Syène  ne  fut  pas  le  premier  essai  dans  cette  voie;  qu'au  temps 
de  la  guerre  du  Péloponèse,  le  monde  athénien  était  préoccupé  de  la 
question. 

Cependant,  ce  monde  adhérait  encore  aux  idées  géographiques  des 
Ioniens,  et  se  défiait  des  nouveautés.  M.  B.  a  mis  en  relief  cette  ten- 
dance à  laquelle  Platon  sacrifiait  lui-même  en  défendant  Socrate  contre 
le  reproche  de  spéculations  cosmiques.  Quant  aux  rhéteurs,  ils  avaient 
pour  les  mathémathiques  une  répugnance  professionnelle.  La  géogra- 
phie, il  est  vrai,  échappait  aux  attaques.  M.  B.  veut  que  dans  une  scène 
des  Nuées,  Aristophane  l'ait  tournée  en  ridicule  ;  il  force  un  peu,  ce 
semble,  la  pensée  du  poète.  Il  accuse  Xénophon  et  Socrate  d'indiffé- 
rence, voire  d'ignorance  en  matière  géographique  :  les  descriptions  de 
contrées,  les  détails  de  noms  qu'ils  notent  ne  se  réclament  d'aucun  sys- 
tème et  ne  s'encadrent  pas  dans  une  carte  générale  du  globe  ;  en  cela, 
Thucydide  leur  est  supérieur. 

Toutefois,  pendant  cette  époque  en  apparence  ingrate  pour  la  géo- 
graphie scientifique,  les  notions  s'accumulent,  l'horizon  du  monde 
s  agrandit.  M.  B.  énumère  ces  conquêtes  dans  une  excellente  page 
d  histoire  de  la  géographie;  on  y  lira  surtout  avec  intérêt  les  données 
relatives  à  Pister.  Par  une  conséquence  naturelle,  les  livres  ou  traités 


366  RKVUE   CRIIIQIÎH 

se  multiplient,  M.  B.  en  tiétinit  les  dilîérents  types,  périodes,  périples, 
périégèses.  Par  période,  il  ne  faut  pas  seulement  entendre  la  carte,  mais 
aussi  le  manuel  de  géographie  générale  ;  la  périégèse  se  confond,  selon 
M.  B.,  avec  la  chorographie;  à  propos  de  périple,  l'auteur  recherche  le 
procédé  de  composition  de  celui  de  Scylax.  Enfin,  parlant  d'œuvres 
comme  celle  de  Strabon,  M.  B.  déclare  avec  raison  que,  si  cette  géo- 
graphie a  divorcé  avec  les  mathématiques,  elle  a  payé  cher  cette  rupture  : 
elle  fut  réduite,  en  effet,  à  sa  condition  d'auxiliaire  de  l'histoire  et  autres 
sciences  morales. 

Pendant  cette  période  aussi,  l'école  ionienne  n'a  pas  renoncé  à  l'acti- 
vité. M.  B.  s'enquiert  du  rôle  de  ses  épigones.  Il  y  rattache  Ephore, 
peut-être  indûment  ;  il  rassemble  avec  soin  ce  qu'on  sait  des  autres, 
Damaste  de  Sigée,  Philéas,  Euktémon,  Eudoxe  ;  il  rappelle  les  tra- 
vaux et  les  controverses  que  quelques-uns  de  ces  noms  ont  provoqués, 
Eudoxe  principalement,  qu'après  mûr  examen  M.  B.  range  parmi  les 
géographes,  contre  Brandes  qui  l'avait  dépouillé  de  ce  titre. 

Après  cette  revue,  M.  B.  sent  le  besoin  de  dresser  le  bilan  de  la 
géographie  scientifique,  mêlée  désormais  aux  sciences  naturelles  et  à  la 
philosophie.  Les  doctrines  nouvelles  trouvent  leur  expression,  sinon 
la  plus  complète  et  la  plus  didactique,  du  moins  la  plus  haute  dans 
Platon  et  Aristote.  M,  B.  entreprend  de  dégager  Télément  géographique 
de  la  gangue  métaphysique,  de  ce  qu'il  nomme  das  Uebergeographi- 
sche.  Il  y  déploie  une  rare  sagacité  et  quelque  subtilité  sans  doute  :  car 
il  force  Platon  et  Aristote  à  systématiser  contre  leur  gré  ou  la  tournure 
de  leur  génie. 

Les  doctrines  nouvelles  ont  pour  couronnement  la  mensuration  du 
globe.  M.  B.  revient  ivec  complaisance  sur  cet  épisode,  le  plus  saisis- 
sant de  l'évolution  géographique;  il  insiste,  sans  se  lasser,  sur  les  pro- 
cédés de  Popération,  sur  la  part  d'Eudoxe  dans  la  réalisation  de  cette 
idée  a  étonnante  »,  il  répète  des  arguments  déjà  plusieurs  fois  présentés 
avec  un  redoublement  de  conviction  qui  les  fait  paraître  neufs.  Il  déve- 
loppe l'hypothèse  que  les  premiers  auteurs  travaillèrent  sur  une  sphère 
artificielle,  par  voie  mécanique  plutôt  que  par  théorie;  mais  avec  des 
tâtonnements,  dont  M.  B.  cite  un  exemple  d'après  un  fragment  d'Achille 
Tatius. 

En  dépit  de  l'incertitude  de  ce  résultat,  la  connaissance  de  la  consti- 
tution physique  de  la  terre  fit  des  progrès.  Les  informations  abondent 
dans  Platon  et  dans  Aristote  surtout.  M.  B.  les  analyse  et  parfois  les 
critique!  Ainsi  l'explication  d'Aristote  de  l'origine  des  vents  demeure 
douteuse  :  M.  B.  estime  que  les  contradictions  du  quatrième  chapitre 
du  livre  II  de  la  Météorologie  résident  moins  dans  l'obscurité  du  texU 
que  dans  l'esprit  de  l'auteur,  dans  la  difficulté  qu'il  éprouve  à  maintenii 
son  système  sur  la  nature  de  l'air.  A  propos  de  l'hydrographie,  M.  B 
signale  le  silence  des  deux  philosophes  sur  les  marées.  Les  doxographe 
ou  commentateurs  leur  prêtent  des  théories  sur  ce  phénomène  sans  leu: 


d'hISTOIRK    et    Dli    LiTTÉRATURh.  367 

faire  tort,  d'après  M.  B.  Il  veut  même  que  l'opinion  professée  par 
Straton  de  Lampsaque  et  plus  tard  par  Ératosthène  sur  le  mouvement 
des  flots  dans  les  bassins  méditerranéens  émane  d''Aristote. 

De  tous  les  problèmes  géographiques,  il  n'en  est  pas  qui  suscita  plus 
de  polémiques  chez  les  anciens  que  celui  des  rapports  de  la  terre  et  de 
la  mer.  M.  B.  interroge,  comme  de  juste,  ses  deux  autorités  favorites. 
Platon,  selon  sa  coutume,  enveloppe  sa  pensée  dans  un  mythe.  M.  B. 
consacre  au  passage  fameux  du  Phédon  un  long  morceau  d'exégèse,  et 
confesse  finalement  qu'il  n'en  ressort  aucune  idée  positive.  Que  n'a-t- 
il  entendu  l'avertissement  du  philosophe  :  -lau-a  cmu/^picracOa',  c'j-wç 
l/E'.v.  ..  où  'icpéTcsi  vGJv  l'/ovv.  àvopi.  Aristote  n'est  pas  plus  explicite  :  il  a 
dans  un  chapitre  de  son  traité  du  Ciel  exercé  la  patience  des  érudits  les 
plus  qualifiés.  Mais  M.  B.  préfère  à  toutes  leurs  sentences  une  interpré- 
tation de  Simplicius,  qu'il  oppose  autant  que  possible,  non  sans  ironie, 
aux  doxographes  modernes.  Il  conclut  qu'Aristote,  malgré  sa  réserve^ 
est  partisan  de  l'insularité  de  la  terre  habitable  baignée  par  une  mer 
continue.  Et  cette  réserve  est  légitime,  quand  on  songe  à  quel  préjugé 
sacrifièrent  Eratosthène  et  Strabon. 

La  synthèse  de  ces  conquêtes  dogmatiques  eût  dû  se  traduire  dans  la 
cartographie.  Mais  les  champions  de  la  sphéricité  furent  incapables  de 
construire  une  carte  répondant  à  leur  théorie  :  c'est  qu'ils  ne  se  sen- 
taient pas  encore  assez  armés  de  données  mathématiques  et  astronomi- 
ques, c'est  aussi  parce  qu'ils  n'étaient  pas  encouragés.  Aussi  la  vieille 
carte  d'Anaximandre,  les  chimères  des  Ioniens  gardèrent  leur  prestige. 

Cependant  ce  n'est  pas  en  vain  que  tout  ce  travail  scientifique  s'était 
accompli.  M.  B.  en  a  touché  toutes  les  phases,  révélé  toutes  les  difficul- 
tés. Il  a  pénétré  dans  la  pensée  de  ceux  qui  constituèrent  le  dogme  de 
la  sphéricité,  il  a  ressenti  leurs  doutes.  Nous  esj^Jrons  que,  dans  un  pro- 
chain volume,  M.  Berger  dira  les  péripéties  finales  de  l'ère  militante  de 
la  géographie  scientifique.  Nous  espérons  aussi  qu'il  y  déploiera,  avec 
les  mêmes  qualités,  un  peu  plus  d'ordre  et  de  clarté  dans  l'exposition. 
C'est  un  mérite  qui  n'est  pas  incompatible  même  avec  l'érudition  la 
plus  authentique  et  la  plus  germanique. 

B.    AUERBACH. 


214.—    A.    GûLDENPENNiNG.    Die  Kipcliengescbielite    des  Xheodoret    von 

Kyrrlios,  eine  Untersuchung  ihrer  Quellen.  Halle,  Max  Niemeyer,  18S9,  101  pp. 
in-8.   Prix  :  2  Mark. 

Théodoret  mentionne  parmi  ses  sources  Eusèbe,  Athanase  et  Arrius. 
M.  Gûldenpenning  n'a  pas  de  peine  à  retrouver  d'autres  citations  de  ces 
auteurs  dans  des  pages  où  l'historien,  suivant  l'habitude  antique,  ne  men- 
tionne pas  ses  autorités.  Puis  il  essaie  de  sortir  de  ce  cercle  et  recherche 
si  Théodoret  n'aurait  pas  utilisé  les  œuvres  d'autres  écrivains,  en  parti- 
culier Sozomène  et  Socrate.  C'est  ce  qui  l'amène  à  préciser  la  date  que 


368  RBVUK    CRITIQUE 

Ton  peut  leur  assigner.  L'histoire  de  Socrate  s'étend  jusqu'à  439;  puis- 
que Tiiéodose  II  vivait  encore  au  moment  où  elle  fut  terminée,  c'est 
entre  439  et  430  que  doit  se  placer  sa  composition,  et  probablement 
entre  439  et  443.  D'après  les  indications  que  contient  le  livre  de  Sozo- 
mène,  notamment  la  préface,  on  peut  désigner  pour  la  rédaction  de  cet 
ouvrage  l'espace  compris  entre  434  et  447,  plus  vraisemblablement  les 
années  443  et  444.  Quant  à  Théodoret,  il  nous  a  parlé  de  ses  écrits  dans 
deux  lettres  qui  permettent,  en  les  rapprochant  d'autres  indices,  d'affir- 
mer que  son  histoire  a  été  écrite  en  448  ou  449. 

Je  ne  ferai  qu'une  objection  au  système  de  M.  G.  Ces  dates  sont 
nécessairement  approximatives,  comme  on  le  voit.  En  admettant  un 
écart  de  quelques  années,  tout  en  restant  dans  les  limites  assignées  par 
M.  G.,  on  peut  supposer  que  Socrate  écrivait  en  449,  Sozomène  en 
447,  Théodoret  en  448.  Dès  lors,  il  n'y  a  plus  à  chercher  lequel  de  ces 
trois  historiens  a  copié  les  deux  autres  :  le  problème  est  insoluble,  et  il 
serait  possible  qu'ils  aient  puisé  tous  aux  mêmes  sources.  La  question 
est  tout  autre  pour  Rufin. 

M.  G.  présente  un  tableau  où  il  indique  pour  chacun  des  chapitres 
de  Théodoret  les  sources  probables.  Rufin  viendrait  en  première  ligne; 
on  aurait  ensuite  Eusèbe  pour  le  livre  I'^'",  Athanase  pour  les  livres  I^"" 
et  II,  Sozomène  pour  les  livres  III  et  IV.  Le  livre  V  est  à  peu  près 
indépendant,  et  du  reste  l'apport  personnel  de  Théodoret  croît  de  livre 
en  livre.  M.  G.  termine  par  une  brève  caractéristique  de  Théodoret. 

L'auteur  a  réuni  dans  cette  brochure  un  grand  nombre  de  faits  et 
de  rapprochements  commodément  classés.  Quoi  qu'on  pense  de  l'inter- 
prétation à  en  donner,  c'est  un  service  dont  on  doit  être  reconnaissant 
à  M.  Gûldenpenning. 


i 


21 5.  —  Die  ïtunenscliipîft  von  Ludv.  F.  A.  Wimmer,  vom  Verfasser  umgear- 
beitete  und  vermehrte  Ausgabe,  mit  3  Tafeln  und  Abbiidungen  im  Texte;  aus 
dem  daenischen  ûbersetzt  von  D'  F.  Holthausen.  Berlin,  Weidmannsche  Buch- 
handlung,  1887,  xxiv-394  p.  in-8. 

21Ô.  —  Dœbefonten  i  Aai'kii'keby  liirke  af  Ludv.  F.  A.  WlMJiER.  Kœbenhafn, 
Gyldendalske  Boghandel,  Thieles  Bogtrykkeri,  1887,  n-84  p.  in-4  (avec  3  pi. 
grav.,  4  pi.  lithogr.  et  dessins  dans  le  textej. 

Nous  sommes  bien  en  retard  avec  ces  beaux  livres,  mais  comme  ce 
ne  sont  pas  des  ouvrages  de  circonstance,  quoiqu'ils  aient  été  publiés  à 
l'occasion  du  centième  anniversaire  (22  novembre  1887)  de  la  naissance 
du  grand  linguiste  Rask,  ils  ne  perdent  rien  à  être  défraîchis;  leur 
valeur  est  durable  ;  ce  n'est  pas  la  nouveauté  qui  fait  leur  mérite,  comme 
s'il  s'agissait  de  primeurs  incapables  de  soutenir  la  comparaison  avec 
des  fruits  arrivés  à  leur  saison.  La  maturité  du  moins  ne  peut  man- 
quer au  premier  qui  est  l'édition  allemande  remaniée,  et  augmentée, 
d'un  volume  danois  paru  dés  1874.  Il  se  compose,  outre  l'introduction 


d'histoire    et    de    LITTÉRAT0RB  SÔg 

et  les  appendices,  de  deux  livres  traitant  l'un  de  l'origine  de  l'écriture 
runique,  l'autre  de  son  développement  dans  le  Nord. 

Longtemps  on  a  regardé  les  runes  comme  mystérieuses,  et  c'est  même 
la  signification  du  mot  norrain  rùn.  en  gothique  runa,   que  Wulfila 
emploie  pour  rendre  le  grec  [rjsTfip'.ov.  Ce  pouvaient  être,  en  effet,  des 
caractères  magiques  pour  les  ignorants,  mais  pour  les  gens   instruits 
leur  origine  est  des  plus  vulgaires  :  d'après  notre  auteur,  le  plus  ancien 
alphabet  runique,  composé  de  24  lettres,  en  a  emprunté  non  moins  de 
16  à  l'alphabet   latin  contemporain,  c'est-à-dire  à  celui  qui  était  en 
usage  dans  les  premiers  siècles  de  notre  ère;  les  8  autres  ont  dû  être 
inventés   pour  rendre   des   sons  particuliers   à  la  langue  germanique 
d'alors.  On  pourrait  chicaner  M.  Wimmer  pour  trois  lettres  :  le  lagu 
ou  lœgr  et  le  naed  ou  naiid  ressemblent  plus  au  /,â;jioa  et  au  vu  qu'à  L 
et  N  des  Romains;  quant  au  geofu  iX,  prononcez  g  et  non  ks),  c'est 
évidemment  le  X?  grec  plutôt  qu'un  doublement  du  C  angulaire  des 
Etrusques  ou  des  Osques.  Même  en  se  prononçant  pour  Tune  de  ces 
dernières  alternatives,  M.  W.  est  forcé  de  faire  brèche  à  sa  propre  théo- 
rie, puisqu'il  est  forcé  de  remonter   aux  formes  archaïques,  c'est  à-dire 
grecques,  l'alphabet  romain  du  temps  des  Césars  n'ayant  pas  le  C  angu- 
laire. L'inventeur  de  l'alphabet  runique  n'était  pas  un  simple  copiste; 
il  a  fait  usage  de  son  libre  arbitre  en  fabriquant  huit  caractères  nou- 
veaux; il  a  pris  où  bon  lui  semblait  et,  comme  les  inscriptions  ne  man- 
quaient pas  de  son  temps  dans  les  limites  de  l'empire  romain,  pas  même 
en  Italie  où  il  en  trouvait  autant  de  grecques  que  de  latines,  il  a  choisi 
aussi  bien  parmi   les  unes  que  parmi  les  autres,   aussi  bien  dans  les 
anciennes  que  dans  les  récentes.  Cet  alphabet  peut  être  qualifié  de  lapi- 
daire par  opposition  à  l'alphabet  cursif  employé  un  peu  plus  tard  par 
"Wulfila  pour  la  traduction  de  la  Bible  et  principalement  formé  d'après 
l'alphabet  grec.  Celui-là  était  fait  pour  être  gravé  sur  pierre,  sur  métal, 
sur  bois;  celui-ci  pour  être  peint  ou  tracé  sur  parchemin  ou  sur  papy- 
rus; de  là  leurs  différences  essentielles,  quoique  tous  deux  aient  été 
inventés,  à  quelques  siècles  de  distance,  par  deux  hommes  de  même 
race  vivant  en  contact  avec  des  sujets  du  grand  Empire. 

Quoique  les  inscriptions  en  runes  anciennes  soient  relativement  rares, 
elles  occupent  un  grand  espace  de  terrain  :  on  en  a  découvert  non  seu- 
lement dans  les  pays  Scandinaves,  en  Angleterre  et  en  Allemagne,  mais 
encore  en  Bourgogne,  en  Poznanie,  en  Volhynie,  en  Valachie.  Gravées 
sur  des  fibules,  des  anneaux,  des  bractéates,  des  armes,  elles  pouvaient 
être  facilement  emportées  par  les  cmigrants  de  race  germanique;  c'est 
seulement  en  Suède  et  en  Norvège  que  l'on  en  voit  sur  d'énormes  blocs 
de  pierre  peu  mobiles  de  leur  nature,  et  qui  ont  certainement  été  tra- 
cées sur  place. 

L'alphabet  runique  plus  récent,  de  seize  lettres,  dont  neuf  seulement 
communes  avec  le  plus  ancien,  n'a  pas  eu  autant  d'extension  géogra- 
phique. Il  n'a  été  employé  que  par  des  Scandinaves,  non  seulement  dans 


J/O  REVUE   CRITIQUE 

leur  patrie,  mais  encore  dans  leurs  colonies  (Iles  Britanniques,  Islande, 
Groenland),  et  par  exception  dans  une  garnison  des  Vaerings,  à  Athènes 
(lion  du  Pirée,  actuellement  à  Venise).  M.  W.  soutient  dans  son  second 
livre  que  l'alphabet  le  plus  court  est  dérivé  du  plus  long.  Il  semble  à  la 
vérité  singulier  qu'un  peuple  renonce  volontairement  à  des  signes  utiles 
et  appauvrisse  ainsi  son  écriture  et  sa  phonétique.  Il  y  en  a  pourtant 
des  exemples  dans  les  langues  Scandinaves  modernes  où  manquent  des 
lettres  qui  existaient  dans  les  anciens  idiomes  et  que  l'islandais,  plus 
archaïque,  a  conservées.  De  ce  côté  donc  la  thèse  de  l'auteur  ne  se  heurte 
ni  à  rimpossibilité  ni  à  Pinvraisemblance;  mais  il  est  plus  difficile  de  le 
suivre  dans  sa  démonstration  chronologique,  basée  non  sur  des  dates 
(car  il  n'y  en  a  pas),  ni  sur  des  caractères  archéologiques  bien  précis,  ni 
sur  des  trouvailles  d'ensemble,  où  des  médailles,  des  objets  bien  connus, 
des  motifs  de  décoration  permettent  de  dater  les  antiquités  provenant 
d'un  même  milieu.  M.  W.  s'appuie  surtout  sur  des  appréciations  paléo- 
graphiques, qui  peuvent  bien  être  de  mise  quand  on  les  déduit  de  la 
connaissance  de  milliers  de  chartes  et  de  documents  authentiques,  mais 
qui  deviennent  du  pur  arbitraire  quand  on  raisonne  d'après  quelques 
rares  inscriptions  échappées  au  naufrage  et  flottant  dans  le  vague  des 
temps.  Pour  tout  ramener  à  son  système,  il  est  forcé  de  rajeunir  de 
plusieurs  siècles  des  inscriptions  anciennes,  comme  celles  des  tourbières 
du  Slesvig  et  de  la  fibule  de  Charnay.  Pour  beaucoup  d'inscriptions  en 
runes  récentes,  leur  âge  approximatif  n'est  guère  mieux  connu,  et  leurs 
nombreuses  différences  attribuées  au  temps  peuvent  tout  aussi  bien 
tenir  aui  localités  et,  pourquoi  ne  pas  le  dire,  à  l'ignorance  ou  au  bon 
plaisir  du  runographe.  Il  n'est,  en  effet,  pas  rare  de  trouver  dans  une 
même  contrée  des  inscriptions  se  rapportant  au  même  personnage  et 
émcaiées  du  même  graveur  (p.  842,  345,  35o,  352),  et  où  pourtant  des 
caractères  différents  servent  à  rendre  le  même  son  et  où  l'orthographe 
du  même  mot  varie  considérablement. 

Les  six  appendices  de  l'Ecriture  runique  concernent  :  1°  l'alphabet 
de  Wulfila;  2"  les  deux  poèmes  sur  les  runes  en  vieux  norvégien  et  en 
islandais;  3°  les  différences  tenant  aux  localités  dans  l'alphabet  le  plus 
court;  4°  les  relations  entre  les  runes  représentant  les  deux  r  (dont  l'un 
avait  le  son  de  r'  en  tchèque  ou  de  r:^  en  polonais);  5°  chronologie  des 
plus  anciens  monuments  runiques  du  nord,  en  commençant  par  les 
inscriptions  des  tourbières  de  Thorsbjerg  et  de  Nydam,  du  diadème  de 
Starup  et  de  la  fibule  de  Himlinghœje,  que  M.  W.  place  entre  400  et 
5oo  de  notre  ère,  et  en  finissant  vers  l'an  1000  par  la  pierre  du  Dane- 
virke  ;  6"  enfin  explication  et  figures  des  plus  anciennes  inscriptions 
runiques  du  Danemark  où  est  employé  l'alphabet  le  plus  court  (de  800 
à  900  de  notre  ère). 

Ce  dernier  appendice  est  un  spécimen  du  grand  travail  que  M.  W. 
prépare  sur  l'ensemble  des  inscriptions  runiques  du  Danemark,  après 
avoir  successivement  parcouru  le  Jutland  et  les  îles,  prenant  des  estam- 


d'histoire  et  de  littérature  371 

pes,  étudiant  les  monuments  sur  place,  et  accompagné  d'un  artiste  qui 
les  dessinait.  On  peut  donc  attendre  de  cette  coopération  des  copies  fidè- 
les, des  lectures  exactes  et  des  explications  sûres.  Nous  n'osons  pour- 
tant pas  espérer  que  tout  l'ouvrage  paraisse  dans  une  édition  aussi 
splendide  que  les  Fonts  baptismaux  de  l'église  d'Aakirkeby,  ni  que  la 
munificence  du  ministre  du  culte  renouvelle  pour  l'ensemble  ce  qui  a 
été  fait  si  luxueusement  pour  une  petite  partie.  Ce  monument  runique 
est  l'un  des  24  (pour  la  plupart  sinon  tous  chrétiens)  que  Ton  connaît 
dans  l'île  de  Bornholm.  C'est,  à  la  vérité,  le  plus  beau  ;  il  a  pour  pendant 
les  fonts  de  Bjersjœ  en  Skanie,  qui  portent  des  noms  latins  entremêlés 
de  quelques  mots  norrains,  le  tout  en  lettres  onciales,  et  que  l'auteur 
reproduit  comme  terme  de  comparaison,  ainsi  que  les  fonts  (beaucoup 
moins  beaux  mais  portant  des  inscriptions  runiques)  de  Skyum  et  de 
Brœndum  en  Jutland;  de  Sœder  Vidinge  et  de  Sallerup  en  Skanie.  Les 
légendes  relativement  longues  des  fonts  d'Aakirkeby  sont  en  dialecte  de 
l'île  de  Gotland,  d'où  M.  W.  induit  que  ces  fonts  proviennent  d'un 
atelier  de  cette  île  si  célèbre  dans  l'histoire  des  arts,  du  commerce  et  de 
la  marine  au  moyen  âge.  Les  sujets  qui  y  sont  sculptés  sont  bien  con- 
nus :  FAnnonciation,  la  naissance  de  l'enfant  Jésus,  l'Adoration  des 
rois  mages  et  la  Passion.  Les  diverses  scènes  sont  accompagnées  de 
légendes  runiques  pour  l'explication  desquelles  M.  Wimmer  déploie 
toutes  les  ressources  de  son  expérience  runoiogique.  Il  a  montré  par  là 
ce  que  Ton  peut  attendre  de  lui  pour  le  grand  travail  qui  sera  le  digne 
couronnement  de  son  œuvre. 

E.  Beauvois. 


217.  —  Ueber  den  provenzalisclien  Giii>ai>t  von  Rossillon.  Ein  Beitrag 
zur  Entwickelungsgeschichte  der  Volksepen,  von  Albert  Stimming.  Halle,  Nie- 
meyer,  1888;  in-8,  Sgg  pages. 

Il  résulte  des  recherches  de  M.  Paul  Meyer  sur  Tépopée  de  Girart  de 
Roussillon  que  la  chanson  de  geste  provençale  a  été  composée  ,au  déclin 
du  xiie  siècle,  dans  la  région  limitrophe  de  la  langue  d'oc  et  de  la  langue 
d'oui,  «  selon  toute  probabilité  à  la  latitude  de  Lyon,  mais  sûrement 
plus  à  l'ouest*».  L'auteur,  sans  doute  ecclésiastique,  remaniait  fort 
librement  une  chanson  bourguignonne,  dont  un  moine  de  Pothières 
s'était  inspiré  moins  d'un  siècle  auparavant,  en  rédigeant,  pour  le  plus 
grand  profit  et  le  plus  grand  honneur  de  sa  communauté  ,  la  Vita 
nobilis  comitis  Gerardi  de  Rossillone.  Par  l'analyse  la  plus  minutieuse 
du  texte  traditionnel,  M.  Stimming  a  tenté  de  reconnaître  exactement 
ce  qui  appartient  à  Pancien  poème  et  ce  que  le  temps  a  dû  ajouter  à  ce 
fonds  primitif.  11  croit  pouvoir  distinguer  dans  la  composition  actuelle 
au  moins  quatre  éléments  successifs  : 

*  Girart  de  Roussillon,  chanson  de  geste,  traduite  pour  la  première  fois  par  Paul 
Meyer.  Introduction,  p.  cxci. 


372  REVUE    CRJTIQUB 

i"  Environ  3383  vers  d'un  poème  du  xi°  siècle  (G),  différent  u  plu- 
sieurs égards  de  celui  que  connaissait  le  moine  de  Pothières. 

2"  985  vers  interpolés  (R  '),  principalement  répartis  entre  deux  épi- 
sodes qui  manquent  à  la  Vie  latine.  L'un  est  celui  des  amours  romanes- 
ques de  Fouque  et  d'Aupais,  dans  lequel  M.  Meyer  avait  déjà  signalé 
des  traits  suspects.  L'autre  interpolation,  moins  étendue,  relate  le 
meurtre  du  duc  Tierri  d'Ascane,  apparemment  imaginé  pour  donner 
un  motif  plus  précis  à  l'hostilité  de  Charles  et  de  Girart, 

3"  5242  vers  environ,  composés  par  le  renouveleur  ecclésiastique 
(R  ~).  Poète  de  beaucoup  de  talent  et  d^un  talent  très  personnel,  il  est, 
aux  yeux  de  M.  Meyer,  le  véritable  auteur  de  notre  Girart  de  Roussil- 
lon.  11  se  montre  le  plus  original  au  commencement  et  à  la  fin  de  la 
chanson  renouvelée,  dans  la  grande  scène  d'ouverture  et  après  le  retour 
de  Girart  de  l'exil.  Bien  que  ces  derniers  récits  soient  fort  incohérents, 
l'appréciation  défavorable  de  M.  S.  ne  me  semble  pas  suffisamment  jus- 
tifiée. A  son  gré,  certaines  données  de  l'ancien  poème  se  retrouveraient 
jusque  dans  Pintroduction  actuelle.  L'activité  de  R  -  aurait,  en  somme, 
consisté  à  interpoler  dans  l'œuvre  de  ses  prédécesseurs  tantôt  un  vers, 
tantôt  une  tirade,  tantôt  une  série  de  tirades. 

40  Des  copistes  postérieurs  paraissent  avoir  ajouté  çà  et  là  quelques 
passages  insignifiants,  en  tout  392  vers  (R  "^). 

Des  résultats  si  précis  de  recherches  si  difficiles  et  si  conjecturales 
suffiraient  à  éveiller  la  défiance,  ignorât-on  même  combien  nous 
sommes  pauvres  en  témoignages  concernant  la  chanson  de  Girart  de 
Roussillon.  Aussi  bien,  l'on  reste  confondu  de  la  tranquille  assurance 
avec  laquelle  M.  S.  assigne  chaque  tirade  à  l'un  des  états  successifs  du 
poème,  de  la  hardiesse  avec  laquelle  il  prétend  restituer  ces  quatre  états 
dans  leur  intégrité.  C^est  à  peine  si  G  lui  paraît  otïrir  quelques  lacunes;  |j 
R  1  subsiste  encore  intact  au  milieu  des  5242  vers  dans  lesquels  R  ~  Pa  il 
noyé.  Or,  l'ancienne  chanson  devait  être  versifiée  en  assonances  dans 
un  dialecte  bourguignon  fort  semblable  au  français  :  la  nouvelle  est 
tout  entière  rimee  dans  une  langue  à  demi  provençale.  Cette  grave 
objection  a  si  peu  de  poids  dans  l'esprit  de  M.  S.  qu'il  reproche  à 
M.  Meyer  de  n'avoir  pas  su  reconnaître  dans  R  ~  un  moine  de  Vézelai, 
rivalisant  avec  Thagiographe  de  Pothières. 

La  philologie  a  plus  d'une  fois  tiré  un  excellent  parti  de  l'observation 
délicate  des  contradictions,  des  incohérences  qui  déparent  mainte  œuvre 
littéraire;  mais  nulle  méthode  d'investigation  historique  n'a  été  plus 
souvent  compromise  par  Va  priori,  l'arbitraire,  l'esprit  de  système  des 
hypercritiques.  C'est  l'épopée  qui  offre  le  terrain  le  plus  favorable  à  des 
tentatives  hardies  et  aventureuses  :  la  tradition  incertaine,  altérée,  la 
forme  ample  et  flottante  se  plient  assez  docilement  aux  hypothèses  les 
plus  diverses.  On  peut  dire  que  M.  S.,  en  partant  de  certaines  idées 
qu'il  a  exposées  dans  l'introduction  et  en  plusieurs  endroits  de  son 
livre,  devait  nécessairement  aboutir  aux  conclusions  que  nous  avons 


D  HISTOÏKK    KT    OK    l.lTTHRATURfc  Sji 

critiquées.  Les  vieux  poètes  originaux  racontaient,  dit-il,  «  tout  à  fait 
brièvement,  simplement,  sans  répétitions,  sans  interruptions,  sans 
digressions.  »  Les  mots  savants,  les  réflexions  pieuses  caractérisent  les 
parties  remaniées  ou  interpolées.  Aux  yeux  de  M.  S.  et  de  ceux  qui 
pensent  comme  lui,  il  n'est  point  d'erreur,  de  sottise,  d'ineptie  qu'il  ne 
soit  permis  d'attribuer  à  un  renouveleur.  Par  son  caractère  ecclésiasti- 
que, R  ~  était  prédestiné  à  jouer  le  rôle  du  bouc  émissaire.  M.  S.  n'hé- 
site pas  à  supposer  que  ce  rédacteur,  accomplissant  une  œuvre  de 
longue  patience  et  de  scrupuleuse  attention,  un  prodigieux  travail  de 
marqueterie,  a  pu  se  mettre  en  contradiction  avec  lui-même  de  la  façon 
la  plus  grossière,  tandis  que  ses  prédécesseurs  ne  sauraient  avoir  eu  de 
défaillance.  C'est  sur  des  fondements  aussi  peu  solides  que  le  professeur 
de  Kiel  reconstruit  G  suivant  un  type  préconçu  Le  résultat  de  ses  peines 
devrait  être  identique  à  la  chanson  bourguignonne  que  nous  font  con- 
naître la  Vie  latine  et  des  allusions  de  Renaud  de  Montauban;  mais,  en 
fin  de  compte,  le  lecteur  désappointé  n'a  devant  les  yeux  qu'une  abs- 
traction, une  quintessence  de  la  chanson  renouvelée. 

On  a  loué  avec  raison  dans  l'étude  de  M.  S.  des  vues  ingénieuses, 
des  observations  fines  et  justes  *.  En  ce  qui  concerne  Phistoire 
de  Girart  de  Roussillon  et  les  origines  de  la  chanson  de  geste,  il 
soutient  une  opinion  plus  probable  que  celle  de  M.  Meyer.  Son  défaut 
est  de  n'avoir  «  jamais  su  ignorer**  ■(<  et  d'argumenter  souvent  sur  des 
faits  insignifiants,  auxquels  il  attribue  une  portée  exagérée.  A  mesure 
qu'il  avance  dans  ses  recherches,  de  nouvelles  hypothèses  s'étagent  sur 
de  précédentes  conjectures  :  c'est  comme  un  château  de  cartes  qu'on 
verrait  s'élever  sur  les  ruines  vénérablesde  Roussillon.  Bien  loin  de  cher- 
cher, comme  M.  Meyer,  à  concilier  autant  que  possible  les  données 
contradictoires  du  texte  traditionnel,  M.  S.  exagère  à  plaisir  le  nombre 
et  l'importance  des  divergences.  Un  exemple  assez  piquant  fera  saisir 
sur  le  vif  cette  tendance  de  notre  auteur.  Un  nom  propre,  employé 
auparavant  à  plusieurs  reprises  sous  la  forme  du  cas  régime  Aimenon, 
apparaît  au  vers  i094du  manuscrit  d'Oxford,  comme  sujet  de  la  phrase, 
sous  la  forme  Aimes.  Croit-on  que  le  savant  éditeur  de  Jaufre  Rudel  et 
Bertran  de  Born,  avant  de  s'être  élancé  sur  les  traces  de  Lachmann  et 
de  ses  disciples,  se  fût  montré  surpris  d'un  tel  changement**"  ?  L'esprit 
subtil  et  pénétrant  de  M.  S.,  sa  puissance  de  dialectique  et  de  combi- 
naison ne  doivent  pas  faire  illusion  sur  l'utilité  de  sa  «  contribution  à 
l'histoire  des  épopées  nationales  «.  Au  lieu  d'une  étude  objective,  tout 
à  fait  impartiale,  respectueuse  des  textes,  ce  que  nous  offrent  les  quatre 
cents  pages  de  ce  volume  est  un  syllogisme  longuement  développé, 

*  M.  Wilmotte,  dans  le  Moyen  Age,  1,  p.  126,  et  M.  Pakscher,  dans  la  Zeitsdirift 
fiir  i-oman.  Philologie,  Xll,  p.  556. 

**  C'est  ainsi  que  M.  Maurice  Croiset  juge  les  travaux  de  Kœchly  sur  VOdyssée, 
dans  VHisioire  delà  Littérature  grecque,  1,  p.  333. 

'**  P.  3o8  :  «  Aimes,  wie  er  aufeinmal  genannt  wird...» 


.'>74  REVUE    CRUIQUK 

appuyé  de    nombreuses  preuves,  brillant  et  stérile,  à  la  façon  d'un 
exercice  d'école  au  moyen  âge. 

Ernest  Muret. 


218    —  Emile  Amiel.  Un  lîbre-penseur  du  XVI<=  siècle.  Erasme.  Paris,  Le- 
merre,  i88q,  in-i8  de  xii-452  p.  Prix  :  3  fr.  5o. 

Petit  livre  sans  prétention  scientifique  et  qui  n'apporte  rien  de  nou- 
veau. L'auteur,  bien  au  courant  des  travaux  français  et  d'une  informa- 
tion  généralement  exacte,  ignore  beaucoup  des  recherches  de  détail  qui 
ont  paru  à  l'étranger  sur  son  sujet.  Il  y  supplée  par  un  grand  amour 
d'Érasme  et  par  une  bonne  connaissance  de  ses  ouvrages,  encore  que  je 
le  soupçonne  d'avoir  lu  légèrement  la  Paraphrase  au  Nouveau  Testa- 
ment. Les  œuvres  d'Erasme  sont  étudiées,  non  en  chapitres  distincts, 
mais,  comme  il  est  plus  logique  pour  un  homme  dont  le  travail  fut  toute 
la  vie,  au  cours  même  du  récit  biographique.  La  préface  contient  de  très 
justes  choses  sur  l'éducation  classique  dont  Erasme  fut  le  champion. 
J'approuve  moins  le  titre  :  Un  libre-penseur  du  xvi«  siècle.  Certes, 
Erasme  a  aidé  singulièrement  à  la  sécularisation  de  la  recherche  scien- 
tifique, mais  M.  Amiel  sait  aussi  bien  que  moi  quMl  n'a  rien  du  libre- 
penseur,  au  sens  que  le  mot  a  dans  notre  langue.  C'est  donc  un  titre 
mis  pour  la  galerie,  qui  nuira  auprès  des  gens  sérieux  à  un  livre  à 
beaucoup  d''égards  estimable. 

P.   DE  NOLHAC. 


21  g.  —    Rieitelieii  et    la    monarchie  absolue,  par   le   vicomte  G.  d'Avenel. 
Paris,  Pion,  Nourrit  et  C'%  4  vol.  in-8,  1 884-1890. 

M.  le  vicomte  d'Avenel  vient  de  livrer  au  public  le  quatrième  et 
dernier  volume  de  l'ouvrage  considérable  qu''il  a  intitulé  Richelieu  et  la 
monarchie  absolue.  Nous  sommes  en  retard  pour  dire  ici  tout  le  bien 
que  nous  pensons  de  ce  travail  et  pour  faire,  en  même  temps,  les  réser- 
ves que  sa  lecture  nous  paraît  comporter. 

Il  y  a  dans  cette  étude  deux  choses  :  un  exposé  historique  et  une  thèse^ 
Nous  examinerons  l'ouvrage  successivement  à  ces  deux  points  de  vue* 

I 

Au  cours  de  sa  préface,  M.  d'A.  se  réclame  de  M.  de  Boislisle;  à  diver- 
se^ reprises,  dans  le  texte,  il  invoque  le  nom  de  M.  Taine  :  c'est,  en 
effet,  à  Pécole  de  Tun  et  de  l'autre  de  ces  deux  maîtres  que  le  nouvel 
historien  de  l'époque  de  Louis  XIII  se  rattache. 

Il  a,  comme  M.  de  Boislisle,  une  érudition  vaste,  étendue,  minutieuse; 
celle  du  disciple  pourtant  ne  paraît  pas  toujours  aussi  sûre  que  celle  duj 
maître. 

Comme  M.  Taine,   M.  d'A.  aime  les  tableaux  complexes,   achevésl 
lentement  par  un  procédé  de  touches  et  de  retouches.  Mais  le  haché  du 


Û  HISTOIKK    ET    DK    LITTÉKATURK  3j5 

dessin,  le  tapoté  du  coloris  donnent  à  son  faire  quelque  chose  de  papil- 
lotant et  par  conséquent  de  trouble  et  de  confus.  Le  procédé  est  d'ail- 
leurs beaucoup  plus  visible  chez  M.  d^A.  que  chez  M.  Taine  et  sa  com- 
position n'est  point  soutenue  par  ces  fortes  études  psychologiques  et 
philosophiques  qui  font  comme  le  substratum  indestructible  des  œuvres 
de  l'illustre  académicien. 

Tel  quel  cependant,  l'important  ouvrage  historique  que  M.  d'A.  nous 
livre  a  son  prix  et  c'est  un  mérite  qui  n'est  pas  médiocre  de  rappeler 
les  noms  que  je  viens  de  citer. 

Dans  ces  quatre  volumes,  M.  d'A.  ne  s'est  pas  abandonné  un  seul  ins- 
tant aux  charmes  faciles  du  genre  narratif.  Il  s'est  renfermé,  de  parti 
pris,  dans  la  didactique.  Son  ouvrage  n"est,  en  réalité,  qu'une  longue  et 
minutieuse  analyse  des  institutions  et  des  moeurs  de  la  France  dans  la 
première  moitié  du  xvii"  siècle  :  Le  roi  et  la  Constitution;  la  noblesse 
et  sa  décadence  ;  administration  générale  ;  finances  ;  armée,  marine  et 
colonies;  cultes;  justice  ;  administration  provinciale  et  communale, 
telles  sont  les  grandes  divisions  du  livre.  L'auteur,  on  le  voit,  s'en 
tient  exclusivement  à  la  politique  intérieure;  il  néglige,  de  parti  pris, 
tout  ce  qui  touche  à  la  politique  extérieure. 

Le  livre  de  M.  d'A.  n'est  donc,  en  somme,  qu'une  nouvelle  édition 
très  accrue  et  mise  au  goût  du  Jour  de  l'excellent  ouvrage  de  M.  J. 
Caillet  :  de  l'Administration  en  France  sous  le  ministère  du  cardinal 
de  Richelieu. 

Cette  nouvelle  édition  n'était  pas  inutile,  tant  s'en  faut.  Depuis  la  date 
de  la  publication  de  M.  Caillet,  bien  des  sources  de  renseignements  ont 
été  ouvertes  pour  l'histoire  du  règne  de  Louis  XIII  :  le  regretté 
M.  Avenel  a  achevé  son  admirable  publication  des  Lettres,  instruc- 
tions publiques,  et  papiers  d'Etat  du  Cardinal  de  Richelieu  et  a  mis 
ainsi  le  document  inédit  à  la  portée  de  tous  les  travailleurs;  le  dépôt 
des  archives  des  Affaires  étrangères  a  été  ouvert  ;  les  fonds  de  la  Biblio- 
thèque nationale,  des  Archives  nationales  ont  été  mieux  explorés;  la 
publication  si  importante  des  inventaires  des  archives  départementales 
a  fait  les  plus  louables  progrès.  Rien  que  par  cette  énumération  on 
s'aperçoit  que  le  sujet  pouvait  être  en  quelque  sorte  renouvelé. 

M.  d'A.  s'est  mis  à  l'œuvre  sans  hésiter.  11  a  procédé  à  la  lecture  et 
au  dépouillement  assidus  de  cette  masse  de  documents  nouveaux.  Après 
un  effort  de  quinze  années,  il  est  sorti  de  cet  immense  labeur  non  seule- 
ment avec  des  carnets  bourrés  de  notes,  mais  avec  des  idées  arrêtées, 
avec  un  ouvrage /^ï/Y.  Il  faut  admirer  cette  volonté,  cette  persévérance 
et  surtout  cette  décision  trop  rares  dans  l'érudition  contemporaine. 

Les  résultats  de  la  vaste  enquête  entreprise  par  M.  d'A.  ont  été  parti- 
culièrement heureux  en  ce  qui  touche  aux  questions  économiques  et 
financières.  Ou  je  me  trompe  fort,  ou  M.  d'A.  devait  avoir  en  ces  ma- 
tières une  préparation  spéciale;  caries  chapitres,  d'ailleurs  très  abon- 
dants qu'il  a  consacrés  à  cette  partie  de  son  sujet,  font  en  quelque  sorte 


376  KEVUK    CKITIQUE 

saillie  sur  le  reste  de  louvrage  et  ajoutent  des  données  originales  et 
solides  aux  connaissances  historiques  antérieures. Tout  ce  qui  concerne 
lévaluation  des  richesses,  la  valeur  de  l'argent,  le  mécanisme  des  impôts, 
leur  rendement,  leur  recouvrement,  le  système  d'emprunt  et  de  rentes, 
les  dépenses  générales  de  i^État,  même  le  budget  des  simples  particu- 
liers, tout  cela  est  traité  avec  ampleur  et  autorité.  Les  chiffres  auxquels 
aboutit  M.  d'A.  pourront  être  discutés  (tout  se  discute);  mais  il  a  tracé 
la  voie,  il  l'a  poussée  très  loin  ;  et  il  faut  lui  tenir  compte  et  de  l'aridité 
du  sujet  et  de  la  difficulté  de  l'information. 

On  dirait  que  les  autres  parties  du  livre  de  M.  d'A.  sont  venues 
s'ajouter  après  coup  à  celle  dont  nous  venons  de  faire  l'éloge;  elles  sont 
rédigées  beaucoup  plus  vite  et  offrent  un  intérêt  moindre.  Autour  d'un 
bâtiment  central  bâti  en  bonnes  pierres  de  taille  par  un  architecte  vigi- 
lant, se  sont  élevés  des  échafaudages  hâtifs  dont  l'habile  ordonnance 
cache  mal  la  fragilité. 

Il  serait  assurément  très  injuste  de  prendre  une  oeuvre  aussi  considé- 
rable uniquement  par  ses  petits  côtés  ;  aussi  je  ne  voudrais  pas  réunir, 
dans  ces  pages,  une  liste  trop  facile  des  erreurs  de  détail  qui  ont  pu 
échapper  à  la  rédaction  de  M.  d'A.;  mais  puisque  cet  ouvrage  doit 
faire  désormais  partie  de  toute  bibliothèque  sérieuse,  qu'on  me  permette 
d'indiquer  ici  par  un  seul  exemple,  la  nature  de  certains  défauts  contre 
lesquels  le  public  studieux  doit  être  mis  en  garde. 

Je  citerai  un  passage  seulement  et  je  le  choisis  dans  un  ordre  d'idées 
qui  n'a  rien  de  particulièrement  difficile  :  il  s'agit  de  critique  littéraire: 
M.  d'A.  apprécie  dans  les  termes  suivants  le  rôle  des  Précieuses  : 

«  11  nous  semble  que  dans  Phistoire  de  la  langue  et  du  génie  français 
la  préciosité  n'a  eu  ni  précédents  tii  conséquences.  C'a  été  un  engoue- 
ment éphémère  dont  nul  des  grands  auteurs  du  siècle  n'a  été  atteint, 
même  au  degré  le  plus  léger,  que  les  illustrations  du  moment  Cor- 
neille^ Descartes  ou  Pascal  n'ont  point  partagé...  (Va  pour  Descartes 
ou  Pascal,  mais  Corneille!  mais  Racine!  mais  La  Fontaine  lui-même.) 
Dans  cette  évolution  superbe  qui  emporte  notre  langue  nationale  de 
Rabelais  et  de  Montaigne  jusqu'à  Racine  et  Bossuet  en  passant  par  Mal- 
herbe et  Corneille,  la  préciosité  ne  paraît  avoir  joué  qu'un  rôle  mondain 
pour  ne  pas  dire  nul.  Parmi  cette  assemblée  polie  qui  se  donnait  ren- 
dez-vous chaque  soir  chez  la  fameuse  marquise,  en  cette  pléiade  de 
poètes  qui  s'attelaient  tous  à  cette  grandiose  fadaise  que  Ton  nomme  f 
la  Guirlande  de  Julie,  les  littérateurs  de  1620  à  1640  figurent  en  petit 
nombre;  Rotrou,  Corneille,  Balzac,  Racan,  Desmarets  (!),  Vaugelas  (!) 
n'y  figu7'ent  pas.  D'autres,  entre  les  plus  notables  de  ceux  qui  ont  mar- 
qué dans  l'histoire  de  l'esprit  humain  vers  la  même  époque,  La  Roche- 
foucauldtf.ï/cy',  Arnaud  (!)  Gassendi,  Retz  y  sont  entièrement  étrangers.  . 
Conrart  dont  \t  silence  sQui  esl parvenu  jusqu'à  nous,  etc....  »  On  voit, 
par  la  lecture  de  cette  page,  combien  l'économiste  qu'est,  au  fond, 
M.  d'A.  se  trouve  dépaysé  dès  qu'il  aborde  les  idées  générales,  les  aper 


« 


d'histoire  et  de  littérature  3-7 

eus  philosophiques  ou  littéraires.  Son  esprit  s'obscurcit,  sa  langue  s'em- 
barrasse. Une  fâcheuse  tendance  à  la  thèse,  un  système  s'empare  de  lui; 
il  ne  pense  pas  toujours  juste  et  il  écrit  mal  parfois. 

II 

Ces  observations  m'amènent  tout  naturellement  à  Texamen  des  juge- 
ments portés  par  M.  d'Avenel.  Non  seulement,  en  effet,  il  a  exposé, 
mais  il  a  apprécié.  Il  a  conçu  le  dessein  de  mettre  la  haute  personnalité 
historique  de  Richelieu  à  sa  place  dans  le  développement  de  la  civilisa- 
tion française.  Armé  de  Texpérience  de  deux  siècles,  il  s'est  penché  sur 
cette  grande  figure  et  a  voulu  lui  arracher  son  secret. 

Que  M.  d'A.  me  perm.ette  de  le  lui  dire  franchement  :  les  lèvres  qui, 
pendant  deux  siècles,  sont  restées  closes  sous  les  marbres  de  la  Sor- 
bonne  ne  se  sont  pas  ouvertes  pour  lui.  La  figure  impassible  est  toujours 
muette.  Selon  le  mot  de  Pascal,  «  M.  le  Cardinal  n'a  pas  voulu  être 
deviné.  » 

Voici,  en  deux  mots,  la  thèse  de  M.  d'A.  :  le  cardinal  de  Richelieu  a 
passé  à  travers  rhistoire  de  France  comme  un  «  dévastateur.  »  Avant 
lui,  la  France  était  heureuse;  avant  lui,  elle  était  libre.  Après  lui  et  par 
lui,  elle  a  souffert  tous  les  maux  et  le  pire  de  tous,  elle  a  perdu  la  li- 
berté. Avant  lui,  la  noblesse,  le  Parlement,  les  États-Généraux  et  pro- 
vinciaux, les  municipalités  des  villes  jouissaient  d'une  autorité  et  d'une 
indépendance  qui  faisaient  équilibre  au  pouvoir  du  roi  ;  l'administra- 
tion publique  fonctionnait  régulièrement  en  vertu  d'une  constitution 
non  écrite,  mais  reconnue  par  tous;  les  finances  étaient  prospères; 
chacun  :  noble,  marchand,  bourgeois  et  paysan  était  à  sa  place,  gardait 
son  rang  et,  se  déclarait  satisfait.  Sous  son  ministère  et  après  lui,  la 
France  s'est  trouvée  plongée  dans  un  abîme  de  misères. 

Henri  IV,  s'il  eût  vécu,  eût  détruit  la  maison  d'Autriche  «  sur  ses 

économies  ».  Richelieu  mit  la  France  à  feu  et  à  sang  pour  Toeuvre 

extérieure  à  laquelle  il  consacra  exclusivement  ses  éminentes  facultés. 

Il  est  très  facile  d'apprécier,   d'un  coup  d'œil,   les  raisons  de  cette 

thèse,  de  voir  sur  quoi  elle  repose  et  comment  elle  se  rattache  à  des  faits 

historiques  incontestables.  On  ne  peut  nier  que  Richelieu  ait  eu,  plus 

que  personne  en  France,  la  conception  nette  et  réfléchie  de  l'autorité 

absolue  des  rois;  on  ne  peut  nier  qu'il  ait  travaillé,  plus  que  personne, 

à  asseoir  sur  des  bases  inébranlables  la  puissance  quasi  divine  des  rois. 

On  ne  peut  donc  rejeter  absolument  la  thèse  de  M.  d'Avenel.  Mais  il 

est  également  impossible  de  l'accepter  tout  entière.  Car  telle  qu'on  nous 

la  présente,  elle  est  à  la  fois  incomplète  et  excessive;  elle  dit  trop  et  elle 

ne  dit  pas  assez. 

Sans  entreprendre  de  réfuter  ici  le  paradoxe  de  libéralisme  rétros- 
pectif auquel  M.  d'A.  a  sacrifié  la  mémoire  de  celui  qu'il  lui  répugne 
presque  d'appeler  «  le  fondateur  de  l'Unité  française  »,  qu'il  soit  permis 
du  moins  d'indiquer  les  deux  grandes  lacunes  qui  apparaissent  immé- 
diatement dans  une  œuvre  d'ailleurs  si  vaste. 


378  KEVUE    CRITIQUK 

M.  d'A.,  si  bien  informé  sur  le  temps  de  Louis  XIII,  connaît  fort 
mal  les  précédents,  il  voit,  aux  xv"  et  xvi^  siècles,  une  France  qui  n'a 
jamais  existé.  Il  suppose  aux  prédécesseurs  de  Louis  XIII  des  vertus 
qu'ils  n'ont  pas  eues.  Il  ne  sait  pas  ou  il  oublie  que  le  travail  repris  et 
poursuivi  par  Richelieu  n'a  été  que  la  conséquence  inéluctable  des 
efforts  des  âges  antérieurs;  il  ne  sait  pas  ou  il  a  oublié  que  dans  cette 
œuvre  de  centralisation  et  d'uniformisation  excessive,  la  France  elle- 
même  s'est  faite  la  complice  de  ses  rois;  il  ne  sait  pas  ou  il  a  oublié  que 
de  Louis  XI  à  François  I^r  et  de  François  1er  à  Henri  IV,  la  France 
n'a  connu  (excepté  dans  les  temps  de  troubles  et  de  révolutions)  que  des 
gouvernements  absolus. 

La  preuve  de  ce  que  j'avance  ne  peut  se  faire  en  quelques  mots.  Mais 
elle  résulte  de  l'assentiment  de  l'histoire  traditionnelle.  Or,  en  histoire, 
il  faut  y  regarder  à  deux  fois  avant  de  faire  table  rase  de  la  tradition. 

La  seconde  lacune  de  l'œuvre  de  M.  d'A.,  au  point  de  vue  de  la  thèse 
exposée  par  lui,  c'est  la  suppression  volontaire  de  tout  ce  qui  touche  à 
la  politique  extérieure.  Je  sais  que  l'auteur  s'en  excuse  dans  sa  préface 
et  surtout  dans  sa  conclusion.  Il  a  bien  fini  par  s'apercevoir  que  dans 
une  personnalité  aussi  complète,  je  dirai  aussi  compacte  que  celle  de 
Richelieu,  il  était  difficile  et  presque  impossible  de  distinguer  le  minis- 
tre du  «  dedans  »  du  ministre  «  du  dehors  ».  Il  a  bien  vu  qu'il  y  avait, 
à  l'époque  où  vivait  Richelieu,  une  force  des  choses  qui  subordonnait 
tout  en  France,  même  les  nécessités  les  plus  urgentes  de  la  vie  publi- 
que, même  l'embryon  si  précaire  encore  des  idées  libérales,  à  la  loi 
suprêrne  de  la  lutte  contre  la  maison  d'Espagne.  Il  l'a  vu;  il  l'a  dit 
même  ;  mais  il  l'a  dit  en  quatre  lignes  ;  et  le  reste  de  ses  quatre  volumes 
oublie  trop  les  quelques  phrases  par  lesquelles  il  essaye  de  racheter 
négligemment  ce  qu'il  y  a  d'excessif  dans  la  sévérité  de  son  jugement. 
Le  conquérant  de  l'Alsace  et  des  Flandres,  le  préparateur  de  la  paix  de 
'Westphalie,  le  véritable  vainqueur  de  Rocroy  est  absent  du  livre  de 
M.  d'Avenel.  Une  pareille  omission  diminue  et  déséquilibre  une  œuvre 
historique  pleine  de  mérite,  mais  où  le  grand  ministre  de  Louis  XII i 
apparaît  comme  amputé  et  presque  décapité. 

Quant  à  la  thèse  libérale  développée  si  abondamment  et  si  inopiné-^ 
ment  au  cours  de  ces  quatre  volumes,  il  suffit  de  dire,  en  terminant, 
que,  si  elle  est  en  droit  de  rechercher  ses  origines  dans  l'histoire  de 
France,  s'il  lui  appartient  d'appuyer  par  les  laits  le  fameux  mot  dej 
Mm«  de  Staël  sur  le  Despotisme,  si  elle  doit  faire  une  part  dans  ses  sou- 
venirs aux  précurseurs  d'un  système  politique  qui  a  prévalu,  il  fautl 
prendre  garde   qu'elle   défigure   et  déforme  notre  passé  pour  l'adapterj 
à  la  mesure  des  conceptions  modernes.  Certes  le  libéralisme  parlemen-| 
taire  a  du  bon.  Puisque  M.  d'Avenel  s'en  déclare  le  partisan,  je  n'y  voifl 
pas  d'inconvénient.  Mais,  vraiment  vouloir  le  transporter  avec  arme;] 
et  bagages  à  deux  ou  trois  siècles  en  arrière,  c'est  trop,  oui,  c'est  tropj 
Contentons-nous  de  le  garder  dans  le  présent,  si   nous  pouvons;  mai 


d'histoire  et  de  littérature  379 

n'allons  pas  embarrasser,  par  son  apologie  intempestive,  la  mémoire 
d'hommes  d'Etat  qui  n'ont  à  rendre  compte  devant  l'histoire  que  des 
œuvres  qu'ils  ont  accomplies  et  non  des  aspirations  ou  des  rêves  des 
générations  dont  ils  ont  préparé  l'avènement. 

G.  H. 


220.  —  Genei'al  KIebei>,  ein  Lebensbild  von  Fr.îTEicHER,  kœnigl.  bayr.  Haupt- 
mann  (xut  Heft  der  Beitraege  zur  Landes=und  Volkeskunde  von  Elsass-Lothrin- 
gen).  Strassburg,  Heitz,  1890.  In-8,  48  p.   i  mark  20. 

Cette  petite  étude  sur  Kléber  comprend  cinq  chapitres  :  I^i',  Naissance 
etjeunesse;  II.  Munich;  III.  Au  service  de  l'Autriche;  IV.  Au  service 
de  France  ;  V.  Mort.  Les  deux  derniers   chapitres  n'offrent  rien  de  cu- 
rieux. Mais  on  glanera  dans  les  trois  premiers  quelques  nouveaux  détails. 
Le  grand-père  du  général  était  de  Wûlfershausen  en  Basse- Franconie. 
Il  acquit  dans  sa  trentième  année  le  droit  de  bourgeoisie  à  Strasbourg. 
Kléber  est  né  le  9  et  non  le  6  mars  175  3.    Après  un  séjour  au  corps  des 
cadets  de  Munich,  il  a  été  Privatcadett  au  38^  d'infanterie  autrichienne 
(régiment  Kaunitz),  du  i^r  octobre  1777  au  18  novembre  de  la  même 
année,  enseigne  du   19  novembre  1777  à  la  fin  de  mars  1779,   sous- 
lieutenant  du   l'^i' avril  1779  au   22  février  1785;  il  a  vécu  durant  ces 
quelques  années  à  Mons,  à  Senftenberg  (Bohême],   à  Luxembourg,  à 
Malines.  L'auteur  de  cette  étude  a  lu  Ernouf  et  Pajol,  mais  peut-être 
trop  rapidement.  Il  n'a  pas  tiré  grand  profit  de  ces  deux  ouvrages,  et  il 
laisse  de  côté  bien  des  particularités  intéressantes  qu'ignore  le  lecteur 
allemand.  En  outre,  il  a  fait  çà  et  là  quelques  erreurs.  N'est-ce  pas  une 
subtilité  de  dire  que  Landau  était  français  depuis  1680,  depuis  l'arrêt 
de  réunion  et  non  depuis  le  traité  de  Munster?  (p.  12).  Ne  faliait-il  pas 
citer  la  tradition  qui  attribue  à   Kléber  la  construction  de  l'église  de 
Chèvremont?  (p.  25).  Qu'est-ce  que  Royal  Louis  qui  tenait  garnison  à 
Belfort  en   1790;   n'est-ce  pas  Royal  Liégeois?  (p.   26).   N'est-il  pas 
inexact  de  dire  que  Wimpffen  nomma  Kléber  adjudant-major,  puisque 
tous  les  grades  des  bataillons  de  volontaires  étaient  donnés  à  l'élection? 
(p.  27),  Quelle  singulière  méprise  de  croire  que  Custine  était  enfermé 
dans  Mayence  et  qu'il  signa  la  capitulation!  M.  Teicher  ne  connaît 
donc  pas  Doyré,  et  n'a  pas  lu  dans  l'opuscule  de  Gœthe,  sur  le  siège  de 
la  ville,  le  portrait  du  fran^iJsiscker  Kommandant  «  gross,  wohlgebaut, 
schlank  »  ?  (p.  28).  Où  a-t-il  vu  que  Kléber  défendit  devant  le  Comité 
de  salut  public  la  conduite  de  Custine?  (idj.  Pourquoi  écrit-il  Monta- 
gne et  non  Montaigu,  Torfii  et  non  Torfou,  Chollet  et  non  Cholet, 
Binant  et  non  Dinan,  Lejevre  et  non  Ldchyre,  Davoust  et  non  Davout? 
(pp.  28,  29,  3o,  38).  Ne  devait-il  pas  nommer  l'héroïque  officier  qui  se 
fit  tuer  à  Boussay  et  qui  était  alsacien,  Schwardin  ?  (p.  28).   N'a-t-il 
point  parlé  trop  brièvement  —  trois  lignes   seulement — du  rôle  de 
Kléber  à  Fleur  us  et  devant  Maëstricht  et  Mayence?  (p.  3o).  A  quoi  bon 


38o  RKVUE    CRITIQUK    D^HISTOIHE    ET    DE    LITTERATURE 

la  longue  et  inutile  note  sur  Marceau?  (p.  3r).  N'est-ce  pas  une  erreur 
de  dire  que  Kléber  «  refusa  la  place  qu'on  lui  offrait  au  corps  législatif» 
(p.  32),  alors  qu''il  brigua  cette  place  de  député  et  n^obtint  pas  le  nombre 
de  voix  nécessaire?  Ne  faut-il  pas  dire  a  "Eugène  de  Beauharnais  »  et 
non  le  prince  Eugène  dans  un  récit  de  l'expédition  d'Egypte?  (p.  33). 
Le  nom  de  Belliard  est-il  vraiment  «  attaché  à  tous  les  exploits  de  la 
cavalerie  française  »?  Passe  pour  un  Lasalle  ou  un  Gurély,  mais  Bel- 
liard !  (p.  37].  Pourquoi  ne  pas  rappeler,  outre  le  fameux  rapport  du 
26  septembre  au  Directoire,  la  colère  de  Kléber  à  la  nouvelle  du  départ 
de  Bonaparte,  et,  comme  il  disait,  de  l'a  oiseau  déniché  ï>?  Qu'est  enfin, 
et  qui  connaît  parmi  nous  un  monument  élevé  à  la  mémoire  de  Kléber 
à  Paris,  sur  la  place  de  la  Victoire,  auf  dem  Siegesplat\é?  (p.  46). 

A.  Ghuquet. 

ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  2  mai  18 go. 

M.  le  comte  Robert  de  Lasteyrie  communique  une  étude  sur  un  chapiteau  roman 
de  l'église  Saint-Julien  de  Brioude,  qui  représente  deux  démons  emmenant  un  homme 
et  tenant  un  livre.  L'inscription  latine  qui  accompagne  cette  sculpture  a  été  gravée 
avec  négligence  et  a  donné  lieu  aux  explications  les  plus  aventureuses.  M.  de  Las- 
teyrie, comparant  le  chapiteau  de  Brioude  avec  un  chapiteau  analogue  de  l'église 
Notre  Dame-du-Port,  à  Giermont-Ferrand,  montre  que  le  sculpteur  a  voulu  taire  al- 
lusion à  une  légende  du  moyen  âge  suivant  laquelle  le  diable  inscrivait  les  péchés 
des  hommes  pour  les  leur  opposer  au  jour  du  jugement.  L'inscription  doit  se  lire 
ainsi  : 

MILLEARTIKEX  SCRIPSIT  TV  PERIISTI  VSSVRA 
Milleartifex  est  un  des  noms  du  diable.  Le  damné  saisi  par  les  démons  est  un  usu- 
rier; le  livre  est  le  registre  où  ont  été  marqués  ses  péchés  et  qui  doit  servir  à  le  con- 
fondre. 

M.  Oppert,  vice-président,  annonce  que  les  nouvelles  de  la  santé  de  M.  Schefer, 
président  de  l'Académie,  continuent  d'être  satisfaisantes. 

M.  Lecoy  de  la  Marche  termine  sa  communication  sur  la  prédication  et  les  prédi- 
cateurs de  la  croisade  au  xuie  siècle,  d'après  le  traité  du  dominicain  Humbert  de  Ro- 
mans. Il  donne  la  description  de  l'office  religieux,  à  la  suite  duquel  se  faisait  la  dis- 
tribution des  croix  aux  volontaires  de  la  guerre  sainte.  11  indique  les  objections  que 
faisaient  valoir  les  adversaires  des  projets  de  croisade  et  les  réponses  par  lesquelles  les 
prédicateurs  s'efforçaient  de  les  rétuter.  il  montre  ces  prédicateurs,  qui  sont  pour  la 
plupart  restés  obscurs,  jouant  en  réalité  un  rôle  des  plus  importants  :  c'étaient  eux 
qui  prenaient  la  part  la  plus  activeau  recrutement  et  à  l'enrôlement  des  croisés,  0[ui_ 
veillaient  à  leur  embarquement,  qui  souvent  même,  sur  le  champ  de  bataille,  les  en-' 
traînaient  au  combat  contre  les  infidèles. 

M.  le  comte  de  Charencey  présente  des  observations  sur  les  noms  des  métaux  chez 
les  populations  anciennes  de  la  Nouvelle-Espagne.  Depuis  les  débats  de  notre  ère, 
ou  peu  s'en  faut,  ces  peuples  savaient  travailler  le  cuivre,  l'or,  l'argent  et  même  le 
bronze;  mais  ils  ignoraient  l'emploi  du  fer.  On  a  prétendu  que  les  Péruviens  possé- 
daient un  procédé,  aujourd'hui  perdu,  pour  tremper  le  cuivre  et  lui  donner  la  dureté 
de  l'acier  ;  c'est  une  tradition  que  rien  ne  confirme.  La  comparaison  des  noms  des 
métaux,  ajoute  M.  de  Cbarencey,  en  mexicain  d'une  part  et  de  l'autre  chez  les  peu- 
ples du  Chiapa  et  du  Yucatan,  attesterait  chez  ces  derniers,  en  ce  qui  concerne  les 
progrès  de  l'industrie  métallurgique,  une  influence  d'origine  nahuatle.  Au  contraire, 
cet  art  aurait  eu  un  développement  beaucoup  plus  original  chez  leurs  voisins  du 
Guatemala  et  du  Soconusco. 

Ouvrages  présentés:  —  par  M. de  la  Villemarqué  :  Stokes  (\Whh\ey),  Lives  of  saiuiS _ 
from  tke   book  of  Lismove  Cextrait  des  Anecdota  Oxoniensia)  ;  —  par  M.  Delisle  :, 
Requin  (l'abbé),  l'imprimerie  à  Avignon  en  1444;  —  par   M.  Siméon   Luce   :  Ber-.I 
ïHELÉ  (Joseph)  :  i"  lanternes  des  morts,  croix  de  cimetières  et  de  carrefours  des  \ 
Deux-Sèvres;  2°  anciens  fondeurs  de  cloches  ayant  travaillé   en  Poitou;  3"  \'art,y 
campanaire  en  Poitou  du  xiii*  au  xiv^  siècle. 

Julien  Havet, 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N"  20  -   19  mai  —  1890 


Somixiaire  î  22  1.  Le  livre  des  parten-es  fleuris  d'Aboul  Walid,  trad.  par  Metzger. 

—  222.  Hélène,  Le  bronze.  —  223.  Meister,  Du  dialecte  cypriote.  —  224. 
Fehrnborg,  Les  verbes  latins  en  uo.  —  223.  Gagnât,  Cours  d'épigraphie  latine, 
2'^  édit.  —  226.  Wattenbach,  Les  lettres  de  Guy  de  Bazoches.  —  227.  Leroux, 
Géogryphie  et  histoire  du  Limousin.  —  228.  Michael,  L'Histoire  universelle  de 
Ranke.  —  229.  Cochin,  Boccace.  —  23o.  Caliarc,  Yeronese.  —  23 1.  Jurien  de 
LA  Gravière,  Les  ouvriers  de  la  onzième  heure.  —  2  32-2  33.  Le  général  Miranda. 

—  234.  Des  Essarts,  Le  théâtre  d'Alfred  de  Musset.  —  2  35.  Turner,  Les  ro- 
manciers russes.  ~  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


22  1.  —  JLe  livre  des  parterres  fleuris  d'Abou'l-Walid  Merwan  ibn  Djanah, 
traduit  en  français  sur  les  manuscrits  arabes  par  le  Rabbin  Moïse  Metzger,  élève 
diplômé  de  l'Ecole  pratique  des  hautes  études.  Paris,  Emile  Bouillon,  successeur 
de  F.  Vieweg,  1889,  grand  in-8,  xv  et  434  p. 

Ce  n'est  pas  sans  surprise  que  nous  avons  lu  dans  le  titre  transcrit  ci- 
dessus  ;  traduit  sur  les  manuscrits  arabes,   puisque  le  texte  original  a 
été  publié  par  M.  J.  Derenbourg  en    1886,  dans  le  soixante-sixième 
fascicule  de  TEcole  des  hautes  études.  La  préface,  à  laquelle  nous  nous 
sommes  adressé  pour  avoir  le  mot  de  l'énigme,  n'a  pas  mis  fin  à  notre 
étonnement  :  M.  Metzger  y  déclare  qu'il  avait  l'intention  de  joindre  à 
sa  traduction  le  texte  arabe,  mais  que  M.  J.  Derenbourg  ayant  eu  le 
même  dessein,  il  avait  renoncé  à  son  édition  «  pour  laisser  le  soin  d'en 
faire  une  à  un  savant  qui  est  de  nos  jours,  comme  Ibn  Djanah  le  fut  de 
son  temps,  un  des  plus  éminents  représentants  de  la  science  hébraï- 
que »;  et  il  annonce  que  cette  édition  a  en  effet  paru.  Mais  alors,  pour- 
quoi ne  s'en  est-il  pas  servi  pour  sa  traduction  ?  Et,  s'il  n'en  a  pas  fait 
usage,  comment  V imprimatur  a-t-il  été  donné  par  l'Ecole  des  hautes 
études,  dont  M.  M.  invoque  le  satisfecit  en  parlant  «  du  jugement  porté 
sur  notre  travail  par  les  deux  savants  commissaires,  MM.  J.   Deren- 
bourg et  Carrière,  qui  ont  bien  voulu  déclarer  que  notre   traduction 
était  digne  du  diplôme  de  l'École  des  hautes  études  »?  M.  M.  explique 
ensuite  que,  avant  d'aborder  sa  traduction,  il  a  coUationné  sur  les  mss. 
de  la  Bibliothèque  nationale  la  version  hébraïque  intitulée  le  Riqmah 
et  publiée  par  feu  Goldberg.  Quant  au  texte  arabe,  il  Ta  copié  dans  deux 
mss.  de  la  Bodléienne,  offrant  quelques  lacunes  qu'il  a  dû  combler  à 
'ùùde  du  Riqmah.   En  parcourant  la  traduction  de  M.  M.,  nous  avons 
:onstaté  par  les  notes  des  pages  que  ces  lacunes  sont  peu  étendues  et  ne 
sortent  que  sur  des  membres  de  phrases.  Nous  savons,  au  contraire,  par 
■'édition  de  M.  J.  Derenbourg  que  ces  deux  mss.  d'Oxford  ne  renfer- 
Nouvelle  série,  XXIX.  20 


382  REVUE   CRITIQUA 

ment  pas  même  les  quatre  cinquièmes  de  Touvrage;  il  y  a  des  chapitres 
entiers  qui  manquent.  C'est  grâce  à  un  ms.  du  British  Muséum  que 
M.  J.  Derenbourg  a  pu  compléter  Fouvrage  et  l'éditer.  Nous  avons,  en 
outre,  confronté  plusieurs  passages  de  la  traduction  avec  le  texte  édité 
dans  les  endroits  où  les  mss.  présentent  des  lacunes,  et  nous  avons  remar- 
qué que  la  traduction  est  conforme  à  ce  texte.  Nous  sommes  heureux  de 
le  déclarer  dans  l'intérêt  même  de  la  traduction,  mais  M.  M.  aurait  dû 
le  reconnaître  le  premier;  il  y  aurait  eu  tout  profit  pour  lui.  Son  livre 
aurait  aussi  gagné  à  renfermer  une  concordance  qui  permît  de  se  repor- 
ter du  texte  à  la  traduction.  C'était  un  travail  aisé  qui  aurait  épargné 
au  lecteur  des  recherches  fastidieuses, 

AbouU-Walid  est  un  des  grammairiens  juifs  qui  ont  le  mieux  pénétré 
le  génie  de  la  langue  hébraïque  ;  ses  œuvres  grammaticales  et  lexicogra- 
phiques  ont  joui  dans  ces  dernières  années  d'un  regain  de  popularité  et 
elles  ont  eu  l'honneur  d'être  publiées  par  les  savants  les  plus  compétents. 
La  traduction  de  M.  M.  nous  a  paru  exacte  et  faite  avec  soin;  elle  a  su 
triompher  des  difficultés  d'une  terminologie  arabe  appliquée  à  la  gram- 
maire hébraïque.  Elle  a  le  grand  mérite  de  mettre  à  la  portée  de  tous 
une  des  oeuvres  les  plus  importantes  pour  l'histoire  des  études  hébraï- 
ques au  xi"  siècle  de  notre  ère.  Sans  doute,  M.  M.  s'illusionne,  quand 
il  espère  que  son  livre  «  sera  non  seulement  un  guide  pour  les  hébraï- 
sants,  mais  qu'il  deviendra  un  véritable  livre  classique  dans  tous  les 
établissements  supérieurs  où  l'on  enseigne  sérieusement  Fhébreu.  » 
Depuis  neuf  siècles,  les  méthodes  d'enseignement  ont  heureusement  fait 
des  progrès  ;  un  maître  qui  recommanderait  cette  traduction  à  ses 
élèves  comme  un  manuel  d'étude  de  la  langue  hébraïque,  passerait  aux 
yeux  de  ceux-ci  pour  ne  pas  enseigner  sérieusement  Fhébreu.  iÛ\ 

Rubens  Du  val.       >i\ 


41 

222.  —  t.e  brcnsee,  par  Maxime  Hélène.  Ouvrage  illustré  de  8o  vignettes  [BibliO' 
tlieque  des  merveilles).  Paris,  Hachette,  1890.  In-i6  de  111-286  p.  j\\ 

On  constate,  depuis  dix  ans,  une  notable  amélioration  dans  les  petilsj 
ouvrages  d'enseignement  ou  de  lecture  relatifs  à  l'archéologie  et  à  Phis» 
toire  de  l'art.  Cela  tient  sans  doute  à  l'existence  de  bons  livres,  commfj 
ceux  de  MM.  Perrot  et  Chipiez,  Miintz,  GoUignon,  etc.,  où  les  compi- 
lateurs,   même    inintelligents,  peuvent  aller  copier   sans  fatigue  de; 
renseignements  exacts.  D'autant  plus  a-t-on  le  droit  d'être  sévère  pou 
des  productions  du  genre  de  celle-ci,  où  il  n'y  a  ni  composition,  n| 
style,  ni  connaissance  du  sujet.  L'auteur  commence  pardonner  des  reni 
seignements  techniques  sur  le  bronze,  puis  il  étudie  le  bronze  chez  lej 
différents  peuples  de  l'antiquité  et  des  temps  modernes  ;  après  quoif 
comme  s'il  s'était  aperçu  que  son  volume  n'était  pas  assez  long,  il  revîer 
aux  bronzes  de  l'antiquité  et  termine  par  un  chapitre  sur  la  salle  d( 
bronzes  antiques  du  Louvre.  Le  style  témoigne  d'une  inexpérience  ' 


d'histoire   et  de   LlTTéRATURB  383 

d'un  manque  de  soin  extraordinaires.  «  Praxitèle  vécut  à  Athènes,  où  ii 
était  célèbre  pour  son  talent  comme  pour  ses  relations  avec  la  courtisane 
Phryné  »  (p.  65).  «  Quelquefois  on  dédiait  à  un  dieu  la  statue  d'un  autre 
dieu.  Telle  est  celle  qu'on  lit  sur  TApoUon  de  bronze  de  Piombino  » 
(p.  71).  Quant  aux  erreurs,  elles  sont  innombrables  et  souvent  comi- 
ques. «  Lysippe  nous  est  surtout   connu  par  la   fameuse   statuç  en 
bronze(!)  du  Vatican,  V Apoxyoménos, SiXhléie  qui  portesousson  bras(!) 
le  strygile  (sic),  espèce  de  racloir  qui  servait  à  enlever  Thuile  et  le  sable. 
dont  les  athlètes  soignaient  (sic)  leur  corps  dans  les  palestres  »  (p.  65). 
«  La  plus  célèbre  est  la  ciste  Ficosoni  (sic),  qui  représente  Tarrivée  des 
Argonantes  (sicj  en  Bithynie.  Cette  ciste  porte  l'inscription  latine  sui- 
vante :  NAVios  (sic)  phAUTAS (sic)...  MACALuiA  (sic)  FiLEO  (sic)ïiADir  (sic)  » 
(p.  91).  —  «  On  a  pu  récemment  juger  par  l'exposition  des  trouvailles 
de  M.  Dieulafoy  de  la  perfection  de  l'art  indien   (sic)  à  cette  époque  » 
(p.  38).  Inutile  d'ajouter  que  ies  noms  sont  estropiés  et  confondus  à  plai- 
sir :  Cesnola  s'appelle  trois  fois  Cesuala,  Salzmann  devient  Sal:{manos, 
Samos  se  transforme  en  Damas,   Paeonios  en  Poeyiias,  Panaenos  en 
Pancenos.  Un  mot  aussi  connu  que  celui  de  toreutique  se  présente  une 
fois  sous  la  forme   torantiqiie  {^.  \6),  unQ  omUq  sous   celle   de  toreri' 
tique  (p.  77).  La  Bibliothèque  des  merveilles,  qui  compte  déjà  bien  des 
volumes  médiocres,  vient  de  s^en  adjoindre  un  qui  prend  rang  dans 
Ja  série  des  pires. 

Salomon  Reinach. 


« 


223.  —    R.  Meister.    Zum   eleîsclien,    arkadischen   und   kyprischen  Dialekte. 
Leipzig,  Giesecke  et  Devrient,  1S90,  45  p. 

M.  Meister  répond  aux  critiques  dirigées  contre  son  second  volume 
par  M.  Hoffmann  dans  un  article  des  Gott.  gel.  An'{.  1889,  n"  22, 
p.  873-904.  Il  a  souvent  raison,  mais  parfois  aussi  ses  arguments  man- 
quent de  solidité,  et  Tobjection  reste  entière  i.  On  n'attend  pas  sans 
doute  que  j'entre  dans  les  détails  ;  ces  sortes  de  répliques  ont  en  général 
peu  dMntérét,  et  elles  ne  sont  guère  à  leur  place  que  dans  le  cas  où  elles 
rétablissent  des  faits  sciemment  dénaturés  par  Tadversaire.  Mais  il  y  a 
des  pseudo-érudits,  qui  veulent  à  tout  prix  des  éloges,  et  ne  peuvent 
voir  signaler  leurs  erreurs,  même  de  la  façon  la  plus  modérée,  sans  pren- 

1.  J'en  veux  donner  un  exemple,  qui  vient  corroborer  un  passage  de  ma  recen- 
sion.  P.  33,  en  réponse  à  Hoff'm.  :  «  Le  j  de  ces  signes  {ja  et  Je)  est  un  son  para- 
site qui  ne  peut  jamais  se  subsister  à  t  »,  M.  écrit:  uLejod  cypriote  est,  d'une  part..., 
d'autre  part  le  >.  intervocalique  prononcé  comme  consonne...  En  cypriote,  cet  i  in- 
tervocalique  devenu  consonne  est  ou  exprimé  parjoi,  etc.  »  A  l'appui,  Oi:zjov  z=  Oixiov 
pour  Oi'zyov  (Hcsych.),  explication  fort  contestable,  et  ot7ï='ja  =  otîeiV,  lecture  conjec- 
turale ne  reposant  que  sur  des  signes  douteux.  On  voit  comment  d'une  forme  hy- 
pothétique on  tire  une  règle  qui  sert  ensuite  à  expliquer  l'hypothèse  (cf.  Dial., 
t-  II,  p.  164  et  236).—  P.  i3,  1.  I,  lire  -5ic73t;  1.  3,  lire  Morph.  Uni.  IV,  409;  p.  14, 
l- 19,  au  lieu  de  n»  5 1,  lire  47. 


384  REVUK    CRITIQUE 

dre  immédiatement  la  plume  pour  répondre  :  «  J'ai  raison  et  mon  cri- 
tique est  un  ignorant.  »  On  soupçonne  fort  que  cette  belle  indignation 
ne  sert  qu'à  masquer  leur  propre  insuffisance.  Je  me  hâte  d'ajouter  que 
M.  Meister  n'appartient  pas  à  cette  catégorie,  et  que  le  ton  parfois 
acerbe,  parfois  dédaigneux  de  M.  Hoffmann  justifie  jusqu'à  un  certain 
point  une  réponse.  Mais,  en  somme,  à  quoi  aboutit  cette  discussion, 
dans  laquelle  d'ailleurs  M.  M.  est  souvent  aussi  vif  que  son  adversaire? 
Il  n'en  jaillit  aucune  lumière;  aucun  des  points  en  question  n'est  vrai- 
ment éclairci  ;  nous  ne  voyons  là  qu'une  querelle  stérile  entre  deux  sa- 
vants également  estimables,  qui  auraient  mieux  fait,  l'un  d'être  plus  mo- 
déré dans  sa  critique,  l'autre  de  n'y  pas  répondre.  A  quoi  bon?  Le  pu- 
blic savant  aurait  bien  jugé  sans  cela,  et  M.  Meister  n'avait  pas  à 
craindre  que  son  second  volume  jouit  d'une  moindre  faveur  que  le 
premier. 

My. 


224.  —  De  Verbis  Latinis  in  uo   divisas   desinentibus  Disputatio.   Scripsit  O.  I. 
Fehrnborg.  —  Holmiœ,  Norstedt  et  Sœner,  mdccclxxxix.  In-8,  70  pp. 

L'auteur  de  cet  opuscule  veut  bien  nous  avertir  (p.  2)  que  nous  n'y 
lirons  rien  de  nouveau.  C'est  trop  de  modestie  :  il  est  vrai  qu'il  s'est 
plus  attaché  à  résumer  l'état  actuel  des  questions  qu'à  les  faire  avancer; 
mais  cela  même  est  un  profit  incontestable  pour  une  science  dont  les 
progrès  sont  si  rapides  qu'on  a  peine  à  s'en  tenir  au  courant.  M.  Fehrn- 
borg est  un  guide  très  sûr,  il  a  consciencieusement  dépouillé  la  biblio- 
graphie de  son  sujet,  et  il  est  rare  qu'on  le  trouve  en  défaut.  Les  tra- 
vaux français  lui  sont  toutefois  moins  familiers  que  les  autres,  bien 
qu'il  ne  paraisse  pas  ignorer  notre  langue  :  il  attribuera,  par  exemple^j 
à  M.  Thurneysen  exclusivement,  une  découverte   (p.  8)  dont  le  profes* 
seur  de  Fribourg  partage  l'honneur  avec  M.  L.  Havet  ^,  et  citera,  suf| 
le  subjonctif  latin  en  -am  (p.  49),  une  théorie  très  rudimentaire,  com- 
plétée  depuis  et,  si  je  ne  me  trompe,  définitivement  arrêtée  dans  seij 
lignes  essentielles  par  M.  Léon  Job  ^. 

M.  F.  s'est  proposé  d'étudier  les  verbes  latins  en   uô  dissyllabique! 


1.  Mém.  Soc.  Ling.,  VI,  p.  17. 

2.  Cf.  Mém.  Soc.  Ling.,  Vf.  p.  347.  —  Une  simple  constatation  ;:7ro  domo  :  M.  Fj 
emprunte  à  M.  Stolz  une  explication  de  suus  =  sovos  (p.  3o),  fondée  sur  l'atonij 
fréquente  des  possessifs;  or,  cette  explication  qui  ne  se  trouve  pas  dans  la  premietl 
édition  de  Stolz  (p.   149),  se  lit  dans  la  deuxième  (p.  262),  probablement  emprunttjj 
à  la  première  édition  de  ma  Grammaire  comparée  (p.  47,  n.  2),  qui  avait  paru  dart 
l'intervalle.  L'auteur  cite  Stolz  et  ne  me   cite  pas  :  je  le  laisse  juge  du  procédé. 
n'aurais  pas  relevé  cette  vétille  si  elle  ne  procédait  d'un    parti    pris  :    M.  Stolz  rj 
mentionne  guère  de  moi  que  les  opinions  qu'il  déclare  «  unhaîtbar  »  ou  qu'il  agn 
mente  spirituellement  d'un  point  d'exclamation  :  après  quoi  il  a  beau  jeu  à  assur 
que  j'ai  traité  la  grammaire  latine  «  en  marâtre  »,  et  tous  ceux  qui  ne  liront  que  1': 
l'en  croiront  sur  parole. 


il 


d'histoire    et    de    LITTEKATURE  385 

excluant  avec  raison  le  type  seqiior  linquô,  qui  se  réclame  d'une  origine 
toute  différente.  Il  les  divise  d'abord  en  verbes  primaires  (directement 
tirés  d'une  racine),  et  verbes  secondaires  (démonstratifs  dérivés  d'un 
thème  nominal).  — Les  verbes  primaires  comprennent  :  i"  ceux  à  sim- 
ple voyelle  thématique  e/o  (*  niiô  de  annuô,  txc.^pliiô,  *u6  de  indîiu,  etc., 
luô  -i  laver  »,  cluù  «  nettoyer  »,  cluù  (c  s'appeler  »,  liiù  «  expier  »,  ''''  liiù 
«  souiller  »,  riiô  ',  tiior  «  lucor  »,  *  griiô  de  ingrnô,  etc.,  *  biiô  de  im- 
buô,  gluô-,  Jluô,  struô,  fruor)  ;  2"  ceux  à  suffixe  -yo-  (stiu,  spnô); 
3"  ceux  tirés  de  verbes  non  thématiques  en  -nu-  (type  miniiô)  ;  4°  ceux 
refaits  sur  des  thèmes  d'aoristes  (type  "  fuôj.  —  Les  verbes  dénominatifs 
ne  requièrent  naturellement  qu'une  courte  énumération  (type  statua, 
metuô).  —  A  la  fin,  deux  petits  chapitres  sont  consacrés  à  la  formation 
du  parfait  (parfait  latin  en  -m  et  en  -si)  et  à  celle  des  supins  et  parti- 
cipes. 

Plusieurs  assertions  semblent  hasardées  :  l'existence  en  sanscrit  d'une 
racine  cru  «  couler  »  (p.  9)  me  paraît  fort  douteuse,  étant  donnée  la 
fréquence  des  lectures  c  pour  s  dans  les  anciens  textes  et  l'existence  de 
la  racine  sru  bien  connue;  comme  un  latin  *  clovâ  (p.  10)  peut  à 
volonté  remonter  à  *  klov-â  ou  à  '  klev-â,  il  est  beaucoup  plus  prudent 
de  poser  *  klev-â,  puisque  le  latin,  concordant  ici  avec  le  sanscrit  et  les 
autres  langues  indo-européennes,  ignore  presque  la  catégorie  des  fémi- 
nins à  racine  fléchie  (toga  est  le  seul  sûr  à  ma  connaissance),  que  le  grec 
a  s/  considérablement  développée;  la  parité  ingriiû  :  "^ grava  =  abluu  : 
lavô  (p.  22)  est  inexacte,  puisque  l'a  de  lavô  procède  d'un  o  indo-euro- 
péen, tandis  que  le  ra  de  gravis  représente  sans  doute  une  liquide- 
voyelle;  on  ne  voit  pas  comment  zmôz^o  pourrait  venir  de  *z;2^eyo  [p.  24), 
alors  que  le  g"  vélaire  ne  devient  è  qu'en  grec;  en  faisant  violemment 
contraster  la  déclinaison  des  deux  types  sanscrits  tanû-  et  vadhû-  (p.  5  i  ), 
M.  F.  oublie  que  ce  dernier  ne  fait  pas  seulement  à  l'accusatif  vadhûm, 
mais  aussi  vadhvàm  =  vadhiîam  en  védique,  v.  g.  R.  V.  X.  107,  9;  il 
y  a  exagération  à  écrire  que  la  réduplication  était  «  abicienda  »  en  latin 
dans  les  verbes  composés  (p.  60),  puisque  le  type  connu  rettuli  repperî 
en  conserve  la  trace  non  équivoque. 

Ces  quelques  remarques  ne  nous  empêcheront  pas  de  féliciter  sincè- 
rement M.  Fehrnborg  de  son  heureux  début. 

V.  Henry. 


1.  Rua  z=  op-j'j;j.f.  (p.  27),  c'est  là  une  application  bien  hardie  des  théories  de  M.  de 
Saussure,  et  je  ne  sais  jusqu'à  quel  point  mon  savant  confrère  la  ratifierait. 

2.  Ces  treize  verbes  auraient  la  racine  normale, l'aftaiblissement  en  u  procédant  de 
l'analogie  des  composés  [piuû  pour  *plovô,  etc.);  les  trois  suivants  seuls,  la  racine 
réduite. 


386 


REVUE   CRITIQDK 


225.  —  Cours  «répigrnplilc  latine,  2^  édition  entièrement  refondue  et  accom^ 
pagnée  de    planches  et  de  figures,  par  René  Gagnât,  professeur  d'épigraphie  la-^ 
tine  et  antiquités  romaines  au  collège  de  France.  Paris,  Thorin,  1SS9,  gr.  in- 
xxvi-436  pp. 


Le  cours  élémentaire  d'épigraphie  latine,   publié  en  1886  par  M^ 
Gagnât,  a  obtenu  un  si  prompt  succès  qu'il  en  a  fallu  faire  dès  i88ç 
une  deuxième  édition,  qui  a  été  assez  considérablement  accrue  pouj| 
pouvoir  prendre  désormais  sans  épithète  le  titre  pur  et  simple  de  Couri 
d'épigraphie  latine.   Le  livre  de  1886  n'avait  pas  en  tout  2  5o  page^ 
Celui  de  1889  en  a  presque  le  double.  Le  texte  du  premier  n'était  éclair 
par  aucun  exemple  graphique.  Le  second  contient  un  certain  nombri 
de  planches  que  des  bibliophiles  pourraient  vouloir  plus  abondantes 
plus  luxueuses,  mais  qui  sont  parfaitement  suffisantes  pour  les  travailJ 
leurs  auxquels  il  s'adresse.  Des  tables  nouvelles  et  commodes  ont  et 
dressées.  Des  chapitres  ont  été  ajoutés.  D'autres  ont  été  très  augmenté^ 
Mais  l'ouvrage  garde  les  mêmes  traits  généraux.  Le  plan,  très  simple 
très  clair,  reste  le  même,   sauf  quelques  additions  et  remaniements! 
d'abord  les  préfaces  et  une  bibliographie  de  l'épigraphie  latine  (qJ 
n'était  pas  dans  la  première  édition);  une  première  partie  (nouvella 
relative  aux  alphabets  usités  dans  les  inscriptions  romaines;  uneseconc 
partie  consacrée  aux  éléments  communs  des  inscriptions,  qui  contient 
un  chapitre  sur  les  noms,  un  autre  sur  les  cursus  honorum,  et  un  autre 
sur  les  titres  des  empereurs  et  des  membres  de  leur  famille,  auquel 
l'auteur  a  joint,  avec  raison,  une  liste  chronologique  des  empereurs, 
primitivement  rejetée  à  la  fin  du  volume,  dans  un  appendice  beaucoup 
plus  court;   une  troisième  partie,  également  fort  augmentée,  relative 
aux  diverses  classes  d'inscriptions  et  aux  formes  propres  de  chacune: 
puis  un  chapitre  complémentaire  sur  la  restitution  et  la  critique  dei 
inscriptions,  et  enfin  une  table  générale  des  sigles  et  abréviations  oii 
l'on  peut  apercevoir  d'un  seul  coup  d'œil  toutes  les  acceptions  diverses 
des  mêmes  signes  déjà  indiquées  dans    le  corps  de  Touvrage  par  un«j 
série  de  tables  spéciales.  — C'est  toute  l'épigraphie  et  peut-être  quelqutj 
chose  encore.  M.  Hûbner,  qui  a  signalé  le  Cours  élémentaire  en  terme.'] 
flatteurs,  dans  son  traité  d'épigraphie  du  Manuel  d'Iwan  Millier,  notaii 
alors,  avec  une  nuance  de  regret,  que  l'auteur  n'avait   pas   toujourj 
rigoureusement  séparé  des  renseignements  épigraphiques  d'autres  infor] 
mations,  d'une  portée  plus  large,  se  rattachant  à  l'histoire  ou  aux  antîj 
quités.  Le  livre  de  1889  n'est  pas  pour  le  consoler,  et  je  crois  bien  qu'i 
y  a  tel  chapitre  nouveau,  comme  celui  sur  l'alphabet,  qu'il  renverrai] 
tout  entier  aux  manuels  de  paléographie. 

Cependant,  M.  C.  sait  ce  qu'il  fait,  et  nous    ne  pensons- pas  qu 
ait  tort.  Il  y  a  deux  façons  de  comprendre  l'exposition  d'une  sciencj 
particulière.  La  première  et  la  plus  stricte  consiste  à  ne  parler  que  cl 
ce  qui  rentre  absolument  et  exclusivement  dans  le  cadre  de  cette  scienoj 
à  garder  un  mutisme  inflexible  sur  toute  question  qui  appartient  al 


d'histoire  et  dk  littératdrb  387 

domaine  d'une  autre  discipline,  alors  même  que  cette  discipline  ne  lui 
accordera  peut-être  qu'une  attention  distraite,  alors  même  que  cette 
discipline  attend  encore  son  exposition  méthodique,  comme  c'est,  par 
exemple,  le  cas  de  la  diplomatique  romaine,  pour  laquelle,  suivant  la 
juste  observation  faite  par  M.  Bresslau  au  début  du  Handbuch  der 
Urkundenlehre,  il  n'y  a  pas  encore  un  traité  spécial.  Mais  il  y  a 
une  autre  méthode  concevable.  On  peut  aussi,  sans  trop  se  faire,  scru- 
pule d'empiétements  sans  danger  sur  des  territoires  limitrophes  ou  inoc- 
cupés, prendre  pour  principal  objectif  de  fournir  à  ses  lecteurs,  dans 
la  plus  grande  intégralité  possible,  les  renseignements  divers  dont  ils 
auront  besoin  pour  l'étude  à  laquelle  on  les  invite,  se  préoccuper  avant 
tout  de  rassembler  à  leur  profit  en  un  seul  lieu,  l'outillage  complet 
qu'une  division  du  travail  plus  rigoriste  les  obligerait  à  chercher  en 
beaucoup  d'endroits,  au  risque  de  n'en  trouver  certaines  pièces  nulle 
part.  La  première  méthode  a  été  suivie  avec  infiniment  de  logique  et  de 
compétence  par  M.  Hûbner,  dans  le  traité  d'épigraphiequ'ila  écrit  pour 
le  manuel  d'I.  Miiller.  Le  cours  d^épigrapliie  a  dû,  croyons-nous,  sa  ra- 
pide diffusion,  pour  une  bonne  part,  au  sens  pratique  très  juste  avec  le- 
quel son  auteur  a  résolument  adopté  la  seconde.  La  pensée  dominante  de 
M.  C.  a  été  de  mettre  en  un  seul  ouvrage,  à  la  disposition  de  ceux  qui  veu- 
lent étudier  les  inscriptions  latines,  la  solution  des  principales  difficultés 
techniques  qu'ils  sont  destinés  à  rencontrer.  C'est  une  idée  didactique 
excellente  dont  l'auteur  s'était  inspiré  dès  le  principe  ;  mais  il  l'a  appli- 
quée avec  une  toute  autre  largeur  dans  cette  deuxième  édition,  à  laquelle 
il  sera  désormais  indispensable  de  recourir.  Nous  nous  bornerons  à  lui 
soumettre  quelques  observations,  qui  se  rattachent  presque  toutes  au 
même  point  de  vue,  relativement  aux  deux  portions  du  livre  que  nous 
avons  étudiées  avec  le  plus  de  soin  :  le  chapitre  des  noms  et  la  partie  des 
diverses  catégories  de  titres. 

Le  chapitre  des  Noms  était  déjà  un  des  meilleurs  et  des  plus  utiles 
de  la  première  édition,  et  nous  en  avons  ici  une  version  revisée  et  amé- 
liorée. Mais  il  pourrait,  croyons-nous,  être  rendu  encore  plus  complet 
et  plus  instructif  par  un  certain  nombre  d'additions  faciles.  P.  72,  l'opi- 
nion émise  par  M.  Mommsen,  Romische  Tribus,  p.  100,  sur  l'attribution 
de  la  tribu  Collina  aux  enfants  naturels,  a  été  rectifiée  par  lui-même  dans 
ce  qu'elle  avait  de  trop  absolu,  Staatsrecht,  111,  p.  443  =tr.  f.  VI,  2,  p. 
2g.  —  P.  74,  M.  C.  adopte,  sur  l'adoption  testamentaire,  le  système  sou- 
tenu par  M.  Henry  Michel,  £)ro/f  de  cité  romaine,  selon  lequel  l'adop- 
tion testamentaire,  valant  simplement  institution  d'héritier  avec  obli- 
gation de  porter  le  nom,  n'entraînerait  pas  de  modification  dans  la 
portion  du  nom  qui  indique  la  filiation;  il  serait  utile  au  lecteur  de 
savoir  que  la  question  est  controversée  et  que  l'opinion  contraire  a  été 
soutenue  par  M.  Mommsen  dans  Y  Étude  sur  Pline  le  jeune,  traduite 
par  M.  Morel.  —  P.  78,  au  sujet  des  esclaves  qui  portent  un  second 
nom  terminé  en  anus  et  dérivé  de  celui  de  leur  ancien  maître,  l'auteur 


388  REVUE    CRITIQUE 

aurait  pu  mentionner,  à  côté  des  esclaves  impériaux,  pour  lesquels  il 
cite  un  travail  récent  de  M.  Hiilsen,  les  esclaves  du  peuple  romain,  pour 
lesquels  l'usage  est  probablement  le  plus  général  et  le  plus  correct.  — 
P.  79,  note  i,  je  crois  qu'il  y  avait  «  dans  la  dénomination  des  affran- 
chis des  particularités  permettant  de  distinguer  ceux  qui  jouissaient  du 
jus  Quiritium  de  ceux  qui  étaient  seulement...  déditices  »;  car  les 
affranchis  déditices,  comme  les  déditices  quelconques,  devaient  nécessai- 
rement se  reconnaître  aux  formes  de  leur  nom,  en  vertu  de  la  règle  citée 
page  77,  note  2,  qui  défend  aux  pérégrins  de  porter  des  noms  de  forme 
romaine.  —  P.  8o,  sur  la  fraction  du  nom  dans  laquelle  l'affranchi 
indique  ses  liens  de  patronat,  on  pourrait  noter  l'usage  ancien  attesté 
par  des  inscriptions  [Eph.  ep.,  I,  20,  IV,  246),  d'appeler  Taffranchi  C. 
serviis  et  non  C.  libertus. 

La  partie  relative  aux  Diverses  classes  d'inscriptions  et  à  la  forme 
propre  à  chacune  d'elles  traite  un  des  points  essentiels  de  tout  traité 
d'épigraphie.  Elle  s'est  sensiblement  accrue  d'une  édition  à  Tautre.  Le 
paragraphe  5,  relatif  aux  actes  publics  et  privés,  qui  est  peut-être  le  plus 
important,  a  été  soigneusement  revu  et  fort  augmenté  :  87  pages 
au  lieu  de  16.  Nous  y  relèverons  pourtant  les  détails  suivants.  M.  C. 
admet,  p.  258,  que  dans  la  formule  initiale  des  plébiscites  «  le 
magistrat  nommé  est  le  tribun  de  la  plèbe  »,  et  il  restitue  dans  ce  sens, 
au  singulier,  le  début  de  la  loi  Acilia.  Il  serait  plus  exact  d'employer  le 
pluriel;  la  preuve  décisive  en  est  dans  les  débris  du  commencement  de 
la  loi  Antonia  de  Termessibus. —  Il  eut  été  utile  de  noter,  à  la  même 
page,  que  M.  Mommsen  a  donné  de  beaucoup  de  lois  de  la  République, 
dans  la  cinquième  édition  des  Fontes  jiiris  de  Bruns,  un  texte  qui 
présente  des  divergences  de  restitution  intéressantes  avec  celui  donné 
par  lui  précédemment  dans  le  C.  I.L.  M.  Mommsen  l'a  spécifié  expres- 
sément en  quelques  endroits,  par  exemple  pour  la  loi  Acilia.  Mais  il  en 
est  de  même  ailleurs  encore,  notamment  dans  la  loi  agraire  et  dans  la 
loi  Antonia  :  il  suffit,  pour  s'en  assurer,  de  comparer  la  cinquième  édi- 
tion des  Fontes^  donnée  par  M.  Mcmmsen  en  1887,  avec  la  quatrième, 
donnée  par  Bruns  en  1879,  et  avec  le  C.  1.  L.  — L'auteur  ne  dit  pas, 
p.  259,  en  quel  sens  il  emploie  le  terme  :  lois  municipales,  qui,  dans  sa 
portée  usuelle,  s'appliquerait  mal  à  la  loi  Acilia  et  à  la  loi  de  Bantia, 
placées  par  lui  dans  cette  catégorie.  —  Il  faut  ajouter,  p.  261,  à  la  liste 
des  sénatus -consultes  de  langue  latine,  le  sénatus-consulte  relatif  au 
pagus  Montanus^  découvert  à  Rome  en  1875  ('C  /.  L.,  VI.  3823).  — La 
date  de  676  =.  78,  donnée  p.  27 1 ,  pour  la  lettre  du  préteur  Cornélius  aux 
Tiburtes,  a  bien  été  signalée  comme  la  plus  probable  par  M.  Mommsen, 
C.  L  L.,  I,  201 .  Mais  elle  paraît  aujourd'hui  peu  soutenable  et  elle  est 
actuellement  rejetée  par  l'auteur  même  qui  l'avait  proposée.  En  effet,-il 
comme  l'a  montré  M.  Foucart  dans  son  commentaire  du  sénatus-' 
consulte  de  Thisbé  de  584,  Un  se,  inédit  de  Van  lyo  av.  J.-C,  p.  25,^1 
et  comme  M.  Mommsen  l'a  immédiatement  reconnu  dans  son  coni-'f 


d'histoire  et  de  littérature  389 

mentaire  du  même  titre,  Eph.  ep.,  I,  p.  289,  l'absence  de  la  tribu  dans 
les  noms  de  témoins  du  se.  relaté  par  noire  titre  ne  permet  pas  de  le 
faire  descendre  au  vu"  siècle,  et  c'est  sous  la  date  de  585,  en  vertu  de 
l'attribution  au  consul  de  588,  déjà  proposée  par  Ritschl,  qu'il  est  placé 
dans  la  cinquième  édition  àts  Fontes. — Le  paragraphe  des  actes  publics 
du  peuple  romain,  où  l'auteur  donne  des  renseignements  très  pratiques 
sur  les  fastes  et  le  calendrier,  eût  encore  mieux  informé  les  lecteurs  s'il 
eût  contenu  un  peu  plus  de  bibliographie.  Une  liste  des  fragments  des 
fastes  triomphaux,  découverts  depuis  la  publication  du  tome  I*""  du 
C.  /.  L.  jusque  et  y  compris  le  fragment  communiqué  à  Tacadémie  des 
Lincei,  le  16  décembre  1888,  n'eût  par  exemple,  pas  été  moins  justifiée 
que  celle  des  fragments  des  fastes  des  fériés  latines,  donnée  avec  rai- 
son p.  277. —  Peut-être  sommes-nous  dupes  de  nos  tendances  personnel- 
lesen  trouvant  bien  laconiques  les  deux  pages  relatives  aux  actes  privés. 
En  tout  cas,  il  serait  bon  de  noter,  p.  293,  note  2, à  côté  des  restitutions 
indiquées  des  triptyques  de  Pompéï,  celle  absolument  différente  et 
depuis  généralement  admise,  donnée  par  M.  Eck,  Zeitschrift  der 
Savigny-Stiftung,  IX,  1888,  RiJm.  Abtli.,  pp.  60-97.  Enfi'^  est- il 
vraiment  aussi  impossible  que  le  dit  l'auteur  de  «  donner  des  règles  au 
sujet  de  ces  sortes  de  monuments,  dont  les  formules  varient  avec  le  con- 
tenu des  actes  mêmes?  »  Il  y  a  tout  au  moins  des  règles  générales  de 
confection  matérielle,  celles  que  M.  C.  indique,  p,  268,  à  propos  des 
diplômes  militaires,  et  qui  ont  été  faites  autant  et  plus  pour  les  actes 
privés.  On  peut  aussi  discerner  des  règles  de  rédaction.  Les  litres  de 
Jucundus  qui  ne  sont  malheureusement  pas  «  toutes  les  archives  d'un 
commissaire-priseur  »,  mais,  ainsi  qu'il  est  dit  plus  exactement  p.  6, 
la  collection  de  ses  quittances,  révèlent,  mieux  que  tous  les  autres  monu- 
ments, Texistence  de  deux  types  d'actes  probatoires,  les  uns  rédigés  im- 
personnellement à  la  3e  personne  et  indiquant  simplement  un  fait  et 
ses  témoins,  les  autres  émanant  de  celui  même  à  qui  ils  doivent  être 
opposés  et  constituant  de  véritables  reconnaissances.  Il  est  vrai  que 
c'est  là  de  la  diplomatique  et  non  de  l'épigraphie,  et  que  notre  chicane, 
comme  la  plupart  de  celles  que  nous  avons  déjà  faites  à  l'excellent  livre  de 
M.  Gagnât,  se  ramène  non  pas  à  la  critique  d'une  assertion  fausse,  mais 
au  regret  d'une  omission  explicable,  à  la  demande  d'un  supplément 
d'informations  que  l'auteur  aura  sans  doute  l'occasion  de  nous  donner 
un  jour  dans  une  nouvelle  édition  encore  plus  complète  et  plus  déve- 
loppée 1. 

P.  F.  Girard. 

1.  Nous  avons  relevé  quelques  fautes  d'impression.  P.  9,  les  inscriptions 
d'Alburnus  Major  sont  du  n"  siècle  et  non  pas  du  m".  —  P.  44,  note  i, 
il  faut  lire  au  lieu  d'Ulpien,  Dig.  XV,  2  et  16,  i,  Ulpien,  Reg.  XV,  2  et  XVI, 
I.  —  P.  171,  le  règne  d'Auguste  finit  en  14  et  non  en  i5  ap.  J.-C.  — 
P.  188,  Commode  est  mort  le  3i  décembre  192  et  non  igS.  —  P.  239,  la  loi  Acilia 
repetundarum  n'est  pas  de  l'an  621  =  i33,  mais  de  l'an  63i  ou  632.  —  P.  261,  le  se. 
Volusien  voté  Q..  Volusio  et  P.  Conielio  cos.,  est  de  l'an  56  et  non  bj.  —  P.  271, 


390  REVUE    CRITIQUE 

226.  —  I>îo  Kti'icl'o  des  Caiionieus  Guid»  von  Sin7.oclltcs,  Cantons  zu 
Cliâlons  im  zwœlften  Jahrhundert,  von  W.  Wattenbach.  (Extrait  des  Sitzungsber. 
der  Kœnig.  pieuss.  Akad.  d.   Wissench.  zu  Berlin,  fcvrier  1890). 

Voici  une  intéressante  e'tude  sur  les  lettres,  encore  inédites,  de  Guy 
dcBazoches;  elle  est  d'autant  plus  intéressante  qu'elle  contient  une 
analyse  détaillée  de  chacune  de  ces  lettres.  Longtemps,  on  les  a  cru 
perdues;  Petit- Radel  (Hist.Litt.  de  la  France,  XVI,  477  sqq.),  com- 
prenant mal  l'expression  par  laquelle  Albéric  de  Trois-Fontaines  dési- 
gne ce  recueil,  avait  cru  qu'il  s'agissait  là  d'une  sorte  d'^r^  dictaminis 
et  l'avait  identifié  avec  un  ms.  des  Augustins  de  Tongres,  signalé  par 
Sanderus.  A.  de  Trois-Fontaines  dit  que  G,  de  B,  a  laissé  un  volumen 
satis  RHETORICUM  epistolarum  diversariim;  il  n'y  a  là  qu'une 
critique  du  style  prétentieux  de  G.  de  B.,  et  il  est  étonnant  que  P.-R. 
s'y  soit  trompé,  après  avoir  cité  lui-même,  quelques  lignes  plus  haut, 
un  autre  passage  d'A.  de  T,-F.  où  la  même  critique  se  trouve  déjà  for- 
mulée. Quant  au  ms.,  c'est,  non  pas  un  ms.  de  Tongres,  mais  un  ms. 
provenant  de  l'abbaye  d'Orval,  conservé  aujourd'hui  à  la  bibliothèque 
de  la  ville  de  Luxembourg,  sous  le  n°  28,  signalé  d'abord  par  Waitz, 
avec  une  pointe  de  mépris,  puis  par  le  comte  Riant.  Ajoutons  que  la 
quatrième  lettre  de  ce  recueil,  qui  contient  une  description  de  Paris,  a 
été  publiée  par  M.  Élie  Berger  dans  le  Bull,  de  la  Soc.  de  l'Hist.  de 
Paris  et  de  V Ile-de-France,  1877,  p.  38  et  espérons  que  nous  retrou- 
verons bientôt  cette  étude  de  M. Wattenbach  en  tête  d'une  édition  com- 
plète des  lettres  de  Guy  de  Bazoches. 

Léon  Dorez. 


227.  —  Alfred  Leroux,  Géographie  et  liîetoîre  du  Limousin  (Creuse, 
Haute-Vienne,  Gorrèze),  depuis  les  origines  jusqu'à  nos  jours.  Limoges-Toulouse>. 
Ed.  Privât,  viii-igô  pp,  in-8,  et  une  carte.  S 

«  Il  n'existe  pas  encore  d'Histoire  du  Limousin;...  un  jour  viendra 
où  elle  pourra  être  racontée  en  six  ou  huit  volumes;  présentement  uiî 
seul  suffirait.  »  Ce  volume,  M.  Leroux  le  tentera  peut-être  un  jour;  ilj 
se  contente,  pour  le  moment,  d'offrir  au  public  «  un  précis  dans  lequel] 
il  s'est  eff^orcé  de  faire  entrer,  sous  une  forme  narrative,  tout  ce  qu'il  >j 
a  d'essentiel  à  retenir  dans  le  passé  de  la  province,  en  insistant  plun 
particulièrement  sur  certains  moments  et  certains  caractères  de  c(j 
passé  ».  Il  a  eu  en  vue  un  «  but  didactique  »  (p.  144). 

Ceux  qui  ont  eu  l'occasion  de  constater  le  niveau  ordinairement  trè^ 

l'inscription  C.  I.  L.,  I,  201  est  citée  deux  fois.  —  Peut-être  aussi  l'auteur  eût-il  bici 
fait,  dans  la  bibliographie  très  utile  misu  en  tête  de  l'ouvrage,  de  signaler  les  ouvrai 
ges  incomplets,  par  exemple,  de  noter  qu'il  n'y  a  de  parues  que  les  f^,  2e  et  5«  par 
lies  du  tome  VI  et  la    l'c  du  tome  XI  du  C.  /.  L.,  et  que   le  Di:{ionario  epigrafic 
de  M.  de  Ruggiero,  signalé  avec  la  date  de  i8S5,  est  une  publication  périodique  qi 
n'a  pas  encore  dépassé  la  lettre  A. 


n 


d'histoire  et  de  littérature  391 

bas  des  productions  de  rérudition  locale  en  France  seront  agréable- 
ment surpris  par  ce  livre  qui  est  très  solide,  très  vivant,  et  qui  est  ré- 
digé, chose  rare,  avec  autant  d'intelligence  que  de  critique.  Point  d'énu- 
mérations  annalistiques,  point  de  phraséologie  inutile  et  prétentieuse; 
on  reconnaît  la  main  d'un  historien  qui  a  été  à  bonne  école,  qui  s'est 
attaqué  jadis  à  de  plus  vastes  sujets  et  qui  possède  une  compétence  spé- 
ciale, acquise  dans  la  fréquentation  des  documents  originaux. 

L'ouvrage  se  compose  de  deux  parties  :  1°  sept  chapitres  consacrés  à 
une  espèce  de  philosophie  géographique  de  la  région  limousine  et  mar- 
choise,  et  à  l'indication  des  circonscriptions  entre  lesquelles  la  région  a 
été  successivement  ou  simultanément  découpée  depuis  l'antiquité  jus- 
qu'à nos  jours;  2°  quatre  chapitres  consacrés  chacun  à  l'un  des  mo- 
ments de  l'évolution  historique  du  Limousin  :  (a)  le  Limousin  jusqu'au 
i  x^  siècle;  (b)  origines  et  apogée  de  la  brillante  civilisation  limousine 

du  xiv*  siècle;  (c)  causes  et  progrès  de  la  décadence  du  Limousin,  du 
xiv"  siècle  à  la  Révolution  ;  (d)  de  la  Révolution  jusqu'à  nos  jours. 

Le  précis  de  M.  L.  est  un  modèle  de  clarté.  C'en  serait  un  à  tous 
égards,  si  l'auteur  ne  s'y  était  point  montré  çà  et  là  trop  prodigue 
d'idées  générales,  et  trop  avare  de  références. 

Je  sais  bien  que  nous  sommes  avertis  :  «  Le  lecteur  ne  s'attendra  pas 
à  trouver  dans  ce  Précis  un  renvoi  aux  sources  pour  chaque  fait 
énoncé;  encore  moins  une  bibliographie  des  ouvrages  relatifs  à  l'ancien 
Limousin  ».  —  J'avoue  cependant  qu'une  bibliographie  sobre,  mais 
critique,  des  sources  de  l'histoire  limousine  et  des  ouvrages  de  seconde 
main  ne  m'aurait  point  paru  déplacée  en  tête  d'un  livre  qui  n'est 
assurément  pas  destiné  aux  écoles  primaires  (il  donne  trop  à  penser;  il 
est  écrit  en  style  trop  relevé  et  trop  abstrait);  —  en  tête  d'un  livre  qui 
est  bien  plutôt  appelé  à  servir  de  guide  et  de  cadre  à  toutes  les  personnes 
désireuses  d'approfondir  l'histoire  locale,  soit  en  faisant  de  bonnes  lec- 
tures, soit  en  entreprenant  des  monographies.  11  appartenait  à  M.  L. 
de  diriger  les  lectures  et  de  faciliter  les  recherches.  Il  aurait  pu  rendre 
ces  deux  grands  services  à  peu  de  frais  ^. 

J'ajoute  qu'il  est  d'une  mauvaise  méthode,  quand  on  a  la  volonté 
d'être  par  dessus  tout  «  didactique  »,  d'employer  souvent  les  formes  de 
la  prétérition.  M.  L.  abuse  du  droit  qu'on  a,  dans  un  manuel,  d'omet- 
tre le  récit  des  faits  et  des  événements  pour  tirer  des  conclusions  plus  à 
l'aise.  Et  cet  abus  devient  encore  plus  choquant  (v.  p.  96,  144)  quand 
il  s'en  excuse  en  ces  termes  ;  «  Ce  sont  là  des  faits  trop  connus  pour 
que  nous  ayons  besoin  d'y  insister.  »  L'auteur  peut  être  certain  que  les 

1.  On  entend  bien  ce  que  je  veux  dire.  Le  lecteur  intelligent,  dont  la  curiosité 
serait  éveillée  par  ce  que  M.  L.  dit  des  poètes  limousins  Bernard  de  Vantadour, 
Giraud  de  Borneil,  Gui  d'Ussel,  etc.  (p.  104),  ne  saurait  où  trouver  les  œuvres  de 
ces  poètes.  De  même,  il  ne  suffit  pas  de  nommer  Adhémar  de  Chabannes,  Geoffroy 
du  Vigeois,  Bernard  Itier;  il  faut  dire  où  ces  chroniques  sont  publiées  et  si  elles  le 
sont  convenablement.  Autrement,  ces  énumérations  de  noms  ne  servent  pas  à  grand' 
chose. 


392  REVUE   CRITIQUE 

épisodes  de  la  Fronde  et  de  la  Ligue  en  Limousin,  non  plus  que  l'or- 
ganisation des  paroisses  rurales,  les  persécutions  contre  les  hérétiques 
et  rhisioire  des  établissements  italiens  à  Limoges  au  xi^  siècle  ne  sont 
pas  des  «  faits  trop  connus  >>  pour  qu'il  soit  permis  à  un  historien, 
fût-il  philosophe,  de  les  laisser  si  cavalièrement  de  côté. — Il  n"'y  a  même 
pas  une  allusion  dans  le  Précis  de  M.  L.,(et  cela  est  très  fâcheux),  aux 
célèbres  controverses  relatives  à  l'apostolat  de  S.  Martial,  pas  une  allu- 
sion aux  grandes  guerres  féodales  dont  Limoges  fut  le  théâtre  à  la  fin 
du  xiu"^  siècle,  et  dont  les  chroniqueurs  contemporains  du  pays  nous 
ont  laissé  des  tableaux  si  colorés. 

Le  mépris  du  détail  entraîne  assez  naturellement  à  l'excès  de  généra- 
lisation. Félix  culpa,  sans  doute;  mais  qui  a  ses  inconvénients.  Il  est 
surtout  dangereux  de  généraliser  à  jet  continu  dans  un  ouvrage  élé- 
mentaire, dont  tous  les  mots  doivent  être  pesés  et  qui  doit  contenir  des 
vérités  acquises,  à  Texclusion  de  toute  hypothèse,  si  séduisante  qu'elle 
puisse  être.  Je  ne  dis  point  que  la  théorie  de  Tauteur  sur  les  causes  delà 
décadence  limousine  à  partir  du  xiv^  siècle  (autour  de  laquelle  pivote 
toute  la  seconde  partie  du  livre),  soit  mal  fondée.  Je  me  borne  à  constater 
qu'elle  est  nouvelle  fp.  118...  «  Nul  n'avait  jusqu'ici  signalé...  »).  Or, 
un  Précis  dépourvu  de  tout  appareil  critique  n'est  pas  le  livre  où  des 
opinions  nouvelles  peuvent  être  convenablement  produites  et  soute- 
nues. 

Malgré  ces  réserves,  l'opuscule  de  M.  Leroux  mérite  d'être  signalé  à 
l'attention  de  ceux  qui  s'intéressent  au  progrès  de  l'histoire  provinciale. 
Notre  littérature  historique  n'a  rien  qui,  dans  le  même  genre,  soit  digne 
de  lui  être  comparé.  11  ouvre  une  voie  où  il  faut  espérer  que  d'autres 
archivistes  régionaux  sauront  s'engager. 

Ch.  V.  Langlois. 


228.  —  Emil  Mtchael.  Rankcs  IVeltge^cliicIite.    Brochure  in-8  de  5i  pages. 
Paderborn,  Schœningh,  i8go. 


I 


Parce  que  Ranke  avoue  que  les  desseins  de  la  Providence  lui  échap- 
pent dans  l'histoire  et  qu'il  explique  les  événements  par  des  motifs  pu- 
rement humains;  parce  quil  a  comparé  le  sacrifice  d'Isaac  à  celui 
d'iphigénie;  parce  qu'il  ne  croit  pas  à  la  réalité  objective  de  la  vision 
de  Constantin;  parce  qu'il  a  trouvé  les  piétentions  de  Grégoire  VII, 
nouvelles  et  excessives;  parce  qu'il  a  appelé  Luther  un  grand  homme, 
M.  Michael,  privatdocent  à  l'Université  d'Innsbruck,  ne  saurait  re- 
connaître aucune  valeur  à  son  Histoire  universelle  et  il  proteste  contre 
les  jugements  favorables,  rendus  sur  ce  livre,  notamment  par  notre 
collaborateur  M.  A.  Lefranc  (Revue  critique,  i5  mai  1889,  p.  369).  Il 
affirme  que  Ranke  est  un  historien  partial  et  un  esprit  fort  étroit;  il 
ne    lui   accorde   que  certain    mérite    d'écrivain.   Que   penserait   donc 


d'histoire  et  de  littérature  393 

M.  Michael  d'un  critique  protestant  ou  rationaliste  qui  se  permettrait 
de  parler  de  Janssen  de  façon  aussi  irrévérencieuse? 

Ch.  Pfister. 


229.  —  Henry  Cochin.    Boccace.  Etudes  italiennes.  Paris,  Pion,   1890,  in-iS  de 
xv-295  p.  Prix  :  3  fr. 

Nous  n'avons  pas  en  France  de  livre  sur  Boccace  1.  Aucun  grand 
écrivain  italien  n'est  plus  mal  connu  chez  nous,  et  il  y  a  à  cela  diverses 
raisons,  dont  quelques-unes  ne  sont  pas  à  notre  honneur.  Le  travail  de 
M.  H.  Cochin,  qui  a  paru  déjà,  quoique  sous  une  forme  assez  différente, 
dans  la  Revue  des  Deux-Mondes,  n'est  pas  le  livre  qu'on  peut  souhaiter 
sur  le  sujet,  mais  il  permettra  de  l'attendre  patiemment.  En  quelques 
pages  sobres  et  précises,  l'auteur  a  dit  le  plus  important,  et  je  ne  crois 
pas  que  son  successeur,  en  étudiant  Boccace,  ait  à  s'écarter  beaucoup  des 
données  générales  du  portrait  qu'il  a  tracé.  Il  y  a  eu,  en  effet,  ces  der- 
nières années,  un  travail  considérable  de  critique  sur  les  œuvres  ita- 
liennes et  latines  de  Boccace  ;  les  épisodes  de  sa  vie,  la  formation  de  son 
esprit,  les  sources  de  ses  poèmes,  de  ses  romans,  de  ses  compilations  his- 
toriques, ont  été  l'objet  de  recherches  fort  étendues  et  qui  sont  définiti- 
ves sur  beaucoup  de  points;  il  suffit  de  rappeler  les  noms  de  MM.  Hor- 
tis,  Landau,  Kœrting,  Gaspary,  Crescini,  Macri-Leone.  M.  C.  présente 
une  part   de   ces  résultats,    en    ce   qui  regarde  surtout  la  biographie 
de  Boccace.    Il   a    négligé,  de    parti    pris,    certains    développements, 
certaines  questions  encore  sub  iudice ;  il  a,  en  revanche,  apporté  quel- 
ques faits  résultant  de  ses  propres  recherches,  par  exemple  la  date  de  la 
seconde  visite  de  Pétrarque  à  Venise,  fixée  par  lui  à  l'année  iSôy.  On 
devine,  dans  l'ensemble  du  travail,  une  grande  familiarité  avec  la  littéra- 
ture italienne  du  xiv°  siècle  et  avec  bien  des  milieux  moraux  encore  im- 
parfaitement connus;  on  y  sent  aussi  l'habitude  de  se  servir  directement 
des  sources.  Le  travail,   exact  dans  ses  grandes  lignes,  renferme  donc 
peu  d'inexactitudes  de  détail  ^.  Il  n'y  a  qu'un  petit  nombre  de  notes  et 
de  références  ;  il  eût  été  facile  à  l'auteur  de  les  multiplier,  avec  cet  avan- 
tage sur  plus  d'un  confrère  d'avoir  vérifié  lui-même  les  textes  originaux; 
on  doit  le  louer  de  cette  discrétion  de  bon  goût,  tout  à  fait  de  mise  ici. 
Je  lui  sais,  pour  mon  compte,  un  gré  tout  particulier  de  la  façon  juste 

1.  Il  est  regrettable  que  d'importantes  leçons  professées  à  Paris,  en  ces  dernières 
années,  n'aient  donné  lieu  à  aucune  publication. 

2.  Les  pages  sur  les  auteurs  anciens  connus  par  Boccace  (p.  i33  et  suiv.)  en  renfer- 
ment quelques  unes  :  l'auteur  a  suivi  M.  Hortis,  dont  les  recherches,  d'ailleurs 
utiles,  ont  ici  besoin  d'être  contrôlées.  —  P.  97,  n'y  a-t-il  pas  une  raison  de  chrono- 
logie qui  s'oppose  à  ce  que  Boccace  ait  brûlé  une  partie  de  ses  vers  après  avoir  lu  les 
Triomp'ics  de  Pétrarque?  —  P.  149,  l'expression  a  dépassé  la  pensée  de  l'auteur, 
lorsqu'il  a  dit  que  sans  Pétrarque  et  Boccace  nous  ne  posséderions  peut-être  pas  les 
poèmes  d'Homère;  nous  ne  posséderions  pas  la  traduction  latine  de  Léonce  Pilate, 
voilà  tout. 


394  REVUE   CRITIQUE 

et  personnelle  dont  il  a  parlé  de  Pétrarque.  Il  est  rare,  en  somme,  de 
rencontrer  pour  mettre  le  grand  public  au  courant  des  résultats  de  la 
critique,  un  esprit  aussi  consciencieux,  aussi  maître  des  alentours  de  son 
sujet,  aussi  capable  de  travailler  lui-même  de  première  main. 

P.  DE  NOLHAC. 


23o.  —  p.  Caliari.    P"aoïo  'Vei'onese,  sua  vita  e  sue  opère,  studî  storico-este- 
tici.  Un  vol.  in-8,  429  pp.  Rome,  Forzani,  1888.  10  frs,  ] 

Il  y  a  dans  ce  volume  tous  les  matériaux  d'un  bon  livre  sur  le  Vero-     j 
nese,  mais  l'auteur  a  moins  de  méthode  que  d'information,  moins  de 
savoir-faire  que  de  bonne  volonté,  et  le  livre  n'est  pas  fait.  Pour  la 
méthode,  il  suffira  pour  en  donner  une  idée  de  dire  qu'après  une  biogra- 
phie chronologique  du  peintre,  il  y  a  un  chapitre  sur  sa  manière  artis- 
tique, puis  l'histoire  de  son  école,  une  chronologie  des  ventes  de  ses 
tableaux  arbitrairement  scindée  en  deux  chapitres,  un  autre  chapitre  de 
critique  d'art,  un  aperçu  sur  ses  dessins,  et  enfin  des  catalogues.  Pour 
l'ordre  et  la  clarté,  on  en  jugera  par  le  chapitre  XVII  où,  sous  prétexte 
de  juger  le  Veronese,  il  est  successivement  parlé  de  l'originalité  de  son 
style,  de  son  naturalisme,  de  ses  types,  de  son  idée  chrétienne,  de  sa 
palette,  de  sa  technique,  de  ses  perspectives;  pour  le  sens  artistique,  par 
le  chapitre  XXI,  où   Rubens,  Ribera,  Velasquez,  Van  Dyck,  Murillo,   i 
Delacroix  et  Hans  Makart  sont  indistinctement  cités  comme  élèves  de  |/ 
Veronese.  On  consultera  plus  utilement  les  catalogues  des  peintures  du  1; 
Veronese  :  1°  à  Venise;  2<^  en  Italie;  3*^  en  Europe,   qui  précèdent  les! 
index,  et  les  index  très  détaillés  des  fresques, des  tableaux,  des  dessins  et  i: 
des  gravures,  qui  sont  ce  qu'il  y  a  de  mieux  dans  le  livre.  En  somme,  n 
d'une  masse  énorme  de  matériaux  patiemment  accumulés,  l'auteur  n'a  1 
tiré  qu'un  \ibaldone^  que  l'on  consultera  avec  fruit,  mais  dont  la  léC^ 
ture  est  extrêmement  difficile.  Ne  parlons  pas  des  informes  zincotypié^ 
qui  complètent  ce  volume;  elles  l'achèvent. 

L.-G.  P.       ' 


H\ 


23  I.  —  Les  Ouvi-îei's  fie  la  onzième  Bjetiï*e,  par  le  vice-amiral  Jurien  de  la| 
Gravière.  (Paris,  Pion,  1890,  2  vol.  in-12). 

En  1 879,  M.  l'amiral  Jurien  de  la  Gravière  écrivait  l'histoire  des  gran- 
des découvertes  accomplies  pendant  les  quinzième  et  seizième  siècles  ^\\ 
il  nous  montre  aujourd'hui  comment  les  Anglais  et  les  Hollandais  se 
substituèrent  aux  ouvriers  de  la  première  heure,  les  Espagnols  et  les 
Portugais;  il  nous  fait  voir  quels  moyens  ils  employèrent,  et  nous  dii 
combien  la  lutte  fut  acharnée,  avec  quelle  complète  absence  de  serai 
pules  elle  fut  conduite,  et  comment  le  droit  dut  s'incliner  une  fois  dl 
plus  devant  la  force. 

1,  Les  Marins  du  xV  et  du  xvi"  siècle  (Paris,  Pion,  1S79). 


d'histoire  et  de  littérature  395 

Le  sultan  d'Atchin  croyait  de  bonne  foi  que  toute  l'Europe  était 
espagnote,  et  que  le  mot  —  Anglais  —  avait  la  signification  de  — 
Pirate  —  (II,  5y].  En  ce  temps-là,  on  pouvait  s'y  tromper,  et  peut-être 
y  a-t-il  aujourd'hui  même  un  petit  peuple  européen  qui  se  rangerait 
volontiers  à  l'opinion  du  sultan  Aladin.  Quoi  qu'il  en  soit,  pendant  la 
seconde  moitié  du  xvi^  siècle,  les  brigandages  des  Cavendish,  des  Lan- 
caster,  des  Davis  et  autres  capitaines  moins  connus  étaient  bien  de 
nature  à  créer  une  réputation  douteuse  au  pavillon  anglais.  L'auteur 
nous  raconte  en  détail  leurs  prouesses  il,  iSj,  160,  178,  etc.);  il 
nous  les  montre  couvrant  sans  cesse  leur  férocité  d'un  manteau  d'hvoo- 
crisie  religieuse  et  trouvant  toujours  un  texte  sacré  pour  justifier  leurs 
actions  les  plus  odieuses  (I,  184,  igS,  199;  II,  272).  Parallèlement  à 
eux,  au  moins  aussi  tenaces,  mais  bien  moins  cruels,  marchent  les 
Hollandais  ;  ils  se  servent  plus  de  l'or  que  de  l'épée,  bien  qu'ils  ne  refu- 
sent pas  le  combat  quand  ils  sont  forcés  de  le  livrer.  En  définitive,  la 
plus  belle  part  leur  reste,  et  la  possession  des  Indes  néerlandaises  les 
récompense  de  leurs  efforts.  Tout  ce  drame  est  narré  par  M.  Jurien  de 
la  Gravière  avec  un  très  grand  talent;  la  conclusion  s'adresse  aux 
marins  :  —  Travaillez  toujours,  dit  M.  l'amiral;  faites  des  gens  de  mer; 
élevez-les  au  milieu  des  roches;  l'ère  des  grandes  luttes  n'est  pas  close! 

H.-D.  DE  Grammont. 


23>. 


)i.  —  Saii-anda  daus   la  E&évolution  française»  par  Arislides  Rojas.  Edi- 
tion  française.   Caracas,    imprimerie   et  lithographie  du  gouvernement  national. 
1S89.  ln-8,  xxii  et  087  p. 
233.  —  lL,e  général  luiranda.   Paris  et  Limoges,  Lavauzelle,  1890.  Petit  in-8, 
46  p. 

Il  nous  serait  très  aisé  de  consacrer  un  long  article  au  premier  de  ces 
ouvrages,  en  signalant  les  erreurs  et  les  fautes  d'impression  qui  s'y  ren- 
contrent. Dans  les  vingt  premières  pages  nous  lisons,  par  exemple, 
P  —  n  pour  «  Pétion  »  (p.  7);  Muerson  pour  «  Moultson  »  (p.  i3); 
Harray  pour  «  Starray  »  (p.  14);  Le  Camus  pour  «  Camus  »  (p.  17)  ; 
Thoxueiiot  pour  «  Thouvenot  »  (p.  18);  Famène  pour  «  Famine  »,  et 
Menures  pour  «  Menuret»  (p.  19);  Verriers  pour  «  Verviers  »  (p.  20). 
Il  nous  serait  pareillement  très  facile  de  réfuter  quelques  appréciations, 
vraiment  trop  laudatives,  de  Miranda  et  de  signaler  à  l'éditeur  tel  ou  tel 
document  qu'il  n'a  pas  connu  et  ne  pouvait  connaître,  puisqu'il  vit  au 
Venezuela  et  n"a  pas  fouillé  les  archives  de  Paris.  A  quoi  bon?  Si  exagéré 
que  soit  l'enthousiasme  de  M.  Aristide  Rojas  pour  le  «  noble  paladin  », 
pour  le  tt  Nestor  et  fondateur  de  l'émancipation  hispano-américaine  » 
(p.  x),on  doit  savoir  gré  au  gouvernement  du  Venezuela  d'avoir  célébré 
le  premier  centenaire  de  la  Révolution  de  1789  par  cette  publication  et 
d'offrir  au  gouvernement  de  la  France  ce  recueil  de  documents  officiels 
et  privés.  Ces  documents  ne  sont  pas  aussi  rares,  aussi  rarissimes  que 
le  croit  M.  A.  R,,  mais,  grâce  à  lui,  ils  ne  sont  plus  dispersés.  Nous 


396  KEVUK    CRITIQUK 

possédons  dans  notre  bibliothèque  la  Correspondance  de  Dumoiirie^ 
avec  Miranda  jointe  aux  Notes  sur  les  Mémoires  du  généval  (notes 
attribuées  à  Servan);  la  Correspondance  de  Miranda  avec  Dwnourie^, 
Pache  et  Beurnonville;  le  plaidoyer  de  Chauveau-Lagarde  pour  Mi- 
randa. Toutes  ces  brochures  sont  réunies  dans  l'ouvrage  que  M.  A.  R, 
a  publié  pour  le  gouvernement  vénézuélien.  Non  pas  que  lui-même  les 
ait  connues  sous  leur  forme  première.  Mais  en  1810,  Miranda  fit  publier 
à  Londres,  par  son  ami  Antepara,  sous  le  titre  de  South  American 
Emancipation,  documents,  historical  and  explanatory,  showing  the 
designs  which  hâve  been  in  progress,  and  the  exertions  made  bv 
gênerai  Miranda,  for  the  attainment  of  that  object  during  the  last 
tiventy-fiiie  years,  sa  correspondance  officielle  et  privée.  M.  A.  R.  a 
pris  dans  le  livre  d'Antepara  tous  les  documents  qui  ont  trait  à  l'his- 
toire de  la  Révolution  française  et  les  a  rangés  méthodiquement,  selon 
l'ordre  chronologique.  Les  a-t-il  purgés,  comme  il  dit,  des  nombreuses 
fautes  typographiques  de  l'édition  primitive?  (p.  xvm).  Non  certes,  et 
il  est  bien  évident  qu'à  la  page  44  il  faut  lire  «  fours  »  pouryor^5.  Mais 
il  ajoute  à  ces  documents  des  appréciations  des  historiens  modernes, 
les  pages  du  Tableau  historique^  la  notice  de  Champagneux,  les  juge- 
ments de  Louvet,  de  Rabbe,  de  Michelet,  de  Louis  Blanc. 

Nous  serons  moins  indulgent  envers  l'auteur  de  la  mince  brochure 
qui  paraît  chez  l'éditeur  Lavauzelle,  sous  le  titre  Le  Général  Miranda. 
Elle  fourmille  d'erreurs  et  ne  vaut  pas  les  vingt  sous  qu'elle  coûte. 
L'auteur  assure  que  Pétion  envoya  Miranda  à  l'armée  (p.  10)  :  est-ce 
que  Pétion  était  ministre  de  la  guerre?  Il  écrit  Saint-Jouvin,Verpelle. 
Bessieu^i  Mortaume,  pour  Saint-Juvin,  Verpel,  Beffu,  Le  Morthomme 
(p.  12);  il  place  au  /j,  au  lieu  du  14  septembre,  la  prise  de  La  Croix- 
aux-Bois  (p.  i3);  il  imprime  Chasot  pour  Chazot  (id.).  Faut-il  pour- 
suivre cette  liste  d'errata,  citer  encore  Rolland  pour  Roland  (p.  23); 
Miacsinski  pour  Miaczynski,  et  Levasseur  ou  Laveneur  pour  Le  Veneur 
(p.  25  et  27);  Tougres  pour  Tongres  (p.  22  et  2g);  Pache  pour  Pétion 
(p.  39);  Tronson  dic  Coudray  pour  Chauveau-Lagarde  (p.  40)  ?  Bref, 
malgré  les  pages  32-39  °^  l'auteur  essaie  de  discuter  le  rôle  de  Miranda 
à  Nerwinde,  cette  notice  sommaire  qui  prétend  «  résumer  Wilcoke, 
Brackenridge,  James  Biggs  et  Restrepo  »  (!)  ne  mérite  pas  d'être  con- 
sultée. 

A.  Chuquet. 


234.  —  Emmanuel  des  Essarts.  Le  Xliéàtre  d'Alfred  de  Mussiet.  Clermont- 
Ferrand,  1889,  p.  20. 

Voici  de  jolies  pages  sur  le  théâtre  d'Alfred  de  Musset  qui,  jusqu'à 
présent,  n'avait  pas  souvent  eu  les  honneurs  d'une  étude  critique.  On 
admirait  :  M.  des  Essarts  a  voulu  analyser  et  expliquer  cette  admira- 
tion. Le  moment  était  sans  doute  opportun,  puisqu'il  a  paru  tel  à  un 


d'histoire  et  de  littérature  3g7 

autre  critique,  M.  Jules  Lemaître,  qui  de  son  côté,  et  à  la  même  heure, 
se  livrait  à  la  même  étude.  —  M.  des  E.  a  longtemps  pratiqué  et  il 
aime  avec  passion  les  Comédies  et  Proverbes.  Il  garde  de  ce  commerce 
un  reflet  de  poésie,  de  fantaisie  et  de  grâce  qui  lui  sied  à  merveille  pour 
nous  parler  de  Musset.  Les  impressions  toutes  fraîches  colorent  douce- 
ment le  style  qui  garde  de  la  lecture  récente  un  vague  et  odorant  sou- 
venir. «  Quand  nous  parcourons  les  Comédies  et  Proverbes  de  Musset, 
dit  M.  des  E.,  nous  croyons  assister  à  un  bal  masqué  de  juin.  Les  sa- 
lons donnent  sur  un  parc;  les  musiques  se  mêlent  au  chant  un  peu 
lointain  des  rossignols,  aux  soupirs  étouffés  de  la  brise  sous  les  feuil- 
lages ;  le  parfum  des  fleurs  entre  largement  par  les  fenêtres  avec  les 
rayons  de  la  lune.  Cependant,  au  hasard  de  la  valse,  s'enlacent  les  cau- 
series de  la  Porte  ouverte,  du  Caprice,  d'il  ne  faut  jurer  de  rien;  le 
rire  étincelant  de  Fantasio,  d'Octave,  de  Valentin,  s'accorde  aux  sono- 
rités de  l'orchestre,  tandis  que  sous  les  ombrages  et  parmi  les  allées 
s'isolent  les  mélancoliques  tendresses  de  Celio,  de  Rosette,  de  Fortu- 
nio,  de  Carmosine,  et  qu'au  fond  du  parc,  à  l'endroit  le  plus  solitaire, 
sur  un  piédestal  de  marbre  surgit,  blanche  dans  la  nuit  bleue,  la  tragi- 
que image  de  Lorenzaccio!  n  M.  des  E.  ne  s'en  tient  pas  à  ces  poéti- 
ques visions.  Il  nous  donne  du  théâtre  de  Musset  une  analyse  intéres- 
sante qui  distingue  et  sépare  trois  éléments  :  la  fantaisie,  le  comique, 
l'accent  personnel.  Musset  doit  les  deux  premiers  à  l'imitation  de  Sha- 
kespeare. Comme  dans  le  poète  anglais,  le  lieu  de  la  scène  change  à 
tout  moment,  l'action  et  les  personnages  sont  de  pure  fantaisie  (bien 
vivants,  pourtant!),  le  dialogue  les  lance  en  plein  lyrisme.  —  Le  comi- 
que de  Musset  est  aussi  parent  de  celui  de  Shakespeare;  le  procédé  est 
le  même,  c'est  le  comique  par  grossissement.  Cet  aperçu  est  ingénieux 
sans  doute,  mais  peut-être  M.  des  E.,  grand  admirateur  de  Milton  et 
fort  versé  dans  les  lettres  anglaises,  a-t-il  le  tort  de  britanniser  à  l'excès, 
pour  ainsi  dire.  Le  dialogue  d'il  faut  qu'une  porte  soit  ouverte  ou 
fermée  me  fait  bien  plutôt  penser  à  Marivaux  qu'à  Shakespeare.  —  En- 
fin Musset  a  mis  dans  son  théâtre  sa  personnalité,  qui  est  double,  11  y  a 
deux  hommes  en  lui,  «  l'homme  extérieur  »  et  «  l'homme  intérieur  », 
le  premier  frondeur  et  sceptique,  le  second  épris  de  grandes  idées 
(Lorenzaccio),  ami  du  calme  et  des  émotions  douces,  et  qui  fait  ce  rêve 
idyllique  :  «  Quelle  belle  chose  que  le  coup  de  Fétrier  !  Une  jeune 
femme  sur  le  pas  de  sa  porte,  le  feu  allumé  qu'on  aperçoit  au  fond  de  la 
chambre,  le  souper  préparé,  les  enfants  endormis,  toute  la  tranquillité 
de  la  vie  paisible  et  contemplative  dans  un  coin  de  tableau.  Et  là, 
l'homme  encore  haletant,  mais  ferme  sur  la  selle,  ayant  fait  vingt 
lieues,  en  ayant  trente  à  faire;  une  gorgée  d'eau-de-vie,  et  adieu;  la 
nuit  est  profonde  là-bas,  le  temps  menaçant,  la  forêt  dangereuse;  la 
bonne  femme  le  suit  des  yeux  une  minute,  puis  elle  laisse  tomber  en 
retournant  à  son  feu  cette  sublime  aumône  du  pauvre  :  «  Que  Dieu  te 
protège.  »  (Fantasio).  M.  des  Essarts  a  semé  sur  ce  canevas  simple  et 


3q8  REVUE   CRITIQUE 

net  d'ingénieuses  idées,  présentées  sous  une  forme  élégante.  Cette  pla- 
quette marque  pour  Tauteur  une  très  heureuse  étape  dans  la  série  de; 
ses  Voyages  de  l'esprit. 

Léo  Claretie. 


235.   —  G.  E.  TuRNER.    Xhe    mojlern     novelists   of  Russia.  Un   VOl.  in-l2. 
Londres,  Trubner,  1890. 

J'ai  rendu  compte  ici  même  de  l'étude  de  M.  Turner  sur  le  comte 
Tolstoï  {Revue  du  20  mai  1889].  Ce  volume,  comme  le  précédent, 
résume  des  lectures  faites  à  la  Taylor  institution  à  Oxford.  L'auteur, 
qui  vit  en  Russie,  connaît  bien  la  société  russe  et  la  littérature  roma- 
nesque qui  en  est  Texpression.  Ainsi  qu'il  le  fait  remarquer  dans  sa 
préface,  ce  n'est  guère  que  dans  le  roman  que  certaines  questions  peu- 
vent être  soulevées  en  Russie  sans  provoquer  l'intervention  immédiate 
de  la  censure.  Les  romanciers  qu'il  étudie  sont  Gontcharov,  TourgueneV, 
Dostoevski,  Tolstoï,  Garchine  et  Korolenko.  On  regrette  de  ne  pas  trou- 
ver parmi  ces  noms  celui  de  Pisemsky.  Si  les  études  de  M,  Turner  sont 
moins  brillantes  que  celles  de  M.  de  Vogué,  elles  n'en  ont  pas  moins 
un  sérieux  intérêt.  Les  analyses  des  œuvres  sont  exactes,  les  citations 
bien  choisies,  l'exposition  agréable  et  le  style  aisé.  Si  ce  volume  doit 
avoir  des  lecteurs  en  France,  je  les  préviens  que  les  transcriptions  de 
M.  Turner  s'adressent  au  public  anglais  :  quelques-unes  d'entre-elles 
défigurent  singulièrement  les  noms  (Peasareff,  lisez  Pisarevj  Vasielie, 
lisez  Vasili,  etc.) 

L.  L. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  Constantin  Sathas  vient  de  faire  paraître  à  la  librairie  Maison-1 
neuve  le  tome  IX  de  sa  grande  publication,  Z)ocMmeH^5  inédits  relatifs  à  T histoire  dey 
la  Grèce  au  moyen  dge,  entreprise  sous  les  auspices  de  la  chambre  des  députés  de 
Grèce.  Ce  volume,  comme  les  deux  précédents,  est  consacré  aux  Strathiotes.  On  y 
trouve  en  appendice  (p.  i33-;26i),  les  Histoires  ou  Mémoires  de  Théodore  Spandou- 
nis,  «  Strathiote  distingué  par  la  noblesse  de  son  origine,  ses  qualités  militaires  et? 
diplomatiques,  son  patriotisme  ardent,  et  surtout  par  sa  profonde  connaissance  desv 
choses  orientales  »,  qui  le  firent  particulièrement  apprécier  par  les  cours  européen- 
nes «  que  préoccupaient  vivement   les  progrès  incessants  et  les   menaces  du  Grand 
Turc  ».  La  préface  de  M.  Sathas  est  presque  entièrement  remplie  par  une  notice  sur 
la  famille  et  la  personne  du  Strathiote,  un  de  ces  Grecs  qui,  dans  l'opinion  de  leiir 
savant  historien,  «  apportèrent  à  l'Europe  la  Renaissance  religieuse,  sociale  et  mili- 
taire ».  C'est  encore  en  majeure  partie  des  Archives  de  Venise  que  sont  extraits  les  = 
textes,  tous  italiens,  publié  dans  ce  volume.  L'ouvrage  de  Th.  Spandounis  est  tres^ 
curieux;  il  a  pour  titre  :  De  la  origine  deli  imperatori  ottomani,  ordine  de  la  carte, 
forma  del  giierregiare  loro  religione,  rito  e  costumi  de  la  nationej,  et  pour  dédi 
cace  «  al  serenissimo  et  invictissimo  principe  Henrico. . .  delphino  di  Francia  » 


n 


I 


d'histoire  et  de  littérature  3gg 

M.  Sathas  le  publie  d'après    le  manuscrit  unique  de  la  bibliothèque   nationale  de 
Paris,  fonds  italien  n°  88 1. 

—  M,  Emile  Montégut  publie,  sous  le  titre  Dramaturges  et  romanciers  (Hachette. 
In-8°,  419  p.),  huit  études  dont  voici  les  titres  :  Le  théâtre  de  Théodore  Barrière  ;  Le 
roman  en  1S61  ;  M.  Octave  Feuillet;  M.  Victor  Cherbulie:^;  Le  roman  en  i8j6 ; 
M.    Victorien  Sardou  ;  M.  Emile  Augier;  Petites  feuilles  dramatiques. 

—  La  librairie  Desclée  et  deBrouwer,  de  Lille,  nous  envoie  :  i'  Vie  du  bienheureux 
Jean  Fisher,  évéque  de  Rochester,  par  le  R.  P.  Bridgett,  traduite  de  l'anglais  par 
l'abbé  J.  Cardon  (1890;  xii-420  pp.  in-S»);  2"  Le  Sacerdoce  éternel,  par  le  cardinal 
Manning,  traduit  de  l'anglais  par  Ch.  Fié vet,  nouvelle  édition  (1889;  804  pp.  in-i6). 

ALSACE.  —  La  librairie  Heitz  et  Mûndel  publie  un  ouvrage  de  luxe,  accompagné 

de  140  illustrations  (i5  mark):  Das  alte  Strassburg  vom  XIII  Jahrhundert  bis  ^^um 

Jahre  J87&,  geschichtliche  Topographie  nach  den  Urkunden  und  Chroniken,  par 

M.  Adolphe  Seyboth. 

,       ALLEMAGNE.  —  Prochaines  publications  de  la  librairie  Teubner  :  1°  VEtymo- 

logicum  magnum,  p.  p.  R.  Reitzenstein  ;  2°  O.  Gilbert,  Gesckichie  und  Topogra- 

I  fhie  der  Stadt  Rom  im  altertum,  3e  et  dernière  partie;  3°  G.  Sittl,  Die  Gebœrden 

;   der  Grieclien  und  Rœmer,  avec  illustrations;  4°  W.  Liebenam,  Zur  Gescbichte  und 

Organisation  des  rcemischen  Vereinswesens  (vui  et  333  p.  10  mark). 

—  La  librairie  Tempsky  (Vienne  et  Prague',  publie  une  1'  éd.  de  Vergils  yEneis 
nebst  ausgewœhlten  Stucken  der  Bucolica  und  Georgica,  par  .M.  W.  KLOucExet  une 
3e éd.  de  Cornelii Nepotis  uitœ,  par  M.  André  Weidker.  Cette  3^  éd.  contient  en  plus 
des  précédentes  une  introduction  historique  (pp.  i-xix)et  un  appendice  relatif  aux  ins- 
titutions et  à  la  vie  privée  (pp.  146-155).  Ces  deux  additions  sont  dues  à  M.  Johann 

.,  ScHMiDT,  devienne.  Vingt-et-une  figures  illustrent  le  texte  :  elles  sont  généralement 
jË  assez  bonnes,  sauf  les  n°^  i  et  7.  En  revanche,  les  3  cartes  mises  en  tête  du  volume  sont 
3  détestables.  M.  J.  Schmidt  fait  paraître  en  même  tempsà  la  même  librairie  Commentar 
jb  \u  den  Lebensbcschreibungen  des  Cornélius  Nepos  (prix  :  M.  o.  90).  Ce  commentaire 
i  me  paraît  appartenir  à  la  catégorie  des  «  traductions  intermittentes  ».  Mais  M.  S.  nous 
if  expliquée  mots  couverts  que  les  élèves  autrichiens  savent  très  peu  de  chose  quand  ils 
■  abordent  la  lecture  de  Cornélius  Nepos,  l'auteur  des  commençants,  die  Erstlingslek- 
%  tûre,  d'après  le  programme  des  gymnases.  C'est  peut-être  la  condamnation  dudit  pro- 
5  gramme.  Si  nos  élèves  de  philosophie  vont  maintenant  apprendre  l'importance  delà 
I  musique  symphonique  dans  le  développement  de  la  civilisation,  nous  avons  eu  au 
^  moins  le  bon  sens  de  revenir  à  VEpitome  et  au  Selectce. 

V  —  La  quatrième  assemblée  des  Neuphilologen  aura  lieu  du  27  au  2g  mai  à  Stutt- 
1  gart;  -y  feront  des  conférences  MM.  Ehrhardt,  Gutersohn,  J^eger,  Locella,  Sachs, 
4  Scheffler,  Stengel,  Wagner. 

—  Au  mois  de  mars  est  mort  à  Suiza  en  Thuringe,  à  l'âge  de  53  ans,  R.  Boxberger, 
\  qui  avait  publié  de  nombreux  travaux  sur  la  littérature  allemande  du  xviii«  siècle, 
t  particulièrement  sur  Lessing  dont  il  éditait  les  œuvres  dans  la  collection  Kûrschner. 

t 

i      ACADÉMIE   DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  g  mai  18 go. 

M.  Wallon,  secrétaire  perpétuel,  donne  lecture  d'une  note  de  M.  le  Di"  Vercoutre,' 
médecin-major,  à  Ramberviiiers  (Vosges),  sur  deux  monnaies  romaines  à  l'effigie  du 
soleil.  L'une  de  ces  pièces  est  un  denier  de  Manius  Aquillius,  l'autre  un  aureus  de 
Publias  Clodius.  Le  revers  de  chacune  porte  un  groupe  d'étoiles.  Dans  le  groupe 


400  RKVUE    CRITIQQK    D  KISTOIRK    KT    DE    LITTERATUKE 

qui  ligure  sur  le  denier  d'Aquillius,  M.  Vercoutre  reconnaît  la  constellation  de  l'Ai- 
yle  (Aqiiila).  Dans  celui  de  Vaurcits  de  Cloduis,  il  voit  le  Taureau  (Taitrus)  :  or,  ce 
Ciodius  avait  pour  cognoiiien  Turrinus.  M.  Vercoutre  pense  que,  dans  les  deux  cas, 
on  a  choisi  à  dessein  les  constellations  dont  les  noms  rappelaient  à  peu  près  ceux 
des  monétaires.  C'est  ainsi  encore  qu'au  revers  d'un  denier  de  L.ucius  Lucretius  Trio, 
on  trouve  l'inuii^e  de  la  Grande-Ourse  (l'un  des  deux  Triones). 

M.  Delisle  communique  deux  lettres  de  M.  Lucien  Decombe,  conservateur  du  Mu- 
sée archéologique  de  Rennes,  qui  annonce  la  découverte  de  douze  inscriptions  ou 
fragments  d'inscriptions  romaines  trouvées  en  cette  ville,  dans  la  démolition  de  l'an- 
cien mur  d'enceinte. 

M.Méron  de  Villefosse,à  qui  sont  remises  les  copies  de  ces  monuments,  se  réserve 
d'en  faire  un  examen  approfondi  :  dès  à  présent,  il  tieat  à  signaler  l'importance  de 
trois  d'entre  eux,  qui  sont  de  nouvelles  bornes  milliaires  aux  noms  de  Viclonn  et 
de  Tétricus. 

M.  Gaston  Paris  communique  une  note  intitulée  :  Robert  Courte-Heuse  à  la  pre 
mière  croisade. 

Dans  une  communication  faite  il  y  a  peu  de  temps  à  l'Académie,  M.  F.  de  Mély  a 
signalé  des  vitraux  donnés  à  l'abbaye  de  Saint-Denis  par  l'abbé  Suger,  au  xii*'  siè- 
cle, dont  l'un  représentait  le  duc  Robert  de  Normandie  tuant  un  chef  sarrasin.  M.  de 
Mély  en  a  conclu  que  la  Chanson  d'Antioc/it,  où  un  incident  semblable  est  rapv^orté, 
existait  déjà  du  temps  de  Suger.  M.  Gaston  Paris  fait  observer  que  nous  n'avons 
plus  la  Chanson  d'Antioche  primitive:  la  compilation, dont  M.Paulin  Paris  a  extrait 
un  fragment  qu'il  a  publié  sous  ce  titre,  est  certainement  postérieure  à  Suger.  L'au- 
teur de  cette  compilation  a  mis  en  œuvre  des  matériaux  bien  plus  anciens,  mais  il 
a  laissé  de  côté,  précisément,  l'épisode  qui  paraît  avoir  été  figuré  sur  le  vitrail  de 
Saint-Denis,  le  combat  de  Robert  Courte-Heuse  contre  l'émir  Corbaran.  Ce  combat 
appartenait  à  une  tradition  poétique  dont  Robert  était  le  héros  et  qui  s'effaça  plus 
tard  au  profit  de  Godefroi  de  Bouillon.  On  en  trouve  les  traces  dans  Guillaume  de 
Malmesbury  (112b;,  dans  Geffrei  Gaimar  (vers  ii5o)  et  dans  d'autres  auteurs  posté- 
rieurs. 11  est  intéressant  de  voir  que  Suger  connaissait  cette  tradition,  mais  cela  ne 
prouve  rien  pour  l'ancienneté  du  fragrnent  épique  connu  sous  le  nom  de  Chanson 
d'Antioche.  ^\ 

M.  Edmond  Le  Blant  lit  un  mémoire  intitulé  :  les  Sentences  rendues  contre  les 
martyrs.  11  étudie  quelle  était  la  forme  des  jugements  rendus  contre  les  premiers 
chrétiens  et  recherclie  si  le  droit  de  faire  appel  des  sentences  de  condamnation  leur 
était  reconnu  par  la  loi.  Il  pense  que,  même  en  supposant  que  ce  droit  leur  fût 
accordé  en  théorie,  leur  dévouement  à  leur  foi  et  leur  soif  du  martyre  suffisaient  à 
les  empêcher  d'en  faire  usage. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  M.  Héron  de  Villefosse  signale  à  l'Académie 
un  fragment  d'inscription  romaine,  très  incomplet,  conservé  au  Musée  du  Mans.  On 
en  ignore  la  provenance  :  les  traditions  qui  veulent  qu'il  ait  été  trouvé,  soit  à  Ju- 
blains,  soit  à  Ailonnes  (Sarthe),  ne  paraissent  pas  fondées.  Il  se  réduit  aux  lettres  sui- 
vantes : 

1-ANEX  j 

eivs-deI  i 

ENTIS  •  D  i 

On  avait  cherché  inutilement,  jusqu'ici,  à  restituer  la  première  ligne.  Une  patère 
de  bronze,  récemment  découverte  en  Angleterre  et  conservée  au  Musée  de  Newcastle, 
donne  la  solution  du  problème.  On  y  lit  :  j 

APOLLlNi  •  ANEXTIOMARO  ' 

M  A  SAB 

11  faut  évidemment  restituer  de  même,  à  la  première  ligne  de  l'inscription  du  Mans: 
[Apollin]i  Anex[tiomaro].  C'est  là  le  nom  du  dieu,  ejits  dei,  à  qui  il  est  fait  allusion 
à  la  seconde  ligne. 

M.  Hauréau  ne  pense  pas  que  l'inscription  ait  été  trouvée  à  Ailonnes.  Il  a  com- 
mencé, dit-il,  de  sa  main  et  plus  tard  suivi  avec  intérêt  les  fouilles  faites  dans  cette 
localité,  et  il  n'a  jamais  entendu  dire  qu'on  y  ait  trouvé  une  seule  inscription. 

M.  Amélineau  signale  un  manuscrit  copte,  récemment  acquis  par  la  Bibliothèque 
nationale,  qui  présente  un  grand  intérêt  pour  l'histoire  du  concile  d'Ephèse  et  des 
événements  qui  l'ont  précédé  et  suivi.  C'est  la  traduction  copte  d'un  ouvrage  grec, 
dû  au  moine  Victor,  qui  fut  chargé  par  Cyrille,  patriarclie  d'Alexandrie,  d'une  mis- 
sion de  confiance  auprès  de  l'empereur  Tht'odose  le  Jeune. 

M.  Maspero  annonce  que  le  texte  en  question  va  être  publié  par  M.  Bouriant  dans 
les  Mémoires  de  la  Mission  archéologique  française  au  Caire. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Delisle  :  Babeau  (Albert),  la  Vie  militaire  sous 
l'ancien  régime;  —  par  M.  Siméon  Luce  :  Vimont,  le  Vieil  Argentan. 

italien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 
D'HISIOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N«  21  -  26  mai  —  1890 


Sommaire:  236.  DuTT,  Histoire  de  la  civilisation  dans  l'Inde  ancienne.  —  287. 
Appleton,  La  propriété  prétorienne  et  l'action  publicienne.  —  238.  La  piuzela 
d'Orihienx,  p.  p.  Lanéry  d'Arc  et  Grellet-Balguerie.  —  239.  A.  Fabre,  Cha- 
pelain et  nos  deux  premières  académies.  —  240.  Boissonnade,  Les  volontaires  de 
la  Charente.  —  241.  Léger,  Russes  et  Slaves.  —  242.  Cat,  La  carte  de  l'Ogôoué. 

—  243-245.  Fichte,   trad.  Krœger  et  Smith.  —  246.  Castellani  et  Favaro,    Les 
manuscrits  vénitiens  de  la  collection  Phillips.  —  Kleber  et  son  dernier  biographe. 

—  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


236.  —  Romesh  Chunder  Dutt.  A.  Hlstory  of  Civilisation  In  Anclent  In- 
dia  based  on  Sanscrit  Literature.  In  three  volumes.  Vol.  I.  Vacdic  and 
Epie  Ages.  Vol.  IL  Rationalistic  Age.  Calcutta  :  Thacker,  Spink  and  Co.  London  : 
Trùbner  and  Co.  PP.  xvi-3o2  et  iv-344,  in-8. 

Dans  l'ouvrage  dont  nous  annonçons  ici  les  deux  premiers  volumes, 
M.  R.-C.  Dutt  s'est  proposé  de  résumer  pour  le  grand  public,  en  parti- 
culier pour  ceux  de  ses  compatriotes  qui  savent  l'anglais,  les  résultats 
d'un  siècle  d'études  indiennes.  «  Pour  l'étudiant  hindou,  dit-il  dans  sa 
«  Préface,  l'histoire  de  l'Inde  commence  à  la  conquête  musulmane  :  la 
«  période  hindoue  est  pour  lui  une  page  blanche.  Nos  écoliers  connais- 
«  sent  par  le  menu  les  douze  invasions  de  Mahmoud;  ils  savent  peu  de 
3  chose  de  linvasion  et  des  guerres  des  Aryens  qui  s'établirent  en  con* 
«  quérants  dans  le  Panjab  trois  mille  ans  avant  le  sultan  de  Ghazni. 
«  Us  ont  lu  le  récit  de  la  prise  de  Delhi  et  de  Carwodje  par  Shahab-ud- 
«  din  Mahammad  Ghori  ;  mais  ils  ont  à  peine  une  notion  des  anciens 
«  royaumes  des  Kurus  et  des  Pancâlas  qui  ont  fleuri  dans  cette  même 
('  région.  Ils  savent  quel  empereur  régnait  à  Delhi  quand  Sivajî  vécut 
«  et  guerroya  ;  mais  ils  ignorent  quel  roi  gouvernait  en  Magadha  à 
«  l'époque  où  Gautama  Buddha  vécut  et  prêcha.   L'histoire  d'Ahmad- 
«  nagar,  de  Bijapore,  de  Golconde  leur  est  familière  ;  mais  il  est  pro- 
«  bable  qu'ils  n'ont  entendu  parler  ni  des  Andhras,  ni  des  Guptas,  ni 
«  des  Calukyas.  Ils  savent  exactement  la  date  de  l'irruption  de  Nadir 
«  Shah  ;  mais  ils  ne  sauraient  dire,  à  cinq  siècles  près,  à  quelle  époque 
«  les  Çakas  envahirent  l'Inde  et  furent  repoussés  par  Vikramâditya-le- 
0  Grand.    Ils  savent  plus  de  choses  de  Firdousi  et   de    Ferishta  que 
«  d'Aryabha^a  et  de  Bhavabhûti,  et  s'ils  peuvent  nommer  le  construc- 
«  teur  du  Taj  Mahal,  ils  n'ont  pas  la  moindre  notion  de  l'époque  à 
«  laquelle  furent  édifiés  ou  creusés  les  topes  de  Sanchi,  les  cavernes  de 
«  Karle  et   d'Ajanta,    les   temples  d'EUora,    de    Bhuvaneçvara  et   de 
«  Jagannâtha.  —  El  pourtant  cela  ne  devrait  pas  être.  Pour  l'étudiant 

Nouvelle  série,  XXIX.  21 


40  2  RBVUK    CRITIQUE 

«  hindou,  l'histoire  de  la  période  hindoue  ne  devrait  pas  être  une  page 
«c  blanche  ou,  tout  au  plus,  un  ramassis  confus  de  noms  historiques  et 
«  légendaires,  de  fables  religieuses,  de  mythes  épiques  et  pourâniques. 
«  Nulle  étude  n\igit  aussi  puissamment  sur  l'esprit  d'une  nation,  sur 
«  le  caractère  d'une  nation,  que  l'étude  critique  et  soigneuse  de  son 
«  histoire  passée.  Et  c'est  par  cette  étude  seulement  qu'au  culte  aveugle 
«  tc  superstitieux  du  passé,  on  arrive  à  substituer  une  légitime  et  virile 
«   admiration.  » 

J'ai  reproduit  ce  passage  sans  en  rien  retrancher,  parce  qu"il  résume 
parfaitement  Tobjet  du  livre  et  qu'il  caractérise  non  moins  nettement 
l'esprit,  et  aussi  le  ton  dans  lequel  il  est  écrit  :  c'est  à  la  fois  un  essai  de 
vulgarisation  scientifique  et  une  œuvre  patriotique  qu'a  voulu  faire 
M.  D.,  et,  pour  l'entreprendre,  nul  n'était,  à  plusieurs  égards,  mieux 
préparé  que  lui.  Placé  comme  magistrat  à  la  tête  d'un  district  du  Ben- 
gale ^,  il  a  pu  acquérir  cette  expérience  des  choses  et  des  hommes  indis* 
pensable  à  l'historien.  Il  a  pu  aussi  se  rendre  compte,  mieux  que  la  plu- 
part de  ses  compatriotes,  des  conditions  actuelles  de  Tlnde,  dont  l'intel- 
ligence est  si  nécessaire  à  qui  veut  comprendre  celles  de  son  passé,  et 
des  articles  de  lui  publiés  dans  la  Revue  de  Calcutta^  ont  montré  qu'il 
savait  comprendre  ces  conditions  en  homme  qui  est  de  son  époque.  En 
même  temps  il  a  étudié  l'ancienne  littérature  de  son  peuple.  Il  y  a  une 
dizaine  d'années,  paraissait  de  lui  une  analyse  de  la  Chronique  de  Cash- 
mire  3.  Depuis  il  a  publié,  sous  les  auspices  du  gouvernement  de  sa 
Présidence,  une  traduction  bengalie  des  hymnes  du  Rigveda,  et  il  a  fait 
paraître  une  série  d'études  sur  la  période  védique  qui  sont  comme  une 
ébauche  de  son  premier  volume  •*.  Enfin,  M.  D.  connaît  l'Europe,  où  il 
a  séjourné  et  achevé  ses  études  ^.  Il  est  au  courant  des  principaux  tra- 
vaux qui  se  sont  faits  sur  Tlnde,  tant  en  Angleterre  que  sur  le  continent. 
Et  ce  qu'il  a  rapporté  de  ce  long  commerce  ne  se  réduit  pas  à  l'emprunt! 
de  quelques  résultats  ou  de  simples  procédés  de  style  :  c'est  l'esprit  mêmej 
de  l'Occident,  c'est,  à  la  nuance  près,  sa  manière  de  penser  et  de  sentir,! 
qu'il  s'est  appropriés  avec  une  étonnante  souplesse.  L'assimilation  esi^ 
même  si  complète  que,  tout  en  Tadmirant,  on  la  souhaiterait  moindre 
on  voudrait  trouver  dans  son  livre  quelque  chose  de  plus  hindou,  uiJ 
peu  moins  de  ce  qui  aurait  pu  s'écrire  tout  aussi  bien  à  Londres,  à  Ber[ 
lin  ou  à  Paris. 

L'histoire  de  V Inde  ancienne,  telle  que  M.   D.  s'est   proposé  de  1| 

1.  Celui  de  Maimansingh;  plus  de  trois  millions  d'habitants. 

2.  The  Aboriginal  Elément  in  ilie  Population  of  Bengal.  Calcutta  Revicw,  Octcj 
ber  1S82.  —  A  Plea  for  Compétitive  Examination.  Ibidem,  April  1884. 

3.  History  of  Kashmiva.  A  Contribution  toyvards  Ancient  Indian  History.  Ibider,^ 
July   1880. 

4.  Sociat  Life  of  the  Hindus  in  the  Rig-veda  Period.  Ibidem,  July  1887. 
Hindu  Civilisation  of  the  Brahmana  Period.  Ibidem,  October  1887  and  lanua 
i888. 

3.  M.  Dutt  est  banister-at-law  de  Middle  Temple. 


d'histoire  et  de  littérature  403 

résumer,  va  des  origines  à  la  fin  ne  l'indépendance,  celle-ci  tombant  à 
une  date  qui,  selon  les  régions,  varie  du  xii«  au  xvi^  siècle.    Il  divise 
cette  histoire  en  cinq  périodes:  I,  védique,  de  2000-1400  av.  J.-C;  II, 
épique,  de   1400-900;  III,  philosophique,  de  1000-242;  IV,  bouddhi- 
que, de  242  av.  J.-C.  à  5oo  ap.  J.-C.  ;  V,  pourânique,  de  5oo-i  565.  Le 
premier  volume  contient  I  et  II  ;   le  deuxième  traite  de  III  ;  au  dernier 
sont  réservés  IV  et  V.  Je  ne  chercherai  pas  chicane  à  M.  D.  au  sujet  de 
cette  division,  qu'il  ne  faudrait  pas  juger  du  reste  par  le  simple  énoncé 
des  titres,  ni  sur  sa  chronologie,  que  je  crois  en  partie  inadmissible, 
mais  pour  laquelle  il  peut,  sur  chaque  point,  se  recommander  de  bonnes 
autorités.  Écrivant  un    livre  d'exposition,   non   de  discussion,  il  a  dû 
naturellement  prendre  son  parti,  avec  bien  peu  de  chance  de  contenter 
tout  le  monde.  Il  l'a  fait  de  son  mieux,  parfois  avec  succès,  et  quand  il 
lui  arrive,  selon  moi,  de  se  tromper,  c'est  toujours  en  bonne  compagnie. 
Mais  il  est  une  observation  plus  générale  sur  laquelle  je  dois  insister. 
A  moins  que  M.  D.  ne  donne  à  son  troisième  volume  de  tout  autres 
dimensions  qu'à  ses  deux  premiers,  on  voit  dès  maintenant  que  les  deux 
tiers  de  l'ouvrage  sont  consacrés  aux  temps  qui  n'ont  pas,  à  proprement 
parler,  d'histoire,   et  qu'un  tiers  seulement  est  réservé  aux  dix-huit 
siècles  environ  pour  lesquels  nous  avons  des  annales  plus  ou   moins 
documentées.  Il  est  vrai  que  ce  n'est  pas  une  histoire  au  sens  propre  du 
mot  que  veut  nous  donner  M.  D.,  mais  plutôt  un  tableau  de  la  civili- 
sation, des  idées,  des  croyances,  des  institutions,  toutes  choses  dont  le 
développement,  dans  l'Inde,  est  en  grande  partie  préhistorique.  Jusqu'à 
jn  certain  point,  ce  défaut  de  proportion  était  donc  inévitable.  Nous 
Toyons  pourtant  qu'il  l'a  singulièrement  exagéré,  et  qu'il  l'a  exagéré 
)arce  qu'il  s'est  fait  illusion  sur  la  quantité  de  matière  solide  qu'il  pou- 
'ait  tirer  de  ses  documents. 

M.  D.  n'est  pas  un  retardataire.  Il  est  au  courant  des  résultats  et  des 
loutes  auxquels  a  conduit  l'étude  critique  de  la  littérature  sanscrite,  et 
1  les  admet  dans  leur  ensemble  1,  Il  convient  que  la  rédaction  ou  la 
ompilation  des  documents  d'une  de  ses  périodes  appartient  régulière- 
lent  et  au  plus  tôt  à  la  période  suivante,  et  comme,  postérieurement  à 
1  compilation,  il  admet  encore  des  remaniements,  cela  peut  faire,  sui- 
ant  sa  propre  chronologie,  un  intervalle  d'un  millier  d'années  entre  la 


I 


I.  Avec  une  certaine  tendance,  toutefois,  à  se  ranger  de  préférence  aux  avis  qui 
|ii  permettent  de  réduire  les  concessions  à  un  minimum.  Avec  M.  Bhandarkar,  il 
ace  Pânini  au  viii'  siècle,  et,  avec  M.  Bûhler,  Gautama  au  ve  ou  au  vie  avant  notre 
é,  bien  que  Pâiiini  connaisse  l'écriture  des  Yavanas  et  que  Gautama  leur  sache  déjà 
[ne  généalogie  imaginaire.  De  même,  avec  M.  Thibaut,  il  assigne  au  vni"  siècle  les 
ûlvasx'itras,  ce  qui  lui  permet,  avec  M.  SchrœJer,  de  faire  honneur  aux  Hindous  des 
remiers  commencements  de  la  géométrie  chez  les  Grecs.  Pour  le  Veda,  il  n'a  pas 
1  connaissance  des  derniers  travaux  de  Bergaigne  et  de  M.  Oldenberg,  et  il  n'a 
is  assez  tenu  compte  de  ceux  de  M.  Weber.  J'ajouterai  que,  pour  M.  D.,  védique  et 
do-aryen  sont  synonymes,  et  qu'il  n'a  pas  le  moindre  soupçon  que  les  croyances 
les  pratiques  consignées  dans  les  Brâhmanas,  pourraient  bien  ne  pas  être  celles  de 
'Ute  la  communauté  hindoue. 


404  REVUE    CRITIQUE 

date  d'un  livre  tel  que  nous  l'avons  et  l'époque  pour  laquelle  il  l'utilise. 
Aussi  se  garde-t-il  bien  d'emprunter  à  l'ancienne  littérature  ce  qu'on 
pourrait  appeler  Sa  chronique.  Sauf  de  rares  exceptions,  il  lâche  les 
faits  1,  mais  il  retient  les  généralités.  Par  exemple,  il  ne  racontera  pas, 
comme  on  le  fait  encore  parfois  même  chez  nous,  la  succession  des 
dynasties  fabuleuses  ni  les  événements  de  la  grande  guerre  ;  mais,  sur  la 
foi  des  récits  épiques,  il  placera  sur  les  bords  du  Gange,  douze  siècles 
avant  notre  ère,  de  grands  empires,  dont  l'organisation  et  la  splendeur 
feraient  penser  à  Ninive  et  à  Persépolis.  S^il  avait  tourné  la  page,  les 
mêmes  livres  qui  lui  fournissent  ce  brillant  mirage,  lui  auraient  montré 
ses  Nabuchodonosor  et  ses  Darius  préhistoriques  allant,  comme  Rob 
Koy,  enlever  à  quelques  yojanas  de  distance  les  troupeaux  d'un  voisin. 
M.  D.  a  une  foi  bien  robuste  en  cette  sorte  d'histoire  idéale,  sans  faits  ni 
dates  assurés,  abstraite  de  documents  auxquels  on  a  fait  soi-même  une 
chronologie  purement  logique.  Ainsi  reconstruite,  Tantiquité  hindoue 
lui  parait  d'une  clarté  parfaite  :  s'il  y  reste  des  questions  obscures,  elles 
sont  d'ordre  secondaire.  «  La  littérature  de  chaque  période  est  une 
«  peinture  parfaite,  une  photographie,  si  nous  osons  l'appeler  ainsi,  de 
«  la  civilisation  hindoue  de  cette  période.  Et  les  œuvres  des  périodes 
«  successives  forment  une  histoire  complète  de  la  civilisation  hindoue 
«  pendant  plus  de  trois  mille  ans,  si  pleine,  si  claire,  that  he  xvho  runs 
«  viay  7'ead.  »  Si  j'ajoute  que  M.  D.  admet  l'introduction  tardive  de 
l'écriture  dans  Tlnde  et  que,  de  son  propre  aveu,  ses  deux  premières 
périodes  et  la  majeure  partie  de  la  troisième  n'ont  eu  qu'une  littérature 
de  tradition  orale,  on  trouvera  peut-être,  comme  moi,  qu^il  se  contente 
à  peu  de  frais. 

Mais,  ces  réserves  faites,  je  suis  heureux  d^ajouter  que,  pour  le  reste, 
M.  D.  a  bien  employé  les  matériaux  quMl  avait  à  sa  disposition.  Autant 
que  possible,  il  laisse  parler  les  textes  originaux  :  son  livre  est  ainîi 
rempli  d'extraits  choisis  et  traduits  avec  soin,  et  les  citations  y  sont 
reliées  par  des  analyses  et  par  des  résumés  où  l'on  trouve  presque  tou- 
jours le  nécessaire  et  rarement  du  superflu.   Il  est   écrit  de  plus  avec 
chaleur,  dans  une  langue  claire  et  correcte,  sans  ce  vain  et  facile  étalage 
d'érudition  qui  fatigue  plus  qu'il  n'instruit.  En  somme,  je  n'en  connais 
pas  qui  initie  mieux  à  la  pensée  de  Plnde  ancienne  et  qui  soit  d'une  lec- 
ture plus  agréable.  Tout  au  plus  peut-on  reprocher  à  l'auteur  un  peu 
de  complaisance.  Il  ne  regarde  pas  assez  à  l'envers  de  l'étoffe  et  passe 
discrètement  sur  ce  que  M.  Andrew  Lang,  parlant  d'un  seul  ouvrage 
a  appelé  quelque  part  «  ihe  seamy  side  of  the   Rigveda  ».  Les  défaut: 
que  j'ai  dû  signaler  plus  haut  se  font  d'ailleurs  moins  sentir  dans  li 
premier  volume.  On  sait  si  peu  de  chose  de  l'histoire  positive  de  cetti 
période,  que  M.  D.,  une  fois  sa  chronologie  admise,  peut  s'y  mouvoir  i 
l'aise,  sans  risque  de  se  heurter  aux  aspérités  des  faits.  Il  n'en  est  plu 

I.  Il  admet  pourtant  comme  un    fait  réel   la  conquête  de  Lanka  (qu'il  identifii 
avec  Ceyian),  par  Râiua. 


d'histoire  et  de  littérature  40 5 

de  même  dans  le  second  volume  :  ici  les  points  de  repère  et  de  compa- 
raison commencent  à  paraître,  et  M.  D.  est  exposé  à  des  conflits.  Je  n'ai 
pas  l'intention  de  soumettre  à  une  critique  de  détail  ce  volume  qui 
paraît  porter  l'empreinte  d'un  travail  un  peu  hâtif:  je  me  bornerai  à 
ajouter  quelques  exemples  à  ceux  que  j'ai  déjà  donnés. 

Ce  qui  frappe  d'abord,  c'est  une  certaine  incohésion.  11  est  arrivé  à 
M.  D.  plus  dune  fois  de  se  contredire  lui-même,  parce  que,  dans  la 
même  matière  ou -dans  des  matières  connexes,  il  a  suivi  des  autorités 
d'avis  différent.  Il  a,  par  exemple,  une  foi  entière  en  la  tradition  boud- 
dhique. C'est  certainement  son  droit.  Mais  il  ne  lui  est  plus  permis 
alors  d'être  aussi  sceptique  à  l'égard  de  la  tradition  jaina.  Il  admet  que 
les  sûtras  des  écoles  philosophiques  ne  sont  pas  des  oeuvres  d'un  seul 
jet  :  il  n'en  conclut  pas  moins  de  ces  textes  à  la  succession  des  différentes 
écoles,  et  cela  avec  une  rigueur  qui  ne  serait  pas  applicables  aux  textes 
mêmes.  Son  roi  Kanishka  voltige  d'une  façon  inquiétante  dans  les 
limites  du  i^"  siècle.  M.  D.  sait  que  l'ère  çaka  date  de  l'avènement  de 
son  fondateur,  et  à  la  page  3 18,  cette  ère  est  celle  Kanishka  :  mais,  à  la 
page  3oi,  ce  prince  monte  sur  le  trône  en  l'an  10  (AD),  et,  à  la  page  40 
du  premier  volume,  la  première  année  de  l'ère  çaka  est  l'année  de  sa 
mort.  Évidemment,  M.  D.  a  puisé  tantôt  à  droite,  tantôt  à  gauche,  sans 
se  donner  la  peine  de  mettre  les  choses  au  point.  Au  besoin,  on  s'en 
apercevrait  rien  qu'à  ses  transcriptions,  qui  sont  encore  plus  flottantes 
que  sa  doctrine. 

Un  autre  défaut,  proche  parent  de  celui-ci,  est  une  trop  grande  facilité 
à  abonder  dans  le  sens  de  nouveautés  très  contestables,  qui  l'a  conduit  à 
de  fâcheuses  exagérations.   Je    ne  ferai   pas  un  reproche  à  M.   D.   de 
n'avoir  pas   vu  que  les  auteurs  des  relations   grecques  ont  peint    les 
choses  en  beau,  par  coquetterie  de  voyageurs  et  par  politesse  envers 
leur  propre  public,  auquel  ils  tenaient  à  présenter  des  choses  surpre- 
nantes et  dignes  d'intérêt.  Mais  je  suis  obligé  de  dire  que  j'estime  fausse 
toute  sa  façon  de  comprendre  les  anciens  rapports  de  l'Inde  avec  l'Oc- 
cident. Si  une  chose  ressort  du  peu  que  nous  savons  de  ces  rapports, 
c'est  l'énorme  supériorité  intellectuelle  et  matérielle  de  ces  aventuriers 
grecs,  enfants  perdus  de  la  civilisation  hellénique,  qui  se  sont  taillé  des 
principautés  dans  tous  les  quartiers  de  l'Inde,  ont  monopolisé  pendant 
ies  siècles  tout  le  commerce  de  ses  côtes  et,  en  retour  de  ce  qu'ils  y 
:herchaient  pour  eux-mêmes,  du  butin  et  des  denrées,  lui  ont  apporté 
es  premiers  éléments  de  science  positive.   Le  meilleur  commentaire  de 
■-e  qui  a  dû  se  passer  alors,  est  ce  qui  s'est  passé  dix-sept  siècles  plus  tard, 
iprès  la  première  arrivée  des  Portugais.  Pour  M.  D.,  le  rapport  est  ren- 
'ersé.  C'est  l'Inde  qui  a  été  la  maîtresse;  la  Grèce  qui  a  été  l'élève. 
-'Inde  a  inventé;  la  Grèce  n'a  fait  que  perfectionner.  L'Inde  n'a  pas  été 
eulement  originale  dans  la  science  des  nombres,  ce  qui  est  probable; 
lais  l'Occident  lui  doit  ses  premières  notions  en  géométrie  ^  et  en  astro- 

I-  Les  Hindous,  si  habiles  calculateurs,  ont  toujours  été  de  médiocres  géomètres. 
'ryabha^a  donne  pour  la  mesure  du  volume  de  la  pyramide  celle  de  la  surface, 


1 


406  REVUE    CRITIQUE 

nomie  ^  ce  qui  Test  infiniment  peu.  La  priorité  et  la  supériorité  m 
appartiennent  pas  seulement  dans  la  spéculation  mystique  et  dans  la~ 
conception  religieuse,  mais  aussi  dans  la  philosophie  positive.  M.  D. 
reconnaît  que  llnde  n'a  pas  eu  d'Aristote  ;  mais  il  ajoute,  p.  342,  que 
la  Grèce  n"a  pas  eu  a  rigid  mental  philosopher  comparable  à  Kapila,  et 
ailleurs,  p.  i35,  nous  lisons  :  «  Kapila  et  Buddha  ont  été  le  Voltaire  et 
«  le  Rousseau  de  l'Inde  ancienne  — l'homme  de  l'intelligence  et  l'homme 
a  du  sentiment.  Seulement,  la  philosophie  de  Kapila  est  plus  claire,  ^ 
«  raison  née  d'une  manière  plus  serrée  et  plus  consistante  que  rien  de 
«  ce  que  Voltaire  a  écrit,  et  la  moralité  et  la  sympathie  humaine  de 
«  Buddha  étaient  plus  hautes,  plus  pures  et  plus  compréhensives  que 
il.  celles  de  Rousseau.  »  Je  passe  sur  le  parallèle  de  Buddha  et  de  Rous- 
seau ;  mais  quelle  singulière  façon  de  surfaire  les  catégories  du  Sânkhya, 
et  comme  ces  choses  sonnent  étrangement  à  une  oreille  européenne  2  ! 
L'influence'très  réelle  du  mysticisme  oriental  sur  l'Occident  n'a  pas  été 
moins  défigurée.  M.  D.  pense  avoir  prouvé  que  le  bouddhisme  fut 
prêché  en  Syrie  au  m"  siècle  avant  J.-C,  qu'il  fut  professé  (wasreceiveJ.) 
en  Palestine  et  en  Egypte,  que  les  Esséniens  étaient  des  bouddhistes  et 
que  le  baptême  de  Jean  dérivait  de  V abhisheka  bouddhique.  En  tout 
ceci,  ce  qui  excuse  M.  D.,  c'est  que,  de  ces  thèses,  plus  risquées  les  unes 
que  les  autres,  aucune  ne  lui  appartient  en  propre,  que  sur  plusieurs  il 
a  été  dépassé  parmi  nous  et  a  fait  preuve  de  modération.  Par  contre,  il 
y  a  cette  circonstance  aggravante  que,  présentées  isolément  ailleurs,  elle^ 
sont  réunies  ici  en  quelques  pages  comme  en  un  faisceau. 

J'espère  que  M.  D.  ne  se  méprendra  pas  sur  le  sens  de  ces  critiques  et 
que,  peut-être,  il  les  préférera  à  de  banals  éloges.  C'est  parce  que  j'estime 
son  ouvrage  très  haut  que  j'ai  cru  devoir  les  faire.  Rien  ne  donne  um 
idée  plus  grande,  plus  consolante  de  l'œuvre  accomplie  par  l'Angletern] 

bévue  que  n'eût  certainement  plus  commise  en  Grèce  un  contemporain  de  Platon. 

1.  Que  rastronomie  scientifique  des  Hindous  est  copiée  de  celle  des  Grecs,  est  uij 
fait  bien  établi  et  que,  avant  cet  emprunt,  ils  n'ont  eu  que  des  notions  grossières,  Ql| 
est  un  autre.  On  peut  douter  que  Thaïes  ait  prédit  une  éclipse;  mais  il  avait  certaiJ 
nement  quelques  idées  saines  sur  la  disposition  de  l'univers  à  une  époque  où  16 1 
Hindous  en  étaient  peut-être  encore  à  se  demander,  avec  l'auteur  d'un  Brâhmanaj 
combien  de  vaches  il  faudrait  mettre  l'une  sur  l'autre  pour  toucher  au  ciel. 

2.  Je  ne  crois  pas  que  ceci  vienne  à  l'encontre  d'un  regret  exprimé  plus  haulj 
car  ce  n'est   pas  dans  ses  jugements  sur  les  choses  d'Europe   que  je  voudrais  qui 
M.  D.  fût  resté  plus  hindou.  Le  Sânkhya,  dont  l'Inde  n'a  rien  su  faire,  qui  est  restl 
chez  elle  à  l'état  de  formule  figée  et  stérile,  n'a  pas  été  surfait  par  lui  seulement  psi 
rapport  à  la  pensée  de  l'Occident,  il  l'a  été  aussi  par  rapport  aux  autres  systèmes  dj 
rinde.  Cette  façon  de  juger  une  doctrine  par  ses  principes,  je  dirais  presque  par  j 
silhouette,  est  à  la  mode  ;  elle  a  un  faux  semblant  de  profondeur;  en  réalité,  elle  ei 
superficielle  et   conduit  droit  au   paradoxe  :   le  Sânkhya,  par  exemple,  deviendra  i| 
positivisme.  Les  solutions  finales  auxquelles  aboutit  la  pensée  sont  peu  nombreus(| 
et  elles  n'ont  guère  changé  depuis  deux  ou  trois  mille  ans.  Ce  qui  importe,  c'e 
par  quelle  voie  on  y  arrive^  c'est  comment  l'ensemble  s'enrichit  et  se  développe;  ff 
un  mot,  c'est  la  vie  et  non  la  formule.    Pour  qui    prend  la   peine   d'envisager  Ii» 
choses  ainsi,  l'Inde  n'a  eu  vraiment  qu'une  seule  philosophie,  le  Vedâaïa. 


d'histoire  et  de  littérature  407 

dans  l'Inde,  rien  ne  fait  mieux  espérer  de  l'avenir  réservé  à  ce  pays,  si 
quelque  terrible  accident  ne  vient  pas  en  travers,  que  des  livres  pareils. 
Qu'on  essaie  d'en  trouver  de  semblables  dans  les  autres  contrées  de 
l'Orient,  même  dans  celles  qui  ont  subi  Paction  de  l'Occident  depuis 
plus  longtemps  et  de  plus  près.  Je  crois  qu'on  les  y  chercherait  en  vain. 
Les  défauts  même  que  j'ai  dû  signaler  et  d'autres  encore,  dont  je  n'ai 
rien  dit,  se  réduiraient  presqu'à  rien,  si  Ton  pouvait  croire  que  le  livre 
a  été  réellement  écrit  pour  les  Hindous.  M.  D.  aime  à  tirer  la  morale 
de  ses  récits,  et  l'histoire  prend  chez  lui  parfois  Tallure  d''un  sermon,  ce 
qui,  pour  nous,  est  un  défaut.  Il  déteste  la  caste,  parce  qu'elle  est  inique 
et  qu'elle    est    une  des  principales    causes   qui,   actuellement,  empê- 
chent  les   Hindous  d'être  une  nation,  et  nous  sommes  d'accord  avec 
lui.  Mais  il  ajoute  que  si  les  peuples  de  Tlnde  ne  sont  pas  devenus 
une  nation,  c'est  parce  que  l'Inde  avait  la  caste,  et  nous  sommes  aussitôt 
tentés  de  renverser  la  proposition.    Il  en   fait    un   crime   des    hautes 
classes,  un  crime  religieux    surtout,   qui   aurait  exclu  brutalement  les 
humbles  et  les  déshérités  de  ce  monde  des  consolations  d'une  foi  et  d'un 
culte  communs.  Nous  nous    rappelons  aussitôt  que   la  caste  a  poussé 
autant  par  le  bas  que  par  le  haut,  que  la  religion   n'a  été  que  l'un  de 
ses  très  nombreux  facteurs,  que   les  consolations   dont  il  parle  appar- 
tiennent à  un  tout  autre  ordre  de  croyances  que  l'ancien  brahmanisme, 
et  qu'il  y  a  été  pourvu,  autant  que  la  religion  peut  être  en  cause,  par 
le  civaïsme  et  par  le  vishnouisme.   Mais  que  deviennent  ces  objections 
de  dilettante  au  point  de  vue  hindou,  en  face  de  l'institution  maudite, 
et  que   pourrions-nous  bien  en  dire  si  le  livre  était  écrit  en  bengali? 
Écrit  en    anglais,   il   sera  lu    largement  par    le   public   d'Europe,   et, 
dans  l'Inde,  par  le  petit  nombre  de  ceux  qui  savent  cette  langue.  Aux 
uns  et  aux  autres,  il  procurera  une  lecture  instructive  et  agréable,  dont 
jls  seront  certainement  reconnaissants  à  M.  Dutt.  Rédigé  dans  l'un  des 
ernaculars  et  mis  à  la  portée  des  masses  hindoues,  il  serait  une  béné- 
'diction. 

A.  Barth. 


237.  —  Appleton.    Histoire  de    la   pi-opriété  prétorienne   et    de    l'aetion 
publicieune.  Paris,  Thorin,  188g,  2  vol.  in-8  de  382  et  420  pages.  Prix  :  18  fr. 

On  sait  que  les  Romains  distinguaient  deux  sortes  de  propriétés,  la 
propriété  quiritaire  et  la  propriété  bonitaire.  La  première  était  réservée 
aux  seuls  citoyens  ;  mais  la  qualité  de  citoyen  ne  suffisait  pas  pour  l'ac- 
quérir; il  fallait  encore  y  ajouter  quelques  conditions  particulières;  elle 
ne  pouvait  notamment  être  transmise  que  par  le  procédé  appelé  la  man- 
cipation,  et,  par  suite,  elle  ne  pouvait  s'exercer  que  sur  Iqs res  mancipi. 
La  seconde  forme  de  propriété  était  toute  différente,  puisqu'elle  était 
accessible  même  à  ceux  qui  n'étaient  point  citoyens,  qu'elle  s'appliquait 
aux  res  nec  mancipi,  et  qu'elle  s'acquérait  par  voie  de  simple  ?ra^/7/o«, 


408  REVUE  CRITIQUE 

Elles  n'étaient  pas  seulement  distinctes  l'une  de  Tautre  ;  entre  elles  il  y 
avait  quelquefois  conflit,  par  exemple  quand  une  res  mancipi  était 
aliénée  non  par  mancipation,  mais  par  tradition.  Si  imparfaite  que  fût 
la  propriété  bonitaire,  on  dut  pourtant  lui  assurer  certaines  garanties. 
Le  vieux  droit  quiritaire  n'offrait  à  cet  égard  aucune  ressource.  Ce  fut 
donc  le  préteur  qui  s'en  chargea  ;  de  là  V action  pub licienne ,  ainsi  désignée 
parce  qu'elle  fut  imaginée  par  un  personnage  du  nom  de  Publicius. 
Dans  le  présent  ouvrage,  M.  Appleton  s'est  efforcé  d'étudier  toutes  les 
questions  que  soulève  la  propriété  bonitaire  ou  prétorienne.  Il  l'a  fait 
avec  une  connaissance  approfondie  du  sujet  et  une  intelligence  remar- 
quable des  textes.  Il  a  même  poussé  le  scrupule  jusqu'à  discuter  toutes 
les  opinions  énoncées  par  les  modernes;  en  quoi  il  a  fait  beaucoup 
d'honneur  à  plusieurs  d'entre  elles.  C'est  un  rare  mérite  pour  un  au- 
teur d'épuiser  la  matière  qu'il  traite.  M.  A.  a  droit  sans  contestation  à 
cet  éloge,  du  moins  s'il  a  voulu  s'enfermer  dans  le  domaine  juridique. 
Son  seul  tort,  mais  il  est  grave,  a  été  de  trop  circonscrire  ses  recher- 
ches. Les  juristes  de  profession  se  préoccupent  trop  peu  de  l'histoire. 
Ils  semblent  croire  que  le  droit  peut  être  considéré  en  lui-même,  abs- 
traction faite  des  circonstances  extérieures  qui  le  modifient.  Pourtant, 
si  l'on  réfléchit  que  le  droit  n'est  que  la  réunion  des  principes  conçus 
par  les  hommes  pour  régler  leurs  rapports  réciproques,  on  se  convain- 
cra aisément  que  les  évolutions  du  droit  sont  toutes  déterminées  par 
celle  des  idées  et  des  intérêts,  et  que  par  conséquent  il  est  indispensable 
d'avoir  toujours  l'œil  sur  le  développement  historique  d'une  société 
pour  suivre  les  transformations  de  ses  lois.  M.  A.  y  a  rarement  songé. 
On  chercherait  vainement  dans  son  livre  les  raison  très  diverses  qui  ont 
amené  les  Romains  à  inventer  l'action  publicienne,  les  causes  qui  ont 
fait  prédominer  de  plus  en  plus  la  propriété  prétorienne,  et  les  avanta- 
ges qui  en  ont  résulté  tant  pour  Rome  elle-même  que  pour  ses  sujets. 
Tous  ces  points  cependant  ont  une  importance  capitale,  et  il  eût  bien 
mieux  valu  s'y  appesantir  que  de  perdre  son  temps  à  réfuter  les  conjectu- 
res arbitraires  de  tel  ou  tel  érudit  de  quatrième  ordre.  M.  Appleton  avait 
même  le  devoir  de  les  traiter  à  fond,  puisqu'il  se  proposait  d'écrire 
Vhistoire  de  la  propriété  prétorienne.  Il  est  regrettable  qu'il  ait  négligé 
de  le  faire,  et  qu'il  se  soit  obstinément  confiné  dans  l'exégèse  des  docu- 
ments juridiques. 

Paul    GUIRAUD. 


238.  —  La  piiizeln  d'Oi-lhienx.  Récit  contemporain  en  langue  romane  de  la 
mission  de  Jeanne  d'Arc,  de  sa  présentation  au  roi  Cliarles  VII  et  de  la  levée  du 
siège  d'Orléans,  communiqué  le  i3  juin  1889  au  congrès  des  Sociétés  savantes, 
par  P.  Lanerv  d'Arc  et  Ch.  Grellet-Balguerie.  Paris,  Picard,  1890.  In-8, 
16  pages. 

Ce  récit  est  tiré  d'un  registre  des  archives   municipales  d'Albi.  Il 
n  est  pas  contemporain,  car  l'écriture  du  ms.  n'est  que  du  xvi^  siècle,  et  le 


d'histoire  et  de  littérature  409 

style  comme  les  formes  du  langage  accusent  une  époque  sensiblement 
postérieure  à  celle  de  Jeanne  d'Arc.  11  n'offre  du  reste  qu'un  très  faible 
intérêt.  On  n'y  relève  aucun  fait  nouveau.  Il  ne  Justifie  donc  en  aucune 
façon  l'enthousiasme  qu'il  inspire  aux  éditeurs.  Est-il  du  moins  inédit, 
comme  ceux-ci  le  donnent  à  entendre?  «  Ce  récit,  disent-ils,  est  resté 
jusqu'ici  inconnu.  Si  Jules  Quicherat  en  eût  appris  l'existence,  il  l'eût 
fait  assurément  figurer  dans  le  tome  V  de  ses  Procès.  »  Il  est  bien 
étonnant  que  les  éditeurs  n'aient  pas  pris  la  peine  de  consulter  l'excel- 
lente table  qui  termine  la  publication  de  Quicherat.  S'ils  l'avaient  fait, 
ils  auraient  trouvé  au  mot  Albi  Tindication  de  leur  document  avec 
renvoi  au  tome  IV,  où  le  texte  en  est  donné  ///  extenso  aux  pages  3oo 
à  3o2.  11  y  a  plus  :  Quicherat  n'est  pas  le  premier  éditeur  de  ce  mor- 
ceau. Il  l'a  reproduit  d'après  Compayré,  Etudes  historiques  et  docu- 
ments inédits  sur  l'Albigeois,  p.  269 (Albi,  1841).  Ajoutons  que  l'édi- 
tion de  MM.  Lanery  d'Arc  et  Grellet-Belguerie  est  très  inférieure  à  celle 
de  ses  deux  devanciers.  Les  fautes  de  lecture  et  les  mauvaises  divisions 
de  mots  y  abondent. 

P.  M. 


23g.  —  Ktudes  littéraires  sur  le  XVII"  siècle.  Chapelain  et  nos  deux  pre- 
mières académies,  par  l'abbé  A.  Fabre.  Paris,  Perrin,  1890,  grand  in-8  de  viii- 
5 14  p. 

M.  l'abbé  Fabre  nous  apprend  [Avant-propos,  p.  v)  qu'en  vue  d'un 
travail  en  préparation   relatif  à  ce  grand  xvii°  siècle  dont  il  s'est  déjà 
tant  et  si  bien  occupé,  il  a  eu  l'occasion  de  consulter  souvent  l'histoire 
de  l'Académie  française  et  celle  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres.  Au  cours  de  ses  recherches  dans  les  divers  historiens,  Pellisson, 
d'Olivet,  Claude  Gros  de  Boze,  M.  Alfred  Maury,  il  a  rencontré  nom- 
bre d'obscurités  ou  de  passages  difficiles  qui  l'ont  arrêté  net.  Avant  d'al- 
ler plus  loin,  il  a  voulu,  continue-t-il,  comprendre  ce  qu'il  ne  compre- 
nait pas,  éclaircir  ce  qui  était  confus.  Il  s'est  pris  ainsi  à  divers  problè- 
mes chronologiques,  littéraires,  historiques,  négligés  ou  inaperçus  jus- 
qu'ici. S'il  ne  s'est  pas  flatté  de  les  résoudre  tous,  il  a  du  moins  voulu 
les  signaler  comme  on  signale  des  écueils.   Donnant  tout  de  suite  un 
exemple  des  oublis  et  des  erreurs  d'un  historien  généralement  aussi  bien 
informé  que  Pellisson,  il  lui  reproche  (pp.  vi  et  3o-3i)  de  n'avoir  cité  ni 
Hay  du  Chastelet,  ni  Racan,  dans  sa  liste  des  premiers  académiciens, 
et  de  nous  avoir  laissé  ignorer  la  date  précise  de  leur  nomination.  Pour 
un  autre  au  contraire,  Mainard,  il  nous  le  montre  dans  le  groupe  qui 
fut  nommé  un  peu  après  le  mois  de  février  1634,  et  dont  en  réalité  il  ne 
faisait  pas  encore  partie  à  la  fin  du  mois  d'août  de  la  même  année  ^  Sur 

I.  Voir  p.  12.  On  lit  (p.  11)  :  '<  A  propos  de  Mainard,  voici  une  particularité  assez 
piquante.  Avant  d'être  de  l'Académie,  il  en  prit  à  son  aise  avec  elle,  et  ne  se  gêna 
nullement  pour  en  médire  et  l'attaquer.  On  a  bien  raison  :  il  n'y  a  rien  de  nouveau 


410  REVUE    CRITIQUE 

ces  points,  et  sur  bien  d'autres,  M.  F.  a  élevé  des  doutes  et  proposé  des 
solutions.  Quant  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  il  s^ac- 
cuse  «  d'avoir  audacieusement  bouleversé  de  fond  en  comble  les  pre- 
mières pages  du  récit  de  G.  de  Boze  et  de  M.  A.  Maury.  »  Il  se  garde 
d'affirmer  qu'il  a  eu  raison  et  il  attend,  au  sujet  de  ce  grand  débat,  la 
décision  du  public.  «  Ce  n'a  pas  été,  dit-il,  sans  hésitation^et  sans  scru- 
pule que  nous  avons  osé  reprendre  de  Boze  et  résister  çà  et  là  à  une  si 
haute  autorité.  Mais  force  nous  était  bien  de  crier  gare  et  d'avertir  du 
péril,  quand  les  faits  avancés  étaient  invraisemblables  ou  contredits  par 
des  témoignages  formels.  » 

A  ceux  —  et  ils  seront  nombreux  —  qui  s'étonneraient  de  voir  le  nom 
de  Chapelain  inscrit  en  tête  du  volume,  M.  F.  répond  ainsi  (p.  vii-viii)  : 
«  Chapelain,  malgré  son  mauvais  renom,  est  devenu  le  centre  de  cette 
nouvelle  étude.  La  place  qu'il  occupe  dans  le  travail,  l'auteur  tant  sifflé 
par  Boileau  l'a  prise,  plus  que  nous  la  lui  avons  donnée.  Sa  correspon- 
dance lui  assigne  le  premier  rang  dans  Phistoire  des  années  commen- 
çantes de  nos  deux  premières  académies:  nous  ne  pouvions  sans  injus- 
tice le  rejeter  au  second  plan.  L'honneur  est  grand,  dira-t-on,  c'est 
possible;  mais  si  on  veut  bien  nous  lire,  pour  être  considérable,  l'hon- 
neur ne  paraîtra  ni  excessif,  ni  immérité  ^  » 

Quinze  chapitres  sont  consacrés  à  l'Académie  française;  cinq  à  l'Aca- 
démie des  inscriptions  et  belles-lettres.  Il  n'est  pas  un  seul  de  ces  vingt 
chapitres  qui  n'intéresse  et  n'instruise.  Ce  que  l'auteur  a  surtout  recher- 
ché, ce  qu'il  a  raconté  d'une  plume  fidèle  autant  qu'élégante,  c'est 
l'histoire  des  deux  grandes  institutions  à  leur  début.  Réunissant  avec 
un  soin  minutieux  et  un  art  agréable  mille  détails  disséminés  un  peu 
partout,  dans  les  récits  contemporains  comme  dans  les  livres  posté- 
rieurs, il  en  a  formé  un  double  tableau  d'ensemble  où  l'on  retrouve  sur 
les  origines  de  nos  deux  premières  académies,  tout  ce  qui  pouvait  le 
mieux  redresser  et  compléter  les  travaux  ordinairement  consultés. 
Aussi  les  lettrés  aimeront-ils  à  placer  dans  leur  collection  académi- 
que, comme  un  indispensable  compagnon,  le  livre  de  M.  F.  à  côté  des 
deux  volumes  de  Pellisson  et  d'Olivet,  si  bien  annotés  par  M.  Livet,  et 
à  côté  du  magistral  ouvrage  de  M.  A.  Maury  sur  l'ancienne  Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres. 

J'indiquerai  seulement,  et  en  courant,  quelques-uns  des  points  qu'exa- 
mine l'habile  critique.  Il  combat  tout  d'abord  (p.  i3)  l'opinion  de  ceux 
qui  ont  prétendu  que  le  cardinal  de  Richelieu  redouta  l'indépendance 
de  l'Académie  naissante  et  que,  sous  prétexte  de  la  protéger,  il  ne  cher- 
cha qu'à  l'asservir.  «  On  a  divagué  de  mille  façons,  dit-il,  sur  les  pro- 
sous le  soleil.  Il  est  ancien  l'exemple  de  ceux  qui  disent  du  mal  de  l'Académie  avant  ^^ 
de  l'épouser.  » 

I.  Cf.  une  chaleureuse  tirade  (p.  1 18)  et  surtout  le  chapitre  vu  en  entier  sur  Chape- 
lain à  l'Académie,  où  l'on  voit  que,  dès  le  premier  jour,  il  joua  parmi  ses  confrèrej'jj 
le  rôle  principal  (pp.  179  etsuiv.). 


D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  4  I  i 

fonds  desseins  de  Richelieu  en  cette  affaire.  On  se  fût  épargné  ces  belles 
inventions  si  on  avait  voulu  songer  que  le  grand  cardinal  n'avait  guère 
à  être  jaloux  d'une  douzaine  de  gens  de  lettres  parfaitement  inconnus.  » 
Je  crois  qu'en   effet  Richelieu,  en  établissant  TAcadémie,  fut  déter- 
miné bien  plus  par  des  considérations  littéraires  que  par  des  considéra- 
tions politiques.  —  Au  sujet  du  mariage  de  Valentin  Conrart  avec  sa 
cousine,  Madeleine  Muisson  (22   février  1634),  M.  F.  conteste  (p.   16) 
diverses  assertions  de  MM.  A.  Jal  et  R.  Kerviler,  a  deux  autorités  d'or- 
dinaire si  sûres  »  1  ;  il  établit  que  Marie,  sœur  de  Conrart,  a  été  con- 
fondue avec  la  sœur  de  la  femme  de  ce  dernier,  Catherine  Muisson, 
épouse  d'Abraham  Le  Duchat,  et  que  le  prétendu  Dompierre,  époux  de 
Marie  Conrart,   s'appelait  Jonquières,  du  nom  d'une  terre  sise  dans 
l'Oise  2.  11  montre  (pp.  3 1-32),  contre  M.Ch.  Livet  plaçant  l'élection  de 
Balzac  après  celle  de  Porchères-Laugier,  vers  le  même  temps  que  celles 
de  Marin  Cureau  de  la  Chambre  et  de  Montmort(fin  de  décembre  1634), 
que  l'ermite  de  la  Charente  devint  académicien  dès  le  printemps  de  la 
même  année.  Dans  son  tableau  des  40  premiers  membres  de  l'Acadé- 
mie (pp.  36-38),  l'auteur  adopte  un  ordre  quelque  peu  différent  de  celui 
que  M.  Livet  a  suivi,  et  il  justifie  à  merveille  ces  changements.  De 
même  (pp.  55-56),  il  dresse  des  divers  secrétaires  perpétuels  qui  se  sont 
succédé  depuis  l'époque  de  la  fondation,  une  liste  plus  complète  que 
celle  de  M.  Livet,  lequel  avait  omis  l'abbé  Dubos,  successeur  d'André 
Dacier  (19  novembre  1742)  et  avait  fait  commencer  seulement  en  i836 
!e  secrétariat  de  Villemain,  successeur  (i  i  décembre   1834)  d'Arnault, 
nort  le  1 6  septembre  précédent.  Le  tableau  (pp.  62-63)  des  divers  impri- 
neurs  libraires  de  l'Académie,  depuis  son  établissement  jusqu'à  ce  jour, 
été  dressé    d'après  les   indications  jadis   fournies    par    l'imprimeur 
i.  Lottin  3,  et  remplacera  fort  avantageusement  le  tableau  inexact  et 
icomplet  de  M.  Livet.  Signalons  encore  un  autre  tableau  très  bien  fait 
es  dates  et  lieux  des  réunions  de  l'Académie  de  1629  à  1793  (pp.  84- 
5)4.  Un  des  chapitres  les  plus  curieux  de  tout  Touvrage  est  le  chapi- 


11.  En  revanche,  quelques  pages  avant,  M.  F.  avait  emprunte'  à  M.  Kerviler  cette 
çnfication  (p.  3)  :  «  Toutes  les  semaines,  ils  (les  fondateurs  de  l'Acade'mie)  se  réu- 
ssaientchez  Conrart.  Celui-ci  n'habitait  pas  rue  Saint-Martin,  comme  nous  le  di- 
,nt,  après  Peliisson,  MM.   Cousin  et  Livet,  mais  près  de  la  rue  Saint-Martin,  rue 
s  Vieilles-Étuves.  »  Ed.  Fournier  (Variéiés  hist.  etlitiér.,  t.  I,  p.  127)  s'est  encore 
bins  approché  de  la  vérité  en  substituant  la  rue  Saint-Denis  à  la  rue  Saint-Mariin. 
jl.  M.  F.  plaisante  avec  une  douce  malice  (pp.  20-21)  sur  l'imaginaire  voyage  de 
ces  auprès  des  frontières  d'Espagne  de  Conrart,  qui  passa  tout  simplement  sa  lune 
miel  à  deux  pas  de  Paris,  à  Joncquières.  On  trouvera  bien  d'autres  traces  à'hu- 
ur  dans  l'ouvrage,  notamment  au  sujet  des  visites  académiques  (pp.  47-48). 
.  Catalogue  chronologique  des  libraires  et  des  imprimeurs  de  Paris,  etc.  i  vol. 
^12.  Paris,  1789.  M.  F.  a  aussi  eu  soin  de  consulter  un  autre  estimable  recueil 
Wb\\é  cent  ans  auparavant  :  Histoire  de  l'imprimerie  par  J.  de  la  Caille,  Paris,  in-4'', 

•  Les  devanciers  de  M.  F.  n'avaient  pas  songé  à  résumer  les  longues  pérégrina- 
^is  de  l'Académie. 


^ 


41  2  REVUE   CRITIQUE 

ire  VI  (Attaques  contre  l'Académie),  où  sont  vivement  analysés  les  pam- 
phlets de  Mathieu  de  Morgues,  sieur  de  Saint-Germain,  de  Ménage,  de 
Saint-Evremond,  de  Ch.  Sorel,  etc.  Recommandons  aussi  les  cinq  cha- 
pitres suivants  sur  le  Cid  à  l Académie ,  qu'on  lira  avec  fruit  même  après 
avoir  lu  MM.  Marty-Laveaux  et  Em.  Picot.  Enfin  indiquons  encorei 
comme  bien  importants,  les  chapitres  xiii,  xiv  et  xv,  où  est  retracée 
l'histoire  (jusqu'en  1877)  du  Dictionnaire  de  V Académie,  dont  Chape- 
lain eut  l'idée  et  dont  il  dressa  le  plan,  ce  qui  constitue  pour  lui  deux 
titres  impérissables  à  la  reconnaissance  des  amis  de  notre  langue  ^. 

Le  même  homme  qui  avait  été  un  des  premiers  membres  de  TAcadé- 
mie  française,  fut  aussi  un  des  premiers  membres  de  l'Académie  des  ins- 
criptions et  belles-lettres.  G.  de  Boze  et  ceux  qui,  après  lui,  ont  traité  des 
origines  de  cette  dernière  Compagnie  donnent  à  Chapelain  pour  confrè- 
res,en  i663,  Bourzeys,  Cassagne  et  Charpentier,  la'oorieuses abeilles  sor- 
ties, comme  l'auteur  de  la  Piicelle,  de  la  ruche  de  l'hôtel  Séguier  ^.  Mais  il 
aurait  eu  un  autre  confrère  dans  Charles  Perrault,  lequel  affirme,  en  ses 
Mémoires,  qu'il  fit  partie  de  la  petite  académie  dès  le  début,  avant  même 
Charpentier.  Ce  témoignage  est  fort  grave  et  eu  égard  à  la  véracité  de 
l'écrivain,  remarque  M.  F.,  ilest  difficile  de  ne  pas  en  tenir  compte.  Aussi 
se  décide-t-il  à  suivre  (p.  3g6)  le  récit  de  Perrault,  «  d^un  homme  qui  a 
été  mêlé  directement  à  l'affaire,  »  de  préférence  à  «  celui  d'un  historien 
qui  écrivait  plus  de  5o  ans  après  l'événement.  »  Il  en  résulte  qu'on  nt 
peut  plus  dire,  avec  G.  de  Boze  et  M.  Maury,  que  Pauteur  des  Conte: 
ait  succédé,  en  1679,  à  l'abbé  Cassagne.  M.  F.  se  sépare  encore  de: 
deux  historiens  académiques  (p.  407)  au  sujet  de  l'époque  de  la  retrait( 
de  Perrault  comme  contrôleur  des  bâtiments,  retraite  qu'ils  retarden 
jusqu'en  1682  :  il  est  manifeste,  déclare-t-il,  qu'il  se  retira  de  la  cou 
en  1678  ou  au  plus  tard  dans  les  premiers  mois  de  1679.  Je  n'hésite  pa 

1.  M.  F.,  qui  n'oublie  rien,  n'a  pas  oublié  de  mentionner  la  prétendue  secondi 
édition  du  Dictionnaire,  laquelle  n'est  qu'une  contrefaçon  hollandaise  (Amsterdam 
Marc  Huguetan,  1696),  et  il  renvoie,  sur  ce  point,  à  «  une  excellente  notice,  fort  de 
taillée,  »  insérée,  en  1888,  par  M.  L.  Delisle  dans  la  Bibliothèque  de  l'École  de 
Chartes  (vol.  XLIX,  p.  577).  A  propos  de  la  septième  édition  du  Dictionnaire  (1877 
je  présenterai  une  observation  à  l'auteur  :  Pourquoi  dit-il  (p.  386)  que  cette  éditio 
«  sera  vraisemblablement  la  dernière  »?  J'espère  bien  que  lui,  moi  et  tous  nos  chei 
lecteurs,  nous  aurons  le  plaisir  de  saluer  la  huitième  édition.  Voici  une  autre  obser 
vation  :  Pourquoi,  en  ce  qui  regarde  le  Dictionnaire  Iiistoriqiie  de  la  langue,  ne  mei 
tionner  que  les  deux  volumes  de  i858  et  de  1884.''  11  fallail  ajouter  que,  depuis  188. 
a  paru  le  tome  III  en  quatre  fascicules  (i885,  1887,  1888)  et  que  nous  possédoi 
déjà  les  deux  premières  parties  du  tome  IV  (1888).  Ce  sont  à  peu  près  les  seuii 
critiques  que  je  puisse  adresser  à  l'auteur.  Tout  au  plus  aurais-je  le  droit  de  relevt 
encore  une  légère  erreur  bibliographique  deux  fois  répétée  (pp.  71,  179),  d'après  1; 
quelle  les  Variétés  liist,  et  litt.  d'Ed.  Fournier  (Bibliothèque  elzevirienne)  se  corr 
poseraient  de  quatre  vol.  in-12.  Il  y  en  a  six  de  plus.  Dieu  merci!  Le  Xe,  que  ) 
sous  les  yeux,  a  paru  en  i863.  , 

2.  L'Académie  française  siégea   dans  cet  hôtel,  de  février   1643  à  mai   1672; 
quitta  l'hôicl  du  protecteur  des  lettres  pour  s'établir  au  Louvre,  où  elle  devait  re 
pendant  plus  de  cent  ans  (jusqu'au  5  aoiît  1793). 


d'histoire  et  de  littérature  41 3 

à  donner  raison  sur  tous  ces  points  à  la  nerveuse  discussion  de  M.  F., 
de  même  que  je  reconnais,  avec  lui,  que  ce  fut  Colbert,  bien  plus  que 
Louis  KIV,  alors  roi  de  25  ans  1,  qui  fit  les  nominations  et  fut  le  réel 
parrain  des  quatre  premiers  membres  de  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres,  comme  il  fut  le  véritable  père  de  cette  illustre  compagnie 
si  bien  surnommée  la  grande  école  des  sciences  historiques. 

M.  F.  dit  avec  une  spirituelle  modestie  (Avant-propos,  p.  vu)  :  «  Per- 
rault, dans  ses  intéressants  Mémoires,  raconte  qu'en  1664,  concurem- 
ment  avec  Bourzeys  et  Cassagne,  il  présenta  seize  devises  pour  les  Ta- 
pisseries du  roi.  Sur  les  sei-e  choisies  alors  par  Colbert,  quatorze  sont 
de  moi!  s  ecrie-t-il  joyeusement.  Nous  ne  prétendrons  pas  à  pareil  suc- 
cès. Notre  ambition  sera  satisfaite  si,  pour  nos  réponses,  on  veut  bien 
faire  ce  que  fit  Colbert  pour  les  devises  de  Perrault,  en  retenir  la  plus 
grande  partie.  »  M.  l'abbé  Fabre  obtiendra  plus  qu'il  ne  demande,  car 
toutes  les  solutions  qu'il  propose  me  semblent  devoir  être  acceptées. 

T.    DE   L. 

240.  —    P.    BoissoNNADE,    professcuT    agrégé    d'histoire    au    Lycée    d'Angoulême. 
Uistoli'e  des    volontuii-es  de    la  4::lisirente  pendant    la     Révolution^ 

1791-1794.  Angouiême,  Coquemard,  1890.  In-8,  364  p. 

Voici  un  très  bon  livre,  chaque  département  devrait  s'en  souhaiter 
un  semblable,  et  nous  sommes  heureux,  pour  notre  part,  que  l'idée  de 
l'ouvrage  soit  «  née  de  la  lecture  »  de  nos  études  sur  1792.  M.  P.  Bois- 
sonnade  a  eu  le  courage  de  faire  aux  archives  de  la  Charente  les  plus 
minutieuses  recherches  :  il  a  lu  plus  de  quinze  mille  pièces!  Mais  son 
œuvre  qui  a  tant  exigé  d'efforts  et  de  travail,  est  une  des  meilleures  con- 
tributions à  l'histoire  militaire  de  la  Révolution  que  nous  ayons  eues 
dans  ces  derniers  temps.  M.  B.  l'a  divisée  en  quatre  livres.  Le  premier 
livre  est  consacré  aux  volontaires  de  1791;  la  Charente  lève  alors  deux 
bataillons  :  le  premier  qui  combat  dans  le  Nord,  coopère  à  la  prise  de 
Lyon,  passe  à  Tarmée  d'Italie  et  est  incorporé  à  la  4°  légère  ;  le  deuxième 
qui  va  périr  presque  tout  entier  à  Saint-Domingue,  Le  pipmier  a  donné 
à  lui  seul  six  généraux,  dont  M.  B.  fait  la  biographie  :  Léchelle, 
Pinoteau,  Villemalet,  Rochette-Pluzet,  Laroche,  Lacroix.  —  Le  livre 
deuxième  traite  des  volontaires  de  1792;  on  y  trouve  une  foule  de 
détails  curieux;  avec  nous,  M.  B.  conclut  que  ces  bataillons  de  1792 
n'ont  pu  être  aussitôt  utilisés  à  cause  de  leur  indiscipline,  mais  eux 
aussi  ont  donné  des  officiers  de  mérite,  dont  trois  généraux  :  Ganivet, 
Valletaux  et  Rivaud,  Rivaud  «  qui,  de  tous  les  volontaires  de  la  Cha- 
rente, a  le  plus  honoré  le  département  et  dont  le  nom  brille  avec  le 
plus  d'éclat  parmi  les  héros  de  cette  époque  »   (p.  io5).  —  Le  livre 

I.  M,  F.  dit  (p.  412)  que  Louis  XIV  «  n'avait  guère  alors  que  vingt-trois  ans.  » 
Ce  doit  être  là  une  faute  d'impression,  comme  il  en  a  relevé  plusieurs  dans  les  deux 
in-8»  de  M.  Livet  (1857)  et  aussi  hélas!  dans  les  deux  in-4'' des  Lettres  de  Jean  C/î^- 
feZa/H(i88o-i883). 


414  REVUE    CRITIQOK 

troisième  nous   présente  les  volontaires  de  février-mai  1793  :  avec  le 
même   soin    que  dans    les   livres    précédents,   et  le   même    souci   des 
documents  authentiques,   M.  B.  nous  retrace  quelles  furent  alors  les 
difficultés  du  recrutement,  du  rassemblement,  de  la  formation  et  du 
départ  des  volontaires;  il  suit,  d'après  des  correspondances  inédites,  les 
détachements  que  la  Charente  dirige  sur  la  Vendée,  et  nous  donne, 
chemin  faisant,  beaucoup  de  particularités  intéressantes  sur  les  armées 
de  l'Ouest,  sur  les  bataillons  du  département  et  en  particulier  sur  le 
Vengeur,  qui  «  a  mérité  d'avoir  une  magnifique  page  dans  l'histoire  mili- 
taire »  (p.  21 1)  ;  ici  encore  des  généraux  sont  sortis  des  rangs  des  volon- 
taires: Monnet,  Guidai  et  Lecomte. —  Le  livre  quatrième  a  pour  titre  : 
la  levée  de  cavalerie  et  la  réquisition  des  jeunes  gens  de  dix-huit  à  vingt- 
cinq  ans.  Cette  fois  encore,  longs  retards  et  lenteur  extrême  ;  mais  enfin, 
après  beaucoup   de    difficultés,    d'incertitudes   et    de   tiraillements,  les 
nouveaux  bataillons,  organisés  surtout  par  Tagent  supérieur  de  la  Cha- 
rente, Prieur,  se  rendent  à  l'armée  du  Rhin;  c'est  la  levée  d'août  1793, 
bien  inférieure  par  la  valeur  et  Pinstruction  aux  deux  levées  de   1791 
et  de   1792.  —  Bref,  conclut  M.  B.,  les  Charentais  ont  rempli  de  la 
manière  la  plus  remarquable  les  obligations  que  leur  dictèrent  la  cons- 
cience et  le  patriotisme;  le  nombre  de  leurs  volontaires  s'élève  à  45,000; 
de  1791   à    1794,  le  département  a  levé  34  bataillons,  comprenant  le 
dixième  de  sa  population  ;  il  a  fourni  i5  généraux  (en  ajoutant  à   ceux 
que  nous  avons  déjà  nommés  Chemineau,  Saint-Martin  et  Saint-Simon 
qui  appartiennent  à  d'autres  bataillons],  un  grand  nombre  d'officiers 
supérieurs  et  de  soldats  intrépides.  —  Le  volume  de  M.  B.  se  termine 
par  d'instructifs  appendices  :  relation  du  siège  de  Valenciennes,  par  un 
soldat  du   !''■' bataillon   de  la  Charente;   correspondance  du  capitaine 
Dupuy  sur  la  guerre  de  Vendée,  et  du  chasseur  Isaac  Dupuy  sur  les 
opérations  des  armées  de  la  Moselle  et  de  Sambre-et-Meuse  ;    liste  des 
volontaires  décorés  qui  vivaient  encore  en  1820;  tableau  des  levées  de 
volontaires  dans  la  Charente  de  1791  à  1793  ;  états  de  service  du  capi- 
taine Pichon.  —  M.  Boissonnade  n'a  trouvé  que  de  rares  encourage- 
ments autour  de  lui  ;   mais,  comme  il  dit  justement,  «  la  satisfaction 
qu'on  éprouve  à  produire  un  travail  sur  des  données  jusque-là  incon- 
nues, et  la  sympathie  de  quelques  esprits  cultivés  suffisent  à  dédom- 
mager de   toute   la  peine  que  donnent  des   recherches  de   ce  genre  ». 
Nous  ajouterons  que  ces  recherches  sont  très  consciencieuses,  très  utiles 
et  de  tout  point  excellentes;  non  seulement  elles  intéressent  l'histoire 
locale,  mais  elles  offrent  à  l'histoire  générale  plus  d'un  fait  important, 
plus  d'une  notice  attachante,  plus  d'un  document  précieux  '. 

A.  Chuquet. 


I.  P.  25,  on  ne  dit  pas  l'armée  des  Argonnes;  —  id.,  le  29e  alla  enlever  le  défilé., 
de  La  Croix-aux-Bois,  et  non  «  garder  le  défilé  de  Grandpré  »;  —  p.  26,  au  lermarsrf 
1793,  et  sans  doute  depuis  le  1er  janvier  de  la  même  année,   le  1er  de  la  Charenteijj 
cantonnait   à  Meizenhausen  ;   —   p.  36,  lire  Weissenau   (près  de   Mayence),  et  non  \\ 


d'histoire  et  dk  littératorb  41  5 

241.  —  Louis  Léger,  professeur  au  collège  de  France.  Russes  et  Slaves.  Etudes 
politiques  et  littéraires.  Paris,  Hachette,  1890.  In-8,  xiv  et  346  p.  3  fr.  5o. 

Ce  volume,  précédé  d'une  introduction  sur  les  Slaves  et  la  civilisa- 
tion (p.  V-XIV)  renferme  sept  études  :  I.  La  formation  de  la  nationa- 
lité russe  (p.  1-55);  M.  Léger  expose  les  influences  qu'a  subies  tour  à 
tour  le  groupe  slave  et  finnois  qui  forme  la  base,  le  «  foyer  de  cristal- 
lisation »  de  la  nationalité  russe  .-celle  des  Grecs,  des  Polonais  des  pays 
vistuliens,  des  Scandinaves  ou  Varègues,  de  l'Église  byzantine,  des  Ta- 
tars.  Les  Varègues  ont  donné  à  la  Russie  le  nom  qu'elle  garde  encore 
aujourd'hui  (RousJ^  et  ont  joué  «  le  rôle  d'un  levain  généreux  dans  une 
pâte  dormante,  d'un  ferment  acide  dans  une  liqueur  inerte  ».  Byzance 
a  donné  à  la  Russie  une  religion  qui  la  sépara  de  l'Occident  latin,  mais 
qui  rapprocha  les  Slaves  de  Kiev  et  de  Moscou  de  leur  congénères  du 
Danube  et  du  Balkan.  Les  Tatars  laissèrent  leur  empreinte  sur  l'admi- 
nistration et  sur  le  développement  du  pouvoir  princier  :  Ivan  le  Terri- 
ble s'appuie  sur  la  Bible,  mais  il  n'eût  pas  été  possible,  si,  avant  lui, 
Gengis-Khan  n'avait  pas  existé.  IL  Les  débuts  de  la  littérature  russe 
(p.  57-102).  Cette  intéressante  esquisse  expose  des  faits  bien  peu  con- 
nus :  les  sermons  religieux  et  laïques,  ceux  de  Cyrille  de  Tourov  comme 
l'instruction  de  Vladimir  Monomaque,  les  sborniks  ou  recueils  (entre 
autres,  celui  de  Sviatoslav),  la  Chronique  dite  de  Nestor  et  les  autres 
chroniques  auxquelles  elle  sert  de  point  de  départ,  le  Voyage  de  l'hé- 
goumène  Daniel  aux  lieux  saints,  VEpitre  de  Daniel  le  prisonnier  (dont 
nous  trouvons  ici  de  nombreux  fragments  traduits  en  français  pour  la 
première  fois),  le  Chant  d'Igor,  la  Zadonstchina,  les  byliny  ou  chan- 
sons épiques  qui  célèbrent  la  Russie  kiévienne  :  «  L'éducation  pédan- 
tesque  et  scolastique  que  la  Russie  avait  reçue  de  ses  instituteurs,  n'é- 
touffa pas  complètement  chez  elle  les  dons  de  l'imagination.  Les  lettrés 
les  avaient  conservés.  »  111.  La  femme  et  la  société  russe  au  xvi«  siè- 
cle (p.  103-143).  M,  L.,  d'après  le  Domostroï  ou  «  Ménagier  »,  fait 
connaître  la  condition  de  l'épouse  et  de  la  mère  en  Russie  au  xvi«  siè- 
cle ;  la  femme  n'est  que  «  la  première  servante  de  son  mari;  elle  est 
soumise  à  lui  comme  un  petit  enfant  pour  les  moindres  détails  de  la  vie 
domestique  ».    IV.  Les  premières  ambassades    russes   à    l'étranger 

\Vant:(enau ; —  p.  4g,  la  date  du  24  février,  fixée  aux  combats  livrés  en  avant  d'Aix- 
la-Chapelle  et  de  Tongres,  est  inexacte;  ces  combats  ont  eu  lieu  du  ler  au  5  mars; 
—  p.  59,  le  ministre  de  la  guerre  était,  au  18  avril,  non  Servan,  mais  de  Grave;  — 
p.  97,  le  3e  bataillon  de  la  Charente,  composé  de  bq\  hommes,  cantonnait  dans  les 
deux  premiers  mois  de  1793  à  Sainte-Croix;  le  7e,  fort  de  b-jli  hommes,  tenait  dans 
le  même  temps  garnison  à  Landrecies;  le  5e,  qui  comptait  585  hommes,  fit  l'expé- 
dition de  Hollande  (il  appartenait  à  la  division  de  droite,  commandée  par  d'Arçon, 
prit  part  aux  sièges  de  Bréda  et  de  Genruydenberg,  fut  bloqué  dans  cette  dernière 
place  et  en  sortit  avec  Tilly,  le  3  avril  1793);  —  p.  io3,  lire  Schwartau  et  non 
ISchuartau ;  —  p.  327.  il  semblerait  que  le  87e  eût  pour  colonel  Dillon,  qui  est  son 
nom  monarchique;  —  id.,  je  puis  affirmer  que  Léchelle  assistait  au  siège  de  Valen- 
ciennes  et  faisait  partie  du  conseil  de  défense. 


4 '6  REVUE   CRITIQUE 

(p.  143-1 86)  C'est  un  très  amusant  récit  des  deux  missions  de  Tche* 
modanov  et  de  Likhatcliov  en  Italie,  et  M.  L.  a  joliment  montré  «  com- 
ment  se  sont  comportés  les  premiers  Russes  qui  ont  été  appelés  à  vivre 
en  Europe,  et  qui  se  sont  trouvés  brusquement  transportés  de  la  vie 
close  du  terem  dans  l'élégance  des  cours  occidentales  ».  Les  piquantes 
anecdotes,  les  scènes  comiques,  les  curieux  contrastes  abondent  dans 
cette  étude.  V.  La  Bulgarie  inconnue  (p.  187-250);  M.  L.,  aidé  d'un 
des  meilleurs  livres  que  nous  ayons  sur  la  péninsule  balkanique,  les 
Voyages  en  Bulgarie  de  M.  Constantin  Jireczek,  nous  conduit  dans 
les  parties  ignorées  du  pays,  loin  de  Sofia  et  de  Philippopoli,  au  milieu 
de  ces  Pomaks  qui,  bien  que  musulmans,  ont  conservé  la  langue  bul- 
gare, au  monastère  du  mont  Ryla,  le  grand  sanctuaire  national  qui  est 
pour  la  contrée  ce  que  le  mont  Saint-Michel  est  pour  la  Normandie  et 
la  Chartreuse  pour  le  Dauphiné,  à  Tsaribrod,  à  Kystendil.  VI.  Le  peu- 
ple serbe  (p.  251-275)  M.  L.  l'étudié  d'après  le  récent  livre  de  M.  Ka- 
ritch;  nos  géographes  feront  bien  de  lire  et  de  s^approprier  tout  ce  que 
contient  cette  notice  à  la  fois  concise  et  précise.  VII.  Jean  Kollar 
(p.  277-346).  C'est  peut-être  l'étude  la  plus  curieuse  et  la  plus  atta- 
chante du  volume,  et  en  tout  cas,  c'est  la  première  étude  d'ensemble  que 
nous  ayons  sur  Kollar.  M.  L.  nous  y  raconte  la  vie  du  poète  slovaque, 
ses  amours  avec  Wilhelmine  Schmidt,  sa  lutte  contre  les  Hongrois  de 
Budapest.  Il  traduit  les  pièces  les  plus  remarquables  qu'a  laissées  ce  cha- 
leureux apôtre  du  panslavisme  et  analyse  longuement  son  grand  poème, 
La  fille  de  Slava.  C'est  Kollar  qui  disait  :  «  Nous  sommes  un  peuple 
jeune;  nous  savons  ce  que  les  autres  ont  fait,  mais  personne  ne  peut 
encore  deviner  ce  que  nous  serons  un  jour  au  livre  de  Phumanité...  Que 
serons-nous,  Slaves,  dans  cent  ans?  Cette  langue  que  les  Allemands, 
dans  leur  erreur,  tenaient  pour  un  idiome  d'esclaves,  elle  retentira  sous 
la  voûte  des  palais  et  dans  la  bouche  même  de  ses  adversaires.  Les 
sciences  couleront  par  le  canal  slave  ;  le  costume,  les  mœurs,  les  chants 
de  notre  peuple  seront  à  la  mode  sur  la  Seine  et  sur  l'Elbe!  »  —  Qui- 
conque veut  connaître  la  Russie  et  le  monde  slave,  doit  lire  les  volumes 
où  M.  Léger  résume  si  bien,  de  la  façon  la  plus  intéressante  et  avec  un 
heureux  choix  des  détails,  les  résultats  de  ses  voyages  et  de  ses  études. 
Celui-ci  compte  parmi  les  plus  instructifs. 

A.  C. 

242.  —  RJotice  sur  la  carte  de  l'Ogôoué,  par  E.  Cat.  (Paris,  Leroux,  1890, 
in-8  de  68  p.  et  carte.)  3  francs. 

Cette  carte  géographique  de  TOgôoué,  fragment  d'une  étude  d'ensem- 
ble sur  le  bassin  du  Congo,  a  été   dressée  par  M.  Cat,  il  y  a  déjà  plus 

I.  P.  I,  note  I,  lire  Thomsen  et  non  Thomson  et  p.  3o2,  Staemmen  et  non 
Stammen;\>.  32o,  on  aurait  voulu  que  l'auteur  traduisit  rhomnnage  rendu  par  Kol- 
lar à  Herder  ;  p.  340  écrire  «  d'Anthès  »  au  lieu  de  Dantes  ;  —  il  y  aurait  une  com- 
paraison intéressante  à  faire  entre  Klopstock  teutomane  et  Kollar. 


%\ 


D  HISTOIRE   ET    DE    LITTERATURE  4  I  y 

de  deux  ans.  L'auteur  s'est  servi  pour  rétablir  des  renseignements  four- 
nis par  les  voyageurs  depuis  iSby  jusqu'en  1887,  des  observations  as- 
tronomiques de  longitude  et  de  latitude,  malheureusement  trop  rares, 
et  sans  moyens  de  contrôle.  Néanmoins,  M.  Gat  espère  être  parvenu  à 
déterminer  un  assez  grand  nombre  de  positions  pour  en  déduire  le  tracé 
du  cours  du  fleuve,  d'un  certain  nombre  de  ses  affluents  et  des  limites 
du  bassin.  On  trouve  dans  la  notice  une  discussion  très  minutieuse  des 
motifs,  et  une  nomenclature  très  soignée;  ici,  M.  Cat  demande  avec 
raison  qu'on  adopte  un  mode  de  transcription  uniforme,  ce  qui  évite- 
rait, dit-il,  ces  variantes  innombrables  qui  nuisent  tant  à  l'étude  géogra- 
phique. En  résumé,  ce  travail,  sans  être  définitif  (ce  qui  serait  actuel- 
lement impossible)  donne  une  idée  très  nette  de  tout  ce  qu'on  sait 
jusqu'à  présent  sur  cette  région. 

H.  D.  DE  Grammont. 


243.  —  FicuTE.  Xlie  science  of  kiioxviedge,  transi,  by  A.  E.  Krœger.  London, 
Trûbner,  1889,  377  p.  in-8,   10  s.  ô  d. 

244.  —  Id.  Xlie  science  of  rlghts,  transi,  by  A.  E.  Krœger,  ibid.  5ob  p.  in-8. 
12  s.  6  d. 

243.  —  Id.  Xhe   populai-  works   of   Joiiann  Oottiieb    Ficlite,   transi,  by 
William  Smith.  Fourth  Edition,  ibid.  2  vols,  in-8,  478  et  bij  p.  21  s. 

I.  Sous  le  titre  général  de  «  The  Science  of  knowledge  »,  M.  Krœger 
nous  donne  en  traduction  les  ouvrages  de  Fichte  dont  voici  l'énumé- 
ration  :  r  le  programme  intitulé  Ueber  den  Begrift  der  Wissenschafts- 
lehre,  de  1794;  2"  la  Grundlage  der  gesammten  Wissenschaftslehre,  de 
la  même  année,  au  milieu  de  laquelle  est  intercalé,  sans  qu'on  sache 
pourquoi,  le  Grundriss  des  Eigenthumlichen  der  Wissenschaftslehre... 
de  1795  ;  3°  la  leçon  finale  de  1794,  sur  la  dignité  de  l'homme;  4"  un 
extrait  des  Ruckerinnerungen  écrites  en  1799,  en  réponse  à  l'accusation 
d'athéisme,  mais  publiées  pour  la  première  fois  dans  les  Œuvres  pos- 
thumes. Ces  deux  appendices  sont  superflus  ;  les  deux  premiers  ouvra- 
ges sont  insuffisants.  Ils  nous  donnent  la  doctrine  de  la  science  sous  sa 
première  forme  ;  il  eût  été  d'un  intérêt  réel  et  d'une  véritable  utilité  de 
retracer  le  progrès  historique  de  la  doctrine  au  moyen  d'extraits  atten- 
tifs et  habiles,  faits  des  expositions  et  des  esquisses  successives  (1794, 
1797,  1801,  1804,  1806,  1810,  1812,  i8i3).  Ce  choix  de  matériaux  eût 
pu  guider  heureusement  l'étude  historique  à  travers  l'informe  grou- 
pement des  Œuvres  complètes  de  Fichte. —  Puis  il  était  élémentaire  de 
dire  que  ce  volume  de  traduction  avait  paru  une  première  fois  à  Phila- 
delphie, en  1868. 

II.  Le  même  traducteur  nous  donne,  sous  le  titre  de  «  The  Science 
ofrights  »,  le  Naturrecht  de  1796.  Ici,  encore,  nous  n'avons  qu'une 
première  forme  de  l'une  des  doctrines  de  Fichte,  que  l'on  n'apprend  à 
bien  connaître  que  dans  l'histoire  de  ses  formes  successives.  Une  tra- 
duction complète,  qui  suit  le  Naturrecht  dans  le  détail  de  ses  déduc- 


4l8  REVUE    CRITIQUE 

lions  systématiques,  est  une  œuvre  méritoire;  mais  personne  ne  la 
lira.  La  Sittenlehre  de  1798,  le  Gcschlossene  Handelsstaat  de  1801, 
peut-être  les  Grundziige  de  1806,  et  à  coup  sûr  la  Staatslehre  de  i8i3 
eussent  fourni  d'utiles  matériaux  historiques.  —  Il  était  encore  élémen- 
taire de  dire  que  ce  volume  de  traduction  a  été  publié  déjà  à  Philadel- 
phie, en  1869. 

III.  La  collection  d'écrits  «  populaires  »,  traduite  par  M,  W.  Smith, 
paraît  en  quatrième  édition  (la  première  est  de  1845-49).  Nous  y  trou- 
vons, après  un  bon  essai  biographique  sur  Fichte  (p.  1-145),  la  Bestim- 
mung  des  Gelehrten  de  1794,  le  Wesen  des  Gelehrten  de  1806,  la  Bes- 
limmung  des  Menschende  1800,  les  Grundziige  desgegenw.  Zeitalters 
de  1806,  PAnweisung  zum  seligen  Leben  de  1806,  et  la  Wissenschafts- 
lehre  de  18 10.  Cette  dernière  n'est  pas  ici  à  sa  place,  et  la  Destination 
de  l'homme  ne  mérite,  à  vrai  dire,  ni  les  honneurs  d'une  traduction,  ni 
le  cas  qu'on  en  fait. 

M.  Smith  se  réjouit  fort  qu'on  s'applique  de  plus  en  plus,  en  Angle- 
terre, à  l'étude  des  grands  systèmes  idéalistes  de  l'Allemagne  postkan- 
tienne. L'avenir  nous  montrera  ce  que  la  pensée  philosophique  an- 
glaise aura  gagné  à  cette  école,  en  vigueur  ei  en  netteté.  Des  hommes 
comme  M.  Seth  et  M.  Caird  ne  sont  pas  sans  valeur;  mais  je  cherche 
vainement  les  effets  heureux  de  leur  influence,  et  j'en  vois  clairement 
qui  ne  le  sont  pas. 

M.  Harris,  l'adepte  enthousiaste  des  idées  hégéliennes,  dans  la  pré- 
face qu'il  a  mise  en  tête  du  premier  de  ces  trois  volumes,  se  demande 
si  l'on  n'est  pas  bientôt  assez  «  revenu  à  Kant  »,  et  si  l'on  ne  va  pas  se 
décider  enfin  à  passer  à  Fichte.  Je  suis  si  fort  de  son  avis  que  je  lui 
demanderai  plus  encore  ;  n'est-on  pas  bientôt  las,  en  Amérique  et  en 
Allemagne,  de  cet  éternel  remâchage  d'idées,  et  que  penserait-il  si  l'on 
s'avisait  de  sauter  à  pieds  joints  par-dessus  Fichte,  Schelling  et  Hegel, 
pour  se  mettre  sérieusement,  en  dépit  de  la  «  tradition  historique  »>,  à 

une  besogne  contemporaine? 

Lucien  Herr. 

246.  —  Castellani  et  FaVaro.  Eleneo  tleî  inanoscritli  -veneti  délia  eolle« 
zione  Pliillips  in  c^lieltenliani.  Seconda  edizione  migliorata  ed  accresciuta. 
Un  vol.  in-8  de  52  pp.  Venise,  Visentini,  i8go. 

Nous  avons  rendu  compte  ici  même  de  la  première  édition  de  cet 
inventaire  sommaire,  en  indiquant  quelles  critiques  il  nous  semblait 
mériter.  Dans  cette  seconde  édition  les  auteurs  ont  ajouté  quelques 
renseignements  utiles  pour  certains  numéros  de  leur  catalogue,  main- 
tenu des  indications  inutiles  comme  celle-ci  :  «  Qiiesta  mariegola 
sembra  molto  intéressante  »,  laissé  une  faute  d'impression  [Solème  pour  n 
Solesmes)  et  une  foule  d'obscurités  dans  les  titres  de  leurs  manuscrits. 
Les  améliorations  de  détail  n'y  feront  rien,  c'est  le  procédé  de  composi- 
tion qui  est  mauvais,  et  nos  remarques  subsistent.  i| 

L.-G.  P.  I 


O  HISTOIRK    KT    DE    LITTERATURK  4Tq 

Kleber  et  son  dernier   biographe. 

Me  permettez-vous  d'ajouter  une  ou  deux  notes  à  votre  article  sur  le  Kléber  de 
M.  Teicher  (n°  19):'  P.  10,  M.  T.  reproduit  l'acte  de  baptême;  mais  il  a  mal  lu  le 
nom  du  vicaire,  qui  s'appelait  F. -A.  Sichler,  et  non  pas  Fitsichler  (les  initiales  des 
deux  prénoms  figurent  sur  l'acte  original  un  petit/  et  un  A  non  barré).  —  P.  11, 
M.  T.  place  la  maison  natale  de  Kléber  nu  Pflanzbad  ou  Bain-aux-Plantes;  M.  Sey- 
both  croit  plutôt  que  c'était  la  brasserie  du  Bois  Vert  au  quai  de  la  Bruche.  Q.uant 
à  la  maison  dite  Bûredanz,  il  ne  faut  pas  croire  qu'elle  ait  été  remplacée  par  la  mai- 
son Hecht,  aujourd'hui  habitée  par  le  secrétaire  d'état;  c'est  plutôt  la  grande  maison 
à  pignon  qui  forme  le  coin  du  quai  Kléber  et  de  la  rue  de  Sébastopol.  —  P.  46,  M.  T. 
dit  que  le  piédestal  de  la  statue  de  Kléber  est  en  granit  des  carrières  de  Lutzelbourg  ; 
il  n'y  a  à  Lutzelbourg  que  du  grès  des  Vosges  ou  grès  bigarré.  Dans  les  Basses-Vos- 
ges, le  granit  s'arrête  à  la  vallée  de  la  Magel,  à  Grendelbruch  (Daubrée,  Carte  géo- 
logique du  Bas-Rhin).  Le  granit  du  monument  de  Kléber  vient  des  carrières  de  Gold- 
bach,  canton  de  Saint-Amarin,  dans  les  Hautes- Vosges  (Ristelhuber,  Alsace  ancienne 
et  moderne,  p.  i5 1). 

Un  Strasbourgecis. 


CHRONIQUE 


FRANCK.  —  La  deuxième  édition  de  La  littérature  française  au  moyen  âge  de 
M.Gaston  Paris  vient  de  paraître. 

—  M.  H.  Harrisse  a  fait  tirer  à  part  l'article  qu'il  avait  publié  dans  la  «  Revue 
historique  »  sous  le  litre  :  Nouvelles  recherches  sur  l'histoire  de  l'Amérique;  il  y  rend 
compte  avec  le  savoir  et  la  verve  qu'on  lui  connaît,  de  plusieurs  travaux  où  l'on 
continue  à  «  débiter  beaucoup  d'erreurs,  de  contre-sens  et  de  balivernes  ». 

—  Les  fêtes  du  sixième  centenaire  de  l'Université  de  Montpellier  prêtent  un  inté- 
rêt tout  spécial  d'actualité  à  l'étude  que  M.  Eugène  Mûntz  vient  de  publier  sur  les 
Constructions  du  pape  Urbain  Va  Montpellier,  1364-1370  (Leroux,  in-S»,  19  p.). 
M.  Mûntz  y  donne  une  série  de  documents  tirés  des  archives  du  Vatican,  et  qui 
fournissent  de  nombreux  détails  sur  la  marche  des  travaux  ordonnés  à  Montpellier 
par  Urbain  V  et  sur  les  artistes  qui  les  ont  exécutés. 

ANGLETERRE.  —Le  dernier  numéro  de  la  Quarterly  Revieiv  contient  une  im- 
portante étude  de  M"""  Mary  Darmesteter,  intitulée  The  French  initaly  and  their  Im- 
périal Policy,  sur  les  projets  des  Français  en  Italie  dans  la  première  partie  du  règne 
de  Charles  VI.  L'auteur  y  suit  les  premières  tentatives  qui  devaient  aboutir  un  siècle 
plus  tard  aux  grandes  entreprises  de  Charles  VIII  et  de  ses  successeurs,  et  en  expose 
le  développement  d'après  les  derniers  travaux  de  l'école  française  et  italienne  (comte 
de  Circourt,  ûurrieu,  Jarry,  Faucon,  de  Maulde,  Delaville  le  Roulx,  Delaborde,  Mo- 
ranvillé,  Vassallo,  Romano)  et  d'après  ses  recherches  personnelles  dans  les  archives 
d'Italie.  Cette  première  période,  qui  s'étend  de  1379  à  1413  et  fut  coupée  court  par 
Azincourt,  est  remplie  tour  à  tour  par  le  duc  d'Anjou,  frère  de  Charles  V,  à  qui  le 
pape  Clément  taille  le  royaume  d'Adria  et  qui  va  mourir  sur  la  route  de  Naples;  par  le 
duc  d'Orléans,  héritier  des  rêves  du  duc  d'Anjou,  que  son  rival,  le  duc  de  Bourgogne, 
pousse  du  côté  de  l'Italie  pour  s'en  débarrasser  en  France  et  qui,  en  épousant  Valen- 
tine  Visconti,  prépare  les  droits  légaux  des  rois  de  France;  enfin  par  le  maréchal  Bou- 
cicault,  qui  reprend,  au  profit  et  au  nom  du  roi  de  France,  les  entreprises  de  Louis 
d'Orléans.  L'idée  dominante  de  ces  entreprises  est  une  idée  de  politique  impériale  : 


420  RKVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

«  La  possession  de  l'Italie  aux  yeux  de  la  France  était  le  premier  pas  vers  une  Mo- 
«  narchie  do  l'Europe,  à  laquelle  plus  d'une  fois  on  se  proposa  d'ajouter  l'Empire  de 
«  rOricni.  Avant  le  développement  de  l'idée  de  nationalité,  c'est  l'idée  de  Monarchia 
M  qui  domina  le  moyen  âge  :  c'était  la  théorie  de  la  paix  assurée  par  la  suprématie 
«  incontestée  d'un  état  souverain.  Depuis  la  chute  des  Hohenstaufen,  le  saint  Empire 
«  romain  n'était  plus  le  digne  dépositaire  des  devoirs  et  des  responsabilités  de  UMo- 
»  narchia.  Et  à  qui  une  pareille  monarchie  revenait-elle  plus  naturellement  qu'au 
«  successeur  de  Charlemagne.^..  Aussi  toutes  les  fois  que  l'invasion  anglaise  cessait 
«  pour  un  instant  d'occuper  ses  forces,  le  roi  de  France  se  remettait  à  rêver  de  Char- 
u  lemagne  et  ses  hommes  d'état  à  murmurer  le  mot  de  Monarchia  ». 

BOHÊME.—  L'empereur  d'Autriche  vient  de  nommer  les  20  membres  qui  doivent 
constituer  les  cinq  sections  de  V Académie  tchèque  établie  sur  le  modèle  de  notre  Ins- 
titut, 

—  Le  d»"  ZiBRT  dont  nous  avons  signalé  l'important  travail  sur  les  Usages  populai- 
res tchèques,  vient  de  faire  paraître  à  Prague  une  brochure  Sur  les  règles  de  la  ci- 
vilité à  table  et  en  buvant  d'après  les  anciens  livres  tchèques  (librairie  Klimek).  Ce 
petit  opuscule  fort  curieux  est  en  outre,  —  ce  qui  ne  gâte  rien,  —  un  véritable  chef 
d'oeuvre  typographique. 

agadf:mie  des  inscriptions  et  belles-lettres 


Séance  du  16  mai  16' go. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  lit  une  notice  sur  les  Celtes  d'Espagne. 

La  plupart  des  savants  qui,  en  ce  siècle,  dit  M.  d'Arbois  de  Jubainville,  se  sont 
occupes  de  l'établissement  des  Celtes  en  Espagne,  ont  attaché  une  importance  trop 
exclusive  à  la  forme  des  noms  de  lieu  et  n'ont  pas  tenu  un  compte  suffisant  des  tex- 
tes des  historiens.  Ils  ont  admis  à  tort  que  les  Celtes  n'avaient  pas  pénétré  en  Anda- 
lousie et  ne  s'étaient  pas  emparés,  en  partie  au  moins,  des  mines  d'argent  de  l'Es- 
pagne. Ce  qui  est  vrai,  ajoute  l'auteur  de  la  communication,  c'est  qu'ils  se  sont  tenus 
à  distance  des  côtes  :  au  sud,  ils  n'ont  pu  en  déposséder  les  colons  phéniciens;  au 
nord,  ils  ont  respecté  les  colonies  grecques.  Ils  ont  montré  le  même  respect,  en 
Gaule,  à  l'égard  des  colonies  marseillaises.  En  effet,  la  politique  constante  des  Cel- 
tes, depuis  environ  l'an  5oo  jusqu'à  l'an  3oo  avant  notre  ère,  a  été  de  s'appuyer  sur 
les  Grecs  contre  les  Phéniciens.  Au  iv'  siècle  seulement,  dit  M.  d'Arbois  de  Jubain- 
ville, l'unité  politique  cessa  dans  le  monde  celtique,  et  la  désorganisation  amena 
d'abord  les  conquêtes  désordonnées,  puis  la  défaite. 

M.  l'abbé  Duchesne  lit  une  note  sur  le  mot  solo  ou  solon,  qui  figure  dans  un  do- 
cument mariyrologique  africain,  en  langue  latine,  de  l'année  259.  On  a  pris  jus- 
qu'ici ce  mot  pour  un  nom  propre,  qui  serait  celui  d'un  fonctionnaire  appelé  ^5ca- 
lis  :  on  lit,  en  etfet,  à  deux  reprises,  ad  solonem  fiscalem.  M.  Duchesne  montre  que, 
d'après  l'ensemble  des  passages  où  il  figure,  ce  mot  ne  peut  désigner  qu'un  aliment 
solide,  grossier  et  malsain,  qui  constituait,  dans  les  prisons  romaines  d'Afrique,  la 
nourriture  ordinaire  et  officielle  (fiscalis)  des  détenus. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  M.  le  président  annonce  que  l'Académie  a 
décidé  d'attribuer  une  somme  de  i5,ooo  francs,  sur  les  fonds  du  legs  Garnier,  à 
M.  Dutreuil  de  Rhins,  chargé  d'une  exploration  dans  l'Asie  centrale. 

Le  prix  Duchalais  (numismatique  du  moyen  âge)  est  décerné  à  MM.  Engel  et  Ser- 
rure, pour  leur  Répertoire  des  sources  imprimées  de  la  numismatique  française. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  l'auteur  :  Wallon  (H.),  les  Représentants  en  mission 
et  la  justice  révolutionnaire  dans  les  départements  en  l'an  // (1793-1794),  tome  W  : 
la  Lorraine,  le  Nord  et  le  Pas-de-Calais,  les  châtiments  ;  —  par  M.  de  Barthélémy  : 
1°  Vocabulario  t:{ot^il-espa)iol  et  Arte  en  lengua  mixteca  compiiesta  por  el  padre 
fray  Antonio  de  los  Reyes  (publication  de  M.  le  comte  oe  Charencey)  ;  2"  Chare.v- 
CEY  (H.  de).  Ethnographie  euskarienne]  3°  Mûntz  (Eug.j, /es  Constructions  du  pape 
Urbain  Va  Montpellier  (i?64-i37o)  d'après  les  archives  secrètes  du  Vatican;  — 
par  M.  l'abbé  Duchesne  :  Passiones  très  martyrnm  Africanorum  (extrait  des  Ana- 
iccia  Bol l and i. ma);  —  par  M.  Barbier  de  Meynard  :  i"  Traité  de  droit  musulman 
(la  Tohfat  d'Ebn  Acemj,  texte,  traduction,  etc.,  par  O.  Houdas  et  F.  Martel,  6"  fas- 
cicule ;  z°  Histoire  des  guerres  d'Amda  Syôn,  roi  d'Etiiiopie,  traduite  de  l'éthiopien 
par  M.  Jules  Perruchon. 

Julien  Havet. 
Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  33. 


H 

il 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N"  22  -  2  juin  —  1890 


gommaii-e  s  236.  Barbier  de  Meynard,  Supplément  aux  dictionnaires  turcs- 
français.  —  237.  Erman,  La  langue  du  papyrus  Westcar.  —  238.  E.  Curtius,  Sous 
trois  empereurs,  Etudes  et  discours.  —  239.  Welzhofer,  Histoire  de  la  Grèce 
jusqu'à  Solon.  —  240.  Salluste,  Catilina,  p.  p.  Antoine  et  Lalher.  —  241.  Du- 
CHESNE,  Origines  du  culte  chrétien.  —  242.  Paris,  La  littérature  française  au 
moyen-âge.  —  243.  Perrens,  Histoire  de  Florence.  IIL  —  244.  Tavernier, 
Voyages,  trad.  Ball. —  243.  Bodemann,  La  correspondance  de  Leibniz  à  Hanovre. 
—  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires  de 
France. 


236.  —  Dictionnaire  turc-françal».  Supplément  aux  dictionnaires  publiés 
jusqu'à  ce  jour,  par  A.  C.  Barbier  de  Meynard.  Paris,  Leroux,  1890.  Deux  forts 
volumes  publiés  en  8  fascicules.  80  francs. 

M.  Barbier  de  Meynard  vient  de  terminer  le  grand  travail  de  lexico- 
graphie turque  qu'il  poursuivait  avec  persévérance,  à  travers  des  occu- 
pations multiples,  depuis  plus  de  dix  années.  Cet  ouvrage,  malgré  son 
titre  de  Supplément  aux  dictionnaires  parus  jusqu'à  ce  jour,  est  un 
monument  élevé  à  la  langue  turque,  non  pas  à  cet  amalgame  artificiel 
d'arabe  et  de  persan  qu'on  appelle  oucouli  kaleni  «  le  style  littéraire  » 
tombé  en  discrédit  chez  les  Ottomans  eux-mêmes,  mais  à  la  vraie  lan- 
guC;  à  celle  qui  vit  dans  la  muse  populaire,  dans  les  charki  ou  chansons, 
dans  les  contes  et  les  proverbes.  Il  y  a  là  tout  un  trésor  négligé  par  les 
lexicographes  précédents  depuis  Meninski  jusqu'à Zenker,  011  linguistes  et 
folkloristes  trouveront  à  puiser  à  pleines  mains.  Mais  Tauteur  n'a  pas 
oublié  qu'il  travaillait  aussi  pour  l'enseignement  pratique,  pour  les 

||J  drogmans  et  les  chanceliers  de  nos  consulats  du  Levant;  aussi  a-t-il 
■'  enrichi  son  œuvre  de  tous  les  termes  nouveaux  fa-çonnés  sur  l'arabe,  que 
la  réforme  inaugurée  en  1826  a  introduits  dans  la  langue  du  droit  et  de 
l'administration.  Cet  apport  nouveau,  dû  au  dépouillement  consciencieux 
des  lois  et  ordonnances  de  la  chancellerie  ottomane,  n'est  pas  la  partie  la 
moins  neuve  de  ces  deux  gros  et  beaux  volumes    qui  occuperont  une 

H^  place  honorable  dans  la  riche  collection  de  documents  publiés  par 
l'Ecole  des  Langues  orientales.  Ils  figureront  dignement  aussi,  au  second 
rang,  parmi  les  travaux  dont  le  savant  professeur  enrichit  depuis  lon- 
gues années  le  domaine  des  études  orientales. 

C.  H. 


Nouvelle  série,  XXIX.  22 


422  REVUE   CRITIQUK 

237.  —  A.  Erman,  Die  Spi>aclie  €l«^s  I^opyrus  1,Vestear>,    eine  Vorarbeit 
Grammatik     der    œltcien    yl^^gyptischen    Sprache   (aus    dcm    xxxviK'"    Bande    der 
Abhandlungen   der  K.  Gesellschaft   der  Wissenschaften   zu  Gœttingen  besonderg 
abgedruckt).  Gœttingen,  Dietrich,  iStJg,  ii'1-4,  i58  p. 

M.  Erman  a  signale  le  premier,  et  le  premier  traduit,  le  précieux 
document  que  Lepsius  avait  longtemps  conservé  inédit,  et  qui  porte 
aujourd'hui  le  nom  de  Papyrus  Westcar,  d'après  la  dame  anglaise  qui 
en  fut  le  premier  possesseur.  Le  sujet  en  est  des  plus  curieux  ;  c'est  un 
épisode  de  la  légende  du  roi  Khéops,  dont  Hérodote  nous  a  conservé 
plusieurs  traits.  Khéops^  s'ennuyant  un  jour,  se  fait  raconter  des  histoi- 
res par  ses  enfants,  des  histoires  de  sorciers  qui  rappellent  les  contes 
merveilleux  des  Mille  et  une  Nuits.  Un  sorcier  plus  puissant  que 
les  autres,  après  avoir  ressuscité  devant  lui  des  animaux  égorgés  pour  la 
circonstance,  lui  prédit  la  chute  prochaine  de  sa  dynastie  et  l'avènement 
au  trône  de  trois  frères  jumeaux,  fils  du  Soleil,  qu'une  femme  de  prêtre 
est  sur  le  point  de  mettre  au  monde  dans  une  petite  ville  de  province. 
L'accouchement  de  la  dame  est  décrit  tout  au  long,  ainsi  que  les  pro- 
diges qui  l'accompagnent,  mais  la  fin  du  manuscrit  manque,  et  nous 
ne  savons  plus  comment  s'accomplit  la  catastrophe  annoncée  au  milieu 
du  roman.  D'autres  ont  insisté  sur  la  valeur  historique  et  littéraire  de 
ce  document,  M.  Erman  l'a  étudié  au  point  de  vue  grammatical  avec 
une  rigueur  et  une  finesse  qui  ne  laissent  rien  à  désirer. 

C'est  une  véritable  grammaire  de  la  langue  employée  parle  rédacteur 
du  conte  de  Khéops  qu'il  a  dressée  dans  son  mémoire.  Après  une  très 
courte  introduction  consacrée  à  l'étude  de  l'écriture  et  de  la  phonétique 
de  son  texte  (p.  iS-ig),  il  passe  à  l'examen  des  formes  et  relève  succes- 
sivement, avec  de  nombreux  exemples  à  l'appui,  tout  ce  qui  a  trait  aux 
pronoms  personnels,  aux  noms,  aux  verbes  et  aux  autres  catégories 
grammaticales  (p,  20-47).  U'"*  troisième  chapitre,  le  plus  développé,  est 
consacré  à  la  syntaxe  (p.  48-145)  :  un  tableau  des  formes  verbales  et  deux 
copieux  index  des  mots  et  des  choses  complètent  le  mémoire.  Je  ne  puis 
guère  indiquer  dans  ce  journal  que  le  plan  général  de  l'ouvrage  :  il 
faudrait  pour  en  énumérer  le  détail  employer  des  caractères  trop  peu 
familiers  à  la  majorité  du  lecteur.  Je  me  bornerai  à  dire  que  M.  Erman 
me  paraît  avoir  mené  fort  bien  son  enquête  sur  la  langue  de  l'ouvrage  ' 
qu'il  a  eu  la  bonne  fortune  de  publier  le  premier.  La  partie  formelle  ne 
présentait  pas  de  grandes  difficultés  :  ce  n'était  qu'une  statistique  à 
dresser.  Mais  la  partie  syntactique  était  d'une  exécution  malaisée. 
M.  Erman  a  réussi  à  la  rendre  aussi  claire  et  aussi  complète  que  possi- 
ble. Peut-être  y  a-t-il  trop  multiplié  les  subdivisions  et  poussé  trop 
loin  l'analyse  :  il  y  a  dans  la  construction  de  toutes  les  langues  une 
foule  de  tours  et  de  modes  d'expression  qu'on  ne  peut  soumettre  à 
aucune  règle  précise.  Cependant,  nous  connaissons  si  peu  jusqu'à  pré- 
sent la  syntaxe  égyptienne,  que  mieux  vaut  après  tout  pécher  en  pareil 
cas  par  excès  plutôt  que  par  omission  :  le  temps  nous  apprendra  à  dis- 


1 


41 


d'histoire  et  de  littérature  423 

tinguer  dans  la  niasse  ce  qui  est  loi  générale  de  l'idiome  égyptien  et  ce 

qui  est  seulement  manière  personnelle  de  Técrivain  à  qui  nous  devons 

la  rédaction  de  notre  papyrus. 

G.  Maspero. 


2  3,S.  Untev  drei  Kaisern.    Gesaminelto  Reden    und    Anfsmtxe,    par 

E.  CuRTius.   (III"  volume   du   recueil  des  discours   et   rapports   d'E.  C,  intitulé 
Alterthum  und  Gegenwart).  Berlin,  W.  Hertz,  1889.  In-8,  vi-26g  p. 

Parlant  de  la  correspondance  de  Bœckh  et  d'Otfried  MûUer,  E.  Cur- 
tius  dit  (p.  1 36)  qu'elle  n'est  pas  seulement  un  riche  trésor  pour  les  phi- 
lologues et  les  historiens,  mais  encore  «  ein  Stûck  deutscher  Ciiltur- 
geschichte  ».  On  peut,  toutes  proportions  gardées,  en  dire  autant  du 
présent  volume.  A  lire  ces  harangues,  on  voit  à  merveille  quelle  place 
l'Université  de  Berlin  tient  dans  le  mouvement  intellectuel  dont  elle  est 
l'un  des  centres  et  quelle  part  elle  prend  à  la  vie  publique.  E.  C.  a  été 
plus  d'une  fois  le  chef  de  cette  université  de  Frédéric-Guillaume,  dont  il 
est  l'un  des  doyens  d'âge  et  il  en  est  encore  Tun  des  représentants  les 
plus  brillants.  Ses  rapports  avec  les  deux  premiers  empereurs^  ses  rela- 
tions avec  les  grands  savants  et  les  grands  artistes  dont  il  a  été  le  disciple 
et  l'ami,  donnent,  non  moins  que  son  talent,  un  intérêt  tout  particulier 
à  son  livre.  E,  C.  est  l'un  des  derniers  survivants  de  l'âge  héroïque  de  la 
phi\o\og\t  allemande  :  il  en  a  suivi  tous  les  progrès,  il  y  a  contribué 
lui-même  dans  une  large  mesure  et  ses  souvenirs  sont  de  précieux  témoi- 
gnages. 

On  sait  qu''E.  C.  a  été  le  précepteur  du  prince  Frédéric,  mort  empe- 
reur d'Allemagne  (V.  p.  14).  Il  a  vécu  ainsi  plusieurs  années  à  la  cour, 
dans  l'intimité  du  prince  et  de  sa  famille,  au  milieu  des  hommes  distin- 
gués que  l'on  appelait  auprès  de  son  élève  et  qui  avaient  nom  Al.  de 
Humboldt,  Ranke,  W.  Grimm,  E,  Geibel.  Les  deux  premiers  discours 
sont  pleins  de  souvenirs  de  cette  époque  :  ils  ont  été  prononcés  au  len- 
demain de  la  mort  des  empereurs  Guillaume  I"  et  Frédéric.  Les  trois  dis- 
cours qui  suivent  (Les  garanties  de  l'avenir.  -  Frédéric  II  et  la  litté- 
rature allemande.  —  Le  métier  de  prince)  complètent  cette  première 
série  de  harangues  politiques. 

Une  seconde  série,  non  moins  riche  en  souvenirs,  est  consacrée  à  des 
savants  et  artistes  allemands  (A.  Bœckh.  —  A.  Bœckh  et  K.  Otfried 
Millier.  —  Richard  Lepsiiis.  —  Diisseldorfet  Cornélius.  —  E.  Geibel. 
Souvenirs.  —  G.  Ciirtiiis).  Tous  ces  savants  et  ces  artistes,  E.  C.  les  a 
connus  :  sans  parler  de  G.  Curtius,  son  frère,  il  a  été  l'ami  d'enfance  du 
3oète  Geibel  et  l'élève  d'O.  Mûller;  il  a  entendu  Bœckh,  et  son  maître, 
Ttiort  en  1840,  a  pu  lui  dire  la  grande  lutte  qui  avait  divisé  les  philolo- 
gues allemands  (V.  p.  43  et  suiv.)  C'est  donc  l'histoire  de  la  philologie 
illemande  quMclairent  tous  ces  discours,  et  les  pages  les  moins  intéres- 
antes  ne  sont  pas  celles  que  l'auteur  a  consacrées  à  sa  propre  famille,  à 
on  ami  et  compagnon  de  voyage  Geibel,  à  son  frère  Georges. 


424  REVUE    CRITIQUE 

L'antiquité  tient  une  large  place  dans  ces  harangues  et  d'ailleurs  elle 
remplit  une  troisième  série  qui  comprend  quatre  discours  (La  royauté 
che:{  les  anciens.  —  Les  Grecs  en  tant  que  maîtres  colonisateurs.  — 
Athènes  et  Eleusis.  —  La  <in?zej  et  un  mémoire  sur  Naxos,  déyà  ancien 
(1846).  Toutes  ces  études  sont  connues  et,  dans  cette  seconde  édition, 
Pauteur  a  mis  à  profit  quelques-unes  des  critiques  qu'elles  avaient  sou- 
levées. 

Il  n'est  pas  jusqu"'à  la  forme  donnée  à  ces  études  qui  ne  soit  intéres- 
sante. E.  C.  a,  dans  TUniversité  de  Berlin,  une  grande  réputation  d'élo- 
quence et  son  enseignement  est  l'un  des  plus  brillants  qui  s'y  donnent. 
On  m'a  demandé  plus  dune  fois,  à  Berlin,  si  j'avais  entendu  Curtius  : 
je  l'ai  entendu,  en  effet,  et  ses  leçons  éloquentes,  si  rapides  qu'elles 
paraissent  à  d'autres,  sont  bien  faites  pour  donner  une  haute  idée  de 
l'homme,  de  sa  passion  pour  la  science,  de  la  noblesse  et  de  Télévation 
de  ses  sentiments.  Ses  harangues  académiques  laisseront  à  leurs  lecteurs 
la  même  impression. 

B,  Haussoullier. 


239.  —   Welzhofer  (Heinrich),    Geschichte  des    griechiscliesi    VoIUes    bla 

zui-  Zeit.  Solons.  Gotha,  Fr.  Andréas  Perthes,  1S89,  S.  256  in-8. 

On  est  peut-être  trop  enclin  en  France  à  croire  que  la  science  alle- 
mande trouve  en  Allemagne  même  une  approbation  sans  réserve.  Nous 
nous  indignons  volontiers  quand  nous  rencontrons,  dans  des  liv.f-es  fran- 
çais, des  théories  surannées,  depuis  longtemps  condamnées  par  la  criti- 
que et  nous  éprouvons  surtout  une  sorte  de  pitié  pour  les  auteurs  qui 
rejettent  sans  discussion  des  systèmes,  contestables  sans  doute,  mais 
dignes  tout  au  moins  d'attention.  Il  nous  semble,  par  exemple,  qu'il  fau; 
être  aujourd'hui  bien  prévenu  contre  la  science  d'Outre-Rhin  pour  accu 
ser  Wolf  tt  d'avoir  dirigé  contre  Homère  et  ses  poésies  une  attaque  sys 
tcmatique  ».  Nous  discutons  avec  Wolf,  mais  nous  reconnaissons  qu'i. 
a  jeté  une  vive  lumière  sur  les  origines  de  la  poésie  grecque. 

Tout  le  monde  en  Allemagne  ne  pense  pas  comme  nous,  et  M.  Welz 
hofer.  Fauteur  d'une  histoire  de  l'antiquité,  dont  le  volume  que  nou 
avons  sous  les  yeux  forme  le  second  tome,  a  moins  de  respect  pour  le 
travaux  les  plus  autorisés  de  la  science  allemande  que  nous  n'en  profes 
sons  parfois  pour  des  théories  infiniment  moins  respectables,  mais  qi 
nous  viennent  d'Allemagne-  C'est  à  M.  W.  que  nous  avons  emprnniél. 
phrase  citée  plus  haut  sur  Wolf.  Tout  le  passage  mériterait  d'être  tradu:j 
(p.  1 24)  :  on  y  voit  comment  pendant  trois  siècles  «  les  humanistes  et  l^j 
philologues  ont  plié  le  genou  avec  admiration  devant  le  buste  d'Hij 
mère  »,  et  comment  «  un  savant  allemand  s'est  laissé  entraîner  par  sa 
ambition  littéraire  »  à  saper  ce  respect  traditionnel  :  c'est  là,  dit  M.  \^^ 
un  signe  caractéristique  de  la  décadence  où  est  entrée  de  nos  jours  || 
science  de  l'antiquité. 


D^HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  42  5 

Plus  curieux  encore  est  le  jugementque  M.  W.  porte  sur  les  efforts  de 
la  critique  historique  au  sujet  de  Lycurgue  :  «  Ce  qui  dans  notre  siècle 
tend  à  rabaisser  le  mérite  des  grands  hommes,  c'est  le  progrès  des  masses 
populaires;  la  science,  elle  aussi,  a  cédé  à  cet  entraînement  démocrati- 
que, et  elle  a  prétendu  rayer  du  livre  de  l'histoire  plusieurs  personnages 
des  plus  illustres  (p.  88).  » 

On  ne  s'étonnera  pas,  après  ces  citations,  de  ne  point  trouver  dans  ce 
livre  beaucoup  de  vues  nouvelles  sur  l'histoire  primitive  de  la  Grèce 
jusqu'à  Solon.  L'auteur,  visiblement,  s'attache  à  écrire  pour  le  public; 
mais  c'est  précisément  auprès  du  grand  public  qu'il  serait  bon  de  ne  pas 
discréditer  les  efforts  généreux  et  désintéressés  de  la  science  historique. 
Les  idées  de  M.  W.  sont  de  celles  qui  ont  le  plus  de  chance  de  faire  im- 
pression sur  des  esprits  disposés  à  médire  de  la  critique  moderne,  parce 
qu'elle  trouble  leur  ignorance.  Nous  aurions  eu  le  devoir  de  combattre 
cette  tendance,  si  nous  avions  eu  à  rendre  compte  d'un  des  ouvrages  fran- 
çais, trop  nombreux  encore,  où  elle  éclate  à  chaque  page.  Le  livre  de 
M.  Welzhofer  nous  a  fourni  une  occasion  inattendue  de  défendre  l'Alle- 
magne contre  elle  même. 

Am.  Hauvette. 


É 


i 


240.  —  Salluste.    Conjuration   de  Catilina.  Texte  publié  par  F.    Antoine  et 
R.  Lallier.  Paris,  Hachette,  1888,  ciii-223  p. 

A  la  mort  du  regretté  Lallier,  MM .  Hachette  ont  chargé  M.  Antoine, 
professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse,  de  publier  une  édition 
savante  du  Catilina  de  Salluste,  que  l'éminent  maître  de  conférences  de 
la  Sorbonne,  enlevé  si  prématurément,  n'avait  pas  eu  le  temps  de  nous 
donner.  M.  A.,  prenant  pour  point  de  départ  de  son  travail  l'édition 
classique  de  Lallier,  s'est  acquitté  de  sa  tâche  avec  une  conscience  à 
laquelle  on  ne  saurait  trop  rendre  hommage.  Une  introduction  de  près 
de  100  pages,  un  commentaire  de  223  pages  :  ces  simples  indications 
sutlisent  déjà  à  montrer  toute  l'importance  de  son  labeur.  Aucun  des 
travaux,  dont  Salluste  a  été  l'objet,  ne  semble  lui  avoir  échappé,  et  U 
s'en  est  fort  bien  servi. 

Dans  l'introduction,  M.  A.  examine  d'abord  les  différentes  questions 
qui  se  rattachent  à  la  constitution  du  texte  des  œuvres  de  Salluste;  il 
fait  connaître  les  manuscrits  et  autres  sources,  les  principales  éditions  et 
les  commentaires,  et  indique  la  méthode  qu'il  a  suivie  dans  l'établisse- 
ment du  texte;  comme  cela  est  naturel,  il  a  adopté  en  principe  la  mé- 
thode de  Jordan,  donnant  le  premier  rang  aux  mss.  de  Paris  16024  ^^ 
16025.  11  raconte  ensuite  la  vie  de  Salluste,  tribun  séditieux,  gouverneur 
malhonnête,  écrivain  distingué  doublé  d'un  artiste,  un  peu  désabusé. 
Le  problème  si  difficile  de  la  langue  de  l'historien  latin,  ses  qualités  de 
philosophe  et  de  moraliste,  les  sources  auxquelles  il  a  puisé  pour 
écrire  la  Conjuration  de  Catilina,  la  composition  de  son  ouvrage,  et  le 


426  RBVUK   CRITIQUE 

rôle  que  César  a  joué  dans  cet  événement  si  important  de  l'histoire 
Romaine,  toutes  ces  questions  sont  étudiées  successivement  par  M,  A. 
d'une  façon  très  approfondie  II  n'a  pas  négligé,  entr'autres  points  inté- 
ressants, de  donner  son  avis  sur  le  latin  populaire.  En  théorie,  il  croit 
peu  à  l'influence  de  la  langue  vulgaire  sur  le  style  de  Salluste,  et  il  a 
raison.  Si  en  effet  on  s'attache  à  démêler  la  variété  infinie  des  nuances 
que  présente  la  langue  populaire,  à  séparer  autant  qu'on  peut  le  faire 
ce  qui  est  sermo  plebejus  de  ce  qui  est  sermo  cotidianus,  un  écrivain 
comme  Salluste  ne  doit  fournir  que  peu  de  «  vulgarismes  ».  Mais  le 
commentaire  1  de  M.  A.  semble  faire  croire  que  parfois,  en  pratique, 
il  s'écarte  de  la  rigueur  des  principes  qu'il  pose  à  ce  sujet  dans  Tintro- 
duction. 

Le  commentaire  est,  comme  il  le  dit  lui-même  (p.  xxviii)  a  l'état  oii 
l'inventaire  résumé,  pour  le  Catilina,  de  ce  que  l'érudition  a  produit 
pour  établir  le  texte  et  pour  l'interpréter.  »  11  a  mis  à  profit  les  édi-j 
tions  de  Burnouf,  de  Kritz,  de  Fabri,  de  Gerlach,  de  Constans,  d^ 
P.  Thomas,  de  Schmalz  et  de  Capes,  mais  celles  de  Dietsch,  de  Jacob^ 
et  de  Cook  sont  évidemment  celles  dont  un  discernement  sévère  lui 
permis  de  tirer  le  plus  de  parti.  Il  a  pesé  chaque  conjecture,  chaqu^ 
explication;  il  ne  l'a  adoptée  qu'après  un  examen  minutieux.  Il  en  es 
résulté  que  le  .commentaire  de  M.  Antoine  est  très  compact,  et  trd 
étendu  ;  et  son  travail,  complété  par  le  Jugiirtha  de  Lallier,  peut  êtr| 
opposé  aux  meilleures  éditions  des  philologues  étrangers. 

Isaac  Uri. 


241.  —  Origines  du  culte  elii'étîen.  Etudes  sur  la  liturgie  latine  avant  Char- 
lemagne,  par  l'abbé  Duchesne,  membre  de  l'Institut.  Paris,  1889,  chez  E,  Thorin, 
I  vol.  in-8,  pag.  viii -j-  504. 

Que  M.  Tabbé  Duchesne  nous  pardonne  de  commencer  par  un  regret. 
11  est  bien  dommage  qu'il  n'ait  pas  rempli  tout  le  titre  de  son  ouvrage 
et  ne  nous  ait  pas  donné  une  histoire  des  origines  du  culte  chrétien 
que  lui  seul  peut-être  en  France  était  en  état  d'écrire.  Nous  savons 
bien  que  ce  n'est  pas  sa  faute.  Il  n'a  voulu  nous  donner  qu'une  étude 
sur  la  liturgie  latine,  dans  la  période  qui  va  du  iv^  siècle  à  Charlema 
gne  et  n'a  obéi,  comme  il  le  dit  lui-même,  qu'à  une  suggestion  de  son 
libraire,  en  ajoutant  à  ce  titre  particulier  un  titre  plus  général  et  plus 
ambitieux.  Nous  pensons  que  le  libraire  avait  raison.  Les  usages  des  iv* 
et  V  siècles  ne  se  peuvent  comprendre  que  par  ceux  qui  les  ont  précédés 
et  préparés.  M.  D.,  pour  nous  les  expliquer,  a  dû  remonter  aux  pre- 
mières origines,  et  parler  de  celles-ci  au  moins  à  titre  d'introduction.^ 
Mais,  comme  il  ne  faisait  pas  de  ce  point  Pobjet  de  son  étude,  il  l'a  trai 
tée  rapidement  et  légèrement.  Il  y  a  donc  deux  parties  inégales  dan 
son  livre  :  l'une  se  rapportant  au  culte  chrétien  et  à  l'organisation  ecclé 


1.  Il  signale  des  VM/g^am?nes  p.  4,  6,   11,  16,  19,  20,21,  24,  29,34,40,  45,  etc 


I 


i...  I 

I 


I 


\ 


D  HISTOIRE  ET  DE  LITTERATURE  427 

siastique  avant  Constantin,  l'autre  à  ce  qui  a  suivi.  Or,  il  faut  porter  sur 
ces  deux  parties  des  jugements  très  différents.  Autant  la  seconde  qui 
forme  le  corps  même  de  l'ouvrage  est  précise,  riche  d'informations,  lu- 
mineuse, autant  la  première  qui  lui  sert  de  préface  paraîtra,  nous  le 
craignons,  insuffisante,  obscure  et  exposée  à  de  graves  critiques. 

Mais  avant  de  présenter  à  Fauteur  les  observations  que  nous  avons 
faites,  il  nous  paraît  convenable  de  donner  une  idée  de  tout  ce  que  son 
livre  contient  et  de  la  manière  dont  la  matière  liturgique  est  distribuée. 
M.  D.  nous  avertit  qu'il  nous  offre  ici,  en  réalité,  des  notes  de  cours. 
Cela  explique  peut-être  le  plan  de  l'ouvrage.  Ce  sont  seize  chapitres 
considérables  qui  se  suivent  dans  un  ordre  dont  la  raison  interne  n'est 
pas  facile  à  découvrir.  Le  premier  nous  explique  la  formation  des  cir- 
conscriptions ecclésiastiques  et  de  la  hiérarchie  sacerdotale.  Ce  chapitre 
est  excellent,  sauf  en  quelques  points  qui  appellent  des  réserves  qu'on 
trouvera  plus  loin.  Viennent  ensuite  la  liturgie  de  la  Messe  et  l'explica- 
tion des  Fêtes  (ch.  ir-viii).  En  troisième  lieu,  se  présentent  les  rites  de 
ïinitiation  chrétienne,  catéchuménat,  baptême,  réconciliation  des  héré- 
tiques (ch.  IX);  pms  Y  ordination  du  clergé,  avec  la  description  de  ses 
costumes  (ch.  x  et  xij  ;  la  dédicace  des  églises  (ch.  xii);  la  consécration 
des  vierges  (ch.  xiii  beaucoup  trop  écourté  et  absolument  insuffisant  en 
ce  qui  concerne  les  origines  et  l'histoire  de  l'acétisme  chrétien);  la  èe«é- 
^fcfzon  nuptiale,  la.  réconciliation  des  pénitents  et  l'office  divin  (ch.  xiv, 
xvetxvi).  Dans  un  appendice,  M.  D.  nous  donne  quatre  documents 
liturgiques  inédits,  sauf  le  dernier  qui  n'est  pas  le  moins  intéressant. 
Il  s'agit  de  l'ordre  des  offices  à  Jérusalem  vers  la  fin  du  iv*  siècle  tiré  du 
récit  d'un  pèlerinage  fait  aux  lieux  saints  par  une  grande  dame  gau- 
loise, en  qui  l'on  a  cru  reconnaître  Silvia,  la  sœur  du  célèbre  ministre 
Rufin. 

Nous  avons  déjà  fait  entendre  que  les  parties  qui  concernent  la  période 
des  origines  n^étaient  pas  traitées  avec  la  même  précision  scientifique 
que  les  autres.  M.  D.  s'en  excuse  en  disant  que  les  documents  de  cette 
^époque  primitive  sont  rares.  Nous  le  savons  bien;  mais  notre  critique 
porte  sur  la  manière  même  dont  ces  rares  documents  sont  utilisés  et 
appréciés.  Ce  n'est  pas  une  raison  parce  qu'ils  sont  rares  et  incomplets 
d'y  suppléer  par  des  formes  oratoires  de  style  qui  voilent  la  réalité  au 
lieu  de  la  montrer.  Est-ce  un  critique  ou  un  orateur  qui  parle  ainsi  à 
la  page  i5  :  «  Rome,  capitale  de  l'empire,  siège  de  Pierre,  lieu,  sacré  des 
apôtres,  devint  sans  conteste  (?)  la  métropole  des  Églises.  Les  Asiatiques 
eux-mêmes,  malgré  le  long  séjour  que  l'apôtre  Jean  avait  fait  parmi  eux, 
ne  firent  pas  difficulté  (?)  de  la  reconnaître.  A  la  fin  du  i"  siècle,  Clé- 
ment Romain  écrit  déjà  comme  un  pape  (?)  et  intervient  avec  une  impo- 
sante autorité  (?)  dans  les  conflits  intérieurs  de  l'Eglise  de  Corinihe 
pourtant  fondée  elle  aussi  ('?)  par  les  apôtres.  »  Je  néglige  la  première 
phrase,  sans  demander  ce  que  signifient  historiquement  ces  mots  «  Rome, 
siège  de  Pierre  ».  Dans  la  seconde,  M.  D.  fait  évidemment  allusion  aux 


428  REVUE    CRITIQUE 

controverses  touchant  la  fête  de  Pâques  qui  remplirent  toute  la  seconde 
moitié  du  ii«  siècle.  Mais  comment  espère-t-il  faire  admettre  à  ceux  qui 
connaissent  un  peu  l'histoire  de  ces  débats  que  les  évêques  d'Asie-Mi- 
neure, de  Polycarpe  à  Polycrate,  reconnurent  sans  difficulté  Tautorité 
supérieure  de  Rome^  N'est-ce  pas  justement  le  contrairequi  serait  l'exacte 
vérité?  La  manière  dont  M.  D.  parle  de  la  lettre  attribuée  à  Clément 
Romain  est  plus  étrange.  Cette  lettre  tout  d'abord  est  collective.  C'est 
l'église  de  Rome  qui  l'adresse  à  celle  de  Corinthe  comme  à  une  sœur 
pour  l'assister  et  l'exhorter,  à  charge  de  revanche,  d'ailleurs.  Nulle  part 
le  personnage  qui  a  tenu  la  plume  en  cette  occasion  n'est  nommé, 
ni  ne  se  met  en  avant.  C'est  une  simple  tradition  extérieure  qui  veut 
que  ce  soit  Clément.  Jamais  un  pape  a-t-il  écrit  sous  cette  forme  ano- 
nyme ?  Il  y  a  plus.  L'Église  de  Rome  ne  s'arroge  point  dans  sa  lettre 
une  autorité  juridique  sur  les  autres  églises.  Elle  parle  sans  doute  au 
nom  du  Saint-Esprit  qui  est  en  elle;  mais  ce  Saint-Esprit  est  également 
dans  toutes  les  autres;  elle  reconnaît  qu'elle  peut  avoir  besoin  à  son 
tour  du  secours  et  des  conseils  qu'elle  donne.  Dire,  comme  le  fait  un 
peu  plus  loin  M.  D.,  «  que  cette  prééminence  hiérarchique  et  cette  direc- 
tion générale  qui  avait  son  siège  à  Rome  fût  exercée  sans  que  l'on  son- 
geât à  créer  un  personnel  spécial,  que  c'est  avec  les  prêtres,  les  diacres, 
les  secrétaires  de  son  église,  que  l'évêque  de  Rome  traitait  les  affaires 
qui  se  présentaient  ou  pourvoyait  aux  soins  temporels  et  spirituels  des 
églises  qu'il  croyait  devoir  assister»;  parler  ainsi,  c'est  montrer  sans 
doute  qu'on  ne  méconnaît  pas  tout  à  fait  le  réel  état  des  choses  au  ii«  siè- 
cle, c'est  même  nier,  en  un  sens,  que  la  papauté  existât  alors,  tout  en 
essayant  de  retrouver  une  image  qui  lui  ressemble. 

L'Église  catholique  une  fois  constituée  et  organisée  vers  la  fin  du 
11^  siècle,  d'après  l'organisation  même  de  l'empire  et  coïncidant  en 
somme  avec  Vorbis  romanus,  il  est  tout  naturel  que  Rome,  capitale  de 
cet  empire,  soit  devenue  également  la  capitale  de  la  chrétienté.  C'est  là, 
nous  le  répétons,  un  événement  historique  tout  simple  et  qui  a  même 
quelque  chose  de  nécessaire.  Mais  cela  ne  s'est  accompli  que  peu  à  peu, 
et  l'histoire  n'a  pas  le  droit  d'oublier  le  progrès  lent  et  les  luttes  longues 
par  lesquels  l'autorité  des  évêques  de  Rome  s'est  élevée  au-dessus  de 
celle  de  leurs  collègues,  qui  d'abord  étaient  leurs  égaux. 

Il  y  aurait  beaucoup  d'observations  analogues  à  faire  en  ce  qui  con- 
cerne les  rites  primitifs  de  la  cène,  du  baptême,  etc.  M.  D.  marque  très 
bien  le  point  de  départ  du  culte  chrétien  qu'il  trouve  dans  la  liturgie 
juive  de  la  synagogue,  mais  il  ne  fait  pas  assez  sentir  les  différences  qu'il 
y  avait  entre  les  rites  primitifs  et  ceux  du  culte  catholique  au  v*  siècle, 
et,  par  conséquent,  il  n'explique  point  l'évolution  par  laquelle  ils  se  sont 
si  profondément  transformés.  Cette  transformation  est  parallèle  à  celle  ' 
des  doctrines.  La  dogmatique  et  la  liturgie  vont  du  même  pas  et  les 
changements  de  la  seconde  ne  sont  que  les  effets  de  ceux  de  la  première. 
Or,  n'est-il  pas  étonnant  que  M.  D.  n'ait  pas  aperçu  ce  rapport  intime, 


I 


d'histoire  et  de  littérature  429 

cette  cause  profonde  d'évolution  et  n'en  dise  rien  ?  Il  paraît  au  contraire 
laisser  entendre  que  les  ide'es  religieuses  sont  toujours  restées  les  mêmes 
et  alors  il  est  naturel  qu'il  n'accorde  qu'une  faible  attention  aux  diffé- 
rences liturgiques  qu'il  fallait  expliquer. 

Il  arrive  de  plus  que  l'originalité  des  documents  anciens  ou  leur  valeur 
ne  ressortent  plus.  Tout  s'efface  et  s'estompe  dans  un  vague  tableau  où 
chacun  peut  trouver  ce  qu'il  lui  plaît.  Cela  est  vrai  du  livre  des  Actes 
des  apôtres  et  des  textes  pris  des  épîtres  de  Paul,  comme  aussi  de  ceux 
de  Justin  Martyr.  Mais  ce  qui  est  surtout  curieux,  c'est  la  manière  dont 
l'auteur  essaie  d'infirmer  le  témoignage  de  la  Didaché  des  apôtres^  la 
plus  ancienne  liturgie  et  discipline  connue  dont  le  texte  cité  par  Clé- 
ment d'Alexandrie  comme  écriture  sacrée,  nous  a  été  récemment  décou- 
vert. M.  D.  la  caractérise  comme  une  anomalie;  il  estime  qu'elle  est 
«  en  dehors  du  courant  général  «,  sans  que  nous  en  voyons  d'autre  rai- 
son que  les  différences  profondes  qu'elle  présente  avec  les  conceptions 
et  les  usages  des  siècles  postérieurs.  Ce  qu'il  oublie,  c'est  qu'au  11"  siècle 
l'unité  liturgique  n'était  pas  plus  réalisée  encore  que  celle  du  gouverne- 
ment de  l'Eglise.  La  Didaché  a  été  délayée,  nous  dit-il,  dans  le  VII^  li- 
vre des  Constitutions  apostoliques.  Délayée  est-il  bien  le  mot?  Il  aurait 
fallu  instituer  une  comparaison  quelque  peu  approfondie  entre  ce  vieux 
document  et  ce  VII^  livre,  et  alors  on  aurait  vu  que  ce  délaiement  était 
en  réalité  une  transformation  dont  la  nature  et  l'étendue  font  mesurer 
exactement  le  chemin  parcouru  depuis  le  ii«  siècle  jusqu'au  V.  Tout 
cela  reste  malheureusement  dans  une  ombre  par  trop  discrète. 

Une  fois  arrivé  aux  liturgies  postérieures  à  Constantin,  l'auteur,  en 
revanche,  retrouve  toutes  ses  qualités  d'érudition  précise  et  large  à  la 
fois.  On  ne  saurait  trop  lui  être  reconnaissant  de  cette  contribution  ca- 
pitale à  l'archéologie  chrétienne  avant  Charlemagne.  Il  a  généralement 
élucidé  tous  les  points  qu'il  a  touchés.  Le  lecteur  se  trouve  instruit  et 
convaincu  à  la  fois.  Cependant  nous  sommes  encore  obligé  de  faire  une 
réserve  sur  un  point  important.  Il  s'agit  de  l'origine  du  rite  gallican  et 
de  son  rapport  chronologique  avec  le  rite  romain. 

La  liturgie  gallicane,  comme  M.  D.  le  constate  avec  raison,  apparaît 
comme  orientale  sur  presque  tous  les  points  011  elle  se  distinguait  de 
l'usage  romain.  Jusqu'ici  on  s'expliquait  ces  différences  et  ces  analogies 
en  partant  de  la  filiation  historique  qui  rattachait  les  premières  chré- 
tientés de  la  vallée  du  Rhône  aux  églises  d'Asie-Mineure  et  par  les  rela- 
tions qui  avaient  continué  entre  elles.  Cette  explication  pourtant  si 
naturelle  ne  convient  pas  à  M.  Duchesne.  Il  commence  par  alléguer  une 
lettre  du  pape  Innocent  qui  fait  procéder  tout  entière  de  Rome  seule 
l'évangélisation  de  l'Occident,  pour  en  conclure  que  les  églises  des 
Gaules,  avec  les  missionnaires  de  Rome,  avaient  dû  recevoir  tout  d'abord 
ît  suivre  l'usage  romain.  Nous  ferons  d'abord  remarquer  que  cette  affir- 
mation d'Innocent  est  contraire  aux  faits  les  mieux  établis  et  paraît  con- 
redite  par  d'autres  documents  de  la  même  époque.  Sans  examiner  plus 


43o  REVUE    CRITIQDB 

avant  cette  question  et,  supposant  inattaquable  l'assertion  oratoire  d'ail- 
leurs et  intéressée  dlnnoccnt  1'"",  M.  D.  était  obligé  de  chercher  et  de 
trouver  dans  l'histoire  des  églises  gallicanes  et  occidentales  un  mo- 
ment où,  par  une  sorte  de  révolution  plus  ou  moins  violente,  l'usage 
oriental  y  aurait  été  introduit  et  aurait  supplanté  Tusage  romain  en  réa- 
lité plus  ancien.  «  Qui  cherche  trouve  »,  dit  FÉvangile.  M.  D.  a  trouvé. 
Il  veut  que  l'usage  oriental,  devenu  ensuite  l'usage  gallican,  ait  été  ap- 
porté à  Milan  par  l'évéque  Auxence  entaché  d'arianisme  et  nommé  à  ce 
poste  par  Tempereur  Constance  355-374.  De  là  Tusage  oriental  se  serait 
répandu  très  promptement  en  Gaule,  en  Espagne,  en  Irlande  et,  corrigé 
par  saint  Ambroise,  serait  devenu  le  rite  gallican.  Cette  hypothèse  est 
ingénieuse,  mais  bien  peu  vraisemblable.  On  se  demande  comment  une 
liturgie  nouvelle,  introduite  de  cette  manière  et  d'une  origine  si  suspecte, 
a  pu  avoir  en  si  peu  de  temps  un  si  universel  et  si  unanime  succès. 
Ailleurs,  par  exemple,  M.  1).  nous  apprend  qu^en  36 1,  Julien,  qui  gar- 
dait encore  les  apparences  d'un  chrétien,  avait  célébré  à  Vienne  la  fête 
de  l'Epiphanie  conformément  au  rite  gallican  et  contre  l'usage  romain. 
Comment  admettre  que  cinq  ans  à  peine  après  l'arrivée  de  l'arien 
Auxence  à  Milan,  sa  liturgie  eût  déjà  dépossédé,  sans  soulever  d'opposi- 
tion en  Gaule,  l'ancienne  coutume  romaine?  En  tout  cas,  il  faudrait 
avant  tout  établir  par  quelque  texte  qu'avant  Auxence  l'Occident  galli- 
can suivait  l'usage  romain  et  dire  pourquoi  on  y  a  tout  d'un  coup 
partout  renoncé.  Or,  on  ne  donne  aucune  preuve  du  premier  fait 
ni  aucune  explication  du  second.  L'hypothèse  de  M.  D,  nous  paraît  donc 
plus  que  contestable  et  nous  doutons  qu'elle  se  fasse  jamais  accepter  par 
l'histoire  indépendante. 

Mais  c'est  assez  critiquer  un  livre  que  personne  ne  lira  sans  profit  et 
qui  comble  heureusement  une  lacune.  C'est  déjà  un  grand  progrès  que 
d'avoir  renoncé  aux  termes  théologiques  et  d'avoir  essayé  d'introduire 
dans  l'exposition  l'ordre  à  peu  près  chronologique.  Surtout  c'est  un  im- 
mense mérite  que  d'avoir  dépouillé  si  exactement  tant  de  textes  trop  dé- 
daignés jusqu'ici.  Notre  critique  ne  serait  donc  pas  juste  si  elle  n'était 
accompagnée  de  beaucoup  de  reconnaissance.  Celle-ci  aurait  été  plus 
grande  encore,  si  M.  l'abbé  Duchesne  avait  joint  à  son  ouvrage  où  tant 
de  choses,  tant  de  noms,  tant  de  documents  sont  entassés,  un  répertoire 
final  qui  aurait  facilité  les  recherches.  Nous  voudrions  qu'une  seconde 
édition  devînt  bientôt  nécessaire  et  que  notre  dernier  vœu  fût  exaucé. 

A,  Sabatier. 

242.  —  Manuel    d»ancieii    français.    La  littérature    française    au    moyen  âgej 
(xie-xiv«  siècle),  par  Gaston  Paris,  mei.ibre  de  l'Institut.  Deuxième  édition  revue, 
corrigée,  augmentée  et  accompagnée  d'un  tableau  chronologique.  Paris,  Hachette,! 
1890,  in-t6  de   xii-3iG   p.  il 

M.  G.  Paris  disait  dans  V Avant-propos  de  la  première  édition  de  sori 
esquisse  de  la  littérature  française  au  moyen  âge  :  «  Telle  qu'elle  est  j 


d'histoire  et  de  littérature  43  I 

je  crois  qu'elle  peut  rendre  des  services,  et  si  on  veut  bien  m'aider  à  la 
perfectionner  en  me  signalant  ce  qu'on  y  trouvera  de  défectueux  ou 
d'inexact,  elle  finira  par  n'être  pas  trop  éloignée  du  but  que  je  me  suis 
proposé  d'atteindre  en  l'exécutant.  »  Ce  but,  qui,  comme  l'expliquait 
l'auteur,  était  «  de  donner  à  ceux  qui  veulent  aborder  l'étude  de  l'an- 
cienne littérature  française  une  orientation  générale  et  une  indication 
de  rétat  actuel  de  nos  connaissances  »,  avait  été  atteint  du  premier  coup. 
Le  succès  delà  première  édition  a  été  si  rapide,  qu'il  a  fallu  presque 
aussitôt  en  préparer  une  nouvelle.  L'auteur,  profitant  des  observations 
de  quelques-uns  de  ses  lecteurs,  mais  profitant  surtout  de  ses  propres 
recherches  1,  a  introduit  dans  son  livre  d'importantes  corrections  et 
encore  plus  d'importantes  additions.  'Lts  Notes  bibliographiques  ont  été 
mises  au  courant  des  publications  les  plus  récentes.  La  Table  alphabé- 
tique a  été  soigneusement  revue  et  considérablement  augmentée.  Enfin, 
la  nouvelle  édition  est  enrichie  du  Tableau  chronologique  qui  n'avait 
pu  être  joint  à  la  première,  tableau  d'autant  plus  précieux  que  l'on 
n'avait  pas  encore  essayé  de  grouper  en  ordre  chronologique  les  dates 
assignées  aux  productions  de  notre  ancienne  littérature.  Grâce  à  toutes 
ces  améliorations,  le  volume  de  l'éminent  critique  est  l'indispensable 
guide  de  tous  ceux  qui  voudront  sérieusement  étudier  la  littérature 
française  du  moyen  âge.  Tous,  les  débutants  comme  les  maîtres  eux- 
mêmes,  trouveront  dans  ce  volume,  où  l'extrême  condensation  des  choses 
ne  nuit  ni  à  la  clarté,  ni  à  l'agrément,  les  indications  les  plus  précises, 
les  aperçus  les  plus  remarquables  sur  toute  la  période  comprise  entre  le 
xi«  et  le  xiv^  siècle  2.  Quand  M.  G.  Paris  aura  donné  au  public  les  trois 
autres  volumes  qui  doivent  suivre  celui-ci  (Grammaire  de  l'ancien 
français,  Lexique  de  l'ancien  français,  Choix  de  textes  français  du 
moyen  âge),  quand  il  aura  ainsi  constitué  un  complet  et  parfait  Manuel 
d^  ancien  français,  il  aura  acquis  à  la  reconnaissance  des  amis  de  notre 
langue  et  de  notre  littérature,  pour  lesquels,  sur  les  nobles  traces  de 
son  père,  il  a  déjà  si  glorieusement  travaillé,  des  titres  devant  lesquels 


1.  «  Je  n'ai  presque  pas  passé  un  jour,  dit  il  (p.  vin),  sans  y  apporter  quelque 
retouche. 

2.  M.  G.  P.  dit  (p.  122)  :  «  MM.  Darmesteter  et  Hatzfeld  nous  ont  donné  pour  le 
XVI"-'  siècle  un  excellent  manuel,  auquel  je  voudrais  que,  pour  le  moyen  âge  propre- 
ment dit,  le  mien  fut  jugé  digne  de  faire  pendant.  Il  serait  désirable  qu'on  les  rejoi- 
gnit l'un  à  l'autre  par  un  ouvrage  analogue  consacré  à  la  langue  et  à  la  littérature 
de  la  période  intermédiaire.  »  Il  ajoute  (p.  xr)  :  «  Si  personne  n'entreprend  l'œuvre 
intermédiaire  que  je  souhaiterais  voir  se  produire  entre  la  mienne  et  celle  de  MM. 
Darmesteter  et  Hatzfeld,  je  tenterai  peut-être  quelque  jour  de  combler  cette  lacune.  » 
De  cette  bonne  nouvelle  rapprochons-en  une  autre  relative  (p.  xii)  à  la  prochaine 
publication  d'une  histoire  de  notre  littérature  méridionale  tracée  par  une  main  aussi 
sûre  que  savante.  Si  cette  main  est,  comme  je  l'espère,  celle  de  l'érudit  auquel  est 
rendu  (p.  vu)  un  si  juste  et  si  touchant  hommage,  on  pourra  dire  que  deux  des  fon- 
dateurs de  la  Revue  critique,  toujours  émules,  jamais  rivaux,  auront  avec  une  égale 
autorité  résumé  ce  qu'il  importe  le  plus  de  connaître  touchant,  d'une  part,  la  littéra- 
ture du  Nord,  d'autre  part,  celle  du  Midi. 


432  REVUE    CRITIQUE 

on  ne  saurait  trop  s'incliner  et  que,  pour  ma   part,  je  salue  d'avance 
avec  un  profond  et  joyeux  sentiment  de  sympathie  et  d'admiration. 

T.  DE  L. 


243.  —  Histoire  do  Florenee  depuis  la  domination  des  Medicis  jusqu'à  la 
chute  de  la  République  (1434-1531),  par  F. -T.  Perrens,  membre  de  l'Institut. 
Tome  troisième.  Paris,  Quantin,   1S90.  In-8,  533  p.  7  fr.  5o. 

Ce  volume  termine  dignement  le  grand  ouvrage  de  M.  Perrens,  et  on 
le  lira  avec  non  moins  d'intérêt  et  de  profit  que  les  deux  tomes  précé- 
dents. L'auteur  en  était  resté  à  la  révolution  qui  chassa  Soderini.  Il 
expose  d'abord  la  reconstitution  du  gouvernement,  le  retour  des  Medici 
signalé  par  des  persécutions  et  des  complots  cruellement  réprimés, 
l'exaltation  de  Léon  X,  qui  fut  pour  Florence  «  un  maître  funeste  » 
(p.  78),  et  de  Clément  VII,  qui  «  comme  Léon  X,  du  Vatican,  gouverna 
Florence  »  et  lui  imposa  d'effroyables  contributions  (p.  109),  le  discré- 
dit croissant  des  Medici,  et  après  le  sac  de  Rome,  le  mouvement  dirigé 
par  Nicolo  Capponi  et  Filippo  Strozzi.  Les  Medici  étaient  chassés  une 
fois  de  plus;  mais,  comme  dit  Guichardin  cité  par  M.  P.  (p.  144),  il  faut 
aux  révolutions  trois  bonheurs  :  qu'elles  réussissent,  qu'elles  se  gouver- 
nent, qu'il  en  sorte  un  état  de  durée,  et  la  révolution  de  1527  n'eut  que 
le  premier  de  ces  bonheurs.  Capponi,  nommé  gonfalonier,  fut  bientôt 
déposé,  et,  après  la  paix  de  Cambrai,  Charles-Quint  mit  ses  armes  au 
service  de  Clément  VIL  C'est  ici  l'un  des  endroits  les  plus  intéressants 
et  les  plus  dramatiques  du  récit  de  M.  P.  :  le  siège  de  Florence,  un  des 
sièges  les  plus  mémorables  que  cite  Phistoire.  M.  P,  retrace  l'enthou- 
siasme qui  transformait  les  marchands  en  soldats  et  cette  longue  résis- 
tance de  douze  mois  qui  surprit  tout  le  monde  au  dehors  et  faisait  dire 
que  les  Florentins  valaient  autant  à  la  guerre,  l'arquebuse  en  main,  que 
derrière  leurs  comptoirs,  la  plume  aux  doigts  (p.  259).  Il  nous  fait  assis- 
ter aux  tragiques  péripéties  de  la  défense,  aux  premières,  escarmouches, 
aux  sorties,  aux  exploits  de  l'infatigable  Ferrucci,  puis,  après  que  Flo- 
rence a  été  coupée  de  Volterre  et  de  Pise,  aux  souffrances  de  la  popula- 
tion, aux  secrètes  négociations  de  Malatesta,  au  suprême  combat  livré 
par  Ferrucci,  aux  débats  qui  précèdent  l'inévitable  capitulation  du 
12  août  i5  3o.  «  C'en  était  fait  de  cette  libre  Florence  qui,  pendant  trois 
siècles,  avait  illustré  son  nom  par  son  travail  et  son  trafic,  sa  richesse 
et  sa  puissance  politique,  sa  gloire  dans  les  lettres  et  les  beaux-arts,  ses 
grands  hommes,  ses  incomparables  génies  et  même,  à  certains  moments, 
au  dernier  surtout,  sa  vaillance  guerrière,  dont  le  spectacle  paraît  à  la 
postérité  impartiales  grandiose,  émouvant  »...  (mais)  le  régime  princier 
qui  a  succédé  en  Italie  au  régime  républicain,  a  tant  manqué  d'hon- 
nêteté, d'honneur  et  de  grandeur  que  nous  ne  saurions,  à  ces  républi- 
ques qui  disparaissent  l'une  après  Fautre,  refuser  un  regret.  C'est  sur- 
tout Florence  qui  mérite  d'être  regrettée  ou  du  moins  admirée,  parce 
que,  malgré  ses  fautes,  ses  travers,  ses  vices,  sa  dureté  impitoyable,  elle 


d'histoire  et  de  littérature  433 

a  eu  ses  siècles  de  gloire  couronnés,  cliose  bien  rare,  par  une  noble  fin. 
L'on  a  pu  dire  que  la  ville  assiégée  manqua  d'habileté  dans  cette  crise 
suprême,  qu'elle  mesura  mal  ses  forces  à  son  dessein,  qu'elle  ne  se  ren- 
dit pas  compte  des  conditions  générales  de  la  politique.  Mais  le  courage 
fut  héroïque,  disons  mieux  :  durable  et  réfléchi  dans  l'héroïsme,  ce 
qu'on  pouvait  le  moins  attendre  d'un  peuple  de  marchands,  depuis 
longtemps  déshabitué  des  armes.  Malgré  la  famine  et  les  maladies  con- 
tagieuses, sous  les  boulets  du  canon  ennemi,  ils  s'unissaient  chaque  jour 
librement  au  son  de  la  cloche.  Abandonnés  de  tous,  dépouillés  de  leur 
territoire  et  de  leurs  forteresses,  serrés  de  près  par  de  nombreuses  ar- 
mées, ils  surent  rester  les  yeux  fixés  sur  leur  immortel  modèle,  les  Ro- 
mains résistant  à  Pyrrhus  et  à  Hannibal;  ils  s'obstinèrent  onze  mois 
dans  une  résistance  sans  espoir,  tâchant  de  forcer  la  main  à  leur  chef 
militaire  qui,  par  intérêt  personnel,  entrave  les  efforts  qu'il  devrait  di- 
riger »  (p.    33o-33i).  On  devine  ce  qui  suivit  la  défaite  de  Florence  : 
impôts  écrasants,  vengeances,  châtiments,  expulsions,  etc.  ;  finalement 
Alessandro  des  Medici  fut  fait  chef  des  Florentins  par  Charles-Quint  ; 
la  seigneurie  fut  supprimée  ;  il  y  eut  désormais  un  duc;  Florence  de- 
vint une  muuicipalité  :  «  Elle  est  comme  rayée  du  nombre  des  vivants, 
avec  cette  consolation,  si  c'en  est  une,  que  dans  son  funèbre  linceul  on 
ensevelit  avec  elle  l'Italie...  Il  n'y  a  plus  d'Italie  après  la  chute  de  Flo- 
rence; il  ne  s'agit  plus  que  de  savoir  à  qui  le  sol  sacré  appartiendra.  » 
(p.  3y3].  M.   P.  aurait  pu  finir  là;  mais,  selon  sa  méthode  qui  joint  à 
rhistoire  politique  celle  des  lettres  et  des  arts,  il  revient  sur  les  Floren- 
tins qui  sont  la  gloire  de  leur  patrie  et  «  lui  conservent  pour  Péternité 
la  vie,  comme  Athènes  et  Rome  la  tiennent  de  leurs  grands  hommes, 
comme  Paris  la  tiendra  des  siens.  »  Il  apprécie  successivement,  en  quel- 
ques pages  pleine  de  savoir,  de  goût  et  de  finesse,  Luigi  Alamanni,  Fran- 
cesco  Berni,  Firenzuola,  les  ambassadeurs,  les  historiens  qui  «  ont  créé 
l'histoire  politique  au  sens  moderne  »,  Machiavel  et  Guicciardini,  An- 
dréa del  Sarto,  Benvenuto  Cellini,  Michel-Ange.  Enfin  il  jette  un  rapide 
coup-d'œil  sur  les  âges  suivants  et  retrace  la  fin  des  personnages  qu'il  a 
montrés  à  l'œuvre  dans  les  précédents  chapitres.  Une  conclusion  d'une 
dizaine  de  pages  met  encore  une  fois  en  relief  le  rôle  que  Florence  a 
joué  dans  l'histoire  du  monde  :  «  Florence  est  au  moyen  âge,  sans  rivale, 
en  temps  que  commune,  en  tant  que  république.   Dans  son  sein  s'est 
accompli,  plus  et  mieux  que  nulle  part  ailleurs,  le  lent  et  laborieux  en- 
fantement de  l'esprit  moderne...  Sans    bien  connaître  aucun    modèle 
qu'elle  pût  reproduire,  Florence  a  retrouvé  et  hardiment  tracé  quelques- 
unes  des  grandes  lignes,  des  lois  primordiales  du  gouvernement  d'un 
peuple  par  lui-même,  en  d'autres  termes,  de  la  démocratie  laborieuse, 
cultivée,  athénienne,  qui  est  l'espoir  comme  Phonneur  de  l'humanité  » 
(48g).  Voilà  donc  terminée,  avec  ce  volume,  cette  Histoire  de  Florence 
que  M.  P.  avait  si  vaillamment  commencée  il  y  a  vingt  ans;  c'est  une 
grande  œuvre,  bien  supérieure  à  l'histoire  de  Venise  par  Daru,  et  de 


4^4  REVUK    CRirrQTIH 

l'aveu  même  des  Italiens,  bien  supérieure  par  retendue,  par  Texactitude 
scrupuleuse,  par  l'intérêt  à  tous  les  travaux  publiés  en  Italie  sur  l'histoire 
de  Florence.  Elle  est,  en  effet,  complète;  elle  ne  néglige  ni  le  commerce, 
ni  la  littérature,  ni  les  beaux-arts  qui  ont  alors  tant  d'importance;  elle 
s'appuie  sur  les  documents  originaux,  elle  établit  solidement  les  faits,  pré- 
sente fidèlement  les  hommes  et  les  choses  ;  en  même  temps  elle  est  pleine 
de  vie  et  de  coloris  :  M.  Perrens  a  un  style  à  lui  ;  il  sait  dans  une  lan- 
gue vive,  alerte,  et  pourtant  vigoureuse,  analyser  les  caractères  et  les 
passions  des  personnages,  décrire  et  juger  leurs  actions.  Son  Histoire  de 
Florence  est,  par  tant  de  qualités  autant  que  par  son  ampleur,  une  des 
œuvres  les  plus  remarquables  de  notre  temps  '. 

A    Chuquet. 


244.  —  Xi'avels  in  Inclia  by  Jean  BSaptiste  Xavernier,  baron  d'Au- 
bonne,  translated  from  the  original  french  édition  of  1676  with  a  biographical 
sketch  of  the  author,  notes,,  appendices,  etc.  by  V.  Ball,  L.  L.  D.,  Director  of 
the  science  and  art  Muséum,  Dublin,  author  of  the  «  Jungle  life  in  India  »,  «  The 
économie  geology  of  india  »,  etc.  in  two  volumes.  London,  Macmillan  and  Co. 
1889,  in-8,  Lxxii,  420  et  xx,  496  pages. 

Bien  qu'il  soit  un  des  plus  grands  voyageurs  du  xvn°  siècle,  on  n'a 
point  encore  songé  dans  sa  patrie  à  élever  à  Tavernier  de  monument 
destiné  à  conserver  son  souvenir  ;  heureusement  que  sa  mémoire  n'en 
a  pas  besoin;  malgré  les  attaques  dont  elle  a  été  l'objet,  elle  est  restée 
toujours  vivante,  ei  la  publication  de  M.  V.  Ball  ne  pourra  que  lui 
assurer  un  nouveau  regain  de  faveur.  Ce  n'est  qu'une  traduction,  il  est 
vrai,  et  la  traduction  d'une  partie  seulement  des  Relations  de  Taver- 
nier, mais  le  soin  avec  lequel  elle  a  été  faite,  les  notes  savantes  qui  ^ 
l'enrichissent,  la  beauté  de  l'impression,  les  illustrations  qui  l'accom- 
pagnent en  font  un  véritable  monument,  le  plus  beau  et  le  plus  digne 
de  lui  qu'on  pût  élever  au  célèbre  voyageur. 

M.  V.  B.  a  placé  en  tête  de  sa  traduction  une  courte  biographie  de  s 
Tavernier;  il  m'en  a  emprunté,  comme  il  l'avoue  généreusement,  les  { 
principaux  traits,  ce  qui  naturellement  m'empêche  d'en  faire  l'éloge.  | 
Cette  biographie  est  suivie  de  la  bibliographie  la  plus  complète  qu'on 
ait  des  éditions  des  Voyages  :  leur  nombre  suffit  à  montrer  combien  a 


I.  Cp.  sur  les  deux  précédents  volumes  Revue  critique,  1889  "^"^  7  ^^  4^-  ^'o'<^'  '^ 
table  des  matières  du  tome  troisième  :  Livre  X  VII  :  I.  Florence  sous  le  pontificat  de 
Léon  XI.  — I.  Sous  Adrien  VI  et  Clément  VII  jusqu'à  la  nouvelle  expulsion  des  Medici. 
—  II I.  Depuis  l'élection  de  Niccolo  Capponi  jusqu'au  traité  de  Cambrai .  —  IV.  Les  armées 
impériales  autour  de  Florence;  siège  de  Florence. —  V.  La  fin  du  siège;la  capitulation 
jusqu'au  principat.  —  LîVre  X '//7/.- 1.  Les  lettres  à  Florence  au  début  du  xvie  siècle; 
IL  Les  beaux-artsau  début  du  xvi^  siècle. —  Lf ire  XIX  :  Coup  d'œil  sur  la  dynastie  des 
Medici.  —  Ce  tome  contient  un  index  alphabétique  des  noms  d'auteurs  et  d'ouvrages 
mentionnés  dans  les  trois  volumes. 


I 


d'histoire  et  de  littérature  435 

été  durable  la  réputation  deTavernier  en  France  et  à  l'étranger.  Bien  que 
M.  V.  B.  n'ait  donné  que  la  traduction  des  voyages  dans  Tlnde,  ce  qui 
compose  le  second  volume  seulement  des  Relations  du  célèbre  marchand, 
il  l'a  fait  précéder  de  la  «  Dédicace  au  roi  »  et  du  «  Dessein  de  l'auteur  i> , 
espèce  d'autobiographie  placée  au  commencement  du  premier  volume. 
C'est  sur  l'édition  de  1675  qu'est  faite  la  traduction  de  M.  V.  B.  ; 
malheureusement  cette  édition  n'est  guère  meilleure  —  est-elle  même 
meilleure?  —  que  la  suivante.  Mais  quelle  que  soit  la  bonté  du  texte 
choisi,  c'est  par  l'exactitude  de  la  version  qu'il  en  a  donnée,  par  le 
commentaire  et  les  appendices  qu'il  y  a  joints  que  vaut  le  travail  de 
M.  V.  B.  ;  il  est  au-dessus  de  tout  éloge. 

J'aurais  bien  deux  ou  trois  petites  controverses  à  engager  avec  lui,  sur 
des  points  bien  secondaires,  il  est  vrai;  mais  comme  la  Revue  de' géo- 
graphie a  rendu  compte  en  détail  de  son  livre,  je  me  bornerai  ici  à  ce 
que  je  viens  d'en  dire.  Je  ne  puis  toutefois  me  dispenser  de  féliciter 
M.  V.B.  de  ses  efforts  pour  identifier  les  localités  que  mentionneTavernier, 
reconstituer  les  divers  itinéraires  du  voyageur  et  nous  faire  connaître» 
dans  de  précieuses  notes,  les  produits  minéraux  ou  végétaux  dont  il 
parle;  il  fallait  les  travaux  antérieurs  de  l'auteur  et  son  séjour  pro- 
longé dans  l'Hindoustan  pour  s'acquitter  aussi  bien  de  cette  tâche  ardue. 
Ce  sont  ces  notes  curieuses  et  instructives,  c'est  la  conscience  dont  elle 
témoigne  à  chaque  page  qui  donnent  tant  de  prix  à  la  traduction  de 
M.  V.  Bail;  elle  lui  fait  le  plus  grand  honneur,  ainsi  qu'à  son  éditeur, 
et  elle  est  digne  du  grand  orientaliste  et  géographe  Yule,  sous  le  pa- 
tronage duquel  elle  a  été  entreprise  ^ 

Ch.  J. 


345.  —  Ed.  BoDEMANN.  Der  Briefvveclisel  des  G.  "W.  L.eibniz  in  der  kœnigl. 
œffentl.  Bibliothek  zu  Hanover.  Harmover,  Hahn,  1889,  413  p.  iii-8.  12  m. 

On  se  rend  aisément  compte  de  la  peine  et  du  temps  qu'a  coûtés  à 
M.  Bodemann  cet  inventaire  de  la  partie  de  la  correspondance  de  Leib- 
niz qui  est  à  Hanovre.  Il  a  dû  dépouiller,  identifier,  décrire  et  classer 
les  1 5,000  lettres  échangées  entre  Leibniz  et  ses  106 3  correspondants. 
Il  l'a  fait  avec  l'admirable  conscience  que  lui  connaissent  tous  ceux  qui 
s'intéressent  à  Leibniz  et  à  l'histoire  de  son  temps.  C'est  un  nouveau 
titre  à  leur  gratitude. 

Il  y  a  là  une  abondance  peu  commune  de  documents  précieux  dont 
une  bonne  part  est  inédite,  et  le  restera  longtemps  encore.  L'histoire 
philosophique,  scientifique,  diplomatique  et  politique  de  cette  époque 
aura   plus  d'une  fois  à  y  recourir.   J'ai  cru  bon  de  relever,  dans  cet 

I .  Je  ne  veux  point  oublier  de  dire  qu'au  milieu  de  ses  recherches,  M.  V.  B.  a 
eu  la  bonne  fortune  de  retrouver  une  Histoire  des  Joyaux,  de  Chappuzeau,  que  ne 
cite  aucune  biographie  du  célèbre  publiciste  et  pamphlétaire,  et  dont  les  éléments 
ont  été,  en  i665,  tirés  des  Mémoires  de  Tavernier. 


436  REVUE    CRITIQUE 

inventaire  énorme,  celles  des  lettres  encore  inédites  qui  paraissent,  par 
l'analyse  de  leur  contenu,  être  de  première  importance.  Si  l'énuméra- 
tion  en  est  fastidieuse,  peut  être  ne  sera-t-elle  pas  inutile. 

64  (p.  i5)  lettre  de  Leibniz  à  Biber  sur  la  Théodicée  (mars  1716).  — 
188  (p.  42)  5  lettres  philosophiques  de  L.  à  Cyprianus  (i  699-1 706).  — 
208  (p.  45;  2  lettres  philosophiques  de  L.   à  Dobrzensky  (lôgS-iyoS). 

—  258  (p.  55y  20  lettres  philosophiques  de  L.  à  Fardella  (1690-1 714). 

—  275  (p.  5g)  9  lettres,  philosophie  et  mathématiques,  de  L.  à  Fonte- 
nelle  (  1700-1704)  ;  une  lettre  non  datée  sur  Papin,  citée  par  extraits.  — 
283  (p.  61)  3  lettres  de  L.  à  Franckenau,  dont  une  sur  Descartes.  — 
295    (p.   65)  9    lettres,  philosophie  et  mathématiques,   de  L.   à  l'abbé 
Gallois,  dont  3  chez  Gerhardt,  et  6  inédites.  —  347  (p.   75  sq.)  extrait 
important  (cité)  d\ine  lettre  de  Habbeus  von  Lichtenstern  à  L.  sur  la 
situation  politique  (3o  nov.  1669).  —  3go  (p.  86)  9  lettres  de  L.  à  Hen- 
fling  sur  la  musique  (1705-1709).  — 491    (p.    117)  2   lettres  de  L.  à 
Kônigsmann  sur  les  rapports  de  la  philosophie  et  de  la  théologie  et 
l'utilité  d'une  histoire  de  la  métaphysique  (1712).  —  519  (p.  i25)  lettre 
de  L.  à  La  Loubère  (envoyé  extraordinaire  de  France  à  Siam)  sur  les 
Chinois,  les  langues  de  l'Inde  (i5  oct.  1691).  —  529  (p.   i3o)  8  lettres 
de  L.  à  Daniel  Larroque  de  1691-1694;  lettres  du  21   juillet  1691  sur 
Van  Helmont  le  Jeune,  le  Testament  politique  de  Richelieu,  les  lettres 
de  Mazarin,  etc.  —  538  (p.  i33)  3  lettres  de  L.  à  Leeuwenhœk.  —  544 
(p.  i35  sqq.)  Correspondance  entre  L.  et  son  frère  utérin  J.  Friedr.  L.; 
longs  extraits  intéressant  la  biographie  du  philosophe.  —  549  (p.  140 
sq.)  47  lettres  du  P.  Le  Long  et  i  5  de  L.  (1704-1716)  ;  foule  de  rensei- 
gnements   philosophiques,    philologiques,    scientifiques,    historiques, 
théologiques.  —  552  (p.  142  sq.)  lettre  de  L.  au  P.  Lequin  (1701)  sur 
son  éducation  philosophique  et  sa  connaissance  de  la  scolastique.  — 
554  (p.  143)  lettres  de  L.  à  Le  Thorel  sur  les  différends  entre  Bossuet  et 
Fénelon  (janvier  1699)  ^^  ^^^  ^^  condamnation  du  livre  de  Fénelon  à 
Rome  (avril  1699).  —  598  (p.    164  sqq.)   7  lettres  de   Malebranche  et 
10  lettres  de  L.  (1679-17  1 1),  le  tout  inédit.  —  636  (p.  179  sqq.)  18  let- 
tres philosophiques  et  mathématiques  de  L.  à  Mencke  (i  681- 1706).  — 
657  (p.  188  sq.)  lettre  (citée)  de   L.  à  MoUer  sur  l'alchimie  (1698).  — 
676  (p.  195  sqq.)  37  lettres  de  Muratori  et  3o  de  L.  sur  l'histoire  de  la 
maison  d'Esté  et  les  Scr.  rer.  ital.  —  749  (p.  227)  2  lettres  de  Quesnel 
et  2  de  L.  (1706)  sur  les  Jésuites,  la  Grâce  et  la  Théodicée.  —  760 
(p.  23i  sqq.)  8  lettres  de  L.  au  marquis  de  Reffuge  (1697-1706)  sur  la 
maison  d'Esté,  la  papesse  Jeanne,  Flodoard,  Azo,  etc.  —  768  (p.  236 
sqq.)  lettre  de  L.  à  Nie.  Remond  sur  le  P.  Buffier  (6  déc.    171  5  ;  man- 
que dans  le  recueil  de  Des  Maizeaux).  —  774  (p.  239)  6  lettres  théolo- 
giques de  Von  Reuschenberg,  6  de  L.,  surtout  sur  le  concile  de  Trente. 
—  8o5  (p.  252  sq.)  lettre  de  L.  à  Scheffer  sur  le  dictionnaire  de  TAca- 
démie  :  il  est  mauvais  de  chercher  à  fixer  la  langue  dans  l'état  où  elle  se 
trouve.  -     840  (p.  268  sqq.)  80  lettres  de  Schulenburg,  5i  lettres  de  L 


D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  437 

(1698-1716),  surtout  politiques  :   mort  de  Sophie-Ciiarlotte,    Malpla- 
quet,  etc.  —  843  (p.  270  sq.)  correspondance  entre  L.  et  Schuller  au 
sujet  de  Spinoza  (M.  L.  Stein  en  a  récemment  tiré  parti).-   853  (p.  274] 
2  lettres  de  M''^  de  Scudéry,  4  de  L.  (1697-1699)  paraissent  être  curieu- 
ses; elle  lui  fait  l'éloge  de  Pélisson  et  du  roi  (lettre  autographe);  L.  ré- 
pond   par  l'éloge  de  ses  romans.    —  854  (p.  275-278)  20  lettres   de 
Seckendorf,  19  de  L.  (1682- 1692)  du  plus  haut  intérêt  :  affaires  politi- 
ques et  religieuses,  impiété  croissante,  Pascal,  Huet,  Descartes,  Maie- 
branche,  Bayle,  Tentzel,  Bossuet,  le  piétisme,  etc.  —  876  (p.  286-295) 
29  lettres  de  Spanheim  et  35  de  L.  (1692-1710)  d'histoire  et  surtout  de 
politique,  mais  aussi  de  linguistique  et  d'ethnographie;  Spanheim  sur 
Taffinité  des  langues  persane  et  allemande;  L.  sur  le  gaélique  et  l'alle- 
mand, l'allemand  et  le  slave,  le  finnois  et  le  hongrois;  L.  sur  des  lettres 
nouvellement  retrouvées  de  Bérenger  de  Tours;  sur  Gudius;  sur  Phy- 
pothèse  de  Hartsœker,  que  la  matière  est  composée  de  parties  tout  à 
fait  dures  et  de  parties  tout  à  fait  liquides;  sur  l'explication  absurde  des 
mythes  anciens  par  la  religion  juive,  et  l'utilité  qu'il  y  aurait  à  dégager 
des  mythes  ce  qu'ils  contiennent  d'histoire;  sur  sa  correspondance  avec 
Bossuet  et  Pirot,  sur  Huet,  sur  les  affaires  de  Hanovre,  Sp.  sur  les  es- 
sais   d'union    religieuse  et  le  projet  d'un   neuvième  électorat.   L.   sur 
Fénelon  et  l'amour  pur;  sur  l'élévation  du  Brandebourg  à  la  dignité 
d'un  royaume  et  la  joie  qu'il  en  ressent;  sur  les  dangers  qui  menacent 
Ja  liberté  de  l'Europe  si  les  Bourbons  l'emportent  en   Espagne,  etc. 
Plusieurs  autres  données  par  Klopp.  —  883  (p.  304  sqq.)  10  lettres  de 
Spener  (le  piétiste)  et  10  de  L.  :  philosophie  et  théologie.  —  921  (p.  334 
sqq,)   5   lettres   importantes  (mathématiques  et  astronomie)  de  L.   à 
Thevenot.  —  933  (p.  339  ^49-)  lettres  de  L.  à  Toland  (du   25   février 
1710  :  Giord.  Bruno  :    «   Son   génie  paraît  médiocre...  »);   lettre  non 
datée  sur  l'affaire  Sacheverell.  —  937  (p.   842)   L.  à  Tournemine.  — 
943  (p.  345-35  i)  lettres  de  L,  à  Tschirnhaus  (1677-1713),  dont  plu- 
sieurs manquent  chez  Gerhardt;   mathématiques  et  philosophie;   une 
lettre  importante,  non  datée,  sur  l'âme  des  bêtes,  Malebranche  et  Ar- 
naud :  «  Le  père  Malebranche  a  beaucoup  d'esprit,  mais  M,  Arnaud 
écrit  avec  plus  de  jugement.  Il  y  a  quantité  de  jolies  pensées  dans  la 
recherche  de  la  vérité,  mais  il  s'en  faut  beaucoup,  que  l'auteur  ait  péné- 
tré bien  avant  dans  l'analyse  et  généralement  dans  l'art  d''inventer  », 
etc.;  lettre  de  mai  1698,  très  vive  de  ton,  sur  Descartes,  —  954  (p.  355 
sqq.)  du  i5  avril  1695,  longue  lettre  de  L.  au  P.  Verjus  (citée)  très  vive 
contre  les  cartésiens;  plan  d'une  philosophie  par  démonstrations  incon- 
testables; du  2  déc.  1697,  sur  la  Chine,  puis  encore  sur  les  cartésiens; 
spécieuse  universelle;  de  la  fin  de  1698,  characteristica  universalis,  puis 
nouvelle  attaque  contre  les  cartésiens;  le  Jésuite  espère  la  conversion 
de  L.  au  catholicisme;  L.  répond  dans  une  lettre  à  Burnet  du  14  déc. 
1705  (citée).  —  957  (p,  362)  lettre  de  L.  à  Villars  qui  vient  de  prendre 
le  commandement  de  l'armée  des  Cévennes  :  «  Je  vous  avoue,  grand 


438  REVUE   CRITIQUE 

Maréchal,  que  je  n'aurois  jamais  crû,  qu'on  eût  du  connoistre  par  Vous 
l'excès  de  ravijlissement  et  de  la  prostitution  de  la  nation  Françoise  », 
etc.  —  961  (p.  363)  lettre  philosophique  de  L.  à  Vogel  (8  févr.  1671), 
importante,  donnée  tout  entière.  —  971  (p.  370  sqq.)  i3  lettres  philo- 
sophiques de  L,  à  Gabriel  Wagner  (1596-1708),  dont  plusieurs  inédi- 
tes. —  loio  (p.  391  sqq.)  78  lettres  de  Chr.  Wolff,  41  de  L.,  plusieurs 
inédites,  dont  quelques-unes  importantes. 

Lucien  Herr. 


CHRONIQUE 


FRANCti;.  —  M,  Emile  Camau  vient  de  publier  (Paris,  Berger-Levrault.  1890.  In-S", 
282  p.  3  fr.  5o),  un  livre  intitulé  La  guerre  dans  les  Alpes  où  il  raconte  de  fort  ins- 
tructive façon  ses  souvenirs  des  manœuvres  alpines.  On  y  remarquera  plusieurs  cha- 
pitres qui  inte'ressent  l'historien  et  le  géographe  :  ce  sont  ceux  que  l'auteur  a  inti- 
tulés Pages  d'histoire,  La  guerre  en  montagne  et  La  vallée  de  la  Vésuhie.  Le  livre 
est  indispensable  à  ceux  qui  veulent  bien  connaître  la  région  alpine  et  notre  fron- 
tière du  sud-est. 

—  La  même  librairie  (Berger-Levrault.  ]n-8°,  5go  p.  5  fr.),  publie  une  nouvelle 
édition  du  livre  de  M.  Gabriel  Thomas,  Du  Danube  a  la  Baltique,  Allemagne,  Autri- 
che-Hongrie, Danemark,  Description  et  souvenirs.  On  trouvera  dans  ce  gros  livre, 
non  de  pittoresques  descriptions  et  de  piquants  souvenirs,  mais  des  choses  réelle- 
ment vues  et  narrées  avec  conscience  et  sincérité.  C'est  un  des  meilleurs  récits  de 
voyages  qui  aient  l'Allemagne  pour  objet. 

ITALIE.  —  M.  Gakofai.o,  pour  faire  suite  à  ses  Fastes  des  tribuns  de  la  plèbe,  à  Rome, 
dont  il  a  été  rendu  compte  dans  cette  revue,  vient  de  publier  les  Fastes  des  Ediles  de 
la  plèbe  (I  Fasti  degli  edili  plebei,  Catania,  1890,  imprimerie  Galati,  23  pages),  en  y 
ajoutant  comme  appendice  un  court  travail  sur  l'origine  et  les  élections  des  tribuns  et 
des  édiles  de  la  plèbe  (Catania,  1890,  imp.  Martinez,  i  32  pages),  travail  suivi  d'un  in- 
dex alphabétique  de  ces  différents  magistrats.  Une  autre  brochure,  parue  en  même 
temps  et  intitulée  YOva^^ione  nella  storia  cf//?owa,  contient  la  liste  des  ovations  et  des 
magistrats  qui  en  ont  été  honorés  (imp.  Martinez;  2  5  pages). 

—  M.  DE  RuGGiERO  vieut  de  faire  paraître  (Rome.Pasqualucci)  deux  nouveaux  fasci- 
cules de  son  Di^ionario  epigrafico.  Articles  principaux  qui  y  sont  contenus  :  Annus, 
Ansarium.  Anioninus,  Anulus,  ApoUinares  (ludi),  Apollinaris  Clegio),  etc. 

—  Le  premier  numéro  du  Bulletino  délia  Società  Dantesca  italiana  vient  de  pa- 
raître avec  la  date  de  mars  1890,  à  la  typographie  S.  Landi,  de  Florence  (67  p.  in-S"  ; 
prix  :  2  fr.  5o).  11  contient,  avec  la  liste  des  membres  de  la  Société  et  les  pièces  rela- 
tives à  sa  fondation,  le  dépouillement  bibliographique  des  travaux  se  rattachant  à 
Dante  parus  dans  le  cours  de  18S9.  Ce  travail  fort  bien  fait,  dû  à  M.  Michèle  Barbi, 
sera  continué  dans  les  numéros  suivants.  On  sait  que  le  but  principal  de  la  Société 
est  de  donner  un  texte  critique  de  \&Commedia  et  des  Opère  minori  de  Dante, 

ACADEMIE   DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


I 


Séance  du  23  ?nai  18 go. 

Le  Ministre  de  l'Instruction  publique  prie  l'Académie  de  présenter  deux  candidats 
à  la  chaire  de  droit  civil  et  canonique  du  moyen  âge,  vacante  à  l'Ecole  des  chartes, 
par  suite  du  décès  de  M.  Ad.  Tardif.  L'assemblée  des  mi;mbres  du  conseil  de   per- 


d'histoire  et  de  littérature  439 

fectionnement  et  des  professeurs  de  l'Ecole  des  chartes  a  déjà  présenté,  pour  cette 
chaire,  en  première  ligne  M.  Paul  Viollet,  en  seconde  ligne  M.  E.-J.  Tardif. 

La  désignation  de  deux  candidats  est  mise  à  Tordre  du  jour  de  la  prochaine  séance. 
M.  Geffroy.  directeur  de  l'Ecole  française   de  Rome,  donne  par   lettre  des  détails 
sur  diverses  découvertes  et  communications  faites  récemment  en  Italie.  A  cette  let- 
tre est  jointe  la  copie  des  inscriptions  suivantes,  relevées  à  Aïn-Kebira  (Afrique),  par 
MM.  Audollent  et  Letaille  : 

I"  NOME  MARTV  Nomen  martii 

RIS  CALENDIONI  ris  Calendioni 

SAIVTES  QVI  BOT  a-  ajutes  (=adjuves)  qui  pot 

VM  CONPLEBERV  um  Conplebveru(nJ 

T  t 

2"  T  HIG  REQVl 
EBIT  BONE  ME 
MORIE  IN  PAGE 
PONTVS  BIXIT 
ANNOS  Illl  MEN 
SES  VU  DIES  III  DP 
V  KL  FBS  OSCA 
D»  IC  RECVIEBIT  BONE 
MEMORIE  FORTVNA 
TA  ANICVLA  IN  PAGE 
DEPOS  ITAVN  KLS  IVLIAS 
4"  FLORE  BONE  M 
EMORIE  GON 
IVGI  Q.VETVS 
MARITVS  MENSAM 
PERPETVAxM   POSV 
IT  QVAE  VIG  Srr  AN 
NIS  LX  DEGESSir  O 
G TAV  ■  KAL  MARTIAS 
ANNO  PROVIGIAE 
CGGX  (a,  349) 
M.  l'abbé  Duchesne  présente  des  observations  sur  deux  points  touchés  incidem- 
ment dans  cette  lettre  : 

1°  L'inscription  de  Tixter,  trouvée  par  M.  Audollent  et  précédemment  communi- 
qués à  l'Académie,  dans  laquelle  sont  mentionnées  en  359  ^^^  reliques  de  la  vraie 
croix,  ne  nous  apprend  aucun  fait  nouveau  et  ne  saurait  être  alléguée  comme  une 
confirmation  des  récits  relatifs  à  la  découverte  de  cette  relique  par  l'impératrice 
sainte  Hélène  ; 

2"  Le  manuscrit  7172  du  Vatican,  cité  par  M.  Geffroy,  d'après  un  travail  de 
M.  Paul  Guiraud,  comme  remontant  au  ix'^  siècle,  ne  saurait  être  plus  ancien  que  le 
xi«  siècle. 

M.  Georges  Perrot,  en  son  nom  et  au  nom  de  son  collaborateur,  M.  Ghipiez,  re- 
mercie l'Académie  de  la  haute  distinction  qu'elle  a  accordée  à  VHistoire  de  l'art 
dans  l'antiqi'ité,  en  décernant  à  cet  ouvrage  le  prix  fondé  par  M.  Louis  Fould. 

Sur  la  proposition  de  la  Gommission  des  Ecoles  d'Athènes  et  de  Rome,  M.  Lechat, 
membre  de  l'Ecole  française  d'Athènes,  est  désigné  au  choix  de  la  Société  centrale 
des  architectes,  pour  la  grande  médaille  que  cette  Société  donne  tous  les  ans  à  l'au- 
teur d'un  travail  archéologique.  M.  Lechat  s'est  distingué  par  les  fouilles  qu'il  a  di- 
rigées à  Gorfou  et  par  ses  études  sur  les  sculptures  archaïques  de  l'Acropoie  d'Athè- 
nes. 

M.  Héron  de  Villefosse  communique  diverses  inscriptions  relevées  en  Syrie  par 
des  Pères  missionnaires  de  la  Gompagnie  de  Jésus,  savoir  : 

1°  Une  inscription  latine  votive,  de  l'époque  des  Antonins,  trouvée  à  Masy  (Anti- 
Liban), entre  Baalbeck  et  Ghalcis.  par  le  P.  JuUien; 

2»  Une  inscription  grecque  trouvée  par  le  même  religieux  à  Talanissus,  aujour- 
hui  Deir-Séman,  entre  Alep  et  Anlioche  :  elle  est  écrite  en  petits  dés  noirs  au  som- 
-t  o'une  belle  mosaïque  qui  recouvre  entièrement  le  sol  d'une  ancienne  chapelle 
.rétienne;  elle  mentionne  un  périodente,  sorte  de  dignitaire  ecclésiastique,  du  nom 
Jean  ; 
i"  Une  dédicace  à  Hérode,    commandant  des  cavaliers   chalcites,    trouvée   par   le 

I'.  Kersauté  à  Sour,  dans  le  Ledja,  où  se  trouvait  autrefois  la  caserne  de  ces  cava- 

icrs. 
M.  Héron  de  Villefosse,  à  propos  de  la  seconde  de  ces  découvertes,  signale  les  ins- 

:riptions  analogues  de  la  grande  mosaïque  deSour-Bahar  et  des  basiliques  chrétien- 

its  d'Orléansville  et  de  Tipasa  de  Maurétanie. 
M .  le  marquis  de  Vogué  dit  que  la  découverte  du  P.  Jullien  confirme  une  loi  géné- 

ale  qu'il  avait  lui-même  soupçonnée  sans  se  trouver  en  mesure  de  la  vérifier  :  toutes 

es  basiliques  chrétiennes  de  l'Orient  et  de  l'Afrique,  au  iv°,  au   v^  et  au   vi*^  siècle, 

:taient  pavées  de  mosaïques  de  marbre,  avec  inscriptions  commémoratives. 


440  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

M.  Clermont-Ganneau  signale  des  mosaïques  et  des  inscriptions  de  ce  genre,  avec 
des  noms  d'évêques  ou  de  dit^nitaires  ccclésiasiiques,  sur  plusieurs  points  de  la  Pa- 
lestine el  de  la  Syrie,  notamment  à  Emmaûs  (Nicopolis),  et  de  l'autre  côté  de  la  mer 
Morte,  à  Madeba. 

M.  Tabbé  Duchesne  insiste  sur  l'intérêt  spécial  que  présente  la  mention  du  ^ério- 
denie.  Ou  appelait  ainsi,  vers  le  v  siècle,  le  chef  du  clergé  d'une  localité  non  pourvue 
de  siège  épiscopal.  On  peut  donc  tirer,  des  textes  qui  le  nomment,  des  renseignements 
précis  pour  la  géographie  ecclésiastique  de  cette  époque. 

M.  Le  Blant  lit  une  étude  sur  le  traité  talmudique  Aboda  Zara,  contenu  dans  le 
tome  XI  du  Tahnud  de  Jérusalem,  traduit  par  M.  Moïse  Schwab.  On  trouve  dans  ce 
traité  des  prescriptions  très  minutieuses  sur  la  façon  dont  les  juifs  devaient  se  com- 
porter au  milieu  de  la  société  païenne.  M.  Le  Blant  insiste  sur  l'analogie  que  pré- 
sentent la  condition  et  l'attitude  des  juifs,  telles  qu'elles  sont  décrites  dans  cet  ou- 
vrage, avec  celles  des  premiers  chrétiens,  dans  l'empire  romain,  au  temps  du  paga- 
nisme. 

M.  Salomon  Reinach  communique  une  curieuse  inscription  en  dialecte  éolien, 
remontant  à  la  fin  du  iv«  siècle  avant  notre  ère,  qui  a  été  découverte,  récemment,  à 
lo  kilomètres,  au  nord  de  la  ville  ^''Aegae,  en  Eolide.  C'est  une  convention  entre  les 
habitants  du  district  d'Aegae  et  ceux  de  l'Olympe,  relative  au  passage  du  petit  bétail 
d'un  territoire  à  l'autre;  elle  exempte  de  droits  les  chèvres  et  les  agneaux  et  stipule 
que  les  béliers  et  les  brebis  ne  payeront  pas  de  redevance  pour  la  laine  qu'ils  portent. 
L'Olympe  dont  il  s'agit  n'est  pas  le  massif  célèbre  de  la  Bithynie,  mais  une  montagne 
à  l'est  de  Smyrne,  qui  était  seulement  connue  par  un  texte  de  Pline.  La  partie  du 
texte  dont  la  lecture  est  certaine,  ne  fournit  pas  moins  de  cinq  mots  ou  formes  qui 
manquent  à  tous  les  lexiques. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  l'auteur  :  Barbier  de  Meynard,  Dictionnaire  turc-fran- 
çais, 8'  livraison;  —  par  M.  Menant:  Collection  de  Clercq,  t.  II,  i"  livraison;  — 
par  M.  le  marquis  d'Hervey-Saint-Denys  :  Raynaud  (Georges),  Etude  sur  le  codex  K| 
Troano;  —  par  M.  Georges  Perrot  :  Collection  Eugène  Piot,  etc.;  — par  M.  A.  Groi- B^ 
set  :  Croiset  (Alfred  et  Maurice).  Histoire  de  la  littérature  grecque,  tome  11;^ —  par 
M.  Schlumberger  :  Blanchet  (Adrien),  Manuel  de  numismatique  du  moyen  âge:  — 
par  M.  Delisle  :  Duhamel  (L.),  les  Origines  de  l'imprimerie  à  Avignon;  —  par  M.  de 
Lasteyrie  :  Lasteyrie  (Robert  de)  et  Lefèvre-Pontalis  (Eugène),  Bibliographie  des 
travaux  historiques  et  archéologiques  publiés  par  les  Sociétés  savantes  de  la  France, 
5e  livraison.  Julien  Havet. 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séances  des  23  avril  et  14  mai  18 go.  i|f 

M.  Chatel  fait  une  communication  sur  une  mosaïque  découverte  à  Jourmont  (Jura). 

en   1754.  ,       1       j- 

M.  l'abbé  Duchesne  présente,  au  nom  de  la  Société  des  Bollandistes,  une  brochurÉl 
intitulée  :  Passiones  très  martyrum  Africanorum.  Ces  trois  documents  inédits  onjj 
un  grand  intérêt  pour  l'histoire  de  l'Eglise  et  des  institutions  rornaines  en  Afrique:! 

M.  MUntz  communique  de  nouveaux  renseignements  sur  une  série  d^a^rchitectureSJ 
avignonais  du  xiv«  siècle,  Guillaume  d'Avignon,  qui  construisit,  en  i333,  un  pontèj 
Raudnitz  en  Bohême;  Jean  Poisson  qui  dirigea,  de  i335  à  i338,  la  restauration  dtl 
saint  Pierre  de  Rome;  Jean  de  Voubières  et  Pierre  Obrie,  architectes  du  palais  deij 
papes  et  enfin  sur  Bernard  de  Manse  et  Henri  Clusel,  architectes  des  monumentti 
élevés  à  Montpellier  par  Urbain  V.  | 

M.  CoUignon  défend  l'authenticité  contestée  par  quelques  auteurs  d'un  vase  dij 
Musée  d'Athènes.  Les  sujets  représentés  sont  les  suivants  :  en  premier  lieu,  deu| 
êtres  mixtes  à  tête  humaine  et  à  corps  d'animal  affrontés,  puis  une  scène  de  chassi 
où  l'on  voit  un  chien  poursuivant  deux  sangliers.  M.  CoUignon,  par  des^  consideraj 
lions  tirées  des  dessins  eux-mêmes,  maintient  son  opinion  déjà  exprimée  en  faveuj 
de  l'authenticité  et  indique  le  milieu  du  vii«  siècle  comme  l'époque  probable  de  il 
confection  de  ce  vase.  j 

M.  Courajod,  à  l'occasion  d'un  manuscrit  à  vignettes  du  Musée  Plantin  à  AnvenI 
donne  une  nouvelle  preuve  de  la  coexistence  dans  les  ateliers,  à  la  fin  du  xiv^^  sièclil 
d'escouades  d'artistes  de  nationalités  différentes.  Dans  ce  manuscrit,  on  peut  distirJ 
guer  entremêlées  des  miniatures  des  écoles  allemande,  franco-flamande  et  italienmj 
Le  manuscrit  n'a  pas  été  terminé.  Une  certaine  quantité  de  feuillets  ne  portent  qij 
des  esquisses  non  gouachées,  ce  qui  permet  de  juger  de  la  finesse  et  de  la  grâce  dij 
dessins  gothiques.  .       j      -      1 

M.  Mowat  donne  connaissance  d'une  lettre  de  M.  Decombe,  directeur  du  Musée  <| 
Rennes,  annonçant  la  découverte  d'une  douzaine  de  bornes  milliaires  ayant  servi  <| 
matériaux  de  co'nstruction  dans  les  anciens  remparts  de  la  ville.  On  rencontre  sij 
ces  monuments  le  nom  des  empereurs  Septime  Sévère,  Maximin  Victorin  el  Tif 
tricus. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  i'uy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  2$. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N»  23  -  9  juin  —  1890 


sommaire  î  246.  Yêfeth,  Commentaire  de  Daniel,  p.  p.  Margoliouth.  —  247. 
DucHESNE.  Le  Liber  pontificalis.  —  248.  P.  Fabre,  Le  Liber  censuum  de  l'E- 
glise romaine,  I.  —  249.  Pirenne,  La  constitution  de  Dinant  au  moyen-âge.  — 
25o.  CoviLLE,  Les  Cabochiens.  —  25i.  De  Pimodan,  La  mère  des  Guise.  —  262. 
BuET,  François  de  Guise.  —  253-254.  Kœrting,  Le  roman  au  xvii"  siècle.  — 
255.  Vengerov,  Dictionnaire  des  écrivains  russes,  L  —  Chronique.  —  Académie 
des    Inscriptions. 


1246.  —  A.  commentary  on  the  book  of  Daniel  by  Jephet  ibn  Ali  the 
Karaïte  edited  and  translated  by  D.  S.  Margoliouth,  M.  A.,  Laudian  professor 
of  arabic  in  the  university  of  Oxford.  —  Anecdota  Oxooiensa,  vol.  I,  part. 
III,  semitic  séries.  —  Oxford,  Clarendon  press,  1889,  in-4,  xiu-96  et  i53  p. 

La  version  arabe  des  Livres  bibliques  de  Yêfeth,  accompagnée  de  com- 
mentaires, nous  est  parvenue  dans  un  assez  grand  nombre  de  manuscrits, 
qui  témoignent  de  Tactivité  scientifique  des  Caraïtes  au  moyen  âge  et 
du  crédit  dont  la  version  et  les  commentaires  de  Yêfeth  jouissaient 
auprès  de  ses  coreligionnaires.  Notre  siècle  qui  s'intéresse  tant  aux  études 
d'histoire  religieuse,  ne  pouvait  laisser  ces  documents  dans  l'oubli.  On 
doit  à  M.  Tabbé  Barges  une  édition  de  la  version  des  Psaumes  et  du 
commentaire  du  Cantique  des  Cantiques,  à  MM.  Hoffmann,  Auerbach 
et  Neubauer  la  publication  de  quelques  extraits  d'autres  commentaires. 
Le  commentaire  du  livre  de  Daniel  a  paru  récemment  par  les  soins  de 
M.  Margoliouth  dans  les  Anecdota  Oxoniensia.  En  même  temps, 
M.  Hœrning  publiait  à  Londres  une  description  critique  et  détaillée  de 
manuscrits  caraïtes,  récemment  acquis  par  le  British  muséum,  qui 
donnent  le  texte  hébreu  transcrit  en  caractères  arabes  avec  la  version  et 
les  commentaires  de  Yêfeth  et  d'autres  auteurs  caraïtes. 

Le  commentaire  de  Daniel  est  une  des  dernières  œuvres  de  Yêfeth  et 

(doit  être  placé  au  commencement  du  xi'^  siècle,  vers  loio,  comme  l'éta- 
blit M.  M.  Au  point  de  vue  de  l'exégèse  biblique,  il  est  de  médiocre 
valeur.  Les  connaissances  de  l'auteur  en  hébreu   et  en  araméen  sont 
superficielles^  au  jugement  de  M.  M.  Ce  commentaire  est,  en  outre, 
dépourvu   des  observations  grammaticales  qu'on  rencontre  dans  les 
«Autres  parties  de  Yêfeth.  L'histoire,  d'un  autre  côté,  y  est  à  peu  près 
^^wuUe.  Yêfeth  n'a  que  des  notions  vagues  des  temps  anciens;  en  ce  qui 
«Concerne  les  événements  de  son  époque,  auxquels  il  rapporte  quelques- 
unes  des  prédictions  de  Daniel,  ses  allusions  aux  conquêtes  des  Carmates 
sont  évidentes,  comme  le  remarque  M.  M.,  mais  elles  ne  révèlent  rien 
de  particulier. 

Nouvelle  série,  XXIX.  z3 


442  REVUE    CRITIQUE 

Le  texte,  édite  avec  soin  et  accompagné  de  variantes,  ne  présente  pas 
de  grandes  dillicultés;  néanmoins,  on  sera  reconnaissant  à  Téditeur  d'en 
avoir  donne  une  traduction  anglaise.  M.  Margoliouth  ne  s'est  pas  con- 
tenté d'étudier  le  commentaire  de  Daniel,  mais  il  a  parcouru  les  com- 
mentaires des  autres  livres,  dans  les  éditions  qui  en  ont  été  publiées  ou 
dans  les  ms.  qu'il  a  eus  à  sa  disposition.  11  a  relevé,  au  cours  de  ses  lec- 
tures, les  mots  arabes  présentant  des  formes  rares  ou  des  sens  nouveaux, 
dont  une  partie  ne  se  trouve  pas  dans  les  dictionnaires,  même  dans  les 
Suppléments  de  Dozy,  et  il  a  joint  à  son  édition  un  glossaire  de  ces 
locutions.  Celles-ci  sont,  il  est  vrai,  de  valeur  inégale;  la  plupart  appar- 
tiennent vraisemblablement  à  l'arabe,  mais  d'autres,  empruntées  à  l'hé- 
breu ou  à  l'araméen,  doivent  être  considérées  comme  propres  au  dia- 
lecte des  juifs.  L'habitude  de  ces  glossaires  si  utiles  tend  à  se  généraliser  ; 
elle  marque  un  progrès  sensible  sur  les  anciennes  éditions  et  on  ne  sau- 
rait trop  remercier  les  auteurs  de  ces  contributions  lexicographiques. 

Rubens  Duval. 


Bibliothèque  des  Ecoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome. 

247.  —  l>e  L.ibei>  pontifîealis,  texte  introduction  et  commentaire,  par  M.  l'abbé 
L.  DucHESNE,  ancien  membre  de  l'Ecole  française  de  Rome,  professeur  à  l'Ins- 
titut catholique  de  Paris.  Paris,  Thorin,  1889.  I,  cclxii-536  pages;  II,  444  pages 
in-fol.  (en  5  fascicules). 

248.  —  Ke  t^iber  eensuuin  de  l'Eglise  romaine,  publié  avec  une  préface  et 
un  commentaire  par  M.  Paul  Fabre,  ancien  membre  de  l'Ecole  française  de  Rome. 
Pi-emier  fascicule.  Paris,  Thorin,  1889,  144  pages  in-fol. 

J'annonçais  ici  même,  il  y  a  douze  ans  ',  les  premiers  travaux  de 
rÉcole  de  Rome  qui,  unie  à  FÉcole  d'Athènes,  venait  de  fonder  la  Bi- 
bliothèque des  Ecoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome.  L'étude  de 
M.  l'abbé  Duchesnesur  \q  Liber pontificalis,  les  recherchesde  M.  Mûntz 
sur  l'œuvre  archéologique  de  Jacques  Grimaldi,  un  essai  de  M.  Clédat 
sur  le  Mystère  provençal  de  sainte  Agnès,  ouvraient  cette  publication 
qui,  depuis  lors,  s'est  continuée  avec  éclat,  tenant  admirablement  les 
magnifiques  promesses  du  début.  L'activité  scientifique  de  TÉcole  de 
Rome  n'est  point  contenue  dans  les  limites  de  ce  recueil  qui  compte 
aujourd'hui  55  volumes  in-8.  Elle  a  créé  parallèlement  à  la  Bibliothè- 
que in-8  primitive,  deux  publications  destinées,  l'une,  aux  communica- 
tions de  peu  d'étendue,  les  Mélanges  d'archéologie  et  dliisloire^'^ 
l'autre,  aux  grandes  entreprises  scientifiques  ;  je  veux  parler  de  la  Bi- 
bliothèque in-folio  oii  ont  pris  place  les  Registre  des  papes,  publiés  par  j 
MM.  Elie  Berger,  Grandjean,  Digard,  Faucon,  Thomas,  Langlois,  Au- 
vray,  \q  Liber  pontificalis,  édité  par  M.  l'abbé  D.,  le  Liber  censiium, 
confié  aux  soins  de  M.  Paul  Fabre.  Il  est  peu  d'exemples  d'un  labeur] 
aussi  actif  et  aussi  fécond. 

Je  voudrais  aujourd'hui  faire  connaître  à  nos  lecteurs  les  publications 
de  M.  l'abbé  Duchesne  et  de  M.  Paul  Fabre. 

I.  Voyez  la  Revue  critique  du  24  août  1878. 


d'histoire  et  de  littérature  4^3 

—  Le  Liber  pontificaîis  est  cette  célèbre  chronique  ou  histoire  des 
papes,  devenue  au  moyen  âge  quasi  officielle,  attribuée  faussement  à 
Anastase.  Auk  yeux  de  M.  l'abbé  D.,  le  premier  noyau  du  Liber  ponti- 
ficaîis^ œuvre  poursuivie  ultérieurement  par  de  nombreux  continua- 
teurs, date  du  milieu  du  vi'=  siècle  :  cette  partie  initiale  du  Liber  ponti- 
ficaîis, est  une  œuvre  entièrement  privée  ;  il  en  est  de  même  des  pre- 
mières additions.  A  partir  du  commencement  du  vni°  siècle,  le  Liber 
■pontificaîis  est  rédigé  dans  l'entourage  même  du  pape  et  atteint  sa  plus 
haute  valeur  au  point  de  vue  de  l'histoire  générale.  Il  se  continue  de 
siècle  en  siècle  jusqu'au  pontificat  de  Martin  V.  Cest  avec  ce  pontificat 
que  sera  close  cette  magnifique  publication.  Elle  s'étend  à  l'heure  ac- 
tuelle jusqu'à  la  dix-neuvième  année  du  pontificat  d'Alexandre  III. 
Une  seule  et  assez  prochaine  livraison  terminera  Touvrage. 

Les  conclusions  critiques  auxquelles  est  arrivé  M.  Pabbé  D.  sont  en 
grande  partie  nouvelles.  Comme  toute  découverte  historique  impor- 
tante, elles  ont  provoqué  la  contradiction,  L'idée  d'un  Liber  pontifica- 
îis, rédigé  au  vi^  siècle,  chagrinait  le  regretté  Waitz  :  il  entama  avec 
M.  Fabbé  D.,  sur  la  question  du  Liber  pontificaîis,  une  polémique  des 
plus  intéressantes.  L'érudition  du  savant  abbé  est  vive,  mais  en  même 
temps  persuasive  :  aussi  Waitz  se  rapprochait-il  peu  à  peu  et,  comme 
malgré  lui,  de  son  adversaire.  Les  deux  érudits  allaient  peut-être  se 
rencontrer  ',  lorsque  la  mort  enleva  à  la  science  le  vénérable  Waitz  à 
demi-convaincu.  Ceux  qui  n'ont  point,  comme  l'abbé  D.,  le  bonheur 
de  convertir  (du  moins  un  peu)  leurs  adversaires  avant  la  mort,  le  féli- 
citeront tout  particulièrement  d'un  si  rare  et  si  doux  succès. 

Je  n'ai  pas,  comme  Waitz,  étudié  personnellement  l'histoire  du  Liber 
pontificaîis ,  et  mon  adhésion  est  sans  valeur  aucune.  Ce  que  je  vois,  ce 
que  je  sens,  c'est  l'extrême  difficulté  du  sujet;  c'est  aussi  la  vaste  éru- 
dition, la  critique  assurée  et  ferme  de  l'abbé  Duchesne.  Il  nous  a  donné 
lui-même,  dans  un  résumé  rapide,  quelque  idée  des  difficultés  de  l'en- 
treprise. «  Les  manuscrits  du  Liber  pontificaîis  sont  en  très  grand 
«  nombre,  écrit  l'éditeur  de  cette  chronique  célèbre  ;  j'en  ai  étudié  envi- 
«  ron  cent  cinquante,  et  je  ne  me  flatte  pas  d'avoir  tout  vu.  La 
«  classification  des  manuscrits,  pour  un  ouvrage  quelconque,  est  tou- 
«  jours  une  tâche  assez  délicate,  qui  exige  beaucoup  de  patience  et  de 
«  sagacité.  Mais  ces  difficultés  sont  incomparablement  plus  grandes, 
«  quand  il  s'agit  d'un  texte  comme  celui  du  livre  pontifical  qui  n'a 
«point  été  écrit  d'un  trait,  par  un  seul  et  même  auteur,  mais 
«  repris  et  continué  pendant  plusieurs  siècles  par  une  quantité  de 
«  personnes  différentes.  Les  notices  pontificales  ont  été  quelque- 
«  fois  rédigées  une  à  une,  soit  par  divers  auteurs,  soit  par  la  même 
«  personne  qui  s'y  mettait  à  plusieurs  reprises;  d'autres  fois,  surtout 


I.  Voyez  pour  ces  discussions  Waitz  dans  Nettes  archiv.,  t.  IV,  p.  2(7  et  suiv.  ; 
t.  V,  p.  211  ;  t.  IX,  p.  464;  t.  X,  p.  461  ;  t.  XI,  deuxième  cahier;  l'abbé  Duchesne 
àans  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire,  t.  VI. 


444  REVUE    CRITIQUE 

«  au  commencement,  elles  semblent  avoir  été  rédigées  et  ajoutées  par 
('  séries,  trois  ou  quatre  à  la  fois.  Ces  continuations  ont  été  insérées 
«  dans  des  manuscrits  déjà  divergents  pour  la  partie  antérieure.   Le 
«  complément  une  fois  fait,  il  s'est  bientôt  produit  des  divergences  nou- 
«  velles;  le  groupement  introduit  par  les  divergences  des  continuations 
«  ne  suit  pas  nécessairement  le  groupement  établi  par  les  divergences 
<■(  de  la  partie  primitive  :  il  serait  même  étonnant  quMl  le  suivît.  De  là, 
«  un  perpétuel  changement  des  rapports  entre  les  manuscrits.  »  Tel 
manuscrit   ou  tel  groupe  de  manuscrits   pourra  représenter,    pour  le 
commencement,  la  tradition  la  plus  pure;  à  partir  d'un  certain  point  de 
la  série  pontificale,  «  il  perdra  cette  situation  prééminente,  quitte  à  la 
reprendre  plus  tard    et    à  la  reperdre  encore,   et  ainsi  de  suite  ».  Il 
faudrait  donc,  semble-t-il,  presque  à  chaque  vie,  recommencer  le  clas- 
sement. En  fait,  la  situation  relative  des  manuscrits  donne  lieu  à  de 
très  grandes  difficultés;  mais  les  choses  ne  sont  pas  poussées  jusqu'à  ce 
point  extrême  de  rendre  nécessaire  un  classement  nouveau  pour  chaque 
vie  de  pape.  Le  Liber  pontificalis  semble  avoir  été  longtemps  continué 
sur  un  manuscrit  unique  ou  sur  des  copies  peu  nombreuses  :  les  mê- 
mes vicissitudes  de  transmission   ont  atteint  et  modifié  de   la  même 
façon  un  bon  nombre  de  notices.  Par  suite,  le  classement  des  manus- 
crits n'est  pas  à  refaire  aussi  souvent  qu'on  pourrait  le  supposer  à  pre- 
mière vue  '. 

Il  me  paraît  infiniment  probable  que  la  science  s'en  tiendra  aux  clas- 
sements de  l'abbé  D.,  et  que  son  texte  du  Liber  pontificalis  ne  sera  pas 
sérieusement  modifié.  Les  préfaces  du  savant  éditeur  sont,  avec  les  no- 
tes qui  suivent  l'histoire  de  chaque  pontificat,  une  mine  merveilleuse  de 
renseignements   historiques,   archéologiques,   etc.,   puisés  aux  sources 
les  plus  pures.  L'abbé  D.,  comme  tout  travailleur  sérieux,  se  corrige 
volontiers.  J'ai  plus  de  foi  dans  les  corrections  qu'il  pourra  de  temps 
en  temps  nous  offrir  qu'en  celles  que  je  pourrais  proposer  aujourd'hui. 
—  Le  Liber  censuum  Romane  ecclesie  a  été  rédigé  en  1192  par  le 
camérier  Cencius,  en  d'autres  termes,  par  l'intendant  général  des  finan- 
ces du  pape.  Ce  Cencius  (devenu  lui-même  pape  sous  le  nom  d'Hono* 
rius  lll  )nous  a  donné  sous  ce  titre  quelque  chose  comme  le  budget  de.J 
certaines  recettes  ordinaires  de  la  cour  de  Rome  à  la  fin  du  xii^  siècle.?] 
Muratori  avait  donné  du  Liber  censuum  une  édition  insuffisante.  Celle  tj 
de  M.  F.-  dont  il  n'a  paru  encore  qu'un  seul  fascicule,  semble  devoir 
satisfaire  aux  exigences  de  la  critique  la  plus  sévère  et  la  plus  minu- 
tieuse. L'introduction  paraîtra  ultérieurement;  mais,   dès  à   présent, 
d'abondantes   notes  (trop  abondantes  peut-être)  nous  renseignent   sur 
toutes  les  questions  que  soulève  la  partie  du  texte  publié,   notamment 
sur  la  valeur  des  monnaies  diverses  mentionnées  par  Cencius.  A  ce  pro* 
pos,  M.  F.  cite,  avec  pleine  confiance,  une  ordonnance  de  Philippe  le 

I.  Duchesne,  L'historiographie  pontificale  au  vai^  siècle,  pp.  3,  5.   (Extrait  des 
Mél.  d'archéologie  et  dhistoire,  1884.) 


d'histoirb  et  de  littératdrb  445 

Bel,  de  i3o5,  sur  la  valeur  du  gros  tournois.  M.  de  Vienne  a  démontré 
tout  récemment  (et  postérieurement  à  la  publication  de  ce  premier  fas- 
cicule) que  ces  évaluations  officielles,  sentant  quelque  peu  le  cours 
forcé,  n'ont  pas  le  caractère  rigoureux  et  absolu  qu'on  leur  a  trop  faci- 
lement attribué.  Le  cours  vrai  s'établissait  de  lui-même  ;  la  banque  et 
le  commerce  le  faisaient,  non  pas  un  édit  '.  C'est  là  une  considération 
importante  dont  il  faudra  désormais  tenir  compte. 

Le  Liber  censuum  mentionne  à  chaque  page  les  redevances  dues  par 
des  églises  qui  s'étaient  mises  sous  la  protection  particulière  du  pape. 
L'origine  de  cette  situation  canonique  spéciale  des  monastères  exempts 
(lesquels  d'ailleurs  ne  payaient  pas  tous  une  redevance)  vient  d'être 
l'objet  d'une  étude  très  remarquable,  entreprise  par  M.  le  docteur  Blu- 
menstock.  Je  signale  à  M.  Fabre  ce  travail  tout  récent  2.  Il  sera  fort 
utile  au  savant  éditeur  du  Liber  censuum  pour  son  introduction  encore 
attendue.  V. 

24g.  —  Oistoire  de  la  constitution  de  la  ville  de  Dînant  au  moyen-âge, 
par  H.  PiREfJNE.  (Université  de  Gand.  Recueil  de  travaux  publiés  par  la  faculté 
de  philosophie  et  lettres,  2*  fascicule.  Gand,  librairie  Clenim,  1889.  i  vol.  ia-8, 
VI-119  p. 

L'histoire  de  la  constitution  des  villes  liégeoises  n'avait  été  jusqu'ici 
lobjei  d'aucune  étude  spéciale.  Le  livre  que  vient  de  publier  M.  Pirenne 
sur  Dinant-sur-Meuse  comble  donc  une  importante  lacune  de  l'his- 
toire municipale,  en  nous  fournissant  des  éléments  de  comparaison  qui 
faisaient  complètement  défaut  pour  toute  cette  région.  C'est  à  ce  point 
de  vue  qu'il  importe  de  signaler  à  l'attention  ce  savant  travail,  qui 
peut  être  d'ailleurs  cité  comme  un  véritable  modèle,  tant  par  la  sûreté 
et  la  précision  des  résultats  que  pour  les  nombreux  et  intéressants  rap- 
prochements qu'il  suggère. 

Le  volume  de  M.  P.  est  divisé  en  cinq  chapitres.  Dans  le  premier, 
consacré  à  l'histoire  des  origines  de  la  ville  et  de  son  premier  dévelop- 
pement, l'auteur,  grâce  à  un  précieux  document  dont  la  rédaction  doit 
être  fixée  un  peu  avant  l'année  1047,  nous  donne  des  notions  exactes 
sur  l'administration  de  Dinant  au  xi°  siècle.  Peu  de  villes  possèdent  un 
texte  aussi  explicite  pour  les  institutions  de  l'époque  qui  précéda  la 
période  communale.  M.  P.  en  a  tiré  le  meilleur  parti.  Il  nous  montre 
la  ville  divisée,  au  point  de  vue  delà  juridiction,  entre  deux  seigneurs, 
le  comte  de  Namur  et  l'évêque  de  Liège,  et  nous  énumère  ensuite  leurs 
droits  respectifs.  A  cette  époque,  les  habitants,  et  cela  est  important  à 
constater,  n'interviennent  en  rien  dans  l'administration.  Le  pouvoir  du 
comte  offre  un  caractère  différent,  suivant  les  lieux  sur  lesquels  il 
s  exerce.  Il  apparaît  à  la  fois  comme  ayant,  sur  certains  domaines,  les 

1.  M.  devienne,  Des  malentendus  habituels  au  sujet  des  anciens  procédés  moné- 
taires, Nancy,  1890. 

2.  Blumenstock,  Der  pœpstliche  Schut:{  im  Mittelalter,  Innsbruck,  1890. 


446  REVUE    CRITIQUE 

droits  d'un   propriétaire,   sur  d''autres,  les  droits  d'un  avoué-lige,  sur 
d'autres  entin,  et  ces  derniers  comprennent  la  plus  grande  partie  de  la 
ville  et  de  son  territoire,  les  droits  d'un  représentant  de  l'autorité  sou- 
veraine, c'est-ù-dire  d'un  justicier.  Cette  distinction  entre  la  propriété  et 
la  justice  est  à  tous  égards  capitale.  C'est  surtout  pour  l'avoir  négligée 
que  tant  d'historiens  locaux  ont  entièrement  méconnu  le  caractère  des 
institutions  urbaines  antérieures  à  l'organisation  communale.  Le  comte 
qui  résidait  à  Namur  n'administrait   pas  directement   la   centène  de 
Dinant.   Il  déléguait  ses  pouvoirs  à  des  ministeriales,  parmi  lesquels 
étaient  recrutés  les  échevins,  identiques  aux  monetarii,  et  le  maire,  le 
ministerialis  comitis  par  excellence.  Les  revenus  que  le  comte  tirait  de   ^ 
la  ville  constituaient  des  jiisticiœ,  provenant  pour  la  plupart  du  droit 
de  tonlieu  et  de  la  réglementation  du  commerce.  Il  faut  y  ajouter  la 
monnaie  et  la  surveillance  de  la  route  royale.  Cette  dernière  s'exerçait 
à  Dinant  d'une  manière  qui,  pour  n'être  pas  absolument  spéciale  à 
cette  ville,  n'en  est  pas  moins  digne  d'être  rapportée.  Chaque  année,  un 
homme  à  cheval,  une  lance  posée  en  travers  sur  sa  selle,  parcourait  la 
ville  d'un  bout  à  l'autre.  Tout  ce  qui   s'opposait  à  son  passage  devait 
être  abattu  ou  racheté  au  bon  plaisir  du  comte.  Quant  à  la  juridiction  de 
l'évéque  de  Liège,  elle  s'exerçait  sur  plusieurs  églises  qui  formaient  dans 
la  ville  une  enclave  complètement  soustraite  à  l'autorité  comtale.  Il  n'y 
avait  aucun  rapport  entre  sa  juridiction  et  celle  du  comte.  En  1070,  un 
diplôme  de  l'empereur  Henri  IV  modifia  de  fond  en  comble  cette  situa- 
tion, en  accordant  à   l'évéque  de  Liège  tous  les  droits  régaliens  qui 
constituaient  le  comitatiis^  concession  qui  eut  pour  résultat  de  mettre 
fin  à  l'intervention  du  comte  dans  la  ville.  Cette  brusque  substitution 
d'un  pouvoir   à   l'autre  est  on  ne  peut  plus  digne  d'être  remarquée. 
M.  P.  fait  observer  avec  raison  que  le  comte  de  Namur  n'est  point 
devenu  burgrave,  comme  tant  d'autres  comtes  de  l'empire.  Le  rappro- 
chement entre  les  attributions  de  ce  dernier  et  celles  des  burgraves  de 
Spire,  Worms,  Mayence,  Metz,  Ratisbonne,  Toul  et  Genève,  montre  bien 
que  ceux-ci  ne  sont  que  des  comtes  transformés.  Le  changement  qui  se 
produit  à  Dinant  par  la  substitution  de  la  juridiction  épiscopale  à  la  juri- 
diction comtale  est  une  conséquence  de  la  politique  impériale,  dont  le  but 
constant  a  été,  dans  les  Pays-Bas,  de  diminuer  l'influence  des  princes 
laïcs   au   profit  des   princes    ecclésiastiques.    L'étude   de   l'histoire  de 
Dinant  à  cette  période  jette  donc  de  vives  clartés  sur  l'évolution  du  nom- 
bre de  villes  pour  lesquelles  on  ne  possède  pas  de  texte  aussi  explicite. 
Tout  cela  est  fort  bien  présenté  dans  le  livre  de  M.  P.  Son  exposition 
est  précise,  serrée,  parfois  même  presque  trop  condensée.  Il  ne  donne 
aucun  détail  oiseux,  allant  droit  au  but  et  ne  multipliant  les  compa-j 
raisons  que  là  où  elles  sont  nécessaires  et  suggestives  1. 

I.   Bien  que  le  texte  de  1047  (ou  environ)   ait  été  déjà  publié  trois  fois,   M.  P. 
aurait  dû,  semble-t-il,  le  donner  à  nouveau,  vu  son  importance.  Cela  lui  eût  évité! 
de  nombreuses  citations  qui,  dispersées,  n'ont  pas  toujours  toute  la  clarté  désirablej 
pour  le  lecteur  qui  n'a  sous  la  main  ni  Waitz,  ni  Wauters,  ni  Bormans. 


d'histoire  et  de  littérature  447 

Au  cours  des  xi«  et  xii^  siècles,  la  ville,  grâce  à  Textension  du  com- 
merce et  surtout  de  l'industrie  du  cuivre,  prend  un  développement  de 
plus  en  plus  considérable.   Un  grave  changement  politique,  la  forma- 
tion d'une  bourgeoisie,  résulte  de  ce  fait.  L'échevinage  subit  une  trans- 
formation profonde.   Il  apparaît  dès  lors  comme  un  tribunal  stricte- 
ment urbain,  sans  perdre  pour  cela  son  caractère  seigneurial.  C'est,  en 
quelque  sorte,  le  tribunal  naturel  des  habitants  qui  en  sont  devenus  les 
maîtres.  Cette  révolution  intérieure  ne  s'est  produite  ni  à  la  suite  d'une 
révolte,  ni  au  moyen  d'une  concession  formelle  de  la  part  des  évêques. 
L'avènement  de  la  bourgeoisie  n'est  que  le  résultat  fatal  de  sa  prépon- 
dérance économique  sur  les  anciens  ministeriales.  Aussi  bien  à  Dinant 
que  dans  les  autres  villes  liégeoises,  le  maire  n'est  jamais  devenu  un 
magistrat  communal.    La  question  de  l'origine  des  jurés  et  de  leurs 
attributions  se  présente  pour  toutes  ces  villes  comme  extrêmement  obs- 
cure. C'est  en  1196  qu'ils  apparaissent  à  Dinant  pour  la  première  fois. 
Il  est  incontestable,  toutefois,  que  leurs  fonctions  ont  eu  dès  le  début 
un  caractère  essentiellement  communal.  Ce  qu'il  importe  de  remarquer 
ici,  c'est  que  cette  distinction  des  magistrats  urbains  en   deux  groupes, 
les  échevins  d'une  part  et  les  jurés  de  l'autre,  différencie  d'une  manière 
aussi  nette  que  possible  la  constitution  des  villes  liégeoises  d'avec  celle 
des  villes  flamandes.  Ce  caractère  permet,  en  outre,  de  rapprocher  le 
ty)it  constitutionnel  des  villes  liégeoises  de  celui   de  plusieurs  villes 
picardes.  Cette  organisation,  si  curieuse  et  si  particulière  à  tous  égards, 
a  été  récemment  mise  en   lumière  à  propos  de   Saint-Quentin  et  de 
Noyon.  La  distinction  des  deux  juridictions,  trop  longtemps  confon- 
dues par  les  historiens,  avait  été  complètement  méconnue  jusqu'à  ces 
dernières  années.  Il  faut  la  considérer  désormais  comme  dûment  établie. 
M.  P.  apporte  une  nouvelle  confirmation  en  faveur  de  cette  théorie, 
dont  la  portée  est  encore  plus  générale  qu'on  ne  l'avait  cru  tout  d'abord. 
Au  point  de  vue  de  l'histoire  des  institutions  communales,  les  consé- 
quences en  sont  tout  à  fait  décisives. 

Le  chapitre  III  est  consacré  au  tableau  des  différentes  classes  sociales 
entre  lesquelles  la  population  se  trouvait  répartie.  En  face  de  la  haute 
bourgeoisie  ou  patriciat^  se  dressait  le  commun,  divisé  lui-même  en 
deux  groupes  nettement  tranchés  :  les  batteurs  de  cuivre  qui  représen- 
taient la  grande  industrie  et  les  petits  métiers  qui  travaillaient  unique- 
ment pour  le  marché  local.  Les  luttes  et  les  rivalités  qui  se  produisi- 
rent forcément  entre  ces  trois  partis  sont  l'un  des  côtés  les  plus  instruc- 
tifs de  l'histoire  Dinantaise.  Les  batteurs  jouaient  à  Dinant  le  même 
rôle  que  les  tisserands  dans  les  villes  flamandes.  La  constitution  de 
1348  est  le  résultat  de  ces  luttes.  Elle  établit  entre  les  trois  fractions  de 
la  bourgeoisie  un  équilibre  qui  se  maintint  durant  des  siècles.  L'or- 
i^anisme  communal  de  la  ville  est  dès  lors  complètement  formé.  Nous 
avons  eu  occasion  de  le  démontrer  nous-même  :  c'est  là  un  côté  de 
l'histoire  municipale  sur  lequel  on  ne  saurait  trop  insister.  Rien  de  plus 


4 


448  REVUE   CRITIQUE 

compliqué  ni  de  plus  variable  que  l'étude  des  situations  respectives  et 
des  intérêts  si  souvent  opposés  des  diverses  factions  qui  se  partageaient 
l'administration  des  villes.  Faute  de  le  déterminer  exactement,  le  secret 
de  l'évolution  politique  des  communes  échappe  entièrement.  Il  ne  nous 
semble  pas  douteux  qu'au  fur  et  à  mesure  de  leurs  progrès,  les  études 
d'institutions  municipales  n'arrivent  à  mettre  cette  question,  pour  ainsi 
dire,  au  premier  plan. 

Le  chapitre  suivant  est  consacré  à  Texamen  détaillé  des  différents 
rouages  de  Torganisation  communale,  M.  P.  y  traite  successivement  ! 
des  attributions  administratives  du  conseil  et  des  assemblées  de  la  géné- 
ralité, des  fonctionnaires  municipaux,  des  finances  dont  l'histoire  ne 
présente  à  Dinant  aucun  caractère  spécial,  de  la  juridiction  du  conseil, 
des  droits  de  l'évéque  dans  la  ville,  etc.  Est-il  bien  vrai,  comme  l'affirme 
M,  P.,  que  les  fonctions  des  jurés  aient  été,  ainsi  que  celles  des  maîtres, 
plus  onéreuses  que  lucratives?  Nous  croyons  que  la  thèse  contraire 
pourrait  être  facilement  démontrée,  si  nous  en  jugeons  par  ce  qui  se 
passait  dans  la  plupart  des  communes  du  Nord  ^.  Les  jurés  ne  cher- 
chaient-ils pas  presque  partout  à  regagner  ce  qu'ils  dépensaient  à  cause 
de  leurs  charges,  en  s'attribuant  des  avantages  pécuniaires  ou  autres, 
plus  ou  moins  abusifs  ?  Remarquons,  en  passant,  que  parmi  les  diverses 
peines  auxquelles  pouvait  condamner  le  conseil  figurent  les  voyages  ou 
pèlerinages.  C'est  là  une  variété  de  châtiment  que  nos  villes  françaises 
n'ont  pas  connue.  Empruntée  à  la  législation  ecclésiastique,  elle  semble 
bien  avoir  été  propre  aux  Pays-Bas.  Il  faut  avouer,  d'ailleurs,  que  pour 
les  gens  d'humeur  vagabonde  elle  n'avait  rien  de  bien  terrible. 

Signalons,  en  terminant,  le  dernier  chapitre  du  livre  de  M.  P.  comme 
tout  particulièrement  excellent.  Il  est  consacré  au  commerce  de  Dinant 
et  à  l'industrie  du  cuivre  qui  a  fait  la  réputation  de  la  ville  au  moyen 
âge,  réputation  européenne  puisque  le  nom  de  dinanderie  est  resté 
employé  jusqu'à  nos  jours  pour  désigner  des  objets  de  cuivre  ou  de 
laiton  2.  L'auteur  expose  avec  charme,  en  citant  à  propos  le  détail  pitto- 
resque, le  tableau  de  la  vie  économique  de  Dînant,  de  ses  rapports  avec 
les  industries  environnantes,  de  ses  relations  commerciales  avec  l'An- 
gleterre, l'Allemagne,  les  villes  françaises  et  flamandes.  Il  insiste  spécia* 
lemenî  sur  la  participation  de  la  ville  aux  privilèges  de  la  Hanse  et  con- 
clut en  dégageant  avec  une  grande  netteté  ce  qu'on  peut  appeler  les 
causes  profondes  de  la  ruine  de  «  cette  petite  ville  tranquille  qui,  dans 
sa  belle  vallée,  dort  au  bord  de  la  Meuse  ^  ». 

1.  M.  P.  ajoute  (p.  54)  :  «  La  démocratie  du  moyen  âge,  à  la  différence  de  la  démo- 
cratie grecque,  s'est  fixé  en  quelque  sorte  une  limite  à  elle-même  en  n'établissant 
pas  le  principe  du  paiement  des  fonctionnaires  publics.  »  Les  abus  de  tout  genre 
auxquels  donna  lieu  ce  principe  (que  M.  P.  présente  sous  une  forme  trop  absolue, 
valaient-ils  beaucoup  mieux? 

2.  Remarquons,  toutefois,  que  ce  nom  s'applique  aujourd'hui  à  des  objets  plus  ou 
moins  artistiques,  tandis  qu'il  servait  à  désigner,  au  moyen  âge,  surtout  les  objets 
d'un  usage  courant  :  pots,  chaudrons,  bassins,  etc. 

3.  L'auteur  consacre,  en  outre,  un  court  appendice  à  l'histoire  de  la  constitution 
de  la  ville  jusqu'à  la  fin  du  xviii*  siècle. 


D  HISTOIRE  ET    DE    LITTERATURE  44g 

On  peut  voir  par  tout  ce  qui  précède  que  le  livre  de  M.  P.  est  de 
ceux  qui  comptent  en  matière  d'histoire  municipale.  Nous  ne  lui  ferons 
qu'un  reproche,  c'est  d'avoir  apporté  une  négligence  parfois  choquante 
dans  l'impression  de  son  ouvrage  i.  Nous  aurions  également  désiré  une 
table  analytique  plus  détaillée  et  des  citations  plus  complètes  pour 
nombre  de  textes  décisifs  auxquels  l'auteur  se  contente  de  renvoyer 
sommairement.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  résultats  fournis  par  ce  travail, 
bien  composé  et  écrit  sans  prétention,  sont  aussi  nombreux  qu'impor- 
tants. Il  témoigne  d'une  connaissance  approfondie  non  point  seulement 
des  institutions  communales  de  la  Belgique,  mais  aussi  de  celles  de  la 
France  et  de  TAllemagne.  Nous  ne  pouvons  qu'engager  M.  P.  à  nous 
donner  sur  Liège,  la  grande  ville  de  la  région  qu'il  vient  d''étudier,  le 
travail  définitif  qu'il  est  mieux  que  personne  en  état  d'entreprendre  et 
de  mener  à  bonne  fin. 

A.  Lefranc. 


25o.  —  A.  CoviLLE,  Les  Cabochlens  et  l'ordonnance  de  1413.   i  vol.  in-8, 
xix-456  pages.  Paris,  Hachette,  1888.  7  fr.  5o. 

Le  volume  de  M.  Coville  est  un  ouvrage  de  début,  ou  peu  s'en  faut  ; 
c'est  pourtant  déjà  un  ouvrage  de  maître.  M.  C.  a  étudié  son  sujet  à 
fond;  il  connaît  toutes  les  chroniques  imprimées  qui  s'y  rapportent;  il 
a  fait  une  très  fructueuse  excursion  à  travers  les  manuscrits  des  Archives 
nationales  et  de  la  Bibliothèque  nationale;  il  a  trouvé  des  pièces  fort 
curieuses  à  Rouen,  à  Dijon,  à  Noyon.  Et  pourtant  qu'on  se  rassure. 
M.  C.  a  un  sentiment  trop  net  de  l'histoire  pour  s'exagérer  la  valeur 
de  ses  découvertes  ;  vous  ne  trouverez  jamais  chez  lui  des  phrases  de  ce 
genre  qu'on  lit  chez  tant  de  nos  érudits  :  «  Ce  parchemin  découvert  par 
moi  renverse  toutes  les  opinions  admises  jusqu  a  ce  jour.  »  Bien  au  con- 
traire, il  ne  se  dissimule  pas  que,  même  après  les  documents  qu'il  a  mis 
au  jour,  l'histoire  du  soulèvement  cabochien  se  présente  à  nous  à  peu 
près  de  la  même  façon  qu'auparavant  :  «  Mais,  dit-il  en  fort  bon  termes, 
en  histoire  il  ne  s'agit  pas  seulement,  pour  faire  œuvre  utile,  de  ren- 
verser complètement  sur  un  sujet  donné  les  idées  reçues  jusqu'alors.  Ce 
n'est  point  perdre  son  temps  et  sa  peine  que  de  chercher  à  pénétrer  plus 
profondément  dans  la  connaissance  exacte  d'une  époque,  ou  de  préciser 
avec  plus  de  rigueur  les  détails  de  quelque  grand  événement  de  la  vie 
nationale.  »  L'auteur  a  encore  évité  un  autre  écueil.  Il  n'a  point  placé 
ses  nombreux  documents  inédits  bout  à  bout,  les  réunissant  par  quel- 
que transition  factice  :  il  les  a  mis  en  œuvre,  il  les  a  coordonnés  suivant 

I.  Nous  ne  pouvons  relever  ici  que  quelques-unes  des  plus  graves  négligences  au 
point  de  vue  typographique.  P.  i3,  plusieurs  lignes  interverties  et  incompréhensi- 
bles; p.  18,  entourré ;  p.  54,  du  payements  ;  p.  102,  proposition  pour  proportion; 
p.  ig,  3i,  etc.,  beaucoup  de  mots  allemands  ou  latins  intercalés  dans  le  texte  sans 
qu'aucun  artifice  typographique  permette  de  les  distinguer  du  reste  de  la  phrase, 
par  exemple  p.  92,  gS,  etc. 


450  REVUE  CRITIQUE 

un  plan  simple  et  pourtant  très  artistique  ;  bref,  il  a  composé  un  excel- 
lent livre,  à  la  portée  de  tout  le  monde,  d'une  lecture    fort  attachante. 

Son  ouvrage  se  divise  en  cinq  grandes  parties.  Il  nous  montre  d'abord 
au  milieu  de  quelles  circonstances  a  été  élaborée  l'ordonnance  cabo- 
chienne.  La  guerre  étrangàe  et  la  guerre  civile  dévastent  le  royaume; 
—  le  roi  est  fou,  la  maison  des  fleurs  des  lys  est  sans  prestige,  on  n'a 
que  mépris  pour  le  dauphin,  Louis  d'Orléans  a  donné  l'exemple  des 
vices,  tous  les  moyens  sont  bons  à  Jean  sans  Peur  pour  prendre  le 
souverain  pouvoir  ;  —  le  gouvernement  royal  est  désorganisé,  le  do- 
maine et  les  aides  sont  dilapidés  ;  le  conseil,  le  parlement,  la  chambre 
des  comptes  souffrent  de  grands  maux  ;  les  baillis  et  les  sénéchaux  rem- 
plissent mal  leurs  fonctions.  Tels  sont  les  principaux  traits  du  tableau 
par  lequel  s'ouvre  le  volume.  Il  est  fort  bien  peint;  il  renferme  une 
foule  de  détails,  très  exactement  étudiés  et  dont  l'accumulation  doit 
nous  donner  la  sensation  du  désordre  du  royaume  et  nous  bien  persua- 
der qu'une  réforme  était  à  ce  moment  indispensable.  M.  C.  use  ici  du 
procédé  qui  est  familier  à  Taine;  il  n'échappe  pas  sur  ce  point  aux  re- 
proches qu'on  a  justement  adressés  à  ce  grand  écrivain.  Il  ramasse  en 
une  page  des  faits  qui  se  sont  passés  à  vingt  ou  trente  années  de  distance 
et  aboutit  à  cette  conclusion  :  qui  ne  voit  qu'en  mai  141 3  la  situation 
était  intolérable?  Mais,  si  chaque  fait  en  lui-même  est  exact,  l'ensemble 
ne  laisse  pas  d'être  légèrement  faux.  Le  tableau  est  trop  poussé  au  noir. 
M.  C.  nous  a  fait  toucher  du  doigt  les  vices  des  institutions  de  la  France 
au  début  du  xv°  siècle;  mais  peut-être  eût-il  été  bon  de  nous  indiquer 
aussi  quelle  force  résidait  encore  en  elles,  et  la  preuve  est  que  Pordon-^ 
nance  cabochienne  les  a  à  peu  près  toutes  respectées;  elle  n'a  fait  qu'erf 
redresser  les  abus.  M 

La  nécessité  de  la  réforme  a  été  démontrée.  Mais  qui  l'exécutera?  Ce 
sera  le  peuple  et  l'Université  de  Paris.  Dans  sa  seconde  partie,  M.  C.f 
nous  fait  un  tableau  fort  pittoresque  de  Paris  vers  Tannée  1400;' 
il  nous  décrit  les  sentiments  de  la  bourgeoisie  aisée,  devenue  riche, 
vivant  du  désordre  de  la  cour  et,  par  suite,  ne  demandant  nulle  ré- 
forme ;  puis  il  en  arrive  au  peuple  proprement  dit  :  il  nous  montre  fort 
bien  comment  il  était  organisé  en  corporations  et  en  confréries;  il  nous 
présente  d'une  façon  toute  spéciale  les  bouchers  établis  sur  la  rive 
droite  autour  de  Saint  Jacques  et  sur  la  rive  gauche  près  de  la  montagne 
de  Sainte-Geneviève  ;  il  nous  dépeint  les  sentiments  de  cette  population, 
toute  préparée  à  la  révolte  et  au  tumulte.  Le  peuple  était  la  force  agis- 
sante ;  mais,  pour  le  mettre  en  mouvement,  il  fallait  une  inspiration,  des 
idées.  Elles  furent  fournies  par  l'Université.  Et  nous  faisons  connais- 
sance avec  cette  Université,  avec  sa  foule  de  maîtres  d'étudiants,  de 
suppôts;  nous  sommes  initiés  aux  doctrines  politiques  de  ses  princi- 
paux chefs  :  Jacques  Legrand,  Jean  Courte-Cuisse,  Jean  Gerson.  Peu- 
ple et  Université  font  pour  quelque  temps  alliance  ;  cette  alliance  don- 
nera IMm.pulsion  au  mouvement  de  1418.  Ce  second  livre  est  excellent  : 
nous  n'avons  qu'à  en  faire  un  éloge  sans  réserve. 


d'histoire  et  de  littérature  45  I 

Le  titre  du  troisième  livre  «  Les  États  généraux  et  les  premières 
émeutes  »  nous  a  un  peu  trompé.  M.  C.  ne  nous  avait  point  encore 
parlé  des  États-Généraux;  nous  pensions  qu'ici  il  nous  montrerait 
quel  était,  dans  la  constitution  de  la  France  au  xv^  siècle,  le  rôle  de  ces 
assemblées.  En  réalité,  il  entre  immédiatement  dans  le  récit  des  événe- 
ments qui  ont  précédé  la  promulgation  de  la  grande  ordonnance.  Après 
que  la  paix  d' Auxerre  eut  rétabli  la  paix  entre  les  Armagnacs  et  les  Bour- 
guignons, on  songea  à  faire  la  guerre  aux  Anglais  qui  infestaient  la 
Guyenne  et  la  Picardie,  Mais  on  avait  besoin  d'argent,  et  on  s'adressa 
aux  Etats-Généraux.  Le  résultat  de  ces  États  fut  la  nomination  d'une 
commission,  chargée  d'élaborer  une  réforme.  Tandis  que  cette  commis- 
sion travaille  en  silence,  le  menu  peuple  s'impatiente.  Plusieurs  événe- 
ments portent  son  exaspération  à  son  comble;  la  révolte  éclate;  Paris  a 
déjà  des  «  journées  »  comme  elle  en  aura  sous  la  Révolution.  Le  récit 
de  ces  journées,  que  de  Barante  avait  jadis  assez  mal  présenté,  est  fort 
vivant  chez  M.  Coville.  Nous  recommanderons  particulièrement  à  ceux 
qui  aiment  le  pittoresque  les  pages  consacrées  au  siège  de  la  Bastille, 
le  28  avril,  et  celles  où  est  exposée  l'émeute  du  22  mai. 

Le  quatrième  livre  traite  de  l'ordonnance  elle-même;  l'auteur  nous 
apprend  comment  elle  fut  promulguée,  dans  le  lit  de  justice  du  26  mai; 
il  recherche  quelles  en  ont  été  les  sources,  et,  par  de  minutieuses  com- 
paraisons, il  est  amené  à  conclure  qu'elle  n'est  pas  très  originale,  qu'elle 
est  empruntée,  en  partie  du  moins,  à  des  actes  précédents,  surtout  à 
ceux  du  règne  de  Charles  VI.  Suit  l'analyse  même  du  document,  d'a- 
près les  principales  matières  qu'il  contient.  Inutile  de  dire  qu'elle  est 
tort  bien  présentée.  Nous  ne  suivrons  point  M.  C.  dans  les  très  inté- 
ressants détails  qu'il  nous  donne  sur  la  réforme  du  domaine,  des  aides, 
du  parlement,  etc.  Nous  préférons  indiquer  en  quoi  notre  appréciation 
diffère  de  la  sienne.  Nous  sommes  loin  de  partager  l'admiration  que 
cet  acte  a  provoqué  chez  les  principaux  historiens.  Michelet  l'a  appelé 
«  la  sagesse  même  de  la  France  »  et  M.  G.  est  à  peu  près  de  cet 
avis.  Sans  doute  les  auteurs  de  cette  ordonnance  ont  été  inspirés  par 
l'amour  le  plus  sincère  du  bien  public  ;  sans  doute  encore  quelques  ré- 
formes, celles  touchant  les  monnaies,  la  mise  en  garde  des  prévôtés, 
etc.,  auraient  été  très  utiles,  et  en  fait  celles-ci  ont  été  exécutées.  Mais 
il  était  bien  dangereux,  à  notre  avis,  d'introduire  le  système  de  l'élection 
pour  toutes  les  charges  de  l'Etat.  La  chambre  des  comptes,  le  parlement, 
—le  grand  conseil  même,  semble-t-il — devaient  se  recruter  eux-mêmes; 
bien  plus,  les  fonctionnaires  les  plus  importants,  les  représentants  de 
l'autorité  dans  les  provinces,  sénéchaux  et  baillis,  devaient  être  élus  par 
le  parlement  et  le  grand  conseil.  Dans  ces  conditions,  aucun  gouverne- 
ment n'était  possible!  C'était  l'abdication  des  droits  les  plus  sacrés  de 
l'Etat.  Et  quand  on  sait  de  quel  esprit  étroit  étaient  animés  les  mem- 
bres du  parlement,  quand  on  connaît  la  conduite  que  tint  ce  corps  lors 
de  l'invasion  anglaise,  l'on  reste  effrayé  des  conséquences  qu'aurait  pu 


452  REVUE   CRITIQUB 

entraîner  une  telle  réforme  et  l'on  se  félicite  que,  le  5  septembre,  l'or- 
donnance ait  été  révoquée  et  déchirée.  A  ces  trois  pouvoirs  auxquels  les 
réformateurs  donnaient  tant  d'importance,  conseil  d'Etat,  parlement, 
chambre  des  comptes,  il  aurait  fallu  une  impulsion  venue  du  dehors; 
les  États-Généraux  seuls  auraient  pu  la  donner,  et  nous  continuons  de 
regretter  avec  M.  Picot  que  dans  la  fameuse  ordonnance  on  n'ait  point 
parlé  d'eux.  Paris  marquait-il  ainsi  sa  défiance  vis-à-vis  du  reste  de  la 
France? 

L'espace  nous  manque  pour  parler  longuement  du  cinquième  livre, 
où  M.  Coville  nous  raconte  comment  Paris,  secouant  le  joug  des  bou- 
chers, traita  à  Pontoise  avec  les  Orléanais,  et  où  il  décrit  la  réaction 
contre  les  écorcheurs,  aussi  brutale  que  l'émeute.  Mais  nous  devons  en- 
core une  fois  féliciter  l'auteur  de  ce  brillant  début.  Son  ouvrage  est  une 
thèse  présentée  en  Sorbonne  ;  il  fait  grand  honneur  à  l'Université. 

Ch.  Pfister. 


25 1.  —  M''  de  PiMODAN.  La  mère  «les  Oaises,  i%ntoinette  de  Bourbon- 
Paris,  Champion,  i88g,  in-H. 

2b2.  —  Ch.  BuET.  François  de  Lorraine?  due  de  Guise.  Lille  (Société  de 
S'-Augustin; ,  18S9,  in-8. 

Les  femmes  ont  largement  contribué  à  l'illustration  du  xvi°  siècle,  et 
nombreuses  sont  les  épouses  héroïques  et  les  mères  magnanimes  que 
catholiques  et  réformés  s'honorent  de  compter  dans  leur  parti.  Il  est  assez 
piquant  que  les  Bombons,  chefs  de  la  cause  calvinisteen  attendant  d'être 
rois  de  France,  aient  donné  a  la  famille  rivale  de  Lorraine  une  princesse, 
dont  l'action  devait  leur  être  funeste.  Veuve  du  premier  duc  de  Guise, 
vrai  prince  d'Empire,  gêné  à  la  cour  de  France,  et  ne  vivant  à  l'aise  qu'à 
la  guerre,  à  la  chasse  ou  à  table,  Antoinette  de  Bourbon  est  surtout 
remarquable  pour  avoir  groupé  autour  d'elle,  dans  un  intime  esprit  de 
famille,  la  brillante  cohorte  de  ses  enfants  et  pour  l'avoir  conduite  à 
l'assaut  de  sa  propre  maison,  celle  de  Bourbon-Vendôme.  Ce  point  n'a 
peut-être  pas  été  assez  accentué  par  le  nouveau  biographe  de  la  prin- 
cesse, le  marquis  de  Pimodan.  On  pourrait  aussi  reprocher  à  cet  auteur 
de  se  perdre,  en  parlant  de  son  héroïne,  dans  le  confus  dédale  des  guerres 
civiles.  La  critique  s''exercerait  aussi  sur  quelques  erreurs  de  détail, 
facilement  explicables  quand  on  saura  que  M.  de  P.  suit  à  la  lettre  les 
deux  panégyriques  de  la  maison  de  Guise,  en  les  contrôlant  avec  l'ou- 
vrage de  M.  de  Bouille,  sans  doute,  mais  aussi  avec  celle  de  Mézeray,  le 
seul  auteur  d'histoire  de  France  quMl  cite.  Mais,  quoiqu'il  passe  douce- 
ment sur  la  Saint-Barthélémy,  M.  de  P.  a  le  grand  mérite  d'émettre  des 
vues  généreuses,  des  jugements  impartiaux,  et  de  savoir  écrire.  Cela  n'a 
pas  lieu  d'étonner  chez  l'aimable  auteur  de  recueils  poétiques  et  chez 
l'historien  de  la  réunion  de  Toul  à  la  France.  Le  livre  est,  en  outre, 
enrichi  d'un  portrait,  d'une  lettre  autographe  et  de  nombreuses  pièces 


d'histoire  et  de  littérature  453 

inédites.  La  lecture  d'un  tel  ouvrage  est  faite  pour  instruire  et  pour 
satisfaire  les  hommes  de  toutes  les  opinions. 

Tout  autre  est  l'impression  laissée  par  le  livre  de  M.  Buet  sur  Fran- 
çois de  Guise.  M.  Buet,  personne  ne  l'ignore,  a  déjà  accablé  sous  ses 
coups  redoutables  un  atroce  persécuteur,  l'amiral  de  Goligny.  Aujour- 
d'hui, généreux  paladin,  il  venge  la  mémoire  d'une  innocente  victime, 
le  duc  de  Guise.  Dans  une  introduction,  complément  d'une  dédicace 
enflammée,  il  se  déclare  lui-même  ravi  de  son  ouvrage.  «  On  le  lira  avec 
attrait,  dit-il,  parce  qu'il  est  fidèle.  On  le  consultera  avec  fruit,  parce 
qu'il  est  complet  {sic).  »  Dieu  nous  garde  d'entreprendre  de  lui  ôter  ses 
illusions  et  de  perdre  notre  temps  à  constater  ses  erreurs  historiques  et 
même  ses  fautes  grammaticales.  En  vérité,  M.  B.  remplit  beaucoup 
mieu.K  sa  tâche  quand  il  rend  compte,  dans  les  colonnes  du  Figaro.,  de 
la  fête  des  Vignerons  ou  de  tel  autre  spectacle  de  la  vie  alpestre. 

F.  D. 


Dr.    Phil.    Heinr.    Kœrting.    Geschichte   des    franzœslsclien  Romans   im 

:XVII.  Jahrhundert.  Leipzig  und  Oppein,  Georg  Maslie. 
253.  —  I.  Band.  Dei- Itleal-Roman,    i885,  in-8,  5oi  pages. 
234.  —  II.  Band.  Der  realîstîsche  Roman,  1887,  in-8,  285  pages. 

A  la  fin  de  son  premier  volume,  M.  H.  Kœrting  dit  qu'il  n'a  pas  cru 
sans  intérêt  de  retracer  mieux  qu'on  ne  l'avait  fait  jusqu'à  présent  l'his- 
toire de  la  fiction  au  xvii^  siècle,  époque  où  ont  été  jetées  les  bases  du 
roman  moderne.  On  ne  peut  que  se  féliciter  de  la  résolution  qu'a  ainsi 
prise  le  jeune  auteur,  puisqu'on  lui  doit  l'ouvrage  dont  on  vient  de  lire 
le  titre  et  que  j'annonce  bien  tardivement.  Si  on  avait  fait  le  «  plan  '  » 
du  sujet  qu'il  n'a  pas  craint  d'aborder  malgré  son  étendue,  si  on  en 
avait  donné  comme  l'esquisse  %  on  ne  l'avait  pas  encore  traité  en  détail, 
tout  intéressant  qu'il  est;  c'est  donc  une  lacune  de  notre  histoire  litté- 
raire qui  vient  d'être  comblée,  raison  bien  naturelle  pour  accueillir 
avec  sympathie  le  travail  dont  je  viens  rendre  compte. 

L'Amadis  est  le  point  de  départ  du  roman  moderne;  c'est  cette  œu- 
vre aussi,  si  admirée  en  son  temps,  que  M.  H.  K.,  après  avoir  établi  les 
divisions  de  son  sujet,  a  étudiée  tout  d'abord.  Il  a  passé  ensuite  en  re- 
vue les  influences  diverses  qui  ont  contribué  au  développement  du  ro- 
man en  France  sous  les  diverses  formes  qu'il  devait  prendre,  La  pre- 
mière qu'il  signale  est  celle  du  roman  grec,  puis  vient  celle  du  roman 
espagnol  et  de  la  poésie  pastorale,  tant  de  l'Italie  que  de  l'Espagne. 
Tout  cela  est  exact;  mais  pour  faire  l'histoire  du  roman  idéaliste  fran- 

I.  Ernest  Courbet,  Plan  d'une  histoire  du  roman  fiançais  au  xvii«  siècle.  (Le  Chas- 
seur bibliographe,  111'  année;  n»  3,  mars  1867.) 

2.0.  L.  B.  Wolf,  Allgemeine  Geschichte  des  Romans,  8»,  1841.  —  Demogeot,  Ta- 
bleau de  la  littérature  française  au  x\n«  siècle.  Paris,  8°  i85g.  —  Gérusez,  Histoire 
de  la  littérature  française.  Paris,  12°,  1862.  —  Lotheissen,  Geschichte  der  fran^œ- 
sischen  Litteratur  im  XV ï\  Jahrhundert,  vol.  II  et  III,  8°,  1879  et  i883. 


454  REVUE   CRITIQUE 

çais,  objet  du  premier  volume,  il  n'était  point  nécessaire  de  parler  du 
roman  picaresque  espagnol,  et  il  y  aurait  eu  avantage,  je  crois,  à  en  re- 
porter Tétude  au  commencement  du  second  volume,  qui  traite  du  ro- 
man réaliste. 

Le  roman  pastoral  est  la  forme  du  roman  idéaliste  qu'on  rencontre 
en  France  tout  d'abord  ;  c'est  ce  genre  faux  et  conventionnel  du  moins, 
qui  le  premier  a  produit  une  œuvre  considérable  au  xviie  siècle; 
c'est  à  lui  que  M.  H.  K.  a  consacré  les  deux  premiers  chapitres  de 
la  seconde  partie  de  son  livre;  ils  comptent  parmi  les  meilleurs  de  son 
ouvrage;  il  est  vrai  qu'il  avait  pour  guide  la  thèse  sur  Honoré  d'Urfé  de 
M.  N.  Bonafous  ^;  mais  il  a  su  habilement  en  tirer  parti  et  la  redresser 
sur  plusieurs  points.  Après  avoir  étudié  VAstrée,  M.  H.  K.  a  abordé 
successivement  les  formes  diverses  qu'offre  d'abord  le  roman  idéaliste  : 
forme  politique  avec  VArgénis  de  Barclay,  allégorique  représentée  par 
V Endymion  de  Gombauld,  religieuse  avec  les  nombreux  romans  de  Ca- 
nus. 

Mais  tous  ces  essais  n'étaient  que  le  prélude  du  roman  héroïque;  il  était 
réservé  à  Gomberville  de  donner  à  ce  genre  sa  forme  définitive  et  à  la 
Calprenède  de  le  porter  à  son  plus  haut  degré  de  développement. 
M.  H.  K.  a  fort  bien  étudié  les  œuvres  de  ces  deux  écrivains  et  les  ana- 
lyses détaillées  qu'il  a  données  de  leurs  longs  romans^  en  s'aidant  par- 
fois de  celles  qu'il  trouvait  dans  la  Bibliothèque  universelle,  nous  per- 
mettent de  nous  faire  une  idée  de  ces  fictions  singulières,  si  différentes 
du  roman  actuel.  On  comprend  en  lisant  ces  analyses  comment  les  con- 
temporains ont  pu  tant  admirer  des  œuvres  comme  la  Polexandre  de 
Gomberville  et  surtout  la  Cassandre  de  la  Calprenède.  Cette  admiration^ 
ne  resta  pas  d'ailleurs  renfermée  dans  les  limites  de  la  France,  la  Cfl.s-^ 
sandre^  ainsi  que  la  Cléopâtre  et  le  Pharamond  de  la  Calprenède  fu- 
rent traduits  en  italien  et  en  allemand. 

Malgré  la  réputation  dont  ils  jouirent  de  leur  temps,  Gomberville  et 
la  Calprenède  finirent  bientôt  par  être  oubliés;  il  en  fut  de  même  à  plus  . 
forte  raison  de  leurs  faibles  émules,  tel  que  François  de  Molière,  Fran- 
çois de  Gersan,  de  la  Serre,  Vaumorière  et  d'autres  encore;  mais  il  était 
bon  de  nous  rappeler  ce  qu'ils  ont  fait  et  de  nous  apprendre  par  quoi 
ils  ont  fixé  un  moment  l'attention.  C'est  à  cette  condition  seule  que 
nous  pouvons  suivre  et  apprécier  le  mouvement  littéraire  du  xvii®  siè- 
cle. Aussi  M.  H.  K.  a-t-il  eu  grand'raison  de  consacrer  tout  un  chapi- 
tre à  ces  écrivains  secondaires.  C'est  seulement  après  en  avoir  parlé 
qu'il  a  abordé  l'étude  de  la  vie  et  des  œuvres  de  M""^  de  Scudéry,  der- 
nier représentant  du  roman  héroïque  et  galant.  M.  Cousin  a  remis  en | 
• _ ■  i 

I.  M.  H.  K.  a  peut-être  exagéré  le  mérite  de  M.  Bonafous;  il  oublie  que  l'auteur 
lui-même  reconnaît  devoir  la  plupart  de  ce  qu'il  dit  d'Honoré  d'Urfé  au  travail  an- 
térieur d'Aug.    Bernard;  s'il  eût  lu    les  Essais  de  littérature  dramatique  de  Saint-  •■ 
Marc  Girardin,  par  exemple,  il  aurait  vu  également  que  M.  Bonafous  est  loin  d'être 
aussi  ignoré  qu'il  l'afiirme. 


d'histoire  et  de  littérature  455 

honneur  cette  femme  aussi  admirée  qu'aimée  de  ses  contemporains, 
mais  tombée  depuis  dans  Je  discrédit  qu'enveloppa  les  Précieuses; 
M.  H.  K.  n'a  pas  été  moins  équitable  pour  elle,  et  on  lit  avec  intérêt  et 
un  vrai  plaisir  le  chapitre  où  il  a  étudié  sous  tous  ses  aspects  le  talent  et 
la  hgure  sympathique  de  l'auteur  du  Grand  Cyrus  ;  comme  pour  la 
Calprenède  il  nous  a  donné  l'analyse  de  ses  romans,  dont  le  premier, 
peut-être  à  cause  de  son  caractère  historique,  fut  presque  aussitôt  tra- 
duit en  allemand;  et  il  a  très  bien  résumé  tout  ce  qu'on  a  dit  pour  ou 
contre  cette  femme  un  instant  si  célèbre,  mais  inférieure  comme  roman- 
cière, M.  H.  K,  le  remarque  avec  raison,  à  l'auteur  de  Cassandre . 

C'est  par  l'habileté  du  dialogue,  le  talent  de  la  conversation,  que  se 
distinguent  les  œuvres  de  M"e  de  Scudéry,  c'est  l'étude  du  cœur  humain, 
l'analyse  délicate  des  passions,  qui  distinguent  surtout  celles  de  M™^  de 
Lafayette,  et  par  là  elle  a  vraiment  fondé  le  roman  psychologique. 
Ici  nous  sommes  en  présence,  non  d'un  écrivain,  qui  se  soit  survécu, 
mais  qui  est  resté  vivant,  car  ses  romans,  grâce  à  leurs  qualités  de  style, 
à  leur  peu  d'étendueet  à  leur  simplicité,  comme  à  l'intérêt  de  l'intrigue, 
se  lisent  encore  aujourd'hui.  M.  H.  K.  s'est  attaché  à  mettre  tous  ces 
mérites  en  évidence,  ainsi  qu'à  donner  de  l'auteur  de  la  Princesse  de 
Clèves  un  portrait,  auquel  ses  relations  avec  la  cour  de  Savoie,  restées 
jusqu'à  ces  derniers  temps  ignorées,  donnent  un  caractère  énigmatique 
non  soupçonné.  Avec  M™<^  de  Lafayette  se  terminée  vrai  dire  la  pre- 
mière période  du  développement  de  l'ancien  roman  réaliste  en  France, 
car  les  quelques  imitatrices  qu'elle  a  eues  et  dont  M.  H.  K.  cite  les 
noms  méritent  à  peine  de  compter;  c'est  par  elle  aussi  qu'il  a  terminé 
sa  consciencieuse  histoire  de  ce  genre  littéraire;  cette  histoire  comprend 
le  premier  et  le  plus  long  volume  de  son  ouvrage,  le  second  beaucoup 
plus  court  traite  du  roman  réaliste. 

M.  H.  K.  a  montré  une  préférence,  peut-être  exagérée,  pour  cette 
(orme  de  roman  et  pour  ses  représentants  français;  quelques-uns  sans 
doute  ont  possédé  un  véritable  talent  et  ont  eu  un  grand  succès;  mais 
ce  succès,  il  faut  le  reconnaître,  est  dû  en  partie  aux  petites  dimensions 
de  leurs  œuvres;  une  invention  originale  leur  a  presque  toujours  man- 
qué et  surtout  cette  sympathie  profonde  et  vraie  pour  leurs  héros,  qui 
les  aurait  sans  doute  empêchés  de  les  avilir  trop  souvent  dans  de  basses 
et  grossières  aventures.  Leur  réalisme  est  par  trop  trivial,  et  il  est  sin- 
gulier qu'avec  tous  ces  défauts  lisaient  prétendu  parfois  faire  œuvre  de 
moralisation.  Avec  le  Phormion  de  Barclay  s'ouvre  ce  second  volume, 
puis  viennent  les  Fragments  dhme  histoire  comique  de  Théophile  de 
Viau;  l'auteur  de  Pjrrame  et  Thisbé  y  a  fait  preuve  d'incontestables 
qualités  d'écrivain  et  de  romancier;  malheureusement  les  Fragments 
ne  renferment  que  quelques  pages  et  il  est  difficile  de  dire  si  Théo- 
phile se  serait  soutenu  longtemps  à  la  même  hauteur  et  s'il  aurait  été 
capable  de  poursuivre  une  fiction  prolongée.  Ce  talent,  Charles  Sorel 
l'a  eu  ;  mais  «  l'histoire  de  Francion  »  est  souvent  plus  triviale  que 


456  REVUE    CRITIQUE 

comique,  et  ce  «  premier  roman  de  mœurs  français  »  laisse  une  impres- 
sion plus  désagréable  que  saine  et  forte.  M.  H.  K.  Fa  traité  avec  trop 
d'indulgence.  Lq  Berger  extravagant  est  plus  fait  pour  plaire;  mais 
Sorel  n'avait  pas,  pour  rendre  ce  sujet  vraiment  intéressant,  cette  puis- 
sance d'hwnoîir,  qui  a  assuré  au  Don  Quichotte  Timmortalité.  Le  ta- 
bleau curieux  et  fidèle  qu'offre  le  Polyandre  de  la  société  bourgeoise 
contemporaine  montre  toutefois  que  Sorel,  dont  l'érudition  est  con- 
nue, avait  aussi  un  vrai  talent  d'observation. 

Sorel  est  avec  Cyrano  de  Bergerac  et  surtout  Furetière  le  seul  ro- 
mancier réaliste  du  xvii^  siècle  dont  on  parle  d'ordinaire;  M.  H.  K. 
a  eu  raison  d'y  joindre  les  noms  de  Lannel,  de  Maréchal  et  de  Tristan 
l'Hermite;  la  Chrysolite  du  second,  bien  que  le  mérite  m'en  paraisse 
avoir  été  exagéré,  témoigne  de  grandes  qualités,  et,  dans  le  Page  dis- 
gracié, Tristan  a  montré  qu'il  n'était  pas  moins  fait  pour  le  roman 
que  pour  le  théâtre.  Cyrano  de  Bergerac  occupe  une  place  à  part  dans 
l'histoire  littéraire  de  la  minorité  de  Louis  XIV;  sa  «  burlesque  au- 
dace »  a  presque  trouvé  grâce  devant  Boileau,  et  Fétrangeté  de  ses 
Voyages  dans  la  lune  et  le  soleil  l'a  sauvé  de  l'oubli.  M.  H.  K.  me 
paraît  l'avoir  bien  jugé;  il  a  signalé  avec  soin  les  devanciers  qu'il  avait  ^j 
eus  pour  ses  merveilleuses  et  singulières  inventions,  comme  les  imita- 
teurs qu'il  avait  trouvés,  et  en  s'aidant  des  travaux  dont  Fauteur  du 
Pédant  joué  avait  été  Fobjet,  il  a  fait  un  portrait  ressemblant  et  cu- 
rieux de  cet  écrivain  bizarre,  mais  original,  enlevé  à  la  fleur  de  l'âge 
et  avant  que  son  talent  eût  atteint  toute  sa  maturité. 

Tandis  que  la  plupart  des  romanciers  du  xvi''  siècle,  après  une  célé- 
brité plus  ou  moins  longue,  ont  été  bientôt  dédaignés,  sinon  complè- 
tement oubliés,  Scarron  n'a  pas  cessé  d'être  connu  et  même  d'être 
lu;  le  genre  burlesque,  dont  il  est  le  créateur  en  France,  lui  assurait 
déjà  une  place  dans  notre  histoire  littéraire;  on  ne  peut  faire  aussi  le 
tableau  de  la  comédie  avant  Molière  sans  citer  ses  pièces,  et  son  Jodelet 
est  devenu  presque  un  type  dramatique;  enfin  son  Roman  comique^ 
par  son  originalité,  son  style  facile  et  le  plaisant  de  ses  fictions,  est  un 
modèle  du  genre;  Théophile  Gautier  l'a  non  seulement  loué,  mais 
imité,  et  M.  H.  K.,  après  lui,  a  su  trouver  quelques  traits  heureux 
pour  caractériser  cette  œuvre  curieuse  et  amusante. 

Après  le  Roman  comique  de  Scarron,  le  Roman  bourgeois  de  Fure- 
tière occupe  la  première  place  et  lui  est  même  supérieur;  mais  il  sem- 
ble que  le  bruit  qui  se  fit  autour  de  la  querelle  de  l'auteur  avec  l'Aca- 
démie ait  nui  à  son  chef-d'œuvre;  Voltaire  n'en  a  point  parlé  et  ne  cite 
que  son  Dictionnaire.  Mais  le  Roman  bourgeois,  auquel  Furetière 
s'était  préparé  par  deux  autres  œuvres  d'imagination,  l'Histoire  des 
derniers  troubles  arrive^  au  royaume  d'Eloquence  et  le  Voyage  de 
Mercure,  n'en  a  pas  moins  une  haute  valeur,  et  c'est  avec  raison  que 
M.  H.  K.  s^est  efforcé,  après  Francis  Wey,  de  lui  rendre  la  justice 
qu'il  mérite.    Cette   œuvre    marque  l'apogée    du    roman    réaliste  au 


D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE  457 

xvii^  siècle;  mais  ce  genre  eut  bien  d'autres  représentants  que  ceux  qui 
viennent  d'être  nommés.  M.  H.  K.,  à  l'exemple  de  V.  Fournel,  en  a 
cité  quelques-uns,  comme  Ant.  le  Métel,  le  sieur  de  Préfontaine,  P.  de 
la  Serre,  Subligny,  le  comte  de  Crameil,  le  Petit,  ainsi  que  Bussy- 
Rabutin  pour  son  Histoire  amoureuse  des  Gaules  et  Pabbé  de  Pure 
pour  La  Prétieuse;  on  se  serait  attendu  à  y  trouver  aussi  La  Fontaine, 
à  cause  de  son  roman  Psyché,  dont  Pétude  avait  été  annoncée  à  la  fin 
du  premier  volume;  mais  comme  il  est  difficile  d^  voir  une  œuvre 
réaliste,  je  ne  ferai  pas  à  M.  H.  K.  un  reproche  d'avoir  omis  d'en  par- 
ler. J'aime  mieux,  en  terminant,  le  louer  du  soin  qu'il  a  apporté  à  faire 
son  livre  et  de  Térudition  ainsi  que  du  talent  dont  il  a  fait  preuve  en 
l'écrivant. 

J'ai  déjà,  en  deux  ou  trois  endroits,  relevé  ce  que  je  regardais  comme 
des  erreurs  ou  des  inadvertances;  en  voici  quelques  autres  que  je  crois 
devoir  signaler.  Comment  (vol.  1,  p.  yS)  Patru  aurait-il  en  1629  visité 
d'Urfé  à  l'instigation  de  Huet  qui  n'est  né  qu'en  i63o?  Toulgou,  et 
non  Tolgou,  lieu  de  naissance  de  la  Calprenède,  est  situé  dans  l'arron- 
dissement de  Sarlat  et  non  près  de  Cahors,  comme  on  le  lit  vol.  I, 
p.  242.  On  ne  voit  pas  bien  (vol.  I,  p.  468)  quels  rapports  M™"  de  La- 
fayette,  née  au  Havre  en  1634  et  venue  assez  tard  à  Paris,  aurait  pu 
avoir  avec  Voiture,  mort  dès  1648.  A  la  p.  214,  lig.  2,  du  vol.  II,  il 
faut  1644  au  lieu  de  1647;  deux  lignes  plus  loin,  on  lit  que  la  Ma\a- 
rinade,  «  imprimée  seulement  »  en  1649,  paraît  avoir  été  composée  dès 
7645;  mais  cela  est  impossible;  l'opposition  à  Mazarin  ne  commença 
qu'avec  la  Fronde  en  1648;  la  composition  du  pamphlet  de  Scarron  ne 
peut  être  antérieure  à  cette  dernière  date  '.  A  propos  du  nom  de  l'auteur 
du  Roman  comique,  M.  H.  K.  dit  p.  207,  note  2,  qu'il  l'écrit  avec  deux 
r,  pour  se  conformer  à  l'usage,  encore  que  les  documents  l'écrivent 
avec  un  seul  ;  mais  le  document  qu'il  cite,  le  «  Brevet  d'une  pension 
accordée  à  Françoise  d'Aubigné  »  n'a  aucune  autorité;  ces  sortes  de 
pièces  fourmillent  souvent  de  fautes;  la  signature  du  poète  ou  quelque 
acte  civil  ou  religieux  comme  son  extrait  de  naissance  ou  son  contrat  de 
mariage  pouvaient  seuls  trancher  et  ont  tranché  la  question. 

Ch.  J. 


255.  —  s.   A.  Vengerov.  Kritiko-l>iografitchesk}'  Slovar  rousskikii  pisa« 

teleï.   Dictionnaire  critique  biographique  des   écrivains  et   des  savants  russes. 
Tome  I  (comprenant  la  lettre  A),  in-8  de  xxii,  992  pages.  Saint-Pétersbourg,  18S9. 

Voici  un  travail  considérable  et  qui  vient  à  point  au  moment  où  la 
littérature  russe  excite  la  curiosité  universelle.  L'auteur,  M.  Vengerov, 
occupe  lui-même  dans  cette  littérature  une  place  distinguée.  Il  a  colla- 
boré au  Nouveau  Temps,  à  la  Pensée  russe,  à  la  Revue  d'Europe  ;  il  a 
publié  d'importantes  éludes  sur  Pisemsky,  Tourguenev,  Lajetchnikov. 

I.  11  dut  être  écrit  en  164g,  mais  ne  fut  imprimé  qu'en   iG5i. 


458  REVUE    CRITIQUE 

L'œuvre  qu'il  entreprend  aujourd'hui  répond  à  un  besoin  véritable  :  la 
Russie  ne  possède  encore  ni  une  Biographie  universelle,  ni  une  bonne 
Encyclopédie.  Le  nombre  de  ses  écrivains  augmente  chaque  jour  :  cha- 
que jour  s'accroît  aussi  le  nombre  des  monographies  dont  ils  sont  l'objet. 
Au  siècle  dernier,  le  chiflfre  annuel  des  publications  russes  était  de 
iio;  il  est  actuellement  de  3,ooo.  Les  revues  se  multiplient  et  leurs 
fascicules  ont  des  proportions  plus  considérables  qu'en  Occident.  Un 
bibliographe,  M.  Mejov,  a  pu  remplir  cinq  volumes  de  chacun  5oo 
pages,  rien  qu'avec  le  catalogue  des  articles  relatifs  à  l'histoire  publiés 
dans  les  recueils  périodiques  de  i865  à  1875. 

M.  V.  estime  que  le  moment  est  venu  de  dresser  un  inventaire 
général  de  la  littérature  russe.  Depuis  trois  ans,  il  s'est  mis  courageuse- 
ment à  Pœuvre.  Six  fois  par  an  environ,  il  fait  paraître  un  fascicule  de 
son  dictionnaire  :  chaque  fascicule  renferme  trois  feuilles  d'impression. 
Chaque  article  donne  une  notice  sur  Fécrivain,  une  appréciation  de  ses 
oeuvres,  une  bibliographie.  Si  l'on  songe  que  la  lettre  A  dépasse 
900  pages,  on  peut  supposer  que  l'ouvrage  entier  comprendra  au  moins 
huit  à  dix  volumes.  Quelques-uns  des  articles  ont  un  développement 
considérable  et  constituent  de  véritables  et  définitives  monographies. 
Je  citerai  particulièrement  les  notices  sur  le  dramaturge  Ablesimov,  le 
prêtre  Avvakoum,  le  dramaturge  Averkiev,  le  patriarche  Adrien,  sur 
Constantin  Aksakov,  Ivan  Aksakov,  Tévêque  Amphilochi,  l'historien 
littéraire  Annenkov,  l'historien  Artsybachev.  La  plupart  des  notices  sont 
rédigées  par  M.  V.;  pour  quelques-unes,  il  a  eu  des  collaborateurs  dis- 
tingués, MM.  Goltsev,  Kirpitchinikov,  etc. 

Il  n'appartient  pas  à  un  étranger  de  signaler  les  lacunes  ou  les  erreurs 
qui  peuvent  se  rencontrer  dans  un  ouvrage  aussi  considérable.  Ceci  est 
l'affaire  de  la  critique  russe  qui  a  fait  d'ailleurs  un  excellent  accueil  à 
ce  premier  volume.  Tous  ceux  qui,  en  Occident,  s'occupent  de  la  litté- 
rature russe,  ne  peuvent  que  remercier  M.  Vengerov  de  la  peine  qu'il  a 
prise  pour  mettre  à  leur  portée  des  informations  dispersées  dans  un 
ensemble  de  documents  le  plus  souvent  inaccessibles.  Ils  doivent  aussi 
souhaiter  que  ce  bel  ouvrage  arrive  promptement  à  son  terme  et  que  le 
nombre  des  souscripteurs  soit  assez  nombreux  pour  permettre  à  Fauteur 
d'améliorer  sans  cesse  son  œuvre.  Si  elle  arrive  à  son  parfait  achève- 
ment, elle  constituera  un  ensemble  d'informations  incomparable  et  que 
plus  d'une  littérature  occidentale  pourra  envier  à  la  Russie. 

L.  Léger. 


CHRONIQUE  ^' 


FRANCE.  —Vient  de  paraître  à  la  librairie  Bouillon  :  A.  Bergaigne  etV.  Hrnrv, 
Manuel  pour  étudier  le  sanscrit  védique.  Nous  reviendrons  sur  cet  ouvrage  du  sa- 
vant et  regretté  indianiste. 

—  M.  A.  Lefranc  a  publié  et  tiré  à  part  (Bulletin  hist.  et  litt.  de  la  Soc.  de  l'hist. 


1 


d'histoire  et  de  littérature  459 

du  protest,  français),  un  document  relatif  au  séjour  d'Ulrich  de  Hutten  à  Paris  en 
ibij;  c'est  une  lettre  que  l'archevêque  de  Mayence,  Albert  de  Brandebourg,  écrit  di- 
rectement au  roi  de  France,  pour  lui  recommander  son  envoyé. 

—  La  librairie  Lecoffre  publie  pour  l'enseignement  secondaire  une  seconde  édition 
des  Tableaux  synoptiques  d'histoire  étrangère,  moy^en  âge  et  temps  modernes  (3g5- 
1789),  par  Alfred  Mativet  (1890;  3i  planches  in-4'').  Les  p'rincipaux  faits  de  l'his- 
toire de  chaque  pays  sont  groupés  en  tableaux  qui  permettent  d'embrasser  d'un  coup 
d'œil  l'ensemble  et  les  détails.  Le  professeur  n'a  plus  qu'à  parler  pour  donner  la  vie 
à  ce  squelette,  pendant  que  les  élèves  prendront  leurs  notes  sur  la  page  laissée  blan- 
che en  face  de  chaque  planche.  La  disposition  typographique,  comme  la  distribu- 
tion logique  des  matières,  paraît  très  soignée. 

—  M.  André  Joubert  nous  envoie  trois  nouvelles  brochures  :  l'une,  concernant 
la  démolition  du  château  de  Fiée  en  i3j3,  par  Jean  Clérembault,  gouverneur  du 
Château-Gontier  (Laval,  Moreau.  In-S",  1 2  p.),  l'autre,  le  Testament  de  Jean  de  Craon, 
seigneur  de  la  Su::;e  et  de  Chantocé,  avant  1452  'Mamers,  Fleury  et  Dangin.  In-S", 
II  p.),  une  autre  sur  les  négociations  pour  l'échange  de  Charles,  duc  d'Orléans,  et 
de  Jean,  comte  d'Angoulême,  captifs  en  Angleterre,  contre  les  seigneurs  anglais  faits 
prisonniers  à  la  bataille  de  Baugé  (Angers,  Germain  et  Grassin.  In-S",   11  p.). 

—  L'Académie  de  Mâcon  met  au  concours  ÏEloge  de  Lamartine  en  prose  et  en 
vers  (terme,  20  septembre  1890). 

ALLEMAGNE.  —  M.  Pliilippe  Strauch,  professeur  à  l'Université  de  Tubingue,  a 
fait  tirer  à  part  et  nous  envoie  l'utile  et  excellente  bibliographie  qu'il  publie  une  fois 
par  an  dans  la  Zeitschrift  fur  deutsches  Alterthum.  Ce  Ver:^eichniss  àQs  publications 
scientifiques  parues  sur  le  domaine  de  la  littérature  allemande  moderne  en  l'an  1888, 
rendra  de  grands  services;  il  est  à  la  fois  complet  et  bien  disposé. 

—  Sous  le  litre  de  Materialien  fur  das  neuenglische  Seminar,  M.  Ern.  Regel  pu- 
blie depuis  quelque  temps  à  la  librairie  Niemeyer,  de  Halle,  les  Lectures  de  Thacke- 
ray  sur  les  humoristes  anglais  du  xviii'  siècle.  Sa  collection  contient  déjà  six  fascicu- 
les Cprix  du  fascicule,  i  mark  20)  :  1°  Swift;  2°  Congreve  et  Addison  ;  3o  Steele;  4° 
Hogarth,  Smollett  et  Fielding;  5»  Sterne  et  Goldsmith.  M.  G.  Schuler  a  publié  en 
même  temps  dans  la  collection  (n"  8),  le  Prisonnier  de  Chillon  et  le  Siège  de  Corin- 
the  ds  Byron.  Nous  avons  sous  les  yeux  le  fascicule  consacré  à  Hogarth,  Smollett  et 
Fielding.  M.  Regel  ne  se  borne  pas  a  donner  le  texte  de  Thackeray;  chaque  lecture 
est  précédée  d'une  bibliographie  très  complète  de  l'auteur  en  question  et  d'une  étude 
(en  allemand),  sur  sa  vie  et  son  caractère;  l'étude  sur  Smollett,  par  exemple,  a  été 
composée  d'après  Hannay,  et  l'étude  sur  Fielding,  d'après  Dobson. 

—  M.  Fr.-W.  Ebeling  a,  dans  ses  Archiv  Beitr.  :^.  Gesch.  Frankreichs  unter 
Car/ /,¥  (Leipzig,  1872,  p.  ib-ig,  227-230%  publié  une  lettre  signée  Albanus  tuus  ; 
cette  lettre  comprendrait  dans  l'original  huit  pages  in-folio,  et  serait  écrite  pour  la 
plus  grande  partie  en  chiffres;  elle  aurait  été  déchiffrée  vers  la  fin  du  xviii*  siècle  par 
un  personnage  qui  l'attribue  à  Arn.  Sorbin;  elle  commence  ainsi  :  «  Christus  salva- 
tor  noster  »  et  finit  par  les  mots  a  Intérim  praemonitus  sis  ».  La  lettre  a  rapport  au 
meurtre  de  Fr.  de  Guise  (i  563)  et  offre  un  intérêt  considérable,  si  elle  est  authenti- 
que. Ebeling  a  possédé  l'original  vers  i85o,  puis  l'a  vendu  on  ne  sait  à  qui.  M.  Erich 
Marcks  prie  tous  ceux  qui  pourraient  le  renseigner  sur  ce  document  de  grande  im- 
portance, de  lui  écrire  à  ce  sujet  (Berlin,  W.  62.  NoUendorfstrasse,  33).  Il  désire  savoir 
également  où  A.  Sorbin  se  trouvait  au  mois  de  février  i563,  et  s'il  était  à  Blois,  à 
la  cour. 

ALSACE,  —  Les  Strassburger  Studien,  publiées  par  MM.  Ë.  Martin  et  Wiegand, 
ayant  cessé  avec  le  troisième  volume,  la  Zeitschrift  fur  die  Geschichte  des  Ober- 
rheins,  dont  la  premicre  série  forme  trenle-huit  volumes  et  la  seconde,  cinq,  va  s'a- 


460 


REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE   LITTERATURE 


grandir  et  recevoir  régulièrement  des  communications  sur  l'Alsace.  M.  Wiegand, 
directeur  des  archives  du  Bas-Rhin,  est  chargé  de  diriger  cette  partie  de  la  revue  et 
il  vient,  à  cet  effet,  d'être  nommé  membre  de  la  commission  historique  badoise. 

ANGLETERRE.  —  M.  Karl  Breul  a  publié  à  l'Uni versity  Press,  de  Cambridge, 
deux  volumes  qui  seront  très  utiles  aux  étudiants  :  i"  un  choix  des  Fabeln  iind  Er- 
■{cchlungcn  de  Lessing  et  de  Gellert  (date  de  1887);  2»  une  édition  du  Wilhebn  Tell 
de  Schiller.  Ce  dernier  volume  qui  vient  de  paraître,  renferme,  outre  une  introduc- 
tion très  nourrie,  un  commentaire  détaillé  et  instructif. 


ACADEMIE   DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 

Séance  du  3o  mai  18 go. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  M.  Oppert,  vice-président,  annonce  que  le 
prix  Delalande-Guérineau  n'est  pas  décerné,  mais  qu'une  somme  de  800  fr.  est  accor- 
dée, à  titre  d'encouragement,  à  M.  Amélineau,  pour  un  travail  sur  saint  Pacôme. 

Pour  le  prix  Bordin,  l'Académie  avait  mis  au  concours  une  Etude  sur  la  géogra- 
phie de  l'Egypte.  La  commission  a  jugé  le  mémoire  n"  i  digne  de  recevoir  le  prix. 
Le  pli  cacheté  qui  contient  le  nom  de  l'auteur  étant  ouvert,  on  y  trouve  également 
le  nom  de  M.  Amélineau.  En  conséquence,  le  prix  Bordin  lui  est  décerné. 

L'Académie  procède  au  vote  pour  la  présentation  de  deux  candidats  à  la  chaire  de 
droit  du  moyen  âge  à  l'Ecole  des  chartes,  vacante  par  la  mort  de  M.  Ad.  Tardif. 
M.  Viollet  est  présenté  en  première  ligne  et  M.  E. -Joseph  Tardif  en  seconde  ligne. 

M.  Anatole  de  Barthélémy  fait  une  communication  sur  quelques  monuments  rela- 
tifs à  la  monnaie  des  sires  de  Beaufremont.  Une  monnaie  attribuée  jusqu'ici  à  Gau- 
tier de  Beaufremont,  mort  dans  la  première  moitié  du  xV  siècle,  doit  être  rendue 
aux  seigneurs  de  Vauvillers  (Franche-Comté)  du  commencement  du  xvi'  siècle.  Deux 
prétendus  diplômes  de  l'empereur  Frédéric  l'^'",  de  1168,  relatifs  aux  droits  de  mon- 
nayage des  sires  de  Beaufremont  et  des  évêques  de  Toul,  doivent  être  rejetés  comme  à 
apocryphes.  Enfin,  M.  de  Barthélémy  signale  l'existence  d'un  atelier  de  faux  mon-  '* 
nayeurs  qui  fonctionnait  dans  le  château  de  Beaufremont  en  1444. 

M.  Joachim  Menant  communique  des  observations   sur  une   pierre,  portant   une 
inscription  héiéenne  ou  hittite,  dont  le  moulage  a  été  présenté  à  l'Académie  en  1889, J 
de  la  part  de  Hamdi  bey,  conservateur  du  musée  impérial  de  Tchinli-Kieuk  (Cons- 
tantinople),  par  M.  Georges  Perrot. 

M.  Heuzey  signale  la  ressemblance  qu'offre  cette  pierre,  de  forme  ovoïde,  avec  les  'J 
anciens  bétyles,  dont   l'usage,  très  répandu   en  Asie,  remonte,  dit-il,  aux    origines,*, 
de  la  religion  chaldéenne.  Ces  objets,  couverts  le  plus  souvent  d'inscriptions  dédi- 
catoires,  sont  d'ordinaire  des  galets  roulés  et  façonnés  par  les  eaux,  mais  conservant 
porfois,  comme  celui-ci,  une  face  aplatie  et  une  face  convexe. 

M.  Georges  Perrot  communique  une  note  de  M.  le  D''  Vercoutre,  médecin-major 
à  RamberviUers  (Vosges),  sur  un  denier  à  l'effigie  de  Cérès,  frappé  vers  l'an  90 
avant  notre  ère  par  Lucius  Cassius  Cœcianus.  On  y  voit  un  attelage  de  bœufs.  Selon 
M.  Vercoutre,  ce  sont  les  bœufs  d'Hercule,  dérobés  par  Cacus,  dont  le  nom  primitif 
était  Csecius  :  l'auteur  de  ce  denier  a  donc  fait  une  sorte  de  jeu  de  mots  sur  les 
noms  de  Caecius  et  de  Csecianus. 

M.  Louis  Blancard  lit  une  note  sur  la  monnaie  romaine  au  m'  siècle.  Il  main- 
tient, contre  l'opinion  exprimée  récemment  par  M.  Mommsen  dans  la  revue  Her- 
mès, les  conclusions  développées  par  lui  dans  un  mémoire  soumis  à  l'Académie  en 

i885.  A  la  division  de  Vaureus  en  fractions  de  -—  ,  au  denier  de  — -  d'aureeus  (le 
denier  de  l'édit  de  Dioclétien,  figuré  par  le  signe  X),  ainsi  qu'au  sesterce  de  ce  de- 
nier, il  ajoute  le  millarés  de  -^J  >  créé  par  Constantin,  et  réduit,  sous   Héraclius,  à 

^^ ,  Il  estime  que  M.  Mommsen  a  pris  à  tort  le  prix  maximum  de  l'or,  fixé   dans 

l'édit  de  Diocléden,  pour  un  prix  normal  et  moyen. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Siméon  Luce  :  1°  Marin  (Paul),  Jeanne  d'Arc  taC' 
ticien  et  stratégistc,  tome  III;  2°  Tuetey  (Alexandre),  Répertoire  général  des  sour- 
ces manuscrites  de  l'histoire  de  Paris  pendant  la  révolution  française;  —  par  M.  de 
Boislisie  :  Joret  (Charles),  le  P.  Guevarre,  supplément;  —  par  l'auteur  :  Arbois  de 
JuBAiNviLLE  (H.  d'),  Rechcrches  sur  l'origine  de  la  propriété  foncière  et  des  noms 
de  lieux  habités  en  France;  —  par  M.  Héron  de  Villefosse  :  Delattre,  Inscriptions 
chrétiennes  trouvées  dans  les  fouilles  d'une  ancienne  basilique  à  Carthage  {tx\.ïà\i 
du  Recueil  des  notices  de  la  Société  et  mémoires  archéologique  de  Constantine) ;  — 
par  M.  Ravaisson  :  Reinach  (Salomon),  la  Vénus  de  Alilo  (extrait  de  la  Galette  des 
beaux-arts).  Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Fuy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  2S. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N'  24  -   16  juin  -  1890 


Sommaire  :  256.  Grill,  Hymnes  choisis  de  l'Atharva-veda.  —  257.  Driver,  Les 
Livres  de  SamueL  —  2  58.  Reichert,  La  seconde  partie  de  l'Odyssée.  —  259. 
Madvig,  Opuscules  académiques.  —  260.  Lanéry  d'Arc,  Du  franc  alleu.  —  261. 
Gunther,  Le  Ligurinus,  trad.  Vulpinus.  —  262.  Godefroy,  Réponse  aux  attaques 
contre  le  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue  française.  —  203.  Krause,  Wissem- 
bourg  et  Hans  de  Drott.  —  264.  Requin,  L'imprimerie  à  Avignon.  —  265.  L. 
Geiger,  Essais  et  conférences.  —  266.  Charavay,  L'Assemblée  électorale  de  Paris. 
—  267.  Stockmar,  La  fuite  de  Varennes.  —  268.  Fage,  Le  diocèse  de  la  Corrèze 
pendant  la  Révolution.  —  269.  Van  Muyden,  La  Suisse  sous  le  pacte  de  181 5.  — 
Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  —   Société  des  Antiquaires  de  France. 


256.  —  Julius  Grill.  Hundert  Lieder  des  Atliarva-veda,  ûbersetzt  und  mil 
texikritischen  und  sachliclien  Erlaeuterungen  vcrsclien.  Zweite,  vœllig  neubcar- 
beitete  Auflage.  Stuttgart,  W.  Kohlhammer,  1888,  xv-2o5  pp.  in-8. 

La  première  publication  de  ces  «  Hymnes  choisis  de  TAtharva-veda  » 

remonte  à  l'année  1879,  où  ils  parurent  dans  le  Programme  du  sémi- 

laire  protestant  de  Maulbronn.  Ils  avaient  été  accueillis  aussitôt  avec 

aveur  par  les  indianistes  et  par  tous  ceux  qui  s'intéressent  à   Thistoire 

les  croyances  et  des  superstitions.  Le  choix  des  morceaux  était  excei- 

ent.  ^interprétation  et  le  commentaire  témoignaient  d'une  connais- 

ance  solide  de  la  littérature  védique.  La  version  était  claire,   souvent 

légante,  serrant  le  texte  de  très  près,  malgré  la  forme  choisie,  qui  était 

-vers.  L'auteur,  tout  le  premier,  n'eût  pas  hautement  reconnu  sa  dette, 

u'on  y  eût  deviné  la  collaboration  à  la  fois  discrète  et  vigilante  de  son 

laître,  M.  Roth,  Mais  on  y  trouvait  aussi  à  chaque  ligne  la  preuve  d'un 

"avail  consciencieux,  parfaitement  indépendant  et  personnel.  Bref,  sous 

i  forme  d'un  modeste  Programme,  c'était  un  livre  utile  et  bien  fait, 

ussi  ce  mémoire,promptement  enlevé  et  toujours  redemandé  en  librairie, 

ait-il  devenu  à  peu  près  introuvable,  de  sorte  qu'unesimple  réimpression 

it  été  la  bienvenue  1.  Mais  M.  Grill  a  fait  mieux  que  cela,  et  c'est  une 

iition  complètement  remaniée  du  premier  mémoire  qu'il  nous  a  donnée 

uis  l'élégant  petit  volume  qui  est  l'objet  de  cette  tardive  notice.  Le 

loix  des  morceaux  est  resté  le  même.  Mais,  pour  tout  le  reste,  le  tra- 

nl  a  été  remis  sur  le  métier  et  a  bénéficié  d'un  très  grand  nombre  d'ad- 

tions  et  de  retouches.  Tout  ce  qui,  dans  l'nitervalle,  s'était  publié  sur 

-,  matière,  a  été  soigneusement  mis  à  profit,  y  compris  le  Kaucika-sûtra 

'•  Si  je  ne  me  trompe,  le  mémoire  original  a  été  réimprimé  en  1881. 

Nouvelle  série,  XXIX.  24 


462  REVUE  CRITIQUE 

avec  le  commentaire  de  Dârila,  dans  la  mesure  où  ces  textes  sont  acces- 
sibles ',  et  le  commentaire  de  Sâyana  sur  l'Atharva-veda,  en  cours  de 
publication  dans  l'Inde  et  dont  M.  Roth  a  mis  gracieusement  les  bonnes 
feuilles  à  la  disposition  de  l'auteur.  Partout  sensible,  le  travail  de  revi- 
sion a  surtout  profité  aux  notes.  Les  difficultés  particulières  à  l'Atharva- 
veda  sont  principalement  de  deux  sortes  :  d'abord  les  realia,  un  grand 
nombre  de  locutions  et  de  termes  obscurs,  portant  sur  des  pratiques 
bizarres  et  peu  connues,  ou  désignant  des  objets,  plantes,  animaux,  ma- 
ladies, êtres  de  fantaisie  moins  connus  encore  et  de  Tinterprétation  des- 
quels dépend  parfois  le  sens  général  à  attribuer  à  une  formule  ou  à  un 
hymne  ;  ensuite  l'état  du  texte,  qui  a  été  moins  protégé  dans  sa  tradition 
que  celui  des  autres  Vedas,  et  ne  nous  est  parvenu  que  rempli  de  vieil- 
les négligences.  Pour  les  unes  et  pour  les  autres,  pour  les  premières 
surtout,  l'édition  complète  du  Kauçika-sûtra ,  à  laquelle  travaille 
M.  Bloomfield,  sera  d'un  grand  secours.  En  attendant,  M.  G.  a  fait  de 
son  mieux  pour  y  remédier.  Partant  de  Paxiome  que  toute  phrase  doit 
avoir  un  sens,  il  a  beaucoup  corrigé  son  texte.  Peut-être  même  est-il 
allé  trop  loin  dans  cette  voie  et,  au  delà  du  sens  possible,  a-t-il  été  cher- 
cher parfois  le  sens  plausible.  C'est  ainsi  que,  dès  le  i'^'^  vers  de  son 
second  hymne.  II,  14,  il  introduit  une  correction  qui  me  paraît  peu 
admissible.  Je  ne  puis  pas  croire  que  la  tradition  se  fût  jamais  méprise 
sur  un  mot  aussi  connu  que  sâlâvvikt,  si  elle  Tavait  trouvé  dans  le  texte. 
Nihsâldm  ou  nih  sâlâm  est  ici  la  lectio  difficilior  à  laquelle  il  fal- 
lait s'en  tenir.  Mais  M.  Grill  n'a  risqué  aucune  correction  sans  la  dis- 
cuter et  sans  placer  honnêtement  les  pièces  du  procès  sous  les  yeux  du 
lecteur.  Dans  beaucoup  de  cas  d'ailleurs,  comme  dans  celui  qui  vient 
d'être  relevé,  le  changement  ne  touche  pas  au  sens  général  du  passage, 
et  l'auteur  se  serait  mépris  sur  plusieurs,  que  son  livre  n'en  donnerait  1 
pas  moins  une  idée  fidèle  de  cette  poésie  d'imprécations,  de  formules  et 
de  pratiques  magiques  qui  est  le  trait  caractéristique  le  plus  saillant  des 
morceaux  propres  de  l'Atharva-veda. 

4  A.  Barth. 


237.  —  IVotes  on  tlie  Hebrevv   Text  of  «Ue  Dooks  of   Samuel*  with  atlj 
Introduction  on  Hebrew  Paleography  and  the  Ancien!  Versions,  and    Facsimilesl 
of  Inscriptions,  by  the  Rev,  S.  R.  Driver.  Oxford,  Ciarendon  Press,  1890.  In-8, 
xcvi-2g6  p. 

Voici  un  bon  ouvrage  de  critique  textuelle.  L'auteur  n'a  pas  vouIi:| 
écrire  un    commentaire  :   l'examen    très   sérieux  qu'il  fait    du   text(| 
original  des  livres  de  Samuel,  fournit  une  base  solide  à  leur  interpréta- 
tion. 

Dans  les  notes  qui  forment  le  corps  de  l'ouvrage,  les  travaux  antérieur' 

I.  L'auteur  n'a  plus  pu  mettre  à  profit  le  travail  de  M.  Bloomfield  sur  l'hymne  II 
12;  Proceedings  Amer.  Or.  Soc,  October  1887. 


o'histoirk  et  de  littérature  463 

et  spécialement  le  livre  de  J.Wellhausen  (De?'  Text  der  Bûcher  Samiie- 
îis,  1872)  ont  été  mis  à  contribution.  La  somme  des  corrections  nou- 
velles, provenant  des  recherches  personnelles  de  l'auteur,  n'est  peut-être 
pas  la  plus  considérable;  mais  la  discussion  des  conjectures  proposées 
déjà  par  les  critiques  est  toujours  faite  avec  beaucoup  d'exactitude,  de 
prudence  et  de  sagacité. 

Les  notes  sont  précédées  d'une  introduction  qui  a  pour  objet  de  faire 
comprendre  et  de  justifier,  s'il  en  était  besoin,  la  méthode  suivie  dans  la 
restitution  du  texte.  On  trouve  là  une  histoire  de  l'écriture  hébraïque 
et  de  l'ancienne  orthographe,  d'après  les  monuments  de  l'épigraphie 
sémitique  et  les  données  que  fournit  l'étude  des  versions  primitives. 
Les  conclusions  qui  résultent  des  découvertes  modernes  y  sont  bien 
résumées.  Les  fac-similé  d'inscriptions  sont  aussi  parfaitement  à  leur 
place  dans  un  livre  qui  a  un  but  didactique.  On  peut  en  dire  autant  des 
notices  concernant  les  anciennes  versions  et  les  ressources  qu'elles  pré- 
sentent pour  la  correction  du  texte  hébreu. 

Il  est  permis  néanmoins  de  regretter  que  des  détails  plus  complets  ne 
soient  pas  donnés  sur  les  différentes  causes  d'altération  du  texte  et  les 
moyens  d'expliquer  les  divergences  du  texte  hébreu  traditionnel  et  de 
celui  que  supposent  les  anciennes  versions,  particulièrement  la  version 
grecque  dite  version  des  Septante.  L'auteur  s'est  borné  à  indiquer  les 
erreurs  qui  se  produisent  le  plus  fréquemment  par  la  confusion  de  let- 
tres ayant  une  grande  resseinblance  de  forme  dans  l'alphabet  carré; 
pour  le  reste,  il  renvoie  (xj^ith  reserve)  à  Graetz,  Die  Psalmen.  Il  était 
facile  de  résumer  et  de  compléter  les  observations  du  critique  allemand. 
Sans  sortir  des  livres  de  Samuel,  et  en  groupant  certaines  explications 
et  remarques  dispersées  dans  les  notes,  on  aurait  pu  donner  des  exem- 
ples d'erreurs  causées  par  l'homophonie  de  certains  mots,  agrandir  la 
liste  des  confusions  occasionnées  par  la  ressemblance  des  caractères 
alphabétiques,  signaler  de  curieux  accidents  causés  par  la  distraction  des 
copistes  et  particulièrement  les  omissions  provenant  d'homœotéleuton, 
etc.  De  grands  développements  n'étaient  pas  nécessaires  pour  cela,  et 
l'introduction  y  eût  gagné  quelque  chose  au  point  de  vue  de  l'utilité 
pratique, 

A.  LoisY. 


258,  —  Reichert   (Dr  C).  Ueber  den  zvveiten  Xheîl  der  Odyssée.  Berlin, 
Mayer  u,  Muller,  1889,  92  p.  in-8. 

La  critique  homérique  serait-elle  condamnée  à  tourner  indéfiniment 
dans  le  même  cercle?  Après  la  croyance  absolue  en  un  auteur  unique 
de  l'Iliade  et  de  l'Odyssée,  l'opinion  des  chorizontes  a  un  moment  pré- 
valu; puis,  on  a  contesté  l'unité  primitive  de  chaque  poème,  et,  pour 
ne  parler  que  de  l'Odyssée,  on  est  arrivé  d'abord  à  y  reconnaître  cer- 
tains groupes  isolés,  ensuite  à  décomposer  ces  groupes  mêmes  en  des 


464  REVUK   CRITIQIÎS 

chants  indépendants  :  tel  a  été  le  système  de  Kœchly,  qui  marque  le 
point  extrême  de  la  critique  en  ce  sens.  Depuis,  par  un  retour  en 
arrière,  Kirchhoft  a  reconstitué  des  groupes  fondamentaux,  au  nombre 
de  trois  :  le  vieux  vi-To;  d'Ulysse,  le  retour  à  Ithaque,  la  Télémachie, 
et  voici  que  maintenant  M.  Reichert,  partant  des  mêmes  principes  que 
Kirchholî,  réduit  ces  éléments  primitifs  au  nombre  de  deux  :  il  démontre, 
en  effet,  que  l'auteur  de  la  seconde  moitié  du  poème  (XIII,  v.  184  jus- 
qu'à la  tin)  n'a  pas  composé  cette  partie  de  l'œuvre  sans  se  servir  soit  de 
la  Télémachie,  soit  des  livres  X  et  XII,  morceaux  que  Kirehhoff  attri- 
buait au  réviseur.  Ainsi  le  continuateur  du  vccxo;  et  l'auteur  de  la  Télé- 
machie ne  seraient  en  réalité  qu'un  seul  et  même  personnage.  Qui  sait 
si  les  principes  de  Kirehhoff  ne  se  prêteront  pas  encore  à  une  nouvelle 
transformation  de  la  critique,  et  si  le  poète  de  génie  qui  a  imaginé  le 
groupe  des  aventures  d'Ulysse,  racontées  par  lui-même  chez  Alcinoiis, 
ne  se  trouvera  pas  être  le  même  qui  entreprit  d'achever  son  œuvre  en 
chantant  aussi  le  retour  d'Ulysse  à  Ithaque? 

M.  R,  se  défend  d'ailleurs  d'avoir  eu  aucune  idée  préconçue  en  entre- 
prenant ces  recherches  :  il  offre  au  public  le  résultat  désintéressé  de  ses 
études  sur  la  seconde  partie  de  l'Odyssée,  et,  pour  mieux  montrer  sa 
sincérité,  il  présente  les  quinze  dissertations  qui  composent  son  volume 
sans  établir  entre  elles  aucun  lien  logique,  dans  l'ordre  même  où  il  les 
a  écrites.  On  pourra  trouver  que  c'est  là  un  moyen  un  peu  simple  de 
faire  un  livre,  et  qu'une  théorie  aussi  importante  valait  la  peine  d'être 
présentée  sous  une  forme  plus  achevée.   M.  R.  répondrait  sans  doute  à., 
ce  reproche  que  cet  ouvrage  est  un  essai  er,  en  quelque  sorte,  le  premierw 
chapitre  d'une  étude  qui  doit  porter  sur  l'Odyssée  tout  entière  :  déjà  il* 
annonce  un  travail  analogue  sur  la  Télémachie.  Les  conclusions  d'en-  • 
semble  que  l'auteur  formulera  sans  doute  un  jour  ne  manqueront  pas| 
d'être  intéressantes. 

En  attendant,  beaucoup  de  détails  offrent  le  caractère  de  simples  con- 
jectures. Les  hypothèses  abondent  surtout  dans  la  partie  de  l'ouvrage  où 
M.  Reichert  s'efforce  de  distinguer,  dans  la  seconde  partie  de  TOdys- 
sée,  les  morceaux  écrits  par  le  poète  (celui  que  Kirehhoff  appelle  le  conti- 
nuateur), et  ceux  qui  proviennent  de  chants  antérieurs,  primitivement 
indépendants.  Cette  critique  conjecturale  peut  être  recommandée  à  tous 
ceux  qu'attirent  les  problèmes  homériques  dans  ce  qu'ils  ont  de  plus 
délicat  et  de  plus  subtil. 

Am.  Hauvette. 


I 


239.  —  I.  Nie.  Madvigii,  professoris  Hauniensis.  Opuscula  «cademlca  ab  ipso 
itcrum  collecta,  emendata,  aucia.  Hauniœ,  suraptibus  librariae  Gyldcndalianae, 
1867.  In-8,  xi-779  pp.  Avec  une  photographie  de  l'auteur. 

Les  Opuscula  academica  de  Madvig,  publiés  en  deux  volumes,  en 
1834  et  en  1842,  étaient  depuis  longtemps  épuisés.    L'illustre  savant  3 


d'histoire  et  de  littérature  465 

eu  le  temps  avant  de  mourir  de  les  revoir  de  nouveau,  réunis  mainte- 
nant dans  un  seul  volume  1.  La  fortune  est  rare  pour  un  recueil 
d'écrits  philoloi^iques  d'avoir  les  honneurs  d'une  seconde  édition.  C'est 
que  ces  dissertations  font  époque  dans  chaque  ordre  de  sujets.  Par  ses 
théories  sur  la  valeur  des  temps,  sur  le  futur  antérieur,  sur  les  formes 
de  l'interrogation  dans  le  style  indirect,  sur  la  distinction  de  amatus 
sum  et  de  amatusjui,  sur  le  conditionnel,  sur  l'emploi  de  quod,  Madvig 
renouvelait  des  chapitres  entiers  de  la  syntaxe  latine.  La  dissertation 
sur  le  fragment  orthographique  du  pseudo-Apulée  détruisait  une  légende 
en  train  de  se  former.  Les  articles  consacrés  à  la  constitution  de  l'ordre 
équestre,  aux  colonies  romaines,  aux  tribiini  aerarii,  malgré  des  erreurs 
de  détail  qu'a  fait  découvrir  l'étude  des  inscriptions,  sont  devenus  dans 
leur  ensemble  les  bases  de  l'enseignement  courant.  Lachmann  n'a  eu 
pour  éditer  Lucrèce  qu'à  suivre  la  voie  indiquée  par  Madvig,  en  i832, 
dans  le  programme  intitulé  de  aliquot  laciinis  codicum  Lucretii  :  ci:tte 
date  marque  le  commencement  de  la  période  scientifique  dans  l'histoire 
du  texte  de  ce  poète.  Enfin,  les  admirables  préfaces  des  éditions  de 
Cicéron  présentent  une  abondance  de  corrections  géniales,  de  remar- 
ques fines,  d'indications  précieuses  pour  la  critique,  où  se  montre  à 
nous  l'homme  d'Europe  qui  connaissait  le  mieux  le  latin.  Ces  écrits 
ne  marquent  donc  pas  seulement  des  dates  dans  l'histoire  de  la  science  : 
ils  contiennent  des  semences  encore  fécondes  pour  une  longue  suite 


de  générations. 


Paul  Lejay. 


260.  —  Lanéry-d'Arc.  Du  Franc  Alleu.  Paris,  Rousseau,  1888,  455  pages,  iii-8. 

Le  sujet  traité  par  M ,  Lanéry-d'Arc  est  certainement  l'un  des  plus 
difficiles  que  présente  l'histoire  du  droit.  Qu'est-ce  au  juste  que  l'aleu  ? 
Par  quelles  transformations  a  t-il  passé  pendant  l'époque  franque  et 
jusqu'à  l'établissement  complet  du  système  féodal?  Quelle  a  été  son  at- 
titude vis  à  vis  du  fief?  Autant  de  questions,  autant  de  problèmes  en- 
core loin  d'une  solution  définitive.  De  ces  problèmes,  M.  L.-d'A.  n'a 
guère  abordé  que  le  dernier.  Ce  qu'il  dit  des  origines  de  l'aleu  est  insuf- 
fisant et  ne  peut  être  considéré  que  comme  une  courte  introduction  où 
l'auteur  montre  une  connaissance  très  défectueuse  des  sources  et  de  la 
littérature  du  sujet.  11  en  est  de  même  pour  les  cinq  pages  (!)  qu'il  con- 
sacre à  la  constitution  du  bénéfice.  11  a  passé  rapidement  à  travers  toute 
la  période  si  difficile  des  origines  pour  arriver  de  suite  au  xiu"  siècle  et 
étudier  alors  les  rapports  entre  ce  qu'on  pourrait  appeler  l'aleu  féodal 
et  le  fiel.  Il  faut  reconnaître,  qu'ainsi  compris,  le  sujet  perd  beaucoup 
de  son  intérêt.  M.  L.-d'A.  est  un  savant  feudiste.  Il  est  beaucoup  moins 
un  historien  du  droit.  On   lui  saura  gré  pourtant  de  la  longue  et  pa- 

1 .  Pour  faciliter  les  recherches,  les  numéros  des  pages  de  la  première  édition  ont 
été  indiqués  en  marge. 


466  RKVUE    CRITIQUK 

tiente  étude  qu'il  nous  donne  sur  la  condition  faite  à  Palcu  par  les 
différentes  coutumes  de  France,  La  partie  la  plus  intéressante  de  son 
travail  n'est  pas  celle  qui  concerne  le  moyen  âge,  mais  celle  qui  se 
rapporte  à  l'époque  moderne.  M.  Lanéry-d'Arc  a  fort  bien  décrit  la 
lutte  entre  les  deux  principes  :  nulle  terre  sans  seigneur —  nul  seigneur 
sans  titre,  guerre  qui  aboutit,  comme  on  sait,  au  triomphe  à  peu  près 
complet  du  premier  de  ces  deux  axiomes. 

H,    PiRENNE. 


261.  —  Dei*  Llgui-înus  ttuntlier's  von  Paîrîs  îm  Elsass,  ein  Epos  zum 
Ruhme  Kaiser  Rothbarts  aus  dem  12.  Jahrhundert,  deutsch  von  Theodor 
VuLPiNus.  Strassburg,  Heitz  u.  Mûndel,  s.  dat.  (1889),  xiv,  173  p.  in-8.  Prix  : 
3  fr.  75. 

Il  ne  faut  chercher  dans  le  travail  de  M.  Vulpinus  ni  des  recherches 
érudites  sur  l'auteur  tant  discuté  du  Ligiiriniis,  le  moine  Gunther  de  J 
Pairis,  ni  sur  ce  poème  lui-même  et  sa  valeur  historique.  M.  V.  s'est  '':] 
borné  à  résumer  en  quelques  pages  de  préface  les  destinées  de  Touvrage, 
depuis  le  jour  où  Conrad  Celtes  le  publiait  à  Augsbourg,  jusqu'à  la 
date  récente  où  les  efforts  de  MM.  Pannenborg  et  Gaston  Paris  lui  ren- 
dirent le  caractère  d'authenticité  que  l'on  avait  cessé  de  lui  attribuer, 
d'un  commun  accord,  depuis  les  critiques  de  Senckenberg  au  siècle 
passé.  Il  n'a  fait  également  que  rappeler  en  traits  fugitifs  les  discus- 
sions qui  ont  eu  lieu  sur  la  nationalité  de  l'auteur,  et  qui  ont  abouti, 
pour  le  moment,  à  le  faire  écrire  et  mourir  dans  l'abbaye  de  Pairis, 
située  dans  la  Haute-Alsace.  Nous  avouons  ne  pas  bien  comprendre  ce 
qui  a  pu  pousser  le  traducteur  à  s'atteler  à  la  rude  tâche  de  mettre  en 
vers  allemands  le  poème  néo-latin  de  la  fin  du  xii°  siècle.  Il  ne  pouvait 
guère  espérer  trouver  à  Gunther  de  nombreux  lecteurs  dans  le  grand 
public,  et  les  historiens  de  profession  comme  les  professeurs  de  littéra- 
ture seront  toujours   obligés,  lorsqu'ils  voudront  s'occuper  de  Gunther 
ou  de  son  œuvre,  de  recourir  à  l'original.  Néanmoins  un  tel  travail, 
volontairement  entrepris,  témoigne  d'un  intérêt  trop  sincère  pour  les 
études  médiévales,  pour  que  nous  insistions  sur  cette  critique  qui  s'im- 
pose dès  l'abord.  Il  y  a  peu  de  savants  et  moins  encore  d'amateurs,  qui 
seraient  capables  aujourd'hui  de  l'abnégation  que  présuppose  une  tâche 
pareille,  et,  à  ce  point  de  vue,  la  traduction  de  M.  Vulpinus  reste  un  tra- 
vail méritoire,  bien  que  la  science  n'en  puisse  tirer  aucun  profit. 

R. 


262.  —  Réponse  à  quelques  attaques  contre  le  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue 
française,  par  Frédéric  Godefroy.  (Extrait  de  la  Préface  du  Tome  VI).  Paris, 
Emile  Bouillon.  In-8,  46  pages. 

M.  Godefroy,  dans  cet  opuscule  intéressant,  fait  d'abord  une  contre- 
critique  (que  je  n'ai  pas  ici  à  apprécier,  on  verra  pourquoi)  des  Etudea 


D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE  467 

lexicographîques  de  M.  Miliet,  puis  il  passe  et  s'en  prend  aux  articles 
que  j'ai  publiés  dans  cette  Revue  sur  son  Dictionnaire.  Il  trouve  que 
les  premiers  étaient  bienveillants,  doux  presque  comme  miel;  je  n'ai 
commencé,  paraît-il,  à  être  agressif  qu'aux  lettres  I  et  J.  Je  me  suis  encore 
montré  bienveillant  à  la  lettre  L,  mais  à  la  lettre  M  j'ai  tourné  à  l'aigre. 
Mes  articles  sur  les  lettres  N  et  O  ont  été  moins  sévères,  moins  amers, 
mais  à  la  lettre  P,  je  suis  devenu  tout  à  fait  «  acrimonieux  et  sarcasti- 
que  »,  en  sorte  que  mon  humeur,  si  l'on  en  croyait  M.  G.,  serait  tout 
au  moins  aussi  changeante  que  la  couleur  du  caméléon.  Je  dirai  fran- 
chement et  sans  embarras  les  causes  de  mes  variations,  si  variations  il 
y  a.  Lorsque  parut  le  premier  volume  du  Dictionnaire  de  M.  G.,  je  fus 
tout  d'abord  émerveillé  de  ce  qu'il  contenait,  surtout  en  le  comparant  à 
celui  de  LaCurne.  L'idée  me  vint  de  l'étudier  plus  à  fond,  et  je  voulus 
I  savoir  si  l'auteur  avait  sérieusement  dépouillé  le  grand  nombre  d'ou- 
vrages qu'il  citait.  Dès  lors  mon  admiration  se  tourna  en  estime,  et  cette 
estime  décrut  elle-même  quelque  peu,  à  mesure  que  mes  lectures  s'éten- 
daient et  se  multipliaient.  Voilà  pourquoi  ma  critique  fut  d'abord  un 
peu  sucrée,  et  pour  quelle  raison  je  la  donnai  ensuite  sans  adoucisse- 
ment et  toute  pure.  Je  tenais  à  démontrer  que  le  Dictionnaire  de  M.  G., 
au  titre  si  long  et  si  pompeux,  était  bien  loin  d'être  le  Trésor  de  l'ancien 
français,  qu'il  y  manquait  une  quantité  de  mots  «  incalculable  ^  «,  et, 
sur  ce  point,  je  n'ai  jamais  varié;  qu'en  revanche,  l'auteur  en  avait  arbi- 
trairement et  au  hasard  accueilli  une  multitude  d'autres  encore  en  usage, 
sur  lesquels  Littré  renseignait  suffisamment,  comme  s'il  eût  craint  de 
n'avoir  pas  assez  de  matière  pour  fournir  les  huit  ou  dix  volumes  qu'il 
avait  promis,  et  je  crois  en  avoir  donné  les  preuves  les  plus  évidentes 
dans  chacun  de  mes  articles,  même  dans  ceux  qui  sont  les  plus  lauda- 
i  toires.  Il  ne  m'a  pas  coûté,  il  ne  me  coûte  pas  encore  de  rendre  justice 
I  aux  recherches  laborieuses  de  M.  G.,  à  sa  persévérance  opiniâtre;  ce 
que  je  n'ai  pu  et  ne  puis  reconnaître,  c'est  qu'il  ait  jamais  eu  un  plan, 
une  méthode,  et  les  Compléments  et  Suppléments  qu'il  annonce  ne 
feront  que  démontrer  plus  clairement  la  Yérité  du  proverbe:  a  En  toute 
chose,  il  faut  considérer  la  fin.  » 

M.  G.  essaie  de  nous  faire  croire  que  c'est  à  dessein  qu'il  n'a  pas  ins- 
crit dans  son  dictionnaire  estrangleliepard,  ensanglanter ie,  enjarteler, 
exornement ,  sous  prétexte  que  ces  mots  appartiennent  à  la  langue  du 
xvi°  siècle.  Alors,  pourquoi  n'a-t-il  pas  rejeté  «  expositement ,  exsupe- 
rer,  exorateur ^  expugnation,  expugnatif,  expugnateur,  expugner 
exquisitement ,  imperateur,  impugnateur,  intermettre,  oppugner^ 
persolution,  phlebotomer,  phlebotomique,  pre divination,  prediviner, 
et  des  milliers  d'autres  qui  sons  aussi  du  xvi°  siècle?  Pourquoi 
mangereau,   mentereau    ont-ils  été  recueillis  plutôt   que    doctoreau, 

I.  M.  G.  me  plaisante  sur  ce  mot.  N'est-il  pas  évident,  dit-il,  qu'on  ne  peut  pas 
calculer  ce  qu'on  ne  connaît  point?  Comme  si  incalculable  n'avait  jamais  signifié  très 
nombreux  ou  très  considérable. 


^1 


468  REVUE    CRITIQUE 

jiigereau,  pipcrcau,  prechereaii  ?  M.  G.  a  admis  paisanesque  .  cet 
adjectif  est-il  plus  ancien  et  plus  populaire  que  bergeresque,  doc- 
toresque,  paganesque,  renardesqiie  ?  C'est  ainsi  que  certains  mots 
ont  obtenu  le  droit  d'hospitalité,  et  que  des  centaines  d'autres  ont  été 
exclus,  je  ne  sais  pour  quel  motif,  ou  plutôt  je  le  sais  bien  :  c'est  que 
M.  G.  ne  les  connaissait  pas,  sinon  il  n'aurait  pas  préféré  esclateus 
(xvie  siècle)  à  esclatissant,  esclatissement,  nitidité  à  nitide  (\u\  est  plus 
ancien  ;  illepide  n'aurait  pas  été  admis  plutôt  que  lepide,  lepidité,  et 
distemperation  ainsi  que  distemperer  (xvi^  siècle),  plutôt  que  distempe- 
rable,  distemperie,  distemperament,  disteniperature,  qui  sont  du  même 
temps.  M.  G.  àonnt  pacquier,  verbe  quMl  explique  mal  (v.  Littré  sur 
paqiier],  mais  on  perdrait  son  temps  à  chercher  dans  son  Dictionnaire 
pacqueteur,  pacqtietier,  pacqiieter^  empacquer,  empacquage,  empacque- 
teur,  tous  termes  de  pêche.  A  la  suite  de  harpe,  lequel  est  accompagné 
d'un  exemple  pris  dans  Littré,  on  ne  trouve  pas  harpement,  harpen  ou 
harpent,  harpeure,  harpette,  harpie,  harpier,  harpination,  harpoîeux. 
Il  y  a  des  mots  disparus  ou  conservés  dont  toute  la  lignée  presque  man- 
que, comme  esjnoiiehier,  d'où  viennent  esmouchoire ^  esmoiiehenient, 
esmoueheiire ;  comme  chien,  d'où  dérivent  chenier,  chenillier,  chie- 
nage,  chienette,  chienrage,  chienelet,  chienot,  chenot,  chienetier,  chie- 
neterie,  chiennée  =  hermodacte,  enchenaillé  =  accouplé  à  la  manière 
des  chiens.  Compendion,  compendier,  compendieiir ,  compendiaire  sont 
absents  :  pourquoi?  Est-ce  parce  qu'on  ne  les  trouve  dans  aucun  dic- 
tionnaire? Des  mots  qui  sont  de  la  même  fam.ille  et  du  même  temps, 
les  uns  tels  que  audible,  cressiner,  gladiatoire,  desolatoire,  ghiement, 
glutiner,  incogitant,  invigilance  ^  ont  leur  place  dans  le  Dictionnaire; 
les  autres,  exaudible,  cressinement,  digladiation,  digladiateur,  agglue- 
ment,  desolatif,  deglutiner,  incogitance,  invigilant,  n'auraient  pas  élc 
jugés  dignes  d'entrer,  s'il  faut  s'en  rapporter  à  M.  G.  J'aurais  voulu 
qu'il  expliquât  pour  quelles  raisons  il  a  introduit  des  mots  grecs  du 
xvi«  siècle,  philautie,  petasite,  pentaphylle,  et  des  termes  italiens  ou 
QSV3igno\s,  fanterie,pentole,  pentacle,  mercadence  timercadant,  tandis 
que  exegematique,  decacordon,  anabatre,  qui  sont  aussi  des  vocables 
grecs  et  de  plus  du  xiv'  siècle,  ont  été  refusés.  L'arbitraire  se  voit  par- 
tout :  le  choix  nulle  part,  je  le  répète.  L'onomatopée  ^o^z^on,  pour  citer 
un  exemple  topique,  a  été  admise,  mais  non  pas  le  baubau  des  chiens, 
dandon  des  cloches,  le  lire,  lirette,  lire  liron  de  la  cornemuse,  etc.To 
cela,  paraît-il,  s'alignera,  trouvera  sa  place  dans  les  volumes  réservés  à 
langue  des  xvi'=  et  xvii^  siècles,  et  alors  «  les  défauts,  les  erreurs  disparaî- 
tront dans  la  majesté,  dans  l'immensité  de  l'ensemble  ».  C'est  M.  G.  qui 
le  dit,  non  sans  quelque  solennité.  Je  le  souhaite,  car  tout  en  la  critif 
quant,  je  n'ai  jamais  cessé  de  porter  le  plus  vif  intérêt  à  cette  œuvre 
réellement  gigantesque,  mais  je  persiste  à  croire  qu'il  eût  été  bien 
plus    simple    de   faire   un    recueil  unique  de  tous   les  mots  disparui 

I.  Invigilance  est  un  article  emprunté  à  Littré. 


D^HISTOIRK    ET    DK    LrTTÉRATDRB  469 

depuis  l'origine  de  notre  langue  jusqu'au  xviii«  siècle  inclusivement, 
Commutabilité,  rnalhabileté,  entaier,  desagencier  (celui-ci  est  dans 
Littré),  pour  ne  citer  que  ces  mots,  ont  dans  le  Dictionnaire  de  M.  G. 
un  historique  qui  ne  remonte  pas  plus  loin  que  le  xm**  siècle,  et  cepen- 
dant ils  sont  encore  en  usage  en  plein  xvi«  siècle,  le  premier  jusque  dans 
le  xvn^,  et  le  second  jusque  dans  le  xyiii®.  Seront-ils  repris  dans  les 
Compléments  ou  Suppléments?  Quelqu'un  pourrait-il  affirmer  que  en- 
fantraille  =  marmaille,  mespasseure,  gorillon  z=.  porcelet,  enfanti- 
lement  et  enfant inement,  enjantinerie,  cabanot,  coupecendre,  agricul- 
turer,  intervenience,  contrecoigner,  bestier,  serrebauquiere,  dema- 
raudir,  essoumas  =  bourgeon  de  vigne ,  essoiimasser,  coiisachance, 
nonainnerie,  estrapoire  (tous  mots  que  M.  G.  semble  ne  pas  connaître), 
datent  des  xvi^,  xyii^  ou  xviiie  siècles,  parce  qu'il  ne  les  aurait  rencon- 
trés que  chez  des  écrivains  de  cette  époque?  Il  me  semble  qu'il  n'aurait 
pas  été  impossible  de  faire  entrer  dans  huit  ou  dix  volumes  in-folio  la 
somme  des  mots  disparus,  mais  pour  cela  il  fallait  être  sobre  de  cita- 
tions, les  semer  avec  la  mam  et  non  pas  répandre  tout  le  sac,  c'est-à-dire 
ne  pas  en  donner  40,  5o,  60  et  même  80,  dont  souvent  plus  de  la  moitié 
sont  d'une  absolue  inutilité.  Pour  que  ce  Dictionnaire  ne  fît  point  par- 
fois double  emploi  avec  celui  de  Littré,  il  était  nécessaire  d'en  exclure 
des  mots  tels  que  ceux  dont  j'ai  donné  une  assez  longue  liste  à  diverses 
reprises.  M.  G.  prétend  qu'il  n'y  en  a  que  dix-neuf  de  cette  espèce  dans 

J  sa  lettre  P.  Je  le  prie  de  se  relire  avec  plus  d'attention,  et  à  ce  nombre 
il  ajoutera  :  <i propriétaire,  propriétairement ,  prospect,  proviseur,  pré- 
variquer,  postille,  postposer,  pouillerie,  prénotion,  presbytérien,  près- 
cript,  présomptivement,  porée  ou  poirée,  percussif,  pensionnaire,  péré- 
grinité ,  pérenne,  personage  ou  personnage,  pillement,  palustre, 
papillote,  papillotage,  participer  «,  et  ce  n'est  pas  tout.  Littré  n'a  pas 
oublié  :  «  pulsation,  pupillarité,  putasser,  priver,  apprivoiser^  pou~ 
droyer,  préposer,  préfigurer,  pointillé,  pensif,  pension,  papelard, 
parage,  perchée, poudrette  \  perchette,perditiom>  ;  à  quoi  bon  repren- 
dre ces  mots  dont  l'explication  et  l'historique  étaient  chez  lui  suffisants  ? 
D'autres  ont  été  repris  pour  cette  raison  que  Littré  ne  leur  avait  pas 
donné  d'historique;  tels  sont  :  picolet,  picote,  porcelet  ou  pourcelet 
(suivi  de  19  exemples  dans  M.  G.),percusseur,  etc.  Mais  « pole,pyrrhi- 
que,  prytanée,  polygraphe,  périodique,  parenthèse ,  puriste,  pagure, 
parasol,  phenicoptère,  psychologie,  progressif,  pyrite,  permutation, 
physionomiste  »,  etc.,  n'en  avaient  pas  davantage  :  pourquoi  cette 
différence  de  traitement  entre  les  uns  et  les  autres? 

.■  M.  G.,  tout  en  profitant  de  la  plupart  de  mes  corrections  dont  il 
'reconnaît  la  justesse,  en  conteste  pourtant  quelques-unes.  D'après  lui, 
platelier  ^^  gourmand,  pourrait  signitier  mendiant  :  je  le  mets  au  défi 

1.  L'exemple  placé  sous  ce  mot  est  emprunté  à  Littré,  mais  il  est  très  jovialement 
défini  par  M.  G.  Selon  lui,  jo:/er  à  la  poudrette  signifie  jo:<er  avec  des  épingles. 

2.  Dans  l'unique  exemple  que  cite  M.  G.,  platelier   traduit  le   latin  patinarius, 
employé  par  Suétone,  qui  l'applique  à  Vitellius. 


470  REVUE    CRITIQUE 

de  me  trouver  un  exemple,  et  il  y  en  a  de  nombreux,  où  ce  mot  ait 
cette  signification.  Le  sens  primitif  de  qiiaterne  est  bien  «  cahier  de 
quatre  feuilles  »,  et  c'était  ainsi  qu'il  fallait  le  définir  :  que  le  sens  se 
soit  étendu,  cela  est  tout  simple.  «  Je  n'ai  pas  rivalisé  avec  M.  Millet 
en  proposant  une  correction  pour  quarte!  ou  cartel  »  :  j'ai  dit  que  ce 
mot  signifiait  autre  chose  que  mesure  de  blé,  et  à  l'appui  est  cité  un 
exemple  auquel  je  renvoie  M.  G.  Il  avoue  que  j'ai  proposé  douze  correc- 
tions véritables  pour  la  lettre  P,  et  je  vois  que  dans  les  Errata,  il  a  fait 
son  profit  (cette  fois  avec  modestie)  de  deux  seulement  sans  citer  mon 
nom,  car,  dit-il  avec  un  beau  sans-géne,  «  cela  importe  fort  peu  aux 
lecteurs  du  Dictionnaire  et  ne  sert  à  rien  ».  Je  crois  pourtant  savoir 
que  M.  G.  qui  trouve  le  désintéressement  admirable  chez  les  autres  ne 
le  pratique  qu  a  son  corps  défendant  :  il  aime,  il  veut  qu'on  le  cite,  et  il 
a  peut-être  raison.  Au  fond,  pour  moi,  la  chose  m'est  bien  indifférente, 
et  pourvu  que  ces  articles  soient  utiles  à  l'histoire  du  vieux  français,  je 
n'en  demande  pas  davantage.  Je  me  trompe  :  je  demande  encore  que 
M.  Godefroy  ne  les  croie  pas  inspirés  par  autre  chose  que  «  par  un  véri- 
table amour  de  la  philologie.  »  A.  Jacques. 


263.  —  E.  Krause.    Dei"    XVeîszenburgei-  Uandel»    1480- i5o3.     Broch.  in-8,, 
de  74  pages.  Greifswald,  Julius  Abel,  1889.  Il 

Ce  petit  ouvrage  —  thèse  de  doctorat  présentée  à  l'Université  de 
Greifswald  —  a  été  entrepris  sous  la  direction  du  professeur  Ulmann, 
qui  compose  une  grande  histoire  du  règne  de  Maximilien  1".  Il  a  pré^! 
cisément  pour  sujet  un  épisode,  assez  peu  important,  de  ce  long  règne. 
En  1480,  l'électeur  palatin,  Philippe  Tlngénu,  livra  en  fief  à  son  maré- 
chal, Hans  von  Drott,  le  château  de  Berwartstein  ou  de  Baerbelstein, 
sur  lequel  l'abbaye  de  Wissembourg,  au  nord  de  l'Alsace,  prétendait 
avoir  des  droits.  Ce  fut  l'origine  d'une  longue  lutte  entre  les  moines 
d'une  part,  Félecteur  et  Hans  d''autre  part;  elle  ne  se  termina  qu'en  dé- 
cembre i5o4  par  un  compromis  qui  ne  satisfaisait  personne.  M.  Krause 
nous  conduit  à  travers  les  mille  incidents  de  cette  querelle;   il  nous 
décrit  les  ravages  qu'elle  causa  sur  les  bords  de  la  Lauler;  il  nous 
montre  comment  la  ville  libre  de  Wissembourg  se  déclara  pour  le  mo- 
nastère ;  il  insiste  sur  les  efforts  tentés  par   les   deux  adversaires  pour 
obtenir  gain  de  cause  devant  les  diètes  et  devant  la  cour  de  Rome.  Son 
récit,  puisé  à  de  nombreuses  sources,  est  plus  complet  et  en  général  plu£ 
exact  que  celui  de  Spach  (Bulletin  de  la  Société  des  monuments  histo- 
riques d'Alsace,  I,  p.  178  et  ss.);  mais  il  n'est  pas  plus  vivant;  par  en 
droits  même  il  est  confus  et  obscur.  M.  Krause  a  pourtant  fait,  d'une 
façon  définitive,  justice  d'une  légendfn.ise  jadis  à  la  mode  par  Stoebe 
et  répétée  depuis  dans  les  Guides  des  "Vosges,  par  exemple  dans  celui  di 
Mûndel.  Hans  von  Drott  ne  saurait  être  le  prototype  de  Hans  Trapp 
ce  croquemitaine  qui  accompagne  le  Christkiiidel  et  qui,  au  nord  d 
l'Alsace  et  dans  le  Palatinat,  est  la  terreur  des  enfants. 

Ch.  Pfister. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  47  f 

264.  —  L'abbé  Requin,   correspondant  du  Ministère  des  Beaux-Arts.    I.'imprixae- 
rle  à  Avignon  en  1444.  Paris,  Alph.  Picard,  i8go,  grand  in-8  de  20  p. 

La  brochure  de  M.  Tabbé  Requin  est  tellement  importante,  qu'on  me 
permettra,  je  l'espère,  de  l'examiner  un  peu  longuement.  Beaucoup  de 
gros  volumes  sur  l'imprimerie  ne  contiennent  pas  la  centième  partie 
des  choses  intéressantes  réunies  dans  une  aussi  mince  plaquette.  C'est  le 
cas  de  dire  qu'un  seul  épi  vaut  mieux  parfois  que  toute  une  gerbe. 

Mayence,  comme  le  rappelle  tout  d'abord  Fauteur  (p.  3),  a  longtemps 
disputé  à  Strasbourg  la  gloire  d'avoir  été  le  berceau  de  l'imprimerie;  ce 
fut  seulement  en  1745  que  cette  dernière  ville  conquit  définitivement 
la  première  place.  A  cette  époque  deux  archivistes,  Schœpflin  et  Ven- 
kler  trouvèrent,  dans  une  vieille  tour  de  Strasbourg,  les  pièces  d'un 
procès  intenté  à  Gutenberg  et  aux  héritiers  d'André  Dritzchen,  l'un  de 
ses  associés.  Ces  documents  furent  très  discutés  et  même  contestés  ;  mais 
force  fut  bien  de  se  rendre  à  l'évidence,  et  Mayence  fut  alors  reléguée 
au  second  rang.  Quelques  pièces  d'archives  trouvées  fortuitement,  ajoute 
M.  l'abbé  R.,  chez  plusieurs  notaires  d'Avignon,  vont  la  faire  pas- 
ser au  troisième  et  donner  le  pas  à  la  petite  capitale  des  anciens  états 
_  pontificaux  en  France,  trouvaille  d'autant  plus  précieuse  que  si  nous 
■  exceptons  le  procès  intenté  à  Gutenberg  par  les  héritiers  d'André  Dritz- 
«'  chen  en  1439  et  la  réclamation  d'argent  de  Fust  au  même  Gutenberg 
en  1455,  ce  sont  les  seules  pièces  originales  connues  sur  les  origines  de 
l'imprimerie. 

Les  érudits  avignonais  fixaient  la  date  de  l'introduction  de  l'impri- 
merie à  Avignon  en  1497  et  donnaient  le  nom  de  Nicolas  Tepe  à  celui 
qui  y  apporta  cet  art  nouveau.  M.  Achard,  dans  ses  Simples  notes  sur 
ï imprimerie  à  Avignon,  au  tome  P"*  du  Bulletin  historique  et  archéO' 
logique  de  Vaucluse,  a  conservé  cette  même  date  de  1497,  n^aJs  il  a 
démontré  que  N.  Tepe  était  seulement  le  premier  éditeur  de  cette  ville, 
et  que  le  premier  imprimeur  s'appelait  Jean  Duprat.  Les  documents 
si  heureusement  trouvés  par  M.  l'abbé  R.  permettent  de  reculer  cette 
date  jusqu'en  1444,  au  moment  où  Gutenberg  vient  de  quitter  Stras- 
bourg et  va  s'établir  à  Mayence,  quelques  années  avant  qu'il  s'associât 
d'abord  avec  Fust  et  puis  avec  Schœffer.  Ces  documents  appartiennent 
à  trois  registres,  un  du  notaire  Jacques  de  Brieude,  les  deux  autres  du 
notaire  Pierre  Agulhacii.  M.  l'abbé  R.  décrit  avec  un  soin  minutieux 
ces  trois  vénérables  recueils,  et  analyse  ainsi  les  actes  révélateurs 
(p.  6-1 1)  : 

«  Dans  le  premier  volume,  nous  lisons  qu'un  certain  Procope  Vald- 
foghel,  orfèvre,  originaire  de  Prague,  passe,  le  10  mars  1446,  un  contrat 
avec  un  juif  nommé  Davin  de  Caderousse,  et  s'engage  à  lui  graver  sur 
le  fer  vingt-sept  lettres  hébraïques  dites  de  forme  (scissas  inferro)  selon 
la  science  d'écrire  artificiellement  ;  science  et  métier  que  Valdtoghel  a 
communiquées  au  juif  depuis  deux  ans,  c'est-à-dire  au  cours  de  l'année 


47  2  REVUE    CRITIQUE 

1444.  Valdfoghel  doit  y  joindre  les  machines  nécessaires  au  nouvel  art. 
Davin  s'oblige,  de  son  côté,  à  enseigner  à  Valdfoghel  Fart  de  teindre  les 
tissus  de  soie,  de  toile,  de  fil  et  de  coton,  en  écarlate,  en  rouge,  en  brasil 
et  en  noir,  et  à  lui  communiquer  une  recette  pour  donner  aux  étoffes 
une  couleur  perse  ou  verte  sans  le  secours  du  feu.  Il  devait,  en  outre, 
fournir  le  bois  et  l'étain  nécessaires  pour  les  matrices  et  les  caractères, 
et  il  s'engageait  à  ne  communiquer  à  personne,  ni  directement,  ni  indi- 
rectement, soit  en  théorie,  soit  en  pratique,  l'art  qui  lui  avait  été  appris. 
Valdfoghel,  comme  Gutenberg,  se  débattait  contre  la  misère  et  avait 
souvent  besoin  d'argent;  aussi,  pour  s'en  procurer,  avait-il  été  obligé 
d'engager  à  Davin  ses  meubles,  certains  vêtements  et  même  ses  caractè- 
res d'imprimerie...  Valdfoghel  avait  rempli  tous  ses  engagements  et  re- 
mis à  Davin  omnia  artificia,  ingénia  et  instrumenta  ad  scribendum 
artificialiter,  nous  dit  le  texte  d'un  nouveau  contrat,  passé  le  16  avril 
de  cette  même  année  1446.  Après  cette  date,  nous  ignorons  quel  fut  le 
sort  de  Davin  de  Caderousse  et  le  résultat  de  son  contrat  de  société  avec 
Valdfoghel.  Celui-ci  ne  s'était  pas  contenté  de  faire  connaître  Fart  d'im- 
primer à  Davin  ;  dès  1444  il  l'avait  aussi  communiquée  Girard  Ferrose, 
serrurier  du  diocèse  de  Trêves,  établi  à  Avignon.  Ils  avaient  formé  tous 
deux  une  véritable  association  et  habitaient  ensemble  une  maison  où 
Ferrose  avait  apporté  ses  meubles.  A  bout  de  ressources,  ils  avaient  en- 
gagé une  horloge  de  Ferrose  à  un  juif  afin  de  se  procurer  un  peu  d'ar- 
gent. Mais  les  quelques  florins  obtenus  du  juif  furent  insuffisants,  et  le 
27  août  1444,  Valdfoghel  reçut  de  George  de  Jardine  d'abord  10  florins, 
ensuite  27,  et  s'engagea  en  échange  à  lui  apprendre  l'art  ôl  écrire.  Dans 
ce  contrat,  Valdfoghel  fit  promettre  à  Jardine  comme  à  Davin  et  à  Fer- 
rose de  ne  divulguer  à  personne  le  secret  qu'il  lui  communiquait,  s'o- 
bligeant  à  son  tour  à  ne  pas  le  faire  connaître  à  d'autres  sans  la  per- 
mission de  G.  de  Jardine.  Nous  ne  savons  pas  s'il  fut  longtemps  l'élève 
de  Valdfoghel  (nous  n'avons  trouvé  aucun  autre  document  sur  lui); 
mais  il  est  certain  que  G.  Ferrose  resta  peu  de  temps  avec  son  maître 
et  associé.  Le  26  août  de  la  même  année  1444,  la  société  était  dissoute, 
Valdfoghel  donnait  70  florins  à  Ferrose  et  recevait  de  lui  une  quittance 
pleine  et  entière.   Mais  comme  il  craignait  que  celui-ci,  parfaitement 
instruit  du  nouvel  art  d'écrire  artificiellement^  ne  vint  à  le  divulguer, 
il   lui  fit  promettre  de  ne  l'enseigner  à  personne  dans  un    rayon  de 
12  lieues.  Le  5  avril  1446,  les  deux  associés  habitaient  la  même  maison 
et  ils  achetaient  en  commun  les  caractères  d'imprimerie  de  Manaud  Vi- 
talis.  Ce  dernier,  originaire  du  diocèse  de  Dax,  et  son  ami  Arnaud  de 
Coselhac,  du  diocèse  d'Aire,  tous  deux  étudiants  à  Avignon,  avaient  été, 
eux  aussi,  initiés  au  secret  de  l'imprimerie  par  Valdfoghel  dès  1444.  Ce- 
lui-ci leur  avait  même  fourni  tout  un  matériel  d'imprimerie  et  leur 
avait  appris  la  manière  de  s'en  servir.  Valdfoghel  leur  avait  emprunté 
les  caractères  et  l'outillage  qu'il  avait  faits  pour  eux  ^...  » 

I.  Reconnaissance  du  4  juillet  1444.  M.   l'abbé  Requin   ne  s'est  pas  contenté  de 


d'histoire  et  de  littérature  473 

Après  avoir  ainsi  résumé  les  documents  qui  prouvent  l'établissement 
d'une  imprimerie  à  Avignon  dès  1444,  M.  l'abbé  R.  repousse  très  bien 
les  arguments  que  certains  sceptiques  pourraient  lui  adresser  (p.  1 1-12)  : 
«  On  nous  objectera  peut-être  que  cet  ars  scribendi  arlificialiter  peut 
s'entendre  aussi  bien  de  l'imprimerie  xylographique,  inventée  par  Jean 
Coster  de  Harlem  vers  1420,  que  de  l'imprimerie  proprement  dite,  dé- 
couverte à  Strasbourg  par  Gutenberg.  Mais  nos  contradicteurs  savent 
très  bien  que  l'imprimerie  xylographique  se  faisait  au  moyen  de  plan- 
ches (de  là  son  nom),  où  l'on  gravait  toute  l'impression  d'une  page; 
tandis  que  Procope  Valdfoghel  fabrique  des  caractères  mobiles,  il  grave 
vingt-sept  lettres  pour  Davin  de  Caderousse,  il  lui  confie  en  dépôt 
quarante-huit  lettres  latines,  il  se  sert  de  deux  ABC  de  Manaud  Vitalis. 
On  pourrait  prétendre  aussi  que  ces  lettres  servaient  simplement  à  des- 
siner sur  les  manuscrits  les  grandes  lignes  des  lettres  capitales,  que  les 
enlumineurs  peignaient  ensuite;  mais  ce  système  d'écriture  était  connu 
depuis  longtemps,  et  Valdfoghel  n'aurait  pas  pris  tant  de  précautions 
avec  ses  apprentis  et  ses  associés  dans  la  crainte  qu'ils  ne  divulgassent 
son  secret.  D'ailleurs  peut-on  raisonnablement  donner  à  cette  sorte  de 
calque  le  nom  à' ars  scribendi  artificialiter?  En  outre,  à  quoi  auraient 
servi  ces  machines  en  bois,  en  étain  et  en  fer  fabriquées  par  Valdfoghel 
pour  Davin  de  Caderousse?  Pourquoi  ces  autres  instruments  en  fer,  en 
cuivre,  en  laiton  et  en  bois  qu'il  avait  livrés  à  Arnaud  de  Codelhac  et  à 
Manaud  Vitalis?  Pourquoi  ces  formes  en  fer  et  en  bois,  cette  vis  en 
acier  que  lui  avait  confiées  le  même  Vitalis?  Enfin,  ce  qui  nous  con- 
firme encore  davantage  dans  cette  manière  de  voir,  c'est  que,  dans  le 
procès  de  Gutenberg,  les  témoins  se  servent  absolument  des  mêmes 
termes  que  les  notaires  d'Avignon,  termes  encore  usités  de  nos  jours  en 
imprimerie,  » 

M.  l'abbé  Requin  a  eu  raison  d'écrire  (p.  4)  que  ses  preuves  n  con- 
vaincront les  plus  difficiles.  »  Nous  espérons,  qu'encouragé  par  le  suc- 
cès qui  a  déjà  récompensé  ses  recherches,  il  redoublera  de  zèle  et  aura 
la  joie  de  trouver  des  renseignements  sur  Valdfoghel  et  sur  ses  divers 
associés  que  l'on  perd  tous  de  vue  après  1446,  et  de  découvrir  aussi  les 
œuvres  sorties  des  presses  du  fondateur  de  l'imprimerie  d'Avignon.  En 
attendant  la  réalisation  de  nos  vœux  pour  le  vaillant  travailleur,  félici- 
tons-le, à  la  suite  d'un  éminent  critique  1,  d'avoir  incontestablement 
établi  qu'Avignon  fut  la  première  ville  après  Strasbourg  à  posséder  une 
imprimerie,  et  que  la  France  fut  le  premier  pays  où  se  répandit  le 
nouvel  art,  «  car  Avignon,  pour  être  sous  la  juridiction  des  papes,  n'en 
était  pas  moins  terre  de  France.  » 

T.    DE  L. 


reproduire  cet  acte  aux  pièces  justificatives  avec  quatre  autres  actes  :  il  en  a  donné 
encore  une  photogravure  en  tête  de  sa  brochure. 

1.  Léopold  DeUsle,  présentant  les  belles  découvertes  de  M.  l'abbé  Requin  à  l'Aca- 
démie des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  dans  la  séance  du  2  mai  1890. 


474  REVUE    CRITIQUE 

265.  —  Vortrcpge  und   Versuche,  Beitroege  zur  Literatur-Geschichte  von  Ludwig 
Geiger.  Dresden,  Ehlermann,  1890.  In-8,  ix  et  3i8  p.  5  mark. 

Ce  recueil  comprend  trois  parties  : 

1°  Zur  Litteratur  der  Renaissance.  M.  Geiger  y  apprécie  successive- 
ment Marguerite  de  Navarre  (d'après  Lotiieissen  et  Chénevicre),  la 
Renaissance  en  France  sous  Charles  VIII  (d'après  l'ouvrage  publié  avec 
le  concours  du  duc  de  Chaulnes  par  Eugène  Mûntz),  les  Grecs  savants 
des  xve  et  xvi"^  siècles  (d'après  la  Bibliographie  hellénique  d'Em. 
Legrand),  Isota  Nogarola  (d'après  le  livre  d'Abel),  l'humanisme  à  TUni- 
versité  de  Heidelberg  —  étude  originale,  —  Érasme  en  Italie  (d'après 
P,  de  Nolhac),  Ulrich  de  Hutten,  le  plus  ancien  almanach  des  Muses 
publié  à  Rome  (les  Coryciana  de  Goritz  ou  Corycius,  1524); 

2°  Ans  den  Tagen  der  Aiifklœriing.  M.  G.  y  traite  des  plus  ancien- 
nes revues  de  Berlin,  de  la  Sappho  allemande  (Louise  Karsch),  de  Vol- 
taire et  de  Frédéric;  il  communique  six  lettres  de  David  Friedlânder, 
l'élève  le  mieux  doué  de  Félix  Mendelssohn  ;  il  trace  le  tableau  de  Berlin 
en  1788,  tableau  fort  intéressant  et  où  abondent  les  détails  curieux. 

3°  A  us  der  Zeit  Gœthes.  M.  G.  publie  trois  lettres  de  Corona  Schroe- 
ter  à  Bertuch,  des  extraits  de  la  correspondance  inédite  de  Frederique 
Œser,  où  il  est  question  de  Goethe  et  des  écrivains  du  temps,  et  deux 
études  que  nous  connaissons  :  Gœthe  et  les  Juifs,  Goethe  et  la  Renais- 
sance 1, 

La  plupart  de  ces  conférences  et  essais  avaient  déjà  paru  dans  divers 
recueils;  mais  quelques-uns  ont  été  remaniés  et  tous  ont  été  revus  avec 
soin,  deux  sont  inédits.  On  y  retrouve  toutes  les  qualités  que  nous 
avons  déjà  louées  dans  M.  G.  :  une  profonde  connaissance  de  Thuma- 
nisme  et  de  la  Renaissance  autant  que  du  xviii^  siècle  et  de  Goethe  —  on 
sait  qu'il  est  à  la  fois  directeur  de  la  Vierteljahrsschrlft  far  Kultur- 
iind  Litteratur geschichte  der  Renaissance  et  du  Gœthe- Jahrbuch  —  un 
esprit  souple,  sagace,  pénétrant,  qui  sait  faire  saillir  l'essentiel  et  tirer 
des  faits  d'originales  conclusions  (voir  la  fin  de  l'étude  sur  Érasme),  un 
style  vif,  brillant  qui  attache  le  lecteur.  M.  Geiger  a  raison  de  dire  que, 
dans  ses  conférences,  il  s'est  donné  la  peine  la  plus  consciencieuse  pour 
rassembler  et  ordonner  ses  matériaux  ainsi  que  pour  les  revêtir  d'une 
forme  agréable.  Aussi  les  études  qu'il  réunit  aujourd'hui,  si  savantes 
qu'elles  soient,  seront-elles  lues,  comme  il  le  souhaite,  de  ceux-là  mêmes 
qui  ne  sont  pas  spécialistes  et  qui  «  prennent  intérêt  aux  choses  litté- 
raires ».  A.  Chuquet. 


266.  —  Assemblée  Electorale  de  Paris,  18  nov.  lygo-ip  juin  1791-  Procès- 
verbaux,  publiés  par  Etienne  Charavay.  (Coll.  de  docum.  relatifs  à  l'hist.  de  Paris 
pendant  la  Révolution).  Paris,  Quantin,  1890.   Gr.  in-8,  xlviii  et  694  p.  7  fr.  3o. 

41 

L'assemblée  nationale  avait,  comme  on  sait,  inscrit  dans  la  constitu- 
I.  Revue  critique,  1887,  n°  48,  et  1888,  n°44. 


d'histoire  et  de  littérature  475 

tion  de  1790  le  principe  de  rélection  des  fonctionnaires  de  l'ordre  civil 
et  ecclésiastique  par  les  mandataires  de  la  nation.  Le  corps  électoral  de 
Paris,  composé  de  781  membres,  nomma  donc  les  juges,  les  adminis- 
trateurs, le  procureur-syndic,  Tévéque,  les  curés,  le  président  du  tribu- 
nal criminel,  Taccusateur  public,  etc.  Les  opérations  de  cette  assemblée 
électorale  durèrent  longtemps,  du  18  novembre  1790  au  i5  juin  1791. 
Elle  élut  comme  juges  des  tribunaux  des  six  arrondissements  judiciaires  : 
Freteau,  Merlin  de  Douai,  Adrien  Du  Port,  Thouret,  Target,  Treil- 
hard.  Le  Peletier  Saint-Fargeau,  Lefèvre  d'Ormesson,  Tronchet,  Gar- 
ran  de  Goulon,  Hérault  de  Séchelles,  Voidel,  etc.;  —  pour  administra- 
teurs du  département  de  Paris  :  Kersaint,  Cerutti,  Lacépède,  Alex,  de  La 
Rochefoucauld,  Talleyrand,  Mirabeau,  Thouin,  Danton,  Sieyes,  Alex. 
Lameth,  Jussieu;  —  pour  procureur-général  syndic,  Pastoret  ;  —  pour 
évéque,  Gobel  ;  —  pour  membres  du  tribunal  criminel,  Petion,  prési- 
dent, Buzot,  substitut,  Robespierre,  accusateur  public.  Tels  furent  les 
travaux  de  cette  assemblée  électorale  qui  se  retira  le  16  juin  1791  devant 
une  autre  assemblée  électorale  chargée  de  nommer  les  députés  de  la 
Législative.  On  ne  les  connaissait  pas  dans  le  détail.  Grâce  à  M.  Cha- 
ravay,  on  les  connaîtra  désormais  jusque  dans  leurs  moindres  particu- 
larités. L'excellent  éditeur,  dont  on  ne  saurait  trop  louer  le  soin  et  le 
savoir,  a  divisé  sa  publication  en  trois  parties  :  i»  il  résume  en  un  pré* 
cis  historique  les  faits  qui  ont  précédé  l'assemblée  électorale  et  ceux  qui 
se  sont  accomplis  pendant  les  diverses  sessions  de  cette  assemblée  (Pré- 
face, p.  vii-XLvi)  ;  2°  il  donne  la  liste  des  électeurs  du  département  de 
Paris  en  1790  (p.  1-90);  cette  liste  est  donnée  avec  une  patience  minu- 
tieuse; elle  est  plus  exacte,  plus  complète  que  toutes  celles  connues 
jusqu'ici,  et  l'on  peut  affirmer  hardiment  que  les  contemporains  eux- 
mêmes  n'en  ont  pas  possédé  une  semblable.  On  y  trouve,  en  effet,  ran- 
gés par  sections  et  selon  le  nombre  des  voix  obtenues,  les  noms  des 
électeurs,  avec  leurs  prénoms,  qualités,  âge  et  demeure,  tels  que  les 
fournissent  les  documents  officiels,  et,  au-dessous  de  chaque  nom,  en 
petits  caractères,  des  renseignements  biographiques  sur  chaque  person- 
nage. Ces  informations  ont  été  puisées  par  M.  Ch.  dans  des  documents 
de  toute  sorte,  particulièrement  dans  les  almanachs.  Date  et  lieu  de 
naissance  et  de  mort,   fonctions  exercées  pendant,  avant  et  après  la 
Révolution,  grade  dans  la  garde  nationale,  réélection  en  1791,  en  1792 
et  en  1796,  inscription  sur  la  liste  des  notables  après  le  18  brumaire, 
ainsi  qu'à  la  société  des  Amis  de  la  Constitution  et  aux  loges  maçonni- 
ques, M.  Ch.  n'oublie  aucune  indication,  et  plus  d'un  de  ces  électeurs, 
s'il  revenait  au  monde,  serait  bien  étonné  et  confus  de  tout  l'honneur 
que  lui  tait  le  présent  volume;  3°  à  la  suite  de  cette  liste,  qui  permet 
de  comprendre  les  choix  des  assemblées  primaires  parisiennes  de  1790, 
viennent  les  procès-verbaux  de  l'assemblée  électorale.  Ces  protocoles 
comprennent  non  seulement  les  scrutins  innombrables  que  nécessita  la 
nomination  des  divers  fonctionnaires,  mais  les  discussions,  les  com- 


476  REVUE    CRITIQUE 

pliments  du  président  aux  élus  et  la  réponse  de  ces  derniers,  les  haran- 
gues des  délégués,  etc.,  M.  G.  les  publie  d'après  les  originaux  conservés 
aux  archives  nationales.  En  outre,  il  les  annote,  éclairant  les  faits 
qu'ils  mentionnent,  rétablissant  l'orthographe  des  noms  propres  —  il  y 
en  a  plus  de  douze  cents  —  indiquant  avec  brièveté  ce  qu'étaient  et  ce 
que  devinrent  tant  de  personnages.  —  Une  table  analytique,  bien  utile 
et  bien  précieuse,  réunit  comme  en  un  faisceau  toutes  les  indications  et 
notes  éparses  dans  le  volume,  et,  par  exemple,  on  y  a  imprimé  en  ita- 
lique les  noms  de  tous  les  électeurs,  —  Cette  simple  analyse  suffit  à 
montrer  que  la  publication  de  M.  C.  fournit  aux  historiens  de  Paris  et 
de  la  Révolution  un  indispensable  document.  Grâce  à  elle,  on  peut 
reconstituer  la  physionomie  de  cette  assemblée  électorale  où  eut  lieu 
la  première  manifestation  de  la  vie  politique  à  Paris.  Mais  ce  qu'il  faut 
surtout  remarquer  et  applaudir,  c'est  l'exactitude,  la  clarté,  l'abondance 
de  l'annotation.  M.  Charavay  a  rassemblé  dans  son  commentaire  his- 
torique et  biographique  une  quantité  presque  incroyable  de  renseigne- 
ments, pour  la  plupart  inédits,  sur  les  hommes  et  les  choses  de  la  Révo- 
lution. Nous  ne  citerons  que  pour  mémoire  tout  ce  qu'il  nous  apprend 
sur  les  débuts  de  Danton,  électeur  de  la  section  du  Théâtre-Français, 
scrutateur  du  quatrième  bureau,  secrétaire  du  troisième,  obtenant  des 
voix  pour  la  présidence  de  l'assemblée  et  pour  le  secrétariat  général,  e 
obtenant  encore  comme  procureur  général  syndic  et  comme  substitut 
de  l'accusateur  public,  élu  enfin  vingt-deuxième  administrateur  du  dé 
partement  par  cent  quarante-quatre  voix  et  remerciant  l'assemblée 
assurant  qu'il  saura  «  allier  aux  élans  d'un  patriotisme  bouillant  l'esprit^ 
de  modération  nécessaire,  quels  que  doivent  être  le  flux  et  le  reflux 
d'opinion  sur  sa  vie  publique  »  (p.  437).  Bref,  ce  recueil  fait  honneur 
à  la  collection  des  documents  révolutionnaires  relatifs  à  Thistoire  de 
Paris  ;  il  faut  souhaiter  que  tous  les  volumes  de  cette  série  lui  ressemblent 
et  que  leurs  éditeurs  y  mettent  autant  de  conscience  et  de  science. 

A.  Ch. 


f 


267.  —  LudAVÎg  XVI  und  lUarie  ^%i)toinette  auf  (1er  Flucht  iiacli 
Muntinedy  l"JîJl,aus  dem  Nachiasse  des  Freiherrn  Ernst  von  Stockmar  hrsg. 
von  Emil  Daniels.   Berlin,  Hertz,  i8go.  In-S,  iv  et  162  p.  4  mark. 

Ce  récit  se  lit  avec  intérêt.  L'auteur,  Ernest  de  Stockmar,  avait  du 
goût  et  connaissait  bien  son  sujet;  il  a  lu  à  peu  près  toute  la  littérature 
qu'a  inspirée  la  fameuse  fuite  à  'Varennes,  et  il  a  su  rendre  sa  narration 
attachante.  Il  la  divise  de  la  façon  suivante,  comme  une  sorte  de  petit 
roman  :  i"  La  famille  royale  à  Paris  et  les  premières  pensées  de  fuite; 
2°  Entente  avec  Bouille;  3°  Négociations  de  la  reine  avec  Léopold  sur 
l'intervention  autrichienne  —  trop  long  et  assez  inutile;  — 4°  Les  détails 
de  la  fuite  fixée  entre  Paris  et  Metz  ;  5°  Les  derniers  mois  avant  la  fuite; 
le  20  juin  fixé  comme  date  de  départ;  6°  L'évasion  hors  la  ville;  7"  De 


d''hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  477 

Bondy  à  Pont-de-Sommevesle  ;  8°  Pont  de  Sommevesie;  9°  Sainte- 
Menehouldà  Clermont;  lo^  État  de  l'armée;  1 1<^  Varennes;  12°  Bouille 
devant  Varennes  ;  i3°  Le  retour  de  Varennes  jusqu'à  la  rencontre  des 
députes;  14"  Le  retour  jusqu'à  Tentrée  à  Paris.  —  Quelques  noms  sont 
mal  transcrits  :  Poni-dQ-Som77ievelle  pour  Sommevesie;  Bayou  pour 
Bayon  ;  Choiseiiil  pour  Choiseul.  Il  y  a  aussi  des  erreurs  et  des  lacunes. 
Bayon  était  chef  de  bataillon  et  non  capitaine  (p.  83).  Ni  d'Hoffelize, 
ni  Klinglin,  ni  Heymann  (et  non  Heyman)  ne  sont  des  «  Germanen  »; 
d'Hoffelize  est  Lorrain,  et  Klinglin  et  Heymann  sont  Alsaciens 
(p.  i3i).  Le  rôle  de  Dumas,  qui  n'appartenait  pas  à  PAssemblée, 
n^est  pas  suffisamment  expliqué  (p.  iqS).  L'attitude  de  Guilhermy 
qui,  seul  à  Paris,  leva  son  chapeau  sur  le  passage  du  roi,  n'est  pas  men- 
tionnée (p.  160;.  A  remarquer  la  page  i53,  où  M.  de  Stockmar,  moins 
sévère  pour  Pétion  que  ses  devanciers,  prétend  que  «  le  Constituant  et 
M"i*   Elisabeth  exercèrent  Tun  sur  l'autre  une  certaine  attraction  «  et 

qu'il  naquit  entre  eux  une  «  bizarre  amitié  ». 

A.  G 


268.  —  René   Fage.    ï^e    diocèse  de  It»  CTorrèze   pendant    la    Révolution, 

1791-1801.  Tulle,  Crauffon,   1890.  Ia-8,   112  p. 

La  déchéance  de  Ms^  de  Rafélis  de  Saint-Sauveur  qui  refuse  le  ser- 
ment, et  l'élection  de  Tabbé  Brival,  tels  sont  les  premiers  faits  que  nous 
retrace  M.  Fage,  d'après  les  documents  des  archives  de  la  Corrèze. 
(p.  1-32).  Il  expose  ensuite  les  destinées  de  Téglise  de  Tulle,  sous  la 
direction  de  Brival  et  pendant  la  Terreur,  en  reproduisant  un  document 
de  très  grande  importance  intitulé  Réponses  aux  questions  faites  par 
(révéque  Grégoire)  relativement  à  l'histoire  de  l'Eglise  gallicane  (p.  39- 
102).  Ce  document,  divisé  en  trente  et  un  chapitres  ou  réponses,  paraît 
^  écrit  par  un  prêtre  constitutionnel,  assez  impartial  d'ailleurs,  et  sincère, 
car,  s'il  est  favorable  à  l'évêque  Brival,  il  n'omet  pas  les  défauts  du 
clergé  assermenté.  On  y  trouve  des  récits  minutieusement  détaillés,  des 
renseignements  très  précis,  des  indications  statistiques  sur  le  clergé  et 
sur  rétat  moral  du  pays;  bref,  c'est,  comme  dit  M.  F.,  une  «  déposition 
de  premier  ordre  ».  Ce  bon  et  sérieux  travail  se  termine  par  quelques 
détails  sur  le  sort  ultérieur  de  Brival  et  sur  l'état  des  esprits  jusqu'à  la 
suppression  du  diocèse  de  la  Corrèze;  M.  Fage  a  tiré  la  plupart  de  ces 
particularités  des  Souvenirs  de  Verneilh-Puiraseau  et  de  l'Histoire  du 
département  de  la  Corrèze  de  M.  de  Seilhac. 

G. 

269.  —  Essais    historiques.  M.a    Suisse  sous   le  pacte  de  ]Slî>,  par  Ber- 

thold  van  Muyden.  181  3  à  rSSo.  Lausanne,  F,  Rouge,  1890,  xxui  ei  596  pp.,  in-8. 

Ce  sont  les  origines  politiques  de  la  Suisse  contemporaine  que  M.  B. 
van  Muyden  a  entrepris,  dans  son  livre,  d'étudier  et  de  faire  connaître  au 


47^  REVUE    CRITIQUE 

grand  public  qui  en  ignore  généralement  le  détail.  La  situation  faite  à 
la  Suisse  par  l'acte  de  médiation  de  i8o3,  la  longue  et  difficile  élabora- 
tion du  Pacte  de  i8i  5,  le  congres  de  Vienne  et  ses  conséquences  pour  la 
Suisse,  l'influence  de  la  Restauration  sur  le  régime  des  cantons,  les  trai- 
tés commerciaux  et  autres  avec  diverses  puissances,  l'organisation  mili- 
taire et  delà  défense  nationale  de  i8i5  à  1881 ,  le  mouvement  religieux 
connu  sous  le  nom  de  «  Réveil  »  et  une  histoire  des  capitulations  mili- 
taires de  i8o3  à  i85o;  tels  sont  les  principaux  points  que  M.  van  Muy- 
den  avait  à  nous  exposer.  Son  livre,  comme  il  a  la  modestie  de  le  recon- 
naître lui-même,  se  présente  plutôt  comme  une  suite  de  monographies 
qui  pourraient  être  isolées  sans  inconvénient  et,  ajoutons-le,  sans  rien 
perdre  de  leur  valeur  et  de  leur  intérêt.  Toutefois,  l'auteur  a  su  enchaî- 
ner très  suffisamment  ces  chapitres  Fun  à  l'autre  et  composer  ainsi  un 
livre  qui  est,  en  somme,  un  bon  résumé  de  l'histoire  civile  et  militaire  et 
du  droit  public  de  la  Suisse  à  une  époque  agitée  et  féconde  en  idées, 
bonnes  et  mauvaises,  qui  ont  fait  de  la  Suisse  du  Pacte  de  1 8 1 5  la  Suisse 
qui  vit  et  se  développe  sous  nos  yeux. 

M.  van  Muyden  est  un  Suisse  convaincu,  grand  admirateur  des  ins- 
titutions de  sa  libre  patrie  et  fervent  adepte  du  régime  démocratique. 
Il  considère  comme  un  avantage  très  appréciable  pour  son  pays  d'avoir 
conservé  en  les  transformant,  selon  les  besoins  du  jour,  les  institutions 
républicaines  léguées  par  le  moyen  âge,  et  il  conclut  que,  «  sous  des  for- 
mes démocratiques  et  libérales,  le  peuple  suisse  est  essentiellemeut  con- 
servateur ».  Il  défend  avec  énergie  la  neutralité  de  la  Suisse  dont  il  explique 
fort  bien  les  conditions  et  les  exigences.  Son  patriotisme  très  vif  ne  l'em- 
pêche pas  de  discuter  avec  calm*e  et  impartialité  certaines  questions  qui 
ont  beaucoup  agité  nos  voisins,  notamment  la  neutralité  de  la  Savoie, 
et  de  les  trancher  dans  le  sens  de  la  modération. 

L'information  de  M.  van  Muyden  paraît  excellente  et  fort  complète. 
Il  connaît  par  le  menu  la  littérature  historique  imprimée  de  l'époque 
dont  il  s'occupe  ;  il  s'est  servi  aussi  de  documents  inédits  et  rien  d'im- 
portant n'a  dû  échapper  à  son  enquête  méthodique.  Son  livre  sera  cer- 
tainement le  bien  venu  auprès  de  tous  les  amis  des  études  historiques  et 
fait  très  favorablement  augurer  d'une  seconde  série  d'études  analogues 
qu'il  compte  publier  sur  la  Suisse  de  i83o  à  1848. 

F. 

CHRONIQUE 

FRANCE.  —  La  3«  livraison  du  t.  VII  de  la  Bibliographie  contemporaine.  Histoire 
littéraire  du  xix^  siècle,  par  Ant.  Laporte,  qui  vient  de  paraître  à  la  librairie  Bouillon  j 
est  presque  tout  entière  occupée  par  le  commencement  du  long  article  consacre  à 
Victor  Hugo.  11  y  faut  signaler  en  outre  les  articles  Houssaye  (Henry)  et  Hovelacque 
(Abel). 

—  M.  L.  GuÉRARD  publie  un  travail  sur  les  Lettres  de  Grégoire  II  a  Léon  risaurieni 


d'histoire    et    de    LITTÉRATURB  479 

Rome,  1890,  19  pp.  (Extrait  des  Mélanges ^de  l'École  de  Rome,  t.  X),  C'est  une 
démonstration  complète  de  la  fausseté  de  ces  pièces  composées  à  la  fin  du  vw«  s,  ou 
au  milieu  du  ix^  s.  On  n'avait  jusqu'ici  sur  cette  question  que  des  données  très 
vagues.  M.  Guérard,  qui  a  vu  les  mss.  de  Turin,  Vienne,  Rome  et  Paris,  a  précisé  ce 
qu'on  peut  savoir  à  ce  sujet.  Peut-être  regreltera-t-on  qu'il  n'ait  pas  jugé  à  propos  de 
donner,  d'après  les  nouvelles  collations  faites  par  lui,  une  édition  critique  définitive. 

ALLEMAGNE.  —  La  librairie  Calvary  met  en  vente  le  deuxième  fascicule  du 
second  volume  de  la  4*  édition  maior  d'Horace  (pp.  161-320;  Hor.  Sat.  II,  2.  —  Ep. 
I,  2,  26).  Nous  reviendrons  prochainement  sur  cette  publication. 

—  Sous  le  Mre  de  Handbuch  des  oeffentlichen  Rechts  der  Gegenwart  in  Monogra- 
phien{Fv\h.  i.,  B.  Mohr),  le  d''  Heinrich  Marquardsen  a  entrepris,  avec  la  collabora- 
tion des  spécialistes  les  plus  autorisés,  une  série  de  monographies  contenant  l'exposé 
systématique  du  droit  public  des  états  modernes.  Cette  publication  est  très  active- 
ment conduite  et  rendra  aux  jurisconsultes,  aux  hommes  politiques  et  en  général,  à 
tous  les  hommes  cultivés,  de  très  grands  services.  Nous  pouvons  citer,  parmi  les  volu- 
mes parus,  ceux  qui  sont  consacrés  au  Danemark,  à  l'Italie,  au  Portugal,  à  l'Espa- 
gne, à  la  Bavière,  à  l'Autriche-Hongrie,  à  la  Suisse,  à  la  Finlande,  à  la  Russie,  à  la 
France  (par  M.  Lebon).  Une  introduction  historique,  sobre  et  très  nourrie,  précède, 
dans  chaque  volume,  l'exposé  du  droit  moderne. 

—  M.  Philippe  Strauch,  professeur  de  philologie  allemande  à  l'Université  de  Tu- 
bingue,  a  fait  tirer  à  part  et  nous  envoie  l'utile  et  excellente  bibliographie  qu'il  pu- 
blie une  fois  par  an  dans  la  Zeitschrifl  fur  deiitsches  Alterthum.  Ce  Ver:[eichniss  des 
publications  scientifiques  parues  sur  le  domaine  de  la  littérature  allemande  moderne 
en  l'an  1888,  rendra  de  grands  services;  il  est  à  la  fois  complet  et  bien  disposé. 

ANGLETERRE.  —  Un  ouvrage  très  important  vient  de  paraître  à  Edimbourg, 
chez  David  Douglas  :  George  Buchanan  humanist  and  reformer,  a  biography  by 
P.  Hume  Brown  (in-8''  de  xvii-388  p.).  Le  volume,  très  bien  imprimé  sur  beau  pa- 
pier et  revêtu  d'un  élégant  cartonnage  dont  nos  éditeurs  devraient  bien  adopter  l'u- 
sage, est  orné  d'un  beau  portrait  de  Buchanan  et  du  fac-similé  de  sa  signature. 
L'ouvrage,  divisé  en  vingt  chapitres,  est  complété  par  quatre  appendices  où  sont 
résumés  de  curieux  documents,  les  uns  rares,  les  autres  inédits,  et  par  un  index  ana- 
lytique fait  avec  beaucoup  de  soin.  Le  livre  tout  entier  est  composé  avec  le  même 
soin  :  les  recherches  de  l'auteur,  tant  en  France  qu'en  Angleterre,  ont  été  très  appro- 
fondies. Aussi  la  vie  si  tourmentée  de  Buchanan  n'y  est-elle  pas  racontée  avec  moins 
d'exactitude  que  de  talent  et  cette  monographie  sera-t-elle  mise  par  les  bons  juges 
à  côté  du  Casaubon  et  du  Dolet  si  appréciés  des  deux  côtés  du  détroit.  Ce  qui,  outre 
le  mérite  du  biographe,  doit  recommander  particulièrement  son  livre  à  la  sympa- 
thique attention  des  érudits  français,  c'est  que  Buchanan  fut,  par  son  séjour  sur 
notre  sol  et  par  ses  relations,  un  demi-Français  et  qu'il  regarda  toujours  la  France 
comme  une  autre  patrie. 

DANEMARK.  —  M.  P.  Andr^  vient  de  faire  paraître  le  troisième  volume  de  son 
étude  sur  la  voie  Appienne  :  Via  Appia,  dens  Historié  og  Mindesmcerker  III  (Co- 
penhague, 1889,  200pp.  in-So);  il  se  rapporte  à  la  partie  de  la  voie  située  sur  le  terri- 
toire d'Albano,  et  en  particulier  à  la  villa  de  P.  Clodius  Pulcher,  à  celle  de  Pompée,  à  l'i- 
dentification des  ruines  éparses  dans  la  villa  Doria  actuelle,  à  la  villa  de  Domitien,  etc. 
Dans  l'appendice  bibliographique  qui  termine  ce  volume  nous  relevons  l'omission  du 
remarquable  ouvrage  de  G.  Tomassetti,  Délia  campagna  romana  nel  medio  evo,  qui 
renferme  plus  d'une  indication  précieuse  pour  la  topographie  de  l'ancienne  voie  Ap- 
pienne. M.  P.  Andrae  est  d'ailleurs  au  courant  de  la  bibliographie  et  des  fouilles  ;  ses 
recherches  topographiques  résument  avec  clarté  l'ensemble  de  nos  connaissances  sur 
l'histoire  de  la  regina  viarum. 


480 


REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 

Séance  du  6 Juin  18 go. 

M.  Wallon,  secrétaire  perpétuel,  donne  de  bonnes  nouvelles  delà  santé  de  M.  Hau- 
réau,  soulVrant  depuis  quelques  jours. 

M.  le  lieutenant  F.spérandieu  adresse  à  l'Académie  la  copie  de  plusieurs  inscrip- 
tions inédiles,  relevées  en  Tunisie  par  M.  le  sous-lieutenant  Denis,  du  3°  bataillon 
d'infanterie  léijère  d'Afrique. 

i\l.  l'abbé  Duchcsne  lit,  au  nom  de  M.  F'élix  Robiou,  correspondant  de  l'Académie, 
une  note  sur  Li  Qjiestion  de  l'avcnement  de  Sargon.  M.  Robiou  compare  les  divers 
textes,  bibliques  et  ass)riens,  relatifs  à  la  prise  de  Samarie  :  (il  arrive  à  cette  con- 
clusion qu'il  faut  distini;uer  deux  rois  différents,  Salmanasar  et  Sargon,  dont  le  pre- 
mier comniença  les  travaux  du  biège  et  le  second  prit  la  ville. 

M.  Opperi  présente  quelques  observations  sur  cette  lecture.  Le  livre  de  Tobie  ne 
saurait  être  cité  comme  une  source  historique.  Personne,  ajoute-t-il,  ne  saurait  plus 
soutenir  l'identité  de  Saimanassar  et  de  ^sargon  :  une  inscription  historique,  dont 
M.  Upperta  lui-même  donné  la  traduction,  nous  apprend  que  Sargon  monta  sur  le 
trône  deux  mois  après  la  mort  de  Saimanassar.  On  sait  aussi,  par  le  même  document, 
que  Samarie  fut  prise  par  Saimanassar  et  non  par  Sargon,  et  que  ce  dernier  fut,  en 
réalité,  vaincu  dans  plusieurs  batailles  où  il  prétendait  avoir  remporté  la  victoire. 

M.  Maspero  annonce  que  la  commission  chargée  de  juger  le  concoursStanislas  .lu- 
lien  a  décerné  le  prix  à  M.  Abel  des  Michels,  professeur  à  l'cole  des  langues  orien- 
tales vivantes,  pour  ses  Annales  impériales  de  VAnnam.  Les  nombreux  travaux  du 
savant  professeur  et  l'activité  dont  ils  témoignent  donnent  l'espoir  qu'il  saura  mener 
à  bonne  tin  cette  œuvre  importante. 

M.  Menant  lit  une  note  sur  le  nom  de  la  ville  de  Kar-Kemis,  capitale  de  l'empire 
hétéen.  Il  explique  ce  nom  comme  un  composé  de  deux  termes  : 

i"  Kar,  qui  signifie  «  forteresse  »  et  qu'on  retrouve  dans  le  nom  de  plusieurs 
villes  d'Asies,  Kar-Nabu,  Kar-Sin,  Kar-Istar,  etc.; 

■z"  Kamos,  nom  d'un  dieu  dont  le  culte  était  répandu  en  Syrie  et  en  Asie  Mineure. 

Cette  étymologie  est  confirmée  par  une  inscription  découverte  à  Jérablus,  c'est-à- 
dire  sur  l'emplacement  même  de  Kar-Kemis. 

Ouvrage  présentés  :  —  par  M.  de  Barthélémy  :  i»  Lecoy  de  la  Marche  (A.),  VArt 
d'enluminer;  2"  C.harrncey  (le  comte  de),  Etude  sur  la  langue  tnam;  3"  Cartulairc 
de  l'abbaye  de  N.-D.  de  la  Trappe,  publié  par  le  comte  de  Charencey  ;  — par 
M.  Croiseï  ;  Denvs  d'Halicaunasse,  jugement  sur  Lysias,  texte  et  traduction,  etc. 
par  A. -M.  ûesrousseaux  et  Max  Egger  ;  —  par  M.  Vioiict  :  Textes  de  droit  romain, 
publiés  par  Girard;  —  par  M.  Héron  de  Villcfosse  :  Coupajod  (Louis),  Eugène 
Piot  et  les  objets  d'art  légués  au  musée  du  Louvre  (extrait  de  la  Ga^^ette  des  beaux- 
arts);  —  par  M.  Deloche  :  Ohapeyron  (Ludovic),  l'Œuvre  géographique  du  prince 
de  Bismarck  (extrait  de  la  Revue  de  géographie);  —  par  M.  Delisle  :  i"  L'Ars  )ni- 
nor  de  Donat.  Traduction  française,  reproduite  en  fac-similé,  d'après  l'incunable 
unique  de  la  bibliothèque  de  l'université  d'Utrecht,  etc.,  par  Léon  Dorez;  2"  Robi- 
QUET  (Ch.l,  Le  personnel  municipal  de  Paris  pendant  la  Révolution  ;  —  par  M.  Wal- 
lon :  Chapellier  (J.-Ch.).  Etude  historique  et  géographique  sur  Domremy,  pays  de 
Jeanne  d'Arc.  Julien  Havet. 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 

Séances  des  21  et  28  mai  18 go. 

M.  Babelon  communique  une  monnaie  d'argent  d'Histiaea  (Eubée)  représentant 
la  nymphe  Hisiiaea  accompagnée  de  son  nom  assise  sur  une  proue  de  navire.  Il  fait 
ensuite  une  communication  ayant  pour  but  d'expliquer  le  type  d'Apollon  assis  sur 
l'omphalos  qui  paraît  sur  les  monnaies  des  rois  de  Syrie. 

M.  Courajod  annonce  que  les  revendications  que  la  sociétédes  AntiquairesdeFrance 
n'a  jamais  cessé  d'exercer  au  sujet  des  objets  détournés  de  l'ancien  musée  des  mo- 
numents français  et  désaffectés  si  malheureusement  après  18 16  commencent  a  pro- 
duire leur  effet.  La  vierge  en  terre  cuite  de  Germain  Filon,  autrefois  à  la  Sainte  Cha- 
pelle, égarée  longtemps  à  St-Cyr,  vient  de  rentrer  au  Louvre  ainsi  que  la  vierge  en 
marbre  qui  décorait  autrefois  la  Chapelle  du  Château  d'Lcouen  et  qui  était  déposée 
depuis  la  Restauration  dans  la  sacristie  de  la  paroisse  de  Notre-Dame  de  Versailles. 
C'est  le  commencement  de  la  reconstitution  du  Musée  des  monuments  français. 

M.  l'abbé  Millard  envoie  une  note  sur  deux  bornes  situées  dans  le  canton  de  Mont- 
mirail  (Marne)  et  qui  portent  une  figure  sculptée  de  la  vierge  avec  l'enfant  Jésus  avec 
l'inscription  LeVal  Dieu  en  caractères  gothiques.  Ce  sont  des  bornes  de  propriété  de 
l'ancien  prieuré  du  Val  Dieu  situé  dans  le  voisinage  et  fondé  par  Blanche  de  Navarre. 

M.  Courajod  au  moyen  de  divers  rapprochements  avec  la  porte  de  bronze  de  la  Basi- 
lique de  St-Pierre  de  Rome  et  s'appuyant  sur  d'autres  comparaisons,  démontre  que  le 
bas  relief  de  bronze  conservé  dans  la  salle  de  Michel  Ange  au  Musée  du  Louvre  est  un 
ouvrage  de  Filarete.  ^,T,r 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  iuy,  imprimerie  Marchessou  Jils,  boulevard  Saint-Laurent,  a3. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 


N"  25  -  23  juin  —  1890 


Sommaire  :  270.  Delitzsch  et  Haupt,  Contributions  à  l'assyriologie.  —  271. 
ScHRADER,  Bibliothèque  cunéiforme,  —  272-273.  Winckler,  La  table  d'EI- 
Amaina  ;  Recherches  d'histoire  babylonienne.  —  274.  Jensen,  Cosmologie  des 
Babyloniens.  —  275.  Catulle,  manuscrit  de  S.  Germain  des  Prés.  —  276.  Riezler, 
Histoire  de  Bavière,  m.  —  277-279.  Pellechet,  Les  dialogues  de  Heyden,  L'im- 
primeur Georges  Serre;  Les  incunables  de  Versailles.  —  280.  Neri,  De  mini- 
mis.  —  281.  Kronenberg,  La  philosophie  de  Herder.  —  282,  Carducci,  œuvres, 
i-iv.  —  283.  Mémoires  du  duc  des  Cars.  —  284.  Vasili,  La  Sainte  Russie.  — 
Chronique. 


270.  —  Beitrsege  zui*  AssyrSologte  und  verglelclienden  semitlsclien 
Sprach^vîssenschaft,  herausgegeben  von  Friedrich  Delitzsch  und  Pauj 
Haupt.  Mit  Unterstûtzung  der  John  Hapkins  Universitaet  zu  Baltimore.  Erster 
Band  Heft  L  Leipzig  J.  C.  Hinrichs'sche  Buchhandlung,  1889. 

271.  —  Kelleclïi-îftUclie  Bibliothek  Saminlang  von  assyrischen  und  baby- 
lonischen  Textten  in  Umschrift  und  Ubcrseizung.  In  Verbindung  mit  Dr.  L. 
Abel,  Dr.  C.  Bezold,  Dr.  P.  Jensen,  Dr.  F.  E.  Peiser,  Dr.  H.  Winckler  herausge- 
geben von  Eberhard  Schrader.  Band  l.  Mit  Chronologischen  Beigaben  und  einer 
Karte  von  H.  Kiepert.  —  Band  H.  Mit  Chronolog.  Beigaben  des  Herausgebers 
und  einer  Karte  von  H.  Kiepert. 

272.  —  Kœnigliche  Museen  jj'k  Berlin.  JUitilieilungen  aus  dei*  oi-lentalis- 
chen  Sammlungen.  Heft  I  Der  Thontafelfund  von  Et-Amarna,  herausgege- 
ben von  Hugo  Winckler.  Nach  den  Originalen  autographirt  von  Ludwig  AbeL 
Berlin,  W.  Spemann,  i88g. 

273.  —  Untersuchungen  zur  altorientaliscben  Gescliichte  von  Hugo 
Winckler.  Leipzig,  1890. 

274.  —  Oie  Ko^mologie  der  Babylonier.  Studien  und  Materialien  von  P. 
Jensen.  Mit  einem  mythologischen  Anhang  und  3  Karten.  Strassburg.  Verlag  von 
Karl.  J.  Trûbner,  1890. 

Les  livres  qui  précèdent  sont  les  plus  récents  parmi  les  travaux  assy- 
riologiques  que  je  me  propose  d'annoncer  aux  lecteurs  de  cette  Revue  et 
pour  la  plus  grande  partie  desquels  je  suis  très  en  retard.  Le  médiocre 
intérêt  dont  cette  importante  branche  de  l'orientalisme  semble  jouir  en 
France  rend  presque  inutiles  les  recensions  particulières  et  quelque  peu 
étendues  de  ces  sortes  d'ouvrages  au  moment  de  leur  publication.  Une 
revue  d'ensemble  convient  beaucoup  mieux  à  l'état  actuel  des  esprits. 

I.  Les  Beitrage  \ur  Assyriologie,  etc.,  comprennent  quinze  articles 
et  travaux  de  haute  érudition  dans  le  domaine  assyro-sémitique,  dus  en 
grande  partie  à  la  plume  autorisée  des  savants  éditeurs,  MM.  Friedrich 
Delitzsch  et  Paul  Haupt.  M.  Delitzsch  offre  sous  le  n°  8  une  étude  ma- 
gistrale sur  la  littérature  épistolaire  assyro-babylonienne,  qui  laisse  bien 
Nouvelle  série,  XXIX.  23 


482  REVUE   CRITIQUE 

en  arrière  tous  les  essais  faits  antérieurement  dans  ce  domaine  épineux. 
Grâce  à  son  commentaire  serré,  mais  lucide,  nous  commençons  à  voir 
clair  dans  ces  compositions  laconiques  où  le  sens  de  l'ensemble  dépend 
parfois  d^une  nuance  délicate  d'une  forme  verbale.  Au  point  de  vue  de 
la  lexicologie  assyrienne,  celte  étude  de  64  pages  (de  184  a  248)  est  d'une 
valeur  inestimable.  J'en  signalerai  :  abîtu  «  sentence  (Bescheid)  »,  hamu 
«  se  tranquilliser  »,  apil  shipri  «  ange  »,  nahasu  «  aller  rapidement  », 
rab-kicir  «  chef  de  division  »,  lu-gur-^ag  ■=  niutîr  pûtî  «  garde  de 
corps  »,  bid  =  bûd  «  comme  »,  a-\u  =  asû  «  médecin  »,  mashmashu 
«  conjurateur  »,  ishshiari  =  ina  shidri  «  le  plus  tôt  possible,  aussitôt 
que  possible  »,  shûtu  =  shu  «  lui,  il  ■»,  gabru  =  mahirii  «  équivalent  », 
nenialu,  Jiemelu  «  pleine  satisfaction  »,  enna  «  voici  (siehe!)  »,  kallu  = 
qallu  =  gallu  «  serviteur,  soldat  » ,  shiihmucu  «  violenter,  violer  »,  issuri= 
ina  sun'i  =^  surru  «  si  ».  Le  sens  vrai  de  car  (cir)pamtum  me  semble 
toujours  être  «  argentée,  pure  »,  de  carpii  «  argent  »,  l'orthographe  ^îr- 
bamtum  «  créatrice  de  semence  »  est  artificielle.  Sous  la  forme  mépri- 
sante Sukkôt-benôt  (Rois,  II,  xvit,  3o)  «  tentes-filles  »,  l'auteur  hébreu 
a  pensé  à  Zari  «  tentes  »  et  banât  «  filles  ».  L'expression  lu  shulmu 
adannish  répond  à  l'hébreu  schalom  rab.  La  forme  ishakkanga  ne  serait- 
elle  pas  simplement  ]po\xx  ishakkanka^comvao.  dans  les  tablettes  d'Egypte? 
Le  rapprochement  de  nimalu  et  de  Thébreu  mah'mal  me  paraît  bien 
douteux. 

M.  Delitzsch  donne  encore  la  transcription  phonétique  et  la  traduction 
d'un  texte  archaïque  de  Siniddinam,  rédigé  en  système  allô  graphique. 
Il  en  réserve  le  commentaire  pour  plus  tard;  en  attendant,  il  remarque 
non  sans  ironie  à  l'adresse  àes  suméristes  désappointés  que  leurs  mena- 
ces de  démolir  les  arguments  antisumériens  du  paragraphe  25  de  sa  Gram- 
maire assyrienne  ne  le  troublent  guère.  Il  va  sans  dire  que  transcription 
et  traduction  sont  excellentes.  Seulement  je  ne  m'explique  pas  pourquoi 
il  maintient  la  forme  inexacte  Duii\i  au  lieu  de  Tum'u^i  qui  est  ga- 
ranti par  l'hébreu  Tammûz. 

Dans  le  domaine  de  la  phonétique  assyrienne,  M.  Paul  Haupt  s'est 
fait  une  spécialité  presque  inaccessible  aux  autres.  Doué  d'un  esprit  fin 
et  scrutateur,  il  dissèque,  pèse  et  analyse  les  entités  vocaliques  que  l'on 
estimait  indivisibles  et  inpondérables.  Son  article  sur  les  semi-voyelles  u 
et  /  (p,  293-300)  complète  une  riche  série  d'études  analogues  publiées 
antérieurement  par  lui.  Pour  la  grammaire  assyrienne,  nous  signalerons 
deux  travaux  remarquables,  l'un  sur  le  suffixe  nominal  na  en  assyrien 
(p.  1-20),  l'autre  sur  la  théorie  nominale  (p.  158-184).  Toutefois  ces  di- 
verses dissertations  ne  lui  font  pas  négliger  sa  grande  édition  de  l'épopée 
babylonienne  dite  de  Istubar,  dont  il  fournit  la  XV*  tablette  revisée,  an- 
notée et  accompagnée  de  ix  planches  (p.  48-79);  de  nouvelles  additions  sui- 
vent un  peu  plus  loin  (p.  94'^  1 52)  et  une  autre  série  de  corrections  et  d'ad- 
ditions vient  aux  pages  3 1 3-329-  La  question  d'orthographe  est  traitée 
dans  un  article  à  part  (p,  249-267).  Les  gourmets  du  phonétisme  et  les  se- 


* 


d'histoire  et  oe  littérature  483 

vères  grammairiens  y  trouveront  une  source  abondante  de  renseignements 
qu'ils  chercheraient  en  vain  ailleurs.  En  dehors  de  ces  études,  Tassyriolo- 
gie  doit  à  M.  Johannès  Jéremias  une  bonne  édition  et  interprétation  de 
la  tablette  cultuelle  de  Sippar  (p.  267-292).  Le  sujet  est  intéressant  et 
l'auteur  le  traite  avec  beaucoup  de  soin.  Un  article  de  M.  Georg  Stein- 
dorff  sur  la  transcription  des  noms  propres  égyptiens  en  écriture  cunéi- 
forme confirme  la  plupart  des  identifications  admises  par  les  assyriolo- 
gues  (p.  3o3-36i);  celle  de  Tushamilki  avec  Psammétique  me  paraît 
inacceptable.  La  variante  Pi-sha-mil-ki  n'en  est  pas  une,  puisque  le 
signe  pi  se  lit  aussi  tu.  Je  persiste  à  croire  qu'il  s'agit  d'un  roi  du  pays 
de  Miiçri,  au  nord  de  la  Syrie  et  non  d'un  roi  d'Egypte  :  les  Lydiens 
n'ont  pas  été  les  alliés  de  Psammétique;  l'histoire  ne  mentionne  comme 
tels  que  les  Ioniens  et  les  Cariens. 

Les  autres  langues  sémitiques  ont  aussi  leur  part  dans  ce  recueil. 
M.  Franz  Praetorius  donne  des  additions  très  suggestives  à  la  grammaire 
et  à  l'étymologie  éthiopiennes  (p.  21-47).  ^^  ^^^^^  quelques  réserves:  me- 
h'era  «  avoir  pitié,  faire  grâce  »  répond  bien  à  l'assyrien  maharii  pris  en 
bon  sens  «  recevoir  favorablement  ».  Le /î  assyrien  représente  toujours  le 
h'â  doux  arabe.  Le  nom  gueken  «  mystère  »,  se  .compare  à  l'arabe  gahila 
f  ignorer  »  :  le  mystère  est  ce  qui  est  ignoré;  à  bic  «  compagnon,  quel- 
ques-uns »,  se  compare  le  néo-hébreu  bâca'  «  s'interposer,  mettre  en  ac- 
cord ».  En  hébreu  èaça*  signifie  entre  autres,  «profiter»,  de  là  beçii'ea  heu- 
reux »;  le  sens  de  «  s'échapper  »  pour  ce  verbe  en  tigré  existe  aussi  en 
iîébreu;  'amaç'a  «  être  injuste,  inique  »  ne  saurait  être  séparé  de  l'hé- 
breu hâmas,  h'âmaç  «  être  inique,  violent  »,  en  assyrien  iishahmaçu  «  ils 
violèrent  ».  —  Le  titre  officiel  hac'ê  a  majesté  »  est  du  même  ordre  que 
les  mots  sémitiques  analogues  môshêl  eishallît'  dont  les  verbes  rnashalu, 
shalafii  signifient,  l'un  «  partager  en  deux  parts  »,  l'autre  «  partager, 
briser  en  général  s  ;  c'est  donc  l'hébreu  hôce.  —  L'hébreu  \êrâ  «  mesu- 
rer »  est  un  dénominatif  de  \eret  «  empan  »  contracté  de  sheT^eret  ■= 
éth.  se:{er ;  dans  le  verbe  la  chuintante  initiale  est  conservée  :  shâ^ar 
«  travailler  avec  la  paume  de  la  main,  tresser,  nouer  ».  Le  verbe  si 
fréquent  h'adaga  «  laisser,  abandonner  »,  doit  être  rapproché  de  l'hé- 
breu h'adal  «  cesser  »  et  transitivement  «  laisser,  abandonner  » . 

Une  notice  de  M.  J.  Flemming  sur  les  œuvres  de  Grotefend  (avec 
portrait)  et  une  liste  d'abréviations  par  M.  Haupt  complètent  ce  recueil, 
remarquable  à  tous  les  points  de  vue.  Les  éditeurs  n'ont  qu'à  poursui- 
vre la  route  tracée  et  nous  donner  le  plus  tôt  possible  un  volume  sem- 
blable. Ils  sont  sûrs  de  la  reconaissance  générale. 

II.  Sous  le  titre  dtKeilschriftliche  Bibliothek,  M.  le  professeur  Eber- 
hard  Schrader,  aidé  de  ses  anciens  élèves,  a  entrepris  une  œuvre  de 
vulgarisation  des  plus  utiles  pour  les  historiens  qui  ne  sont  pas  eux- 
mêmes  des  assyriologues.  Elle  consiste  dans  la  publication  des  textes 
assyro-babyloniens  avec  une  traduction  dépourvue  de  commentaire. 
Deux  volumes  ont  déjà  paru.  Ils  contiennent  les  textes  historiques  de 


484  REVUE   CRITIQUE 

TAssyrie,  run,ceux  deTancien  empire,  l'autre,  ceux  du  nouvel  empire. 
Chaque  volume  est  accompagné  d'une  carte  géographique  déterminant 
rétendue  respective  des  deux  empires.  Comme  toute  œuvre  collective, 
les  traductions  partielles  sont  d'inégale  valeur.  Je  ne  veux  pas  entrer 
dans  une  analyse  minutieuse,  mais  sans  contester  le  caractère  sérieux 
de  l'ensemble,  je  suis  obligé  de  faire  remarquer  que  transcriptions  et  tra- 
ductions laissent  souvent  à  désirer.  En  général,  la  façon  de  rendre  Ve  par 
un  /  surmonté  d'un  trait,  et  celle  de  rendre  l'unique  gutturale  assy- 
rienne par  un  h  joint  au  bas  par  un  demi  cercle,  lettre  destinée  à  re- 
présenter la  fricative  arabe  ha  pointé  =  ch  allemand  (en  français  kh),  ne 
me  pas  semblent  très  heureuses.  Le  pis  est  que  souvent  les  déterminatifs 
aphones  de  l'écriture  cunéiforme  sont  omis,  les  caractères  polyphones 
diversement  transcrits  par  chaque  collaborateur,  sans  avertir  le  lecteur 
de  la  possibilité  d'une  autre  lecture.  Mais  tout  à  fait  blâmable  est  l'ha- 
bitude de  corriger  ou  de  compléter  les  passages  mutilés  sans  un  point 
d'interrogation  comme  si  la  chose  était  absolument  certaine.  Voici  un 
exemple  entre  tant  d'autres  :   La  chronique  babylonienne  col.   vi,   i 

(p.  282)  porte ahi-shullim  (amelu)  tik-en-na  2 ri  ana  Ashshur 

illikuma  ina  Ashshur  diku,  M.  Winckler  complète  la  lacune  [(amelu) 
Gimi\rri  et  traduit  sans  broncher  :  «...  X-ahi-shuUim  der  Beamte.  2 
Die  Kimmerier  fielen  in  Assyrien  ein  und  wurden  in  Assyrien  geschla- 
gen.  »  C'est  de  la  pure  fantaisie  :  l'ethnique  «  Cimmérien  »  est  toujours 
Gimîrrûa  jamais  Gimirri.  La  comparaison  avec  les  autres  passages  qui 
mentionnent  le  tik-en-na  montre  qu'il  n'y  a  qu'une  seule  phrase,  agen- 
cée à  peu  près  comme  il  suit  :  «...  Ahi-shullim  le...  et...,  fils  de  ...r 
sont  allés  en  Assyrie  et  y  moururent.  »  Dans  ces  conditions,  les  histo- 
riens feront  bien  de  se  tenir  sur  leurs  gardes. 

IlL  Le  musée  de  Berlin  a  publié  sous  la  surveillance  de  M.  Winck- 
ler un  fascicule  de  3o  planches  autographiées  par  M.  L.  Abel,  contenant 
27  lettres  assyro-babyloniennes  de  la  fameuse  collection  d'El-Amar«d!, 
Quelques-unes  d'entre  elles  sont  adressées  à  Aménophis  III,  les  autres 
à  son  fils  et  successeur  Aménophis  IV.  Leurs  auteurs  sont  Bnrnaburiash 
ou  Burraburiash,  roi  de  Babylonie  (nos  4-8),  et  son  second  prédécesseur 
Elishkullimasîn  (n°s  i-3?);  Ashshuruballit',  roi  d'Assyrie  (n"9),  Tarhu- 
daiadu  (?),  roi  d'Arçapi  (n»  10),  un  roi  d'Alashiya  (n^^  11-17),  un  roi 
dont  le  nom  et  le  pays  n'ont  pas  été  conservés  (n^*  18-20),  Dushratta, 
roi  de  Mitàni,  beau-père  d'Aménophis  III  (nos  21-27).  La  lettre  n°  10 
est  rédigée  en  langue  d'Arçapi;  celle  n°  27  en  langue  de  Mitani.  J'ai  , 
montré  ailleurs  que  Arçapi  n'est  pas  la  ville  syrienne  de  Reçeph  ou 
Rouça/a,  mais  un  district  d'Asie-Mineure  près  de  l'Amanus.  Le  pays  de 
Mitâni  n'est  pas  non  plus  situé  en  Mésopotamie,  mais  sur  la  rive  nord- 
est  de  TEuphrate.  Les  langues  de  ces  deux  contrées  voisines  appartien- 
nent à  l'idiome  du  Naïri,  proche  parent  de  celui  que  nous  appelons 
vannique. 

L'édition,  très  nette,  a  laissé  sans  correction  plusieurs  fautes  de  copie. 


d'histoire  et  de  littérature  485 

inévitables  d'ailleurs  dans  cette  écriture  difficile.  Ce  qui  est  à  blâmer, 
c'est  la  cherté  du  prix.  Les  assyriologues  ne  brillent  pas  précisément 
par  leur  richesse.  Leur  faire  payer  de  25  à  3o  fr.  trente  planches  auto- 
graphiées,  c'est  vraiment  peu  équitable  ^ 

IV.  Les  Recherches  d'histoire  babylonienne  de  M.  Hugo  Winckler 
comprennent  cinq  études  différentes  :  1°  Remarques  sur  la  chronologie 
assyrio-babylonienne  (p.  1-46);  2°  la  place  des  Chaldéens  dans  l'his- 
toire (p.  47-64];  3°  les  royaumes  de  l'ancienne  Mésopotamie  (p.  6b-go); 
40  les  Sargonides  et  l'Egypte  d'après  les  sources  assyriennes  (p.  91-108); 
5°  Remarque  sur  l'histoire  de  la  Médie  et  de  la  Perse  (log-iSS).  Des 
variétés  contenant  sept  articles  ou  notes  assez  courts  (p.  1 33-143),  une 
liste  des  textes  adjoints  (p.  144)  et  les  textes  eux-mêmes  en  autographie 
terminent  le  volume  (p.  145-157).  Dans  la  préface  Fauteur  affirme  ne 
vouloir  donner  que  les  textes  cités  expressément;  malheureusement, 
quelques  pages  après,  cette  belle  promesse  est  tout  à  fait  oubliée 
et  ce  n'est  pas  sans  stupéfaction  qu'on  voit  l'auteur  affirmer  que  les 
scribes  des  listes  babyloniennes  ont  expliqué  (erklàrt)  les  noms  pro- 
pres des  rois  en  les  traduisant  en  sémitique  s'ils  étaient  sumériens  et 
(par  amour  de  symétrie)  en  sumérien  s'ils  étaient  sémitiques.  Il  ignore 
donc  ou  feint  d'ignorer  que  dans  l'équation  Hammu-rabi  =  Khntu- 
rapashtti  les  deux  formes  sont  sémitiques.  Est-ce  qu'en  écrivant 
an-hi-shish-mu  le  nom  d'Essarhaddon,  les  scribes  assyriens  ont  voulu 
expliquer  \di  forme  3i\iivtmtïïlc\a\ït  Ashshur-ahe-iddin  t  Assur  a  donné 
des  frères  i  en  le  traduisant  en  sumérien?  Chose  plaisante,  l'auteur 
croit  même  mieux  savoir  le  sumérien  que  les  scribes  babyloniens  qui 
traduisent  mal  et  mêlent  en  désordre  cosséen  et  sumérien  (Kossâisch  und 
sumerisch  durcheinandergeworfen  p.  8,  2)!  Avec  une  telle  suffisance  on 
va  loin.  Aussi  est -il  que  pas  un  seul  des  résultats  que  l'auteur  imagine 
avoir  rires  des  textes  cunéiformes  ne  soutient  l'examen  ou  du  moins  ne 
peut  être  regardé  que  comme  une  simple  conjecture.  Parce  que  Kudur- 
ma-bu-uk  est  intitulé  adda  de  Ia(EJmutbal  et  adda  de  mar-tu  «  Syrie- 
Phénicie  »,  titres  qui  ne  s'excluent  pas,  il  identifie  arbitrairement  les 
deux  noms  géographiques  et  fait  de  ce  roi,  dont  le  fils  régna  à  Larsa  et 
à  Nippur  en  Babylonie,  un  petit  chef  d'une  province  minuscule  d'Elam, 
car  il  sait  pertinemment  que  Kudur-ma-bu-uk  n'a  pas  régné  (p.  37-38)! 
En  parlant  de  la  dynastie  babylonienne  et  de  celle  de  shish-Arw,  il  addi- 
tionne simplement  les  années  des  règnes  sans  seulement  se  demander  si 
ces  dynasties  n'étaient  pas  contemporaines,  et  cependant  le  texte  du  verso 
de  la  page  145  qui,  contrairement  au  texte  du  recto,  commence  par 
shish-ku-ki^  invite  impérieusement  à  le  supposer.  Pour  M.  Winckler,  les 
Chaldéens  sont  des  Babyloniens  purs,  sans  mélange  avec  l'élément 
aborigène  et  non  sémitique  des  Sumériens,  mélange  qui  aurait  déjà  été 
un  fait  accompli  à  l'époque  de  Sargon  l'ancien,  vers  3ooo  avant  notre  ère  ! 
Voilà  qui  s'appelle  se  conformer  strictement  au  texte!  Il  en  sait  même 

I.  Le  second  fascicule  de  ce  recueil  qui  vient  de  paraître  coûte  également  3o  francs. 


486  REVUE   CRITIQUE 

très  long  sur  les  djaiasties  présémitiques  et  sumériennes  pures  (p.  66  suiv.] 
sans  prouver  le  moins  du  monde  que  leurs  inscriptions,  tout  comme 
aux  époques  plus  récentes,  ne  sont  pas  de  l'assyrien  écrit  en  idéogram- 
mes.  La  découverte  que  Magan  et  Meluhha  sont  deux  parties  de  la 
péninsule  sinaïtique,  au  lieu  d'être  l'Egypte  et  TÉthiopie,  reprend  une 
conjecture  de  M.  Lenormant  que  j'ai  combattue  dans  le  temps.  Je  ne 
comprends  pas  comment  on  peut  sérieusement  placer  ces  deux  royau- 
mes qui,  d'après  les  inscriptions,  possédaient  des  chars  de  guerre  et  des 
flottes,  dans  un  pays  aussi  aride  et  dépourvu  de  bois  de  construction. 
De  plus,  comment  l'existence  de  ces  royaumes  a-t-elle  échappé  aux 
historiens  hébreux  et  grecs  ?  Le  moindre  doute  disparaît  par  ce  fait  que 
laman,  roi  d'Asdod,  ayant  eu  connaissance  de  la  marche  de  l'armée 
assyrienne  vers  la  Syrie  s'enfuit  vers  la  frontière  de  l'Egypte  qui  est, 
dit  le  texte,  du  côté  du  pays  de  Meluhha  {ana  itd  mat  Miiciiri  sha  pat 
mât  Meluhha  inabitma).  Il  est  clair  qu'il  ne  s'agit  pas  du  pays  limitrophe 
de  l'Egypte  du  côté  de  l'est  et  bordant  la  route  où  devait  passer  l'armée 
assyrienne,  mais  d'un  pays  situé  au  sud  de  l'Egypte  et  celui-là  ne  peut 
être  que  l'Ethiopie.  Ajoutons  que  le  royaume  unique  de  la  péninsule 
sinaïtique,  l'Idumée,  était  alors  soumis  à  Assurbanipal,  de  sorte  que 
la  partie  située  entre  l'Idumée  et  l'Egypte  n'etit  pu  offrir  aucune  sécu- 
rité au  rebelle.  Non  moins  inexacte  est  son  identification  de  cab  Man- 
dâa  avec  les  Scythes.  Le  passage  cité  à  la  page  1 1 1  applique  cette  épi- 
thète  à  des  peuples  jadis  soumis  qui,  s'étant  révoltés,  avaient  abandonné 
leurs  villes  et  s'étaient  réfugiés  dans  le  désert.  C'étaient  d'ailleurs  des 
districts  voisins  du  Barsuash  comme  le  prouve  la  mention  de  la  ville  de 
BustiSy  citée  quelquefois  comme  capitale  de  ce  pays.  Cette  inadvertance 
entraîne  même  M.  Winckler  à  faire  d'Astyage  un  Scythe,  tandis  que 
Cyrus  et  ses  prédécesseurs  auraient  régné  selon  lui  dans  une  principauté 
minuscule  sise  au  nord  de  la  Susiane,  près  de  la  frontière  de  la  Babylonie 
de  l'est,  et  qu'il  identifie  SLvec  An:{aii!  Ces  conjectures  ne  se  soutiennent 
pas  un  seul  instant,  mais  l'affirmation  la  plus  imprudente  est  celle  re- 
lative à  la  non  existence  du  fonctionnaire  assyrien  intitulé  rab-saris 
dans  II  Rois  XVIII,  17  ;  ce  haut  fonctionnaire  est  mentionné  dans  une 
inscription  araméenne  comme  archonte  de  l'année  68;  son  nom  était 
Sinsarucur  «  Sin  protège  le  roi  ». 

V.  Le  grand  et  important  ouvrage  de  M.  le  D'  P.  Jensen  nous  fait 
heureusement  oublier  les  déboires  causés  par  le  livre  précédent.  Le  sa- 
vant auteur  a  réuni  très  soigneusement  tous  les  matériaux  accessibles 
jusqu'à  ce  jour  pouvant  servir  à  restituer  la  cosmologie  babylonienne. 
L'ouvrage  comporte  trois  divisions  :  i"  le  monde  et  ses  parties,  l'uni- 
vers, le  ciel,  les  planètes,  les  étoiles  fixes,  les  figures  du  Zodiaque,  les 
étoiles  géminales,  les  comètes,  les  météores;  la  terre,  les  zones,  la  grande 
montagne  du  lever  du  soleil,  l'île  des  fortunés,  le  monde  des  morts, 
l'océan,  le  système  de  l'univers  (p.  1-262);  2°  la  création  et  la  formation 
du  monde,  les  textes  des  légendes  sur  la  création,  ces  légendes  chez  les 


d'histoire  et  de  littérature  487 

Grecs  et  les  Juifs,  noyau  et  origine  des  légendes,  commentaire  sur  les 
tablettes  (p.  263-364)  ;  3°  les  textes  du  déluge  avec  commentaire  (p.  067- 
446).  Un  appendice  mythologique,  des  additions  et  corrections  suivies 
d'un  excellent  index  et  d'une  liste  d'errata  (p.  449-546)  terminent  cette 
œuvre  de  premier  ordre  destinée  à  faire  époque  dans  la  science  assy- 
riologique.  Pour  faciliter  l'intelligence  de  ces  théories  antiques,  l'auteur 
a  joint  trois  planches  traçant  le  cours  de  Vénus,  le  Zodiaque  babylonien, 
le  monde  d'après  la  conception  babylonienne. 

Le  savant  auteur  dit  lui-même  (avant-propos,  xm)  qu'on  peut  lui  re- 
procher avec  quelque  apparence  de  raison  d'avoir  agi  sans  critique  dans 
la  séparation  des  sources,  d'avoir  pris  comme  équivalents  l'ancien  et  le 
récent,  d'avoir  mêlé  ensemble  sumérisme  et  sémitisme  (M.  J .  croit  encore 
au  sumérien),  poésie  et  prose,  mythologie  et  science.  Il  reconnaît  que  cette 
séparation  n'est  pas  encore  possible  pour  le  moment  et  que  l'ensemble  du 
système  auquel  il  arrive  n'a  pas  appartenu  à  tous  les  Babyloniens  dans 
son  ensemble  mais  seulement  dans  ses  parties  diverses.  De  mon  côté, 
j'aurais  à  redire  contre  les  digressions  étymologiques  n'ayant  que  le  but 
de  prouver  la  réalité  du  sumérien.  Ces  discussions  qui  alourdissent  et 
souvent  interrompent  l'exposition  du  sujet  principal  auraient  mieux 
leur  place  à  la  fin  de  l'ouvrage.  J'aurais  même  à  faire  de  nombreuses 
réserves  sur  ces  étymologies  comme  sur  quelques  autres  points  assez 
notables,  mais  devant  la  masse  imposante  de  faits  précis,  et  surtout  de- 
vant J'immense  service  rendu  à  la  science  par  une  collection  de  maté- 
riaux si  complète,  la  critique  de  détail  perd  son  jeu  et  il  ne  nous  reste 
qu'à  féliciter  l'auteur  pour  avoir  mené  à  bien  une  œuvre  aussi  pleine  de 
faits  et  de  matières  à  réflexions. 

J.  Halévy 


275.  —  Catulle*  manuscrit  de  S.  Germain  des  Prés,  précédé  d'une  étude  de 
M.  Emile  Châtelain,  photoliihographie  de  MM.  Lumière.  (Collection  de  repro- 
ductions de  manuscrits  publiés  par  L.  Clédat,  classiques  latins,  I}.  Paris,  E.  Le- 
roux, i8go,  VII  pp.  et  36  ff.  grand  in-8. 

Quand  M.  Clédat  annonça  qu'il  allait  publier  une  série  de  manus- 
crits latins  reproduits  par  la  photogravure,  on  accueillit  cette  nouvelle 
avec  joie;  c'était  répondre  à  un  besoin  depuis  longtemps  ressenti.  La 
collection  vient  d'être  inaugurée  par  la  publication  du  Sangermanensis 
de  Catulle  (B.  N.  141 37)  et  le  résultat  est  une  déception  pour  nous.  Le 
procédé  photolithographique  de  MM.  Lumière  produit  un  écrasement 
des  caractères  qui  enlève  toute  netteté  à  l'écriture  ;  elle  paraît  une  fois 
plus  épaisse  que  dans  le  manuscrit;  les  déliés,  les  points,  les  traits  lé- 
gers servant  d'ornement  sont  exagérés  ou  supprimés.  Le  grain  du  ms.  n'a 
pas  été  conservé  :  sans  doute  ce  n'était  pas  possible,  ce  qui  est  regretta- 
ble. Mais  ce  qui  est  tout  à  fait  dangereux,  c'est  qu'on  ait  été  obligé  de  le 
supprimer  du  cliché.  On  risque  fort  de  faire  disparaître  ainsi  des  parties 


488  REVUE   CRITIQUB 

qui  appartiennent  à  l'e'criture.  Il  faudrait  un  moyen  de  reproduction  qui 
ne  laissât  aucune  place  aux  retouches. 

Pour  se  convaincre  de  l'exactitude  des  critiques  que  Je  formule  ici, 
les  personnes  qui  ne  peuvent  faire  la  comparaison  directe  avec  le  ms., 
n'auront  qu'à  se  reporter  à  l'excellente  reproduction  donnée  par  M.  Châ- 
telain dans  \i\  Paléographie  des  classiques  latins,  pi.  xv.  Comme  exem- 
ples d'empâtement  à  la  charge  de  la  reproduction  de  M.  Clédat,  je  si- 
gnale f°  35*",  1.  10,  iterum;  1.  17,  concedo;  1.  18,  laudemus,  1.  21  5upe- 
rare.  Un  léger  point  sous  le  b  de  sumptibiis  devient  un  trait  qui  déforme 
la  lettre.  Dernière  ligne,  tu  qui  est  très  net  dans  le  ms  ,  peut  se  lire 
aussi  bien  ta  dans  la  reproduction.  Un  point  au-dessus  du  premier  i  de 
triginta  donne  au  mot  l'aspect  tt'lginta,  1.  19.  A  la  1.  29,  \'a  de  cona- 
rere  est  surmonté  dans  la  reproduction  d'un  trait  horizontal  qui  n'est 
pas  dans  le  ms.  Les  taches  sont  traitées  d'une  façon  différente  :  tantôt 
elles  sont  conservées,  1.  3o,  sous  infesta,  1.  32,  dans  ualuisse,  tantôt 
elles  sont  enlevées,  1.  33,  dans  tua.  Pour  les  déliés  effacés,  je  mention- 
nerai les  points  et  accents  de  diuicijs,  1.  21  ;  la  queue  des  x  de  maxi- 
mus,  1.  23,  et  de  minax,  1,  26;  ces  derniers  points  n'ont  guère  d'im- 
portance pour  la  lecture  du  texte,  mais  des  parties  d'écriture  utiles 
pourraient  aussi  bien  être  en  jeu. 

On  m'excusera  d'être  entré  dans  ces  détails;  mais  l'idée  de  nous  don- 
ner ainsi  des  mss.  entiers  était  si  heureuse,  que  l'on  éprouve  le  besoin 
de  se  raisonner  son  mécompte. .Tous  ceux  qui  ont  manié  le  ms.  de  Ca- 
tulle savent  combien  il  recèle  de  grattages  et  de  corrections  difficiles; 
ils  voient  le  peu  de  confiance  que  mérite  une  reproduction  qui  comporte 
un  tel  à  peu  près.  La  brochure  actuelle  ne  peut  remplacer  une  collation 
bien  faite  que  pour  la  séparation  des  vers  souvent  indiquée  d'une  ma* 
nière  incomplète  dans  les  apparats  critiques.  La  reproduction  diploma- 
tique d'un  ms.  serait  donc  d'une  plus  grande  utilité.  Un  instrument 
mécanique  ne  peut  être  substitué  à  un  instrument  intelligent  que  s'il 
est  parfait.  Il  faudra  notablement  améliorer  le  procédé  si  l'on  veut  pour- 
suivre la  collection  ^ 

Paul  Lejay. 


I 


I 


276.  —  S.  RiEZLER.  Geschiclite   Balerns.   3«  volume,  de  1347  à    i5o8,   xxiv- 
981  p.  in-8,  tableaux  généalogiques.  Gotha,  Andr.  Perthes  1889. 

Le  premier  volume  de  l'histoire  de  Bavière  de  M.  Sigismond  Riezler 
parut  en  1878.  L'auteur  y  racontait  l'histoire  du  duché  depuis  l'époque 
lointaine  où  il  était  gouverné  par  les  Agilolfingiens  jusqu'à  la  date  de 
II 80,  où  Frédéric  Barberousse,  après  la  déposition  de  Henri  le  Lion, 

I.  L'introduction  de  M.  Châtelain  est  telle  qu'on  pouvait   l'attendre  de  lui  et  dé- 
dommage  amplement  de  tout  ce  qu'on  regrette  autre  part.  Mais  ici   encore  l'exécu-    A 
tion  matérielle  laisse  beaucoup  à  désirer  et  on  fera  bien  en  particulier  de  vérifier  les 
chiffres  et  dates  cités. 


d'histoire  et  de  littérature  489 

le  livra  à  la  maison  de  Wittelsbach.  Il  ne  se  bornait  d'ailleurs  pas  à 
exposer  les  principaux  événements  dont  ce  pays  fut  le  théâtre  pendant 
cette  longue  période  :  il  montrait  le  développement  des  institutions;  il 
insistait  sur  le  progrès  des  lettres  et  des  arts.  Son  ouvrage  s'annonçait 
ainsi  comme  une  histoire  complète  de  la  civilisation  en  Bavière.  Les 
espérances  qu'avait  fait  naître  ce  premier  volume  se  fortifièrent  avec  la 
publication  du  second,  en  l'année  1880.  M.  R.  y  conduisait  ses  lecteurs 
de  II 80  à  1347,  depuis  l'avènement  des  Wittelsbach  jusqu'à  la  mort  du 
duc  Louis  qui  réussit  à  prendre  la  couronne  impériale.  Les  difficultés 
y  devenaient  plus  nombreuses  qu"au  début.  Jusqu'en  1180,  la  Bavière 
formait  une  unité  ethnique  et  politique  ;  ses  habitants  parlaient  le  même 
dialecte,  étaient  régis  par  les  mêmes  lois;  l'histoire  poïiûque  (Staats- 
geschichte)  se  confondait  avec  l'histoire  de  la  race  (Sianunesgeschiclite). 
Après  1180,  au  contraire,  la  Bavière  fut  morcelée  en  une  intinité 
de  petits  fiefs;  les  comtes  usurpèrent  le  pouvoir  ;  les  villes  con- 
quirent leur  indépendance;  beaucoup  de  domaines  se  détachèrent  du 
duché,  tandis  qu'au  dehors  des  limites  anciennes,  des  terres  de  la 
Souabe,  le  Palatinat  rhénan,  etc.,  y  furent  rattachés.  L'intérêt  de  This- 
toire  se  morcelle  avec  le  pays  même  :  il  se  disperse  avec  ces  possessions 
acquises  au  loin.  M.  R.  a  eu  le  talent  de  le  concentrer  sur  la  Bavière  en 
tant  qu'Etat,  évitant  d'entrer  dans  l'histoire  intérieure  des  villes  ou  des 
comtés,  ne  disant  de  ces  domaines  extérieurs  que  ce  qui  était  nécessaire 
pour  montrer  l'expansion  de  la  Bavière  hors  de  ses  frontières  propres. 
Le  troisième  volume,  dont  nous  devons  rendre  compte  d'une  façon  spé- 
ciale, ne  le  cède  en  rien  aux  précédents.  Nous  sommes  maintenant  bien 
sûrs  que  nous  posséderons  une  bonne  histoire  très  complète  de  la  Bavière. 
Le  tome  s'ouvre  avec  l'année  1347  ^^  ^^  termine  en  i5o8.  Nous  y  dis- 
tinguerons trois  parties  :  l'histoire  des  faits,  celle  des  institutions,  celle 
des  lettres  et  des  arts. 

A  la  mort  de  l'empereur  Louis,  les  Wittelsbach  se  divisaient  en  deux 
branches  :  l'une  possédait  le  Palatinat  du  Rhin  et  presque  tout  l'ancien 
Nortgau,  nommé  Palatinat  supérieur;  l'autre —  celle  dont  M.  R.  nous 
doit  entretenir  —  était,  après  l'extinction  de  la  tige  de  Landshut,  devenue 
maîtresse  de  toute  la  Bavière.  En  dehors  du  duché,  elle  s'était  emparée 
de  nombreux  biens  :  après  la  dispersion  de  la  dynastie  ascanienne,  le 
Brandebourg  lui  était  échu:  un  mariage  lui  avait  valu  le  Tyrol  et  des 
prétentions  sur  la  Carinthie;  un  autre  lui  avait  donné  les  comtés  néer- 
landais de  Hainaut,  Hollande,  Zélande  et  Frise.  Certes,  la  maison 
bavaroise  pouvait  faire,  avec  ces  domaines,  bonne  figure  en  Allemagne  ; 
malheureusement  les  fils  de  l'empereur  Louis  ne  voulurent  pas  suivre 
les  conseils  de  leur  père;  au  lieu  de  laisser  à  l'aîné  la  Bavière  indivise, 
ils  la  fractionnèrent;  ils  la  divisèrent  en  quatre  tronçons,  avec  Ingol- 
stadt,  Landshut,  Munich,  Straubing  comme  capitales.  Les  partages  suc- 
cédèrent aux  partages,  et  les  lots  furent  sans  cesse  remaniés.  Au  milieu 
de  ces  divisions,  les  possessions  extérieures  furent  perdues.  En  i369, 


49°  REVUE   CRITIQUE 

par  le  traité  de  Presbourg,  le  Tyrol,    moins  Kufstein,  fut   cédé  aux 
Habsbourg;  en  1373,  par  le  compromis  de  Furstenwalde,  le  Brande- 
bourg fut  abandonné  à  l'empereur  Charles  IV,  moyennant   de  fortes 
sommes  d'argent;   les  comtés  des  Pays-Bas  tombèrent,  au  début   du 
xv^  siècle,  aux  mains  du  duc  de  Bourgogne.  M.  R.  nous  expose,  sinon 
avec  grand  éclat,  du  moins  avec  une  remarquable  netteté,  l'histoire  si 
embrouillée  et  si  triste  de  la  Bavière,  dans  cette  période  de  remaniements 
continuels  et  de  guerres  incessantes,  où,  selon  ses  propres  paroles  «  la 
flamme  de  la  discorde  ne  s'éteignit  jamais  au  foyer  des  Wittelsbach  ». 
Il  insiste  particulièrement  sur  Louis  le  Barbu,  d'Ingolstadt,  frère  de 
notre  reine  de   France  Isabeau  ^  ;   il  en  fait  un  très  vivant  portrait. 
Cependant,  peu  à  peu,  les  différentes  dynasties  disparurent,  et  la  recons- 
titution territoriale  du  duché  commença.  Le  6  janvier   1425,  le   duc 
Jean,    de   la    ligne    de    Hollande-Straubing,    mourut    sans  héritier   : 
son  duché   fut    partagé  entre  les  autres  lignes  bavaroises.  Le  2  mai 
1447,    périt   en    prison    Louis    le    Barbu,    et    son    cousin,    Henri  de 
Landshut,  s'^empara  de  l'héritage  d'Ingolstadt;  la    ligne  de  Landshut 
fut    emportée   à    son   tour  en    i5o3,   non  sans  avoir   fourni   un  chef 
énergique,    Louis  le    Riche,    dont    M,  R,    met   bien   en   lumière  la 
physionomie;  Albert  le  Sage,  de  Munich,  eut  alors  l'habileté  de  réunir 
toute  la  Bavière;  bien  plus,  le  8  juillet  i5o6,  il  proclama  solennelle- 
ment l'indivisibilité  de  la  province  et  établit  en  droit  que  l'aîné  seul 
hériterait  du  duché  :  les  cadets  ne  devaient  recevoir  que  des  apanages. 
Par  cet  acte,  il  assura  la  grandeur  de  sa  maison.  Quand  il  mourut,  le 
18  mars  i5o8,  il  avait  rempli  sa  devise  qui   était  :   «  Pourvoir  aux 
besoins  généraux  du  pays  et  lui  être  utile.  »  M.  R.  a  ainsi  exposé  dans 
ce  volume  comment  la  Bavière  se  démembra  au  xiv^  et  au  début  du 
xv^  siècle,  comment  elle  se  reconstitua  à   la  fm  du  xV  et  au  commen- 
cement du  xvi*^  siècle.  La  déchéance  de  son  pays  lui  inspire  une  grande 
tristesse,  mais  sa  joie  éclate  quand  vient  la  période  de  régénération. 

Après  nous  avoir  raconté  les  faits,  il  nous  décrit  les  institutions  delà 
Bavière  pendant  cette  orageuse  époque,  et  les  historiens  accueilleront 
avec  d'autant  plus  de  reconnaissance  ce  chapitre  qu'une  bonne  étude 
générale  sur  la  constitution  allemande  aux  xive  et  xV  siècles  fait  encore 
défaut.  Le  livre  de  Waitz  s'arrête  au  seuil  du  xiii®  siècle,  et  Péminent 
historien  n'a  pas  trouvé  de  continuateur  digne  de  lui.  M.  R.  nous 
montre  tour  à  tour  en  quoi  consistait  l'autorité  des  ducs,  quelles  étaient 
leurs  relations  avec  TEmpire,  comment  était  organisée  leur  administra- 
tion centrale  et  locale;  des  paragraphes  spéciaux  sont  consacrés  à  leur 

I.  Il  a  raison  de  dire  qu'il  ne  fut  pas  connétable  de  France;  le  connétable  à  cette 
époque  était  Charles  d'Albret,  auquel  le  parti  du  duc  de  Bourgogne  opposa  le  comte 
di  Saint-Pol.  Chatamulet,  p.  220,  est  sans  doute  une  faute  d'impression;  il  faut 
lire  Château-Meillant.  Le  traité  de  Chartres  n'est  pas  du  i^'  février,  mais  du 
g  mars  1409;  la  révolte  où  Louis  fut  fait  prisonnier  est  du  22  mai.  Voir  Coville, 
L'ordonnance  cabochienne.  M.  R.  trouvera  dans  cet  excellent  livre  des  détails  com- 
plémentaires sur  le  rôle  de  Louis  à  Paris.  Voir  surtout  p.  202,  note  i. 


D  HISTOIRE  ET   DE   LITTERATURE  4g I 

justice,  à  leur  armée,  à  leurs  finances.  Déjà,  à  ce  moment,  le  pouvoir  des 
ducs  n'est  plus  absolu  :  les  trois  ordres  (die  Stànde)  ont  conquis  des 
droits,  leur  consentement  est  nécessaire  pour  la  levée  des  impôts;  ils  in- 
terviennent dans  l'administration  ;  ils  prétendent  même  qu'on  les  réunisse 
chaque  année,  ou  du  moins  tous  les  deux  ans,  en  états  généraux  ou 
diètes  (Landschaft) .  Après  avoir  montré  les  trois  ordres  en  bloc, 
l'auteur  nous  parle  de  chacun  d'eux  isolément;  il  nous  présente  tour  à 
tour  la  noblesse  qui  descend  des  anciens  ministeriales  (la  vieille  noblesse 
féodale  a  à  peu  près  disparu),  la  bourgeoisie  avec  ses  corporations  et  ses 
commerçants,  le  clergé  séculier  et  régulier.  Chemin  faisant,  il  n'a  pas 
oublié  les  paysans.  11  nous  donne  de  curieux  détails  sur  la  dîme,  les 
corvées  et  toutes  les  autres  charges  qui  pesaient  sur  eux. 

Le  volume  se  ferme  par  un  brillant  chapitre  sur  la  culture  intellec- 
tuelle, les  lettres  et  les  arts.  Naturellement,  M.  R.  n'a  pu  trouver  beaucoup 
de  choses  à  dire  sur  la  fin  du  xive  siècle  ;  mais  le  déclin  du  siècle  sui- 
vant lui  a  fourni  de  nombreux  faits.  Il  débute  par  nous  faire  connaître 
les  progrès  de  l'imprimerie,  passe  aux  écoles  populaires  et  latines 
pour  en  arriver  à  la  création  de  l'Université  d'Ingolstadt  en  1472. 
Déjà  M.  de  Crozals,  dans  sa  thèse  latine,  nous  avait  raconté  cette 
fondation,  et  M.  R.  rend,  en  passant,  justice  à  son  travail.  On  trouvera 
ensuite  des  renseignements  sur  les  littérateurs  et  les  érudits  qu'a  pro- 
duits la  Bavière  à  la  fin  du  moyen  âge.  L'auteur  insiste  sur  Conrad 
Pickel  ou  Celtis  et  sur  son  activité  à  Ingolstadt.  Le  passage  sur  Fart  est 
assez  court  et  ne  nous  semble  pas  en  proportion  avec  les  autres  déve- 
loppements. 

En  somme,  l'histoire  de  M.  Riezler  est  remarquable,  je  ne  dis  pas 
parla  profondeur  ou  la  nouveauté  des  vues  et  par  l'éclat  de  l'exposition, 
mais  par  une  science  sûre,  puisée  aux  bonnes  sources,  par  une  grande 
netteté,  par  la  simplicité  du  style.  11  faut  surtout  savoir  gré  à  Fauteur 
d'avoir  embrassé  son  sujet  dans  toute  son  étendue,  et  d'avoir  été  tou- 
jours égal  à  lui-même,  soit  qu'il  montrât  l'enchaînement  des  faits,  la 
marche  des  institutions  ou  l'état  des  lettres.  Nous  attendons  avec 
impatience  le  prochain  volume,  où  sera  exposée  Fopposition  faite  par 
la  Bavière  à  la  Réforme. 

Ch.  Pfister. 


277.  —  Sebaldus  Heyden  formulai  puei-ilium  colloquiorum.  Réimpres- 
sion faite  par  M.  Pellechet.  Paris,  A.  Picard,  1889,  in-i6  de  28  p. 

278.  —  Georges  Seri-e,  imprimeur  à  Avignon  en  i5o2,  par  le  même.  Paris, 
même  librairie,  1890,  grand  in-8  de  8  p. 

279-  —  I*n>IIotlièquo  publique  de  Versailles.  Catalogue  des  incunables  et 
des  livres  imprimés  de  md.  à  mdxx  avec  les  marques  typographiques  des  éditions 
du  xv^  siècle,  par  le  même.  Paris,  même  librairie,  1889,  grand  in-8  de  viii-3o2  p. 

L'auteur  du  Manuel  du  libraire  mentionne  deux  rares  opuscules 
d'un  professeur  de  Nuremberg,  Sebald  Heyden  (r"  moitié  du  xvi°  siè- 


492  REVUE    CRITIQUE 

cle)  ;  Miisicœ  ctg'./s'.wîc;  (Norimbergce,  i632)  et  de  arte  canendi, 
vero  signorum  in  cantibus  iisu,  libri  duo  (Ibid.  1540,  pet.  in-4°).  Bru* 
net  aurait  pu  citer  un  troisième  opuscule  non  moins  rare  :  Formulce 
puerilium  colloqiiiorum,  pro  primis  tyronibus  Sebaldinœ  Scholœ  No- 
rimbergœ  per  Sebaldiim  Hcyden  co7'umdem  preceptorem  consc?'iptce 
(Augustœ  Vindelicorum,  per  Alexandruni  Weissenhorn,  M.  D.  XXX. 
C'est  ce  dernier  opuscule  que  M.  Pellechet  nous  rend,  grâce  à  la  pho- 
togravure, tel  qu'il  parut  il  y  a  36o  ans.  La  reproduction  est  parfaite, 
et  il  faut  saluer  en  l'éditeur  un  très  habile  photographe  aussi  bien  qu'un 
très  savant  bibliographe.  La  plaquette  rediviva  de  i53o  n'est  pas  seule- 
ment une  curiosité  typographique  :  c'est  aussi  une  curiosité  littéraire. 
Chacun  voudra  lire  le  naïf  avant-propos  de  l'auteur  (Sebaldus  Heyden 
pueris  suce  fidei  commissis),  où  il  vante  le  bon  marché  du  livret  (ut 
exiguo  œre  laceratos  libellas  reparare possetis)  et  où  il  recommande 
à  ses  élèves  de  respecter  et  d'aimer  leur  professeur  (vestrum  prœceptO' 
rem^  ut  dignum  est,  diligite  et  colite)^  les  dialogues  en  latin,  avec  tra- 
duction intermédiaire  en  allemand,  destinés  à  apprendre  à  la  fois  les 
deux  langues  aux  écoliers  1,  enfin  les  epigrammata  ad  pueros. 

La  notice  sur  Georges  Serre,  imprimeur  à  Avignon  en  ibo2,  n'a  pas 
besoin  d'éloges,  puisqu'elle  a  été  jugée  digne  d'insertion  dans  la  Biblio- 
thèque de  PEcole  des  Chartes  (année  1889,  p.  379-583).  C'est  un  heu- 
reux complément  des  NoteS  sur  les  imprimeurs  du  Comtat  Venaissin 
(1887),  très  favorablement  appréciées  ici  par  un  maître  qu'il  suffit  de 
nommer,  M.  Emile  Picot.  M.  Achard,  ancien  archiviste  de  Vaucluse, 
avait  exprimé,  en  1879,  le  regret  de  ne  connaître  aucun  produit  des 
pressés  de  Georges  Serre.  M.  P.  décrit  une  édition  des  Epistole  Senece 
imprimée  par  ledit  Serre  en  caractères  gothiques  à  Avignon  (i5o2,  in-4" 
de  166  feuillets)  et  dont  deux  exemplaires  seulement  sont  connus,  celui 
de  la  bibliothèque  de  Carcassonne  et  celui  de  la  bibliothèque  de  Ver- 
sailles. L'excellente  notice,  qui,  en  appelant  l'attention  sur  G.  Serre, 
amènera  sans  doute  d'autres  découvertes,  est  accompagnée  des  repro- 
ductions photographiques  de  l'épître  dédicatoire  et  de  la  souscription.'! 

Le  Catalogue  des  Incunables  de  la  bibliothèque  publique  de   Ver-  \ 
sailles  ne  sera  pas  moins  goûté  des  érudits  que  le  Catalogue  des  Incu-  ■ 
nables  de  la  bibliothèque  de  Dijon.  Le  même  plan,  la  même  méthode 
ont  été  suivis  et  le  même  soin,  le  même  zèle  ont  été  apportés  dans  les 
recherches  et  vérifications.  L'auteur  a  mille  fois  eu  raison  de  dire,  dans 
sa  trop  courte  préface  ^^  que  la  description  des  éditions  diverses  «  a  été 

1.  Quelques-uns  de  ces  dialogues  sont  assez  amusants,  tels  que  ceux  qui  sont  in-^j 
titulés  :  Dum  itur  cubitum,  dum  reditiir  cubitii,  de  fend  a,  de  pavando  calamo,  etc.  4 
On  trouvera  deux  singuliers  articles,  aussi  réalistes  que  possible,  dans  les  Formulce 
puerorum  exitum  e  schola  rogantium.  [ 

2.  A  la  Préface  succède  une  Introduction  où  M.  A.  Taphanel,  conservateur  de  la  | 
bibliothèque  de  Versailles,  a  réuni  bien  des  renseignements  sur  les  principales   col- 
lections qui  ont  fourni  leurs  incunables  à  cet  établissement.  Ces  précieux  voIumes|j 
sont  venus  de  deux  sources  principales  :  l'ancien  fonds  de  la  bibliothèque  en  conte- 


d'histoire  et  de  littérature  493 

faite  aussi  exactement  que  possible  ».  Il  convient  d'ajouter  que  chacune 
de  ces  descriptions  est  suivie  de  notes  d'une  érudition  très  précise  et  où 
sont  élucidés  de  nombreux  problèmes  d'histoire  littéraire  et  de  biblio- 
graphie. Parmi  les  révélations  du  catalogue,  nous  nous  contenterons  de 
citer  le  nom  d'un  imprimeur  inconnu  à  Hain  et  à  Panzer  1,  Ludovicus 
de  Venetia,  lequel  imprima  en  1488  le  Qiiadragesimale  de  R.  Carra- 
ciolus  (p.  37,  no  56)  et  la  mention  de  deux  exemplaires  de  Littera  in- 
dulgent iarum  trouvés  dans  une  reliure  ancienne  (p.  85,  n°  114).  Le 
volume  est  orné  de  38  marques  typographiques,  vignettes,  lettres  ini- 
tiales, admirablement  exécutées  -.  M.  Pellechet  semble  avoir  une  voca- 
tion pour  décrire  tous  les  incunables  de  France  ^  :  réjouissons-nous  en, 
car  on  ne  voit  vraiment  pas  qui  se  tirerait  mieux  d'une  aussi  vaste  et 
aussi  difficile  entreprise. 

T.   DE   L. 


280.  —  A.  Neri.    De    liinimis.    Un    vol.    in-8,  326   pp.    Gênes,  Istituto  Sordo- 
Muti,  1890  (non  mis  dans  le  commerce). 

Un  tel  livre  se  prête  mal  à  l'analyse.  Sous  ce  titre  ironique,  emprunté 
au  vieil  adage  de  droit  romain,  l'auteur  a  réuni  des  études  publiées 
depuis  1886  dans  le  Giornale  Ligiistico.  Elles  sont  d'intérêt  très  inégal. 
Presque  toutes  se  rapportent  à  l'histoire  génoise,  depuis  le  xvi^  siècle 
/usqu'à  nos  jours,  et  sont  fondées  sur  des  documents,  le  plus  souvent 
inédits,  provenant  de  Gênes,  de  Venise,  de  Mantoue,  etc.  Plusieurs  sont 
de  simples  anecdotes  (p.  72,  un  échappé  du  tremblement  de  terre  de 
Lisbonne;  p.  141,  un  mariage  et  un  bal  à  Chypre  au  siècle  dernier)  ; 
quelques-unes  touchent  à  l'histoire  littéraire  (p.  77,  le  Pater  noster  de 
la  religieuse  par  force,  à  ajouter  aux  parodies  de  littérature  sacrée 
signalées  par  Novati;  p.  235,  quelques  bibliothèques  de  Florence  au 
xvi^  siècle),  ou  à  l'histoire  de  Part  (p.  14,  Jean  Bologne  à  Gênes;  p.  253, 
la  cathédrale  de  Sarzana;  p.  85,  la  statue  et  une  médaille  d'André 
Doria;  à  propos  de  la  première,  il  relève  une  erreur  de  Petit  [A.  Doria, 
p.  120).  —  Nous  noterons  quatre  morceaux  intéressants  pour  Thistoire 


nait  dès  l'origine  un  assez  grand  nombre,  la  plupart  jadis  possédés  par  les  Capucins 
de  Pontoise;  l'autre  partie  provient  des  dons  d'un  renommé  bibliographe,  feu  Mad- 
den. 

1.  Sur  les  omissions  ou  erreurs  de  ces  spécialistes,  voir  pp.  1,4,5,  6,  7,  9,  10,  i3, 
i5,  16,  21,  29,  36,  39,  53,  58,  61,  62,63,  67,  70,  75,  77,  79,  83,  87,  91,  127,  i38, 
149,  i5i,  i54,  167,  169,  170,  171,  172,  .173,  178,  180,  i83,  i85,  186,  188,  189, 
193,  196,  197,  204,  206,  210,  212,  226,  227,  239,  240,  248,  249,  25o,  253,  260,  263, 
264,  271,  273,  278.  Ces  chiffres  disent  mieux  que  toutes  les  paroles  combien  l'ou- 
vrage de  M.  P.  rendra  des  services  aux  bibliographes  et  bibliophiles. 

2.  Voir  rénumération  de  ces  reproductions  photographiques  en  une  Taè/e  particu- 
lière (p.  281-282),  suivie  d'une  Table  des  noms  de  villes  et  d'imprimeurs,  d'une  Ta- 
ble sommaire  des  titres  des  ouvrages  et  enfin  d'une  Table  générale  alphabétique. 

3.  Deux  nouveaux  catalogues  très  importants  vont  être  mis  sous  presse,  et  deux 
autres  sont  en  préparation. 


494  REVUE    CRITIQUE 

de  France  et  dont  la  Revue  rétrospective  pourrait  faire  son  profit;  p.  17, 
diverses  anecdotes  de  la  Révolution  corse  au  xviii« siècle;  p.  5i,  Joseph 
Bonaparte  à  la  recherche  d'un  titre  de  noblesse  (très  amusant  épisode  de 
jeunesse  du  frère  de  Napoléon)  ;  p,  96,  le  duc  de  Richelieu  académicien 
della  Criisca  (publie  une  lettre  en  italien  écrite  par  lui,  Gènes,  14  sep- 
tembre 1748);  p.  3oo,  le  cardinal  Rivarola  et  Pauline  Borghèse  (quel- 
ques lettres  de  la  princesse,  dont  l'une  contient  de  très  vives  apprécia- 
tions sur  son  mari  :  è  benfinito  e per  sempre  ;  conosco  la  sua  gativeria). 
—  Relevons  quelques  légères  taches  :  p.  3o,  il  est  dit  que  si  Napoléon 
était  né  sujet  du  pape,  la  Corse  ne  serait  pas  aujourd'hui  italienne  seule- 
ment par  la  géographie:  il  faudrait  démontrer  d'abord  que  si  Napoléon 
était  né  sujet  pontifical,  sa  carrière  eût  été  autre  ;  p.  3oo,  le  mot  attribué  à  \ 
Voltaire:  «  Tant  pis  pour  l'orthographe!  »  n'est  pas  compris,  comme  le 
prouve  son  application  à  Richelieu  ;  p.  3o6,  Fauteur  apprécie  cruelle- 
ment le  charmant  mouvement  de  fierté  plastique  de  Pauline  Borghèse 
posant  devant  Canova  :  procace  audacia.  —  Les  éditeurs  français  n'ont 
pas  de  chance  avec  M.  Neri  :  Quantin  est  appelé  Quintin  (p.  120],  et 
Perrotin,  Perrotier  (p.  52).  —  Ce  ne  sont  là  que  des  vétilles;  le  plus 
grave  défaut  du  livre,  c'est  le  manque  d'un  index.  Tel  qu'il  est,  il  sera 
presque  impossible  de  s'en  servir,  et  ce  sera  vraiment  dommage,  car  il 
est  plein  de  documents  et  de  renseignements  curieux. 

L.  G.  P. 


281.  —  M.  Kronenberg.  Hemdier's  Pliilosophie  nach  ibrem  Entwickelungsgang 
und  ihrer  historichen  Stellung.  Heidelberg,  Winier,  1889,  n6  p.  in-8.  3  m,  60. 

L'essai  de  M.  Kronenberg  n'a  pas  grande  valeur,  parce  que  le  sujet 
est  mal  traité;  chose  plus  grave,  il  ne  pouvait  pas  avoir  grande  valeur, 
parce  que  le  sujet  est  mal  posé.  Il  prétend  étudier  la  philosophie  de  . 
Herder;  or,  des  idées  philosophiques  ne  font  pas  une  philosophie.  Si  II 
Herder  eut  des  tendances,  des  prédilections  et  des  effusions  plus  ou  || 
moins  philosophiques,  il  avait  en  revanche  une  tête  p.insi  faite  qu'il  lui 
fut  toujours  impossible  de  concevoir  nettement  une  pensée,  et  de  la 
suivre,  si  peu  que  ce  fût,  dans  ses  développements.  N'en  déplaise  à 
M.  K.,  c'est  Haym  qui  a  raison,  et  l'évolution  des  goûts  philosophi- 
ques de  Herder,  qui  changèrent  toujours  parce  qu'ils  furent  toujours 
indécis  et  flottants,  ne  constitue  guère  qu'une  série  de  documents  inté- 
ressant tout  au  plus  son  biographe.  Je  ne  nie  point  que  la  direction 
même  de  ces  tendances,  et  l'action  qu'eurent  ses  écrits  sur  une  petite 
classe  d'esprits,  n'aient  un  intérêt  pour  l'histoire  générale,  littéraire  et 
philosophique.  Son  naturalisme  mystique,  son  panthéisme  confus,  sa 
perpétuelle  et  fastidieuse  Schpàrnierei,  même  le  sentimentalisme  im- 
puissant et  embrouillé  qui  l'empêcha  d'être  jamais  autre  chose  qu'un 
écho,  et  le  mit  successivement  à  la  remorque  de  Hamann  et  des  spino- 
zistes,  tout  cela  ne  fut  pas  sans   exercer   quelque  influence  sur  les 


D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE  496 

Schlegel,  sur  Schelling,  sur  tout  le  romantisme,  et  même  sur  Gœthe. 
C'est  en  ce  sens  que  Ton  pouvait  étudier  la  «  position  historique  »  de 
Herder;  sans  être  passionnant,  le  sujet,  au  moins,  existait.  M.  Kronen- 
berg  ne  l'a  pas  entendu  ainsi  ;  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'en  affliger  outre 
mesure. 

Lucien  Herr. 


282.  —  Opère   dï   Giosuè    Carduccl.    Bologne,    Zanichelli,  t.   I   à  IV  parus, 
1889-1890,  in-i6  de  448,  5ii,  497,  489  p.  Prix:  4  fr.  le  vol. 

MM.  Zanichelli  se  sont  mi?  à  réunir  les  œuvres  complètes  de  M.  Car- 
ducci,  éparses  en  beaucoup  de  volumes,  plaquettes  et  revues,  et  cette 
édition  définitive,  faite  avec  un  goût  typographique  excellent,  a  l'avan- 
tage d'être  dirigée  par  l'auteur  lui-même,  bonne  garantie  pour  qu'elle 
soit  complète  et  correcte.  Elle  est  munie  de  notes  bibliographiques  et 
d'additions.  Il  aurait  fallu  souhaiter  que  ces  additions  fussent  plus  , 
nombreuses,  que  la  mise  au  point  eût  été  plus  homogène  et  que  le  texte 
même  des  travaux  de  critique  de  Carducci  eût  été  plus  minutieusement 
tenu  au  courant  des  progrès  de  l'érudition.  Mais  le  but  poursuivi  par 
les  éditeurs  ne  nécessitait  pas  cette  revision  ;  c'est  un  monument  litté- 
raire qu'ils  élèvent,  et  c'est  l'écrivain  plus  que  le  savant  qu'ils  ont 
entendu  honorer.  On  aurait  pu  éviter,  dans  ces  conditions,  la  repro- 
duction intégrale  des  rapports  faits  par  Carducci  à  la  députation  histo- 
rique des  provinces  de  Romagne,  de  i865  a  1875,  bien  que  le  lecteur  y 
trouve  une  preuve  nouvelle  de  la  variété  des  aptitudes  du  poète  et  de  sa 
grande  activité.  Je  regrette  moins  la  partie  toute  personnelle  et  d'actua* 
lité,  qui  tient  une  certaine  place  dans  les  polémiques,  parce  qu'elle  com- 
plète des  documents  d'histoire  littéraire,  parfois  précieux,  jamais  inu- 
tiles, pleins  d'indications  sur  la  vie  morale  et  intellectuelle  de  l'Italie  en 
ces  trente  dernières  années.  A  ce  point  de  vue  spécial,  la  collection  entre- 
prise rendra  dès  à  présent  d'utiles  services,  surtout  à  l'étranger. 

Quant  à  la  valeur  d'art  et  de  critique  de  l'œuvre  de  Carducci,  il  est 
superflu  de  la  rappeler.  L'admiration  très  sincère  que  j'aurais  à  exprimer 
pour  le  maître  de  Bologne  perdrait  de  son  prix  à  côté  de  celle  que  la 
Revue  critique  a  fait  connaître  dès  longtemps  à  ses  lecteurs.  On  a  loué 
en  lui,  ici-même,  «  le  plus  exact  des  érudits,  le  plus  minutieux  des  cri- 
tiques, en  même  temps  qu'un  penseur  original  et  un  écrivain  hardi  ^  ». 
Il  est  plus  utile  d'indiquer  le  contenu  des  volumes  déjà  parus,  afin  que 
les  lecteurs  soient  en  mesure  d'y  faire  leur  choix.  Le  premier  volume, 
intitulé  Discorsi  letterari  e  storici^  s'ouvre  par  le  discours  ofiiciel  pro- 
^1  nonce  aux  dernières  fêtes  universitaires  de  Bologne  ;  puis  viennent  les 
importants  discours  sur  le  développement  de  la  littérature  italienne, 
avec  de  nombreuses  modifications  améliorant  la  dernière  édition  parue 
dans  les  Studi  letterari  de  l'auteur  ;  suivent  les  discours  sur  Virgile, 

I.  Revue  du  i3  septembre  1874,  et  du  23  septembre  1876. 


49^  REVUE  CRITIQUE 

Dante,  Pétrarque,  Boccace,  Garibaldi,  etc.,  et  les  Rela:{îoni  auxquelles 
Je  faisais  allusion  tout  à  l'heure.  Avec  le  deuxième  volume,  nous  en- 
trons dans  la  critique  littéraire  plus  familière  ;  plusieurs  des  morceaux 
qui  y  sont  recueillis  ne  sont  autre  chose  que  les  préfaces  à  ces  éditions 
florentines,  qui  ont  occupé  plusieurs  années  de  la  jeunesse  de  l'écrivain, 
ainsi  qu'il  le  raconte  lui-même  au  tome  IV  des  Opère.  On  y  relira  les 
études  sur  Laurent  de  Médicis,  Tassoni,  Salvator  Rosa,  Alessandro 
Marchetti,  Altieri,  Giusti,  Gabriele  Rossetti,  mêlées  à  quelques  articles 
de  revue,  dont  les  idées  originales  étaient  destinées  à  reparaître  plus 
tard  en  des  œuvres  plus  mûries;  l'âge  de  ces  essais  est  indiqué,  en  effet, 
par  le  titre  du  volume  :  PrimiSag-gi.  Le  troisième^  Bo^^etti  e  Scherme, 
contient  des  portraits  piquants  comme  celui  de  la  comtesse  Gozzadini, 
héroïques  comme  celui  du  poète  Mameli  ;  on  y  relira  le  morceau  célèbre 
Di  alcuni  giudi\i  su  A.  Man^oni,  et  le  spirituel  récit  du  deuxième 
centenaire  de  Muratori.  La  France  est  intéressée  particulièrement  par 
une  courte  étude  sur  Littré  et  deux  articles  sur  Barbier,  dont  l'un, 
Augusto  Barbier  in  Italia,  met  en  œuvre  les  notes  du  poète  d'il  pianto 
en  ses  divers  voyages  ;  on  trouvera  encore,  aux  pages  126  et  suivantes, 
le  passage  bien  connu  sur  notre  littérature,  éloquente  apologie  inspirée 
par  la  rencontre  de  quelques  manuscrits  du  moyen  âge  à  la  Bibliothè- 
que de  Modène. 

Le  titre  Confessioni  e  Battaglie,  mis  au  quatrième  tome  des 
Opère,  a  déjà  servi  à  un  volume  antérieur,  qui  reparaît  ici  fort  aug- 
menté. Les  souvenirs  d'enfance  et  de  jeunesse,  le  récit  toujours  atta- 
chant des  débuts  littéraires,  les  premières  polémiques  introduisent  cette 
série  de  pages  ardentes  placées  en  tête  des  recueils  poétiques  de  Carducci, 
et  dont  quelques-unes,  notamment  dans  Critica  ed  arte,  sont  de  véri- 
tables manifestes,  véhéments,  débordants  d'idées;  ces  idées  ne  sont  pas 
toutes  également  solides,  sans  doute,  et,  pour  ma  part,  j'y  ferais  plus 
d'une  réserve  ;  mais  il  me  semble  que  la  franchise  virile  et  désintéressée 
de  l'écrivain  doit  lui  valoir  l'estime  de  ceux  même  qui  sont  appelés  à  le 
combattre.  Le  dernier  morceau  considérable  est  intitulé  :  Ça  ira;  il 
paraît  que  les  douze  sonnets  historiques  sur  1792,  auxquels  Tauteur  a 
donné  ce  titre,  ont  semblé  à  de  graves  critiques  pleins  de  dangers  pour 
la  jeunesse  du  royaume  et,  comme  on  dit,  éminemment  subversifs;  la 
riposte  à  ces  singulières  attaques  est  un  chef-d'œuvre  de  prose  ironique 
et  vigoureuse.  Un  Français,  quel  que  soit  d'ailleurs  son  sentiment 
politique,  ne  pourra  en  lire  certaines  pages  sans  une  émotion  recon-J 
naissante;  il  y  a  des  langues  dans  lesquelles  nous  ne  sommes  plus^ 
habitués  à  entendre  juger  notre  pays  avec  équité;  notre  poète,  au  con-| 
traire,  sait  voir  de  haut  les  hommes  et  les  choses  et  regarde  l'histoire 
avec  un  cœur  droit. 

P.  N. 


d'histoire  et  de  littératdrb  497 

283, Mémoires  du  duc  des  Cars,  publiés  par  son  neveu  le  duc  des  Cars, 

avec   une  introduction  et  des  notes,  par  Henri   de  l'Epinois.  Paris,  Pion,  1890. 
Deux  volumes  in-8,  xxiv  et  387,  433  p.  i5  fr. 

Quoique  ces  Mémoires  ne  soient  pas  édités  avec  un  soin  parfait,  il 
y  a  intérêt  et  profit  à  les  lire.  L'auteur,  le  duc  des  Cars,  destiné  d'abord 
à  l'état  ecclésiastique,  servit  dans  la  marine  et  accompagna  M.  de  Breu- 
gnon à  Maroc;  puis  il  entra  dans  la  cavalerie,  et  devint  successivement 
gentilhomme  d'honneur  du  comte  d'Artois,  colonel  de  dragons,  briga- 
dier de  cavalerie  et  premier  maître  d'hôtel  du  roi.  Ce  fut  un  excellent 
colonel  qui  ne  négligea  pas  son  régiment  et  ne  cessa  d'étudier  son  métier 
avec  passion.  Aussi  fit-il  en  1785  un  voyage  à  Berlin  pour  voir  de  près 
lorganisation  de  l'armée  prussienne  et  assister  aux  revues  de  Potsdam  ; 
il  fut  présenté  à  Frédéric  11  et  se  lia  avec  le  prince  Henri  qui  ne  man- 
qua pas  de  lui  dénigrer  son  frère  et  de  «  rabattre  l'opinion  généralement 
reçue  de  ses  grands  talents».  Il  prit  part,  avec  le  comte  d'Artois,  au 
siège  de  Gibraltar,  et  nous  décrit,  d'une  façon  très  attachante,  la  cour 
d'Espagne  et  les  principaux  épisodes  de  l'expédition  :  les  visites  aux 
tranchées,  les  batteries  flottantes  du  colonel  d'Arçon,  les  chevaleresques 
égards  d'Elliot,  sans  oublier  de  nous  peindre  en  passant  le  duc  de  Cril- 
lon  et  le  romanesque  Nassau-Siegen,  «  véritable  chevalier  errant  de  ce 
siècle  »  (I,  174).  Lorsqu'éclata  la  Révolution,  le  duc  des  Cars  resta 
fidèle  au  roi  et  se  détermina  à  ne  pas  le  quitter,  quel  que  pût  être  son 
sort.  Mais  on  le  crut  «  plus  utile  dehors  que  dedans  »  (II,  87).  Il  par- 
courut l'Allemagne,  et  visita  les  cours  :  Cologne,  Mayence,  Bruchsal, 
Stuttgart  et  le  château  de  Hohenheim,  Munich,  Ratisbonne,  Passau. 
Mais  l'épisode  marquant  de  ce  voyage  est  le  séjour  de  Vienne;  le  duc 
des  Cars  y  fit  connaissance  avec  les  plus  grands  personnages,  Kaunitz, 
Lacy,  le  prince  de  Ligne,  etc.,  et  Vienne,  dit-il,  n'avait  pas  alors  son 
égale  en  Europe  pour  le  choix,  le  nombre  et  l'agrément  des  sociétés 
[11,  i6i).  Il  s'entretint  avec  Joseph,  puis  avec  Léopold  de  la  situation 
du  roi  de  France;  Léopold  désirait  que  Louis  XVI  sortît  de  France  ou 
du  moins  se  rendît  à  Valenciennes,  pour  traiter  de  là  avec  l'assemblée. 
Mais  déjà  l'émigration  s'agitait,  les  princes  intriguaient  et  appelaient 
Galonné,  «  l'aimable  Calonne,  doué  de  tant  d'esprit,  mais  qui  montrait 
parfois  une  indiscrète  légèreté  ».  Le  duc  des  Cars  combattit  l'influence 
néfaste  de  Calonne  et  son  plan  d'émigration  systématique;  aussi  Conzié 
le  nommait-il  un  monarchien  (II,  207).  Mais  les  princes  avaient  con- 
fiance dans  le  duc,  et  ce  fut  lui  qu'ils  chargèrent  de  porter  en  Suède  la 
convention  de  Pillnitz,  et  de  résider  en  leur  nom  auprès  de  Gustave  III. 
Le  récit  du  duc  des  Cars  à  la  cour  de  Gustave  est  connu  depuis  long- 
temps; M.  Geffroy  avait  pu  le  consulter  et  reproduire  plus  d'une  appré- 
ciation, plus  d'une  citation  de  ce  «  brillant  officier  qui  laissa  après  lui 
une  mémoire  justement  appréciée,  des  traditions  de  fidélité,  d'honneur 
et  d'esprit  »,  Mais  on  ne  lira  pas  sans  curiosité  le  tableau  de  l'état  poli- 
tique et  militaire  de  la  Suède,  et  tous  les  dramatiques  détails  qui  pré- 


498  REVUE   CRITIQUE 

cèdent  et  annoncent  l'assassinat  de  Gustave;  le  duc  des  Cars  reçut  la 
confidence  du  complot  et  avertit  le  roi;  il  assista  aux  derniers  moments 
de  Gustave.  C'est  ici  que  se  terminent  les  mémoires  du  duc  des  Cars. 
On  saura  le  plus  grand  gré  à  son  neveu  de  les  avoir  livrés  au  public. 
Les  historiens  du  siècle  dernier  y  recueilleront  d'utiles  observations  et 
bien  des  particularités  inédites.  Les  anecdotes  y  fourmillent,  notam- 
ment sur  la  cour  de  Louis  XV  et  de  Louis  XVI,  et  nous  appelons  l'at- 
tention, surtout  ce  qui  concerne  la  fortune  politique  de  l'abbé  Terray,  les 
réformes  militaires  du  comte  de  Saint-Germain,  la  guerre  d'Amérique, 
«  la  guerre  la  plus  indécente  »  (I,  173),  le  combat  d'Ouessant  et  le  rôle 
qu'y  joua  le  duc  de  Chartres,  Necker,  etc.  Nous  avons  déjà  cité  les  pa- 
ges relatives  à  l'Espagne  et  à  Frédéric  II.  —  L'éditeur  a  bien  fait  de 
détacher  du  texte  des  Mémoires  tous  les  passages  qui  ont  trait  aux  ma- 
nœuvres de  cavalerie  et  de  les  mettre  à  part  dans  deux  chapitres  parti- 
culiers (H, 3o2-385);  là  aussi  on  glanera  des  informations  instructives 
et  mainte  anecdote  sur  l'instruction  des  revues  en  Prusse,  sur  le  nou- 
veau système  d'allures  introduit  par  le  duc  dans  deux  régiments,  sur  les 
exercices  de  Vaucouleurs  et  le  camp  de  Metz,  sur  le  comité  de  cavale- 
rie et  l'ordonnance  d'instruction  pour  les  troupes  de  cheval,  qui  «  est 
presque  entièrement  le  travail  du  duc  des  Cars,  sauf  quelques  change- 
ments dans  l'ordre  des  chapitres,  et  des  mouvements  de  lignes  »  (IL 
379).  Un  Epilogue  nous  renseigne  sur  la  carrière  ultérieure  de  l'au- 
teur des  Mémoires,  sur  sa  sœur,  la  marquise  de  Brunoy,  et  son  cousin, 
le  comte  François  des  Cars.  M.  de  l'Epinois  a  mis  en  tête  du  premier 
volume  une  courte  introduction  et  au  bas  des  pages  quelques  notes  qui 
ne  sont  pas  toujours  irréprochables  '  ;  on  le  remerciera  d'avoir  dressé 
une  table  de  noms  cités  dans  les  Mémoires  (II,  412-429). 

A.  Chuquet. 

I.  De  même  que  quelques  noms  cités  dans  le  texte  et  les  notes.  Tome  I,  p.  48^ 
lire  Mazarredo  et  non  Massorodo  ;  —  p.  i3g,  du  Muy  et  non  de  Muy  ;  — p.  168,  Keith 
et  non  Reith  ;  —  p.  226,  c'étaient,  non  le  roi  et  la  reine  de  Suède,  mais  le  futur  Paull'» 
et  sa  femme  qui  voyageaient  sous  le  nom  de  comte  et  comtesse  du  Nord;  —  p.  262, 
à  quoi  sert  la  longue  note  sur  la  guerre  de  Sept  Ans?  —  p.  3og,  lire  Consarbrùck  et 
non  Consorbrùck ;  —  p.  332  et  partout  Heymaiin  et  non  Heyman  ;  —  p.  364,  355, 
356,  357,  Gaudi  et  non  Gandi;  —  p.  356,  Villingshausen  et  non  Wiliinghausen;  _ 
—  p.  358,  Granby  et  non  Gamby,  Sababurg  et  non  Salabord,  Spœrcken  et  non  f 
Spo)  cken  (et  sans  doute  Meimbressen  pour  Moyenbrecken);  —  p.  359,  Hohenkir- 
clien  et  non  Hocfikirken,  Immenhausen  et  non  lenenhausen;  —  p.  363,  Kehnert  et 
non  Kenert;  —  379,  Pritlwitzet  non  Pritt^witi,  Wusirau  et  nonTFM5ro«»;  — tome  11^ 
p.  8-9,  le  régiment  des  hussards  rouges  de  Schulenbourg  était  dans  la  guerre  de 
Sept  Ans  le  régiment  de  Belling  (et  non  de  Beleing),  et  fut  celui  deBlûchcr;  — lire 
p.  25  Reinhardsgrimma  et  non  Rheinartsgrienn,  Dippoldiswalde  et  non  Dippols- 
diwalda;  —  p.  99,  M™e  de  Cudenhoven  et  non  de  Gudiiowe;  —p.  100,  Nassau-Usin- 
gen  et  non  Lesingen;  —  p.  108,  Lehrbach,  et  non  Lerbach ;  —  p.  i3o,  Starhemberg 
et  non  Stahretnberg ;  —  p.  145,  Podewils  et  non  Podwit:{;  —  p.  i53,  Kageneck  et 
non  Kœgeneck;  —  p.  t55,  Groschlag  et  non  Gronchlau  ^1);  —  p.  160,  Van  Swieten 
et  non  Suyteyx,  Haeftcn  et  non  Horften;  —  p.  178,  Schœnbornlust  et  non  Schœn- 
burnlust;  —  p.  217,  DoUffs  et  non  d'Olfs,  etc.  Les  notes  sont  inégalement  réparties; 


j 


d'histoire  et  de  littérature  499 

284.  —  Comte  Vasili.  La  Sainte  Russie.  La  cour,  l'armée,  le  clergé,  la  bour' 
geoisie,  le  peuple.  Un  vol.  in-4  de  55o  pages.  Paris,  Firmin  Didot,  1890. 

Je  n'ai  pas  l'intention  de  rechercher  ici  quelle  collectivité  d'écrivains 
se  cache  sous  la  raison  sociale  du  comte  Vasili.  Cette  raison  sociale  a 
dirigé  le  présent  volume  dont  les  différents  chapitres  ne  sont  certaine- 
ment pas  tous  dus  à  la  même  main.  Tous  sont  loin  d'avoir  la  même  valeur  : 
leur  ensemble  ne  donne  pas  une  idée  complète  de  la  Russie  :  ils  ont 
laissé  en  dehors  l'art  et  la  littérature.  L'aspect  extérieur  du  volume  est 
fort  séduisant  :  les  illustrations  sont  exactes  ^  et  ne  sont  pas  placées  à 
contre-sens,"ainsi  que  cela  est  souvent  arrivé  pour  les  ouvrages  antérieurs, 
relatifs  à  la  Russie. 

Le  volume  s'ouvre  par  une  histoire  de  la  Russie  à  vol  d'oiseau.  Cette 
introduction  est  malheureusement  des  plus  faibles;  la  personne  qui  l'a 
écrite  estassurément  un  russe  très  patriote,  mais  ce  n'est  pas  un  historien 
de  profession.  —  P.  3,  par  exemple,  le  comte  Vasili  (ou  son  collabora- 
teur) affirme  que  la  nationalité  russe  n'a  pas  été  le  résultat  de  l'envahis- 
sement de  la  race  indigène  par  la  race  germaine  conquérante.  Mais  ce 
que  les  annalistes  russes  appellent  la  vocation  des  Varègues,  n'est  qu'un 
envahissement  déguisé.  L'auteur  a,  il  est  vrai,  des  idées  fort  vagues  sur 
ces  Varègues. (f  Qu'ils  aient  été,  dit-il  p.  5,  desNormandsou  des  Scandina- 
ves! (?)  »  Sait-il  bien  lui-même  ici  ce  qu'il  a  voulu  dire?  —  P.  9.  L'expé- 
dition d'Oleg  contre  Constantinople  décida  deux  des  plus  grands  événe- 
ments de  l'histoire  de  Russie  :  l'introduction  du  christianisme  etTadop- 
tion  du  titre  de  tsar.  Le  titre  de  tsar  n'ayant  été  pris  qu'au  xvi"  siècle, 
on  ne  voit  pas  bien  la  relation  des  deux  événements.  —  P.  10.  Ce  n'est 
pas  pour  les  Bulgares  que  Cyrille  ~  et  Méthode  inventèrent  l'alphabet 
Slavon.  Ce  fut  pour  les  Slaves  de  la  Grande  Moravie  —  P.  21.  Les  pro- 
vinces occidentales  de  l'Empire  russe  ne  furent  pas  converties  au  catho- 
licisme, mais  amenées  à  l'Union  avec  l'église  de  Rome,  ce  qui  est  bien 
différent.  —  P.  22.  On  nous  cite  parmi  les  chefs  des  Cosaques,  les  Taras 
Boulba  et  les  Khmelnitsky  :  Boulba  est  un  personnage  de  roman  qui  a  été 
inventé  par  Gogol  et  n'a  rien  à  faire  avec  l'histoire.  —  P.  27.  «  Kholop, 
mot  polonais  qui  signifie  esclave  «  :  Kholop,  Khlop,  est  un  mot  essen- 
tiellement panslave  et  dont  les  Polonais  n'ont  pas  le  monopole.  Je  n'in- 


certains  personnages  en  ont,  d'autres  n'en  ont  pas  du  tout,  quelques-uns  en  ont  deux, 
ce  qui  est  trop  (La  Pérouse,  1,  60  et  202;  Rumain,  I,  70  et  202).  Roquefeuil,  cité 
déjà  I,  p.  80  et  177,  n'a  sa  note  qu'à  la  p.  209.  Enfin  l'éditeur  aurait  mieux  fait  de 
ne  pas  traduire  en  français  les  citations  latines  {loca  fœta  furentibits  austris  =  mau- 
vais lieux  lorsque  les  vents  se  déchaînent  en  furie;  il  aura  compns  fœda  et  il  met 
une  virgule  après  ce  mot;  —  «  vera  incessu  paruit  dea  (pour  «  patuit  »)  »  ;—  ille  etiam 
exlUicto  miseratus  Cesare  Romani  =  «  à  la  mort  de  César  on  prit  pitié  de  Rome 
lorsqu'un  nuage  épais  enveloppa  sa  tête  blanchie  »,  1,  66,  336  ;  II,  65. 

1.  Sauf  celle  de  la  p.  187.  Les  élèves  du  progymnase  de  Varsovie  n'ont  rien  à 
faire  dans  un  livre  où  il  n'est  pas  parlé  de  la  Pologne, 

2.  L'auteur  écrit  Kyrille  :  ce  simple  détail  suffit  à  constater  sa  nationalité.   Son 
style,  d'ailleurs,  est  souvent  exotique. 


500  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET   DE   LITTÉRATURE 

sisterai  pas  davantage  sur  ces  observations  de  détail  qui  fatigueraient  le 
lecteur.  Tout  ce  résumé  d'Iiistoire  russe  est  absolument  manqué.  Si 
jamais  l'ouvrage  arrive  à  une  seconde  édition,  c'est  un  chapitre  à  récrire 
en  entier.  Le  chapitre  sur  la  noblesse  russe  donnerait  lieu  également  à 
bien  des  observations  '.  Les  pages  consacrées  aux  sectes  sont  bien  incom- 
plètes. Les  négligences  de  style  abondent  dans  celles  qui  sont  relatives 
à  la  bourgeoisie.  —  P.  317.  «  Les  Russes  gagnaient  leur  pain  en  vivant 
dans  les  campagnes  où  il  leur  était  plus  facile  de  se  sauver  à  la  moindre 
invasion  tartare  que  d'une  \\l\e(sic).  »  —  P.  32 1.  a  Certaines  maisons  de 
commerce  ou  d'industrie  se  voient  après  cent  ans  d'existence  honorable 
élevées  en  la  personne  de  leur  chef  au  titre  de  baron.  »  Les  meilleures 
parties  du  livre  sont  celles  qui  concernent  les  institutions,  la  bour- 
geoisie, les  deux  capitales.  Quelques  illustrations  sont  fort  remarquables. 
Mais  l'ouvrage  aurait  gagné  à  être  plus  sévèrement  revu.  Tel  qu'il  est,  il 
ne  dispense  de  recourir  ni  au  manuel  de  M.  Rambaud  ni  aux  admira- 
bles études  de  M.  Anatole  Leroy-Beaulieu.  Le  ton  général  est  celui 
d'un  enthousiasme  continu  pour  les  personnes  et  les  institutions.  Trop 
est  trop,  disait  M"«  de  Sévigné. 

L.  L. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —M.  A.  Loisy  vient  de  publier  une  brochure  sur  les  Proverbes  de  Salo- 
mon  (Amiens,  impr.  Rousseau-Leroy,  i8go;  bg  pp    inS").  Il  montre  qu'on  a  affaire 
à  une   compilation  de  neuf  recueils  différents  :  un   prologje  (I,  1-6),  des  discours 
moraux  introduclifs  (I,  7-IX),  une  collection  de  sentences  attribuées  à  Salomon  (X- 
XXII,  16;,  deux  groupes  de  pensées  anonymes  (XXII,  17-XXIV,  22  et  XXIV,  23-34), 
un  recueil  daté  du  règne  d'Ezéchias  (XXV-XXIX),  deux  petits  recueils  d'origine  non 
Israélite  attribués  à  Agur  et  à  Lemuel  (XXX,  XXXI,  1-9),  enfin  un  poème  alphabé-  ||| 
tique  (XXXI,  io-3i).  La  date  de  ces  différents  recueils  est  très  difficile  à  déterminer; 
celui  qui  est  présenté  comme  exécuté  sous  le  règne  d'Ezéchias  paraît  le  plus  ancien. 
L'ensemble  de  la  compilation  ne  doit  pas  être  d'une  époque  plus  tardive  que  les  pre- 
mières années  après  l'exil.  En  tout  cas,  il  n'y  a  pas  lieu  d'y  voir  une  série  d'extraits 
d'une  compilation  salomonienne  plus  étendue;  si  le  nom  de  Salomon  mérite  de  res- 
ter dans  le  titre,  c'est  que  ce  roi  paraît  avoir  été  l'initiateur  du  genre  chez  les  Juifs. 
Cette  dissertation  de  M.  Loisy  fait  bien  augurer  du  travail  qu'il  prépare  sur  les  Pro- 
verbes. 

BELGIQUE.  —  Le  prix  décennal  de  philologie,  pour  la  période  de  1880-1889,  est 
décerné  à  M.  Aug.  Scheleh,  pour  ses  travaux  de  philologie  française. 

—  L'Académie  royale  a  reçu  d'un  anonyme  un  capital  de  43,000  francs  en  obli- 
gations beiges  3  1/2  0/0  afin  d'instituer,  au  moyen  des  intérêts  de  cette  somme, 
un  prix  biennal  de  philologie  classique  de  3,i5o  francs. 

1.  Notre  collègue  Baudouin  de  Courtenay  n'est  point  professeur  à  Kiev;  il  ne  croit 
pas  descendre  des  princes  capétiens  de  Courtenay. 

2.  P.  93,  vykho  lisez  vykhod.  —  P.  100,  lisez  opoltchenie  et  non  opollchenie. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 
Le  Fuy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


1 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    Ei     DE    LITTÉRATURE 

N°  26  -  30  juin  —  1890 


«Sommaire  t  285.  Edkins,  L'évolution  de  l'hébreu.  —  286.  Etudes  sur  le  latin 
archaïque,  i,  2.  —  287.  Hochart,  L'authenticité  des  Annales  et  des  Histoires  de 
Tacite.  —  288.  Grundlach,  La  primauté  d'Arles  sur  l'église  des  Gaules.  —  289. 
ScHLUMBERGER,  Nicéphore  Phocas.  —  290.  Bindi,  Monuments  historiques  et  ar- 
tistiques des  Abruzzes.  —  291.  De  Rubi.e,  Le  collogue  de  Poissy.  —  292.  Corvin, 
Le  théâtre  en  Russie.  —  2gi5.  Schwob  et  G.  Guieysse,  L'Argot  français.  — 
Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


285.  —  Xlie  évolution  of  tlie  liebre-vv  language  by  Joseph  Edkins,  D.  D., 
author  of  «  Evolution  of  the  chinese  language  »,  China's  place  in  philology  », 
«  Chinese  Buddhism  »,  etc.  Londres,  Triibner,  1889,  in-8,  ix  et  i5o  p. 

La  linguistique  qui,  née  de  nos  jours,  a  pris  une  place  si  importante 
dans  nos  études,  est  fondée  sur  la  méthode  comparative;  elle  suit,  dans 
leur  développement  à  travers  les  âges,  les  langues  sœurs  qui  ont  une 
même  origine,  note  leurs  traits  de  famille  et  explique  leurs  divergences. 
Mais  elle  s'interdit  de  remonter  plus  haut,  car  son  domaine  est  circons- 
crit par  un  horizon,  au  delà  duquel  se  trouve  le  brouillard;  ainsi  elle 
ne  cherche  pas  à  reconstituer  une  langue-mère  qui  a  disparu  sans  lais- 
ser d^autres  traces  que  ses  rejetons,  car  les  éléments  de  reconstruction 
lui  font  défaut.  Pour  les  langues  sémitiques,  le  caractère  commun,  c'est 
la  trillitéralité.  Ce  phénomène  a-t-il  succédé  a  un  état  plus  ancien,  an- 
térieur à  la  séparation  de  ces  langues,  où  les  mots  étaient  monosyllabi- 
ques ou  bilittères?  On  peut  le  supposer,  mais  ce  n'est  qu'une  hypothèse 
plus  ou  moins  vraisemblable.  M.  Joseph  Edkins,  dans  le  livre  énoncé 
ci-dessus,  non  seulement  admet  le  principe  de  la  bilittéralité  comme 
hors  de  doute,  mais  il  considère  l'hébreu  comme  une  langue  née  d'elle- 
même,  et  il  trace  aisément  les  diverses  phases  de  sa  genèse.  Il  lui  suffit 
pour  cela  d'examiner  l'organe  qui  sert  à  la  manifestation  de  la  pensée 
humaine,  la  bouche  et  ses  diverses  parties.  D'après  cet  organe,  il  divise 
les  consonnes  en  labiales,  dentales  et  gutturales;  ces  trois  classes  repré- 
sentent les  trois  évolutions  de  la  langue.  A  la  période  primitive  appar- 
tiennent les  labiales,  car  les  lèvres  sont  mues  d'abord  par  l'enfant  à  la 
mamelle  ;  à  cette  époque,  la  langue  ne  se  compose  que  de  quelques  voca- 
bles. Puis  vient  Page  des  dentales  qui  se  forment  des  labiales  par  évolution; 
la  langue  s'enrichit  beaucoup  pendant  cette  période,  mais  elle  ne  reçoit 
son  complet  épanouissement  qu'à  l'époque  des  gutturales  qui  achèvent 
l'évolution.  On  comprend  chez  un  Anglais,  qui  s'écoute  parler,  la  pré- 
férence assignée  aux  labiales  et  aux  dentales;  mais  il  y  a  fort  à  parier 
que,  si  ce  système  avait  été  conçu  par  un  Allemand,  les  gutturales  au« 
Nouvelle  série,  XXIX.  26 


502  RRVUR    CRITIQUR 

raient  obtenu  le  premier  rang.  M.  Edkins  ne  pense  pas  sans  doute  que 
Tenfant  à  la  mamelle  ait  été  l'inventeur  de  la  langue;  celui-ci  n'aurait 
pas  trouvé  assurément  les  dentales,  et  pour  cause.  Au  surplus,  son  sys- 
tème est  un  vrai  passe-partout  applicable  à  toutes  les  langues  et  capable 
d'ouvrir  toutes  les  portes;  il  est  très  simple  et  tient  en  quelques  pages. 
Il  s'adapte  parfaitement  à  l'hébreu  :  prenez  un  mot  composé  de  labiales, 
bamah  «  lieu  haut  »,  vous  avez  dans  le  même  sens  i^am  «  haut  »  et  qum 
«se  tenir  debout»  Comprenez-vous  l'évolution?  Non?  Prenons  un 
autre  cas  :  supposez  un  ancien  démonstratif  perdu  en  p  et  m;  comparez 
les  pronoms  hébreux  ^eh,  :{oth  «  celui-ci,  celle-ci  »,  elleh  «  ceux  ci  »  ha 
((  le,  la,  les  »,  asher  «  qui  »,  hii,  hi  «  il,  elle  »,  hemmah,  hem,  henna, 
hen  «  eux,  elles  ».  L'évolution,  nous  dit  l'auteur,  s'est  faite  dt  b  tn  d  et 
de  ^  en  ;j  ^  Voulez-vous  d'autres  exemples?  Non,  n'est-ce  pas?  Cela 
suffit  pour  juger  le  livre.  Les  amateurs  de  curiosité  lui  feront  une  place 
dans  leurs  collections;  il  pourra  même  trouver  des  imitateurs,  dont  l'es- 
pèce n'est  pas  rare,  mais  le  temps  est  heureusement  loin,  où  il  aurait  pu 
faire  école. 

Rubens  Duval. 


2S6.  —  Stu<lîen  auf  [<Ieni  Gebîete  «les  aroliai^iclien  I^ateins,  herausge- 
geben  von  W.  Studemund,  t.  I,  fasc.  2.  Berlin,  Weidmann,  1890,  pp.  3iq- 
642.  In-8.  Prix  :  7  M. 

Ce  deuxième  fascicule  (le  premier  remonte  à  1873  !)  contient  deux 
dissertations  :  A.  Luchs,  Zur  Lehre  von  der  Genetivbildung  der  latei- 
nischen  Pronomina,  et  P.  Richter,  de  usu  particularum  exclamatiua- 
rum  apud  priscos  scriptores  latinos.  Un  avis  de  M.  Oskar  Seyffert,  qui 
se  dissimule  à  la  fin  de  la  brochure,  nous  prévient  que  la  première  dis- 
sertation avait  été  publiée  en  1873  et  qu'il  avait  paru  de  la  seconde  deux 
fragments  étendus  en  1874  et  en  1879.  Si  l'on  n''était  habitué  à  tout,  on 
pourrait  trouver  mauvais  le  procédé  d'un  éditeur  qui  reprend  d'anciens 
articles  pour  compléter  un  volume  commencé  dix-sept  ans  plus  tôt. 
Mais  ces  études  n'ont  pas  vieilli.  Les  recherches  de  M.  Albrecht  Kohler 
sur  em  et  en  (Archiv  de  Wolfflin,  VI,  25),  par  exemple,  n'ont  fait  que 
confirmer  d'avance  les  résultats  obtenus  par  M.  Richter.  Si  on  peut 
contester  çà  et  là  quelques  assertions,  on  a  du  moins  dans  ce  petit 
volume  un  recueil  statistique  commode  à  consulter. 

Paul  Lejay. 


1.  L'auteur  donne  la  priorité  aux  explosi^'es  sur  les  sourdes,  parce  que  l'organe 
de  l'ouïe  a  dû  percevoir  d'abord  les  sons  sonores.  11  dit  que  le  chaldéen  da  est  pa- 
rent de  l'hébreu  ;fe/j,  l'arabe  étant  dhu,  dki,  dha,  et  que  l'évolution  a  eu  lieu  de  d 
en  :{.  Mais  les  inscriptions  araméennes  nous  apprennent  que  les  formes  anciennes 
du  démonstratif  et  du  relatif  étaient  :[end,  ^a,  ^i,  et  les  formes  postérieures  dena, 
dâ,  di.  C'est  donc  le  contraire  qui  est  vrai  dans  ce  cas. 


d'histoire  et  de  littérature  5o3 

287.  —  p.  HoCHART.    De  l'Auf  Iienticité  des  Annales   et  de»  Eflietoires  de 
l'aeite.  Paris,  1890  (chez  Thorin),  in-8,  33o  pages. 

M.  Hochart  qui  avait  déjà  émis,  à  propos  de  la  persécution  des  chré- 
tiens sous  Néron,  des  idées  quelque  peu  hardies,  vient  de  consacrer  tout 
un  livre  à  prouver  que  les  Annales  et  les  Histoires  de  Tacite,  telles  du 
moins  que  nous  les  possédons,  sont  l'œuvre  du  Pogge.  C'est  la  théorie 
de  M.  Ross  amplifiée.  Les  premiers  chapitres  contiennent  des  faits  assez 
intéressants  sur  les  découvertes  littéraires  au  xv^  siècle,  sur  le  Pogge  et 
sur  ses  amis.  Soixante-huit  lettres  du  Pogge,  connues  d'ailleurs,  termi* 
nent  le  travail.  Quant  au  corps  du  livre,  je  ne  m'y  étendrai  pas  longue- 
ment. Un  exemple  pris  au  hasard  suffira  à  montrer  avec  quelle  sagacité 
l'auteur  procède.  Il  s'agit  de  prouver  que  le  texte  de  Tacite  est  plein  de 
contradictions.  On  lit  donc  à  la  page  gS  :  «  Les  variations  sont  plus  impor- 
tantes au  sujet  des  légions  romaines.  Les  Annales  nous  donnent  leur  dis- 
tribution dans  rétendue  de  l'empire  :  il  y  en  aurait  eu  8  sur  le  Rhin,  3 
en  Espagne,  2  en  Afrique,  2  en  Egypte,  4  en  Asie,  2  en  Pannonie,  2  en 
Mésie,  2  en  Dalmatie;  il  n'y  en  aurait  point  eu  en  Gaule  ni  en  Breta- 
gne. La  garde  de  Rome  aurait  été  confiée  à  3  cohortes  urbaines  et  9  co- 
hortes prétoriennes.  Or,  dans  les  Histoires,  nous  en  voyons  (c'est-à-dire, 
■je  pense,  nous  voyons  des  légions)  en  Italie,  en  Bretagne,  à  Lyon;  à 
Rome,  d'autre  part  le  nombre  des  cohortes  est  de  4  urbaines  et  de 
ï6  prétoriennes.  »  Pourquoi  ne  pas  reprocher  aussi  à  Tacite,  comme 
une  contradiction,  de  dire  dans  les  Annales  que  l'empereur  se  nommait 
Tibère,  tandis  qu'il  parle  dans  les  Histoires  de  Galba  et  de  Vespasien? 

Que  M,  H.  se  donne  la  peine  de  faire  la  preuve  de  son  opération, 
comme  on  dit  en  arithmétique;  qu'il  voie  le  nombre  de  faits  qui  se  ren- 
contrent dans  Tacite  et  que  des  inscriptions  trouvées  depuis  la  Renais- 
sance ont  confirmés,  que  par  suite  on  ignorait  entièrement  à  Pépoque 
du  Pogge?  S'il  n'est  pas  convaincu  alors  de  l'authenticité  de  Tacite, 
c'est  qu'il  fermera  les  yeux.  Il  est  vrai  que,  pour  se  tirer  d'affaire,  il 
pourra  soupçonner  les  inscriptions  d'avoir  été  faites  d'après  Tacite.  II 
n'est  pas  déjà  bien  certain  que  la  table  de  Claude  soit  authentique 
(p.  io3).  Décidément  «  on  ne  fait  pas  sa  part  au  scepticisme.  » 

R.  Cagnat. 


288.  —  W.  Grundlach.  I>er  Streit  der  Itistliunici*  Arles  und  Vienne  um 

den  Primatus  Galliarum.  i  vol.  in-8,  xxii-294  pages.  Hannover,  Hahn,  1890. 

M.  Grundlach  devait  publier  dans  les  Monumenta  Germanîœ  hislo- 
rica  (section  des  Epistolœ)  celles  des  lettres  écrites  par  les  prédécesseurs 
du  pape  Grégoire  I<^r  qui  se  rapportent  à  l'histoire  du  royaume  franc.  Ces 
lettres  peu  nombreuses  font  partie,  dans  les  manuscrits  qui  nous  les  ont 
conservées,  d'une  collection  où  sont  réunies  une  série  de  pièces  relatives 
à  la  primauté  du  siège  d'Arles  sur  l'église  des  Gaules.  Il  était  par  suite 
du  devoir  de  l'éditeur  d'examiner  quelle  est  la  valeur  de  la  collection  tout 


?04  REVUE    CniTIQUR 

entière;  est-elle  authentique  ou  bien  les  documents  qui  la  composent 
ont-ils  été  inventés  d'une  pièce,  pour  exalter  le  siège  d'Arles?  Mais  il 
existe  une  autre  collection  publiée  par  Jean  Dubois  (Johannes  a  Bosco) 
à  la  suite  de  sa  Floriacensis  vêtus  bibliotheca,  où  l'on  démontre  que 
cette  primauté  de  la  Gaule  appartient  au  siège  de  Vienne.  Entre  les  deux 
séries  de  documents,  il  y  a  contradiction  absolue;  laquelle  est  la  vraie, 
laquelle  est  la  fausse,  ou  bien  ne  seraient-elles  pas  controuvées  toutes 
deux?  Telles  sont  les  questions  que  se  pose  M.  G.  et  auxquelles  il  ré- 
pond avec  une  grande  sagacité. 

Il  prouve  d'abord  l'authenticité  des  Epistolœ  Arelatenses.  Ces  lettres 
nous  ont  été  conservées  dans  de  très  anciens  manuscrits;  deux  d'entre 
eux  (Bibliothèque  nationale,  fonds  latin  2777  et  3849),  remontent  au 
ix°  siècle;  quelques  pièces,  recueillies  dans  la  collection,  se  retrouvent 
même  isolées  dans  des  manuscrits  plus  anciens.  Le  formulaire  de  toutes 
ces  lettres,  —  suscriptions  et  souscriptions,  manière  de  dater  —  répond 
tout  à  fait  aux  usages  suivis  par  la  chancellerie  pontificale  du  iv^  au 
vp  siècle.  Enfin  le  contenu  n'est  contredit  par  aucun  document  de  l'é- 
poque ;  bien  au  contraire,  les  actes  d'un  certain  nombre  de  conciles  indi£ 
quent  que  les  prélats  d'Arles  avaient  au  début  de  la  période  mérovi 
gienne  une  situation  prépondérante  dans  l'église  des  Gaules. 

Il  en  est  tout  autrement  des  Epistolœ  Viennenses.  Nous  ne  les  troP 
vous   dans   aucun    manuscrit    antérieur  au    xii''   siècle.    Les   formules 
employées  sont  inexactes   et   trahissent  une    falsification   relativement 
récente.    Toutes  les    pièces    sont     fort  vagues,    pleines  de  contradic- 
tions, en  opposition    manifeste  avec    les    faits   authentiques   que  nous 
connaissons.  Jusqu'ici  nous  sommes  tout  à  fait  d'accord  avec  M.  Grund- 
lach.  Mais,  à  notre  avis,  il  n'a  pas  aussi  bien   réussi  à  démontrer  que 
l'auteur  de  la  falsification  est  Tarchevêque  Gui  de  Vienne,  qui  devint,  en 
1119,  pape   sous  le  nom  de  Calixte   II.    On  s'expliquerait  à  la  rigueur 
pourquoi   dans  quelques-unes  de  ces  pièces  Gui  eût  réclamé  la  supré- 
matie  sur    l'abbaye   de   saint    Barnard   à    Romans,    pourquoi,     dans 
d'autres,    il  se  fiit    attribué   la  souveraineté  spirituelle  sur   l'archidia" 
coné  de  Sermorens;  mais  pourquoi  l'archevêque  de  Vienne  aurait-il  ré- 
clamé une  autorité  éminente  sur  l'église  des  Gaules?  Depuis  quelque 
temps,  la  primatie  avait  été  donnée  à  l'archevêque  de  Lyon,  et  Gui  n'} 
contredisait  pas.  Bien   plus,  quand   il  eut  été  élevé  au  siège  de  sain 
Pierre,  il  renouvela  le  privilège  de  Lyon,  et  il  fallut  toute  l'énergie  di 
roi  Louis  VI,  pour  que  les  droits  du  métropolitain  de  Sens  ne  fusseli 
pas  méconnus  '.  M.  G.  a  négligé  de  nous  donnera  ce  sujet  des  explica- 
tions. 

Après  avoir  écarté  les  Epistolœ  Viennenses^  l'auteur,  s'appuyant  su 
Its  Epistolœ  Arelatenses,  nousfait  un  historique  de  la  primutieen  Gaule 
Il  montre  pour  quels  motifs  le  prélat  d'Arles,  simple  cité  de  la  provinc 
de  Vienne,  acquiert  une  autorité  supérieure  à  celle  des  autres  évêque 

I.  Luchaire,  Louis  VI  le  Gros,  n"  3oi  et  introduction,  p.  cxxxiv. 


d'histoire  et  de  littérature  5o5 

de  la  Gaule;  il  raconte  la  lutte  que  le  pape  Léon  III  dut  soutenir  con- 
tre l'évéque  Hilaire,  devenu  trop  puissant;  il  nous  expose  pour  quelles 
raisons  le  siège  d'Arles  déclina  au  vii«  siècle.  Mais  il  ne  s'arrête  pas  là. 
Il  nous  raconte  comment  plus  tard  les  Carolingiens  ont  cherché  à  faire 
créer  en  Gaule  un  vicaire  du  Saint-Siège  qui  leur  fût  dévoué.  Ce  titre 
fut  accordé,  à  la  prière  de  Lothaire  I*''';  à  Tarchevêque  de  Metz  Drogon, 
puis  à  Hincmar  de  Reims;  à  la  prière  de  Charles  le  Chauve,  à  Anségise 
de  Sens.  M.  G.  a  oublié  de  parler  de  Chrodegang.  Quand,  au  temps  de 
Pépin,  le  pape  Etienne  II  vint  en  France,  il  accorda  à  ce  prélat  de  Metz 
Upalliiim  et  le  titre  d'archevêque,  et,  dès  lors,  nous  dit  Paul  Diacre,  «  il 
consacra  des  évêques  très  nombreux  dans  les  diverses  cités,  ainsi  que  des 
prêtres  et  des  diacres,  et  il  conféra  tous  les  ordres  ecclésiastiques,  suivant 
la  manière  romaine  ».  Il  a  par  suite  rempli  l'office  d'un  véritable  vicaire. 
Ces  quatre  vicaires  avaient  été  nommés  dans  l'inrérét  du  souverain  ;  au 
xi«  siècle,  de  nouveaux  vicaires  furent  créés  dans  l'intérçt  du  pape  et  de 
la  réforme  ecclésiastique;  malgré  le  roi  de  France,  Grégoire  VII  donna 
en  107g  au  prélat  de  Lyon  la  suprématie  sur  les  quatre  provinces  de 
Lyon,  Rouen,  Sens  et  Tours,  et  ses  successeurs  ont,  à  diverses  reprises, 
renouvelé  ce  privilège. 

L'ouvrage  de  M.  G.  a  un  grave  défaut  de  composition;  il  renferme  de 
Nombreuses  redites;  la  même  lettre  est  analysée  en  deux  ou  trois  en- 
droits différents.  Puis  les  noms  propres  ne  sont  pas  toujours  correcte- 
ment écrits;  Tauteur  met  Châlons-siir- Saône  au  lieu  de  Châlon-sur- 
Saône  ;  il  parle  d'un  comté  de  Salmorenc  là  où  il  faudrait  archidiaconé 
de  Sermorens  (Sermorens  est  aujourd'hui  un  faubourg  de  la  ville  de 
Voiron,  Isère);  il  affirme  que  les  Arabes  ont  été  vaincus  à  Tours  par 
Charles-Martel  (p.  200];  il  multiplie  les  notes  inutiles  (voir  la  note  i 
de  la  page  194,  où  il  essaie,  à  tort  selon  nous,  de  prouver  que  Clodo- 
vech  étaif  chrétien  à  son  avènement).  Mais,  malgré  ces  taches,  son  livre 
conserve  une  grande  valeur.  La  thèse  qu'il  a  soutenue  est  juste  dans  son 
ensemble.  M.  Grundlach  est  parti  d'une  étude  de  manuscrits,  pour 
nous  donner  un  important  chapitre  d'histoire  générale  et  nous  devons 
l'en  féliciter.  Son  ouvrage  est  une  excellente  introduction  à  l'édition 
àts  Epistolœ  Arelatenses  et  des  Epistolœ  Viennenses  qui,  grâce  à  lui, 
figureront  en  entier  dans  les  Monumenta. 

Ch.  Pfister. 


289.  —  Gustave  Schlujiberger,  Un  Empereur  byzantin  au  dixK'ui©  silè- 
cle.  !\iicépliui-e  I»liocas.  Ouvrage  illustré  de  4  chromolithographies,  3  cartes 
et  240  gravures.  Paris,  Firmin  Didot,   1890.  In-4  de  iv  et  781  p.   Prix  :  3o  fr. 

Si  1  on  excepte  le  Constantin  Porphyrogénète  de  M.  Rambaud,  le 
livre  que  nous  annonçons  est  la  monographie  la  plus  considérable  dont 
un  empereur  grec  ait  été  l'objet  jusqu'à  ce  jour.  Mais  ce  n'est  pas  au 
nombre  des  pages,  hàtons-nous  de  le  dire,  qu'il  faut  juger  l'importance 


5o6  REVUE    CRITIQUE 

du  travail  de  M.  Schlumberger.  Œuvre  d'un  homme  qui,  depuis  quinze 
ans,  s'occupe  avec  prédilection  de  l'Empire  byzantin,  qui  a  fondé  toute 
une  section  de  l'archéologie  byzantine  par  la  publication  de  sa  Sigillo- 
graphie (i885),  il  témoigne  non  seulement  d'une  connaissance  appro- 
fondie des  faits,  mais  d'une  intelligence  délicate  et  vive  de  l'esprit  du 
temps.  Ce  livre  a  encore  une  autre  qualité,  précieuse  par  ce  temps  d'éru- 
dition souvent  sèche  et  rebutante  :  l'auteur  sait  passionner  son  lecteur 
pour  les  événements  qui  l'ont  passionné  lui-même;  il  les  expose  avec 
la  lucidité  que  donne  la  connaissance  parfaite  d'un  sujet,  et  l'on  va 
sans  fatigue  jusqu'au  bout  de  cette  longue  biographie,  presque  étonné 
d'avoir  pu  trouver  tant  d'attraits  à  dix  années  d'histoire  byzantine  ! 

M.  S.  ne  s'est  pas  contenté  du  récit  des  faits  militaires  et  de  l'exposé 
des  négociations  diplomatiques  :  mieux  avisé  qu'un  Léon  Diacre  ou  un 
Gedrenus,  il  a  voulu,  comme  il  le  dit  lui-même,  faire  de  son  livre  «  un 
résumé  de  l'existence  militaire,  sociale  et  politique  de  Cunstantinople, 
vers  l'an  960  »,  A  cet  effet,  il  a  appelé  à  son  secours  la  géographie  des- 
criptive, l'archéologie,  la  numismatique;  il  a  emprunté  aux  ouvrages 
du  Porphyrogénète  mille  détails  sur  la  vie  publique  de  Byzance,  aux 
traités  de  tactique  des  renseignements  sur  ses  armées  et  sur  ses  flottes; 
tout  cela,  combiné  sans  effort  sensible,  avec  l'aisance  d'une  érudition 
qui  coule  de  source,  lui  a  permis  d'être  long  sans  le  paraître  et,  par  un 
rare  privilège,  de  pouvoir  tout  dire  sans  ennuyer. 

Résumons  brièvement  les  faits  que  M.  S.  a  si  agréablement  contés. 
Constantin  Porphyrogénète  meurt  en  gSg,  laissant  le  trône  à  son  fils 
Romain,  qui  avait  épousé  la  belle  Théophano.  Le  véritable  chef  de 
l'empire  fut  l'eunuque  Bringas,  qui  organisa,  dès  le  début  du  nouveau 
règne,  une  expédition  contre  la  Crète.  Nicéphore  Phocas,  chargé  de  la 
conduire,  s'empara  de  Candie,  nid  des  plus  redoutables  pirates  Sarra- 
sins, tandis  que  son  frère,  le  curopalate  Léon,  remportait  des  succès 
importants  sur  l'émir  d'Alep,  le  hamdanide  Seîf  Eddaulèh.  Envoyé  à 
son  tour  en  Asie-Mineure,  Nicéphore  envahit  la  Cilicie  et  prit  Anazarbe 
(962)  ;  puis  il  écrasa  l'émir  devant  x\lep  et  s'empara  de  cette  ville,  à  l'ex- 
ception de  la  citadelle.  Cependant  Romain  II  étant  mort  le  i5  mars 
963,  ses  deux  fils,  Basile  et  Constantin,  lui  succédèrent  sous  la  tutelle 
de  Théophano.  Nicéphore,  séduit  par  l'impératrice,  sachant  que  Bringas 
songeait  à  le  faire  périr,  se  fit  proclamer  empereur  à  Césarée  et  marcha 
sur  Constantinople.  Devenu  régent  de  l'empire  au  nom  de  Basile  et  de 
Constantin,  il  se  hâta  d'épouser  Théophano,  malgré  l'opposition  dii 
patriarche  Polyeucte.  En  964  et  en  965,  les  lieutenants  de  Nicéphore 
éprouvèrent  des  désastres  en  Sicile,  mais  il  conquit  lui-même  la  Cilicie 
en  965  et  rentra  triomphant  à  Constantinople.  En  966,  une  campagne 
en  Mésopotamie  et  en  Syrie  se  termina  par  un  échec  des  Grecs  devant 
Nisib  ;  ce  revers  fut  toutefois  compensé  par  la  conquête  de  Chypre.  Une 
guerre  contre  les  Bulgares  en  967  ne  donna  pas  de  résultats  décisifs; 
Nicéphore  se  vengea  de  leur  résistance  en  lançant  contre  eux  les  Russes , 


I 


D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE  So/ 

de  Sviatoslav,  qui  furent  bientôt  rappelés  chez  eux  par  une  invasion 
des  Petciienègues.  En  g68  se  place  la  célèbre  ambassade  de  Luitprand, 
évêque  de  Crémone,  envoyé  par  Othon  I^r  à  la  cour  byzantine.  Les 
négociations  échouèrent  et  la  guerre  qui  s'en  suivit  ne  fut  pas  heureuse 
pour  les  Grecs.  Nicéphore  n'y  prit  aucune  part  personnelle;  il  avait 
pénétré  de  nouveau  en  Syrie  et  mis  le  siège  devant  Antioche,  dont  ses 
généraux  s'emparèrent  après  son  départ.  Rentré  à  Constantinople, 
l'empereur  s'y  trouva  aux  prises  avec  le  mécontentement  du  peuple  et 
du  clergé  qui,  depuis  plusieurs  années,  grondait  sourdement  contre  lui. 
Théophano  conspira  avec  Jean  Zimiscès,  le  plus  brillant  lieutenant  de 
Nicéphore,  et  fit  assassiner  son  second  époux  dans  la  nuit  du  lo  décem- 
bre 970.  11  était  âgé  de  cinquante-sept  ans. 

Rude  figure  de  soldat,  aussi  courageux  qu'impitoyable,  Nicéphore 
n'a  rien  de  cette  délicatesse  de  lettré  ni  de  cette  mollesse  de  décadent 
que  des  formules  toutes  faites  attribuent  aux  Byzantins  de  tous  les  siè- 
cles. Le  goût  des  aventures  guerrières  et  une  tendance  persistante  à 
l'ascétisme  sont  les  deux  traits  dominants  de  sa  nature.  On  comprend 
que  Théophano  l'ait  aimé  et  mieux  encore  qu'elle  se  soit  lassée  de  lui. 
Je  ne  chicanerai  pas  M.  S.  sur  l'indulgence  parfois  excessive  qu'il  a  fait 
paraître  pour  son  héros;  c'est  là  le  péché  mignon  de  tout  biographe. 

Mais  le  premier  devoir  d'un  biographe,  après  celui  de  raconter  les 
faits,  c'est  de  mettre  ses  lecteurs  en  état  d'en  vérifier  l'exactitude.  Ce 
devoir,  M.  S.  y  a  systématiquement  manqué.  Empruntant  ses  infor- 
mations à  des  sources  très  diverses,  grecques,  latines,  arabes,  il  ne  les  a 
presque  jamais  citées  en  note  et  s'est  contenté  d  en  donner  une  liste 
alphabétique  à  la  fin  de  son  livre.  A  quoi  une  pareille  liste  peut  bien 
servir,  c'est  ce  que  je  me  suis  inutilement  demandé.  Trois  ou  quatre 
fois,  lorsque  les  témoignages  de  Léon  Diacre  sont  en  conflit  avec  d'au- 
tres, M.  S.  nous  avertit  ^  qu'il  a  suivi  de  préférence  cet  historien;  mais 
quant  à  nous  apprendre  à  quelle  époque  l'histoire  de  Léon  Diacre  a  été 
écrite  (on  sait  aujourd'hui  qu'elle  n'a  pas  été  publiée  avant  992)  2,  en 
quoi  Zonaras  et  le  continuateur  de  Théophane  diffèrent  de  Cedrenus  ou 
de  Scylitzès,  quant  à  indiquer,  au  moins  sommairement,  les  sources 
probables  où  ont  puisé  ces  chroniqueurs,  M.  S.  ne  s'en  est  point  mis 
en  peine.  Cependant  M.  F.  Hirsch,  dans  ses  By^antinisclie  Stiidien, 
lui  avait  indiqué  la  voie,  et  il  suffisait,  sur  bien  des  points,  de  résumer 
cet  excellent  livre  :  M.  S.  a  eu  le  tort  de  s'en  dispenser.  Grâce  à  MM. 
Sauvaire  et  Schefer,  il  a  pu  connaître,  par  extraits,  des  textes  arabes  iné- 
dits :  or,  loin  d'indiquer  les  manuscrits  où  sont  conservés  ces  textes,  les 
bibliothèques  où  ils  sont  déposés,  les  feuillets  dont  il  a  obtenu  la  tra- 
duction, il  offre  à  notre  curiosité  des  renseignements  comme  celui-ci 
(p.  766)  :  «  Nowairi  (En-),  Encyclopédie  manuscrite ,  seulement  en 
partie  publiée.  «  Voilà  les  arabisants  bien  infonnés,  s'ils  veulent  vérifier 

1.  P.  77,  n.   I  ;  p.  207,  n.  1  ;  p.  272,  n.  i  ;  p.  444. 

2.  Cf.  Berl.  Philol.   Woch.,  i«86,  p.  i433. 


5o8  REVUE    CRITIQUE 

les  témoignages  sur  lesquels  s'est  appuyé  M.  S.  dans  tel  ou  tel  chapitre 
de  son  livre,  que  du  reste  il  ne  leur  désigne  pas!  Un  pareil  système,  qui 
rend  le  contrôle  presque  impossible,  déroute  la  critique,  mais  n'est  pas 
fait  pour  la  désarmer.  L'exemple  donné  par  Lenormant  dans  sa  Grande- 
Grèce  serait  funeste  à  l'érudition  s'il  devait  trouver  beaucoup  d'imita- 
teurs ;  c'est  déjà  trop  que  M.  S.  soit  du  nombre.  Pour  en  finir  avec  les 
critiques  que  soulève  cette  bibliographie,  je  m'insurge  contre  la  singu- 
lière référence  :  «  Migne,  Patrologia  Graeca,  Paris,  1857-66  »  (pour- 
quoi pas  aussi  «  Bibhothèque  nationale,  passim  »  ?)  —  et  je  constate 
l'absence  du  grand  ouvrage  d'Hergenroether  sur  Photius,  dont  le  troi- 
sième volume  contient  une  intéressante  étude  sur  les  rapports  de  Nicé- 
phore  Phocas  avec  l'Eglise  (p.  710-718), 

Si  M.  S.  avait,  à  l'exemple  de  Le  Beau,  donné  de  dix  en  dix  pages 
l'indication  concise  de  ses  sources,  je  n'aurais  pas  eu  tant  de  peine  à  m'a- 
percevoir  que,  tout  en  les  connaissant  à  merveille,  il  leur  fait  dire,  sans 
avertir  le  lecteur^  des  choses  piquantes  qu'elles  ne  disent  pas.  Dans  un 
travail  comme  le  sien,  il  est  non  seulement  permis,  mais  nécessaire  de 
procéder  en  mosaïste  ;  on  peut  et  l'on  doit  aussi  procéder  en  psycholo- 
gue, c'est-à-dire  chercher  à  reconnaître,  sous  le  sec  exposé  des  chroni- 
queurs, les  motifs  secrets  des  actes  et  les  «  états  d'âme  »  des  personnages 
mis  en  scène.  Les  historiens  les  plus  consciencieux  ne  se  sont  pas  inter- 
dit les  développements  de  ce  genre,  qui  font  de  l'histoire  une  œuvre 
d'art  et  de  réflexion.  Mais  ce  qui  est,  à  mon  avis,  tout  à  fait  inadmis- 
sible, c'est  qu'on  puisse  donner  au  vraisemblable  le  pas  sur  le  vrai  et 
suppléer  au  silence  des  textes  par  des  inventions  gratuites,  à  la  façon 
d'un  Walter  Scott  ou  d'un  Dumas.  Voici  un  exemple;  je  demande  la  Éi 
permission  de  transcrire  tout  le  passage.  La  scène  se  passe  après  la  prise 
de  Candie  (p.  98)  : 

En  un  jour,  le  nom  de  Nicéphore  devint  le  plus  populaire  de  l'empire.  C'était 
comme  l'aurore  pleine  de  promesses  d'une  ère  nouvelle.  Le  palais  sacré  fut  en  fête. 
Une  pannychide  solennelle  fut  célébrée  en  présence  de  Romain  et  de  Théophano, 
probablement  dans  la  Grande  Église,  ou  peut-être  au  Pantocrator.  La  cour  et  la 
ville  s'étouffèrent  pour  assister  à  cette  cérémonie  extraordinaire  qui,  ainsi  que  son 
nom  l'indique,  dura  la  nuit  tout  entière.  Chacun  avait  revêtu  pour  s'y  rendre  ses 
plus  somptueux  atours.  11  était,  du  reste,  de  bon  ton  de  s'y  montrer.  Aucune  femme 
en  vue  ne  manquait  à  ces  singulières  veillées,  où  se  donnaient  rendez-vous  tous 
ceux  qui  avaient  un  nom  à  Byzance.  Sous  les  profondes  voûtes  dorées  scintillant  aux 
mille  feux  des  cierges,  patriciennes  merveilleusement  parées,  prélats  dans  leurs  gai- 
nes d'or,  courtisans  vêtus  de  soie,  guerriers  sous  l'armure  de  mailles,  pressés,  serrés 
les  uns  contre  les  autres,  formaient  un  immense  amas  chatoyant  d'où  s'échappaient 
mille  murmures.  La  voix  grave  des  officiants,  les  chants  aigus  des  clercs  ne  parve- 
naient pas  à  étouffer  le  babil  élégant  de  cette  foule  frivole  pour  laquelle  cette  pieuse 
cérémonie  n'était  qu'une  occasion  de  plus  de  distraction.  Cette  fois,  du  moins,  les  11 
conversations  roulèrent  sur  un  sujet  plus  noble.  La  fibre  patriotique,  si  peu  déve-  -^j 
loppée  chez  ces  Romains  dégénérés,  s'était  réveillée  au  grand  bruit  des  victoires  de 
Crète.  Le  nom  de  Nicéphore  volait  de  bouche  en  bouche,  et  les  belles  patriciennes  à 
ceinture,  quittant  aux  premières  lueurs  rosées  du  matin  la  vieille  basilique  encore 
tout  illuminée,  rêveuses  dans  leurs  chars  incrustés  de  lames  d'or  et  d'argent  qu'en- 


d'histoire  et  de  littérature  Sog 

traînait  à  leurs  lointaines  villas  de  Bosphore  ou  à  leurs  palais  de  Psammatia  le  galop 
cadencé  de  quatre  mules  blanches,  songeaient  au  brillant  Domestique  que  déjà  plus 
d'une  voyait  en  songe  la  tête  coiftée  du  stemma  impérial  les  pieds  chaussés  des 
rouges  campagia. 

Cela  est  piquant,  sans  doute,  et,  pour  être  byzantin,  ne  manque  pas 
d'une  certaine  saveur  de /n'^/z-Zi/è  moderne.  Mais  c'est  cette  saveur  même 
qui  a  éveillé  ma  méâance.  J'ai  passé  de  longues  heures  à  rechercher  les 
sources  de  M.  S.,  et  mon  élonnement  n'a  pas  été  médiocre  de  constater 
qu'il  n'en  avait  pas.  La  solennité  même  de  la  pannychide,  après  la 
prise  de  Candie,  n'est  attestée,  que  je  sache,  par  aucun  auteur.  J'hésite 
pourtant  à  croire  que  M.  S.  ait  inventé  le  fait  de  toutes  pièces  :  peut- 
être  l'aura-t-il  découvert  dans  quelque  texte  qui  m'a  échappé.  Mais  ce 
que  je  puis  affirmer,  c'est  que  le  développement  tout  entier  qu'il  lui 
consacre  est  de  pure  fantaisie.  Je  n'insiste  p'as.  S'il  se  trouve  des  critiques 
pour  approuver  cette  façon  d'embellir  l'histoire,  je  suis  très  aise  de  ne 
me  point  compter  parmi  eux. 

On  voit  que  ce  n'est  pas  le  manque  de  place  qui  a  empêché  M.  S. 
d'indiquer  ses  sources  ;  mais  ces  broderies  ne  sont  pas  les  seules  inuti- 
lités dont  il  eût  bien  fait  de  purger  son  livre.  Les  redites  y  abondent,  et 
l'auteur  s'en  accuse  ingénument  par  l'usage  continuel  des  formules  Je 
le  répète  on  je  l'ai  dit.  Je  n'ai  pas  noté  moins  de  trente-neuf  exemples 
de  la  première  et  vingt-cinq  de  la  seconde  !  A  côté  des  redites,  il  y  a  un 
luxe  vraiment  byzantin  d'épithètes,  et  ces  épithètes  sont  à  la  fois  vio- 
lentes et  molles,  parce  qu'elles  affirment  plus  qu'elles  ne  peignent  et 
n'ajoutent  rien  à  la  netteté  des  impressions.  Admirable^  affreux^ 
énorme.,  épouvantable,  fabuleux.,  féerique^  horrible,  incomparable, 
infini,  ravissant,  splendide,  superbe,  terrible  sont  des  mots  qui  revien- 
nent à  chaque  pas.  M.  S.  ne  dit  point  «  les  armées  russes  »,  mais  «  les 
puissantes  armées  de  la  sainte  Russie  »  ;  il  ne  dit  pas  «  Chio  et  Samos  », 
mais  «  la  ravissante  Chio,  la  vaste  Samos  ».  Dans  une  seule  page  (58), 
je  relève  les  épithètes  suivantes  :  extraordinaire,  effroyable,  extraor- 
dinaire, effroyable,  épouvantable,  effrayant,  affreux.  Et  à  la  page  68  : 
splendide,  innombrable,  magnifique,  admirable,  immense,  immense, 
gigantesque.  Lqs  adverh&s  ne  chôment  pas  non  plus  :  «  11  fallait  franchir 
ces  défilés  si  prodigieusement  étroits,  si  extraordinairement  abrupts,  si 
merveilleusement  boisés.  »  (P.  169.)  Il  n'y  a  pas  jusqu'aux  interjections 
que  M.  S.  ne  prodigue  :  chaque  fois  qu'il  regrette  l'absence  de  renseigne- 
ments sur  un  sujet  qui  l'intéresse,  il  le  fait  avec  un  de  ces  mots  plaintifs 
que  le  critique  de  Bérénice  qualifiait  d'hélas  de  poche.  Au  fond,  cette 
exubérance  n'est  que  le  défaut  d'une  des  plus  aimables  qualité  de  M.  S.  : 
il  aime  ardemment  le  sujet  qu'il  traite,  il  vit  de  l'existence  des  person- 
nages qu'il  met  en  scène,  il  exprime  tout  naturellement  son  émotion  et 
la  leur  avec  les  hyperboles  du  langage  de  tous  les  jours.  Sa  manière  est 
celle  d'un  conteur  qui  se  laisse  aller,  plutôt  que  celle  d'un  historien  qui 
se  surveille  ;  comme  les  conteurs,  il  ne  cherche  pas  l'épithète  rare,  le 


5  10  REVUE    CRITIQUR 

terme  précis  et  pittoresque,  mais  s'arrête  aux  adjectifs  homériques,  aux 
mots  quelconques  que  l'improvisation  lui  suggère.  Gela  n'est  pas  litté- 
raire, sans  doute,  mais  c'est  abondant,  vif,  personnel  et  quelquefois 
entraînant.  Ces  grâces  d'un  style  sans  apprêt  et  sans  contrainte,  que  l'on 
hésite  presque  à  nommer  un  style,  disposent  même  si  favorablement  le 
lecteur  quMl  passe  sans  trop  maugréer  sur  les  petites  incorrections  de 
détail,  répétitions  de  mots  i,  vulgarismes  -^  journal ismes  "^,  locutions 
vicieuses  **,  inversions  que  la  poésie  même  ne  tolère  pas  ■''. 

J'aurais  aussi  quelques  réserves  à  faire  sur  les  digressions,  qui  vien- 
nent souvent  interrompre  le  récit  des  faits  par  des  exposés  d'ordre 
général  ^.  Mais,  ici,  il  est  plus  facile  de  critiquer  que  d'indiquer  une 
méthode  meilleure.  Si  M.  S.  avait  réuni,  au  commencement  ou  à  la  fin 
de  son  livre,  ces  dissertations  sur  différents  sujets,  armée,  marine,  céré- 
monies, etc.,  peut-être  ne  les  aurions-nous  pas  lues  sans  quelque  effort. 
A  la  place  qu'elles  occupent,  il  me  semble  qu'on  les  supporte  plus  faci- 
lement '''. 

Les  inexactitudes  que  j'ai  notées  sont  peu  nombreuses,  mais  Tabsence 
de  références  en  rend  la  constatation  bien  difficile  à  ceux  qui  n'ont  pas, 
comme  feu  Hase,  toute  la  Byzantine  présente  à  Pesprit.  P.  6  :  «  Léon 
Diacre  nous  dit  que  Théophano  était  originaire  de  Laconie,  peut-être 
de  Lacédémone  même,  de  ce  thème  péloponésien  etc.  »  Mais  Léon 
(p.  49,  23)  ne  dit  rien  touchant  l'origine  de  Théophano  :  il  la  qualifie 
seulement  d' àpir.pzr/ri  xaTç  wpa'.ç  y.al  a'jx6"/p-/)[j,a  TUYxavcjcav  Aâ/,aivav,  ce  qui 

1.  Par  exemple  :  pages  m,  iv,  7,  63,  121,  146,  2o3,  263,  272,  389,  423,  424,  655. 

2.  «  Il  se  défiait  horriblement  de  Bringas  »  (p.  264).  —  «  l'orriblement  serrés  de 
près»  (p.  722).  —  «  Dans  le  but  »,  revient  aux  pages  5,  8,  3 17,  386,  61  r,  64g. — 
«  11  se  mêlait  à  ces  intrigues  un  côté  romanesque...  Ce  côté  de  la  question  a.  joué 
un  rôle...  »  (p.  259).  —  «  De  suite  »  pour  «  tout  de  suite  »,  page  464. 

3.  «  Les  agissements  des  accapareurs  »  (p.  87).  —  Les  agissements  du  pape  » 
(p.  58i). 

4.  «  Dans  son  court  règne,  comme  sous  celui  bien  plus  court  de  son  prédécesseur  » 
(p.  i).  —  ('  Elle  quitta  son  nom  pour  celui  plus  élégant  de  Théophano  »  (p.  6).  Cette 
construction  absolument  vicieuse  revient  aux  pages  67,  210,  268,  406.  —  «  D'ar- 
dentes attaques  partout  s,' établirent  »  (p.  290).  —  «  Une  razzia  menée  sur  une  vaste 
échelle  »  (p.  525).  —  «  Cette  seconde  édition  de  l'orage  russe  »  (p.  57b).  —  <.<.  Ces 
vaticinations  constituaient  un  reflet  de  l'état  de  l'opinion  »  (p.  707). 

5.  «  Les  formules  que  j'ai  plus  haut  décrites  »  (p.  iio).  —  «  Les  plus  inédits  ren- 
seignements »  (p.  3^8).  —  «  Les  plus  formels  serments  »  (p.  366),  —  «  Ce  discourtois 
langage  »  (p.  611).  Voir  encore  pages  407,  408,  588,  723. 

6.  Au  moment  du  départ  de  Nicéphore  pour  la  Crète,  16  pages  sur  les  flottes  et 
le  feu  grégeois;  au  moment  de  son  triomphe,  9  pages  sur  la  rentrée  des  généraux 
heureux  à  Byzance  ;  au  moment  de  l'invasion  de  la  Cilicie,  10  pages  sur  la  cavalerie 
byzantine  ;  au  moment  du  siège  de  Tarse,  4  pages  sur  les  monnaies  de  Nicéphore,  etc. 

7.  On  se  demande  pourquoi  M.  S.  a  attendu  jusqu'à  la  page  3og  pour  nous  faire 
le  portrait  physique  de  Nicéphore;  encore  ne  cite-t-il  point  le  témoignage  le  plus 
curieux  à  cet  égaid,  celui  de  Luitprand,  qu'on  trouve  seulement  à  la  page  6oq,  pres- 
que à  la  fin  du  livre.  M.  S.  n'a  pas  fait  observer,  en  traduisant  ce  dernier  passage, 
qu'il  renferme  une  citation  de  Juvénal  (V,  54},  et  doit,  par  conséquent,  être  entendu 
cum  grano  salis, 


d'histoirr   et   de   LITTÉRATDRK  5ll 

signifie  «  belle  comme  la  belle  Hélène  »  et  rien  de  plus.  —  P.  326,  M.  S. 
répète,  d'après  M.  Rambaud,  que  le  thème  du  Strymon  était  formé  de 
quelques  cantons  montagneux  sur  le  haut  du  fleuve;  j'avais  déjà  relevé 
cette  erreur  dans  la  Revue  du  16  février  i885,  en  rendant  compte  de  la 
Sigillographie  de  M.  S.  L'inscription  publiée  dans  le  Bulletin  de  Cor- 
respondance hellénique  (t.  VI,  p.  268)  prouve  que  le  thème  du  Stry- 
mon s'étendait,  au  x''  siècle,  jusqu'à  la  rrter,  A  la  page  219,  M.  S.  parle 
d'Hiérapolis  et  y  place  le  culte  de  Derceto  «  la  déesse  poisson  t.  ;  je  crois 
qu'elle  n'était  adorée  sous  cette  forme  que  dans  Ascalon.  P.  16,  le  San- 
garius  étant  une  rivière,  il  ne  fallait  point  parler  du  «  marbre  du  Sanga- 
rius  ».  M.  S.  montre  de  l'inconséquence  dans  la  transcription  des  titres 
byzantins.  Il  écrit  Basileus,  mais  dierminevs ;  stratigos,  mais  archi- 
médecin  (pourquoi  pas  archiâtre?)  ;  quant  aux  formes  lokagos  (au  lieu 
de  lochagos),  pour  Xo^aY^ç  (p.  5  32)  et  chitonite  pour  7,o'.twvity)(;  (p.  8, 
662,  663),  ce  sont  incontestablement  des  fautes  d'orthographe.  En 
général,  M.  S.  aurait  eu  profit  à  se  servir  plus  souvent  d'équivalents 
français  intelligibles  pour  tout  le  monde  1. 

L'exécution  matérielle  de  l'ouvrage  de  M.  S.  est,  à  peu  de  chose  près, 
irréprochable  ~.  Chromolithographies  et  gravures  comptent  parmi  les 
plus  soignées  et  les  plus  fidèles  que  je  connaisse.  Paysages,  ruines, 
étoffes,  bijoux,  tout  a  été  dessiné  avec  une  exactitude  minutieuse  et  une 
élégance  du  meilleur  aloi  (sans  broderies !).  Cet  éloge  ne  s'adresse  pas 
seulement  aux  artistes  et  à  l'éditeur,  qui  a  fait  preuve,  dans  cette  circons- 
tance, d'autant  de  libéralité  que  de  goût.  Le  choix  des  gravures  est 
excellent  et  témoigne  du  profond  savoir  archéologique  de  M.  S.  On 
trouvera  là  près  de  25o  monuments  d'un  intérêt  capital  pour  Thistoire 
byzantine,  monuments  dont  un  grand  nombre  étaient  inédits,  dont 
d'autres  n'avaient  été  publiés  que  dans  des  monographies  presque  introu- 
vables. A  la  différence  de  ces  livres  où  l'illustration  semble  presque 
étrangère  au  texte,  tout  vient  ici  juste  à  point,  la  leçon  de  choses  à  côté 
du  récit  des  faits.  Je  n'ai,  sur  ce  chapitre,  que  deux  observations  à  pré- 
senter. La  carte  de  Cilicie  (p.  160)  est  dressée  d'après  celle  que  MM. 
Favre  et  Mandrot  ont  publiée  en  1878,  mais  on  a  déjà  signalé  (Geogr. 
Jahrb.^  t.  X,  p.  426)  les  graves  et  importantes  divergences  qu'elle  pré- 
sente avec  les  cartes  anglaises  de  la  même  région;  le  cours  du  Sarus, 
notamment,  y  paraît  très  inexactement  indiqué.  Mieux  eût  valu,  ut  in  re 
incerta,  prendre  pour  modèle  la  carte  murale  d'Asie-Mineure,  dessinée 
en  1888  par  M.  Kiepert.  En  second  lieu,  les  légendes  placées  au  bas  des 
gravures  sont  très  inégales,  parfois  trop  développées  et  farcies  d'épithètes 
laudatives,  plus  souvent  insuffisantes  ;  l'on  y  cherche  vainement  la  trans- 

1.  M.  S.  donne  entre  guillemets  (p.  i3)  un  passage  de  M.  Marrast,  où  l'empereur 
Julien  est  qualifié  de  «  sophiste  halluciné  »;  je  m'étonne  qu'il  ait  laissé  passer  cette 
sottise  sans  la  relever,  du  moins  en  note. 

2.  Outre  les  fautes  d'impression  signalées  à  Verratum,  j'en  ai  relevé  aux  pages  41, 
I.  6;  i3o,  1,  6;  166,  note;  375,  note  3;  634,  note.  L'inévitable  Lybie  revient  deux 
fois  (p.  382,  440). 


5  12  REVUE   CRITIQUE 

cription  de  certaines  inscriptions  byzantines  difficiles  à  lire,  dont  M.  S.l 
n"a  même  pas  toujours  indiqué  le  sens  (p.  Siy,  65i,  669,  ôgB,  721,  725,' 
etc.).  Je  regrette  enfin  que  l'auteur  n'ait  pas  noté  avec  précision  les  ma-l 
nuscrits  auxquels  il  empruntait  ses  gravures;  un  manuscrit  du  Vatican,' 
un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale  sont  des  références  qui  ne] 
suffisent  à  personne. 

En  somme,  et  malgré  des  défauts  qui  ne  sont  pas  tous  véniels,  Nice- 
phare  Phocas  est  à  la  fois  un  beau  et  un  bon  livre,  agréable  à  lire, 
charmant  à  regarder  et  bien  propre  à  donner  une  idée  exacte,  un  senti- 
ment vif  de  la  civilisation  byzantine.  M.  S.  écrit  que  l'histoire  de  l'empire 
byzantin  est  encore  tout  entière  à  faire,  que  «  personne  en  France  ne  la 
connaît,  à  une  exception  près  ».  Cette  exception  est  en  faveur  de 
M.  Rambaud,  que  M.  S.  eût  éié  par  trop  ingrat  de  ne  point  nommer 
dans  sa  préface  ;  mais  M.  Rambaud,  malheureusement  pour  ces  études, 
ne  s'occupe  plus  d'histoire  byzantine  depuis  quinze  ans.  Si  M.  S.  avait 
écrit  «  rhistoire  de  l'empire  byzantin  au  x^  siècle  »,  je  lui  donnerais 
peut-être  raison,  encore  que  des  formules  aussi  tranchantes  soient  de 
celles  dont  il  vaut  mieux  ne  point  user.  Mais  puisque,  dans  la  même 
préface,  quelques  lignes  plus  bas,  il  est  question  de  «  cette  prodigieuse 
monarchie  se  défendant  durant  mille  ans  et  plus  »,  M.  S.  entend  bien 
par  l'histoire  byzantine  celle  qui  va  de  Justinien  à  Constantin  Dragosès, 
auquel  cas  il  ne  devait  pas  faire  abstraction  de  travaux  aussi  impor- 
tants, aussi  personnels  que  Y  Autorité  impériale  et  les  Etudes  byzan- 
tines de  M.  Gasquer.  Il  n'y  a  là  sans  doute  qu'un  oubli  et,  si  j'y  insiste, 
c'est  uniquement  pour  exprimer  à  l'occasion  l'esti.ne  où  je  tiens  le  der- 
nier de  ces  ouvrages,  trop  peu  remarqué,  à  ce  qu'il  semble,  chez  nous  1. 

Assurément,  M.  S.  a  raison  de  regretter  que  l'histoire  de  l'empire  grec 
n'attire  pas  un  plus  grand  nombre  de  travailleurs;  mais  je  ne  conseil- 
lerais pas  à  ceux  qui  veulent  faire  avancer  la  science  sur  ce  domaine  de 
suivre  l'exemple  de  M.  S.  en  écrivant  la  biographie  d'un  empereur.  Ce 
qui  doit  appeler  les  recherches  des  érudits,  c'est,  en  première  ligne, 
l'étude  des  sources  de\sLBy:{antine;  en  second  lieu,  celle  des  institutions 
de  l'empire,  marine,  finances,  fondations  charitables, etc.  M.  S.  a  signalé, 
chemin  faisant,  quelques-uns  de  ces  sujets  négligés;  il  est  à  désirer  que 
son  appel  soit  entendu  et  que  les  études  byzantines  refleurissent,  sous 
ses  auspices,  dans  la  patrie  de  Du  Cange,  leur  incomparable  initiateur. 

Salomon  Reinach. 


I.  Voir  le   compte  rendu    qu'en  a   donné  M.  Krumbacher    dans  la  Philologische 
Woclienschrift,  1889,  p.  looi. 


d'histoire  et  de  littérature  5  I  3 

200.  Monumentf  storicl  eti  artistici   degli  ^bruzzi.  Studi  di  Vincenzo 

BiNDi,  con  prefazione  di  Ferdinando  Gregorovius.  Opéra  corredata  da  note  e 
documenti  inedili,  illustrata  da  225  tavole  in  fototipia  ed  incisione  de'  monumenti 
e  délie  opère  di  arte.  Naples,  typ.  Giannini  et  fils,  i88g.  Texte  in-8  de  xxxvi- 
966  p.;  album  in-folio,  avec  20  p.  de  texte.  (Edition  de  i85  ex.  numérotés). 
Prix  :  200  fr. 

Les  revues  spéciales  ont  déjà  fait  connaître  Pimportance  artistique  et 
archéologique  du  grand  ouvrage  de  M.  V.  Bindi.  L'album  de  planches 
qui  l'accompagne  a  révélé  une  série  de  monuments  restés  jusqu'à  pré- 
sent ignorés  et  qui  jettent  une  vive  lumière  sur  l'histoire  de  l'art  dans 
une  province  encore  bien  peu  connue  et  bien  rarement  explorée.  Je 
veux  seulement  indiquer  aussi  l'intérêt  du  livre  pour  l'histoire  politique 
et  ecclésiastique  de  l'Italie  au  moyen  âge.  L'auteur  y  a  fondu,  en  effet, 
une  partie  de  ses  monographies  antérieures  sur  les  villes,  les  châteaux, 
les  églises  et  les  monastères  des  Abruzzes.  Il  y  a  fait  entrer  une  foule  de 
documents  inédits,  quelques-uns  fort  étendus.  On  y  trouvera,  par 
exemple,  l'analyse  sommaire  des  diplômes  des  archives  d'Atri,  les  rubri- 
ques du  statut  municipal  de  la  ville  de  Penne,  le  travail  de  Pietro  Poli- 
doro  De Jluminibus  Frentatwrum,  etc.  Un  des  plus  curieux  chapitres 
de  M.  Bindi  est  consacré  à  la  grande  abbaye  bénédictine  de  S.  Clémente 
in  Casauria;  il  a  étudié  directement  un  manuscrit  célèbre  de  la  seconde 
moitié  du  xii''  siècle,  le  Chronicon  Casauriense,  conservé  aujourd'hui  à 
Ja  Bibliothèque  nationale  de  Paris,  et  dont  quatre  planches  de  son 
album  reproduisent  des  fac-similés  intéressants  pour  la  paléographie  et 
la  miniature.  Ces  indications  diverses  peuvent  donner  au  lecteur  une 
idée  de  la  variété  des  sujets  abordés  dans  cet  ouvrage  et  à  propos  des- 
quels il  est  à  consulter.  On  regrette  l'absence  d'un  index  des  noms  pour 
faciliter  les  recherches  ;  l'étendue  qu'il  était  appelé  à  prendre,  à  la 
suite  d'un  volume  déjà  énorme,  a  fait  reculer  l'auteur.  Il  s'est  borné  à 
dresser  une  liste  alphabétique  des  artistes  des  Abruzzes,  travail  aussi 
nouveau  qu'utile.  Des  extraits  d'ouvrages  imprimés,  anciens  ou  peu 
accessibles  (par  exemple  les  documents  sur  la  fondation  de  Sainte-Marie- 
de-la-Victoire  près  Tagliacozzo,  par  Charles  d'Anjou,  etc.),  le  relevé  des 
inscriptions,  la  description  des  sceaux,  médailles,  etc.,  le  dépouillement 
d'un  grand  nombre  d'archives  publiques  et  privées,  achèvent  de  faire 
des  Monumenti  une  véritable  encyclopédie  historique  d'une  des  régions 
les  plus  intéressantes  de  l'ancien  royaume  de  Naples. 

P.  N. 


291.  —  t,e  Colloque  de  Poissy  (septembre-octobre  i56i),  par  le  baron  Alphonse 
DE  RuBLE.  Paris,  H.  Champion,  1889,  grand  in-8  de  56  p. 

L.' introduction  de  M.  de  Ruble  est  à  la  fois  trop  importante  et  trop 
courte  pour  que  je  ne  la  reproduise  pas  en  entier  :  «  Le  colloque  de 
Poissy  doit  tenir  la  première  place  dans  le  tableau  des  événements  de  la 


5  14  RKVUE   CRITIQUK 

Réforme  de  Paris.  Par  une  sorte  de  parti  pris,  il  a  toujours  été  négligé. 
Les  historiens  de  PÉglise  catholique  l'ont  considéré  comme  une  tenta- 
tive du  pouvoir  civil,  imprudente,  mais  sans  conséquences;  les  protes- 
tants, comme  une  expérience  de  peu  de  valeur  '  ;  les  écrivains  laïques, 
comme  un  débat  théologique  étranger  à  leurs  recherches.  Pour  nous,  le 
colloque  est  le  point  de  départ  de  la  guerre  civile,  la  première  rencontre 
où  rhistorien  peut  mesurer  la  protondeur  de  l'abîme  qui  séparait  les 
deux  partis.  Nous  allons  essayer  de  présenter  le  récit  de  ce  grand  fait 
avec  impartialité  et  sans  entrer  dans  la  controverse  dogmatique.  » 

M.  de  R.  a  tenu  parole.  Son  histoire  du  colloque  de  Poissy  est  admi- 
rablement impartiale.  L'auteur,  comme  dans  tous  ses  travaux,  du  reste, 
ne  se  préoccupe  que  de  trouver  et  de  dire  la  vérité.  C'est  avec  le  calme 
et  la  sérénité  d'un  juge  qu'il  apprécie  les  deux  personnages  qui  jouèrent 
les  rôles  principaux  dans  l'assemblée  de  Poissy,  Théodore  de  Béze  et  le 
cardinal  de  Lorraine,  ainsi  que  les  autres  personnages  mêlés  de  prés 
ou  de  loin  à  l'histoire  de  cette  assemblée,  le  prince  de  Condé,  le 
duc  de  Guise,  Catherine  de  Médicis,  la  reine  de  Navarre,  le  cardinal 
de  P'errare,  et  pour  raconter  ce  qui  se  passa  dans  les  séances  tenues  de 
depuis  le  9  septembre  jusqu'au  9  octobre,  M.  de  R.  a  interrogé 
nombreuses  correspondances  et  quatre  relations  contemporaines  2. 
Ajoutant  le  piquant  au  solide,  il  a  passé  en  revue,  dans  les  dernières 
pages  de  son  mémoire,  diverses  poésies,  la  plupart  satiriques,  composées 
à  Poccasion  du  colloque  :  le  Pasquin  pour  le  concile  national,  d'un 
auteur  inconnu,  du  parti  catholique,  qui  fut  très  réDandu  au  xvi*"  siècle, 
si  l'on  en  juge  par  les  nombreuses  copies  qui  nous  en  ont  été  conservées 
dans  les  manuscrits  du  temps  (p.  49-51),  la  chanson  grivoise  de  Ronsard 
et  de  Baïf,  qui  dormait  inconnue  depuis  plus  de  trois  siècles  dans  le 
recueil  de  Rasse  des  Nœuds  (p.  5  i-53),  les  Sonnets,  prières  et  devises  en 
forme  de  pasquins  pour  rassemblée  de  MM.  les  prélats  et  docteurs 
tenue  à  Poissy,  par  Anne  de  Marquets,  poétesse  de  23  ans,  alors  reli- 
gieuse dominicaine  de  Poissy  (p.  53),  six  sonnets  d'un  anonyme,  d'un 
huguenot,  sonnets  que  M.  de  Ruble  a  voulu  publier  en  entier  (p.  54-56), 
à  cause  de  leur  mérite  littéraire,  et  dont  il  dit  avec  une  juste  admiration  : 
«  Le  tour  presque  Cornélien  des  strophes,  la  vigueur  du  style  ne  nous 
paraissent  pas  indignes  des  plus  grands  poètes  du  xw  siècle.  » 

T.  DE   L. 

1.  Un  calviniste  de  grande  réputation,  tcu  le  professeur  Baum,  de  Strasbourg,  fai- 
sons-le remarqutr  à  M.  de  R.,  a  pourtant  consacré  près  de  400  pages  au  colloque  de 
Poissy,  dans  le  tome  II  de  son  Theodor  Be^a  (Leipzig,  grand  in-S»,  p.  16S  à  569). 

2.  Voir  des  quatre  relations  consultées  par  l'auteur  (celle  du  président  La  Place, 
celle  de  Jean  de  Serres,  celle  deTh.  de  Bèze  et  celle  de  Claude  Despence),  un  très  inté- 
ressant examen  critique  (p.  8-1 1).  Il  a  emprunté  à  la  relation  de  Despence  de  larges  et 
curieuses  citations  (p.  11-21  et  24-33,  enfin  33-46),  avec  rapprochements  fournis 
par  les  autres  narrateurs.  Le  Journal  inédit  de  Despence  avait  déjà  été  utilisé  par  M• 
Klipff"el  (Le  Co/Zo^ue  de  Pomy,  Paris,  in-12,  18G7).  Cf.  un  article  d'un  des  plusan" 
ciens  et  des  plus  savants  rédacteurs  de  noire  Revue  (1868,  second  semestre,  p.  280- 
283). 


d'histoire    ht    de    LITTÉRATURK  5l5 

202.  Pierre  de  Corvin.  (Pierre  Nevsky).  Le  Xliêàti-e  en   Russie   depuis  ses 

origines  jusqu'à  nos  jours.  Un  vol.  in-12  de  ii-358  pp.  Paris,  Savine,  1890. 

M.  de  Corvin  est  l'heureux  auteur  des  Danicheff.  En  cette  qualité,  il 
était  peut-être  plus  que  tout  autre  désigné  pour  nous  raconter  l'his- 
toire du  théâtre.  Mais,  pour  être  habile  dramaturge,  on  n'est  pas  néces- 
sairement bon  historien  du  théâtre.  M.  de  G.  nous  a  donné  une  chro- 
nique agréable  :  il  n'a  pas  fait  œuvre  sérieuse.  Son  style  est  celui  d'un 
journaliste  et  non  d'un  historien  :  il  a  systématiquement  laissé  de  côté 
tout  ce  qui  est  du  domaine  de  la  critique  littéraire.  Il  n'analyse  même 
pas  sérieusement  des  œuvres  capitales  comme  celles  de  von  Vizine.  Les 
erreurs  ou  les  omissions  de  détail  sont  fréquentes.  Nous  en  citerons 
quelques-unes  : 

P.  16,  des  voyageurs  moscovites  racontaient  combien  ils  s'étaient 
amusés  des  inventions  diaboliques  qu'ils  avaient  vu  représenter  en 
Volhynie,  en  Podolie,  en  Litliuanie  et  plus  loin  encore  en  Germanie. 
L'auteur  aurait  pu  ajouter  en  Italie.  Dès  le  milieu  du  xve  siècle, 
Abraham,  évêque  de  Souzdal,  qui  accompagna  le  métropolitain  Isidore 
au  concile  de  Florence,  raconte  un  mystère  religieux  auquel  il  a  assisté 
(Vengerov,  Dictionnaire  critique  des  écrivains  russes,  t.  I^'',  p.  82. 
Polevoï,  Histoire  de  la  littérature  russe,  5*  édition,  p.  234].  Au  xvii^ 
siècle,  les  ambassadeurs  du  tsar  Alexis  Mikhailovtch  assistent  dans  la 
même  ville  à  un  drame  mythologique  qu'ils  racontent  longuement  dans 
leur  relation  '. —  P.  17,  une  troupe  allemande  est  organisée  par  un  acteur 
nommé  yo^ane.  A  quoi  bon  Joganc?G'est  Johann  qu'il  faut  dire,  puis- 
qu'il s'agit  d'un  allemand.  Les  Russes  qui  écrivent  en  français  commet- 
tent constamment  des  erreurs  de  ce  genre.  —  P.  72,  le  compositeur  ita- 
lien dont  le  nom  est  défiguré  s'appelle  en  réalité  Araja;  l'opéra  d'Ab'ia- 
sace  s  appelle  Arsace.  De  même,  p.  yS,  Djuseppi,  lisez  Giuseppi. —  P. 
89,  parmi  les  opéras  joués  à  Moscou  durant  les  têtes  du  sacre  d'Elisabeth, 
figurent  :  i"  la  Serva  pardona  (lisez  padrona);  2°  Dgio  Catore  (sic), 
lisez  //  Giuocatore.  Le  mot  italien  a  été  évidemment  massacré  dans 
l'ouvrage  russe  dont  s'est  servi  M.  G.  —  P.  102,  Lomonosov  étudia  la 
métallurgie  non  pas  à  Fribourg,  comme  l'écrit  à  deux  reprises  M.  G., 
mais  à  Freyberg.  Ge  n'est  pas  précisément  le  même  endroit. 

M.  G.  a  beaucoup  laissé  à  faire  à  ses  successeurs  :  la  partie  la  plus 
intéressante  de  son  livre  n'est  pas  celle  qui  traite  du  théâtre  russe,  mais 
celle  qui  raconte  les  annales  du  théâtre  français  en  Russie.  Le  style  est 
très  lâché  :  il  renferme  des  négligences  fort  excusables  chez  un  étranger, 
mais  qu'il  etît  été  facile  de  faire  disparaître  :  ainsi  p.  24o,  tel  caporal 
dont  les  pieds  gelés  l'avaient  empêché  de  regagner  ses  foyers;  p.  222, 
pour  donner  une  idée  où  en  était  la  comédie  russe,  etc..  L'ouvrage  ne 
va  que  jusqu'en  1825  et  doit  être  complété  prochainement  par  un  autre 
volume.  Sur  le  terrain  du  théâtre  moderne,  l'auteur  se  trouvera  proba- 

I.  Voir  mon  récent  vol.  Russes  et  Slaves  i»  i8o-iSi. 


5  l6  REVUE    CRITIQUE 

blement  plus  à  l'aise  :  mais  nous  l'engagerons  à  mieux  contrôler  ses 
sources,  à  serrer  un  peu  plus  son  style  et  à  relire  plus  soigneusement  ses 
épreuves. 

L.  L. 


293.  —  Etn«le  sui-  l'Ai'sot  fi-aiiçais,  par  Maurice  Schwob  et  Georges  Guieysse. 

Paris,  Emile  bouillon,  iiSSy,  vui-28  pages. 

En  ouvrant  cet  opuscule,  dû  à  la  collaboration  de  deux  tout  jeunes 
gens, on  est  péniblement  surpris  de  voir  que  l'un  d'eux  n'est  déjà  plus  : 
M.  Guievesse  est  mort  à  vingt  ans,  au  moment  où  ce  travail  était  sous 
presse.  Les  critiques,  dès  lors,  ne  peuvent  plus  s'adresser  qu'à  M.  Schwob; 
quant  aux  éloges,  il  ne  saurait,  j'en  suis  sûr,  les  accepter  sans  en  repor- 
ter une  partie  sur  la  mémoire  de  son  ami.  — Ce  qu'il  faut  louer  tout 
d'abord  chez  l'auteur,  c'est  le  zèle  scientifique  et  aussi  une  certaine  pré- 
cocité de  jugement:  à  un  âge  où  l'on  entend  autour  de  soi  parler  Targot 
et  où  on  le  parle  soi-même  volontiers  sans  regarder  plus  loin,  il  a  su  y 
voir  un  objet  d'étude  et  une  matière  à  d'intéressantes  réflexions.  De 
plus,  il  est  parti  d'une  idée  fort  juste,  contenue  tout  entière  dans  ces 
trois  lignes  :  «  L'argot  est  justement  le  contraire  d'une  formation  spon- 
tanée. C'est  une  langue  artificielle,  destinée  à  n'être  pas  comprise  par 
une  certaine  classe  de  gens.  On  peut  donc  supposer  a  ^priori  que  les 
procédés  de  cette  langue  sont  artificiels.  »  De  là  la  nécessité  d'appliquer 
à  cette  étude  une  méthode  particulière  :  je  n'irai  pas  jusqu'à  dire  que 
celle  de  M.  S.  soit  d'une  rigueur  toujours  parfaite,  elle  est  encore  çà  et 
là  flottante,  mais  elle  se  précisera,  j'en  suis  certain,  et  déjà  elle  lui  per- 
met d'entrevoir,  de  nous  faire  entrevoir  quelques  résultats.  Les  deux 
points  qui  ont  surtout  attiré  son  attention,  sont  le  procédé  de  déforma- 
tion auquel  s'applique  le  nom  typique  de  loucherbème,  et  d'autre  part 
la  métaphore  i/e'rfvee  que  nous  serions  souvent  impuissants  à  saisir,  si 
la  «  filiation  synonymique  »  ne  venait  à  notre  aide.  Le  mot  boucher, 
par  exemple,  deviendra  si  l'on  déplace  sa  lettre  initiale  pour  la  mettre  à 
la  fin  oucherb,  puis  par  préposition  de  l'article  loiicherb,  et  enfin  par 
addition  d'un  suffixe  loucherbème  :  c'est  un  procédé  qui  se  trouve  appli- 
qué déjà  dans  le  célèbre  recueil  d'O.  Chéreau  intitulé  :  Jargon  de  l'ar- 
got réformé.  Quant  à  la  métaphore,  elle  est  élémentaire  quelquefois  en 
argot,  mais  souvent  aussi  elle  a  pour  point  de  départ  un  mot  déjà 
déformé  artificiellement,  et  offre  par  là-même  une  difficulté  du  second 
degré.  M.  S.  a  eu  raison  d'insister  sur  cela,  de  relever  chemin  faisant 
quelques-unes  des  erreurs  où  sont  tombés  ses  devanciers,  Francisque 
Michel,  Lorédan  Larchey,  d'autres  encore  :  il  le  fait  toujours  d'ailleurs 
avec  beaucoup  de  modestie,  et  montre  qu'il  a  su  lire  avec  fruit  les  tra- 
vaux plus  récents  de  MM.  Ascoli  et  Bijvanck. 

Si  j'avais  ici  le  loisir  de  descendre  au  détail,  j'aurais  à  signaler  dans  cet 
opuscule  certaines  solutions  qui  me  paraissent  heureuses.  Ainsi  (p.  10) 


I 


d'histoire  et  de  littérature  517 

l'explication  de  Tabarin  par  tabar  anagramme  de  rabat,  employé  au 
xv^  siècle  avec  le  sens  de  manteau  dans  Villon,  est  bonne  incontesiable- 
meni.  L'explication  donnée  de  magot  est  vraisemblable;  celle  du  mot 
argot  est  à  coup  sûr  fort  ingénieuse  et  mérite  d'être  prise  en  sérieuse 
considération  :  il  y  a  du  reste  dans  tout  ce  passage  (pp.  17,  i8j  une  con- 
tribution de  quelque  importance  à  l'étude  du  thème  ^0  si  obscur  encore, 
et  qui  paraît  bien  avoir  fourni   un  suffixe  au  langage  argotique.  Il  est 
naturel  aussi  de  faire  dériver  toper  de  taper,  choper  et  chiper  de  cha- 
per  :  mais  pourquoi  supposer  que  dans  ces  formations  le  thème  se  soit 
à  un  moment  donné  réduit  à  /-  ou  ch-,  et  ne  pas  voir  là  simplement  une 
variation  arbitraire  de  la  voyelle  caractéristique  du  mot?  Le  rapproche- 
ment de  choquer  et  de  chiquer  (p.  23)  est  également  admissible;  mais 
celui  de /roque,  fripe,  frasque  (p.  18)  prête  déjà  davantage  à  contesta- 
tion ;  la  façon  dont  /roque  s'est  dégagé  de  défroquer  se  comprend,  mais 
il  est  un  peu  hardi  de  supposer  que  le  thème  élémentaire /r- s'est  ensuite 
varié  par  adjonction  des  suffixes  -ipe  e\-usque;pn\s,  dans  cette  hypo- 
thèse, que  deviennent  les  (ormes  felpier,  ferpier  existant  en  français 
dés  le  xiii"  siècle?  M.  S.,  dans  ce  passage,  comme  dans  plusieurs  autres, 
n'a  pas  tenu  assez  compte  évidemment  de  Tétat  ancien  de  la  langue  : 
sous  prétexte  que  les  origines  tangibles  de  l'argot  ne  remontent  pas  plus 
haut  que  Villon  et  le  xv»  siècle  (ce  qui  est  contestable),  on  n'a  pas  le 
droit,  dans  des  recherches  de  ce  genre,  d'opérer  une  scission  arbitraire 
et  de  laisser  de  côté  Timmense  matériel  du  vieux  français.  Ainsi,  il  est 
tout  à  fait  inutile  d'aller  (p.  12)  chercher  le  verbe  ar s,oùque pitancher, 
qui   signitie  boire,  pour  expliquer  pitance,  qui   signifie  nourriture,  et 
dont  rétymologie  est  bien  établie  :   l'article  pictantia  de  Du  Cange 
suffit  pour  écarter  a  priori  toute  hypothèse  de  ce  genre.  Enfin  j'ajoute- 
rai qu'il   me  paraît  tout  aussi  erroné  de  voir  dans  peluche  un   doublet 
artificiel  de  pe/ (peau),  et  ce  qui  est  dit  (p.  17)  du  sutTixe  -asse  contient 
certaines  inexactitudes  :  d'une  façon  plus  générale,  on  ne  peut  accorder 
à  l'auteur  que,  même  en  argot,  le  sens  des  suffixes  soit  toujours  nul,  et 
qu'ils  servent  uniquement  à  former  des  doublets  artificiels  équivalant  au 
mot  simple. 

Mais  ces  critiques,  et  d'autres  encore  qu'il  serait  aisé  de  faire,  n'infir- 
ment point  ce  que  je  disais  tout  à  l'heure  :  tel  qu'il  est,  cet  opuscule  est 
intéressant,  il  me  paraît  gros  de  promesses  peut-être  plus  encore  que  de 
résultats  acquis.  Lorsqu'il  aura  encore  beaucoup  étudié,  réfléchi,  com- 
paré, lorsqu'il  sera  d'une  façon  définitive  maître  de  sa  méthode,  M.  S. 
aboutira,  je  crois,  à  écrire  sur  l'argot  le  livre  complet  qu'il  semble  annon- 
cer, et  bien  des  desiderata  actuels  de  l'étymoiogie  française  y  trouve- 
ront, je  l'espère,  leur  solution  raisonnée  :  c'est  là  une  utile  et  grande 
tâche.  L'auteur  est  capable  de  la  remplir,  si,  dans  le  temps,  il  ne  s'arrête 
pas  aussi  strictement  qu'aujourd'hui  au  xv'=  siècle,  et  si,  dans  l'espace, 
il  ne  néglige  pas  non  plus  la  comparaison  du  français  avec  les  autres 
langues  romanes  :  il  s'est  un  peu  trop,  pour  le  moment,  débarrassé  de 


5i8 


REVUE   CRITIQUE 


cette  comparaison  toujours  indispensable  dans  une  phrase  de  sa  pré- 
face qui,  poussée  à  ses  dernières  conséquences,  deviendrait  dangereuse  et 
risquerait  de  stériliser  en  partie  ses  recherches  ultérieures.  Je  suis  sûr 
aussi  que,  dans  son  futur  ouvrage,  M.  Schwob  se  débarrassera  des  méta- 
phores un  peu  pompeuses,  dont  la  science  n'a  que  faire;  il  ne  dira  plus 
que  «  les  filles  servent  entre  l'argot  et  la  langue  classique  de  papillons  et 
d'abeilles  »  ;  il  ne  nous  parlera  plus  des  «  animaux  des  grands  fonds 
sous-marins  »,  ni  de  leurs  «  taches  pigmentaires  et  phosphorescentes  ». 
Ce  sont  là  des  exubérances,  des  défauts  de  jeunesse;  mais  on  s'en  corrige 
aisément,  et  souvent  plus  vite  qu'on  ne  le  voudrait. 

E.   BoURCIEZ. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Nous  avons  rendu  compte  de  la  première  partie  d'une  édition  de 
Catulle,  en  deux  volumes,  contenant  dans  le  premier  un  texte  latin  établi  par  M.  E. 
Benoist  et  une  traduction  en  vers  français,  par  M.  E.  Rostand,  et  dans  le  deuxième 
un  commentaire  philologique,  critique  et  explicatif,  par  M.  E.  Benoist  {Rev.  cvit., 
3o  avril  i883).  Malheureusement  ce  dernier  volume  était  demeuré  inachevé,  à  la  suite 
de  la  maladie,  puis  de  la  mort  de  M .  Benoist.  H  reçoit  aujourd'hui  son  complément  : 
Les  poésies  de  Catulle,  commentaire  critique  et  explicatif  des  poèmes  LXIV-CXVI, 
par  Emile  Thomas  (pp.  563-836;  Hachette,  1890,  petit  in-8o).  Ce  fascicule  contient, 
outre  des  additions  qui  mettent  au  point  la  première  partie  de  l'ouvrage,  une  étude 
critique  et  exégétique  digne  en  tout  de  l'éditeur  déjà  si  connu  des  Discours  de  Cicé- 
ron  dans  la  grande  collection  Hachette.  Le  travail  se  distingue  surtout  par  un  dépouil- 
lement très  exact  du  ms.  de  Saint-Germain-des-Prés.  Nous  reviendrons  prochaine- 
ment sur  cette  publication  ;  mais  nous  tenions  à  la  signaler  dès  maintenant.  C'est 
une  bonne  fortune  pour  l'aimable  poète  d'avoir  rencontré  auprès  du  public  français 
de  tels  introducteurs. 

—  On  lira  avec  le  plus  vif  intérêt  les  Lettres  du  Brésil  de  M.  Max  Leclerc  (Paris, 
Pion.  In-83,  264  p.,  3  fr.  5o).  Ces  notes  du  rédacteur  du  Journal  des  Débats,  si  rapi- 
des qu'elles  soient,  nous  font  exactement  connaître  les  causes  de  la  récente  Révolu- 
tion, les  hommes  qui  l'ont  faite,  et  leurs  premiers  actes.  Mais  la  politique  n'a  pas 
absorbé  M.  Leclerc;  il  étudie  dans  la  province  de  Saint-Paul  aussi  bien  qu'à  Rio- 
Janeiro  les  ressources  du  pays  et  son  développement  économique  ;  il  juge  le  caractère 
et  les  mœurs  du  peuple  brésilien.  Il  a  donc  bien  fait  de  réunir  ses  correspondances, 
et  son  livre  sera  très  utile,  d'autant  plus  utile  que  le  Brésil  était  jusqu'ici  très  peu 
connu  en  Europe. 

ITALIE.  —  La  maison  Zanichelli,  de  Bologne,  va  publier  une  Biblioteca  di  Scrit- 
tori  politici  italiani,  où  on  trouvera  réimprimées  et  annotées  un  grand  nombre  d'oeu- 
vres importantes.  On  souscrit  à  la  première  série,  qui  sera  composée  de  trente  vo- 
lumes in-iG,  au  prix  de  b  francs  le  volume. 


ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


M 
de   f 


Séance  du  14  juin  18 go.  f| 

.  Ravaisson  informe  l'Académie  qu'il  a  fait  apporter  et  exposer  dans  le  vestibule 
l'Institut  le  groupe  en    plâtre   représentant,  par  des  moulages  complétés  sur  ses 


I 


D^HISTOrRE    KT    DE    LITTERATURE  Sig 

indications,  la  composition  à  laquelle  appartenait,  suivant  lui,  la  Vénus  de  Milo.  Ces 
moulages  reproduisent,  l'un  la  Vénus,  l'autre  la  statue  du  Louvre  connue  impropre- 
ment sous  le  nom  d'Achille.  M.  Ravaisson  lira  dans  la  prochaine  séance  une  notice 
contenant  la  justification  de  la  restitution  qu'il  propose. 

M.  le  marquis  de  Vogué  communique  une  lettre  de  M.  Bénédite,  chargé  d'une 
mission  épigraphique  au  Sinaï.  Cette  lettre  est  datée  de  l'Ouady  Feiran,  le  17  mai 
iSgo.  M.  Bénédite  a  déjà  relevé  plus  dt  mille  inscriptions  entre  l'Oued  Nasb,  la  ré- 
gion de  Magharat,  le  Moqatteb  et  les  ouadys  du  Feiran.  Il  craint  que  la  région  où 
il  va  entrer  ne  soit  un  peu  moins  riche  en  textes  épigraphiques,  mais  il  ne  négligera 
rien  pour  en  recueillir  le  plus  grand  nombre  possible. 

M.  de  Vogué  insiste  sur  l'importance  des  résultats  qu'a  déjà  produits  la  mission 
de  M.  Bénédite. 

M.  Deloche  commence  la  lecture  d'un  mémoire  sur  le  jour  civil  ou  légal  aux  dif- 
férentes époques  de  notre  histoire.  Le  point  de  départ  du  jour,  considéré  comme 
une  durée  de  vingt-quatre  heures,  au  point  de  vue  de  la  supputation  des  délais  légaux, 
a  varié  suivant  les  temps  et  les  lieux.  Chez  les  Gaulois,  le  jour  se  comptait  de  la 
tombée  de  la  nuit  à  la  tombée  de  la  nuit  suivante.  Les  Romains  comptaient  de  mi- 
nuit à  minuit,  et  cette  supputation  se  substitua  à  celle  des  Gaulois  à  la  suite  de  la 
conquête  romaine  de  la  Gaule.  Dans  la  suite  du  mémoire,  M.  Deloche  se  propose 
d'étudier  la  même  question  pour  les  temps  qui  ont  suivi  l'invasion  des  barbares. 

M.  Léon  Gautier,  au  nom  de  la  commission  du  prix  de  La  Grange,  annonce  que 
le  prix  est  décerné  cette  année  à  M.  Ernest  Langlois,  chargé  de  cours  à  la  Faculté 
des  lettres  de  Lille,  pour  son  volume  intitulé  :  le  Couronnement  Looys  (publication 
de  la  Société  des  anciens  textes  français). 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  lit  une  note  sur  un  gentilice  romain  d'origine  gauloise, 
conservé  dans  un  nom  de  lieu  de  la  France.  Le  nom  de  Ligugé  (Vienne),  à  l'époque 
mérovingienne  Locoteiacus,  représente  une  forme  plus  ancienne,  Liicoteiacus,  dérivé 
d'un  gentilice  Lucoteius.  qui  vient  lui-même  d'un  nom  d'homme  gaulois,  Liicotos. 
Ce  dernier  nom  signifie  «  l;i  Souris  »;  il  répond  au  breton  moderne  logod,  plus  an- 
ciennement locot.  et  à  l'irlandais  luch.  Le  nom  d'un  chef  appelé  Lucoticnos  a  été 
déchiffré  sur  une  monnaie  des  Longostalètes.  près  de  Marseille  :  on  peut  le  traduire 
par  (c  Fils  de  la  Souris  ».  A  ce  i-.om  d'animal  appliqué  à  un  homme,  M.  d'Arbois  de 
jubainville  en  compare  un  autre  que  fournit  également  la  numismatique  gauloise, 
celui  de  Cattos,  «  le  Chat  »,  gravé  sur  une  monnaie  de  Lisieux  :  de  Lisieux  à  Mar- 
seille, ajoute-t-il,  il  y  avait  assez  loin  pour  mettre  le  «  Fils  de  la  Souris  »  à  l'abri  des 
griffes  du  «  Chat  ». 

M.  Gaston  Paris  fait  observer  que,  selon  une  opinion  aujourd'hui  établie  sur  des 
preuves  péremptoires,  le  chat  domestique  n'a  fait  son  apparition  dans  l'Europe  occi- 
dentale que  vers  le  iv''  siècle  de  notre  ère.  Avant  cette  date,  le  chat  n'était  connu 
dans  nos  pays  qu'à  l'état  sauvage  :  en  Egypte  seulement,  il  était  domestique.  Le  mot 
catciis  ou  des  formes  équivalentes  se  rencontrent,  à  partir  seulement  de  cette  époque, 
dans  diverses  langues,  pour  désigner  le  chat  domestique,  inconnu  jusqu'alors.  L'exis- 
tence du  même  mot  dans  la  langue  gauloise,  avant  la  conquête  romaine,  serait  un 
tait  tout  à  fait  digne  de  remarque  et  qui  demande  à  être  vérifié  de  près. 

M.  Maspero  dit  que  le  chat  de  l'Egypte  ancienne,  à  en  juger  d'après  les  momies 
de  cet  animal,  qui  se  retrouvent  aujourd'hui  par  milliers,  paraît  avoir  appartenu  à 
une  espèce  tout  autre  que  notre  chat  domestique  :  l'origine  de  celui-ci  doit  donc 
être  cherchée  ailleurs.  Il  ajoute  que  le  chat  n'était  pas,  à  proprement  parler,  domes- 
tique chez  les  Egyptiens  :  il  vivait  captif,  tout  au  plus  a  demi-apprivoisé,  comme 
les  animaux  conservés  aujourd'hui  dans  nos  ménageries. 

M.  Saglio  cite  une  peinture  étrusque  sur  laquelle  le  chat  paraît  représenté  dans 
un  état  de  domesticité  complète. 

M.  Saglio  présente  ensuite  des  observations  sur  une  monnaie  romaine  qui  lui  pa- 
raît avoir  été  imparfaitement  expliquée.  C'est  le  denier  connu  d'Hostilius  Saserna, 
monétaire  de  Jules  César,  qui  porte  à  la  face  la  tête  de  Pavor  ou  de  Pallov  et  au 
revers  la  figure  debout  de  Diane.  On  a  reconnu  dans  les  types  de  la  face  la  person- 
nification de  la  Peur  et  de  la  Pâleur,  à  qui  le  roi  Tullus  Hostilius  avait  voué  des 
temples.  Hostilius  Saserna,  en  rappelant  ces  fondations,  voulait  rappeler  le  roi  dont 
il  tirait  son  origine.  Mais  c'est  à  tort,  pense  M.  Saglio,  qu'on  a  cru  reconnaître  dans 
la  figure  du  revers  la  Diane  d'Ephèse.  La  divinité  figurée  sur  le  denier  d'Hostilius 
Saserna  est  une  Diane  chasseresse,  qui  n'a  de  commun  avec  les  idoles  de  la  déesse 
asiatique  qu'une  certaine  raideur  propre  aux  figures  archaïques.  La  religion  de  Diane 
est  très  ancienne  en  Italie;  elle  a  servi  de  lien  aux  peuples  du  Latium.  L>es  temples 
de  Diane,  ses  bois  sacrés  étaient  pour  les  confédérés  des  lieux  de  réunion.  Tuscu- 
lum  et  la  région  qui  l'entoure,  ajoute  M.  Saglio,  paraissent  être  l'antique  foyer  de  ce 
culte  et  c'est  de  là  qu'il  fut  porté  à  Rome  par  Tullus  Hostilius,  qui  personnifie  dans 
1  histoire  légendaire  des  rois  de  Rome  les  Titsci  ou  Etrusco-Latins.  C'est  lui  qui  les 
établit  sur  le  mont  Cœlius  et  qui  y  bâtit  le  premier  temple  de  Diane.  Hostilius  Saserna, 
qui  avait  gravé  sur  sa  monnaie  la  tête  de  Pallor  ou  de  Pavor,  en  souvenir  du  roi 
dont  il  prétendait  descendre,  se  rattachait  encore  à  lui  en  y  représentant  l'antique 
déesse  du  Latium. 


520  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

M.  Héron  de  Villefosse  met  sous  les  }cux  des  membres  de  l'Académie  une  plaque 
de  bronze  portant  une  inscription  romaine  relative  à  un  décret  de  patronage.  Cette 
inscription,  découverte  à  Bénéveni  au  commencement  de  ce  siècle,  a  été  publiée  par 
l'antiquaire  Carlo  Fea  ;  mais,  depuis  iSio,  on  croyait  l'original  perdu.  NI.  Léon  Pa- 
lustre vient  de  le  retrouver  au  chSieau  de  Valençay,  chez  M.  le  duc  de  Valençay,  petit- 
neveu  de  Taileyrand,  prince  de  Bénéveni.  Elle  avait  été  sans  doute  offerte  par  les 
habitants  de  Bénévent  à  leur  prince.  L'examen  de  la  plaque  originale  permet  de  cor- 
riger quelques  erreurs  de  transcription  commises  par  M.  Fea. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  Téditeur  :  Saint-Simon.  Mémoires,  publiés  par  A.  de 
BoislislÈ,  tome  VU  ;  —  par  M.  Heuzey  :  Dumont  (Albert),  les  Céramiques  de  la  Grèce 
propre,  8*  fascicule;  —  par  M.  Héron  de  Villefosse:  Jacquelot  de  Boisrouvray,  Un 
Corsaire  et  un  Amateur  bretons  à  la  fin  du  xv*  siècle  (extrait  de  la  Revue  maritime  et 
coloniale); —  par  iM.  Oppert  :  Strkssj^imer,  Altbabylonisciie  Texte. 

Julien  Havet. 


Séance  du  1 3  juin  i8go. 

MM.  Croiset  et  A.  de  Barthélémy  sont  élus  membres  de  la  commission  chargée  de 
vérifier  les  comptes  de  l'Académie. 

M.  Ravaisson  commence  la  lecture  d'un  mémoire  destiné  à  justifier  la  restitution 
qu'il  propose   de  la  Vénus  de  Milo,  ainsi  qu'à  déterminer  l'âge  de  la   composition^ 
dont  elle  fait  partie,  l'auteur  de  cette  composition,  le  lieu  où  il  l'avait  placée,  la  des- 
tination qu'il  lui  donnait. 

M.  le  marquis  de  Vogué  dit  qu'il  a  visité  à  Milo,  en  1875,  le  lieu  où  la  Vénus  passe 
pour  avoir  été  trouvée.  C'est  une  terrasse  étroite,  au  pied  d'un  mur  hellénique  quil 
paraît  être  l'enceinte  de  la  ville  antique.  Il  est  difficile  qu'il  y  ait  eu  jamais  là  un  mo- 
nument ayant  un  caractère  public,  que  la  statue  de  la  déesse  y  ait  été  exposée  aux 
regards  ou  aux  hommages  religieux  de  ses  adorateurs. 

M,  Siméon  Luce  annonce  que  la  Commission  des  antiquités  de  la  France  décerne 
les  récompenses  suivantes  : 

fe  médaille  :  Reinach  (Salomon),  Description  raisonnée  du  musée  de  Saint-Ger- 
main-en-  Laye  \ 

26  médaille  :  Blanchard,  Lettres  et  mandements  de  Jean  V,  duc  de  Bretagne  ; 

3e  médaille  :  Berthelé,  Recherches  pour  servir  à  l'histoire  des  arts  en  Poitou; 

fc  mention  honorable:  Chénon  {Emile),  Histoire  des  alleux  et  Histoire  de  Sainle- 
Sévère-cn-  Berry  ; 

2^  mention  :  Robert  {Ulysse),  les  Signes  d'infamie  au  moyen  âge; 

3°  mention  ;  Fontenay  (Harold  de)  et  de  Charmasse,  Aut.in  et  ses  monuments  ; 

4e  mention  :  Perret  (Michel),  Louis  Malet,  sire  de  Graville  ; 

b^  mention  :  Mémoires  d'Olivier  de  la  Marche,  publiés  par  Beaune  et  d'Arbau- 
mont; 

6e  mention  :  Panisse-Passis  (le  comte  de),  les  Comtes  de  Tende. 

En  outre,  la  Commission  signale  avec  éloge  : 

1°  Les  catalogues  d'incunables  rédigés  par  M"^  Pellechet; 

2°  L'édition  des  Qjtatre  Ages  de  l'homme  de  Philippe  de  Novarre,  par  M.  Marcel 
DE  Fréville; 

3°  Espérandieu,  Epigraphie  romaine  du  Poitou  et  de  la  Saintonge  ; 

40  Ernault,  Marbode,  évéque  de  Rennes,  sa  vie  et  ses  œuvres. 

M.  Deloche  continue  sa  lecture  sur  le  jour  civil  en  Gaule.  11  établit  les  principes 
suivants  ; 

Sous  les  Gaulois,  les  délais  légaux  se  comptaient  par  nuits; 

Après  la  conquête  de  la  Gaule,  les  Romains  substituèrent  à  ce  système  celui  du 
calcul  par  jours; 

A  la  suite  ae  l'invasion  des  barbares,  les  Francs  rétablirent  le  calcul  par  nuits, 
mais  le  calcul  romain  par  jours  resta  en  usage  pour  les  Gallo-Romains,  les  clercs,  les 
Burgondes  et  les  Visigoths;  cette  distinction  dura  tant  que  se  maintint  en  Gaule  le 
principe  de  la  liberté  des  lois. 

Ouvrages  présentés;  —  par  M.  Georges  Perrot  :  Lanckoronski  (Ch.),  Niemann  (G.) 
et  Petersen  (E.),  les  Villes  de  la  Pamphylie  et  de  la  Pisidie,  I,  la  Pamphylie  ;  —  par 
M.  l'abbé  Duchesne  :  i"  Gerspach,  les  Tapisseries  coptes;  2'^  Duchesne  (l'abbé),  les 
Anciens  Catalogues  épiscopaux  de  la  province  de  Tours. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


-'i 


Le  LuY,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  3  ?. 


[sî»  i  Vingt  quatrième  année  6  janvier  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    El    DE    LITTERATURE 

RKCUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnecient 
Un   en,   Paris,   20   Ir.    —    Départements,   22   ir     —    Etranger,   25   (r. 


PARIS 


K  R  N  K  SI     LEROUX.    EDITEUR 

L  I  3  »  A  1  R  IS     DE     I.  A     S  O  C  I  ;•;  T  É     ASIATIQUE 

DB     ifCOI.  K      DK  S     LANGUES    ORIEMTAl-KS     VlVAfJVEf,        ETC. 

28,    RtJK    EONAPARTÎC.     28 


AJtesseï   les  catumunications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Ckuqui  T 

,  Au   LMireaii  île  1^   Kevue  :  rue  Honaparie    18  ). 

.1/A/.  Ids  éditeir  S  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directeynent  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  cotnmissunnairej,  les  livres  dont  ils 
désirent  un  conivte-rendu. 


KRNKSr   I.EHOUX,   EDITEUR,   RUE   BONAPARTE,  28. 

LES    RÉSULTATS   DE    L^EXÉGÈSE    BI- 

BLIQUE.  L'Histoire.  La  Religion.  La  Littérature.  Par 
Maurice  Vernes,  Directeur-adjoint  à  l'Ecole  pratique  des  Hautes- 
Etudes.    In-i8 3   5o 

LE  LIVRE    DES    TRANSFORMATIONS 

(papyrus  démotique  3452  du  Louvre),  publié,  traduit  et  accom- 
pagné d'un  glossaire-index,  par  G.  Legrain.  2  fascicules  in-4, 
dont    un  de    14    planches 12  fr. 

LES  MOINES  ÉGYPTIENS.    v,e  de  sch„oudi. 

Par  E.   Amélineau.    In-i8 3  5o 

HISTOIRE  DE  LA  LITTÉRATURE  ALLE- 

MAiNlJJb,  par  A.  Heinrich,  doyen  honoraire  de  la  Faculté 
des    Lettres   de  Lyon,    Tome   second.    In-8.... 7  5o 

Ouvrage  couronné  par  l'Académie  française. 


PÉRIODIQUES 

Mélusine,  tome  IV,  n"  24,  5  déc,  1889,  (les  bureaux  de  la  Revue  sont 
transférés  2,  rue  des  Chantiers,  librairie  Rolland;  le  vol.  V  se  compo 
sera  de  douze  numéros  paraissant  tous  les  deux  mois,  de  janvier  1890  à 
déc.  1 89 1  ;  prix  de  souscription  pour  les  deux  ans,  i2tr.  5o).  —  A.  Barth, 
La  littérature  des  contes  dans  l'Inde.  —  L'arc-en-ciel.  —  Gaidoz,  La  so- 
ciété liégeoise  de  littérature  wallonne  et  le  folklore  à  Liège.  —  Tuch- 
MANN,  La  fascination  et  les  fascinateurs,  animaux.  —  Propos  d'esprits 
forts,  III.  —  Bibliographie  :  E.  H,  Meyer,  Voluspa  (élucubration  pu- 
bliée dans  la  première  forme  de  brouillon).  —  Sixty  Folktales  from 
exclusively  Slavonic  sources,  transi,  by  Wratislaw. — Orlovic,  der  Burg- 
graf  von  Raab,  ein  mohamni.  slav.  Guslarenlied  aus  der  Hercegovina, 
p.  p.  KuAUSs  (fait  avec  critique  et  goût). 

La  Révolution  Française,  14  déc.  1889  :  Debidour,  La  Révolution  et  la 
diplomatie  en  1848.  —  Baudouin,  L'admin.  de  la  justice  suivant  les 
cahiers  de  1789,  Haut  et  Bas  Limousin.  —  Kuscinski,  La  noblesse  à  la 
Convention.  —  Réimpression  :  La  préface  de  Philinte,  par  Fabre 
d'Eglantine.  —  Chronique  et  bibliographie  .  Instructions  aux  ambas- 
sadeurs ;  Pologne,  p.  p.  Farges  (cp.  Revue  1889  n»  12);  Bavière,  p.  p. 
Lebon.  —  Journal  d^un  bourgeois  de  Paris  et  L'état  de  Paris  en  1789 
p.  p.  H.  MoNrN  (cp.  Revue  1889,  n"  35). —  Dejob,  Le  Lycée  et  PAthénée 
(cp.  Revue,  1889,  n»  44). 

The  Academy,  n°  920  :  Lord  Melbourne's  Papers,  p.  p.  Sanders,  VIL 
—  W.  Pater,  Appréciations.  —  Watson,  1  he  Swedish  Révolution  un- 
der  Gustavus  Vasa  (malgré  ses  défauts,  n'est  pas  sans  mérite).  —  Sand- 
wiTH,  Egypt  as  a  vvinter  resort  (un  des  meilleurs  livres  sur  l'Egypte).  — 
Rob.  Browning.  —  A  sign  used  in  old-english  mss  to  indicate  vowel- 
shortness.  —  The  etymol.  of  a  ketchup  ».  —  The  origin  of  «  off  »  in 
«  well  otî  »  .  —  Negro  and  white.  —  Browning's  Summum  Bonum.  — 
The  mss  of  the  Yasna  (West).  — The  religion  of  the  Sémites  (Smith).  — 
Max  CoLLifjNON,  Manual  of  mythology  in  relation  to  Greek  art,  transla- 
ted  by  J.  E.  Harrison  (livre  qui  n''est  qu'une  esquisse,  mais  excellent 
et  bien  traduit). 

The  Athenaeum,  n"  3243  :  Collected  papers  of  Henry  Bradshaw.  — 
Sage,  Memorabilia  domestica  or  parish  life  in  the  work  ofScotland; 
Macdonald,  Moidart  or  among  the  Clanranalds.  —  Rob.  Browning.  — 
Kensington,  picturesque  and  historicai.  —  Thomas  Purnell  (not.  né- 
crol.). 

Deutsche  Litteraturzeitiing,  n"  5i  :  von  Dôllinger,  Beitr.  zur Sectengesch. 
des  Mittelalters  («  riche  trésor  de  sources  qui  avance  à  un  haut  degré  la 
science  de  Phistoire  ecclésiastique  »).  —  De  Robertv,  L'inconnaissable 
(cp.  le  présent  numéro  de  la  Revue).  —  Anzeiger  der  Akad.  der  Wiss. 
zu  Krakau.  —  Widmann,  Eine  Mainzer  Presse  der  Reform.  im  Dienste 
der  kathol.  Liter.  —  Lloyd,  Phonetic  attraction  (bien  des  choses  con- 
testables ou  manquées,  mais  en  somme  instructif).  —  Scholia  in  So- 
phoclis  trag.  vetera,  p.  p.  Papageorgius.  — Aeneis  p.  p.  Ladewig,  2^  éd. 
p.  Deuticke  (très  recommandable).  —  Burghauser,  German.  Nominal- 
flexion  auf  vergleich.  Grundlage  (sans  valeur  et  manque  de  bon  sens).  — 
Pfeifker,  Klingers  Faust,  (très  convaincant).  —  Locella,  Zur  deutschen 
Danielitteratur  (utile).  —  KRaHE,  JudischeGcschichte,  I,  bis  586  (ignore 
les  travaux  des  dix  dernières  années  et  sera  nuisible).  —  Helen  Zimmern, 
The  Hansa  towns  (mauvais).  —  W.  Voss,  Die  Verhandl.  Plus  IV  mit 
den  kathol.  Machten  ûber  die  Neuberuf.  des  Tridentiner  Conciis  i56o 
(du  soin,  du  talent,  mais  les  résultats  ne  sont  pas  certains).  —  G.  H. 
MiiLLER,  Das  itadttheater  zu  Leipzig  18(32-1887. 


—  N"  52  :  LosERTH,  Wiclif  Sermones,  III,  super  epistolas.  —  Gutt- 
MANN,  Die  Philosophie  des  Salomon  ibn  Gabirol  (compilation  com- 
mode). —  Des  Kitab  Al-Wuhusvon  Al-Asmaî  p.  p.  Geyer  (cp.  Revue, 
1889,  n"  3o).  —  NiLEN,  Luciani  codex  Mutinensis  (soigné).  —  Cassiani 
opéra  p.  p.  Petschenig,  (excellente  édition;  cp.  Revue,  i88q,  n"  2),  — 
VoLKELT,  Grillparzer  als  Dichter  des  Tragischen.  (remarquable  et  im- 
portant à  plus  d'un  égard).  —  Schaible,  Shakespaere  der  Autor  seiner 
Dramen  (sans  prétention).  —  Brock,  Die  Entsteh.  des  Fehderechtes  im 
Mittelalter  (erroné,  mais  original).  —  Die  Pabsturkunden  Westfalens 
p.  p.  FiNKE,  I,  bis  1304.  (bon  texte). —  Pompilj,  Minghetti  ;  Guastalla, 
Correnti  ;  Bertolini,  Memorie  stor.  crit.  del  risorgimento  italiano.  — 
Baumgartner,  Nordische  Fahrten,  Island  u.  die  Faroer.  —  Ghirardini, 
Contributi  all'archeologia  delTItalia  superrore,  I  ;  i  necropoli  primitive 
e  Romane  del  Veneto;  II,  La  collezione  Baratela  di  Este. 

Berliner  philologische  Wochenschrift,  n"  5i  :  Programme  :  Linke,  Siudien 

zur  Itala;  Harder,  Die  Fragm.  des  Macenas;  Lowinski,  Zur  Kritik  der 

Horaz.  Satiren.  —  Aias,  Philoktetes,  9^  Aufl.   p.  Nauck.  —  Berlage, 

De  Euripide   philosopho  (très  soigné  et  profond).   —  Juvenalis,  p.  p. 

Nagujewski  ;  (cp.  i^evife  1889,  n°   16).  — Tacite,   trad.  p.   Modestow; 

Hérodote,  trad.  par  Mischtschenko.  —  Petzke,  Dicendi  genusTaciti- 

num  quatenus  différât  a  Liviano  (travail  estimable,  mais  qui   n'avance 

pas  la  science).  —  Holder,  Inventio  sanctae  crucis  —  Mennessier,   De 

la  ferme  des  impôts  et  les  sociétés  vectigaliennes.  (travail  de  débutant, 

mais  clair  et  sensé  en  général).  —  Lanciani,  Ancient  Rome  in  ihe  light 

of  récent  discoveries  (cp.  Revue   1889,   n^   23). —  Nagelsbachs  latein. 

Siilisiik  fur  Deutsche,  8'' Aufl.  p.  p.  Iwan  Mûller.  —  Schleusner,  Die 

Ausdrûcke  u.  Hedensarten  aus  Ciceros  Pompeiana  u.  catilinar.  Reden  , 

sowie  Càsars  Comm.  iiber  den  Gall.  Krieg  tiir  Primaner  zusammengest. 

—  Jadart  et  Pellot,  Maitre  Robert  de  Sorbon  et  le  village  de  Sorbon  ; 
(cp.  Revue,  1888,  n"  19)  Méric,  La  Sorbonne  et  son  fondateur. 

Gœttingische  gelehrte  Anzeiçen  n^^  25-25  :  Festschrift  fiir  Georg  Hanssen. 

—  HuBRicH,  FrankischesWahl— und  Erbkônigtum  zur  Merowingerzeit 
(long  art.  de  Sickel  sur  un  travail  dont  Punique  mérite  est  de  traiter  un 
sujet  qui  n'avait  pas  trouvé  de  monographie  depuis  le  mince  programme 
de  Rospatt  en  i85i).  —  Soltau,  Rômische  Chronologie  (Alatzat  : 
assure  que  le  livre  est,  non  pas  une  production  scientifique,  mais  une 
catastrophe  scientifique;  <c  la  vérité  offensée  se  venge  sur  celui  qui  ose 
toucher  son  voile  d'une  main  frivole  ou  même  impure  »  ),  —  Strûm- 
PELL,  Gedanken  iiber  Religion  und  religiose  Problème.  —  Franke,  Die 
indischen  Genuslehren  (cp.  Revue.  1889,  n°  Si). 

Magazin  fur  die  Litteratur  des  lu -und  Auslandes,  n°  52  :  Ciampoli,  Dolor 
sine  labe  (fini  —  Willatzen,  Altdan.  Volkslied  aus  der  Zeit  vorderRe- 
form.  —  PoESTiON,  Neue  island.  Literatur,  II  (fin).  —  Kaberlin,  Berli- 
ner Buhnenbrief. 


JERNEST  LEROUX,  EDITEUR,  28,  RUE   BONAPARTE,  28. 

PUBLICATIONS  DE  L'ÉCOLE  DES  HAUTES-ÉTUDES 

(section  des    sciences  religieuses) 

Tome  premier  :  Recueil  tie  Mémoires  des  professeurs 
de  la  t!»eetion. 

Un  beau  volume  in->8. , 7  fr.  5o 


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VOYAGE  D'EXPLORATION 

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HUÉ     EN     COCHINCHINE 

par    la    route    mandarine 
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MISSION  SCIENTIFIQUE  AU  CAUCASE 

Etudes  archéologiques  et  historiques 
Par  J.  DE  MORGAN 

Tome  premier  :  !>es  premiers  âges  rie»  métaux  <!ans 
Pif^rménîe  russe. 

Tome  second  :  Recherches  sur  les  origines  «les  peu- 
ples du  Ostue»se. 

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Historique  néo-grecque 

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L'Institut,  dans  sa  séance    générale,  vient  de  décerner  le  prix  Volneyj 

à  ce  savant  ouvrage. 


Le  Puy.  iraprimei-ie  Marchessou  (ils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N"  2  Vingt-quatrième  année        13  janvier  1890 

REVUE  CRITIQUE 

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Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  ChuquîiT 

(  Au  biiieaii  tie  la  Kevue  :  rue  Bonaparte    iH). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  -priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 
RECUEIL  DE  VOYAGES  ET  DE  DOCUMENTS 

POUR      SERVIR     A      l'hISTOIRE      DE      LA      GÉOGRAPHIE 
Depuis  le  xiii°  jusqu'à  la  fin  du  xvi*  siècle. 

Tome  XI 


LE  VOYAGE 


DE    LA 


TERRE    SAINTE 

COMPOSÉ 

Par  MAITRE  DENIS  POSSOT 

ET   ACHEVÉ 

Par  MESSIRE  CHARLES  PHILIPPE 

Seigneur  de  Champannoy  et  de  Grandchamp. 
—   i532  — 
Publié  et  annoté  par  CH.  SCHEFER,  membre  de  l'Institut. 
Un  beau  volume  in-8,  enrichi  de  planches  et  de  cartes 3o  fr. 


PÉRIODIQUES 

Bulletin  critique,  n°  24,  i5  âéc.  1889  •  Vernes,  Précis  d'hist.  Juive  de- 
puis son  orii^ine  jusqu'à  l'époque  persane  (thèse  originale  et  paradoxale). 

—  Duc  de  NoAiLLES,  Cent  ans  de  république  aux  Etats-Unis.  —  Bapst, 
Hist.  des  joyaux  de  la  couronne  de  France  (à  la  fois  d'érudition  et  d'ac- 
tualité). —  Catal.  des  mss.  grecs  de  Fontainebleau  sous  François  l^i^et 
Henri  II,  p.  p.  Omont  (renferme  une  introduction  précise  et  savante). 

—  Plessis,  Traité  de  métrique  grecque  et  latine  (remarquable  par  Té- 
tude  des  menus  détails,  par  Temploi  constant  de  la  statistique,  par  la 
place  largement  accordée  aux  mètres  latins).  —  Sal.  Reinach,  Antiquités 
nationales,  description  raisonnée  du  Musée  de  S.-Germain-en-Laye,  I. 
époque  des  alluvions  et  des  cavernes  (travail  sérieusement  lait  et  qui 
comble  une  véritable  lacune;  résumé  de  la  préhistoire,  composé  à  un 
point  de  vue  strictement  scientifique).  —  Bouillet,  L'Eglise  Sainte-Foy 
et  ses  vitraux  (fait  avec  zèle  et  conscience). 

Revue  historique,  n"  i,  janvier-février  :  G.  Cavaignac,  L'état  social  en 
Prusse  jusqu'à  Tavènement  de  Frédéric-Guillaume  III  (1797),  les  popu- 
lations rurales  et  le  servage.  —  Fr.  Funck-Brentano,  La  Bastille  d'a- 
près ses  archives,  1^^  article  :  les  sources.  —  Ch.  V.  Langlois,  Les  ori- 
gines du  parlement  de  Paris.  —  Bulletin  :  France,  Public,  relat.  à 
l'antiquité  latine,  I  (Sal.  Reinach);  Public,  relat.  à  l'hist.  moderne 
(G.  Monod  et  Louis  Farges).  —  Correspondance  :  Harrisse,  Le  lieu 
d'origine  de  Christophe  Colomb.  —  Comptes  rendus  critiques  :  Knoke, 
Die  Krie^zûge  des  Germanicus  in  Deutschland;  Duntzelmann,  Der 
Schauplatz  der  Varusschlacht  (cp.  Revue  1889,  11°^  12  et  42).  —  Liber 
diurnus  roman,  pontificum  ex  unicocodice  Vaticano,  p.  p.  Sickel;  Gesta 
di  Federico  I  in  Italia  descritte  in  versi  latini,  p.  p.  Monaci;  Historia 
Johannis  de  Cermenate,  notarii  Mediolanensis,  p.  p.  Ferrai;  Ferrai.^ 
Benzo  d'Alessandria  e  i  cronisti  milanesi  del  secolo  XIV  (éditions  im- 
portantes de  textes  relatifs  à  l'histoire  d'Italie).  —  Historia  de  Felipe  IV 
rey  de  Espaiia  ;  De  los  muchossucesos  dignos  de  meinoria  que  han  ocur- 
rido  en  Barcelona  y  otros  lugares  de  Cataluna,  por  Miguel  Parets,  I  et 
II  ;  Canovas  del  Castillo,  Estudios  del  reinado  de  Felipe  IV;  R.  Villa, 
El  duque  de  Albuquerque  en  la  batailla  de  Rocroy;  Corresp.  diplom. 
de  los  plenipotenciarios  espaiîoles  en  el  congresso  de  Munster,  1643- 
1648  (recueils  de  documents  et  ouvrages  qui  ont  tous  trait  à  l'histoire 
d'Espagne  au  temps  de  Philippe  IV).  —  Kraushaar,  La  sorcellerie  à  la 
cour  de  Batory,  épisode  de  l'hist.  du  mysticisme  au  xvi^  siècle  [fort  amu- 
sant) 

Revue  de  Belgique,  i5  novembre  1889  :  Vanlair,  Les  morts  vivants.  — 
E.  de  Laveleye,  Encore  la  question  monétaire.  —  L.  Frank,  L'admis- 
sion des  femmes  dans  la  société  belge  et  la  loi  sur  l'enseignement  supé- 
rieur. —  LoNCHAY,  Chiroux  et  Grignoux.  —  Essais  et  tiotices  :  The 
Walloons  and  their  church  at  Norwich,  their  history  and  register, 
1 565-1 832,  vol.  I,  Huguenot  Society  of  London  (isf  vol.  despublic.de 
la  Société  huguenote  de  Londres  qui  fait  honneur  à  l'éditeur,  M.  Moens.) 

—  i5  décembre  1889  :  Goblet  d'Alviella,  La  religion  en  Russie.  — 
Max  SuLZBERGER,  Deux  médaillons,  Jef  Lambeaux  et  Aima  Tadema.  — 
GiTTÉE,  Folklore  wallon.  —  Potvin,  L'Iliade,  édition  d'Aristarque.  — 
Chronique  littéraire.  ,lfl 

The  Academy,  n»  921  :  Beard,  M.  Luther  and  Reformation  in  Ger- 
many  (incomplet,  mais  recommandable)  —  Clarke,  Cardinal  Lavigerie 
and  the  African  Slave  Trade;  Ashe,  Two  Kings  of  Uganda  or  lite  by 
the  shores  of  Victoria  Nyanza.  —  Hamlet,  III,  4,  205-217.  —  The  or- 
talus  vocabulorum  of  Wynkyn  de  Worde.  —  Survivais  in  negro  funeraî 


cérémonies.  —  Harnack,  Der  pseudocypr.  Tractât  de  aleatoribus.  — 
Some  philological  books  (Brandt,  Die  mandilische  Religion;  Schrader, 
Sprachvergl.  u.  Urgesch.,  nouv.  edit;  Jastrow,  A  Dictionary  of  The 
Targumim,  III;  Laistxer,  Das  Ratsel  der  Sphinx).  —  The  ethnologie 
affinities  of  the  ancient  Etruscans.  —  Brydall,  Art  in  Scotland,  its  ori- 
gin  and  progress. 

The  Athenaeuœ,  n"  8244  :  G.  Rawlinson,  History  of  Phoenicia  (n'est 
pas  du  tout  au  courant  et  plein  de  «  blunders  »).  —  Bunyon,  Memoirs 
of  Bishop  Macdougall.  —  Grant-Allen,  Falling  in  love,  with  other 
essays  on  more  exact  branches  of  science.  —  Psichari,  Essais  de  gram- 
maire néo-grecque  (abondent  en  remarques  intéressantes).  —  Unpubli- 
shed  notes  by  Mrs.  Piozzi  in  her  copy  of  Torbes'  «  Life  of  Beatti  ».  — 
The  bishop  of  Durham  (not.  nécrol.  sur  l'évêque  Lightfoot,  mort  le 
21  déc).  —  Horatia  Nelson  and  «  The  Blind  ».  —  Surnames  ending  in 
s.  —  The  Oriental  Congress.  — •  Lord  Melbourne's  letters.  —  The  Bo- 
gomils. 

Literarisshes  Centralblatt,  n°  52,  21  déc.  i88g  :  The  Latin  Heptateuch, 
publ.  by  W.  Morel  (i5oo)  Martenes  (iy33)  and  Pitra  (i852-i88S),  rev. 
by  Mayor. — WELLHAUSEN,Skizzen  und  Vorarbeiten,  IV(sera  le  bienvenu 
pour  ceux  qui  s'occupent  des  origines  de  l'Islam).  —  Mûhlheim,  Die 
deutschen  Kaiser  u.  ihre  Zeit  mit  dem  Zwischenreich  von  1 806-1 871 
(mauvais).  —  Wehl,  Aus  dem  friiheren  Frankreich,  kleine  Abhandl. 
(sept  essais).  —  Fraccaroli,  Alcuni  luoghi  controversi  di  Pindaro  di- 
chiarati  (digne  d'attention).  —  Marx,  Griech.  Marchen  von  dankbaren 
Thieren  (cp.  Revue,  1889,  n^  3j).  —  Corpus  glossariorum  latinorum, 
VI,  glossae  codicum  Vaticani  332 1,  Sang,  g  12,  Leid.  67  F,  p.  p.  Goetz 
(choix  énergique  et  raisonné;  renferme  la  quintessence  d'innombrables 
mss.).  —  Ipomedon  in  drei  engl.  Uebersetz...  p.  p.  Kôlbing  (très  bonne 
publication).  —  Don  Quii'ote,  1,  2,  p.  p.  Kressner.  —  Lehfeldt,  Bau 
=  und  Kunstdenkmiiler  Thûringens,  V.  —  Litschel,  Valentinus  Greff, 
ein  Bild  aus  Birthalm's  Vergangenheit,  i524-i5  3o. 

—  No  I,  I"  janvier  1890  :  "Workman,  The  text  of  Jeremiah.  —  Hand- 
MANN,  Das  Hebriier-Evangelium  (cp.  Revue,  1889,  n^  12).  —  Born,  Ue- 
ber  die  Négation  (cp.  Revue,  188g,  n"  40.  —  Dûmmler,  Akademika, 
Beitr.  zur  Literaturgesch.  der  sokrat.  Schulen  (résultats  intéressants  et 
remarquables,  en  partie  assurés).  —  Seidl,  Zur  Gesch.  des  Erhaben- 
heitsbcgriffes  bei  Kant.  —  Knoke,  Die  Kriegszûge  des  Germanicus  in 
Deutschland  (cp.  Revue,  i88g,  no  12).  —  Norrenberg,  Gesch.  der  Pfar- 
reien  des  Dekanates  Gladbach.  —  Moses,  Die  Religionsverhandlungen 
zu  Hagenau  u.  Worms  1 540-1 541  ;  Vetter,  Die  Religionsverhandlun- 
gen auf  dem  Reichstage  zu  Regensburg  1541.  —  ScHiicK,  Brandenburg- 
Preussens  Colonialpolitik  unter  dem  Grossen  Kurfûrsten  und  seinen 
Nachfolgern  1647- 1721  (très  détaillé).  —  Von  Sybel,  Die  Begrûndung 
des  deutschen  Reiches  durch  Wilhelm  I,  vornehmlich  nach  den  preuss. 
Staatsacten,  2  vols,  (commencement  d'une  grande  œuvre  d'histoire  faite 
avec  beaucoup  d'habileté  d'après  les  actes  du  gouvernement  prussien  ; 
s'arrête  à  1864).  —  VerôfFentlich.  aus  dem  Muséum  fur  Vôlkerkunde, 
I,  I.  Uhle.  Ausgew.  Stûcke  des  Muséums  zur  Archaol.  Amerikas.  — 
Runze,  Sprache  und  Religion  (digne  d'être  lu,  mais  n'est  pas  très  lisi- 
ble). —  VoGRiNZ,  Grammatik  des  homer.  Dialektes  (il  faudrait,  pour 
cette  œuvre,  beaucoup  de  tact  critique  et  un  solide  savoir  que  ne  pos- 
sède pas  l'auteur).  —  Allen,  Notes  on  abbreviations  in  Greek  mss. 
(soigné).  —  BouRCiEZ,  Précis  de  phonétique  française  (court,  clair,  habi- 
lement fait).  — BiNG,  Japan.  Formenschatz,  7-/1.  —  Staender,  Chiro- 
graphorum  in  regia  bibliotheca  Paulina  Monasteriensi  catalogus. 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n°  i,  4  janvier   1890  :   Gerbert,  Gesch,  der 


Reformation  (très  original).  —  Staender,  Chirographorum  in  regia  bi- 
bliotheca  Paulina  Monasteriensi  catalogus.  —  Dunlop,  History  o1  prose 
fiction,  a  new  edit.  revised  by  H.  Wilson.— Toepffer,  Attische  Généa- 
logie (cp.  Revue,  1889,  n»  33).  —  Feist,  Grundriss  der  gotischen  Ety- 
mologie  (essai  qui  n'est  pas  réussi).  —  Robert  von  Blots,  Sammtliche 
Werke,  p.p.  Ulrich,  1.  Beaudous.  —  Liebenam,  Die  Lcgaten  in  den 
rom.   Provinzen  von  Augustus  bis  Diocletian  (cp.  Revue,  1889;  n"  9). 

—  Bresslau,  Handbuch  der  Urkundenlehre  fur  Deuischland  u.  Italien, 
Ijtrès  utile).  —  Landau,  Gesch.  Kaiser  Karls  VI  als  Konig  von  Spa- 
nien  (soigné,  clair,  prête  à  quelques  critiques).  —  Bastian,  Ueber  Klima 
und  Acclimatisation  nach  ethnischen  Gesichtspunkten.  —  Die  Trierer 
Adahandschrift,  p.  p.  Menzel,  Corssen,  Janitschkk,  Schnutgen,  Het- 
TNER,  Lamprecht  (la  tàche  a  été  parfaitement  accomplie).  — Kriegsgesch. 
Einzelschriften,  XI. 

Berliner  philologische  Wochenschrift,  n»  52,  28  déc.  1889  :  Die  Lyra  des 
Hermès,  II  (Ludwich).  —  ProgTaimne  :  Rauch,  Gerundium  u.  Gerun- 
diprum  bei  Curtius;  Liesenbeug,  Die  Sprache  des  Ammian,  i  ;  Schmitz, 
Die  Ged.  des  Prudentius  u.  ihre  Entstehungszeit  ;  Anspach,  Die  Horaz. 
Oden  des  I  Bûches;  Herwig,  Das  Wortspiel  in  Ciceros  Reden.  —  Xe- 
nophons  Anabasis,  p.  p.  Bachof.  —  Bassi,  Le  quattre  orazioni  di  Ipe- 
ride  (des  légèretés).  —  Plutarchi  de  provcrbiis  Alexandrinorum  libellus 
ineditus,  p.  p.  Crusius  (rétablit  autant  que  possible  le  texte  corrompu  et 
mutilé).  —  Garizio,  Il  poema  délia  natura  di  Lucrezio  (pénétrant).  — 
Hermès,  Neue  Beitr.  zur  Kritik  u.  Eikliir.  des  CatuU  (souvent  subtil.) 

—  Toeppfer,  Attische  Généalogie  (cp.  Revue,  1889,  n"  33).  —  Rosx, 
Deutsch-griech.  VVôrterbuch,  11'  edit.  p.  p.  Albrecht.  —  Klussmann, 
System.  Verzeichnis  der  Abhandl.  welche  in  den  Schulschriften  siimtli- 
cher  an  dem  Programmtausche  teilnehmenden  Lehranstaltcn  1876- 
188  5  erschienen  sind. 

Deutsche  Rundschau,  janvier  1890  :  Gussfeld,  Die  Erziehung  der  deuts- 
chen  Jugend.  —  Wundt,  Ueber  den  Zusammenhang  der  Philosophie 
mit  der  Zeitgeschichte,  eine  Gentennarbetrachtung.  —  Schonbach,  Das 
amerik.  Staatswesen.  —  Rodenberg,  Dingelstedt,  Blatter  aus  seinem 
Nachlass,  Der  Kosmopol.  Nachtvilchter  u.  Geheime  Hofrath.  1841- 
1843.  —  Kluckhohn,  Sybel's  Gesch.  der  Begrund.  des  neuen  deutschen 
Reiches.  —  Brahm,  Theodor  Fontane.  —  Die  neuen  Essays  von  H. 
Grimm.    —  Egelhaaf,  Neue  Reden  u.  Aufsiltze  von  Ernst  Currius. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28,  PARIS 

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N'^  3  Vingt-quatrième  année        20  janvier  1P90 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


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Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  25  fr. 


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Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuqurt 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte    28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
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ERNEST  LEROUX,  EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

HISTOIRE 


DE 


LOUIS  XII 

PAR 

M.  DE  MAULDE-LA-CLAVIÈRE 


Première  partie 

LOUIS   D'ORLÉANS 

Un  beau  volume  in-8 Prix      8  fr. 


LES 

ORIGINES   DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Au  commencement  du  xvi«  siècle. 

LA     VEILLE     DE     LA     RÉFORME 

par  m.  de  Maulde-la-Clavière 

Un  volume  in-8 8  francs. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  922  :  The  letters  of  Lord  Chesterfield  to  his  godson, 
p.  p.  The  Earl  of  Carnarvon.  —  Shields,  Cruisings  in  the  cascades.  — 
DoNKiN,  Trooper  and  redskin  in  the  Far-North-West.  —  Bishop 
Lightt'oor  (not.  nécrol.).  —  Ch,  Mackay.  —  Fragments  of  Yorkshire 
Mysteries  (Skeat).  —  The  sources  of  Malory's  La  Morte  Darthur  (Som- 
mer). —  A  twenty  years'  lover  of  Browning  in  i856.  — The  British 
Record  Society.  —  Rawlinson,  History  of  Phoenicia  (n'est  pas  au  cou- 
rant). —  The  inscriptions  from  Naukratis  (Hirschfeld). 

The  Athenasum,  n"^  3245  :  Lumholtz,  Amoung  cannibaîs,  anaccount  of 
fo'jr  years'  travels  in  Australia  and  of  camp  life  with  the  aborigines  of 
Queenshind.  —  Letters  of  Ghersterfield  to  his  godson.  —  Calendar  of 
ancient  records  of  Dublin,  I,  p.  p.  Gilbert,  —  Theological  books  : 
Tertulliani  Apologet.  Adversus  gentes  pro  christianis,  p.p.  Bindley; 
Sayce,  The  life  and  times  of  Isaiah;  Rawlinson,  The  kings  of  Israël 
and  Judah.  —  The  death  of  Keat's  sister.  —  The  Hospitaliers  in  En- 
gland.  —  Gh.  Farran  (not.  nécrol.).  —  Sir  Henry  Yule.  --  The  «  Déta- 
chement »  of  Browning.  —  Nevill,  Old  cottage  and  domestic  architec- 
ture in  South-West  Surrey  and  notes  on  the  early  history  of  the  division. 

Literarisches  Centralblatt,  n°  2  :  J.  Schiller,  Problème  aus  der  christl. 
Ethik.  —  GoTHEiN,  Die  Aufg.  der  Gulturgesch.  (remarquable).  — 
Mahler,  Ghronol.  Vergleichungstabellen,  1,  Die  aegypt.  alexandr. 
seleuc.  u.  griech.Zeitrechnung  (commode).  —  Whibley,  Political  parties 
in  Athens  during  the  Peloponnesian  war  (habilement  fait,  bon  tableau 
d'ensemble,  du  nouveau  dans  le  détail).  —  Manferin,  Li  Ebrei  sotto  la 
dominazione  romana,  I  (donne  tout  autre  chose  que  ce  qu'annonce  le 
titre).  —  Neuwirth,  Die  Satz.  des  regensburger  Steinmetztages  1459.  — 
Papageorgios,  Scholia  in  Sophoclis  frag.  vetera  (important).  —  Platonis 
dial.  11,  p.  p.  WoHLRAB.  —  Nigidii  reiiq.,  p.  p.  Swoboda  (fait  avec  une 
remarquable  exactitude  ;  cp.  Revue,  1889,  n"  47).  -~  Undset,  Indskrif- 
ter  fra  middelalderen  i  Throndhjems  domkirke.  ■ —  Mûllenhoff, 
Beowulf  (renferme  beaucoup  de  choses  importantes).  —  Ehrhard,  Les 
comédies  de  Molière  en  Allemagne  (très  abondant  et  attachant,  cp. 
Revue,  1889,  n"  43).  —  Leitschuh,  Fûhrer  durch  die  kônigl.  Biblio- 
thek  zu  Bamberg,  2^  Aufl. 

Deutsche  Litteraturzeittmg;,  n"  2  :  Workman,  The  text  of  Jeremiah.  — 
DuBOc,  Hundert  Jahre  Zeitgeist  in  Deutschland.  —  Andreae,  Zur 
Selbsterz.  des  angehenden  Lehrers.  —  Franke,  Die  ind.  Genuslehren 
(soigné  et  consciencieux  ;  cp.  Revue,  1889,  n»  5i).  —  Philonis  libellus 
deopiticio  mundi,  p.  p.  Gohn;  Supplem.  ad  Procli  comment,  in  Plato- 
nis de  republica  libros  nuper  vulgatos,  p.  p.  Reitzenstein;  lamblichi 
Protreoticus,  p.  p.  Pistelli  (i^très  méritoire;  2°  beaucoup  de  passages 
complétés  ou  améliorés  avec  une  heureuse  sagacité;  3°  le  Protrepticus, 
à  part  les  perles  d^Aristote  en  petit  nombre,  ne  mérite  pas  tant  de 
dévouement),  —  Inventio  sanctae  crucis,  p.  p.  Holder  («  acribie  »  ;  cp. 
un  prochain  art.  de  la  Revue).  —  Saran,  Hartmann  von  Aue  als  Lyri- 
ker  (fait  avec  soin,  indépendant,  tient  plus  qu"il  ne  promet).  —  Wen- 
DRiNER,  Die  paduan.  Mundart  bei  Ruzante  (méthodique  et  très  soigné, 
très  instructii).  —  Michael,  Die  Formen  des  unmittelb;  Verkehrs 
zwischen  den  deutschen  Kaisern  u,  souver,  Ftirsten  vornehml.  im  X, 
XI,  XII  Jahrh.  (solide  et  convaincant).  —  Wendt,  Der  deutsche  Reichs- 
tag  unter  Konig  Sigmund  1410-143  i  (très  bon  travail). —  Polit,  u.  milit. 
Gorresp.  Konig  Friedrichs  von  Wurtemberg  mit  Napoléon  I,  i8o5- 
18:3,  p.  p.  ScHLOssBERGER  (coiitientpcu  de  chose  pour  un  volurne 
aussi  «  corpulent  et  relativement  cher  »).  —  Wasserrab,  Sociale  Politik 


mdeutschen  Reich.    —  Gesellschaft  fur  deutsche  Litteratur  (séance  du 
i8déc.  1889). 

Gœttingische  »elehrte  Anzeigen,  n°  i  :  Giesbrecht,  Gesch.  der  deutschen 
Kaiserzeit,  V  (cp.  Revue,  1889,  n»  10). —  Legrelle,  La  diplomatie  fran- 
çaise et  la  succession  d'Espagne,  I  (l'auteur  s^est  efforcé  de  travailler 
avec  exactitude,  mais  il  a  commis  beaucoup  de  méprises  et  «  son  coup 
d'œil  historique  est  troublé  par  le  brouillard  chauviniste  du  jour  »  ;  — 
il  n'a  pas  envoyé  son  livre  à  la  Revue  critique).  —  Servaes,  Die  Poetik 
Gottscheds  und  der  Schweizer;  Braitmaier,  Gesch.  der  poet.  Théorie  u. 
Kritik  von  den  Discursen  der  Maler  bis  auf  Lessing  (très  longue  recen- 
sion  de  B.  Seuffert  qui  loue  la  clarté  de  Servaes,  mais  ne  trouve  pas  un 
guide  star  dans  Braitmaier,  et  juge  qu''il  ne  remplace  pas  Tétude  des  sour- 
ces). —  Berti,  Giord.  Bruno,  sua  vita  e  sua  dottrina  ;  Tocco,  Le  opère 
latine  di  G.  Bruno  espote  e  confrontate  con  le  italiane;  G.  Bruni  opéra 
lat.  conscripta  I,    3,  p.  p.  Tocco  et  Vitelli. 

Berliner  philologische  Wochenschrift,  n»  i  :  Die  Handschriften  u.  Klassen 
der  Aristophanesscholien  (Zacher).  —  Dûmmleb,  Akademika,  Beitr.  zur 
Literaturgesch.  der  sokrat.  Schulen  (très  instructif;  quoique  un  peu 
subtil).  —  Lucreti  liber  V,  p  p.  Duff  (pratique  pour  les  commençants). 

—  Kruger,  des  Horatius  Satiren  u.  Episteln,  fur  den  Schulgebr'.  erkl. 
i2«  Aufî.  —  Titi  Livi  liber  I,  p.  p,  M.  Muller,  2«  Aufl.  —  Codex  Col- 
bertinus  Parisiensis,  quatuor  eyangelia  ante  Hieronymum  latine  trans- 
lata post  edit.  p.  Sabatier  cum  ipso  codice  collatam  p.  p.  Belsheim.  (A 
été  fait  «  festinanter  »;  l'éditeur  devait  plutôt  dire  «  festinantissime  »). 

—  Hermanns  Lehrb.  der  griech.  Antiq.  I,  Siaatsalt.  6"  Aufl.,  p.  p. 
Thumser.  —  Schreiber,  Die  Wiener  Brunnenreliefs  aus  Palazzo  Gri- 
mani.  (Cp.  Revue,  1888,  n"  47.)  —  Volz,  Grundr.  der  alten  Geogr, 
Griechenland,  Italien,  Palastma  (beaucoup  de  fautes).  —  Kiepert, 
Wandkarte  der  Reiche  der  Perser  u.  Macedonier  («  par  la  critique,  le 
choix,  l'exécution,  digne  de  l'homme  que  nous  nommons  fièrement 
nôtre  »).  —  Dunzelmann,  Der  Schauplatz  der  Varusschiacht  (cp.  Revue, 
1889,  n°  43).  —  Pétrie,  A  season  in  Egypt  1887.  —  Scheindler,  Me- 
thodik  des  grammat.  Unterrichts  im  Griech.  (cp.  Revue,  1888,  n"  3o). 
BuscH,  Latein.  Uebungsbuch,  III,  3«  Aufl. 

N"  2  :  Zur  Abwehr  (Carnuth).  —  Die  Handschr.  u.  Klassen  der  Aris- 
tophanesscholien (Zacher).  —  Elektra,  p.  p.  Wecklein,  2°  Aufl.  («  con- 
servatisme sensé  »).  —  Lukas,  Die  Méthode  der  Eintheil.  bei  Plato.  — 
Stephani,  De  Martiali  verborum  novatore  (soigné  et  «  grundlich  »).  — 
Titi  Liviilibri  XXVI-XXX,  p.  p.  Riemann  etHoMOLLE  [toujours  la  même 
compétence).  —  Schreiber,  Die  "Wiener  Brunnenreliefs  aus  Palazzo 
Grimani  ;  Hauser,  Die  neuattischen  Reliefs  (le  livre  de  Hauser  est  très 
recommandable  et  plein  de  remarques  frappantes). —  Gregorovius,  Stadt 
Athen  im  Mittelalter  (œuvre  classique  qui  mérite  une  place  à  côté  de 
Gibbon  et  de  Finlay  ;  rarement  sujet  aussi  maigre  a  été  traité  aussi  ma- 
gistralement; la  langue  est  forte,  «  plastique  »  ;  le  sujet,  ordonné  avec 
art;  et  on  a  là  plus  qu'une  histoire  d'Athènes,  l'histoire  des  provinces 
helléniques  de  l'empire  byzantin).  —  Die  Constantin.  Schenkungsur- 
kunde,  L  Brunner,  Das  Constitutum  Constantini  ;  IL  Zeumer,  Der 
atteste  Text.  —  Klette,  Joh.  Conversanus  u.  Joh.  Malpaghini  von 
Ravenna  (i'^  série  d'études  que  l'auteur  fera  bien  de  continuer). 

Theoloçische  Literaturzeitun»,  n»  26  :  Kôhler,  Lehrb.  der  bibl.  Gesch. 
Alten  Testam.,  II,  2,  i ,  —  WeizscÏcker  Das  apostol.  Zeitalter  der 
christl.  Kirche,  Sach  :=  und  Stellenregister.  —  W.  Muller,  Lehrb.  der 
Kirchengesch.,  I  (très  suffisant  et  distingué).  —  Loofs,  Leitfaden  lur 
seine  "Voiles,  iiber  Dogmengesch.  —  Miodorski,  Anonymus  adv,  aleato- 


res  (soigné).  —  Koetschau,  Die  Textûberlief.  der  Bûcher  des  Origenes 
contra  Celsus,  Prole^omena  zu  einer  krit.  Ausgabe  (prolégomènes, 
pleins  d'exactitude,  dc'soin,  de  sagacité  et  qui  promettent  pour  l'avenir). 
—  Ihm  Studia  Ambrosiana  (recommandable).  —  Schaff,  A  sélect  h- 
brarv  of  the  Nicene  and  Post-Nicene  Fathers  of  the  Christian  Church, 
vol  'IX.  Saint  Chrysostom.  -  Sam.  Berger,  Les  bibles  provençales  et 
vaudoises  (étude  très  étendue  et  riche  en  résultats  ;  cp.  Revue,  1889, 
no  ,3)  —  Springer,  Der  Bilderschmuck  in  den  Sacramentarien  des 
frûhen'Mittelalters(cp.  Revue,  1889,  n°  5i).  —  Dalton,  Zur  Gewissens- 
freiheit  in  Russland. 

Literaturblatt  fïir  german.  u.  roman.  Philologie,  n°  12,  déc.  1889  :  Kluge, 
Angels.  Lesebuch.  —  Baïts  Psaultier,  p.  p.  Groth  (cp.  Revue,  1889, 
no  5)  _  De  Paula  Brito,  Dialectes  crioulos  portuguezes  (long  art.  de 
Schuchardt).  —  Weigand,  Die  Sprache  der  Olympo-Walachen  (compte- 
rendu  très  détaillé  de  Tiktin  qui  reproche  à  Fauteur  un  peu  d'inexpé- 
rience et  le  manque  de  «  methodische  Schnlung  »). 

Zeitschrift  fur  deutsches  Altertura  u.  deutsche  Litteratur,  I  :  Schônbach,  Be- 
deut  der  Buchstaben.  —  Hildebrandt,  Freidank  u.  Wahher    -  Bolte 
Die  Sultanstochter  im  Blumengarten.  —  Kochendôrffer,  Bruchstuck 
aus  dem  WiUehalm  Ulrichs  von  Turheim.  —  Ottenthal,  Zwei  Fund- 
stûcke  aus  Passeier.  —  Kôhn,  Die  Handschrift  des  rhem.  Manenlobs. 
—  Brandes,  Drei  Samml.  mn.  Reimspruche.  —  Schônbach,  Die  Quelle 
Wernhers  von  Elmendorf.    —  Schrôder,    Zum    Hildebrandshed.  — 
Stosch    Noch  einmal  mhd.  gelouben.  —  Bolte,  Zwei  Stammbuchblat- 
ter  Paul   Flemings.  —   Weiland,  Ahd.  Schreibernotiz.   —  An^eiger  : 
MûLLENHOFF,  Deutsche  Altertumskunde  (long  art.  de  Kossinna;  cp.  Re- 
vue   1888    n°  32].  —  Feist,  Grundriss  der  gotischen  Etymologie (donne 
trop  de  prise  aux  critiques).   —  Lûning,  Die  Natur,  ihre  Auffass.  u. 
poet.  Venvend.  in   der  altg.  u.   mhd.   Epik  (avance  la  question  et  offre 
un  2rand  nombre  de  citations).  -  De  Gruyter,  D-s  deutsche  Tagelied 
(en:  Revue,  1889,  n»  8).  -  Die  Ged.  Reinmars  von  Zweter  p.  p.  Roe- 
THE  (arrive  à  des  résultats  sûrs).  -  E.  R.  Mûller,  Heinrich  Loufen-   J 
ber-.  —  ScHWEiTZER,  Hans  Sachs  (juste  appréciation  du  poète  de  Nu-     I 
remberg;  cp.  Revue,  1889,  n»  47)  -  Spengler,  Der  verlorene  Sohn  im 
Drama  des  XVI  Jahrh.  (très  louable).  -  Ranisch.  Zur  Kritik  u.  Metrik 
der  Hamthismal.-Orvar-Oddssaga,p.p.  Boek.  -  Litteraturnottien  : 
BâBLEP    Flurnamen   aus  dem  Schenkenbergeramte;  Cludius,  Der  Plan 
von  Goèthes  Faust  erlautert;  Litzmann,  Schrôder  u.  Gotter  (cp.  Revue. 
1888,   n°  23);   Die  siebenb.  sachs.  Schulordn.,  p.  p.  Teutsch.  —  Zur 
Kaiserchronik  (Jellinek).  -  Erwiderung  (plainte  d^Eug.  Wolff  a  pro- 
pos de  rart.  sur  son  Elie  Schlegel,  cp.  Revue,  1889,  n»  41,  et  réponse 
du  critique,  Rentsch). . 

ERNEST  LEROUX,  EDITEUR,  ^^^UE^BO^^PARTE^S^ 
HISTOIRE  ET  DESCRIPTION 

des 

TAPISSERIES  DE  LA  CATHÉDRALE  D'ANGERS 

Par   L.   DE    Farcy. 
Edition  complète    avec  toutes  les    planches.    In-4.       .       •        ^   ^^' 


Le  Puy.  imprimerie  Marehessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N^  4  Vingt  quatrième  année        27  janvier  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX, ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC, 

28^      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


KKNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

COLLECTION  DE  CONTES  ET  DE  CHANSONS  POPULAIRES 

Tome  XV 

LES  CHANTS 

et  les 

TRADITIONS  POPULAIRES 

DES    ANNAMITES 

Recueillis  et  traduits 

Par    G.    DUMOUTIER 

Inspecteur  de  l'enseignement  de  l'Annam  et  du  Tonkin. 

Un  volume  in-i8,  avec  musique  en  notatiogs  chinoise  et  française, 
illustrations  d'après  des  documents  originaux  et  portrait.  .  .     5  fr. 

Division  de  l'ouvrage:  Préface  et  avant-propos.  —  Les  Chants  popu- 
laires des  Annamites  (Chants  religieux,  chants  H'dmour  ^  nts 
guerriers,  chants  de  bateliers,  chants  héroïques,  chants  s:  ;  '.es, 
rondes  enfantines,  etc.)  — -  Chants  contre  les  Français.  —  L».  ire 
annamite. —  Contes,  devinettes  et  passe-temps. 


PÉ1<I(M)I(^UES 

Annales  de  l'Est,  janvier  1890,  n"  1  :  Jundt,  Rulmaii  Merswin  et  TAmi 
de  Dieu  de  l'Oberhind.  —  Nkrlinger,  P.  de  Hagenbach  et  la  domina- 
tion bourguignonne  en  Alsace  (suite),  — Variétés  :  A.  Collignon.  Une 
lettre  inédite  de  François  de  Neutchâteau.  —  Comptes-rendus  :  Kraus, 
Kunst  u.  Altcrtum  ini  Elsass-Lothringen  111,3  (^excellent).  —  Ganier 
et  Froehlich,  Voyages  aux.  châteaux  historiques  de  la  chaîne  des 
Vosges.  —  La  petite  Chronique  de  la  cathédrale,  la  Chronique  strasbour- 
geoise  de  Sebald  Biiheler,  p.  p.  Dacheux;  Kleine  Strassburger  Chronik, 
p.  p.  Reuss.  —  Hist.  de  Philippa  de  Gueldre,  morte  au  monastère  de 
l'Ave  Maria  de  Pont-à-Moussoa  ;  Vie  de  la  vénér.  mère  Alix  Le  Clerc  ; 
Lhuillier,  Sainte  Libaire  et  les  martyrs  lorrains  au  iv  siècle  (le  premier 
ouvrage  est  un  chant  de  triomphe  en  l'honneur  de  la  duchesse  Philippa  ; 
le  deuxième  destiné  aux  bibliothèques  pieuses,  mérite  d'être  consulté; 
le  troisième,  trop  délayé,  et  sans  méthode,  témoigne  d'un  grand  labeur 
et  renferme  des  pages  charmantes,  écrites  avec  beaucoup  de  cœur  et 
d'émotion).  —  Frizon,  Petite  bibliothèque  verdunoise,  5  volumes  (digne 
d'un  accueil  favorable).  —  M"'«  Madeleine  Buvignier-Clouot,  Chevert 
(cp.  Revue  critique,  i8Sq,  n°  26).  —  Badel,  L'hôpital  militaire  de 
Nancv. 

La  Révoluliou  irançaise,  n"  7,  14  janvier  1890  :  Aulard,  Le  Comité  de 
salut  public,  I.  —  Debidour,  La  révol.  et  la  diplomatie  en  Europe, 
1 848-1 849  (fin).  —  Baudouin,  De  J'admin.  de  la  justice,  suivant  les 
cahier^  de  1789,  Marche  et  Limousin.  —  Docum.  inédits  :  Une  lettre 
de  Carrier  à  la  Convention  (datée  des  Andelys,  27  juillet  1793).  — 
Bibliogr.  :  Les  élections  et  les  cahiers  de  Paris  en  1789,  III  et  IV,  p.  p. 
Chassin  (de  graves  défauts,  n'est  pas  assez  précis  et  exact].  —  Procès- 
verbaux  du  Comité  d'instruction  publique  de  la  Législative,  p.  p. 
Guillaume  (cp.  Revue,  1889,  n'^5i).  — Babeau,  Paris  en  1789  (ci' 
Revue,  n"  2).  —  Guadet,  Les  Girondins  (nouv.  odit.  cp.  Revue  iSf 
ri"  49,  p.  434]. 

Revue  rétrospective,  i'"'' janvier  :  Expéditions  d'Algérie,  1847-49,  journS 
du  comte  de  Vauvineux.  —  Souvenir  de  Meiz,  un  maître  espion,  1870.- 

—  La  grippe  en  février  i8o3,  —  Lettre  d'un  officier  prisonnier,  1746. 

—  Un  modèle  de  Latour.  JBl 

TheAcademy,  n"  923  :  Bradley,  The  life  of  the  Lady  Arabella  Stuart. 

—  Tavernier,  Travels  in  India^  transi,  by  Ball  (traduction  et  annota- 
tion qui  méritent  tous  les  éloges).  —  The  letters  of  Wellington  to  miss 
J.,  p.  p.  Herrick.  —  Current  iiterature  :  O'Conor,  Essays  in  literature 
and  ethics;  Dryden's  Essay  of  dramatic  poesy,  p.  p.  Th.  Arnold; 
Famous  Elizabethan  plays,  adapt.  by  Fitzgibbon).  — Sir  Henry  Yulej 
(not.  nécrol.).  —  Fragments  of  Yorkshire  Mysteries.  —  Thesixth  cen- 
tenary  of  Dante's  Béatrice  (Busk).  —  Middle   English  notes  (Bradley). 

—  An  Irish  mermaid  (Quinn).  —  Leist,  Altarisches  Jus  gentium. — | 
Some  old  and  provincial  plantnames  (H.  Friend). 

The  Athenaeum,  n»  3.246  :  Life  of  Harriet  Beecher  Stowe,   by  her  son. 

—  Sir  Alfred  Lyall,  Warren  Hastings  (l'auteur  de  ce  petit  volume  estl 
maître  de  son  sujet  et  impartial).  —  Jarmax,  A  history  of  Briedgewater- 
Philoloyical   books   :  Allen,  Notes  on  abbreviations  in  Greck  mss.  ; 
Catulli  car.'nina,  p.  p.   Postgate  ;  Anglo-Saxon  chronicles  800-1001, | 
p.p.  Davis.  — Australian  cannibals.  —  Surnamesendingin^.  — Hogarti^ 
Dévia  Cypria,  n  )tes  of  an  archaeological  journey  in  Cyprus  1888.      1 

Literarisches  Centralblatt,  n»  3  :  Miodonski,  Anonymus  adversus  aleatoj 
res  ;  Lib.  de  aleatoribus,  p.  p.  Hilgenfeld  (cp.  un  prochain  art.  de  la 


Revue).  —  Troost,  Inhalt  u.  Echtheit  der  Platon.  Dialoge.  — P.Girard, 
Léducation  athénienne  (très  recommandable,  cp.  Revue,  1889,  n«'  48). 

—  Schubert,  Gvozdec  zrr  Grossenhain,  ein  Beitrag  zur  ait.  Gesch.  des 
Hanses  Wettin.  —  Carutti,  Regesta  comitum  Sabaudiae  (publica- 
tion très  remarquable).  —  De  Gontaut  Biron,  Ambass.  en  Turquie, 
i6o5-i6io  (cp.  Revue,  1889,  n»  44).  —  Delbrûck,  Altindische  Syntax 
(tt  sera  pour  longtemps  une  mine  pour  les  observations  déjà  faites  et  un 
point  d'appui  pour  les  recherches  ultérieures.  »)  —  Prellwitz,  Die 
argiv.  Inschriften  (beaucoup  de  bons  matériaux). —  Dionysii  Halic.de 
imitatione  reliqniae  epistulaeque  criticae  duae,  p.  p.  Usener  (très  bon). 

—  Dionysii  Halic.  antiq.  roman.,  p.  p.  Jacoby,  U  (il  faudra  ne  se  servir 
de  cette  édition  qu'avec  celle  de  Kiessling,  et,  s'il  en  faut  une,  se  servir 
de  celle  de  Kiessling  sans  celle  de  Jacobi).  —  Pfister,  Ueber  urgerman. 
Formenlehre  (singulier  curiosum).  — Gœthe's  Gesprache,  p.  p.  Bieder- 
MANN,  UI  et  IV.  —  HoLSTEN,  Gœthe's  drei  letzte  Lebenstage  (rien  de 
nouveau).  —  Pellissier,  Le  mouvement  littéraire  au  xix**  siècle  (clair  et 
pénétrant,  cp.  Revue,  1889,  n"  42).  — Ten  Brink,  Gesch,  der  engl. 
Literatur,  II,  i  (très  bon;  à  remarquer  les  chapitres  sur  Chaucer, 
Gower,  Occleve,  Lydgate).  —  Gudmundsson,  Privatboligen  pa  Island  ; 
Sagatiden  (détaillé  et  vivant).  —  Buchnkr,  De  neocoria  (tait  avec  soin  et 
habileté,  cp.  Revue,  1889,  n»  3).  —  Mittheil.  zur  Gesch.  des  Heidelber- 
ger  .^chlosses  :  von  Schonherr,  Alex.  Colin  u.  seine  Werke,  i562-i6i2. 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n"  3  :  Bernus,  Chandieu  (cp.  Revue,  1889, 
n"  35).  —  NippOLD,  Die  vertrauten  Briefe  des  Erzbischofs  Spiegel  von 
Koln.  —  Klussmann,  System.  Verzeichniss  der  Abhandl.  Program- 
maustausch.  —  Laotsee,  Taotekking,  aus  dem  Chines,  von  Noak  (trad. 
non  seulement  superflue,  car  il  y  a  de  meilleures  traductions,  mais  nui- 
sible, car  elle  donne  une  fausse  idée  de  Poriginal).  —  Immerwahr,  Die 
Lakonika  des  Pausanias  auf  ihre  Quellen  untersucht  (utile).  —  Be- 
NESCH,  De  casuum  obliq.  apud  Justinum  usu  (bonne  étude  et  en  latin 
correct). — Petit,  Bibliogr.  del  middelned.Taalr^en  Letterkunde  (soigné 
et  exact).  —  Landshoef,  Kindheit  Jesu,  ein  engl.  Gedicht  aus  dem  XIV 
Jahrh.  ;  Hennemann,  Untersuch.  ûber  das  mittclengl.  Ged.  Wars  of 
Alexander.  —  Martens,  Die  falsche  Generalconcession  Constantins  des 
Grossen;  Friedrich,  Die  Constantinische  Schenkung  (art.  de  Lôwen- 
feld).  —  Polek,  Die  Erwerbung  der  Bukowina  durch  Oesterreich  (digne 
d'être  lu).  —  Paulitschke,  Beitr.  zur  Ethnogr.  u.  Anthrop.  der  Somâl, 
Galla  u.  Harari.  —  Upcott,  An  introd.  to  Greek  sculpture  (clair,  pré- 
cis, court).  —  Kroker,  Katechismus  der  Archaologie  (bon,  mais  veut 
trop  dire).  —  Bûcher,  Die  alten  Zunft  =  und  Verkehrsordnungen  der 
Stadt  Krakau  (de  grande  valeur).  —  Clôt.  v.  Schwartz  Koppen,  Karl 
von  François,  ein  Soldatenleben,  2"  edit.  —  Archàolog.  Gesellschaft  zu 
Berlin,  séance  du  9  déc.  1889. 

Gœttingische  gelehrte  Anzeigen,  n"  26,  20  déc.  1889  :  Uphues,  Wahrneh- 
mung  und  Empfindung.  —  Wl.assak,  Die  Litiscontestation  im  Formu- 
larprocess;  Schott,  Das  jus  prohibendi  u.  die  formula  prohibitoria; 
Wach,  Der  Feststellungsanspruch.  —  Ordnung  des  Hauptgottesdienstes 
an  Sonn  =  und  Festtagen  in  der  evang,  luth.  Landeskirche  der  Provinz 
Hannover. 

Berliner  philologische  Wochenschrift,  n°  3  :  Die  Handschr.  u.  Klasseii  der 
Aristophanesscholien  (Zacher). —  Andocidis  orat.  p.  p.  Lipsius  (soigné). 
Rothstein,  Quaestiones  Lucianeae  (importante  contribution).  —  Figu- 
REY,  Les  odes  d'Horace,  trad.,  extraits  et  adapt.  en  vers  (imitations  li- 
bres et  habiles).  —  Gylling,  De  argum.  dispos,  in  satiris  IX-XVI  Juve- 
nalis  (réfléchi  et  à  approuver),  — Taciti  Ann.  XI-XVI,  p.  p.  Prammer. 

—  Germania,  p.  p.  J.  Mueller,  3"  edit.  —  Max.  Mayer,  Die  Giganten 


u.  Titanen  in  der  antiken  Sage  u.  Kunst  (fait  avec  soin  et  savoir).  — 
Defxke,  Die  Faliskcr  ^cp.  Revue,  1889,  n«  27).  -  Bxunack,  Studien 
auf  dem  Gebiete  des  Griech.  u.  der  arischen  Sprachen  I,  2  (cp.  Revue, 
,88-  11»  35).  — Staender,  Chiiographorum  in  regia  bibliotheca  Pau- 
lina  Monasteriensi  catalogus.  -  JaoER,  Das  humanist.  gynin  u  die 
pétition   um  durcligreif.   Schtilreform.  -  Wiegand,  Thierschs  Leben. 

Theologische  Literatiirzeitimg:,  n°  i  :  Tlieolog.  Jahresbericht,  p.  p.  Lip- 
sms  (cp.  Revue,  i88q,  n«  52).  -  Riehm,  Einl.  in  das  Alte  Testament, 
p  p.  Al.  Brandt,  1-6.  —  ScHULTE,  De  restitutione  atque  indole  genui- 
nae  versionis  graecae  in  libro  Judicum.  -  Plehwe,  Die  Christenver- 
fol'^.  der  ersten  drei  Jahrhunderte,  2^  Aufl.  (plein  d'erreurs)  —  Priscil- 
liani  quae  supersunt,  p.  p.  Schepss  (très  long  art  de  Loofs).  —  J:<ried- 
BERG,  Lehrb.  des    kathol.  u.  evangel.  Kirchenrechts,  Y  Auti. 

Ma°-azm  fiir  die  Lilteratur  des  In-und  Aiislandes,  n"  1  :  Valdes  Das  Be- 
keiinniiss  eines  Verbrechens.  —  Coppée,  Am  Schlusse  eines  Balles.  - 
Ernst  Ein  apokryph.  zweiter  TeildesGœtheschen  Faust.  -  K.  Blind, 
zur  Sprachkunde.  —  Keller-Jordan,  Spanische  Lyrik  in  Zentral-Ame- 
rika.  —  Arno  Holz,  Die  Freie  Buhne,  IV. 

_  N"  2  •  SuBERT,  der  Poésie,  ûbertr.  von  Edm.  Grun.  —  Mahren- 
HOLTZ  Die  franz.  Wehweisheit  im  XIX  Jahrh.  —  Von  Suttner,  Ein 
Ruckblick.  —  W.  KiRCHBACH,  Joh.  Gutcnbcrg.  —  A.  von  Krajewska, 
Englands  vergessene  Autoren.  —  Hoepfner,  Luisa  Sanfelice  e  la 
conaiura  dei  Baccher.  


ERNEST  LEROUX,  EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28,  PARIS 


HISTOIRE 


de 


LOUIS  XII 


PAR 


M.  DE  MAULDE-LA-CLAVIÈRE 


Première  partie 

LOUIS   D'ORLÉANS 


Un   beau  volume   in-8. 


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LES 


ORIGINES   DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Au  commencement  du  xvi^  siècle. 
LA     VEILLE     DE     LA     RÉFORME 

PAR  M.  DE  MaULDE-LA-ClAVIÈRE 

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Le  Puy.  iiuprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23, 


N"  5  Vingt-quatrième  année         3  février  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des  langues    orientales  vivantes,    etc. 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  comynissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


tîKNEST  LKROUX,   EDITEUR,   RUE  BONAPARTE,  28. 

COLLECTION  DE  CONTES  ET  DE  CHANSONS  POPULAIRES 

Tome  XV 

LES  CHANTS 

ET   les 

TRADITIONS  POPULAIRES 

DES    ANNAMITES 

Recueillis  et  traduits 

Par    G.    DUMOUTIER 

Inspecteur  de  l'enseignement  de  l'Annam  et  du  Tonkin. 

Un  volume  in-i8,  avec  musique  en  notations  chinoise  et  française, 
illustrations  d'après  des  documents  originaux  et  portrait.  .  .     5  fr. 

Division  de  l'ouvrage:  Préface  et  avant-propos.  —  Les  Chants  popu- 
laires des  Annamites  (Chants  religieux,  chants  d'amour,  chants 
guerriers,  chants  de  bateliers,  chants  héroïques,  chants  satiriques, 
rondes  enfantines,  etc.)  —  Chants  contre  les  Français.  —  Le  théâtre 
annamite.  —  Contes,  devinettes  et  passe-temps. 


PÉRIODIQUES 

Anuales  de  l'Ecole  libre  des  sciences  politiques.  n°  i  :  Chotard,  L^œuvre 
financière  de  M.  de  Villèle.  —  De  Colonjon,  La  question  des  pensions 
civiles  en  France.  —  Pensa,  Le  code  spécial  de  l'indigénat  en  Algérie. 

—  Lebon,  Les  institutions  prussiennes.  —  De  Loménie,  Les  prélimi- 
naires de  la  séance  royale  du  23  juin  1789.  —  Répertoire  de  Phistoire 
diplomatique  de  PEurope  depuis  le  congrès  de  Westphalie.  —  Analyses 
et  comptes-rendus  :  Ritchie,  Darwinisim  and  politics.  —  Houdard, 
Premiers  principes  de  l'Economique.  —  G.  de  Pomairols,  Lamartine, 
Etudes  de  morale  et  d'esthétique.  —  G.  Salomon,  De  l'occupation  des 
territoires  sans  maître.  —  Des  constitutions  delà  France  et  du  principe 
d'une  constitution  nouvelle. 

Revue  celtique,  n"  4  (1889).  —  Gerquand,  Taranous  et  Thor  (fin).  — 
Eug.  Bernard,  La  création  du  monde  (suite).  —  Nettlau,  Irish  texts  in 
Dublin  and  London  mss.  —  H.  Gatdoz,  Le  débat  du  corps  et  de  l'âme 
en  Irlande.  —  Hogan,  A  puzzle  in  Irish  parsing.  — Mélanges  :  Loth, 
Gwyr.,  goar  ;  eguetou  ;  fec'h,  fi  =  cUiwec'h,  c'hwi.  —  Bibliographie  : 
Rhys,  Lectures  on  the  origin  and  growth  of  religion  as  illustrated  by 
Geltic  heathendom  (l'auteur  n'a  pas  réussi  dans  la  reconstruction  hardie 
qu'il  a  tentée;  la  faute  en  est  à  la  fois  à  son  sujet  et  au  système  qu'il  a 
suivi).  —  Chronique.  —  Table  des  principaux  mots  étudiés  dans  le 
tome  par  E.  Ernault. 

Revue  d'Alsace,  IV,  1 889  :  Schoenberg,  Le  général  Walther  et  sa  famille. 

—  Gh.  Pfister,  Les  mss.  allemands  à  la  Bibl.  nat.  relatifs  à  l'histoire 
d'Alsace  (suite).  —  Mossmann,  Matériaux  pour  servir  à  Thist.  de  la  guerre 
de  trente  ans  (suite).  —  A.  Benoit,  Arrest.  de  deux  pasteurs  dans  la  baro- 
niede  Fenetrange  en  1724.  — Libun,  Souvenirs  d'Alsace,  les  Berckheim- 
Schoppenwihr  (tin)  :  comment  M.  Liblin  peut-il  dire,  à  propos  delà 
lettre  intéressante  du  7  mars  i833,  que  l'enfant  de  Guibourg  et  de  la 
duchesse  de  Berry  est  le  comte  de  Ghambord  ?  —  Zuber,  Jean  Dollfus. 

—  R.  Reuss,  Gorresp.  polit,  et  chron.  paris,  adressée/  à  Ghrist.  Gûntzer, 
1681-1685  (tin).  —  Liblin,  Ignace  Ghauffour  et  ses  livres.  —  Boese, 
Les  poésies  en  dialecte  alsacien  (suite).  —  Kurtz  :  Gâtai,  de  la  bibl. 
Ghautîour,  p.p.  Waltz  (cp.  Revue, iSSg,  11"  48);  Heimweh,  La  question 
d'Alsace  (cp.  Revue,  1889,  n^  5o)  ;  Les  habitations  à  bon  marchépar 
la  Soc.  industr,  de  Mulhouse  à  l'Expos.  univ.  de  1889  ;  Gompte-rendu 
de  Pass.  gén.  de  la  Soc.  Schongauer. 

Revue  de  Belgique,  i5  janvier  :  Thiry,  La  protection  de  Tenfance.  — 
Fréson,  Bayreuth,  un  pèlerinage  d'art.  --  Potvin,  Ghronique  littéraire, 
POrestie  d'Eschyle.  —  Essais  et  notices  :  De  Laveleye,  Economistes 
italiens  et  espagnols  (sur  les  ouvrages  de  MM.  Tramoyeres,  Errera, 
Gossa,  et  de  Azcarate). 

The  Academy,  n»  924  :  Thirty  years  of  colonial  government,  a  sélect, 
from  thc  despatches  and  letters  of  Sir  George  Ferguson  Bowen, 
p.  p.  Stanley  Lane-Poole.  —  Edward  White,  Archbishop,  Ghrist  and 
bis  times,  adressed  to  the  diocèse  of  Ganterbury  in  his  second  Visitation. 

—  The  Fables  of  Aesop,  as  first  printed  by  Gaxton  in  1484,  with  those 
of  Avian,  Alfonso  and  Poggio,  now  again  edited  a,  induced  by  J.  Jacobs, 
2  vols,  (ouvrage  remarquable  ;  contient,  outre  la  réimpression,  une 
étude  dont  les  conclusions  ne  sont  pas  toutes  acceptables,  mais  qui  est 
faite  avec  méthode).  —  De  Asboth,  An  ofîicial  tour  through  Bosnia 
and  Herzegovina  with  an  account  of  the  history,  antiquities,  agrarian 
conditions,  religion,  ethnology,  folklore  and  social  life  of  the  people 
(écrit  avec  agrément,  sans  rien  de  très  nouveau).  —  Rich.  Fred.  Little- 
dalc  (not.  nécrol.).  —  Percy  Greg  (not.  nécrol.)  —  Glosses  from  Turin 


-i 


and  the  Vatican  (Whitley  Stokes).  —  The  line-numbering  in  Brov/ning's 
Ring  and  the  Book  (Furnivall).  —  Middle-english  notes  (Ramsay).  — 
SiMCOx,  The  language  of  the  New  Testament.  —  W.  Sp.  Simpson, 
Gleanings  from  Ôld  S.  PauPs. 

The  Athenaeum,  n"  3247  :  Facsimiles  of  manuscripts  in  European  ar- 
chives relating  to  America,  1773-1783,  with  descriptions;  editorial 
notes,  collations,  références  and  translations,  I  and  II  (fait  avec  un  com- 
plet succès).  —  Harris,  The  land  of  an  African  sultan,  travels  in  Ma- 
rocco;  Wake,  A  sélection  of  sketches  and  letters  on  sport  and  life  in 
Marocco.  —  Symes,  A  companion  to  school  historiés  of  England.  —  Sur- 
names  ending  in  S.  (Ov\'en).  —  The  London  University  and  the  Royal 
Commission.  —  The  Hospitaliers  in  England.  —  Dr.  von  DôUinger 
(not.  nécrol.)  —  The  Oriental  Congress. 

Literarisches  Centralblatt,  n°  4  :  Bunsen  (von),  die  Ueberlieferung.  — 
Jahresber.  der  Geschichtswissenschaft  p.  p.  Jastrow,  IX.  —  Sal.  Rei- 
NACH,  Antiquités  nationales,  Descript.  rais,  du  Musée  de  Saint-Germain- 
en-Laye,  I  Epoque  des  alluvions  et  des  cavernes  (très  important  et  très 
précieux  ;  extrême  clarté  de  l'exposition  et  de  l'ordonnance,  excellente  mé- 
thode).—  MaxWEBER,  Zur  Gesch.  der  Handelsgesellsch.  im  Mittelalter 
nach  sûdeurop.  Quellen.  (essai  bien  réussi  sur  les  sociétés  et  associations 
de  commerce  au  sud  de  l'Europe  pendant  le  moyen  âge).  —  Taëglichs- 
BECK,  Die  Gefechte  bei  Steinau,  i632  (clair).  —  Hamerling,  Stationen 
der  Lebenspilgerfahrt.  —  Hessel,  Deutsche  Colonisation  in  Ostafrika. 
—  Huygens,  Œuvres  complètes,  II. —  Ovid,  Trist.  p.  p.  Owen  (cp.  Re- 
vue, n"  2).  —  Inventio  sanctae  crucis  p.  p.  Holden  (cp.  Revue^  n"  3).  — 
Glaser,  Altnordisch  (lecture  réjouissante).  —  Die  Trierer  Ada-Hands- 
chrift  p.  p.  Menzel,  Corssen,  Janitschek,  Schnûtgen,  Hettner,  Lam- 
PRECHT  (édition  qui  satisfait  toutes  les  exigences  scientifiques,  et  avance 
singulièrement  l'histoire  critique  de  l'enluminure  carolingienne).  — 
Fauth,  Das  Geduclitniss. 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n"  4  :  Die  Matrikel  der  Universitiit  Rostock, 
I,  1419-1499,  p.  p.  H0FMEISTER.  —  Prince  Ibrahim  Hilmy,  The  Liter. 
of  Egypte  and  the  Soudan  from  the  earliest  times  to  i885,  II  M-Z. 
(beaucoup  de  méprises  et  de  lacunes),  —  Meisterhans,  Gramm.  der  at- 
tischen  Inschriften  (2"  édit.  d'un  très  utile  travail).  —  C.  Lange,  Die 
latein.  Osterfeiern  (confirme  ou  contredit  Milchsack  presque  toujours  à 
droit).  —  Mahrenholtz,  J,-J.  Rousseau  (bon,  précis,  trop  serré  peut- 
être).  —  E.  Dûmmler,  Gesch.  des  ostfr.  Reiches,  II  u.  III.  Ludwig  der 
Deutsche;  Die  letzten  Karolinger,  Konrad  I,  2''  Aufl.  —  Décrue. 
Montmorency  (original  et  très  habilement  exposé).  —  Kretschmer,  Die 
phys.  Erdkunde  im  christl.  Mittelalter  (bon  travail  de  début,  non  sans 
imperfections).  —  Nyari,  Der  Portriltmaler  Kupetzky.  —  Bielfeld  , 
Gesch.  des  magdeb.  Steuerwesens  von  der  Reform  bis  ins  XVI II  Jahrh. 
(important), 

Ma^azin  fur  die  Litteratiir  des  In-imd  Auslandes  n"  3  :  Kosiakiewicz,  Peter, 
Novelle,  iibertr.  von  Felicie  Zand.  —  H.  von  Vintler,  Aus  der  franz. 
Lyrik  (Uebertrag.  nach  Sully  Prudhomme  u.  Ch.  Baudelaire).  — 
H.  von  Basedow,  zur  kulturgesch.  Litteratur.  —  R.  Fuchs,  Demeter 
and  other  Poems.  —  Kaberlin,  Der  Laubesche  Demetrius.  —  Filtsch, 
Zur  jungsten  Gesch.  der  Balkanhalbinsel.  —  Rache,  Leipziger  Bûh- 
nenbrief. 

Bulletin  international  de  TAcadémie  des  sciences  de  Cracovie,  décembre  1889  : 
Lettner,  Bau,  Wesen  und  Bedeutung  des  sogen.  Agons  in  den  aristo- 
phanischen  KomOdien. 


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Maurice  PALÉOLOGUE 

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Montesquieu,  par  Albert  Sorel.  1  vol. 

D'Aleinbert,    par   Joseph    Bertrand,  de  l'Académie  française,  secrétaire  perpétuel 
do  l'Académie  des  sciences.  1  vol. 

Maiame  de  Sévigné,  par  Gaston  Boissier,  de  l'Académie  française.  1  vol. 

George  Sa7id,  par  M.  E.  Caro,  de  l'Académie  française.  1  vol. 

Turqot,   par  M.  Léon  Say,  de  l'Académie  française.  1  vol. 

A.  Thiers,  par  M.  i' .  de  Rémusat,  sénateur.  1  vol. 

Chaque  volume  in-16,  avec  un  portrait  en  photogravure,  broché.  2  fr. 

Alfred    C  0  V  I  L  L  E 

Archiviste  paléof^raphe 

Maître    de  conférences  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Caen. 

Docteur  es  lettres. 

LES  CABOCllIENS 

ET 

L'ORDONNANCE  DE  1^13 

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Professeur  à  la  Faculté  des  Lettresde  Paris. 

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Membre  de  l'Institut. 

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Le   Puy.  imprimerie  Marchessou  lils,  bouleviird  Saiut-Laurent,  23. 


N°  6  Vingt-quatrième  année       10  février  1890 

""revue  critique 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des  langues    orientales   vivantes,    etc, 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 

I ._._         ..J        lll_      ■II_III2II_IB_IB1_IM      II    I  I      ■■!    H^MM  ^1  ■■__l_^    !_■_■     I        SZSH^'ST^^'^^^^ 

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ERNEST  JOVY 


I 


ETUDES   ET   RECHERCHES 

I 

GUILLAUME  PROUSTEAU 

Fondateur  de  la  Bibliothèque  publique  d'Orléans,  et  ses  lettres  inédites 

à  Nicolas  Thoynard. 

(Tiré  à  100  exemplaires.) 

«  Les  vingt-six  lettres  que  M.  E.  J.  publie  et  qui  vont  de  1678  à 
1698  fourmillent  de  détails  sur  les  savants  du  temps,  français  et 
étrangers;  on  y  rencontre  Ménage,  Bigot,  l'abbé  Renaudot,  l'abbé 
Nicaise,  le  P.  Bonhours,  les  Périer,  Gronovius,  Grtevius,  Noris,  etc. 
M.  J,  y  a  joint  quelques  extraits  de  la  correspondance  manuscrite  de 
Thoynard  et  une  annotation  fort  minutieuse  qui  n'est  pas  moins 
instructive  que  le  texte.  »  Revue  critique,  novembre  1888.) 

£     Voir  aussi  Bulletin  critique,  i^''  décembre  1888  ;  Bulletin  du  Biblio- 
^  phile,  mai-juin  1889;  Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  l'Or- 
léanais, 3*^  et  4^  trimestres  i888. 

Envoyer  mandat-poste  3  fr.  à  M.  Jovy,  professeur,  à  Vitry-le-François 

(Marne.) 


PÉRIODIQUES 

Annales  du  Midi,  n"  5,  janvier  1890  :  A.  Leroux,  Etude  critique  sur 
les  Annales  françaises  de  Limoges  (suite  et  fin),  —  Ch.  Joret,  Le 
P.  Guevarre  et  là  fondation  de  Thôpital  général  d^Auch.  —  Douais, 
Les  mss.  du  château  de  Merville,  Haute  Garonne.  —  Mélanges  et 
documents  :  P.  de  Nolhac,  Une  date  nouvelle  de  la  vie  de  Pétrarque; 
A. -T.,  Lettres  de  rémission  pour  un  apprenti  tapissier  d'Aubusson, 
i528;  A.'D.,  La  famille  de  M""^  de  Sévigné  en  Provence;  Tamizey  de 
Larroque,  Cinq  lettres  bénédictines  inédites  :  DD.  Brial,  du  Laura, 
Estiennot,  Lobincau;  H.  Omont,  Les  mss.  méridionaux  de  la  biblio- 
thèque de  Sir  Thomas  Phillips,  à  Cheltenham.  —  Comptes-rendus  : 
Jarriand,  Hist.  de  la  Novelle  118  dans  les  pays  de  droit  écrit  depuis 
Justinien  jusqu'en  1789  (étude  attentive).  —  Livre  de  raison  de  la 
famille  de  Fontainemarie,  p.  p.  Tamizevde  Larroque  (cp.  Revue,  1889, 
no  5i).  —  Petits  mém.  inédits  de  Peiresc,  id.  {cp.  Revue,  1889,  n°  5i). 

—  Paul  Janet,  Les  lettres  de  M"''  de  Grignan  (l'auteur  a  moins  d'am- 
pleur descriptive  et  de  grande  éloquence  que  Cousin,  moins  de  finesse 
et  d'élégance  que  Caro,  mais  plus  d'érudition  et  de  précision  dans  le 
détail).  —  MiREUR,  Etats  gén.  de  1789,  Cahiers  des  doléances  des  com- 
mun, de  la  sénéch.  de  Draguignan,  vœux  du  clergé  et  de  la  noblesse 
(soigné).  —  Barthélémy,  Hist.  d'Aubagne,  I  (cp.  Revue,   1889,  n"  39). 

The  Academy,  n°  925;  Louisa  May  Alcott,  her  life,  letters  and  jour- 
nals  p.  p.  Ednah  13.  Chenev.  —  Stokes,  Ireland  and  the  Anglo-Nor- 
man church  (très  recommandable).  —  Mallock,  In  an  enchanted  island 
or  a  winter's  retreat  in  Cyprus.  —  The  language  of  Mitanni  (Sayce).  — 
Eyton  mss.  in  the  British  Muséum.  —  Saint  Sidwell.  —  Old  high- 
german  glosses  in  the  Vatican  (W.  Stokes).  —  Ragman,  ragman-roll. 

—  Some  books  on  ancient  history  (Holm,  Griech.  Gesch.  II  ;  Heistek- 
BERGK,  Fragen  der  aelt.  Gesch.  Siciliens;  de  Sckoeffer,  De  Deli  insu- 
lae  rébus;  Pallu  de  Lessert,  Les  fastes  delà  Numidie  sous  la  domin. 
romaine),  —  The  Lycian  language  (Conderj.  —  Runic  stones  in  the 
isle  of  Man. 

The  Athenaeum,  n°  3248  :  The  early  diary  of  Frances  Burney,  1768- 
1778,  Avith  a  sélect,  from  her  corresp.  and  from  the  journals  of  her  sis- 
ters,  Susan  and  Charlotte  Burney,  p.  p.  Annie  Raine  Ellis,  2  vols.  — 
Thirty  years  of  colonial  government,  a  sélection  from  the  despatches 
and  letters  of  Sir  George  Bowen.  p.  p.  Stanley  Lane-Poole.  —  Fyffe, 
A  history  of  modem  Europe,  III,  1848- 1878  (bon  dans  l'ensemble). — 
Philological  books  (Blind  Harry's  Wallace,  p.  p.  Moir;  Early  Scottish 
metrical  taies,  et  the  Heimskringla  or  the  sagas  of  the  Norse  kings,  p. 
p.  Laing;  Ipomedon,  p.  p.  Korting).  —  Recollections  of  Edgar  Allan 
Poe  (Ingram).  —  The  Hospitaliers  in  England  (Torr), 

Literarisches  Centralblatt;,  n«  5  :  J.  Levy,  Neuhebr.  u.  chald.  Wôrter- 
buch,  IV,  —  Bernhôft,  Verwandtschaftsnamen  u,  Eheformen  der  nor- 
damerik.  Volksstàmme.  —  Battaglino  e  Callfgaris,  Indices  chronol. 
ad  antiq.  Ital.  medii  aevi  et  ad  opéra  minora  Muratorii,  I.  —  H.  Lud- 
wiG,  Deutsche  Kaiser  u.  Kônige  in  Strassburg,  Bliitter  aus  der  gesch. 
der  Westmark  des  Reiches  (soigné  et  fait  avec  goût).  —  Nielsen,  Kjoe- 
benhavn  1660-1696,  III.  —  Legrelle,  La  diplom.  franc,  et  la  suce. 
d'Espagne,  1,  Le  premier  traité  départage,  1659-1697  (beaucoup  de 
soin,  et  de  clarté,  et  d^élégance;  mais  «  le  jugement  de  l'auteur  est  trou- 
blé par  la  partialité  et  la  prévention  nationale  »).  —  Osman-Bey,  Les 
Russes  en  1877-78,  guerre  d'Orient  [intéressant). —  Félix,  Der  Ein- 
fluss  der  Religion  auf  die  Entwickel.  des  Eigenthums.  —  Papadémetr^»- 
COPOULO6,  Sur  la  prononciation  du  grec  (l'ouvrage,  écrit  en  grec, 


montre  pas  «  l'objectivité  scientifique  >•  nécessaire,  surtout  à  Tégard  de 
Blass;  peu  convaincant  dans  ses  principaux  résultats;  à  approuver  sur 
quelques  points  ;  mérite  en  somme  par  son  savoir  et  sa  profondeur  l'at- 
tention des  savants).  —  Sakellarios,  bibliothèque  du  peuple  (la  librairie 
grecque  Sakellarios  a  entrepris  de  répandre  dans  le  public,  comme 
Meyer  et  Reclam  en  Allemagne,  les  meilleures  oeuvres  de  la  littérature 
néo-grecque).  —  Schweitzer,  Hans  Sachs  (clair  et  instructif;  cp.  Re- 
vue, 1889,  n°  47).  —  Stopes,  The  Bacon-Shakespere  question  answered, 
2"  edit.  —  Schiller's  Werke,  Gedichte,  p.  p.  Boxberger.  —  Vissing 
(Henr.  v.),  das  Leben  der  Dichterin  Amalia  von  Helvig.  —  Benndorf 
u.  Nfemann,  das  Heroon  von  Gjôlbaschi-Trysa,  I  (cp.  Revue,  1889, 
n°  41).  —  Hauser,  Grundziige  der  ornament.  Formen-und  Styllehre.  — 
Hallesches  Heiligthumsbuch  vom  Jahre  i520.  —  Gény  et  Knod,  die 
Stadtbibliothek  zu  Schlestadt  (cp.  Revue,  1889,  n°  32). 

Berliner  philologisclie  Wochenschrift,  n°4:  Waffenstillstand  im  Kampf  um 
Troja  (Belger).  — KLUGE.Die  Entstehungsgesch.  der  Ilias  (beaucoup  de 
soin  et  d'application  sans  résultat).  —  Walbe,  Syntaxis  platonicae 
spécimen.  —  Dionysii  Halic.  de  imitatione  reliq.  epistulaeque  criiicae 
duae  p.  p.  UsENER  (très  bon  et  de  très  grande  importance).  —  Ausgew. 
Schritten  des  Lucian  I,  p.  p.  Sommerbrodt.  —  Bucciarelli,  Utrum 
Persius  doctrinae  stoicae  sit  sectator  idem  et  interpres  (médiocre). 
—  De  senectute,  p.  p.  Sommerbrodt,  ii^  éd.  —  Zimmerer,  Declam.  in 
Catilinam,  eine  Schuldeclam.  aus  der  rôm.  Kaiserzeit,  I.  —  Félix, 
Quaest.  gramm.  in  Velleium  Paterculum  (mal  fait  et  inutile).  —  Hopf, 
Tierorakel  u.  Orakeltiere  in  alter  u.  neuer  Zeit  (très  soigné,  mais  n'est 
pas  complet).  —  Delattre,  Les  inscriptions  de  Tell-el  Amarna;  Les 
Chaldéens  jusqu'à  la  form.  de  l'empire  de  Nabuchodonosor;  Hugo 
Winckler,  Plagiat  (cp.  Revue,  n"'  47  et  48).  —  Kampuroglu,  Hisi.  des 
Athéniens,  1458  1687,  tome  I"  (en  grec).  —  Hôlzer,  Beiir.  zu  einer 
Théorie  der  latein.  Semasiologie  (beaucoup  de  peine,  d'exactitude,  de 
soin,  mais  diffus).  —  Zum  latein.  Unterricht  (art.  d'ensemble  sur  des  li- 
vres d'exercices). 

Theologische  Literaturzeitung,  n°  i  :  Kurzgef.  Comm.  zu  den  heil.  Schrif- 
ten  Alten  u.  Neuen  Test,  sowie  zu  den  Apokryphen,  p.  p.  Zôckler,  u. 
Strack,  a.  t.,  VI-VIII.  —  Klostermann,  Zur  Théorie  der  bibl.  Weis- 
sagung  u.  zur  Charakteristik  des  Hebrâerbriefs.  —  Hilgknfeld,  Lib. 
de  aleatoribus  inter  Cypriani  scripta  conservatum  (manqué).  —  Seeberg, 
Ein  Kampf  um  jenseitiges  Leben  (vie  de  Seuse). 

Magazin  fur  die  Litteratur  des  In-und  Auslandes,  n°  4  :  Kosakiev^ticz,  Peter, 
Novelle,  ubertr.  von  Felicie  Zand  (fin).  —  Harsu,  Macedo-ruma- 
nische  Volkslieder,  Ueberlragungen.  —  Kaberlin,  Famille  Selicke.  — 
Fastenrath,  Cartas  americanas.  —  Filtsch,  Makedonien  und  Alt- 
Serbien.  —  Eckstein,  Neues  von  Gerhard  von  Amyntor. 


EIV  DISXRIBUXIOIV 

CHEZ 

MM.  J.  HERMEREL  et  R.  SERRURE,  53,  rue  Richelieu. 

Un   Catalogue    d'une    bibliothèque    numismatique  et   archéologique. 
Un  Catalogue  de  monnaies   royales  et  féodales. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUK  BONAPARTE,  28,  PARIS 

RECUEIL  DE  VOYAGES  ET  DE  DOCUMENTS  POUR  SERVIR  A  l/HISTOIRE  DE  LA  GÉOGRAPHIE 

DEPUIS   LE  Xni"   jusqu'à.  LA  FIN    DU   XVI'   SIÈCLE 

Tome  XI 

LE  VOYAGE 

DE  LA  ' 

TERRE    SAINTE 

COMPOSÉ 

Par  MAITRE  DENIS  POSSOT 

ET  ACHEVÉ 

Par    MESSIRE     CHARLES    PHILIPPE 

Seigneur  de  Champarmoxj  et  de    Grandchamp 

—  1532  — 

Publié  et  annoté  par  Ch.  SCHEFER,  membre  de  l'Institut. 

Un  beau  volume  in-8,  enrichi  de  planches   et   de  cartes 30  fr. 

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14  caries  gravées  par  Erhard.  —  Prix 60  fr. 

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Par  S.  E.  YACOUB  ARTIN  PACHA 
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VOYAGE   D'EXPLÛitïïION    !)E  Dll   U   tOCnilHWIÎ 

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ÉTUDES  ARCHÉOLOGIQUES  ET  HISTORIQUES 
Par  J.  DE  MORGAN 

Tome  premier  :    Les    premiers  âges    des    métaux  dans    l'Arménie    russe. 
Tome    second  :    Recherches  sur  les  origines  des  peuples  du  Caucase. 

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HISTOIRE     DE     LOUIS    XII 

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PREMIÈRE    PARTIE    :    LOUIS    D'ORLÉANS 
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Le  Puy,  typographie  .Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N*  7  Vingt-quatrième  année        17  février  1890 

REVUE^RITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  2  5  fr. 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire ),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


KIINEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

LE  LIVRE   DES   TRANSFORMATIONS. 

Papvrus  démotique  3,452  du  Louvre,  traduit,  commenté  et  ac- 
compagné d'un  glossaire-index,  par  G.  Legrain.  Un  vol.  in-4,  et 
un   fascicule  de    14  planches 12  fr. 

MANUSCRITS  GRECS  DE  SUÈDE  (Notices 

sommaires  des),  par  Ch.  Graux,  mises  en  ordre  et  complétées  par 
A.    Martin.    In-8 2   5o 

L'ANNÉE    ÉPIGRAPHIC^UE.     Revue    de.    publi- 

cations  épigraphiques  relatives  à  l'antiquité  romaine,  par  René 
Gagnât,  professeur  au  Collège  de  France.  2^  année,  1889.  In-8.     5  fr. 

LES    GRANDES    LIGNES    DU    VOCA- 

LloiVlc  et  de  la  dérivation  dans  les  langues  indo-européennes, 
par  Paul  Regnaud,  professeur  de  sanscrit  et  de  grammaire  comparée 
à  la  Faculté  des  Lettres  de  Lyon.  In-8 1  franc. 


PEKIODIQUES 

Mélusine,  ir^  i  :  A.  Barth,  La  littérature  des  contes  dans  Tlndc,  II.  — 
Gaidoz,  L'étymologie  populaire  et  le  folk-lore,  III.  Les  saints  pour 
rire  :  Saint  Personne,  le  frère  Invicem,  Sainte  Touche,  Sainte  Bou- 
teille, Saint  Lundi,  Saint  Mabon.  —  Tuchmann,  La  fascination.  Ani- 
maux :  serpent,  basilic.  —  Les  esprits-forts  de  l'antiquité  classique, 
XXIIl.  —  Bibliographie  :  Roscher,  Ausfûhrl.  Le.xicon  der  griech.  u. 
rom.  Mythologie,  Lief.  XI-XV  (toujours  utile  pour  l'étude  de  l'anti- 
quité et  le  mérite  général  des  articles). 

Revue  rétrospective,  8  février  1890  :  Papiers  du  chevalier  de  Thuisy, 
1773-1777.  —  Le  débarquement  au  golfe  Juan,  rapport  d'un  douanier. 

—  Deux  lettres  de  Benjamin  Constant.  —  La  double  lettre,  fourberie 
classique.  —  Un  jeu  de  cartes  sous  la  régence. 

Bulletin  critique,  n"  i  ;  Mahaffy,  Greek  life  and  thought  (intéressant). 

—  La  lex  concilii  provinciae  Narbonensis  d'après  les  travaux  récents 
(Mispoulet).  —  G.  de  Rochemonteix,  Le  Collège  Henri  IV  de  la  Flèche 
(bon).  —  Fr.  Bouillier,  Questions  de  morale  pratique.  —  Ch.  Nor- 
mand, Nouvel  Itinéraire  —  Guide  artist,  et  archéol.  de  Paris. 

—  N»  2  :  V.  Guérin,  Jérusalem,  son  histoire,  sa  description,  ses  éta- 
blissements religieux  (volume  accessible  à  toutes  les  bourses;  bon  ré- 
sumé historique).  —  Simson,  La  notion  de  Pâme  chez  Platon.  —  Sau- 
REL,  L'évêque  F.  R.  de  Villeneuve.  —  Babeau,  Paris  en  1789  (cp. 
Revue,  n»  2).  —  De  Tannenberg,  La  poésie  castillane  contemporaine. 

—  Legrelle,  La  diplomatie  française  et  la  succession  d'Espagne,  I 
(substantiel,  mais  trop  compacte). 

—  N°  3  :  Usener,  Das  Weihnachtfesl,  I  (le  raisonnement  de  l'auteur 
sur  la  date  de  l'institution  de  la  fête  de  Noël,  est  très  frag'le).  — 
P.  Prosper  de  Martigné,  La  scolastique  et  les  traditions  franciscaines. 

—  Lacour-Gayet,  Anlonin  le  Pieux  et  son  temps  (cp.  Revue,  1889, 
n"  i).  —  Joret,  Tavernier,  un  ms.  de  ses  voyages,  ses  relations  avec  le 
Grand  Electeur,  le  lieu  de  sa  mort  et  sa  sépulture  et  Le  P.  Guevarre  et 
les  bureaux  de  charité  au  xvii'=  siècle  (cp.  Revue,  1889,  n"'  26  et  44). 

Revue  des  Etudes  grecques,  tome  II,  n"  7,  juillet-septembre  1889  :  Salo- 
mon  Reinach,  Apollon  Opaon  à  Chypre.  —  Decharme,  Euripide  et 
Anaxagore.  —  G,  Schlumberger,  Sceaux  byzantins  inédits.  —  Ch.  Em. 
Ruelle,  La  Chrysoppée  de  Psellus.  —  Notes  et  documents  :  Th.  Rei- 
nach, Noms  méconnus  (suite),  Mahès.  —  Chronique  :  Bulletin  archéo- 
logique (T.  R.)  ;  Bulletin  épigraphique  (B,  HaussouUier);  Correspon- 
dance grecque  (D.  B.);  Nouvelles  diverses.  —  Bibliographie. 

The  Academy,  n»  926  :  Memoirs  of  Gozzi,  transi,  by  Symonds.  — 
LuMHOLTz,  Among  Cannibals,  Australia  and  Queensland.  —  Nicoll, 
James  Macdonell  journalist.  —  Cable,  Strange  true  stories  of  Loui- 
siana. — The  historiés  of  Polybius,  translated  by  Shucrburgh.  -Not,  né- 
crol.  :  Emily  Pfeiffer  ;  H.  S.  Fagan  ;  C.  A.  Hase.  —  A  lost  ms.  of 
Chaucer's  Troilus  (Skeat). —  Bubonax  in  the  Defence  of  poesy  (Pur- 
ton).  —  Bucecarle  in  Godefroy's  Old  French  dictionary.  —  Weissmann, 
Essaya  upon  heredity  and  kindred  biological  problems,  transi.  — 
BuDGE,  The  history  of  Alexander  the  Great,  being  the  Syriac  version  of  | 
the  Pseudo-Callisthenes  (de  très  grande  valeur). 

The  Athenaeiim,  n°  3429  :  Corresp.  of  Prinzess  Lieven  a.  Earl  Grey, 
p.  p.  Le  Strange.  —  Boyce,  Records  of  a  Quaker  family,  the  Richard- 
sons  of  Cleveland.  —  Tuckerman,  Life  of  General  Lafayette  (pouvait 
être  meilleur).  —  The  Lyon  King  of  Arms.   —  Fielding  (Aitken).  — 


I 


The  Arabie  library  of  Damascus  (Lambros).  —  Emily  Pfeiffer  (not. 
nécrol.).  —  The  Arundel  Society. 

Literarisches  Centralblatt,  n"  6  :  Perthes''  Handlexikon  fur  evangel. 
Theologen,  I.  —  Kessler,  Mani,  Forsch.  ûber  die  manich.  Religion, 
I,  Voruntersuch.  u.  Quellen  (quelques  inexactitudes,  mais  très  recom- 
mandable). —  Grunewald,  Histor.  Stammtafeln  (étrange).  —  Bresslau, 
Handbuch  der  Uikundenlehre  fur  Deutschland  u.  Italien,  I  (livre  qui 
fait  honneur  à  la  science  allemande  par  les  profondes  études  de  Tau- 
teur,  par  sa  critique  pénétrante,  par  son  soin  persévérant).  —  Stahn, 
Die  Ursachen  der  Rilumung  Belgiens  (cp.  Revue,  n®  4).  —  Polit,  u. 
milit.  Corresp.  Friedrich's  von  Wurtemberg  mit  Napoléon  I,  p.  p. 
ScHLOssBERGER.  —  Griffith,  The  inscriptions  of  Siût  and  Dêr  Rifêh 
(cp.  Revue,  1889,  n"  49,  art.  de  G.  Maspero).  —  Kirc.hhoff,  Hesiod's 
Mahnlieder  an  Perses  (publication  très  importante).  —  Rothstein, 
Quaest.  Lucianeae  (très  bonne  critique  de  texte).  —  Hoffmann,  Der 
Codex  Mediceus  pi.  XXXIX  U.  i  des  Vergilius  (collation  qui  est  un 
modèle).  —  Wackernagel,  Gesch.  der  deutschen  Liter.  II,  2. —  Valen- 
TiN,  Ueber  Kunst,  Kunstler  u.  Kunstwerke. 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n»  5  :  Musaeus,  Gregorios  Pakurianos  (en 
grec).  —  Froelich,  Sectentum  u.  Separatismus  im  jetzigen  kirchl.  Le- 
ben  der  evang.  Bevôlk.  Elsass-Lothringens.  —  Ed.  v.  Hartmann,  Lot- 
zes  Philosophie  (cp.  Revue,  1889,  n"  48).  —  Psichari,  Essais  de  gramm. 
histor.  néo-grecque,  études  sur  la  langue  médiévale,  II  (travail  fonda- 
mental sur  ce  domaine).  —  Juli  Valeri  res  gestae  Alexandri  Macedonis 
transi,  ex  Aesopo  Graeco,  p.  p.  Kuebler  (texte  reproduit  avec  soin  et 
réflexion).  —  Gœthes  Gesprache,  hrsg.  v.  Biedermann,  I  u.  II.  —  Marc 
MoNNiER,  Literaturgesch.  der  Renaissance  von  Dante  bis  Luther  (sans 
valeur  scientifique).  —  Pkessel,  Die  Zcrstreuung  des  Volkes  Israël 
(impartial,  mais  n'est  pas  toujours  bien  orienté).  —  Kôhncke,  Wibert 
von  Ravenna  (cp.  Revue,  1889,  n»  20).  —  Gardiner,  Hist.  of  the  great 
civil  war,  II,  1644- 1647  i^^^  nouveaux  et  importants  détails,  exposé 
clair  et  net).  —  Seler.  Reisebriefe  aus  Mexiko.  —  Fellner,  Gesch. 
einer  deutschen  Musterbuhne,  K.  Immermanns  Leit.  des  Stadttheaters 
zu  Diisseldorf  (des  matériaux,  mais  pas  de  mise  en  œuvre). 

Berliner  philologische  Wochenschrift,  n»  5  :  Zum  homer.  Hymnus  auf 
Homer  (Blumner).  —  Aeschylus,  Perser,  p.  p.  Schiller-Conradt.  — 
Demosthenes.  De  corona,  p.  p.  Bassi.  —  Schultess,  Annaeana  studia 
(très  instructif  et  suggestif).  —  Ribbeck,  Gesch.  derrôm.  Dichtung,  II. 
August.  Zeitalter  (à  remarquer  surtout  le  chapitre  sur  Virgile).  — 
Groeger,  De  Argonauticarum  fabularum  historia  (témoigne  d'un  sens 
critique).  —  Vaglieri,  Le  due  legioni  adjutrici  (cp.  Revue,  1888,  n"  42). 
—  Erster  Bericht  ûber  die  vom  Altertumsverein  Kempten  vorgenomm. 
Ausgrab.  rôm.  Bauresie  aufdem  Lindenberge  bei  Kempten.  — J.  Mar- 
tha,  L'art  étrusque  (cp.  Revue,  1889,  n°  52).  —  Schweizer-Sidler  u. 
SuRBER,  Gramm.  der  latein.  Sprache,  I  (utile).  —  Briefe  der  Brûder 
Grimm  an  Benecke,  p.  p.  W.  Muller.  —  Programme  (Voss,  Die  Na- 
lur  in  der  Dichtung  des  Horaz;  Wulsch,  De  verbis  cum  praepos. 
«  per  »  compositis  apud  Livium  ;  Becker,  Die  Brahmanen  in  der 
Alexandersage;  Mennicken,  der  Triumvir  M.  Licinius  (Crassus). — 
Zum  latein.  Unterricht  (ouvrages  de  Netzker  et  Rademann,  Rosenberg, 
Meissner). 

Gœttingische  gelehrte  Anzeigen,  n"  2  :  Rickert,  Zur  Lehre  von  der  Défi- 
nition. —  Von  Kries,  Die  Principien  der  Wahrscheinlichkeits-Rech- 
nung.  —  Mûnsterberg,  Die  Willenshandlung.  —  Spitta,  Die  psycho- 
log.   Forschung  u.  ihre  Aufgabe  in  der  Gegenwart.  —  Wasserrab, 


Preise  und  Krisen.  —  Huber,  System  u.  Gesch.  des  schweiz.  Piivat- 
lechts,  II. 

Deutsche  Rundschau,  février  1890  :  v.  Natzmkr,  Kaiser  Wilhelm  I,  die 
Prinzess  Elise  Radziwill  u.  die  Kaiserin  Augusta.  —  E.  Zeller,  Gym- 
nasium  u.  Universitât.  —  Gûssfeldt,  Die  Erzieh.  der  deutschen  Ju- 
gend,  XVII-XXVI  (tin).  —  E.  Brucke,  Nacht  u.  Morgen  des  Michel- 
angelo.  —  H.  Conrad,  Ernst  von  Wildenbruch  als  Dramatiker,  I.  — 
Egelhaaf,  Zum  Gediichtniss  Dollingers.  —  Liter.  Rundschau  :  Schôn- 
BACH,  Ueber  Leseii  u.  Bildung.  —  Répliques  de  Mantegazza  et  de 
Garbe;  rectification  de  Hausrath.  —  Liter.  Noti^en  (Lenz,  Philipp 
von  Hessen  u.  Bucer;  Keller,  Staupitz;  Jastrow,  Jahresber.  des  Ges- 
chichtswiss.,  VII-X;  Hallier,  Culturgesch.  des  XIX  Jahrh.  in  ihren 
Bezieh.  zu  der  Entwickl.  der  Naturwiss,;  Morf,  Zur  Biogr.  Pestaloz- 
zis;  MiiNSTERBERG,  der  Ursprung  der  Sittlichkeit). 

Altpreussische  Monatsschrift,  VII  et  VIII,  1889  :  H.  Freytag,  Die  Gesch. 
der  Jesuitenmission  in  Danzig.  —  Lohmeyer,  Probe  aus  Kaspars  von 
Nostiz  Haushaltungsbuch  des  Fiirstenthums  Preussen.  —  Krause,  Das 
Landwehrkreuz  aut  dem  Rinauer  Berge  bei  Galtgarbea.  —  Kiewning, 
Herzog  Albrechts  von  Preussen  und  Markgraf  Johanns  von  Branden- 
burg  Antheil  am  Fiirstenbund  gegen  Karl  V.  —  Sembrzycki,  Die  Ma- 
rienburg  unter  polnischer  Herrschaft  et  Nachtragl.  Bemerk.  zu  dem 
Aufs.  «  Die  Lycker  Erzpriester  Johannes  u.  Hieronymus  Maletius.  » 
Mittheilungen  imd  Anhang  :  Reicke,  Die  Kantbibliographie  1888.  — 
Universitats-Chronik  1889.  —  Altpreuss.  Bibliographie  1888.  — No- 
tizen.  —  Autorenu.  Sachenregister. 

Magazin  fur  die  Litteratur  des  In-und  Auslandes,  n°  5  :  Fernanflor,  Die 
Sângerin,  Novellette,  tibertr.  von  Asten.  —  Aus  der  engl.  Lyrik 
(ûbertr.  nach.  Waller,  Keats,  Burns  u.  Rossetti).  —  K.  Erdmann,  Aesthe- 
tik  der  Bewegung.  —  Wigger,  Portugiesische  Literatur.  —  P.  Raché, 
Jean  Aicard,  Don  Juan  89.  —  Kaemmel,  Herzog  Ernst,  aus  meinem 
Leben  u.  aus  meiner  Zeit.  —  Schônfeld,  Berliner  Biihnenbrief. 

Zeitschrift  fur  Katholische   Théologie,   I,    i8go  :  Abhandlungen  .  l^ut.  s- 
BR0ECH ,    Die  Schrift  de  aleatoribus  als  Zeugniss  fur  den    Primat  Oi..: 
rôm.  Bischofe.  —  Frins,  Deber  das  Wesen  der  Stinde.  —  Arndt,  Die 
àltesten  polnischen  Bisthûmer.  —  Straub,   Zur  Kontroverse  iiber  den» 
Glaubensact,  I.  —  Recensionen  :  Holtzinger,   Die  altchr.  Architektur. 

—  Wattenbach,  Die  Geschichtsschreiber  der  deutschen  Vorzeit.  — 
Weiss,  Berthold  von  Henneberg,  Erzbischof  von  Mainz.  —  Wedewer, 
Joh.  Dierenberger.  —  Braun,  Gesch.  der  Heranbild.  des  Wûrzburger 
Klerus.  — Vatschthaler,  Bernhard  Pez  u.  sein  Briefnachlass.  —  Schif- 
FiNi,  Disput.  metaphys.  spec.  II.  —  Lahousse,  Praelectt.  metaphys. 
spec.  III.  —  Costa-Rosettf,  Allg   Grundlagen  der  Nationalôkonomie. 

—  Woker,  Gesch.  der.  Kathol.  Kirche  in  Hannover.  —  Marres,  De 
justitia,  III  et  IV.  —  Aualekten  :  E'ine  Passauer  Diôcesansynode. — 
Ueber  modernen  Thomismus.  —  Papstwahlen  u.  die  wehi.  Macht.  — 
Wilpert  u  Schultze  ûber  archâol.  Principienfragen.  —  Biographienaus 
der  neuesten  engl.  Liter.  —  Krit.  Beitr.  zur  Religionsgesch.  — Neue 
period.  Schriften  ;  Pasior  bonus,  Der  Kathol.  Seelsorger,  Americ.  Ec« 
clés.  Review,  Zeitschrift  fur  christl.  Kunst.  —  Probabiiiorismus  ? 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


j;fo  8  Vingt- quatrième  année        24  février  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Vn  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  2  5  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ    ASIATIQUE 

;     LANGUES     ORIENTALES     \ 

28,     RUE    BONAPARTE,      28 


.Adresser  les  communications  concej'nant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  2S}. 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  coynmissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


EHNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 
J.  C.  ALFRED  PROST 


LE 

MARQUIS   DE  JOUFFROY  D'ABBANS 

Inventeur  de  l'application  de  la  vapeur 
à  la  navigation. 

2"»e    édition,    revue,    corrigée    et    augmentée 
d'une  Préface 

DE    M.    L.    PASTEUR 
Un  volume  in-8 . , , , . . . ......       6  fr. 


PERIODIQUES 

The  Academy,  110927  :  Church,  Early  Britain  ;  The  ancient  laws  of 
Wales,  p.  p.  Lloyd  ;  Hall,  Court  life  under  the  Plantagenets.  — 
Vernon,  Readings  on  ihe  Purgartorio  of  Dante,  chiefly  based  on  the 
commentary  of  Benv.  da  Imola.  —  Bain,  Christina,  queen  of  Sweden 
(plein  d'intérêt  et  de  valeur).  —  Kenepas  in  the  Anglo-Saxon  chronicle 
(Plummer),  —  An  attempt  to  reform  the  procedure'ofthe  Privy  Council 
under  Elizabeth  (Alexandrenko),  —  The  Daybook  of  John  Dorne 
(Milne).  —  Yes  Tor  (Westlake).  —  Catulli  carmina  p.  p.  Postgate.  — 
The  next  Oriental  Congress.  —  The  Yenissei  inscriptions  (Rob.  Brown 
jun.).  —  The  Lycian  hmguage  (Arkwright),  —  The  mutilation  of 
monuments  in  Egypt.  (Ross). 

The  Atheuaeum,  n»  325o  :  Law,  A  historical  sketch  of  the  conflicts 
between  Jesuits  and  Seculars  in  the  reign  of  queen  Elizabeth  (très 
fouillé).  —  Edwardes,  Sardinian  and  the  Sardes.  —  Bury,  A  history  of 
the  later  Roman  empire,  from  Arcadius  to  Irène,  SgS-Soo  (deux  volâ- 
mes en  style  clair  et  animé  ;  l'ouvrage  est  «scholarly  and  vigourous  »). 

—  An,  Leroy-Beaulieu,  L'empire  des  tsars  et  les  Russes,  III,  la 
religion.  —  School-books.  —  The  Royalist  Composition  Papers.  — 
Thackeray's  Paris  Sketch-book  and  The  Corsair.  —  Lines  by  Pope.  — 
Bradley,  a  dictionary  of  miniaturists,  iliuminators,  calligraphers  and 
copiyists,  II  ard  III. 

Literaisches  Centralblatt,  n°y  :  Tiling,  Taufeu.  Abendmahl.  —  Paulsen, 
System_  der  Eihik.  —  Holm,  Griech.  Gesch.  II,  5  et  6  (un  peu  trop 
sobre;  il  manque  l'éclat  «  classique-romantique  »  auquel  on  csl  habitué 
en  Allemagne  lorsqu'on  traite  des  choses  grecques,  et  le  trait  oratoire 
qui  rend  Grote  si  attachant;  mais  de  très  grands  mérites,  d'excellents 
tableaux,  de  fort  bons  chapitres  comme  Alcibiade  et  Cléon).  —  Riese, 
Forsch.  zur  Gesch,  der  Rheinlande  in  der  Romerzeit  (très  important). 

—  Staniey's  Briefe  ûber  Emin  Pascha's  Belreiung.  —  Kessler,  Das 
Wesen  der  Poésie  (écrit  où  il  y  a  peu  à  gagner).  — Ed.  Zarncke,  Die 
Entsteh.  der  Griech,  Literatursprachen  (rendra  de  bons  services  comme 
introduction  à  un  sujet  intéressant  et  souvent  traité),  —  Kalb,  Das 
Juristenlatein  (travail  qui  a  de  la  valeur  tant  pour  les  juristes  que  pour 
les  grammairiens).  —  Kornmesser,  Die  franz.  Ortsnamen  german, 
Abkunft,  I,  Die  Ortsgattungsnamen  (résultats  à  approuver  dans  l'en- 
semble et  en  bloc).  —  Hirth,  Der  Cicérone  in  der  illt.  Pinakothek  zu 
Munchen  ;  Muther,  Der  Cicérone  in  der  Gemaldegallerie  zu  Berlin. 

Deutsche  Litteraturzeitimg,  n"  6  :  Ihm,  Studia  Ambrosiana  (très  remar- 
quable). —  Haslam,  Erklur,  derTollheit, —  Bugge,  Beitr.  zuretymolog, 
Erleuter,  der  armen.  Sprache  (contestable  sur  beaucoup  de  points, 
mais  suggestif).  —  Melber,  Ueber  die  Quellen  u.  den  Wert  der  Strate- 
gensammlung  Polyans;  Polyaeni  Stratagem.  p,  p,  Woelfflin  et  Melber 
(travaux  très  louables)  —  H.  Fischer,  Zur  Gesch,  des  mittelhoch- 
deutschen  (encore  une  étude  sur  la  (f  Schriftsprache  »,  mais  qui  prouve 
peu),  —  Thietmari  Merseburg.  Episcopi  Chronicon  p.  p.  Kurze 
(nouveau  texte  in-octavo,  qui  sera  désormais  consulté  et  qui  a  été  édité 
avec  le  plus  grand  soin),  —  De  Mazade,  Un  chancelier  d'ancien  régime, 
le  règne  diplomatique  de  Metternich  (commentaire  et  extrait  très 
agréable  et  souhaité  des  papiers  de  Metternich  ;  cp.  Revue,  1889,  n"  23), 

—  E.  Hannover,  Watteau,  aus  dem  dan,  ûbers.  von  Alice  Hannover. 

—  Starcke,  Die  primitive  Famille  in  ihrer  Entsteh,  u.  Entwickel.  (ins- 
tructif et  intéressant). 

—  N"  7  :  Weizsaecker,   Das  apostol,  Zeitalter  der  christl.   Kirche, 
Sach  =  und  Quellenregister.  —  Golther,  Studien  zur  german.  Sagen- 


gesch.  I:  Der  Valkyrienmythus,  II,  das  Verh.  der  nord.  u.  deutschen 
Form  der  NibeJungensage  (l'auteur  n'a  pas  su  remplir  sa  tâche;  il  est 
superficiel  et  manque  de  critique).  —  Halfmann,  Beitr.  zur  Syntax  der 
Sprache,  I  (très  consciencieux  et  correct). —  Kammer,  Ein  aesthet.  Com- 

Imentar  zu  Homers  Ilias  (en  somme,  utile  et  renferme  de  fines  remar- 
ques). —  Caesar,  de  bello  gallico 'p.  p.  Prammer  (cp.  Revue,  i88g, 
n°  5i).  —  ScHippER;  Engl.  Metrik  in  histor.  u.  system.  Entwickel.  Il 
(très  compkt  et  très  soigné,  livre  excellent  à  consulter).  —  H.  Ludwig, 
Deutsche  Kaiser  u.  Kônige  in  Strassburg  (brillant  récit  populaire).  — 
Irmer,  Die  Verhandl.  Schwedens  u.  seiner  Verbundeten  mit  Wal- 
lenstein  u.  dem  Kaiser  von  i63i-i634,  I  u.  II  (art.  de  G.  Droysen  qui 
contient  quelques  justes  critiques  5ur  la  méthode  de  Téditeur).  —  Willi 
MûLLER,  Die  Umsegelung  Afrikas  durch  phonicische  Schiffer  ums 
Jahr  600  (réussit  à  réfuter  toutes  les  objections  dirigées  contre  la  possi- 
bilité du  voyage,  mais  cherche  trop  à  exphquer  des  détails  sur  lesquels 
on  ne  possède  aucun  document  précis.)  —  O.  Jahn,  Mozart,  3^  Aufl. 
p.  p.  Deiters.  —  Ecloga  Leonis  et  Constantini  p.  p.  Monferratus 
(bonne  contribution  à  l'histoire  du  droit  byzantin).  —  Ludwig  Félix, 
Der  Einfluss  der  Religion  auf  die  Entwickl.  des  Eigentums'(((  dans 
l'ensemble,  circonspect  et  objectif  »).  — ElfJahre  Balkan,  Erinnerun- 
gen  emes  preussischen  Offiziers  1876- 1887  (très  vivant  et  rempli  de 
détails  à  la  fois  exacts  et  pittoresques).  —  V.  Gunthert,  Fr.  Th.  Vischer, 
ein  Charakterbild  (donne  trop  ou  trop  peu,  et  n'est  pas  un  livre). 

Berliner  philologische  Wochenschrift,  n°  6  :  Programme  :  Hartmann,  Me- 

leagerin  der  griech.   rom.   Kunst;  Nôthe,   Der  delische  Bund,  Ein- 

ncht.  u.  Verfass.  —  Ilias,  III,  IV,  p.  p.  Stier.  —  Aars,  das  Ged.  des 

bimonides  m  Platons  Protagoras  (cp.  Revue,  1889,  n°  18).  —  P.  Stap- 

FER,  Shakespeare  et  les  tragiques  grecs.  (Fait  avec  goût  et  intéressant, 

Jaisse  la  meilleure  impression.)  —  Plauti  Menaechmi  p.  p.  Ritschl  u. 

bcHOELL  (i-^'art.)   -    Ciceronis  orat.  p.   p.    G.    F.   W.   Mueller,  éd. 

leubnerjrepond  à  un  véritable  besoin).  —  Van  Ballaer,  Discours  de 

Cicéron  à  César  à  l'occasion  du  rappel  de  Claudius  Marcellus,  trad. 

-omm.  et   analyse  littéraire  (utile).  —  Whibley,  Political  parties  in 

\thens  during  the  Peloponnesian  war  (très  louable  dans  l'ensemble). 

-  Gemoll,  Das  Recht  von  Gortyn  (n'avance  pas  considérablement  Pin- 

elhgence  d'un  texte  diflîicile).   —  Pfannschmidt,  Entwickel.  des  Welt- 

^fu        (^°"^^''^"ce  très  superficielle).   —  Wendorff,    Erklar.   aller 

/lythologie  aus  der    Annahme   der   Erringung  des  Sprachvermôgens 

:^.  Revue,  1889,  n»  11).  —  Maspero,  Aegypt.  Kunstgeschichte,  deuts- 

neAusg.  von  Steindorff  (très  bonne  traduction  d'un  ouvrage  qui  con- 

lent  beaucoup  de  nouveau  et  qui  est  écrit  avec  beaucoup  d'aisance  et 

^eclat).  —  Catal.  codic.  graec.  qui  in  bibliotheca  urbica  Vratislaviensi 

:^servantur.  —  Hess,  Abriss  der  Gesch.  des  Kônigl.  Christianeums  zu 

Itona,  1738-1888. 

Zeitschrift  fur  deutsche  Philologie,  XXII,  3  :  Joseph,  Zwei  Versversetzun- 
m  im  Beovulf.  —  Bolte,  Liederhandschr.  des  XVI  u.  XVII  Jahrh. 
as  Uederbuch  der  Herzogin  Amalia  von  Cleve.  —  San  Marte,  Ueber 
;n  Bildungsgang  der  Gral=und  Parzivaldichtung  in  Frankreich  u. 
eutschland  (fin).  -  Siebs.  Bericht  uber  die  Verhandl.  der  deutsch- 
■man.  Section  der  XXXX  Versaml.  deutscher  Philologen  u.  Schul- 
anner  in  Gorlitz.  —  Miscellen  und  Litteraticr  :  Grundriss  der  ger- 
an.  Philologie,  p.  p.  Paul.  —  Orendel,  p.  p.  Berger.  —Wunderlich, 
ih  "5-  u^'^^^  '^^"  Satzbau  Luthers.  —  Morsch,  Gœthe  u.  die  griech. 
9n  ^"  t-i  ~  -BuRGHAusER,  Indogcrmau.  Prasensbildung  im  Ger- 

Qt  T  ^'opstocks  Oden,  p.  p.  Muncker  u.  Pawel.  —  Schultz,  Die 
uZlu  o  Sprachgesellsch.  des  XVII  Jahrh.  fur  Reinigung  der 
'Utschen  Sprache.  "^     ^ 


Germania,  XXII,  4  :  LoscH,Zur  Runenlehre.  —  Grienberger,  Die  Vor- 
fahrcn  des  Jordanes  et  Eriliva.  —  Golther,  Die  Sprachbe^vegung  in 
Not•\vc^en.  —  Sprenger,  zu  Gerhard  von  Minden.  —  Kr-vtochwil, 
Ueber  "den  çegenw.  Siand  der  Suchenwirt  Handschrifcen  (fin). — Be- 
haghel,  zu  Wolfram  :  Die  Zeit  seines  Tliuringer  Aufenthalts;  zum 
Titurel;  zu  den  Liedern.  —  Reissenberger,  Fragm.  aus  der  Weltchro- 
nik  Rudolfs  von  Ems.  —  Ehrismann,  Jappesstift.  —  Gombert,  Bemerk. 
zum  deutschen  Wurterbuche  (fin).  —  Litteratur  :  Sweet,  A  history  of 
English  sounds  (à  recommander  aux  linguistes,  aux  professeurs  et  aux 
étudiants).  —  Steinmeyer,  Ueber  einige  Epitheta  der  mhd.  Poésie 
(vingt  pages  fort  instructives). 

Theologische  Literaturzeitiing,  n"  3  :  Riehm,  Alttestam.  Théologie,  bearb. 
u.  hrs.  von  Pahncke.  —  Vogelstein,  Der  Kampf  zwischen  Priestern 
und  Leviten  seit  den  Tagen  Ezechiels,  eine  histor.  krit.  Untersuchung. 
—  Bâcher,  Aus  der  Schrifterklar.  des  Abulwalid  Merwan  Ibn  Ganah. 
Soigné.)  —  Saadia,  das  Buch  Hiob  ûbers.  v.  Cohn.  (Cp.  Revue,  iSS>g, 
n»  49)  —  Otto,  Commentar  zum  Rômerbrief,  II.  — Corssen,  Epistula- 
rum  Paulinarum  codices  graece  et  latine  scriptos  Augiensem,  Boerne- 
rianum,  Claromontanum  exam.  —  Paulson,  Symbolae  ad  Chrysosto- 
mum  patrem,  I.  De  codice  Lincopensi.  —  Jahn,  Dionysiaca.  (Cp.  Re- 
vue, 1889,  no  5o.)  —  ScHAFF,  Church  and  state  in  the  United  States  or 
îhe  American  idea  of  religions  liberly  and  its  practical  effects,  with  offi- 
ciai documents. 

Ma2-azin  fur  die  Litteratur  des  In-und  Auslandes,  no  6  :  Vrchlicky,  Pepuia, 
Novelle,  tibertragen  von  Edm.  Grûn.  —  Kastner,  Aus  der  czechis- 
chen  Lyrik.  —Edm.  Bayer,  Nordpersische  Volkslieder,  libers,  von 
Franz  Ruckert.  —  Manitius,  Ueber  des  Grafen  Schack  Normannen- 
geschichte.  —  Hoepfner,  Sant  Ilario.  —  Boltz,  zur  hellen.  Litteratur, 
—  Kaberlin,  Die  freie  Bûhne, 


ERNEST  LEROUX,  EDITEUR,  28,  RUE  BONAPARTE,  2 


PUBLICATIONS  DE  Li  SOCIÉTÉ  D'ETHNOGRÂPHilj 

Mémoires  de  la  Section  orientale 

Tome  IX,  partie  i.    In-8 3  5o 

Tome  IX,  partie  2.    In-8 3  5o 


PUBLICATIONS  DE  LA.  SOCIÉTÉ  OCÉANIENNE 

Mémoires  de  la  Société,   i^""  fascicule.   In-8 ^  '• 


REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAlRîi 

Tome  IV.  Un  beau  volume  in-8 i3  fr- 


II 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  2?. 


'^o  9  Vingt-quatrième  année  3  mars  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


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Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 
DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,     RUE   BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


EKNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

GRAMMAIRE    BIRMANE 

D'après    la    grammaire    de   A.   Judson 

PAR    M.    VOSSION 
Consul  de  France 

Avec  Introduction  par  M.  Le'on  Feer.  In-i8,  percaline....       12  fr. 


COURS  GRADUEL  ET  PRATIQUE 


de 


LANGUE    CHINOISE    PARLÉE 

PAR    C.    IMBAULT-HUART 

Vice-consul  de  France 

4  volumes  in-4 i  ro  fr. 


PÉRIODIQUES 

Bulletin  critique,  ii'^  4  :  Le  Monnier,  Hist.  de  S.  François  d'Assise  (très 
bonne  vie  de  saint).  —  Le  Congrès  scientifique  international  des  catho- 
liques (cp.  Revue,  n°  i).  —  Maumus,  S.  Thomas  dWquiri  et  la  philoso- 
phie cartésienne.  —  Berthelot  et  Ruelle,  Collection  des  anciens  alchi- 
mistes grecs  (très  belle  et  importante  publication;  cp.  Revue,  1889, 
n°  3-].  —  Petit  de  Julleville,  Le  théâtre  en  France,  hist.  de  la  littér. 
dram.  depuis  les  origines  jusqu'à  nos  jours  (d'une  érudition  aussi  dis- 
crète que  sûre).  —  Douais,  Un  nouveau  ms.  de  Bernard  Gui  et  des 
chroniques  des  papes  d'Avignon. 

La  Révolulioa  française,  14  février  :  Souquet,  Pierre  Bayle,  libre-penseur 
et  politique.  —  Aulard,  La  diplomatie  du  premier  Comité  de  salut  pu- 
blic. Angleterre.  —  Pellisson,  Chamfort  avant  la  Révolution.  —  Do- 
cuments  inédits  :  La  mort  de  Jeanbon  Saint-André.  —  Chronique  et 
bibliograjphie  :  La  Soc.  de  l'hist.  de  la  Révol.  ;  Ann.  de  TEcole  libre 
des  sciences  polit.  ;  Mém.  de  Talleyrand;  A.  Leroux,  Arch.  révol,  de 
la  Haute-Vienne,  I  (consacré  aux  doléances  paroissiales  de  1789);  Pa- 
piers de  Barthélémy,  p.  p.  Kaulek,  III  et  IV  (cp.  Revue^  1889,  n°  6  et 
le  présent  numéro;  «  on  nous  informe  qu'en  donnant  ainsi  des  textes 
tout  nus  et  tout  secs,  M.  K.  n'a  fait  que  se  conformer  aux  instructions 
formelles  de  la  commission  des  archives  diplomatiques;  c'est  donc  à 
cette  commission,  et  non  à  l'éditeur  du  recueil,  que  doivent  s^adresser 
nos  critiques;  quelques  notes  courtes  et  claires  étaient  indispensables  à 
Fintelligence  de  ce  texte  si  difficile  »). 

Revue  de  Flnstruction  publique  (supérieure  et  moyenne)  en  Belgique,  tome 
XXXIII,  !■■"  livraison  :  P.  Thomas,  Notes  sur  quelques  passages  d'au- 
teurs latins  :  De  leg.  I,  i,  i;  1,8,  24;  Catil.  III,  2;  XIII,  3.  — 
Waltzing,  Une  inscription  du  CoUegium  negotiantium  corariorum  de 
la  ville  de  Rome.  —  Rutherford,  Contrih.  à  Tétude  du  dialecte  atti- 
que  (à  suivre).  —  Comptes- rendus  :  Weiss,  La  Chambre  Ardente,  étude 
sur  la  liberté  de  conscience  en  France  sous  François  F''  et  Henri  II 
(éclaire  d'un  jour  nouveau  une  période  obscure)." —  The  Iliad,  p.  p. 
Leaf  (texte  faible,  commentaire  excellent).  —  "Vogrinz,  Gramm.  des 
homer.  Dialectes  (rendra  de  grands  services,  mais  manque  d  une  table 
systématique,  de  statistiques,  de  conclusions,  et  ne  saurait  remplacer 
l'admirable  livre  de  Monro).  —  Lange,  Kleine  Schriften  aus  dem  Ge- 
biete  der  class.  Alterthumswiss.  (suite). —  Correspondance  (épreuve 
pratique  des  aspirants  aux  fonctions  de  professeur  dans  le  Grand- 
Duché  de  Luxembourg).  —  Varia. 

The  Academy,  n°  928  :  Corresp.  of  Princess  Lieven  and  Earl  Grey, 
edited  and  translated  by  Guy  Le  Strange  (d'un  intérêt  plus  personnel 
que  politique).  —  Bury,  A  history  of  the  Later  Roman  Empire,  395- 
800  (brillant  et  intéressant).  —  Aeercromby,  A  trip  through  the  Eastern 
Caucasus.  with  a  chapter  on  the  languages  of  the  country.  —  Mackay, 
The  English  Poor,  a  sketch  of  their  social  and  économie  history; 
S.  W.Thackeray,  The  land  and  thecommunity.  —  Mrs  Edmonds,  Rhi- 
gas  Pheraios,  the  protomartyr  of  Greek  independence.  —  Translations 
from  theclassics.  —  A  Dani'sh  contribution  to  the  question  of  the  ori- 
gin  of  painting  (Stephens).  —  The  etymology  of  tertre  (Toynbee).  — 
Kenepas  in  the  Anglo-saxon  chronicle  (Plummer).  —  Margoliouth, 
An  essay  on  the  place  of  Ecclesiasticus  in  Semitic  literature  (le  juge- 
ment de  l'auteur  n'égale  pas  son  savoir).  —  CatuU  XXV,  5  (Palmer).         || 

The  Athenaeum,  n"  325i  :  Maccarthy,  A  history  of  the  four  Georges, 
II  (œuvre  d'un  homme  qui  est  plutôt  un  écrivain  agréable  qu'un  histo- 
rien sérieux;  va  de  lySi  à   1760).  —  Lady  Jackson,  The  lirst  of  the 


Bourbons  ;  Bingham,  The  marriages  of  the  Bourbons.  —  Murray,  A 
New  English  Dictionary  on  historical  principles,  V,  Cast-Clivy.  —  Sir 
George  Sitwell,  The  barons  of  Pulford.  —  Theological  books  :  De- 
LiTzscH,  Iris,  studies  in  colour  and  talk  about  fiowers;  Mabillon,  The 
life  and  Works  of  S.  Bernard,  translated  by  Eales;  Margoliouth,  An 
essay  on  the  place  of  Ecclesiasticus  in  Semitic  literature.  —  A  hero  of 
the  Dunciad.  —  Lippmann,  The  art  of  wooJengraving  in  Italy  in  the 
iîfteenth  century  (i"  art.).  —  Lambros^  Notes  from  Athens. 

The  Bab^flonian  and  Oriental  Record,  vol.  IV,  n"  2  :  Pinches,  a  Babylonian 
duplicate  of  tablets  I  and  II  of  the  Création  Séries.  —  Boscawen,  The 
Babylonian  and  Jewish  festivals.  —  Beal,  A  fragment  of  the  life  of  the 
Buddha.  —  Scheil,  Assyriological  notes. 

Literarisches  Centralblatt,  n°8  :  Nitzsch,  Lehrb.  der  evangel.  Dogmatik, 
I.  — Stoll,  Wander.  durch  Alt-Griechenland  (écrit  avec  fraîcheur  et 
agrément).  —  Jarry,  La  polit,  de  Louis  de  France,  duc  d'Orléans,  1 342- 
1407  (remarquable;  cp.  Revue,  1889,  n"  21).  —  Schack,  Gesch.  der 
Normannen  in  Sicilien  (très  bon  ;  l'auteur  sait  l'arabe  et  connaît  le 
pays;  il  a  fait  un  livre  remarquablement  sympathique  et  aimable;  il 
sait  raconter  avec  charmel.  —  Ehrenberg,  Wie  wurde  Hamburg  gross? 
II  Streifzûge  in  der  hamb.  Handelsgesch.  I,  Die  Anfilnge  des  hamb. 
Freihafens.  —  Album  academicum  der  Kaiserl.  Univ.  Dorpat,  p.  p.  Has« 
selblatt,  u.  Otto.  —  Bachmann,  Die  landeskundl.  Literatur  tiber  die 
Grossherzogtumer  Mecklenburg.  —  Jespersen,  The  articulations  of 
speech  sounds,  represented  by  means  of  analphabetik  symbols  (tous  ces 
efforts  pour  créer  un  standard-alphabet  sont  stériles).  —  Lauchert, 
Geschichte  des  Physiologus  (trêssuggestifetrecommandable;  cp.  Revue, 
1889,  ""  -4)-  —  Landgkaf,  Untersuch.  zu  Ciisar  u.  seinen  Fortsetzern, 
insb.  ûber  Autorschaft  u.  Compos.  des  Bellum  Alexandr.  u.  Afric. 
(recherches  très  détaillées).  —  Pogatscher,  Zur  Lautlehre  der  griech., 
latein.  u.  roman.  Lehnworte  im  Altengl.  (des  assertions  contestables, 
mais  beaucoup  de  choses  instructives).  —  Muncker,  Bremer  Beitriiger, 
I,  Gellert's  Fabeln  u.  geistl.  Dichtungen.  —  Rembrandt  als  Erzieher, 
von   einem    Deutschen.    —  Deutscher-Kalender  auf  das   Jahr    1890, 

p.   p.   KiiRSCHNER. 

Berliaer  Philologische  Wochenschrift,  n°  7  :  Herr  Prof.  Krieg  und  seine 
Kritiker.  —  Programme  :  Sturenburg,  Zu  den  Schlachtfeldern  am 
Trasim.  See  u.  in  den  caudin  Pilssen  ;  Kummer,  De  urbis  Romae  ponti- 
bus  antiquis.  —  Bougot,  Etude  sur  l'Iliade  d''Homère  (point  de  vue 
critique  qui  ne  trouvera  point  d'assentiment  en  Allemagne;  recomman- 
dable  néanmoins;  cp.  Revue,  i88g,  n»  2).  —  Huemer,  Die  Genesis  des 
Entschlusses  in  den  Tragodien  des  Euripides  u.  Sophocles  (malgré  tout, 
intéressant  et  instructif).  —  Maisel,  Observât,  in  Cassium  Dionem 
(conjectures  rarement  acceptables,  mais  à  noter).  —  Plauti  Menaechmi, 
p.  p.  RiTSCHL  u.  ScHOELL  (2*^  ct  dernier  article).  —  Stock,  De  Vitruvii 
sermone  (appréciation  incomplète).  —  Dondorff,  Das  hellen.  Land  ais 
Schausplatz  der  althellen.  Gesch.  (essai  très  réussi).  —  Riese,  Forschun- 
gen  zur  Gesch.  der  Rheinlande  in  der  Rômerzeit  (travail  solide  et 
profond  qu'il  faudra  consulter  et  suivre  pour  entreprendre  des  recherches 
nouvelles).  —  Kubitschek,  Imperium  Romanum  tributim  discriptum 
(ouvrage  soigné  et  utile;  cp.  Revue,  1889,  n»  18).  —  Florilegium 
graecum,  in  usum  primi  gymn.  ordinis  collectum  a  philologis  Afra- 
nis,  I-IV. 

—  N°  8  :  Herr  Prof.  Krieg  u.  seine  Kritiker  (fin).  —  Programme  : 
Ohnesorge,  Die  rom.  Provinzliste  von  299  (cp.  Revue,  1889,  n°  39); 
Gawanka,  De  summo  bono  quae  fuerit  Stoicorum  scntentia.  —  Philo- 


nis  de  opificio  mundi  p.  p.  Cohn  (tâche  remplie  avec  soin  et  habileté).  — 
Nigidii  reliq.,  p.  p.  Swoboda  (cp.  Revue,  1889,  n»  47).  —  Gôrres, 
Studien  zur  griech.  Mythologie,  1.  —  Diehl,  Etudes  sur  l'admin. 
byzant.  dans  l'exarchat  de  Ravenne,  568-751  (tableau  d'ensemble  très 
remarquable).  —  L.  M.  Hartmann,  Untersuch.  zur  Gesch,  der  byzant. 
Verwaltung  in  Italien  540-750  (moins  vaste  et  détaillé  que  le  travail  de 
Diehl,  et  moins  optimiste;  mais  en  somme,  sur  beaucoup  de  points,  le 
Français  et  l'Allemand  sont  arrivés  aux  mêmes  résultats).  —  E.  Curtius, 
Altertum  und  Gegenwart,  III,  unter  drei  Kaisern,  gesamm.  Reden  u. 
Aufsiitze  (comme  toujours,  il  semble  «  sortir  de  la  poussière  et  du  bruit 
des  rues  pour  entrer  dans  un  beau  bois  de  hêtres  tranquille  et  om- 
breux »).  —  Marx,  Hiilfsbûchlein  fiir  die  Ausspr.  der  latein.  Vokale  in 
positionslangen  Sylben,  mit  einem  Vorwort  von  Bucheler.  —  Gross, 
Die  Tropen  u.  Figuren,  2^  éd.  —  Fischer,  Joh.  Hauler,  ein  ôsterr. 
Schulmann. 

Gœttingiscbe  gelehrte  Anzeigen,  n°  3  :  Lambros,  A  collation  of  the  Athens 
codex  of  the  shepherd  of  Hermas,  transi,  and  edited  w^ith  a  préface  and 
appendices  by  J.  A.  Robinson.  —  W.  Mûller,  Lehrbuch  der  Kirchcn- 
geschichte,  I  (très  bon  manuel).  —  Amiaud,  La  légende  syriaque  de 
S.  Alexis  l'homme  de  Dieu  (n''a  pas  résolu  toutes  les  questions,  mais 
fournit  un  fondement  sur  lequel  on  peut  bâtir).  —  Delattre,  Les  ins- 
criptions de  Tell-el-Amarna;  Un  nouveau  livre  sur  l'hist.  anc.  de 
l'Orient;  Les  Chaldéens  jusqu'à  la  lorm.  de  l'empire  de  NaLuchodo- 
nosor;  Winckler,  Plagiat  (cp.  Revue,  1889,  n°'47et  48)  —  Mitzschke, 
Sigebotos  Vita  Paulinae  (cp.  Revue,  1889,  no  52), 

Magazin  fur  die  Litteratur  des  in-und  Auslandes,  n"  7  :  Vrchlicky,  Pepina, 
Novelle,  iibertr.  von  Grûn  (suite).  —  Hood,  Das  Lied  vom  Hemd, 
ûbertr.  von  Geilfus.  —  Chotzner,  Ein  modernes  englisches  Urtheil 
ûber  Heinrich  Heine.  —  Von  Suttner,  Josef  Freifeld.  —  Max  Koch, 
Ein  deutscher  Satiriker  der  Reformationszeit.  — Edm.  Bayer,  Nord- 
pers.  Volkslieder,  ûbers.  von  Fr.  Rûckert  (fin).  —  Tovote,  Berliner 
Biihnenbrief. 

Bulletin  international  de  l'Académie  des  sciences  de  Cracovie,  1890,  janvier  : 
On  insérera  désormais  dans  le  «  Corpus  poetarum  Poloniae  latinorum  » 
les  ouvrages  des  étrangers  ayant  quelque  rapporta  la  Pologne;  M.  Je- 
ziENicKi  publiera  les  poésies  de  Gorvinus  et  de  Lang;  M.  Sternbach 
éditera  Léonard  Coxus;  M.  Pelczar,  Hussovianus;  M.  Windakiewicz, 
Callimachus;  M.  Wizlocki,  les  Acta  Rectoralia  et  les  conclusiones  Uni- 
versitatis  Cracoviensis.  —  Résumés  :  Bibliothèque  des  auteurs  polonais 
du  xvi^  et  XVII*  siècle,  VI  et  VII  livr.  :  réimpressions  de  la  Vie  de  Jo- 
seph, de  Nicolas  Rey  et  de  PAlgoritmus  de  Thomas  Klos.  —  Kalina, 
Materialien  zur  Gesch.  der  bulgar.  Sprache.  — Ostrozynski,  Der  letzte 
Entwurf  eines  Strafgesetzes  u.  einer  Strafpiocessordnung  in  Polen.  — 
Krzyzanowski,  Die  Immunitatsprivilegien  Boleslav''s  V  fur  das  Kra- 
kauer  Bisthum.  * 


EDUCATION  EN  FAMILl.E 

Répétitions,   préparation   aux    examens,    langues   vivantes 

M.  ARNOULD  ROGIER 

Ancien  professeur  de  rhétorique 

82,    rue    Lauriston ,    Paris -Passy. 


Il 


1 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  2? 


N"  10  Vingt-quatrième  année  10  mars  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

R  K  C  U  E I  L      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  2  5  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M,  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  comjpte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

PETITE  BIBLIOTHÈQUE  AMÉRICAINE 

Publiée     par    M.    A.    PINART 
(tirée  à  100  exemplaires) 

I 

VOCABULARIO  CASTELLANO-CUNA 

In- 18  carré 5  fr. 

La  langue  Cuna  est  parlée  par  les    Indiens  de  la    cote,    entre   le 
Venezuela  et  les  frontières   de  Panama  et   de  Costa-Rica. 


GUIDE   ILLUSTRÉ 

AU    MUSÉE    GUIMET 

Par  L.  de  MILLOUE,  conservateur. 
In-i8,  richement  illustré i  fr. 


PÉRIODIQUES 

Revue  de  Belgique,  i5  février  :  Léon  Leclère,  La  tribune  française, 
1870-1889.  —  MiNNAicRT,  Souvenirs  d'Egypte.  —  Heins,  Un  coup'd'œil 
historique  sur  les  unions  professionnelles.  —  Potvin,  Nécrol.,  Ludwig 
Philippson. — Essais  et  notices:  Rahlenbeck,  Les  public,  de  l'Univ.  de 
Gand;  Em.  Lecleucq,  La  censure  et  la  liberté;  Ph.  Godet,  Hist.  littér. 
de  la  Suisse  française;  Lesigne,  La  tin  d'une  légende,  Vie  de  Jeanne 
dWrc;  Zubiaur,  Quelques  mots  sur  l'instruction  dans  la  Républ.  Ar- 
gentine. 

The  Académy,  n»  929  :  The  early  diary  of  Frances  Burney,  1768-78, 
edited  by  Annie  Raine  Ellis.  —  Todd,  On  parlamientary  government 
in  Lngland,  IL  —  Miss  Betham-Edwards,  llie  roof  of  France  or  the 
Causses  of  the  Lozère;  Davies  and  Mrs  Broughall,  Our  home  in 
Aveyron  ;  Martel,  Les  Cevennes  et  la  région  des  Causses.  —  Blyth, 
Lite  of  William  Ellis.  —  Some  points  of  English  orthography  in  the 
twelfth  century  (Napier).  —  A  new  mediaeval  legend  of  Virgil  (Crâne). 
—  Aeschylus,  Agamemnon  p.  p.  Verrall;  Supplices  p.  p.  Tucker.  — 
A  Babylonian  word  «  Ammatu  »  (Whitehouse).  —  Tw^o  aniiquarian 
books  :  WiLiAMsoN,  Trade  tokens  issued  in  the  sevententh  century,  I  ; 
Baryly,  New  studies  in  old  subjects.  —  A  Phoenician  inscription  in 
Cyprus  (Piérides). 

The  Athenaeum,  n°  3252  :  Sir  Charles  Dilke,  Problems  of  Greater  Bri- 
tain.  —  Abercromby,  A  trip  through  ihe'Eastern  Caucasus,  with  a  chap- 
ter  on  the  languages  of  the  country.  —  Réminiscences  of  Montagu  Wil- 
liams. —  A  hero  of  the  Dunciad.  —  Copyright  in  Canada.  —  Sir  John 
Hawkwood  (Mercer).  —  Notes  from  Cyprus  (Munro). 

LiterarisGhes  Ceutralblalt,  n»  9  :  Holder,  Die  christl.  Glaubenslehre.  — 
WûNscHE,  Der  babylon.  Talmud  II,  3.  —  Pappenheim,  Der  angebl. 
Heraklitismus  des  Skeptikers  Ainesidemos  (inacceptable).  —  Pflugk- 
Harttung,  Untersuch.  zur  Gesch.  Kaiser  Konrad's  II  (très  remarqua- 
ble). —  Die  Recesse  u.  andere  Acten  der  Hansetage  1256-1430,  Vl.  — 
Brenner,  Die  echte  Kartedes  Olaus  Magnus  i539  (répand  une  nouvelle 
lumière  sur  la  cartographie  du  xvi^  siècle).  —  Demosthenis  orat.  p.  p. 
Blass,  3  vols.  —  Papyrus  magica  musaei  Lugdun.  Batavi  p.  p.  Diete- 
RicH  (soigné).  —  Paul,  Grundriss  der  german.  Philologie  (remplira  le 
but  auquel  il  est  destiné).  —  Pallu  de  Lessert,  Fastes  de  la  Numidie 
sous  la  domin.  rom.  (cp.  Reviie^  1889,  n"  9).  —  Vkstner,  Verzeichniss 
der  an  den  Universitaten  existirenden  Stipendien  (à  ne  pas  recomman- 
der, inexact  et  rapidement  fait). 

Deutsche  Litteraturzeitun,^,  n°  8  •.  Hilgenfeld,  Lib.  de  aleatoribus.  — 
Chantepie  de  la  Saussaye,  Lehrbuch  der  Religionsgesch.  II  (peu  pro- 
fond). —  Barchudarian,  Leibniz  ein  Vorganger  Herbarts  (cp.  Revue, 
1889,  n°  5o).  —  MoRF,  Zur  Biogr.  Pestalozzis.  —  Huth,  Die  Zeit  des 
Kalidasa  (essai  très  heureux).  —  Genethliacon  Gottingense  (17  études 
diverses  en  l'honneur  du  i5o^  annivers.  de  la  fondation  de  PUniv.  de 
Gœttingue).  —  Orvar  Odds  Saga,  p.  p.  Boer.  —  Provenz.  Inedita  aus 
Pariser  Handschriften,  p.  p.  Apfel  (bon).  —  Von  Gutschmid,  Kleine 
Schriften,  p.  p.  Ruhl,  I,  zur  Aegypt.  u.  zur  Gesch.  der  griech.  Chrono- 
graphie  (i^""  vol.  d'écrits  qui  vont  révéler  l'érudition  gigantesque  de 
lauteur).  —  Nauroy,  Les  secrets  des  Bonaparte  (cp.  Revue,  1889, 
n"  129).  —  An.  Leroy  Beaulieu,  L'empire  des  tsars  et  les  Russes,  III. 
La  religion  (très  remarquable,  à  la  fois  pénétrant  et  impartial).  — 
Rembrandt  als  Erzieher,  von  einem  Deutschen.  —  A.  Schneider,  Der 
Process  des  Rabirius  betrefif.  verfassungswidrige  Gewalttat.  —  M.  Sche- 
RER,  Das  rhein.  Recht  u.  die  Reichs  ="und  Landesgesetzgebung,  I. 


Literaturblalt  fïir  germanische  imd  rouianische  Philologie,  n°  i  :  Burghauser, 
Die  Bild.  des  german.  Perfectstammes;  Indog.  Praesensbild.  im  Ger- 
man.  ;  Die  german.  Endsilbenvokale  u.  ihre  Vertretung  im  Gotischen, 
Altwestnord.,  Angelsachs.  u.  Althoch.  (de  bonnes  connaissances,  mais 
parfois  contestable).  —  WilcHTER,  Mai  u.  Beaflor  (singulier  mélange 
d'utile  et  d''in utile).  —  Loos,  Die  Bedeut.  des  Fremdwortes  fiir  die 
Schule,  eine  method.  Abhandl.  —  Spengler,  Der  verlorene  Sohn  im 
Drama  des  XVI  Jahrh.  (très  soigné  et  épuise  le  sujet).  —  Knortz,  Die 
deutschen  Volkslieder  u.  Miirchen  (deux  conférences  superficielles).  — 
Sarrazin,  Beowulf-Studien  (de  bonnes  pensées,  mais  manqué).  —  Tor- 
rent of  Portyngale,  p.  p.  Adam  (publication  très  recommandable).  — 
Jarntk,  Neuer  vollst.  Index  zu  Diez'  etymol.  Worterbuch  (cp.  Revue, 
1889,  n"  33).  —  Carnoy,  Les  contes  d'animaux  dans  les  Romans  du 
Renard  (travail  facile  et  qu'on  ne  peut  guère  recommander,  car  il  porte 
un  caractère  peu  scientifique).  —  Beaudous,  ein  alifr.  Roman  des  XIII 
Jahrh.  Roberts  von  Blois,  p.  p.  Ulrich  (Péditeur  fera  bien  de  consacrer 
une  plus  grande  attention  aux  volumes  suivants).  —  Lenient,  La  co- 
médie en  France  au  xvm''  siècle  (fait  avec  goût  et  savoir).  —  Gehring, 
J.-J.  Rousseau,  sein  Lcben  u.  seine  padagog.  Bedeut.  (peu  profond).  — 
Trojel,  Middelalderens  Elskovshoffer  (travail  sur  les  cours  d'amour  ; 
plus  de  lecture  et  de  savoir  philologique  que  d'esprit  scientifique).  — 
Vaschalde,  Hist.  des  troubadours  du  Vivarais,  du  Gévaudan  et  du 
Dauphiné  (sans  valeur  aucune).  —  La  stoiia  di  Apollonio  di  Tiro,  p.  p. 
Salvioni.  —  Vandriner,  Die  Paduan.  Mundart  bei  Ruzante.  —  Ro- 
BLEs,  Leyendas  de  José,  hijo  de  Jacob  y  de  Ale:;andro  Magno.  —  La 
loi  Gombette,  p.  p.  V.  Smith,  I,  II,  III.  —  Wendt,  Encyclop.  des  franz. 
Unterrichts. 

Theologische  Literaturzeitung,  n»  4  :  Vernes,  Précis  d'hist.  juive  depuis 
Jes  origines  jusqu'à  Tépoque  persane.  («  Il  suffirait  de  dire,  pour  juger 
l'ouvrage,  qu'il  veut  prouver  que  toute  la  littérature  de  PAncien -Testa- 
ment est  l'œuvre  des  écoles  juives  de  Jérusalem  de  400  à  200;  mais  ce 
serait  s'en  tirer  à  trop  bon  marché;  quiconque  ne  sera  pas  convaincu 
par  l'auteur,  fera  bien  d'examiner  les  arguments  de  ce  système  conçu 
avec  une  pénétration  et  une  clarté  extraordinaires  ».)  —  Josephi  Flavii 
opéra,  p.  p.  Niese,  V  (cp.  Revue,  n"  2).  —  Old-Latin  biblical  texts,  III; 
Le  palimps.  de  Fleury,  p.  p.  S.  Berger;  Stuttgardiana  versionis  sacra- 
rum  scripturarum  latinae  antehieronymianae  iVagm.,  p.  p.  Ranke; 
Codex  S.  Ceaddae  latinus,  p,  p.  Scrivener.  —  Harris,  The  rest  of  the 
Works  of  Baruch,  a  Christian  Apocalypse  of  the  year  i36.  —  Neumann, 
Der  rom.  Staat  u.  dieallgem.  Kirche  bis  auf  DiocieLian,  I  (travail  dis- 
tingué). —  Kessler,  Mani,  Forschungen  ûber  die  manichaische  Reli- 
gion, ein  Beitrag  zur  vergl.  Religionsgesch.  des  Orients,  I.  Vorun- 
teisuch.  u.  Quellen  (ouvrage  utile  par  sa  matière  diverse,  par  de  bonnes 
remarques,  par  de  nombreux  extraits  qui,  il  est  vrai,  ne  sont  pas  tou- 
jours cités  à  propos;  devra  être  consulté  avec  précaution^.  —  Leonhard, 
Roms  Vergangenheit  u.  Deutschlands  Recht. 

Magazin  fur  die  Litteratur  des  in-und  Auslaudes,  n°  8  :  Vrchlicky,  Pepina, 
ûbertr.  von  Edm.  Grûn.  —  Xanthippus,  Giosue  Carducci.  —  Tel- 
MANN,  Neue  Romane.  —  Brausewetter,  Neue  skandinavische  Dramen. 
~  AcHELis,  Aesthetische  Fragen.  —  Tovote,  Berliner  Biihnenbrief. 

ÉDUCATION  EN  FAMILLE 

Répétitions,    préparation   aux    examens,    langues    vivantes 

M.  ARNOULD  ROGIER 

Ancien  professeur  de  rhétorique 

82,    rue    Lauriston,    Paris -Passy. 


PH.  MAQUET,  et  C'«,  Editeurs  de  musique,  103,  rue  Richelieu,  Paris. 

ANCIENNE    MAISON    BRANDUS 


Solfè(je^  Harmonie^  Fiigue^  Composition. 


BEETHOVEN.  SiHudes,  ou  Traité  d'harmonie  et  de  composition, 
traduites  de  l'allemand  et  accompagnées  de  notes  critique,  d'une 
préface  et  de  la  biographie  de  Beethoven,  par  Fétis.  Deux  vol.  in-8, 
ornés  du  portrait  de  Beethoven  et  du  premier  essai  de  VAdéhûde 
en  fac-similé.   2^  édition.   Chaque  volume 15      » 

FETIS  (F.-J.).  Manuel  des  principes  cîe  musique,  à 

l'usage  des  professeurs  et  des  élèves.  2®  édition.  In-8° 3     » 

—  Solfèges  progressifs,  avec  accompagnement  de  piano, 

précédés  des  principes  de  la  musique.  In -4°  En  deux  parties  ; 
chaque 0     » 

—  Traité   d'accompagnement  de  la  partition  sur  le 

piano  et  l'orgue.  In-4'' 10      » 

—  :!^lanueB  des  compositeurs,  directeurs   de  musique, 

chefs  d'orchestre  et  de  musique  militaire,  ou  Traité  méthodi- 
que de  l'harmonie,  des  instruments,  des  voix,  et  tout  ce  qui 
est  relatif  à  la  composition,  à  la  direction  et  à  l'exécution  de 
la  musique.  In-8^' 10      » 

—  Traité  du  cliant  en  chœur,  rédigé  pour  l'usage  des 

directeurs  d'écoles  de  musique,  des  chefs  de  choeurs  d'églises, 

de  théâtres,  de  concerts  et  des  chefs  d'institutions.  In-4''  ....    12     »' 

—  Traité  complet  de  la  théorie  et  de  la  pra- 

tique  de    l'Harmonie.    Douzième    édition,    revue,  fj 

corrigée  et  augmentée  d'une  préface  philosophique  et  de  notes. 

1  vol.  in-80 15     » 

—  Traité  du  Contrepoint  et  de  la  Fugue,  nou- 

velle édition  revue,  corrigée  et  augmentée  d'un  grand  nombre 
d'exemples.  In-4o 40     n 

RODOLPHE.  Solfège,  nouvelle   édition    dans   laquelle  les    leçons 

trop  hautes  ont  été  baissées.  In-8û 4     » 

TIRPENNE.   ï»etit  solfège,  composé  spécialement  ponr  les  pen- 

.sionnats.  In-8« 2  5(]f 

—  Solfège   éléntentaire,    avec   accompagnement 

de  piano    lu- 4" ^     * 

Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saii-.t-Laurent,  2Î. 

Il 


N»  11  Vingt-quatrième  année  17  mars  4890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des   langues    orientales  vivantes,    etc, 
28,     RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directanent  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

COLLECTION  DE  REPRODUCTIONS  DE  MANUSCRITS 

PUBLIÉS    EN    PHOTOLITHOGRAPHIE 

Par  M.  L.  CLÉDAT 

Professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon 

CLASSIQUES  LATINS 

I.  CATULLE.  Manuscrit  de  Saint-Germain  des  Prés  (Bibl.  Nat., 
n°  141 37),  précédé  d'une  étude  de  M,  Emile  Châtelain,  i  vol. 
in-8 i5  fr. 

VIEUX  PROVENÇAL 

I.  LE   RITUEL   DU   NOUVEAU    TESTAMENT    PROVENÇAL 
DE  LYON.   I  vol.  in-8 3  fr. 


PÉIUODIQUES 

Bulletin  critique,  n°  5  :  Ciceronis  ad  Quintum  epistola  prima,  p.  p. 
Antoini:  (cp.  Revue,  1889,  n»  9).  —  Flach,  Etudes  crit.  sur  Tiiist.  du 
droit  romain  au  moyen-âye.  —  Luck,  Jeanne  d'Arc  à  Domremy  (recons- 
titution précieuse).  —  Vaschalde,  Le  Vivarais  aux  Etats-Généraux  de 
1789  (savantes  recherches). 

Revue  historique,  mars-avril  1890  :  A.  Waddington,  La  France  et  les 
protestants  allemands  sous  Charles  IX  et  Henri  III,  Hubert  Languet 
et  Gaspard  de  Schomberg.  —  Fr.  Flinck  Brentano,  La  Bastille,  d'après 
ses  archives  :  II,  La  Bastille-hôpital.  —  Farges,  Le  pouvoir  temporel 
au  début  du  pontificat  de  Grégoire  XVI,  d'après  la  corresp.  offic.  de 
Stendhal, —  Bulletin  :  P'rance  :  antiquité  latine,  II  (Sal.-Reinach)  ; 
moyen-âge  (Molinicr);  hist.  des  religions,  hist.  de  l'art  et  hist.  littéraire 
(G.  Monod).  —  Comptes-rendus  :  Soltau,  Rom.  Chronologie  (revue 
complète  de  tous  les  problèmes  débattus  entre  chronologistes,  solutions 
habilement  tenues  à  distance  des  extrêmes,  et,  dans  cette  moyenne,  des 
idées  neuves).  —  Pribram,  Beitrag  zur  Gesch.  des  Rheinbundes  von 
i658.  —  De  VoGiiÉ,  Rem.  sur  l'Expos.  du  Centenaire. 

Romania,  janvier  :  P.  Meyer,  Des  rapports  de  la  poésie  des  trouvères 
avec  celle  des  troubadours.  —  G.  Paris,  Henri  de  Valenciennes.  — 
WiLMOTTE,  Etudes  de  dialectologie  wallonne  (fin).  —  Mélanges  :  Phi- 
lippe de  Novare  (G.  P.);  une  rotruenge  en  quatrains  (P.  M.);  l'auteur 
du  Comte  d'Anjou  (G.  P.);  Le  conte  des  Trois  perroquets  (Te  Winkel); 
L'auteur  du  Contreblason  de  faulces  amours  (E.  Picot).  —  Comptes- 
rendus  :  Recueil  de  mélanges  philologiques  offerts  à  M.  G.  Paris  (An- 
derssen,  quelques  remarques  sur  l'amuissement  de  Vr  finale  en  fran- 
çais :  rare  finesse  et  don  remarquable  de  combinaison;  Euren,  Exem- 
ples de  Vr  adventice  dans  des  mots  français  :  utile  relevé;  Geijer,  Sur^ 
quelques  cas  de  labialisalion  en  français  :  intéressant  et  contient  des  re- 
marques pénétrantes;  Munthe,  Obsèrv.  sur  les  composés  espagnols  du| 
type  aliabierto  :  judicieux  et  nourri  de  faits;  et  Romance  de  la  tierra, 
chanson  popul.  astur.  :  curieux;  Nordfelt,  classific.  des  mss.  des  En-. 
fances  Vivien  :  système  qui  ne  convainc  pas;  Wahlund,  Deux  dise,  sur 
la  nation  et  la  langue  française  de  la  fin  du  xvi^  siècle  et  du  comm.  du 
xix";  VisiNG,  Les  débuts  du  style  français  :  indications  sommaires,  mais 
justes  et  fines;  Wulff  Un  chapitre  de  phonétique  andalouse  :  cp.  Re- 
vue, 1890,  n"  8).  —  Del  Lungo,  Dante  ne'tempi  di  Dante  (cp.  Revue, 
i88g,  no  21).  —  Bartoli,  Délie  opère  di  Dante,  La  Divina  Commedia, 
parte  H.  —  Rubio,  El  renacimiento  clasico  en  la  literatura  catalana; 
Menendez  Pelayo,  Discurso.  —  Le  Songe  de  Bernât  Metge,  p.  p.  Guar- 

DIA. 

Revue  rétrospective,  1"  mars  :  Corresp.  de  Villenave  et  de  miss  Tasset, 
1792. —  Souvenirs  de  Pons  de  l'Hérault,  1814-1815,  —  La  mort  de 
Louise-Gabrielle  de  Savoie,  reine  d'Espagne,  17 14.  —  Un  épisode  de  la 
prison  des  d'Orléans  à  Marseille,  1793.  —  Un  alarmiste,  1793.  — 
Trousseau  d'un  écolier,  1702. 

The  Academy,  n*  930  :  Law,  An  historical  sketch  of  confîicts  between 
Jesuits  and  Scolars  in  the  reign  of  Elizabeth  («  interesting  and  scho- 
larly  »)  —  Wedmore,  H.  de  Balzac  (<>  admirable  little  monograph  »).  — 
HiCKSON,  A  naturalist  in  North  Celebes.  —  Patmore,  Principles  in  art, 
etc.  —  Mitchell.  English  lands,  letters  and  Kings,  from  Celt  to  Tudor  j^ 

(suite  d'essais  qui  sont  à  lire).   —  Two  foreign  books  on  économies  "" 
(Freiland,  Ein  socialesZukunltsbiki;  Valras,  Élém.  d'econ.  polit,  pure, 
2'î  éd.)  —  Prof.  Lorimer  (not.  nécrol.)  —  John.  Lovell.  —  Mary  Fitton 
and  «  the  dark  lady  »  of  Shakspere's  Sonnets.  (Ch.  Stopes.)  —  The  date 


i 


of  the  Ruthwell  Cross   (Cook).  —  The   Epistle  to  the   Hebrews,  the 
Greek  text  with  notes  and  essays,  by  Westcott.  (rer  art.  —  Letter  from 

Egypt  (Sayce). 

The  Athenaeum,  n"  3253  :  Collinson,  Journal  of  H.  M.  S.  Eiflerprise 
on  the  exped.  in  search  of  Sir  John  Franklin's  ships  by  Behring  Strait; 
Clutterbuck,  The  skipper  in  Arctic  seas.  — The  Century  Dictionary,  an 
Encyclopaedic  Lexicon  of  the  English  language,  prepared  under  the 
superint.  of  W.  D.  Whitney,  6  volumes.  Vol.  I,  A.-Cono.  —  The  Fa- 
bles of  Aesop,  as  first  printed  by  William  Caxton  in  1484,  with  those 
of  Avian,  Aifonso  and  Poggio,  now  again  éd.  and  induced  by  J.  Jacobs, 
2  vols.  (Le  premier  volume,  sur  l'hist.  des  fables  d'Esope,  mérite  d'être 
bien  accueilli  des  amis  du  folklore).  —  Lippmann,  The  art  of  wood- 
engraving  in  Italy  in  the  fifteenth  ceniury.  (2"^  art.  sur  ce  livre  curieux 
et  intéressant  dont  l'auteur  fait  preuve  d'une  critique  saine  et  péné- 
trante). 

Deutsche  Litteraturzeitung;,  n»  9  ;  Die  Loci  communes  Melanchtons,  p. 
p.  KoLDE.  —  HôFFDiNG,  Ethik.  -  Shakspere-Primer,  p.  p.  Broder 
Carstens  (n'a  pas  dépassé  le  recueil  semblable  de  Bandow).  —  A.  So- 
ciN,  Arab.  Grammatik,  1^  Aufl.  (très  utile).  —  Stephan,  De  Herodiani 
technici  dialectologia  (bon).  —  Stephani,  De  Martiale  verborum  nova- 
tore  (fait  avec  grand  soin).  —  Freybe,  Luther  in  Sprache  u.  Dichtung 
(étude  populaire  contre  laquelle  la  science  doit  énergiquement  prolester]. 

—  Regulae  cancellariae  apostolicae,  Die  pabstl.  Kanzleiiegeln  von  Jo- 
hannes  XXII  bis  Nicolaus  V,  p.  p.  Ottenthal.  —  Birck,  Erzbischof 
Dietiich  von  Moers  und  Pabst  Eugen  IV.  —  A.  Stern,  Das  Leben  Mira- 
beaus  (travail  fait  avec  beaucoup  de  soin,  de  méthode  et  de  stàreté,  fort 
instructif  et  sans  prévention  .  —  Schmidels  Reise  nach  Sùdamerika 
1 534-  I  554,  nach  der  Munchener  Handschrift  p.  p.  Langmantel.  —  To- 

MAN,  Studien  uber  Jan  van  Scorel,  dem  Meisier  vom  Tode  Maria. 

—  No  10  :  Koetschau,  Die  Textiiberliefer.  der  Bûcher  des  Origene 
gegen  Celsus  (travail  fait  avec  soin  et  habileté).  —  Bâcher,  Aus  der 
Schrifteikl.  des  Abuhvalid  Merwan  Ibn  Ganah.  —  Rossbach,  u.  West- 
phal,  Théorie  der  mus.  Ktinste  der  Hellenen,  3^  éd.  III,  2,  Spec. 
griech.  Metrik  bearb.  von  Rossbach  (maintient  son  rang  pour  longtemps 
encore).  —  Bellermann,  Schillers  Dramen,  I  (sensé).  --  R.  Bauer,  Die 
subject.  Wend.  in  den  franz.  Karlsepen  (intéressant  pour  la  technique 
de  Tanc.  épopée  française).  —  Raphaël,  Die  Sprache  der  Proverbia, 
quae  dicuntur  super  natura  feminarum  fsoigné,  sans  rien  de  nouveau). 
Matzat,  Rômische  Zeitrechn.  2 1 9-1.  (méritoire). —  Lotheissen,  Zur 
Culturgesch.  Frankreichs  im  XVII  u.  XVIII  Jahrh.  (raisonnable). — 
Amtl.  Samml.  der  Akten  aus  der  Zeit  der  Helvet.  Republik,  «798- 
i8o3,  II.  —  Buttner,  Reisen  im  Kongolande.  —  Reisch,  Griech.  Weih- 
geschenke  (cp  Revue,  w"  4).  —  Exner,  Die  franz.  Armée  in  Krieg.  u. 
Frieden.  —  Coppée,  Gesch.  in  Prosa,  deutsch  von  Burger  u.  Nather 
(superficiel  et  plein  de  contre-sens). 

Deutsche  Rundschau,  mars  :  Riïmelin,  Ueber  denZufall.  —  H.  Conrad, 
Ernst  von  Wildenbruch  als  Dramatiker  (fin).  —  F.  X.  Kraus,  Frauenar- 
beit  in  der  Archâologie.  —  Egelha.af,  Die  Denkwurdigkeiten  des 
Herzogs  von  Sachsen-Coburg-Gotha.  —  Die  Berliner  Marztage  1848, 
ein  Brief  Graf  Rudolfs  von  Stillfried  Alcantara,  p.  p.  Kugler'.  —  Ro- 
denberg,  Fr.  Dingelstedt,  Bliitter  ausseinem  NachIass,  mit  Randbemer- 
kungen,  VI.  Der  kosmopolitischc  Nachtwachter  und  Geheime  Rath,  II. 
Stuttgart,  1843-1851.   —  Th.  Krause,  Aus  dem  Berliner  Musikieben. 

—  H.  Grimm,  Moritz  Carrière  et  Die  Bildsaule  \VaUher"s  von  der 
Vogelweidein  Bozen.  -—  Erklarung,  das  Vaticanische  Archiv  betreffend, 
von  K.  Schottmuller. 


PH.  MAQUET,   et  C'%  Editeurs  de  musique,  103,  rue  Richelieu,  Paris. 

ANCIENNE    MAISON    BRANDUS 

OUVI{AGi:S  D'ENSEIGNEMENT  MUSICAL 


Méthodes  de  Chant. 

KASTNKR  (G.).  Méthode  élémentaire  de  chant,  suivie  d'exercices  à  une  et  à  plu- 
sieurs voix,  et  de  six  morceaux  à  quatre  jmrties.  In-S» 3    » 

PANOFKA  (H.).   L'Art  de   chanter,  théorie  et   pratique,    suivi  du  Vade-mecum 
du    chanteur   et  de    vingt-quatre    vocahses.    In-l".    Pour    soprano, 

mezzo-soprano  ou    ténor 14    » 

—         Four   contralto,   baryton  ou  basse 14    » 

—  Abécédaire  vocal,  méthode  préparatoire  de  chant,  pour  apprendre   à 

émettre  et  à  poser  la  voix.    hi-8o 3    » 

Le  même,  en  espagnol.    In-8° 4    » 

Méthodes   de  Piano. 

KASTNER  (G.).    Méthode  élémentaire.   In-8° 3    » 

MOSCHKLES  et  FÉTIS.  Méthode  des  méthodes  de  piano,  basée  sur  l'analyse 
des  meilleures  méthodes  depuis  Ph.-Em  Bach  jusqu'à  Kalkbrenner,  et  sur 
la  comparaison  des  divers  systèmes  d'exécution  et  de  doigté  de  quelques  vir- 
tuoses modernes.   1 11-40.    Première  partie  (théorique) 9    » 

Deuxième  partie,  contenant  dix-huit  études  de  per- 
fectionnement, composées  expressément  pour  cette  méthode  par  Benedict, 
Chopin,  Dœhler,  Stephen  Heller,  Henselt,  Liszt,  Mendelssohn,  Méreaux, 
MoscHELÈs,  R0SENHAIN,    Thalberg   et  Ed.  Wolff 6    » 

ZIMMERMANN  (J.).  Méthode  élémentaire,  nouvelle  édition  refondue  par  Marc 
BuRTY  ^CIeorges  Bull)  ;  précédée  d'un  exposé  des  principes  de  la  musique  sur 
un  plan  nouveau  et  d'une  clarté  parfaite;  contenant  les  règles  principales  du 
doigté,  toutes  les  gammes,  des  exercices  combinés  avec  soin,  un  vocabulaire 
des  termes  de  la  musique,  de  nombreux  morceaux  récréatifs  et  progressifs  sur 
les  motifs  favoris  des  chefs-d'œuvres  lyriques  (Meyerbeer,  Auber,  Rossini, 
Ad.  Adam.  Flotow,  Maillart,  etc.l,  et  rédigée  dans  le  but  de  faciliter  la 
tâche  du  professeur  et  au  besoin  de  le  remplacer.  In-4~i 4     »^ 

Méthodes  d'instruments  divers. 

Basson.    Méthode  complète,    par  Wii.lent-Bordogni.  ln-4'^ 1-2    » 

Clarinette.  Méthode  élémentaire,  par  Kastner.   In-H» 3    » 

—  Petite  méthode,  par  Leroy.   In-S»  oblong 1  50 

Cor.  Grande  méthode  par  Gai.i.ay,  revue  et  augmentée  par  Lichtlé.  In-4°.     .  12    » 

—     Méthode  élémentaire,  par  Kastner.    In-80 3  » 

Cornet  à  pistons.  Méthode  complète  de  cornet  ou  de  saxhorn,  par  Arban  et 

Fessy.  In-40 (3  » 

—  Grande  méthode,  par  Guichard.     In- 4" 5  » 

—  Petite  méthode,  extraite  de  la  précédente,  par  Guichard.  In-8°.  4  » 

—  Méthode  élémentaii'e,  par  Kastner.  In-S" 3  » 

Flageolet.  Méthode  élémentaire,  par  Kastner.  In-S" 3  » 

Flûte    Méthode  élémentaire,  par  Kastner.  ln-8° 3  » 

—       Petite  méthode   par   Leroy.    In-8  oblong 1  50 

Harmonium.  Grande  méthode,  par  Fréd.  Buisson.   In -4° 9  » 

—  Méthode   complète,   par  Fessy.  ln-4°.  7  » 

Hautbois.   Méthode  élémentaire,    par   Kastner.  ln-8° 3  » 

Orgue  (à  tuyaux).  Manuel,   par  Fessy.    In-4" 3  » 

Saxhorn.  Méthode  complète  de  saxhorn  ou  de  cornet,  par  Arban  et  Fessy.  In-4».  fi  » 

—  Méthode  complète  de  saxhorn  et  saxotramba,  par  Sax.  111-40.     ...  •)  » 

Saxophone.  Méthode  complète,  par  Kastner    In  4» ^'^  *j 

Timbales.  Méthode  complète,   par  Kastner.  In-S» J  »1 

Trombone.  Méthode   complète,    par   Dieppo.  In- 4" ^  "J 

—  Méthode  complète,  par  Vobaron.  ln-4o ^  "^ 

—  Méthode  élémentaire,  par  Kastner.  In-S» '^'  *i;, 

Trompette.   Méthode  complète,  par  Kresser.  In-4o '"^  *ïl 

Violon     Ecole  du    violon,  grande  méthode  complète,  par  Guichard.  In-4o.     .  9  «I 

—  Petite  méthode  extraite  de  la  précédente,    par  Guichard.  In-b".     •     •  ^  ^\ 

—  Petite  méthode,    par   Leroy.    In-S»    oblong •  '  ^Oj 

—  Méthode  élémentaire,  par  Kastner.   In-S" ^  *|j 

Violoncelle.  Méthode   élémentaire,    par  Kastner.   In-S» 3  »|| 

Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 

^1 


H°  12  Vingt- quatrième  année  24  mars  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 

PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES    LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  ;  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
?.  franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
'c  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,  EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

HISTOIRE  DE  LOUIS  XII,  par  m.  de  Maulde 
LA  Clavière.  i""*^  partie.  Louis  d'Orléans.  Tomes  I  et  II. 
Chacun 8  fr. 


DE  LA  LANGUE  ET  DE  L'ECRITURE 
INDIGÈNES  AU  YUN-NAN,    par  m,  Paui 

ViAL,  missionnaire  apostolique.  In-8...» ,       2  5o 

RECHERCHES  SUR  LES  TREMBLE- 
MENTS DE  TERRE,  par  JuIcsCirard.  In.i8,  illus- 
tré  ..,,., 3  5o 


PÉRIODIQUES 

Revue  de  l'art  chrétien,  janvier  :  De  Rossi,  Cloches  avec  inscription 
dédicatoire,  du  viii"  ou  ix°  siècle,  trouvée  à  Ganino.  —  An.  de  Montai- 
GLON,  De  quelques  inscriptions  en  vers,  I.  —  Didelot,  Etudes  d'ana- 
glyptique sacrée,  IL  —  Mgr  Dehaîsnes,  L'art  à  Amiens  vers  la  fin  du 
moyen  âge  dans  ses  rapports  avec  l'école  flamande  primitive,  IL  — 
Mgr.  Barbier  de  Montaui.t,  Le  tableau  de  dévotion  de  la  collection  de 
Piolant,  à  Poitiers,  I.  —  Helbig,  Le  mariage  mystique  de  sainte  Cathe- 
rine, peinture  de  M.  x\nthony;  Restauration  des  églises  dans  le  N.  de 
l'Allemagne  et  ailleurs.  —  Mgr.  Barbier  de  Montault,  Revue  des 
inventaires. 

Tlie  Acaclemy,  n"  qS  i  :  Sir  Charles  Dilke,  Problems  of  Greater  Britain. 

—  Stowe,  Life  of  Harriet  Beecher  Stowe.  — Bingham,  The  marriages  of 
the  Bourbons.  —  Gastellani,  La  stampa  in  Venezia  (cp.  n"  présent  de 
la  Revue).  —  Delitzsch  (not.  nécrol.)  ■■ —  An  unknown  ms.  of  Dante  in 
the  Bodleian  (Moore).  —  The  date  of  the  Ruthwell  Cross  (Browne).  — 
Mrs  Mary  Fitton  and  Shakspere's  sonnets  (Tyler].  — Winter  darkness 
in  Iceland.  —  Mivart,  The  origin  of  human  reason.  —  Madhava  and 
Sayana  (Peterson).  —  Dehaisnes,  La  vie  et  l'œuvre  de  Jean  Bellegambe. 

—  The  Ajax  of  Sophocles  at  St.  Andrews. 

The  Athenaenm,  n°  3254  :  Palgrave,  O.  Gromw^ell,  the  protector,  an 
appréciation  based  on  contemporary  évidence  (selon  l'auteur,  Gromwell 
ne  reculait  devant  aucun  crime  pour  arriver  au  trône  et  y  établir  sa 
famille^.  —  Neilson,  Trial  by  combat.  —  The  source  of  «  The  ancient 
mariner  »  (Taylor).  —  The  fables  of  îvjoicrio;  (Neubruer),  —  The  oldest 
regimental  record.  —  Delitzsch  (not.  nécrol.)  — Evans,  The  Horsemen 
of  Tarentum,  a  contribution  towards  the  numismatic  history  of  Great 
Greece  —  Swinburne,  A  study  of  Ben  Jonson  (i"r  art.]. 

Neues  Archiv  der  Gesellschaft  fiir  seltere  deiitschc  Geschichtskunde,  XV,  2  : 
GuNDLACH,  Der  Slreit  der  Bistumer  Arles  u.  Vienne  um  den  Primatus- 
Galliarum  III,  fin  et  appendices.  —  Kurze,  Handschriftl.  Ueberliefer. 
u.  Quellen  der  Chronik  Reginos  u.  seines  Fortsetzers.  —  L.  von  Heine- 
MANN,  Diealteste  Translatio  des  heil.  Dionysius.  —  Kehr,  Die  Purpur- 
urkunde  Konrad  III  fur  Corvei.  —  Miscellen  :  Weiland,  Handschrif- 
ten  der  vormal.  kôn.  Handbibliothekzu  Stuttgart.  — Sacrur,  Zu  Petrus 
de  Ebulo.  —  Weiland,  Verse  auf  Kaiser  Friedrich,  I.  —  Werner, 
Latein.  Ged.  des  XII  Jahrh.  — ■  Friedlaender,  Eine  ungedr.  Urkunde 
Konrad  IV.  —  L.  M.  HarTxMamn,  Zur  Chronologie  derBriefe  Gregors  I. 

—  Altmann,  Bruchstiicke  aus  dem  Liber  Gancellariae  Apostolicae.  — 
Nachrichten. 

Zeitscbrift  fur  romanische  Philologie,  1889,  XIII,  3-4  :  Eggert,  Entwickl. 
der  normand.  Mundart  in  Départ,  de  la  Manche  u.  auf  den  Insein 
Guernesey  u.  Jersey.  —  Behrens,  Etymologisches.  —  Lang,  Tradiçoes 
populares  açorianas.  —  Bonnier,  Etude  critique  des  chartes  de  Douai, 
1 203-1275.  —  Schuchardt,  Beitr.  zur  Kenntniss  des  kreolischen  Roma- 
nisch.  —  Vennischtes  :  Schuchardt,  Roman.  Etymol.  —  Foerster, 
Volantiers.  —  Grôber,  Franz,  f.  aus  -d-.  —  Tobler,  —  Port,  cortves, 
meliana.  —  Besprechungen  :  Giov.  Sercambi,  nov.  ined.,  p.  p.  Renikr. 
Stimming,  Ueber  den  provenz.  Girart  von  Rossillon.  —  Malmignati,  11^ 
Tasso  a  Padova. — Ebert,  Allgem.  Gesch.  der  Liter.  des  Mittelalters 
im  Abendlande.  ~  Il  Propugnatore;  Archiv  fur  das  Studium  der  neue 
ren  Sprachen  ;  Giorn.  stor.  délia  letter.  ital.  ;  Romania. 

Deutsche  Litteraturzeituug,  n"  u  ,:  Bonvs^etsch  u.  Seeberg,  Thomasius 
Dogmengesch.  II,  2.  —  Reusch,  Index  librorum  prohibitorum  von 
Parma.  —  Salemann  u.  Shukovski,  Persische  Grammatik;  Wahrmund, 


^1 


Prakt.  Handbuch  der  neupers.  Sprache  (deux  ouvrages  qui  seront  très 
utiles,  chacun  à  leur  façon).  —  Landgraf,  Unters.  zu  Càsar  u.  seinen 
Fortsetzern,  insb.  ûber  Âutorschaft  u.  Compos.des  Bellum  Alexandr.  u. 
Afric.  (savant,  sagace,  avance  la  question  et  lui  fait  faire  un  pas  essen- 
tiel, quoiqu'on  n'approuve  pas  la  méthode  et  quelques-uns  des  résul- 
tats de  l'auteur).  — Schmalz,  Ueber  den  Sprachgebr.  desAsinius  Pollio, 
Cic.  ad  famil.  X,  3i-33,  2^=  ed,  —  Meister  Stephans  Schachbuch,  II, 
p.  p.  ScHLÛTER.  —  JuRiTscH.  Otto  vou  Bamberg  (cp.  Revue,  n°  1 1).  — 
Ranke,  Weltgesch.  IX,  i  :  Zeiten  des  Uebergangszur  modernen  Welt; 
2  :  die  Epochen  der  neu:;ren  Gesch.  —  Nordhoff,  Haus,  Hof,  Mark 
u.  Gemeinde  Nordwestfalens  im  histor.  Ueberblicke.  —  Màspero,  Ae- 
gypt.  Kunstgesch.  deutsche  Ausg.  von  Steindorff  (trad.  aisée  et  fidèle 
d'un  excellent  ouvrage).  —  Roskoschny,  Das  arme  Russland.  —  Ar- 
chaolog.  Gesellsch.  zu  Berlin  (4  février). 

Berliner  philologische  V/ochensclirift,  n"  9  :  Neue  Ausgrab.  Schliemanns 
im  Hissarlik  Hugel,  die  Aschenurnen  (Sittl). —  Programme  :  Straube, 
Durch  welche  Mittel  gelang  es  den  Patriziern,  in  der  zweiten  Période 
des  Stiindekampfes  die  Plebejer  von  der  obersten  Magistratur  fernzu- 
halten  ;  Manus,  Die  Jagd  bei  den  Griechen  ;  Conrad,  Mark  Aurels  Mar- 
komanenkrieg  ;  Wilsdorf,  Beitr.  zur  Gesch.  von  Marseille  im  Alter- 
tum.  —  Iliad,  XIII-XXIV  p.  p.  Monro.  —  Demosthenes,  ausgevv.  Re- 
den,  p.  p.  WoTKE,  2*  éd.  —  L.  Levi,  L'Euxenippea  d'Iperide  con  in- 
trod.  e  note  (jugement  sain).  —  E.  A  Wagner,  Die  Erdbeschreib.  des 
Timosthenes  von  Rhodus  (première  et  bonne  monographie  sur  le  sujet). 

—  Frohlich,  Das  Kriegswesen  Ciisars,  I  Schaff.  u.  Gestalt.  der  Kriegs- 
mittel  (mérite  l'éloge  et  doit  être  lu  de  tous  les  amis  de  César).  —  G. 
Scheffer,  Les  campagnes  de  Vercingétorix.  (écrit  à  «  l'usage  du  peu- 
ple »  et  fait  du  sénat  romain  un  assemblage  de  coquins  expérimentés  et 
de  César  un  grand  faiseur  et  un  grand  voleur).—  Heisterbergk,  Fragen 
zur  ait.  Gesch.  Siciliens  (cp.  Revue,  1889,  n°33).  — Buechner,  De  neo- 
coria  (cp.  Revue,  1889.  n"  3). —  Reisert,  Zur  Attraktion  der  Rela- 
tivsâtze  in  der  griech.  Prosa  (clair,  sensé,  a  presque  toujours  raison).  — 
GiLLHAUSEN,  Prakt.  Schulgramm.  der  latein.  Sprache,  10^  éd.  p.  p. 
MoiszissTziG.  —  Dettweiler,  Die  Erschliessung  der  Gegenwart  aus 
dem  Altertum  als  Aufgabe  des  humanistischen  Gymnasiums.  —  Zur 
Gesch.  der  Géographie  bei  den  Neugriechen,  I.  Sitzungsber.  der  kgg. 
Preuso.  Akademie  der  Wissensch.  zu  Berlin. 

—  N"  10  :  SynonymaCiceronis(Beck).^ — Programme  :  Haage,  Wert 
der  Freundschaft  nach  der  antiken  u.  christl.  Anschauung;  Stephan, 
Krit.  Unters.  zur  Gesch.  der  Westgoten,  372-400,  I;  Kleinen,  Die 
Einftihr.  des  Christentums  in  Koln,  II;  Urban,  Das  alte  Ratien  u.  die 
rôm.  Inschriften;  Puls,  Das  Wesen  der  subjektlosen  Satze,  III; 
P.  Martin,  Stud.  auf  dem  Gebiete  des  griech.  Sprûchwortes;  Rudert, 
Zwei  Kapitel  aus  der  griech.  Schulsyntax.  —  Prf.ger,  de  epigramm. 
graecis  meletemata  selecta,  ace.  Cyriaci  Anconitani  fragm.  (fait  avec 
méthode  et  une  critique  réfléchie,  et  obtient  des  résultats).  —  Rawack, 
de  Platonis  Timaeo  quaest.  crit.  (méritoire).  — Aulularia  p.  p.  Langen. 

—  Cramer,  Dasinfinitiv  bei  Manilius  (soignée—  Deltour,  Hist.  de  la 
littér.  romaine,  I  (n'a  rien  de  scientifique,  simplement  populaire,  et  en 
partie  très  «  vieilli  »).  —  Das  rôm.  Lager  in  Bonn,  mit  zwei  Planen, 
hrsg.  vom  Verein  von  Altertumsfreunden  im  Rheinlande.  —  Zur  Gesch. 
der  Géographie  bei  den  Neugriechen,  II.  (Hirschfeld).  —  Sitzungsber. 
der  preuss.  Akad.  der  Wiss.  zu  Berlin. 

Gœttingische  gelehrte  Auzeigen,  no  4  :  Egenolff,  Die  orthogr.  Stûcke  der 
byzantin.  Litteratur  (très  bon).  — Teletos  reliq.  p.  p.  Hknse,  prolego- 
mena  (à  approuver,  mais  diffus).  — Bergk,  griech.  Litteraturgesch.  IV, 


p.  p.  PEppMÛLLKR(très  long  art.  de  Crusius.  Bergk  apparaît  ici,  avec  ses 
brillantes  qualités  et  ses  graves  faiblesses). 

Magazin  fiir  die  Literatur  des  In-und  Auslandes,  n"  9  :  Wrchlicky,  Pepina, 
ûbertr.  von  Grûn.  —  Carducci,  Hymnus  an  den  Satan,  ûbertr.  von 
Wilm.  —  MiiNz,  Das  Milrchen  von  Iwan  dem  Narren  —  von  Kra- 
JEWSKA,  Zwei  neue  Romane.  —  Wittich,  Franz.  Kinderlieder.  — 
E.  G.  preuss.  Gesch.  von  W.  Pierson.  —  Nitzschmann,  Silva  rerum.  — 
TovoTE,  Berliner  Biihnenbrief. 

No  10  :  Vrchlicky,  Pepina,  Novelle,  ûbertr.  von  Grûn  (fin).  — 
ScHATTENTHAL,  Aus  der  magyar.  Lyrik,  Uebertr.  nach  Jakob  u.  Prem). 
—  Berghaus.  Degeneration  der  Rasse  in  Frankreich.  —  Dresdner,  Fr. 
Spielhagens  Lebenserinnerungen.  —  Xanthippus,  zu  Fritz-Reuter  Lit- 
teratur.  —  Groth,  zur  Geschichtsliteratur  Frankreichs.  —  Kaberlin, 
Die  Freie  Bûhne,  VI.  —  Tovote,  Berliner  Biihnenbrief. 

Theologische  Literatiirzeitung,  n°  5  :  Hagenbach's  Encycl.  u.  Method. 
der  theol.  Wissensch.  12®  éd.,  p.  p.  Reischle.  —  Lober,  Die  gesich.  Er- 
gebn.  der  Bibelkritik  u.  das  von  uns  verkûndete  Gotteswort  ;  Johans- 
soN,  Die  heiJige  Schrift  u.  die  négative  Kritik.  —  Vortrage  der  theolog. 
Konferenz  zu  Giessen,  20  Juni  1889.  —  The  Psalms  in  Greek  accor- 
ding  to  the  Septuagint,  p.  p.  Swete.  —  Renan,  hist.  du  peuple  d'Israël, 
II  (très  supérieur  au  premier  volume).  —  Hannion,  Le  sens  du  verset 
7^,  Gen.  IV.  —  Marti,  Der  Prophet  Jeremia  von  Anatot.  —  Schaff,  a 
companion  to  the  Greek  Testament  and  the  English  version.  —  Wil- 
PERT,  Principienfragen  der  christl.  Archaologie;  Schultze,  Die  ait- 
christl.  Bildwerke  u.  die  wissensch.  Forschung.  —  Amiaud,  La  légende 
syriaque  de  saint  Alexis,  l'homme  de  Dieu  (recherches  solides  et  utiles). 

GUIDES   BAEDEKER 

NOUVELLES    ÉDITIONS    FRANÇAISES 

BLe  IVoB'd   de  la  IFranc©  jusqu'à  la  Loire o 7  50 

ÎLe  Centre  de    la  IFranee 6  25 

l^e  I^lidi  de  la  B^rance  et  la  Corse 10  » 

Italie  septentrionale  jusqu'à  Livourne,   Florence  et  Ra- 

venne 7  50 

Italie  centrale  et   Rome 7  50 

Avec  nombreuses  cartes,  plans  de  villes,  panoramas,  etc. 

ERNEST  LEROUX,  EDITEUR,  28,  RUE  BONAPARTE,  28. 

SOUS   PRESSE 

Catalogue  de  livres  provenant  de  la  Bibliothèque  de    M.  Félix  Derenémesnil, 
chef  honoraire  des  travaux  à  l'Imprimerie  Nationale. 

Catalogue  des  livres  composant   la  Bibliothèque   de   M.   Pavet   de  Courteille, 
membre  de  l'Institut,   professeur  au  Collège  de  France,  etc. 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  aS. 


N**  13  Vingt-quatrième  année  31  mars  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,   20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 
DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,     RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Re.vu&:.  Rue  Eonaparie^  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


I  ERNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

PUBLICATIONS    DU   MUSÉE  GUIMET 


BIBLIOTHEQUE  DE  VULGARISATION 

COLLECTION   DE   VOLUMES  IN-18  JÉSUS  A    3  FR.   50 

I 

Les    Moines    égyptiens.     I.    Histoire   de    Schnoudi,   par   E. 
Amélineau.     In-i8,   avec   un   portrait 3  fr.  5o 

II 

Précis   de    l'Histoire    des    Religions   tle   l'Inde,    par 

L.  DE  MiLLouÉ.  Illustré  de  20  dessins  hors   texte,   in- 18.     3  fr.  5o 


PÉRIODIQUES 

Bulletin  critique,  n"  6  :  Rksch,  Agrapha,  Aussercanonische  Evangelien- 
fra^mcnte.  —  Appleton,  Hist.  de  la  propriété  prétorienne  et  de  raction 
publicienne  (œuvre  capitale  où  abondent  théories  neuves  et  aperçus 
originaux).  —  Guyau,  La  morale,  l'art  et  la  religion  et  Education  et 
hérédité.  —  Rec.  des  instr.  données  aux  ambass.  de  France,  Bavière, 
Palatinat,  Deux-Ponts  (intéressant).  —  Quellien,  Chansons  et  danses 
des  Bretons  («  un  des  livres,  trop  rares,  qui  font  le  mieux  comprendre 
l'intérêt  delà  poésie  populaire  ».  Cp.  Revue,  1889,  n°s  i-j  et  18). 

La  Révolution  française,  14  mars  :  Société  de  l'histoire  de  la  Révolution, 
rapport  du  secrétaire  général.  —  Souquet,  Pierre  Bayle  libre  penseur 
et  politique  (suite  et  fin).  —  Aulard,  La  diplomatie  du  premier  Comité 
de  salut  public,  Hollande,  Piusse,  Autriche,  Piémont,  Espagne.  — 
ViGiNiER,  L'affaire  de  Castelnau-Montratier.  —  Chronique  et  bibliogra- 
phie :  Discours  de  M.  Colfavru;  Robert  et  Cougny,  Dictionnaire  des 
parlementaires  (notes  très  instructives  de  M.  Kuscinski  qui  rectifient 
des  erreurs).  — Wallon,  Les  représentants  du  peuple  en  mission,  III 
et  IV  (cp.  Revue,  n°  5  et  le  n»  prochain). —  G.  Feugère,  La  Révolution 
française  et  la  critique  contemporaine  (hâtif,  superficiel,  inutile).  —  De 
Pressensé,  L'Eglise  et  la  Révolution  française,  o^  édit.  (livre,  non 
d'histoire,  mais  de  doctrine,  et  d''une  doctrine  noble  et  libérale). 

The  Academy,  n°  932  :  O.  Browning,  Life  of  Georges  Eliot.  — 
L.  Léger,  A  history  of  Austro  Hungàry  from  the  earliest  time  to  the 
year  1889,  translated  by  Mrs  Hill,  wirh  a  préface  by  Freeman  (ouvrage 
très  utile,  conçu  sur  un  plan  original,  d^ailleurs  traduit  avec  grand 
soin).  —  Mrs  Smedes,  A  southern  planter.  —  G.  Freytag,  The  Crown 
Prince  and  the  German  Impeiial  Crown,  transi,  by  Duncan.  —  Lebarc 
Hist.  crit.  de  la  prédic.  de  Bossuet  (cp.  Revue,  n^  i  ij-  —  Some  books  oïl 
the  colonies  :  Heilprior,  The  Bermuda  jslandi.;  Bell,  Obeah  ;  Bulke| 
LEY,  The  lesser  Antilles;  Pa-ton,  missionary  to  the  New  Hébrides. 
The  orthography  of  the  Ormulum  (Napier).  —  Cock  (Murray).  —  Th( 
invention  of  printing  (Hessels^.  —  Early  contact  between  Celts  ana 
Slavs  (Krebs).  —  The  University  of  Tomsk  (Alexandrenko).  —  Th| 
epistle  to  the  Hebrews,  the  Greek  text  with  notes  and  essays,  by  Wesi 
COTT  (2*^  art.).  —  Madhava  and  Sayana  (Bendali). 

The  Athenaeum,  n"  3255  :  Corresp.  between  Pitt  and  Charles  duke  of 
Rutland.  —  Ivor  James,  The  source  of  the  Ancient  Mariner.  —  Sal- 
moné,  An  Arabic-English  Dictionary  on  a  new  system,  2  volumes  (fait 
avec  grand  soin  et  témoigne  de  recherches  pénibles  et  minutieuses;  le 
système  adopté  est-il  pratique  pour  les  commençants?).  —  Miss  Bradley, 
Life  of  the  Lady  Arabella  Stuart.  —  The  tables  of  Kybises  (Jacobs).  — 
Thom.as  Guy  as  a  publisher  (Bettany).  —  Unpublished  verses  of  by 
Coleridge.  —  Bronze  shields  (Peacock).  —  Notes  from  Cyprus  (Tubes). 

Literariscbes  Centralblatt  n°  10  :  Friedrichson,  Gesch.  der  Schifîahrt, 
Bilder  aus  dem  Seewesen  (mauvais  :  style  enflé  jusqu^à  être  comique, 
illustrations  faibles).  —  Kartenskizze  der  allen  Welt  und  Zeittafel  von 
i5oo  vor  Christus  bis  1492  nach  Christus  (incorrect  à  tous  égards). — 
Henne  am  Rhyn,  Die  Frcimaurer,  deren  Ursprung,  Geschichte,  Vertasij 
sung.  Religion  u.  Politik  (petit  écrit  apologétique).  —  Resolutien 
genomen  by  de  vroedschap  van  Utrecht,  betrefïende  de  illustre  school^ 
en  de  Académie  in  hare  stad  van  de  garen  1 632-1 693,  p.  p.  Wjjnne.— T 
Erinner.  aus  dem  Leben  des  Feldmarschalls  Hermann  von  Boven,  p.  p| 
Nippold  II  (intéressant).  —  Von  Hormann,  Die  Jahreszeiten  in  deif 
Alpen.  —  Bugge,  Beitr.  zur  etymolog.  Erlcuter.  der  armen.  Sprache 
(très  instructif  et  neuf).  —  Fugner,  Lexicon  Livianum,  partim  ex  Hil-| 


debrandi  schedis,  I  (recueil  qui  promet  d'être  très  exact  et  complet).  — 
Gagnât,  L'année  épigraphique,  revue  des  public,  épigr.  relat.  à  Tantiq. 
rom.  1888  (Recueil  très  utile).  —  Ghurch,  Bacon  (petit  livre  recom- 
mandable).  —  Shakspeare,  Hamlet,  trad.  par  Polylas  (trad.  en  grec 
moderne).  —  Riegl,  Die  mittelalteiliche  Kalenderiliustration,  ihr  Ur- 
sprung  u.  ihre  Entwickel,  bis  zur  vollstandigen  Ausbild.  der  Typen  im 
XI  Jahrh  (recherches  solides,  menées  avec  soin,  intéressantes  par  leur 
sujet  et  riches  en  résultats).  —  Dessoir,  K.  Ph.  Moritz  als  Aesthetiker 
(petite  ^tude  soignée).  —  Castellani,  L'origine  tedesca  e  olandese  dell' 
invenz.  délia  stampa;  La  stampa  in  Venezia  (cp.  Revue,  n°  12). 

—  N"  II  :  WuNDT,  System  der  Philosophie.  — Kiepert,  Wand- 
karte  von  Alt-Gallien  u.  der  Reiche  der  Perser  u.  Macedonier.  — 
RicHTER  u.  KoHL,  Annaleu  des  deutschen  Reiches  im  Zeitalter  der  Ot- 
tonen  u.  Salier,  I  {cp.  Revue,  n°  12).  — Treitschke,  Deutsche  Ges- 
chichte  im  XIX  Jahrhundert,  IV.  bis  zumTode  Konig  Friedrich  Wil- 
helms  111.  (Beaucoup  de  matériaux  mis  habilement  en  œuvre.)  — 
Ernst  II  von  Sachsen  Goburg  Gotha,  Aus  meinem  Leben  u.  aus  meiner 
Zeit.  (Toujours  riche  en  communications  intéressantes  et  instructives.) 

—  OsTROGORSKi,  Dc  l'orgaulsation  des  partis  politiques  aux  Etats-Unis, 

—  W.  Geiger,  Elementarbuch  der  Sanskritsprache.  (Réunit  les  mérites 

de  Stenzler  et  de  Biihler).   —  Gâtai,  codicum  graecorum  in  bibl.  Vra- 

tislav.  —  Marcelli  de  medicamentis  liber,  p.  p.    Helmreich.  (Travail 

fait  avec  soin.l  —  Minor,  Schiller,  sein  Leben  u.  seine  Werke,  I  ;  Welt- 

RiCH,  Fr.  Schiller,  Gesch.  seines  Lebens  u.  Gharakteristik  seiner  Werke, 

12  Liefer.  (Le  i"  vol.  de  Minor  et  la  2*  livr.  de  Welttrich  sont  arrivés 

au  même   point  ;  le  point  de  vue  est  plutôt  esthétique  chez  Minor,  et 

critique   chez  Weltrich.)   —  Knight,  Wordsworthiana  ;  Wordsworth, 

Complète  poetical  works,  The  recluse;  sélect,  from  Wordsworth,  p.  p. 

George.   —  Bugge,   Studien  iiber  die  Entstehung  der  nord.  Gotter  = 

und  Heldensagen.  (Renferme  une  foule  de  remarques  fines  qui  rendent 

ce  livre  indispensable  à  quiconque  s'occupe  des  mythes  et  de  la  poésie 

du  nord  ;  mais  on  ne  peut  approuver  le  résultat  en  son  ensemble.) 

N"  j  2  :  NippOLD,  Karl  von  Hase.  —  Jodl,  Gesch.  der  Ethik  in  der 
neueren  Philosophie,  II,  Kant  u.  die  Ethik  im  XIX  Jahrh.  —  Gutt- 
mann,  Die  Philos  des  Salomo  ibn  Gabirol.  (Avicebron.)  dargest.  u. 
erlautert  (recommandable).  —  Alfr.  von  Gutschmid's  Kleine  Schriften, 
hrsg.  von  Rûhl,  I,  Schriften  zur  Aegyptol.  u.  Gesch.  dergriech.  Chro- 
nographie.  —  Liber  fundationis  episcopatus  Vratislaviensis,  p.  p.  Mar- 
ckgraf  u.  ScHULTE.  —  Jaccard,  L'églisc  française  de  Zurich,  une  page 
de  l'histoire  du  grand  refuge.  (Très  important  pour  l'hist.  du  protestan- 
tisme français.)  —  Kennan,  Sibirien,  deutsch  von  Kirchner.  —  Schmitt, 
Ueber  den  Ursprung  des  Substantivsatzes  mit  Relativpartikeln  im  grie- 
chischen  (soigné).  —  Hôlzer,  Beitrage  zu  einer  Théorie  der  latein. 
Semasiologie.  (L'auteur  a  des  idées,  mais  sa  pensée  est  indisciplinée  et 
souvent  obscure,  aussi  n'est-il  pas  arrivé  à  un  clair  résultat.) —  Sir  Phi- 
lipp  Sidney,  Astrophel  and  Stella  u.  Defence  of  poésie,  p.  p.  Flugel 
(édition  aussi  parfaite  qu'on  peut  le  souhaiter).  —  Fr.  Schlegel's  Briefe 
an  seinen  Bruder  August  Wilhelm,  p.  p.  Walzel  (recueil  de  matériaux 
précieux  et  fort  bien  annotés).  —  Socin,  Ausfuhrl.  Lehrb.  der  vereinf. 
Sténographie.  —  G.  Schuchardt,  Schliemann's  Ausgrab.  in  Troja,  Ti- 
ryns,  Mykenae,  Orchomenos,  Ithaka,  im  Lichte  der  heut.  Wissensch. 
dargestellt  (très  instructif  et  suggestif.  —  Mlïller-Walde,  Leonardo  da 
Vinci,  Lebensskizze  u.  Forch.  iiber  sein  Verhaltniss  zur  fiorentiner 
Kunst  u.  zu  Rafaël,  —  Horschelmann,  Culturgesch.  Cicérone  fiir  Ita- 
lien-Reisende,  II.  Das  Zeitalter  der  Hoch  Renaissance  in  Italien. 


LIBRAIRIE      HACHETTE     ET     C'« 

79,    BOULEVARD    SAINT-GERMAIN,    PARIS. 

LA  FONTAINE  (J.  de) 

ŒUVRES 

Nouvelle  édition,  revue  sur  les  autographes  et  sur  les  plus  anciennes  impressions, 
augmentée  de  variantes,  de  notices,  de  notes,  d'un  lexique  des  mots  et  locutions 
remarquables,  d'un  portrait,  de  fac-similés,  par  M.  Henri  Régnier.      é 

Ce  volume  comprend  :  Contes  et  Nouvelles.  Poèmes. 

Mise  en  vente  du  tome  VI.  jl 

Un  volume  in-8,  broché 7  fr.  5o 

EN  VENTE  : 

Tome  I  :  Avertissement.  —  Notice  biographique.  —  A  Monseigneur  le  Dauphin. 
—  Préface  —  La  vie  d'Ésope  le  Phrygien.  —  .\  Monseigneur  le  Dauphin.  —  Fables 
(livres  I  à  V). 

Tome  II  :  Avertissement.  — Fables  (livres  VI  à  IX).  —  Appendice. 

Tome  III  ;  Fables  (livres  X  à  XII).  —  Appendice. 

Tome  IV  et  V  :  Contes  et  nouvelles. 

Chaque  volume  in-S"  broché,  7  fr.  50. 

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Marie    Manciui.  —    La   reine   Christine.    —    Une    princesse    arabe. 
La  duchesse  du  Maine.  —  La  margrave  de  Bayreuth. 

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DU    MÊME   AUTEUR    : 

PORTRAITS  DE  FEMMES-  Madame  Garlyle.  —  George  Eliot.  —  Une  détraquée] 
—  Un  couvent  de    femmes  en  Italie  au  xvi<=  siècle.  —  P.*ychoIogie  d'une  sainte] 

Un  volume  in-lG,  broché 3  fr.  50 

Ouvrage  couronné  par  l'Académie  française. 

ESSAIS  ET  FANTAISIES-  1  vol.  in-16,  broché 3  fr.  50" 

FRANCK  (Ad.) 
Membre  de  l'Institut,  professeur  honoraire  au  collège  de  France. 

NOUVEAUX  ESSAIS  DE  CRITIQUE  PHILOSOPHIQUE 

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Victor  Cousin.  —  Le  nouveau  spiritualisme.  —  L'irréligion  de  l'avenir.  —  Les 
principes  de  la  morale  —  Les  principes  du  droit.  —  Études  familières  de  psycho- 
logie et  de  morale.  —  Le  gnosticisme  égyptien.  —  La  philosophie  ancienne.  —  Hu- 
gues de  Saint- Victor.  —  La  philosophie  religieuse  en  Angleterre. 

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ROCHEBLAVE  (Samuel) 
Professeur  au  lycée  Louis-le-Grand,  docteur  es  lettres. 

ESSAI  SUR  LE  COMTE  DE  CAYLUS 

l'homme  —  l'artiste  —  l'antiquaire 
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HAVET  (Louis) 

Professeur    au    collège    de    France. 

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N°  14  Vingt-quatrième  année  7  avril  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

R  K  C  U  E  1  I.       H  E  »  D  O  M  A  D  A  I  R  K      ' 


Directeur  :  A.  CMUQUEl' 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris.   20  iV.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25   fr. 

PARIS 

ERNEST    LEROUX, ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,      RUE    BONAPARTE,      28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 

KKNEST  LEROUX,    KDIIEL'R,   RUE   BONAPARTE,   28 

PUBLICATIONS  DE  UÉCOLE  DES  LETTRES  D^ALGER 

BULLETIN  DE  CORRESPONDANCE  AFRICAINE 

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NOTICE  SUR  LA  CARTE  DE  L'OGOOUÉ 

PAR  E.  CAT 

Un  volume  in-8,  avec  carte 3  fr. 

II 

IIlSTOlRi:  DU  PATRIARCHE  COPTE  ISAAC 

Etude    critique,    texte    copte    et    traduction 
par  E.  Amélineau, 

Un  volume  in-8 5  fr. 


PÈKIODIQUES 

Revue  des  Etudes  grecques,  n°  8.  —  Documents  administratifs.  —  Dis- 
cours prononcé  par  M.  Croiset  aux  obsèques  du  marquis  de  Queux  de 
Saint-Hilaire.  —  Darfste,  Du  droit  de  représailles,  principalement  chez 
les  anciens  Grecs.  —  Weil,  Observations  sur  les  fragments  d'Euripide, 
—  CosTOMUus,  Les  écrits  inédits  des  anciens  médecins  grecs.  —  Notes  et 
Documents  :  Th.  Reinach,  Noms  méconnus  :  Babyrtas.  —  IIuklle, 
Note  additionnelle  sur  le  chant  des  sept  voyelles  grecques.  —  Vai'ié- 
tés  :  S.  Reinach,  Lettre  inédite  de  Bœckh  à  Raoul  Rochette,  au 
sujet  de  la  peinture  murale  chez  les  anciens.  —  Chronique  :  Bulletin 
archéologique  (T.  R.);  Bulletin  épigraphique  (B.  Haussoullier).  —  Bi- 
bliographie annuelle  des  études  grecques  par  Ruelle. 

Revue  de  Belgique,  3^1ivr.  ;  i5  mars  :  Thiry,  La  publication  de  l'en- 
fance (fin).  —  Pergameni,  Rabelais  d'après  un  livre  récent  (d'après  le 
livre  de  Paul  Stapfer  qui  est  «  un  véritable  modèle  de  ce  que  doit  être  la 
critique  littéraire  »).  —  Schoeneeld,  L'Espagne  arabe.  —  Essais  et  No- 
tices :  Smith  and  Nash,  The  story  of  the  dockers'  strike;  Bibl.  de  TEcole 
des  Hautes-Etudes,  section  des  sciences  religieuses  (cp.  Revue,  1889, 
n''45).  —  Univ.  de  Liège,  Soc.  d'hist.  et  de  géogr.,  tasc.  I  [cp.  Revue, 
1889,  n"  10,  p.  199). 

The  Babylonian  and  Oriental  Record,  fasc.  3  :  Terrien  de  Lacouperie,  The 
déluge  tradition  and  its  remains  in  ancient  China  et  The  etymology  of 
Ketchup.  —  De  Harlez,  The  origin  and  nature  of  the  pehlevi  et  A 
Buddhisc  repertory.  —  Boscawen,  Notes  on  some  Babylonian  tablets. 
Bonavia,  Did  the  Assyrians  know  the  sexes  of  date  palms?  No.  — Pin- 
CHEs,  Ammatum  (with  letter  by  Rev.  O.  C.  Whitehouse). 

The  Academy,  n"  933  :  Shaw,  Fabian  Essays  in  socialism.  —  Dickson 
a.  Edmond,  Annals  of  Scottish  printing.  —  Biggar,  Canada,  a  mémorial 
volume.  —  Some  histor.  bocks  :  Stanîey  Lane-Poole,  The  Barbary 
Corsars  (intéressant  et  peu  connu);  Ferguson,  Carlisle;  Horace  Wal- 
pole's  letters,  p.  p.  Yonge.  —  Thomas  Rowley  (Skeat).  —  A  speech 
attributed  to  Oliver  Cromwell  (Firth).  —  A  legend  of  Abraham  (Sto- 
kes).  —  An  old  Italian  playbill  iMercer).  —  The  Yenissei  inscriptions 
(Brown).  —  Cagnat,  Cours  d'épigr.  lat.  ;  L'année  épigr.  1888  (le  Cours 
d'épigr.  lat.  est  excellent,  «  a  thoroughly  scholarly  work  »  et  devrait 
être  traduit  en  anglais  ;  L'année  épigr.  est  très  utile). 

The  Athenaeum,  n°  3256  :  Bridgett  and  Knox,  The  true  story  of  the 
catholic  hierarchy  deposed  by  queen  Elizabeth,  with  fuller  memoirs  of 
the  last  tvv'o  survivors.  —  Baring  Gould,  Old  country  life.  —  Taver- 
nier,  Travels  in  India,  transi,  (cp.  un  prochain  art.  de  la  Revue).  — 
The  source  of  «  The  Ancient  Mariner  ».  —  The  supposed  uncial  codex 
of  the  N.  T.  (Bliss).  —  The  Oriental  Congress.  —  The  discoveries  at 
Lycosura  (Waldstein).  —  Swinburne,  A  study  of  Ben  Jonson  (2"  art. 
sur  cette  chose  fort  remarquable,  œuvre  à  la  fois  solide  et  éloquente). 

Literarisches  Centralblatt,  n"  i -î  :  Bâcher,  Aus  der  Schrifterkl.  des  Abu- 
walid  iMervan  ibn  Ganah.  —  O.  Ritschl,  Schleiermacher's  Stell.  zum 
Christ.  —  Lettres  de  Gerbert,  p.  p.  J.  Havet  (excellent;  cp.  Revue, 
1889,  n°  41).  —  F0URNIER,  Eine  amtl.  Handlungsreise  nach  Italien 
1754  (cp.  Revue,  1889,  n"  3).  —  Schulthess'  europ.  Geschichtskal.  — 
De  La  Grasserie,  Etudes  de  gramm.  comparée  (instructif  et  sera  le 
bienvenu  malgré  de  nombreuses  négligences  et  inexactitudes).  —  Le 
livre  des  pai  terres  fleuris,  p.  p.  Metzger  (travail  soigné).  — O.  bCHRA- 
DER,  Sprachvergl.  u.  Urgesch.,  2"  édit.  a  gagné  en  valeur  à  tous  égards, 
détails  nouveaux  et  intéressants  en  grand  nombre).  —  Caland,  Ueber 
Todtenverbrennung  bei  einigen  der  indogerm.  Vôlker  (très  important). 


Il 


II 


Gœttingiscbe  gelehrte  Anzeigen,  n°  5  :  Atlas  vorgeschichtlicher  Befesti- 
gungen  in  Niedersachsen  ,  bearbeitet  von  Oppermann.  —  Lamprecht, 
Skizzen  zur  rheinischen  Geschichte  (cp.  Revue,  1888,  n°  38).  —  Cata- 
logus  codicum  graecorum  in  bibliotheca  urbica  Vratislaviensi. 

Berliner  philologiscbe  Wochenschrift,  n"  11  :  Zu  Hyperides  Euxenippe, 
XL  VII,  7  (Pantazidis). — Dieaelteste  vollstandige  Hs.  des  Lucan(Franc- 
ken.  —  Programme  :  Oertel,  Ist  die  Sprachw.  ein  Zweig  der  Natur- 
wissenschaft  ?;  Grosse,  Beitr.  zur  Syntax  des  giiech.  Médiums  u.  Pas- 
sivums.  —  Patrick,  The  fragm.  ot  Herakiitus  on  Nature,  translated 
from  theGreek  text  of  Bywater"  — Anabase,  p.  p.  Krtiger,  7^  Aufl.,  p.  p. 
PôcKEL  —  Horatius,  Orelli,  éd.  IV,  vol.  II.  satirae,  epist.,.  lexic.,  p.  p, 
M EWEs (s'efforce  de  rendre  le  livre  aussi  utile  que  possible).  —  Le  Pu- 
niche  di  Silio,  trad.  di  Occioni  (2^  édit.  revue  et  corrigée  de  cette  tra- 
duction si  honorablement  connue).  —  M.  Muller,  De  Apollinaris 
Sidonii  laiinitate  (soigné  et  utile).  —  Von  Hellwald,  Haus  und  Hof  in 
ihrer  Eniwickl.  mit  Bezug  auf  die  Wohnsitten  der  Volker  (l'auteur  a 
eu  tort  de  se  hasarder  sur  ce  domaine;  son  livre  n'a  de  valeur  que  sur  le 
domaine  géographique  et  ethnographique).  —  Thraemer,  Pergamos,  Un- 
tersuch.  iiber  die  Friihgesch.  Kleinasiens  u.  Griechenlands  (important 
et  à  lire).  —  O.  Hoffmann,  Eine  Neugestalt.  des  griech.  Unterrichtes, 
bes   des  Elementarunterrichts. 

—  N»   12   :   Zum   Recht    von    Gortyn   (Ludwich).  —  W.  v.  Christ, 
Der  Aetna  in  der  griech.    Poésie    et    Zur    Chronologie   pindarischer 
Siegesgesange.   —  Pindare,   édit.    en    cinq  volumes,  p.  p.  Cleanthos, 
en  grec   (n"a  aucune    valeur).    —  A   commentary   on  Catullus,  p.   p. 
Ellis,  2^  édit.   (singulier  mélange  de  bon   et  de   mauvais).  —  Matzat, 
Rom.  Zeittafeln  fiir  die  Jahre   219  bis   i  vor  Chr.   (art.  de  Holzapfel 
qui   juge  le  livre  manqué).  —  J.    Jung,    Géographie   von  Italien    u. 
den  rom.  Provinzen  (court,  mais  solidement  étudié).  —  Zékidès,  Ae^'.y.bv 
à-âvTO)v  Twv  pr,[j.âTO)v  Tf,ç  'ÂTT'.y.?;;  cta/ixTOu  (très  bon   recueil,  mais  pour- 
quoi Pauteur  ignore-t-il   de    propos  délibéré  les  travaux  de  ses  devan- 
ciers, Veitch,  par  exemple?). 

Literaturblatt  fiir  germanische  tind  romanische  Philolog'ie,  n»  2  :  Lauchert, 
Gesch.  des  Physiologus  (cp.  Revue,  i88q,  n°  24).  —  Dahlerup,  Physio- 
logus  i  to  islandske  arbejdelser.  —  Jannsen,  Gesammtindex  zu  Kluges 
etymol.  VVorterbuch  der  deutschen  Sprache  (cp.  Revue,  1889,  n»  52, 
p.  5 18).  —  Gelbhaus,  Ueber  Stoffe  altdeutscher  Poésie  (comparaisons 
avec  les  récits  juifs). —  Reifferscheid,  Ueber  die  Windeckhandschriften 
in  Ziirich.  —  Dunger,  Die  Sprachreinigung  u.  ihre  Gegner;  Sarrazin, 
Beitr.  zur  Fremdwortfrage  ;  Arndt,  Gcgen  die  Fremdwôrter  in  der 
Schulsprache  ;  Blasendouff,  Verdeutschungswôrterbuch  fur  Schule  u. 
Haus.  —  Cynewulfs  Elene,  p.  p.  Zupitza,  3«  édit.;  Zupitza,  Alt r=  und 
mittelenglisches  Uebungsbuch  (deux  très  bonnes  publications).  — 
KôNiG,  Der  Vers  in  Shakespeare's  Dramen  ;  Price,  The  construction  and 
types  of  Shakespeare's  verse  as  scen  in  the  Othello.  —  Rabbinowicz, 
Gramm.  de  la  langue  française,  2"  édit.  (cp.  Revue,  1889,  n°  32).  — 
Passy,  Les  sons  du  fransais,  leur  formacion,  combinaizon,  reprezanta- 
cion  (cp.  Revue,  1889,  n''43).  —  Groene,  C  vor  A  im  franzôsischen 
(bien  fait).  —  J.  Lange,  Heinrichs  des  Gieissners  Reinhart  u.  der  Roman 
de  Renart  in  ihren  Bezieh.  zuein.  —  Sarrazin,  Das  moderne  Drama 
der  Franzosen  in  seinen  Hauptvertretern  (attachant).  —  Noulet,  Œu- 
vres de  P.  Goudelin  (cp.  Revue,  1888,  n^  bi).  —  Zambaldi,  Vocabolario 
etimologico  italiano  (n'est  pas  très  au  courant  et  ne  paraît  pas  destiné 
aux  romanistes).  —  K.  Engel,  Die  Don  Juan-Sage  auf  der  Buhne 
1  auteur  s'est  rendu  la  tâche  trop  facile  ;  il  lui  manque  des  études  sérieu- 
ses, un  jugement  indépendant,  le  sens  critique  et  esthétique;  il  n'a  fait 


en  somme  qu'une  compilation  qui  n"'est  ni  complète  ni  sûre>  —  Le  Lite- 
laturblatt  paraît  désormais,  non  plus  chez  M.  Paul  Henninger,  de 
Heilbronn,  qui  s'est  retiré  des  affaires  pour  raisons  de  santé,  mais  chez 
réditeur  de  Leipzig,  R  Reisland  (librairie  Fues),  qui  a  acheté,  avec  la 
revue,  la  librairie  de  M.  P.  Henninger. 

Bulletin  international  de  l'académie  des  sniences  de  Cracovie,  février  :  Biblioth. 
des  écriv.  polon.  livr.  Vîïl  (Protée,  satire  de  1564).  —  Cwilinski,  Die 
Beschreib.  der  attischen  Pest  bei  Thukvdides.  —  GoUectanea  ex  archive 
Collegii  historici,  tome  V  (renferme  dix  articles  :  Ulanowski,  Sur  les 
statuts  synodaux  du  diocèse  de  Cracovie;  Abraham,  Documents  du 
Vatican  sur  la  Pologne  au  moyen  âge;  Textes  sur  le  mode  de  célébrer 
le  mariage,  tirés  des  reg.  des  offic.  de  Cracovie  et  de  Lublin;  Règle- 
ments destinés  aux  visiteui  s  des  paroisses  ;  les  Béguines  à  Sweydnitz  en 
i332;  L'application  du  droit  canon,  dans  le  dioc.  de  Przemysl  ;  Ordi- 
natio  bellicae  motionis  i5o6,  p.  p.  Blumenstok  ;  brochure  de  Stanislas 
Mirski  sur  le  cérémonial  que  doit  observer  un  ambassadeur  se  rendant 
à  la  cour  de  Russie,  p.  p.  Korzeniowski).  —  Dembinski,  Rapports  de  la 
France  avec  le  Saint-Siège  sous  le  règne  de  François  II  (d'après  les 
documents  des  archives  nationales  et  de  la  Bibl.  nat.,  et  d'autres 
encore  :  l'attitude  menaçante  de  la  France  et  ses  menaces  de  convo- 
quer  un  concile  national  accélérèrent  la  convocation  d'un  concile 
général). —  Smolka,  Projet  d'une  ligue  contre  les  Turcs,  i583  (d'après 
les  archives  de  Venise  et  celles  du  Vatican). 

Theologische  Literaturzeitung,  no  6  ;  Margoliouth,  An  essay  on  the  place 
of  Ecclesiasticus  in  Semitic  literature  (à  ne  consulter  qu'avec  réserve). 

—  H.  A.  W.  Meyer's  Krit.  exeget.  Komm.  iiber  das  Neue  Testament, 
I,  I.  —  Baljon,  Exeget.  krit.  verhand.  over  den  brief  van  Paulus  aaa 
de  Galatiërs  (soignél.  —  Lightfoot,  Essavs  on  the  work  entiiled  Super- 
natural  Religion.  ■ —  Das  Muratori'  sche  Fragment  in  Versen  (Schurerj, 

—  UsENKR,  Sophronii  de  praesent.  domini  sermo;  Vita  S  Theodosii  a 
Cyrille  Scvthepelitano  scripta  ;  Vita  S.  Theodosii  abbatis  a  Theodoro 
ep,  scripta.  —  Handb.  der  theol.  Wiss.,  p.  p.  Zôekler,  3*^  éd.  ;  Knoke, 
Grundriss  der  prakt.  Theol.,  2"  éd. 

Magazin  fur  die  Litteratur  des  Inund  Auslandes,  n"  1 1  :  Tavastsjerna,  Sonn- 
tag  vermittag  (nouvelle),  ubertr.  von  Joh.  Oehquist.  —  Gisb.  F'RErLi- 
grath,  Gedichte  von  Alg.  Ch.  Swinburne.  —  Kaberlin,  Jenseits  von 
Schôn  und  Hilsslich.  —  Dresdner,  Spielhagens  Lebenserinnerungen 
(fin).  —  H.  Heinrich,  Camilla-K.  Erdmann,  Wundts  System  der  Phi- 
losophie. —  Grûn,  Prager  Bûhnen brief. 

—  N"  12  :  Franco,  Das  Datum,  Novellette,  ubertr.  von  L.  v.  Asten. 

—  Eckstein,  Aphorismen.  —  Kaberlin,  Jenseits  von  Schôn  und  Hàs- 
slich  (tin).  —  Xanthippus,  Pasquino.  —  A.  Leist,  Armeniscne  Lyrik. — 
Von  SuTTNER,  M.  G.  Conrad,  Die  klugen  Jungfrauen.  —  L.  Freytag, 
Grabschriften  und  Marterlen.  —  Te  vote,  Berliner  Biihnenbrief. 

ÉDUCATION  EN  FAMILLE 

Répétitions,    préparation    aux    examens,    langues    vivantes 

M.  ARNOULD  ROGIER 

Ancien    professeur    de    rhétorique 

82,     rue     Lauriston ,     Paris -Passy. 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N°  15  Vingt-quatrième  année  14  avril  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  2  5  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,   EDITEUR,   RUE   BONAPARTE,  28. 

COLLECTION  D^OUYRAGES  ORIENTAUX 

Publiés  par  la  Société  Asiatique. 


Seconde  Série 

CHANTS     POPULAIRES 

DES  AFGHANS 

RECUEILLIS^    PUBLIÉS    ET   TRADUITS 

Par  James  Darmesteter 

Un  beau  volume  grand  in-8 20  fr. 


PÉRIODIQUES 

Melusine,  n°  2,  mars-avril  :  La  collection  internationale  de  la  Tradition 
(sur  les  volumes  II,  III,  IV  :  Nicolaides,  Les  livres  de  divination,  trad. 
sur  un  ms.  turc  inédit  ;  Veckenstedt,  La  musique  et  la  danse  dans  les 
traditions  des  Lithuaniens  ;  Brauns,  Traditions  japonaises  sur  la  chan- 
son, la  musique  et  la  danse,  tous  trois  avec  une  préface  de  M.  Garnoy. 
Manquent  d'utilité  scientifique,  malgré  leurs  prétentions).  —  La  frater- 
nisation, VHI.  —  L'enfant  qui  parle  avant  d'être  né.  —  R.  Kôhler,  Ne 
frapper  qu'un  seul  coup.  —  Karlowicz,  Les  deux  arbres  entrelacés.  — 
TucHMANN,  La  fascination,  animaux,  objets  inanimés,  divinités,  esprits, 
âmes.  —  Les  esprits  forts  de  l'antiquité  classique  XXIV.  —  Les  ser- 
ments et  les  Jurons  X.  —  Bibliographie  :  Slokt,  De  Dieren  in  het  ger- 
maansche  volksgeloof  en  volksgebruik  (ouvrage  de  mérite).  —  Bonet- 
Maury,  Bûrger  et  les  origines  anglaises  de  la  ballade  littéraire  en 
Allemagne  (cp.  Revue  n"  i).  —  Demarteau  Servais,  Le  roman  des  pro- 
verbes en  action,  recueil  de  6,5oo  proverbes.  —  De  Los  Reyes  El  folk- 
lore filipino  (sur  les  llocans,  peuple  indigène  de  Luçon  ou  de  Manille). 

—  L'auteur  du  compte-rendu  de  la  collection  de  la  Tradition,  M.  H. 
Gaidoz  y  a  joint  quelques  réflexions  à  propos  d'un  article  de  H.  Wein- 
HOLD  sur  les  services  que  doit  rendre  le  folk-lore.  «  Le  folklore  demande 
plus  que  ce  que  MM.  les  folkloristes  peuvent  s'imaginer.  C'est  la  mé- 
thode qui  consiste  dans  l'étude  d'une  religion,  d'une  mythologie,  etc., 
non  pas  à  considérer  cette  chose  dans  sa  cristallisation  complète  et  défi- 
nitive, mais  à  la  prendre  à  ses  débuts,  depuis  son  germe,  à  la  suivre  à 
tous  les  degrés  de  son  développement,  à  tenir  compte  de  toutes  les  in- 
fluences qu'elle  peut  avoir  subies,  et  en  même  temps  à  mettre  en  paral- 
lèle, comme  illustration  du  sujet,  toutes  les  formations  analogues  qui 
ont  pu  se  produire  chez  d'autres  peuples  ou  en  d''autres  temps,  de  façon 
à  déterminer  le  point  de  départ  psychologique  de  cette  religion,  de 
cette  mythologie,  etc.  Ces  recherches  reposent  surtout  sur  l'observation 
du  peuple  et  sur  les  documents  d'origine  populaire.  Mais  combien  de 
nos  folkloristes  ont  assez  de  critique  et  d'érudition,  ou  de  patience  pour 
appliquer  cette  méthode?  Profitant  de  ce  que  peu  de  savants,  en  France 
surtout,  s'occupent  de  ces  études,  ils  se  sont  jetés  dessus,  comme  des 
trappeurs  sur  une  région  inhabitée  du  Far  West  américain.  Et  pour 
donner  de  l'importance  à  ce  qu'ils  abattaient  dans  leurs  chasses  ou  trou- 
vaient dans  leurs  expéditions,  ils  se  sont  empressés  de  fonder  des  socié- 
tés, des  revues...  Le  folk-lore  est  discrédité  auprès  du  peuple  savant.  Le 
spectacle  auquel  nous  assistons  est  celui  d'une  agitation  vaine  et  stérile... 
Ce  n'est  pas  sans  regret  que  nous  voyons  des  écrivains,  jusqu'ici  collec- 
teurs consciencieux  de  notre  folk-lore,  quitter  le  terrain  solide  de  leurs 
enquêtes,  pour  de  grandes  questions  qu'ils  ne  sont  pas  préparés  à  traiter. 
Recueillir  et  colliger  est  une  chose  —  et  une  chose  utile,  quand  elle  est 
faite  avec  soin  —  mais  rechercher  l'histoire  ou  essayer  la  synthèse  en  est 
une  autre,  et  combien  plus  difficile  !  » 

Revue  de  il'instruction  publique  (supérieure  et  moyenne)  en  Belgique, 
tome  XXXI II,  2°  livraison  :  Société  pour  le  progrés  des  études  philolo- 
giques et  historiques,  34^  séance,  26  décembre.  —  Thil-Lorrain,  Pierre 
l'Hermiteà  propos  de  l'ouvrage  de  M.  Hagenmeyer.  —  Comptes-ren- 
dus :  Joh.  ScHMiDT,  Die  Plurarbildungen  der  indogermanischen  Neutra 
(cp.  Revue,  1889,  n»  33).  —  The  Œconomicus  of  Xenophon,  p.  p.  Hol- 
DEN  (comme  toutes  les  éditions  de  H.,  se  distingue  par  l'abondance  et  la 
sûreté  du  commentaire,  mais  ne  contient  pas  de  résultats  nouveaux).  -- 

—  Hartman,  Analecta  Xenophontea  nova  (seconde  partie  qui  n'est  pas  à 
la  hauteur  de  la  première,  plus  de  prolixité,  mais  choses  intéressantes  ei 
instructives).  —  Plessis,  Traité  de  métrique  grecque  et  latine  (ne  peut 


1 


se  mesurer  au  point  de  vue  de  l'originalité  avec  le  livre  de  Lucien  Mill- 
ier, mais  l'emporte  pour  la  clarté  de  l'exposition  et  le  bon  arrangement 
des  matériaux).  —  L.  Lange,  Kleine  Schriften  aus  dem  Gebiete  der  clas- 
sischen  Altertumswissenschaft  (suite  et  fin).  —  Kraus,  Souvenirs  d'un 
milicien.  —  Varia  (Van  Even,  Ein  Jerlander,  Francis  O'Hearn,  leer- 
meester  van  Daniel  O'Gonnell  ;  bon  complément  à  l'étude  de  Van  Duyse 
sur  Cats).  —  Les  îles  Bahrein  et  la  découverte  de  M.  Bent  (De  Geule- 
neer  :  M.  Bent  a  découvert  dans  ces  îles  que  Pline  appelle  Tylos  et 
Ptolémée,  Tyros  et  Arados,  une  vaste  nécropole  de  plusieurs  milliers  de 
tumuli;  les  tombes  présentent  une  analogie  frappante  avec  les  sépultu- 
res phéniciennes  d'Amrith,  de  Sardaigne  et  de  Carthage). 

The  Academy,  n»  934  :  Fyffe,  A  history  of  modem  Europa,  vol.  IIL 
(Récit  bien  composé;  les  faits  militaires  faiblement  décrits  ;  jugements 
quelquefois  partiaux.)  —  Hallett,  A  thousand  miles  on  an  éléphant  in 
the  Shan  States.  —  Van  Dyke,  The  poetry  of  Tennyson.  —  Classical 
schoolbooks.  (Livres  de  Hartel,  Schenkl,  Hensell,  Scheindler,  Ey- 
MER.)  —  Mictis.  (J.  Taylor.)  —  Chaucer's  référence  to  Diogenes.  (Skeat.) 

—  Canynge  and  Rowley.  (J.  Taylor  et  Moyes.)  —  A  legend  of  Abraham. 
(Jacobs.)  —  The  daims  of  Hobbes  to  the  Darwinian  struggle  for  life. 
(Fergus.)  —  Caird,  The  critical  philosophy  of  Immanuel  Kant.  (Très 
remarquable.)  —  Letier  from  Egypt.  (Sayce.) 

The  Athenaeum,  n°  SaSy  :  Anderson,  English  intercourse  with  Siam  in 
the  seventeenLh  century  (intéressant  et  curieux),  —  Lady  Wilde,  An- 
cient  cures,  charms  and  usages  of  Ireland,  contributions  to  Irish  lore. 

—  Aeschylus,  Agamemnon,  p.  p.  Verrall;  Supplices,  p.  p.  Tucker.  — 
The  Register  Booke  of  Inglebye  juxta  Grenhow  since  the  yeare  i53g 
p.  p.  Blackburne.  —  The  Rutland  correspondence.  (Fitz  Patrick.)  — 
The  source  of  The  Ancient  Mariner.  (Samuel.)  —  The  supposed  uncial 
codex  at  Damascus.  (Lambros.)  —  The  Paston  mss. 

Literarisches  Centralblatt,  n°  14  :  Theol.  Jahresbericht,  Vlll,  p.  p.  Lip- 
sius  (cp.  Revue,  1889,  n"  52).  -   Harnack,  Grundriss  der  Dogmengesch. 

—  Krause,  Abriss  der  Philosophie  der  Geschichte,  p.  p.  Hohlfeld  u. 
WiiNscHE.  —  Hensel,  Ethisches  Wissen  u.  ethisches  Handeln  (cp. 
Revue^  1889,  no4i).  —  Michel,  Die  rômische  Kirche,  ihre  Einwirkung 
auf  die  germanischen  Stiimme  u,  das  deutsche  Volk  (anthologie  de  tra- 
vaux populaires  et  de  citations  bibliques).  —  Baasch,  Forschungen  zur 
hamburg.  Handelsgesch.  L  Die  Islandfahrt  der  Deutschen,  namentl. 
der  Hamburger,  XV-XVII  Jahrh.  (digne  d'attention).  —  Urkundenbuch 
des  Klosters  Paulinzelle,  I,  1068-1314,  p.  p.  Anemuller. — Abd-el- 
Rahman,  el  Djabani,  Merveilles  biogr.  et  histor.  ou  chron.  trad.  de 
l'arabe  par  Mansour  Bey,  Abdulaziz  Bey,  G.  N.  Kahil  Bey  et  Iskender 
Ammoun  Efîendi,  II  et  III.  — Seler,  Reisebriefe  aus  Mexico.  —  Rich. 
ScHRÔDER,  Lehrbuch  der  deutschen  Rechtsgeschichte  (très  bien  fait  et 
répond  à  un  besoin  scientifique  depuis  longtemps  ressenti).  —  Giinther, 
Die  Idée  der  Wiedervergeltung  in  der  Gesch.  u.  Philos,  des  Straf- 
rechts,  I.  Die  Culturvôlker  des  Altertums  u.  das  deutsche  Recht  bis  zur 
Carolina  (bon).  —  G.  Abel,  Ueber  Wechselbeziehungen  der  àgypt., 
indoeurop.  u.  semit.  Etymologie,  I  (ne  connaît  pas  les  lois  de  la 
phonétique  ou  ne  s'en  soucie  pas).  —  Lambros,  Gâtai,  des  mss.  des 
bibliothèques  du  mont  Athos,  I.  (Entreprise  très  utile  et  qu'il  faut  sou- 
tenir). —  ScmppER,  Englische  metrik  in  histor.  u.  System.  Entwickl. 
dargestellt.  II,  Neuengl.  metrik,  2.  Strophenbau  (très  méritoire).  ~ 
Heinzk  u.  GoETTE,  Gcsch.  der  deutschen  Literatur  von  Gœthe's  Tode 
bis  zur  Gegenwart  (court,  exact,   tourne  trop  à  la  nomenclature). 

Deutsche  Litteraturzeilung,  n°  i  2  :  Soden,  Der  Brief  des  Apostels  Paulus 
an  die  Philipper.—  Walther,  Wiss.  oder  Christ,  (cp.  Revue,  n"  i5).  — 


Catal.  cod.  graec.  in  bibl.  urb  :  Vratisl.  —  Nedschib  Sallum,  Trauerode 
auf  deii  Tod  des  deutschen  Kaisers  Wilhelm  I,  im  transcr.  Urtext  lirsg. 
aus  dem  Arab.  lus  Deutsche  ubertr.  von  C.  Lang  (M.  L.  aurait  mieux 
fait  de  ne  rien  publier).  —  Œdip.  Col.,  p.  p.  Wkcklein  (très  bon).  — 
RecivZky,  Gramm.  u.  rliet.  Stell.  des  Adjectivums  bei  den  Annalisten, 
Caio  u.  Sallust  (clair  et  très  estimable).  —  Jobst,  Goethes  relig.  Ent- 
wick.  II,  1 770-1780  (un  peu  court,  mais  à  approuver).  —  Psaltirea 
Scheiana,  1482,  p.  p.  Bianu,  I.  —  Cod.  diplom.  Saxoniae  regiae,  I,  2, 
p.  p.  PossE,  et  Die  Siegel  der  Wettiner  bis  1324U.  der  Landgr.  von 
Thûringen  bis  1247. —  Rochechouart,  Souvenirs  (cp.  Revue,  1889, 
n°  43).  —  MoHR,  Die  Kirchen  von  Kôln,  ihre  Gesch.  u.  Kunstdenkm. 
(cicérone  instruit,  mais  difficile  à  suivre).  —  Schultze,  Gesch.  der 
preuss.  Regierverwaltung  1766-1786,  I  (très  intéressant  et  profondé- 
ment étudié,  pèche  un  peu  par  la  forme).  —  Gesellsch.  fur  deutsche 
Liter.  (ig  février). 

N°  f  3  :  DrcIscke,  Ges.  patristische  Untersuchungen.  —  Meister,  Die 
griech.  Dialecte,  il,  Eleisch,  Arkadisch,  Kyprisch;  Smyth,  The  Arcado- 
Cyprian  Dialect(M.  prête  beaucoup  à  la  critique;  S.  n'a  rien  de  nou- 
veau. —  T.  Livi  IV,  26-3o,  p.  p.  Luchs  (apparat  court  et  complet).  — 
Sutterlin,  Gesch.  der  nomina  agentis  im  German.  (insuffisant). —  Bûl- 
bring,  Gesch.  der  Ablaute  der  starken  Zeitwôrier  innerhalb  des  Siid- 
engl.  (soigné).  —  Sybel,  Die  Begrûnd.  des  deutschen  Reiches  durch 
Wilhelm  1,  i-3  (fait  avec  art,  et  que  de  détails  jusqu'ici  inconnus;  à 
noter  le  jugement  sur  Fr.  Guillaume  IV).  —  Karten  von  Attika,  Bl. 
XVI-XIX.  —  Die  Mannheimer  Biihnenbearb.  des  Gôtz,  p.  p.  Kilian 
(intéressant).  —  Landsberg,  Die  Quaest.  des  Azo  (i''"  et  très  méritoire 
édition).  —  Lammert,  Gesch.  der  Seuchen,  Hunger  :=  u.  Kriegsnot  zur 
Zeit  des  dreissigjiihr.  Krieges  (curieux  et  bien  fait). 

Gœttingische  gelehrte  Anzeigen,  n»  6  :  Fustel  de  Ccl'langes,  Hist.  des  ins- 
titutions politiques  de  l'ancienne  France,  la  monarchie  franque  (long 
article  de  Sickei,  p.  209-248  :  «  œuvre  d'un  esprit  original,  d'unchercheur 
solitaire,  insensible  au  travail  d'autrui,  orgueilleusement  obstiné  dans 
son  jugement,  familier  avec  les  sources,  comme  le  sont  peu  d'historiens, 
abondant  en  pensées  fécondes  et,  avec  tout  son  détail,  tellement  incom- 
plet qu'il  laisse  de  côté  de  nombreux  côtés  de  la  vie  de  l'état;  il  cherche 
la  vérité  à  lui  seul  et  la  trouve  par  conséquent  plus  difficilement  que 
ceux  qui  se  tiennent  au  courant  de  la  littérature  »). 

Deutsche  Rundschau,  avril  :  G  Adler,  Der  internationale  Arbeiter- 
schutz.  -  G.  Brandes,  Aristocratischer  Radicalismus,  eine  Abhandlung 
ûber  Fr.  Nietzsche.  —  Rodenberg,  Dingelstedt,  Blâtter  aus  seinem 
Nachlass,  mit  Randbemerk.  VI  :  Der  Kosmopol.  Nachtwachter  u. 
Geheime  Rath,  1841-1851,  III.  Stuttgart.  — Cohn,  Dr.  Laurentius 
Scholz  von  Rosenau,  ein  Arzt  u.  Botaniker  der  Renaissance.  —  Zur 
Erinnerung  an  Andrassy.  —  Karl  Frenzel.  —  Neue  Pomane  u.  Novel- 
len.  [W,  Bôlsche.)  —  Literarische  Notizen  u.  Neuigkeiten. 

Magazin  fur  die  Literatur  des  In-tind  Auslandes,  n°  i3  :  Kaberlin,  Kar! 
Bleibtreu.  —  Fastenrath,  Catalanische  Poésie  (nach  Apeles  Mestres, 
Manel  Mila  y  Fontanals,  Francesch  Matheu  u.  Bartomen  Ferra.)  — 
Xanthippus,  Gabriele  d'Armunzio,  der  letzte  Romantiker  Italiens.  — 
Theodor  Opitz,  Ueber  What  Whitman.  —  D.  R.  Das  franz.  Elément 
in  Kanada.  —  Wichmann,  Deutsch-Ungarisches.  —  Tovote,  Berliner 
BiJhnenbrief. 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N®  16  Vingt-quatrième  année  21  avril  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIl.      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,   20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEU R 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des   langues    orientales   vivantes,    etc, 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  im  compte-rendu. 


KHNEST  LEROUX,   EDllEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

COLLECTION    DE    CLERCQ 

CATALOGUE  MÉTHODIQUE  ET  RAISONNÉ 

ANTIQUITÉS  ASSYRIENNES. CYLINDRES  ORIENTAUX,  CACHETS,  BRIQUES,  BRONZES 

BAS-RELIEFS,   ETC. 

Publié  par  M.  DE  CLERCQ,  ancien  député 
Avec  la  collaboration  de  M.  J.  MENANT,  membre  de  l'institut 

Tome  II.  V»  Livraison,  1^'  fascicule.  (Feuilles  doubles  I  à  VII,  planches  I  à  VI.) 
Prix 10  fr. 


Loqmân     Berbère 

TEXTE     BERBÈRE     ET     TRANSCRIPTION,     AVEC    QUATRE     GLOSSAIRES 

Et  une  étude  sur  la  Légende  de  Loqmân 

Par   RENÉ  BASSET 

Professeur  à   l'Ecole   supérieure  des   Lettres   d'Alger. 

Un  fort  volume  in-i8 10  fr. 


m 


PÉ1<101)1()UES 


Revue  rétrospective,  i^"''  avril  :  La  famille  d'Oiiéans  dans  les  prisons  de 
Marseille,  1793  (documents  et  notes  communiqués  par  M.  Fred.  Dol- 
LiKULE.  Archives  des  Bouches-du-Rhône,  série  L.)  :  1°  Ordres  d'arres- 
tation. Emprisonnement  du  duc  de  Montpensier,  fils  du  duc  d'Orléans; 

—  2"  Translation  des  prisonniers  dans  le  fort  de  Notre-Dame  de  la 
Garde;  —  3°  Lettres  et  interroi^atoires.  —  La  Revue  publiera  prochai- 
nement les  Mémoires  inédits  d'Hippolyte  Auger,  romancier  et  auteur 
dramatique,  1 796-1 881. 

The  Academy,  n°  935  :  Havelock  Elus,  The  new  spirit  (volumes  d'es- 
sais pleins  de  fraîcheur  et  de  sincérité  sur  Diderot,  Heine,  Walt  Whit- 
man,  Henrik  Ibsen,  Tolstoï).  —  Maccarthy,  A  history  of  the  four|Geor- 
ges,  vol.  II  (introduction  populaire  à  l'histoire  de  l'Angleterre  sous 
Georges  II).  —  A  sixteenth-century  treatise  on  the  globes  :  Hue's  Trea- 
tise  on  the  globes,  p.  p.  Markham;  Sailing  directions,  from  a  fifteenth 
century  ms,  p.  p.  Gairdner  and  Morgan.  —  Current  theology  :  Ball, 
The  prophecies  of  Jeremiah,  witn  a  sketch  of  his  life  and  times;  Orelli, 
The  prophecies  of  Jeremiah,  transi.  ;  Forbes,  The  servant  of  the  Lord 
in  Isaiah  XL-LXVI  reclaimed  to  Isaiah  as  the  autor  from  argument, 
structure  and  date;  Delitzsch,  Biblical  comnientary  on  the  Psalms, 
transi.  III;  Mozley,  David  in  the  Psalms;  The  Psalms  in  greek  accor- 
ding  to  the  Septuaginta,  p.  p.  Swetk.  — Chaucer''s  story  of  the  mad 
cow  (Skeat).  — Slavonic  place-names  inGermany  (Krebs).  — The  origi- 
nal of  Leiçarraga's  Basque  New  Testament  (Dogson),  —  The  philosophy 
of  the  Mazdayasnian  religion  under  the  Sassanids,  transi,  from.  the 
French  of  Casartelli  by  Firoz  Jamaspji  Dastur  Jamasp  Asa.  —  Exca- 
vations in  the  Fayum  (Pétrie).  —  The  Gangkee  Tiger  (Barton).  — 
Edwards,  Idols  of  the  French  stage,  2  volumes. 

The  Athenaeum,  n"  325  8  :  Stubbs,  The  history  of  the  University  of 
Dublin,  from  its  foundation  to  the  end  of  the  eighteenth  century  bon 
travail).  —  Nichol,  Francis  Bacon,  his  life  and  philosophy.  —  Sir  Fre- 
derick YouNG,  A  winter  tour  in  South  Africa.  —  Vernon,  Readings  on 
the  Purgatorio  of  Dante,  chiefîybased  on  the  commentary  of  Benvenuto 
da  Imola. —  Early  Christian  literature  :  Resch,  Agrapha,  aussercanon. 
Evangelienfragmente;  J.  Werner,  Der  Paulinismus  des  Irenaeus.  — 
The  New  Code.  —  Mr.  Gladstone  moiiel  library.  —  Jahrbuch  der  kô- 
niglich  preussischen  Sammlungen,  volume  X.  —  Coleridge's  Osorio 
and  Remorse 

Literarisches  Centralblatt,  n°  i5  :  Hand-Commentar  zum  Neuen  Testa- 
ment, I.  Die  Synoptiker,  die  Apostelgeschichie,  bearb.  von  Holtzmann, 
1-3.  (entreprise  que  tous  les  théologiens  doivent  saluer  avec  joie;.  — 
Resch,  Agrapha,  ausserordentl.  Evangelienfragmente,  gesamm.  u.  un- 
tersucht  ;  anhang,  das  Evangelienfragment  von  Fajum,  von  Ad.  Har- 
NACK.  (Travail  remarquable,  préparé  et  exécuté  avec  soin  à  tous  égards.) 

—  Hansen,  Die  drei  Bevôlkerungsstufen,  ein  Versuch,  die  Ursachen  fur 
das  Bliihen  u.  Altern  der  Vôlker,  nachgewiesen  (beaucoup  de  vérités  et 
de  paradoxes,  de  pensées  fécondes  et  de  fausses  conclusions).  —  Stolzel, 
Fûnizehn  Vortrilge  ans  der  brandenburg-preussischen  Rechts  =  uiid 
Staatsgeschichte  (des  choses  nouvelles).  -^  Majunke,  Gesch.  des  Kultur- 
kampfes  in  Preussen-Deutschland,  wohifeile  Volksaufgabe  («  Wust  von 
Unsinn,  amas  d'absurdités,  d'ailleurs  assaisonné  pour  des  palais  ordi- 
naires par  une  incroyable  grossièreté  de  la  langue;  espérons  qu'avec 
l'actuel  apaisem.ent  des  passions,  ce  livre  ne  sera  regardé  que  pour  ce 
qu'il  est  :  l'essai  hardi  d'un  homme  —  dont  on  s'est  servi  comme  de 
bélier  dans  le  combat  et  qu'on  a  mis  de  côté  —  de  rappeler  à  la  mé- 


i\ 


moire  une  triste  période  de  Thistoire  d'Allemagne  où  des  grandeurs  sem- 
blables maintenant  oubliées  ont  pu  jouer  un  rôle!  »)  —  Junker,  Reisen 
in  Africa  1 8-5- 1886,  I.  — Exner,  Die  franz.  Armée  in  Krieg  und  Frie- 
den  (livre  très  méritoire].  —  Peters,  Aus  pharmaceutischer  Vorzeit  in 
Wort  u.  Bild.  -  Ott,  Die  Tabula  juris  der  klosterbibliothek  zu  Ray- 
gern,  ein  Beitrag  zur  Literaturgesch.  des  canon,  Rechtes  im  XIII  Jahrh. 
—  SoLTAU,  Zur  Erkl.  der  in  punischer  Sprache  gehalt.  Reden  des  Hanno 
im  V  Act  der  Kom.  Poenulus  von  Plautus  (on  lit  p.  17  que  «  don  »  si- 
gnifie en  phénicien  seigneur,  sieur,  et  qu'il  est  encore  usité  en  Espagne  ; 
ab  uno  disce  omnes).  —  Bachmann,  Die  philosophie  des  Neopythagorers 
Secundus,  ling.  phil.  Studie(bon).  —  Muhammed,  Monsieur  Jourdain, 
der  pariser  Botaniker,  im  Qarabag,  pers.  Text  mit  deutschen  Uebers., 
Anmerk.  u.  voUst.  Wôrterbuch,  p.  p.  Wahrmund  (instructit).  —  Plu- 
tarchi  Chaeronensis  moralia,  p.  p.  Bernardakis,  II  (très  louable).  — 
BiRCH-HiRscHFELD,  Gesch.  der  franz.  Liter.  I.  Das  Zeitalter  der  Renais- 
sance (remarquable).  —  Jensen,  Die  Kosmologie  der  Babylonie,  Studien 
u.  Materialien  (de  très  grande  valeur). 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n^  14,  5  avril  :  W.  Moeller,  Lehrbuch  der 
Kirchengesch.  I.  —  Oswald,  Angelogie.  —  Brasch,  Welt-und  Lebens- 
anschauung  Fr.  Ueberwegs.  —  Matzat,  Die  Ueberf.  der  gelehrten  Fâ- 
cher u.  die  Schulreformfrage.  —  Catal.  de  la  bibl.  Chauffour,  p.  p. 
Waltz  (excellent  ouvrage,  déjà  loué  ici-même  .  —  Dutt,  A  history  of 
civilization  in  ancient  India,  based  on  Sanscrit  literature,  in  3  volumes. 
Vol.  I,  Vedic  and  Epie  Ages.  Vol.  II,  Rationalistic  Age  (plein  d'erreurs, 
mais  travail  d'un  Hindou  cultivé  et  qui  a  le  sens  his[orique  et  traite 
particulièrement  du  bouddhisme  avec  clarté  et  impartialité).  —  Wila- 
MowiTZ-MôLLENDORFF,  Euripidcs'  Herakles,  I,  Einleitung  in  die  at- 
tische  Tragoedie;  II,  Text  und  Gommentar  (une  foule  de  résultats  nou- 
veaux, travail  savant  et  plein  d'esprit  que  le  critique  juge  admirable  et 
très  instructif  pour  tous  les  philologues).  —  Max  Hirschfeld,  Unter- 
suchungen  zur  Lokasenna  (important).  —  Paléologue,  Vauvenargues 
(tait  avec  soin  et  amour).  —  Anonymi  gesta  Francorum  et  alioruni 
Hierosolymitanorum,  p.  p.  Hagenmeyer  (très  méritoire  et  enfin  satis- 
faisante publication).  —  Duc  d'Orléans,  Lettres.  —  Buchholtz,  Aus 
dem  Oldenburger  Lande.  —  Gonway,  Literay  remains  of  A.  Durer.  — 
Mommsen,  Romisches  Staatsrecht,  I,  II,  III  (occupe  dans  la  littérature 
une  place  très  considérable,  et,  en  son  ensemble,  offre  une  base  stàre  ;  est 
même  définitif,  d'après  l'état  actuel  de  notre  savoir  :  le  progrès  ne  ces- 
sera pas,  mais  ne  peut  plus  s'atfirmer  que  dans  des  monographies  ;  jus- 
qu'à ce  qu'on  ait  abondamment  rassemblé  de  nouveaux  matériaux,  pour 
ne  pas  faire  regarder  comme  superflu  un  nouveau  travail  d'ensemble 
sur  tout  le  domaine,  il  se  passera  bien  des  dizaines  d'années)  —  H.  v. 
Mondeville,  Anatomie,  i3o4,  p.  p.  Pagel.  — Zuns,  Der  Wucher  auf 
dem  Lande.  —  Buchard,  Torpilles  et  torpilleurs.  —  Spielhagen,  Fin- 
deru.  Erfinder.  Erinner.  aus  meinem  Leben,  I. —  Verein  fiir  die  Gesch. 
der  Mark  Brandenburg,  12  mars, 

Majazin  fiir  die  Litterakr  des  In-iind  Auslandes,  n°  14  :  Harden,  Die  Freie 
Biihne  in  Berlin.  —  Silesius,  Von  Richard  Wagner  zur  Mûnchner 
Shakspeare-Bûhne.  —  Stempel,  Erstauffûhrungen  Shakspearescher 
Dramen  in  Deutschland.  —  Balazs,  Nacht  und  Morgen  (aus  dem  ma- 
gyar, von  KoHUT,  —  D.  AsHER,  Fine  Bemerkung  zu  Gesamm.  Abhand- 
lungen  von  Dr.  Alex.  Schmid.— -Le  rédacteuren  chef  du  journal,  M.  de 
Schlieben,  a  donné  sa  démission;  le  Magazin  a  été  vendu  à  MM.  Al- 
fred Stossel,  et  W.  de  Reiswitz,  qui  en  prennent  la  direction  ;  il  pa- 
aît  toujours  chez  Téditeur  Ehlermann,  de  Dresde, 


ERNEST  LEROUX,  EDITEUR.  28,  RUE  BONAPARTE,  28. 

MÉMOIRES 
irAUGIIÈOLOGIE  ET  n'ETHNOGtîÂPUIE 


BAILLET(J.).  La  stèle  de  Menchieh.  In-8 i  fr.  25 

BAPST  (Germain).  Le  tombeau  de  Saint-Quentin.  In-8 [  fr. 

—  —  Le  tombeau  de  Saint-Piat,  In-8 i  fr. 

BERGER    (Ph.).    Inscriptions   céramiques    de    la  nécropole  punique 

d'Hadrumète.  In-8 ....      3  fr. 

BLONDEL  (Spire).  L'art  capillaire  dans  l'Inde,  à  la  Chine  et  au  Japon. 
In  8 , I  fr.  5o 

BONNET  (d'").  Les  gravures  sur  roches  du  Sud  oranais.  In-8.  .      i  fr. 

CARTON    (d'')  .     Les    nécropoles    païennes    de    BuUa-Regia.    In-8,' 

et  fig , I  fr.  25 

CASTAN(A.).  Deux  épitaphes  romaines  de  femmes  ayant  fait  partie  de 

l'avenue  sépulcrale  de  Vesontio    In-8 i  fr.  5o 

COUDREAU  (H.)  La  Haute-Guyane.  In-8 i  fr.  5o 

DR  OU  IN  (E.).  L'ère  de  Yczdegerd  et  le  calendrier  perse.  In-8.     3  fr. 
DUMOUTIER  (G.).  Van  Mieu,  le  temple  royal  confucéen  de  HanoL 

In-8 o I  fr.  25 

—  —  Choix  de  légendes  historiques  de  l'Annam  et  du 

Tonkin.  In-8 i  fr.  5o 

GUILLEMAUD  (J.).  Les  inscriptions  gauloises,  nouvel  essai  d'inter- 
prétation, 2  articles.  In-8,  chaque 2  fr. 

LA   BLANCHÈRE  (R.  de).  L'art  provincial  dans  l'Afrique  romaine. 

In-8 I  fr. 

LECHAT  (H.).  Tête  en  marbre  du  musée  de  l'Acropole  d'Athènes.  In-8, 

avec  une  planche  en  héliogravure i  fr.  5o 

LORET  (Cl.).  Recherches  sur  l'orgue  hydraulique.  In-8,  illust.  2  fr. 
MELY(F.  de).  Les  reliques  du  lait  de  la  Vierge  et  la  galactite.  In-8.  i  fr. 
MENANT  (J.\  Le  cylindre  de  Urkham  au  musée  Britannique,  In-8, 

fio-.  et  planche i  fr.  50j 

MONCEAUX  (P.;  et  V.  LALOUX.  Restauration  des  frontons d'Olyra- 

pie.  ln-8,  avec  3  planches 2  fr.  5oj 

RABOT  (Ch.).  Les  Ostiaques,  les  Samoyèdes  et  les  Ziriènes  d'après  les 

travaux  de  H,  Sommier,  ln-8,  fig 2  fr.f 

SAYCE  (A,-H.).   Les  tablettes  cunéiformes  de  Tel-El-Amarna,  trad.I 

par  S.  Reinach.  In-8 i  fr.  5c| 

WAILLE  (V.).  Note  sur  le  Promélhée  du  musée  de  Cherchell.  In-8| 

avec  2  planches 2  fr. 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N°  17  Vingt- quatrième  année  28  avril  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

R  E  C  U  E  1  I,      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,   20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  2  5  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues    orientales   vivantes,    etc. 
28,     RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


KKNESr  LEROUX,   EDITEUR,  RUE   BONAPARTE,  28. 
EIV  OIST'RIBBUXIOIV  ^ 


CATALOGUE    DE    LIVRES 
provenant  de  la 

BIBLIOTHÈQUE 

De  M.  Félix  Derenémesnil 

Cliet    honoraire   des  travaux  à   l'Imprimerie    Nationale. 

Vente  les   12,    i3,    14  mai. 

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De  feu  M.  Abel  Pavet  de  Courteille 

Membre  de  l'Institut,  professeur  au  Collège  de  France. 

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De  feu  M.  Maurice  Jametel 

Professeur  de  chinois 

à  l'Ecole  des  Langues  Orientales  vivantes. 


•I 


PÉRIODIQUES 


Bulletin  du  cercle  Saint-Simon  (Société  historique),  1890,  n°  i,  janvier- 
mars  :  Réunion  du  jeudi  20  lévrier;  banquet  offert  à  MM.  de  Vogué, 
A.  Sorel  et  E.  Haniy.  —  Gontérences  :  Abraham  Dreyfus,  Les  colla- 
borateurs d'Alex.  Dumas  fils;  H.  Joly,  Les  jeunes  criminels  parisiens; 
FoNCiN,  L'Algérie  et  la  Tunisie  au  Congrès  Colonial  national;  A.  Le- 
FRANC,  Les  origines  du  Collège  de  France. 

La  Révolution  française,  n"  10,  14  avril  :  Bizos,  La  comédie  littéraire 
sous  la  Kévolution.  —  Lemas,  Ignace  de  Cazeneuve,  évéque  et  conven- 
tionnel. —  AuLARD,  La  diplomatie  du  premier  Comité  de  salut  public, 
Allemagne.  —  Les  adhésions  aux  Bourbons  en  1814.  —  Barroux,  Acte 
de  naissance  de  Condorcet.  —  Bibliographie  :  Charavay,  L'assemblée 
électorale  de  Paris;  Du  Bled,  Les  causeurs  de  la  Révolution;  Marquis 
de  Villeneuve,  Charles  X  et  Louis  XIX;  Vallat,  Etudes  d'histoire,  de 
mœurs  et  d'art  musical  sur  la  tin  du  xvin«  siècle  et  la  première  moitié 
du  XIX*  siècle,  d'après  des  documents  inédits  (ce  volume  n'est  qu'une 
biographie  du  violoniste  Alexandre  Boucher,  et  manque  un  peu  de 
rigueur  critique;  mais  il  est  bien  amusant). 

The  Academy,  n»  986  :  Sharp,  Life  of  Robert  Browning  (contient  tout 
ce  qu'on  doit  savoir,  mais  tait  avec  un  peu  de  promptitude  et  de  hâte). 

—  Corresp.  between  William  Pitt  and  Charles  duke  of  Rutland,  lord- 
lieutenant  of  Ireland,  1781-1787,  with  an  introd.  note  by  John  duke  of 
Rutland.  —  W^arner,  Studies  in  the  South  and  West,  with  comments 
on  Canada.  —  Some  books  on  économies.  —  Mr.  Campkin  (not.  né- 
crol.).  —  Mary  Louisa  Boyle  (not.  nécrol.). —  Newly  discovered  mss. 
of  Giordano  Bruno  (découvertes  faites  par  M.  R.  Stolzle  à  la  bibliothè- 
que d'Augsbourg).  —  The  relations  between  Dante  and  Béatrice  (Tora- 
linson).  —  The  verb  mean  to  moan  (Skeat).  —  Chaucer's  story  of  ik 
mad  cow  (Rhys  Davids).  - —  Conradi  Hirsaugensis  dialogus  super  auc- 
tores  sive  didascalon,  p.  p.  Schepss  (cp.  Revue,  n°  i5;. 

The  Athenaetim,  n°  3259  :  Hurlbert,  France  and  the  Republic.  — 
Thornton,  The  Stuart  dynasty,  short  studies  ot  its  rise,  course  and 
early  exile  (portraits  qui  ressemblent  à  ceux  de  la  galerie  d'Holyrood; 
ils  se  l'essemblent,  mais  ils  ne  ressemblent  pas  aux  originaux).  — 
Giffen,  The  growth  of  capital.  —  Venn,  The  principles  of  empirical 
or  inductive  logic.  —  Dickson  and  Edmond,  Annals  of  Scotish  printing 
from  the  introd.  of  the  art  in  iSoy  to  the  beginning  of  the  XVII  cen- 
tury  (méritoire),  —  Register  of  the  Abtey  of  St.  Thomas,  Dublin,  p.  p 
Gilbert.  —  Miss  Bayle  (W^atts).  —  Thomas  Guy,  Peter  Parker  ant 
the  University  of  Oxford,  II  (Bettany).  —  The  Dict.  of  National  Bio 
graphy  (liste  des  futurs  articles  de  Kiallmark  à  Knight).  —  The  nex 
Oriental  Congress.  —  Bishop  Callaway. 

Literarisches  Centralblatt,  n"  16  :  Watke's  Religionsphilosophie,  p.  p 
Preiss.  —  Bruck,  Gesch.  der  kathol.  Kirche  in  Deutschland,  IL  - 
Krause,  Zur  Gesch.  der  neueren  philos.  Système,  p.  p.  Hohlfeld  u 
WûNscHE.  —  Hack  Tuke,  Gcist  u.  Korper.  —  Von  Heyden,  Die  Trach 
der  Culturvôlker  Europas  vom  Zeitalter  Homer's  bis  zum  Beginne  de 
XIX  Jahrh.;  Quincke,  Katechismus  der  Costûmkunde  (le  travail  d 
Heyden  est  un  manuel  scientifique  dans  le  meilleur  sens  du  mot  et  ser 
consulté  avec  grand  profit;  celui  de  Quincke  est  surtout  utile  à  l'acteur 

—  Heigel,  Der  Umschwung  der  bayerischen  Politik  1 679-1 683  (éclaii 
cissements  de  grand  intérêt).  —  M.  Carrière,  Lebensbilder  (reçue 
d'études  éparses  et  aujourd'hui  réunies,  à  notre  grand  contentement).  - 
Orosius,  p,  p.  Zangemeister.  —  Knust,  Gesch.  der  Legenden  der  i 
Katharina  von  Alexandrien  u.  der  h.  Maria  Aegyptiaca  nebst  unediei 


tem  Text  (très  estimable  contribution  à  l'iiistoire  de  la  littérature  'géné- 
rale du  moyen  âge).  —  Index  lect.  quae  in  Univers.  Freib.  habeb.  i. 
Carmen  francogallicum,  p.  p.  Bedier  ;  2.  Streitberg,  De  comparativis 
german.  comm.  (Bédier  publie  le  Lai  de  l'ombre,  petit  poènie  de 
962  vers,  d'après  six  mss.  et  son  travail  est  très  bien  fait.  —  Streitberg 
a  voué  d'excellentes  recherches  aux  comparatifs  germaniques  en  —  ôs). 
— -  Verzeichnis  altd.  Hschr.  von  Keller,  p.  p.  Sievehs  (toujours  la  même 
exactitude  et  netteté).  —  Noreen,  Utkast  till  fôrelasningar  i  urgerma- 
nisk  judlara,  etc.  (très  remarquable,  court,  concis  et  clair).  —  Condivi, 
Leben  des  Michelangelo  Buonaroiti,  aus  dem  italienischen. 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n»  i5  :  Sôder,  Biblische  Parallelberichte.  — 
Laistner,  Das  Riitsel  der  Sphinx,  (malgré  les  critiques  et  quel  que  soit 
le  point  de  vue  du  lecteur,  l'ouvrage  est  très  instructif  et  suggestif).  — 
L.  Fischer,  Grundriss  des  Systems  der  Philosophie  als  Bestim- 
mungslehre.  —  Poten,  Gesch.  des  Militarerziehungs  =:  und  bildungs- 
wesens  in  den  Landen  deutscher  Zunge.  I.  AUgem.  Uebersicht,  Baden, 
Baiern,  Braunschweig,  Colmar.  —  J.  Barth,  Die  Nominalbildung  in 
den  semitischen  Sprachen,  I,  Die  schlichten  Nomina.  (système  que  le 
critique  ne  repousse  pas,  mais  qu''il  accueille  avec  réserve  et  doute).  — 
Ausonii  opuscula,  p.  p.  Peiper;  Ausonii  Mosella,  p.  p.  De  La  Ville 
DE  MiRMONT  (le  travail  de  Piper  offre,  à  côté  de  beaucoup  de  choses 
inutiles  et  manquées,  quelques  bonnes  conjectures;  le  travail  français 
est  superbement  édité,  mais  donne  prise  à  de  nombreuses  critiques;  cp. 
Revue,  n»  jo).  —  Gœthes  diei  letzte  Lebenstage,  die  Handschrift  eines 
Augenzeugen  hrsg.  von  Holsten. —  Birch-Hirschfeld,  Gesch.  derfranz. 
Liter.  seitAnfang  des  XVI  Jahrh.  I.  Renaissance  (intéressant  et  impor- 
tant, cp.  Revue,  n»  11).  —  Seeliger,  Erzkanzier  u.  Reichskanzleien, 
(Soigné).  —  Cherbuliez,  Profils  étrangers  (d'après  le  critique  qui  goûte 
surtout  les  études  sur  la  famille  Buchholtz,  sur  un  missionnaire  écossais, 
sur  Louis  II  de  Bavière,  sur  Lord  Beaconsfield,  sur  Charles  Gordon, 
Cn.  sait  marquer  les  traits  caractéristiques  de  la  vie  nationale  des  peu- 
ples étrangers,  il  comprend  et  connaît  PAUemagne,  mais  il  «  est  en 
politique  sur  un  chemin  décidément  faux  »).  —  Bau-und  Kunstdenk- 
miiler  Thûringens,  p.  p.  Lehfeldt,  VI,  Sachsen  Meiningen,  Saalfeld. 
—  DiETZEL,  Karl  Rodbertus,  Darst.  seines  Lebens  u.  seiner  Lehre,  II. 
Socialphilosophie.  —  Archàol.  Gesellschaft  zu  Berlin,  4  mars. 

—  N"  16  :  Perthes'  Handlexikon  fiir  evangel.  Theologen,  1-8.  — 
'WiiNSCHE,  Der  babylon.  Talmud  in  seinen  haggad.  Bestandteilen  ubers. 
II,  4.  —  Phadon  philosophisch  erkl.  u.  durch  die  spâteren  Beweise  fur 
die  Unsterblichkeit  erganzt  von  J.  Baumann.  —  Reinisch,  Die  Kunama- 
sprache  in  Nordostafrika,  IL  —  Groeger,  De  Argonauticarum  fabula- 
rum  hist.  quaest.  sel.  (petit  livre  absurde).  —  "Wilmanns,  Beitr.  zur 
Gesch.  der  ait.  deutschen  Liter.  IV,  Untersuch.  zur  mhd.  Metrik 
(recherches  d'ensemble  très  sagaces  aux  résultats  parfois  intenables, 
mais  souvent  très  féconds).  -  Soltau,  Die  rom.  Amtsjahre  auf  ihren 
natûrl,  Zeiwert  reducirt  et  Romische  Chronologie  (tout  cela  ne  peut 
être  recommandé  aux  étudiants  et  amis  de  l'antiquité  ;  mais,  malgré  ses 
défauts  et  ses  erreurs,  l'œuvre  est  utile,  elle  renferme  quelques  pensées 
saines;  détaillée  et  pleine  de  choses  comme  elle  est,  c'est  un  répertoire 
de  toutes  les  tentatives  qui  ont  été  faites  dans  ces  dernières  années  pour 
la  solution  des  problèmes  de  la  chronologie  romaine).  —  Urkundenbuch 
der  Stadt  lena.  u.  ihrer  geistlichen  Anstalten,  I,  1 182-1405,  p.  p. 
J.  E.  A.  Martin.  —  The  constitutional  documents  of  the  Puritan  Révo- 
lution 1628-1660  p.  p.  S.  R.  Gardiner.  —  Stanleys  Briefe  iiber  Emin 
Paschas  Befreiung  p.  p.  Keltie  u.  W^obeser  ;  la  délivrance  d'Emin 
Pacha.  —  GaedertZ;  Gœthe   u.  Maler  Kolbe.  —  H.achenburg,    Die 


besondere  Streitgenossenschaft.  —  Manche,  Die  brand.  preuss.  Reiterei 
seit  der  Zeit  des  Grossen  Kuiiûrsten,  (rien  de  nouveau  et  de  bien  remar- 
quable). —  Gesellschatt  fur  deutsche  Literatur,  19  mars. 

Berliner  philologiscbe  Wochenschrift,  n°  i3  :  Prof.  Niemann  ûber  Troja. 

—  Agrapha,  aussercanonische  Evangelienfragmente,  gesammelt  u. 
untersucht  von  Resch;  Anhang,  das  Evangelienfragm.  von  Fajj'um, 
von  Ad.  Harnack.  —  Fourer,  Ephemerides  Caesarianae  rerum  inde 
ab  ineunte  bello  Africano  usque  ad  extremum  bellum  Hispanense 
gestarum  (assez  bon).  —  G.  Plinii  Caecilii  Secundi  Epistulae  ad  Traja- 
num  imperatorem  cum  ejusdem  responsis,  p.  p.  Hardy  (très  instructif). 

—  Conradi  Hirsaugiensis  dialogus  super  auctores  sive  didascalon,  eine 
Littcraturgescli  von  dem  XII  Jahrh.,  p.  p.  Schepss  (cp.  le  numéro  i5 
de  la  Revue  critique).  — Schreiber,  Ûie  hellenistischen  Reliefbilder,erste 
Lieferung,  Tafel  I-X  très  remarquable  publication,  important  pour  Jes 
philologues  et  aussi  pour  les  artistes).  —  Cocchia,  I  Romani  aile  Forche 
Caudine-,  Stûrenburg,  Zu  den  Schiachtfeldern  am  Trasimenischen  See 
und  in  den  Gaudinischen  Pilssen  (deux  bons  travaux;  celui  de  Gocchia 
est  solide  et  sûr;  la  belle  carte,  très  soignée,  de  Stûrenburg  sert  à  le 
confirmer  ;  la  défaite  des  Romains  a  eu  lieu  entre  Arienzo  et  Arpaja).  — 
G.  Ad.  MûLLER,  Pontius  Pilatus,  der  tûnfte  Prokurator  von  Judeaa  und 
Richter  Jesu  von  Nazareth,  mit  einem  Anhang  «  die  Sagen  ûber  Pila- 
tus »  u.  einem  Verzeichnis  der  Pilatus-Litteratur  (habilement  écrit, 
mais  c'est  la  seule  louange  qu'on  puisse  donner  à  ce  travail).  —  Otto 
Richter,  Topographie  von  Rom  (excellent  :  à  la  fois  exact  et  attachant, 
offre  sous  une  forme  concise  tout  ce  qu'il  faut  savoir,  jugement  sain). 

—  N014:  Prof.  Niemann  ûber  Troja,  II. — Troost,  Inhaltu.  Echtheit 
der  Platon.  Dialoge  aufGrund  log.  Analyse,  I.  Die  UnechtheitdesChar- 
mides  (n'est  pas  convaincant).  —  L.  von  Sybel,  Piatons  Technik,  an 
Symposion  u.  Euthydern  nachgewiesen  (nouvelle découverte!).—  R.  von 
ScALA,  Die  Sludien  des  Polybios,  I  (livre  attachant;  vaste  savoir,  larges 
points  de  vue,  exposition  vivante).  —  Fabia,  Les  prologues  de  Térence 
(l'impression  d'ensemble  est  favorable,  cp.  le  n°  27  de  la  Revue  a^itique, 
1889).  —  Peregrinatio  ad  loca  sancta,  saeculi  iv  ineuntis,  édita,  rossice 
versa,  notis  illustrata  a  Pomialowsky  (rendra  de  grands  services).  —  f 
OcciONi,  Storia  délia  litteratura  italiana  compendiata  ad  uso  dei  lycei. 

—  A.  ScHAEFER,  Abriss  der  Quellenkunde  der  griech.  u.  rom.  Gesch. 
I,  bis  au!  Polybios,  4"  Aufl.,  p.  p.  Nissen.  —  H.  Macmillan,  Roman 
mosaics  or  studies  in   Rome  and  its  neighbourhood  (rien  de  nouveau). 

—  P1ETR0GRANDE,  Ateste  nella  milizia  impériale  (intéressant).  —  Schu- 
LiN,  Lehrbuch  der  Geschichte  des  rômischen  Reiches  (manque  de  pro- 
fondeur scientifique  et  trop  de  suppositions  fantaisistes).  —  Jahr  u. 
WuLFF.  Uebungsbuch  zum  Uebers.  fur  Quarta.  —  Ph.  Mayer,  Die 
kulturhistor.  Entwickel.  Deutschlands  in  der  zweiten  Hàlfte  des  XVI 
Jahrh.  in  besond.  Bezugnahme  auf  die  sachs  Lande,  bearb.  von  Carii:s 
(petit  écrit  assez  bon).  —  Zur  Isylloshandschrift  (A.  Ludwich  :  fin). 

Magazin  fiir  die  Litteratur  des  In-und  Auslandes,  n<"  i5  :  Tovote,  Berliner 
Bûhnenbriet.  —  Silesius,  Von  Richard  Wagner  zur  Mûnchner  Shak- 
speare-Bûhne  (fin).  —  Stempel,  Erstauffiihrungen  Shakspearescher  Dra- 
men  in  Deutschland  (fin).  —  Keller-Jordan,  Einiges  ûber  altmexikan. 
Gebrauche,  Ritos  u.  Gewohnheiien.  —  Ch.  Bartsch,  Dainu  Baisai 
(besprochen  von  L.  Freytag).  —Alex.  Balazs,  Nacht  und  Morgen  (aus 
dem  magyar,  von  Ad.  Kohut,  suite). 


Le  Fuy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


NO  13  Vingt-quatrième  année  5  mai  1890 

REVUE  CRITiQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,   20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues    orientales   vivantes,    etc 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  2S). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte -rendu. 

ERNEST  LEROUX,  EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

L'AFRIQUE  DU  SUD.  Histoire  de  la  colonie  an- 
glaise du  cap  de  Bonne-Espérance  et  de  ses  annexes,  par  M.  Paul 
Lélu.   Un    volume  in-8,  avec  carte... 2   5o 


NOTICE    SUR    LA    CARTE    DE    L'O- 

VjOOUJH,     par   M.    E.   Cat.    In-8,    avec   une  carte...     3  fr. 

BULLETIN  ARCHÉOLOGIQUE   du  comi.é 

des  Travaux   historiques   et   scientitiques.    Année    1889.    Un   beau 
volume  avec    dessins   et  planches  hors   texte 10  fr. 


CATALOGUE  DE  LA  BIBLIOTHÈQUE 

De  feu  M.  Pavet  de  Courteille 

Membre  de  l'Institut,  professeur  au  Collège  de  France. 

Vente  les  22,  23,  24  mai. 


PERIODIQUES 

r 

Aunales  de  TEcole  libre  des  sciences  politiques,  n°  2,  i5  avril  :  Chr.  Sche- 
FER,  Louis  XIV  et  Charles  XII,  I.  La  mission  du  comte  de  Guiscard. 

—  PoiNSARD,  Le  crédit  public  et  les  emprunts  sous  le  Consulat  et  l'Em- 
pire. —  P.  Matter,  La  constitution  hongroise,  1861-1889,  suite  et  fin. 

—  Marge,  La  cour  des  comptes  italienne  —  D'Aubigny,  L'affaire  de 
Port  d'Egmont,  la  chute  de  Choiseul.  —  Borgeaud,  Premiers  program- 
mes de  la  démocratie  moderne  en  Angleterre  1 647- 1 649. — Ledoux,  L'or- 
ganisation du  travail  dans  les  mines  et  pariiculieremeut  dans  les  houil- 
lères. —  Comptes-rendus  :  Vie.  de  Meaux,  La  Réforme  et  la  politique 
française  en  Europe  jusqu'à  la  paix  de  Westphalie.  —  Lyon-Gaen  et  Re- 
nault, Traité  de  de  droit  commercial.  —  Cherbuliez,  Profils  étrangers 

—  Costa  de  Beauregard,  La  jeunesse  de  Charles  Albert.  (Cp.  Revue^ 
1889,  n»23.) 

Annales  de  l'Est,  n^  2,  avril  1899:  Campaux,  De  la  critique  du  texte 
d'Horace  avant  Peerlkamp  (suite).  —  Debidour,  Le  général  Fabvier 
(suite).  —  Nerlinger,  Pierre  de  Hagenbach  et  la  domination  bourgui- 
gnonne en  Alsace  (suite).  —  Pfister,  L'évêque  Frothaire  de  Toul.  — 
Variétés  :  Une  lettre  inédite  de  saint  Vincent  de  Paul.  —  Comptes- 
rendiis  :  Bleicher,  Les  Vosges,  le  sol  et  les  habitants  (très  boni.  —  Le- 
PAGE,  Inventaire  sommaire  des  archives  départ,  de  Meurthe-et-Moselle, 
Tables  des  noms  de  personnes.  —  Ch.  Schmidt,  Strassburger  Gassen- 
und  Hiiusernamen;  Michael  Schiitz  gen.  Toxites  (cp.  Revue,  1889, 
n°  41).  —  Kaeppelin,  Colmar  de  18 14  à  1871.  —  Debidour,  Les  Chro- 
niqueuis,  Il  (cp,  Revue,  iv^  g).  —  Graux  et  A.  Martin,  Notices  som- 
maires des  mss.  grecs  de  Suède,  —  G.  Thomas,  Du  Danube  à  la  Bal- 
tique. 

Annales  du  Midi,  n°  6,  avril  1890  :  Prou,   Peiresc  et  la  numismatique 
mérovingienne.  —  Douais,  Les  ms.  du  château  de  Merville  (suite) 
A.  Thomas,   Rodrigue  de  Villandrando  en  Rouergue.  —  Mélanges  et\ 
documents  :  Une  relation  inédite  de  Tescalade  de  Genève,  i682(Léonl 
G.  Pélissier).  —  Comptes-rendus  :  Sternfeld,  Karl  von  Anjou  als  Grafl 
der  Provence  (cp.  Revue,   1809,  n°  2  5).  —  Eyssette,   Hist.  admin.  dej 
Beaucaire  (cp.  Revue,  n»  9).  —  Coville,  De  Jacobi  Magni  vita  et  ope- 
ribus  (Fauteur  a  tiré  bon  parti  de  son  sujet).  —  Chavernac,   Hist.  de' 
Puniversité  d'Aix,  I  (de  la  bonne  volonté,  mais  rien  de  plus),  —  Auriol, 
La  défense  du  Var  et  le  passage  des  Alpes  (cp.  Revue,  n°  12).  —  Mu- 
gnier,  Le  théâtre  en  Savoie  (utile). 

Bulletin  critique,  n°  7  :  Catal.  cod.  hagiogr.  bibliothecae  regiae  Bruxel- 
lensis;  catal.  cod.  hagiogr.  latinorum  antiq.  saeculo  XVI  qui  asservan- 
tur  in  bibl.  nat.  Parisiensi  ;  Analecta  BoUandiana.  —  Caro,  Mélanges 
et  portraits,  Poètes  et  romanciers,  Pilosophie  et  philosophes,  Variétés 
littéraires.  —  De  La  Grange  et  Cloquet,  Etudes  sur  l'art  à  Tournai  et 
sur  les  anciens  artistes  de  cette  ville  (dépouillement  attentif  et  complet 
des  archives  de  Tournai  en  ce  qui  concerne  l'art  et  les  artistes  locaux). 

—  Kervyn  de  Lettenhove,  Marie  Stuart,  Pœuvre  puritaine,  le  procès, 
le  supplice.  (T.  de  L.  :  «  J'oserais  affirmer  qu'aucun  loyal  lecteur  ne 
s'élèvera  contre  les  conclusions  de  l'éminent  historien,  tant  le  faisceau 
de  ses  arguments  est  d'une  force  irrésistible,  tant  l'ensemble  de  son  beau 
travail  fait  rayonner  une  souveraine  lumière  au  milieu  des  intrigues 
ourdies  et  des  calomnies  propagées  par  une  haine  qui  ne  recula  devant 
aucune  extrémité.  ») 

—  N°  8  :  Mortet,  Etude  hist.  et  arch.  sur  la  cathédrale  et  le  palais 
épiscopal  de  Paris  (cp.  Revue,  1889,  n°  5i).  — Abbé  Thomas,  Les  temps 
primitifs  et  les  origines  religieuses,  d'après  la  Bible  et  la  science  (livre 


de  prudente  sagesse  et  de  haute  raison].  —  Viollet,  Hist.  des  instit. 
polit,  et  admin.  de  la  France,  tome  1*""  (i^'  article).  —  Comte  de  Panisse- 
Passis,  Les  comtes  de  Tende  de  la  maison  de  Savoie  (très  bonnes  re- 
cherches). —  De  Maulde  La  Clavière,  Les  origines  de  la  Révolution 
française  au  commencement  du  xvi""  siècle,  la  veille  de  la  Réforme 
(théorie  historique  contestable,  et  titre  de  circonstance;  l'auteur  a  pris 
pour  modèle  le  premier  volume  de  Janssen,  quMl  n'égale  pas  pour  la 
largeur  de  Texposition  et  la  richesse  des  détails;  bon  nombre  de  ren- 
seignements curieux  puisés  à  des  sources  inédites,  mais  des  objections  à 
faire). 

The  Academy,  n"  987  :  Boyd-C arpenter,  The  permanent  éléments  of 
religion,  Bampton  lectures  for  1887.  —  Hunter,  The  marquess  of 
Dalhousie  (de  grande  valeur].  —  Taies  and  legends  from  the  land  of  the 
tzar,  transi,  from  the  original  Russian  by  Edith  Hodgetts.  —  Hissey, 
A  tour  in  a  phaeton.  —  Some  local  historiés  :  Fishwick,  Rochdale; 
Rye,  Cromer;  Baigent  and  Millard,  Basingstoke;  Humphreys,  Wel- 
lington; Peach,  Swainswick;  Rogers,  Yarlington  ;  Poster,  St.  Mary, 
Whaplode;  Montgomery,  Kennington).  — William  Maskell.  — John 
R.  Wise.  —  Rob.  Browning's  ancestors  (Furnivall).  —  The  Harleian 
ms,  7334,  Chaucer  (Skeat).  —  Firdusi  and  the  old  high-german  Lay 
of  Hildebrand  (Krebs),  —  Chaucer's  story  of  the  mad  cow  (Clouston). 

—  Cartailhac,  La  France  préhistorique  d'après  les  sépultures  et  les 
monuments  (cp.  Revue,  n^  48).  —  New  Jaina  inscriptions  from  Ma- 
thurâ  (Bûhler).  —  Howorth,  Coins  and  tokens  of  the  English  colonies. 

—  Letter  from  Egypt  (Sayce). 

The  Athenaeum,  n^  3260  :  Col.  Davidson,  Memoirs  of  a  long  life.  — 
TozER,  The  islandsofthe  Aegean  (cp.  Revue,  n°  i3). —  Luge,  La  France 
pendant  la  guerre  de  Cent  Ans,  épisodes  historiques  et  vie  privée  (très 
remarquable  et  plein  de  détails  inédits).  —  Theological  books  :  Elwin, 
The  minister  of  baptism  ;  Reynolds,  Athanasius;  Maccoll,  Christianity 
in  relation  to  science  and  morals  ;  Simcox,  The  language  of  the  New 
Testament.  —  The  Dictionary  of  National  Biography  (liste  des  futurs 
articles  de  Knightley  à  Lansdowne).  —  Wallis,  Notes  on  some  exam- 
ples of  early  Persian  lustre  ware. —  Notes  from  Athens  (Gardner). 

The  Babylonian  and  Oriental  Record,  n^  4  :  J,  Halévy,  The  nation  of  the 
Mards.  —  Terrien  de  Lacouperie,  The  Déluge-Tradition  and  its  re- 
mains in  ancient  China.  —  Bonavia,  Did  the  Assyrians  know  the  sexes 
of  the  date  palms?  —  Boscawen,  Notes  on  the  Assyrian  sacred  trees. 

Magazin  fiir  die  Literatur  des  Iii-und  Auslandes,  n^  16  :  Neumann-Hofer, 
Berliner  Theaterbriefe.  —  Chotzner,  Eine  moderne  englische  Stimme 
liber  Gœthe  in  seinem  vorgertickteren  Alter.  —  Mehring,  Ein  neuer 
Prophet.  —  Edgar  Poe,  Das  Colosseum,  an  Zante  (zwei  Gedichte  libers. 
von  Wilda).  —  Balasz,  Nacht  und  Morgen  (aus  dem  magyar,  von  A. 
Kohut). 

Bulletin  international  de  rAcadémie  des  sciences  de  Cracovie,  mars  :  Winda- 
KiEwicz,  Poésie  lyrique  de  Sarbiewsky,  étude  littéraire,  (étude  sur  un 
poète  qui  n'est  pas  sympathique;  mais  qui  est  très  curieux  à  connaître). 

—  Leges,  privilégia  et  statuta  civitatis  Cracoviensis,  tomus  II,  1587- 
1696,  I,  p.  p.  PiEKOsiNSKi.  —  OssowsKi,  Rapport  sur  les  recherches 
palethnologiques  de  Tannée  1889.  —  Birkenmayer,  Sur  un  fragm. 
d'astronomie  ancienne,  conservé  par  Tacite,  et  son  importance  pour 
Thistoire  de  cette  science  (De  oratoribus,  cap.  16  :  Hipparque  ne  peut 
pas  être  considéré  comme  celui  qui  a  découvert  la  précession  des  équi- 
noxeSj  puisque  ce  phénomène  n'était  pas  inconnu  aux  philosophes 
ioniens  plusieurs  siècles  avant  lui). 


LIBRAIRIE   DE   L'ART 

29,  Cité  d'Antin,  PARIS 


LES 

ARTISTES  CELEBRES 

Antiquité,  Moyen-Age,  Renaissance,  Temps  modernes 
BIOGRAPHIES    ET    NOTICES    CRITIQUES 

PUBLIÉES  SOUS  LA  DIRECTION  DE 

M.  Eugène  MÛNTZ 


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PEINTRES 

PRU D'HUN,  par  Pierre  Gauthiez.    2  50 
LE  BARON  GROS,  par  G.   Dar- 

GENTY 3    50 

DEGAMPS,  par  Gtiarles  Glément.    3  50 

EUGÈNE  DELAGROIX,  par  Eu- 
gène Véron 5    » 

Mme  VIGÉE   LEBRUN,    par  Gh. 

PiLLET 2  50 


BOUGHER,  par  André  Michel.     . 

LA  TOUR,    par  Ghampfleury.     . 

HENRY  REGNAULr,  par   Roger 
Marx 

FRAGONARD,  par  Félix  Naquet. 

SCULPTEURS 

LIGIER    RIGHIER,    par    Gharles 

GOURNAr'LT 

RUDE,   par    Alexis  Bertrand.     . 
BARYE,  par   Arsène   Alexandre. 

ARCHITECTES 

PHILIBERT    DE     L'ORME  ,    par 
Marins  Vachon 2  50 

DESSINATEURS   ET  GRAVEURS 

JAGQUES    GALLOT,  par  Marias 
Vachon 3    » 


2  50 

4  50 

4     » 


DECORATEURS 

BERNARD    PALISSY,    par   Phi- 
lippe BORTY 2  50 

JEAN    LAMOUR,     par    Gharles 
Gour.NAULT 1  50 

ÉCOLE  ITALIENNE 

P'ÎINTIVES 

FRA  BARTOLOMMEO,   par  Gus- 
tave Grtjyer 4    » 

PAUL  VÉRONÈSE,    par  Charles 
Yriaute 3  51) 

SCULPTKUUS 

DONATELLO,  par  Eugène  Mûntz    5    > 

ÉCOLE  HOLLANDAISE 

REMBRANDT,  par  Emile  Michel.    5    ' 
TERBURG,  par  Emile  Michel. 
VAN  DER  MEER,  par  Henri  ILv 

VARD 

HOBBEMA,  par  Emile  Michel. 

ÉCOLE  ESPAGNOLE 

VELAZQUEZ,  par  Paul  Lefort. 
FORTUNY,  par  Gharles  Yriarte 

ÉCOLE  ANGLAISE 


1  50  j 

2  50 


5  5C| 
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REYNOLDS,  par  Ernest  Ghesneao.    3 
TURNER,  par  Philip  Gilbert  IIa- 
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ÉDELINGK,  par  Henri  Delaborde    3  50 
GAVA.RNI,   par  Eugène  Forgues.    3    » 

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—  Edition  sur  Japon,  exemplaires  numérotés  avec  double  suite  de  gravures.  —  L 

prix  de  cette  édition  est  le  triple  du  prix  de  l'édition  ordinaire. 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  2;. 


N"  19  Vingt-quatrième  année  12  mai  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RKCUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


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Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25  fr. 


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Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
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LA  RENAISSANCE  DES  LETTRES  et  lessor 

de  l'érudition    ancienne   en    Belgique,  par   Félix    Nève,   professeur 
émérite  de  l'Université  de  Louvain.  Un    beau   volume    in-8,     8  fr. 


DICTIONNAIRE  TURC-FRANCAIS. 

Supplément  aux  Dictionnaires  publiés  jusqu'à  ce  jour,  renfer- 
mant :  1°  Les  mots  d'origine  turque;  2°  Les  mots  arabes  et 
persans  employés  en  osmanii,  avec  leur  signification  particulière; 
3°  Un  grand  nombre  de  proverbes  et  de  locutions  populaires  ; 
4"  Un  vocabulaire  géographique,  par  A.  G.  Barbier  de  Meynard, 
membre  de  l'Institut,  2  forts  volumes  publiés  en  8  fascicules.     80  fr. 

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LA  BRODERIE,    du  xi-^  siècle  jusqu'à  nos 

JOURS,  par  L.  de  Farcy.  Cet  ouvrage  sera  publié  en  2  fasci- 
cules  in-folio,    avec  planches.    Prix  de  souscription 80  fr. 


PEKIODK^UES 

Revue  de  Belgique,  i5  avril  :  Pkrgamkni,  l'éloquence  politique  sous  la 
Rcvolution.  —  MiNNAERT,  souvenirs  de  voyage,  au  Caire.  —  Schoen- 
FELD,  TEspagne  arabe  (dernier  article).  —  Essais  et  notices  :  M™^  Clém. 
RoYER,  un  philosophe  américain. 

The  Academy,  n*'  gSS  :  Murdock,  The  reconstruction  of  Europe.  — 
Hatch,  Towards  rields  of  light,  sacred  poems  ;  Memorials  of  Edwin 
Hatch,  edited  by  his  brother.  —  Kroupa,  An  artist's  tour,  gleaning  and 
impressions  of  travels  in  North  and  Central  America  and  the  Sandwich 
islands.  —  Molines,  Etude  sur  Alex.  Vhiet  critique  littéraire  (fait  avec 
soin  et  détail).  —  The  Birds  of  Aristophanes  p.  p.  Merry,  The  Iphige- 
neia  of  Aulis  p.  p.  Headlam.  Plinv's  Letters  I  and  II  p.  p.  Cowan,  The 
Historiés  of  Tacitus,  Ill-V  p.  p.  Godley,  Sélections  from  Valerius 
Maximus  p.  p.  Inge;  The  Ethics  of  Aristotle,  analysed,  annot.  and 
transi,  by  Jeyes;  Agricola  p.  p.  Schône;  KônigOidipus  p.p.  Schubert. 

—  Irish  items  (O'  Grady).  —  The  relations  between  Dante  and  Béatrice 
(Miss  Busk).  —  The  etymology  of  Teuton  (Bradley  :  se  rapporterait 
au  goth.  thiuths,  bon).  —  Catal.  of  the  Persian,  Turkish,  Hindustani, 
and  Pushtu  Manuscripts  in  the  Bodleian  library,  begun  by  Prof.  Ed. 
Sachau,  continued,  compleied  a  edited  by  Ethé,  part  I,  The  Persian 
Manuscripts.  —  Etruscan  and  Libyan  divinity  names  (Rob.  Brown, 
jun.).  —  A  relie  of  Naukratis  (Am.  B.  Edwards). 

The  Athenaeum,  n"  3261  ;  The  life  of  Carmen  Sylva,  queen  of  Rou- 
mania,  transi,  h'om.  the  German  by  baroness  Deichmann.  —  Carstensen, 
Two  summers  in  Greenland.  —  I\itchin,  Winchester  (bon  livre  d'his- 
toire locale).  —  Barton,  History  of  New  South  Wales  from  the  records, 
vol.  I. —  Frenchbooks;  Paleologue,  Vauvenargues  (cp.  Revue,  n"  i3); 
An.  France,  la  vie  littéraire;  Yacoub-Pacha,  l'instruction  publique  en, 
Egypte  (cp.  le    présent   art.  de    la  Revue).  —  A  review  of  Thackerays.*^ 

—  Benedict  of  Oxford  (Neubauer).  —  Miss  Boyle.  —  The  Dictionary  of 
National  Biographv  (liste  des  futurs  art.  de  Lant  à  Layton).  —  Bulga- 
rian  literature.  —  The  Teacher's  Guild.  —  A  fasting  man  of  the  sixteenth 
century.  —  The  legend  of  the  Briar  Rose.  —  The  excavations  at  Mega- 
lopolis  (Lorings  et  Richards). 

Literarisches  Centralblatt,  n"  17  :  Dalman,  Studien  zur  biblischen  Theol. 
Der  Gottesname  AdonaJ  u.  seine  Gesch.  (soin  et  savoir,  réflexion  et 
grande  clarté).  —  Mûnkel's  nachgel.  Scnriften.  —  Gottlob,  Aus  der 
caméra  apostolica  des  XV  Jahrh  (cp.  Revue,  n"  9).  —  Die  Verhandl. 
Schwedens  u.  seiner  Verbiindelen  mit  Wallenstein  u.  dem  Kaiser  i63i- 
1634,  p.  p.  Irmer  (beaucoup  de  docuinents  de  grand  intérêt).  —  Bie- 
DERMANN,  23  Jahre  deutscher  Gesch.  Vom  Wiener  Congress  bis  zum 
Thronwechsel  in  Preussen,  eine  Erganz.  nach  riickwarts  zu  des  Verf. 
3o  Jahren  deutscher  Gesch.  I   («  ein  Volksbuch   im    besten  Sinne  »). 

—  Fkiederichsen,  Die  dsutschen  Seehafen,  I.  —  Burckhardt,  Zur 
Gesch.  der  Locatio  Conductio.  —  Rivif.r,  Lehrbuch  des  Vôlkerrechts. 

—  Philonis  Alexandrini  libellus  de  opificio  niundi,  p.  p.  Cohn  (comble 
une  lacune).  —  Taciti  Agricola,  p.  p.  Schoene  (plus  de  cent  conjectures 
nouvelles).  —  Meyer-Lubke,  Grammatik  der  roman.  Sprachen,  I, 
Lautlehre  (œuvre  d'nn  seul  jet  qui  est  au  point  de  vue  du  sujet  et  de  iaj 
méthode  à  la  hauteur  de  la  science).  —  Judith,  p.  p.  Cook  (édité  aveQi| 
grand  soin).  —  M.  Hirschfeld,  Untersuchungen  zur  Lokasenna  (tra-' 
vail  superficiel,  l'auteur  n'a  pas  les  plus  simples  éléments  de  la  méthode 
philologique  et  les  connaissances  les  plus  nécessaires).  —  Regel  u. 
ScHULER,  Einfuhr.  in  das  heutige  Englisch.  —  Denkm.  griech.  u.  rom. 
Scuiptur,  p.  p.  BuuNN  u.  Bruckm.ann,   Lief.  14-19.  —  Jahrb.  des  hohe- 


ren  Unterrichtswesens  in  Oesterreich  bearb.  von  Neubauer  u.  Divis. 
m,  1890. 

—  N»  18  :  Seydel,  Vom  Christentum  Ghristî,  vier  Vortrâge.  —  Von 
DôLLiNGER,  Beitnige  zur  Sektengesch.  des  Mittelaltérs  (cp.  Revue,  n»  7). 

—  Harms,  Ethik.  —  Vkrnes,  précis  dhist.  juive  depuis  les  origines  jus- 
qu'à l'époque  persane.  (L^auteur  ne  répète  pas  ce  que  les  autres  ont  dit, 
et  il  pense  par  lui-même;  mais  son  travail  ne  peut  être  regardé  comme 
le  résultat  réellement  mûri  d'une  recherche  sérieuse  qui  aspire  unique- 
ment au  vrai,  et  non  au  nouveau).  —  P.  Viollet,  Hist.  des  instit.  polit, 
et  admin.  de  la  France,  1.  (Œuvre  d'un  savant  indépendant  et  circons- 
pect; rien  de  sec;  ensemble  artistement  composé;  l'auteur  est  maître 
de  son  sujet,  il  écrit  brièvement  sans  rien  oublier  d'essentiel  et  expose 
des  opinions  nouvelles;  pour  parler  comme  lui,  il  est  clair  et  reste 
simple,  cp.  Revue,  n"  i5).  —  Necrologia  Germaniae,  II,  i,  Dioc.  Salis- 
burgensis,  p.  p.  Siegm.  Herzberg-Fraenkel.  —  Theoderici  de  Nyem 
de  Scismate  libri  très  p.  p.  Erler  (fait  avec  le  meilleur  soin).  —  Proksch, 
Die  Liter.  ûber  die  venerischen  Krankheiten  von  den  ersten  Schriften 
ûber  Syphilis  aus  dem  Ende  des  XV  Jahrh  bis  1889.  —  Saran,  Hart- 
mann von  Aue  als  Lyriker  (sagace  et  réfléchi).  —  Von  Sosnoksky, 
Sprachsunden,eineBlûthenleseausdermodernen  deutschen  Erzilhlungs- 
literatur  (trop  sévère  et  pédantesque).  —  Gaedertz,  Gœthe  u.  Maler 
Kolbe  (intéressant).  —  Musen  u.  Grazien  in  der  Mark,  Ged.  von 
F.  A.  W.  Schmidt,  p.  p.  Geiger  (très  louable).  -  Mejer,  Wolt"  Gœthe, 
ein  Gedenkblatt  (biographie  d'un  des  deux  petit-fils  du  poète,  tous  deux 
écrasés  par  le  nom  de  leur  aïeul).  —  Boutkowski-Glinka,  Petit  Mionnet 
de  poche,  i  (utile  et  commode  pour  les  numismates  en  voyage.  — 
Schoekfer,  De  Deli  insulae  rébus  (fait  avec  application  et  soin).  — 
Graul,  Die  antiken  Portriitgem.ïlde  aus  den  Grabstiltten  des  Faijum. 

Deutsche  Litterattirzeitung,  n°  i-j  :  Weiss,  Meyers  Comm.  zum  Mat- 
thausevang.  S"^  ed .  —  Blass,  Ueber  die  Aussprache  des  Griech.  3^  éd.  ; 
Zachkr,  die  Aussprache  des  Griech.  —  Plauti  Menaechmi,  p.  p.  Lowe 
u.  ScHÔLL.  —  ScHWEiTZER,  Haus  Sachs  (cp.  Revue,  1889,  n»  47). — 
Italien.  Bibliothek,  p.  p.  Ulrich,  I,  Aehere  Novellen  (les  notes  sont 
faites  avec  une  grande  négligence,  beaucoup  sont  obscures,  quelques- 
unes  fautives,  nombreuses  tautes  d'impression),  —  Gesch.  des  Volkes 
Israël,  II.  Stade,  Gesch.  des  vorchristl.  Judentums  bis  zur  christl.  Zeit; 
HoLTZMANN,  Das  Eudc  des  jud.  Staatswesens  u.  die  Entsteh.  des  Chris- 
tentums  (fin  d'un  owvrage  remarquable).  —  Kaemmel,  Deutsche  Ge- 
schichte  (clair  et  savant  exposé  en  un  volume,  tâche  vaste,  tentative 
sérieuse  et  à  saluer  avec  joie).  —  Rubsam,  Joh.  Baptista  von  Taxis,  ein 
Staatsmann  u.  Militiir  unter  Philipp  H  u.  Philipp  III,  i5  3o-i6io, 
nebst  einem  Excurs  :  aus  der  Urzeit  der  Taxischen  Posten,  i5o5-i520 
(n'est  qu'une  suite  de  notes).  —  J.  Schlosser,  Die  abendl.  Klosteran- 
lagedes  friihen  Mittelaltérs  (très  solide).  —  Bericht  tiber  die  Arbeiten 
der  Wiclifgesellschaft  (Buddensieg). 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  n"  i5  :  Archaologisches  (Mehlis).  — 
Eine  Gefahr  u.  eine  Warnung.  —  Programme  :  Butzer,  Der  lonicus 
amaiore;  Bindseh,,  Einfl.  des  Klass.  Unterrichts  auf  die  Ausb.  der 
Sprachtertigkeit  im  Deutschen;  G^de,  Die  lat.  Schulgram.  von  Ellendt- 
Seyffert  u.  Stegmann;  Braun,  Zur  Reform  des  lat.  \Jnterr.  ;  Tschirch, 
Stiftung  u.  erste  Blutezeit  der  Saldernschen  Schule.  —  Haigh,  The 
Attic  théâtre  (très  bon  travail  auquel  Dôrpfeld  consacre  un  long  art.). 

—  Odyssey  I-IV,  p.  p.  Perrin.  —  Nageotte,  Hist.  de  la  poésie  lyrique 
ç;recque  (fait  avec  goût  et  esprit  à  la  façon  de  Sainte-Beuve).  —  Frey, 
Ausgew.  Briefe  Ciceros.  —  Corpus  gloss.  lat.  IV.  Glossae  codicum 
Vaticani    332 1    Sangall.  912     Leid.  67  F.  p.  p,  Goetz.   —  Runze, 


Siudien  zur  vergl.  Religions  wiss.  T.  Sprache  u.  Religion  (éclatante 
ignorance  au  moins  en  ce  qui  concerne  la  mvthologie  et  l'étymologie). 
—  Hkrzog,  Stuiiien  zur  Gesch.  der  griech.  Kunst  (bon).  -  Ellinger, 
Die  antiken  Quellen  der  Staatslehre  Machiavellis  (veut  prouver  que 
Machiavel  doit  tout  aux  anciens,  surtout  à  Polybe,  comme  Gicéron 
philosophe  doit  tout  aux  Grecs).  —  Zum  lat.  Unterr.  :  Meissneu,  Lat. 
phrasaeol.;  Tegge,  Lat.  Schulphrasaeol.  ;  Lutsch,  Lat.  Lehr  rz  und 
leseslûcke. 

—  N"  i6  :  KiRCHHOFF,  Hesiodos'  Mahnlieder  an  Perses  (suggestif, 
mais  n'est  pas  convaincant).  —  Platons  Apol.  des  Sokrates  u.  Griton, 
p.  p.  Ghrist;  Republic,  X,  p.  p.  Turner;  Fedone,  p.  p.  Ferrai. — 
Juvenalis,  p.  p.  Weidner  (peu  recommandable  et  beaucoup  de  choses 
incomplètes,  fausses  et  flottantes;  Téditeur  n'est  pas  assez  familier  avec 
la  manière  de  Juvenal  et  n'a  pas  fait  les  études  nécessaires  à  qui  veut 
éditer  ce  poète).  —  Genethliacon  Gottingense,  Miscell.  philol.  —  Droy- 
sen,  Heerwesen  u.  Kriegfiihrung  der  Griechen,  II  (fortifications  et  ma- 
rine). —  Archiv  fur  Liter.  u.  Kirchengesch.  des  Mittelalters,  p.  p. 
Denifle  u.  Ehrle.  IV,  4.  —  G.  Meyer,  Kurzgef.  albanes.  Grammatik 
mit  Lesestûcken  u.  Glossar.  —  Paulsen,  Das  Realgymn.  u.  die  huma- 
nistische  Bildung.  —  Die  Dauer  der  Konsulatsjahre  (Soltau). 

Librairie  Française  et  Etrangère,  H.  WELTER,  rue  Bonaparte,  59,  PARIS 


Je   viens   de    me    rendre    acquéreur   de    la    totalité   du    restant 
de  la  nouvelle  édition,  entièrement  achevée,  du 

GLOSS  ARIUM 

mediœ  et  iufimae  latinatis  —  conditum  a  Carolo  Dufresue 

DOMINO     DU     G  A  N  G  E 

Auctum  a  monachis  ordinis  S.  Benedicti,    cum    suj)plementis  iiitegris  D.  P.  Carpe nterii, 

Adelungii,  aliorum,  suisque  —  digessit  G.  A.  L.    Henschel.  —  Sequuntur  Glossariun; 

galliciun,  Tabulas,  Indices  auctorum   et  rerum,  Dissertationes .  Editio  nova  aucta  pltt'i'' 

ribus  verbis  aliorum  scriptorum  a  Léopolu  FAVRE.  —  Ouvrage  complet.  10  volumes 

in-4.  Niort,  1883-1887. 

Afin  de  rendre  plus  facile  l'acquisition  de  ce  monument,  je  fournirai  aux  abonnés  de 
la  Revue  critique  qui  s'adresseront  directement  a  moi,  l'exemplaire  complet,  broché 
en  10  volumes  m-4,  pour  80  francs  au  lieu  de  300  francs;  ou  pour  115  francs 
l'exemplaire  bien  relié  en  demi-chagrin.  Des  facilités  de  paiement  seront  accordées  aur 
demande. 

Les  frais  de  transport  sont  à  la  charge  de  l'acheteur  (sept  colis  postaux  de  3  kilos). 

Les  exemplaires  encore  à  placer  étant  peu  nombreux,  mon  offre  ne  restera  valable  que 
pendant  1  mois. 

Tout  acquéreur  du   Glossarium  recevra  pour  75  francs  au  lieu  de  150  francs,  le 
Dictionnaire  historique  de  l'ancien  langage  français,  par  Lacurne  de  Sainte  Pa- 
laye,   lit  volume  in— t.  Niort  l-i77-82.  (Reliure  35  francs  en  plus). 
Grammaire   des   Langues  romanes.  —  Par  W.  MEYER,  professeur  à  l'Univer- 
sité d'Iéna.  —  Traduction  française  par  E.  Rabiet,  revue  par  l'auteur. 
L'ouvrage  formera  3  volume  grand  in  8.  —  Le  prix  de  chaque  volume  sera  de  20  francs  I 
—  Le  premier  volume  est  en  vente. 


Le  Puy,  typographie  Mahchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


No  20  Vingt- quatrième  année  19  mai  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL       HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX, EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des   langues    orientales   vivantes,    etc. 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire ),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


KRNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE   BONAPARTE,  28. 

DICTIONNAIRE  TURC-FRANCAlS. 

Supplément  aux  Dictionnaires  publiés  jusqu'à  ce  jour,  renfer- 
mant :  1°  Les  mots  d'origine  turque;  2°  Les  mots  arabes  et 
persans  employés  en  osmanli,  avec  leur  signification  particulière; 
3"  Un  grand  nombre  de  proverbes  et  de  locutions  populaires  ; 
4"  Un  vocabulaire  géographique,  par  A.  C.  Barbier  de  Meynard, 
membre  de  l'Institut,  2  forts  volumes  publiés  en  8  fascicules.  80  fr. 
Le  8^  fascicule  terminant  cet  important  ouvrage  vient  de  paraître. 


Sixième  centenaire  de  l'Université  de  Montpellier.  \ 

LES 

CONSTRUCTIONS  DU  PAPE  URBAIN  V 

A  Montpellier  (1364- 1470) 

d'après  les    Archives  secrètes   du   Vatican 

par  Eugène  Muntz, 

Conservateur   de  l'Ecole   nationale  des  Beaux-Arts. 

Brochure  in-8,  tirée  à  petit  nombre 3  fr. 


PÉRIODIQUES 


Revue  rétrospective,  i''''mai  ;  Corresp.  de  Villenave  et  de  miss  Tasset 
(suite).  —  Les  conséquences  de  la  capitulation  de  Baylen  (trad.  d'une 
brochure  en  allemand  intitulée  Carrière  militaire  d'un  lieutenant  delà 
garde  suisse,  Am.  de  Murait).  —  Le  rapatriement  des  prisonniers  de 
Cabrera,  1814  (Lettres  de  l'enseigne  Pujol).  —  Le  n°  du  i^^  avril  a 
reproduit  des  documents  qu'on  trouve  ailleurs  (Ternaux,  Hist.  de  la 
Terreur.  VII,  notes)  :  l'arrêté  du  Conseil  exécutif  et  les  interrogatoires 
du  duc  d'Orléans  et  du  comte  de  Beaujolais. 

Revue  celtique,  n°^  1-2,  janvier-avril  :  L.  Duchesne,  La  vie  de  saint  Malo. 

—  Nettlau,  The  Fer  Diad  épisode  of  the  Tain  bo  Cuailnge.  —  Saglio, 
Les  bracae  et  les  hosae.  —  Whitley  Stokes,  A  note  about  Fiacha  Muil- 
lethan.  H.  de  La  "Villemarqué,  Anciens  noëls  bretons.  —  Nettlau, 
Notes  on  Welsh  consonants.  —  S.  Reinach,  Inscription  attique  relative 
à  Pinvasion  des  Galates  en  Grèce.  —  Thurneysen,  Gloses  bretonnes.  — 
Ernault,  De  Tanalogie  dans  la  conjugaison  bretonne.  —  Kuno  Meykr, 
Uath  Benine  Etair.  —  Loth,  Les  anciennes  litanies  des  saints  de 
Bretagne.  —  D'Arbois  de  Jubainville,  Les  Gaulois  et  les  populations 
qui  les  ont  précédés  dans  Tltalie  du  nord.  —  A.  de  Barthélémy,  Essai 
de  classitication  chronologique  des  différents  groupes  de  monnaies 
gauloises.  —  Ernault,  'Versions  bretonnes  de  la  Parabole  de  l'Enfant 
prodigue.  —  Mélanges  :  Thurneysen,  Notes  sur  quelques  gloses  gal- 
loises. —  LoTH,  Le  suffixe  d^égalité  gallois  en-et;  De  Tadjectif  subissant 
la  mutation  initialeaprès  un  substantif  masculin;  L'initiale  du  complé- 
ment du  verbe  fléchir  subissant  l'infectio  destituens;  Morgablou  ;  Eru- 
bloblion.  —  Kuno  Meyer,  Tene  cen  coicled  (Echtra  Nerai)  ;  Addenda 
to  the  Echtra  Nerai.  —  Theod.  Reinach,  Note  sur  un  texte  de  Thistorien 
grec  Eusebios  relatif  au  siège  d\me  ville  des  Gaules  par  les  Francs.  — 
D''A.  de  J.  Hercynia.  —  Gaidoz,  Le  ms.  luxembourgeois  des  Hssperica 
Famina.  —  Correspondance  :  Lettres  de  MM.  de  Kay,  Prou,  Salomon^ 
Reinach  (les  simulacra,  di  S.  Reinach,  dont  parle  César,  VI,  17. 
seraient  les  menhir).  —  Bibliographie  :  D'Arbois  de  Jubainville,  Le 
premiers  habitants  de  l'Europe  d"'après  les  écrivains  de  l'antiquité  et  lé 
travaux  des  linguistes,  2^  édition  (grande  conscience  dans  les  recherches^ 
sincérité  parfaite  dans  la  discussion,  zèle  infatigable  à  profiter  dMJ 
travaux  et  des  progrès  de  la  science  ;  mais  deux  défauts  :  laisse  de  cotF 
en  grande  partie  les  découvertes  de  l'archéologie  et  néglige,  au  moins 
en  apparence,  de  nombreux  travaux  parus  sur  les  sources  des  historiens 
et  géographes  de  l'antiquité  et  sur  la  critique  des  textes;  toutefois,  édi- 
tion sensiblement  supérieure  à  la  première  ;  cp.  Revue.    1889,  n'' 26). 

—  Alllmer  et  DissARD,  Trion,  antiquités  découvertes  en   i885,  1886, 
et  antérieurement  au  quartier  de  Lyon  dit  de  Trion.  —  Chronique. 

Bulletin  critique,  n°  9  :  Lipsius,  Theolog'.  Jahresbericht,  I  u.  II.  (Cp- 
Revue,  1889,  n°  52).  —  Hauréau,  Des  poèmes  latins  attribués  àj 
saint  Bernard  (montre  très  bien  que  le  grand  abbé  de  Clairvaux  n'a  rienj 
de  commun  avec  les  plats  rimailleurs  dont  on  a  mis  les  œuvres  à  sa ^ 
charge).  —  Viollet,  Hist.  des  instit.  polit,  et  admin.  de  la  France,  L' 
(Fin  de  Tarticle  :  Touvrage  est  le  meilleur  traité  d'histoire  du  droit! 
f.aiiçais  à  l'usage  des  étudiants  et  l'antidote  nécessaire  à  ce  que  leurs! 


études  juridiques  peuvent  avoir  de  malfaisant  pour  leurs   esprits; 
livre  ne  s'embarrasse  moins  des  théories  abstraites  des  juristes,  ne 
mieux  en  pleine  vie  humaine,  et  ne  reporte  l'esprit,  d'une  allure  plu; 
franche  et  plus  décidée,  des  brocards  sur  les  faits,  des  systèmes  sur  le; 
choses,  et  des  règles  de  Pargumentation  juridique  sur  les  lois  du  déve-, 
loppement  historique,  cp.  Revue,  n°  i5).  —  David-Sauvageot,  Le  réa 
lisme  et  le  naturalisme  dans  la  littérature  et  dans  l'art.  —  Le  Camus 


I 


Notre  voyage  aux  pays  bibliques.  —  Bretonneries  (publications  de 
M,  de  la  Borderie,  etc.). 

Tlie  Academy,  n"  989  :  Fustel  de  Coulanges,  Hist.  des  instit.  polit, 
de  l'anc.  France,  I.  La  monarchie  franque,  II.  L'alleu  et  le  domaine 
rural  ;  P.  Viollet,  Hist.  des  instit.  polit,  et  admin.  de  la  France.  — 
Ibsen's  prose  dramas,  p.  p.  Archer.  —  Besant,  Gaptain  Gook  (fait  partie 
de  la  collection  des  a  English  men  of  action  »).  —  Trollope,  Forther 
réminiscences.  —  Bryden,  Kloiof  and  Karroo,  sport,  legend  and  natu- 
ral  history  in  Cape  colony.  —William  Blades.  —  Irish  items  (Whitley 
Stokes),  —  Mazzini  and  united  Italy  (K.  Blind).  —  The  works  of 
Xenophon,  transi,  by  Dakyns,  1,  Hellenika.  1-2,  and  Anabasis  ;  The 
History  of  Herodotus,  transi,  by  G.  G.  Macaulay.  —  The  language 
of  Aram.-Naharaim  and  the  'su  of  the  Assyrian  tablets  (Sayce).  —  Ivan 
Lermolieff,  Die  Galérien  Borghese  and  Doria-Panfili  in  Rom. 

The  Athenaeum,  n°  3262  :  Diaries  of  Sir  Moses  and  Lady  Montefiore, 
comprising  their  life  and  work  as  recorded  in  iheir  diaries  18 12- 188 3, 
p.  p.  LoEWE.  —  Green,  Among  the  Selkirk  glaciers.  —  Sir  William 
HuNTER,  The  marquess  of  Dalhousie  (bien  fait  et  intéressant).  — 
Ch.  Edmonds,  Poetry  of  the  Anti-Jacobin,  3^  édit.  —  The  Scotch 
fasting  man.  —  The  Oriental  Gongress,  —  Mr.  Blades. 

The  Endish  Historical  Review,  avril  :  Sanday,  Bishop  Lightfoot  as  an 
historian.  —  Hardy,  The  provincial  concilia  from  Augustus  to  Dio- 
cletian.  —  Bury,  The  relationship  of  the  patriarch  Photius  to  the 
empress  Theodora.  —  Gh.  V.  Langlois,  The  comparative  history  of 
England  and  France  during  the  middle  âges.  —  Stanley  Lane-Poole, 
Sir  Richard  Ghurch,  part  II.  —  Lord  Acton,  Wilhelm  von  Giesebrecht. 

—  Notes  and  documents  :  Some  political  poems  of  the  XVI  century, 
p.  p.  KiNGSFORD.  —  Marriage  alliance  of  the  Infante  Pedro  of  Aragon 
and  Edward  I  of  England,  9  oct.  1273,  p.  p.  F.  D.  Swift.  —  The  date 
ofWycHfs  attack  on  transsubstantiation,  by  F.  D.  Matthew.  —  Robert 
Aske's  narrative  of  the  Pilgrimage  of  Grâce,  with  other  documents, 
p.  p.  Miss  Mary  Bateson.  —  Two  accounts  of  the  battle  of  Marston 
Moor,  p.  p.  G.  H.  FiRTH.  —  Revievps  ofbooks  :  Schuckburgh's  transla- 
tion of  the  Historiés  of  Polybius.  —  Kaufmann,  Gesch.  der  deutschen 
Universitiiten,  I. —  Alex.  Sorel,  La  prise  de  Jeanne  d'Arc  devant  Gompiè- 
gne.  —  PÉRiN,  L'ordre  international.  —  Gourtney,  The  Parlamientary 
Représentation  ofGornwall  to  i832.  —  Skelton,  MaitlandofLethington 
and  Henderson,  The  Gasket  Letters.  —  Gardiner,  History  of  the 
Great  Givil  War,  IL  —  Farges,  Recueil  des  instructions  données  aux 
ambassadeurs  et  ministres  de  France,  Pologne.  —  Fiske,  The  critical 
period  of  American  history.  —  Sciout,  La  constitution  civile  du  clergé. 

—  White.  The  ancient  history  of  the  Maori.  —  Ghetham  Society 
publications. 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  n°  17  :  Konferenz  in  Hissarlik, 
mars  1 890.  —  Programme  :  Frenzel,  Entwickel.  des  relativen  Satzbaues 
im  Griech.  —  Shuckburgh,  The  Hist.  of  Polybius,  transi,  from  the 
text  of  HuLTSCH  (bon).  —  Grammatici  graeci  recogniti  et  apparatu  cri- 
tico  instructi,  IV.  Theodosii  ylexandrini  canones,  Georgii  Ghoerobosci 
scholia,  Sophronii  patriarchae  Alexandrini  excerpta  rec.  Hilgard.  I, 
Theodosii  canones  et  Ghoerobosci  scholia  in  canones  nominales  conti- 
nens  (travail  tout-à-fait  sérieux  et  excellent).  —  B'abia,  De  orationibus 
in  Bello  Gallico  (cp.  Revue,  1889,  n°  28).  —  Haacke,  Worterbuch 
zu  den  Lebensbeschreib.  des  Gornelius  Nepos,  lo*^  éd.  —  Stowasser, 
Stolones  latini.  —  Wirth,  Quaestiones  Severianae  (soigné  et  utile).  — 
Loret,  l'Egypte  au  temps  des  Pharaons  (vivant  et  attachant).  —  Opitz, 


Schauspiel  u.  Theaterwesen  der  Griechen  u.  Rômer  (destiné  au  grand 
public).  —  Papadémktracopoulos,  Bicavoç  xùjv  Tcspi  tyjç  ^EW-q^/VA-qq  zpoçopaç 
'Epa-ix'.y.tov  à-ocst^stov  (bien  iait,  abondant  —  752  pages  —  et  a  une 
valeur  objective  même  pour  celui  que  rargumention  n'aura  pas  con- 
vaincu). —  Dknifle,  Urkun.den  zur  Gesch.  der  niittelalterl.  Univer- 
sitilten.  —  Rembrandt  als  Erzieher,  von  einem  Deutschen.  —  Die 
Daucr  der  Consulatsjahre,  II. 

Altpreussische  Mouatsschrift,  janvier-mars,  1-2  :  Krumbholtz,  Samaiten 
u.  der  Deutsche  Orden  bis  zum  Frieden  am  Melno-See  (suite).  — 
Treichel,  Piper  oder  Capsicum,  hist.  botan.  Lôsung.  —  Arnoldt,  Zur 
Beurtheil.  von  Kanfs  Kritik  der  reinen  Vernunlt  u.  Kant's  Prolego- 
mena,  Anhang  n"  2.  —  Bolte,  Zwei  Kônigsberger  Zwischenspiele  1644. 

—  Sembrzycki,  Die  Marienburg  unter  polnischer  Herrschaft  (fin).  — 
Kritikenu.  Referate  :  Die  Recesse  u.  andere  Aktender  Hansetage,  i256- 
1430.  —  Vagantensang  u.  Schwerterklang,  Lieder  aus  deutscher  Vot- 
zeit,  von  Fr.  Hirsch.  —  Am  Urquell,  Monatsschrift  zur  Volkskunde, 
hrsg.  von  Krauss  in  Wien.  —  Lohmeyer,  Aus  Tilsits   Vergangenheit. 

—  Celichowski,  Beitrag  zur  Lebensgesch.  des  Martin  Kwiatkowski  z 
Rozyc  (en  polonais),  —  Bezzenberger,  Die  Kurische  Nehrung  u.  ihre 
Bewohner.  —  Alterthumsgesellschaft  Prussia  1889.  —  Mitteilungen  u. 
Anhang  :  Lohmeyer,  Der  Geburtstag  des  Herzogs  Albrecht  von  Preus- 
sen.  — G.  Conrad,  Die  Konstitution  des  ehem.kôn,  Kommerz-Kollegs 
zu  Kônigsberg,  17  Aug.  1718.  —  Universitats-Chronik,  1889.  —  Ly- 
ceum  Hosianumin  Braunsberg  1890.  — Altpreuss.  Bibliographie  1888. 

PARIS.  — LIBRAIRIE  DE  FIRMIN-DIDOT  ET  C"=.  —  56,rue  jacob. 


GUSTAVE    SCHLUMBERGER 

MEMBRE     DE      l'INSTITUT 

UN 

EMPEREUR   RYZANTiN 

AU  DIXIÈME  SIÈCLE 

NICÉPHORE    PHOCAS 


OUVRAGE  ILLUSTRE 

DE  4  CHROMOLITHOGRAPHIES,  3   CARTES  ET  24O  GRAVURES  ET  HÉLIOGRAVURES 

D'APRÈS  LES  ORIGINAUX 

ET    LES   DOCUMENTS    LES  PLUS  AUTHENTIQUES 

Un  volume  in-40  de  800  pages.  —  Broché  :  3o  francs.  —  Relié  :  40  fr. 

Il  a  été  tiré  3o  exemplaires  sur  papier  vélin,  numérotés  de  i  à  3o 

du  prix  de  QO  francs. 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  2'i. 


N°  21  Vingt-quatrième  année  26  mai  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

R  !■:  C  U  E  I  L      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues    orientales   vivantes,    etc 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  ^  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  Ja  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


i 


KKNESr  LKHOUX,    EDITEUK,   KUK   BONAPARTE,  28. 

PUBLICATIONS  DE  UÈCOLE  DES  LETTRES  D'ALGER 

Bulletin  de  Correspondance  africaine. 

I.E.CAT.  NOTICE    SUR    LA    CARTE    DE 

L  OGOOUE.     In-8,   avec    carte 3  fr. 

II.  E.  A„iuNEA„.  VIE  DU  PATRIARCHE 

1D/\A.V>>,     Texte  copte  et  traduction  française.  In'8.  .     5  fr. 

m.  E.  cat.   essai    sur    LA  VIE    ET    LES 
OUVRAGES     DU    CHRONIQUEUR 

GONZALO    AYORA,     suivi  de  fragments  inédits 
de  sa  chronique.   In-8 2  5o 

IV.  E.  lefébure.  rites  Égyptiens,  construction 

et  protection  des  édifices.  In-8 3  fr. 


PÊklODK^UES 

Revue  historique,  maî-juin  :  A.  Baudrillart,  Les  intrigues  du  duc 
d'Orléans  en  Espagne  1708-1709,  I.  —  Th.  Reinach,  Le  premier  siège 
entrepris  par  les  Francs.  —  R.  de  Maulde,  Eloge  de  Louis  XH,  père  de 
la  France,  en  iSoq.  —  H.  Harisse,  Nouvelles  recherches  sur  Thist.  de 
TAmérique.  —  Flammermont,  A  propos  d'une  fausse  lettre  de  M""»  de 
Lamballe.  —  Bulletin  :  France  (Farges  et  Monod)  ;  Etats-Unis  (H.  B. 
Adanis).  —  Comptes-rendus  :  Prou,  Manuel  de  paléographie  latine  et 
française  (sans  cire  très  neuf,  très  bien  renseigné,  épargnera  bien  du 
temps  et  des  peines  aux  apprentis  en  érudition;  cp.  Revue,  1889,  n"  5i). 

—  RoEHRicHT,  Deutsche  Pilgerreisen  nach  dem  Hl.  Lande  (utile).  — 
Frkdericq,  Corpus  docum.  Inquis.  haeret.  pravit.  neerl.  I,  i025-i52o 
(recueil  des  pièces  justificatives  d'une  hist.  de  l'inquisition  néerlandaise), 

—  ScHULTE,  Gesch.  der  Habsburger  in  den  ersten  drei  Jahrhunderten 
(jette  un  jour  tout  nouveau  sur  des  questions  controversées).  —  M""^  J. 
Darmesteter,  The  end  of  the  middle  âges  (cp.  Revue,  1889,  n"  22).  — 
CoEN,  Le  grandi  stiade  del  commercio  internaz.  hno  dal  sec.  XVI  (cp. 
Revue,  1889,  no  16). 

The  Academy,  n»  940  :  Reports  of  State  Trials,  new  séries,  vol.  II, 
i823-i83i,  p.  p.  Macdonell.  —  Hurlbert,  France  and  the  Republic, 
a  record  ofthings  seen  and  learned  in  the  French  provinces  1889. — 
Tozer,  The  islands  of  the  Aegean  [cp.  Revue,  n°  i3).  —  Jones,  The  life 
times  and  labours  of  Robert  Owen.  —  Historical  books  :  Stebbing, 
Peterborough  ;  The  King's  Book  of  Sports  ;  Adams,  Witch,  Warlock 
and  Magician  ;  Parkinson,  Yorkshire  legends  and  traditions.  —  Edwin 
Waugh.  —  The  Oxford  invitation  to  the  Oriental  Congress  (Sayce  et 
Rhys).  —  Cockney  (Murray).  —  The  Irish  mss.  at  Cheltenhara 
(K.  Meyer).  —  Lives  of  saints  from  the  Book  of  Lismore  (W.  Stokes). 
Baudissin,  Die  Gesch.  des  alttestam.  Priesterthums;  Chavannes,  La  le- 
ligion  dans  la  Bible,  II,  Le  Nouveau-Testament.  —  The  Persian  cata- 
logue of  the  Bodleian  Library  (Ethé). —  Excavations  at  Platea  (Wald- 
stein). 

The  Athenaeum,  no  3623  :  Lyrical  ballads,  reprinted  from  the  first  edi«.f 
tion  of  1798,  p.  p.  DowDEN.  —  CouRTNEY,  Thc  parliamentary  représen- 
tation of  Cornwall  to  i832.  —  Wakeman,  Life  of  Charles  James  Fox 
(des  jugements  contestables  et  beaucoup  de  points  importants  passés 
sous  silence  ou  trop  sommairement  traités).  —  A  biographical  curiosity, 
Histoire  des  joyaux  (Bail).  —  Edwin  Waugh.  —  The  Béatrice  Exhibi- 
tion (Hamilcon).  —  Notes  from  Cypi  us  (Tubbs  et  Munro).  —  The 
excavations  at  Megalopolis  (Gardner). 

The  Babylonian  and  Oriental  Record,  n"  5  :  Casartelli,  Oriental  tcstimo- 
nies  regarding  Khvétuk-Das.  —  Terrien  de  Lacouperie,  The  Déluge- 
Tradition  and  its  remains  in  ancient  China.  —  De  Harlez,  A  Bud- 
dhist  repertory.  -  Bonavia,  Did  the  Assyiians  know  the  sexes  of  the 
date  palms? —  Terrien  de  Lacouperie,  Stray  notes  on  ancient  date 
palms  in  Anterior  Asia.  —  Boscawen,  Campaign  ofSargon  II  (a.  c.  712). 
against  Judea. 

Literarisches  Centralblatt,  n"  10  :  Werner,  Der  Paulinismusdes  Irenaeus. 

—  Matzat,  Romische  Zcitrechnung  219  i  (malgré  toutes  les  objections 
et  toutes  les  critiques,  mérite  d'être  attentivement  étudié).  —  Bohmer, 
Reg.  Imp.  VI II,  add.  i,  Erstes  ErgUnzungshefi  zu  den  Reg.  des  Kai- 
serreiches  unter  Kaiser  Karl  IV,  1346-1378,  p.  p.  Huber.  —  Kaemmel, 
Deutsche  Gesch.  Hcft  2-1 3.  —  Lossen,  Der  Anfang  des  Strassb.  Kapi- 
telstreites  (cp.  Revue,  1889,  n"  48).  —  E.  Koch,  Die  Stiftung  Kaspai 
Tryller's  vom  29  sept.  1617  u.  der  Stammbaum  der  Tryller.  —  An- 


sprachen  u.  Reden  des  Ministers  G.  von  Gossler.  —  âchelis  ,  Die 
Entwickel.  der  modernen  Ethnologie.  —  Gurlitt,  Ueber  Pausanias, 
Untersuchungen  (démonstration  soignée,  ne  méconnaît  pas  les  faiblesses 
de  récrivain,  mais  prouve  décidément  !'«  autopsie  »  ;  cp.  Revue,  n°  1 1). 

—  Valerii  Maximi  libri  IX  p.  p.  Kempf  (instructif  et  sera  utile).  —  Ce- 
DERSCHiôLD,  Kalfdrapet  och  vànprofningen,  ett  Bidrag  till  Kritiken  of 
de  Islandska  Sagornas  Trovardigtied.  —  Siebs,  Zur  Gesch.  der  engl. 
fries.  sprache  (fait  avec  beaucoup  de  soin  et  renferme  de  bonnes  idées). 

—  Gœdeke,  Grundriss  zur  Gesch.  der  deutschen  Dicht.  2"  Aufl.  p.  p. 
Jacoby  u.  Goetze.  VI 11.  —  Karpeles,  Gœthe  in  Polen  (intéressant).  — 
Warnecke,  Kunstgeschichtl.  Bilderbuch  fur  Schule  u.  Haus. 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n»  18  :  Mïmkels  nachgel.  Schriften,  p,  p. 
Frommel.  —  RoHDE,  Psyché,  Seelencult  u.  Unsterblichkeitsglaube  der 
Griechen,  I  (vastes  matériaux  bien  ordonnés).  —  D.  H.  Mûller,  Zur 
Gesch.  der  semit.  Zischlaute  (petite  et  instructive  étude).  —  Comment, 
in  honorem  Studemund  (cp.  Revue,  1889,  n"  3y).  —  P.  Heinze  and 
GoETTE,  Gesch.  der  deutschen  Litteratur  von  Gœthes  Tode  bis  zur  Ge- 
genwart  (le  tableau  n'est  pas  très  clair,  mais  les  jugements  sont  soignés, 
indépendant,  parfois  trop  favorables).  —  W.  E.  Symonds,  Sir  Thomas 
Wyatt  and  his  poems  (bon  travail).  —  Wilsdorf,  Beitr.  zur  Gesch.  von 
Marseille  im  altertum  (incomplet).  —  Die  Heiligen  Englands,  p.  p. 
LiEBERMANN  (publicatiou  faite  avec  soin  et  précision,  et  qui  sera  très 
utile).  —  Marquis  de  Villeneuve,  Charles  X  et  Louis  XIX  en  exil  (cp. 
Revue,  1889,  n»  23),  —  Nauroy,  La  duchesse  de  Berry  (cp.  Revue, 
1889,  n°  33).  —  Ratzel,  Die  Schneedecke  besonders  in  deutschen  Ge- 
birgen.  —  Haeberlin,  Studien  zur  Aphrodite  von  Melos  (ne  marque  pas 
un  progrès).  —  Kriegsgesch.  Einzelschriften,  XII.  — Rumân.  Volks- 
iieder  u.  Balladen,  iibers.  von  Franken,  —  Gesellschaft  fur  rheinische 
Geschichtskunde. 

—  No  19  :  JoHANNsoN,  Die  hl.  Schrift.  u.  die  négative  Kritik.  — 
Huemer,  Genesis  des  Entschlusses  in  den  Tragôdien  des  Euripides 
u.  Sophocles  (très  contestable  sur  un  grand  nombre  de  points).  — 
Germann,  Altestein,  Fichte  u.  die  Univ.  Erlangen.  —  Bruchmann, 
psychol.  Studien  zur  Sprachegesch.  (cp.  Revue,  1888,  n"  40).  — 
Christiansen,  De  apicibus  et  i  longis  inscriptionum  latinarum  (soigné 
et  en  partie  utile,  mais  beaucoup  de  choses  à  revoir).  —  Keinz,  Nach- 
trag  zur  Neidhartausgabe.  ~  Briefe  von  Gœthes  Mutter  an  die  Her- 
zogin  Anna  Amalia  p.  p.  K.  Heinemann.  —  Fortier,  Sept  grands  au- 
teurs du  xvii^  siècle,  an  introd.  to  nineteenth  century  literature.  — 
WiTTE,  Die  Armagnaken  im  Elsass  (important).  —  Heigel,  Quellen  u. 
Abhandl.  zur  neueren  Gesch.  Baierns  (recueil  d'études  diverses).  — 
Corpscommersbuch  nach  eigenen  Erfahr.  u.  unmittelb.  Erkundig.  bei 
den  Corps  zusammengest.  u.  krit.  bearb.  von  Armknecht.  —  Von  Con- 
RADY,  Das  Leben  des  Gênerais  Aug.  von  Werder  (intéressant). 

Berliner  philologische  Wochenschrift,  n"  18  :  Gsell-Fels,  Unteritalien  u. 
Siziiien,  3^  éd.  —  Fick,  Hesiods  Ged.  in  ihrer  ursprûngl.  Fassung  u. 
Sprachform  wiederhergestellt  (restitutions  qui  ne  sont  pas  réussies).  — 
De  senect.  et  De  amicitia  p.  p.  Novak.  —  Seitz,  L'œuvre  polit,  de  Cé- 
sar jugée  par  les  historiens  de  Rome  au  xix*"  siècle  (résultats  arbitraires). 
—ScHMALZ,  Ueber  den  Sprachgebr.  des  Asinius  Pollio(cp. /?evue,  n"  16). 

—  Aeneis,  p.  p.  Ladewig,  2^  éd.  p.  p.  Deuticke.  -  Waldstein,  Fitzwil- 
liam  Muséum  Cambridge,  Catalogue  of  casts  in  the  Muséum  of  classi- 
cal  archaeology.  —  Montelius,  The  civilisation  of  Sweden  in  healhen 
times  transi,  from  the  second  swedish  édition  by  Woods  (cp.  Revue, 
1889,  n"  29).  —  Winkler,  Weiteres  zur  Sprachgesch.  (cp.  Revue,  1889, 
n»  20).  •-  Hatch,  Essays  on  Biblical  greek  (cp.  Revue,  n"  2).  —  Dict. 


latin-franc,  par  Quicherat  et  Daveluy,  nouv.  éd.  p.  p.  Châtelain  (cp. 
Revue,  n^  i).  —  Die  Dauer  der  Konsulatsjahre,  tin  (Soltau). 

—  N"  19  :  Ueberreste  einer  etruskischen  Stadt.  —  Ciceronis  Syno- 
nyma  (Sabbadini).  —  Programme  :  Kahl,  Democrit  in  Ciceros  phi- 
los. Schritten  ;  Kraut,  Uebers.  der  i  u.  2  olynth.  Rede;  Opitz, 
Scholiorum  Aeschineorum  qui  fontes  fuerint  ;  G.  H.  Mûller, 
Beitr.  zur  Erkliir .  u.  Kritik  des  Horaz.  —  Polybii  Hist.  p.  p. 
BiiTTNER-WoBST,  II  2"  Aufl,  der  Dindorf.  Textausgabe  (fait  avec  soin 
et  dans  l'esprit  de  Hultsch).  —  Lamblichi  Protrepticus  p.  p.  Pistelli 
(très  recommandable).  —  Supplem.  ad  Procli  comment,  in  Platonis  de 
republica  libros  nuper  vulgatos  p.  p.  Reitzenstein  (bon).  —  W.  von 
Wyss,  Die  Sprûchwôrter  bei  den  rôm.  Komikern  (complet  et  en  somme 
soigné  et  habilement  présenté).  —  Ullrich,  Studia  Tibulliana  (cp.  Re- 
vue, n»  12).  —  Germania,  Agricola,  De  orat.  p.  p.  Novak  (de  nombreu- 
ses conjectures  et  qui  ne  sont  pas  convaincantes).  —  Mayor,  The  La- 
tin Pentateuch,  publ.  piecemeal  by  the  French  printerW.  Morel,  i56o, 
and  the  French  Bénédictines  Martène,  lySS,  and  Pitra,  1852-1887, 
critically  reviewed  (très  méritoire).  —  Cartault,  Vases  grecs  en  forme 
de  personnages  groupés.  —  W.  Mûller,  Eine  Terrakotta  der  Gôttinger 
Sammlung.  —  Metchnikoff,  La  civilisation  et  les  grands  fleuves  histo- 
riques (intéressant,  manque  souvent  de  profondeur  et  de  critique,  origi- 
nal toutefois),  —  W,  Mûller,  Die  Umsegelung  Afrikas  durch  phôni- 
zische  Schifier  600  («  beaucoup  de  diligence  sacrifiée  pour  un  sujet 
ingrat  »).  —  Bell.  De  locativi  in  prisca  latinitate  vi  et  usu  (beaucoup 
de  pénétration  et  de  largeur  de  vues). 

Deutsche  Rundschau,  mai  :   Ftirst  Bismarck.  —  H.  Grimm,  Homer'sl 
Ilias,  zweiter  u.  dritter  Gesang.  —  Brugsch,  Joseph  in  Aegypten.  — | 
Fischer   (P,  D.),  Aus  dem  modernen  Italien.  —  Lady  BLENNERHAssEXTi 
Zeitgenôssische  Gedankenstromungen,  i.  —  Rodenberg,   Dingelstedtl 
Blatter  aus  seinem  Nachlass,  mit  Randbemerk.  VII.  Der  Kosmopolit.! 
Nachtwâchter  u.  geheime  Raih  1841-185  i  ;  4.  Der  Ausgang  der  Stutt- 
garter  Zeit. —  Liter.  Rundschau  :  Recueil  des  actes  du  comité  de  salut 
public,  p.  p.  AuLARD,  I  et  II  (cp.  Revue,    1889,  n"  40 et  1890  n»  10).  — 
Schleiden,  Erinnerungen  eines  Schleswig  —  Holsteiners,  neue  Folge, 
1841-1848. 

Gœttingische  gelehrle  Anzeigen,  n"  7  :  Schmarsow,  Italien.  Forsch.  zur 
Kunstgesch.  I.  S.  Martin  von  Lucca  u.  die  Anfânge  der  toskan. 
Sculptur  im  Mittelalter  (l'auteur  s'est  acquitté  de  sa  tâche;  il  a  pris  le 
bon  chemin,  et  ses  recherches  sont  excellentes;  il  faudra  toujours  le  con- 
sulter lorsqu'on  voudra  décrire  les  commencements  du  Rinascimento). 
—  H.  Prutz,  Entwick.  u.  Untergang  des  Tempelherrenordens  (très 
long  art.  de  Wenck;  de  nouveaux  matériaux;  avance  sur  plusieurs 
points  noire  connaissance  ;  indispensable;  mais  conclusion  inexacte  et 
beaucoupde  défauts;  au  fond,  aussi  peu  instructif  et  recommandable  que 
le  livre  de  Schottmûller;  il  faut  renvoyer  pour  ce  sujet  à  Lea,  History 
of  the  inquisition  of  the  middle  âges).  —  Finke,  Forsch.  u.  Quellen  zur 
Gesch.  des  Konstanzer  Konzils  (beaucoup  de  documents  inconnus).  — 
GuNO,  Vorgesch.  Roms,  II,  Die  Etrusker  u.  ihre  Spuren  im  Volk  u.  im 
Staate  der  Romer  (art.  très  détaillé  de  Bruck  :  beaucoup  de  points  sur 
lesquels  on  ne  peut  approuver  Fauteur,  mais  de  nombreux  passages  tout 
à  fait  remarquables  comme  sur  Tannée  étrusque,  le  nombre  des  cheva- 
liers, la  chute  des  décemvirs^  etc.;  et  partout  du  soin,  du  sérieux  scien- 
tifique et  l'amour  du  sujet). 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


No  22  Vingt-quatrième  année  2  juin  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 

PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des  langues    orientales   vivantes,    etc. 
28,     RUE    BONAPARTE,      28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

PUBLICATIONS  DE  UÈCOLE  DES  LETTRES  D'ALGER 

Bulletin  de  Correspondance  africaine. 

i.e.ct.  NOTICE    SUR    LA    CARTE    DE 

L  OGOOUE.     In-8,  avec    carte 3  fr, 

li. E, améoneau.  vie  du  patriarche 

i^AA.V^,    Texte  copte  et  traduction  française,  In-8.  .     5  fr. 

m.  e.  c.t.  essai  sur  la  vie  et  les 
ouvrages   du  chroniqueur 

vJwiNZ.ALC-/     AYOKA,     suivi  de  fragments  inédits 
de  sa  chronique.   In-8. 5o 

IV.   E.  Lefébure.   RITES     ÉGYPTIENS.      ConsU      tion 
et  protection  des  édifices.   In-8 '•  fr. 


PERIODIQUES 

La  Révolution  française,  14  mai  :  Dkbidour,  Le  colonel  Fabvier.  —  Le- 
MAS,  Ignace  de  Cazeneuve,  évêque  et  conventionnel  (tin).  —  Aulard, 
La  diplomatie  du  premier  Comité  de  salut  public  :  Pologne,  Suède, 
Danemark,  Turquie.  —  Mélanges  :  Faut-il  dire  Maine  et  Loire  ou 
Mavenne-et-Loire  ;  Les  derniers  moments  de  Couthon  ;  Les  erreurs  du 
Moniteur;  La  Monarchie  prussienne,  de  Mirabeau.  —  Bibliographie  : 
Mège,  Gaultier  de  Biauzat,  député  du  Tiers-Etat  aux  Etats-Généraux, 
sa  vie  et  sa  correspondance  (très  utile).  —  M.  Pellet,  Variétés  révolut. 
IIL  —  BiRÉ,  Paris  pendant  la  Terreur  (récit  encadré  dans  une  fiction; 
rien  d'inédit;  mais  de  jolies  trouvailles  dans  des  imprimés  rares).  — 
LoDs,  L'Eglise  réformée  de  Paris  pendant  la  Révolution  (cp.  Revue, 
n°  i). 

Bulletin  critique,  n^  10  :  Engelbrecht,  Studien  ûber  die  Schriften  des 
Bischofes  von  Reii  Faustus.  — J.  Havet,  Les  origines  de  Saint-Denis, 
Quest   mérov.  V  (mémoire  intéressant,  rédigé  avec  précision  et  sûreté). 

—  Reusens,  Elém.  d'archéol.  chrét.  2^  éd.  ;  Manuel  d'archéol.  relig. 
(excellent).  —  B.arthélemy  Saint-Hilaire,  La  philosophie  dans  ses  rap- 
ports avec  les  sciences  et  la  religion  (éloge  de  la  philosophie).  —  Lûbke, 
Essai  d'hist,  de  l'art,  trad.  par  Koella  (traduction  à  lire  avec  précau- 
tion ;  contre-sens  et  erreurs).  —  Sepet,  Les  préliminaires  de  la  Révolu- 
tion itableau  succint). 

The  Academy,  n°  941  :  The  Acts  of  ihe  Privy  Council  of  England, 
new  séries,  vol.  I,  1 542-1 547,  p.  p.  Dasent.  —  G.  Smith,  Life  of  Jane 
Austen  (bonne  étude,  vraie  et  juste).  —  Woodford,  A  naturalist  among 
the  Head-hunters,  being  an  account  of  three  visits  to  the  Solomon  Is- 
lands.  — MouLTON,  The  ancient  classical  drama  (donne  une  idée  com- 
plète et  exacte  du  sujet  par  des  analyses  et  des  exemples).  —  Requin 
(L'abbé),  L'imprimerie  à  Avignon  en  1444  (important  travail  dont  la 
i^ei'z^e  parlera  prochainement).  —  W.  K.  Sullivan  (L^éditeur  des  Mss. 
Materials  of  Ancient  Irish  history  est  mort  le  12  mai).  —  The  Oxford 
invitation  to  the  Oriental  Congress.  —  Bracton's  cône  and  key  (Steven- 
son). —  The  etvmology  of  cockney  Mayhew  et  Earle).  —  France  and 
the  Republic  (Hamerton.  —  Some  Catalan  publications  (travaux  de 
Don  Joseph  Balari  y  Jovanv).  —  A  late  Babylonian  tablet  of  Aspasine 
(Pinches).  —  The  British  Muséum  Catalogue  of  Greek  coins.  Pontus, 
Bithynia  and  Bosporus,  by  Warwick  Wroth. 

The  Athenaeum,  n»  3264  :  J.  Martineau,  The  seat  of  authority  in  reli- 
gion. —  CuNNixGHAM,  Growth  of  English  industry  and  commerce,  early 
and  middle  âges  (très  bon  travail;  l'auteur  est  maître  de  son  sujet).  — 
Kôhler,  Die  Entwickel.  des  Kriegswesens  u.  der  Kriegfûhr.  in  der  Rit- 
terzeit,  vol.  III,  i-3.  —  Edw.  Moore,  Dante  and  his  early  biographers. 

—  The  story  of  a  sonnet  (Bromley  :  Miscellaneous  Sonnets  de  Words- 
worih,  XLVI.  Filial  Piety).  —  The  anonymous  Boece  de  Consolation, 
Bruges,  1477,  ^'^^  Paris,  1494  (H.  Stewart).  —  Dr.  Emm.  Forchham- 
mer. 

Deutsche Lltteraturzeitung,  n^  20:  Loofs,  Dogmengesch.  — Pfungst,  Das 
Sutta  Nipata,  I.  (traduction  soignée  ,  —  H.  von  Arnim,  Quellenstiid. 
zu  Philo  von  Alexandrien  (cp.  Revue,  1889,  n^  17.  — Frakke,  De  Silii 
Italici  Punicorumtropis  (étude  très  soignée,  mais  que  de  patience  pour 
la  lire!)  —  Gupfert,  Wurterb.  zum  Kleinen  Katechismus  Luthers 
(insuffisant).  —  Jacoby,  Viermittelengl.  geistl.  Ged  ausdemXIII  Jahrh. 

—  Crivellucct,  Dclla  fede  storica  di  Eusebio  nella  vita  di  Costantino 
(pénétrant  et  réfléchi).  —  Jahrb.  des  Gesellsch.  fur  lothring.  Gesch.  u. 
Altertumskunde,  I.  —  Eichstett  im    Schwedenkriege,    Tagebuch  der 


Nonne  Clara  Staiger,  p.  p.  Schlecht.  —  Radaelli,  Cenni  biografici  di 
Manin.  —  Die  Reisen  des  Chr.  Columbus,  p.  p.  Navarrette,  ubers. 
V.  Fr.  Pr.  (horrible!  Navarrete,  est  écrit  partout  Navarette,  Harrisse, 
Harrise;  etc.  ;  fourmille  d'erreurs;  s'est  servi  delà  traduction  française 
de  1828).  —   P.  Adam,  Der  Bucheinband. 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  n°  20  :  Neue  kyprische  Inschriften 
im  Syllabar  (Meisier).  —  Zu  Ciceros  Briefen  ad  Qu.  fr.  (Lehmann).  — 
Belskr,  Gramm.  krit.  Erkl.  von  Laktantius  de  moribus  persecutorum 
cap.  34.  Tolevanzedict  des  Galerius.  —  Pappenheim,  Der  angebl.  Hera- 
klitismus  des  Skeptikers  Aenesidemos  (des  choses  instructives).  —  Ano- 
nymi  grammaticae  epitoma,  liber  alter,  p.  p.  Egenolff.  —  Germania, 
p.  p.  Prammer,  2®  éd.  —  Orosii  hist.  adv.  pag.  libri  VII,  p.  p.  Zange- 
MEisTER.  —  MioDONSKi,  Anouymus  adversus  aleatores  u.  die  Briefe  an 
Cyprian,  Lucian,  Celerinus  u.  an  der  Karthag.  Clerus  ;  Hilgenfeld, 
Lib.  de  aleator.  inter  Cypriani  scripta  conserv.  -  Teuffel,  Studien  u. 
Charakt.  zur  griech.  u.  rôm.  Lit.  2<=  éd.  —  Arnold,  Die  Néron. 
Christenverfolgung  (recherches  menées  avec  soin).  —  Zacher,  Ueber 
griech.  Wortforschung  (conférence).  —  P  Schmitt,  Ueber  den  Ursprung 
des  Substantivsatzes  mit  Relativpartikeln  im  Griech.  (travail  excellent 
et  qui  est  un  modèle). 

Gœttingische  gelehrte  Anzeigen,  no  8  :  Flach,  Etudes  crit.  sur  l'hist.  du 
droit  romain  au  moyen  âge  avec  textes  inédits  (études  très  soignées 
et  très  importantes).  —  Rosenthal,  Gesch.  des  Gerichtsv^^esens  u.  der 
Verwaltungsorganisation  Baierns,  I.  Vom  Ende  des  XII  bis  zum 
Ende  des  XVI  Jahrh.  11 80-1 598.  —  J.  Havet,  Lettres  de  Gerbert, 
983-997,  publiées  avec  une  introd.  et  des  notes  (distingué  à  tous 
égards;  cp.  Revue,    1889,  n»  41). 

— N"  9:  Studnicza,  Kyrene  eine  altgriech.  Goitin,  archâol.  u.  mythol. 
Unters.  (Maas  :  long  art.  —  p.  337-384  —  sur  un  livre  très  instructif 
et  plein  de  détails). 

Theologische  Literaturzeitung,  n"  7  :  Delitzsch,  Iris,  Farbenstudien  u. 
Blumenstûcke  (science  étonnante  sur  différents  domaines  et  qui  est  ex- 
posée d'une  façon  spirituelle  et  comme  en  se  jouant).  —  Ghantepie  de 
LA  Saussaye,  Lehrbuch  der  Religions-geschichte,  II  (intéressant  et  bien 
fait).  — DuHM,  Ueber  Ziel  u.  Méthode  der  theolog.  Wissenschaft.  — 
Jensen,  Die  Kosmologie  der  Babylonier,  Studien  u.  Materialien  (de 
haute  valeur).  —  Sellin,  Die  verbal-nominale  Doppelnatur  der  hebr. 
Participien  u.  Infinitive.  —  Von  Soden,  Der  Brief  des  Apostels  Paulus 
an  die  Philipper.  —  Hasenclever,  Aus  Geschichte  u.  Kunst  des  Chris- 
tentums,  I.  —  Law,  A  histor.  sketch  of  the  conflicts  between  jesuitsand 
seculars  in  the  reign  of  Queen  Elizabeth  (fouillé  et  attachant).  —  Biblio- 
graphie des  Bénédictins  de  la  congrégation  de  France,  par  des  Pères  de 
la  même  congrégation.  —  Trede,  das  Heidentum  in  der  romischen 
Kirche,  Bilder  aus  dem  relig.  u.  sittl.  Leben  Suditaliens.  I  (contribu- 
tion importante  à  la  caractéristique  de  la  situation  de  Pltalie,  renferme 
une  foule  de  détails  sur  la  dégénération  du  culte  des  saints  et  sur  une 
superstition  dont  l'on  peut  à  peine  se  faire  une  idée).  —  Runze,  Stu- 
dien zur  vergleich.  Religionswissenschaft,  I.  Sprache  u.  Religion.  — 
Spitta,  Die  psychol.  Forsch.  u.  ihre  Aufgabe  in  der  Gegenv^^art. 

—  N°  8  :  Gilbert,  The  poetry  of  Job.  —  Seyring,  Die  Abhang.  der 
Spruchc  Salomonis,  cap.  1-IX  von  Hiob. —  Moses,  Nadab  u.  Abihu. 
—  Strack,  Schabbâth,  der  Mischnatractat  Sabbath  hrsg.  u.  erkiart.  — 
Schaefeh,  Die  Bûcher  des  Neuen  Text.  erkl.  I,  Die  Briefe  Pauli  an  die 
Thessalonicher  u.  an  die  Galater.  —  Rômheld,  Theologia  sacrosancta, 
Grundlinien  der  bibl.  Théologie,  I.  —  Brandt,  Ueber  die  dualist.  Zu- 
>àtze  u.  die  Kaiseranreden  bei  Lactantius.  —  Calvin,  Instit.  de  relig. 


chrét.  nouv.  éd.,  p.  p.  Baumgartner.  -  Le  Thresor  de  Tame  chrét.  par 
H.  B.  de  la  Rochelle,  i588,  p.  p.  Perrochet.  —  Zsilinsky,  Der  Frie- 
den  von  Linz  u.  die  Gesch.  der  relig.  polit.  Gesetzesartikcl  von  1647. 

—  Paulsen,  System  der  Ethik.  —  Die  Bibel,  hrsg.  von  Pfleiderer, 
12-17. 

—  No  9:  Neuere  englisch  theolog.  Literatur  :  Stalker,  Imago  Christi  ; 
Drysdalk,  Hisiory  oi  the  Presbyterians  in  England;  Lightfoot,  Text- 
book  of  the  thirty-nine  articles  of  Church  of  England;  Lux  Mundi, 
p.  p.  GoRE.  —  Novum  Testam.  graece  p.  p.  Tischendorf,  III,  proleg. 
scripsit  Gregory,  2.  —  Duchesne,  Origines  du  culte  chrétien,  étude  sur 
la  liturgie  latine  avant  Charlemagne  (excellent  travail,  cp.  le  numéro 
présent  de  la  Revue).  —  Kolde,  Luthers  Selbstmord,  eine  Geschichts- 
lûge  Majunkes.  —  Mélanchton,  Loci  communes,  in  ihrer  Urgestalt,  p. 
p.  Kolde.  -  Lefranc.  La  jeunesse  de  Calvin  (travail  remarquable,  et  le 
plus  complet  qu'on  ait  sur  le  sujet;  (cp.  Revue,  1889,  n^  42).  —  Hans, 
Der  protestantische  Kultus. 

—  N»  10  :  Vernes,  Les  résultats  de  Pexegcse  biblique,  l'histoire,  la 
religion,  la  littérature  (très  attachant,  et  souvent  juste,  passe  sur  bien 
des  difficultés  sans  les  lever.)  —  Westcott,  The  Epistle  to  the  Hebrews. 

—  Diels,  Sibyllinische  Blatter.  (évident.)  —  DRazEKE,  Gesamm.  patrist. 
Untersuch.  —  Dibelius,  DieEinfuhr.  der  Reform.  in  Dresden.  — Wil- 
KENs,  Gesch.  des  span.  Protestantismus  im  XVI  Jahrh.  —  Tietzen, 
Zinzendorf. 

Magazin  fur  die  Litteratur  des  In-tmd  Auslandes,  n"  17  :  Brausewetter, 
H.  Bulthaupts  Dramaturgie  des  Schauspiels.  —  P.  Ernst,  Eine  neue 
Moralphilosophie. —  E.  Kraus,  Aus  der  neuesten  bohmischen  Littera- 
tur. —  Sartorius  Episcopus,  Lolales  Klage  um  Kelea.  —  L.  pRàNKEL, 
Ein  neuer  realistischer  Dramatiker.  —  Aug.  Weiss,  Oscar  Browning's 
George  Eliot.  —  Neumann-Hofer,  Die  neue  Kunst. 

— No  18:  Neumann-Hofer,  Zola's  Bête  humaine. — Kretzer,  Im  neuen 
Sparta.  —  Mahrenholtz,  Rousseaus  Krankheitsgeschichte.  • —  Sommer,| 
Stoansteirisch.  —  Bechstein,  Die  letzten  Veroffentl.  des  literar,  Vereins. 

—  Bret  Harte,  Angélus,  iibertr.  von  Gisberte  Freiligrath.  —  Macedoru- ■ 
manische  Volkslieder,  ûbersetzt  von  Melchior  Harsu.  —  Wsewold  Gar- 
CHiN,  Die  rote  Mohnblume.  j 

—  N"  19  :   K.   Br.iND,    Gladstones  Entstaatlichung  des  griechischen' 
Panthéons.  ■-  Edm.  Bayer,  Eine  Hafisnummer.  —  Mëhly,  Die  Sprache  ^''j 
u.    ihre  Ersaizmittel,  L  —  Neumann-Hofer,   Berliner  Theaterbriefe.  ' 

—  Aus  der  italien.  Lyrik,  Uebertrag.  von  V.  Matthes.  —  Garchin,  Die 
rothe  Mohnblume  (suite). 

Zeitschrift  fur  Katholische  Théologie,  II  :  Abhandlungen  :  P.  v.  Hoens- 
BROECH,  hlg.  Cyprian  u.  der  Primat  des  Bischofs  von  Rom.  —  Knaben- 
BAUER,  Der  Israels  Restauration  nach  Ezechiel  40-48.  — Frins,  Ueber  das 
Wesen  der  Sunde,  IL  —  Michael,  Pabst  Innocenz  IV  u.  Oesterreich. 

—  Recetisionen  :  BrIick,  Gesch.  der  kathol.  Kirche  im  XIX  Jahrh.  1  u. 
IL  —  Feldner,  Lehre  des  hl.  Thomas  ûber  die  Willenstreiheit.  — 
Harmel,  Catéchisme  du  patron.  —  Michael,  Rankes  Weltgesch.  — 
Marx,  Die  Vita  Gregorii  IX.  —  Zimmermann,  Englands  Universitâten 
im  XVI  Jahrh.  —  Hammerstein,  Winfrid.  —  Analekten  :  Die  Passauer 
Diôcesansynode  1435.  —  Napoléons  I  Stellung  zur  Religion  in  seinen 
letzten  Lebensjahren. —  Gregors  des  Grossen  Reform  des  Kirchen-j 
gesanges.  —  Die  Oxforder  Professoren.  —  Die  ersten  Bischofe  von, 
Przemysl.  —  Die  neuesten  Forschungen  uber  Heinrich  von  Gent.  — 
Furstbischoi  Kiinigl  von  Brixen  in  Hannover.  —  Kleinere  Mittheilun- 
gcn  bes.  aus  ausliind.  Literatur.  —  Literarischer  Anzeiger. 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent, 


I 


N°  23  Vingt-quatrième  année  9  juin  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEliDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Pans,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des  langues    orientales  vivantes,    etc, 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
j  I  anco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire ),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


I 


ERNEST  LEROUX,  EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  2&. 

En    DISTRIBUTION    : 

CATALOGUE  DE  LA  BIBLIOTHÈQUE 

de 

FEU    M.    MAURICE    JAMETEL 

Professeur  de  chinois  à  l'Ecole  des  Langues 
orientales  vivantes 

dont    la   vente   aura   lieu 

les    lundi    i6    et    mardi    17    juin    1890 

28,  rue  des  Bons-Enfants. 


^ip    polyglottes    et    commentaires.    —    Sciences     naturelles.    — 
lux-Arts.    —    Voyages.    —     Littératures    orientales,    —   Livres 
clpois.  —  Livres  japonais   illustrés.   —  Ouvrages  en  nombre  de 
iSchœbel. 


PÉRIODIQUES 

Mélusiue,  n»  3,  mai-juin  :  Doutrkpont,  Un  chant  monorime  de  la  Pas- 
sion. —  TucHMANN,  Gens  et  animaux  qui  se  fascinent  eux-mêmes.  — 
EssER,  Mœurs  et  usages  de  Malmédy  ei  de  la  Wallonie  prussienne  :  la 
Cusnée,  la  Saint-Jean,  Poirlé  l'Trouvlai,  les  Joupsennes.  —  Orain,  De- 
vinettes de  la  Haute-Bretagne,  X.  —  La  pierre  de  serpent,  I,  la  Naja- 
Kallu  ou  pierre  de  Cobra.  —  L'étym.  popul.  et  le  folk-lore,  IV,  l'Etre 
suprême.  —  Bibliographie  :  The  Fabls  of  Aesop  as  first  printed  by  j 
W.  Caxton  in  1484,  with  those  of  Avian,  Alfonso  and  Poggio,  p.  p. 
J.  Jacobs  (l'introd.  renferme  une  histoire  approfondie  et  ingénieuse  de 
la  fable  d'animaux  et  de  ses  origines).  —  Lives  of  saints  from  the  Book 
of  Lismore,  éd.  with  a  translation,  notes  and  indices  by  W.  Stokes.  — 
Les  contes  moralises  de  Nicole  Bozon,  p.  p.  L.  T.  Smith  et  P.  Meyer. 
—  Le  Mabinogion,  trad.  par  Loth,  II.  —  Folk  and  Hero  Taies,  p.  p, 
Mac  Innés  with  notes  by  Nutt.  —  Feilberg,  Dansk  Bondeliv  navnlig  i 
Vestjylland  (l'auteur  a  déjà  publié  un  grand  dictionnaire  du  patois 
jutlandais;  son  nouveau  livre  est  une  étude  détaillée  et  très  bien  menée 
sur  la  vie  des  paysans  du  Jutland  occidental  qui  nous  est  présentée  ici 
dans  toute  sa  variété  pittoresque). 

Revue  de  Belgique,  i5  mai  ;  De  Laveleye,  Deux  utopies  nouvelles  (sur 
Bellamv,  Looking  backward  et  Secretan,  Mon  utopie).  —  Rahlenbeck, 
Le  Perron  de  Liège.  —  Potvin,  Orphée,  tragédie  lyrique  de  Gluck.  — 
Navez,  Les  causes  et  les  conséquences  de  la  grandeur  coloniale  de  TAn- 
gleterre. 

The  Academy,  n"  942  :  Corbett,  Monk  (clair,  exact,  à  recommander 
hautement).  —  Turner,  The  modem  novelists  of  Russia  (cp.  Revue, 
n°  20).  —  Hutchinson,  Golf.  —  Laing,  Problems  of  the  future;  Carus, 
Fundamental  problems.  —  Colonial  life  :  Moore,  New  Zealand  for 
Emigrant,  Invalid  and  Tourist;  Russel,  A  journey  to  Lake  Taupo; 
sir  Frederick  Young,  A  winter  tour  in  South  Arica;  Saxby,  West-Nor'- 
West.  —  Franges,  Beyond  the  Argentine  or  letters  from  Brazil.  — 
Convocation  du  9*^  congrès  des  orientalistes  à  Londres.  —  The  English 
diphtong  —  ay.  (Murray).  —  Ribbeck,  Gesch.  der  rôm.  Dichtung,  II. 
Augusieisches  Zeitalter  (livre  d''un  maître,  au  style  clair,  vigoureux 
vivant). 

The  Athenaeum,  n°  3265  :  Renan,  L'avenir  de  la  science.  —  Le  Strangf| 
Palestine  under  the  Moslems  (intéressant  et  important).  —  Bodenstedî 
Erinner.  aus  meinem  Leben  (très  attachant).  —  V.  Giraud,  Les  lacs  d 
l'Afrique  équatoriale;  Buttikofer,  Reisebilder  aus  Libéria,  I;  Gold'» 
Calabar  and  its  mission;   Smith,  Sub  sole;  Willoughby,  East  Atr-ai 
and  its  big  game;  Gillmore,  Trough  Gasa  land  and  the  scène  of -le 
Portuguese  aggression.  —  Records  of  the  borough  of  Nottingham,  VJ 
1545-1625.   —   9^  congrès  intern.   des  orientalistes.   —  Thackerayn^ 
(Johnson).  —  Lord  Lovât    (Groome).    —  The   Needy  Knife-gri:r 
(Adami).  —  G.  Hooper.  _,  '*% 

Literarisches  Centralblatt,  n°  20  :  The  Ante-Nicene  Fathers,  p.  pRi''' 
chardson  and  Pick.  —  Ed.  von  Hartmann,  Lotze's  Philosophie-J.jres- 
ber.  der  Geschichtswiss.  X,  p.  p.  Jastrow.  —  Soltau,   Die  ronL^nts- 
jahre  auf  ihrem  natiirl.  Zeitw^ert  reducirt  (peu  d'objections  à  tai-)' 
ScHULTZ,  Das  hôf.  Leben  zur  Zeit  der  Minnesinger,  3"  Aufl.  —  Toniasi 
Platter's  Briefe  an  seinen  Sohn  Félix,  p.  p.  Burckhardt  (très  •leres- 
sant).  — V.  DuRUY,  Hist.  de  France,  1789-1795,  hrsg.  von  Ha"mann.;j 
—  Varrentrapp,  Joh.  Schulze  u.  das  hohere  preuss.  Unterrichwesen 
in  seiner  Zeit  (important).  —  Der  Rigveda  oder  die  heiligen  ^mner 
der  Brâhmana,  zum  ersten  Maie  voUsl.  ins  Deutsche  iibertr.  mi^^on^"^ 


u.  Einl.  von  Alfr.  Ludwig  VI,  B,  Register  der  Belegstellen,  Vcrzeich- 
niss  der  Conjecturen,  Glossar,  sachl.  u.  grammat.  Repertorium.  — 
Asini  PoUionis  de  bello  Africo  comment,  p.  p.  Wôlfflin  et  Miodonski 
(une  foule  d'améliorations  au  texte  et  un  grand  nombre  de  notes  érudi- 
tes).  —  Henning,  Die  deutschen  Runendenkmaler  (fait  avec  très  grand 
soin  et  bien  souvent  juste).  —  Strnadt,  Der  Kurnberg  bei  Ling  u.  der 
Kiirenberg-Mythus;  Hurch,  Zur  Kritik  des  Kurenbergers  (deux  études 
diffuses  et  «  dilettantisch  »).  —  E.  H.  Meyer,  Vôluspa,  eine  Unter- 
suchung  (hypothèse  difficile  à  soutenir,  mais  l'influence  chrétienne  est 
désormais  indéniable).  —  Jeanroy,  Les  origines  de  la  poésie  lyrique  en 
France  au  moyen  âge,  étude  littér.  fr.  et  comparée  suivies  de  textes 
inédits,  et  De  nostratibus  medii  aevi  poetis  qui  primum  lyrica  Aquita- 
niae  carmina  imitati  sint  (instructif,  sans  être  toujours  convaincant,  et 
partout  bien  orienté).  —  Herder's  Briefe  an  Hamann,  p.  p.  Hoffmann. 

—  Antoniewicz,  Ikonographisches  zu  Chrestien  von  Troyes.  —  Opitz, 
Schauspiel  u.  Theaterwesen  der  Griechen  u.  Rômer  (très  réussi;  unit 
un  solide  savoir  et  une  forme  agréable).  —  Eiselen,  Abbildungen  von 
Turnûbungen. 

—  N°  21  :  Spitta,  Die  Offenbarung  des  Johannes  untersucht.—  Moel- 
LER,  Lehrb,  der  Kirchengesch.  —  Urkund.  der  Stadt  Zurich,  p.  p. 
EscHER  u.  Schweizer,  I,  I.  —  Die  Matrikel  der  Univ.  Heidelberg  i386- 
1662  III,  Register,  i,  p.  p  Toepke;  Aeltere  Univ.  Matrikeln,  1.  Univ. 
Frankfurt  a.  o,  p.  p.  Friedlaender,  II,  1649-1811-,  Die  Matrikel  der 
Univ  Rostock  I,  1419-1499,  p.  p.  Hofmeister. —  Granier,  Die  Schlacht 
bei  Lobositz  (très  détaillé).  —  Weber,  Gesch.  des  XIX  Jahrh.,  2*  édit. 

—  Charpentier,  Russ.  Wanderbilder  (cp.  Revue  1889,  n°6).  —  Bezold, 
Catal.  of  the  cuneiform  tablets,  British  Muséum,  I.  —  Le  mystère  de 
Ste  Barbe,  p.  p.  Ernault  (très  utile]. —  Heinzerling,  Fremdworter  un- 
ter  deutschen  u.  engl.  Thiernamen  (attachant,  sans  rien  de  nouveau). 

—  Schrittproben  aus  Hs.  des  XIV-XVI  Jahrh.,  p.  p.  Thommen.  — 
A.  Meyer,  Zu  Walthers  Ehre  (rien  de  scientifique).  —  Lucae,  Aus 
deutscher  Sprach  u.  Litteraturgesch.  (recueil  d'études  variées  et  instruc- 
tives). —  Deutsches  Wôrterbuch,  XII,  3  vergeben-verhôhnen,  p.  p. 
WuLCKER.  —  Reisch,  Griech.  Weihgeschenke  (cp.  Revue,  n»  4).  — 
SoiJTZo,  Introd.  à  Tétude  des  monnaies  de  F  Italie  antique,  II  (système  à 
désapprouver,  mais  quelques  points  de  vue  remarquables).  —  Heyde- 
mann,  Marmorkopf  Ricardi  (montre  toujours  les  mêmes  qualités  et  les 
mêmes  défauts). 

—  N°  22  :  Heidemann.  Die  Reformin  der  Mark  Brandenburg.  —  Fu- 
jisHiMA,  Le  bouddhisme  japonais.  —  Soltau,  Rom.  Chronologie  (beau- 
coup de  choses  utiles).  —  Die  westf.  Siegel  der  geistl.  Corpor.  u.  der 
Stifs-Kloster  =  und  Pfarrgestlichkeit,  p.  p-Ilgen.  —  Em.  Michael,  Sa- 
limbene  u.  seine  Chronik  (travail  qui  ne  vaut  pas  celui  de  Dove).  — 
Frapan,  Vischer-Erimnerungen.  —  Penck,  Ziele  der  Erdkunde  in  Oes- 
terreich.  —  Erman,  Die  Sprache  des  Papyrus  Westcar  (cp.  Revue, 
n"  22). — Stoll,  Die  Maya-Sprachen  der  Pokom-Gruppe,  l.  Pokonchi- 
Indianer.  —  R.  Becker,  Wahrheit  u.  Dicht.  in  Ulrich  von  Lichtens- 
tein  (soigné,  quoique  contestable).  —  Larned.  The  Pennsylvania  Ger- 
man  dialect  (très  étudié  et  fort  louable).  —  Fôrster,  Das  Leben  Emma 
Fôrster's,  der  Tochter  Jean  Paul's  in  ihren  Briefen. 

Deutsch  Litteraturzeitung,  n"  21  :  Orosii  hist.,  p.  p.  Zangemeister  (edit. 
Teubner,  très  soignée  et  à  bon  marché).  —  M.  Rieger,  Ueber  die 
Abnahme  der  Bibelkenntniss  in  der  Gemeinde.  —  Gussfeld,  Die  Erzie* 
hung  der  deutschen  Jugend.  —  Catal.  of  the  Cuneiform  Tablets  in  the 
Kouyundjik  collection  of  the  British  Muséum,  p.  p.  Bezold,  I  (très 
utile).  —  P.  ScHMiTT,  Ueber  den  Ursprung  des  Substantivsatzes  mit 


Relativpartikeln  im  Griech  (ne  s'occupe  que  d'Homère.)  —  Sauvé,  Le 
folklore  des  Hautes- Vosges  (très  soigné).  — Gaidoz,  La  rage  et  S.  Hu- 
bert (très  exact,  très  complet  et  peut  passer  pour  un  modèle;  cp.  Reviie^ 
1880,  n°  7).  —  H.  von  Treitschke,  Deutsche  Geschichte  im  XiX  Jahr- 
hundert,  IV,  bis  zum  Tode  Friedrich  Wilhelms  HI  (très  habilement 
composé  et  reproduit  avec  tînergie  et  vigueur  tous  les  faits  de  la  vie  pu- 
blique et  littéraire,  retrace  tous  les  courants  du  génie  scientitique,  artis- 
tique et  politique  du  peuple  allemand;  oeuvre  unique  en  son  genre  et 
singulièrement  attachante;  partout  des  vues  neuves  et  superbes).  —  Du- 
MON,  Le  théâtre  de  Polyclète,  reconstruction  d'après  un  module  (très 
remarquable).  —  Quesnay,  Œuvres  économ.  et  philos.,  p.  p.  Oncken. 
—  Gesellschaft  fur  deutsche  Litteratur  (23  avril). 

—  N°  22  :  LiNK,  Die  Einheit  des  Pastor  Hermae;  BAUMoâRTNER,  Die 
Einheit  des  Hermasbuchs.  -  H.  Gruber,  Aug.  Comte.  —  S.  H. 
ScHMiDT,  Handb.  der  lat.  u.  griech.  Synonymik  (d'abondants  matériaux 
recueillis  avec  soin).  —  Gagnât,  Cours  d'epigr.  lat.  2'^  éd.  (très  réussi; 
cp.  Revue,  n°  20).  —  Loewe,  Die  Dialektmisch.  im  magdeburg.  Ge- 
biete.  —  James,  Wôrterb.  der  engl.  u.  deutschen  Sprache,  7^  éd.,  p.  p. 
Stoffel.  —  Haubold,  De  rebus  lliensium  (soigné).  —  F.  Voigt,  Die 
Klosterpolitik  der  salischen  Kaiser  u.  Kônige  (clairement  disposé  et 
offre  des  résultats  à  approuver).  —  W.  Wilson,  The  State  and  Fédéral 
Government of  the United  States  (manuel  utile).  —  Buchholtz,  Die  ein- 
fache  Erdzeit  mit  Stundenzonen  u.  festem  Westmeridian  als  Zifferblatt 
ohne  Stôr.  der  Tageszeiten  fur  aile  Lander  u.  Vôlker  der  Erde.  —  Ein 
amerikan.  Lutherwerk  (Buddensieg). 

Berliner  philologische  Wochenschrift,  n»  21  :  Die  einzige  bisher  gef.  rôm. 
Inschrift  in  Pommern  (Ziemer).  —  Trag.  graec.  fragm.,  p.  p.  Nauck, 
2"  éd.  (ouvrage  tout  nouveau  et  témoigne  de  la  sagacité  et  de  l'érudition 
de  Pauteur).  —  Fouillée.  La  philos,  de  Platon,  II,  III,  IV.  —  Lina, 
De  praepos.  usii  Platonico  (fauteur  a  eu  plus  de  patience  encore  que 
Panatomiste  qui  compterait  tous  les  poils  d'un  cadavre).  —  Windel, 
Demosthenis  esse  orationem  -Kôpi  awziçnoç  ià  lire).  —  Zimmermann,  Krit. 
Unters.  zu  den  Posthomerica  des  Quintus  Smyrnaeus  (ce  qu'il  y  a  de 
meilleur  et  de  plus  remarquable  depuis  Kôchly).  —  Birt,  Zwei  polit. 
Satiren  des  alten  Rom  (prouve  que  Claudien  a  imité  certaines  satires 
de  Lucilius  dans  les  livres  contre  Eutrope).  —  Brandt,  Dualist.  Zusâtze 
u.  Kaiseranreden  bei  Lactantius,  IL  — -  Morlais,  Etudes  morales  sur 
les  grands  écrivains  latins  (intéressant).  —  DRasEKE,  Gesamm.  patrist. 
Untersuch.  (plein  de  savoir  et  de  résultats  à  approuver.)  —  Cremer, 
Bibl.  theol.  Wôrterbuch  der  neutest.  Grâcitat,  6«  éd.  —  Kinch,  Die 
Sprache  der  sizil.  Elymer  (fait  avec  soin).  —  Pi-ogramme  :  Schramm,  De 
consecratione  domus  Ciceronianae.  —  Dietrich,  Die  rechtl.  Natur 
der  Societas  publicanorum.  —  Straub,  der  Natursinn  der  alten  Grie- 
chen. 

Bulletin  international  de  l'académie  des  sciences  de  Cracovie,  avril  :  Archives 
de  l'histoire  littéraire,  tome  VI  (renferme,  à  l'exception  de  Part,  de 
Celichowski  sur  Martin  Kwiatkowski,  des  matériaux  relatifs  à  l'histoire 
des  Universités  de  Pologne  et  aux  Polonais  qui  ont  fréquenté  les  Uni- 
versités étrangères),  —  Ulanowski,  Contrib.  à  l'hist.  du  droit  en  Po- 
logne, I.  —  LuTOSLAWSKi,  Logika  Platona,  I. 


1 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  zS. 


N°  24  Vingt -quatrième  année  46  juin  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE' 

RECUEIL      H  E  B  D  O  M  A  D  a'i  R  K 

Directeur  :  A.  GHUQUET 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  2  5  fr. 

PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ    ASIATIQUE 

DE   l'École    des  langues    orientales   vivantes,    etc. 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuqute 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  2S). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  wt  compte-rendu. 

EHNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

L'ART  D'ENLUMINER 

Par  A.  LECOY  DE  LA  MARCHE,  Archiviste  aux  Arcliives  nationales. 

Un  volume  in-18,  de  luxe 3  fr.  50 

Forme  le  tome  XII  de  la  Petite  Bibliothèque  d'art  et  d'archéologie,  publiée  sous  la 

direction  de  M.  Kaempfen. 

Instructions  adressées  par  le  coinité  des  travaux  historiques  et  scientifiques 
aux  correspondants   du  Ministère   de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts. 

Littérature  latine  et  Histoire  du  Nojeu  âge 

Par  M.  L   DELISLE,  membre  de  l'Institut. 
In-8,  avec  une  planche  en  héliogravure 3  fr.  50 

L'AFRIQUE    DU   SUD 

HISTOIRE   II  LA  C0L01ÎI3    AII5LAISS  DU   CAP   DE   EOITIÎS-SSPÉÎIAITSS 

ET  DE  SES  ANNEXES 

.  Rar    M.    PAUL    LÉLU 
In-8  avec  une  carte 2  fr.  50 


PER101)I()UES 

Revue  des  études  grecques,  tome  IIL  n"  9,  janvier-mars.  ~  D.  Bikélas, 
Le  marquis  de  Queux  de  Saint-Hilaire.  —  Alfred  Croiset,  Simonide 
de  Céos.  —  Salomon  Reinach,  Inscriptions  inédites  d'Asie  Mineure  re- 
cueillies par  le  capitaine  Callier  (1830-1834).  —  Théodore  Rhinach,  le 
collectivisme  des  Grecs  de  Lipari.  —  Chronique.  Bulletin  archéologique 
(T.  R.).  Correspondance  grecque  (D.  B.).  Nouvelles  diverses.  Actes  de 
l'Association,  ouvrages  offerts.  —  Bibliographie. 

The  Academy,  n»  943  :  Nettleship,  Rob.  Browning.  Essays  and 
thoughts.—  GuNNiNGHAM.The  growth  of  Englishindustry  and  commerce 
during  the  early  and  middle  âges  (de  très  haute  valeur).  —  Green, 
Among  the  Selkirk  glaciers.  —  Lady  Jackson,  The  first  ot  the  Bour- 
bons, i5  i5-i6io  (populaire).  —  La  Perrière,  Henri  IV,  le  roi,  l'a- 
moureux (intéressant).  —  Récent  theology.  —  The  Béatrice  Exhibition 
at  Fiorenz.  —  Chaucer  (Gunthorpe).  —  Hanselyn  in  Ghaucer  (Loge- 
man).  —  The  Nevilles  in  Domesday  (Round).  —  Wharton,  Etyma 
latina  (fait  avec  soin  et  d'un  caractère  très  pratique).  —  Jensen,  Die 
Kosmologie  der  Babvlonier  [remarqui^ble).  —  The  Antonius  and  Sal- 
lustius  of  Horace  (Ramsay).  —  Perrot  and  Chipiez  on  the  art  of  Ju- 
daea  (Pétrie). 

The  Athenaeum,  n°  3266  :  Russell,  Nelson  and  the  naval  supremacy 
of  England,  (tait  sans  critique,  sans  soin,  et  plein  d'erreurs  grandes  et 
petites).  —  Bridgett,  Blunders  and  forgeries,  historical  essays.  —  Cook 
WiLSON,  On  the  interpret.  of  Plato's  Timaeus,  critical  studies,  with 
spécial  référence  to  a  récent  édition.  —  Maccarthy,  The  French  Révo- 
lution, I  and  II  (du  pittoresque,  des  allusions  littéraires  en  grand  nom- 
bre, des  gallicismes,  cherche  à  taire  sensation,  mais  «  the  permanent 
value  of  his  volumes  is  slight,  as  they  are  lacking  in  scholarship  and 
thought  »). —  Coleridge  and  the  Anti-Jacobins. —  L^npubiished  letters  o| 
Samuel  Pepys.  —  The  excavations  at  Megalopolis. 

Gœttiagische  gelehrte  Auzeigen,  a"  10:  Brandt,  Die  mandaiscbe  Religion,| 
ihre  Entwickel.  u.  geschichtl.  Bedeutung  (cp.  Revue,  n°^  6  et  12). 
PiscHEL  u.  Geldner,  Vedischc  Studien,  II  Heft  (très  instructif,  parfois* 
fautif  néanmoins  parce  que  les  auteurs  ne  voient  qu'un  côté  du  pro-^' 
blême).  —  Benfey,  Kleinere  Schriften,  ausgew.  u.  hrsg.  von  Bezzen;^ 
berger,  I,  I  u.  2.  • 

Berliner  philologische  "Wochenschrift.  n°  22  :  Erwiderung  (Gruppe).  —  Die 
Ausgrab.  in  Obrigheim,  Plalz  (Mehlis).  —  Programme  :  K.   Miller, 
Reste  aus  rôm.  Zeit  in  Oberschwaben;  Schôttler,  Lage  der  gesch.  Orte 
Aduatuca   Eburonum,   Ara  Ubiorum,  Belgica;    Kolb,  zur  Gesch.  des 
alten   Haller  Gymnasiums;    Friederich,  Die  Schulverhaltn.    Reutlin- 
gens  zur  Zeit  der  freien  Reichstadt,  il;   Hehle,  Das  ehem,  Zwiefalterj 
Gymn.  u.   KoUegium  zu   Ehingen,    1686-1719.  —  Petersen,  u.  Lus- 
CHAN,  Reisen  in  Lykien,  Milgas  u.  Kibyratis.  (cp.  Revue,  1889,  n°  6).' 
—  P.  VoGT,  De   Luciani  libellorum  pristino  ordine  quaestiones,  I.  —\ 
Horaz  p.  p.  Nauck,   i3«  éd.   Oden   u.   Epoden.  —  Urbini,  La  patria  dij 
Properzio  (se  décide  pour  Hispellum  et  ne  nous  convainc  pas).  —  P. 
Girard,  L'éducation  athén.  au  V  et  au  iV^  siècle  avant  J.-C.  (cp.  Revue 
1889,  n"  48).  —  Wackkrnagel,  Das  Dehnungsgesetz  der  griech.  Corn- 
posita  (recherches  détaillés  et  vastes,  riches  en  résultats).  — Archaàolj 
Gesellschaft  zu  Berlin,  avril  (suite).  : 

Literaturblatt  fur  germanische  und  romanische  Philologie,  n»  3  :  W.  Muller 
Zur  Mythologie  der  griech.  u.  dcutschen  Heldensage.  —  H.  Môllep 
Zur  ahd.  Alliterationspoesie  (important).  —  Keinz,  Die  Lieder  Neid 
harts  von  Reuenthal  ;  Beitrage   zur    Neidhart-Forschung  (deux  bon 


travaux).  —  Brahm,  Schiller,  ï  (ouvrage  qui  a  de  grands  mérites  et  qui  • 
a  été  apprécié  par  notre  recueil).  —  Volkelt,  Grillparzer  als  Dichter 
des  Tragischen  (très  bon).  —  J.  G.  Zimmer  u.  die  Romantiker,  p.  p. 
H.  W.  B.  Zimmer.  —  Mussafia,  Osservazioni  sulla  fonologia  francese, 
la  formola  tj  fra  vocali  (très  vraisemblable).  —  De  Fréville,  Les  quatre 
âges  de  l'homme,  traité  moral  de  Philippe  de  Navarre.  —  Martens,  Die 
Anfànge  der  franz.  Synonymik  (essai  bibliographique  et  court  résumé 
de  tout  ce  qui  a  été  fait  sur  le  domaine  de  la  synonymie  jusqu'à  Girard). 

—  NovATi,  Studi  critici  e  letterari  (recueil  d'essais  déjà  analysés  par  la 
Revue).  —  Dante-Literatur  :  Locella,  Zur  deutschen  Dante-Literatur 
mit  besond.  Beriicks.  der  Uebers.  von  Dantes  Gôttlicher  Komôdie,  mit 
mehreren  bibliogr.  u.  stat.  Beilagen.  —  Gietmann,  Die  GottHche  Ko- 
môdie u.  ihr  Dichter  Dante  Alighieri  ;  Béatrice,  Geist  u.  Kern  der  Dan- 
teschen  Dichtungen;  La  Divina  Commedia  di  Dante  Alighieri  col 
comento  di  Cornoldi;  Ruggero  della  Torre,  Poeta-Veltro;  L'Ali- 
ghieri,  rivista  di  cose  dantesche,  dir.  da  Pasqualigo,  1,  1-2.  —  Gunth- 
NER.  Calderon  u.  seine  Werke,  2  volumes  (bien  étudié,  mais  voit  plus 
en  Calderon  le  catholique  que  le  poète,  et  ne  dispense  pas  de  recourir 
au  livre  excellent  de  Schmidt). 

—  N°  4  :  Grundriss  der  german.  Philologie,  p.  p.  Paul,  i  (bel  ouvrage 
dont  on  attend  la  suite  avec  contiance),  — Toischer,  Ueber  die  Sprache 
Ulrichs  von  Eschenbach  (intéressant  résultat).  —  Parzifal  von  Wisse  u. 
Colin,  p.  p.  ScHORBACH  (très  précieuse  source  pour  la  langue  de  l'Alsace 
et  la  métrique  du  xiv^  siècle).  —  Jan  z  Michalovic,  Joh.  von  Michels- 
ber.;,  ein  deutsches  Gedicht  des  XIII  Jahrh.  p.  p.  Kraus.  —  Meister 
Stephans  Schachbuch  u.  Glossar.  p.  p.  Schliîter.  —  Ipomedon,  p.  p. 
KoLBiNG  (édition  très  soignée).  —  Le  Lai  de  l'ombre  p.  p.  Bédier  (texte 
habilement  établi).  —  Un  samedi  par  nuit,  die  ait.  franz.  Bearb.  des 
Streites  zwischen  Kôrper  u.  Seele,  p.  p.  Varnhagen.  —  Le  Bestiaire, 
das  Thierbuch  des  normann  Dichters  Guill.  le  Clerc  p.  p.  Reinsch 
(introduction  à  remanier).  —  Ehrichs,  Les  grandes  et  inestimables  cro- 
niques  de  Gargantua  u.  Rabelais'  Gargantua  et  Pantagruel  (sagace  et 
conséquent) . 

—  N"  5  :  E.  H.  Mever,  Vôluspa,  eine  Unters.  (résultats  pénétrants, 
contraires  à  ceux  de  Mûllenhotï,  et  qui  trouveront  une  rude  résistance). 

—  GuDMUNDssoN,  Privatboligeu  pa  Island  (cp.  un  prochain  art.  de  la  Re- 
vue). —  Daniel  von  Soest,  p.  p.  Jostes {excellente  édition  de  ce  satirique 

.  westphalien  du  xvi"  siècle).  —  Uhl,  Unechtes  bei  Neifen  (très  soigne  et 
détaillé).  —  Koerting,  Encyclop.  u.  Method.  der  engl.  Philologie  (cp. 
Revue,  1889,  n"  49  .  —  Portjoli,  Le  opère  maccheroniche  di  Merlin 
Cocai  (publie  deux  œuvres  rares,  mais  a  des  défauts).  —  Nyrop,  Kort- 
fattet  spansk  grammatik,  et  Laerebog  i  det  spanske  sprog  (travaux  de 
grande  valeurj.  —  Reinhardstoettner,  Die  klassischen  Schriftstelier  des 
Altertums  in  ihrem  Einfluss  auf  die  spàteren  Litteraturen,  L  Plautus, 
Spatere  Bearbeit.  Plautin.  Lustspiele.  (très  long  art.  de  Stiefel  sur  un 
travail  où  il  y  a  nombre  de  faiblesses,  de  lacunes,  d'erreurs,  quoique 
l'auteur  ait  fait  preuve  d'une  grande  diligence,  d'une  patience  extraor- 
dinaire, et  d'un  savoir  étendu). 

Zeitschrifl fur  deutsche  Philologie,  XXII,  i  :  Marold,  Ueber  die  poetische 
Verwertung  der  Natur  u.  ihrer  Erscheinungen  in  den  Vagantenliedern 
u.  im  deutJîChen  Minnesang.  —  Rôhricht,  Die  Jerusalemfahrt  des 
Herzogs  Friedrich  von  Oeterreich,  ein  mhd.  Ged.  — -  Erdmann,  Ueber 
eine  Conjcctur  in  der  neuen  Lutherausgabe.  —  R.  M.  Werner,  Gers- 
tenbergs  Briefe  an  Nicolai  nebst  einer  Antwort  Nicolais.  —  Duntzer, 
Die  Entsteh.  des  zweiten  Teiles  von  Gœthes  Faust,  insbes.  der  klass. 
Walpurgisnacht,  nach  den  neuesten  Mitteil.  —  Holstein,  Zur  Topo- 


graphie  der  Fastnachtsspiele.  —  Erdmann,  Zum  Einfluss  Klopstocks  auf 
Gœthe.  —  Litteratiir  u.  Miscellen  :  Mûllenhoff,  Beowulf;  Tkn- 
Brink,  Untersuch.  ûber  Beowulf.  (La  théorie  dcTen  Brink  marque  un 
proi^rès  essentiel  après  la  critique  de  Mûllenhoflf  ;  elle  est  plus  simple  et 
plus  convaincante).  —  Kressner,  Gesch.  der  franz.  Nationalliteratur 
von  den  iiltestcn  Zeiten  bis  zum  XVI  Jahrh.  (forme  la  i "^^  partie  delà 
sixième  édition  du  Manuel  de  Kreyssig,  dont  la  seconde  partie,  relative 
aux  temps  modernes,  sera  revue  par  M.  J.  Sarrazin;  assez  bien  groupé, 
mais  quelques  défauts,  n'est  pas  complet,  et  le  style  sent  trop  le  feuil- 
leton). 

Zeitschrift  fur  deutsches  Alterthum  u.  deiitsche  Litteratur,  Il  u.  III  :  Roette- 
KEN,  Das  innere  Leben  bei  Gottfried  von  Strassburg.  —  Herzog,  Zu 
Otfrid.  —  Cauer,  Ueber  das  urspr.  Verh.  der  Nibelungenlieder  XVI, 
XVII,  XIX.  —  Meyer,  Volksgesang  u.  Ritterdichtung.  —  Bolte,  Du 
bist  mîn,  ich  bin  dîn.  id.  Eine  unbek.  Ausg.  des  Frankfurter  Lieder- 
biichleins.  —  Henrici,  Ulrich  Fuetrer's  Lôwenritter.  —  Ammann, 
Nachtrâge  zum  Schwerttanz.  —  Kluge,  Ae.  gaerdas,  bocstafas,  bôc.  — 
ScHÔNBACH,  Ein  Zeugnis  zur  Gesch  der  mhd.  Lyrik.  —  Schulze,  Neue 
Bruchst.  aus  Veldekes  Servatius.  —  Seemûller,  Zu  Konrads  Klage  der 
Kunst.  —  Holthausen,  Ags.  aus  Copenhagen.  —  Anieiger  :  Strauch, 
Verzeichnis  der  auf  dem  Gebiete  der  neueren  deutschen  Literatur  1888 
erschien.  wissensch.  Publikationen.  —  Lexer,  Zur  Gesch,  des  deutschen 
Wôrterbuches,  Mitteil.  aus  dem  Briefw.  zwischen  den  Brûdern  Grimm 
u.  Salomon  Hirzel.  —  Mûllenhoff,  Beowulf.  —  Fischer,  Zur  Gesch.  des 
mhd.  —  Schachinger,  DieCongruenz  in  der  mhd.  Sprache.  — Wëchter, 
Mai  u.  Beaflor  (du  bon  et  du  mauvais).  — Beyer,  Deutsche  Poeiik  ; 
Biese,  Das  Metaphorische  in  der  dichter.  Phantasie;  Viehoff,  Die 
Poetik  auf  der  Grundlage  der  Krfahrungsseelenlehre;  Steiner,  Goethe 
als  Vater  einer  neuen  Aesthetik.  —  Munckler,  Klopstock  (cp.  Revue, 
1889,  n"  41).  —  Koller,  Klopstockstudien,  I.  Klopstock  als  musikal. 
Aesthetiker,  II.  Kiopsîocks  Bezieh.  zu  zeitgen.  Musikern. —  Froitzheim, 
Lenz,  Gœthe  u.  Cleophe  Fibich  (cp.  Revue,  1888,  n"  44).  —  Litteratiir- 
noti\en  :  De  dûdesche  schlômer,  p.  p.  Stricker;  Les  Joies  du  mariage, 
caquets  rimes  en  dialecte  strasb.  1687,  p,  p.  Froelich;  Archivai.  Nachr. 
iiber  die  Theaterzustande  von  Hildesheim,  Liibeck,  Lûneburg  im  XVI, 
u  XVII  Jahrh.,  p.p.  Gaedertz;  Kriemhild,  ûbertr.  von  W.  Hahn; 
Miillenhoffs  Paradigmata  zur  deutschen  Gramm.  zum  Gebrauch  fûr-il 
Vorles.  6"  aufl.  v.  Roediger;  Briefe  der  Brûder  J.  u.  W.  Grimm  an' 
Benecke  1 808-1 829,  p.  p.  W.  Mûller;  Schweitzer,  De  poemate  Wal- 
thario  ;  Meister  Stephans  Schachbuch,  ein  mnd.  Ged.  des  XIV  Jahrh.  || 
II,  Glossar  ;  Vonbun,  Die  Sagen  Vorarlbergs;  Mnd.  Handworterbuch il 
von  Lûbben,  vollendet  von  Chr.  Walther.  —  Linturali,  ritterlicher 
Frauendienst  in  Swanetien  am  Kaukasus. 

Forschiingen  zur  brandenburgischen  und  preussischen  Gescbichte,  III,  i  '■ 
LiESEGANG,  Die  Kaufmannsgilde  von  Stendal.  —  Holtze,  Die  Bamber- 
gensis  in  der  Mark.  —  Seidel,  Der  Lustgarten  am  Schlosse  in  Berlin 
bis  zu  seiner  Auflôsung  171 5.  —  Schiemann,  Luise  Charlotte  Radziwill, 
Markgrâfin  von  Brandenburg.  —  H.  Weber,  Venezianische  Stimmen 
zum  siebeniahrigen  Kriege.  —  R.  Koser,  Zur  preuss.  Gesch.  im  XIX 
Jahrh.  —  Kleine  Mitteilungen  :  Bischof  Johann  Félix  von  Havelberg 
(G.  Schmidt).  —  Vom  Jubelfeste  dermarkischen  Reformation  (Holtze). 

—  Ein  Urteil  Josefs  11  ueber  Friedrich  II  u.  Preussen  1772  (Michael). 

—  Zur    Gesch.    Chr.    L.    von    Kalckstein    (Hirsch).    —    Nachwort 
(Paczkowski).    —  Neue  Erscheinungen  :    Zeitschriftenschau  (Holtze, 
Lohmeyer,  Treusch  von  Buttlar);   Ùniversitàtsschriften  u.  Schulpro-j 
gramme  (Runge). 

Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N»  25  Vingt-quatrième  année  23  juin  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,     RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuqute 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire ),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,  EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

PETITE  BIBLIOTHÈQUE  D'ART  ET  D'ARCHÉOLOGIE 

Publiée  sous  la  direction  de 

M.  Kaempfen 

Directeur  des  Musées  Nationaux  et  de  l'Ecole  du  Louvre. 

Tome  XII 

LA    VATICANE,    de  Paul  m  à  Paul  V,  d'après  des  do- 
cuments nouveaux,  par  Pierre  Batiffol.  In- 18 3  fr. 

Tome  XIII 

,     L'ART     D'ENLUMINE' 

Par  A.  Lecoy  de  la  Marche 
Archiviste    aux    Archives    Nationales. 

In- 18  de  luxe ,      .       ,      .     i^  3  f>o 


PÈklODIQUES 

Bulletin  critique,  n"  1 1  :  Gesta  domni  Aldrici  p.  p,  Charles  et  Frogrr. 

—  Abel,  Aegypt.  indo-europ.  Sprachverwandtschaft  (travail  et  savoir 
dépensés  en  pure  perte).  —  Cartailhac,  La  France  préhistorique  (cp. 
Revue,  1889,  n"  48).  —  Joubert,  Hist.  de  l'église  réformée  de  Laval 
au  xvii"  siècle.  —  G.  Pelissier,  Le  mouvement  littéraire  en  France  au 
xix=  siècle,  (Sagement  pensé;  bon  style  tel  que  l'enseignent  les  traités  de 
rhétorique,  et  d'une  désolante  perfection  ;  n'a  pas  cherché  assez  profon- 
dément les  origines  de  nos  révolutions  littéraires  ni  démêlé  dans  la  mul- 
tiplité  des  groupes  et  la  variété  des  programmes  le  fonds  commun;  con- 
clusion fausse  ou  que  le  livre  n'impose  pas;  cp.  Revue,  1889,  n°  42). 

Revue  rétrospective,  i""  juin  :  Corresp.  de  Villenave  et  de  miss  Tasset 
(fin).  —  Bonaparte  et  Carnot,  1796.  —  Un  mystificateur,  1793.  —  Un 
bourreau  respectable.  —  Dombrowski  et  les  Allemands,  1871.  —  Note 
d'un  garçon  de  bureau,  mai  1871.  —  Les  fiacres  de  Paris  (xviii«  siècle). 

—  Frère,  il  faut  mourir!  (1812). —  Lettres  de  Voltaire  à  Le  Bret  (1757- 
1772).  —  Inventaire  des  effets  de  Voltaire.  —  Les  subsistances  sous  la 
Terreur.  —  Deux  lettres  du  général  Menou.  —  Apostille  de  Louis- 
Philippe  sur  le  recours  en  grâce  de  Fieschi.  —  Restif  de  la  Bretonne  in- 
venteur du  Mérite  agricole. 

Revue  de  l'instruction  publique  supérieure  et  moyenne  en  Belgique,  tome  XXXIII, 
3^  livraison  :  35^  séance  de  la  séance  de  la  Société  pour  le  progrès  des 
études  philologiques  et  historiques,  samedi  12  avril  1890.  — Thil-Lor- 
RAiN,  Pierre  i'Hermite  à  propos  de  l'ouvrage  de  M.  Hagenmeyer,  2.  — 
ViOLLET,  Hist.  des  instit.  polit,  et  admin.  de  la  France  (nul  ne  lira  cet 
ouvrage  sans  être  frappé  par  la  largeur  des  vues  et  l'élévation  de  la  pen- 
sée; cp.  Revue,  n°  i5).  —  Varia  (Harroy,  Les  Eburons  à  Limburg). 

The  Academy,  n»  944  :  Giffon,  The  growth  of  capital.  —  Couder,  Pa- 
lestine (souvenir  condensé  d'^explorations  et  de  découvertes  en  Pales- 
tine). —  Haliburton,  In  Scottish  fields.  —  H.  Goodwin,  The  Founda- 
tionsof  theCreed.  —  The  life  of  Carmen  Sylva,  translated  by  Baroness 
Deichmann.  —  Welzhofer,  Gesch.  des  griech.  Volkes  bis  zur  Zeit  So- 
lons  (brillamment  écrit;  cp.  Revue,  n"  22).  —  The  American  Oriental 
Society.  —  Discovery  of  the  sixth  Brâhmana  of  the  Sâmaveda  (Max 
Miiller).  —  Etymological  notes  :  cockney,  clock,  coble  (Cook  et  Heath). 

—  The  Word  hauselyns  in  Chaucer  (Skeat).  —  Goodwin,  Syntax  of  the 
moodo  and  tenses  of  the  Greek  verb  (indispensable).  —  An  inscribed 
Gaulish  menhir.  —  The  Antonius  of  Horace  (Wilkins).  —  Proposed 
excavations  at  Chester. 

The  Athenaeum,  n"  3267  :  Story,  Conversations  in  a  studio;  Russell 
(A.  P.;,  In  a  club  corner.  —  Rabbi  David  Philipson,  The  Jew  in  En- 
glish  fiction.  ~  Ausonii  Mosella,  p.  p.  De  La  Ville  de  Mirmont  (cp. 
Revue,  n°  10).  —  Lynch,  Egyptian  sketches.  —  Isaac  Taylor,  The  ori- 
gin  of  Aryans.  an  account  ot  the  prehistoric  ethnology  and  civilization 
of  Europe  (brillant  petit  livre,  à  la  fois  court  et  clair).  —  An  early  Ame- 
rican édition  of  Elia.  —  Lord  Lovât.  —  The  Hospitaliers  in  Englands. 

—  Dr.  Schmitz.  —  The  topography  of  Alba  (Bent). 

Literarisches  Centralblatt,  n°  23  :  Saadia,  Das  Buch  Hiob  ûbers.  u.  er- 
klart  (cp.  Revue  n°  49'.  —  Gooszen,  Der  Heidelberger  Catechismus.  - 
Teichmuller,  Neue  Grundleg.  der  Psychologie  u.  Logik,  hrsg.  von 
Ohse.  —  Krause,  Philosoph.  Abhandl.  p.  p.  Hohlfeld  u.  V/ûnsche. 
— Gasner,  Zum  deutschen  Strassenwesen  von  der  ait.  Zeit  bis  zur  Mitte 
de<;  ]CV1I  Jahrh.  (très  soigné),  —  Max  Schilling,  Quellenbuch  zur 
Gescfî.  der  Neuzeit.  —  Czerny,  Der  zweite  Bauernaufstand  in  Oberôs- 
tfTi-OàCh  1 595-1597  (instructif).  -—  Lanman,  A  sanskrit  reader  with  voca- 


bulary  and  notes  (bon).  —  P,  Regnaud,  Esquisse  du  véritable  système 
primitif  des  voyelles  dans  les  langues  d'origine  indo-européenne  (ne 
rappelle  que  par  le  titre  le  mémoire  génial  de  Saussure).  —  Janssen, 
Gesammtindex  zu  Kluge's  etymolog.  Wôrterbuch  der  deutschen  Sprache 
(cp.  Revue,  1889,  n"  5 18).  —  Schônbach,  Walther  von  der  Vogelweide 
(tableau  d'ensemble  exact  dans  Tessentiel  et  dignement  tracé).  —  Ran- 
Now,  Der  Satzbau  des  ahd.  Isidor  im  Verhaltn.  zur  latein.  Vorlage  (cp. 
Revue,  1889,  n"  5i).  —  Cordes,  Der  zusammenges.  Satz  bei  Nicolaus 
von  Basel  (tait  avec  grand  soin).  —  Systemat.  Verzeichniss  der  Lessing- 
Literatur  der  herzogl.  Bibliothek  zu  Wolfenbûttel,  mit  Ausschluss  der 
Handschriften.  —  Schultz,  Die  Bestreb.  der  Sprachgesellsch.  des  XVII 
Jahrh.  fur  Reinigung  der  deutschen  Sprache  (soigné,  quoique  inférieur 
à  Wolff).  —  GoERREs,  Studien  zur  griech.  Mythologie,  I  (suppositions 
et  fantaisies  sur  toutes  les  figures  et  questions  de  mythologie  possibles). 

—  Monumenti  antichi,  publ.  per  cura  délia  Accademia  dei  Lincei,  I,  i. 

Deutsche  Litteratiirzeitung',  n°  23  :  Gûldenpenning,  Die  Kirchengesch. 
des  Theodoret  von  Kyrrhos  (cp.  Revue,  n»  19).  —  Pischel  u.  Geldner, 
Vedische  Studien,  I  (plein  de  sagacité  et  de  savoir,  malgré  des  objec- 
tions à  faire).  —  Diels,  Sibyllinische  Blatter  (preuve  fournie  avec  une 
pénétration  victorieuse).  —  O.  Harnack,  Gœthe  in  der  Epoche  seiner 
Vollendung,  i8o5-i832  (bon).  —  Church,  Early  Britain  (manqué,  à  la 
fois  erroné  et  incomplet).  —  Bonin,  Die  Besetz,  der  deutschen  Bistû- 
mer  1077-1016  (excellente  suite  du  travail  de  Beyer).  —  Gradnauer, 
Mirabeaus  Gedanken  iiber  die  Erneuer.  des  franz.  Staatswesens  (bon, 
mais  ne  connaît  pas  Décrue).  —  Schmarsow,  S.  Martin  von  Lucca  u. 
dieAnf.  der  toscan.  Sculptur  im  Mittelalter.  —  Heysr,  Italien.  Dichter 
seil  der  Mitte  des  XVIII  Jahrh.  Uebers.  u.  Studien.  111  u.  IV. 

Berliner  philologische  Wochenschrilt,  n°  23  :  Der  Schuss  des  Odysseus  durch 
die  zwulf  Aexte.  —  Programme  :  Schrôder,  Die  subjectiosen  Sàtze  ; 
Froehlich,  de  grammaticae  lat.  locis  aliquot  controversis;  Dohmen,  Der 
latein.  Unterricht  in  Sexta  u.  Quinta;  Ammer,  Reihenfolge  u.  Zeit  der 
Abfass.  des  herod.  Gechichtswerkes;  S.  Martin,  De  Odyssea  et  Theo- 
gonia;  ScHrERUNOER,  Die  unterordn.  Satzverbind.  bei  Antiphon.  —  Pe- 
tersen  u.  Luschan,  Reisen  in  Lykien  (cp.  Revue,  1889,  n°  6).  —  Per- 
sika  of  Ktesias  p.  p.  Gilmore  (louable  travail).  —  Zosimos  p.  p.  Mrn- 
DELssoHN  (marque  un  grand  et  remarquable  progrès).  —  T.  Macci  Plauti 
fabul.  reliq.  Ambrosianae,  codicis  rescripti  Ambrosiani  apographum 
conf.  et  éd.  Studemund  (art.  de  Goetz  :  rend  un  juste  hommage  à  Stu- 
demund  qui  était  non  seulement  paléographe  excellent,  mais  qui  pos- 
sédait en  maître  la  langue  de  Piaule  et  joignait  à  cette  connaissance  un 
heureux  don  de  combinaison  et  de  divination).  —  Dumon,  Le  théâtre  de 
Polyclète,  reconstruction  d'après  un  module  (travail  d'un  philologue 
hollandais;  on  peut  en  dire  :  beaucoup  de  bruit  pour  rien;  le  résultat 
scientifique  est  :  rien,  absolument  rien).  —  Meister,  Tempelrecht  von 
Aléa  (travail  recommandable;  texte  exact,  traduction  fidèle,  commen- 
taire détaillé).  —  Sasse,  De  numéro  plurali  qui  vocatur  maiestatis  (ré- 
sultats qui  ne  soulèvent  pas  d'objection). 

Ma^azin  fur  die  Litteratur  des  In-und  Auslandes,  n°  20  :  Hansson,  Skandi- 
navische  Litteratur.  —  Mrhly,  Die  Sprache  u.  ihre  Ersatzmittel,  II. 

—  ScHULTHFjss,  Le  Sages  Gil  Blas  kein  Plagiat.  —  Neumann-Hofer, 
Berliner  Tiieaterbriefe. —  De  Mont,  Das  Geheimnis  der  See,  Gerechtig- 
keit  (ubertr.  aus  dem  flàm.  von  A.  Moser).  —  De  La  Revilla,  Das 
Spielzeug  des  Knaben.  —  Campoamor,  Die  Kirschen  u.  die  Rose  (ubertr. 
von  E.  Dorer).  —  W.  GARcmN,  Die  note  Mohnblume  (fin). 

—  N°  21  :  Harden,  Der  Nazarener  von  Tula.   —  Keller-Jordan, 


Armando  Palacio  Valdes  u.  sein  neuester  Roman.  —  W.  von  Troll, 
Simon  Jakovlevitsch   Nadson.  —  Schwarzkopf,  Wiener  Theaierhrief, 

—  A.  de  Musset,  Lied,  An  eine  Tote,  ubertr.  von  Geilfus  u.  Mehring. 

—  De  RoBERTO,  Die  Tote,  ûbers.  von  Sôhns. 

—  No  22  :  Hansson,  Skandinav.  Liter.  —  Pluim,  Amann  de  Vos  u. 
die  fliim.  Literatur.  —  L.  pRilNKEL,  Das  gegenw.  Studium  der  deuts- 
chen  Liter.  in  Frankreich.  —  H.  von  Basedow,  Neues  von  Dostoievsky. 

—  Neumann  —  HoFER,  Berliner  Theaterbrief.  —  Coppée,  Verlassen; 
De  Rioja,  An  die  Rose,  libers,  von  Mehring  u.  Léon  —  de  Roberto, 
die  Tote,  ûbers.  von  Sôhns. 

— N°  23  :  Neumann-Hofer,  Der  literarischeOccultismusin Frankreich. 

—  SiLEsius,  Hundert  Jahre  Zeitgeist.  —  K.  Blind,  German.  Spraciie  in 
franzos.  Huile  (à  propos  du  Franzôs.  étymolog.  Wôrterbuch.  de  Schô- 
tensack).  —  Sacher  Masoch,  Paul  Hervieu.  —  Das  Trauerlied  von 
Douglas,  altschott.  Ballade  (ûb'^rtr.  von  Geilfus).  — Okonski,  auf  dem 
Markte,  ûbetr.  von  Lôwenfeld. 

Theologische  Litteraturzeitung,  n<>  1 1  :  p.  Werner,  Der  Paulinismus  des 
Irenàus  (très  méritoire).  —  Bratke,  Wegw.  zur  Quellen-und  Literalur- 
kunde  der  Kirchengesch.  (les  explications  ne  pouvaient  être  plus  bana- 
les et  plus  insipides;  le  choix  de  la  littérature,  plus  incohérent).  — 
DopFFEL,  Kaisertum  u.  Papstwechsel  unter  den  Karolingern  (question 
importante  traitée  avec  détail  et  à  fond).  —  Finke,  Forsch.  u,  Quellen 
zur  Gesch.  des  Konstanzer  Konzils  (recherches  d'une  clarté  et  d'une 
pénétration  convaincante).  —  Usteri,  Die  Bedeut.  u.  Berechtig.  des 
mystischen  Eléments  in  der  christlichen  Religion. 

Deutsche  Rundschau,  juillet  :  W.  Vulpius,  Stammbuchblâtter  aus  Gœ- 
the^s  Nachlass.  —  Lady  Blennerhassett,  Zeitgenôssische  Gedanken- 
strômungen,  II. —  Friedlaender,  Petron's  Gastmahl  des  Trinialchio. — 
Junker  von  Langegg,  Heiiige  Baume  und  Pflanzen,  culturgesch.  Skizze, 
I-IV.  —  PosT,  Die  jûngste  Schule  Londoner  Wohlthilter.  —  Frenzel, 
Die  Berliner  Theater.  —  Hirschfeld,  Oesterreich.  Unternehm.  in 
Kleinasien.  —  Jul.  Lessing,  zur  Gesch.  der  deutschen  Goldschmiede- 
kunst. 

EMILE  BOUILLON,  ÉDITEUR,  67,  RUE  RICHELIEU. 

EN   VENTE 

MAMEL  POCR  ÊTI'DIER  LE  SAICRIT  VlDIdUE 

précis    de    grammaire    CHREST0MATH1E    —    LEXIQUE 

Par  A.  BERGAIGNE  &  V.  HENRY 
Un  volume  grand  in-8.  Prix 12  francs. 


MANUEL  POUR  ETUDIER  LA  LANGUE  SANSCRITE 

CHRESTOMATHIE  —  LEXIQUE  —  PRINCIPES  DE  GRAMMAIRE 

Par  Abel  BERGAIGNE 
Un  volume  grand  in-8,    1884.   Prix 12  francs. 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


]Sfo  26  Vingt  quatrième  année  30  juin  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,   20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des  langues    orientales   vivantes,    etc. 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuqute 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
j  désirent  un  compte-rendu. 


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KKNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

LA   BRODERIE 

DU  XP  SIÈCLE  JUSQU'A  NOS  JOURS 
D'après  des  spécimens  authentiques  et  les  anciens  inventaires 

Par  M.   Louis  de  Fakcy 

Prix  de  souscription 80  fr. 

Ce  prix  sera  porté  à  100  fr.  lors  de  la  publication  du  second  volume, 

I.^  BitOI>^:ftSl^,  du  X.!"  siècle  jusqu'à  nos  jours, 

par  M .  Louis  de  Farcy,  paraîtra  en  deux  fascicules. 

Chaque  fascicule  comprendra  environ  5o  pages  de  texte  in-folio  et  au 
moins  60  planches  en  phototypie. 

Voici  le  titre  sommaire  des  chapitres  : 

1.  Définition  de  la  Broderie  et  généralités. 

2.  Technique  de  la  Broderie. 

3.  Différentes  sortes  de  Broderie. 

4.  Rôle  de  la  peinture  et  de  rorfèvrerie  dans  la  Broderie. 

5.  Noms  et  travaux  de  quelques  brodeurs  célèbres. 

6.  Caractères  de  l'ornementation   et   motifs   de  décoration  préférés  à 

chaque  époque. 

7.  Revue  des  expositions  rétrospectives  et  industrielles  en  ce  qui  con- 

cerne la  Broderie. 

8.  Description  des  planches. 


PÉRIODIQUES 

Bulletin  critique,  n»  12  :  Meignan,  David  roi,  psalmiste,  prophète.  — 
Die  Trierer  Ada-Handschrift,  p.  p.  Menzel,  Corssen,  Janitschek, 
ScHNUTGEN,  Hettner,  Lamprecht  (magnifique  ouvrage).  —  Bouchot, 
Callot  (petit  livre  excellent;.  —  Lemaitre,  Impressions  de  théâtre,  IV. 

Romania,  avril  :  Novati,  I  codici  francesi  dei  Gonzaga  secondo  nuovi 
documenti.  —  P.  Meyer,  Fragment  d'Aspremont  conservé  aux  Archives 
du  Puy-de-Dôme,  suivi  d'observations  sur  quelques  mss.  du  même 
poème.  —  Plaget,  Oton  de  Granson  et  ses  poésies.  —  E.  Picot,  Frag- 
ments de  mystères  de  la  Passion.  —  Mélanges  :  Ambulare  (Cornu)  ; 
accoutrer,  fatras  (G.  P.);  Guillaume  de  Montreuil  (Lot);  L'auteur  de 
la  Complainte  de  Jérusalem  (G.  P.);  Chanson  en  l'honneur  de  la  Vierge 
(P.  M.)  ;  juge,  marner,  se  mettre  au  plein  (Bas);  bouquetin  (DelbouUe). 
—  Comptes-rendus  :  Notices  et  extraits  des  mss.  de  la  Bibliothèque 
nat.  et  autres  bibliothèques,  p.  p.  Acad.  des  Inscr.  et  Belles- Lettres, 
tome  XXXIII.  —  La  Naissance  du  chevalier  au  cygne  ou  les  enfants 
changés  en  cygnes,  p.  p.  Todd  ^apporte  un  véritable  enrichissement  à 
notre  vieille  poésie).  — Novelle  epoesi  francesi  inédite  [o]  rarissime  del 
secolo  XIV.  —  Taeuber,  I  capostipiti  dei  manoscritti  délia  Divina  Com- 
media  (quelques  observations  utiles,  mais  qui  ne  méritent  pas  tout  un 
livre). 

La  Révolution  française,  14  juin  :  Bizos,  Mélodrames  militaires  de  Pi- 
card sous  la  Révolution.  —  Debidour,  Le  colonel  Fabvier  (suite).  — 
Documents  inédits  :  Bornarel,  La  Terreur  blanche  à  Montpellier;  Et. 
Charavay,  Louis  XVI  au  Temple.  — Aulard,  Not.  biogr.  sur  Fournier 
l'Américain.  —  Chronique  et  bibliogr.  :  La  Société  de  l'Hist.  de  la 
Rév.  :  Le  rapport  de  M.  X.  Charmes  sur  les  archives;  Boissonnade,  Les 
volontaires  de  la  Charente  (cp.  Revue,  n°  21). 

The  Academy,  no  945  :  Frazer,  The  golden  bough,  a  study  in  compa- 
rative religion  (livre  qui  appelle  l'attention  sur  un  aspect  de  la  religion 
primitive  jusqu'ici  négligé:  avec  plus  de  sobriété  de  jugement  et  le  cou- 
rage de  laisser  de  côté  quelques  analogies  spécieuses,  l'ouvrage  mérite- 
rait d'être  recommandé  sans  réserve).  —  Poetry  and  prose  by  John 
Keats,  a  book  of  fresh  verses  and  new  readings,  essays  and  letters  lately 
found  and  passages  formerly  suppressed.  p.  p.  Buxton  Forman. — Kebbel, 
Lord  Derby  (clair  et  judicieux).  —  Carstensen,  T\vo  summers  in  Green- 
land.  —  The  dedication  ot  Shakspeare's  Sonnets  (Tyler).  —  The  spelling 
of  «  was  »  in  the  alliterative  poems  (Skeat).  —  The  masts  and  yards  of 
a  ship  and  the  sign  of  the  cross  (Cook).  —  The  word  hansely  in  Chau- 
cer  (Round).  —  Martineau,  The  seat  of  authority  in  religion.  —  Some 
Semitic  etymologies  (Muss-Arnolt.) 

The  Athenaeum,  n°  3268  :  Fitch,  Notes  on  American  schools  and  trai- 
ning  collèges;  Howland,  Practical  hints  for  the  teachers  of  public 
schools.  —  Curzon,  The  blue  ribbon  of  the  turf.  —  Haliburton,  In 
Seottish  fields.  —  Sir  G.  Duckett,  Visitations  of  P'nglish  Cluniac  foun- 
dations.  —  Delitzsch.  Biblical  commentary  on  the  Psalms,  transi,  by 
Eaton.  —  The  Hospitaliers  in  England.  —  Washington's  ancestry 
(Waters).  —  Notes  from  Cyprus  (Munro  et  Tubbs). 

The  Babylonian  and  Oriental  Record,  n°  6  :  Colinet,  Puramdhi  is  the  god-' 
dess  of  abundance  in  the  Rig-Veda.  —  Pfnches,  A  Babylonian  tablet 
dated  in  the  reign  of  Aspasine.  —  Terrien  de  Lacouperie,  Hispaosines, 
Kharacenian  king,  on  a  Babylonian  tablet  dated  127  and  the  Arsacian 
era,  248.  —  A  daughter  of  Nabonidus. 

Litterarisches  Gentralblatt,  n»  24  :  Baudissin,  Die  Gesch.  des  alttestam.l 


.1 


Priesterthums  unters.  —  Dahn,  Urgesch.  der  german.  u.  roman.  Vol- 
ker,  IV  (de  bonnes  choses,  mais  manque  de  clarté  el  parfois  inégal).  — 
Die  Chroniken  der  westf.  u.  niederrhein.  Stadte,  IL  —  Edelmann, 
Schûtzenwesen  und  Schûtzenfeste  der  deutschen  Stadte  XllI-XVIII 
Jahrh,  (matériaux  rassemblés  avec  soin).  —  Green^s  Gesch.  des  engl. 
Volkes,  libers,  von  Kirchner.  —  Jaeger,  Die  franz.  Revol.  u.  die  so- 
ciale Bewegung,  I,  Frankreich  am  Vorabende  der  Revol.  (tait  au  point 
de  vue  «  chrétien-social.  »}  —  Kreschmer,  Die  phys.  Erdkunde  im 
christl.  Mittelalter  (cp.  le  prochain  numéro  de  la  Revue).  —  Delbrûck, 
Die  indogerm.  Verwantschaftsnamen  (recherches  brillantes  et  très  dé- 
taillées qui  peuvent  passer  pour  modèle).  —  Fick,  Eine  jainistische 
Bearb.  der  Sagara  Sage.  —  Cicero,  ad  Quintum  epist.  prima,  p.  p. 
Antoine  (cp.  Revue,  1889,  n°9).  —  Aucassin  u.  Nicolete,  p.  p.  Suchier, 
3«  edit.  —  Feist,  Grundriss  der  gothischen  Etymologie  (court,  précis, 
souvent  contestable  dans  le  détail).  —  E.  R.  Miiller,  Heinrich  von 
Loufenberg  (lourd,  mais  soigné).  —  Steinhausen,  Gesch.  des  deutschen 
Briefes,  zur  Kulturgesch.  des  deutschen  Volkes,  1  (bon  travail,  très 
complet,  exact  et  plein  de  jugements  justes).  —  Czoernig,  Die  deutschen 
Sprachinseln  in  Siiden  des  Sprachgebietes  in  ihrem  gegenw.  Zustande 
(brochure  intéressante;  l'auteur  «  ist  ûberall  durch  eigene  Kenntniss 
und  Autopsie  zu  Hause.  »)  —  Schlosser,  Die  abendl.  Klosteranlage  des 
frûheren  Mittelalters  (très  instructif). 

—  N°  25  :  KocH,  Die  Karmeliten-Klôster  der  niederd.  Provinz,  XIII- 
XVI  Jahrh.  —  Kluckhohn,  Westenrieders  Leben  u.  Schritten  (court  et 
pénétrant). —  Ed.  von  Hartmann,  Das  Grundproblem  der  Erkenntniss- 
theorie.  —  Wolkf,  Kosmos,  die  Weltentwickel  :  I.  Die  naturw.  psy- 
chol.  Weltauffass.  der  Gegenwart;  II.  Biontologie.  —  Hertzberg.  Gesch. 
der  Stadt  Halle  a  .S.  I,  im  Mittelalter  (soigné).  —  Niemann,  Vechta  u. 
Cloppenburg  (cp.  Revue,  iSSg,  n»  5 1). — Wittelsbacher  Briefe  1 590-1610, 
p.p.  Stieve,  IV. —  Staiger,  Eichstatt  im  Schwedenkriege,Tagebuch,  p.  p. 
ScHLECHT  (intéressant).  —  Von  Scharfenort,  Bilder  aus  der  Gesch.  des 
Kadettencorps.  —  Beutner,  Die  preuss.  Garde-Artillerie.  —  R.  Simon, 
Beicr.  zur  Kenntniss  der  vedischen  Schulen  (recommandable).  —  Uhl, 
Unechies  bei  Neifen  (résultats  à  rejeter).  —  Ebeling,  Der  Kahlenberger, 
zur  Gesch.  der  Hotnarren  (récit  modernisé).  —  Reifferscheid,  Quellen 
zur  Gesch.  des  geistigen  Lebensin  Deutschland  wahrend  des  XV II  Jahrh. 
I.  (commencement  d'un  vaste  ouvrage,  d'un  des  «  standard  w^orks  »  de 
notre  littérature  scientirique). 

Deutsche  Literarturzeitun»,  n°  24:  W.  Schmidt,  Das  Gewissen.  —  Uphues, 
Die  Erinnerung.  —  Goldscheider,  Die  Erkl.  deutscher  Schriftwerke  in 
den  oberen  Ciassen  hôherer  Lehranst.  —  Edlinger,  Die  Bildung  der 
Begrifîe,  ein  etym.  vergl.  Worterbuch  aus  allen  Sprachgebieten,  i  (inu- 
tile de  critiquer  une  pareille  œuvre).  —  Blase,  Gesch.  des  Irrealis  im 
Latein  (très  bon).  —  Strnadt,  der  Kirnberg  bei  Linzu.  der  Kûrenberg- 
mythus.  Hurch,  Zur  Kntik  des  Kûrenbergers  (querelle  entre  deux  Au- 
trichiens). —  The  Jew  of  Malta,  p.  p.  A.  Wagner  (n'est  pas  à  la 
teurhau  des  deux  précédents  volumes  de  la  collection  Breymann). — 
Sommerfeldt,  Die  Romfahrt  Kaiser  Heinrichs  VU,  i3io  i3i3,  I.  Die 
beiden  Speierer  Reichsiage  iSop,  u.  i3io.  —  D'Avenel,  Richelieu  et  la 
monarchie  absolue,  IV  (cp.  Revue,  n"  19).  —  Kiepert,  Wandkarte  von 
Altgallien;  von  Altkleinasien  ;  der  Reiche  der  Perser  u.  Macedonier; 
von  Altlatium.  —  Baasch,  Forsrch.  zur  hamburg.  Handelsgesch.  I.  Die 
Islandfahrt  der  Deutschen,  nam.  der  Hamburger,  vom  XV-XVII  Jahrh 
(méritoire).  —  Frôhlich,  Das  Kriegswesen  Ciisars,  I  (cp.  Revue,  n"  18). 

—  N"  25  :  Mandel,  Kephas  der  Evangelist.  —  Die  Universitats-bi- 
bliothek  Kiel.  —  Homeri  Carmina,  II,  Odyssea,  i,  p.  p.  Ludwich  (cri- 


tique  assez  défavorable  de  Cauer).  —  Fischer,  Klassicismus  u.  Roman- 
lik  in  Schwaben  zu  Anfang  unseres  Jahrh.  (court  et  intéressant). —  Lu- 
cas, Portr.  et  souv.  litt.  (sans  prétention).  —  Winckler,  Unters,  zur 
altorient  Gesch.  (cp.  Revue,  n°  25).  —  Merx,  Thomas  Miinzer.  u.  H. 
Pfeifler,  I  (fait  avec  très  grand  soin).  —  Haigh,  '1  he  Attic  tlieatre  (utile 
et  consciencieux).  —  Kalb,  Das  Juristenlatein,  z"  éd.  —  Granier,  Die 
Schlacht  bei  Lobositz  (très  estimable).  —  Geseilschaft  fur  deutsche  Li- 
ter.  2  1  mai. 

Gœttingische  gelehrte  Anzeigen,  n"  1 1  :  Mûnsterberg,  Der  Ursprung  der 
Sittlichkeit.  —  Wundt,  System  der  Philosophie.  —  Aulard,  Société  des 
Jacobins,  1  (cp.  Revue,  n"  lo).  —  Commentationes  in  honorera  Stude- 
mundi  (cp.  Revue,  1889,  n"  37). 

Berliuer  philologische  Wochenschrift,  n»  24  :  zu  den  Lucianhandschriften 
(Nils  Nilen).  —  Programme:  Lindauer,  De  Polybii  vocabulis  militari- 
bus;  Baumann,  Platos  Phaedo:  Franziski.  Hok.z  als  Nachahmer  griech. 
Lvriker  ;  Schinnerer,  Senecas  Schrift  an  Marcia.  —  Tannery,  pour  l'hist. 
de  la  science  hellène,  de  Thaïes  à  Empedocle  (cp.  Revue,  188g,  n"  3j).  — 
GoETZELER,  Quaest.  in  Appiani  et  Polybii  dicendi  genus  (lanx  satura 
qui  renferme  les  fruits  mûris  d'un  travail  soigné  et  patient).  —  Catulls 
Buch  der  Lieder  in  deutscher  Nachb.  von  P.  Heyse,  2®  éd.  — Fine.  Der 
Verschluss  bei  den  Griechen  u.  Rômern  (très  recommandable,  et  avance 
la  question).  —  O.  Hoffmann,  Das  Prâsens  der  indogerm.  Grundspra- 
che  in  seiner  Flexion  u.  Stammbildung  (du  savoir  et  de  la  sagacité, 
mais  manque  encore  de  méthode;.  —  Paltrinieri,  Come  parlano  gli 
uomini  (bon  travail).  —  A.  J.  Schilling,  Johann  Jakob  Dillenius  1687- 
1747,  sein  Leben  u.  Wirken. 

Theologische  Literaturzeitung,  n"  12  :  Perthes'  Handlexicon  fur  evang. 
Theologen,  1-8  Lief.  —  Hatch,  Essays  in  Biblical  Greek  (cp.  Revue, 
no2).  —  Tertuliiani  Opéra,  p.  p.  Reifferscheid  u.  Wissowa,  I  (très  im» 
portant).  —  Inscript.  Christ,  urbis  Romae  VII  saec.  antiq.,  p.  p.  de 
Rossi.  vol.  II,  I.  —  M.  GiFFERT,  Dialogue  beiween  a  Christian  and  a 
Jew,  Greek  text  (spécimen  eruditionis  qu'il  fallait  donner,  mais  Papis- 
cus  et  Philo  ne  méritent  pas  une  étude  de  99  pages.) 

Magazin  fiir  die  Litteratur  des  In-und  Auslandes,  n"  24  :  Chotzner,  Das  Jour- 
nal der  Marie  Bashkirtseff.  —  H.  von  Basedow.  Claude  Bernard.  —  E. 
S.  Ein  Brief  Heinrich  Heines  an  Keribény.  —  Silesius,  Hundert  Jahre 
Zeitgeist  (fin). —  Neumann-Hofer,  Berliner  Theaterbriefe. —  Georgische 
Volkslieder,  iibertr.  von  A.  Leist.  —  Das  Madchen  u.  die  Sonne,  siid- 
slav.  Voikslied,  iibertr.  von  Krauss.  —  Wl.  Okonski,  auf  dem  Markte, 
trad.  par  Lôwenfeld. 


^ 
^ 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- T;aureiit,  23. 


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REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


V1NGT-QUATF<IÈME  ANNÉE 
(Nouvelle    féri.-.   —    Fome    XXXX). 


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REVUE  CRITIQUE 


D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


RECUEIL    HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  M.  A.  Chuquet 


VINGT-QUATRIÈME  ANNÉE 


DEUXIEME   SEMESTRE 


Nouvelle   Série.    —  Tome  XXX 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE    DE   I,A    SOCIÉTÉ    ASIATIQUE 

DE    l'École    des    langues    orientales    vivantes,    etc. 
28,    RUK    BONAPARTE,    28 

1890 


ANNEE     1890 


TABLE  DU  DEUXIÈME  SEMESTRE 


ARTICLES 


TABLE  ALPHABETIQUE 

pages 

Abbadie,  Lettres  d'un  cadet  de  Gascogne  sous  LouisXI  V  (A.  G.) .  3/8 

Abd-el-Kader , 39 

AcHELis,  Théologie  pratique  (A.  Loisy) 445 

Alger 53 

Altercation  (1')  de  Simon  et  de  Tliéophile 338 

Amaraca , 340 

Ancien  Testament  [Y] 406 

Arbois  de  Jubainville  (d'),  L'origine  de  la  propriété  foncière  et 

des  noms  de  lieux  habités  en  France  (S.  Reinach) 439 

Armaillé  (M""®  d'),  La  Gomtesse  d'Egmont  (L.  Brunel)  ....  201 

Armoises  (Claude  des) 233 

Atkinson,  La  mort,  de  Keating 424 

AuDisio,  Histoire  civile  et  religieuse  des  papes  (Gh.  Pfîster).    ,  5o2 

Augier 484 

Augustin-Thierry  (Gilbert),  Le  capitaine  Sans- Façon  (E.  B.).  432 

AuvRAY,  Les  registres  de  Grégoire  IX,  I  (M.  Prou) 149 

Bacon  et  Shakspeare 475 

Batiffol,  La  Vaticane  de  Paul  IH  à  Paul  V(P.  de  Nolhac  et 

L.-G.  Pélissier) 195 

Baudissin,  Le  sacerdoce  dans  lAncien  Testament  (M.  Vernes).  3o6 

Baumann,  Ghartes  dAllerheiligen 48 

Bayle,  Sa  correspondance 472 

Bédier,  Le  lai  de  l'ombre  (L.) 118 

Benndorf,  Album  archéologique  (S.  Reinach) 63 

Bérenzi,  L'école  bresciane  de  Lutherie  (L.  g,  p.) 77 

Bergaigne,  Manuel  pour  étudier  le  sanscrit  védique  (A.  Barth) .  24 1 

Berger,  Stylistique  latine  (P.  L.) 382 

Bergmans,  L'autobiographie  de  Juste  Lipse(P.  Lejay).    ...  8 

Bergson,  Les  données  immédiates  de  la  conscience  (L.  Herr).  5  17 


VI  TABLE   DES    MATIERES 

Berluc-Perussis  (de),  Wendelin  ea  Provence  (T.  de  L).   .  .   , 

Bernard  (saint) 

Bernheim,  Manuel  de  la  méthode  historique  (A.  Lefranc).  .  .  . 

Bernoni,  Les  Torresani  (P.  de  Nolhac). 

Bernoulli,  Chroniques  de  Bàle,  IV.  (R.) 

Bertana,  Études  sur  le  xviii*  siècle  (L.  G.  P.) 

Berthelé,  Recherches  sur  l'histoire  des  arts  en  Poitou  (H.  de 

Curzon) 

Bertrand  (Edouard),  Cicéron  artiste  (Em.  Thomas) 

Bertrand  (Joseph),  Biaise  Pascal  (Salomon  Rcinach) 

Besson,  Fischart  (A.  Bossert) 

Besthorn,  Ibn  Zaidoun  (R.  Duval).  =   .  , 

BiART,  Cervantes  (G.  Strehly) 

Blanchet,  Manuel  de  numismatique  (T.  R.) 

Blandini,  La  tyrannie  italienne  à  la  Renaissance  (L.  G.  P.).   . 

Blaydes,  Les  fragments  des  comiques  grecs  (U.  W.) 

BoBBio,  Deux  mazarinades  (T.  de  L.) 

Boislisle,  (de],  Me'm.  de  Saint-Simon,  VII  (T.  de  L.).  .   .    .    i 

BoLTE,  Le  Schloemer  de  Stricker  (A.  Chuquet) 

Bonnet,  Le  miracle  de  Tarchi-stratège  Michel  (P.  A.  L.)  .  .  . 
Boos,  Sources  pour  l'histoire  de  la  ville  de  Worms,  II  (R.)  .  . 

Bouddhisme  (le) 

BouLFROiD,  Rome  et  ses  monuments  (R.  C.) 

BouvY,  Pietro  Verri  (L.  G.  P.) 

BoYER,  Les  enceintes  de  Bourges  (H.  de  Curzon) 

Braitmaier,  Histoire  de  la  critique  allemande  (E.  Grucker)  .  . 

Brandes,  Un  poème  de  Rusticias  (P.  A.  L.) 

Bratke,  Sources  de  Thistoire  ecclésiastique  (Ch.  V.   L.)  .... 

Bresslau,  Manuel  de  diplomatique,  I  (H.  Pirenne) 

Bridier  (abbé) 

Brissaud,  Trad.  de  Marquardt 

Brlcker,  Ordonnances  de  police  de  Strasbourg  (R.)  ...... 

Brunel,  La  Nouvelle  Héloïsa  et  M""^  d'Houdetot  (F.  Hémon). 

Brunetière,  L'évolution  des  genres  (R.  Doumic) 

Bugge,  Etrusque  et  arménien  (A.  Meiilet) 

Burdeau,  Trad.  de  Schooenhauer 

BuRDO,  Stanley  (H.-D.  de  G.) 

Burton,  Histoire  de  la  Nouvelle  Galles  du  Sud  (B,  Auerbach). 

BcRY,  Le  bas-empire  romain  (R.  Cagnat) 

Campbell,  Description  de  la  Rhétie 

Camus,  Les  mss.  français  de  la  bibliothèque  d'Esté  (L.  C.)-  •    • 

Cara  (de),  Les  Hyksos  (G.  Maspero) 

Castellani,  L'épithalame  de  Prodrome  (S.  Reinach)  ..... 

Castelli,  Histoire  des  Israélites  (T.  R.) 

Catherine  de  Ricci 


pages 

99 
147 

87 
193 

io5 

235 
36o 

477 
89 

I 

5o6 
254 

89 
358 
104 
258 

86 
002 
372 
495 

83 
141 
238 
395 
488 

252 

24 
174 

3 
428 

68 
282 
355 
5i8 
209 
5i5 
5  00 

5d 
340 
465 
304 
22c 
i33 


TABLE   DES   MATIERES  VU 

pages 

Catherine  (sainte),  Sa  légende i63 

Catulle 332 

Cauchon  (Pierre) 233 

Cervantes 5o6 

César,  son  armée, , 446 

Cicéron 218,  36ô 

Chantilly  (Catalogue  des  livres  de) i5 

Chevalier,  Répertoire  hymnologique  (T.  de  L.) 66 

Christ,  Apologie  de  Criton,  Eutyphron  et  Gorgias  (E.  Baudat) .  33 1. 

Chrysostome 63,  419 

Clédat,  Grammaire  élémentaire  (A.  Delboulle) 6^ 

Cléomène ,  .  .   .  .  188 

Cluny  [VoràrQ  de)  en  Angleterre * 278 

Commodien,  p.  p.  Do>ibart  (Paul  Lejay).   » ii3 

CoMMUNAY,  Pierre  de  Lancre  (T.  de  L.) 454 

Co;72^zè^«e  ^Société  historique  de) 45 

Constantin  (les) 140 

Conta,  Les  fondements  de  la  métaphysique  (L.  Herr),  .   ...  5  18 

Cordier  (H.),  Stendhal  et  ses  amis  (A.  C.) *  .   .   .  483 

Corréard,  Histoire  de  l'Europe  et  de  la  France  (Ch.  Pfister)  .  339 

CoRSSEN,  L'Altercation  de  Simon  et  de  Théophile  (L.) 338 

CosNAc (comte de),  'Eà.àç.sMéni.  du  marquisdeSourches(A.G.).  32 

Coz^rfrfif  (Bataille  de) ^    .  .  .   .  44 

Cruise,  Le  Codex  Paulinus  de  l'Imitation  (T.  de  L.) 192 

Curti,  La  création  de  la  langue  (V.  H.) 61 

Dahmier,  a  propos  des  Précieuses  Ridicules  (R,  P.) 197 

Danielsson,  Epigraphica  (M.  Grammont) 42 

Dante 5i 

Darmesteter  (A.),  Le  Talmud  (M.  Vernes) 499 

Del  Balzo,  Les  poésies  sur  Dante  (P.  de  Nolhac) 5i 

Delbrûck,  Les  noms  de  parenté  indo-européens  (V.  Henry).  .  81 
Delisle,  Instructions  du  Comité  des  travaux  historiques  (T. 

de  L.) , 289 

Desilve,  L'école  de  Saint  Amand  (H.  Pirenne). 99 

Deutschmann,  La  versification  rythmique  des  Grecs  (L.  Duvau).  463 

Devaux,  Les  patois  du  Haut-Dauphiné  (E.  Bourciez) 56 

DiEHL,  Excursions  archéologiques  en  Grèce  (S.  Reinach)  .   .    .  273 

D0LLINGER,  Lettres  et  déclarations  (Ch.  Pfister).  .  ^ i55 

DoMBART,  Ed.  de  Commodien , ii3 

DouMic,  La  question  du  Tartuffe  (R.  P.) 94 

Du  Bartas 487 

Dubois,  Précis  de  la  géographie  économique  des  cinq  parties 

du  monde  (B.  Auerbach) 487 

Du  BoYs,  Deux  correspondants  limousins  de  Baluze  (C).  .   .  .  282 

—  La  Monnoye  et  Thoynard  (T.  de  L.).  ....-.;....;  93 


Vlll  TAHLE    DES    MATIERES 

pages 

DucKETT,  Les  visites  de  l'ordre  de  Glu  ny  en  Angleterre  (M.  Prou).  278 

Diimourie\ 76 

Du  Pac  de  Bellegaj'de ,   L'Eglise    catholique    de    Hollande 

(L.  G.  P.) 68 

DuvAU,  Ciste  de  Préncste  (M.  Bréal) 269 

Ebert,  Littérature  latine  du  moyen  âge,  2^  éd.  I  (P.  Lejay)  .  .  244 

£'^?;20«f  (comtesse  d') 201 

Ehni,  Le  mythe  de  Yama  (S.  Lévi) 354 

Elisabeth  et  les  catholiques 386 

Engelbrecht,  Fauste  de  Riez  (P.  Lejay) 1 1  5 

Ennodhis,  Sa  chronologie  (L.  G.  P.) 172 

Escalade  (!') 120 

Ethé,  Catalogue  des  mss.  persans  de  la  Bodléienne  (J.  Dar- 

mesteter) .  .  2i3 

Euripide 269 

Fabri,  Description  de  la  Suisse * 49 

Fabricius,  Thèbes  (Salomon  Reinach) 4[ 

Faguet,  xviii'=  siècle.  Études  littéraires  (A.  Delboulle) 261 

Falci,  Description  de  la  Suisse 49 

Fauste  de  Riez 1 1 5 

Fay,  Journal  d'un  officier  de  Tarmée  du  Rhin  (A.  Ch.)  ....  142 

FÉLIX,  Comptes-rendus  des  échevlns  de  Rouen  (A.  Delboulle).  i63 

Fz«/20-02/^rie;2;ze  (Société),  son  Journal  (E.  Beauvois) 223 

Fischart ' 89 

Fischer,  Foi  ou  science  (M.  V.) 488 

Fleet,  Recueil  des  inscriptions  de  l'Inde,  III  (E,  Drouin).  .  .  328 

Fortunat ,  .  .  .  447 

Foiicquet • 255 

FouRNEL  (V.),  Les  hommes  du  14  juillet  (Frantz  Funck-Bren- 

tano) 234 

Fredericq,  Documents  sur    les  persécutions  contre  les  héré- 
tiques en  Néerlande 279 

Frœlich,  L'armée  de  César  (R.  G.) - 446 

FujisHiMA,  Le  bouddhisme  japonais  (S.  Lévi) 495 

Ganier  et  Froelich,  Voyage  aux  châteaux  historiques  des  Vosges, 

I.  (G.). • 58 

Gasquet,  Etudes  byzantines  (G.  Schlumberger) 226 

Gasté,  La  jeunesse  de  Malherbe  (A.  Delboulle) 43 1 

Gebhart,  L'Italie  mystique  (L. -G.  Pélissier) 375 

Geiger,  (L-P.-A.),  Sur  quelques  cas  de  labialisation  en  fran- 
çais (Ch,  J.) 177 

Geiger  (L.),  Goethe  —  Jahrbuch,  IX  (A.  G.) 54 

Gherardi,  Lettres  de  Catherine  de  Ricci  (F. -T.  Perrens) .  ...  i33 

GiGAS,  Choix  de  la  correspondance  de  Bayle,  I  (T.  de  L.). .  .  .  472 

GiNDELY,  Wallenstein  et  son  traité  avec  l'empereur  (R.)  ....  9' 


TABLE    DES    MATIERES  IX 

pages 

Glaskr,  Esquisse  deThistoire  et  delà  géographie  de  TArabie  .  297 

Godet,  Histoire  littéraire  de  la  Suisse  française  (A.  Gazier)  .  .  108 

Goethe 54 

GouRCUFF  et  Bénétrix,  Du  Bartas(T.  de  L.) 487 

Grand-Carteret,  J.-J.  Rousseau  jugé  par  les  Français  d'au- 
jourd'hui (L.  Brunel) 71 

Grébaut,  Le  musée  égyptien  (G,  Maspero) 409 

Grégoire  IX 149 

Groh,  L'empereur  Justin  II  (Gh.  Diehl) , 447 

Groot,  Histoire  de  la  Nouvelle  Grenade,  II  (G.  Strehly).  .  .  .  404 

GuDMUNDsoN,  L'habitation  en  Islande  (Beauvois) 64 

Guérin,  La  question  du  latin  et  la  réforme  profonde  de  l'ensei- 
gnement secondaire  (A.  Delboulle) 480 

Gûnther,  Kepler  et  le  magnétisme  terrestre  (B.  Auerbach).  .  .  28 

GûNTZER,  Ses  correspondances  parisiennes 120 

Gutscher,  Epitaphes  attiques  ^Salomon  Reinach) 469 

H  AB  ASQUE,  Le  dernier  duc  d'Aquitaine, Xavier  de  France  (T.  de  L.)  347 

Hans,  Le  culte  protestant  (Gh.  Pristerj       g5 

Hardy,  Le  bouddhisme  (S.  Lévi) 495 

Harlez  de).  Le  Yi  King  (L.  Feer) 161 

Hartmann  (J.-J.),  Les  fables  de  Phèdre  (Em.  Thomas)  ....  3o4 
Hartmann  (L -M.),  L'administration  byzantine  en  Italie  (Ch. 

Diehl) 175 

Halck,  Histoire  ecclésiastique  de  TAllemagne,  I  (Ch.  Pfister).  817 
Hauréau,  Des  poèmes  latins  attribués  à  saint  Bernard  (A.  Mo- 

linier) 99 

Havet  (Louis),  Simplification  de  l'orthographe  (A.  Delboulle).  55 

Heiden'hain,  Philippe  de  Hesse  ;Ch.  Piister) 376 

Heitz,  Bois  gravés  du  xvi^  et  du  xvii^  siècle  (S.) 194 

Henry(V.), Manuel  pour  étudier  le  sanscrit  védique  (A.  Barth).  241 

Héro  et  Léandre 418 

Hérodote,  second  livre 493 

Hexateuqiie  (V) 3o6 

HiLGENFELD,  De  aleatoribus  (P.  Lejay) 364 

Hogan,  Documents  sur  saint  Patrice,  II  (H.  d'Arbois  de  Jubain- 

ville). 419 

HoLDER,  L'Invention  de  la  Sainte  Croix  (P.  Lejay) i63 

Houdetot  (Mme) 5g 

HuBNER,   La  domination   romaine    dans  l'ouest  de   l'Europe 

(R.  Cagnat) i3i 

Hucher  (Eugène) 237 

Hydk  DE  Neuville,  Mémoires  et  souvenirs,  II  (C.) 461 

Hyksos  (les) 465 

Ibn  Zaidoiin i 

Inventaire  général  des  richesses  d'art  de   la    France,   Paris, 


X  TABLE    DES    MATIÈRES 

pages 

Monuments  civils,  IL  (H.  de  Curzon) zSj 

Isabelle  d'Esté 383 

Islande  [Vhdthhdiùon  en) .  .  , 64 

Jadart,  Mémoires  de  Jean  Maillefer  (T.  de  L.) 198 

Janet  (Pierre),  L'automatisme  psycliologique  (L.  Herr) 5i8 

Jean,  Le  Maduré.  (B.  A.)  .  .  .    .    , iSg 

Jeanne  d'Arc 100,  233 

Jeanne  d'Arc  au  théâtre 33 

Jean  Paul 394 

Jellinek,  Héro  et  Léandre  (S,   Reinach) 418 

JoGUET-TissoT,  Les  armées  allemandes  sous  Paris  (C.) 126 

Josèphe,  p.  p.  NiESE,  IV  (T.  R.) 38 1 

JouBERT,  Les  Constantin,  grands  prévôts  d'Anjou  (A.  L.)-  •    ■  14° 

Juste  Lipse ■. 8 

Justin  II 447 

Keating,  La  Mort,  p.  p.  Atkinson(H,  d'Arboisde  Jubainville).  424 

KiEM,  Les  Actes  de  Mûri 49 

KiRCHNER,  Catalogue  des  citoyens  athéniens  (My) 359 

KiRSTE,  Le  Grihyasûtra  (A.  Barth) i85 

Klatt,  Cléomène  (A.  HauvetCe) 188 

Knust,  La  légende  de  sainte  Catherine  (P.  Lejay) i63 

Knuttel,  Les  pamphlets  de  la  bibliothèques  de  La  Haye  (R.).  27 

KoBERT,  Études  historiques  (Ch.  J  .) i56 

Koestlin,  Prolégomènes  d'esthétique  (L.  Herr) 57 

Kraft-Bucaille  (Mi""^),  Causeries  sur  la  langue  française  (A. 

Delboulle) !  .  .  .    .  34 

Krauss,  Manuel  de  théologie  pratique  (A.  Loisy) '445 

Kretschmer,  La  géographie  au  moyen  âge  (B.  Auerbach)  ....  6 

Kroman,  Logique  et  philosophie  (L.  Herr) 517 

Kronenberg,  Minuciana  (P.  Lejay) =  .    .  .    .  118 

Kuenen,  Les  livresprophétiquesde  l'ancien  Testament(M.  Ver- 

nes) , 406 

KuKULA,  Le  saint  Augustin  des  Bénédictins  (P.  A.  L.) 189 

La  Bouère  (Mine  de),  Souvenirs  (A.  C.) 400 

La  Bruyère,  p.  p.  Servois  et  Rebelliau  (A.  Delboulle).    .    .  .  346 

Lachmann-Muncker,  Ed.  des  Œuvres  de  Lessing,  IV  (A.  C).  200 

La  Fontaine 12 

Lagrèze  (De),  Les  Normands  dans  les  deux  Mondes  (E.  Beau- 

vois) 207 

Lair,  Foucquet(Ch.  Pfister) 255 

Lambert,  Les  Fédérations  en  Franche-Comté  (Frantz  Funck-  ^j 

Brentano) 399 

La  Monnaye 93 

Lancre  (Pierre  de) 454 

Lanquetin,  L'œuvre  de  Villalobos  (G.  Strehly) 472 


TABLE    DES    MATIERES  XI 

pages 

La  Rochejaquelein  (A.  C.) 400 

Law,  Les  catholiques  sous  Elisabeth  (H.  d"'A.  de  J.) 386 

Lebaigue,  La  réforme  orthographique  et  l'Académie  française 

(L.  Havet) \   .  108 

Lecoy  de  la  Marche,  Les  sceaux  (H.  de  Curzon) 236 

LeGoffic,  Les  romanciers  d'aujourd'hui  (Léo  Claretie).    ...  124 

Lentzner,  Bacon  et  Shakspeare  (Ch.  J.) 475 

Lessing,  Œuvres,  IV,  p.  p.  Lachmann-Muncker  (A.  C.)  ....  200 

Liebenam,  Les  corporations  romaines  (R.  Gagnât) 38i 

Lippert,   L'ordre  militaire  de  Santiago  en  Terre  Sainte  (Ch. 

Pfister) 470 

LiTZMANN,  Schroeder.  I.  (A.  G) 461 

Loch,  Les  épitaphes  grecques  (S.  Reinach) 23 

LoDs,    Les  églises  protestantes  de  la  principauté  de  Montbé- 

liard  (G.) 480 

LoEB,  Le  juif  de  l'histoire  et  de  la  légende  (M.  Vernes)  ....  470 

LoTH,  Ghrestomathie  bretonne.  I  (H.  d'Arbois  de  Jubainville).  425 

Louis-LucAS,  Trad.  de  Marquardt 3 

Lucas,  Portraits  et  souvenirs  littéraires  (A.  Delboulle) i23 

LuzEL,  Ghants  populaires  de  la  Basse-Bretagne  (H.  d'Arbois  de 

Jubainville) 427 

Luzio,  Isabelle  d'Esté  (P.  de  Nolhac) 383 

Macaire  (La  ville  de) i  53 

Maduré  [\€] 169 

Mahrenholtz,  Jeanne  d'Arc  (Gh.  Pfister) 100 

Maillefer  (Jean) 198 

Malherbe 43 1 

Mandrin 139 

Margoliouth,  Le  texte  de  l'Ecclésiastique  (M.  Vernes)  ....  445 

Marie-  Antoinette 206 

Maroni 119 

Marquardt,   Organis,  de  Pempire  romain,  trad.  par  Weiss  et 

Louis- Lucas. 

—  Le  culte  chez  les  Romains,  trad.  par  Brissaud  (R.  Gagnât)  .  3 
Marsy    (de),   La  fausse  Jeanne  d'Arc,   Glaude   des  Armoises 

(T.  de  L.) 233 

—  Pierre  Gauchon  (T.  de  L.) 233 

Massip,  Le  collège  de  Tournon  (T.  de  L.) 5o3 

Maugras,  Journal   d'un  étudiant  pendant  la  Révolution  (A. 

Chuquet). 38 

Maximien,  Élégies 275 

Ma^arinades 104 

Meaux  (De),  LaRéformeet  la  politique  françaiseen  Europe(R.)  388 

Meyeu  de  Knonau,  Gariulaire  de  Rheinau 4g 

Meyer  (G.),  Ghants  populaires  grecs  (Jean  Psichari) 471 


XM  TABLE    DES    MATIÈRES  ♦. 

pages 

Meynfel,  Napoléon  I^'' (Ch.  P.) 507 

MiNOR,  Schiller,  I  et  II  (E.  Veyssier) 5o8 

Mimicius 118 

MiODONSKi,  De  aleatoribus  (P.  Lejay).  ... 364 

Mirabeau 2o3 

MoHEL,    Les   écoles  dans    les  anciens   diocèses  de    Beauvais, 

Noyon  et  Senlis  (A.  Lefranc) 45 

MossMANN,  Cartulaire  de  Mulhouse,  V  (R.) 78 

Mulhouse 78 

MuLLENHOFF,  Antiquité  allemande  I,  p.  p.  Rôdiger(H.  d'Ar- 

bois  de  Jubainville) 5oi 

MûLLER  (Th.),  Le  conclave  de  Pie  IV  (Ch.  Pfister) j32 

MuNSTERBERG,  Psvchologie  expérimentale  (L.   Herr) 57 

Napoléon  I^^ 50; 

Naville,  Le  libre  arbitre  (L.  Herr) 5  18 

Neri,  Etudes  biographiques  et  littéraires  (P.  N) 3i 

Nerrlich,  Jean-Paul  (A.  C.) 394 

NÈVE,  La  Renaissance  en  Belgique  (P.  de  Nolhac) 1  38 

NiESE,  Ed.  deJosèphe,  IV 38i 

NisARD  (Ch.\  Le  poète  Foriunat  (P.  L.) 447 

Notation  (la)  musicale  du  moyen  âge  (L.  D.) 86 

Nouvelle  Galles  du  Sud  {la.) 5 16 

Nouvelle  G^'cnade  (la) 404 

NovAK,  Éd.  de  Tite-Live,  I  et  IL 446 

Ollivîer-Beauregard,  La  science  la  robe  au  vent  (H.  Cordier).  2i3 
Omont,  Catalogue  des  mss.  celtiques  et  basques  de  la  Bibliothè- 
que nationale 275  et  488 

Ordre  Teutonique  (!'),  Ses   statuts 450 

Papadimitracopoulos,  La  prononciation  érasmienne(J.  Psichari).  24 

Parigot.  Emile  Augier  (Léon  Dorez) 484 

Pascal 477 

Patorni,  Abd  el  KaJer  (H.  D.  de  Grammont) 39,. 

Paulson,  Un  manuscrit  de  Chrysostome  (P.  A.  L.) 4'9. 

—  Un  nouveau  ms.  de  Chrysostome  (P.  A.  L.) 63 

Peiresc ' 344 

Pélissier,  Lettres  de  Dom  de  Vie  à  Maroni. 

—  Relation  inédite  de  l'Escalade  (T.  de  L.) 119 

Perlbach,  Les  statuts  de  l'Ordre  Teutonique  (Ch.  Pfister).   .  .  45o 
Perrero,  Les  derniers  rois  de  Savoie; 

—  La  glorieuse  Rentrée  de  1689  (L.  G.  P.) 208 

Perrot,  (J.),  Nos  utopies  politiques  et  socialistes  (M.   V.)  .  .  435 

Perse,  Trad.  par  Ronchini(P.  A.  L.) 6 

Petroz,  Esquisse  d'une  histoire  de  la  peinture  au  Musée  du 

Louvre  (H.  de  Curzon) 23? 

Petschenig,  Élégies  de  Maximien  (P.  A.  L.) 275 


TABLE    DES    MATIERES  XIII 

pages 

Pflugk-Harttung,  Considérations  sur  l'histoire  (Ch.  Pf.)   .    .  191 

Phèdre  (le  fabuliste) 804 

Philastre,  LeYi-King(L.  Feer) 162 

Philippe  de  Hesse[\t\'ànàg\-^vQ] 876 

Picot,  Catalogue  du  cabinet  des  livres  de  Chantilly  (T.  de  L.).  i5 
Pirenne,   La  version  flamande  et    la  version  française  de  la 

bataille  de  Courtrai  (C.) 54 

Plantet,   Correspondance    des  deys  d'Alger  avec  la  cour  de 

France  (H,  D.  de  Grammont) - 53 

Platon 33 1 

Polj^be,  Ses  études 146 

Ponial,  Ed.  des  Mém.  du  marquis  de  Sourches 32 

Pressensé    (Fr.  de),  L'Irlande  et  l'Angleterre  (A.   d'Arbois  de 

Jubainville) 2S5 

Pribram,  L'Autriche  et  la  guerre  du  Nord  (B.  Auerbach)  ...  io3 

Properce 332 

Prou,  Peiresc  et  la  numismatique  mérovingienne  (T.  de  L.)  .  344 

Puitspelu  (Du),  Dictionnaire  du  patois  lyonnais  (Ch.  J.)   .   .  .  404 

Puymaigre  (comte  de),  Jeanne  d'Arc  au  théâtre  (T.  de  L.).    .  .  33 

Quesnel.,  Borromée  (L.  G.  P.) igS 

Racine,  sa  poétique 432 

—  et  Héliodore 5o6 

Rajîdon  (Le  maréchal) 106 

Rastoul,  Le  maréchal  Itandon  (H.  D.  de  Grammont) .    ...  106 

Rebelliau,  Éd.  de  La  Bruyère 346 

Régnier,  Œuvres  de  La  Fontaine,  VI  (A.  Delboulle)   ....  12 

Reich,  Institutions  gréco-romaines  (A.  B.-L.) 218 

Reifferscheid  (A.)  Éd.  de  TertuUien 114 

Reuss   (R.),  Corresp.   et  Chroniques  parisiennes  adressées   à 

Gûntzer  (Ch.  Pfister) 120 

Robert,  La  poétique  de  Racine  (L.  Brunel) 482 

Rocheterie  (de  la),  Histoire  de  Marie-Antoinette  (A.  C).    .   .  206 

RoNCHiNi,  Trad.   de  Perse 6 

Rousseau  (J.-J.) 68-71 

Rusticius ^88 

Sabatier,  De  la  vie  intimedes  dogmes  (P.  M.  Vernes)  ....  370 

Saint- Aniand gg 

Saint-Bris,  L'empire  d'Amaraca  (L.  Gallois) 340 

5fl/7^^5/;;^o;^,  Mémoires,  VII  (T.  de  L.) 258 

Salamon,  Mémoires,  p.  p.  Bridier  (A.  Chuquet) 74 

ScALA  (R.  de),  Les  études  de  Polybe  (A ,  Hauvette) 146 

ScHENK,  Le  dieu  Télesphore  (Salomon  Reinach) 304 

Schiller 5o8 

Schipper,  Shakspeare  et  Bacon  (Ch,  J.) 29 

Schlegel  (les) 5i5 


XIV  TABLE   DES   MATIERES 

pages! 

ScHOENBACH.  Lecture  et  culture  (A.  Chuquet) looi 

Schopenhauer,  Le  monde  comme  volonté  et  comme  représen- 
tation, trad.  BuRDEAU  (L.  Herr) 5i8' 

ScHRADER,  Atlas  de  géographie  moderne  (H.  de  Curzon).  .    .   .  485j 

Schroeder 461! 

ScHRUMPF,  Les  langues  indo-européennes  (V.  Henry) 145 

^c/e/îce  (la)  la  robe  au  vent 21 3 

5cf^«ce  ^^crèfe  (la),  par  Barlet,  Ferran,  Papus(M.  V.).    .   .  462I 

Seger,  Historiens  byzantins  du  x^  et  xi^  siècle  (Ch,  Diehl).   .    .  373 

Seignobos,  Hist.  de  la  civilisation  contemporaine  (Gh.  Pfister).  36 

Servois,  Ed.  de  La  Bruyère 346 

Setaelae,  Histoire  des  explosives  et  la  langue  commune  Suo- 

mie,  chapitre  de  phonétique  historique  finnoise 35 1 

Seyboth,  Le  vieux  Strasbourg  (R.) 452 

Shakspeare  et  Bacon ,  .  475 

Skutsch,  Les  noms  en-no.  (P.  L.) 499 

Smyth,  Le  vocalisme  du  dialecte  ionien  (V.  H.) ■.  6i 

Société finno-ougrienne  [}owrna\  dQÏSi) 22? 

Société  historique  do.  Compiègne,  Bulletin,  tonie  VII  (A.   Le- 

franc) 45 

SoDEN,  Commentaire  du  Nouveau  Testament  III,  2  (A.  Loisy].  469 

Sources  de  r  histoire  suisse,  111  et  V-VIII  (Ed.  Favre).    ...  48 
Sourches  (marquis  de),  Mémoires  sur  le  règne  de  Louis  XIV 

V-IX(A.  G.) 32 

SouRiAU,  L'esthétique  du  mouvement  (L.  Herr) 517 

Spanhogue,  Gorrections  à  Gicéron  (Em.  Thomas) 218 

Stanley 209 

Stein,  Pierres  tombales  du  Musée  municipal  de  S.  Germain. 

—  Les  frères  Auguier. 

—  Jean  Goujon  et  la  maison  de  Diane  de  Poitiers  à  Etampes 

(T.  de  L.) 280 

Stendhal 483 

Stern,  La  vie  de  Mirabeau  (Fr.  Décrue) 2o3 

Stokiîs,  Le  livre  de  Lismore  (H.  d'Arbois  de  Jubainville).    .   .  422 

Stowasser,  Mots  obscurs  (P.  L.) 499^ 

5fra^o/z,  trad.  par  Tardieu,  IV  (G.  E.  R.) 

Strasbourg,  [LQViQny.).    . 452 

Streitberg,  Les  comparatifs  germaniques  (L.) 119 

Stricker,  Le  Schloemer 86; 

^■wme  (Sources  pour  l'histoire  de  la) 4^ 

SuPFLE,  Histoire  de  Tinfluence  de    la  civilisation  allemande 

sur  la  France  (Gh.  J.) -  456 

SuRcouF,  Robert  Surcouf  (H.  D,  de  Grammont) 7^ 

Sweet,  Manuel  de  phonétique  (V.  Henry) 9^| 

Tacite,  Germanie,  p.  p.  Zernial  (Em.  Thomas) 244 


1 


TABLE    DES    MATIERES  XV 

pages 

Tardieu,  Trad.  de  Strabon,  IV  (C.  E.  R.) 2 

Tartuffe  (le) 94 

Tertullien,  p.  p.  Reifferscheid  et  Wissowa  (Paul  Lejay)  .   .  .  114 

Thèbes » 41 

THiBAUTetSuDHAKARADviVEDi,LePanchasiddhantika  (A.Baith).  325 

Thomas  (Em.);  Catulle,  III  (Max  Bonnet) 332 

Thoynard 9  3 

Timmermans,  Traité  de  l'onomatopée  (V.  Henry) 358 

Tite-Live,  I  et  H,  p.  p.  Novak(P.  A.  L.) 446 

T0MMASINI,  Le  Journal  d'Infessura  (L.  G.  P.) 

—  Les  Génois  de  Rome  (L.  G.  P.) 

—  Le    registre  des  magistrats  municipaux  de  Rome  (L.  G. 
Pélissier).    ....    » 174 

Torresani  (les) 87 

TouRNEux,   Bibliographie    de   l'histoire  de    Paris   pendant  la 

Révolution  (T.  de  L.) 265 

Tournon,  Son  collège 5o3 

Trautmann,  Comédiens  français  à  la  cour  de  Bavière  (Gh.  J.)  .  9 

Triger,  Eugène  Hucher  (H.  de  Curzon) 237 

Tuchert,  Racine  et  Heliodore  (G.  Dalmeyda) 5o6 

Turba,  L'expédition  de  Charles-Quint  contre  Alger  (H.  D.  de 

Grammont) 343 

Turst,  Description  de  la  Suisse »    .   .    .  .  49 

Urbini,  La  patrie  de  Properce  (P.  N.) 332 

Valera,  Lettres  américaines  (G.  S.) 407 

Vaticane  (la) 195 

Vendée  (guerres  de) 400 

Vernes,  Précis  d'histoire  juive  (T.  R.) 221 

Yernière,  Courses  de  Mandrin  dans  l'Auvergne  (T.   de  L.).   .  139 

Verri  (Pietro) 141 

Fie  (Dom  de) 119 

ViGNOLs,  La  piraterie  sur  l'Atlantique  au  xviii"  siècle  (H.  D. 

de  Grammont) 94 

Villalobos 472 

ViRAC,  Recherches  historiques  sur  la  ville  de  Macaire  (T.  de  L.).  ]  5  3 

VoGRiNZ,  Grammaire  du  dialecte  homérique  (My) 84 

Waag,  Poèmes  allemands  du  xi^  et  du  xii-  siècle  jC.) 372 

Wahlund,  La  philologie  française  au  temps  jadis  (Ch.  J.)  .  .  .  179 

Wallenstein 91 

Wallon,  Les  représentants  en  mission,  V(A.  Chuquet)  ....  122 

Walzel^  Lettres  de  Frédéric  Schlegel  à  son  frère  (A.  C.)   ...  5i5 

Weiss  (A.),  Trad.  de  Marquardt w 3 

Weiss  (N.),  La  Chambre  Ardente  (A.  Lefranc) i35 

Wellhausen,  La  composition  de  l'Hexateuque  (M.  Vernes).  .  3o6 

Welschinger,  La  jeunesse  de  Dumouriez  (A.  Ch.) 7^ 


X\'l  TABLE    DES    MATIERES 

pages 

Wcndelin,  en  Provence 545 

Wharton,  Etymologie  latine  (V,  Henry) 129 

Whitney,  Grammaire  sanscrite  (A.  Barth.) 21 

WiEDEMANN,  La  religion  égyptienne  (G.  Maspero) 437 

—  Le  second  livre  d'Hérodote  (G.  Maspero) 493 

Wilamowitz-Moellendorf,  L'Herakles  d'Euripide  (A.  Croiset).  269 

WissowA,  Ed,  de  Tertullien 114 

Wolfram,  Une  statuette  de  Charlemagne  (H.  de  Curzonj  .   .  .  238 

Wonns  (ville  de) 372 

Xavier  de  France,  le  dernier  duc  d'Aquitaine .  .  347 

Yama,  Son  mythe 354 

Yi  King  (le) 161 

Zdekauer,  Le  codice  Pisano  (L.  G.  P.) 85 

Zeller  (B),  L'histoire  de  France  racontée  par  les  contempo- 
rains (B.  D.) 401 

Zeller  (J.),  Histoire  d'Allemagne,  VI  (Ch.  Pfister) 228 

Zernial,  La  Germanie  de  Tacite  (Em.  Thomas] 244 


Lettres  et  communications. 


Lettre  de  M.  Clédat  et  réponse  de  M.  Paul  Lejay.  .  . 
Lettre  de  M.  Louis  Lucas  et  réponse  de  M.  Gagnât . 
Lettre  de  M.  Michael  et  réponse  de  M.  Pfister.    .    .   . 
Pélissier,  La  querelle  de  M.  Cantoni  contre  M.  RoJ, 


53 
126 

18 


CHRONIQUE 


Académie  royale  de  Belgique,  Concours 

BiESE,  Elégiaques  latins 

Brpxet,  Eléments  de  grammaire  latine 

Charpy,  Exercices  latins 

Clédat,  Revue  de  philologie  française 

CoRDiER,  Le  colonel  sir  Henry  Yule 

Coubertin  (de),  Universités  transatltantiques 

Darbishire,  Addition  à  une. étude  sur  Tesprit  rude  en  grec.  .  . 
Darmesteter  (M^^s  James),  La  vie  du  paysan  français  au  xiv«siè- 

cle 

Des  devises  du  Dezert,  Lettres  de  Servat  Loup,  abbé  de  Fer- 

rières.  .   ,   .    ^   


294 

79 
5x9 
5  19 

59 
160 

96 

380 


49 


,1 


463 


i 


TABLE    DES    MATIÈRES  XVJI 

Diis  Granges,  Sermon  de  Bossuet  sur  rarabitioii 379 

DiEHL,  Monuments  byzantins  de  la  Calabre 2g5 

Dorez,  Notes  et  documents  sur  la  Bible  polyglotte  de  Paris.    .  i5g 

Encyclopcidie  der  neueren  geschichte  ,   » 1 60 

Ennodius  et  sa  chronologie 239 

FiNACZY,  L'enseignement  secondaire  en  France iio 

Fischart 210 

Gaidoz,  Appel  aux  savants  des  pays  slaves 078 

Gherardi,  Consulte  délia  republica  fiorentina,  XV 80,  295 

Graf,  Médusa i  i  i 

Grèce  (Nouvelles) 182 

Heitz  (Not.  nécrol.) 160 

HÉuoN  DE  V1LLEFOSSE,  Le  marbre  de  Vieux .^gi 

Jadart,  Bergeat;  L'église  d'Asfeld;  Pierre  le  Grand  à  Reims.   .  7g 

Jakn,  Les  Pfeiferbrûder , icg 

Joubert(â.),  Brochures  diverses 209,  293,463 

Kaden  (W.),  Impressions  de  voyages 491 

KoNT,  Éd.  de  Poésie  et  Vérité  de  Goethe 40 

Kraus,  La  restauration  de  la  cathédrale  de  Fribourg 79 

Laband,  Le  droit  public  de  l'empire  allemand,  II,  2 463 

Lefranc,  Étude  sur  les  origines  du  Collège  de  France 20 

Le  Grand  (Léon),  L'hospice  national  du  tribunal  révolution- 
naire  o 435 

Maspero,  Lectures   historiques 379 

Meininger,  Rapport  sur  le  Cartulaire  de  Mulhouse  de  M.  Moss- 

mann 293 

Menghini,  Poèmes  populaires iii 

MoscHETTi,  Langage  figuré.  .  .  , 293 

Pf.lissier  (L.-G.),  Documents  révolutionnaires,  I •  .  379 

Pfister,  La  limite  du  français  et  de  l'allemand  en  Alsace-Lor- 
raine   435 

—  Éloge  de  Lionnois 436 

—  Notes  sur  trois  mss.  de  Moyenmouiier 436 

—  Un  monument  de  Mercure  trouvé  à  Hatrize 436 

PiSANi,  Les  possessions  vénitiennes  de  Dalmatie Sig 

PsicHARi,  La  prononciation  du  grec 160 

QuiNTARD,  Jetons  de  l'Hôtel  de  ville  de  Nancy Sg 

Ravaisson-Mollien,  Mss.  de  Léonard  de  Vinci 209 

Reymond,  Trad.  de  l'édition  Lucrèce-Munro 295 

RuGGiERi,  Dictionnaire  épigraphique , 80 

SiMONYï,  Causeries  sur  la  langue  hongroise 110 

Société  historique  de  Girgenti 239 

Stern  (Ad.),  Impressions  de  voyage 491 

Tamizey  de  Larroo.ue,  Lettre  de  Peiresc  à  son  relieur  Corberan.  209 

—  Boniface  Borilly; 


XVIII  TABLE    DES  MATIERES 

—  Hercule  d'Argilemont 

Thoumas,  Causeries  militaires,  II 

Uhlig,  Das  humanistiche  Gymnasium 

VoDSKOv,  Culte  de  l'âme  et  culte  de  la  nature,  contribution  à  la 

détermination  de  la  méthode  mythologique 

VuiBERT,  Annuaire  de  la  jeunesse 


SOCIETES    SAVANTES 

Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  (bulletin  rédigé  par  M.  Julien 
Havet;,  du  27  juin  auj9  décembre  1890). 


PERIODIQUES 

ANALYSÉS      SUR     I.A     COUVERTURE 


FRANÇAIS 

> 

Annales  de  V Ecole  libre  des  sciences  politiques. 

Annales  de  l'Est. 

Bulletin  critique. 

Bulletin  du  cercle  Saint-Simon. 

La  Révolution  française. 

Mélusine. 

Revue  celtique. 

Revue  d'Alsace. 

Revue  des  études  grecques. 

Revue  historique. 

Revue  rétrospective. 

Romania. 

ALLEMAND 

Altpreussische  Monatsschrift. 

Berliner  philologische  Wochenschrijt. 

Deutsche  Litieratur^eitung. 

Deutsche  Rundschau. 

Forschungen  \ur  brandenburgischen  iind  preussischen  Geschichte. 


TABLE    DES    MATIÈRES  XIX 

Germania. 

GiJttingische  gelehrte  An\eigen. 

Literarisches  Centralblatt . 

Literatiirblattfiir  germanische  iind  romanische  Philologie. 

Maga\infur  Literatur. 

Theologische  Litteratur\eitung. 

Zeitschrift  fur  Katholische  Théologie. 


ANGLAIS 

The  Academy. 

The  Athenaeiim. 

The  Babylonian  and  Oriental  Record. 

The  English  Historical  Review. 


BELGES 

Revue  de  Belgique. 

Revue  de  l'instruction  publique  (supérieure  et  moyenne)  en  Belgique. 


POLONAIS 


Bulletin  international  de  l'Académie  des  sciences  de  Cracovie. 


LE    PUY,    IMPRIMERIE    MARCHESSOU    FILS,    BOULEVARD    SAINT-LAURENT,    23. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N»  27  -  7  juillet  -  1890 


Sommaire  :  294.  Besthorn,  Ibn  Zaidoun.  —  295.  Strabon,  Table,  p.  p.  Tardieu. 
296-297.  Marquardt,  L'oiganisation  de  l'empire  romain,  trad.  Weiss  et  Louis- 
Lucas;  Le  culte  chez  les  Romains,  trad.  Brissaud.  —  298.  Ronchini,  Les  Satires 
de  Perse.  —  299.  Kretscumer,  La  géographie  au  moyen-âge.  —  3oo.  Bergmans, 
L'autobiographie  de  Juste-Lipse.  —  3oi.  Trautmann,  Comédiens  français  à  la 
cour  de  Bavière.  —  3o2.  La  Fontaine,  vi,  p.  p.  K.  Régnier.  —  3o3.  Picot,  Cata- 
logue du  cabinet  des  livres  de  Chantilly.  —  Lettre  de  M.  Michael  et  réponse 
de  M.  Pfister.  —  La  querelle  de  M.  Canton!  contre  M.  Rod.  —  Chronique.  — 
Académie  des  Inscriptions. 


294.  —  Ibn  ZaidunI  vitam  scripsit  epistolamque  ejus  ad  Ibn  Dschahvarum 
scriptam  nunc  primum  edidii  R.  O.  Besthorn.  Copenhague,  Guillaume  Prior, 
1889,  in-8,  97  p. 

Ibn  Zaidoun  fut  le  plus  célèbre  des  poètes  arabes  de  Cordoue  du 
xie  siècle.  Il  excella  dans  le  genre  épistolaire  rythmé,  composa  plusieurs 
poèmes  renommés  et  écrivit  l'histoire  des  Omaiyades  d'Espagne.  Son 
éloquence  et  ses  connaissances  étendues  dans  les  sciences  philosophi- 
ques et  juridiques  en  firent  le  favori  des  princes  arabes;  il  remplit  les 
fonctions  de  grand-vizir  à  la  cour  de  Cordoue  et,  à  la  fin  de  sa  vie,  à  la 
cour  de  Séville.  Il  sut  aussi  gagner  les  faveurs  de  la  princesse  Wallada, 
fille  du  calife  Al-Mustakfi  Billahi  et  femme  d'un  esprit  supérieur  à  son 
sexe,  qui  captiva  tous  les  cœurs  par  ses  charmes  et  ses  poésies.  Tant  de 
fortune  ne  pouvait  durer  sans  vicissitudes;  aussi  Ibn  Zaidoun  connut 
Tamertume  de  la  vie  après  en  avoir  goûté  les  douceurs.  A  propos  de 
ses  amours  avec  Wallada,  il  fut  mis  en  prison  où  il  demeura  une  année 
et  demie  et,  après  s'être  évadé,  il  dut  errer  en  proscrit  pendant  plusieurs 
années.  Sa  célébrité  lui  valut  de  nombreux  biographes.  Il  reste  cepen- 
dant dans  sa  vie  une  page  obscure  ;  c'est  cette  page  que  M.  Besthorn  a 
éclaircie  au  moyen  de  nouveaux  documents  et  qui  fait  l'objet  de  sa  thèse 
soutenue  devant  l'Université  de  Copenhague  pour  l'obtention  du  grade 
de  docteur. 

Sur  la  foi  d'ibn  Khaqan,  les  savants  modernes,  Weijers,  Dozy  et 
Schack,  admettaient  qu'Ibn  Zaidoun  avait  été  jeté  en  prison  sous  Aboul- 
Hazam  ibn  Djahwar  et  que,  après  s'être  échappé,  il  avait  erré  pendant 
de  longues  années  dans  les  contrées  occidentales  de  l'Espagne,  jusqu'au 
moment  où  il  se  fixa  à  la  cour  de  Séville,  où  il  fut  accueilli  avec  hon- 
neur par  Al-Motadid.  Cependant  Ibn  Nubaita  rapporte  qu'Ibn  Zaidoun 
fut  vizir  d'Aboul-Walid  ibn  Djahwar,  fils  et  successeur  d'Aboul-Hazani 
Nouvelle  série,  XXX.  27 


2  REVUE    CRITIQUR 

ibn  DJahwar,  et  que,  après  être  tombé  en  disgrâce  sous  ce  prince,  il 
vécut  à  la  cour  d'Al-Motadid  à  Séville.  On  pourrait  croire  qu'Ibn 
Nubaita  a  confondu  Aboul-Walid  avec  Aboul-Hazam,  désignés  tous 
deux  sous  le  nom  d'Ibn  DJahwar;  et,  en  effet,  Aç-Çafadi  parle  d'Ibn 
Djahwar  sans  mentionner  le  premier  nom  du  prince  régnant.  Mais 
M,  B.  public  pour  la  première  fois  un  passage  d'Ibn  Bassam,  duquel  il 
résulte  qu'Ibn  Zaidoun  fut  effectivement  Incarcéré  sous  Aboul-Hazam, 
mais  que,  après  la  mort  de  celui-ci,  arrivée  en  1043,  il  avait  été  rappelé 
par  Aboul-Walid  et  qu'il  fut  son  vizir  jusqu'au  moment  où,  ayant  de 
nouveau  déplu  à  son  souverain,  il  dut  s'exiler  et  se  retirer  à  Séville.  La 
lettre,  accompagnée  d'un  poème,  qu'Ibn  Zaidoun  écrivit  à  un  puissant 
ami,  après  avoir  fui  de  sa  prison,  était  adressée  à  Aboul-Walid,  du 
vivant  de  son  père,  et  le  priait  d'intercéder  auprès  de  celui-ci  en  faveur 
du  poète.  Cette  intercession  n'ayant  pas  eu  d'effet,  Ibn  Zaidoun  dut  se 
cacher  jusqu'à  la  mort  d'Aboul-Hazam,  arrivée  en  1043.  On  peut  donc 
fixer  son  incarcération  vers  1040,  Après  sa  fuite,  il  continua  ses  rela- 
tions, au  moins  par  correspondance,  avec  Wallada  qui  lui  avait  con- 
servé son  amour.  De  retour  à  Cordoue,  après  la  mort  d'Aboul-Hazam, 
il  reprit  ses  fonctions  de  vizir  auprès  d'Aboul-Wahd;  peu  à  peu  ses 
relations  avec  Wallada  se  refroidirent  et  devinrent  même  hostiles  ;  elles 
donnèrent  bientôt  lieu  à  un  échange  d'accusations  et  d'épigrammes  entre 
les  deux  amants.  C'est  en  l'année  441  (1049  5o  de  notre  ère)  qu'Ibn-Zai- 
doun  aurait  été  exilé  de  Cordoue  pour  la  seconde  fois;  il  devint  alors 
grand-vizir  d'Al-Motadid  à  Séville,  où  il  mourut  en  l'année  463  (1070- 
71)  ;  il  était  né  à  Cordoue  en  394  f  1003-4). 

La  lettre  et  le  poème  qu'Ibn  Zaidoun  adressa  à  Aboul-Walid  pour 
rentrer  en  grâce  auprès  d'Aboul-Hazam  ont  été  édités  et  traduits  pa^ 
M.  Besihorn  avec  un  apparat  critique  qui  fait  honneur  à  l'éditeur  et 
son  maître,  M.  van  Mehren.  Cette  thèse,  qui  éta'olit  un  point  d'histoirl 
intéressant,  augure  bien  des  futurs  travaux  de  son  auteur,  et  mérite  le^ 
félicitations  et  la  reconnaissance  du  lecteur. 

Rubens  Duval 


293.  —   Géogi*aphte  de  Strabon.  Traduction   nouvelle   par   Amédée   Tardleu: 
Tome  IV  :  Table  alphabétique  et  analytique.  Paris,  Hachette,  1890.  i  vol.  in-iô.i 
Ouvrage  couronné  par   l'Académie  française  et  par  l'Association   pour  l'encoura-ï 
gement  des  études  grecques.  •  . 

f 

Ce  volume,  de  plus  de  600  pages  en  caractères  de  notes,  mérite  une*| 
présentation  en  forme.  Ce  n'est  pas  seulement  un  aride  répertoire  desjj 
matières  traitées  dans  la  Géographie  ;  c'est  l'ouvrage  lui-même  trans-îl 
formé  par  son  traducteur  et  devenu  comme  un  dictionnaire  de  géogra-M 
phie  et  d'ethnographie  anciennes.  11  est  à  peine  utile  d'ajouter  que  cette ij 
table,  œuvre  toute  personnelle  de  M.  Amédée  Tardieu,  est  exécutée  avec? 
un  soin  minutieux  et  une  méthode  irréprochable.  Aussi  l'étudiant  ou  - 


d'histoirk  et  de  littératdrb 


l'homme  du  monde  qui  commencera  par  la  feuilleter  d"un  œil  distrait, 
sera-t-il  bientôt  amené  à  s'engager  résolument  dans  la  lecture  du  célèbre 
géographe.  M.  Tardieu  ne  pouvait  faire  plus  et  pour  son  auteur  et 
pour  le  public. 

C.-E.  R. 


296.  —    J.   Marquardt.  Organisation    de   l'en^plre   romain.    (Traduction  de 
MM.  A.  Weiss  et  P.  Louis-Lucas   Tome  l").  Paris,  1889,  in-8,  327  pages. 

297.  —  Le  culte  chez    les    Romains.  (Traduction  de  M.  Brissaud.  Tome  II). 
Paris,  1890,  in-8,  457  pages.  Librairie  Thorin. 

La  traduction  du  Staatsrecht  deM .  Mommsen  et  celle  du  Staatsvenyal- 
tung  de  Marquardt  se  poursuivent  avec  la  même  régularité,  mais  avec 
une  fortune  différente;  j'entends  par  là  que  si  la  première  ne  mérite 
guère  que  des  éloges,  la  seconde  peut  donner  lieu  à  plus  d\me  observa- 
tion. Je  ne  parlerai  pas  longuement  de  la  façon  dont  le  texte  allemand  a 
été  rendu  :  on  pourra  relever  des  inadvertances  ou  des  impropriétés,  ou 
trouver  que  les  traducteurs  ne  se  sont  pas  suffisamment  affranchis  du 
joug  de  leur  modèle;  mais  ce  sont  là  des  imperfections  inhérentes  à 
toute  traduction  et  j'ai  de  bonnes  raisons  pour  réclamer  Tin  dulgence  envers 
ceux  qui  entreprennent  de  faire  passer  dans  notre  langue  les  ouvrages 
étrangers.  Somme  toute,  ils  rendent  service  aux  travailleurs;  c'est  beau- 
coup. Ce  qui  me  choque  surtout  dans  la  méthode  employée  par  les  tra- 
ducteurs de  Marquardt,  ce  sont  les  additions  qu'ils  font  subir  à  leur  mo- 
dèle dans  les  notes,  sous  prétexte  de  le  compléter  et  de  le  mettre  au  courant. 
Une  des  qualités  du  Handbuch  de  Marquardt  est  de  donner  au  bas  de 
chaque  page  et  à  propos  de  chaque  détail,  les  textes  essentiels  et  d'indi- 
quer à  côté  les  livres  où  la  matière  est  traitée  le  plus  complètement  :  le 
lecteur  y  trouve  donc  de  quoi  contrôler  l'assertion  de  l'auteur  et  de  quoi 
pousser  plus  avant  le  travail,  s'il  en  sent  le  besoin.  J'avouerai  que  cette 
bibliographie  est  bien  un  peu  exclusive  et  que  les  travaux  allemands  y 
tiennent  la  plus  grande  place,  ce  qui  est  naturel  puisque  le  livre  est 
destiné  surtout  au  public  allemand;  il  y  avait  donc  lieu,  en  le  faisant 
passer  en  français,  d'ajouter  quelques  références  aux  ouvrages  que  les 
travailleurs  ou  les  étudiants  peuvent  se  procurer  aisément  dans  nos 
bibliothèques,  et  dont  bon  nombre  auraient  peut-être  pu  et  dû  entrer 
aussi  dans  l'édition  allemande.  Mais  de  semblables  additions,  pour  être 
vraiment  utiles,  demandent  une  certaine  réserve  :  c'est  ce  que  n'ont  pas 
compris  les  traducteurs.  Je  dois  pourtant  faire  une  distinction  très  nette 
entre  le  procédé  de  M.  Brissaud  et  celui  de  MM.  Weiss  et  Louis-Lucas. 
M.  B.  n'a  ajouté  que  rarement  en  note  des  observations  :  il  les  a  réser- 
vées pour  des  appendices  dont  il  a  fait  suivre  le  volume  ou  qu'il  a  insé- 
rés à  la  fin  des  certains  chapitres;  à  sa  place,  j'en  aurais  omis  les  trois 
quarts,  et  pour  le  quatrième  j'aurais  renvoyé  aux  ouvrages  ou  aux  arti- 
cles des  auteurs  qu'il  cite,  au  lieu  de  leur  emprunter  des  passages  qu'il 


4  REVUE    CRITIQUE 

reproduit  in-extenso  ;  cav c'est  du  Marquardt  que  nous  attendions  de  lui, 
et  non  une  sorte  de  pot-pourri.  MM.  VV.-L.  n'ont  pas  craint,  au  con- 
traire, de  surcharger  le  bas  des  pages  de  renseignements  de  toute  sorte, 
surtout  bibliographiques,  qui  me  paraissent  absolument  déplacés.  Je 
sais  qu'ils  onj  cru  rendre  service  et  qu'ils  se  sont  imposé  à  notre  inten- 
tion de  longues  et  fastidieuses  recherches;  je  voudrais  les  en  remercier; 
mais  Je  ne  le  puis,  car  je  crains  bien  que  cette  orgie  d'additions 
n'égare  les  travailleurs  au  lieu  de  les  guider.  Je  me  permettrai  de  leur 
signaler  les  détails  qui  ont  particulièrement  frappé  mon  attention  : 

i"  Dans  leur  bibliographie,  ils  ne  tiennent  aucun  compte  de  la  valeur 
relative  des  différents  ouvrages.  Exemple  :  p.  269  et  270,  ils  ont  ajouté 
entièrement  un  renvoi  au  mot  Sénat  (municipal),  que  Marquardt  n'a 
pas  indiqué.  Ce  renvoi  qui  commence  à  Antibolus  (i5  i3  !)  pour  finir  à 
MM.  Robiou  et  Delaunay  (1888)  —  je  ne  compte  pas  les  renvois  qui 
terminent  la  note  et  qui  ont  trait  au  sénat  romain,  sous  le  spécieux 
prétexte  qu'il  est  souvent  question  de  ce  corps  dans  le  chapitre,  —  con- 
tient, en  comptant  largement,  soixante  et  une  références.  Naturelle- 
ment MM,  W.-L.  n'ont  pas  cité  tous  les  ouvrages  qui  parlent  du  sénat, 
je  ne  l'apprendrai  à  personne.  Mais  franchement,  parmi  tous  ces 
travaux,  combien  MM.  W.-L.,  je  ne  dis  pas  en  ont-ils  lus,  mais  com- 
bien en  liraient-ils  s'ils  voulaient  faire  un  travail  consciencieux  sur  le 
sujet?  Et  surtout,  quels  sont  ceux  qu'ils  liraient  la  plume  à  la  main? 
Ce  sont  ceux-là,  et  ceux-ià  seuls  qu'il  convenait  d'ajouter  ^.  Agir  au- 
trement, c'est  «  faire  de  la  fantasia  »,  comme  nous  disons,  en  Afrique. 

2"  MM.  W.-L.  ajoutent  des  références  entièrement  étrangères  au 
sujet.  Exemple  :  p.  265,  Marquardt  parle  des  sommes  honoraires,  et 
cite  certaines  villes  où  il  était  d'usage  d'en  payer  :  Aeclanum  Lanuvium 
Ostia.  Or,  à  chacune  de  ces  villes  les  traducteurs  ont  ajouté  une  réfé- 
rence ainsi  conçue  :  sur  Aeclanum,  voir  etc.  ;  sur  Lanuvium,  voir  etc. 
Est-il  donc  question  dans  ce  passage  de  ces  villes  en  général  ou  seule- 
ment de  sommes  honoraires  qu'on  y  payait?  Aussi,  ou  l'on  ne  tiendra^ 
pas  compte  de  la  référence,  et  elle  est  inutile,  ou  on  se  reportera  aux  pas- 
sages indiqués  et  on  n'y  trouvera  que  des  détails  étrangers  au  sujet. 
Autre  exemple.  P.  226,  Marquardt  dit  :  On  retrouve  les  quinquennales 
au  temps  de  Constantin  le  Grand;  ce  qui  veut  dire,  tout  le  monde  le 
comprend,  de  3o6  à  337.  Or,  les  traducteurs  se  sont  crus  autorisés  à 
ajouter  en  note  :  Sur  l'époque  de  V avènement  de  Constantin,  voir  la 
Revue  numismatique,  1887,  etc.  Mais  il  ne  s'agit  pas  dans  Marquardt 
de  l'époque  précise  de  l'avènement  de  Constantin  à  quelques  jours  près, 
et  s'il  y  avait  une  addition  à  faire,  ce  qui  n'était  pas,  il  fallait  indiquer, 
pour  le  lecteur  ignorant,  les  dates  extrêmes  de  son  règne. 


I.  Je  citerai,  pour  la  curiosité  du  fait,  la  note  suivante  insérée  aux  addenda  : 
a.  M.  Beudant,  fils  de  l'éminent  doyen  lionoraire  de  la  Faculté  de  Droit  de  Paris,  pré- 
pare actuellement  sa  thèse  de  doctorat  sur  ce  sujet  »  (p.  325).  Quelle  riche  biblio- 
graphie on  pourrait  faire  avec  les  ouvrages  que  chacun  de  nous  prépare! 


I 


i 


d'histoire  et  de  littérature  5 

3°  Je  n'aurais  pas  ajouté  non  plus  de  références  aux  manuels  d'insti- 
tutions romaines  ou  aux  dictionnaires,  même  à  celui  de  M.  Saglio,  sauf 
peut-être  par  exception.  Il  est  bien  évident,  en  effet,  que  pour  étudier 
le  sénat  municipal,  par  exemple,  et  contrôler  les  assertions  de  Mar- 
quardt,  chacun  de  nous  se  reportera  aux  livres  de  Willems,  Mispoulet, 
Bouché- Leclercq,  ainsi  qu'aux  articles  Curia,  decurio^  curiales,  etc., 
des  dictionnaires.  Il  en  est  de  même  des  Indices  du  Corpus,  d'Orelli- 
Henzen,  de  Wilmanns,  Le  manuel  de  M.  Bouché-Leclercq  est  sur  ce 
rapport  un  modèle  de  discrétion  et  de  méthode. 

4°  MM.  L.-W.  vont  plus  loin.  Ils  introduisent  en  note  des 
développements  tout  à  fait  déplacés  dans  un  manuel.  Exemple  : 
p.  245. -A  propos  du  flamine  municipal,  ils  citent  tout  au  long  une 
inscription  nouvelle  de  Sidi-Brahim  en  ajoutant  que  le  principal 
intérêt  du  texte  est....  non  pas  qu'il  y  est  question  d'un  flamine  mais 
qu'on  y  lit  tribuniis  ab  ordine  lecttis,  ce  qui  les  amène  à  parler  des 
tribuni  militiim  a  populo  et  à  donner  25  lignes  de  bibliographie 
dans  lesquelles  le  journal  le  Temps,  du  i3  juin  1887,  est  cité!  —  De 
même,  à  propos  du  flamine  municipal,  MM.  W.-L.  traduisent  et  com- 
mentent la  loi  récemment  trouvée  à  Narbonne  —  cette  addition  com- 
prend exactement  dix  pages  entières  de  petit  texte  serré.  Ils  ont  com- 
mencé, d'ailleurs,  par  avouer  (p.  248,  note  i5)  qu'il  n'est  nullement 
question  dans  ce  document  du  flamine  municipal,  mais  du  flamine  pro- 
vincial. Comme  cette  même  loi  est  donnée  en  entier  à  sa  vraie  place 
dans  le  volume  de  M.  Brissaud,  p.  229-402,  les  acheteurs  du  manuel 
sont  sûrs  de  l'avoir  au  moins  deux  fois. 

5°  Pour  conformer  les  citations  à  de  mauvaises  habitudes  que  l'on 
suit  encore,  je  ne  sais  pas  pourquoi,  dans  les  ouvrages  de  droit,  MM.  W.-L. 
\  ont  corrigé  Marquardt  dans  ses  citations.  Là  où  celui-ci  a  mis  par  exem- 
ple :  Dig.,  L,  I,  21,  §  4,  ce  qui  est  clair  et  permet  de  trouver  aisément 
le  passage  voulu  dans  un  Digeste,  MM.  W.-L.  écrivent  :  Paul.,  L.  21, 
§  4,  Ad  municip.  et  de  inc,  D.,  L,  i,  ce  qui  est,  on  ne  peut  plus  em- 
brouillé, ne  serait-ce  que  parce  que  L  signifie  à  la  fois  Lex  et  quin- 
quaginta.  M.  B.  n'a  pas  suivi  cette  fâcheuse  méthode.  Ce  n'est  rien 
et  c'est  beaucoup;  car  dans  des  notes  aussi  chargées  que  celles  de 
Marquardt,  surtout  avec  les  additions  des  traducteurs  et  les  crochets 
de  toute  nature  dans  lesquels  ils  ont  été  insérés,  de  semblables  détails 
augmentent  la  confusion. 

Dernière  observation,  celle-ci,  commune  à  tous  les  volumes  de  la  tra- 
duction. Marquardt  fait  souvent  des  renvois  à  d'autres  passages  de  son 
manuel.  Les  traducteurs  les  donnent  naturellement  d'après  l'édition 
française  quand  la  traduction  est  faite;  mais  pour  les  parties  non  tra- 
duites ils  renvoient  à  l'édition  allemande,  ce  qui  n'est  pas  sans  inconvé- 
nients. Ainsi,  au  tome  II  du  Culte,  ^.  341,  on  lit:  Cpr.  ci-dessous, 
p.  565,  5...  et  le  volume  français  à  452  pages  !  11  faut  ou  abandonner 
ce  système  et  supprimer  des  références  de  cette  sorte,  ou  maintenir  en 
marge  et  entre  crochets  les  pages  de  l'édition  allemande. 


6  REVUE    CRITIQUE 

Si  j'ai  donné  à  mes  critiques  autant  de  développement^  c'est  que,  à 
mon  sens,  les  traducteurs  sont  en  train  de  nous  préparer  un  Marquardt 
médiocre  au  lieu  du  bon  que  nous  étions  en  droit  d'attendre.  Il  est 
temps  encore  pour  eux  de  s'arrêter  et  de  revenir  à  la  saine  méthode. 
Qu'ils  mettent  dans  les  volumes  suivants  beaucoup  moins  de  phrases 
et  de  pensées  ^étrangères  à  leur  modèle.  L'imprimeur  en  sera  peut-être 
contrarié;  mais  j'en  sais  plus  d'un  autre  qui  s'en  félicitera. 

En  terminant  je  dois,  et  c'est  toute  justice,  signaler  l'excellente  table 
des  matières  analytiques  que  M.  Brissaud  a  ajoutée  à  sa  traduction. 

R.  Gagnât. 


298.  —  Le  satii-e  dl  ;%.ulo  Persio  Flacco  interpretate  dal  prof.  Amadio  Ron- 
CHiNi.  Parma,  impr.  M.  Adorni,   i88q,  x-169  pp.   In-8. 


M.  le  professeur  Ronchini  a  publié,  peu  avant  sa  mort,  le  travail  qui 
avait  fait  Toccupation  de  presque  toute  sa  vie,  une  traduction  de  Perse       j-; 
avec  un  commentaire.   L'originalité  de  cette  tentative  est  dans  l'idée  de 
retrouver  la  forme  du  dialogue  dans  les  satires  de  Perse  et  de  diminuer 
ainsi  leur  obscurité  proverbiale.   Il  distribue  entre  deux  ou  plusieurs 
personnages  le  texte  du  poète  latin,  introduit  dans  sa  traduction  les 
jeux  de  scène  et  les  gestes,  en  un  mot  fait  de  chaque  morceau  un  petit 
drame  en  un  acte.  L'idée  est  séduisante.  Dans  bien  des  cas,  on  arrive  à 
mieux  comprendre  la  pensée  de  Perse.  C'est  là  un  moyen  d'interpréta- 
tion qui  n'est  peut-être  pas  aussi  nouveau  que  le  croit  M.  R.,  mais    J 
qu'on  n'avait  pas  encore  songé  à  appliquer  avec  autant  de  suite.   La    | 
traduction  elle-même  semble  exacte,  autant  qu'en  peut  juger  un  étran- 
ger.  Les  notes  ont  quelquefois  un  caractère  élémentaire  qui  étonne  le 
lecteur.  On  peut  aussi  leur  reprocher  une  certaine  prolixité. 

P. -A.  L. 


29g.  —  K.  Kretschmer.  Die  pliy^ieclie  Ei-dkunde  im  christlichen  Mittel- 

alter.    Geogr.    Abhandl.    herausgegeben  von  Penck.   Vienne   et   Olmùtz,    1889, 

pp.  iv-i5o.  Ij 

Si,  pendant  le  moyen  âge  chrétien,  les  doctrines  géographiques  — 
comme  tant  d'autres  —  subirent  une  éclipse,  on  jugerait  à  tort  qu'elles 
furent  négligées.  Les  problèmes  posés  par  les  anciens  furent  recueillis, 
les  vérités  proclamées  par  eux  soumises  à  une  nouvelle  critique.  Mais 
la  spéculation  et  l'observation  cessent  d'être  désintéressées  et  libres; 
elles  sont  serves  de  la  théologie.  L'esprit  scientifique  ne  périt  pas  assu- 
rément, mais  il  se  fausse  et  s'oblitère.  C'est  qu'il  se  débat  entre  la  tra- 
dition antique  et  la  révélation;  il  s'épuise  à  vouloir  concilier  ces  an-  |j 
tinomies  irréductibles.  L'histoire  de  cette  phase  ingrate  et  stérile  de 
la  pensée  humaine  vaut-elle  d'être  racontée  en  détail?  Elle  a  tenté 
M.  Kretschmer.  L'auteur  cède  aune  double  tendance  :  l'une,  louable, 
la  curiosité  qui  s'exerce  dans  un  domaine  jusqu'alors  à  peu  près  inex- 


d'histoire  et  de  littérature  7 

ploré;  l'autre,  louable  ou  condamnable  à  volonté,  le  désir  de  faire  le 
procès,  sur  cet  article  spécial,  moins  au  christianisme  qu'à  la  théologie. 
Il  y  a  beau  temps  que  la  cause  est  entendue. 

Les  savants  du  moyen  âge  s'éprirent  des  questions  naturelles,  dont  ils 
trouvèrent  les  données  dans  les  œuvres  latines  de  Martianus  Capella, 
de  Pline,  de  Macrobe,  etc.,  et  plus  tard,  dans  les  oeuvres  grecques  qui 
leur  parvinrent  déligurées  à  travers  des  traductions  aussi  multiples 
qu'infidèles.  A  leur  tour  ils  rédigèrent  des  Encyclopédies^  des  Miroirs^ 
des  Sommes.  Nécessairement  ils  abordèrent  la  géographie,  non  pas 
comme  une  discipline  indépendante,  à  vrai  dire,  —  le  mot  n'est  même 
pas  en  usage  — mais  sous  diverses  rubriques  :  mensuration  de  la  terre, 
nature  des  lieux,  géométrie,  cosmographie,  cosmométrie.  Beaucoup 
d'entre  eux  sont  (que  l'on  nous  passe  l'expression)  en  coquetterie  avec 
les  idées  païennes  :  c'est  le  fruit  défendu;  c'est  aussi  le  fruit  vivace  et 
nourricier.  Mais  la  géographie  ancienne  avait  le  tort  grave  de  contredire 
la  Bible,  et  la  Bible  le  tort  non  moins  grave  de  se  contredire  elle-même. 
Les  exégètes  ressentirent  de  cruels  embarras  :  ils  s'en  tirèrent  par  l'allé- 
gorie. Le  Paradis  terrestre,  impossible  à  localiser,  devint  chez  saint  Am- 
broise,  V anima  fecunda  ;\QS(\u3i\.ïQ  fleuves  paradisiaques  sont  les  quatre 
vertus  théologales.  M.  K.  cite  d'amusants  exemples  du  genre.  Il  y  eut 
assurément  des  révoltes  et  des  écarts  :  le  moine  Kosmas  Indicopieustes, 
auteur  d'une  Topographie  chrétiemte ^  et  Lactance,  fulminèrent  contre 
ces  fenratives  insensées.  La  plupart  s'ingénièrent  à  mettre  d'accord  leurs 
sympathies  et  leurs  scrupules.  On  professa  couramment  que  la  Bible 
avait  éclairé  les  géographes  païens;  que  Hipparque  et  Ptolémée  procé- 
daient de  Moïse.  Grâce  à  ce  stratagème  s'annonça  la  résurrection  des 
sciences  antiques,  puis  au  xiii"  siècle,  l'apothéose  d'Aristote. 

Cette  influence  se  manifesta  puissamment  dans  les  théories  géogra- 
phiques. La  notion  primordiale  est  ici  la  forme  de  la  terre.  L'Église  se 
prononçait  sur  ce  point  :  elle  niait  les  antipodes,  châtiant  comme  héré- 
tiques ceux  qui  adhéraient  à  cette  doctrine;  donc  la  sphéricité  était 
elle-même  impliquée  dans  la  condamnation.  Au  nom  des  Écritures» 
Lactance,  l'école  syrienne  à  laquelle  se  rattache  Kosmas,  poursuivirent 
la  polémique  contre  la  sphéricité;  ils  proposèrent  des  systèmes  plus  con- 
formes à  l'orthodoxie.  M.  K.  résume,  sans  fatigue...  pour  lui,  les  rêve- 
ries et  les  absurdités  d'un  Severian  deGabala,  de  Kosmas,  du  Pseudo-Cae- 
sarius,  de  Procope  de  Gaza,  etc.  Il  énumèreavecla  même  impartialité  les 
partisans  de  l'opinion  contraire,  parmi  lesquels  figurent  des  noms  illustres 
dans  l'Eglise,  saint  Basile,  saint  Grégoire  de  Nysse,  saint  Augustin, 
Isidore  de  Séville,  Bède  le  Vénérable.  Tous  se  réclament  de  la  Bible  et  y 
découvrent  des  arguments.  Ceux  de  saint  Augustin,  dit  avec  justesse 
M,  K.,  offrent  quelque  chose  de  comique  :  ils  témoignent  en  tout  cas 
que  le  saint  avait  professé  la  rhétorique. 

Depuis  le  vine  siècle,  aucun  cosmographe  sérieux  ne  mit  plus  en 
doute  la  sphéricité.  Albert  le  Grand  et  Bacon  interprètent  en  toute  li- 
berté et  confirment  Aristote. 


8  REVUE    CRITIQUE 


I 


Nous  n'entreprendrons  pas  l'analyse  des  analyses  que  M.  K.  consacre 
à  chaque  ordre  de  problèmes,  hydrographie,  orographie,  météorologie, 
etc.  Car  de  ces  nomenclatures  répétées  où  reparaissent  forcément  les 
mêmes  noms,  de  ces  revues  d'opinions  qui,  quand  elles  ne  sont  pas  la 
paraphrase  de  textes  anciens,  n'ont  de  personnel  que  leur  ineptie,  se  dé- 
gage rarement  une  vue  vraiment  originale  et  féconde.  On  relève  cepen- 
dant la  controverse  du  Dante  sur  la  position  respective  de  la  sphère 
terrestre  et  de  la  masse  aqueuse.  Les  discussions  d'Albert  le  Grand  et  de 
Bacon  sur  divers  sujets  méritent  aussi  d'être  signalées  bien  que  leurs 
idées  n'aient  point  fait  fortune. 

Le  livre  de  M.  K.  est  un  répertoire  complet  de  tout  ce  que  le  moyen  âge 
chrétien  a  su  de  géographie,  de  tout  ce  qu'il  en  a  ignoré.  On  y  peut  suivre 
révolution  de  chaque  théorie  :  car  Fauteur  a  soin  d'inaugurer  ses  cha- 
pitre par  un  exposé  de  la  doctrine  antique  qu'il  oppose,  s'il  y  a  lieu,  à 
celle  de  la  Bible.  C'est  là  le  véritable  intérêt  de  son  ouvrage.  Nous  dou- 
tons que  le  moyen  âge  gagne  à  être  mieux  connu.  Mais  la  géographie 
n'y  perdra  rien  ;  c'est  ce  qui  nous  console. 

Il  importe  d'ajouter  que  M.  Kretschmer  déploie  autant  de  savoir 
comme  géographe  que  comme  philologue  :  il  cite  avec  une  égale  aisance 
l'hébreu,  les  textes  de  la  basse  grécité  et  de  la  basse  latinité,  le  vieux 
français.  Nous  recommandons  son  introduction  bibliographique  ;  c'est 
une  étude  des  sources  à  l'intention  de  ceux  qui  ne  sont  pas  familia- 
risés avec  la  patristique  et  la  scolastique. 

B.    AUERBACH. 


3oo.  —  JL'autobiograpliîe  de  Juste  Lipse,  publiée  avec   une  traduction  fran 
çaise  et  des  notes,  par  Paul  BERCiMANs.  Gand,  C.  Vijt,  1889,  69  p.  in-8. 

Dans  une  lettre  des  calendes  d'octobre  1600,  adressée  à  son  ami  e 
ancien  élève,  Jean  van  den  Wouwer  (Woverius),  Juste  Lipse  a  raconté 
les  principaux  événements  de  sa  vie.  Ce  n'est  pas  l'unique  base  de  la 
biographie  de  Lipse,  comme  le  dit  M.  Bergmans,  puisque  sa  volumi- 
neuse correspondance,  la  collection  de  ses  ouvrages  et  les  écrits  contem- 
porains fournissent  bien  des  détails  omis  dans  ce  récit  de  9  pages.  Mais 
c'est  un  cadre  commode  pour  le  biographe.  M.  B.  reproduit  le  texte  de 
ce  précieux  document  d'après  l'édition  de  1602  (Epistolariwi  selecta- 
mm  Centiiria  miscellanea,  ep.  87),  en  donnant  en  note  les  variantes 
de  l'édition  de  i6o5.  M.  B.  pousse  l'exactitude  jusqu'à  conserver  des 
fautes  d'impression  évidentes  (intcriores  pour  interiores,  p.  20)  ^  En 
regard  du  texte  se  lit  une  traduction  française  assez  fidèle  ^.  La  plus 

r.  Il  semble  en  avoir  ajouté  pour  son  propre  compte:  p.  i3,  la  date  de  naissance 
de  Lipse  est  00.  b  XLVII  non   (x.  b  XLVIII. 

2.  P.   12  :  in  coniubernio  meo  fiiisti  et  hoc  paene  est  uitam  meam  totam  nosse  :  «  tti 
as  vécu  dans  mon  intimité  et  c'est  presque  connaître  mon  existence  tout  entière 
non  pas:  u  c'est  assez  pour  connaître...  »  P.  22,  dernière  ligne,  amevidie  n'est  pa 
traduit;  le  texte  de  celte  phrase  n'est  pas  d'ailleurs  serré  de  très  près. 


d'histoire  et  de  littérature  9 

grande  partie  de  la  brochure  (3y  pages)  contient  des  notes  destinées  sur- 
tout à  renseigner  sur  les  personnages  nommés  par  Lipse. 

Il  est  regrettable  que  M.  B.  se  soit  borné  à  annoter  ce  que  dit  Lipse, 
sans  suppléer  ce  qu'il  ne  dit  pas.  Dans  une  autobiographie,  il  est  des 
lacunes  volontaires.  M.  B.  aurait  pu  au  moins  signaler  les  changements 
de  religion  du  célèbre  savant  i.  Mais  il  préfère  peut-être  aborder  cette 
délicate  question  dans  un  travail  plus  étendu.  Son  étude,  nous  dit-il 
dans  sa  préface,  peut  être  considérée  comme  le  canevas  d'un  travail 
consacré  à  Lipse  et  à  ses  amis.  Espérons  qu'il  nous  donnera  ce  livre  qui 
nous  manque  encore  ^.  Nous  ne  saurions  trop  l'engager,  s'il  l'entre- 
prend, à  ne  pas  se  borner  à  une  simple  biographie  :  Thistoire  des  voya- 
ges de  Lipse  ne  nous  intéresse  plus  que  comme  indication  sur  la  forma- 
tion d'esprit  et  l'éducation  scientifiques  du  grand  philologue.  Ce  sont  les 
œuvres  et  la  méthode  de  travail  de  l'érudit  que  nous  tenons  surtout  à 
connaître.  Il  ne  suffira  plus,  comme  dans  la  présente  esquisse,  de  ren- 
voyer à  la  Bibliographie  Lipsienne  3.  De  récents  auteurs  ont  trouvé  le 
moyen  d'écrire  de  gros  volumes,  utiles  par  ailleurs,  sur  Mabillon  et  sur 
Muret,  sans  traiter  ces  questions,  en  omettant  précisément  ce  qui  fait  que 
Mabillon  et  Muret  sont  aujourd'hui  autre  chose  que  des  noms  d'incon- 
nus. Il  serait  bien  regrettable  que  M.  Bergmans  suivît  ces  exemples. 

Paul  Lejav. 


3or.  —  Karl  Trautmann.  Fi'any.œsisclie  ScliauÉ-pieler  am  I)ayi-isclicii 
liofc.  (Extrait  du  Jahrbuch  fur  Mûnchener  Geschichte,  2"-'''  Jahrgang,  Munchen, 
iStii^,  in-8,  p.  185-334). 

Voici  un  chapitre  bien  curieux  de  l'histoire  de  l'influence  littéraire  de 
la  France  à  l'étranger  pendant  le  xvii*^et  la  première  moitié  du  xvnF  siè- 
cle; on  sait  combien  cette  influence  a  été  grande  à  cette  époque  dans 
tous  les  genres  et  dans  tous  les  pays;  M.  K.  Trautmann  nous  apprend 
ce  qu'elle  fut  au  point  de  vue  dramatique  à  la  cour  de  Munich.  Si  le 


1.  Cf.  K.  Halm,  Sitiiingsberichte  der  philos.  —  philol.  Classe  der  K.  bayer. 
Acad.  der  Wissensch.,  1882,  II,  p.   i. 

2.  On  ne  peut  considérer  la  lacune  comme  comblée  par  le  livre  d'Amiel.  Un  pu- 
bliciste  du  xvie  s.,  Juste  Lipse,  Paris,  1884.  M.  B.  ne  paraît  pas  le  connaître  :  il  n'y 
a  rien  perdu.  Cf.  Rev.  cr.,  i885,  I,  296. 

3.  Il  existe  à  la  bibliothèque  de  l'Université  une  édition  des  deux  premières  cen- 
turies non  signalée  dans  cet  ouvrage  :  Itisti  Lipsii  Epistolarum  centuriae  diiae  qua- 
rum  prior  innoiiata  altéra  noua.  Parisiis,  apud  Viduam  Gulielmi  Cavellat,  sub  Pe- 
licano  MC.XCIX.  In-i6,  223  pp.  (côté  LL  pr.  55).  Cf.  Bibl.  Lips.  I,  285.  qui  men- 
tionne une  seule  édition  parisienne.  L'exemplaire  de  la  Chilias,  éditée  à  Avignon  en 
1609,  que  possède  la  Bibliothèque  nationale  flnvent.  Z,  i3gg5;  reliure  en  parche- 
min au  timbre  du  monastère  Saint-Bernard  des  Feuillants  de  Paris)  contient  sur  des 
feuillets  ajoutés  à  la  fin  une  copie  manuscrite  des  lettres  Xlil,  XIV,  XV,  XVI,  XXIll 
de  la  deuxième  des  centuries  indiquées  plus  haut.  Cette  copie  anonyme  a  été  faite  au 
xvue  s.  ex  Autographe  quem  habeo.  Elle  présente  avec  l'imprimé  des  différences 
qu'un  lecteur  (ou  le  copiste  i)  a  notées  en  marge. 


lO  REVUE    CRITIQUE 

mariage  d'Elisabeth  de  Lorraine,  en  i568,  avec  le  duc  Guillaume  V  de 
Bavière  contribua  à  répandre  dans  ce  dernier  pays  le  goût  des  choses  de 
la  France,  c'est  avec  Adélaïde  de  Savoie,  petite-fille,  par  sa  mère  Chris- 
tine, de  Henri  IV,  que  l'influence  française  s'établit  d'une  manière  dé- 
finitive à  la  cour  de  Bavière;  reléguée  encore  dans  l'ombre  pendant  la 
vie  de  la  duchesse  douairière,  Anne-Marie  d'Autriche,  elle  put  se  livrer 
toute  entière  à  ses  goûts  artistiques  et  littéraires  après  la  mort  de  celle-ci. 
Son  influence  se  fit  partout  sentir;  ce  fut  elle  en  particulier  qui  déter- 
mina Ferdinand-Marie  à  appeler,  en  1671  ^,  à  Munich  une  troupe  fran- 
çaise. Ce  n'était  pas  la  première  qu'on  vit  en  Allemagne  et  M.  K.  T.  a 
consacré  quelques-unes  des  premières  pages  de  son  étude  à  nous  faire 
connaître  celles  que,  dès  la  fin  du  xvi'=  ou  au  commencement  du  xvii'^  siè- 
cle, on  rencontre  dans  les  villes  de  la  région  du  Rhin.  Ce  n'étaient  là,  il 
vrai,  que  des  troupes  de  passage;  les  ducs  de  Brunswick  furent  les  pre- 
miers à  en  avoir  une  à  demeure  dans  leur  cour.  Le  duc  de  Bavière  sui- 
vit leur  exemple. 

L'histoire  des  comédiens  de  Munich  est  aussi  pleine  d'intérêt  qu'elle 
était  inconnue  avant  M.  K.  T.,  on  doit  lui  être  reconnaissant  aussi  de 
l'avoir  reconstituée  et  d'avoir  rappelé  l'attention  en  particulier  sur  son 
directeur  Philippe  Millot,  cet  ancien  camarade  de  Molière  au  temps  de 
rillustre  théâtre,  et  qui  depuis  lors  avait  couru  la  France  et  l'étranger. 
M.  K.  T.  nous  le  montre  tour  à  tour  à  Lyon,  à  Dijon,  à  Saint-Fargeau 
avec  les  com.édiens  de  Mademoiselle,  à  Bruxelles,  à  Chambéry,  à  Turin; 
ce  fut  sans  doute  son  séjour  en  Savoie  qui  le  fit  connaître  de  la  duchesse 
Adélaïde.  Appelé  à  Munich,  il  arriva  dans  cette  ville  au  mois  de  juin 
1671  et  y  resta  jusqu'en  1677,  après  la  mort  d'Adélaïde,  suivie  bientôt 
de  celle  de  Ferdinand-Marie.  Le  départ  de  Millot  et  de  sa  troupe  ne  mit 
pas  fin  aux  représentations  dramatiques  de  la  cour  ;  mais  elles  sont  don- 
nées maintenant  par  des  amateurs.  Ce  ne  fut  que  vingt-cinq  ans  plus  1 
tard  que  des  acteurs  français  revinrent  à  Munich. 

Pendant  son    séjour  à  Bruxelles  au  milieu  de  la  guerre  de  la  ligue 
d'Augsbourg,  le  nouveau  duc  de  Bavière  s'était  pris  du  goût  le  plus  vif 
pour  le  théâtre  français.  A  peine  de  retour  dans  sa  capitale  en  1701,  son 
premier  soin  tut  d'y  appeler  une  troupe  française;  elle  y  resta  jusqu'à 
l'époque  de  l'occupation  de  Munich  par  les  Autrichiens.  M.  K.  T.  a  ra- 
conté avec  soin  et,  comme  toujours,  à  l'aide  des  documents  originaux, 
l'histoire  littéraire  de  ces  temps  troublés  et  les  tribulations  des  comé- 
diens français  obligés  de  fuir  devant  l'invasion  ennemie.  Maximilien- 
Emmanuel  s'était  retiré  en  Belgique;  ils  ne  tardèrent  pas  à  l'y  rejoindre, 
et  grâce  à  eux  le  duc  exilé  put  satisfaire  son  goût  pour  notre  théâtre. 
Quand  il  rentra  aussi  dans  ses  états  en  171 5,  il  ne  manqua  pas  de  les 

I .  M .  K.  T.  dit  de  cette  princesse  qu'elle  avait  été  sur  le  point  d'épouser  Louis  XIV; 
ce  fut  avec  sa  sœur  Marguerite  que  ce  mariage  dut  avoir  lieu,  encore,  je  le  sais,  que 
Grammont  affirme  le  contraire;  mais  M'e  de  Montpensier,  que  cite  M.  K.  T.,  ne  fait 
pas  cette  confusion. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  I  I 

faire  revenir  à  Munich.  C'est  l''époque  la  plus  glorieuse  peut-être  des 
représentations  françaises  à  la  cour  de  Bavière.  La  troupe  ducale  comp- 
tait même  un  poète,  Dauvilliers,  que  M.  K.  T.  nous  fait  connaître.  Un 
journal,  celui  de  Vacchiery,  les  notes  prises  par  le  comte  Max.  Preysing, 
lui  ont  permis  de  donner  la  liste  des  principales  pièces  jouées  à  cette 
époque;  on  voit  que  les  comédiens  français  représentaient  à  Munich  tou- 
tes les  œuvres  les  plus  connues  de  l'ancien  répertoire.  Le  mauvais  état 
des  finances  bavaroises  ne  permit  pas  au  duc  d'entretenir  sa  troupe  au 
delà  de  1 720  ;  les  comédiens  français  quittèrent  alors  Munich.  Max-Em- 
manuel mourut  lui-même  six  ans  après. 

Le  goût  de  son  successeur  Charles-Albert  pour  le  théâtre  français  ne 
devait  pas  tarder  à  ramener  à  la  cour  de  Bavière  des  acteurs  de  notre 
nation;  ils  y  reparurent  dès  1728.  La  troupe  nouvelle  comptait  un  poète, 
comme  celle  de  I7i5;  il  s'appelait  Legrand  ;  on  le  voit  entre  autres 
composer  en  1740  un  «  Dialogue  pour  le  jour  de  la  naissance  de  son  Al- 
tesse Sérénissime  électorale  de  Bavière  «.  Il  y  avait  aussi  à  côté  du  théâ- 
tre de  la  cour  un  théâtre  de  société  sur  lequel  des  membres  de  la  famille 
ducale  et  de  l'aristocratie  bavaroise  jouaient  des  pièces  françaises.  Lors 
de  l'entrevue  de  la  famille  électorale,  en  lySg,  avec  l'impératrice  mère 
Wilhelmine-Amalie  au  monastère  de  MoJk,  cette  troupe  d'amateurs  re- 
présenta Athalie  et  le  Mari  7'etrouvé  de  Dancourt,  auteur  très  aimé  de 
la  cour  de  Bavière.  La  guerre  de  la  succession  d'Autriche  porta  un  coup 
fatal  à  la  troupe  française  de  Munich  ;  elle  se  dispersa.  Charles-Albert, 
élu  empereur,  s'établit  d'ailleurs  à  Francfort;  il  songea  un  instant  à  y 
rappeler  les  débris  de  son  ancienne  troupe;  sa  mort  vint  en  1745  tout 
arrêter.  C'est  à  cette  date  que  s'arrête  M.  K.  T.  ;  il  y  eut  encore  plus 
tard  sans  doute  des  troupes  françaises  à  Munich  ;  mais  elles  se  trouvè- 
rent en  concurrence  avec  le  théâtre  national  naissant;  leur  présence  n'a 
plus  dès  lors  la  même  importance  que  dans  la  période  précédente,  où 
M.  K.  Trautmann  en  a  recherché  les  traces  et  refait  l'histoire.  On  ne 
saurait  trop  le  remercier  de  l'avoir  écrite;  Pexactitude  des  renseigne- 
ments ',  la  sûreté  et  l'abondance  des  informations  —  trente  pages  de  no- 
tes en  donnent  la  mesure  —  assurent  à  son  étude  une  inestimable  valeur  ; 
on  pourrait  lui  reprocher  trop  de  digressions  peut-être;  mais  ces  di- 
gressions nous  apprennent  tant  de  choses  qu'on  les  pardonne  aisément 
et  qu'on  s'y  arrête  même  avec  plaisir. 

C.  J. 


I.  Dans  le  vers  de  Mimi,  p.  253,  il  faut  qu'ils  au  lieu  de  qui,  et  p.  254,  le  vers 
Je  ne  seray.  Jamais  comme  elle. 
n'a  pas  de  sens  ainsi  ponctué,  il  faut: 

Je  ne  seray  jamais  comme  elle. 


12  REVUE    CRITIQUE 

3o2.  —  Œuvres  de  «I.  de   ï>a  Fontaine,  T.  \'I.  Paris,  Hacheite.  Un  volume 
in-8,   374  pages.  Prix  :  7  fr.  3o. 

Les  éditeurs,  comme  dans  les  volumes  précédents,  ont  illustré  le  texte 
de  La  Fontaine  d'un  commentaire  qui  est  en  général  juste,  riche  et 
abondant.  Néanmoins  ils  laissent  encore  à  glaner  derrière  eux. 
P.  II,  V.  Ô9.  —      Le  fond  des  bois  et  leur  vaste  silence. 

Vaste,  belle  épiihète  employée  par  Tacite  :  per  vastum  silentiiim. 
(Ann.  IV,  5o.) 

P.  42,  V.  i5,  —  A  peine  son  menton 

S'étoit  vêtu  de  son  premier  coton. 
Juventas 

Occipit,  et  molli  veslit  lanugine  malas.  (Lucrèce,  liv.  V.) 
P.  43,  V.  23.  —      Les  seuls  parens,  par  un  tsçv\l  manceau,  etc. 

Les  Manceaux  n'ont  jamais  eu  une  réputation  de  franchise  :  «  Li  pa- 
pelart  du  Mans  »,  est  un  proverbe  cité  dans  le  Dit  de  VApostoile, 
xiii^  siècle.  Ils  ont  cependant  trouvé  un  apologiste  :  «  Les  Manceaux 
sont  gens  industrieux,  de  subtile  esprit,  non  aisez  à  décevoir,  bons  mé- 
nagers..., entiers  en  parolles,  quoy  qu'aucuns  gaussant  dient  que  un 
Manceau  vaut  normand  et  demy.  »  (Belleforest,  Cosniog.  univers,  de 
Munster,  1"  partie,  52,  édit.  iSyS). 

P.  5i,  V.  i.  —        Paris  sans  pair  n'avoit  en  son  enceinte,  etc. 

Paris  sans  pair  est  une  locution  qui  signifie  «  Paris  sans  égal,  qui 
n'a  point  son  pareil  ».  Les  éditeurs  ne  l'ont  pas  comprise,  puisqu'ils 
mettent  en  note  :  «  Sans  qu'on   pût  rien  trouver  qui  fût  égal  à  cette 
beauté.  »  Je  lés  renvoie  à  un  article  intéressant  de  M.  Meyer,  où  il  est 
démontré  que  la  ville  de  Paris  «  a  accaparé  un  éloge  qui  n'était  pas  fait 
pour  elle,  et  en  a  exproprié  celui  qui  y  avoit  les  droits  les  plus  légiti- 
mes. Celui-ci  n'est  point  autre  que  le  beau  Paris,  le  ravisseur  d'Hélène. 
On  trouve,  en  effet,  le  dicton  Est  Paris  absqiie  pari  dans  le  poème  de 
Excidio  Trojœ,  qui  est  très  probablement  d'Hildebert,  mort  archevê- 
que de  Tours  en  ii33  ou   1134  ».  L'exemple  suivant  confirme  la  re- 
marque de  M.  P,  Meyer  :  «  O  noble  Paris  sans  per,  perlifié  de  toute 
spéciosiié  corporelle  [dit  la  gente  damoiselle),  pourquoi  te  celerois-je  la    |j 
vérité?  »  (Le  Maire  de  Belges,  ///,,  I,  171,  Stecher). 
P.  68,  V.  14.  —      Ayant  su  raffiner  sur  l'amour  conjugal. 

Boileau  a  dit  de  même  :  «  Mais  vous  qui  raffine^  sur  les  écrits  des 
autres  {Sat.  IX). 

P.  77,  V.  114.  —  Et  déjà  l'autre  passion 

Se  trouvoit  un  peu  ralentie; 
Le  temps  avoit  agi. 

Lcntescunt  temporc  citrce; 
Vanescit  que  absens,  et  novus  intrat,  amor. 

(Ovide,  Ars  amat.,  II,  357). 
Multa  vetustas  lenit.  (id.,  II,  647). 


O  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURB 


i3 


P.  80,  V.  i53.  —    Voilà  donc  nostre  veuve  écoutant  la  louange, 
Poison  qui  de  l'amour  est  le  premier  degré. 
Délectant  etiam  castas  prœconiaformœ.  (Ovide,  Ars  amat.,  I,  623.) 
Il  n'est  riens  qui  tant  famé  atise 
Come  qui  bien  la  loe  et  prise... 
Meismes  les  leides  pucelles 
Quant  l'en  lor  dit  que  elz  sont  belles 
Soies  certain  que  elle  croient 
Et  très  durement  s'en  gogaient. 

(La  Clef  d'amour,  Sg.Tross.) 
P.  83,  V.  177.  —  O  volages  femelles! 

Virgile  fait  aux  femmes  le  même  reproche  :  <i  Varium  et  mutabile 

semper  femina.  »  (Enéide,  IV,  569.) 

Sor  tote  riens  est  feme  de  muable  talent... 
En  son  propos  est  ferme  com  est  fumée  a  vent. 
(UEiivangille  as  femmes,  40,  Constans.) 
P.  92.  v.  33.  —      Princes  et  rois,  et  la  tourbe  vienne 
Jetoient  maint  pleur. 

La  note  «  toute  la  hiérarchie  des  enfers  »,  ne  dit  rien,  ou  plutôt  elle 
explique  mal  ce  qui  n'avait  pas  besoin  d'être  expliqué. 

P.   100,  v.  141.  —  Solennités  et  lois  n'empêchent  pas 

Qu'avec  l'hymen  Amour  n'ait  des  débats. 

Littré,  qui  cite  ce  passage  sous  Solennité,  explique  le  mot  par  «  céré- 
monie publique  qui  rend  une  chose  solennelle  «.  Ce  terme  très  usité 
chez  nos  vieux  jurisconsultes  avait  le  sens  de  formalité^  comme  solen- 
nitas  dans  le  latin  du  Digeste,  ex.  :  «  Le  moyeu  justicier  prend  les 
espaves  en  gardant  les  solempnités  declairées  au  chappitre  d'espaves.  » 
(Cont.  de  Touraine,  224,  D'Espinay.)  La  Fontaine  l'emploie  avec  cette 
signification,  et  les  vers  qui  précèdent  le  prouvent  clairement. 

P.  147,  I.  —  Ni  l'or  ni  la  grandeur  ne  nous  rendent  heureux. 

Guy  de  Tours  (Poésies,  I,  22,  édit.  Blanchemain)  a  dit  à  peu  près 
dans  les  mêmes  termes  : 

Les  biens  ni  les  grandeurs  ne  nous  soulagent  point. 
P.  i63,  v.  i53.  —     Le  corps  n'est  tantôt  plus  que  feuillage  et  que  bois. 

Ce  tantôt  signifie  «  peu  après,  peu  de  temps  après  »  :  la  note  de  Gé- 
ruzez,  citée  par  les  éditeurs,  obscurcit  ce  qui  est  très  clair. 

P.  197,  v.  286.  —    Un  coup  de  son  trident  fit  sortir  de  la  terre 
Un  animal  fougueux,  etc. 

Sur  le  bouclier  d'Achille  «  on  voyait  Neptune  et  Pallas  qui  dispu- 
taient entre  eux  à  qui  aurait  la  gloire  de  donner  son  nom  à  une  ville 
naissante.  Neptune  de  son  trident  frappait  la  terre,  et  on  en  voyait  sor- 
tir un  cheval  fougueux,  etc.  »  (Fénelon,  Télétnaque,  Xlllj. 

P.  212.  Adonis.  Parmi  les  poètes  qui  ont  traité  ce  sujet  légendaire, 
il  fallait  ne  pas  oublier  Froissart  (Trésor  amoureux),  Jean  Passerai 
(Poés.  I,  21  édit.  Blanchemain)  et  Ronsard  (Œuv.  IV,  289,  bibl.  el^.J. 


14  REVUE    CRITIQUS 

P.  239,v.  137.  —    Là,  sous  des  chênes  vieux  où  leurs  chiffres  gravés 
Se  sont  avec  les  troncs  accrus  et  conservés,  etc. 
Certum  est  in  sylvis... 
Malle  pati,  tenerisqiie  meos  incidere  amores 
Arboribus ;  crescent  illce,  cvescetis  amores,  (Virg.,  X«  Eglogue.) 

P.  243,  note  3.  —     Combien  de  fois  le  jour  a  vu  les  antres  sourds 

Complices  des  larcins  qu'ont  produits  leurs  amours. 

Ces  deux  vers  étaient  dans  le  manuscrit  de  i658;  plus  tard,  La  Fon- 
taine remplaça  sourds  par  creux,  sans  doute  pour  éviter  la  rime  des 
deux  hémistiches.  Boileau  applique  cette  épitbète,  qui  a  été  critiquée, 
au  mot  antre,  comme  l'avait  fait  La  Fontaine  : 

Mais  sans  examiner  si  vers  les  antres  sourds 
L'ours  a  peur  du  passant  ou  le  passant  de  l'ours. 

(Sat.  sur  l'homme). 
P.  245,  V.  191.  —     Gardez-vous  d'irriter  tous  ces  monstres  félons.. . 

Les  daims  et  les  chevreuils,  en  fuyant  devant  vous 
Donneront  à  vos  sens  des  plaisirs  bien  plus  doux. 

Dans  Froissart  (Trésor  amoureux,  v.  1745),  Vénus  donne  les  mêmes 
conseils  à  Adonis,  qui  n'est  pas  son  amant,  mais  son  fils  : 

Pour  ce  que  tu  ne  sces  tes  pars. 
Je  te  deffens  tigres,  lieppars, 
Lyons,  senglers,  ours  ne  licornes 
Et  cerfs  qui  ont  agues  cornes... 
Bien  veul  que  tu  mettes  cure 
A  chasser  singes,  biches,  dains, 
Lièvres  et  connins, 

De  même  dans  Ronsard  : 

Chasse  les  daims  légers  et  les  sauvages  chèvres, 
Et  les  cœurs  effrayez  des  connils  et  des  lièvres 

(T.  IV,  242,  bibl.  elz.). 
P.  2  5g,  v.  400.  —     Elle  (la  bête)  en  frémit  de  rage,  écume  et  tourne  tête. 
Et  son  poil  hérissé  semble  de  toutes  parts 
Présenter  au  chasseur  une  forêt  de  dards. 

Il  y  a  dans  la  Chasse  au  sanglier  par  Cl.  Gauchet,  des  vers  qu'on 
peut  comparer  avec  eaux  de  La  Fontaine  : 

Et  faisant  teste  aux  chiens  escumante  s'accule. 
Elle  dresse  son  poil  et  soufflant  des  nazeaux. 
Menasse  les  chasseurs,  les  chiens  et  les  chevaux 

\Poés.,  237,  bibl    elz.) 
P.  367,  V.  537.  —    Il  cherche  encore  un  coup  la  lumière  des  cieux. 

Réminiscence  évidente  de  ce  délicieux  vers  de  Virgile  : 

Quœsivit  cœlo  lucem  ingemuiîque  reperta.     (Enéide,  IV,  692.) 
P.  325,  V.  i3o.  —     L'art  est  long  et  trop  court  les  termes  de  la  vie. 

Traduction  assez  languissante  du  célèbre  apophtegme  d'Hippocrate  : 
«  L'art  est  long,  mais  la  vie  est  courte  ». 
P.  33o,  V.  177.  —  C'est  sa  guide... 

La  note  qui  explique  pour  quelle  raison  guide  est  ici  féminin,  es<  à 
effacer.  Voir  le  Dict.  de  Liltré. 


D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE  l5 

P.  336,  V.  288.  —    Il  nous  faut  par  des  pleurs  ouvrir  notre  carrière. 
La  Fontaine  se  rappelait  sans  aucun  doute  ce  beau  passage  de  Pline  : 
c  Itaque  féliciter  natus  jacet. ..,  /lens,  animal  cœteris  imperaturum, 
et  suppliciis  vitam  auspicatur  (I,  5). 
p.  338,  V.  16.  — "  Les  destins  avec  lui  (Louis  XIV)  semblent  être  d'accord. 
Est-ce  un  souvenir  de  ce  vers  de  Boileau  dans  le  passage  du  Rhin? 
Le  destin  à  ses  yeux  n'oseroit  balancer. 

J'ai  un  reproche  à  faire  aux  éditeurs  :  ils  font  beaucoup  trop  voyager 

le  lecteur.  Ainsi  la  note  3  de  la  page  366  de  ce  volume  renvoie  à  la 

page  34  note  8,  laquelle  vous  renvoie  encore  au  t.  V,  p.  79  et  note  6. 

Comme  je  suis  assez  patient,  je  cherche  à  Tendroit  indiqué,  espérant 

bien  cette  fois  être  au  bout  de  ma  course.    Il  n'en  était  rien  :  on  me 

donne  une  nouvelle  adresse,  le  t.  IV,  p.  276  et  note  2.  Je  prends  dans 

ma  bibliothèque  le  t.  IV,  je  cherche  la  page,  la  note,  et  l'on  me  dit  de 

recourir  au  t.   III,  p.  122,  etc.  On  comprendra  que  je  n'aie  pas  voulu 

aller  plus  loin. 

A.  Delboulle. 


1 


3o3.  —  Catalogue  du   cabinet  des   livres  de   Cliantilly.    Spécimen  rédigé 
par  M.  Emile  Picot.  Paris,  Damascène  Morgand,  1890,  grand  in-8  de  48  p. 

Les  beaux  livres  de  Mgr  le  duc  d'Aumale  sont  représentés  dans  ce 
spécimen  par  3i  articles  (i  pour  la  théologie,  i  pour  la  jurisprudence, 
4  pour  l'histoire  et  25  pour  les  belles-lettres).  La  rédaction  du  catalo- 
gue est  telle  qu'on  pouvait  l'attendre  d'un  bibliographe  consommé  tel 
que  M.  Picot,  et  l'impression  est  telle  qu'on  pouvait  l'attendre  d'un  im- 
primeur aussi  habile  que  M.  Dunel.  Les  titres  avec  leurs  bois  sont  re- 
produits avec  une  admirable  fidélité  sur  un  magnifique  papier.  Les  des- 
criptions de  chaque  livre  sont  accompagnées  de  notes  qui  complètent  et 
rectifient  les  travaux  précédents.  C'est  ainsi,  pour  nous  en  tenir  à  quel- 
ques exemples,  que  nous  lisons  (p,  y),  à  propos  de  l'édition  du  Stille  de 
Parlement  donnée  vers  i52o  par  Jacques  Nyverd  :  «  M.  Brunet  ne 
cite  pas  cette  édition.  M.  Ernest  Langlois  dit  à  tort  dans  ses  Notices 
des  manuscrits  français  et  provençaux  de  Rome,  1889,  p.  291,  que  le 
livret  imprimé  au  commencement  du  xvi°  siècle  reproduit  des  instruc- 
tions abrégées  qui  se  trouvent  dans  plusieurs  manuscrits  à  la  suite  du 
Stilus  Parlementi  de  Guillaume  Du  Breuil  et  qui  se  rencontrent  aussi 
séparément.  C'est  un  ouvrage  tout  différent.  Notre  livret  ne  se  confond 
pas  non  plus  avec  le  Brief  Traité  sur  le  stille  et  forme  de  poursuivre 
plusieurs  matières  en  la  court  de  parlement,  etc.  contenu  dans  le  ms. 
fr.  2840.  »  Veut-on  des  renseignements  aussi  précis  que  complets  sur 
Le  Grant  blason  desfaulces  amours?  Les  voici  (p.  11)  :  «  Nous  assi- 
gnons à  cette  édition  la  date  approximative  de  i5i4,  parce  qu'elle  a  dû 
être  publiée  en  même  temps  que  Tédition  du  Contre  Blason  décrite  ci- 
après,  laquelle  a  été  exécutée  entre  1 5 1 2  et  1 5 1 5.  Parmi  les  ouvrages  en 


l6  REVUK    CRITIQUE 

vers  composés  dans  le  dernier  quart  du  xv"  siècle,  il  n'en  est  aucun  qui 
ait  eu  plus  de  succès  que  le  Blason  des  faidces  amours.  Ce  succès  est 
attesté  par  plus  de  2 '^  éditions  imprimées  entre  i486,  date  de  celle  de 
Pierre  Levet,  et  16 14,  date  de  celle  de  Pierre  Menier.  Le  Blason  n'était 
pas  même  oublié  dans  la  seconde  moitié  du  xvii*'  siècle,  puisque  La  Fon- 
taine a  fait  au  moine  de  Lyre  l'honneur  de  Timiter  et  de  reproduire  la 
disposition  de  ses  strophes.  L'ouvrage  de  Guillaume  Alexis  a  été  repro- 
duit par  les  soins  de  Le  Duchat  à  la  suite  des  Qiiin\e  joyes  de  mariage 
(La  Haye,  Rogissart,  i726,in-i2).  M.  G.  Brunet  en  a  donné  une  réim- 
pression moderne  (Genève,  Guy,  1867,  in- 16).  »  Au  sujet  du  Contre 
blason  des  faulces  amours^  M.  P.  rappelle  (p.  i2-i3)  qu'il  a  montré 
(no  73  de  Romania,  1890),  que  l'auteur  devait  s'appeler  Estrées,  que  le 
prince  et  la  princesse  à  qui  l'ouvrage  est  dédié  sont  Charles  de  Croy, 
mort  en  i52i,  et  Louise  d'Albret,  sa  femme,  morte  en  i53i,  que  la  date 
indiquée  en  acrostiche  est  celle  de  1 5 12,  et  il  relève  ainsi  une  plaisante 
erreur  d"un  des  doyens  de  la  bibliographie  :  «  Le  poète  était  un  povre 
simple  frère  hermite  et  immérité  jprestre  religieux;  c^est  ce  qu'il  nous 
apprend  lui-même  dans  son  prologue.  La  Croix  du  Maine,  qui  avait 
mal  lu  le  logogriphe,  avait  cru  que  Charles  de  Croy  était  le  nom  du 
poète,  réduisant  ainsi  à  l'état  de  pauvre  ermite  le  prince  qui  fut  chargé 
de  tenir  Charles-Quint  sur  les  fonts  baptismaux.  »  Diverses  omissions 
de  l'auteur  du  Manuel  du  Libraire  sont  comblées  ça  et  là,  notamment 
p.  14:  «  M.  Brunet,  qui  décrit  deux  éditions  du  Testament  [de  Jehan 
MolinetJ,  ne  cite  pas  celle-ci  [Paris,  vers  i52o]  ;  il  n'a  pas  connu  non 
plus  rédition  de  Troyes,  iSgS,  dont  la  bibliothèque  de  Wolfenbûttel 
possède  un  exemplaire  ^  »  Un  homonyme  de  l'auteur  du  Manuel  du 
Libraire,  M.  Gustave  Brunet  (de  Bordeaux)  a  mis  au  nombre  des  Li- 
vres perdus  (Bruxelles,  1882,  in-8°,  p.  20)  La  Couvée  des  Anglais  et 
des  Espaignol^  qui  ont  cuyde  descendre  en  Bretaigne.  M.  P.  décrit 

I.  Ce  ne  sont  pas  seulement  les  omissions  de  Brunet  qui  sont  signalées,  mais 
aussi  ses  méprises.  La  complaincte  de  la  cité  crestienne  (vers  ib^b)  contient,  dit 
M.  P.(p.  191,  une  vue  de  ville  que  Brunet  (II,  i  iSy)  dit  à  tort  être  une  vue  de  Nancy; 
c'est  en  effet  une  vue  de  Paris,  et  c'est  probablement  l'une  des  plus  anciennes  que  l'on 
puisse  citer.  Je  me  reprocherais  de  ne  pas  mettre  sous  les  yeux  du  lecteur  cette  im- 
portante note  (p.  20)  :  «  La  complaincte  de  la  cité  creitiemie  est  l'œuvre  de  Pierre 
Gringore,  qui  y  déplore  le  dommage  causé  à  l'Eglise  par  l'hérésie  des  Luthériens.  Du 
Yerdier  cite  cette  pièce;  il  indique  même  exactement  l'édition  que  nous  venons  de 
décrire;  mais  on  n'en  connaissait  jusqu'ici  qu'un  simple  fragment  (Biblloth.  nat., 
Rés.,  Y  bi33,  c.  I,  art.  3),  et  l'attribution  à  Gringore  restait  toujours  assez  incertaine. 
L'exemplaire  complet  que  nous  décrivons  la  justifie  :  il  se  termine  en  effet  par  l'acros- 
tiche et  par  la  devise  du  poète.  »  Cf.  une  note  de  la  p.  17  contenant  l'énumération 
par  ordre  chronologique  des  neuf  ouvrages  de  P.  Gringore  qui  nous  sont  parvenus, 
énumération  d'une  minutieuse  t\zcin\xàt,  comme  on  le  voit  dès  la  première  ligne 
«  Les  Abus  du  monde  parurent  pour  la  première  fois  au  mois  d'octobre  1009.  ' 
Indiquons  d'autres  curieuses  et  savantes  notes  sur  le  poète  Michel  Boucher  (p.  2'), 
sur  les  iîegrefjj-  de  Picardie  et  de  Touniay  (i522),  insérés  par  Le  Roux  de  Lincyl 
dans  son  Recueil  des  chants  historiques  français  {U,  140-149),  avec  la  fausse  date  dej 
1543  (p.  29},  etc. 


^ 


d'histoire  et  de  littérature  17 


(sur  le  n°  25)  cette  pièce  dramatique  (Paris  vers  i523)  dont  le  titre  seul 
était  connu  jusqu'ici,  de  même  que  sous  le  numéro  précédent  il  a  décrit 
(p.  39)  une  Farce  nouvelle  à  troy  s  personnages  (Paris,  vers  i52o),  qui 
est  restée  inconnue  à  tous  les  bibliographes. 

La  haute  valeur  du  spécimen  publié  par  M.  Emile  Picot  permet  dès 
à  présent  de  déclarer  que  le  Catalogue  du  cabinet  des  livres  de  Chan- 
tilly sera  entièrement  digne  de  cette  admirable  collection. 

T.  DE  L. 


Lettre  de  M.  Michael  et  réponse  de  M.  Pfister. 

Veuillez  me  permettre  de  vous  faire  quelques  courtes  observations  sur  l'apprécia- 
tion qu'un  de  vos  collaborateurs  vient  de  publier  dans  votre  estimable  feuille  sur  ma 
brochure  «  Rankes'  Weltgeschichte  »  (mai  19,  p.  392).  Depuis  bien  des  années,  je 
suis  lecteur  attentif  de  votre  Recueil;  j'en  ai  conçu  une  haute  idée  et  je  sais  apprécier 
toute  la  valeur  de  ses  articles.  C'est  pourquoi  je  ne  me  serais  jamais  attendu  à  y  trou- 
ver tant  d'inexactitudes  en  si  peu  de  lignes.  M.  Ptister  n'a  évidemment  pas  lu  mon 
travail  avec  l'attention  requise  pour  en  faire  un  rapport  objectif  conforme  à  la  vérité. 
Il  me  fait  souvent  dire  le  contraire  de  ce  que  j'ai  avancé  dans  ma  brochure,  et  je  crois 
rendre  un  service  à  la  Revue  et  à  vous,  Monsieur  le  Directeur,  en  signalant  ici  quel- 
ques-unes de  ses  erreurs.  Ainsi,  par  exemple,  il  n'est  pas  vrai  que  «  je  ne  saurais 
reconnaître  aucune  valeur  à  l'histoire  universelle  de  Ranke,  parce  que  les  desseins  de 
la  Providence  lui  échappent  dans  l'histoire  et  qu'il  explique  les  événements  par  des 
motifs  purement  humains  ;  parce  qu'il  a  comparé  le  sacrifice  d'Isaac  à  celui  d'iphi- 
génie;  parce  qu'il  ne  croit  pas  à  la  réalité  objective  de  la  vision  de  Constantin; 
parce  qu'il  a  trouvé  les  prétentions  de  Grégoire  Vil  nouvelles  et  excessives;  parce 
qu'il  a  appelé  Luther  un  grand  homme  ».  En  général,  ce  n'est  pas  vrai  que  «  je  ne 
saurais  reconnaître  aucune  valeur  à  son  Histoire  universelle  »,  que  <i  je  ne  lui  accorde 
que  certain  mérite  d'écrivain.  »  Aussi  est-ce  faux  de  dire  que  «  j'affirme  que  Ranke 
est  un  esprit  fort  étroit».  M.  Pfister  me  fait  pareillement  tort  par  son  assertion  géné- 
rale que  «  je  proteste  contre  les  jugements  favorables  rendus  sur  ce  livre,  notamment 
par  votre  collaborateur  M.  A.  Lefranc  7/  (Revue  critique,  t5  mai  1889,  p.  Sôg).  Enfin 
le  reproche  n'est  pas  fondé  que  je  me  suis  «  permis  de  parler  (de  R.)  de  façon  irré- 
vérencieuses. Tout  ce  que  j'ai  avancé  sur  Ranke  est  prouvé  par  ses  propres  paroles. 
11  n'a  jamais  été  considéré  comme  manque  de  respect  à  un  historien  de  faire  contre 
lui  de  sérieuses  observations  objectivement  fondées. 

Voilà,  Monsieur  le  Directeur,  ce  que  j'ai  cru  devoir  brièvement  observer  dans  l'in- 
térêt de  la  vérité  sur  l'appréciation  de  mon  écrit  dans  votre  honorable  feuille.  J'ose 
espérer  de  votre  impartialité  que  vous  voudrez  bien  vous  en  servir  pour  rectifier  les 
fausses  assertions  de  M.  Pfister.  Je  me  réserve  de  traiter  la  question  plus  longuement 
dans  un  autre  endroit. 

Emile  Michael, 

Je  crois  inutile  d'entrer  dans  une  longue  controverse  avec  M.  Michael,  à  propos  de 
son  insignifiante  brochure.  Il  juge  Ranke  à  un  point  de  vue  strictement  catholique 
et,  —  malgré  lui,  nous  en  sommes  bien  persuadés,  —  il  est  injuste  et  irrévérencieux 
a  son  égard.  Voici  quelques-uns  des  titres  placés  en  tête  de  ses  pages  :  «  Rankes 
Willkiir.  —  Neue  Paradoxa.  —  Subjektive  Evgûsse.  —  Ungerechtigkeit  Rankes. 
—  Sein  schlecht  verhullter  Hass  gegen  Rom.  —  Rankesche  Phraséologie.  —  Rankes 


l8  RKVUE   CRITIQUE 

Befangenheit.  — Andere  historische  VerstUsse.  —  Rankes  blinder  Glaube.  »  Voici 
maintenant  quelques  phrases  de  l'ouvrage  même;  p.  18  :  «  Was  wiinder,  dass  ihm 
fia-  Kirche,  Katholicismus  u.  Papsttum  jedes  tiefereVerst.indniss  abgehi?  »  P.  24  : 
«  Sein  Unglaube  ist  imi  so  gefàhrlicher,  da  sicit  devselbe  unter  einer  irugerischen 
Fonn  verbirgt  u.  durcit  salbungsvolle  Sprûchleinfur  viele  unkenntlichwird.-»  P.  45: 
Ranke  fùlirt  eine  doppelte  Sprache,  er  misst  die  Dinge  nicht  yiach  objektivem  Wert, 
sondern  nach  den  Eingebungen  seiner  Sympathie.  Diirch  dièse  werden  vielfach  seine 
so  hoch  gerûlimten  historischen  Portraits  bestimmt.  »  Voici  enfin  la  conclusion  de 
l'ouvrage  :  «  Es  xvird  nie  an  Verehrern  fehlen,  welche  die  Rankesche  Art  kunstvoll, 
génial  nennen.  Aber  es  giebt  aucli  einen  Geniekult,  mit  dem  der  Wahrheit  wenig 
gedient  ist.  »  Si  M.  Michael  croit,  en  écrivant  de  la  sorte,  parler  de  Ranke  sans 
«  irrévérence  »,  il  montre  une  grande  naïveté. 

Ch.  Pfister. 


LA  QUERELLE  DE  M.  CANTONI  CONTRE  M.  ROD. 

Mon  cher  Directeur, 

Vous  m'avez  chargé,  il  y  a  quelque  temps,  d'examiner  une  plainte  en  plagiat 
portée  par  M.  Alberto  Cantoni  de  Mantoue,  contre  M.  Edouard  Rod,  de  Genève, 
au  sujet  du  roman  de  celui-ci,  Le  Sens  de  la  Vie,  publié  en  février  1889  à  la 
librairie  Académique  et  couronné  par  l'Académie  française  (prix  de  Jouy).  M.  Can- 
toni déclarait  ce  roman  imité  d'une  sienne  nouvelle  «  L'altalena  délie  antipatie  » 
(La  Bnscule  des  Antipathies),  publiée  avec  deux  autres  études  Piii  persane  ed  un 
cavallo,  et  //  Demonio  dello  Stile,  dans  un  volume  édité  sous  ce  dernier  titre  par 
Barbera,  Florence,  1887.  —  D'après  lui,  ces  trois  nouvelles  sont  des  satires  du  pes- 
simisme dans  l'art,  dans  la  famille  et  dans  la  société,  et  elles  sont  «  à  base  d'intui- 
tivisme  ».  Il  résumait  ainsi  sa  querelle  sur  un  exemplaire  qu'il  m'a  adressé  du  Sens 
de  la  Vie  : 

«  Prière  de  comparer  la  présentation  monologuée  du  pessimisme  domestique  dans 
une  famille  composée  d'un  seul  jeune  père,  d'une  seule  jeune  mère  et  d'une  petite 
fille,  les  doutes  et  les  oscillations  dans  le  mariage,  la  peur  et  la  contrariété  dans  la 
paternité,  la  maladie  de  l'enfant,  même  le  sermon  à  la  petite  fille  inconsciente  (au 
bout)  qui  sont  dans  ce  volume  avec  la  deuxième  nouvelle  du  «  Démon  du  style  » 
1887.  M.  Rod  a  ajouté  à  lui  seul  ce  qui  a  rapport  avec  l'altruisme  et  la  religion. 
Aucun  extrait  du  Sens  de  la  Vie  n'avait  paru  avant  i88g.  » 

Et,  dans  une  note  inscrite  en  tête  du  Demonio  dello  Stile,  il  ajoutait  :  «  Prière  de 
comparer  la  seconde  nouvelle  de  ce  volume  satirique,  sa  mise  en  scène,  ses  person-^ 
nages  principaux,  sa  méthode,  son  plan  et  la  plus  grande  part  de  ses  épisodes  et  de 
ses  incidents  avec  le  Sens  de  la  Vie.  » 

M.     Cantoni    répondait    en    même    temps    à    une    objection    qu'on    n'aurait  pa8i 
manqué  de  lui  faire,  à  savoir  que  M.  Rod  a  donné  un  compte  rendu  de  son  livre,  et^j 
qu'il  est   peu  vraisemblable  dès  lors  qu'il  l'ait  pillé.  Sa   réponse  est  assez  subtile 
pour  que  je  la  cite  :  , 

<i  Si  vous  me  demandiez  pourquoi  M.  Rod,  après  m'avoir  pris...  ce  qu'il  m'a  pr'S»|J 
ait  néanmoins  parlé  de  mon  petit  livre,  deux  mois  avant  de  paraître  avec  le  sien, 
dans  la  Revue  suisse,  de  décembre  1888,  page  610,  je  vous  répondrais  que  ce  fût 
probablement  pour  pouvoir  dire  que  s'il  eût  admis  le  parallélisme,  il  ne  l'aurait  pas 
fait  du  tout  et  parce  que  je  venais  de  lui  envoyer,  quoique  très  tard,  un  exemplaire 
recommandé  du  Démon  du  style,  lui  ôtant  ainsi  sans  le  savoir  la  possibilité  de  se 
défendre  en  disant  d'avoir  ignoré  ma  nouvelle.  » 

M.  Cantoni  disait  du  reste,  très  galamment,  «  n'avoir  pas  le  plus  petit  intérêt 
matériel  dans  l'affaire  »,  et  ajoutait  que  «  rien  ne  lui  serait  plus  pénible  que  de  passer 
pour  un  revendicateur  de  prix  académiques  ». 


D  HISTOIRE  ET    DE    LITTERATURE  ig 

J'ai  lu  de  près  le  roman  de  M.  Rod  et  la  nouvelle  de  M.  C,  et  je  ne  puis  que 
redire  ici  ce  que  je  viens  d'écrire  à  M.  Cantoni,  au  sujet  de  ce  prétendu  plagiat  : 

i»  Ily  a  certainement  ressemblance  entre  VAltalena  et  le  Sens  delà  Vie,  au  sujet 
des  personnages  et  de  quelques  épisodes  (l'ennui  d'êire  père,  la  maladie  de  l'en- 
fant, le  discours  à  la  petite  fille).  Mais  on  ne  peut  dire  qu'il  y  ait  imitation,  car  long- 
temps avant  C.  et  R.,  on  a  eu  l'idée  de  mettre  en  scène  un  jeune  ménage  avec 
un  enfant  et  de  traiter  des  épisodes  de  la  vie  de  famille.  Dans  Monsieur,  Madame  et 
Bébé,  il  y  a  aussi  un  père,  une  mère  et  un  enfant,  un  père  parfois  ennuyé  de  l'être, 
une  maladie  de  l'enfant,  un  discours  (et  même  plusieurs)  au  petit  entant  inconscient. 
Cependant,  ni  Rod  ni  Cantoni  n'ont  imité  Droz.  Voilà  pour  la  matière  du  roman; 

20  Quant  à  la  méthode  littéraire  et  à  l'esprit  du  roman,  je  ne  comprends  pas  que 
M.  Cantoni  ait  pu  croire  à  une  imitation.  La  nouvelle  italienne  est  satirique  et 
humoristique  (c'est  là  sa  principale  qualité),  tandis  que  celle  de  M.  Rod  est  pessi- 
miste, philosophique  et,  parfois,  à  mon  avis,  un  peu  prétentieuse  Dans  L'Altalena, 
'1  s'agit  d'un  homme  de  caractère  inquiet  qui.  après  diverses  alternatives,  finit  par 
trouver  la  paix  de  l'esprit  dans  la  vie  de  famille;  dans  le  Sens  de  la  Vie,  d'un  pes- 
simiste qui  découvre  que  le  toltoïsme  et  la  religion  sont  les  raisons  d'être  de  la 
vie.  M.  Cantoni  reconnaît  que  M.  Rod  a  ajouté  à  lui  seul  ce  qui  a  rapport  à  l'al- 
truisme et  à  la  religion  ;  mais  c'est  l'essentiel  dans  son  roman  ;  la  peinture  de  la 
famille  n'est  pour  ainsi  dire  que  la  préparation  de  ces  deux  dernières  parties.  —  Il  est 
surprenant  de  croire  que  M.  Rod  ait  imité  M.  Cantoni  ; 

3°  Du  reste,  il  y  a  presque  toujours,  «  depuis  quatre  mille  ans  qu'il  y  a  des  hom- 
mes et  qui  pensent,  »  des  imitations  involontaires  et  des  réminiscences  inconscien- 
tes. Si  je  voulais  faire  une  mauvaise  querelle  à  M.  Cantoni,  je  pourrais  lui  dire  que 
dans  VAltalena,  le  paragraphe  y,  page  63,  est  imité  de  la  préface  de  VAmi  des  Femmes, 
d'Alexandre  Dumas  II.  11  s'agit  du  mariage  considéré  comme  panacée  universelle; 
«  Perché  —  dato  che  l'ignoriate  —  quando  non  si  sa  come  addirizzare  una  creatura 
umana,  si  cura  sempre  col  matrimonio  .^..  Oh  universale  panacea  !  Basta  che  non  si 
sappia  più  come  tener  ritta  una  donna  isterica,  o  quasi  tisica,  o  peggio,  che  le  si  da 
marito.  Che  coôa  importa  se  guarirà  a  tuite  spese  dei  suoi  primi  nali  ?  Basta  che 
guarisca  Lei...  Oh  panacea  universale!  Oh  sciroppo  Pagliano!!  »  Ce  passage  ne 
semble-t-il  pas  être  une  réminiscence  —  abrégée  et  alourdie  —  du  célèbre  morceau 
qui  commence  par  «  Docteur,  je  suis  vraiment  inquiète  de  ma  flUe  »,  et  qui  finit  par 
«  et  que  la  nature,  qui  a  fait  la  sottise,  s'en  tire  comme  elle  pourra  »?  Il  est  très 
probable,  cependant,  que  M.  Cantoni  ne  songeait  guère  à  l'Ami  des  Femmes  en  écri- 
vant les  lignes  précitées  i. 

J'ai  mis  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs,  très  longuement,  les  réclamations  de 
M.  Cantoni  et  mes  réponses.  Quelques  ressemblances  évidentes  dans  des  détails  ma- 
tériels ne  m'empêchent  pas  de  penser  que  M.  Cantoni  a  tort  de  se  plaindre  d'avoir 
été  dérobé.  M.  Cantoni,  qui  cite  fréquemment  Horace  dans  sa  correspondance,  me  per- 
mettra de  le  renvoyer  à  ce  sujet  à  «  Publica  materies  privati  juris  erit...  »  Il  n'y  a  pas 
plagiat,  quand  l'esprit  d'un  roman  et  son  sujet  diffèrent  autant  de  ceux  de  VAltalena 
que  ceux  du  Sens  de  la  Vie.  Il  me  semble  hors  de  doute  que  M.  Rod  n'a  rien  pris  à 
M.  Cantoni,  et  que  son  compte  rendu  n'a  pas  eu  les  intentions  par  trop  machiavéli- 
ques que  lui  suppose  l'auteur  italien.  Que  si  mes  arguments,  au  surplus,  ne  suffisent 
pas  à  convaincre  et  à  rasséréner  M.  Cantoni,  que  ne  défère-t-il  le  serment  à  M.  Rod  ? 
J'espère  qu'il  s'en  tiendrait  à  une  explication  sincère  de  l'auteur  du  Sens  de  la  Vie: 
je  doute  que  cette  explication  diffère  beaucoup  des  miennes^. 

Veuillez  agréer,  mon  cher  directeur,  avec   mes  remerciements  pour  l'honorable 
mission  que  vous  m'avez  confiée,  mes  meilleurs  sentiments. 

Léon-G.  Pélissier. 


t.  Il  m'a  écrit  depuis  n'avoir  jamais  lu  cette  préface. 

2.  Il  serait  à  souhaiter,   pour  mettre  le  public   français  à  même  de  se  prononcer, 
que  Madame  Bentzon  publiât  la  traduction  qu'elle  a  faite  de  VAltalena. 


20  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOFRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

CHRONIQUE 

FRANCE.  —  M.  Abel  Lefranc  a  fait  tirera  part  son  instructive  étude  sur  les  On^j- 
ties  du  Collège  de.  France,  parue  dans  la  «  Revue  internationale  de  l'enseignement  » 
du  i5  mai.  On  y  trouve  nombre  de  détails  curieux  et  inédits  sur  les  lecteurs  royaux 
et  sur  le  premier  fonctionnement  de  l'institution  qui  fut  fondée,  non  point  formelle- 
ment, non  point  par  des  lettres-patentes  du  24  mars  i52qou  i53o  (qui  n'existent  pas), 
mais  sans  bruit  ni  apparat,  pour  ne  pas  alarmer  la  Sorbonne.  Notons  également 
tout  ce  que  dit  M.  L.  de  la  négligence  de  François  I",  de  son  peu  de  conviction, 
de  «  la  part  de  fantaisie  »  qu'il  apporta  dans  l'affaire  :  malgré  les  plus  séduisantes 
ordonnances  de  paiement,  les  lecteurs  durent  attendre  quatre,  cinq  ans  avant  de  tou- 
cher leur  traitement,  et  beaucoup  durent  plaider  pour  se  faire  payer.  M.L.  établit  la 
chronologie  précise  des  premiers  professeurs  ;  il  esquisse  la  physionomie  de  chacun, 
de  Danès,  «  le  chef  des  nouveaux  régents  »,  de  Jacques  Toussaint,  de  Vatable,  de 
Fine,  d'Agathias  Guidacerius,  de  Paradis  sur  lequel  il  a  trouvé  plusieurs  actes  au- 
thentiques inédits.  Enfin,  il  retrace  rapidement  le  combat  décisif  que  la  Sorbonne 
livre  aux  lecteurs. 


ACADEMIE    DB.S   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  2 y  juin  18 go. 

L'Académie  désigne  M  Ravaisson  pour  lire,  à  la  séance  publique  annuelle  des 
cinq  Académies,  au  moîs  d'octobre,  un  extrait  de  son  mémoire  sur  la  Vénus  de  Milo. 

M.  Ravaisson,  continuant  la  lecture  de  ce  mémoire,  expose  les  circonstances  de 
l'acquisition  de  la  statue  par  l'ambassadeur  de  France  à  Constantinople,  M.  de  Ri- 
vière. Il  réfuie  les  récits  légendaires  d'après  lesquels  la  Vénus,  encore  entière  au 
moment  de  la  découverte,  aurait  été  brisée  dans  une  lutte  entre  les  marins  français  et 
les  habitants  de  l'île;  il  n'est  pas  douteux,  dit-il,  que  la  statue  n'ait  été  découverte 
dans  le  même  éiat  où  elle  est  arrivée  au  Louvre,  c'est-à-dire  en  morceaux  et  sans 
bras.  Déposée  au  Musée,  elle  fut  transportée  à  l'atelier  de  restauration,  où  on  en 
assembla  les  morceaux,  non  sans  commettre  dans  ce  travail  quelques  fautes  qui  ont 
toujours  nui  depuis  à  l'intelligence  du  monument.  M.  Ravaisson  s'élève  à  ce  propos 
contie  «  cet  usage  si  général  des  restaurations,  presque  toujours  très  nuisibles  aux 
œuvres  d'art  des  temps  passés  ». 

M.  Jules  Girard  annonce  que  la  Commission  du  prix  Bordin  a  décerné  le  prix  au 
mémoire  unique  déposé  sur  cette  question  :  Examen  de  la  Géographie  de  Strabon, 
L'auteur  de  ce  mémoire  est  M.  Marcel  Dubois,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des 
lettres  de  Paris. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  M.  Deloche  continue  la  lecture  de  son  mé- 
moire sur  le  jour  civil  et  le  calcul  des  délais  légaux  en  Gaule. 

Après  la  période  franque,  sous  les  derniers  Carolingiens,  le  principe  de  la  person- 
nalité des  rois  disparaît  partout,  et  avec  lui  l'usage  de  compter  dilTéremment  les 
délais  légaux  selon  la  nationalité  des  parties.  Mais  il  reste  deux  classes  d'hommes, 
soumises  à  deux  lois  difterentes  :  les  clercs,  pour  qui  les  délais  sont  comptés  par 
jours,  selon  le  mode  romain;  les  laïques,  pour  qui  on  compte  par  nuits,  à  la  façon 
germanique.  Cette  distinction  est  établie  par  un  texte  de  l'abbé  Geofl'roi  de  Ven- 
dôme, au  XII'  siècle.  Mais,  précisément  vers  cette  époque,  l'intervention  de  plus  en 
plus  fréquente  des  clercs  et  des  lettrés  dans  les  actes,  notamment  dans  la  rédaction  des 
chartes  de  coutumes  et  de  commune,  provoque  une  réaction,  et  l'on  remarque  une 
tendance  à  revenir  dans  tous  les  cas  à  la  supputation  romaine  par  jours. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  l'abbé  Duchesne  :  Allahd  (Paul),  la  Persécution  de 
Dioclélien  et  le  triomphe  de  l'Eglise;  —  par  M.  Renan  :  Lefranc  (Abel),  les  Origi- 
nes du  Collège  de  France;  —  par  M.  Senart  :  Iadrintseff  (N),  Anciens  caractères 
trouvés  sur  des  pie)  res  de  taille  et  des  monuments  au  bord  du  Orkhon  dans  la  Mongo- 
lie orientale  ;  ~  par  M.  Delisle  :  i"  Molinier  (Auguste),  les  Obituaires  français  au 
moyen  âge;  7"  Deux  correspondants  limousins  de  Balu^e.  Lettres  inédites  de  Pradi- 
Ihon  de  Sainte- Anne  et  de  M.  du  Verger  {lùgs-iùgS),  publiés  par  Emile  du  Boys. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  tuy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  si. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N^  28  -   14  juillet  -  1890 


Sommaire  s  3o4.  Whitney,  Grammaire  sanscrite.  —  3o5.  Loch,  Les  épitaphes 
grecques.  —  3o6.  Papadimitracopoulos,  La  prononciation  erasmienne.  —  Soy. 
Bresslau,  Manuel  de  diplomatique,  1.  —  3o8.  Knuttel,  Les  pamphlets  de  la  bi- 
bliothèque de  La  Haye.  —  3og.  Gûnther,  Kepler  et  le  magnétisme  terrestre.  — 
3io.  ScHipPER,  Shakspeare  et  Bacon.  —  3ii.  Neri,  Etudes  bibliographiques  et 
littéraires. —  3  12.  Souiches,  Mémoires,  p.  p.  Cosnac  et  Portal,  v-ix. —  3i3.  Puy- 
MAiGRE,  Jeanne  d'Arc  au  théâtre.  —  314.  Mme  Kraft-Bucaille,  Causerie  sur  la 
langue  française.  —  3i5.  Seignobos,  Histoire  de  la  civilisation  contemporaine.  — 
3 16.  Maugras,  Journal  d'un  étudiant  pendant  la  Révolution.  —  317.  Patorni, 
Abd-el-Kader.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


304.  —  William  Dwight  Whitney  :  A  Sanskrit  Gramimar,  including  both  the 
Classical  Language,  and  the  Older  Dialects,  of  Veda  and  Brahmana.  Second 
(revised  and  extended  édition).  Leipzig,  Breilkopf  and  Haertel.  London,  Trûbner 
and  Co.  1889,  xxv-332  p.  in-8. 

En  rendant  compte  de  la  première  édition  de  la  grammaire  de 
M.  Whitney  ^,  j'ai  indiqué  les  caractères  généraux  de  Touvrage,  et  j'ai 
rendu  homrnage  aux  admirables  qualités  qui,  dès  son  apparition,  l'ont 
mis  aussitôt  hors  de  pair.  Je  n'ai  donc  plus  à  décrire,  encore  moins  à 
recommander  de  nouveau  un  livre  qui,  depuis  dix  ans,  est  dans  toutes 
les  mains,  et  je  me  bornerai  à  indiquer  brièvement  en  quoi  se  distingue 
cette  seconde  édition.  C'esl  à  bon  droit  que  M,  Whitney  la  déclare 
«  revue  et  augmentée  ».  Le  nombre  et  l'ordre  des  paragraphes 
sont  restés  les  mêmes,  de  façon  que  toute  référence  à  Tancienne  édition 
reste  valable  pour  la  nouvelle  ;  mais  le  nombre  de  leurs  subdivisions  a  été 
considérablement  augmenté,  et  à  peine  en  est-il  un  seul  qui  n'ait  reçu 
quelque  addition.  L'auteur  y  a  incorporé,  en  tant  qu'elles  concernent 
la  grammaire  générale,  les  données  recueillies  et  publiées  par  lui  sous 
forme  de  supplément  en  i885  ^.  II  a  aussi  mis  à  profit  les  obser- 
vations de  M.  Holzmann  ^  et  celles  d'autres  savants.  Les  anomalies, 
les  exceptions,  les  exemples,  tant  pour  la  phonétique  et  la  morpho» 
logie  que  pour  la  syntaxe,  ont  été  multipliés  ou  enregistrés  d'une 
façon  plus  complète.  La  statistique  de  la  langue  est  devenue  encore 
plus  riche  et   plus   précise.   La  rédaction    même,  déjà    si   irréprocha- 


i.  Revue  critique  du  11  juillet  1881. 

2.  The  Roots,  Verb-fonns  and  Primary  Derivatives  of  the  Sanskrit  Language, 
Leipzig,  Breitkopf  and  Hœrtel,   i885. 

3.  Grammatisches   aus  dem  Mahabharata.  Ein    Aiihang    ^u   W.  D.    Whitney  s 
Indischer  Grammaiik.  Ibidem,  1884. 

Nouvelle  série,  XXX.  28 


22  REVUE    CRITIQUE 

ble,  a  vu  disparaître  ses  dernières  imperfections.  Les  chapitres  relatifs 
à  l'alphabet  et    à    la   phonétique    ont    été    portés    ainsi   de   79   pages 
à  87,  avec  une   augmentation   d'un    dixième;  pour   Tenseinble,  cette 
augmentation   a  été  d'un  huitième,   55 1    pages  au    lieu   de   485.   Et, 
pour  bien  apprécier  ces  chiffres,  il  faut  se  représenter  comment  ils  se 
décomposent;  il  faut  y  voir  le  total  de  milliers  d'additions  dont  les  plus 
étendues  dépassent  rarement  les  proportions  d'un  membre  de  phrase. 
Quant  aux  suppressions,  comme  on  pouvait  s'y  attendre  en  une  œuvre 
d'une  doctrine  si  sûre,  elles  ont  été  infiniment  moins  nombreuses.  En 
me  reportant  à  des  cas  qui  m'avaient  frappé  jadis,  je  n'en  ai  relevé  que 
deux  :  au  paragraphe  21,  M.  W.  a  retiré  une  observation  sur  Torigine 
relativement  récente  de  la  prononciation  samvrita  de  Va  bref,  et  au 
paragraphe  69  il  a  atténué  son  verdict  sur  le  caractère  purement  théo- 
rique du  jihvâmûliya  et  de  Vupadhmdniya.  Sur  ce  dernier  point,  j'aurais 
aimé  trouver  une  rétractation  plus  complète.   Les  inscriptions  ne  per- 
mettent pas  de  douter  de  l'usage  pratique  de  cette  notation.   Dans  des 
parties  écartées  de  l'Inde,  comme  le  Cashmire,  elle  s'est  conservée  jus- 
qu'à une  époque  toute  récente  dans  l'écriture  des  manuscrits  et,  peut- 
être,   a-t-elle  laissé  une  trace    dans    les  fluctuations  de  l'orthographe 
commune  pour  le  groupe  de  sifflante  -|-  k,  kh;    car,   dans   plusieurs 
alphabets  archaïques,  ii  est  difficile  de  distinguer  le  sh  du  jihvâmûliya. 
Par  contre,   une   addition,  si  je  la  comprends  bien,  est  de  trop  ;    au 
paragraphe  5/1  c,  à  propos  du  sens  bénédifeùf  attribué   par   les  gram-j 
mairiens  à  l'impératif  en  tât^  M.  W.  ^ute  cette  fois  :  «  No  instance 
of  such  use  appears  to  be  quotable.  »  Il  faut  que  je  ne  saisisse  pas    bien 
la  portée  de  l'observation;    car  l'usage  très  fréquent  de  cette   forme, 
précisément  dans  les  stances  de  bénédiction,  ne  peut  faire  doute. 

En  fait  d'omissions,  il  va  sans  dire  qu'il  n'y  a  rien  d'important  à  signa- 
ler. Peut-être  M.  W.  aurait-il  pu  dire  que  la  contraction  de  saisha  pour 
sa  eslia  est  si  fréquente  dans  la  langue  épique  qu'on  pourrait  tout  aussi 
bien  la  présenter  comme  étant  la  règle.  J'aurais  aussi  voulu  voir  du 
moins  discuter  les  formes  verbales  avec  infixe  préjoratif  ak  mentionnées 
par  Patanjali  et  par  d'autres  grammairiens,  et  dont  M.  Aufrecht  croit 
avoir  trouvé  un  exemple  dans  le  Kaushttaki  Brâhmana  ^  M.  W.  a 
relevé  assez  de  formes  rares  et  même  uniques  pour  admettre  encore 
celle-ci.  Enfin,  je  regrette  qu'il  n'ait  rien  dit  des  optatifs  avec  la  signifi- 
cation du  passé  que  M.  Holtzmann  a  signalés  dans  le  Mahàbhârata  ^.  ., 
Depuis,  j'en  ai  relevé  d'autres  dans  des  inscriptions  du  Cambodge  ^  et, 
dans  celles  de  Campa,  préparées  par  feu  Bergaigne  et  qui  paraîtront 
prochainement,  ces  exemples  ne  se  comptent  pas  *.  La  même  dépra- 

1.  Zeitschr.  d.  Deutsch.  Morgenl.  Gesellsch.  XXXIV,  p.  175. 

2.  Grammatisches  aus  dem  Ma'iabharata,  p.  42. 

3.  Inscriptions  sanscrites  du  Cambodge,  XV  A,  2  et  5;  B,  4. 

4.  Dans  le  Mahâbhâraia  et  au  Cambodge,  les  cas  se  réduisent  à  des  optatifs  de  la 
forme  iyât,  bhûyât,  ce  qui  peut  s'expliquer  comme  une  sorte  de  pracritisme.  Mais 
à  Campa,  la  coufusion  s'est  étendue  à  des  optatifs  de  ihèaies  en  a,  comme  bhavet. 


d'histoire  et  de  littérature  23 

vation,  apparaissant  à  des  distances  pareilles,  devient  privilégiée.  Elle 
est  un  des  rares  indices  qui  nous  permettent  de  supposer  que,  même 
en  sanscrit,  il  y  a  eu  parfois  une  règle  d'usage  en  contradiction  avec  la 
grammaire  officielle.  Comme  on  voit,  ce  sont  là  de  simples  vétilles;  et 
je  doute  fort  que  de  meilleurs  yeux  que  les  miens  en  trouvent  beaucoup 
d'autres  et  de  plus  graves.  Depuis  dix  ans,  l'œuvre  de  M.  Whitney 
est  notre  meilleure  grammaire  sanscrite.  Il  est  à  prévoir  qu'elle  le  res- 
tera longtemps  encore. 

A.  Barth. 


3o5.  —  De  xitulls  grsecis  sepulcralibus.  Dissertatio  inauguralis  quam.... 
publiée  defendet....  Eduardus  Loch.  Regimonti,  ex  officina  Leupoldiana,  1890. 
In-8,  64  p. 

Cette  dissertatio  inauguralis  d'un  jeune  élève  de  M.  Gustave  Hirsch- 
feld  est  la  première  partie  d'un  travail  d'ensemble  sur  les  épitaphes  grec- 
ques, travail  dont  le  besoin  se  faisait  vivement  sentir  et  qui  promet  de 
fournir  d'intéressants  critériums  pour  fixer  la  date  et  la  provenance  des 
inscriptions.  Le  premier  essai  de  ce  genre  est  la  thèse  latine  de  M.  Vidal- 
Lablache  (1871  )  sur  les  épitaphes  d'Asie-Mineure;  le  second  en  date  est 
le  mémoire  de  M.  G.  Hirschfeld,  publié  dans  les  Kœnigsberger  Studien 
et  dont  nous  avons  rendu  compte  dans  la /^eyzie  (1888,  I,  p.  269).  Ces 
dcvLx  savants  s'étaient  surtout  occupés  des  inscriptions  qui  édictent  des 
clauses  pénales  à  l'adresse  de  ceux  qui  violeraient  les  sépultures; 
M.  Loch  a  laissé  de  côté  ces  textes,  qui  appartiennent  à  l'époque  de  la 
décadence,  pour  étudier  les  épitaphes  archaïques  (p.  1-12),  celles  du 
v«  siècle  (p.  12-17),  les  épitaphes  aitiques  (p.  17-57),  les  formules  des 
épitaph'^s  attiques  qui  se  rencontrent  dans  toute  la  Grèce  (p.  57-62). 
Chemin  faisant,  il  s'est  occupé,  après  M.  Brueckner,  des  bas-reliefs  qui 
décorent  les  stèles  attiques,  scènes  de  réunion,  banquets  funèbres,  et 
s'est  inscrit  en  faux  contre  Topinion  qui  place  ces  représentations  fami- 
lières dans  le  monde  élyséen  (p.  56).  Cette  partie  de  son  travail  est  insuf- 
fisante ;  M.  L.  ne  semble  pas  connaître  les  deux  mémoires  de  M.  Ravais- 
^on  (Ga\.  ArchéoL,  1876  et  Revue  de  l'histoire  des  religions,  t.  II), 
dont  les  idées  n'ont  été  que  partiellement  adoptées  par  M.  Furtwaen- 
gler  (Sammlung  Saburoff,  préface,  p.  i5  et  suiv.).  Mais  les  chapitres 
proprement  épigraphiques  de  la  dissertation  de  M.  L.  témoignent  d'un 
dépouillement  consciencieux  et  intelligent  des  textes,  d'où  il  a  tiré  plu- 
P  sieurs  observations  nouvelles.  M.  Koumanoudis  avait  cru  établir  ('Atti- 
v.r^q  èirtYp.  è-iT6[;.5toi,  p.  452)  que  dans  aucune  épitaphe  attique  avant 
Euclideon  ne  rencontre  le  démotique  du  défunt  ;à  la  suite  de  M.  Kirch- 
hoff,  M.  L.  montre  qu'il  faut  modifier  cette  règle  et  dire  seulement  que 
le  démotique  ne  se  trouve  dans  aucune  épitaphe  écrite  dans  l'alphabet 
attique  (tel  qu'il  était  usité  avant  Euclide).  On  doit,  en  effet,  attribuer 
au  v"  siècle,  comme  l'a  montré  M.  Koehler,  bon  nombre  d'épitaphes  où 


24  REVUE    CRITIQUE 

Talphabet  ionien  est  employé  avant  lu  .réforme  qui  l'introduisit  dans 
l'épigraphie  officielle.  L'absence  complète  de  la  formule  Xatps  dans  les 
épiiaphes  de  citoyens  athéniens  avait  déjà  été  signalée  ;  M.  L.  confirme, 
sur  ce  point,  la  doctrine  de  M.  Koumanoudis  et  écarte  le  témoignage  de 
l'inscription  C.  I.  A.  III,  2200,  qui  paraissait  faire  exception  à  la  règle. 
Les  études  de  l'auteur  sur  la  forme  des  noms,  l'indication  du  patrony- 
mique et  du  démotique,  sont  conduites  avec  beaucoup  de  méthode  et  at- 
testent une  louable  préoccupation  de  distinguer  les  époques. 

Le  latin  de  M.  Loch  est  convenable,  bien  qu'embarrassé  d'incises  qui 
trahissent  trop  souvent,  aux  dépens  de  la  clarté,  une  plume  germanique. 

Salomon  Reinach. 


3o6.  —  Th.  Papadimitracoaoulos,    Bâsavoj  tûv  Ttipt  t/;,   £»,/jvtxïjs  -po-^opxi  spx<!/j.ixûv 
à:Tooôi'?£cov.  Athènes,   iSSg.  In-8,  lo'-ySa. 

M.  Papadimitracopoulos  est  un  homme  studieux  et  passionné.  Il  en 
veut  à  Érasme.  Il  en  veut  aussi  à  M.  Blass  —  BAassioç  —  dernière 
incarnation  du  méchant  Hollandais.  Il  croit  volontiers  que  les  décou- 
vertes récentes  de  la  science  sur  l'évolution  et  la  prononciation  du  grec 
—  c'est  tout  un  —  sont  une  taquinerie  personnelle  d'Érasme  ou  de 
Blass  à  regard  de  M.  P.  et  des  Hellènes.  Pour  réfuter  Érasme  et  M. 
Blass,  il  écrit  un  livre  épais,  il  y  accumule  les  citations  ^,  et  ces  citations 
sont  exactes.  Il  a  recueilli  des  faits  en  grand  nombre;  est-il  besoin 
d'ajouter  que,  pour  les  comprendre,  la  méthode  a  fait  défaut?  Ce  serait 
dur,  mais  sincère. 

Nous  ferons  un  seul  reproche  à  M.  P.,  et  encore  est-ce  plutôt  un 
doute  que  nous  lui  soumettrons.  M.  Papadimitracopoulos  intitule  son 
livre  Bisavo;,  etc.  Ce  titre,  quand  on  cherche  dans  les  dictionnaires, 
finit  par  signifier  :  Critique  des  preuves,  etc.  Mais  le  Grec,  qui  n^a  pas 
de  dictionnaire  sous  la  main,  pense  immédiatement  au  moJerne  Baiavo, 
qui  veut  dire  supplice.  Pourquoi,  dès  le  seuil,  jeter  au  lecteur  cette 
prophétie  menaçante  ? 

Jean  Psichari. 


307.  —  H.   Bresslau.    Handbuch  dei-  Ui'kundenlelire    fui*   Deutscliland 

und  Italien.  Tome  I.  Leipzig,  Veit  et  C'«,  1889,  xxiv  et  99a  pp.  in-8. 


Si  la  longueur  d'un  compte-rendu  devait  être  en  proportion  de  li 
valeur  du  livre  auquel  il  est  consacré,  celui-ci  serait  extrêmement 
étendu.  Peu  d'ouvrages,  en  effet,  étaient  attendus  avec  plus  d'impatience 
et  seront  plus  utiles  que  le  Handbuch  der  Urkundenlehre  de  M.  Bress- 

i.  M.  P.  n'a  négligé  qu'un  seul  petit  article  de  la  Revue  critique  (iSS-j,  n°  i4> 
p.  261-208).  Il  est  vrai  que  cet  article  ruine  d'avance  toute  son  argumentation  et  rend 
le  livre  superflu.  —  Disons  aussi,  pour  être  complet,  que  partout  où  l'auteur  cite  du 
grec  moderne  (entre  autres,  p.  5ig,  n,  2),  il  le  cite  mal  et  sans  compétence  spéciale. 


i 


d'histoire  et  de  littérature  25 

lau.  Le  nom  de  Fauteur  est  ici  un  sûr  garant  de  l'excellence  de  l'œuvre. 
Dès  son  apparition,  le  livre  de  M.  B.  a  figuré  sur  la  table  de  tous  les 
diplomatistes  à  la  place  la  plus  proche  de  la  main. 

Le  manuel  de  M.  B.  aura  deux  volumes.  Le  premier  est  consacré  à 
la  partie  générale  de  la  diplomatique;  l'autre  contiendra  la  partie  spé- 
ciale. Comme  le  titre  l'indique,  l'auteur  n'a  pas  compris  dans  son  sujet 
l'ensemble  de  TEmpire  au  moyen  âge.  Des  trois  royaumes  dont  il  se  com- 
posait :  Allemagne,  Italie,  Bourgogne,  il  n'a  cru  devoir  s'occuper  que 
des  deux  premiers.  Pour  la  Bourgogne,  il  Ta  laissée  en  dehors  de  ses 
recherches.  Les  actes  dressés  dans  ce  pays  appartenant  scientifiquement 
à  la  diplomatique  française,  M.  B.  n'eût  pu  s'en  occuper  sans  altérer 
le  caractère  spécial  qu'il  a  voulu  donner  à  son  livre. 

Depuis  la  publication  du  Vei^such  eines  vollstclndigen  Systems...  der 
Diplomatik  de  Schônemann  en  1818,  c'est-à-dire  depuis  quatre-vingts 
ans,  il  n'a  plus  paru  de  traité  de  diplomatique  digne  de  ce  nom.  En 
comparant  l'ouvrage  de  M.  B.  avec  celui  de  son  devancier,  on  peut  se 
faire  une  idée  du  prodigieux  développement  de  la  science  pendant  cette 
période.  Les  travaux  de  Sickel,  de  Ficker,  de  Bohmer  et  de  tant  d'autres 
ont  renouvelé  et  précisé  la  méthode,  augmenté  les   moyens  d'infor- 
mation, mis  plus  de  souplesse  dans  la  critique  et  fait  enfin  de  la  diplo- 
matique, cette  science  qui  rend  à  l'étude  du  moyen  âge  autant  de  servi- 
ces que  l'épigraphie  à  celle  de  l'antiquité,  la  plus  exacte  peut-être,  des 
sciences  auxiliaires  de  l'histoire. 

Lelivre  de  M.  B.  n'est  pas  seulementun  exposé  des  travaux  antérieurs. 
Venant  après  des  maîtres,  et  maître  lui-même,  l'auteur  a  sur  bien  des 
points  apporté  des  solutions  nouvelles  et  fait  la  clarté.  Son  Handbuch, 
au  mérite  d'une  connaissance  impeccable  de  l'immense  littérature  du 
sujet,  joint  celui  d'être  un  ouvrage  original  et  de  première  main. 

Comme  je  l'ai  dit,  le  présent  volume  traite  de  la  partie  générale  de  la 
diplomatique.  L'auteur  a  réservé  pour  le  tome  II  l'examen  spécial  des 
caractères  internes  et  externes  des  chartes  et  diplômes.  La  liste  des  cha- 
pitres du  premier  volume  fera  apprécier  de  suite  la  valeur  de  son  con- 
tenu : 

I.  Objet  et  définition  de  la  diplomatique. 

IL  Histoire  de  la  diplomatique. 

III.  Des  diverses  parties  des  documents  diplomatiques  et  classification 
de  ces  documents. 

IV.  Originaux,  copies,  registres,  etc. 

V.  Archives  des  papes,  des  rois  francs  et  lombards,  des  empereurs, 
des  rois  de  Sicile,  des  princes  ecclésiastiques  et  laïcs,  des  villes. 

VI.  Chancellerie  des  empereurs  romains  et  chancellerie  des  papes. 

VII.  Chancelleries  des  rois  et  empereurs  francs,  allemands,  italiens. 

VIII.  Autres  chancelleries  d'Allemagne  et  d'Italie. 

IX.  La  preuve  par  document  écrit  au  moyen  âge. 

X.  Langue  des  documents  diplomatiques. 


26  REVUE    CRITIQUK 

XI-XI I.  Formulaire,  actes,  Vorurkunden  et  leur  rapport  avec  les 
documents  dressés  d'après  eux. 

XIII.  Pétition,  supplique,  consentement. 

XIV.  L'acte  juridique  et  sa  consignation  par  document  (Handlun g 
und  Beiirkiindiing' . 

XV.  Intervenientes  et  témoins. 

XVI.  Date. 

XVII.  Matières  sur  lesquelles  sont  écrits  les  documents  diplomati- 
ques. 

XVIII.  Écriture  des  documents. 

XIX.  Sceaux. 

Il  faudrait,  pour  donner  une  idée  de  la  richesse  de  ces  dix-neuf  cha- 
pitres, pouvoir  en  imprimer  ici  les  sommaires.  Tous  sont  également  au 
courant  de  la  science  et  pas  un  seul  n'est  écrit  de  seconde  main.  M.  B. 
a  tout  vu,  tout  contrôlé.  Là  même  où  il  semblerait  qu'il  ait  pu  se  con- 
tenter d'exposer  les  résultats  acquis  par  des  recherches  spéciales,  on 
trouve  encore  dans  son  livre  des  additions,  des  rectifications  de  détail. 
Il  n'y  a  pas  un  point,  si  minime  soit-il,  de  la  diplomatique  de  Tempire 
ou  de  l'Italie,  pour  lequel  il  ne  faille  désormais  consulter  son  Handbuch. 
Quelques-uns  des  chapitres  sont  neufs  d'un  bouta  l'autre.  L'histoire 
des  rapports  de  la  chancellerie  pontificale  avec  la  chancellerie  des  em- 
pereurs romains  (ch.  vi)  et  celle  de  la  pieuve  par  écrit  au  moyen  âge 
(ch.  ix)  appartiennent  complètement  en  propre  à  M.  Bresslau. 

Comme  on  le  voit  sutlisamment  par  cette  courte  analyse,  le  livre  de 
M.  B.  est  destiné  aux  diplomatistes  et  non  aux  étudiants  en  diplomati- 
que. Le  plan  du  travail  n'a  pas  été,  dans  ces  conditions,  ce  qu'il  aurait 
dû  être  si  l'auteur  avait  écrit  pour  des  commençants.  Le  public  auquel 
s'adresse  M.  B.  le  remerciera  d'avoir  surtout  insisté  sur  les  détails  et  ne 
songera  pas  à  lui  demander  des  divisions  plus  nettes,  des  catégories  plus 
tranchées,  une  allure  plus  systématique.  Tel  qu'il  est,  d'ailleurs,  le 
manuel  est  non  seulement  riche  et  original,  mais  aussi  très  commode. 
Chaque  page  est  pourvue  d'un  entête  spécial  qui  facilite  singulièrement 
les  recherches.  Ajoutons  que  l'impression  et  la  correction  du  volume 
sont  irréprochables. 

Il  serait  puéril  de  présenter  ici  des  critiques  de  détail.  M.  B.  a  par- 
couru un  champ  immense  dont  bien  des  parties  sont  encore  inexplorées. 
Il  a  vu  et  connu  tout  ce  qu'il  était  possible  de  voir  et  de  connaître,  lu 
tout  ce  qu'il  fallait  lire.  Humainement  parlant,  son  travail  est  donc 
aussi  consciencieux  qu'il  est  complet.  Il  serait  absurde,  par  exemple,  de 
lui  reprocher  de  n'avoir  pas  étudié  davantage  tant  de  chancelleries 
princières  ou  ecclésiastiques  de  second  ordre,  quand  on  sait  où  en  sont 
encore  aujourd'hui  les  études  de  diplomatique  privée.  Les  chancelleries 
des  Pays-Bas  qui  se  sont  constituées  plus  tôt  et  plus  régulièrement  que 
celles  des  autres  territoires  de  l'empire,  sont  passées  à  peu  près  complè- 
tement sous  silence  dans  son  livre.  Mais  qui  les  a  étudiées  jusqu'à  pré- 


i 


d'histoire    et    DR    LITTÉRATDRR  l'J 

sent?  Ni  Tévêché  de  Liège,  ni  le  comté  de  Hainaut,  ni  celui  de  Hol- 
lande, ni  le  duché  de  Brabant  n'ont  fait  encore  Tobjet  du  moindre  travail 
de  diplomatique.  D'ailleurs,  ce  qui  est  vrai  de  la  Bourgogne,  Test  en 
grande  partie  aussi  de  ces  contrées.  A  bien  des  points  de  vue,  les  docu- 
ments qui  y  ont  été  dressés  au  moyen  âge  rentrent  plutôt  dans  le  cadre 
de  la  diplomatique  de  la  France  que  dans  celui  de  la  diplomatique  de 
l'empire 

Sur  d'autres  questions,  M.  B.  s'attend  lui-même  à  n'avoir  pas  emporté 
tous  les  suffrages.  «  Sur  bien  des  points,  dit-il,  comme  par  exemple  sur 
la  classitication  des  documents  au  point  de  vue  formel,  il  sera  toujours 
difficile  d'obtenir  l'assentiment  unanime  des  spécialistes.  Cela  tient  à  ce 
que  le  moyen  âge,  abstraction  faite  de  la  chancellerie  pontificale  pen- 
dant les  derniers  siècles,  n'a  pas  connu  lui-même  ni  systématiquement 
appliqué  une  telle  classification.  Il  en  résulte  que  tout  essai  de  classifi- 
cation a  fatalement  quelque  chose  d'artificiel  et  cela  d'autant  plus  qu'il 
est  plus  compliqué.  Chacun  se  fait  à  lui-même  son  système  et  personne 
ne  parvient  à  faire  disparaître  toutes  les  objections.  Heureusement,  cette 
question  si  controversée  a  beaucoup  moins  d'importance  qu'on  ne  l'a 
dit  souvent.  »  Je  m'arrêterai  ici.  Le  comple-rendu  d'un  manuel  est  tou- 
jours difficile  à  faire.  Tout  manuel  court,  en  effet,  un  grand  risque  : 
celui  d'être  jugé,  non  d'après  ce  qu'il  est  er  ce  que  l'anteur  a  voulu  qu'il 
fût,  mais  d'après  ce  que  le  lecteur  voudrait  qu'il  eût  été.  Chaque  spé- 
cialiste a  dans  la  tête,  plus  ou  moins  précis,  le  plan  d'un  manuel  de  la 
science  dont  il  s'occupe.  11  faut  se  garder  contre  soi-même  pour  appré- 
cier le  travail  d'autrui.  Quand,  comme  c'est  ici  le  cas,  la  science  la  plus 
solide,  la  plus  grande  sûreté  d'informations,  l'intelligence  la  plus  com- 
plète des  questions  se  trouvent  réunies,  la  critique  n'a  pas  à  s'occuper 
de  tel  ou  de  tel  détail.  Elle  ne  peut  que  constater  avec  reconnaissance 
l'excellence  de  l'œuvre. 

H,   PlRENNE. 


3o8.  —  <^atalogus  van  de  Ramfletten-Verzameling  berustende  In  de 
Kontnkljke  Bibliotheek....  door  W.  P.  C.  Knuttel;  S'-Gravenhage, 
Allgemeene  Landsdrukkerij,  1889,  v,  SgS  p.  493  p.  pet.  in-4. 

Le  présent  catalogue  sera  le  bienvenu  auprès  de  tous  ceux  qui  ont 
à  s'occuper  de  l'histoire  des  Pays-Bas  et  de  l'histoire  générale  de  l'Eu- 
rope au  xvi^  et  au  xvii"  siècle.  La  collection  de  La  Haye  est  si  riche  en 
plaquettes  ou  feuilles  volantes,  relatives  aux  affaires  politiques  et  reli- 
gieuses du  temps,  que  le  répertoire  de  ces  trésors,  dressé  par  M.  Knuttel, 
est  bien  près  d'équivaloir  à  une  bibliographie  complète  de  la  matière. 
En  dehors  d'une  courte  introduction,  rédigée  par  M.  F. -A. -G.  Camp- 
bell, bibliothécaire  en  chef  de  la  Bibliothèque  royale  de  La  Haye,  les 
deux  volumes  de  M.  K.  ne  renferment  que  des  titres,  avec  quelques 
courtes  notes  explicatives  là  où  l'éditeur  les  a  cru  indispensables.  On 


2  8  REVUE   CRITIQIIS 

peut  Juger  par  là  quelle  masse  de  matériaux  est  accumulée  dans  ces 
mille  pages  de  texte,  et  que  de  pièces,  bien  inédites  pour  les  historiens 
actuels,  quoiqu'elles  soient  sorties  jadis  des  presses  néerlandaises  ou 
flamandes  en  un  grand  nombre  d'exemplaires,  renferme  cette  rubrique 
spéciale  des  collections  de  La  Haye.  Le  premier  volume  s'ouvre  avec 
l'avènement  de  Philippe-le-Beau  ;  le  second  se  termine  par  les  négocia- 
tions relatives  aux  traités  de  Westphalie  (1486-1648).  Ils  offrent  aux 
érudits  un  ensemble  de  plus  de  5, 800  pièces,  rentrant  toutes  dans  la 
catégorie  des  brochures  d'actualité  (ayant  de  un  à  trente  feuillets),  tirées 
d'ailleurs  dans  tous  les  formats  possibles  et  traitant  les  sujets  les  plus 
divers.  Ce  qui  frappe,  c'est  la  répartition  chronologique,  très  inégale,  de 
ces  pamphlets.  Quatre  seulement  se  rapportent  au  règne  de  Philippe-le- 
Beau  et  io3  à  celui  si  long  pourtant  et  si  mouvementé  de  Charles- 
Quint.  Évidemment,  le  chiffre  des  publications  d'alors  doit  avoir  été 
bien  plus  considérable,  en  réalité,  et  les  nôtres  ne  s'expliquent  que  par 
la  date  tardive  de  la  formation  des  collections  de  La  Haye.  Le  règne 
de  Philippe  II,  jusqu'à  la  déclaration  d'indépendance,  en  i58i,  compte 
466  pièces.  Mais  c'est  surtout  l'historien  de  la  guerre  de  Trente-Ans  qui 
maniera  les  volumes  de  M.  K.  avec  plaisir;  il  n'y  a  pas  moins  de  2,683 
pièces  relatives  aux  années  1620-1648,  et  Ton  y  trouvera  dorénavant  un 
guide  aussi  sûr  qu'abondant  en  renseignements  sur  les  mouvements  de 
l'opinion  publique  des  Pays-Bas  à  cette  époque.  Naturellement,  la  langue 
néerlandaise  est  celle  de  l'immense  majorité  des  auteurs,  généralement 
anonymes,  de  ces  feuilles  volantes.  Un  assez  grand  nombre  sont  écrites 
en  latin,  quelques-unes  en  français,  très  peu  en  allemand,  ce  qui  ne 
laisse  pas  d'étonner,  vu  les  rapports  suivis  de  la  République  avec  les 
états  protestants  du  Saint-Empire  romain.  On  n'analyse  pas  un  cata- 
logue de  ce  genre  ;  s''il  est  bien  fait,  on  le  signale  à  la  reconnaissance 
des  érudits,  et  nous  nous  empressons  de  satisfaire  à  ce  devoir.  Le  jour 
où  les  bibliothèques  de  Munich,  de  Berlin,  de  Wolfenbiittel  et  d'autres 
encore,  que  nous  pourrions  nommer,  publieront  des  répertoires  ana- 
logues à  celui  de  M.  Knuttel,  et  permettront  ainsi  de  prendre  connais- 
sance, autrement  que  sur  place,  des  vastes  collections  analogues  de 
brochures  contemporaines  qu'elles  recèlent,  un  desideratum  souvent 
formulé  par  les  travailleurs  sérieux  serait  réalisé,  et  leurs  administra- 
tions auront  bien  mérité  des  études  historiques. 

R. 


309,  —  s.  GÛNTHER.  Jfoliannes  Kepler  und  der  tellariscli-kosmlschc  Ma^ 

gnetismus.  Extrait  des  Georg.  Abhandl.  de    Penk.  Vol.  III,    fasc.  2.   Vienne, 
1888. 

L'on  ne  savait  guère  que  Kepler  au  cours  de  ses  spéculations  astrono- 
miques descendit  parfois  du  ciel  sur  terre  et  toucha  quelques  problèmes 
de  physique  du  globe.  M.  Brocard  de  Grenoble,  dans  son  Essai  sur  la 


•i 


d'histoire  et  de  littérature  29 

météorologie  de  Kepler  (1879-81)  revendiqua,  le  pfemier^  pour  Kepler 
ce  ikre  de  gloire  qui  lui  manquait.  Stimulé  peut-être  par  le  savant  tra- 
vail de  cet  «  étranger  »,  auquel  il  rend  hommage,  M.  Siegmund  Gtin- 
ther,  réminent  historien  de  la  géographie  mathémathique,  met  en  lu- 
mière la  part  que  prit  Kepler  au  développement  de  la  doctrine  du  ma- 
gnétisme terrestre  et  cosmique. 

Après  avoir  exposé  les  progrès  et  l'état  de  la  question  —  avec  un  sens 
critique  toujours  en  éveil  et  cette  impeccable  abondance  d'informations 
qu'il  a  déployée  déjà  dans  son  Lehrbuch  der  Geophysik  —  M.  G.  recher- 
che comment  la  théorie  s'est  formée  dans  l'esprit  de  Kepler.  C'est  la 
correspondance  de  l'astronome  avec  un  Mécène  allemand,  Herwart 
V.  Hohenburg,  chancelier  de  Maximilien  I^''  de  Bavière,  qui  livre  le 
secret  de  cette  genèse.  M.  G.  ne  laisse  pas  d'interroger  les  autres  œuvres 
et  rattache  cette  théorie  spéciale  à  la  cosmogonie  singulièrement  mystique 
de  Kepler.  La  conclusion  de  M.  G.  est  que  Kepler  s'est  convaincu, 
après  de  longues  études,  de  l'identité  de  la  pesanteur  avec  le  magnétisme 
terrestre  et  planétaire,  maïs  qu'il  a  commis  une  erreur  de  formule,  parce 
qu'il  considère  comme  foyer  d'attraction  non  le  globe  entier,  mais  sim- 
plement l'équateur. 

Il  suffira  d'indiquer  ici  que  Kepler  prend  désormais  rang  parmi  ceux 
qui  ont  servi  —  de  très  haut  —  la  géographie, 

B.  AUERBACH. 


3 10.   —  Dr.   J.  ScHipPER.   Zui*   Kritîk    tler    Sliakspere-Baconfragc.    Wien, 
18S9,  in-8,  IV,  99  pages. 

Shakspere  est-il  l'auteur  des  drames  et  des  poèmes  mis  sous  son  nom? 
Voilà  une  question  qui  pourra  surprendre  plus  d'un  lecteur  en  France, 
mais  qui  a  été  posée  depuis  de  longues  années  déjà  en  Amérique,  — 
jusqu'en  1882  elle  n'y  avait  pas  suscité  moins  de  deux  cent  cinquante-cinq 
mémoires  ou  articles  de  revue,  — et  qu'on  a  agitée  également  en  Angle- 
terre et  en  Allemagne.  Dans  ce  dernier  pays,  entre  autres,  le  comte  Vitz- 
thum  von  Echstadt,  en  1888,  a  publié  à  Stuttgard,  chez  Cotta,  un  li- 
vre ',  où  il  Texamine  et  la  résout  négativement.  Si  cet  ouvrage  paraît 
avoir  déterminé  M.  J.  Schipper  à  prendre  la  plume,  ce  n'est  pas  à  lui 
toutefois  qu'il  s'attaque  et  répond,  mais  à  celui  de  l'écrivain  américain 
Ignace  Donnelly,  paru  la  même  année  :  The  Great  Cryptogram  Fran- 
cis Bacons  Cipher  in  the  socalled  Shakespeare-Plajys,  publication  en 
deux  énormes  volumes,  l'une  des  plus  étranges  qu'aient  pu  inspirer  l'a- 
mour du  paradoxe,  ainsi  que  l'absence  la  plus  complète  de  tout  esprit 
critique  et,  disons  le  mot,  du  bon  sens  le  plus  vulgaire. 

Ce  nest  pas  Shakespeare  qui  a  composé  les  œuvres  mises  sous  son 
nom  ;  son  éducation  négligée,  sa  jeunesse  aventureuse  et  misérable,  la 
vulgarité  du  milieu  où  il  a  grandi,  l'ont  rendu  incapable  de  concevoir 

I .  Shakespeare  uiid  Shakspere.  Ziir  Genesis  der  Shakspeare-Dramen. 


3o  RKVUE  CRITIQUE 

et  d'écrire  des  drames  et  des  poèmes  aussi  admirables  et  passionnés';  il  a 
pu  jouer  les  pièces  qu'on  lui  attribue,  c'est  de  la  plume  de  Bacon  qu'el- 
les sont  sorties  ;  lui  seul  a  été  capable  de  produire  ces  chefs-d'œuvre  qui 
témoignent  d'une  connaissance  si  profonde  du  cœur  humain.  Et  ce  ne 
sont  pas  seulement  les  drames  shakespeariens  qu'il  a  composés,  mais 
encore  ceux  qui  sont  attribués  à  Marlowe.  Comment  Thomme  d'état 
a-t-il  pu  trouver  le  temps,  au  milieu  de  ses  nombreuses  occupations, 
d'écrire  tant  de  pièces  de  théâtre?  Comment  se  fait-il,  que  le  philosophe, 
qui  s'est  refusé  lui-même  tout  espèce  de  talent  poétique  —  /  prq/essnot 
io  be  a  poet,  a-t-il  écrit  quelque  part  —  en  a-t-il  pu  montrer  un  si  grand 
et  aussi  réel?  Enfin  pourquoi  Bacon  a-t-il  si  soigneusement  caché  qu'il 
était  l'auteur  de  drames,  qui  lui  auraient  procuré  tant  de  gloire  et  les 
a-t-il  mis  sous  le  nom  de  Shakespeare?  Voilà  quelques-unes  des  objec- 
tions principales  qu'on  peut  faire  à  ceux  qui  attribuent  à  Bacon  les  œu- 
vres du  grand  tragique  anglais.  M.  Donnelly  les  a  prévues  et  a  cherché 
à  y  répondre.  Il  lui  paraît  tout  simple  que  Bacon,  pour  se  reposer  sans 
doute  de  ses  graves  occupations,  ait  composé  des  pièces  de  théâtre, 
comme  il  lui  est  arrivé  d'en  faire  représenter  à  l'occasion  de  fêtes  qu'il 
donna;  on  voit  ce  que  vaut  la  raison.  Le  style  des  œuvres  philosophi- 
ques de  Bacon,  dit  encore  le  critique,  rivalisant  ici  avec  Mrs.  Pott,  qui, 
elle  aussi  soutient  cette  jolie  thèse  ',  offre  plus  d'une  ressemblance  avec 
celui  des  drames  shakespeariens,  et  il  fait  de  nombreux  rapprochements, 
qui  ne  prouvent  qu'une  chose,  c'est  que  Bacon  et  Shakespeare,  ce  qui 
ne  peut  surprendre  de  la  part  de  contemporains,  parlaient  la  même  lan- 
gue, celle  même  du  xvi*'  siècle.  Enfin,  Bacon  a  caché,  il  est  vrai,  qu'il 
était  poète  dramatique,  mais  c'était  pour  ne  pas  compromettre  son  cré- 
dit d'hom.me  d'état,  comme  si,  à  l'époque  où  il  vivait,  le  nom  de  poète 
n'avait  pas  été  une  recommandation,  bien  loin  d'avoir  été  une  cause  de 
discrédit;  —  M.  J.  S.  en  donne  de  nombreux  exemples. 

Mais  si  Bacon  s'est  tu  pendant  sa  vie,  il  n'a  pas  voulu  que  la  postérité 
restât  dans  l'ignorance  de  ce  qu'il  avait  fait;  elle  l'a  appris  dans  le 
a  grand  cryptogramme  »  découvert  par  M.  Donnelly,  et  qu'il  s'est  bien 
gardé  néanmoins  de  nous  faire  connaître  en  entier.  Ce  qu'il  nous  en  dit 
toutefois  suffit  pour  nous  édifier,  sinon  sur  la  paternité  poétique  de  Ba- 
con, du  moins  sur  l'état  intellectuel  de  M.  Donnelly.  Le  lord  chancelier 
a  bien  mis  ou  laissé  mettre  le  nom  de  Shakespeare  sur  les  drames  qu'il 
avait  composés  ;  il  les  a  même  laissé  publier,  après  la  mort  de  cet  auteur 
prétendu,  sous  son  nom  de  convention  ;  mais  il  a  pris  soin  d'avertir  la 
postérité:  si  on  n'en  a  rien  su  jusqu'à  notre  époque,  c'est  qu'on  avait  mal 
lu  les  œuvres  poétiques  du  philosophe.  M.  Donnelly  a  été  plus  habile 
ou  plus  heureux  ;  il  a  découvert  dans  le  Henri  IV  la  réfutation  de  l'er- 
reur si  longtemps  accréditée;  aux  pages  74,  y5,   yG  de  l'édition  prin 


I.  Mrs.  Pott,  n'est  pas  la  seule  femme  qui  ait  attribué  à  Bacon  les  drames  de  Shakes- 
peare ;  mais  s'il  a  eu  des  adversaires,  le  grand  tragique  a  trouvé  aussi  des  défenseurs 
parmi  le  sexe  faible. 


I 


D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE  3l 

ceps  se  trouvent  épars  les  mots  d'une  déclaration  qui  ne  laisse  plus  l'om- 
bre d'un  doute;  les  voici  tels  que  les  a  réunis  la  patience  du  voyant  amé- 
ricain : 

Seas  m  said  that  more  low  or  Shak'st  spiir  never  writ  a  word  ofihem  ; 
ce  qui  signifie  : 
Cecil  dit  que  Marlowe  ou  Sliakespere  n'en  ont  jamais  écrit  un  mot  (de  ces  drames). 

Qui  hésiterait  encore  à  croire  après  une  preuve  aussi  convaincante  ? 

On  pourrait  demander  pourquoi  M.  Donnelly  n'a  pas  trouvé  d'autres 
déclarations  dans  cette  pièce  ou  dans  les  autres  drames  de  Shakespeare; 
mais  celle-ci  suffit  sans  doute,  et  il  me  semble  même  que  c^était  assez 
de  la  citer  pour  réfuter  l'auteur  du  Great  Cryptogram;  on  ne  discute  pas 
avec  un  écrivain  capable  d'avancer  une  pareille  insanité.  M.  J.  S.  a  cru 
bon  de  le  faire  néanmoins;  il  s'est  attaché  entre  autres  à  venger  Shakes- 
peare de  l'indignité  que  M.  Donnelly  fait  peser  sur  lui  ;  il  a  rassemblé 
tous  les  témoignages,  —  depuis  la  diatribe  de  Robert  Greene  en  i5g2, 
jusqu'à  réloge  de  Milton  en  i632,  en  faisant  la  plus  grande  place, 
comme  de  juste,  aux  vers  admirateurs  de  Ben  Jonson,  —  qui  prouvent 
que  tous  les  contemporains  ont  vu  dans  Shakespeare  l'auteur  des  dra- 
mes et  des  poèmes  qui  portent  son  nom.  La  démonstration  est  complète  ; 
si  elle  n'était  pas  nécessaire  pour  quiconque  est  de  sang  froid,  elle  ser- 
vira à  montrer  à  quelles  théories  étranges  peut  conduire  un  esprit  para- 
doxal et  faux;  à  cet  égard  M.  J.  Schipper  n'a  pas  eu  tort  d'écrire  son 
livre,  et  il  m'a  semblé  qu'il  pouvait  y  avoir  aussi  quelque  intérêt  à  en 
parler,  —  même  un  peu  longuement,  —  ne  fut-ce  que  pour  mettre  les 
lecteurs  de  la  Revue  au  courant  d'une  polémique,  que  beaucoup  d'en- 
tre eux  peut-être  ignoraient. 

^  Ch.  J. 


3ii.  —  Achille  Neri.  Stadt  hibliografîci  e  letterari.  Gênes,  typ.  des  sourds- 
muets,  1890,  ia-i2  de  297  p.  Prix:  3  fr. 

M.  Neri  vient  de  réunir  en  volume,  en  les  remaniant  et  les  complé- 
tant, une  série  d'articles  parus  dans  diverses  revues.  On  notera  ceux 
qui  regardent  un  opuscule  ignoré  de  Giorgio  Sommariva,  poète  véro- 
nais  contemporain  de  Texpédition  de  Charles  VIII,  un  manuscrit  de 
musique  du  xvi^  siècle,  des  autographes  de  Chiabrera  et  la  Galatea  du 
même  poète,  quelques  traductions  de  Juvénal  (Leone  Allacci,  etc.),  la 
chronique  génoise  des  Stella,  publiée  par  Muratori,  la  dernière  œuvre 
de  Goldoni,  les  vieux  almanachs  milanais,  etc.  Je  signale  particulière- 
ment le  travail  sur  Goldoni  et  la  supplique  inédite,  par  laquelle  l'illustre 
écrivain,  vieilli  et  malade,  privé  par  le  décret  de  la  Convention  de  son 
traitement  annuel  sur  la  Liste  civile,  s'adressait  «  aux  Représentants  de 
la  République  françoise  pour  obtenir  de  leur  bienveillance  et  de  leur 
justice  les  moyens  de  subsister  pendant  le  peu  de  jours  qui  lui  restent  à 


32  REVUE    CRITIQUE 

vivre  avec  sa  femme  septuagénaire  ».  Cette  supplique,  d'un  ton  simple 
er  digne,  tut,  comme  on  le  sait,  écoutée.  Tout  le  volume  de  M.  Neri 
est  d'une  bonne  érudition,  consciencieuse  et  intéressante. 

P.  N. 


3  12.  —  Mémoires  du  marquis  de  Soui'ehes  «>ui*  le  règne  de  I^ouis'XIV, 

publiés    d'après  le    ms.  authentique    par  le  comte  de  Cosnac   (Gabriel  Jules)  et 
Edouard  Pontal.  Tomes  V-IX.  Paris,  Hachette,  1888-1889. 

La  publication  de  ces  mémoires  suit  son  cours  avec  une  régularité 
parfaite,   et   les  volumes  succèdent   aux  volumes,   sans   que   l'intérêt 
devienne  plus  vif.  C'est  toujours  un   recueil  des   on-dit  du  temps  de 
Louis  XIV;  plus  on  avance,    plus  on  trouve  de  phrases  commençant 
par  «  On  sut,  on  eut  avis,  on  apprit,  on  eut  iiouvelle,  on  disait,  on  par- 
lait de...  Si  le  lecteur  est  désireux  de  savoir  le  plus  ou  moins  bien 
fondé  de  ces  informations,  c'est  à  lui  à  chercher  ses  renseignements  ail- 
leurs. Le  marquis  de  Sourches  dit  parfois  que  la  nouvelle  annoncée  ne 
fut  pas  confirmée,  ou   même  qu'elle  se  trouva  fausse  ;  quant  à  ses  édi- 
teurs, leur  discrétion  est  beaucoup  plus  grande;  ils  n'ont  pas  cru  devoir 
contrôler.  Même  silence  relativement  aux  indications  que  l'on  pouvait 
espérer   d'eux  lorsque  Sourches   dit,  par  exemple,   à  la  date  de  i6g5, 
que  l'évéque  de  Langres  était  malade  (t.  IV,  p.  71).  Comment  se  nom- 
mait cet  évéque  ?  Lecteur  curieux,  vous  n'avez  qu'à  consulter  la  Gallia 
christiana  ou  les  autres  recueils  de  ce  genre  que  tout  le  monde  a  évi- 
demment sous  la  main,  et  vous  saurez  que  l'évéque  de  Langres,  mortWl 
en  1695,  à  l'âge  de  90  ans,  se  nommait  Louis-Marie-Armand  de  Cordes.  Il 
On  trouve  pourtant  çà  et  là  quelques  notes,  surtout  pour  constater  que^ 
tel  ou  tel  nom  est  resté  en  blanc  dans  le  manuscrit,  rarement  pour  il 
combler  les  lacunes  signalées. 

Mais  si  nous  voulons  savoir  combien  de  fois  Louis  XIV  a  eu  le 
dévoiement,  si  nous  désirons  compter  les  accès  de  fièvre  de  M™^  de 
Maintenon  ;  si,  en  un  mot,  nous  sommes  curieux  d'apprendre  ce  que 
peut  indiquer  un  apothicaire  de  profession,  le  marquis  de  S.  est 
sur  ces  matières  d'une  abondance  extraordinaire,  et  l'on  a  cru  s'aperce- 
voir qu'il  avait  entre  les  mains,  ce  grand  prévôt  de  France,  de  véritables 
journaux  d'apothicaire. 

Ajoutons,  pour  être  juste,  que  ces  mémoires,  généralement  si  secs, 
si  décharnés,  sont  parfois  d'un  intérêt  relatif,  notamment  quand  il  est 
question  de  la  jeune  princesse  de  Savoie,  devenue  duchesse  de  Bour- 
gogne, ou  encore  quand  l'auteur  relate  quelques  faits  de  guerre  comme 
ceux  de  Vendôme  en  Espagne,  quelques  exploits  de  marins  tels  que 
Jean  Bart  et  Pointis.  Mais,  en  somme,  il  est  toujours  vrai  que  les 
mémoires  du  marquis  de  Sourches  sont  absolument  illisibles,  que  l'ab- 
sence totale  de  tables  partielles  les  rend  d'un  maniement  très  difficile,  et 
qu'ils  ne  peuvent  être  utiles  qu'à  un  fort  petit  nombre  d'érudits  cher- 


DHÎSTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  33 

chant  à  connaître  les  menus  événements  d'une  année  déterminée.  C'est 

quand  ils  seront  publiés  en  entier,  avec  de  bons  index,  qu'ils  pourront 

rendre  quelques  services  aux  historiens  désireux  de  contrôler  l'exactitude 

de  Saint-Simon  ou  de  Danseau. 

A.  G. 

3i3,  —  Comte  de  Puymaigre.    Jfeanne    d'Arc   au   théâtre    I439-1890.    Paris, 
A.  Savine,  1890,  in-8  carré  de  ii-ii5  p. 

Ce  n'est  pas  aux  lecteurs  de  la  Revue  critique  que  j'ai  besoin  de  le 
dire,  l'étude  de  M.  de  Puymaigre  sur  les  œuvres  dramatiques  où  figure 
la  Pucelle,  est  l'œuvre  d'un  consciencieux  érudit  et  d'un  spirituel  écri- 
vain. M.  de  P.  a  su  metrre  autant  d'agrément  que  d'exactitude  dans  son 
dénombrement,  accompagné  de  force  citations  dont  plusieurs  sont  tirées 
de  livres  ou  livrets  d'une  grande  rareté.  Le  travail  est  complet,  et  M.  de 
P.  a  pu  dire  (p.  ii)  :  «  Je  ne  crains  pas  d'avoir  commis  trop  d'oublis 
dans  la  longue  période  qui  commence  en  1439  par  le  Mystère  du  siège 
d'Orléans  et  tinit  en  1890  par  la  pièce  remaniée  de  M.  J.  Barbier,  Je 
crains  plutôt  d'avoir  trop  arrêté  mon  lecteur  devant  bien  des  écrivains 
au  sujet  desquels  j'aurais  dû  peut-être  lui  répéter  le  vers  de  Dante  :  Non 
ragioniam  di  lor,  ma  guarda  et  passa.  »  M.  de  P.  mentionne  d'une 
plume  légère  et  rapide  une  soixantaine  d'œuvres  dramatiques  inspirées 
par  Jeanne  d'Arc  1.  Citons-en  quelques-unes  :  le  Mystère,  de  20,529 
vers,  publié  par  MM.  Guessard  et  de  Certain;  l'Histoire  tragique  de 
la  Pucelle  d'Orléans^  par  le  P.  Fronton  du  Duc,  représentée  devant 
Charles  III,  duc  de  Lorraine,  le  7  septembre  i58o  -,  la  pièce  attribuée 
à  Shakspeare,  et  dont,  pour  l'honneur  du  grand  poète,  on  voudrait  lui 
refuser  la  paternité  ;  la  pièce  de  VireydesGraviers  (Rennes,  1600),  et  la 
Grande  pastorale  de  Nicolas  Chrétien,  1608;  \a.  Joanna  Darcia  de 
Nicolas  de  Vernulz,  de  Louvain,  i656;  Jeanne-d'Arc,  tragédie  en 
prose  de  l'abbé  d'Aubignac,  1642;  la  Juana  de  Francia  de  Lope  de 
Vega,  pièce  dont  on  n'a  que  le  titre  4;  la  Jungfrau  Von  Orléans,  1802, 

1.  Aucun  personnage,  dit-il  (p.  i),  n'en  a  inspiré  autant.  En  France  seulement,  on 
en  compte  plus  de  cinquante  On  a  fait  débiter  à  Jeanne  d'Arc  de  la  prose  de  drame, 
déclamer  des  alexandrins  de  tragédie,  chanter  des  vers  d'opéra  :  on  l'a  fait  gesticuler 
dans  des  pantomimes,  galoper  dans  des  cirques,  on  lui  a  même  fait  fredonner  des 
couplets  de  vaudeville. 

2.  On  remarquera  (p.  9)  une  excellente  note  bibliographique  sur  les  éditions  de  la 
tragédie  du  jésuite  bordelais.  M.  de  P.  cite  p.  (p.  1 1)  «  un  beau  vers  »  du  «  mauvais 
poème  »  de  Chapelain  : 

Elle  se  cherche  en  elle  et  ne  s'y  trouve  plus. 
En  revanche,  il  cite  (p.  43   un  vers  bien  c<  étrange  »  que  le  même  poète  met  dans  la 
bouche  de  Jeanne  interpellant  Agnès  : 

Eloigne  de  ce  camp  ton  agréable  peste! 

3.  M.  F.-V.  Hugo  ne  croit  pas  que  Shakspeare  ait  écrit  la  première  partie  de 
Henri  IV,  où  est  si  déplorablement  souillée  la  mémoire  de  la  bonne  Lorraine. 

4.  Encore  n'est-il  pas  certain  qu'il  s'agisse  là  de  notre  Jeanne!  M.  de  P.  a,  ce  me 
semble,  un  peu   trop  facilement  adopté  la  conjecturale   théorie   de  M.   de   Latour 


34  REVUE   CRITIQUE 

de  Schiller;  la  Jeanne  d'Arc  de  Dumolard,  jouée  sur  le  théâtre  d'Or- 
léans,  en  1807;  celle  de  M.  de  Puymaigre  (Metz,  1843),  dont  l'auteur 
parle  avec  une  charmante  bonhomie.  Nous  arrêterons  là  l'indication 
des  excellentes  analyses  et  appréciations  du  critique,  et  nous  reprodui- 
rons ses  conclusions  (p.  1 1 5)  :  «  Les  noms  des  auteurs  dramatiques  ins- 
pirés bien  ou  mal  par  Jeanne  d'Arc  forment  une  longue  liste.  Est-elle 
close?  Cela  n'est  pas  probable.  Sans  doute  l'avenir  garde  de  nouveaux 
poètes  à  la  Pucelle  d'Orléans,  mais  dès  à  présent,  tout  en  souhaitant 
qu'un  sujet  si  beau,  si  propre  à  éveiller  les  plus  nobles  sentiments  soit 
encore  souvent  traité,  ne  peut-on  penser  que  jamais  on  n'aura  sur 
Jeanne  d'Arc  rien  de  plus  émouvant,  de  plus  sublime  que  sa  chronique, 
que  son  procès,  que  la  vérité?  » 

T.  DE  L. 


i 


314.  —  Causeries  sur  la  langue  française»  le  Goût,  la  Poésie  champêtre, 
par  Mroe  Krafft-Bucaille,  officier  d'Académie,  membre  de  la  Commission  des 
brevets  et  du  Conseil  d'administration  du  Lycée  de  filles  de  Nice,  i  vol.  in-12, 
3oo  pages.   Prix  :  3  fr.  5o.  Paris,  Perrin  et  C'^  1890. 

Cet  ouvrage  est  un  recueil  de  leçons  ou  de  conférences  prononcées 
sans  doute  devant  un  auditoire  féminin.  Il  se  divise  en  trois  parties  : 
1°  origines,  difficultés,  mérites,  bizarreries  de  la  langue  française  ;  2"  le 
goût;   3°  la  poésie    champêtre.   Le  livre,   heureusement,  n'a  que   3oo 
pages  aux  lignes  très  espacées,  ce  qui  ne  l'empêche  pas  d'être  mauvais; 
s'il  était  plus  long,  il  serait  détestable.  M^^  Krafft-Bucaille  prouve  une 
fois  de  plus  qu'il  est  impossible  de  parler  raisonnablement  de  ce  que 
l'on  ignore  ou  de  ce  que  l'on  ne  sait  que  très  superficiellement.  Le  pre-  1 
mier  chapitre  est  un  ramassis  de  toutes  sortes  de  sornettes  où  l'auteur  || 
nous  débite  quelques  souvenirs  personnels  sur  la  maison  d'éducation   f  | 
de  Saint-Denis,  cite  un  calembour  échappé  à  Napoléon  I^r,  un  bon 
mot  de  M'"^  Théodora  Malher,  et  en  arrive,  je  ne  sais  par  quelle  tran- 
sition, à  nous  raconter  que  le  participe  passé  «  l'amphibie  de  la  gram- 
maire, est  plus  capricieux  qu'une  jolie  femme,  qu'il  s'accorde  par  ici,  se 
désaccorde  par  là  »,  tandis  que  chez  nos  voisins  d'Outre-Manche  a  ce 
bon  participe,  aussi  bien  que  son  frère  l'adjectif,  possède  au  plus  haut 
degré  le   fîegme  britannique  r.  Après  ces  préciosités  qui  ont  dû  faire 
pâmer  d'aise  les  Cathos  et  les  Madelons,  car  il  y  en  a  encore,  M™«  K.-B. 
passe  à  l'origine  du  français,  lequel,  dit-elle  avec  assurance  «  commence 
à  poindre  dans  \qs  poèmes  de  Roland  et  les  Chroniques  de  Tiirpin  ». 
Elle  ne  se  doute  guère  que  ces  chroniques  ont  été  écrites  en  latin,  et 
qu'il  y  avait  presque  trois  siècles  que  notre  langue  existait  quand  elles 
ont  été  mises  en  français.  On  ne  lira  pas  sans  étonnement  cette  affirma- 
lion  que  Charles  d'Orléans,  Villon,  Commines,  sont  les  précurseurs  de 

(Jeanne  d'Arc  sur  la  scène  espagnole,  dans  la  Revue  britannique  du    10   octobre 
1875}. 


d'histoire    et    de    LITTÉRATDRB  35 

la  Renaissance.  Quant  à  Antoine  Muret,  qui  a  écrit  en  latin,  il  est  mis 
au  nombre  de  ceux  qui,  au  xvi«  siècle,  ont  enrichi  et  épuré  la  langue 
française.  Cette  causerie  qui,  comme  on  le  voit,  fourmille  d'aperçus 
tout  nouveaux,  se  termine  par  une  citation  de  Maupassant  «  un  de  nos 
auteurs  contemporains,  choisi  parmi  les  plus  dans  le  mouvement 
comme  idées  philosophiques  et  comme  formules  de  style  ».  L'au- 
torité du  jeune  romancier  est  invoquée  pour  renforcer  un  précepte  de 
Boileau  :  assurément  Tauteur  de  Bel  Ami  ne  s'attendait  pas  à  tant 
d'honneur. 

La  seconde  Causerie  n'est  pas  inférieure  à  la  première.  M"ie  K.-B. 
commence  par  faire  une  excursion  dans  les  «  régions  culinaires  »  (car 
elle  entretient  d'abord  son  auditoire  du  goût  physique  et  matériel),  puis 
elle  s'étend  assez  longuement  sur  les  gastronomes  célèbres, depuis  Brillât- 
Savarin  jusqu'à  Monselet,  et  enfin  nous  donne  le  menu  du  banquet 
offert,  en  l'an  de  grâce  1889,  par  la  ville  de  Paris  aux  maires  de  toutes 
les  communes  de  France,  lequel  «  fut  servi  miraculeusement  chaud  et 
en  deux  heures  »,  ce  qui  est  aussi  inslructif  qu'intéressant,  et  ce  qui 
prouve  quels  progrès  nous  avons  faits  depuis  Nemrod  qui  dévorait  son 
gibier  tout  froid  et  tout  cru.  Mn^^  K.-B.  traite  ensuite  du  goût  dans  les 
œuvres  d'art  et  dans  la  littérature  :  «  L'esclavage,  la  religion  du  temps 
et  les  combats  de  bêtes  annihilèrent  la  sensibilité  »  et  empêchèrent  qu'il 
se  développât  chez  les  anciens.  Il  y  en  a  sans  doute  dans  Aristippe  (il 
paraît  que  M™«  K.-B.  a  lu  les  ouvrages  de  ce  philosophe),  dans  Ovide  et 
même  dans  Horace,  mais  «  que  de  passages  chez  eux  sont  en  opposition 
avec  le  goût  de  nos  jours  »  !  Pour  le  moyen  âge  «  il  n'offre  aucun  intérêt 
sous  le  rapport  du  goût  »,  et  l'auteur  c  ne  pense  pas  qu'il  y  ait  choses 
très  intéressantes  à  en  dire  ».  Ce  n'est  qu'au  xvi^  siècle  et  surtout  au 
XVII*  que  le  bon  goût  «  s'insinue  dans  des  sociétés  qui  jusqu'alors  en 
•  avaient  fait  peu  de  cas  »,  grâce  à  l'influence  féminine  «  affirmée  ». 
C'est  pourquoi  M^^e  K.-B.  nous  fait  un  historique  rapide  des  salons, 
à  partir  de  M^^^  la  marquise  de  Rambouillet  jusqu'à  M"'^  Swetchine, 
en  regrettant  fort  qu'aujourd'hui  ils  aient  été  remplacés  par  les  clubs, 
les  cercles,  les  cafés,  les  estaminets  «  où  les  mœurs  ne  sont  assurément 
pas  bien  jolies  ».  Quelques  pages  sur  la  révolution  littéraire  de  i83o, 
qui  «  commença  par  une  crise  de  germanisme  et  d'anglomanie  »,  et  sur 
la  Mode  «  qui  est  un  des  sceptres  du  goût  »,  mettent  fin  à  cette  très 
divertissante  leçon. 

La  troisième  et  dernière,  sur  la  poésie  champêtre,  permet  à  M^^^  K.-B. 
de  se  promener  ou  plutôt  de  courir  à  travers  champs,  c'est-à-dire  de 
raconter  toute  sorte  de  choses  ab  hoc  et  ab  hac  avec  la  plus  plaisante 
assurance.  Ainsi  elle  affirme  que  «  la  Bible  n'est  qu'une  succession  de 
tableaux  champêtres  »  (l'a-t-elle  lue?),  que  les  Égyptiens  ont  eu  néces- 
sairement une  littérature  pastorale,  vu  qu'ils  adoraient  le  bœuf,  le 
chien,  le  chat  et  les  légumes. 

Il  paraît  que  chez  nous,  Charles  d'Orléans  et  la  fidèle  Clotilde  de  Sur- 


36  REVUE    CRITIQUE 

ville  (dont  les  poésies  ont  été  faites  par  Vanderbourg,  au  commencement 
de  ce  siècle),  peuvent  être  classés  parmi  les  poètes  pastoraux,  et  des 
centaines  d'autres,  jusqu'à  Sainte-Beuve,  Lamartine  et  Hugo,  car 
y[mt  K.-B.  trouve  partout  de  la  «  bergerie  »,  comme  feu  Raspail  se 
faisait  fort  de  trouver  de  larsenic  dans  tous  les  barreaux  de  chaise.  Elle 
nous  apprend  que  Boileau  «  savait  cent  fois  mieux  que  Malherbe  ce 
que  pouvait  être  le  véritable  amour  »,  et  que  Vlsviène  de  Fontenelle, 
dialogue  de  la  plus  fine  galanterie  «  est  assez  semblable  aux  compli- 
ments et  aux  déclarations  qui  se  font  sous  le  feu  des  lustres,  en  papil- 
lonnant de  l'éventail  ».  Voilà  un  passage  qui  pourrait  faire  rêver  les 
jeunes  filles,  comme  les  quelques  lignes  où  il  est  question  de  M™^  du 
Bocage  «  qui  était  coiffée  à  coiffer  tout  le  monde  p,  et  de  M™^  Tallien 
«  qui  tenait  plus  à  mettre  en  relief  la  beauté  de  ses  formes  que  le  talent 
de  sa  couturière  ».  Il  y  en  a  bien  d'autres  de  cette  espèce,  mais  je  sup- 
pose que  ce  livre  n'a  pas  été  fait  pour  les  jeunes  filles.  En  somme,  cet 
ouvrage  de  M'^«  Krafift-Bucaille  ne  m'empêche  pas  de  reconnaître  qu'il 
y  a  eu,  qu'il  y  a  encore  des  femmes  qui  ont  écrit  et  écrivent  délicieuse- 
ment de  jolis  riens  et  des  choses  sérieuses,  et  de  trouver  très  brutal  ce 
mot  de  Napoléon  :  «  11  faut  que  les  femmes  tricotent  ^  » 

A.  Delboulle. 


3i5.  —   Ch.  Seignobos.  IIi$<toire  de  la  civilisation   contemporaine,   i   vol. 
in-12,  424  pages.  Paris,  G.  Masson,   1890. 

Comme  le  titre  le  fait  deviner,  M.  Seignobos  n'a  pas  voulu  faire  une 
œuvre  d'érudition;  il  n'a  pas  non  plus  eu  la  prétention  de  composer 
une  philosophie  de  l'histoire  contemporaine  et  de  dégager  des  lois  de  g. 
l'énorme  masse  des  faits.  Dans  sa  pensée,  son  livre  n'est  qu'un  m\ 
livre  de  classe.  Quand  les  élèves  possèdent  dans  leur  mémoire  les  prin- 
cipaux événements  de  l'histoire,  leur  tâche  n'est  pas  terminée  :  ils  doi- 
vent discerner  quelle  est  l'importance  relative  de  chacun  de  ces  événe- 
ments, s'il  a  été  un  bien  ou  un  mal,  s'il  a  contribué  au  progrès  ou, 
pour  mieux  dire,  s'il  a  amené  une  transformation  dans  la  société.  M.  S. 
a  voulu  les  aider  dans  cette  étude  générale  :  et,  pour  eux,  il  a  écrit  suc- 
cessivement trois  ouvrages  :  la  Civilisation  ancienne,  la  Civilisation 
au  moyen  âge  et  dans  les  temps  modernes,  enfin,  la  Civilisation  con- 
temporaine. 

Pour  réussir  dans  ce  dessein,  il  était  nécessaire  de  réunir  deux  qua- 

I.  M™e  K.-B.,  qui  ne  me  semble  pas  avoir  l'oreille  très  poétique,  estropie  superbe- 
ment, page  29,  un  vers  de  Molière  :  {\ 

Oh  !  vicissitude  à  mon  oreille  est  rude. 

Il  faut  lire  :  (en  petit). . . 

Ah!  sollicitude  à  mon  oreille  est  rude. 

P.  137.  «  De  ses  gais  festins  on  exilait  la  gêne  »,  vers  de  onze  syllabes. 
P.  195.  Bion,  poète  pastoral,  est  appelé  Dion. 


I 


d'histoire  et  de  littérature  37 

lités  en  apparence  contradictoires.  M.  S.  les  possède  l'une  et  Tautre,  et 
c'est  ce  qui  donne  à  ces  volumes  une  très  haute  valeur. 

La  première   est   une  grande    curiosité,    qui    s'applique  à  tous  les 
faits,  à  toutes  les  idées,  à  toutes  les  manifestations  de  l'esprit  humain. 
Tel  historien  n'attache  d'importance  qu'aux  événements  militaires;  tel 
autre  croit  avoir  rempli  sa  tâche  quand  il  a  suivi  les  intrigues  d'une 
négociation   diplomatique  et  quand  il  a  raconté,  pendant  une  certaine 
période,  les  relations  de  la  France  avec  les  pays  voisins;  un  troisième 
étudie  seulement  les  institutions.  M.  S.,  lui,  ne  fait  pas  de  semblable 
choix;  dans  la  Civilisation  contemporaine,  qu'il  fait  dater  avec  raison, 
non  de  178g,  mais  du  milieu  du  xvin°  siècle,  vous  trouverez  un  remar- 
quable résumé  des  campagnes  de  la  Révolution  et  de  TEmpire;  vous  y 
lirez  des  pages  fort  bien  faites  sur  les  négociations  et  les  traités  de  paix, 
notamment  sur  le  congrès  de  Vienne  et  sur  la  politique  des  congrès; 
enfin,  vous  y  verrez  quelle  était  la  situation  de  la  France  en  1789,  et 
quelles  constitutions  multiples  notre  pays  s'est  données  de  1791  jus- 
qu'en 1875.  Mais  là  ne  se  borne  pas  la  curiosité  de  l'auteur.  Comment 
faire  une  histoire  de  la  civilisation  sans  Jeter  un  coup  d'œil  sur  les  let- 
tres et  les  arts?  M.  S.  leur  a  consacré  d'excellents  chapitres;  Je  le  félicite 
d'avoir  osé,  dans  un  livre  de  classes,  nous  dire  ce  qu'était  l'école  réaliste 
et  de  citer,   avec  Alphonse  Daudet,  Emile  Zola;  Je  le  félicite  surtout 
d'avoir  donné   une  place  aux   littérateurs  et  artistes  étrangers,  qu'il 
semble  bien  connaître;  des  écrivains  comme  Thackeray,  Tolstoï,  Frey- 
tag,  des  sculpteurs  comme  Thorwaldsen  et  Schwanthaler,  des  musiciens 
comme  Richard  Wagner  doivent  être  appréciés  dans  une  histoire  duxix* 
siècle.  Ce  n'est  pas  encore  tout.  On  sait  de  quelle  importance  sont  de 
nos  jours  les  questions  économiques  et  sociales;  M.  S.  n'a  eu  garde  de 
les  négliger;  il  a  fait  connaître  avec  clarté  les  doctrines  de  Lassalle  et  de 
Karl  Marx  ;  il  a  expliqué  ce  qu'étaient  un  collectiviste  et  un  anarchiste; 
il  a  même  dit  quels  efforts  on  a  tentés  pour  amener  l'émancipation 
civile  et  politique  de  la  femme. 

Mais  comment  faire  contenir  tant  de  choses  dans  un  livre  assez  petit? 
Comment,  sans  être  confus,  et  en  restant  toujours  clair,  exposer  tant  de 
faits,  tant  de  systèmes?  M.  Seignobos  y  a  réussi,  et  c'est  la  seconde 
qualité  dont  nous  parlions.  Il  y  a  réussi,  d'abord  parce  qu'il  a  lui-même 
une  vue  très  nette  de  l'histoire,  des  idées  personnelles  très  arrêtées,  par- 
fois un  peu  tranchantes;  parce  qu'ensuite  il  sait  enfermer  ses  opinions 
en  des  formules  simples  et  précises;  enfin  parce  qu'il  prend  soin  de  très 
bien  diviser  ses  chapitres,  d'annoncer  d'avance  son  plan,  de  ne  le  jamais 
perdre  de  vue  et  de  le  reprendre  à  l'occasion  (cf.,  p.  83,  ce  qu'il  dit  de 
l'ancien  régime;  le  même  plan  se  retrouve  p.  108,  et  servira  à  résumer 
l'œuvre  de  la  Constituante). 

Pour  tous  ces  motifs,  malgré  quelques  petites  erreurs  de  détail  ^  ce 

I.  P.  86,  M.  Seignobos  prétend  qu'avant  1789  les  Etats  provinciaux  votaient 
l'impôt  foncier;  la  quotité  de  cet  impôt  était  fixée  par  le  conseil  du  roi;  les  Etats 


38  REVUK    CRITIQUE 

livre  intéressera  non  seulement  les  élèves  pour  lesquels  il  a  été  écrit, 
mais  encore  les  historiens  de  profession.  Il  apprendra  à  ceux-là  à  réflé- 
chir; il  leur  montrera  qu'en  histoire  les  faits  ne  sont  qu'une  matière 
première,  que  l'essentiel  est  d'en  saisir  l'enchaînement  et  la  portée. 
Ceux-ci  feront  leur  profit  d'une  série  d'observations  de  détail  fort 
justes  ;  ils  retiendront  quelques  unes  des  ïormules  énoncées,  celle-ci,  par 
exemple,  qui  nous  dépeint  fort  bien  l'état  actuel  du  monde  :  «  Le 
monde  civilisé  se  trouve  pris  entre  deux  courants  opposés.  La  civilisa- 
tion commune  crée  un  courant  international  qui  pousse  les  peuples  à 
se  sentir  solidaires  et  à  se  rapprocher;  les  réalités  et  les  haines  créent 
un  courant  national  qui  pousse  les  peuples  à  s'isoler  et  à  se  traiter  en 
ennemis.  De  la  force  de  ces  courants  dépendra  l'avenir  du  monde  »  ;  ils 
entreront  en  communion  d'idées  avec  un  esprit  vif,  tout-à-fait  dégagé 
de  préjugés. 

Ch.  Pfister. 


3 16.  —  G.  Maugr\S.    «loui-nal    d'un    étudiant    pendant    la    Révolution, 

1789-1793.  Paris,  Calmann-Lévy,   1890.  In-8,  xi  et  393  p.  3  fr.  5o. 

M™^  Jardel-Géraud  a  confié  à  M.  Maugras  la  correspondance  de  son 
père,  Edmond  Géraud.  Cette  correspondance  s'étend  de  décembre  1789 
à  décembre  1792;  Edmond  Géraud,  fils  d'un  r'che  armateur  bordelais, 
faisait  alors  ses  études  à  Paris,  sous  la  direction  d'un  jeune  médecin  du 
nom  de  Terrier;  et,  de  temps  en  temps,  Géraud  ou  Terrier  mandaient 
à  Bordeaux  les  événements  du  jour.  M.  M.  aurait  dû   nous  donner 
purement  et  simplement  le  texte  de  ces  lettres,  comme  l'a  fait  M,  Loc- 
kroy  en  publiant  le  Journal  d'une  bourgeoise.  11  a  mieux  aimé  grossii 
son  volume,  en  reliant  les  lettres  ou  extraits  de  lettres  par  quelques' 
lignes  d'explication  ou  de  récit  et  par  des  citations  du  Journal  d'une 
bourgeoise,  de  Mercier  et  d'autres.  Ces  lettres  de  Géraud  et  de  Terrier, 
sans  être,  comme  dit  la  préface,  une  «  peinture  merveilleuse  »  et  un 
«  saisissant  tableau  »,  retracent  assez  fidèlement  les  impressions  de  la 
classe  bourgeoise.  Parmi  les  sujets  qu'elles  traitent,  on  remarquera  une 
séance  de  l'Assemblée  nationale  (p.  24);  les  cours  de  Sélis  au  collège  de 
France  (p.  29)  et  de  Fourcroy  et  de  Delille  au  Lycée  (p.  3r),  la  mort  de 
Favras  (p.  37-38),  l'entrée  du  roi  à  Paris  (p.  42-44),  le  séjour  de  Paoli 
(p.  70),  la  fête  de  la  Fédération  (p.  86-87),  la  mort  de  Mirabeau  (p.  ii3- 
122),  Varennes  (p.  175).  A  mesure  que  la  correspondance  approche  de 
l'année  1792,  elle  prend  un  ton  plus  révolutionnaire,  plus  patriote  : 

le  répart: ssaient  ensuite.  —  P.  92,  l'auteur  affirme  qu'avant  1789  les  nobles  étaient 
totalement  exempts  de  la  taille;  mais,  dans  certames  provinces,  les  nobles  devaient 
l'impôt  pour  les  terres  roturières  qu'ils  possédaient  ;  en  revanche  les  roturiers,  pro- 
priétaires de  terres  nobles,  ne  payaient  rien.  —  P.  128,  lire  1793  au  lieu  de  1792- 
—  P.  239,  aux  termes  de  la  constitution  de  1875,  les  72  sénateurs  inamovibles  ont 
été  élus  d'abord  par  l'Assemblée  nationale,  puis  par  les  autres  sénateurs,  non  par  le 
congrès. 


d'histoire  et  de  littérature  Sg 

peu  à  peu  Edmond  s'exalte;  il  trouve  Paris  froid  et  timide;  il  voit  par- 
tout des  traîtres;  il  ne  parle  de  Pé[ion  et  des  Girondins  qu'avec  admi- 
ration et  de  Louis  XVI  qu'avec  haine  et  mépris  ^  ;  il  décrit  sur  le  ton  de 
l'enthousiasme  le  triomphe  des  Suisses  de  Châteauvieux  ;  il  applaudit  à  la 
journée  du  i  o  août  qui  «  consacre  à  jamais  raffermissement  de  la  liberté  » 
et«  nousavance  de  dixans  ». Viennent  les  massacres  de  septembre  :  notre 
étudiant  les  justifie  (p.  35o);  mais  bientôt  il  en  a  horreur,  et  il  ne  voit 
plus  dans  Paris  qu'a  un  amas  impur  d'hommes  dont  tous  les  projets 
tendent  à  perpétuer  l'anarchie  sans  laquelle  ils  ne  sont  rien  »  (p.  365). 
Marat,  dit-il  dans  une  lettre  qui  renferme  de  curieux  jugements  sur  les 
principaux  députés  de  Paris,  Marat  est  un/orcené,  et  «  sa  nomination 
atteste  la  lâcheté  et  l'étrange  turpitude  des  électeurs  »,  Les  Girondins, 
écrit-il  encore,  sont  «  seuls  dignes  de  porter  le  nom  d'amis  de  la  liberté 
et  de  l'égalité  »;  les  Jacobins  «  ne  sont  que  des  esclaves  »,  et  le  jeune 
homme  qui  prévoit  de  sinistres  événements,  appelle  les  Bordelais  à 
marcher  sur  Paris  pour  sauver  et  la  Convention  et  la  France  (p.  S6g). 
Ici  s'arrête  cette  intéressante  correspondance.  Terrier  et  Edmond 
Géraud  se  rendirent  à  l'armée  des  Pyrénées  2. 

A.  Chuquet. 

Siy.  —  L.'Emir  El  H  ad  J  A  bel  el  Kader,  par  F.  Patorni,  interprète  militaire. 
(Alger,  1890,  in-8  de  94  p.) 

Lorsque  l'Émir  organisa  des  forces  régulières  destinées  à  servir  de 
point  d'appui  et  de  centre  de  ralliement  aux  contingents  indigènes,  son 
premier  soin  fut  de  donner  des  règlements  à  ces  nouvelles  troupes;  il  en 
confia  la  rédaction  à  son  secrétaire  Si  Kaddour  ben  Mohammed  ben  Rouila, 
qui  choisit  pour  son  œuvre  le  titre  de  Ouichah  el-Kataïb.  (L'Echarpe  des 
escadrons.)  Cet  intéressant  document  fut  traduit  en  1848  par  M.  l'in- 
terprète Rosetty,  et  publié  d'abord  dans  le  Spectateur  militaire  {\5  lé- 
vrier 1844),  puis  dans  le  tome  IV  de  la  Revue  de  V Orient  (p.  225-234 
et  341-355).  Mais  cette  traduction  est  fort  inexacte  3,  et  l'on  doit  savoir 


1.  «  Un  traître,  un  parjure,  vrai  tigre  déguisé  en  cochon  »  (p.  245). 

2.  P.  97,  lire  Deprez-Grassier  mon  Despre^  de  Crassie:[);  p.  171,  Pont  de  Som- 
mevesle  (non  Sommevelle)  ;  p,  25 1,  maréchal  (non  général  Bender);  p.  281,  Berthois 
(non  Butois);  p.  3o8,  les  Prussiens  n'étaient  pas  80,000,  et  Luckner,  en  Flandre,  ne 
tint  jamais  tête  à  Brunswick  ;  p.  329  Servan  était  à  Lyon,  non  à  Soissons. 

3.  II  faut  se  méfier  des  traductions  de  M.  Rosetty;  on  peut,  sans  trop  craindre  de 
se  tromper,  lui  attribuer  celle  de  l'inscription  de  Taza,  reproduite  à  la  légère  par 
Pellissier  de  Reynaud  (Annales,  II,  4G8),  auquel  M.  Camille  Roussel  l'a  empruntée, 
parmi  tant  d'autres  choses.  (La  Conquête  de  l'Algérie,  1841-1857,  t.  I,  p.  41.)  Cette 
version  est  un  contre-sens  d'un  bouta  l'autre;  elle  est  pleine  de  jactance,  alors  que 
le  texte  est  profondément  empreint  d'humilité  religieuse.  L'Emir  a  dit  :  Dieu  sait 
bien  que  ceci  n'est  pas  de  ma  part  l'indice  de  longues  espérances,  et  on  lui  fait  dire  : 
Dieu  m'est  témoin  que  cette  œuvre  m' appartient  et  que  la  postérité  m'en  conservera 
des  souvenirs.  Et  ainsi  de  suite!  Aussi,  M.  C  R.  s'écrie  :  si  flère  et  sitôt  démentie! 
Exclamation  qui  serait  juste,  si  la  traduction  était  exacte.  (Voir  M.  P.,  p.  72,  note  5.) 


40 


REVUE    CRITIQUE    D^HISTOIRE    ET   DE   LITTERATURE 


gré  à  M.  Patorni  d'avoir  donné  une  nouvelle  version,  aussi  fidèle  pour 
le  fond  qu'élégante  pour  la  forme  ;  elle  est  enrichie  de  notes  abondantes, 
qui  décèlent  chez  l'auteur  beaucoup  d'érudition  et  de  goût  littéraire,  et 
qui  font  attendre  avec  impatience  la  publication  de  ses  travaux  sur  les 
œuvres  d'Abd-el-Kader.  H.-D.  de  Grammont. 


CHRONIQUE 

FRANCE  —  La  librairie  Delagrave  vient  de  mettre  en  vente  le  i"  fascicule  du 
Dictionnaire  général  de  la  langue  française,  si  longtemps  attendu,  par  MM.  Hatz- 
FELD  et  Darmesteter,  avec  le  concoursde  M.  A.  Thomas.  Ce  i^^  fascicule xomprend 
une  introduction  de  28  pages  et  64  pages  de  Dictionnaire  (jusqu'au  mot  ajournement.) 
L'ouvrage  sera  publié  en  3o  fascicules  de  80  pages,  au  prix  de  i  franc  chacun.  Il  pa- 
raîtra un  fascicule  tous  les  deux  mois,  et  aussitôt  que  l'avancement  du  travail  le 
permettra,  un  fascicule  tous  les  mois.  La  Revue  reviendra  prochainement  sur  le  début 
de  cette  œuvre  capitale. 

—  Voici  un  nouveau  et  excellent  travail  de  M.  Kont,  c'est  une  édition  d'ex- 
traits de  Poésie  et  vérité  (Garnier,  in-8o,xxet  lySp.).  L'introduction  est  attachante, 
exacte,  pleine  de  jugements  qu'on  ne  peut  qu'approuver;  on  reprochera  toutefois  à 
M.  K.  de  n'avoir  pas  eu  un  mot  d'éloge  pour  M.  de  Loeper.  Les  textes  sont  choisis 
avec  goût.  Le  commentaire  se  lit  avec  intérêt,  et  porte  presque  toujours  sur  les  en- 
droits qu'il  faut  expliquer;  on  y  remarquera  les  notices  sur  les  écrivains  et  les  œuvres 
que  l'auteur  de  Dichtung  und  Wahrheit  mentionne  au  cours  de  son  récit;  M.  K.  a 
tiré  un  très  grand  profit  de  l'admirable  annotation  de  Loeper,  —  toutefois,  sans  le^ 
dire  trop  haut.  —  P.  53,  lire  Thorenc  et  non  Thorane;  p.  07,  Derosne  et  non  De 
rones  ;  p.  102,  maréchal  des  logis  et  non  sergent  {\&  Pau]  Werner  d&  MinnaJ  ;  p.  i25, 
ne  pas  dire  que  kirre  se  rattache  à  Kœder ;  p.  147,  citer  sur  H.  L.  Wagner,  non  pas 
Froitzheim,  mais  Erich  Schmidt. 

ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 

Séance  du  4  juillet   18 go. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  éiant  redevenue  publique,  l'Académie  procède  au  scrutin  pour  l'attribu- 
tion des  piix  fondés  par  le  baron  Gobeit. 

La  commission  a  proposé,  pour  le  premier  prix,    M.  Coville,  auteur  de  l'ouvrage 
intitulé  les  Cabocliiens  et  l'ordo)inance  de  1418  ;  pour  le  second  prix,  M.  Julien  Ha- 
vet,  éditeur  des  Lettres  de  Gerbert.  M.  Luchaire  avait  envoyé  au  même  concours  son 
livre  intitulé  :  Louis  VI  le  Gros. 
Le  scrutin  donne  les  résultais  suivants  : 
Premier  prix  : 

i"  tour  2«  tour 

M.  Coville 16  voix.  19  voix. 

M.  Luchaire 14     —  17    — 

M .  Julien  Havet 7     —  i     — 

Second  prix  : 

M.  Julien  Havet 27  voix. 

M.  Luchaire 2     — 

Bulletins  blancs 2     — 

3i 
En  conséquence,  le  premier  prix  Gobert  est  décerné  à  M.  Coville  et  le  second  prix 
àM.  Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  tuy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N»  29  -  21  juillet  -  1890 


Sommaire:  3i8.  Fabricius,  Thèbes.  —  Sig.  Danielson,  Epigraphica.  —  320. 
PiRENNE,  La  version  flamande  He  la  bataille  de  Courtrai.  —  32i.  Bulletin  de 
la  Société  historique  de  Compiègne,  vu.  —  322-325.  Sources  de  l'histoire  suisse, 
III  et  vi-viii.  —  326.  Del  Balzo,  Les  poésies  sur  Dante,  i-ii.  —  327.  Plantet, 
Correspondance  des  deys  d'Alger  avec  la  cour  de  France.  —  328.  Geiger,  An- 
nuaire de  Goethe,  xi.  —  32q.  L.  Havet,  La  simplification  de  l'orthographe.  — 
33o.  Devaux,  Les  patois  du  Haut-Dauphiné. —  33 1.  Kœstlin,  Prolégomènes  de 
l'esthétique.  —  332.  Mûnsterberg,  Psychologie  expérimentale.  —  333.  Ganier 
et  Frœlich,  Voyage  aux  châteaux  historiques  de  la  chaîne  des  Vosges.  —  Lettre 
de  M.  Ciédat  et  réponse  de  M.  Lejay.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


3i8.  —  Ernst  Fabricius.  Tlieben.  Eine  Untersuchung  ueber  die  Topographie  und 
Geschichte  der  Hauptstadt  Bœotiens.  Fribourg  en  Brisgau,  J.  C.  B.  Mohr,  1890. 
In-4,  32  p.,  avec  une  carte  en  couleurs.  Prix  :  i  mk.  60. 

Aucune  grande  ville  de  la  Grèce  propre,  sans  en  excepter  Sparte,  n'a 
laissé  aussi  peu  de  vestiges  apparents  que  Thèbes.  De  là  viennent  les 
difficultés  particulières  que  présente  la  restitution  de  sa  topographie 
antique.  Ce  qu'on  trouve  à  ce  sujet  dans  les  ouvrages  modernes  dérive 
surtout  des  études  d'Ulrichs  (1841)  et  de  Forchhammer  (1834).  M. 
Fabricius,  en  reprenant  leur  travail  en  i885,  s'est  fondé  sur  ce  principe 
fort  juste,  que  l'accumulation  des  débris  céramiques  témoigne  avec 
certitude  de  la  présence  dhabitations  anciennes.  L'observation  de  ces 
débris,  disséminés  à  la  surface  du  sol,  Ta  conduit  à  la  conclusion  que 
la  ville  antique  était  beaucoup  plus  étendue  vers  l'ouest  que  ne  l'ont 
admis  les  précédents  topographes,  et  se  développait  à  peu  près  égale- 
ment de  part  et  d'autre  du  ruisseau  de  Dircé(Plakiotissa).  La  découverte 
de  fragments  de  tuiles  faîtières,  qui  doivent  avoir  servi  de  couronne- 
ment au  mur  d'enceinte,  lui  a  permis  de  suivre  presque  entièrement 
l'ancien  tracé  de  ce  mur.  Il  a  pu  aussi  établir  que  Penceinte  de  la 
Cadmée,  loin  d'être  enveloppée  par  celle  de  la  ville,  se  confondait  avec 
celle-ci  au  sud  et  venait,  en  quelque  sorte,  s'y  appuyer.  Ces  modifica- 
tions aux  opinions  reçues  en  ont  naturellement  entraîné  d'autres; 
ainsi  la  porte  N-/;'i-a'.,  qu'Ulrichs  indique  sur  la  rive  droite  du  ruis- 
seau de  Dircé,  se  trouve  rejetée  très  loin  de  la  rive  gauche  de  ce  cours 
d'eau;  la  porte  Kpr,vaTat  subit  une  translation  analogue.  Il  faudrait, 
pour  bien  faire  comprendre  Timportance  du  travail  de  M.  P.,  repro» 
duire  sa  carte  à  côté  de  celle  d'Ulrichs;  nous  devons  nous  contenter 
d'indiquer  cette  instructive  comparaison  à  ceux  que  la  question  inté- 
resse. Si,  comme  paraît  l'avoir  établi  M.  Fabricius,  le  vaste  terrain  à 
Nouvelle  série,  XXX.  29 


42  REVUE    CRITIQUE 

l'ouest  Je  Plakiotissa,  qui  n'est  pas  occupé  par  la  ville  moderne,  faisait 
partie  de  la  ville  antique,  il  y  a  lieu  de  se  demander  si  des  sondages 
opérés  sur  ce  terrain  ne  conduiraient  pas  à  des  découvertes  importantes. 

Salomon  Reinach. 


319.  —   Epigrnpbîon    scripsit   O.   A.   Danielsson.    Upsala  Universitets  Arsskrift, 
1890. 

Dans  la  seconde  partie  de  cette  brochure,  M.  Danielsson  étudie  une 
ancienne  inscription  arcadienne,  trouvée  par  M.  V.  Bérard,  en  décem- 
bre 18S8,  près  du  village  de  Piali,à  deux  cents  pas  environ  au  nord  du 
temple  d'Athéna  Aléa.  C'est  un  règlement  de  temple  en  dix  articles, 
dont  l'interprétation  présente  de  grandes  difficultés.  Publiée  avec  un 
commentaire  par  M.  Bérard  ^,  dès  le  commencement  de  I889,  cette  ins- 
cription fut  peu  de  temps  après  Tobjet  d'un  travail  de  M.Richard 
Meister  2. 

M.  Danielsson  n'a  connu    l'article  de  ce  dernier  que  lorsque  le  sien 
était  imprimé  :  nous  ne  saurions  malgré  Pautorité  incontestable  que  le 
philologue  allemand  possède  en  ces  matières,  regretter  ce  retard  qui 
nous  a  valu  sur  le  même  sujet  deux  études   absolument  indépendantes 
dont  la  divergence  même  peut  suggérer  de  nouvelles  hypothèses  et  dont 
Paccord  donne  aux  opinions  proposées  une  certitude  presque  complète. 
Le  fac-similé  présente  à  la  première  ligne  le  mot  EIKO^I  ;  M.  Daniels- 
son pense  que  M.  Bérard    a  mal  lu  et  que  la   plaque  de  marbre  porte 
Fi/.ocrt,  et  il  entre  à  ce  sujet  dans  une  discussion  que  l'on  trouvera  bien 
longue  si  l'on  considère  qu'elle   ne  prouve  rien  :  dans  une  inscription 
a  aussi  soignée  »,  on  ne  peut  guère  songer  à  une  difficulté  de  lecture  oujl 
à  une  faute  du  la^icide;  d'autre  part,  nous  rencontrons  plusieurs  foisj 
dans  le  même  texte  d  et  non  Fei  (osk.  svaî  —  Hés.  ^aixav...  Kpv^xeç, 
èàv?)etdans  d'autres  monuments  arcadiens  comportant  le   F  initial,^ 
£ij-£p'C£Tr,v  3  qui  est  dans  la  même  situation  qu'ici  le  mot  eîxcct.  —  Nous 
ne  discuterons  pas  l'interprétation  de  la  phrase  tout  entière  ;  il  y  règne 
encore  beaucoup  trop  d'incertitude  à  cause  du  mot  AEYTOÎN,  qu'on  ne 
sait  à  quelle  racine  rattacher;  disons  cependant  que  pour  le  sens  de  ce 
mot  même  et  de  y.aTaXXaaa-/3  M.  Danielsson  semble  beaucoup  plus   près 
de  la  vérité  que  M.  Meister.  —  Pour  ce  qui  est  de  îv  âa[ji.ov,  le  philologue 
suédois  a  fort  bien  montré  que  le  dialecte  d'une  part  et  le  sens  de  l'autre 
ne  permettent  pas  d'y  voir  avec  M.  Bérard  un  mot  'l'vâaiJLGV  (=  *  'i'vÇai^.ov) . 
Il  est  d'ailleurs  sur  ce  point  d'accord  avec  le  philologue  allemand. 

Au  deuxième  paragraphe,   M.  D.   reconnaît  dans  HlEflO0YTE2  un 
participe  présent  éolien  :  c'est  une  de  ces  interprétations  qui,  une  fois 

1.  Bull    Corr.  Hell.,  XIII,  p.  281  sqq. 

2.  Ber.  ù.  d.   Verh.  a.  k.  sachs.  Ges.  d.  Wixs.,  phil.  hist.  CL,  iSSfi,  p.  71   sqq 
(juillet  18^9). 

3.  Par  exemple  S.  G.  D.  I.,  1181. 


D'HISTOTRE    ET   DE   LITTERATURE  43 

trouvées,  ne  permettent  plus  de  songer  à  aucune  autre.  Mais  peut-être 
n'en  a-t-il  pas  tiré  tout  le  parti  possible.  Il  s'étonne  que  Pinscription 
ne  parle  que  d'un  hiérothyte,  alors  qu'il  devait  en  exister  toute  une 
corporation.  Mais  de  deux  choses  l'une  :  ou  TON  HIEKO0ÏTÂN  (ligne  5) 
et  HIEROOFTEi  (ligne  7)  désignent  le  même  personnage,  et  alors  il  faut 
de  toute  nécessité  corriger  le  second  en  UpoOûxa;,  comme  l'a  fait  M. 
Meister  —  il  n'est  pas  admissible  que  dans  le  même  mot  un  -%-  panhel- 
lénique  soit  représenté  à  deux  lignes  de  distance,  une  fois  par  -a-  et 
l'autre  par -YJ-;  —  ou  bien  Upcôuxéç  signifie,  comme  l'a  très  heureuse- 
ment expliqué  M.  1).,  celui  des  hiérothytes  qui  est  en  fonction  ;  alors 
TON  HIER06ÏTAN  désigne  toute  la  corporation,  et  il  faut  lire  (ligne  5) 
non  pas  xbv  lepoôÛTav  ace.  sg.,  mais  xûv  UpoôuTôcv  gén.  pi.,  dépendant  de 

On  peut  nous  faire  une  objection  :  la  première  phrase  commence  par 
tbv  UpTjv,  qui  est  incontestablement  le  sujet  de  vé[j,£v,  il  est  donc  tout 
naturel  de  construire  dans  la  deuxième  TON  HIEHO0TTAN  vé^i-ev  de  la 
même  manière.  Mais  si  TON  HIER06ÏTAN  est  un  gén.  pi.,  il  doit  éga- 
lement commencer  la  phrase  pour  marquer  le  passage  du  premier  article 
au  deuxième,  de  ce  qui  se  rapporte  au  ispYiç  à  ce  qui  concerne  le  hiéro- 
thyte. La  construction  est  donc  inditîérente  à  l'une  ou  à  l'autre  traduc- 
tion. Reste  le  sens  :  or  le  sujet  de  èaTrepà^a-,  ne  peut  pas  être  le  même 
que  celui  de  XéYV),  à  savoir  {spcôuTéç,  et  le  sujet  de  vé[ji.£v  est  le  même  que 
celui  de  ècTC£pac;ai,  ce  n'est  donc  pas  TON  HIEHO0VTAN.  —  Cette  expli- 
cation a  l'avantage  de  bien  déterminer  les  troupeaux  dont  il  s'agit  :  au 
premier  article,  celui  du  îepr,;,  au  deuxième,  celui  des  hiérothytes.  De 
plus,  elle  tranche  une  difficulté  au  troisième  en  montrant  qu'il  faut  lire 
non  pas  cl)ç,  mais  oç  [=  5ç),  comme  l'avaient  déjà  compris  M.  Bérard  et 
M.  Meister. 

Nous  ne  rapporterons  pas  parmi  les  conjectures  de  M.  D.  toutes  celles 
qui  sont  nouvelles  ou  intéressantes,  mais  seulement  celles  que  nous 
rejetons  comme  insoutenables  ou  que  nous  accueillons  comme  certaines. 

M.  Meister  et  M.  Danielsson  pensent  tous  deux  et  avec  raison  que 
dans  irX  Bûjxa  7;jp  è-ciarj  (§  6),  le  mot  oûij.a  désigne  le  temple  ;  mais  le 
philologue  suédois  a  seul  vu  qu'il  s'agit  dans  cet  article  de  précautions 
contre  un  incendie.  Pausanias  1,  rapportant  que  ce  temple  avait  été 
détruit  par  le  feu  quelques  années  seulement  avant  la  date  présumée  de 
notre  règlement,  donne  à  cette  interprétation  toute  l'autorité  désirable. 
—  Parmi  les  restitutions  des  quatre  derniers  paragraphes,  celles  de 
y.£Xe[î.8]a)  et  de  c9X£[v  àvjxi  ¥v/Az-cf.\i  (§  7),  faites  à  la  fois  par  les  deux  phi. 
lologues,  peuvent  être  considérées  désormais  comme  certaines.  Mais  ici 
encore,  pour  l'interprétation  de  l'article,  nous  accorderons  la  préférence 
à  M.  Danielsson.  La  formule  semble  bien  indiquer  qu'il  ne  s'agit  pas 
d'une  redevance  pour  un  acte  régulier,  mais  d'une  amende  pour  un 
délit.   D'ailleurs  le  premier  sens,  adopté  par  M.  Meister,  néglige  dans 

I.  Pausanias,  VIII,  43,  4. 


44  REVUE  CRITIQUE  ^^^B 

::apay.aç£Jy;  le  préfixe  zap-  dont  le  second  rend  parfaitement  compte.  — 
A  partir  de  cet  endroit,  le  texte  est  tellement  muiilé  qu'il  ne  peut  plus 
être  question  de  le  rétablir  avec  certitude.  La  conjecture  de  M.  D., 
r.h-oi.  [-i  c'àXXa  a]cç  Ba[xtopYc[ç  JJ]  est  du  moins  remarquablement  ingé- 
nieuse et  peut  fort  bien  être  admise.  Pour  le  reste,  il  faut  espérer  la 
découverte  de  nouveaux  monumeuts  qui  nous  permettent  de  retrouver 
les  parents  de  AEY  TON  et  d'éclaircir  les  autres  obscurités  que  ce  texte 
présente  encore. 

En  attendant,  M.  Danielsson  a  le  grand  mérite  d'avoir  fait  notable- 
ment avancer  Pinterprétation  d'un  document  qui  apporte  à  la  science, 
pour  ce  qui  concerne  le  dialecte  arcadien,  un  certain  nombre  de  formes 
et  de  mots  que  nous  ne  connaissions  pas  encore,  et  pour  le  grec  en 
général  un  -F-  intérieur  (x,aTapFov)  qu'un  éminent  linguiste  ^  avait  res- 
titué par  conjecture,  mais  qui  attendait  encore  une  confirmation  histo- 
rique. 

Maurice  Grammont. 


320.  —  H.  PiRENNE.   La  vei'sion  flamande  et  la  version   française   de   la 
bataille  de  Coiirtrai.  Bruxelles,  Hayez,  1890.  In-8,  42  p. 

Etude  très  sagace  et  pénétrante.  M.  Pirenne  esquisse  d'abord,  d'après 
le  général  Kœhler,  dont  il  regarde  le  récit  comme  «  définitif  »,  la  phy- 
sionomie réelle  de  la  bataille  de  Courtrai.  Puis  il  montre  comment  se 
sont  formées  sur  cette  bataille  deux  traditions  nettement  distinctes  :  la 
version  flamande  et  la  version  française.  La  première  apparaît  dans  trois  ^ 
sources  :  les  Annales  Gandenses  [relaiion  encore  strictement  historique,  "f  j 
quoique  tendancieuse)^  le  Spiegel  historiael  de  van  Wehhem  (narra- 
tion vivante,  pittoresque,  mais  légendaire;,  la  Genealogia  comitum  ;| 
Flandriae,  écrite  au  monastère  de  Clairmarais  (également  légendaire). 
La  version  française  n'offre  qu'une  seule  source  qui  contiv^nne  le  récit 
historique  de  l'événement  :  la  continuation  de  la  Chronique  de  Guil- 
laume de  Nangis  ;  elle  donne  «  en  quelques  lignes  très  sèches,  très  précises, 
le  dessin  fidèle  du  combat  ».  Mais  Guiart,  Geoffroi  de  Paris,  l'auteur  de 
la  guerre  entre  Philippe-le-Bel  et  Guy  de  Dampierre,  le  bourgeois  de 
Vuk-nciennes  dénaturent  les  faits.  Ce  fut  la  version  française  qui  se 
répandit  en  Europe  (chroniques  d'Ottokar  et  de  Jean  de  Winterthur,  récit 
de  Villani);  elle  finit  même  par  s'introduire  en  Flandre  et  par  y  sup- 
planter la  tradition  nationale;  que  de  gens  croient  encore  aujourd  hui 
que  les  Flamands  ont  dû  leur  victoire  aux  fossés  qui  protégeaient  leur 
front  de  bataille  et  où  vint  s'engloutir  la  chevalerie! 

C. 


I.  Wackernagel.  K.  Z.  XXV,  262. 


d'histoire  et  de  littérature  45 

321,  —  Bulletin  de  la    Société    historique  de    Conipiègnes   t.  VII.    i    vol. 
in-8,  323  pages,  5  planches.   Compiègne,  Lefebvre,  1868. 

La  Société  historique  de  Compiègne  figure  assurément,  parmi  les  so- 
ciétés d'érudition  du  Nord  de  la  France,  comme  l'une  des  plus  actives 
et  des  plus  sérieuses.  Fondée  en   1869,  ^^^^  ^^  ^^^  arrivée  aujourd'hui 
au  Vil"  volume  de  son  Bulletin.  Ce  dernier  volume,  récemment  paru, 
renferme  plusieurs  mémoires  intéressants  sur  lesquels  il  n'est  pas  inu- 
tile d'attirer  l'attention.  Le  plus  étendu  et  aussi  le  plus  important  est  le 
Mémoire  de  M.  l'abbé  Morel  sur  les  Ecoles  dans  les  anciens  diocèses  de 
Beauvais,  Noyon  et  Senlis^.  Ce  travail,  qui  occupe  160  pages  du  52///e- 
tin,  présente  à  lui  seul  la  matière  d'un  véritable  ouvrage.  On  sait  que, 
depuis  quelques  années,  les  études  sur  l'histoire  de  renseignement  dans 
l'ancienne  France  sont  tout  particulièrement  en   faveur.   Les  sociétés 
locales,  en  première  ligne,  se  sont  portées  avec  la  plus  grande  et  la  plus 
louable  activité  vers  les  recherches  de  ce  genre.  De  nombreuses  disser- 
tations ont  été  mises  au  jour,  sur  cet  attrayant  sujet,  dans  la  plupart 
des  publications  régionales  ou  locales  de  notre  pays.  Il  faut  reconnaître, 
en  toute  justice,  que  des  résultats  très  appréciables  ont  été  obtenus  grâce 
à  ce  mouvement.  Personne  évidemment  ne  peut  songer  à  s'en  plaindre. 
Seulement,  comme  un  certain  nombre  de  ces  sociétés  (il  n'est  pas  témé- 
raire, je  crois,  de  l'affirmer)  professent  pour  l'ancien  état  de  choses  des 
sympathies  marquées,  en  même  temps  qu'un  assez  vif  désir  de  déni- 
grer les  institutions  actuelles,  il  en  est  résulté  que  la  plupart  de  ces  dis- 
sertations ont  pris  un  tour  tout  particulier.  Louangeuses  à  l'excès  pour 
le  passé,  elles  se  sont  attachées  à  démontrer  que  notre  siècle  n'avait  rien 
innové,  qu'il  n'avait  fait  que  reconstruire  à  grand'peine  et  à  grand  fra- 
cas ce  que  les  siècles  précédents  avaient  fondé  solidement  et  sans  bruit, 
bref  que  la  Révolution  n'avait  servi  qu'à  détruire  et  que  l'œuvre,  si  vail- 
lamment poursuivie  par  la  troisième    République,  n'était   qu'une  re- 
constitution coûteuse  et  pénible  de  l'œuvre  anéantie    par  la   première. 
Telle  est,  en  substance,  la  thèse  qu'exposent  la  majeure  partie  de  ces 
travaux,  avec  une  très  sérieuse  conviction,  à  grand  renfort  de  textes  et 
de  citations  érudites.  II  y  aurait  assurément  une  curieuse  étude  de  cri- 
tique à  entreprendre  sur  l'ensemble  de  ces  mémoires  et  sur  leurs  com- 
munes tendances.    Il   en   résulterait  des  observations  aussi   piquantes 
qu'inattendues  sur  les  méthodes  et  les  procédés  de  démonstration  suivis 
dans  la  plupart  de  ces  apologies  \  Mais  la  tâche  serait  trop  vaste  pour 

1.  Il  faut  signaler  en  outre  d'intéressants  mémoires  de  M.  de  Marsy,  une  cu- 
rieuse étude  de  M.  Alexandre  Sorel  sur  les  séjours  de  Jeanne  d'Arc  à  Compiègne 
et  les  maisons  oij  elle  a  logé  en  1429  et  1430,  etc. 

2.  Je  ne  crois  pas  qu'il  soit  possible  de  constater  nulle  part  aussi  nettement  que 
dans  les  travaux  de  ce  genre  les  excès  auxquels  peuvent  conduire  le  parti  pris,  l'ab- 
sence de  réflexion  et  l'interprétation  littérale  des  textes.  On  en  pourrait  donner 
u  étranges  exemples.  Je  citerai  seulement  celui-ci  :  pour  démontrer  que  les  évêques 
d'un  diocèse  de  Picardie  ont  témoigné  constamment  la  plus  vive  sollicitude  pour  les 
choses  de  l'enseignement,  l'un  de  ces  érudiis  locaux  cite  gravement  un  mandement 


46  REVUE    CRITIQUE 

être  entreprise  ici.  Il  est  seulement  permis  de  s'étonner  que  des  asser- 
tions aussi  contestables  aient  rencontré  autant  de  créance  dans  le  monde 
savant  et  que  les  conclusions  d'ordre  général  qui  s'en  dégagent  aient  été 
admises  avec  une  pareille  facilité,  comme  si  cette  vai>te  et  minutieuse 
enquête  avait  été  conduite  partout  avec  une  méthode  rigoureuse  et  une 
constante  impartialité. 

Le  mémoire  de  M.  M.,  tout  en  présentant  de  sérieuses  qualités  d'é- 
rudition que  n'ont  pas  toujours  les  travaux  de  ce  genre,  offre  cependant 
quelques-uns  des  défauts  que  je  viens  de  signaler.  Faisons  tout  de  suite 
la  part  des  éloges  avant  d'en  venir  aux  critiques.  La  somme  des  faits 
réunis  est  véritablement  considérable.  Ce  travail  est  le  fruit  de  longues 
et  persévérantes  recherches.  L'information  est  consciencieuse,  bien 
qu'elle  n'ait  pas  épuisé  la  matière,  mais  elle  est  en  somme  tout  à  fait 
suffisante.  De  plus,  un  certain  nombre  d'inexactitudes  mises  à  part,  les 
textes  sont  en  général  corrects,  les  sources  précises  et  sûres.  C'est  là  un 
mérite  très  appréciable.  Peut-être  pourrait-on  reprocher  à  l'auteur  de 
n'avoir  pas  mis  assez  d'art  dans  la  composition  et  de  n'avoir  pas  coor- 
donné suffisamment  ses  matériaux.  Tout  cela  est  vraiment  un  peu  sec, 
parfois  même  indigeste.  Il  y  a  trop  de  divisions.  Ilelàt  mieux  valu  grou- 
per pour  chaque  ville  l'ensemble  des  données  relatives  à  un  même  ordre 
d'enseignement,  au  lieu  de  les  répartir  suivant  les  différents  établisse- 
ments. L'ouvrage  comprend  trois  grandes  parties  :  les  Ecoles  avant  l'an 
1100;  les  Grandes  Ecoles  depuis  le  xi*^  siècle;  les  écoles  élémentaires. 
Ce  dernier  groupe  se  divise  lui-même  en  deux  subdivisions  :  les 
Écoles  paroissiales  et  les  Ecoles  de  congrégations.  Quelques  pièces  justi- 
ficatives intéressantes  et  bien  choisies  terminent  le  mémoire. 

La  première  partie  est  très  courte,  mais  elle  donne  lieu  cependant  à 
plusieurs  observations.  M.  M.  affirme  qu'il  existait  au  v^  siècle  de 
grandes  écoles  à  Vermand  et  à  Tournai  et  une  école  paroissiale  à 
Salency.  Passe  pour  la  petite  école  de  Salency,  dont  M.  M.  nous  prouve 
l'existence  à  l'aide  d'un  seul  mot  cité  à  propos  de  tout  autre  chose  dans 
la  vie  de  saint  Médaid,  écrite  par  le  poète  Fortunat,  près  d'un  siècle  et 
demi  plus  tard,  à  Poitiers.  Mais  pour  Vermand  et  Tournai,  l'objection 
est  plus  grave  :  le  seul  texte  cité  par  l'auteur  à  l'appui  de  sa  démons- 
tration est  extrait  de  la  vie  de  saint  Médard  par  Raibod  II,  évêque  de 
Noyon.  Or,  cette  vie  a  été  écrite  en  réalité  au  xii®  siècle.  M.  M.,  par  suite 
d'une  confusion  qu'un  érudit  de  sa  valeur  aurait  dû  éviter,  l'attribue  à 
Ratbod  I^""  (989-997),  mais  c'est  là  une  grave  erreur.  Ainsi  la  preuve 
du  fait  avancé  pour  ce  qui  concerne  les  écoles  au  v°  siècle  repose  uni- 

de  la  fin  du  xviiie  siècle,  à  côté  d'un  texte  hagiographique  du  xii^  siècle  s'appliquant 
à  un  saint  du  vi"  (!j  ei  de  ces  deux  textes  ainsi  rapprochés,  il  tire  les  conclusions  les  1 
les  plus  enthousiastes  en  faveur  de  la  sollicitude  épiscopale.  A  coup  sûr,  de  pareilles*^ 
sottises  sont  l'exception,  mais,  dans  bien  d'autres  cas,  le  procédé,  quoique  moins 
choquant  et  moins  cynique  est  exactement  le  même.  Il  faut  avouer  d'autre  part  que 
les  exagérations  commises  en  sens  contraire  et  les  attaques  systématiques  contre  le 
passé  justifient  trop  souvent  d'aussi  puériles  réponses. 


d'histoikk  et  dk  littératurk  47 

quement  sur  quelques  mots  pris  dans  un  texte  hagiographique  du 
xn^  siècle.  Je  n'insiste  pas.  Plus  loin,  à  la  page  suivante  (p.  43),  M.  M. 
affirme  que  «  la  présence  d'enfants  de  chœur  parmi  les  signataires  d'un 
contrat  (du  x^  siècle)  prouve  que  les  enfants  savaient  écrire  et  sans  nul 
doute  lire  ».  Il  n'est  pas  un  médiéviste  familiarisé  avec  l'étude  des  sous- 
criptions de  chartes  qui  puisse  prendre  au  sérieux  cet  argument.  Si 
tous  les  gens  dont  on  retrouve  les  noms  mentionnés  au  bas  des  actes 
avaient  su  lire,  on  pourrait  alors  soutenir  que  le  moyen  âge  tout  entier 
n'a  pas  eu  un  seul  illettré.  Voilà  comment  M.  M,  démontre  l'existence 
de  «  ces  foyers  de  lumière  et  de  vertu  qui  jouirent  dans  tous  les  temps 
d'une  réputation  justement  méritée  ». 

Les  deux  autres  parties  sont  meilleures.  Seulement  là  encore  on 
constate  à  regret  des  vices  de  méthode  non  moins  choquants.  Il  existe 
pour  l'histoire  de  l'enseignement  dans  le  pays  picard,  dans  la  seconde  moi- 
tié du  xi«  siècle  et  au  commencement  du  xii®,  un  texte  capital,  c'est  ce- 
lui deGuibert  de  Nogent  ".  Or,  ce  texte  si  curieux,  unique  à  tout  point  de 
vue,  qui  s'applique  à  larégion  mêmequ'étudie  M.  M.,  ce  texte  qui  donne 
des  détails  si  précis,  détails  lamentables,  il  est  vrai,  sur  l'état  misérable 
de  l'instruction  et  la  monstrueuse  ignorance  des  maîtres,  M.  M.  ne  le 
cite  nulle  part.  Est-ce  là,  je  le  demande,  la  saine  et  scrupuleuse  méthode 
historique?  Plus  loin,  p.  54  et  suiv.,  comment  l'auteur  ne  voit-il  pas 
que  l'enquête  relative  aux  charges  de  l'écolâtre  de  Noyon,  enquête  dont 
il  proclame  l'importance,  ne  prouve  absolument  rien.  Les  minutieuses 
dépositions  qui  se  trouvent  rapportées  dans  cette  pièce,  non  seulement  ne 
fournissent  aucune  donnée  sur  les  études  proprement  dites,  mais  sont  en 
outre  d'une  rare  ineptie.  Les  §  2  et  3  du  chapitre  II  sont,  sous  le  rapport 
des  renseignements,  les  moins  contestables  du  mémoire  2.  Seulement,  là 
comme  ailleurs,  M.  M.  manque  d'érudition  générale.  Il  n'a  pas  la 
moindre  idée  de  ce  qu'était  l'enseignement  durant  la  période  qui 
précéda  la  Renaissance  ni  des  changements  décisifs  réalisés  par  cette 
dernière.  Les  termes  dont  il  use  pour  célébrer  les  fondations  de 
Jean  Standonc  ^  indiquent  qu'il  ignore  complètement  ce  que  furent 
Montaigu  et  les  collèges  du  même  genre,  leur  saleté  infecte,  la  sottise 
et  la  brutalité  des  maîtres  qui  y  enseignaient.  La  réforme  pédagogi- 
que réalisée  à  ce  moment  par  certains  professeurs  lui  échappe  tota- 
lement. La  dernière  partie  aurait  pu  être  développée  davantage.  1  elle 
quelle  cependant,  elle  renferme  d'intéressantes  indications  \ 

Ce  n'est  point  d'ailleurs  sur  la  substance  même  du  travail  de  M.  M. 


1.  Guibert  de  Nogeni.  Edit.  d'Achery.  p.  460  et  461. 

2.  Il  y  aurait  cependant  plus  d'une  remarque  de  détail  à  y  faire,  par  exemple  des 
identifications  de  noms  bizarres.  Laurent  de  Médont  pour  traduire  Laurentiim  de 
Medunta.  La  liste  donnée  page  1 1 1  renferme  bien  des  lacunes,,  pendant  qu'on  y  voit 
figurer  des  gens  sans  aucune  valeur,  etc. 

3.  Pourquoi  orthographier  ce  nom,  contrairement  à  l'usage.'' 

4-  P.  125.  Toute  l'histoire  du  calligraphe  est  puérile,  et  la  conclusion  qu'en  tire 
M.  M.  l'est  encore  davantage. 


48  REVUE    CRITIQUE 

que  portent  nos  critiques,  mais  bien  plutôt  sur  les  conclusions  quMl  s'ef- 
force de  tirera  chaque  pas  des  plus  petits  faits  et  sur  les  préoccupations 
auxquelles  il  obéit.  Il  triomphe  de  la  moindre  mention  qu'il  rencontre 
d'un  enseignement  quelconque  organisé  par  l'Église,  sans  songer  que  cet 
enseignement  avait  le  plus  souvent  pour  but  unique  de  former  des  en- 
fants de  chœur  ou  de  jeunes  clercs  capables  de  lire  et  de  chanter  les  offi- 
ces. Que  d'écoles  où  les  lettres  n'étaient  que  les  humbles  servantes  du 
culte,  des  auxiliaires  de  la  liturgie!  Il  faut  éviter  de  jouer  sur  les  mots. 
Certes,  il  n'est  pas  impossible  de  démontrer  que  nos  pères  n'ont  pas  été  les 
ignorants  que  l'on  croit,  que  les  siècles  qui  nous  ont  précédés  ont  apporté 
eux  aussi  leur  contingent  d'efforts  en  faveur  de  l'enseignement,  que 
l'Eglise  a  eu  un  rôle  plus  noble,  plus  humain  que  celui  qu'on  lui  attri- 
bue, mais  il  faudrait  démontrer  tout  cela  d'une  autre  manière,  avec  une 
méthode  plus  saine,  avec  moins  de  passion  et  plus  de  mesure,  en  sachant 
reconnaître  les  faiblesses  et  les  lacunes,  bref  en  faisant  œuvre  de  science  et 
non  plus  de  parti.  Qui  veut  trop  prouver  ne  prouve  rien  ;  or,  M.  Morel 
veut  trop  prouver. 

A.  Lefranc. 

Quellen  zur  Schweizer  Geschichte  hrsg.  von  der  allgem.  geschichtsforsch.  Ge- 
sellschaft  der  Schweiz.  Basel.  Schneider.  In -8. 

322.  —  Die  œltesten  Uikunden  von  Allerheiligen  in  Schaffhausen,  Rheinau  und 
Mûri,  hrsgb.  von  F.  L.  Baumann,  G.  Meyer  von  Knonau  und  P.  Martin  Kiem. 
i883.  V,  218,  q8  et  206  p.    3  cartes.   10  mark  20  ,I[I<'r  Band). 

323.  —  eoui'ndi  Xurst,  de  situ  confœderatonim  descriptio  ;  Balcî  descriptio 
Helvetise;  Felicls  Fabi-i,  descriptio  Sveviae;  .loh.  stumpf,  Reisebericht  von 
1544.  18S4.  37a  p.  I  carte  7  mark  20  (Vler  Band). 

324.  —  Ulrîcî  Cainpelli  Rastiee  aipestris  topographica  descriptio,  hrsgb.  von 
G.  J.  KiND.  1884.  XVI  et  448  p.  8  mark  60  (VI  1er  Band). 

325.  —  Uli-lcî  Canipelli  Historia  raetica.  Tomus  I,  hrsg.  von  Plac.  Plattner. 
1887.  VI  et  724  p.   i3  mark  60  (VIU"'  Band). 

La  Société  générale  d'histoire  suisse  poursuit  avec  succès  la  publica- 
tion des  Quellen  ^ur  Schipei^er  Geschichte  :  depuis  que  la  Revue  criti- 
que a  annoncé  les  tomes  III  et  IV  ^  quatre  autres  volumes  ont  paru. 

Le  tome  III, dont  la  seconde  partie  n'a  été  publiée  qu'après  le  tomeV, 
contient  des  documents  relatifs  à  trois  couvents  de  la  Suisse,  celui  de 
Allerheiligen  de  Schaffhouse,  celui  de  Rheinau  et  celui  de  Mûri.  L'ab- 
baye de  Allerheiligen  avait  des  archives  remarquables;  elles  sont  main- 
tenant dispersées;  M.  Baumann  a  entrepris  de  publier  toutes  les  char- 
tes qu'elles  contenaient,  jusqu'à  l'année  1 1 5o.  Il  a  réuni  72  pièces,  pour 
la  plupart  déjà  connues,  mais  qu'il  a  rééditées  avec  soin,  les  faisant  sui- 
vre de  notes  explicatives  et  de  commentaires  portant  sur  la  diplomati- 
que et  sur  l'histoire.  Une  trentaine  de  ces  documents  émanent  des  chan- 
celleries impériale  ou  papale  ;  les  autres  sont  des  actes  privés  du  xi-  et  du 
xii"  siècle  dont  beaucoup  sont  originaux  et  qui  constituent  une  série 

I.  Numéros  du  3  octobre  1881  et  du  8  janvier  i883. 


d'histoirb  et  de  httkraturb  49 

précieuse  pour  Thistoire  politique  et  administrative  et  pour  la  topogra- 
phie du  duché  de  Souabe,  ainsi  que  pour  la  diplomatique  de  cette 
époque.  M.  Baumann  a  joint  aux  chartes  de  Pabbaye  un  terrier  inédit 
du  milieu  du  xiii^  siècle  et  un  certain  nombre  de  notes  historiques,  en 
partie  inédites,  relatives  au  couvent  et  rédigées  à  SchafFhouse  ou  ailleurs. 
M.  Meyer  de  Knonau  a  publié  d'une  façon  tout  analogue  le  cartulaire 
de  Rheinau;  ce  cartulaire  date  dans  son  ensemble  du  second  quart  du 
xii^  siècle;  les  chartes  qu'il  contient,   publiées  déjà  au  siècle  dernier, 
sont  comprises  entre  les  années  841  et  ii25.  M.  Meyer  de  Knonau  a 
eu  soin  de  copier  les  pièces  originales,  toutes  les  fois  qu'il  les  a  retrou- 
vées, et  de  ne  suivre  le  cartulaire  que  lorsqu'il  avait  ce  texte  seul  sous  la 
main,  ce  qui  a  été  malheureusement  le  cas  le  plus  fréquent;  il  a  Joint 
au  cartulaire  un  nécrologe  du  monastère.  Enfin,  c'est  M.  Martin  Kiem 
qui  a  publié  les  ActaMurensia,  un  des  écrits  les  plus  consultés  et  les 
plus  discutés  du  moyen  âge.  Ils  avaient  été  composés  dans  la  seconde 
moitié  du  xiii*^  siècle,  pour  donner  une  idée  nette  aux  religieux  de  Mûri 
des  origines  de  leur  couvent,  de  ses  droits,  de  ses  biens  et  de  l'apparen- 
tage  de  ses  fondateurs.  Ces  fondateurs  étant  les  Habsbourg,  les  généalo- 
gistes, depuis  le  xvi*  siècle,  se  sont  emparés  de  ces  documents,  les  ont 
commentés  et  en  ont  le  plus  souvent  tordu  ou  forcé  le  sens,  chacun 
espérant  y  trouver  des  preuves  à  l'appui  de  sa  thèse.  L'importance  qu'ils 
attachaient  à  ces  Acta  était  pleinement  justifiée,  puisque,  de  nos  jours, 
i'is  sont  encore  la  source  la  plus  importante  à  consulter  sur  la  filiation 
des  premiers  Habsbourg.  M.  Kiem  les  a  fait  suivre  d'un  nécrologe  d'Her- 
metswil  qui  complète  sur  plusieurs  points  cette  généalogie  et  il  a  réédité 
quelques  chartes  et  lettres  relatives  à  Mûri  ;  malheureusement  les  actes 
de  ce  monastère  sont  très  rares,  ses  archives  ayant  été  détruites  par  le 
feu  en  i3oo.  Ce  volume  est  accompagné  de  trois  cartes  destinées  à  figu 
rer  les  biens  des  trois  couvents  ;  chaque  collection  de  documents  est  sui- 
vie d'une  postface  (Nacluvort)  et  d'un  index  alphabétique. 

Après  ce  volume  documentaire,  voici  deux  volumes  contenant  des 
descriptions  de  la  Suisse.  Le  tome  VI  s'ouvre  par  l'une  des  plus  ancien- 
nes que  nous  possédions  :  elle  a  été  écrite  dans  les  années  1495  à  1497, 
en  latin  d'abord,  puis  en  allemand,  par  un  médecin  zurichois,  Conrad 
Tûrst,  dont  la  biographie  n'est  que  très  imparfaitement  connue.  Son 
De  situ  Confœderatorum  descriptio  est  accompagné  d'une  carte  remar- 
quable pour  le  temps  où  elle  a  été  dressée  et  dont  on  nous  donne  un 
fac-similé.  Cette  description,  éditée  par  MM.  Georges  de  Wyss  et  Her- 
mann  Wartmann,  est  suivie  d'une  autre  écrite,  peu  après  1499,  par  un 
Milanais  nommé  Balci  ;  elle  fournit  un  curieux  témoignage  de  l'impres- 
sion que  faisait  sur  un  étranger  la  Confédération  à  une  époque  où  elle 
jouissait  d'un  si  grand  renom  auprès  de  ses  voisins;  nous  en  devons  la 
publication  à  M.  A.  Bernoulli.  Vient  après  le  travail  d'un  Zurichois, 
Félix  Schmid.  Ce  Schmid  ou  Fabri  avait  été  deux  fois  en  Terre-Sainte, 
et  il  nous  a  laissé,  de  ses  pérégrinations,  des  récits  qui  lui  assignent  une 


5o  REVUE    CRITIQOR 

place  honorable  parmi  les  écrivains  de  voyages  du  xv"  siècle.  A  son 
retour,  il  écrivit  une  Dcscn'pt io  Sueviae  de  laquelle  M.  Hermann  Escher 
a  extrait  et  publié  tout  ce  qui  concernait  la  Suisse.  L'ouvrage  de  Fabri 
ne  répond  pas  exactement  au  titre;  il  commence,  il  est  vrai,  par  un  traité 
géographique  ;  mais,  peu  à  peu,  Fauteur  est  entraîné  par  son  sujet;  l'his- 
toire des  Habsbourg  prend  une  place  toujours  grande,  et  les  luttes  de 
cette  maison  avec  les  Confédérés  finissent  par  devenir  le  centre  de  sa 
narration.  Les  sympathies  de  Fabri,  et  on  nous  explique  très  bien  pour- 
quoi, sont  tout  autrichiennes:  son  récit,  dont  la  première  rédaction  a  été 
terminée  vers  1488  ou  1489,  est  trop  partial,  les  sources  auxquelles  il  a 
puisé  sont  trop  peu  sûres  et  trop  peu  originales  pour  qu'on  puisse  espé- 
rer trouver  dans  son  travail  des  données  historiques  nouvelles;  mais  il 
est  intéressant  parce  qu'il  nous  fait  connaître  Tétat  des  esprits  à  cette 
époque  ;  ses  tableaux  sont  inexacts,  la  perspective  en  est  fautive  :  ce  sont 
néanmoins  autant  d'illustrations  qui  ont  leur  prix.  Ce  volume  se  ter- 
mine par  le  récit  du  voyage  en  Valais  que  le  chroniqueur  Stumpf  fit  en 
1  544  ;  ce  voyage  est  curieux  tant  au  point  de  vue  géographique  que  par 
les  notes  historiques  que  le  savant  Zurichois  accumule  chemin  faisant. 

Le  VII«  volume  des  Quellen  contient  une  description  de  la  Rhétie 
par  Ulrich  Campell.  Elle  n'est  que  le  livre  premier  d^une Historia  Rae- 
tica  du  même  auteur  dont  une  partie  a  déjà  paru  dans  le  tome  VIII  des 
Quellen.  Il  nous  paraît  préférable  d'attendre,  pour  parler  de  cette  des- 
cription, que  l'œuvre  de  Campell  soit  entièrement  éditée;  on  pourra^ 
la  juger  alors  dans  son  ensemble  et  nous  y  reviendrons. 

La  publication  des  Sources  pour  l'histoire  suisse  est  maintenant  assez'^f 
avancée  pour  qu^on  puisse  dire  quelques  mots  du  plan  suivi.  Elle  est 
restée  fidèle  à  un  programme  fixé  dès  le  début  et  dont  voici  les  points 
essentiels  :  1°  Les  Quellen  \iir  Sc}upei:{er  Geschichte  contiennent  des 
matériaux  narratifs,  descriptifs  ou  documentaires,  tels  que  chroniques, 
curiosités,  lettres,  chartes,  régestes;  2°  chaque  volume  doit  être  homo- 
gène, c'est-à-dire  ne  doit  contenir  que  des  sources  de  même  nature,  des 
chroniques  ou  des  chartes,  et  encore  ces  chroniques  ou  ces  chartes  con- 
tenues dans  le  même  volume  doivent-elles  avoir  trait  à  la  même  époque 
ou  au  même  sujet;  3°  chaque  chronique  ou  collection  de  textes  doit  être 
accompagnée  d'une  préface  qui  donne  les  renseignements  nécessaires 
sur  son  origine,  sa  valeur,  sur  le  texte  original  et  la  manière  dont  il  a 
été  reproduit;  4°  chaque  volume  doit  contenir  un  index  des  noms  de  1 
lieux  et  de  personnes.  Cette  collection  des  Quellen,  commencée  en  1 877, 
renferme  déjà  trois  volumes  de  chroniques  (tomes  I, VII I,  IX  à  paraître), 
un  volume  de  chartes  (tome  III),  trois  volumes  d'histoire  et  de  docu- 
ments diplomatiques  du  xvii^  siècle  (tomes  II,  IV  et  V),  deux  volumes 
de  descriptions  de  la  Suisse  ou  de  quelqu'une  de  ses  parties  (tomes  VI 
et  VII).  Les  éditions  sont  excellentes.  Peut-être  y  aurait-il  quelques  res- 
trictions à  faire  au  point  de  vue  de  Tordonnance  matérielle  de  certains 
volumes.  Pourquoi,  par  exemple,  l'emploi   si  fréquent  de  la  postface 


d'histoire    et    de    LlTTéRATURE  5  I 

(Nachwort)l  Cet  emploi,  qui  n^a  pas  même  le  mérite  de  pouvoir  être 
constant,  rompt  Tuniformité  de  la  série.  De  plus  petits  détails  pourraient 
encore  étonner;  mais  il  vaut  mieux  ne  pas  s'y  arrêter  et  ne  pas  porter 
un  jugement  entaché  de  mesquinerie  sur  une  entreprise  utile  et  bien 
menée. 

Edouard  Favre. 


326.  —  Poésie  di  mille  :tutoi>î  intorno  a  Dante  /iligliiei*i  raccolte  ed 
ordinale  cronologicamente  con  note  storiche,  bibliografiche  e  biografiche  da  Carlo 
Del  Balzo.  Vol.  I.  Rome,  Forzani,  1888,  in-8  de  xv-669.  Prix  :  12  fr.  (Edition 
de  5oo  ex.  numér.) 

Je  dirais  mieux  ma  pensée  sur  le  travail  considérable  entrepris  par 
M.  Del  Balzo,  si  l'œuvre  était  plus  avancée  et  si  on  voyait  plus  com- 
plètement les  services  qu'elle  est  appelée  à  rendre.  Le  premier  volume 
permet  cependant,  avec  la  préface  qui  Pintroduit,  de  prendre  une  idée 
du  but  de  l'auteur.  Boccace,  dans  sa  Vie  de  Dante,  raconte  qu'à  la  mort 
du  n  divin  poète  »,  à  Ravenne,  ses  confrères  de  la  Romagne  compo- 
sèrent beaucoup  de  vers  pour  son  tombeau,  les  uns  dans  un  sentiment 
d'admiration,  les  autres  pour  faire  leur  cour  à  Guido  da  Polenta,  sei- 
gneur de  Ravenne,  qui  avait  résolu  de  lui  élever  un  monument.  L''épita- 
phe  ne  fut  point  gravée,  et  tous  ces  vers,  sauf  ceux  de  Giovanni  del  Vir- 
gilio,  furent  perdus.  La  série  devait  en  être  considérable  ;  mais  ne  les 
regrettons  pas  trop  :  M.  Del  B.  tresse,  en  l'honneur  du  poète,  une  cou- 
ronne de  fleurs  plus  riche  et  de  couleurs  moins  monotones.  Tous  les 
poètes  qui  ont  parlé  de  Dante  sont  appelés  à  y  contribuer,  et  comme 
Fauteur  veut  faire  une  collection  complète,  il  descendra  jusqu'à  nos 
jours  et  donnera  toutes  les  œuvres,  sans  se  préoccuper  du  choix  qu'y 
pourra  faire  la  postérité  au  point  de  vue  du  mérite  littéraire.  Dans  un 
pareil  ouvrage,  où  l'ordre  chronologique  doit  être  suivi,  les  premiers 
volumes  seuls  ont  un  réel  intérêt  pour  Térudition,  C'est  ainsi  qu'on  trou- 
vera avec  plaisir,  dans  celui  qui  nous  occupe,  une  série  de  pièces  qui 
ont  une  importance  considérable  pour  la  biographie  de  Dante  ou  pour 
l'histoire  de  son  œuvre.  Plusieurs  sont  très  connues,  mais  la  plupart 
sont  dispersées  en  des  ouvrages  différents  et  d'un  accès  parfois  difficile. 
La  collection  s'ouvre  naturellement  par  les  sonnets  adressés  à  Dante  par 
Guido  Cavalcanti,  Cino  da  Pistoia,  Dante  da  Maiano,  en  réponse  au 
premier  sonnet  de  la  Vita  nuova ;  sMivenX  les  autres  correspondances 
poétiques  de  Dante,  les  vers  composés  contre  lui  de  son  vivant,  les  son- 
nets, canzones,  vers  latins  inspirés  par  sa  mort,  les  parties  de  VAcerba 
de  Cecco  d'Ascoli  dirigées  contre  Dante,  le  célèbre  Capitolo  de  Bosone 
da  Gubbio,  celui  de  Jacopo  Alighieri,  l'explication  poétique  de  Vlnferno 
par  Fra  Guido  de  Pise,  etc.  Un  des  plus  curieux  morceaux  est  le  texte  hé- 
breu, transcrit  en  caractères  latins,  d'un  grand  ouvrage  en  prose  rimée 
d'un  illustre  écrivain  juif,  né  à  Rome  en  1265,  Immanuel  ben  Salomo 


5  2  REVUE    CRITIQUE 

CManoel  Giudeo);  l'auteur  a  connu  Dante  personnellement  et  son 
poème  sui  Tenfer  et  le  paradis,  qui  a  été  composé  au  plus  tard  en  i332, 
se  trouve  être,  par  ordre  de  date,  la  première  imitation  de  la  Divine  Co- 
médie.  J'aurais,  pour  ma  part,  dispensé  M.  Del  B.  de  l'édition  intégrale 
des  traductions  anglaises,  allemandes,  hongroises  de  certains  des  mor- 
ceaux publiés  ;  ces  traductions  sont  en  vers,  et,  à  ce  titre,  rentraient  dans 
son  cadre;  mais  je  ne  puis  m'empécher  de  trouver  qu'elles  tiennent 
beaucoup  de  place.  Un  titre  courant  varié  eût  mis  de  la  clarté  dans  la 
lecture.  Les  textes  sont  d'ailleurs  publiés  avec  beaucoup  de  soin,  et  lors- 
qu'il y  a  lieu,  sous  forme  critique.  L'éditeur  s'est  fait  aider,  toutes  les 
fois  que  sa  compétence  spéciale  a  été  dépassée.  Les  notes  historiques,  bio- 
graphiques, bibliographiques,  sont  extrêmement  abondantes;  plusieurs 
sont  de  véritables  dissertations  d'une  grande  utilité  et  d'une  informa- 
tion très  étendue  L 

—  Le  second  volume  des  Poésie  di  mille  aiitori  paraît  au  moment  où 
me  parviennent  les  épreuves  de  ce  compte-rendu  -.  L'encombrement 
des  traductions  inutiles  y  est  moindre.  On  y  trouve  encore  quelques 
hors-d'œuvre;  n'y  a-t-il  pas,  par  exemple,  dix  pages  perdues,  à  donner, 
à  propos  du  sonnet  où  Pétrarque  nomme  Dante,  le  résumé  chronologi- 
que de  la  vie  de  Pétrarque  par  Ferrazi?  Tous  les  lecteurs  de  M.  Del 
Balzo  possèdent  le  Manuale  dantesco,  et  la  seule  excuse  de  la  réimpres- 
sion de  ce  long  morceau  eût  été  de  le  compléter  et  d'en  corriger  les  er- 
reurs. D''ailleurs,  le  volume  n'est  pas  moins  riche  que  le  précédent.  On 
y  trouve  d'abord  la  traduction  en  tierces-rimes  du  poème  hébreu  cité 
plus  haut,  traduction  due  à  S.  Seppiili;  puis  viennent  tous  les  témoi- 
gnages poétiques  se  rapportant  à  Dante,  qui  vont  de  l'année  i335  à 
l'année  1390,  mentions  latines  et  italiennes  dans  Boccace,  Pétrarque, 
Antonio  da  Ferrara,  Franco  Sacchetti,  Antonio  Pucci,  Benvenuto  da 
Imola,  Chauceret  beaucoup  d'autres  auteurs  moins  connus.  Une  grande 
partie  du  volume,  faisant  exactement  200  pages,  est  occupée  par  l'im- 
portant poème  anonyme  de  la  Léandréide,  dont  on  trouvera  ici  pour  la 
première  fois  le  texte  intégral,  publié  d'après  un  manuscrit  de  Venise. 
Les  notices  sont  de  valeur  inégale;  celle  de  Benvenuto  da  Imola  est  très 
complète,  très  au  courant  des  travaux  récents  ;  il  n'en  est  pas  de  même 
de  celle  de  Boccace  ni  des  pages  sur  le  Dante  Vat.  3igg.  Malgré  ces 
réserves  et  celles  qui  précèdent,  le  travail  de  M.  Del  Balzo  n'en  reste 
pas  moins  une  oeuvre  importante  et  d'un  très  grand  intérêt  bibliogra- 
phique et  littéraire.  Plus  tard,  de  bons  index,  largement  conçus  et  des- 
tinés à  orienter  le  lecteur  dans  la  masse  des  renseignements  réunis, 
ajouteront  beaucoup  à  la  valeur  de  l'ouvrage. 

P.  DE  NOLHAC.  

1.  Je  regrette  que  M.  Del  B.  ait  cru  devoir  louer  un  admirable  sonnet  de  Dante, 
qu'il  dit  à  juste  titre  «  le  plus  beau  sonnet  d'amour  du  Parnasse  italien,  »  au  moyen 
d'un  mot  méprisant  pour  Pétrarque. 

2,  11  porte  la  date  de  1890  et  compte  568  pages.  Le  vol.  III,  assure  l'éditeur,  paraî- 
tra avant  la  fin  de  l'année. 


1 


d'histoirk  et  de  littérature  53 

327.  —  Correspondance    des    Deys   d'Alger    avec   la   Cour  de  France 

(i579-i838),  par  Eugène  Plantet.   (Paris,   Alcan,  2  vol,  grand  in-8  de  lxxv-56o 
et  619  p.) 

Les  relations  officielles  de  la  France  avec  Alger  datent  du  1 1  février 
1534,  jour  où  François  I«^  délivra  des  lettres  de  créance  au  sieur  de  La 
Forest,  pour  le  représenter  auprès  de  Kheïr-ed-Din  ^.  A  cette  ambas- 
sade, succéda  celle  de  Jean  de  Monluc  %  puis  la  mission  politique  et 
militaire  de  Saint  Blancard  et  de  Marillac  ^  et,  plus  tard,  celles  de  d'A- 
ramon,  du  chevalier  d'Albisse,  de  San  Pietro  d'Ornano  et  de  M.  de 
Ménillon  ^  Mais  les  lettres  royales  qui  ont  pu  être  adressées  dans  ces 
occasions  aux  Pachas  et  aux  Sandjiacs  d'Alger  n'ont  pas  été  retrouvées, 
non  plus  que  les  réponses  auxdites  lettres  '\  Il  en  est  tout  autrement 
de  la  correspondance  entretenue  entre  les  chefs  de  l'Odjeac  et  la  France, 
à  partir  des  dernières  années  du  xvi"  siècle;  ces  relations,  nouées  à  l'o- 
rigine avec  les  gouverneurs  de  Marseille,  se  poursuivent  directement 
avec  la  Cour  de  France  à  partir  de  la  mission  de  Sanson  Napollon,  et 
sont  continuées  jusqu'en  i83o.  Les  pièces  originales,  ou,  à  leur  défaut, 
les  minutes,  ont  été  conservées  *'  aux  Archives  de  la  Chambre  de  Com- 
merce de  Marseille,  à  celles  de  la  Marine,  des  Colonies  et  du  Minislcie 
des  affaires  étrangères. 

C'est  dans  ces  riches  dépôts  que  M.  Piantet  a  réuni  les  matériaux  du 
bel  ouvrage  qu'il  vient  de  publier;  les  lettres  sont  accompagnées  de 
nombreuses  annotations  et  d'éclaircissements  qui  en  font  apprécier  la 
valeur  historique,  et  montrent  combien  Fauteur  s'est  pénétré  de  son 
sujet. 

L'introduction  est  longue,  et  on  ne  le  regrette  pas;  elle  forme,  à  elle 
seule,  un  excellent  abrégé  de  l'histoire  de  la  Régence,  présenté  sous  une 
forme  très  élégante  et  très  claire.  Nous  y  signalerons,  cependant,  quel- 
ques petites  inexactitudes  ;  il  n'est  pas  juste  de  dire  (p.  xxvi),  que  notre 
pavillon  fut  le  plus  insulté  de  tous  par  les  Barbaresques;  il  le  fut,  au 
contraire,  moins  qu'aucun  autre  ~.  Le  fort  TEmpereur  n'a  pas  été  cons- 

1.  Négociations  de  la  France  dans  le  Levant,  t.  I,  255  et  suiv. 

2.  Id.,  ibid.,  327  et  suiv. 

3.  Jd.,  ibid.,  340,  371  et  suiv. 

4.  Id.  t.  II,  i56,  204,  201,  714.  —  T.  III,  552  et  suiv. 

5.  Il  semble  cependant  presque  certain  que  ces  lettres  ont  existé,  entre  autres 
celles  par  lesquelles  Charles  IX  faisait  savoir  au  Pacha  d'Alger  que  l'Espagne  se  dis- 
posait à  l'attaquer  (L.  c.  t.  III,  388,  854  et  suiv.) 

(^1.  A  ce  sujet,  il  est  bon  de  dire  qu'il  a  dû  y  avoir  autrefois  des  pertes  impor- 
tantes dans  les  Archives  de  la  Chambre  de  Marseille,  qui  n'avaient  été  ni  classées 
ni  inventoriées  jusqu'au  moment  où  M.  O.  Teissier  se  chargea  de  ce  travail  et  l'ac- 
complit très  heureusement.  Pour  donner  une  idée  des  lacunes  qui  existent,  il  suffira 
de  dire  que  la  correspondance  consulaire  d'Alger  manque  de  i633  à  1654. 

7.  Les  captifs  français,  au  moment  où  les  déprédations  furent  le  plus  multipliées 
contre  nous,  ne  formaient  que  le  vingtième  du  total  des  esclaves  (1200  environ  sur 
25ooo). 


54  RF.VUK    CRITIQUE 

truit  par  Charles  V  (p.  xxvi)  >;  M.  Barreau  était  laïque,  et  n'a  aucun 
droit  à  être  qualifié  de  Père  ^  ;  les  Reïs  n'étaient  nommés  à  un  grade 
par  personne  (p.  xix),  sauf  dans  les  derniers  temps  de  Pûdjeac;  tous 
ceux  qui  pouvaient  armer  en  course  un  bâtiment  quelconque  étaient  des 
Reis  ;  le  partage  des  prises  (p.  xx)  a  infiniment  varié;  enfin,  la  distinc- 
tion établie  entre  les  Deys  et  les  Pachas -Deys  (p.  xxiii)  n'a  pas  de  raison 
d'être  ^  Cela  dit,  il  ne  nous  reste  plus  qu'à  faire  des  éloges  mérités  *; 
cette  œuvre,  pour  emprunter  les  expressions  de  l'auteur  lui-même, /era 
connaître  lin  grand  nombre  défaits  ignorés  jusqu'à  ce  jour  ^  dHncidents 
restés  dans  l'ombre,  de  détails  rapportés  d'une  façon  inexacte  où  tout 
au  moins  incomplète .  Nous  terminerons  en  disant  que  l'édition  est  très 
soignée,  tant  pour  le  choix  du  papier  que  pour  l'exécution  typographi- 
que, et  que  chaque  volume  est  orné  d'une  belle  héliogravure  représen- 
tant, l'une,  la  vue  cavalière  d'Alger  au  xv!!""  siècle,  l'autre,  le  palais  de 
la  Jénina.  M.  Plantet  prépare  la  publication  de  la  correspondance  des 
Beys  de  Tunis,  des  Beys  de  Tripoli  et  de  l'Empereur  du  Maroc  avec  la 
Cour  de  France,  ainsi  que  l'histoire  des  anciennes  concessions  de  la 
France  en  Barbarie;  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'histoire  de  l'Afrique 
du  Nord  attendront  l'apparition  de  ces  nouvelles  œuvres  avec  une  im- 
patience justifiée  par  le  méiite  de  celle  dont  nous  venons  de  parler. 

H.  D.  DE  Grammont. 


I 


328.  —  G<¥tbe-Jalirbucli.  hrsg.  von  L.  Geiger.  XI  Band.  Frankfurt  am  Main,, 
Litter.  Anstalt  (Rûuen  et  Lœning),  1890.  In-8.  s  et  276  p.  10  mark. 

U Annuaire  de  Gœthe  pour  1890  s'ouvre  par  trois  superbes  portraits 
de  Gœthe,  de  Christiane  Vulpius  et  d'Auguste  de  Gœthe.  Ce  sont  les 

1.  Charles  V  campa  sur  l'emplacement  du  fort  l'Empereur,  le  24  octobre  1541, 
au  soir  ;  la  tempête  commença  à  neuf  heures;  on  se  battit  toute  la  journée  du  len- 
demain ib,  et  la  retraite  fut  décidée  le  26  au  matin  ;  le  temps  matériel  de  la  cons- 
truction d'un  fort  fait  donc  défaut.  De  plus,  Haëdo  dit  formellement  que  cet  ouvrage 
fut  édifié  par  Hassan- Pacha,  en  ib^b.  (V.  Villegaignon,  le  Journal  de  Vandenesse, 
et  la  Topografia  de  Haëdo). 

2.  Mémoires  de  la  Congrégation  de  la  Mission,  t.  Il,  p.  186. 

3.  C'est  M.  Waibled  qui,  le  premier,  a  fait  cette  distinction  peu  fondée.  fRevue 
africaine,  l.  XVII,  p.  438),  En  fait,  ce  qui  se  passa  en  171 1  (et  non  en  1710)  n'avait 
rien  de  nouveau,  et  Ali  Chaouch,  en  refusant  de  recevoir  le  Pacha  Charkan  Ibrahim, 
ne  tit  que  suivre  l'exemple  de  plusieurs  de  ses  prédécesseurs,  qui.  comme  lui,  avaient 
vu  leur  rébellion  récompensée  par  le  caftan  d'investiture;  on  peut  citer  Hadj  Hus 
sein,  en  1686,  et  Chaban,  en  1691,  Il  n'y  eut  donc,  en  réalité,  ni  innovation,  ni 
révolution. 

4.  Nous  signalerons  quelques  petites  corrections  à  effectuer  dans  une  nouvelle  édi- 
tion ;  Gramaye  était  à  Alger  en  16 1  g  et  non  en  j568  (p.  xx)  ;  —  le  chef  de  l'expédi- 
tion de  1601  éxz'\t  Jean- André  Doria  (p.  lxvi);  —  l'édition  du  Massacre  des  Turcs 
est  de  1620  et  non  de  1640  (p.  7);  on  doit  lire  Piou,  et  non  Pion  (p.  52);  id.,  le  F. 
Dubourdieu,  et  non  le  P .  Dubourdieu  (6oj.  —  La  Croisière  de  Motheux  était  Officier  \\ 
de  marine  et  non  Religieux  (Table).  —  A  la  liste  des  Pachas,  au  lieu  de  El.  Hadj, 
lire  El  Hadj'  Bêcher  ben  Ateladja. 

1 


d'histoire  et  de  littérature  55 

portraits  en  miniature  que  fit  en  iSi  i,à  Weimar,  le  capitaine  Raabe. 

La  première  partie  (Neiie  Mittheilungen),  contient  :  1°  le  ghasel  de 
Goethe  sur  TEilfer  sous  sa  forme  première,  avec  un  instructif  commen- 
taire de  M.  K,  Burdach;  2°  une  pièce  de  trois  strophes  attribuée  à 
Goethe,  mais  que  M.  Suphan  restitue  à  Siegmund  de  Seckendorf; 
30  un  épilogue  en  vers  de  la  Vasthi  de  Gotter,  et  qui  serait  peut-être 
l'œuvre  de  Gœthe;  4°  la  correspondance  de  Gœthe  et  du  prélat  de 
Diez,  181 5- 18 16;  5°  des  lettres  bien  intéressantes  de  Reinhard  au 
chancelier  Millier,  avec  une  annotation  de  M.  L.  Geiger,  et,  en  appen- 
dice, des  extraits  de  lettres  de  Reinhard  à  Wessenberg  ^  ;  6°  l'itinéraire 
de  Gœthe  dans  son  vovage  de  1790  en  Silésie  (reconstitué  par  M. 
Zarncke)  ;  7°  quarante-neuf  lettres  de  Gœthe  à  divers  personnages,  deux 
lettres  curieuses  de  Lavater  au  poète  (1775  et  1781),  une  lettre  de  Schiller 
[1  i  août  1802),  une  lettre  des  parents  de  Gœthe  à  Crespel  (18  janvier 
17771,  une  lettre  de  Frau  Ratli  à  M"'  Stock.  (9  mai  1808). 

La  deuxième  partie  ( Abhandlungen),  renferme  quatre  études.  M.  Sup- 
han raconte,  d'après  un  récit  manuscrit  du  comte  Maurice  de  Brûhl, 
une  journée  de  Gœthe  à  Carlsbad  en  1785.  M.  de  Loeper  recherche 
l'origine  de  quelques-uns  des  Spriiche  in  Prosa,  d'après  les  manus- 
crits du  poète  que  possédait  Varnhagen.  M.  Bûsgen  apprécie  les  études 
botaniques  de  Gœthe.  M.  H.  Dechent  fait  mieux  connaître  les  Seelsor- 
ger  de  la  famille  Gœthe,  Fresenius  et  Schmidt. 

On  trouvera  dans  la  troisième  partie,  comme  toujours,  des  mélanges 
intéressants  (entre  autres  sur  la  langue  de  la  Bible,  les  proverbes,  les 
jeux  de  mots  dans  Gœthe,  le  théâtre  de  Leipzig  à  l'époque  où  le 
poète  suivait  dans  cette  ville  les  cours  de  l'Université),  une  chronique 
bien  informée,  une  bibliographie  à  la  fois  précise  et  complète,  ainsi  que 
le  cinquième  rapport  annuel  de  la  Gœthe- Gesellschaft. 

A.  G. 


320.  —  ï-a  Simpllfleatlon  de  Porthographc,   par  Louis   Havet,  professeur 
au  Collège  de  France.   Paris,  Hachette.  Un  vol.  in- 12,  60  p.  Prix  :  i  fr. 

«  Nos  chinoiseries  d'orthographe  coûtent  au  pays  bien  plus  qu'il  ne  s'en 
doute  :  perte  de  temps  et  perte  de  travail,  moindre  culture  d'un  bon  nom- 
bre de  Français,  moindre  expansion  de  la  langue  française.  »  La  chose  est 
très  grave,  si  elle  est  vraie  ;  mais  n'y  a-t-il  point  là  un  peu  d'exagération  ? 
Pourtant,  je  le  veux  bien  :  abrégeons,  simplifions,  régularisons  l'ortho- 
graphe ;  supprimons  dans  les  mots  venus  du  grec  les  th  ::z  6,  les  ch  =  7, 
les  ph  =  0,  les  hy  =  û,  et  écrivons  auioktone,  Korografie,  idrqfobie, 
idrocéfale,  etc.  Ceux  qui  savent  le  grec  le  reconnaîtront  quand  même 
sous  ce  nouvel  affublement,  mais  ceux  qui  l'ignorent  en  seront-ils  plus 

I .  P.  42,  le  baron  5ef  ^a  doit  être  le  baron  Serra  (cp.  Jonas,  C.G.  Kœmer,  p.  2  58)  ; 
—  p.  54,  lire  dans  la  citation  de  Mignet  «  ouvrait  »  et  non  aurait  ;  —  p.  61 ,  lire  «  de  » 
(Broglie)  et  non  le; —  p.  261,  Firmery  et  non  Firmey. 


56  REVUE    CRITIQUE 

avancés?  Ces  mots,  de  quelque  façon  qu'on  les  orthographie,  seron 
toujours  pour  le  populaire  un  assemblage  de  lettres  mystérieux,  et  il  est 
absolument  illusoire  de  penser  que  cette  prétendue  simplification  lui 
sera  de  quelque  utilité.  Il  y  a  des  réformes  qui  me  paraissent  plus  ration- 
nelles, plus  nécessaires.  Ainsi  je  ne  serais  pas  opposé  à  ce  que  l'on  sup- 
primât dans  beaucoup  de  mots  très  usuels  les  lettres  inutiles  qui  sont 
venues,  je  ne  sais  comment  les  surcharger,  et  attirer  leur  physionomie; 
il  y  aurait  avantage  à  orthographier  abé.  aquiter,  atendre,  ateler,  ati- 
rer,  etc.  Mais,  comme  le  disait  A.  Darmesteter,  c'est  d'une  main  légère 
et  discrète  qu'il  faut  toucher  à  la  langue  écrite,  surtout  quand  cette  lan- 
gue a,  comme  la  nôtre,  produit  dans  sa  maturité,  une  suite  ininterrom- 
pue de  chefs-d'œuvre.  C'est  pourquoi  les  réformateurs  sages  et  modérés, 
tels  que  M.  Havet,  me  permettront  de  proposer  à  leur  méditation  ces 
quelques  lignes  de  Vinet,  qui,  pour  mon  compte,  m'ont  fait  beaucoup 
réfléchir  :  «  La  langue  est  sacrée  comme  la  Société.  Elle  n'est  pas  im- 
muable, elle  ne  peut  pas  l'être;  mais  elle  ne  souffre  aucun  changement 
arbitraire  et  capricieux,  aucune  violence  gratuite,  aucune  modification 
individuelle.  Dans  les  changements  qu'elle  accepte,  elle  subit  sa  propre 
loi,  et  n'obéit  qu'à  ses  besoins.  »  Voilà  qui  me  paraît  fort  bien  dit  :  aussi 
je  trouverai  les  réformes  proposées  par  M.  Havet  excellentes  le  jour  où 
le  commun  usage  qui  est  le  *  jus  et  norma  loquendi  »  leur  donnera  son 
consentement. 

A.  Delboulle. 


33o.  —  De  l'étude  des  l^atois  du  Haut-Daupliiné,  par  labbé  A.  Devaux, 
chanoine  honoraire,  professeur  aux  Facultés  catholiques  de  Lyon,  membre  associé 
de  l'Académie  delphinale.  Grenoble,  F.  Allier,  18S9;  in-8,  62  pages. 

Cet  opuscule  est  une  lecture  faite  à  l'Académie  delphinale  le  29  mars 
1889  :  après  avoir  retracé  d'une  façon  détaillée  l'historique  des  études 
relatives  à  la  philologie  patoise  du  Dauphiné  depuis  le  xvii*"  siècle  jus- 
qu'à nos  jours,  M.  l'abbé  Devaux  raconte  comment  il  a  été  amené  à 
s'occuper  à  son  tour  de  ces  questions.  Il  a  limité  ses  investigations  lin- 
guistiques à  une  contrée  bien  déterminée,  celle  du  Haut-Dauphiné, 
connue  généralement  sous  le  nom  de  «  Terres-Froides  »,  et  qui  com- 
prend une  notable  partie  de  l'arrondissement  de  la  Tour-du-Pin.  Il 
nous  promet  à  brève  échéance  une  étude  complète  sur  la  phonétique 
comparée  des  patois  de  cette  région,  et  aussi,  semble-t-il,  un  glossaire 
qui  ne  contiendra  pas  moins  de  5o  ou  60,000  formes.  Ce  sera  là  une 
contribution  considérable  à  la  connaissance  des  parlers«  franco-proven- 
çaux »,  et  il  faut  savoir  gré  à  M.  D.  de  l'avoir  entreprise  en  recueillant 
les  faits  sur  place,  en  se  mettant  au  courant  des  méthodes  actuelles  et 
de  la  notation  phonétique  usitée  dans  la  Revue  des  patois  gallo  romans. 
Toutefois,  si  l'auteur  veut  publier  son  œuvre  dans  de  bonnes  conditions, 
s'il  veut,  comme  il  semble  en  avoir  l'intention,  aborder  des  questions 


I 


d'histoire  et  de  littérature  5y 

délicates  d'étymologie,  trier  l'élément  indigène  de  rélément  emprunté, 
remonter  en  un  mot  jusqu'aux  transformations  du  latin  vulgaire  dans 
le  Dauphiné,  ce  ne  serait  plus  assez  que  d'avoir  à  sa  disposition  une 
notation  phonétique  perfectionnée  :  il  faut  encore  qu''il  possède  d'une 
façon  très  sûre  son  «  commencement  »,  c'est-à-dire  les  principes  de  la 
philologie  romane.  Espérons  qu'il  en  est  ainsi.  —  Dans  les  exemples 
que,  vers  la  fin  du  présent  opuscule,  M.  D.  cite  un  peu  au  hasard,  gla- 
nant, comme  il  le  dit  lui-même,  à  travers  ses  notes,  on  pourrait  relever 
certains  détails  et  quelques  expressions  qui  ne  sont  point  d'une  Justesse 
parfaite.  Ainsi,  pourquoi  dire  (p.  40)  que  le  fr.  aimer  reproduit  le  lat. 
amare,  puisque  cette  forme  est  analogique?  Le  dauphinois/avd/a  (p.  47) 
serait  «  un  produit  provençal  »  !  M.  D.  sait  bien  que  le  mot  provençal 
est  faula,  seule  forme  vulgaire  possible;  il  y  a  bien  des  chances  pour 
que  le  mot  en  question  ait  été  emprunté  à  l'italien /àyo/^,  qui  est  litté- 
raire, tout  comme  notre  ir.  fable.  La  forme  larima[=^  lacryma)  laisse 
aussi  des  doutes.  Enfin  (même  p.)  on  trouve  encore  ténye  (tingere), 
\imye  (iungere),  et  autres  analogues  cités  comme  «  des  infinitifs  proven- 
çaux avec  chute  de  1';-  final  et  recul  de  l'accent»  :  provençaux,  soit; 
mais  où  est  ici  le  recul  de  l'accent?  Il  ne  faut  jamais  se  hâter  non  plus 
de  croire  qu'on  vient  de  faire  une  découverte,  quelque  minime  qu'elle 
soit.  «  On  sait,  dit  l'auteur  (p.  5o),  que  écrouelle  vient  du  latin  vulgaire 
scrofella  pour  scro/nla;  mais  sait-on  que  scj'O fa  avait  le  même  sens 
dans  le  latin  vulgaire?  Littré  l'ignore,  et  je  ne  l'ai  vu  signalé  nulle 
part.  »  M.  D.  n'aurait  pas  écrit  ces  lignes,  s'il  avait  ouvert  sub  verbo  le 
lexique  de  Georges  1.  —  Ces  légères  critiques  n'empêchent  pas  d'ailleurs 
que  M.  l'abbé  Devaux  ne  fasse  une  œuvre  utile  et  très  méritoire  en  se 
livrant  à  l'étude  des  patois  du  Haut-Dauphiné  :  le  livre  annoncé  dans 
cette  lecture  académique  ne  peut  qu'être  attendu  avec  impatience. 

E.  BOURCIEZ. 

33 1.  —   Karl   KœsTLiN.   Prolegomena  zur  .^sthetik.  Tûbingen,  Fues,   1889, 
io3  p.  in-4. 

332.  —  Hugo  MÙNSTERBERG.  lieiti'sege  zui*    ex.pei-iincntellen  Pesyehologie. 

l.  Fribourg  en  Br.  Mohr.  1889,  188  p.  in-8. 

I .  L'étude  de  M .  Kôstlin  a  un  défaut  capital,  c'est  d'être  ennuyeuse.  Ce 
n'est  pas  qu'elle  soit  vide,  mais  elle  n'est  remplie  que  de  choses  tradition- 
nelles et  connues.  Ce  n'est  pas  qu'elle  soit  démesurément  longue,  mais 
les  développements  se  traînent,  et  ne  marchent  pas.  Décidément  l'intel- 
lectualisme de  la  queue  hégélienne  n'est  plus  de  notre  temps,  et  perd  sa 
peine  à  se  rajeunir. 

II.  M.  H.  Mûnsterberg  a  de  belles  qualités,  une  ardente  confiance  en 
lui-même,  une  science  solide,  un  esprit  net  et  décidé,  une  aisance  remar- 

I.  On  peut  encore  trouver  des  exemples  plus  nombreux  de  scrofa  (=  scrofula)  dans 
H.  Roensch,  Semasiologische  Beitrcege,  p.  64,  et  dans  Nettleship,  Contributions  to 
latin  Lexicography,  p.  584. 


58  REVOK   CRITIQUA 

quable  dans  la  composition,  et  une  production  exiraordinairement 
rapide.  Il  n'est  pas  douteux  qu'il  n'ait  devant  lui  un  bel  avenir  scienti- 
fique, s'il  sait  éviter  quelques  écueils  :  la  trop  grande  hâte  dans  la  pro- 
duction qui  a  failli  déjà  jouer  un  méchant  tour  à  sa  jeune  réputation,  la 
prolixité  diffuse  à  laquelle  il  paraît  être  porté,  et  une  tendance  un  peu 
juvénile  à  opposer  fortement  sa  personalité  à  celle  de  Wundt,  qui  fut  et 
reste  son  maître. 

Il  nous  envoie  la  première  livraison  d'une  série  d'études  de  psycholo- 
gie expérimentale,  où  seront  données,  sous  sa  signature  unique,  les  ex- 
périences faites  à  Fribourg  par  lui-même  ou  sous  sa  direction.  Il  paraî- 
tra environ  trois  fascicules  par  an.  Celui-ci  contient  l'esquisse  générale 
d'un  programme  de  psychologie  physiologique,  et  une  première  étude 
expérimentale  sur  l'association  des  représentations.  —  La  science  a  évi- 
demment tout  à  gagner  et  rien  à  perdre  à  cette  concurrence  toute  scien- 
tifique faite  aux  Philosophische  Studien  de  M.  Wundt. 

Lucien  Herr. 


333.  —  H.   Ganier  et  J.  Frœlich,  voyage  au:x  cliàteaux^  Itlstorlquee  de  la 
cbalne  des  Vosges.  Paris,  Berger-Levrault,  1889.  In-8,  viii  et  5o8  p. 

L'ouvrage  comprendra  trois  volumes  :  les  Vosges  septentrionales,  les 
Vosges  centrales,  les  Vosges  méridionales.  C'est  peut-être  trop,  par  le  J 
temps  qui  court,  et  un  seul  volume  aurait  suffi,  mais  l'éditeur  Ta  voulu'^ 
ainsi  et  nous  n'avons  qu'à  juger  le  présent  tome  qui  comprend  cinq 
chapitres  :  de  la  Queich  à  la  Lauter;  de  la  Lauter  aux  vallées  du  Sauer- 
bach  et  du  Steinbach;  groupe  de  Niederbronn;  de  la  Zinsel  savernoise 
à  la  Mossig;  de  la  Mossig  à  la  Magel  et  au  Donon.  Ce  n'est  pas  une 
œuvre  historique  ni  un  livre  d'érudition;  c'est,  comme  disent  les  au- 
teurs, une  oeuvre  vue;  ils  «  font  plus  de  pittoresque  que  d'archéologie  » 
et  ne  se  préoccupent  que  du  récit,  de  l'anecdote.  Il  serait  aisé  de  relever 
de  ci  de  là  quelques  erreurs,  des  longueurs,  des  répétitions;  mais  à 
quoi  bon?  Laissons,  pour  citer  encore  les  deux  auteurs,  la  description 
et  la  légende  occuper  la  place  principale  dans  ce  Voyage  historique; 
louons  la  plupart  des  dessins,  des  vignettes;  et  souhaitons  que  cette 
«  promenade  à  coups  de  crayon  d'un  bout  à  l'autre  de  nos  belles  mon- 
tagnes »  trouve  de  nombreux  lecteurs. 

G. 


Lettre  de  M.  Ccédat. 

Permettez-moi  de  répondre  quelques  mots  à  l'article  de  M.  Paul  Lejay  sur  la  re- 
production photolithographiqiie  du  Catulle  de  Saint-Germain-des-Prés. 

Entre  la  page  donnée  par  M.  Châtelain  dans  sa  Paléographie  des  classiques  latins 
et  la  page  correspondante  de  notre  reproduction,  il  y  a  toute  la  dilTérence  qui  sépare 
l'héliogravure  de  la  photolithographie.  Sans  doute  le  premier  procédé  est  bien  supé- 
rieur, mais  il  est  infiniment  plus  coûteux. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  5  9 

La  question  est  desavoir  si  le  procédé  économique  permet  d'avoir  une  reproduc- 
tion du  manuscrit  de  nature  à  rendre  des  services.  11  me  semble  que  la  réponse  n'est 
pas  douteuse.  Dans  quelques  cas  il  sera  utile  de  se  référer  au  manuscrit  lui-même  ; 
mais  dans  beaucoup  d'autres  la  reproduction  suffira,  et  elle  permettra  toujours  pour 
le  moins  de  faire  commodément  une  étude  préalable  du  texte. 

Est-ce  à  dire  que  MM.  Lumière  et  moi  nous  soyons  satisfaits  de  l'exécution  de  ce 
volume?  Pas  le  moins  du  monde;  mais  grâce  à  une  modification  du  procédé,  qui  ré- 
duit au  strict  minimum  le  rôle  de  l'imprimeur,  MM.  Lumière  comptent  arriver  dans 
les  volumes  suivants  à  un  résultat  bien  meilleur. 

L.  Clédat. 

Comme  on  le  voit,  M.  Clédat  est  du  même  avis  que  moi  sur  l'imperfection  du  Ca- 
tulle et  sur  la  nature  des  services  qu'il  rendra.  M.  Em.  Thomas  a  porté  un  jugement 
aussi  sévère  dans  une  note  de  son  édition  {Avertissement,  p.  vin,  note  i).  Je  n'ai  rien 
à  ajouter  à  mon  article.  Il  faudrait  savoir  si  par  le  procédé  photolithographique, 
mieux  surveillé  dans  son  exécution,  on  peut  obtenir  des  résultats  satisfaisants.  Les 
prochains  volumes  de  la  collection  nous  donneront  la  réponse  à  cette  question. 

Paul  Lejay. 


CHRONIQUE 


FRANCE.— La  «  Revue  de  philologie  française»  de  M.  CLÉDAT-adopte  les  modifica- 
tions orthographiques  suivantes  (voir  la  brochure  de  huit  pages  in-S»,  qu'elle  publie, 
au  prix  de  dix  centimes,  à  la  librairie  Bouillon):  1°  remplacer  partout  par  une  sl'x  final 
^uet  ou  prononcé  comme  s  (caillous.  Jalons,  bébreus);  2°  écrire  par  un  ^  les  adjec- 
tifs et  substantifs  numéraux  en  :^ième,  ^^aine;  3»  à  l'ind.  prés,  des  verbes  en  re,  oir, 
ir,  terminer  uniformément  par  une  s  pure  et  simple  les  i"et  2»  personnes,  et  par  un 
t  la  3"  personne  du  singulier  (je  prens,  il  prent)  ; /^"^  ne  jamais  redoubler  1'/  ni  le  î 
dans  les  verbes  en  eler  et  en  eter  (fappèlej  ;  5°  ne  jamais  faire  l'accord  du  participe 
passé  quand  le  complément  direct  est  le  pronom  en,  quand  le  participe  est  suivi 
d'un  infinitif  sans  préposition  (je  les  ai  vu  venir),  pour  le  participe  de  coûter  et  de  va- 
loir. 

—  V Annuaire  de  la  jeunesse,  que  M.  H.  Vuibert  publie  à  la  librairie  Nony  au  prix 
modique  de  trois  francs  (in- 12°,  900  p  ),  renferme  dans  ses  trois  parties  Instruction, 
Ecoles  spéciales,  Carrières  et  professions  un  tableau  rapide  et  complet  de  notre  ou- 
tillage scolaire  et  un  grand  nombre  de  renseignements  de  tout  genre  sur  nos  gran- 
des écoles,  les  moyens  de  s'y  préparer  et  leurs  débouchés. 

—  La  librairie  Sidot  (Nancy,  rue  Raugraff,  5),  publie  I  es  jetons  de  l'Hôtel  de  Ville 
de  Nancy  aux  xvi",  xvii''  et  xvni'  siècles,  descriptions  de  ces  jetons  et  de  quelques 

I  autres  qui  intéressent  la  même  ville,  par  M.  Léopold  Quintard.  L'ouvrage,  gr.  in-4» 
I  raisin,  orné  d'un  frontispice  et  de  cinq  planches  en  phototypie,  se  vend  12  francs, 

ALLEMAGNE.  —  La  collection  des  Deutsche  Litteraturdenkmale  du  xviii»  et  du 
Ixixe  siècle  que  M.  Seuffert  publie,  avec  la  collaboration  d'autres  érudits  (Sauer, 
iMuncker,  Baechtold,  Schmidt,  Martin,  Minor,  Geiger,  d'Urlichs,  etc.),  est  désormais 
Bditée,  non  plus  par  la  librairie  Henninger  de  Heilbronn,  mais  par  la  librairie  Gœ- 
Bchen,  de  Stuttgart.  Elle  compte  à  l'heure  actuelle  32  volumes  et  se  grossira  bientôt 
i'un  volume  nouveau  :  les  poésies  complètes  d'Uz. 

—  La  librairie  Teubaer,  de  Leipzig,  annonce  les  publications  suivantes  :  Kalb, 
^oms  Juristen  nach  ilirer  Sprache  dargestellt ;  Sudhaus,  éd.  des  Volumina  rheto- 


60  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

rica  de  Philodème  ;  J.-W.  Beck,  Syiionyma  Ciceronis,  adjectae  sunt  Differentiae  ser- 
momim;  Proksch,  Auleitung  ^ur  Vorbereitung  auf  Ccesars  Gallischen  Krieg,  III; 
Rud.  HiLDEBRANDT,  Gesamiuelte  Aiifscet:{e  iind  Vortrœge  :{iir  deutschen  Piiilologie 
und  :{um  deutschen  Unierriclite  ;  W .  Vietor  et  Fr.  Dœrr,  Uebungsbuch  ^um  englis- 
chen  Lesebuch  [UnterstufeJ. 


ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  1 1  juillet  i8go. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  annonce  que  la  commission  du  prix  La  Fons-Méiicocq 
a  décidé  de  ne  pas  décerner  le  prix  et  d'en  distribuer  le  montant  (i,8oo  fr.)  ainsi  : 
1,200  fr.  à  M.  Abel  Lefranc,  pour  son  Histoire  de  l.t  ville  de  Noyon  et  de  ses  insti- 
tutions jusqu'à  la  fin  du  xiue  siècle,  et  600  fr-  à  M.  Alcius  Ledieu,  pour  l'ensemble 
de  ses  publications  relatives  à  la  Picardie. 

M.  Alexandre  Bertrand  entretient  l'Académie  des  fouilles  que  dirige,  pour  le  mi- 
nistère de  l'instruction  publique,  M.  J.  de  Morgan,  dans  le  Linkoran  (nord  de  la 
Perse,  littoral  de  la  Caspienne). 

Ces  fouilles  ont  donné  les  plus  heureux  résultats.  M.  de  Morgan  a  constaté,  dans  la 
contrée  explorée  par  lui,  l'existence  d'un  grand  nombre  de  sépultures  en  forme  de 
dolmen.  Mais  ces  dolmens,  au  lieu  de  renfermer,  comme  ceux  des  pays  Scandinaves, 
un  mobilier  funéraire  de  pierres  polies,  appartiennent,  les  plus  anciens  à  Tâge  du 
bronze  pur,  les  plus  récents  à  l'âge  du  fer.  M.  de  Morgan  croit  pouvoir  affirmer  que 
le  pays  était  inoccupé  quand  les  constructeurs  de  ces  monuments  (qu'il  croit  être 
des  Aryens)  sont  venus  s'y  établir.  L'âge  de  la  pierre  aurait  été  inconnu  dans  le 
Linkoran. 

Plus  de  treize  cents  objets  ont  été  recueillis  au  cours  de  ces  fouilles.  Plusieurs 
caisses,  destinées  au  ministère,  sont  déjà  en  route.  La  vue  des  objets  qu'elles  ren- 
ferment permettra  de  se  faire  une  idée  plus  exacte  de  l'industrie  de  ces  populations 
primitives  des  montagnes  septentrionales  de  la  Perse. 

M.  Saglio,  reprenant  la  question  de  l'existence  du  chat  domestique  chez  les  an- 
ciens, débattue  dans  une  précédente  séance,  met  sous  les  yeux  de  ses  confrères  les 
reproductions  de  divers  monuments  où  il  reconnaît  l'image  de  cet  animal,  savoir  : 

i"  Des  peintures  de  tombeaux  étrusques,  oià  l'on  voit  des  chats  dans  l'iniérieu 
des  habitations,  notamment  un  chat  qui,  pendant  un  repas,  joue,  sous  les  lits  o' 
sont  couchés  les  convives,  avec  un  poulet  et  une  perdrix  privée; 

2"  Deux  hydries  du  Musée  britannique,  du  v^  siècle  avant  notre  ère,  dont  les  pein^ 
tares  représentent  des  chats  familiers  dans  l'intérieur  d'une  école  de  musique  :  l'ui 
est  tenu  en  laisse,  un  autre  est  debout  sur  un  escabeau  et  un  jeune  homme  lui  offn 
un  gâteau  ; 

30  Un  couvercle  peint,  du  Musée  de  Berlin,  qui  représente  des  souris  chassées  à 
la  fois  par  des  hommes  armés  de  bâton  et  par  des  chats  :  ceux-ci,  rencontrant  des 
jattes,  se  précipitent  pour  y  boire; 

4°  Un  bas-relief  lIu  Musée  du  Capitole  (celui-ci  moins  ancien  que  les  monuments 
précédents),  où  est  figuré  un  chat  dressé  à  danser  au  son  de  la  lyre. 

M.  Wallon,  secrétaire  perpétuel,  donne  lecture  de  son  rapport  semestriel  sur  les 
travaux  de  l'Académie. 

M.  Ravaisson,  continuant  la  lecture  de  son  mémoire  sur  la  Vénus  de  Milo,  donn^ 
des  détails  sur  la  façon  dont  se  pratiquaient  autrefois  dans  nos  musées  les  restaura 
tions  qui  ont  défiguré  tant  de  monuments  précieux  et  dont  il  a  enfin  fait  cesser 
l'usage  au  Louvre.  En  ce  qui  concerne  la  Vénus,  on  n'osa  pas  la  restaurer  entière- 
ment, à  cause  des  divergences  d'opinion  qui  s'étaient  produites  sur  la  façon  d'enten- 
dre cette  restauration  :  mais,  par  des  travaux  en  apparence  peu  considérables,  on  la 
prépara  en  vue  d'un  système  préconçu  de  restitution  et  on  en  altéra  l'aspect  assez 
giavement  pour  retarder  de  longtemps  la  véritable  interprétation  du  monument. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Siméon  Luce  :  i"  Labourasse  (H.),  Vouthon-Haut 
et  ses  seigneurs;  2"  Vimont  (Eugène),  Histoire  du  collège  de  Rabodanges ;  —  pai 
M.  Delisle  :  1°  Thierry- Poux  (Olgar),  Premiers  Monuments  de  l'imprimerie  ei. 
France  au  xv«  siècle;  2"  Tourneux  (Maurice),  Bibliographie  de  l'histoire  de  Paru 
pendant  la  Révolution  française,  tome  1,  3°  Colin  (Germain),  Poésies,  publiées  pa' 
Joseph  Denais;  —  par  M.  Ravaisson  :  Les  Manuscrits  de  Léonard  de  Vinci,  P^^^^' 
par  Ch.  Ravaisson-Mollien,  Sf^  fascicule;  —  par  M.  Georges  Perrot  :  Diehl  (Cn.)j 
£xcursions  archéologiques  en  Grèce. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N'  30  -  28  juillet  -  1890 

Sommaire  î  334-  CuRTi,  La  création  de  la  langue.  —  335.  Smyth,  Le  vocalisme 
du  dialecte  ionien.  —  336.  Paulson,  Un  nouveau  manuscrit  de  Chrysostome.  — 
337,  Benndorf,  Album  archéologique.  —  33S.  Gudmundson,  L'habitation  en  Is- 
lande. —  339.  U.  Chevalier,  Répertoire  hymnologique.  —  340.  Clédat,  Gram- 
maire élémentaire.  —  341.  Du  Pac  de  Bellegarde,  L'église  catholique  de  Hollande. 
—  342.  Brunel,  La  Nouvelle  Héloïse  et  M"'*  d'Houdetot.  —  343.  Grand-Carte- 
RET,  J.  J.  Rousseau  jugé  par  les  Français  d'aujoura'hui.  —  344.  Surcouf,  Robert 
Surcouf.  —  345.  Salamon,  Mémoires,  p.  p.  Bridier.  —  346.  Welschinger,  Le 
roman  de  Dumouriez.  —  347.  Berenzi,  L'école  bresciane  de  lutherie.  —  348. 
MossMANN,  Cartulaire  de  Mulhouse,  V.  — Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


334.  —  Die  Sprachscfaœpfunjs.  Versuch  einer  Embryologie  der  menschiichen 
Sprache,  von  Theodor  Curti.  Wiirzburg,  A.  Stuber,  1890.  In-»,  74  pp.  Prix  : 
I  mk.  5o. 

On  remarquera,  dans  le  nouvel  ouvrage  de  M.  Curti,  maints  aperçus 
ingénieux,  notamment  sur  le  langage  des  animaux,  maints  rapprociie- 
ments  intéressants,  sinon  convaincants,  et  une  classification  fort  métho- 
dique de  ce  qu'il  nomme  les  «  Uripijrter  »,  premiers  embryons  du  lan- 
gage humain.  Mais,  puisque  le  malentendu  persiste  entre  ceux  qui  pros- 
crivent le  problème  de  l'origine  du  langage  et  ceux  qui  s'obstinent  à  en 
chercher  la  solution  dans  les  mots  et  les  soi-disant  «  racines  »  des  lan- 
gues historiquement  connues,  puisque,  malgré  tout  ce  qu'on  a  dit  et 
écrit,  l'on  n'entrevoit  pas  encore  la  formule  de  synthèse  supérieure  qui 
conciliera  les  positivistes  et  les  idéologues  de  la  linguistique,  il  faut  se 
borner  à  signaler  le  livre  à  l'attention  de  ceux-ci,  en  prévenant  les  autres 
qu'il  ne  paraît  pas  de  nature  à  les  convertir. 

V.  H. 


335.  —  Xlie  Vowel  System  of  tlie  lonîc  Dialect,  by  Herbert  Weir  Smyth, 
Ph.  D.  Extracted  from  the  Transactions  of  the  American  Philological  Association. 
(Strasbourg,  Triibner,  1890).  ln-8,  i38  pp. 

Tous  les  linguistes,  et  particulièrement  tous  les  hellénistes  qui  s'inté- 
ressent au  progrès  des  études  dialectologiques,  connaissent  le  nom  de 
M.  H.  W.  Smyth,  et  il  est  désormais  superflu  de  faire  l'éloge  de  sa  mé- 
thode et  de  la  valeur  scientifique  de  ses  travaux.  Ce  qu'il  entreprend  au- 
jourd'hui, c'est  l'analyse  statistique  et  raisonnée  du  vocalisme  ionien, 
œuvre  plus  ardue  qu'il  ne  semble  de  prime  abord.  Ainsi  qu'il  le  fait  re- 
marquer au  début,  le  dialecte  ionien  est  encore  bien  peu  connu,  eu  égard 
à  son  importance  historique  et  littéraire  et  aux  monuments  qu'il  a  lais- 
Nouvelle  série,  XXX.  3o 


62  REVUE  CRITIQUE 

ses  :  longtemps  on  a  vécu  sur  l'idée  que,  quand  on  changeait  les  a  en  y) 
et  qu'on  résolvait  toutes  les  contractions,  on  faisait  de  l'ionien,  à  peu 
près  comme  on  pourrait  faire  du  picard  en  remplaçant  partout  ch  fran- 
çais par  A' et  c  sifflant  français  par  c/z.  L'état  déplorable  dans  lequel  nous 
sont  parvenus  les  divers  manuscrits  d'Hérodote,  successivement  corri- 
gés par  des  scribes  qui  les  adaptaient  à  leur  langue  ou  les  «  hyperioni- 
saient  »  à  leur  plaisir,  n'était  pas  de  nature  à  rectifier  cette  vue  som- 
maire, et  même  la  découverte  de  nombreuses  inscriptions  n'apportait 
qu'un  faible  adjuvant  à  la  reconstitution  définitive  du  texte;  car,  à  sup- 
poser que  la  langue  d'Hérodote  ne  fût  contaminée  {v.v/,px[j.érr,)^  que  dans 
son  lexique,  et  eût  gardé  pur  le  phonétisme  ionien,  il  n'en  résultait 
point  nécessairement  qu'il  eût  écrit  dans  la  langue  usitée  de  son  temps; 
il  demeurait  au  contraire  infiniment  probable  qu'il  avait  dû  se  servir  de 
quelque  dialecte  littéraire  ou  de  convention,  où  dès  lors  le  départ  du 
réel  et  du  convenu  reste  encore  à  faire.  On  n'y  arrivera  que  par  la  col- 
lation constante  et  scrupuleuse  des  sources  manuscrites  et  des  sources 
épigraphiques,  méthode  dont  M.  W.  S.  nous  donne  à  la  fois  Tapplica- 
tion  et  le  modèle. 

Son  étude  comprend  une  période  d'environ  dix  siècles,  soit  du 
VIII®  avant  notre  ère  au  ii^  après,  espace  de  temps  largement  suffisant 
pour  l'évolution  d'un  langage,  s'il  était  possible  de  saisir  des  traces  d'é- 
volution dans  l'ionien;  mais,  sauf  dans  les  positions  d'où  il  a  été  débus- 
qué de  bonne  heure  par  la  y.otvr)  attique,  l'ionien  semble  plutôt  avoir 
duré  que  vécu.  En  tout  cas,  d'un  bout  à  l'autre  de  sa  vie  et  de  son  do- 
maine, les  traits  essentiels  de  son  vocalisme  subsistent  sans  altération,  et 
c'est  le  vocalisme  seul  que  M.  W.  S.  a  eu  en  vue  dans  sa  monographie. 
Son  plan  très  simple  consiste  à  examiner  successivement  chacune  des 
voyelles  —  brèves,  longues  et  diphtongues  —  du  dialecte  ionien,  en  la 
rapportant  à  chacune  des  voyelles  panhelléniques  dont  elle  peut  être  le 
substitut.  L'ouvrage  se  termine  par  le  relevé,  également  très  détaillé, 
des  rencontres  de  voyelles  et  des  contractions  ioniennes.  L'absence  d'un 
index  alphabétique  ne  serait  un  défaut  que  si  cette  lacune  ne  devait  pas 
être  comblée  dans  l'avenir  au  cours  des  travaux  ultérieurs  de  l'auteur 
sur  le  même  dialecte. 

Il  va  sans  dire  que  M.  W.  S.  n'a  pas  la  prétention  de  résoudre  toutes 
les  questions  qu'il  soulève.  Quelques-unes  sont  désespérées.  Ainsi  y.aÀéç, 
avec  son  a  long  ionien,  demeure  une  énigme  après  comme  avant  ses  re- 
levés (p.  42)  :  il  est  aussi  difficile  de  renoncer  à  une  forme  imaginaire 
*y.V>c;  ou  V.x),/,;;,  que  de  croire  à  l'emprunt  ou  à  la  contamination  pour 
un  mot  aussi  usuel.  Sur  le  type  ionien  à'/s-rfidr^  opposé  au  type  attique 
à\rfiti3.  (a  bref,  p.  5o  et  62),  on  voudrait  des  explications  plus  précises. 
C'est  l'ionien  qui  paraît  ici  dans  le  vrai  :  les  féminins  des  adjectifs  con- 
sonnantiques  se  formaient  au  moyen  du  suffixe  -î  (cf.  lat.  suâvis  =  sk. 
svâdvî),  qui  en  grec  donnait  -j'a  (a  bref)  ;  au  contraire,  les  noms  fémi- 
nins tirés  des  mêmes  adjectifs  avaient  le  suffixe  -id  (cf.  lat.  prûdent-ia, 


d'histoire  kt  de  littérature  63 

glôria  =  sk.  cravas-yd,  etc.),  et  le  grec  même  a  conservé  trace  de  cette 
différence  dans  le  contraste  de  çépoucia  participe  féminin  et  ^(tçiom\ix  {jx 
long)  substantif  dérivé  ;  lorsqu'on  cessa  d'employer  en  grec  le  féminin 
des  adjectifs  du  type  àX-rjôriç,  les  deux  formations,  très  voisines,  durent 
se  confondre  partiellement.  —  L'enclitique  y^  (p.  21,  i.  n.),  n'a  aucun 
rapport  ni  sémantique  ni  morphologique  avec  le  sk.  hi  (puisque)  toujours 
accentué  :  la  locution  grecque  ciyj  est,  au  point  de  vue  du  sens  et  de  Tac- 
cent,  l'exact  équivalent  du  sk.  nahî  ^.  —  Le  retour  partiel  de  v;  ionien 
à  a  long  attique,  révoqué  en  doute  p.  48,  est  pourtant  mis  en  évidence 
par  l'exact  parallélisme  des  contractions  attiques  àXr^Oéa  devenant  àXY]6Y} 
et  s'uçuéa  devenant  'eùçuv],  d'où  eù^ua.  —  On  ne  voit  pas  trop  comment 
l'introduction  du  vocalisme  ionien  aurait  'i  défiguré  »  le  mot  àOavaxoç  : 
si  les  Ioniens  n'ont  point  écrit  *7jOava-:sç  tout  comme  yiv£(;.6£'.ç,  c'est  sans 
doute  que  l'a  initial  n'était  long  que  par  position.  —  Le  génitif  çpéaTOç 
(p.  1 1 1),  devait  être  rangé  sous  la  rubrique  e  -|-  a  long. 

Il  est  à  souhaiter  que  M.  H.  W.  Smyth  nous  donne  bientôt  la  suite  de 
ftes  études  si  fortement  documentées. 

V.  Henry. 


336.  —  Symbolte  ad  chry^ot^touium  patrem   scripsit  J.  Paulson,  II,  de  Libro 
Holmensi.  Lundae,  Hjalmar  Mœller,  1890,  96-v  pp.  in-4. 

JM.  Paulson  nous  a  donné  déjà  sur  un  ms.  de  S.  Jean  Chrysostôme 
une  étude  dont  j'ai  rendu  compte  il  y  a  quelques  mois  '.  Voici  un 
Hv  deuxième  ms,  décrit,  dépouillé,  collationné  avec  le  même  soin  minu- 
:^- tieux  et  la  même  sagacité.  Comme  le  Lincopensis,  le  Holmensis  est 
mutilé;  il  présente  le  texte  plus  ou  moins  complet  d'une  série  d'homé- 
lies dispersées  dans  les  tomes  III,  IV  et  V  de  l'édition  Migne.  Ce  qui 
est  important,  c'est  que  le  contenu  paraît  correspondre  à  ce  qu'on  2ip- 
ptUs  le  Catalogiis  Aiigustamis.  Des  Indices,  fort  bien  faits,  terminent 
ce  travail  et  permettent  de  se  retrouver  facilement  dans  la  masse  énorme 
de  détails  qu'il  contient. 

P.-A.-L. 


337.  —  liVIenei*  Vorlegeblaetter  fur  archaeologische  Uebungen.  1889.  Heraus- 
gegeben  von  Otto  Benndorf.  Wien,  A.  Holder,  1890.  In-fol. 

Le  nouveau  fascicule  de  cette  publication  (cf.  Revue  crit.,  1889,  I, 
p.  32i)  contient  12  planches  d'une  très  bonne  venue,  dont  sept  offrent 
une  collection  de  peintures  de  vases  signés  et  les  cinq  autres  des  monu- 
ments divers  relatifs  à  la  légende  d'Œdipe,  au  cycle  thébain  et  aux  scè- 
nes figurées  sur  la  ciste  de  Ficoroni.  La  plupart  de  ces  gravures  ont  été 
faites  sur  des  dessins  nouveaux  ;  il  y  en  a  même  quelques-unes  d'inédites, 

1.  Cf.  Mém.  Soc.ling.,  VI,  p.  378  sq. 

2.  Rev.  a\,  1890,  I,  307. 


64  REVUE    CRITIQUE 

Parmi  les  vases  signés,  nous  signalerons  ceux  de  Ménaidas,  d'Annasis,  de 
Timagoras,  de  Lasimos,qui  appariiennent  au  musée  du  Louvre  et  dont 
on  trouve  ici  des  dessins  fidèles  exécutés,  sous  la  surveillance  de  M.  E. 
Pottier,  par  M.  Devillard.  Le  texte  est  extrêmement  bref;  il  se  borne  à 
donner  les  références  essentielles  aux  publications  modernes,  sans  abor- 
der les  questions  de  technique  et  d'exégèse,  sans  même  indiquer  les  su- 
jets. Il  nous  semble  qu'il  y  a  là  quelque  excès  dans  la  sobriété  et  que 
huit  ou  dix  lignes  sur  chaque  gravure  ne  seraient  pas  un  luxe  superflu. 

Salomon  Reinach. 


338.  —  Pi'îvntbolifsen  pâ  leland  i  Sagaliden  samt  delvis  i  det  œvrige  Norden 
af  Valtvr  Gudmundsson  (publié  avec  une  subvention  de  la  fondation  du  comte 
Hjelmstjerne-Rosenkrone).  Copenhague,  And.  Fred.  Hœst  et  fils,  1889,  iv-270  p. 
in-8. 

La  question  des  demeures  privées  dans  le  Nord,  après  avoir  été  bien 
des  fois  traitée,  est  plus  que  jamais  à  l'ordre  du  jour;  en  même  temps 
que  le  présent  ouvrage,  deux  autres  paraissaient  sur  le  même  sujet  :  l'un 
en  Danemark  (les  Anciennes  maisons  danoises  du  xvi^  au  xvn"  siècle, 
par  R.  Mejborg)  ;  l'autre  en  Finlande  (Die  Gebœude  der  Tcheremis- 
sen,  Mordwinen,  Esten  und  Finnen^  par  le  d''  A.  O.  Heikel).  Notre  au- 
teur peut  remonter  plus  haut  que  ses  prédécesseurs  ou  ses  émules  con- 
temporains, non  pas  que  les  constructions  anciennes  se  soient  beaucoup 
mieux  conservées  en  Islande  qu'en  Norvège,  en  Danemark  ou  en  Suède, 
mais  parce  que  ses  sources  fort  abondantes,  les  sagas,  sont  de  plusieurs 
siècles  antérieures  aux  documents  des  autres  pays  Scandinaves.  Il  est  vrai 
que  ces  derniers  sont  également  mentionnés  çà  et  là  dans  les  sagas,  quoi- 
que celles-ci  traitent  surtout  des  mœurs  et  usages  de  l'île  où  elles  furent 
composées  pour  la  plupart.  C'est  donc  l'Islande  qui,  selon  la  remarque 
fort  juste  de  M.  Valtyr  Gudmundsson,  doit  servir  de  terme  de  compa- 
raison pour  les  temps  anciens,  sans  remonter  d'ailleurs  au-delà  du  ix'=  siè- 
cle, puisque  l'on  ne  sait  rien  sur  les  chapelles  et  cellules  des  cénobites 
Gaëls,  les  Papas,  premiers  occupants  de  VUltima  Thulé. 

Il  y  avait  d'ailleurs  de  nombreuses  différences  entre  les  constructions 
de  l'Islande  et  celles  des  autres  pays  Scandinaves  :  les  habitants  de  cette 
île,  ne  possédant  en  fait  de  bois  de  charpente  que  les  troncs  d'arbres 
amenés  par  la  mer,  étaient  le  plus  souvent  réduits  à  bâtir  en  pierre  et  en 
terre;  tandis  qu'en  Danemark,  où  il  n'y  a  pas  de  rochers  en  Jutland  et 
dans  l'archipel  des  Belts,  on  se  servait  surtout  de  bois  et,  après  le  dé- 
boisement, de  briques  en  terre  cuite.  Des  modifications  ont  aussi  dû 
avoir  lieu  dans  le  cours  des  temps  :  les  sagas  l'attestent  en  disant  que 
telle  manière  de  construire  était  en  usage  à  telle  époque,  de  sorte  que, 
à  la  lueur  des  renseignements  donnés  par  elles,  nous  pouvons  parfois 
suivre  le  développement  des  formes  architecturales.  Notre  auteur  a  grand 
soin  de  signaler  les  modifications  tenant  aux  contrées  et  aux  temps.  Mais 


i 


d'histoire  et  de  littérature  65 

ce  n'était  pas  la  partie  la  plus  difficile  de  sa  tâche  :  il  fallait  établir  avec 
précision  le  sens  des  termes  appliqués  aux  habitations,  à  leurs  divisions 
et  à  leurs  détails.  Outre  que  les  descriptions  ne  sont  pas  toujours  claires, 
elles  suffisent  bien  rarement  à  donner  une  image  nette  des  objets  que 
l'on  n'a  pas  sous  les  yeux,  mais  en  réunissant,  en  comparant  et  en  com- 
mentant les  passages  des  sagas  relatifs  à  chaque  sujet,  M.  V.  G.  en  a 
exprimé  tout  ce  qu'il  était  possible  d'en  tirer,  et  ce  n'est  pas  peu  de  chose, 
on  peut  le  dire  à  la  louange  de  ces  récits  historiques  ou  romanesques 
(les  derniers  ne  devant  pas  être  dédaignés  dans  la  présente  question), 
car  il  n'y  a  que  les  plus  riches  littératures  pour  peindre  non  seulement 
les  hommes,  mais  aussi  les  circonstances  dans  lesquelles  ils  ont  vécu. 

Les  habitations  privées  des  Islandais  du  moyen  âge,  si  simples  et  si 
modestes  qu'elles  fussent,  méritaient  d'ailleurs  bien  d'être  décrites  :  elles 
ne  comportaient  pas  la  promiscuité  des  peuples  barbares,  chez  lesquels 
les  âges,  les  sexes,  les  rangs,  sont  confondus,  et  les  personnes  à  peine 
séparées  des  animaux  domestiques.  Il  y  avait  des  bâtiments  de  plus  de 
deux  cents  pieds  de  longueur  sur  une  trentaine  de  largeur.  On  avait 
généralement  cru  jusqu'ici  qu'ils  se  composaient  d'une  seule  pièce,  mais 
M.  Valtyr  Gudmundsson  a  démontré  qu'ils  comprenaient  plusieurs  ap- 
partements et  chambres  (cuisine,  salle  à  manger,  chambres  à  coucher, 
ou  tout  au  moins  alcôves  autour  de  la  cuisine),  soit  sous  un  toit  com- 
mun, soit  en  différentes  constructions  communiquant  entre  elles  par  un 
corridor  couvert.  Ses  assertions  sont  confirmées  par  de  nombreux  restes 
d'anciens  soubassements,  ainsi  que  par  des  constructions  encore  exis- 
tantes. Ne  s'en  tenant  pas  à  ces  généralités,  il  passe  successivement  en 
revue  la  forme  des  constructions  et  les  matériaux  employés  (argile  en 
place  de  chaux  ou  de  plâtre;  planches  en  place  de  briques  pour  séparer 
les  pièces);  huit  diverses  espèces  de  toits  (cintré,  conique,  en  coupole,  à 
deux  pentes,  en  appentis,  en  plate-forme,  en  mansarde,  en  croupe  et 
demi-croupe);  les  couvertures  en  gazon,  en  chaume,  en  planches  gou- 
dronnées (mais  non  en  tuiles';  les  fenêtres  et  lucarnes  servant  aussi  bien 
au  passage  de  la  fumée  et  de  l'air  que  de  la  lumière;  enfin  les  diverses 
sortes  de  pièces;  la  chambre  commune,  la  cuisine,  le  dortoir  (avec  l'es- 
trade en  bois  qui  régnait  autour  et  qui  servait  de  lit  commun,  plus  tard 
divisée  en  alcôves  et  même  en  chambres),  le  garde-manger,  les  corridors, 
l'étuve,  le  gynécée,  les  latrines,  le  magasin,  la  forge,  la  cave,  le  hangar, 
la  remise  des  embarcations,  la  chambre  des  esclaves,  le  moulin,  le  bûcher, 
la  vacherie,  la  bergerie,  la  grange,  l'écurie,  l'étable  à  chèvres,  la  porche- 
rie, la  gelinière,  le  parc  à  moutons,  le  cellier,  la  cour,  les  clôtures,  l'o- 
rientation des  maisons,  les  chalets.  Trente  plans  et  dessins  dans  le  texte 
en  facilitent  l'intelligence,  comme  une  table  des  termes  islandais  facilite 
les  recherches.  Cet  ouvrage,  fait  avec  soin  et  où  sont  résumées  toutes 
les  notions  sur  le  sujet  fournies  par  les  sagas,  devra  être  consulté  pour 
l'histoire  générale  de  l'habitation  humaine. 

E.  Beauvois. 


66  REVUE   CRITIQUE 

339,  —  Repertorîuni  iiyuanolo^icum.  Catalogue  des  chants,  hymnes,  proses! 
séquences,  tropes  en  usage  dans  l'église  latine  depuis  les  origines  jusqu'à  no8 
jours,  par  le  chanoine  Ulysse  Chevalier,  correspondant  de  l'Institut,  i"  fascicule^ 
Louvain,  décembre  1889.  Grand  in-8  de  272  p. 

Le  nouveau  répertoire  de  M.  U.  Chevalier  comprend  les  lettres  A,  B,i 
C  et  une  partie  de  la  lettre  D  (jusqu'à  Deus)  et  se  compose  de  4,539  ar- 
ticles qui  sont  numérotés  ^  C'est  un  nionument  de  courage,  de  patience,! 
de  précise  érudition.  M.  C.  n'a  pas  seulement  entrepris  de  cataloguer* 
toutes  les  pièces  lyriques  de  Péglise  latine,  quel  que  soit  le  nom  que  ces 
pièces  portent  dans  l'histoire  liturgique,  déjà  imprimées  :  il  a  voulu 
dresser  aussi  l'inventaire  aussi  complet  que  possible  de  celles  de  ces  piè- 
ces qui  sont  encore  inédites.  On  est  effrayé  à  la  pensée  de  Pimmensité 
des  recherches  auxquelles  l'auteur  s'est  livré  dans  les  collections  publi- 
ques ou  privées,  en  France  et  dans  presque  tout  le  reste  de  TEurope. 
L'admirable  bibliographe  a  tout  dépouillé  :  bréviaires,  missels,  antipho- 
naires,  processionnaires,  simples  livres  d'heures,  vies  de  saints,  recueils 
divers  qui  pouvaient  renfermer  quelque  document  hymnographique, 
enfin  des  manuscrits  innombrables  de  toute  provenance,  mais  princi- 
palement consultés  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris,  à  la  bibliothè- 
que royale  de  Bruxelles,  à  la  bibliothèque  du  Vatican,  etc. 

Autant  la  science  de  l'auteur  est  vaste  et  solide,  autant  sa  méthode  est 
simple  et  sûre.  Les  chants  d'église  sont  enregistrés  par  lui  dans  l'ordre 
alphabétique  des  premiers  mois,  avec  le  premier  ou  les  premiers  vers  de 
la  pièce.  Puis  sont  condensés  en  quelques  lignes  tous  les  renseignements 
utiles  aux  travailleurs  :  1°  la  nature  du  morceau,  chant,  hymne,  sé- 
quence, prose  ou  trope,  avec  désignation  de  la  fête  et  de  la  partie  de  l'of- 
fice auxquelles  il  appartient;  2°  le  nombre  des  strophes  et  des  vers  com- 
posant la  strophe;  3"  le  nom  de  l'auteur,  certain,  probable  ou  douteux, 
tout  au  moins  le  siècle  oîi  le  morceau  apparaît  pour  la  première  fois; 
4°  les  sources  manuscrites  ou  imprimées  où  il  se  trouve,  spécialement 
les  bréviaires  et  les  missels,  avec  la  date  du  manuscrit  ou  de  l'édition; 
5°  la  liste  des  auteurs  qui  l'ont  édité,  traduit  ou  commenté.  Tout  cela  est 
indiqué  avec  une  netteté  parfaite  et  le  Repertorium  hymnologicum  sera 
d'un  usage  aussi  commode  que  fructueux. 

Pour  plus  de  détails  sur  le  plan  et  l'importance  de  l'ouvrage  et  sur  lej 
!«'■  fascicule,  je  renverrai  mon  lecteur  à  une  notice  spéciale  fort  bien! 
faite  et  dont,  dans  mon  incompétence,  j'ai  prudemment  tenu  grandi 
compte  2;  je  me  contenterai  de  dire  que  l'on  ne  peut  assez  louer  les  di- 

i.-Le  manuscrit  est  terminé  avec  le  chiffre  de  24,400  et  M.  C.  espère  qu'avant  la|j 
fin  de  l'impression  il  l'aura  aisément  porté  à  25, 000.  Il  rêve  même  déjà  à  un  supplé-  •[ 
ment  qui,  grossi  par  de  nouveaux  voyages,  donnerait  plusieurs  milliers  d'autres  arti- 
cles. 

2.  De  l'hymnologie  latine  à  propos  d'un  ouvrage  récent  par  l'abbé  A.  Devaux  iLyon, 
Vitte,  189O;  brochure  grand  in-80  de  25  p.).  J'emprunte  au  docte  critique  une  anec- 
dote qui  montre  mieux  que  de  longs  discours  l'utilité  du  recueil  de  M.  C.  (p.  i5)  ! 


d'histoire  et  de  littérature  67 

vers  mérites  du  savant  qui  nous  aura  donné  deux  répertoires  bibliogra- 
phiques auxquels  l'érudition  étrangère  n'a  rien  à  comparer  1, 

T.  DE  L. 


340.  —  Grammaîre  élémeutalre»  par  L.  Clédat,  professeur  à  la  Faculté  des 
Lettres  de  Lyon,  lauréat  de  l'Académie  française.  -  Livre  du  Maître.  Paris,  Emile 
Bouillon,  1890.  Petit  in-12,  i65  p.  t  fr.  5o. 

M.  Clédat  a  composé  cette  grammaire  élémentaire  pour  ses  enfants, 
et  c'est  sur  eux  qu'il  l'a  expérimentée.  Il  a  su,  comme  dit  Montaigne, 
«  se  ravaler  pour  s'accommoder  à  leur  force,  à  leurs  allures  puériles  ». 
C'est  pourquoi  il  a  réussi  à  faire  pour  les  débutants  un  petit  livre  à  la 
fois  simple  et  original,  et  d'autre  part  à  donner  d'excellents  conseils  à 
ceux  qui  sont  chargés  d'enseigner  les  premières  notions  du  français.  L'au- 
teur n'a  pas  suivi  Tordre  théorique  des  parties  du  discours.  Il  commence 
par  donner  quelques  notions  générales  et  sommaires  sur  le  nom,  Tad- 
jectif  et  le  verbe,  ces  éléments  principaux  de  toute  proposition.  Les  en- 
fants, dont  le  vocabulaire  est  très  restreint,  commencent,  dès  qu'ils  peu- 
vent exprimer  leur  pensée,  par  employer  le  plus  souvent  ces  trois  espè- 
ces de  mots  :  il  faut  donc  qu'ils  apprennent  d'abord  à  les  reconnaître,  à 
les  distinguer,  et  qu'ils  sachent  quel  rôle  jouent  les  noms  et  les  adjectifs 
dans  la  phrase,  à  quoi  sert  le  verbe  placé  entre  un  nom  et  un  adjectif,  à 
quoi  servent  les  verbes  qui  ne  sont  pas  placés  devant  un  adjectif,  etc. 
Des  exemples  bien  choisis,  composés  avec  des  mots  que  les  enfants  con- 
naissent, où  l'accord,  comme  disait  Joubert,  entre  l'adjectif  et  le  subs- 
tantif, sera  non  seulement  grammatical,  mais  moral,  serviront  plus  au 
développement  progressif  de  leur  esprit  que  les  déhnilions  les  plus  sa- 
vantes. Plus  tard  et  peu  à  peu  on  leur  fera  lire  et  écrire  de  courtes  phra- 
ses qui  contiendront  des  articles,  des  pronoms,  des  adverbes,  des  pré- 
positions, et  par  des  analyses  orales  fréquemment  répétées  (exercice  qui 
est  aujourd'hui  beaucoup  trop  négligé),  ils  se  rendront  compte  de  cha- 
que mot  séparément,  le  maître  ayant  bien  soin  de  procéder  toujours  du 
connu  à  l'inconnu.  Le  tort  des  grammairiens  et  de  beaucoup  d'institu- 

«  Une  revue,  ordinairement  bien  renseignée,  a  commis  une  méprise  assez  explicable, 
mais  qui  n'en  est  pas  moins  fort  instructive.  La  Revue  de  l'art  chrétien  vient  grave- 
ment de  publier,  en  qualité  de  pièce  inédite,  la  prose  Verbum  boniim  et  suave  ;  il  n'y 
a  qu'un  petit  malheur,  c'est  que  cette  prose  se  trouve  intégralement  dans  54  missels 
et  i3  éditions,  sans  compter  d'autres  écrits  qui  n'en  donnent  que  les  variantes.  11  est 
vraisemblable  que  pareille  erreur  n'est  pas  isolée,  et  que  les  éditeurs  d'hymnes  an- 
ciennes, pourraient,  à  la  lecture  du  Repertoriumliymnologicum,  regretter  amèrement 
que  cette  bibliographie  n'ait  pas  existé  de  leur  temps.  » 

I.  Avant  1889  il  n'existait  aucune  bibliographie  hymnologique.  M.  A.  Devaux 
m'apprend  (p.  1 5),  qu'il  vient  d'en  paraître  une  en  Angleterre,  en  même  temps  que 
celle  de  M.  Chevalier  :  Moorsom,  A  historical  companion  to  hymns  ancient  and  mo- 
dem, etc.  (London,  1889).  M.  Chevalier,  ajoute  M.  Devaux,  n'a  rien  à  craindre  de  la 
comparaison;  la  bibliographie  anglaise  n'a  que  25  hymnes  latines  en  regard  des 
2,297  de  M.  Chevalier  pour  la  lettre  A:  le  reste  à  proportion! 


68  REVUE    CRITIQUE 

teurs  est  de  supposer  des  connaissances  à  priori  chez  Tenfant  :  ou  ils 
fabriquent  pour  lui  des  définitions  exprimées  dans  des  termes  abstraits 
qu'il  peut  retenir,  (car  la  mémoire  à  cet  âge  est  la  principale  faculté),  mais 
qu'il  ne  comprend  pas,  ou  ils  donnent  aux  règles  une  expression  syn- 
thétique sans  les  rattacher  à  un  fait  déjà  connu,  c'est-à-dire  qu'ils  posent 
à  l'enfant  des  problèmes  qu'ail  n'est  pas  encore  en  état  de  résoudre. 
M.  Clédat  en  donne  des  preuves  frappantes,  et  il  a  raison  d'insister  pour 
qu'on  lui  ménage  les  mots  abstraits,  les  exceptions,  les  difficultés  gram- 
maticales. Quand  il  aura  grandi,  et  que  son  jugement  sera  développé  par 
un  petit  nombre  de  connaissances  bien  digérées  et  solidement  acquises, 
il  pourra  alors  aborder  les  complications  délicates  de  l'orthographe,  mais 
en  attendant  il  faut  le  promener  sur  un  grand  chemin  uni,  où  il  n'y  a 
ni  ronces  ni  épines.  J'ai  relu  cette  grammaire  plusieurs  fois  dans  l'in- 
tention de  faire  à  Fauteur  quelques  objections  de  détail,  mais  le  tout  est 
si  raisonnable,  si  juste,  si  bien  marqué  au  coin  de  Pexpérience,  et  parti- 
culièrement les  chapitres  qui  traitent  du  verbe,  que  je  ne  trouve  rien 
autre  chose  à  dire  que  la  recommander  aux  maîtres  et  maîtresses  des 
écoles  enfantines. 

A.  Delboulle. 


341.  —  Du  Pac  de  Bellegarde.  Coup  d'œîl  sur  l'ancienne  église  catho- 
lique de  Hollunde,  et  Récit  de  ce  qu'on  a  fait  sous  Clément  XIV  pour  con- 
cilier cette  église  avec  la  cour  de  Rome.  Publié  d'après  les  manuscrits  inédits 
par  Rich.  J.  Hooijkaas.  Un  vol.  in-^,   5g   pp.   La  Haye,  Martinus  Nijhioff,  1890. 

Le  titre  très  détaillé  de  cette  brochure  indique  suffisamment  son  con- 
tenu. Ces  deux  mémoires  fournissent  quelques  détails  nouveaux  sur 
l'histoire  de  l'Eglise  séparée  de  Hollande.  Le  premier  qui  n'est  guère 
qu'un  résumé  de  VHistoire  abrégée  de  l'église  métropolitaine  d'U- 
trecht  du  même  auteur,  ne  méritait  peut-être  pas  d'être  imprimé.  L'é- 
diteur donne  une  reproduction  minutieuse  du  manuscrit,  mais  l'anno- 
tation est  insuffisante  1. 

L.  G.  P. 


342.  —    La    IVouvelIe    Héloïso    et  Mn>e    d'Houdedot,    par    Lucien   Brunel. 
Berger-Levrault,  gr.  in-8  de  63  pp.  1889. 

Depuis  longtemps  on  aurait  dû  parler  ici  de  cette  brève,  mais  substan- 
tielle et  très  originale  étude  sur  la  Nouvelle  Héloïse.  On  ne  le  peut  que 
bien  tardivement  ;  mais  il  n'est  jamais  trop  tard  pour  signaler  un  travail 
qui  fait  la  lumière  sur  plus  d'un  point  obscur  de  la  vie  et  de  l'œuvre  de 
Rousseau. 

Quand  on  veut  étudier  la  vie  de  Rousseau,  on  la  cherche  dans  ses 

I .  La  langue  de  l'éditeur  n'est  pas  toujours  correcte  et  il  y  a  même  à  la  première 
ligne  un  barbarisme  (inventariser). 


D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  69 

Confessions  plutôt  que  dans  la  Nouvelle  Héloïse.  Pourtant,  la  biogra- 
phie est  souvent  un  roman  bâti  sur  des  faits  réels,  et  le  roman  une  his- 
toire vraie  —  vraie  à  demi  et  çà  et  là  —  mêlée  à  de  pures  fictions.  On 
s'était  toujours  douté  que  ce  roman,  si  peu  lu,  si  fastidieux  aujourd'hui 
dans  son  ensemble,  mais  éloquent  et  poignant  par  endroits,  était  dans 
une  certaine  mesure  une  œuvre  vécue.  Il  semble  que  l'auteur  ait  tenu 
à  éveiller  la  curiosité  sans  la  satisfaire.  Dans  la  seconde  préface,  il  écrit  : 
«  La  correspondance  entière  est-elle  une  fiction?  Gens  du  monde,  que  vous 
importe?» — ((  Ce  n'est  pas  ainsi  qu'on  imagine  »,  observait  Duclos;et 
Voltaire  allait  jusqu'à  affirmer  que  c'était  -■(  Jean-Jacques  tout  pur  ».  On 
sentait  vaguement  cela,  mais  personne  n'avait  alors  le  moyen  de  préci- 
ser. De  nos  jours  même,  aucune  étude  consacrée  à  Rousseau  n'a  apporté 
de  lumière  décisive  sur  ce  petit  problème.  Villemain  constate  que  le  pu- 
blic chercha  l'homme  dans  son  œuvre,  sans  dire  s'il  l'y  trouva.  Saint- 
Marc-Girardin  (J .-J.  Rousseau,  ch.  7)  écrit  bien  :  «  11  vit  sa  Julie  en 
M™e  d'Houdetot,  et  il  vit  M^'^d'Houdetot  telle  qu'il  rêv^iit  Julie  »  ;  mais 
c'est  reproduire  simplement  l'aveu  de  Rousseau  lui-même  dans  les  Con- 
fessions, et  Saint-Marc-Girardin  est  si  loin  d'aller  au  fond  des  choses 
qu'il  parle  beaucoup  moins  de  M™''  d'Houdetot  que  de  M""^  de  Warens. 
Enfin,  dans  le  Dix-huitième  siècle  de  M.  Faguet,  le  meilleur  chapitre 
peut-être  est  l'étude  sur  Rousseau.  Il  y  est  parlé  de  la  Nouvelle  Héloïse., 
où  Rousseau  a  mis  tout  son  cœur,  mais  l'affirmation  n'est  pas  appuyée 
de  preuves. 

Le  premier,  croyons-nous,  M.  Brunel  a  essayé,  dans  une  étude  criti- 
que et  approfondie,  de  remettre  sous  leur  véritable  jour  bien  des  faits 
habilement  dénaturés  par  Rousseau  pour  les  besoins  de  sa  cause,  notam- 
ment en  ce  qui  concerne  ses  relations  avec  M""^  d'Houdetot  et  leurs  con- 
séquences. A  Tétude  des  faits  il  rattache  une  très  curieuse  étude  sur  la 
genèse  du  roman;  je  les  réunirai  pour  plus  de  clarté. 

Les  deux  premières  parties  de  \a  Nouvelle  Héloïse  forment  une  idylle 
voluptueuse,  dont  l'inspiration  manque  de  chasteté,  mais  non  de  sincé- 
rité ni  de  vigueur.  Rousseau,  dans  ses  Confessions,  affecte  de  dédaigner 
ce  «  remplissage  verbeux  »  auquel  il  s'abandonnait,  dit-il,  sans  aucun 
plan  arrêté.  Il  y  est  déjà  pourtant  sous  les  traits  de  Saint-Preux;  mais 
c'est  un  Rousseau  jeune,  ou  plutôt  rajeuni  par  les  rêveries  vagues  et 
passionnées  dont  il  se  grise  au  printemps  de  lySô,  peu  de  temps  après 
son  arrivée  à  l'Ermitage.  Tout  à  coup  M'^'=  d'Houdetot  vint  fixer  ces 
rêveries  indécises:  «  Je  la  vis,  j'étais  ivre  d'amour  sans  objet;  cet  objet  se 
fixa  sur  elle;  je  vis  ma  Julie  en  M"'«  d'Houdetot.  »  C'est  alors  qu''i[vécut 
la  3"^  et  la  4^  partie  de  son  roman. 

Distinguons  la  réalité  et  la  fiction.  Réalité  :  Rousseau  a  aimé 
M"""  d'Houdetot,  mais  M'"''  d'Houdetot  n'a  jamais  songé  à  aimer  Rous- 
seau. Elle  est  fiattée,  sans  doute,  d'apprivoiser  ce  sauvage;  mais  elle 
aime,  elle  aima  constamment,  pendant  un  demi-siècle,  Saint-Lambert, 
alors  à  l'armée,  et  M.  d'Houdetot,  qui  ne  porta  pas  moins  de  constance 


/O  revue'^critiquk 

dans  une  autre  passion  extra-conjugale,  disait  d'elle  et  de  lui  :  «  Nous 
avions  tous  deux  la  vocation  de   la   lidélité  ;    seulement,  il   y  a  eu  un 
malentendu.  »  Dans  ses  Confessions.  Rousseau  lui  donne  tous  les  me'- 
rites  et   garde  pour  lui  tous  les    torts.   Ne    semble-t-il   pas  cependant 
que,  se  sentant  invulne'rable  près  de  Rousseau,  elle  en  ait  abusé  pour 
coqueter  impunément  avec  lui,  et  l'affoler,  cœur  et  sens?  Il  est  vrai  que 
sa  situation  était  difficile  entre  un  fou  comme  Rousseau,  qu''il  fallait 
ménager,  ne  fût-ce  que  par  pitié,  et  un  amant-époux  comme  Saint-Lam- 
bert, Gont  il  fallait  craindre  d'éveiller  la  jalousie.  C'est  pour  tout  conci- 
lier, sans  doute,  qu'elle  imagina  cet  accommodement  équivoque  dont  l'i- 
dée plut  si  fort  à  Rousseau  :  «  Elle  ne  me  parlait  de  rien  avec  tant  de 
plaisir,  que  de  Tintime  et  douce  société  que  nous  pourrions  former  entre 
nous  trois^  quand  je  serais  devenu  raisonnable.  •»  Voyons  maintenant  la 
fiction  :  «  Il  (Wolmar)  avait  raison  de  croire  que  l'amitié,  qui  commen- 
çait à  s'établir  entre  nous  rendrait  cette  société  agréable  à  tous  les  trois.  » 
Ces  points  de  contact  entre  la  fiction  et  la  réalité,  M.  B.  les  met  ingé- 
nieusement en  lumière.  Seulement,  il  ne  faudrait  pas  exagérer  la  thèse. 
Ce  Saint-Preux,  très  amoureux,  mais  très  sage  en  fait,  c'est  bien  Rous- 
seau,   mais  un  peu   idéalisé  et  apaisé  ;   cette  Julie  toute  à  ses  devoirs, 
mais  hantée  de  doux  souvenirs  qui   parfois  la  troublent,  ce  ne  serait 
tout  à  fait  M""  d'Houdetot  que  si   celle-ci  avait  eu  à  faire   le  sacrifice 
d'un  amour  pour  Rousseau  qui  n'a   jamais  existé;  ce   Wolmar,  mari 
confiant,  philosophe  imperturbable,  est  tel  que  Rousseau  eût  souhaité 
Saint-Lambert,   mais    non    pas    tel  que  Saint -Lambert   s'est   montré 
d'abord,  car,  averti  par  une  indiscrétion,  il  témoigna  quelque  froideur, 
quelque  irritation  même.  M'"^  d'Houdetot  devint  plus  prudente,  et  le 
rêve  du  ménage  à  trois  s'envola. 

A  quelles  roueries,  souvent  peu  délicates,  Rousseau  eut  alors  recours, 
M.  B.  nous  ledit;  il  montre  le  romancier  amoureux,  d'une  part  essayant 
par  de  belles  protestations  d'endormir  la  jalousie  de  Saint- Lambert  ;  de 
l'autre  s'efforçant,  comme  l'atteste  M^^^  d'Épinay,  de  faire  naître  chez 
y[mQ  d'Houdetot  des  scrupules  sur  une  liaison  qu'il  juge  criminelle, 
pour  la  séparer  de  Saint-Lambert  et  la  rapprocher  de  lui.  Mais  surtout 
il  indique  avec  une  force  et  une  clarté  toutes  nouvelles  quelles  sont  les 
vraies  causes  de  la  rupture  de  Rousseau  avec  Diderot  (cf.  la  préface  de 
la  Lettre  sur  les  spectacles),  conséquence  directe  des  fausses  manœu- 
vres de  Rousseau,  près  de  M^^^  d'Houdetot  et  de  Saint-Lambert  d'abord, 
près  de  Diderot  ensuite.  Appuyée  sur  des  dates  précises,  cette  explication 
est  absolument  différente  de  celle  qui  est  donnée  dans  les  Confessions . 
Loin  d'avoir  été  trahi  par  son  ami,  c'est  Rousseau  qui  l'a  trompé;  loin 
de  l'abandonner,  Diderot  et  Saint-Lambert  l'accablent  de  leur  généro- 
sité au  moment  où,  brouillé  par  sa  faute  avec  Grimm  et  M'"'^  d'Épinay, 
il  doit  quitter  l'Ermitage. 

Dès  lors,  la.  Nouvelle  Héloïse  peut  finir,  et  doit  finir  médiocrement.  1 
Les  deux  dernières  parties  en  sont  froides,  n'étant  plus  soutenues  par  lesJ 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  7I 

émotions  et  les  souvenirs  personnels.  Tandis  que  le  roman  écrit  est 
couronné  par  la  scène  touchante  de  Meillerie  et  par  la  mort  de  l'hé- 
roïne, le  roman  vécu  resta,  pour  ainsi  dire,  suspendu  en  Pair,  faute  d'un 
Wolmar  qui  sût  comprendre  et  guérir  Saint-Preux.  M.  B.  a  donc 
le  droit  de  conclure  que  la  Nouvelle  Héloïse  vit  surtout  parce  qu'elle  a 
d'individuel  et  de  réel  ;  et  nous  avons  le  droit  de  le  féliciter  d'avoir  éclairé 
cet  intérêt  essentiel  de  l'œuvre.  Mais  le  sentiment  de  la  nature  et  la  mé- 
lancolie qui  respirent  dans  les  lettres  sur  le  Valais  et  dans  les  dernières 
scènes  ne  doivent  rien  à  M""^  d'Houdetot.  Même  dans  la  partie  vécue, 
la  fiction  se  mcle  souvent  à  la  réalité  qu'elle  altère.  M™"^  de  Staël  a  dit 
très  justement  de  Rousseau  qu^il  rêvait  plutôt  quMl  n'existait  et  que  les 
événements  de  sa  vie  se  passaient  dans  sa  tête  plutôt  qu'en  dehors  de 
lui.  Voilà  ce  qui  fait  son  roman  si  complexe  et  sa  vie  si  contradictoire. 
Autant  que  M.  Brunel  je  le  blâme,  mais  plus  que  lui  je  le  plains. 

F.  Hémon. 


343.   —   John    Grand-Carteret.    J.-J.    Etousseau   jugé    pan    les    Français 

fl'aujouiMl'Iiui.  I  vol.    in-8  de   xxxii,    byb   pages.  Paris,  librairie  académique, 
i8go. 

Il  a  paru  à  Genève  en  1878,  lors  du  centenaire  de  Rousseau,  un  petit 
recueil  de  six  conférences,  sous  ce  titre  :  J.-J.  Rousseau  Jugé  par  les  Ge- 
nevois d'aujourd'hui.  Six  professeurs  de  Genève,  dont  quelques-uns 
(Amiel,  Marc  Monnier,  Oltramare)  avaient  une  très  étendue  notoriété, 
et  qui  tous  représentaient  avec  autorité  l'élite  lettrée  de  leur  ville, 
s'étaient  partagé  les  principaux  points  sur  lesquels  il  y  avait  lieu  de  juger 
Rousseau.  «  Loin  de  se  répéter,  disait  à  bon  droit  Téditeur,  ces  confé- 
rences devaient  former  un  tout  harmonique.  Leurs  auteurs  étudiaient 
successivement  dans  Rousseau,  le  philosophe,  le  politique,  l'éducateur, 
tout  ce  qui,  en  un  mot,  a  fait  de  lui  le  grand  initiateur  sous  tant  de 
rapports  différents.  »  Ce  recueil  contient,  en  effet,  un  véritable  corps  de 
doctrine.  Vu  son  lieu  d'origine,  vu  la  circonstance  qui  en  avait  donné 
l'idée,  et  dont  il  devait  perpétuer  le  souvenir,  il  était  assez  naturel  qu'il 
tournât  au  panégyrique.  Mais  comme  les  écrivains  associés  pour  cette 
pieuse  entreprise  étaient  gens  de  critique  et  d'enseignement,  il  était  cu- 
rieux de  voir  à  quelles  conclusions  les  amènerait,  cent  ans  après  la  mort 
du  grand  Genevois,  le  sentiment  patriotique  qui  leur  était  commun  avec 
leur  auditoire,  corrigé,  tempéré,  dominé  par  leur  méthode  et  leur 
conscience  de  savants.  Ils  ont  dédaigné  de  partir  en  campagne  contre  des 
ennemis  imaginaires  ou  frivoles.  Ils  ont  simplement  et  comme  de  vrais 
juges  (puisque  jugement  il  y  avait)  résumé  les  éléments  du  débat, 
déterminé  les  points  de  vue  qui  leur  paraissaient  équitables,  et  prononcé 
en  faveur  de  Rousseau  (non  sans  réserves)  une  opinion  fortement  mo- 
tivée, qui  n'affiche  pas  la  prétention  d'être  définitive,  mais  qui  doit  faire 
date,  et  dont  toutes  les  parties  s'adaptent  assez  exactement  pour  que  cette 
œuvre  collective  présente  le  caractère  d'unité  qu'elle  annonçait. 


72  REVUE    CRITIQUE 

Le  i^ros  volume  publié  par  M.  Grand-Garteret  (à  propos  de  la  statue 
de  Rousseau  inaugurée  à  Paris,  place  du  Panthéon,  le  3  février  1889) 
est  destiné,  comme  l'indique  la  similitude  du  titre,  et  comme  le  décla- 
rent les  premières  lignes  de  la  préface,  à  servir  de  pendant  au  recueil  de 
Genève,  :  cette  fois,  c'est  «  Rousseau  jugé  par  les  Français  d'aujour- 
d'hui ». 

Mais  une  enquête  de  ce  genre  avait-elle  sa  raison  d'être  en  France? 
Il  est  permis  d'en  douter.  II  n'y  a  pas  à  l'heure  présente  en  France,  sur 
Rousseau,  d'opinion  dominante  et  locale.  Il  en  est  chez  nous  tout  autre- 
ment qu^à  Genève,  où  depuis  cinquante  ans  Rousseau  est  à  l'ordre  du 
jour,  devant  un  public  relativement  homogène,  qui  a  sa  physionomie 
propre,  et  qui  s'est  formé  sur  ce  sujet,  moitié  par  étude,  moitié  sous  l'in- 
fluence de  préjugés  respectables,  une  manière  à  peu  près  uniforme  de 
penser  et  de  sentir.  Il  se  peut  qu'en  France  les  préjugés  ne  soient  pas 
moins  forts  ;  le  principal  auteur  de  l'ouvrage  en  est  à  lui  seul  un  assez 
bel  exemple  ;  mais  ils  sont  plus  variés  :  chaque  groupe  philosophique, 
religieux  ou  politique,  applique  à  Rousseau  des  passions  particulières, 
en  sorte  que  de  cette  anarchie  je  ne  crois  pas  qu'il  puisse  résulter  un 
jugement  commun  ou  moyen.  En  outre,  laconnaissance  de  Rousseau  est 
parmi  nous  médiocrement  répandue.  Avouons-le  :  si  française  que  soit 
sa  gloire,  il  n'est  pas  pour  nous  un  sujet  d'étude  national.  Les  senti- 
ments de  mille  Français,  sur  son  compte,  fussent-ils  réunis  en  un  seul 
volume,  ne  seraient  que  mille  sentiments  individuels,  et  non  pas  le 
«  jugement  des  Français  d'aujourd'hui.  »  Il  n^y  a  pas  là  chez  nous, 
même  au  suffrage  restreint,  matière  à  plébiscite. 

M.  G.-G.  a  simplement  présenté  une  sorte  d'album  à  un  certain  nom- 
bre de  nos  concitoyens  lettrés,  en  les  priant  d'inscrire  (un  peu  à  la  hâte,  j 
nous  disent  quelques-uns,  et  nous  les  en  croyons)  ce  qu'ils  pensaientde 
Rousseau  en  général,  ou  de  telle  question  à  leur  choix  relative  à  Rou-; 
sseau.  Chacun  a  répondu  ce  que  bon  lui  semblait,  sur  le  sujet  ou  à  côté. 
Chaque  réponse  a  sa  valeur  propre,  extrêmement  variable.  Mais  de  cette 
bigarrure,  ou  plutôt  de  ce  chaos,  je  détie  qu'un  habile  homme  par- 
vienne à  dégager  une  conclusion,  et  je  pense  bien  que,  si  l'on  en  pouvait  j 
dégager  une,  M.  G.-C.  n'aurait  pas  négligé  de  couronner  ainsi  son  œu-j 
vre.  Comme  il  ne  l'a  pas  fait,  nous  en  voyons  le  pourquoi.  Mais  àquoij 
bon  alors  sa  consultation  ? 

En  outre  ces  jugements,  pour  disparates  qu'ils  puissent  être,  n'auraientJ 
de  portée  que  s'ils  émanaient  des  hommes  qui,  en  critique,  passent  icif 
pour  chefs  d'école.  Lesquels  ?  ce  n'est  pas  mon  affaire  de  le  dire,  et  je  n'au- 
rai garde  de  désobliger  personne.  Il  est  cependant  hors  de  doute  que  le;j 
«  Français  d'aujourd'hui  >>  ne  sont  pas  représentés  ici  par  leurs  inter- 
prêtes les  plus  qualifiés.  Il  est  même  regrettable  que  les  illustrations  don 
M.  G.-C.  s'est  procuré  le  concours,  un  Daudet,  un  Mézières,  un  Berthe- 
lot,  ne  se  soient  pas  mises  en  frais  pour  Rousseau,  et  n'aient  vraiment  pa 
donné  toute  leur  mesure    Mais  surtour  parmi  les  Français  qui  font  ic| 


d'histoire  et  de  littératurb  ^3 

figure  comme  sMls  étaient  chez  nous  les  hérauts  de  Topinion,  il  s'en 
trouve  bien  la  moitié  dont  la  signature  n^engage  qu'eux-mêmes.  Cela  fait 
beaucoup  de  bruits  discordants,  et,  ce  qui  est  pire,  beaucoup  de  bruit 
pour  rien. 

Des  aperçus,  même  hardis,  ne  sont  pas  des  jugements.  De  là  une  con- 
fusion de  plus,  et  bien  des  morceaux  parasites.  Voici,  par  exemple,  M.  le 
docteur  Roussel,  qui  par  des  arguments  très  solides,  je  le  veux  croire, 
assurément  fort  techniques,  soutient  que  les  cinq  enfants  de  Rousseau, 
les  cinq  enfants-trouvés,  n'ont  jamais  existé,  par  la  raison  que  son  infir- 
mité lui  interdisait  d'en  avoir.  Voici  M.  Edgar  Monteil  qui  recom- 
mande à  notre  sympathie  certains  vices  secrets  du  grand  homme,  en 
nous  faisant  entrevoir  combien  cette  prétendue  tare  a  favorisé  le  déve- 
loppement de  son  originalité.  Voici  encore  M.  Eugène  Garcin  qui  nous 
montre  en  Rousseau  le  maître  favori,  «  l'inspirateur  »  de  Lazare  Car- 
not,  découvre  dans  le  Contrat  social  l'idée  mère  de  la  garde  nationale, 
et  qui,  en  si  beau  chemin,  finit  par  faire  remonter  au  philosophe  la 
plus  belle  part  de  nos  gloires  militaires  pendant  la  Révolution.  Enfin, 
voici  toute  une  section  du  livre  (qu'on  aurait  pu  sans  inconvénient 
grossir  encore)  fort  justement  intitulée  :  Fantaisie.  Cette  section  n'est 
pas,  tant  s'en  faut,  la  moins  attrayante.  Mais,  ce  me  semble,  on  nous 
promettait  des  jugements. 

Dans  le  détail,  il  y  aurait  beaucoup  à  reprendre  en  fait  d'exactitude, 
beaucoup  plus  encore  en  fait  de  goût.  Les  enthousiastes,  à  qui  M.  G.-C. 
paraît  s'être  adressé  avec  une  extrême  complaisance,  se  sont  installés  dans 
son  volume  comme  chez  eux,  et  y  ont  épanché  tout  à  leur  aise  un  gali- 
matias qu'il  serait  cruel  d'imputer  aux  «  Français  d'aujourd'hui  »,  qui 
sont  plutôt,  sur  cet  article,  en  voie  d'amendement.  Les  études  d'un  ca- 
ractère précis  et  limité  sont  les  plus  instructives  et,  par  surcroît  les  plus 
agréables  :  Jean-Jacques  devant  la  nature.,  par  Jules  de  Glouvet; 
J .-J .  Rousseau  précurseur,  par  Albert  Réville;  /.-/.  Rousseau  musi- 
cien, par  Arthur  Pougin,  etc. 

Il  y  a  fort  heureusement,  comme  dans  les  solennités  académiques  de 
province,  \xut  partie  artistique  qui  aide  à  prendre  patience.  Le  volume 
s'ouvre  par  quelques  poésies;  celles  de  M.  Chantavoine  et  de  M.  Manuel, 
deux  sonnets,  ont  bien  de  la  grâce.  11  est  d'ailleurs  orné  de  gravures,  dont 
quelques-unes  sont  curieuses  et  ont  bon  air,  et  de  deux  fac-similé.  Le 
petit  recueil  genevois  n'a  pas,  hélas  !  tous  ces  agréments  ;  mais  en  revan- 
che il  réalise  beaucoup  mieux  l'idée  dont  il  est  né,  ce  qui  est  bien  aussi 
quelque  chose. 

L.  Brunel. 

344.  —  Robert  SureouT,  par  RoBERT  SuRCOUF,  ancien  sous-préfet.  (Paris,  Pion, 
1890,  in-8  de  (vii-524)  p.) 

Ce  livre  est  une  monographie  du  célèbre  corsaire  malouin,  écrite  par 
un  de  ses  descendants,  qui  a  voulu  présenter  la  véritable  image  de  celui 


74 


REVUE    CRITIQUE 


que  la  légende  et  les  romans  ont  quelque  peu  défiguré.  L'auteur  a  cher! 
ché  des  preuves  irréfutables  dans  nos  archives  nationales;  il  s'est  aid| 
des  travaux  de  Ch.  Cunat  et  des  Mémoires  de  Garneray,  qui  fut  le  $« 
crétaire  de  Surcouf.  Tout  en  écartant  avec  soin  ce  qui  n'est  pas  absol 
lument  démontré,  il  lui  est  resté  assez  d'actions  glorieuses  pour  consa 
crer  une  véritable  épopée  en  l'honneur  de  son  aïeul.  Il  nous  décrit  avec 
talent  les  luttes  incessantes  et  les  combats  de  tous  les  jours;  il  nous  fait 
aimer  cet  homme  d'une  nature  exubérante,  intrépide,  généreux,  terri- 
ble dans  la  bataille,  humain  dans  la  victoire,  et  dont  les  grandes  vertus 
guerrières  font  aisément  excuser  un  peu  de  violence  et  d'indiscipline. 

H.-D.  deGrammont. 


345.  —  HW  de  Salamon.  Mémoires  inédits  de  l'internonce  à  Paris,  pendant  la 
Révolution  1790-1801,  avec  introduction,  notes  et  pièces  justificatives,  par  l'abbé 
Bridier,  du  clergé  de  Paris.  Paris,  Pion,  1890.  In-8,  lvi  et  SyS  p.  7  fr.  5o. 

Louis  Siffenn  de  Salamon,  auditeur  de  la  rote  et  doyen  du  chapitre 
d'Avignon,  conseiller-clerc  au  Parlement  de  Paris,  était  internonce  de 
Pie  VI  auprès  de  Louis  XVI  lorsqu'éclata  la  Révolution.  Ce  fut  lui  qui 
répandit  les  brefs  relatifs  à  la  constitution  civile  du  clergé  et  rédigea 
Tadresse  des  catholiques  de  Paris(6  octobre  1791).  11  était  donc  signalé 
aux  révolutionnaires.  Aussi  fut-il  arrêté  et  conduit  à  l'Abbaye.  Il 
échappa  aux  massacres  de  septembre.  Mais,  comme  dit  son  biographe 
(p.  xxxni),  il  y  avait  en  lui  deux  personnages  et  tous  a  deux  devaient 
avoir  maille  à  partir  avec  la  Révolution.  L'internonce  en  était  quitte, 
du  moins  pour  le  moment.  C'était  le  tour  du  magistrat  ».  Il  avait 
collaboré  à  la  protestation  du  Parlement  contre  les  actes  de  l'Assemblée 
nationale  ;  ce  document  fut  découvert  en  1794,  et  un  décret  de  prise  de 
corps  lancé  contre  les  signataires.  De  nouveau  Salamon  échappa,  et 
lui-même  raconte  qu'il  erra  au  plus  épais  du  bois  de  Boulogne,  cou- 
chant sur  la  paille  ou  sur  des  feuilles,  sans  abri,  sans  pain,  comme  un 
vagabond  ou  comme  une  bête  fauve.  Sous  le  Directoire,  il  fut  derechef 
emprisonné,  d'abord  à  la  Grande  Force,  puis  à  là  Conciergerie  ;  il 
devait  négocier  un  concordat  entre  le  pape  et  le  gouvernement  français 
(p.  235),  mais  son  courrier  fut  arrêté  et  une  lettre  qu'il  écrivait  au  papeij 
interceptée.  Salamon  était  sous  le  coup  d'une  accusation  capitale,' 
Bellart,  son  avocat,  le  sauva  par  un  chaleureux  plaidoyer.  L'internonce 
a  raconté  ses  Prisons  dans  des  mémoires  qu'il  composa  tout  exprès 
pour  M"'«  de  Villeneuve,  entre  1808  et  181  2;  mais,,  par  précaution,  il 
les  écrivit  en  italien.  M.  l'abbé  Bridier  les  a  traduits  en  français  et  l^J 
publie  aujourd'hui.  On  lui  en  saura  gré.  Tout  d'abord,  sans  être  ur 
révélation,  ces  Mémoires  contiennent  de  dramatiques  détails  sur  le 
journées  de  septembre,  et  on  les  rapprochera  très  utilement  du  récit  dî 
l'abbé  Sicard  —  que  Salamon  nous  montre  «  caché  en  un  petit  endron 
retiré  qui  servait  de  lieu  d'aisances  »  et  «  assis  sur  une  pierre,  au  miliem 


D''HISTOmE   ET   DE    LITTÉRATURE  7 5 

de  l'infection  »  (p.  102).  En  outre,  le  livre  deuxième,  où  Salamon  ra- 
conte son  odyssée  de  proscrit,  est  bien  curieux  par  les  anecdotes  qu'il 
renferme,  et,  comme  dit  M.  B.,  il  «  donne  la  sensation  de  la  Terreur  ». 
Enfin,  la  physionomie  de  Salamon  est  assez  originale;  ce  n'est  pas, 
ainsi  que  l'observe  l'éditeur  deses  Mémoires^  un  prêtre  comme  l'héroïque 
curé  de  Saint-Jean  en  Grève  ;  c'est  un  prêtre  qui  fréquente  peu  les  gens 
d'église  et  fait  sa  société  des  gens  de  robe,  qui  «  débite  des  rapports  au 
lieu  de  prêcher  des  sermons,  instruit  des  procès  au  lieu  d'entendre  des 
confessions,  connaît  mieux  les  coutumes  de  France  que  son  Ecriture 
sainte  »  (p.  xxxix);  en  somme,  diplomate,  homme  du  monde,  naïve- 
ment satisfait  de  lui-même,  plus  Italien  que  Français,  égoïste,  poltron, 
gourmand,  mais  couvrant  tout  cela  sous  de  grands  airs,  et  sympa- 
thique par  sa  franchise  et  par  la  tendresse  filiale  que  lui  inspire 
sa  vieille  gouvernante,  Texcellente  Blanchet,  «  la  perle  des  héroïnes 
de  ces  Mémoires  »  et,  comme  dit  le  docteur  Guastaldi  (p.  iSg), 
a  la  plus  estimable  des  femmes  ».  L'introduction  que  M.  B.  a  mise  à 
son  texte,  se  lit  avec  autant  de  plaisir  que  de  profit;  il  y  a,  outre  les 
recherches  historiques,  de  l'esprit  et  de  la  verve.  Mais  pourquoi  M.  Bri- 
dier  dit-il  que,  «  comme  de  juste,  il  a  fait  la  toilette  »  aux  Mémoires  de 
Salamon?  Cette  expression  nous  inquiète  '.  Comment  n'a-t-il  pas  vu 
(p.  6)  que  le  mot  inconnu  et  qu'il  prend  pour  un  mot  de  terroir,  j'iïo- 
lante,  n'est  autre  que  «  epistolante  ~  n  —  ou,  puisque  le  texte  est  «  mal 
écrit  »,  quelque  chose  de  très  approchant?  Pourquoi  n'a-t-il  pas  remarqué 
une  grave  erreur  de  Salamon  qui  déclare  qu'au  moment  des  massacres 
«  une  nouvelle  assemblée  s'était  réunie  sous  le  nom  d'assemblée  législa- 
tive »,  qu'elle  «  avait  cominencé  ses  travaux  par  la  proclamation  de  la 
République,  et,  le  27  août,  décrété  le  serment  de  liberté  et  d'égalité  » 
(p.  3o)  ?  Pourquoi  écrit  il  Monotte  le  nom  de  l'horloger  Monnot,  le 
sauveu''  de  Sicard  (id.)  et  ne  donne-t-il  pas  le  nom  du  «  très  vieux 
soldat,  lieutenant  général  des  armées  du  Roi  »,  qu'il  était  si  facile  de 
trouver  (p.  43)  3  ?  Citons  enfin  .SiîzV// pour  Bailly  (p.  i  3o,  i3i,  i32), 
Sulx  pourSaulx  (p.  i63),  Le  Coûteux  et  Le  Couteau  pour  Le  Couteulx 
de  La  Noraye  (p.  3o2  et  307). 

A.  Chuquet. 

1.  P.  126,  nous  lisons  dans  le  texte  :  «  Si  j'ai  péché,  j'espère  avoir  obtenu  mon 
pardon  de  la  miséricorde  infinie  de  Dieu  »  et  en  note  «  le  tour  italien  est  plus  leste, 
e  a  ciascun  peccato  misericovdia  ».  Pourquoi  n'avoir  pas  traduit  «  et  à -tout  péché 
miséricorde?» —  P.  292,  le  passage  «  indéchiffrable»  ne  l'est  pas  du  tout  :  La  diffe- 
ren:^a  die  non  la  caricava,  e  die  essa  andava  sentendola,  traduisez  :  la  différence,  c'est 
qu'elle  (ma  sœur)  ne  la  remontait  pas  et  qu'elle  (la  montre)  marchait  en  la  pressant. 
—  De  même  (p.  270)  ;  si  caryo:^:ça  di  ^eppi  signifie  «  panier  à  salade,  voiture  des  con- 
damnés »,  ne  dit-on  pas  una  mala  :{eppa,\xn  mauvais  sujet  ï  Quant  à /d  mia  lovala... 
ed'era  bleio  (p.  29),  cela  doit  signifier  «  et  j'étais  beau  »,  mais  je  ne  connais  pas  bleio. 

2.  «  Elle  allait  jusqu'à  m'écrire  trois  lettres  par  jour.  C'était  une  terrible  (pitolante) 
que  j'avais  à  mes  trousses  ». 

3.  Wittgenstein. 


76  RKVUE    CRITIQUE 

34Ô.  —  H.  Welschinger.  i.o  Roman  fie  Uumourlez.   Paris,  Pion,  1890.  In-8, 
332  p.  3  fr.  5o. 

Ce  volume  renferme  cinq  études  .Le  roman  de  Dumourie:{,  Le  li- 
vret de  Robespierre,  Adam  Lux  et  Charlotte  Corday,  Le  comité  de 
salut  public  et  la  comédie  française,  Le  journaliste  Lebois  et  /'«  Ami  du 
peuple  »,  qui  n'ont  pas  du  tout,  comme  le  croit  M.  Welschinger,  «  une 
réelle  cohésion  »,  Aussi  l'auteur  a-t-il  simplement—  et  inexactement  — 
intitulé  son  livre,  comme  font  nos  romanciers,  d'après  la  première  de 
ses  études,  le  Roman  de  Dumourie\.  Ce  roman,  c'est  le  mariage  de  Du- 
mouriez  avec  M"°  de  Broissy,  mariage  qui  commença  par  la  passion  la 
plus  vive  et  se  termina  par  une  séparation  à  Tamiable.  M.  W.  a  con- 
sulté la  correspondance  des  deux  époux  et  en  reproduit  d'attachants 
extraits  :  «  C'est  à  la  femme^  conclut-il,  que  doivent  s'adresser  toutes  nos 
sympathies.  C'est  à  elle,  à  l'épouse  lâchement  abandonnée,  injustement 
sacrifiée  qu'il  convient  d'en  adresser  l'ample  tribut.  »  Soit.  Mais  il  fau- 
drait ajouter  que  la  femme  de  Dumouriez  fut  très  dévote,  très  intolé- 
rante, très  acariâtre,  et  que  sa  maîtresse,   M"'*'  d'Angel  ou  de  Barruel- 
Beauvert,  fut  pour  lui  «  l'amie  sincère  »  à  qui  «  il  confiait  avec  sûreté 
ses  espérances  et  ses  chagrins  »'.—  Dans  la  deuxième  étude,  M.  W.  étu- 
die (et  il  le  reproduit  entièrement  à  l'appendice)  un  cahier  où  Robes- 
pierre écrivait  en  1793,  à  la  hâte  et  en  quelques  mots,   ses  pensées  les 
plus  intimes.  —  La  troisième  étude,  la  plus  faible  de  l'ouvrage,  est 
consacrée  à  Adam  Lux,  cet  admirable  fou.  Mais  il  faudra,  même  après 
M.  W.,  consulter  encore  le  bel  article  de  Louis  Bamberger  (Revue  mo- 
derne du  I"  oct.    1866)  et  M.  W.  n'a  connu  ni  le  récit  saisissant  de 
Georges  Kerner  (voir  le  Bilderbuch  de  son  frère  Justin  p.  75-92),  ni 
l'étude  de  Jean  Paul   Ueber  Charlotte  Corday,  ni  les  pages  brillantes 
de  Venedey  (Die  deutschen  Republikaner,  III,  140-157;  Venedey  avait 
consulté  la  seconde  fille  de  Lux);  ni  deux  lettres  importantes  de  Fors- 
ter.  Le  23  juillet  1793,  Forster  écrit  sur   son  collègue  mayençais  les 
lignes  suivantes  :«  11  a  laissé  libre  cours  à  la  vivacité  de  ses  sensations  et 
imprimé  son  opinion  sur  les  événements  du  jour  ;  par  suite  il  s'est  attiré 
la  colère  et  peut-être  la  vengeance  de  ceux  qui  peuvent  tout.  Son  dessein 
est  noble;  son  courage,   héroïque;  son  sentiment,  juste  et  beau.  »  Le 
lendemain,  il  écrit  de  nouveau  :  «  Mes  craintes  se  sont  vérifiées.  Mon 
collègue  a  été  arrêté  ce  matin,   parce  qu'en  effet,  soit  imprudemment, 
soit  héroïquement,  selon  qu'on  prend  son  action,  il  a  hautement  loué  la 
jeune  fille  qui  a  levé  le  poignard  sur  Marat  avec  un  si  merveilleux  cou- 
rage. Elle  a  fait  perdre  la  tête  à  ce  brave  garçon  qui  ne  connaît  rien  de 
plus  heureux  que  de  devoir  mourir  pour  elle  et  pour  le  parti  qui  lui 
semble  avoir  exclusivement  raison.  La  preuve  qu'il  a  été  en  réalité  trop 
profondément  saisi  par  ses  sentiments  :  depuis  huit  jours  il  n'a  presque 
rien  pris,  et  durant  toute  une  journée  il  mange  à  peine  le  quart  d'une 

I.  Cp.  ce  que  dit  d'elle  Boguslawski,  II,  285. 


J 


d'histoire  et  de  littérature  77 

livre  de  pain,  et  rien  d'autre.  On  trouve  que  ses  écrits  troublent  la  tran- 
quillité publique.  Je  lui  avais  toujours  conseillé  de  ne  pas  s'abandonner 
à  son  imagination,  mais  je  préchais  dans  le  désert;  la  crainte  même  de 
me  compromettre,  la  seule  qui  eût  sur  lui  quelque  influence,  ne  l'a  pas 
retenu.  Il  sera  impossible  de  faire  pour  lui  la  moindre  démarche,  et  il 
ne  le  désire  pas  du  tout.  »  —  La  quatrième  étude  de  M  W.  expose  les 
rapports  du  comité  de  salut  public  avec  les  théâtres  de  la  Nation  et  de 
la  République,  et  la  censure  brutale,  rigoureuse  qu'il  exerça.  —  La 
cinquième  étude  nous  fait  connaître,  non  sans  lacunes,  le  journa- 
liste Lebois  qui  continua  la  feuille  de  Marat,  VAmi  du  peuple.  —  Ces 
cinq  études  de  M.  Welschinger,  composées  d'après  les  documents  des 
archives  nationales,  se  lisent  avec  intérêt,  malgré  quelques  fautes  assez 

graves  ^ 

A.  Ch. 


347. —  Berenzi.  Gll  ai-teficî  liutai  Bi>esclani.  Lettura  con  note.  Un  vol.  in-8, 
32  pp.  Brescia,  Appollonio,  1890. 

Cette  conférence  faite  à  l'Athénée  de  Brescia,  le  12  janvier  i8go,  est 

un  intéressant  résumé  de  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  l'école  bresciane  de 

lutherie.  Les  assertions  d'Arthur  Pougin,  Vidal,  G.  Hart,  J.  Stainer, 

Heron-Allen,  y  sont  critiquées  et  parfois  corrigées.  Les  passages  sur  Gas- 

paro  da  Salô  et  sur  Scarampella  sont  surtout  remarquables.  Le  second 

a  même  une  valeur  de  document  original. 

L.  G.  P. 

I.  p.  10,  c'est  en  1771  et  non  en  1772  que  Dumouriez  fut  rappelé  et  remplacé  par 
Viomesnil  ;  —  p.  i6,  lire  du  Muy  et  non  de  Muy ;  —  p.  20,  Pirch  et  non  Pirscit  ;  — 
p.  66,  Collot  n'a  pas  coifle  Dumouriez  du  bonnet  rouge;  — p.  68,  M""'  Dumouriez 
était  à  Saint-Quentin,  lorsqu'elle  fut  arrêtée  ;  —  p.  101,  il  s'agit  de  René  Moreaux,  et 
non  de  Moreau ;  —  p.  129,  lire  Kostheim  et  non  Klostheim;  —  p.  i3o,  reporter  les 
séances  du  26  et  du  27  octobre  au  24;  supprimer  le  nom  de  Chantly,  écrire  Rûhl  et 
non  Buhl  ;  —  p.  i32,  lire  d'Oyré  et  non  Varé  (\);  — p.  i52,  M.  W.  se  flatte  d'avoir 
mieux  compris  que  Vatel  les  sentiments  d'Adam  Lux;  il  a  tort  :  Lux  n'éprouvaif  pas 
pour  Charlotte  Corday  un  «  amour  réel  »;  comme  l'a  très  bien  vu  Venedey,  Lux  ju- 
geait que  Charlotte  «  avait  fait  quelque  chose  de  plus  grand  que  ce  qu'il  projetait  lui- 
même  »,  et  il  faut  dire  avec  Bamberger  que  «  si  son  enthousiasme  emprunte  certaines 
tournures  au  langage  des  amoureux,  ce  sentiment  ne  pouvait  sérieusement  entrer  pour 
quoi  que  ce  fijt  dans  les  mobiles  de  ses  actes  arrêtés  depuis  longtemps»; — p.  161,  je  crois 
de  même,  avec  Bamberger,  que  le  patriote  Moschenberg,  «  dont  le  nom  est  tout  à  fait 
inconnu  dans  les  annales  de  la  révolution  de  Mayence  »,  n'est  autre  que  Lux.  M.  W. 
ne  trouve  aucune  ressemblance  d'écriture  entre  la  lettre  de  Moschenberg  et  les  lettres 
de  Lux;  parbleu  !  —  p.  176,  les  noms  de  Jean  Paul,  de  Venedey,  de  Bamberger  suffi- 
sent pour  que  M.  W.  efface  la  phrase  «  les  Allemands  ont  oublié  Lux  »  ;  —  p.  25o, 
lire  Piorry  et  non  Piori,  p.  256,  le  titre  de  l'écrit  de  Lebois  est  non  pas  Rende:^ 
vous .'  mais  Rende^^-nous  nos  dix-huit  francs  !  (à  moins  que  ce  ne  soit  l'écrit  intitulé 
Rende:^-nous  nos  comptes  et  nos  portefeuilles)  —  lire  dans  le  «  Livret  de  Robespierre  » 
rp.  288),  Dentzelet  non  Deut^el  ;  —  (p.  290),  Blanval  et  non  Blainval,  Raffron  et  non 
•Ra/»-o«,  Jagot,  et  non  Jayot,  Laloy  et  non  Laloi,  Gentil  du  Mont-Blanc  et  non  Gentil 
Dunaut  Blanc,  Lombard  Lachaux  et  non  Fombaut  Lachaux,  Enlart  et  non  Eulard; 
—  pourquoi  ne  pas  dire  que  Lebois  fut  envoyé  à  Cayenne  après  l'attentat  du  3  ni- 
vôse (c'est  du  moins  ce  que  rapporte  la  Biographie  de  Leipzig)} 


yS  RKVUK    CRITIQUE 


348.  —  Cnrtulnlre  <le  Mulliouse,  par  Xavier  Mossmann,  archiviste  de  la  ville 
de  Colmar.  Tome  V.  Strasbourg,  Heitz  ;  Colmar,  Baith,  i88g,  vin,  bq3  p.  in-4. 
Prix  :  2  5  fr. 


Nous  avons,  à  plusieurs  reprises  déjà,  parlé  du  Cartulaire  du  Mul- 
house aux  lecteurs  de  la  Revue.  Le  grand  travail  de  M.  X.  Mossmann 
avance  avec  une  rapidité  réjouissante.  Le  cinquième  tome  a  suivi  de 
près  ses  aînés,  et  renferme  les  pièces  relatives  aux  événements  qui  se 
sont  passés  autour  de  la  petite  cité  de  la  Haute-Alsace,  depuis  son  en- 
trée dans  la  Contédération  suisse,  de  i5i6  à  i586,  mais  avec  une  lacune 
de  quatorze  années  (i  549-1 563).  Celle-ci  provient  de  l'incendie  de  l'Hô- 
tel-de-ville  de  Mulhouse,  qui  eut  lieu  en  i552,  et  qui  amena  la  des- 
truction des  dossiers  d'affaires  courantes  et,  par  contre-coup,  la  disper- 
sion des  pièces  officielles  afférant  aux  années  qui  suivirent.  Nous  avons 
longuement  insisté,  dans  nos  précédents  comptes-rendus,  sur  les  méri- 
tes de  la  publication  de  M.  M  .,  sur  les  soins  minutieux  qu'il  lui  a  voués, 
sur  la  longue  préparation  de  son  œuvre,  préparation  qui  lui  permet 
de  l'activer  aujourd'hui,  sans  précipitation  dangereuse  pour  sa  valeur 
scientifique.  Nous  n'aurions  qu'à  répéter  ici  ces  éloges  bien  mérités. 
Disons  seulement  que  la  seconde  moitié  du  cinquième  volume  est  con- 
sacrée presque  tout  entière,  à  l'épisode  le  plus  curieux  de  l'histoire  de 
Mulhouse  au  xvi*  siècle,  au  procès  des  frères  Finninger  et  du  docteur 
Schreckenfuchs  et  à  tous  les  conflits  qui  s'en  suivirent.  Une  insigni- 
fiante querelle  à  propos  d'un  étang  de  la  banlieue  de  Dornach,  donna 
lieu  à  des  crises  violentes,  provoquées  par  la  mésintelligence  entre  le 
gouvernement  aristocratique  de  Mulhouse,  qui  ne  représentait  en  réa- 
lité que  la  minorité  des  citoyens,  et  la  majorité  de  ceux-ci.  Elle  amena 
finalement  l'intervention  des  cantons  suisses.  La  rivalité  des  Eidgenos- 
sen  protestants  et  catholiques  envenima  la  querelle,  les  premiers  pre- 
nant parti  pour  l'oligarchie  régnante,  les  seconds  soutenant  le  parti 
populaire;  c'est  ce  qui  a  donné  lieu  à  certains  historiens  récents,  d'at- 
tribuer la  révolution  mulhousienne  de  1586-87  à  des  motifs  purement 
religieux  et  d'y  voir  en  quelque  sorte  un  épisode  de  la  grande  lutte  qui  aj 
se  poursuivait  alors  par  toute  l'Europe  en  vue  d'une  contre-réformation 
générale.  Dans  son  introduction,  M.  X.  Mossmann  a  nettement  déter- 
miné, ce  nous  semble,  les  véritables  motifs  du  soulèvement  populaire 
et  montré  le  rôle  tout  à  fait  secondaire  que  les  questions  religieuses 
jouèrent  en  toute  cette  affaire.  Le  tome  V  s'arrête  d'ailleurs  au  moment 
delà  révolution  de  décembre  i586;  le  sixième  volume  nous  en  appor- 
tera le  dénouement.  Le  savant  éditeur  estime  que  ce  prochain  volume 
suffira  pour  achever  la  belle  entreprise  à  laquelle  il  a  voué  le  meilleur 
de  ses  forces  depuis  plus  de  vingt  ans,  et  pour  mener  le  dépouillement 
des  archives  de  Mulhouse  jusqu'au  moment  où  la  petite  république 
helvétique  s'absorbe,  en  1798,  dans  la  République  française.  Souhai- 


d'histoire  et  de  littérature  79 

tons  bien  sincèrement  au  vaillant  archiviste  de  Colmar  que  le  couron- 
nement de  rédifice  ne  se  fasse  pas  attendre  i. 

R. 


CHRONIQUE 


FRANCE  —  La  4«  livraison  du  tome  VII  de  V Histoire  littéraire  du  xix»  siècle,  par 
Ant.  Laporte  (Paris,  Bouillon,  1889),  contient  la  continuation  de  la  bibliographie 
des  œuvres  de  V.  Hugo,  et  termine  le  volume. 

—  M.  Jadart  nous  envoie  plusieurs  études  qu'il  a  composées  tout  récemment  et  qui 
témoignent  de  son  ardeur  infatigable  :  1°  une  notice  biographique  sur  Nicolas  Ber- 
geat,  dernier  vidame  du  chapitre,  premier  conservateur  du  musée  de  Reims  (ijSS- 
i8i5);  la  notice  est  accompagnée  de  documents  sur  la  fondation  et  les  collections  du 
musée  de  Reims  à  Tépoque  de  la  Révolution;  2"  une  notice  historique  et  descriptive 
de  Véglise  d'Asfeld  (Ardennes),  avec  quatre  planches  donnant  la  vue,  les  plans  et  la 
coupe  longitudinale  de  cet  édifice;  3°  une  notice  sur  le  passage  de  Pierre  le  Grand 
à  Reims,  le  22  juin  17 17;  4°  la  relation  de  Dom  Sutaine,  des  derniers  jours  de  l'ab- 
baye de  Saint-Remi  de  Reims  (1790-1792),  avec  notice  et  pièces  justificatives;  5"  le 
Catalogue  des  incunables  de  la  Bibliothèque  de  Reims,  sur  lequel  nous  reviendrons 
plus  longuement. 

ALLEMAGNE.  —  Dans  le  dernier  automne,  il  s'est  formé  à  Fribourg  en  Brisgau 
un  comité  pour  la  restauration  et  la  conservation  de  la  cathédrale  de  cette  ville.  Dans 
une  grande  réunion  tenue  le  i3  mai  de  cette  année,  M.  Kraus,  si  connu  par  son 
Répertoire  archéologique  de  l'Alsace-Lorraine,  a  exposé  l'utilité  de  l'œuvre  entre- 
prise au  triple  point  de  vue  religieux,  artistique  et  patriotique;  il  a  indiqué  quels 
étaient  les  travaux  les  plus  urgents,  dont  il  évalue  le  coût  à  2  millions  1/4  de  marcs; 
il  termine  par  un  appel  pressant  au  public  allemand.  Ce  discours  a  paru  dans  une 
brochure  qui  porte  pour  litre  :  Die  Restauration  des  Freiburger  Munsters.  (Freiburg, 
i.  B.  Herder,  i5  p.in-80). 

—  La  librairie  Freytag,  de  Leipzig,  nous  envoie  un  recueil  de  pièces  choisies  des 
élégiaques  latins,  préparé  et  annoté  par  M.  Alfred  Biese,  l'auteur  connu  d'un  livre 
sur  le  sentiment  de  la  nature  chez  les  anciens  {Rœmische Elegiker  CatulV  Tibull,  Pro- 
per:i[,  Ovid,  in  Auswahl  fur  den  Schulgebrauch,  hgg.  v.  Alfr.  Biese;  xx-63  pp.; 
1890  ;  prix  75  pfennigs).  Ce  recueil  est  très  capable  de  donnera  déjeunes  esprits  une 
idée  juste  et  agréable  de  cette  branche  de. la  littérature.  Le  choix  est  quelque  peu 
hardi  :  on  trouve  dans  ce  petit  volume  tout  le  roman  de  Catulle  et  de  Clodia  (pièces 
5,  7,  8,  107,  et  autres).  Mais  peut-être  péchons-nous  en  France  par  excès  de  réserve. 
Le  commentaire  a  un  caractère  bien  élémentaire  pour  la  classe  élevée  à  laquelle  on  le 
destine.  Est-il  utile  de  donner  des  notes  comme  celles-ci  :  diuum,  gén.  plur.  ;  nume- 
'"«s,  rhythmus ;  nosti=-nouisti ;  Romuli  nepotes  =  Romani? 

ANGLETERRE.  —  Vont  paraître  :  The  principles  of  Economies,  par  M.  Alfred 
Marshall  (Macmillan)  ;  une  nouvelle  traduction  anglaise  de  Rabelais,  avec  notes  cri- 

t.  Parmi  d'autres  pièces,  intéressantes  pour  l'histoire  générale,  nous  signalerons 
Particulièrement  les  rapports  militaires  de  Franz  Hagenbach,  capitaine  des  milices 
le  Mulhouse,  sur  les  opérations  de  guerre  auxquelles  il  a  pris  part  en  Italie  (i522) 
■ous  Lautrec.  (p.  52-68). 


80  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

tiques  et  explicatives,  par  M.  W.-F.  Smith  (tiré  par  souscription  à  jbo  exemplaires! 

ITALIE,  —  Vient  de  paraître  chez  l'éditeur  Sansoni,  à  Florence,   le   i5e  fascicul" 
des  Consulte  délia  Repubblica  Jîorentina,  publiées  par  M.  Alessandro  Gherardi.   Ce 
fascicule  va  de  la  p.  33  à  la  p.  72,  et  du  3o  mai  1 29  r  au  5  décembre  de  la  même  année. 

—  Le  XVIIIc  fascicule  du  Di:{ionario  epigrafico  de  M.  de  Ruggiero,  qui  paraît  à 
l'instant  (Rome,  Pasqualucci),  contient  un  article  très  développé  sur  l'administration 
des  eaux  de  Rome  et  les  principaux  aqueducs  qui  alimentaient  la  ville. 


ACADÉMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  18  juillet  18 go. 

M.  Siméon  Luce  rappelle  que  dans  un  mémoire  communiqué  à  l'Académie  l'année 
dernière,  et  v-iublié  depuis  dans  son  volume  :  la  France  pendant  la  guêtre  de  Cent 
ans,  il  a  signalé  le  rang  de  «.  dixième  preux  »  donné,  à  partir  du  xv**  siècle,  sur  l'i- 
nitiaiive  du  duc  Charles  d'Orléans,  au  connétable  Du  Guesclin.  Dans  le  même  mé- 
moire, M.  Luce  avait  cru  pouvoir  appliquer  à  Jeanne  d'Arc  le  nom  de  «  dixième 
preuse  ».  11  vient  d'apprendre,  par  une  communicaiion  de  M.  Emile  Bouchei,  d'Or- 
léans, que  l'idée  d'associer  Jeanne  d'Arc  aux  «  neuf  preuses  »  traditionnelles  re- 
monte à  environ  trois  siècles.  Dans  la  grande  salle  de  l'hôtel  de  ville  de  Hondschoote 
(Nord),  se  voient  des  peintures  tie  la  fin  du  xvi^  siècle  ou  du  commencement  du 
xvii^  siècle,  qui  représentent  dix  ligures  de  femmes  :  celles  des  neuf  preuses  de  la  lé- 
gende et  celle  de  la  Pucelle  d'Orléans. 

M.  Babin.  ingénieur  des  ponts  et  chaussées,  fait  un  rapport  sur  les  fouilles  de 
M.  Schliemann  à  Hissarlik  (Troie).  A  la  suite  des  attaques  de  M.  Boetticher  contre 
M.  Schliemann  et  de  la  polémique  qui  s'était  engagée  à  ce  sujet,  M .  Babin  a  été  dési- 
gné par  l'Académie  pour  assister  à  une  visite  contradictoire  des  lieux,  faites  au  mois 
de  mars  dernier,  en  présence  de  divers  savants.  Le  résultat  de  cet  examen  a  confirmé, 
sur  tous  les  points  essentiels,  les  conclusions  de  M  Schliemann  et  a  démontré  l'ina- 
nité des  suppositions  de  M.  Boetticher,  qui  ne  voulait  voir  dans  les  ruines  mises  au 
jour  que  les  restes  d'une  nécropole  à  incinération.  On  est  en  présence,  non  à  la  vé- 
rité d'une  ville  proprement  dite  (l'espace  occupé  est  trop  restreint),  mais  d'une  cita- 
delle, dans  laquelle  on  distingue  des  constructions  d'au  moins  quatre  époques  diffé- 
rentes. Les  plus  récentes  sont  d'époque  grecque  et  romaine  ;  les  plus  anciennes  ont 
encore  été  peu  explorées  et  l'on  n'en  saurait  rien  dire;  la  couche  intermédiaire,  celle 
de  la  seconde  époque,  se  compose  de  monuments  aussi  anciens  que  ceux  de  Tiryn- 
the  et  de  Mycènes  Ces  édifices  paraissent  avoir  subi  un  ou  plusieurs  incendies,  ce 
qui  explique  que  M.  Schliemann  ait  cru  pouvoir  y  reconnaître  les  restes  de  la  Troie 
homérique,  brûlée  par  les  Grecs  après  la  prise  de  la  ville. 

M.  Georges  Perrot  confirme  les  conclusions  de  M.  Babin  et  insiste,  après  lui,  sur  la 
valeur  et  l'exactitude  des  constatations  techniques  dues  à  M.  Dœrpfeld,  l'ingénieur 
qui  assiste  depuis  quelques  années  M.  Schliemann  dans  ses  travaux. 

M.  Ravaisson,  continuant  sa  lecture  sur  la  Vénus  de  Milo.  parle  des  travaux  dont 
la  statue  fut  l'objet  dans  l'atelier  de  restauration  du  Louvre.  Ces  travaux  furent  diri- 
gés dans  le  sens  de  l'opinion  préconçue,  qui  voyait  dans  la  Vénus  une  figure  isolée 
élevant  en  l'air,  de  la  main  gauche,  un  symbole  de  victoire.  M.  Ravaisson  explique 
les  circonstances  qui,  à  l'époque  dont  il  s'agit,  favorisèrent  cette  manière  de  voir.  \ 
expose  en  outre  comment  les  divers  fragments  de  la  statue  ont  été,  par  ses  soins,  re- 
mis dans  leur  état  primitif  et  comment  il  est  possible  maintenant  d'essayer  la  resti- 
tution de  l'ensemble. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Jules  Girard  :  Ruelle  (Ch.-Em.),  Damascius,  so> 
traité  des  premiers  principes,  111  (extrait  de  VArchiv  fur  Geschicfite  der  Pnilosophie) 
—  par  M.  Boissier  :  Lafaye  (Georges),  V Amour  incendiait  e  (extrait  des  Mélanges  à 
l'Ecole  française  de  Rome)  ;  —  par  M.  de  Barthélémy  :  La  Noë  (G-  de),  Principes  de  l 
fortification  antique);  —  par  M.  Le  Blant  :  Schwab  (Moïse),  les  Coupes  magiques  e 
l'hydromaacie  dans  l'antiquité  orientale  (extrait  des  Proceedings  of  the  Society  0^ 
Bîblical  archaeology.) 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  l'uy,  imprimerie  Alarchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    El     DE    LITTÉRATURE 


N"  31  -  4  août  -  1890 


Sommaire:  34g.  Delbrûck,  Les  noms  de  parenté  indo-europe'ens.  —  35o.  Vo- 
GRiNZ,  Grammaire  du  dialecte  homérique.  —  35 1.  Houlfroid,  Rome  et  ses  mo- 
numents. —  352.  Zdekauer,  Le  Codice  Pisano.  —  353.  La  notation  musicale  du 
moyen-âge.  —  354.  Bolte,  Le  Schlœmer  de  Stricker.  —  335.  Bernoni,  Les  Tor- 
resani.  —  356.  Blandini,  La  tyrannie  italienne  à  la  Renaissance.  —  357.  Besson, 
Fischart.  —  358.  Gindely,  Wallenstein  et  son  traité  avec  l'empereur.  —  35g.  Du 
BoYS,  La  Monnoye  et  Thoynard.  —  36o.  Doumic,  La  question  du  Tartuffe.  —  361. 
ViGNOLS,  La  piraterie  sur  l'Atlantique  au  xviii'  siècle.  —  302.  Hans,  Le  culte  pro- 
testant. —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


349.  —  Ole  Indogei-manî^chen  Vei*'wan<Iti!>eliartsnamcn.  Ein  Beitrag  zur 
vergleichenden  Aherthumskunde,  von  Berihold  Delbrûck.  (Des  XI.  Bandes  der 
Abhandlungen  der  philologisch-historischen  Classe  der  Kœnigl.  Saechsischen 
Gesellschaft  der  Wissenschaften  N»  Vj.  Leipzig,  Hirzel,  1889.  Gr.  in-8,  228  pp. 

Nos  ancêtres  indo-européens  ne  nous  ont  laissé  d'autre  témoin  de 
Jeurs  mœurs  et  de  leurs  institutions  sociales,  que  leur  langue  recons- 
truite pièce  à  pièce  par  la  philologie  contemporaine.  Tel  est  pourtant 
l'attrait  de  ce  passé  inconnu,  que  plus  d'une  tentative  a  déjà  été  faite 
pour  évoquer  de  ses  cendres  le  génie  primitif  de  notre  race  ;  aucune  plus 
habile  et  plus  heureuse  que  celle  de  M.  Delbriick.  Son  but  a  été  surtout 
.-.de  réagir  contre  une  de  ces  généralisations  brillantes  et  hâtives,  dont  il 
faut  parler  avec  respect  alors  même  qu'on  les  condamne;  car  elles  vivi- 
fient un  instant  ce  qui  sans  elles  ne  serait  qu'une  poussière  de  faits  iso- 
lés, et,  lorsqu'elles  disparaissent  enfin  devant  une  vue  plus  saine  et  plus 
exacte,  elles  gardent  encore  l'éternel  mérite  de  l'avoir  préparée.  Je  crois, 
avec  M.  D.,  qu'après  son  étude  la  thèse  du  matriarcat  indo-européen  a 
vécu,  ce  qui  d'ailleurs  n'infirmerait   point  l'hypothèse,   toute  gratuite 
alors,  d'un  matriarcat  antérieur  à  l'époque  la  plus  lointaine  à  laquelle 
nous  reportent  nos  documents. 

Dans  la  première  partie  de  son  livre  (pp.  3o-i6i),  l'auteur  examine 
les  noms  des  divers  rapports  de  parenté  et  d'alliance  dans  toutes  les  lan- 
gues immédiatement  dérivées  de  l'indo-européen,  et  relève  les  dénomi- 
nations qui,  se  retrouvant  dans  deux  branches  au  moins  de  la  famille, 
iont  par  là  présumées  remonter  à  la  souche  commune.  De  ce  travail  se 
légagent  bien  des  constatations  importantes.  Ainsi  l'union  conjugale  en 
ant  que  telle  n'a  pas  encore  de  nom  chez  nos  premiers  parents  (p.  62)  : 
isconnaissaient  certainement  la  cohabitation  durable,  permanente,  con- 
muée  jusqu'à  la  mort  ;  mais  elle  n'avait  pas  encore  revêtu  l'aspect  d'une 
nion  contractuelle,  qu'un  régime  monogame  pouvait  seul  lui  donner, 
l  est  aussi  bien  curieux  de  voir  (p.  67)  que  le  mot  «  veuf  »  paraît  être 

Nouvelle  série,  XXX.  3i 


82  REVUE    CRITIQUE 

dans  toutes  les  langues  une  création  postérieure,  tirée  par  flexion  ou 
autrement  de  celui  qui  signifiait  <\  veuve  »,  en  sorte  que  ce  dernier  seul 
serait  primitif  et  que  Tétat  de  veuvage  n'aurait  eu  de  nom  en  indo-euro- 
péen que  par  rapport  à  l'épouse.  Ce  fait  cadre  bien  avec  Tinterdiction, 
pour  la  femme,  de  la  polygamie,  non  seulement  simultanée  ou  polyan- 
drie (p.  i63),  mais  encore  successive,  ou,  autrement  dit,  des  secondes 
noces  (p.  175),  toutes  prohibitions  inconnues  à  l'époux.  On  s'étonne 
toutefois  de  ne  pas  voir  cité  le  grec  -^(Oso;,  qui  sans  doute  signifie  «  céli- 
bataire »,  et  non  «  veuf  »,  mais  qui  ressemble  fort  à  vidiius  et  qui,  à 
raison  même  de  son  changement  de  signification,  ne  prête  guère  au 
soupçon. 

En  dressant  la  statistique  des  noms  de  parenté,  M.  D.  ne  pouvait 
manquer  de  s'engager  sur  le  terrain  périlleux  de  l'étymologie.  Il  s'y 
meut  avec  aisance  et  avec  une  sage  réserve.  11  aime  mieux  ignorer  que 
de  hasarder  une  dérivation  de  pure  forme  qui  n'ajoute  rien  à  la  valeur 
connue  d'un  vocable,  et  ne  croit  point,  comme  il  le  dit,  qu'un  mot  soit 
expliqué  lorsqu'on  est  parvenu  à  le  suspendre  tant  bien  que  mal  à  quel- 
qu'un de  ces  portemanteaux  étiquetés  qu'on  dénomme  «  racines  ».  Il 
rejette  à  peu  près  en  bloc  (pp.  6-7)  les  étymologies  séduisantes  et  suran- 
nées, qui  faisaient  du  «  père  »  le  «  gardien  »,  de  la  «  mère  »  la  «  forma- 
trice »,  du  «  frère  »  le  «  supporter  »_,  et  ainsi  de  suite.  Ce  sont  bien  plutôt, 
enseigne-t-il,  des  appellations  enfantines  et  caressantes  {papa,  tata, 
marna),  qui,  d'amorphes  qu'elles  étaient,  ont  pris  forme  et  flexion  dans 
la  bouche  des  gens  mûrs.  Mais  ce  qu'il  conserve  des  anciennes  spécula- 
tions sur  les  origines  ne  me  paraît  pas  toujours  aussi  heureux  ni  aussi 
sûr  qu'à  lui-même.  La  racine  av,  en  sanscrit,  signifie  «  secourir,  proté-«| 
ger  »,  et  Bergaigne  se  refusait  à  lui  reconnaître  un  autre  sens  dans  le^ 
Rig-Véda  '  ;  qu'on  y  joigne  encore,  si  l'on  veut,  celui  de  «  favoriser, 
satisfaire  »  ;  mais  n'y  a-t-il  pas  un  peu  de  complaisance  à  partir  de  là 
pour  voir  dans  ïavos  latin  un  «  donneur  »,  quelque  chose  comme  1 
«  grand-papa  gâteau  »  de  nos  familles  bourgeoises,  et  surtout  à  donnei 
pour  certaine  cette  quasi-divination  (pp.  i3  et  104)?  Je  ne  suis  pas  no; 
plus  convaincu  que  le  mot  sanscrit  vadhû  «  jeune  épousée  »  ait  rien  à  voir 
avec  la  racine  vah  1  traîner  »  et  le  cortège  nuptial  (pp.  36  et  61)  :  si  je 
ne  craignais  de  tomber  dans  les  errements  mêmes  que  je  critique,  je 
dirais  que  le  mot  peut  tout  aussi  bien,  sinon  mieux,  procéder  de  bandh 
«  lier,  unir  »,  et  avoir  dévié  sous  l'influence  d'une  étymologie  populaire 
qui  le  rattachait  à  vah.  En  revanche,  je  serais  beaucoup  plus  aflirmatif 
sur  la  formation  Ao,  pitâmahd  «  grand-père  »  en  sanscrit,  qui  me  paraî^ 
d'une  parfaite  limpidité  (p.  95)  :  une  juxtaposition  telle  que  mahdh  pitâ 
a'aurait  pu  signifier  que  «  père  de  grande  taille  »;  en  plaçant,  contrai- 
rement à  l'ordre  syntactique  habituel  ",  le  déterminant  après  le  déter- 

1.  Journ.  Asiat.,  vin»  sér.,  IV,  p.  469. 

2.  Les  tondemcnts  de  la  syntaxe  indo-européenne,  découverts  et  exposés  par  Ber- 
gaigne, ont  été  admis  sans  moditication  par  M.  Delbrùck  dans  sa  Syntaxe  védique,] 
cf.  Rev.ctit.,XXWU,  p.  3. 


I 


d'histoire  et  de  littérature  83 

miné,  on  appelait  l'attention  sur  l'épithète  mahd  et  la  signification 
spéciale  qu'elle  revêtait;  puis,  la  juxlaposiùon  pitâ  tJiahdh,  tout  comme 
mitrd  vdrunâ  et  tant  d'autres,  tout  comme  en  latin  triumvir,  et  en 
français  gendarme,  s'est  fondue  en  un  seul  mot  dont  on  n'a  plus  décliné 
que  la  fin. 

Dans  sa  lï^  partie  (sachlicher  theil),  l'auteur  a  réuni  les  principales 
particularités  que  nous  révèlent  les  livres  rituels  sanscrits,  sur  le  ma- 
riage, les  rapports  légaux  des  époux  et  le  rang  de  préséance  des  divers 
membres  de  la  famille.  Il  va  sans  dire  que  ces  documents  ne  valent,  à 
proprement  parler,  que  pour  l'Inde;  mais  ce  sont,  faute  de  mieux,  les 
plus  rapprochés  de  la  période  indo-européenne  et  ceux  qui  le  mieux  en 
reflètent  les  usages.  M.  D.  les  utilise  avec  l'esprit  critique  et  la  subtilité 
d'interprétation  d'un  maître  à  qui  la  vieille  littérature  de  l'Inde  est  de- 
puis longtemps  familière. 

Relèverai-je  quelques  minuties  :  —  l'omission  assez  étrange  du  grec 
OTCaxpoç  «  consanguin  »,  qui  eût  trouvé  sa  place  p.  88  ;  —  l'omission  des 
mots  ital.  \io,  esp.  tio  «  oncle  ■»,  qui,  bien  que  l'auteur  ait  avec  raison 
exclu  de  son  plan  les  langues  modernes,  auraient  dû  être  cités  (p.  1 13) 
en  tant  du  moins  qu'étrangers  à  la  langue  latine  ;  —  avia  «  grand'mère  » 
considéré  comme  féminin  régulier  de  avos  et  apparié  à  un  sk.  *avî 
(pp.  97  et  i6o),  alors  que  le  suffixe  qui  devient  î  en  sanscrit  n'apparaît 
point,  ne  peut  même,  si  je  ne  me  trompe,  apparaître  sous  la  forme  ia  en 
Jatin  ;  —  stritavos  (p.  98),  qui,  malgré  l'autorité  de  Festus  et  l'appui 
que  lui  prête  M.  D.,  ne  peut  guère  avoir  été  une  vieille  forme  latine, 
puisqu'il  serait  devenu  '''stertavos ;  —  le  suffixe  latin  -aster  mentionné 
(p.  93)  sans  aucune  référence  à  l'ingénieuse  théorie  de  M.  Bréa!  qui  le 
rattache  presque  sûrement  à  un  emprunt  grec  '  ?  Sur  le  mot  Sa[;,ap  exclu- 
sivement hellénique  (p.  45),  j'ai  proposé,  il  y  a  déjà  plusieurs  années, 
une  étymologie  que  je  maintiens  encore  provisoirement  ^. 

Viennent  enfin  les  lapsus  :  quelques  fautes  d'impression,  dont  la  moins 
insignifiante  est  le  faux  accent  de  silte  (p.  t3,  1.  3),  et  un  léger  contre- 
sens sur  un  passage  védique  (R.  V.  VI,  5i,  5)  cité  p.  84;  la  scansion  à 
elle  seule  indique  que  l'épithète  ddhnig  «  non  nuisante  »  s'applique  à 
prthivi  et  non  pas  à  dgne. 

A  plusieurs  reprises  (pp.  4,  21,  29],  M.  Delbrûck  nous  promet  la  con- 
tinuation de  ces  belles  et  solides  études.  Elle  sera  accueillie  avec  un  égal 
Intérêt  par  les  philologues,  les  historiens  et  les  jurisconsultes  soucieux 
d'histoire  ^. 

V.  Henry. 

1.  Mém.  Soc.  Ling.,  V,  p.  346. 

2.  Analogie,  p.  118. 

3.  Le  système  de  transcription  qu'adopte  M.  D.  est  irréprochable,  mais  non  pas 
tout  à  fait  celui  qu'il  préconise  (p.  2  1 5)  :  ne  lui  en  déplaise,  la  notation  du  yod  indo- 
éranien  par  J  au  lieu  dt y  ne  serait  pas  un  progrès,  mais  un  recul.  Quelle  lettre 
demeurerait  disponible  pour  l'explosive  palatale  sonore?  11  faudrait  en  revenir  au  g 
agrémenté  d'un  accent  quelconque,  qui  n'a  rien  de  commode  ni  d'attrayant.  Et  puis, 


84  REVUE    CRITIQUE 

35o.  —  VoGRTNZ.  Granimattk  «les  liomei-îsclien  Dialektes  (Laut=:,  For- 
men  =  ,  Bedeutungs  =  und  Saizlehrc:  .  Paderborn,  Ferdinand  Schœningh,  1889, 
p.  XVI-41G. 

«  Les  critiques  modernes,  en  ce  qui  concerne  l'établissement  du  texte 
d'Homère,  sont  tellement  en  désaccord  qu''une  entreprise  comme  celle 
d'écrire  une  grammaire  du  dialecte  homérique  est  véritablement  un 
opiisplenum  alece  [p.  2)  »;    néanmoins  l'auteur  pense  qu'un   tel   livre 
peut  être  composé  avec  quelques  chances  de  succès  (p.  vu).  Je  crois  vo- 
lontiers que  M.  Vogrinz  n'est  pas  étranger  aux  théories  linguistiques  qui 
peuvent  nous  éclairer  sur  le  lexique  d'Homère;  je  veux  bien  recon- 
naître aussi  qu'il   a,  pendant  longtemps  sans  doute,  vécu  intimement 
avec  le  poète  grec,  et  qu'il  a  étudié  de  près  toutes  les  difficultés  de  cons- 
truction et  de  syntaxe  qui  surgissent  à  chaque  instant  dans  la  lecture  de 
l'Iliade  et  de  1  Odyssée.  Mais  jai  des  réserves  à  faire,  et  je  ne  saurais  dire 
que  l'auteur  ait  pleinement  atteint  son  but.  N'est  pas  grammairien  qui 
veut;  on  peut  savoir  beaucoup,  et  ne  pas  savoir  exposer  ce  que  l'on  sait; 
et  dans  le  domaine  grammatical,  il  est  besoin,  pour  composer  un  ouvrage 
didactique,  d'une  sûreté  de  méthode,  d'une  netteté  d'exposition,  d'une 
précision  d'analyse  qui,   sans  manquer  entièrement  à   M.  V.,  ne  me 
semblent  pas  être  ses  qualités  dominantes.   Des  cinq  parties  dont  se 
compose  son  livre  (3^  partie:  Dérivation  et  Composition,  plus  les  quatre 
indiquées  dans  le  sous-titre),  les  dernières  sont  incontestablement  les 
meilleures;  dans  la  syntaxe,  M.  V.  critique  à  juste  titre  (p.  292)  la  ter- 
minologie «  embrouillée  et  pleine  de  contradictions  »  de  la  grammaire 
usuelle.  C'est  là,  en  effet,  une  des  causes  principales  qui   rendent  les 
traités  si  indigestes,  et  un  dss  plus  sérieux  obstacles  à  la  composition 
d'une  grammaire  intelligible.  Mais  à  côté  de  bonnes  théories,  d'analyses 
judicieuses,  on  rencontre  trop  souvent  des  développements  confus,  des 
résumés  incomplets,  et  même  quelques  passages  obscurs.   Par  endroits,  ;, 
M.  V.,  qui  pourtant  a  l'habitude  de  discuter  et  se  laisse  même  aller  à 
des  subtilités,  se  contente  trop  facilement  de  renvoyer  aux  Syntaktis- 
che  Forschungen  de  Delbruck  ou  à  d  autres  ouvrages  du  même  genre, 
là  où  l'on  a  le  droit  d'exiger  quelques  éclaircissements  et  où  l'opinion 
de  l'auteur  cité  est  très  contestable.  Le  texte  d'Homère  et  les  différentes 
éditions  sont  d'ailleurs  consciencieusement  étudiés;  M.  "V.  a  su  puiser 
d'excellentes  observations  dans  les  remarques  des  éditeurs  et  les  théories 
des  grammairiens,  sans  compter  celles  qu'il  doit  à  ses  propres  recher- 
ches. —  Je  regrette  d'avoir  à  juger  tout  différemment  la  phonétique  et  la 
morphologie.  M.  V.  a  sur  ces  sujets  des  idées  toutes  personnelles  :  il  || 
revendique  le  droit  (p.  viii-ix)  de  se  servir  des  hypothèses  qui  lui  plai-  |l 
sent  :  je  me  garderai  bien  de  le  lui  refuser;  il  trouve  qu'il  n'est  point 
démontré  qu'on  doive  partir  de  la  forme  forte  des  racines,  et  qu'il  lui 

pitié  pour  ceux  qui,  dans  leur  courte  carrière,  ont  déjà  dû  apprendre  et  désappren- 
dre tant  de  transcriptions  différentes!  Il  y  a  de  bons  alphabets,  il  n'y  en  a  pas  de 
délicieux. 


I 


D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  85 

est  loisible  de  prendre  une  autre  forme  pour  point  de  départ  :  à  son  aise, 
chacun  est  libre.  On  est  libre  aussi  d'user  d'une  méthode  défectueuse,  de 
donner  des  explications  dénuées  de  fondement,  de  confondre  des  forma- 
tions différentes,  et  de  mélanger  au  hasard  des  formes  qui  n''ont  entre 
elles  aucun  rapport  ^.  Mais  alors  il  n'y  a  pas  lieu  de  s  étonner  si  la  criti- 
que impartiale  vous  accueille  avec  peu  de  faveur;  et  pour  dire  ma 
pensée  tout  net,  les  deux  premières  parties  de  ce  livre,  quelle  que  soit 
d'ailleurs  la  valeur  des  théories  linguistiques  de  M.  Vogrinz,  sont  mé- 
diocrement traitées.  Dans  la  préface,  Fauteur  nous  avertit  que  l'ouvrage 
devait  primitivement  paraître  en  deux  parties  séparées;  il  eût  mieux  fait 
de  donner  suite  à  ce  projet,  et  de  ne  publier  que  la  dernière.  C'est  la 

seule  dont  on  puisse  tirer  profit. 

My. 


35  I.  —  A.  BouLFROiD.  Rome,  ses  monuments,  ses  souvenirs.  Grand  in-8  Jésus  de 
3oo  pages  illustré  de  Hô  gravures.  Prix  :  3  fr.    Société  de  Saint-Augustin,  Lille. 

M.  l'abbé  Boulfroid  me  permettra  de  ne  pas  parler  longuement  de  son 
livre  ;  car  il  échappe  à  la  critique.  La  Revue  n'a  pas  à  s'occuper  du  pou- 
voir temporel  du  peuple,  à  souhaiter  ou  à  repousser  son  rétablissement; 
elle  n'a  pas  non  plus  à  discuter  des  croyances  parfaitement  respectables; 
son  domaine  est  limité  à  l'examen  des  doctrines  ou  des  méthodes  scien- 
tifiques; il  n'y  a  rien  de  pareil  dans  ce  volume. 

R.C. 

35i.  —  Zdekauer  (Lodovico),    ssu    l'origine  del    manoserîtto   Pisano  délie 

Pandette  (ïiustiniaiiee,  e  la  sua  fortuna  nel  medio  evo.  Un  vol.  in-8,  38  pp. 
Sienne,  Torrini,  1890. 

Dans  ce  discours  d'ouverture  de  son  cours  dedroit  italien,  M.  Zdekauer 
essaie  de  prouver  que  le  fameux  manuscrit  de  la  Laurenlienne,  dit 
Codîce  Pisano,  a  été  écrit  àRavenne,  et,  qu'avant  d'arriver  à  Pise,  il  a 
été  connu  à  Bologne,  où  sa  présence  a  contribué  au  développement  des 
ijétudes  juridiques.  Ces  deux  démonstrations  sont  menées  avec  une 
pande  richesse  d'arguments  et,  la  seconde  surtout,  semblent  concluantes. 
Zdekauer  souhaite  que  ce  précieux  manuscrit  soit  phototypé  intégra- 
lement :  c'est  un  vœu  auquel  tous  les  juristes  et  tous  les  paléographes 
Vassocieront  volontiers. 

L.-G.  P. 

f.  Quelques  exemples  entre  beaucoup  d'autres:  P.  63  :  «:  dans  towp  et-nT^ap  le  p  est 
1s  à  la  place  du  v,  comme  le  montrent  les  langues  congénères  »  ;  id.:  «  noter  les 
Iccusatits  'Atto/zw,  Uo'jimôi...-^  cette  formation  est  fréquente  dans  les  comparatifs,  par 
exemple  Ua-ho  »;  p.  65  -.  «■  le  sufF.  du  génitif  aux  thèmes  consonnantiques  n'est 
pas  -0,-,  mais  -?,  cf.  le  latin  tiionti-s  »  ;  p.  97  :  «  dans  rjtov,  Vn  est  dû  au  jod  qui 
suit,  mais  cet  effet  pouvait  être  facultatif,  exemple  iziuxTo.  »  Les  thèmes  en  ï  et  ï, 
■■i  et  û  sont  perpétuellement  confondus.  J'ajouterai  qu'un  certain  nombre  de  renvois 
au  texte  d'Homère  sont  inexacts,  et  ne  sont  pas  corrigés  dans  les  errata. 


86  REVUE    CRITfQUE 

353.  —  Xhe  Musiciil  iVototion  of  tlie  Aii<ldlc  Ages  exemplified  by  facsimi- 
les  of  Mss.  writtcn  between  ihe  tenth  and  sixteenth  centuries  inclusive.  (London, 
1890,  in -fol.) 

Sous  ce  titre,  \i\  Plain-song  and  Mediœval  Miisic  Society  publie  un 
recueil  de  lac  similes  fort  intéressant  pour  la  musique  et  la  paléographie 
du  moyen  âge.  Les  20  planches  i  qui  le  composent  sont  bien  exécutées; 
une  planche  supplémentaire  contient  des  essais  de  transcription.  La 
préface  résume  assez  nettement  l'état  de  la  question;  mais  d'où  a  pu  ve- 
nir aux  éditeurs  la  bizarre  idée  de  rédiger  en  latin  les  sommaires  margi- 
naux de  cette  préface  qui  est  écrite  en  anglais  ?  On  y  lit  le  nom  de  l'abbé 
Raillard,  mais  sans  aucune  indication  bibliographique;  il  n'aurait  ce- 
pendant pas  été  inutile  de  citer  {'Explication  de  Newnes,  couronnée 
par  l'Acad.  des  Inscr.  en  1860,  le  Mémoire  sur  la  restauration  du 
chant  Grégorien,  Paris,  1862,  et  le  Mémoire  explicatif  sur  les  chants 
de  l'Eglise  rétablis  dans  leur/orme  primitive.  Paris,  1882.  Enfin,  les 
notices  qui  accompagnent  les  planches  sont  maigres  et  même  insuffisantes. 
—  Pourquoi  cette  jolie  publication  est-elle  encore  déparée  par  une  inad- 
vertance? Dans  le  texte  de  la  pi.  XI,  la  Haute-Savoie  se  nomme  alla 
Savoia.  La  forme  Saboia  fut,  il  est  vrai,  employée  au  moyen-âge;  mais 
les  paléographes  du  xix*  siècle  ne  sont  pas  obligés,  dans  leurs  notices,  de 
rechercher  ou  plutôt  d'exagérer  ainsi  la  couleur  locale. 

L.  D. 


354.  —    De  diitlesclie  Schloemef,   ein   niederdeutsches  Drama   von   Johannes  ^ 
Stricker,  i584,  hrsg.  von  J.  Bolte.  Norden  et  Leipzig,  Sollau,   1889.  In-8,  76  et*i 
238  p.  4  mark. 

Le  Dûdesche  Schlomer  de  Jean  Stricker  est,  avec  le  Verlorener  Sohn 
de  Burkard  Waldis,  le  meilleur  drame  qu^on   ait  en  bas-allemand,  eâjl 
on  saura  le  plus  grand  gré  au  Ver^iinfUr  niederdeutscheSprachforsch^X 
ung  d'avoir  fait  éditer  cette  œuvre  importante,  La  tâche  a  été  confiée 
à  M.   Bolte  qui  s'en   est  acquitté  avec  le  soin  le  plus  louable.  Il  a  re- 
produit le  texte  d'après  l'édition  originale  de  i584(Lubeck,  Balhorn), 
en  ajoutant  à  la  fin  du  volume  les  petits  changements  des  deux  réim*^ 
pressions  de  i5g3  (Francfort  sur  l'Oder,  Voltz)  et  les  préfaces  rimé^ 
qui  les  accompagnaient.  Mais  Tintroduction  de  M.  B.  mérite  surtoi 
l'attention.  Il  raconte  plus  complètement  qu'on  ne  l'avait  fait  jusqu'ici,! 
la  vie  de  Jean.  Stricker  —  qui  écrivait  son  nom  Stricerius  —  et  analyse! 
son  premier  drame  qui  a  pour  sujet  la  chute  d'Adam  et  Eve.  Puis  il 
étudie  très  longuement  les  sources  du  Schliimer  qui  sont  VHomului 
allemand  de  Gennep  (1540)  et  V Hecastus  hxt'm  de  Macropedius  (i539)j 
mais  «  Stricker  n'a  pas  fait  une  mosaïque  à  la  façon  de  Gennep;  les  imi 
rations  littérales  sont  très  clairsemées  ;  c'était  un  poète  indépendant  qur| 

I.  A  propos  de  la  pi.  XII,  cf.  [Barrois].  Éléments  carlov.   linguistiques  et  littér., 
Paris,  1846,  in-40,  p.  5i. 


d'histoire  et  de  littérature  87 

n'empruntait  à  ses  devanciers  que  l'ide'e,  et  non  l'expression  »  (p.  47). 
Enfin,  M.  Boite  termine  cette  précieuse  introduction  par  une  analyse 
du  Schlomer  et  par  seize  pages  de  remarques  sur  plusieurs  mots  et  locu- 
tions du  drame.  Toutefois,  ces  remarques  eussent  mieux  et  plus  commo- 
dément figuré,  soit  sous  le  texte,  soit  en  appendice,  et  l'éditeur  aurait 
dû,  dans  le  texte  même,  signaler  par  un  chiffre  ou  une  astérisque  les 
mots  qu'il  explique. 

A.  Chuquet. 


355.  —  Dei  Xori-esanl,  Blado  e  Ragazzoni,  celebri  stampatori  a  Venezia  e 
a  Roma  nel  xv  e  xvi  secolo,  cogli  elenchi  annotati  délie  rispettive  edizioni  per  Do- 
menico  Bermoni,  cavalière  della  Corona  d'Ilalia.  Milan,  Hoepli,  i8go,  in-8  de  viii- 
4o3  p.  (3 20  ex.  numér.)  Prix  :  10  fr. 

Ce  livre,  très  élégamment  édité,  n'a  guère  de  valeur  historique.  Dans 
rétude  la  plus  étendue  qu'il  renferme,  l'auteur  a  voulu  soutenir  une 
thèse  de  clocher  en  faveur  de  ses  compatriotes,  les  imprimeurs  Torre- 
sani,  d'Asola  en   Lombardie.  On  sait  que  le  chef  de  la  famille,  Andréa 
Torresano,  dit  André  d'Asola,  fut  le  beau-père  et  Fassocié  d'Aide  l'an- 
cien, et  continua  la  maison  avec  ses  fils,  après  la  mort  du  grand  impri- 
meur vénitien.  M.  Bernoni  croit  que  la  gloire  des  Aide  a  fait  tort  à 
celle  que  mériteraient  les  Torresani  ;  André  d'Asola,  selon  lui,  a  été  plus 
qu'un  collaborateur  modeste  de  son  gendre,  et  il  est  temps  de  venger,  par 
un  éloge  bien  senti.  «  l'énorme  injustice  »  traditionnelle  commise  à  son 
détriment.  En  achevant  la  lecture  de  ce  plaidoyer,  on  demeure  con- 
vaincu, au  contraire,  que  la  tradition  est  exacte,  à  quelques  nuances 
près,  et  que  ni  les  contemporains,  ni  la  postérité  ne  se  sont  trompés  à 
la  véritable  importance  des  rôles.  On  peut  dire  plus   :  bien  loin  d'avoir 
perdu  i  ses  relations  avec  Aide,  c'est   à  ces  relations  seules  qu'André 
Torresano  doit  de  n'être  point  oublié;  s'il  n'avait  été,  à  un  moment 
donné,  le  bailleur  de   fonds    et   le   soutien  d'Aide  Manuce,  s'il  n'avait 
mis  son    nom    au    frontispice   des  éditions  aldines,   personne  ne  son- 
gerait à  lui  aujourd'hui.  Que  M.  Bernoni  veuille  lire,  par  exemple,  la 
Stampa  a  Venezia  de  M.  Castellani;  il  y  verra  qu'il  y  avait  à  Venise, 
au  temps  d'André  d'Asola,  cinquante  marchands  de  livres  laborieux  et 
intelligents  comme  lui,  qui  ont  peut-être  gagné  moins  d'argent,  mais 
qui  n'ont  pas  eu  moins  de  mérite.  Si  Aide  Manuce  a  laissé  un  grand 
souvenir,  c'est  qu'il  fut  bien  autre  chose,  un  homme  de  science,  d'ini- 
tiative et  de  dévouement,  un  rénovateur  de  son  art  et  un  inventeur,  un 
des  travailleurs,  en  un  mot,  qui  ont  rendu  aux  lettres,  en  une  courte 
carrière,  d'inappréciables  services.  André  Torresano  ne  fut  rien  de  tout 
cela,  et  on  parle  encore  de  lui-,  de  quoi  se  plaint-on  à  Asola? 

Malgré  l'erreur  d'un  point  de  vue  qui  fausse  ses  appréciations,  M.  B. 
pouvait  faire  un  livre  utile,  une  monographie  complète  des  Torresani. 
Il   n'y   a  réussi  qu'à  demi.  Le  catalogue,  imprimé  en  appendice,  est  de 


88  REVUE    CRITIQUE 

nature  à  rendre  service  aux  travailleurs;  quelques  extraits  de  préface, 
quelques  documents  nouveaux  y  auraient  été  joints  avec  profit.  Les  pa- 
ges les  meilleures  du  travail  sont  celles  qui  traitent  des  rapports  de 
Paul  Manuce  avec  les  Torresani,  pour  lesquels  Renouard  semble  avoir 
été  injuste.  Mais  la  partie  la  plus  intéressante  du  récit,  celle  qui  se  rap- 
porte à  l'époque  de  la  vie  d'Aide  l'ancien,  est  très  insuffisante.  L'hauteur 
ignore  les  livres  spéciaux  sur  la  question,  les  sources  qui  lui  auraient 
permis  de  renouveler  son  sujet  ^,  Il  cite  sans  cesse  des  ouvrages  de  se- 
conde main  \  il  considère  comme  une  autorité  le  livre  si  peu  sûr  d'Am- 
broise  Firmin-Didot.  Les  erreurs  de  détail  abondent.  M.  B.  fait  d'André 
d'Asola  le  premier  imprimeur  vénitien,  p.  14  -.  11  continue  à  assigner 
au   mariage  d^Alde  avec  la  fille  d'André,  la  date  de    1499  au  lieu   de 
i5o5   (p.    16,   18),  ce  qui   modifie  sensiblement  les  hypothèses  qu'on 
peut  se  permettre  sur  les  rapports  des  deux  imprimeurs.  Il  déclare  que, 
d'après  les  témoignages  contemporains,  Erasme  était  dedito  alla  cra- 
pula,    p.  40!    Le  grand  hollandais,  qui  tient  tant  de  place  dans  le  vo- 
lume,   n'est,    du   reste,   que  bien  peu    connu  de   l'auteur.  11  attribue 
une  importance  exagérée    au    colloque    de    ïOpulentia    sordida,    où 
Erasme   a   décrit    plaisamment,    comme  chacun  saie,  Tintérieur  l'Aide 
et  de  son  beau-père  ^  Les  relations  d'Erasme  avec  François  Torresano 
sont  racontées  très  inexactement,  p.  109,  d'après  la  lettre  unique  de  i526 
imprimée  dans  la  correspondance  :  M.  B.  n'a  pas  connu  les  autres  let- 

1.  Je   n'ai   aucun   scrupule  à  mettre   au   premier  rang  de   ces  sources  deu's   tra- 
vaux signés  de  mon  nom   :  Erasme  en  Italie  (Paris,  i888j  et  Les    Correspondants' 
d'Aide  Manuce,   i4o3-i5 14  (Rome,  1888;   extrait  des  Studi  e  doc.  di  storia  e  di- 
ritto,  1887-88  .  Ces  deux  recueils  ont  plus  que  doublé  le  nombre  de  documents  épis- 
tolaires   réunis  jusqu'à   présent  sur  Aide  Manuce;  le  nom  de  «   messer  Andréa  »  y| 
revient  sans  cesse,  avec  des  dates  et  des  faits  qui  permettent  de  remplacer  les  tra- 
ditions vagues  par  des  indications  précises.  M.  Bernoni  ne  connaît  pas  davantage  le] 
Cabinet  des  manuscrits  de  M.  Delisle  ni  l'existence  des  manuscrits  grecs  de  François' 
d'Asola  portant  l'inscription  a  me  Francisco  asvlano,   qui   se  trouvent  à   Paris.  (La 
liste  en  est  donnée  par  M.  Omont,  dans  les  notes  de  son  Catalogue  des  mss.  grecs 
de  Fontainebleau  sous  François  /«r  et  Henri  II,  Paris,  1889). 

2.  Andréas  de  Torresanis  figure  le  cinquante-deuxième  sur  la  liste  chronologiquej 
approximative  des  imprimeurs  vénitiens  dressée  par  M.  Casteliani  (La  stampa  a  Ve- 
ne:[ia    dalla    sua    origine    alla    morte    di   Aldo    Manu^^io   seniore,    Venise,    iSSg.j 
p.  xxxvii). 

3.  Le  colloque  a  été  traduit  en  français  par  M.  Develay,  au  t.  III  de  ses  Colloques'^ 
d'Erasme,  Paris,   1875-76;  M.  Bernoni  l'a  traduit  pour  la  première  fois  en  italien, i 
en    y   ajoutant   l'indication   d'usages    locaux   intéressants.   Je   crois    avoir  déjà  tiréï 
de  ce  document  tous  les  renseignements  qu'il  renferme  sur  la  maison  d'André  d'Asolal 
dans  le  chapitre  d'Erasme  en  Italie  consacré  au  séjour  à  Venise;  mais  il  y  faut  faire| 
une  part,  comme  dans  tous  les  colloques,  à  l'imagination  de  l'auteur  et  à  la  déforma-, 
tion  subie  par  ses  souvenirs;    je   n'oserais  y   chercher,  par  exemple,  comme  le  fail 
M.  B  (p.    145),  le  chiffre  de  la  fortune  de  Torresano.  Je   n'aurais  pas  non  plus  l'as- 
surance qu'il  montre  pour  identifier  les  commensaux  d'Aide  en  i5o8;  en  tout  cas,  lel 
Stratège  du  colloque  ne  saurait  être   Musurus,  alors  professeur  à  Padoue;  j'ai  pro 
posé  Démétrius  Doucas,  qui  préparait  à  ce  moment,  chez  Aide,  les  Rhetores  grae 
et  le  Plutarque. 


d'histoire  et  de  littérature  89 

très  d'Erasme  à  son  éditeur,  qui  changent  bien  les  choses  '  ;  il  n'a  pas  vu 
non  plus  les  motifs  de  mécontentement  que  pouvait  avoir  Phumaniste 
à  propos  de   la   réimpression  tronquée  des  Adages,   faite  à  Venise  en 

l520. 

Il  est  inutile  de  multiplier  ces  observations.  On  voit  déjà  que,  si  le 
sujet  en  valait  la  peine,  le  travail  de  M.  B.  serait  à  refaire.  Je  n'en  dirai 
pas  autant  de  la  biographie  d'Antonio  Blado,  d'Asola,  car,  s'il  faut  tou- 
jours se  défier  de  la  méthode  de  l'auteur,  on  est  du  moins  satisfait  de 
trouver  réunis  un  grand  nombre  de  renseignements  sur  un  imprimeur 
qui  mérite  d'être  connu  et  qui  a  joué  à  Rome,  au  milieu  du  xvi^  siècle, 
un  rôle  assez  important.  La  liste  de  ses  éditions  et  de  celles  des  Ragaz- 
zoni,  d'Asola-(i488-r5o5),  complète  le  volume.  Les  érudits,  qui  s'occu- 
pent de  l'histoire  de  l'imprimerie,  devront  donc  se  le  procurer.  Pour 
moi,  qui  ai  jugé  le  livre  au  point  de  vue  de  l'histoire  littéraire,  il  m'est 
pénible  d'avoir  été  obligé  d'en  dire  si  peu  de  bien. 

P.  DE  NOLHAC. 


356.  —  Blandini  (Giacomo).    La   tîrannlde    îtalîana   nel  rinascîmento.  Un 

vol.  in-8,  i3i  pp.  Catania,  Galati,   1888. 

L'idée  mère  de  cet  opuscule  est  ingénieuse.  L'auteur  essaie,  après 
Fertile,  de  retrouver  le  droit  politique  des  tyrannies  italiennes  du 
xv°  siècle,  qui  passent  ordinairement  pour  avoir  été  la  négation  même 
du  droit.  Il  faut  remarquer  surtout  ce  qu'il  dit  de  l'évolution  qui  con- 
duisit les  républiques  du  podestat  au  prince,  et  les  chapitres  sur  les  lois 
de  succession  dans  les  tyrannies,  leurs  rapports  avec  l'Empire  et  le 
Saint-Siège,  et  leur  gouvernement  interne.  Mais  M.  Blandini  a  rendu 
la  lecture  de  son  livre  très  difficile  par  la  division  qu'il  a  établie  entre 
ses  raisonnements  et  leurs  preuves  :  il  imprime  seulement  les  premiers 
dans  le  texte  et  les  autres  en  notes.  Son  travail  n'est  plus  qu'une  disser- 
tation fort  abstraite  où  manquent  tous  les  faits  qui  le  rendraient  vivant 
et  pittoresque,  et  que  tous  les  lecteurs  n'auront  pas  la  patience  de  recher- 
cher dans  les  notes. 

L.-G.  P. 


357.  —  Etude   sur  Jean   Fiseliai>t.  Thèse  de  doctorat   présentée  à  la  P'aculté 
des  lettres,  par  P.  Besson,  agrégé  de  l'Université.  Paris,  Hachette.  In-8,  364  p. 

M.  Besson,  après  un  chapitre  très  court  sur  la  vie  de  Fischart,  exa- 
mine d'abo!  d  le  Gargantua  et  quelques  autres  ouvrages  qui,  sans  être 
directement  imités  de  Rabelais,  appartiennent  au  même  genre  humo- 
ristique et  satirique  ;  il  parle  ensuite  des  théories  littéraires  et  esthéti- 
ques de  Fischart,  de  ses  querelles  théologiques,  de  ses  idées  sur  la  reli- 
gion et  l'éducation,  de  sa  politique  intérieure  et  extérieure,  enfin  de  sa 

1.  Publiées  dans  Erasme  en  Italie,  "p.  107-112;  datées  de  i523,  i525,  i528. 


go  REVUE    CRITIQUR 

langue  el  de  son  style.  Le  sujet,  comme  on  le  voit,  est  bien  divisé;  les 
écrits  sont  bien  groupés,  et  le  lecteur  qui,  sans  se  donner  la  peine  de 
lire  un  gros  volume,  voudra  demander  à  Fauteur  des  renseignements 
sur  telle  ou  telle  partie  de  l'œuvre  multiple,  authentique  ou  contro- 
versée, de  Fischart,  les  trouvera  facilement  sous  Pune  des  rubriques  indi- 
quées. Les  analyses  sont  ordinairement  bien  faites,  et  quand  elles  pa- 
raissent longues,  c'est  plutôt  la  faute  de  Fischart  que  celle  de  son  his- 
torien. Les  chapitres  qui  laissent  l'impression  la  moins  satisfaisante  sont 
ceux  où  M.  B.  essaye  de  condenser  les  résultats  de  ses  recherches,  de 
donner  une  idée  de  Fischart  soit  comme  écrivain,  soit  comme  mora- 
liste, en  un  mot  de  conclure.  Et  ici  encore,  ce  n'est  pas  M.  B.  qu'on  est 
tenté  d^accuser,  c'est  son  sujet.  Conclure  est  facile,  lorsqu'on  a  affaire  à 
un  génie  clair  et  solide;  mais  quelle  conclusion  tirer  d'une  œuvre  inco- 
hérente, puisée  à  toutes  les  sources,  et  dont  la  marque  caractéristique 
est  précisément  le  manque  de  personnalité  dans  la  pensée  comme  dans 
le  style?  Les  théories  esthétiques  de  Fischart  se  résument  en  ceci  (cha- 
pitre iv),  que  la  littérature  doit  être  subordonnée  à  la  morale  :  cela  est 
peu  profond  ;  l'Allemagne  a  vécu  pendant  deux  siècles  sur  cette  banalité. 
En  théologie,  il  estime  que  deux  religions  peuvent  bien  vivre  ensemble  | 
dans  un  même  état,  mais  le  protestantisme  est,  pour  lui,  l'Eglise  véri-  \ 
table.  C'est  dans  le  chapitre  intitulé  :  Conclusion,  que  Ton  cherche  natu 
rellement  l'opinion  définitive  de  M.  B.  sur  son  auteur.  Fischart,  nous^ 
dit-il,  en  effet,  est  une  incarnation  de  la  Renaissance.  Est-ce  suffisant 
et  cela  marque-t-il  bien  le  caractère  d'un  écrivain?  Peut-on,  d'ailleurs^ 
considérer  comme  un  représentant  de  la  Renaissance  un  homme  qui  n'a] 
su  dérober  à  l'antiquité  ni  le  secret  de  penser  juste  ni  celui  de  bien 
dire? 

M.  B.,  et  c'est  une  justice  à  lui  rendre,  ne  professe  pas  pour  Fischart, 
une  de  ces  admirations  de  commande  ou  de  ces  préventions  naïves  qui 
sont  Passaisonnement  ordinaire  des  thèses  du  doctorat.  Il  a  pensé  à 
Fischart,  parce  qu'on  n'y  avait  pas  encore  pensé  avant  lui  dans  les 
soutenances  deSorbonne;   il  l'a  lu   et  il  a  essayé  de  le  comprendre, 
parce  qu'il  a  jugé  que  c'était  son  devoir.  Mais  il  semble  le  goûter  médio- 
crement. Dans  le  chapitre  où  il  le  compare  avec  Rabelais,  et  qui  est 
un  des  meilleurs  du  livre,  sa  préférence  n'est  pas  douteuse.  Il  ne  trouve 
guère  chez  Fischart  que  l'exagération  des  défauts  de  Rabelais.  «  Chaqu 
fois  que   le  traducteur  rencontre  chez  son  modèle  une  longue  énumé-l 
ration,  il  se  croit  tenu  de  la  grossir  encore  (p.  72);  il  traduit  intégrale 
ment  tous  les  passages  malpropres,  et  il  en  ajoute  bon  nombre  de  so 
cru  (p.  48)  ;   le  texte  français  est  délayé,  amplifié  de  mille  manière 
(p.  109),  sans  être  enrichi  d'un  seul  épisode  nouveau  (p.  772).  »  Qu'on 
lise,  dans  l'auteur  allemand,  le  chapitre  de  la  généalogie  de  Gargantua, 
ou  le  passage,  très  court  dans  Rabelais,  démesurément  long  dans  Fis- 
chart, où  il  est  question  des  provisions  de  bouche  de  Grandgousier  :  il 
est  difficile  de  pousser  plus  loin  l'abus  de  la  parole.  Rabelais  dit  beau- 


d'histoire  et  de  littératdrb  gi 

coup  et  suggère  davantage;  il  engage  ses  lecteurs,  dans  son  prologue, 
0  à  briser  Tos  et  à  sucer  la  substantifique  moelle  »  :  dans  Fischart,  l'os 
est  tout  brisé,  mais  la  moelle  est  répandue. 

M,  Besson  ne  trouve  que  peu  d'éloges  à  donner  à  Fischart;  pourtant 
il  lui  consacre  trois  cent  cinquante  pages,  et  nous  n'aurions  rien  à  dire 
là-dessus,  si  le  cas  était  isolé.  Un  auteur,  même  un  auteur  de  thèse, 
n'a-til  pas  le  droit  de  choisir  son  sujet,  et  de  dépenser  son  encre  comme 
il  lui  plaît?  Mais  l'usage  des  grosses  thèses  sur  de  minces  sujets  tend  à 
se  généraliser  d'une  manière  inquiétante  pour  le  bon  sens  critique. 
Ecrire  des  centaines  de  pages  sur  un  écrivain  qui  mérite  tout  au 
plus  un  article,  c'est  d'abord  une  faute  de  goût.  N'oublions  pas 
qu'un  jeune  docteur,  une  fois  que  sa  thèse  Ta  fait  déclarer  dignus 
intrare,  peut  devenir  à  son  tour  directeur  d'études,  être  chargé  de 
conduire  et  de  former,  dans  le  travail  scientifique  et  littéraire,  toute 
une  génération  d'étudiants.  Autrefois,  pour  donner  une  preuve  de 
son  aptitude  à  l'enseignement  supérieur,  on  cherchait,  dans  un  mince 
volume  qui  ressemblait  plutôt  à  une  brochure,  à  jeter  un  peu  de 
lumière  sur  une  question  obscure  ou  mal  posée;  on  reprenait,  avec 
des  arguments  et  des  documents  nouveaux,  un  sujet  controversé;  on 
discutait  et  l'on  éclairait  quelquefois  un  fait  intéressant  d'histoire  litté- 
raire. Aujourd'hui,  on  fouille  dans  les  décombres,  pour  être  sûr  de  ne 
se  rencontrer  avec  personne.  Pourtant  les  grands  sujets,  à  la  fois  grands 
et  nouveaux,  ne  manquent  pas  dans  les  littératures  étrangères,  et  sur- 
tout dans  la  littérature  allemande.  Les  Allemands  ont  beaucoup  écrit 
sur  leur  littérature;  mais  ils  en  ont  fait  surtout  l'objet  d'une  étude 
scientifique,  exacte,  minutieuse.  Il  y  aurait  profit  pour  nous  à  repren- 
dre leur  travail  à  un  autre  point  de  vue,  celui  de  l'art  et  du  goût,  qui 
n'exclut  pas  la  rigueur  scientifique,  mais  qui  l'élève  et  l'ennoblit.  Nos 
jeunes  professeurs  trouveraient  là  un  beau  champ  d'expérience  et  une 
occasion  d'être  vraiment  neufs  en  apportant  des  idées  neuves. 

A.     BOSSERT. 


358.  — Vl^aldstelii's  Vertrag  mit  dem  Kaiser  bei  der  Uebemahme  des 
zAveiten  Genei>alats,  von  Anton  Gindely.  ("Abbandlungen  der  K.  Bœhmischen 
Gesellschaft  der  Wissenschaften).  Prag,  Gregr,  1889,  44  p.  in-4. 

C'est  un  fait  connu  de  tous  et  consigné  dans  chaque  i/i^^o/remorferne, 
même  élémentaire,  que  Wallenstein,  avant  de  reprendre  le  commande- 
ment des  armées  impériales  en  i632,  força  Ferdinand  11  à  signer  un 
traite  formel,  qui  devait  garantir  le  célèbre  condottiere  contre  une  sur- 
prise pénible,  pareille  à  celle  de  la  diète  de  Ratisbonne  en  i63o.  On 
croyait  même  posséder  le  texte  de  ce  traité  de  Znaym  dans  les  Annales 
Ferdinandei  de  Khevenhûller.  Récemment,  pourtant,  il  a  été  établi  que 
la  pièce  publiée  par  Khevenhiiller  n'était  qu'un  avant-projet,  qui  n'a  pu 
être  sanctionné  par  l'empereur,  au  moins  dans  sa  forme  présente.  Peut-on 


Q2  REVDE   CRITIQIIS 

fixer,  par  conséquent,  le  contenu  de  cette  pièce  importante,  soit  par  de 
nouvelles  découvertes  dans  les  archives,  soit  par  des  inductions  légiti- 
mes? Tel  est  le  problème  que  M.  A.  Gindely,  'poursuivant  ses  études 
sur  «  la  question  de  Wallenstein  »,  aborde  dans  le  présent  mémoire,  et 
qu'il  traite,  à  son  ordinaire,  avec  une  connaissance  approfondie  du  sujet, 
basée  sur  la  masse  de  documents  réunis,  durant  trente  années  de  fouilles 
heureuses,  dans  les  dépôts  de  Vienne,  de  Prague  et  de  Municli.  M   G. 
commence  par  remonter  aux  origines  des  négociations  entamées  avec 
Wallenstein  en  mai  i63r,  peu  après  la  prise  de  Francfort  sur-l'Oder  par 
Parmée  suédoise.  La  cour  de  Vienne  ne  demandait  alors  à  Tex-duc  de 
Mecklembourg  que  des  conseils,  car  les  chefs  de  la  Ligue  catholique  ve- 
naient de  se  prononcer  contre  sa  rentrée   au  service  de  T Empire,  à  la 
diète  de  Dinckelsbiihl.  Encore  après  l'écrasement  de  l'armée  de  la  Ligue 
à  Breitenfeld,  en  septembre,  Ferdinand  hésitait,  son  confident  Eggenberg 
penchant  pour  Wallenstein  et  son  confesseur  Lamormain  pour  l'archi- 
duc Ferdinand,  roi  de  Hongrie.  Les  diplomates  espagnols  proposaient 
de  faire  du  premier  ïad  latus,  le  lieutenant-général  du  second.  Mais 
Questenberg  envoyé  vers  Wallenstein,  en  octobre,  pour  lui   proposer 
cette  combinaison,  ou  quelque  autre  analogue,  essuya  un  refus  catégo- 
rique, sans  explications.  Alors  le  prince  d'Eggenberg  fut  chargé  de  négo- 
cier à  Znayrn  avec  Wallenstein  en  personne.  Ses  instructions  fort  em- 
brouillées, et  qui,  tout  en  concédant  à  W.  le  titre  de  Gêner aloberstfeld- 
marschall,  n'en  faisaient  pourtant  qu'un  conseiller  du  roi  de  Hongrie, 
subsistent,  mais  pour  les  conférences  de  Znaym  elles-mêmes  nous  n'avons 
qu'un  rapport  assez  détaillé  de  l'un  des  compagnons  d'Eggenberg,  de 
Bruneau,  président  de  la  Chambre  des  comptes  de  Lille,  à  l'infante  Isa- 
belle ;  Eggenberg  a  présenté  sans  doute  un  rapport  verbal  à  l'empereur. 
Nous  voyons  seulement  que  V/.  s'engage  à  réunir  en  trois  mois,  sans 
toucher  de  solde,  et  sans  accepter  un  titre  officiel,  une  nouvelle  armée 
impériale.  Cette  besogne  préliminaire  accomplie,  il  fait  mine  de  rentrer 
dans  la  vie  privée.  Eggenberg  le  supplie,  au  nom  du  souverain,  de  res- 
ter à  la  tête  des  troupes,  et  revient  vers  lui,  muni  de  nouvelles  instruc- 
tions également  conservées,  qui,  cependant  ne  lui  donnaient  pas  une  au- 
torité plus  absolue  sur  l'armée  que  celle  qu'il  exerçait  déjà  en  i63o.  Le 
i3  avril  i632.W.  et  E.  se  rencontrent  à  Goellersdorf,  entre  Znaym  et 
Vienne,  et,  à  la  suite  de  longues  et  pénibles  entrevues,  Eggenberg  rentre 
épuisé  à  Vienne  et  annonce  à  Ferdinand  que  les  prétentions  de  W.  sont 
«  inouïes  ». 

Maintenant  quelles  étaient  ces  conditions  ?  On  répondait  jusqu'ici  en 
citant  le  document  publié  par  Khevenhûller,  et  retrouvé  depuis  dans 
d'autres  archives;  mais,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  le  P.  Du- 
dik  et  Ranke  ont  prouvé  que  ce  n'était  là  qu'un  projet,  le  résumé  d'un 
rapport  sur  les  demandes  du  futur  généralissime.  On  y  trouve,  en  effet, 
des  points  que  l'empereur  ne  pouvait  pas  du  tout  décider  à  lui  seul,  puis- 
qu'ils   concernaient  directement   la   couronne  d'Espagne,  etc.    iVI-  ^'^1 


( 


d'histoire  et  de  littérature  g 3 

essaie  de  fixer  les  points  de  cet  accord  secret  entre  W.  et  le  souverain,  en 
interrogeant  les  documents  authentiques,  les  correspondances  diploma- 
tiques de  l'époque  et  c'est  cette  investigation,  à  la  fois  sagaceet  prudente, 
du  savant  professeur  de  Prague,  qui  est  la  partie  la  plus  curieuse  et  la 
plus  neuve  de  son  mémoire.  Nous  ne  pouvons  naturellement  pas  entrer  ici 
dans  les  détails  de  sa  démonstration,  qui  nous  paraît  aussi  lucide  dans 
ses  développements  que  concluante  dans  ses  résultats.  Nous  dirons  seu- 
lement que  M.  G.  arrive  à  établir  que  la  légende  du  traité  supposé  de 
Znaym  ne  s'écartait  guère  des  exigences  véritables  de  W.  et  que  c'est  plu- 
tôt encore  davantage  qu'il  réclamait  à  son  interlocuteur  effrayé,  pour 
l'obtenir  en  fin  de  compte.  Ainsi  les  dépêches  du  nonce  de  Vienne  au  car- 
dinal Barberini  affirment  qu'on  lui  promit  un  électorat,  celui  de  Saxe  ou 
de  Brandebourg.  D'autres  correspondances  montrent  qu'on  le  dispensa 
de  tout  serment,  craignant  à  Vienne  qu^il  pourrait  se  refuser  à  le.prêter", 
et  Ferdinand  II  lui-même  disait  à  l'ambassadeur  espagnol  Castaneda 
a  qu'il  n'y  avait  point  de  troupes  ni  de  chefs  dans  tout  l'Empire  qui  ne 
dussent  lui  être  soumis  ».  Cela  n'empêchait  pas  l'abbé  de  Kremsmûnster, 
Fun  des  négociateurs  impériaux,  de  parler,  très  sincèrement,  delà  «  mo- 
dération-» du  duc  de  Friedland  !  C'est  que  Ferdinand,  affolé  plus  qu'on 
n'a  voulu  l'admettre,  et  qui  parlait  à  ce  moment  de  se  retirer  à  Graz,  voire 
rtiême  en  Italie,  voulait  avoir  à  tout  prix  une  armée  solide  et  un  chef  mi- 
à    litaire  puissant  entre  sa  capitale  et  le  conquérant  suédois.  Ces  conditions 
rt    léonines,  plus  ou  moins  librement  consenties,  firent,  au  dire  de  M.  G., 
de  W.  un  général  fidèle  jusqu'au  moment  où  il  perdit  l'espoir  d'une  vic- 
|-.    toire  décisive  (juin  i633).  Alors  commencèrent  les  intrigues  diplomati- 
i     ques  q  ui  l'entraînèrent  toujours  plus  avant  et  finirent  par  amener  sa  chute. 
Nous  recommandons  le  travail  de  M.  Gindely  comme  un  modèle  de  dis- 
cussion scientifique  sur  un  sujet  épineux  et  surtout  controversé. 

R. 


359.  —  Un  Boui*guîgnon  et  un  Oi-léanais  érudits  au  xvil^  siècle.  Lettres 
inédites  de  B.  de  La  Monnoye  à  Nicolas  Thoynard  de  1679  à  1697,  publiées 
et  annotées  par  M.  Emile  Du  Boys.  Paris,  L.  Techener,  1890,  in-8  de  43  p. 

Tout  le  monde  donnera  raison  à  M.  du  Boys  déclarant  (p.  i)  qu'une 
des  plus  intéressantes  figures  littéraires  en  province,  pendant  la  seconde 
moitié  du  xvii'=  siècle  et  la  première  du  xviii",  a  été  incontestablement 
Bernard  de  la  Monnoye  (né  à  Dijon  le  i5  juin  1641,  mort  à  Paris  le 
i5  octobre  1728).  Tout  le  monde  aussi  reconnaîtra  que  cet  «  homme 
d'infiniment  d'esprit  »  se  montre,  dans  les  douze  lettres  tirées  du  dépar- 
tement des  mss.  de  la  B.  N.  (vol.  562  des  nouvelles  acquisitions  françai- 
ses), digne  de  l'éloge  que  lui  donne  M.  Fertiault  (Nouvelle  Biographie 
générale)  en  s'écriant,  au  sujet  de  la  correspondance  générale  de  l'érudit 
bourguignon  ;  Quel  agréable  causeurl  M.  du  B.  a  réuni,  dans  les  huit 
premières  pages  de  son  élégante  brochure,  toute  sorte  de  renseignements 


94  REVUE  CRITIQUE 

sur  La  Monnoye  et  sur  son  correspondant  Thoynard,  n'oubliant  aucun 
des  travaux  récents  dont  ces  deux  travailleurs  ont  été  l'objet  de  la  part 
de  MM.  Caillemer,  A.  Jacquet  ',  Henri  Beaune,  Moulin,  Charavay, 
Jovy,  etc.  Les  informations  du  diligent  éditeur  ne  sont  pas  moins  com- 
plètes, sur  chacun  des  personnai^es  mentionnés  dans  son  petit  recueil, 
et  l'on  trouvera  tout  à  la  lois  abondance,  exactitude  et  saveur  dans  les 
notes  sur  Maurice  David,  J.-B.  Denis,  le  poète  Lainez,  Guillaume 
Prousteau,  Saint-Glas,  abbé  de  Saint-Ussans,  poète  «  que  l'on  cherche- 
rait en  vain  dans  nos  recueils  biographiques,  mais  auquel  M.  Viollet-Le- 
Duc  a  consacré  un  article  dans  sa  Bibliothèque  poétique,  »  etc.  Citons 
aussi  d'excellentes  notes  sur  le  Dictionnaire  de  V Académie  (p.  i8),  le 
Dictionnaire  de  Richelet  (p.  24),  le  Dictionnaire  de  la  Crusca 
(p.  2b -26),  VArlequiniana  et  le  Bignoniana  (p.  29-30),  ces  deux  derniè- 
res notes  empruntées  à  l'ouvrage  encore  inédit  du  P.  Adry  (Bibliothèque 
critique  des  anas,  à  la  B.  N.  vol,  1955  des  N.  ac.  fr.).  Le  soin  et  l'éru- 
dition avec  lesquels  M.  E.  du  Boys  a  publié,  cette  année,  son  La  Mon- 
noyé  ~  et,  l'an  dernier,  son  E\échiel  Spanheim,  font  vivement  désirer 
qu'il  puisse  bientôt  nous  donner  les  deux  importants  recueils  épistolaires 
qu'il  prépare  :  les  lettres  inédites  d'Etienne  Baluze  et  les  lettres  inédites 
d'Émery  Bigot. 

T.  DE   L. 


I 


36o.  —  René  Doumic.  La  Question  du  Tartuffe.  Paris,  De  Soye  et  fils,  1890, 
in-8,  16  p. 

Sous  le  titre  de  :  La  question  du  Tartuffe,  M.  René  Doumic  vient  de 
publier  une  énergique  réponse  à  M.  Brunetière.  Il  présente  à  l'appui 
de  l'opinion  traditionnelle  les  arguments  d'usage,  insistant  notamment  ^1 
sur  les  déclarations  de  Molière  dans  les  placets,  la  préface  et  le  rôle  de 
Cléante.  Il  cherche  ensuite  à  ruiner  les  preuves  que  M.  Brunetière  a  il 
tirées  du  petit  nombre  des  hypocrites  en  1664,  de  la  philosophie  natu- 
raliste de  Molière  et  de  ses  attaches  avec  le  groupe  des  libertins.  C'est 
une  discussion  fort  habilement  conduite,  et,  sinon  convaincante,  au 
moins  très  intéressante  à  lire. 

R.  P. 

35l.  —  i^a    Riraterie    sur    1'A.tlantique    au    xviii"   siècle,  par    Léon  VignolS.    j 
(Rennes,  i8go,  in-8  de  121  p.) 

Le  titre  de  cette  brochure,  extraite  des  Annales  de  Bretagne,  n'est 
pas  parfaitement  justifié;  car  il  y  est  beaucoup  plus  parlé  des  pirates  de    |j 


1.  Les  publications  de  ces  deux  savants  ont  été  analysées  et  appréciées  ici  par  celui 
qui  écrit  ces  lignes. 

2.  Je  n'aperçois  en  toute  la  brochure  qu'une  petite  tache  formée  par  une  faute 
d'impression  qui  défigure  le  grand  nom  de  Du  Gange  (p.  i3)  :  M.  du  Fesne  pour  du 
Fresne). 


5 


d'histoire  et  de  littérature  95 

la  Méditerranée  que  de  ceux  de  l'Atlantique,  et  des  xvi«  et  xvii«  siècles 
que  du  xviiie.  Mais  la  seconde  partie  donne  des  renseignements  curieux 
et  peu  connus  sur  la  grande  flibuste  et  sur  les  forbans  qui  survécurent  à 
la  dissolution  de  l'association  des  Frères  de  la  Côte. 

Quelques-unes  des  appréciations  de  l'auteur  nous  semblent  être  un  peu 
hasardées.  Les  Barbaresques,  en  enlevant  les  vaisseaux  chrétiens  et  en 
portant  le  fer  et  le  feu  sur  les  rivages  ennemis,  ne  firent  guère  qu'imiter 
ce  que  les  chrétiens  eux-mêmes  leur  avaient  appris,  et  les  protestations  de 
Sélim  et  de  Soliman  contre  les  agissements  des  chevaliers  de  Rhodes 
sont  exactement  celles  que  le  roi  d'Espagne  faisait,  cent  ans  plus  tard, 
contre  les  Algériens.  Pourquoi  traiter  de  chef  de  forbans  Khaïr-ed-Din 
Barberousse,  le  Grand-Amiral  des  flottes  ottomanes,  le  rival  souvent 
heureux  d'André  Doria,  et,  surtout,  pourquoi  donner  aux  Musulmans, 
en  dépit  de  l'histoire  tout  entière,  le  monopole  du  prosélytisme  religieux 
à  main  armée?  Que  M.  Vignols  pense  à  Charlemagne,  aux  Croisades, 
aux  Chevaliers  Porte-Glaives,  aux  Albigeois,  aux  Espagnols  et  aux  Por- 
tugais dans  les  Indes  et  dans  l'Amérique  du  Sud  ! 

H.-D.  DE  Grammont. 


il 


362.  —  J.    Hans.    ï>er    pi'Otcstantiscbe   I«;ultus.    i    vol.     in-8,    140    pages. 
Augsburg,  Schlosser,   1890. 

Ce  volume,  dû  au  pasteur  protestant  de  l'Eglise  Sainte-Anne  d'Augs- 
bourg,  est  beaucoup  plus  dogmatique  qu'historique.  L'auteur,  il  est  vrai, 
nous  montre  en  vertu  de  quels  principes  le  culte  a  été  organisé  dans  la 
religion  de  Luther  et  dans  celle  de  Calvin;  il  nous  indique  brièvement 
les  principales  modifications  introduites  dans  la  célébration  de  l'ofïice 
divin  depuis  le  xvi"  siècle  jusqu'à  l'année  1822,  où,  sous  l'influence  de 
l'union  évangélique  et  du  roi  de  Prusse  Frédéric-Guillaume  III,  parut 
la  fameuse  liturgie  (Kirchenagende)  pour  la  cathédrale  de  Berlin;  mais 
cet  exposé,  assez  court,  n'est  qu'une  introduction  à  la  partie  théorique  de 
l'ouvrage.  M.  Hans  y  fait  voir  la  nécessité  d'une  réforme  dans  les  formes 
extérieures  du  culte;  il  indique  ensuite  en  quoi  devrait,  selon  lui,  con- 
sister cette  réforme.  Il  faudrait  donner  plus  d'éclat  aux  cérémonies  reli- 
gieuses, multiplier  les  services  accessoires  (Nebengottesdienste),  et, 
dans  le  service  principal,  introduire,  à  côté  du  sermon,  une  liturgie  qui, 
tout  en  respectant  la  tradition,  satisferait  les  nouveaux  besoins  de  notre 
époque. 

Ch.   Pfister. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  L'Académie  des  Beaux-Arts,  dans  sa  séance  du  21  juin,  a  proposé 
pour  le  prix  Bordin  à  décerner  en  1892  le  sujet  suivant  :  Faire  ressortir  le  caractère 
national  de  la  sculpture  française  à  partir  du  xui^  siècle  jusqu'à  la  Révolution,  c'est- 


96  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    KT    DE    LITTÉRATURE 

à-dire  depuis  les  imagiers  qui  ont  décoré  les  cathédrales  et  autres  édifices  du  cen- 
tre de  la  France  jusqu'à  Houdon.  F^es  mémoires  devront  être  déposés  au  secrétariat 
de  l'Institut  avant  le  1"  janvier  1892. 

—  Sous  le  titre  Universités  transatlantiques  (Hachette.  In-S",  p.  3  fr.  5o).  M.  Pierre 
DE  CouBERTiN  raconte  d'une  façon  très  intéressante,  alerte,  familière,  ses  visites  aux 
établissements  d'instruction  du  Nouveau-Monde.  Il  nous  mène  d'abord  autour  de 
New- York  (l'Université  de  Princeton  et  son  collège  de  Lawrenceville,  Columbia  Col- 
lège, Berkeley  School,  West  Point),  puis  dans  la  Nouvelle  Angleterre,  au  Canada, 
dans  la  Louisiane,  la  Floride,  la  Virginie,  enfin  à  Washington  et  à  Baltimore.  «  Le 
style  fantaisiste,  comme  le  reconnaît  l'auteur,  contraste  avec  l'habituelle  gravité  des 
documents  pédagogiques  »(p.364),  mais  l'impression  qu'il  donne  de  ces  universités 
transatlantiques,  est  d'autant  plus  nette  et  plus  vivante;  comme  toujours,  M.  de  Cou- 
bertin  défend  avec  chaleur  son  programme  :  «  Sport  et  liberté  ». 

ALLEMAGNE.  —  M.  Alex.  Conze,  aidé  de  MM.  Ad.  Michaelis,  Achille  Postolak- 
KAS,  Robert  de  Schneider,  Km.  Lœwv  et  Alfred  Bruckner,  vient  de  publier,  sous  les 
auspices  de  l'Académie  impériale  des  sciences  de  Vienne,  la  première  livraison  d'une 
grande  publication  intitulée  Die  attischen  Grabreliefs  (Berlin,  Spemann,  16  pages  ce 
texte  et  25  planches,  60  mark).  L'ouvrage  comprendra  dix-huit  livraisons  environ. 

—  Viennent  de  paraître  le  premier  volume  du  Deutsches  Wœrterbuch,  de  Moritz 
Heyne  (Leipzig,  Hirzel.  In-8°,  10  mark),  et  une  Italienische  Grammatik,  par  \V.  Meyer- 
Lûbke  (Leipzig,  Reisland,  12  mark),  qui  forme  le  second  volume  de  la  «  Collection 
des  grammaires  romanes  ». 

—  VArkivfor  nordiskfilologi  paraîtra,  à  partir  du  Vile  volume,  chez  Harrassowitz, 
à  Leipzig. 

—  Les  Romanische  Forschungen  de  K.  Vollmœller,  paraissent  désormais  chez 
Fritz  Junge,  à  Erlangen. 

—  Le  Literaturblatt  annonce  en  préparation  :  une  Altscechsische  Grammatik,  par 
S.  H.  Gallée  et  O.  Behaghel,  et  les  éditions  suivantes  :  Clef  d'amours,  par  Doutre- 
PONT  (Bibliotheca  normannica),  Beuve  d^Hanston,  par  A.  Stimming,  Anseïs  de  Car- 
tilage, par  J.  Alton. 

—  M.  Fritz  Neumann,  professeur  à  Fribourg  en  Brisgau,  est  nommé  à  Heidelberg, 

—  Le  6  mai  est  mort  à  Strehlen,  près  de  Dresde,  dans  sa  68e  année,  Edmond  Dorer, 
connu  par  ses  travaux  sur  l'histoire  littéraire  de  l'Espagne. 

—  La  classe  de  philosophie  et  d'histoire  de  l'Académie  des  sciences  de  Berlin  dé- 
cernera un  prix  de  5, 000  mark  (6, 260  francs)  à  l'auteur  du  meilleur  travail  —  en  al- 
lemand, latin,  français,  anglais  ou  italien —  sur  Suidas,  ses  sources  et  sa  méthode. 


ACADÉMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  2^  juillet  i8go. 

M.  Ravaisson  continue  la  lecture  de  son  mémoire  sur  !a  Vénus  de  Milo. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Delisle  :  i-  Brun-Durand,  Censier  de  Vévêché  de 
Die;  2"  Bkaurepaire  (Ch.  de).  Notes  sur  les  juges  et  les  assesseurs  du  procès  de  con- 
damnation de  Jeanne  d'Arc  ;  3"  Omont  iH.),  Fac-similés  des  manuscrits  grecs  dates 
delà  Bibliotiièque  nationale;  — par  M.  Gaston  Paris  :  Hatzfeld,  Darmesteti-r  (Ar- 
sène) et  Thomas  (Ant.),- Dictionnaire  général  de  la  langue  française,  if"  livraison; 
—  par  l'auteur:  Deloche  (Maximilien',  Etudes  de  numismatique  mérovingienne . 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


I 


Le  t'uy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N"  32-33  -  11-18  août  —  1890 


Sommaires  363.  Sweet,  Manuel  de  phonétique.  —  364.  Hauréau,  Des  poèmes 
latins  attribués  à  Saint-Bernard.  —  365.  Desilve,  L'école  de  Saint-Amand.  — 
3ÔÔ.  ScHŒNBACH,  Lccturc  et  culture.  —  367.  Mahrenholtz,  Jeanne  d'Arc.  —  368. 
Pribram,  L'Autriche  et  la  guerre  du  Nord.  —  Sôg.  Bobbio,  Deux  mazarinades.  — 
370.  Bertana,  Etudes  sur  le  xviii' siècle.  —  371.  Rastoul,  Le  maréchal  Randon. 
—  372.  Godet,  Histoire  littéraire  de  la  Suisse  française.  —  373.  Lebaigue,  La 
réforme  orthographique  et  l'Académie  française  —  Chronique.  —  Académie  des 
Inscriptions. 


363.  —  (Clarendon  Press  Séries).  A.  Primer  of  Phonetics,  by  Henry  Sweet, 
M.  A.  —  Oxford,  at  the  Clarendon  Press  (London,  H.  Frowde),  1890.  Pet.  in-8, 
xi-i  i3  pp. 

Cet  excellent  petit  livre  doit,  dans  la  pense'e  de  l'auteur,  servir  tout  à 
la  fois  d'introduction  élémentaire  aux  débutants  en  phonétique,  et  tenir 
lieu  d'une  2^  édition  de  son  Handbook,  qu'il  se  voit,  nous  dit-il,  dans 
*    l'impossibilité  d'arrêter  en  ce  moment  sous  une  forme  définitive.  Cet 
[^  aveu  plein  de  modestie  et  cet  exemple  de  conscience  scientifique,  venus 
1'^     de  si  haut,  seront  peut-être  de  nature  à  tempérer  le  dogmatisme  d'é- 
cole, toujours  funeste  aux  sciences  en  formation. 

Le  manuel  de  M.  Sweet  se  divise  en  deux  parties,  Tune  analytique 
(pp.  7-40),  Pautre  synthétique  (pp.  41-110).  Dans  la  première,  il  étudie 
le  mécanisme  de  la  parole,  la  production  des  voyelles  et  des  consonnes 
à  l'état  isolé  et  indépendamment  les  unes  des  autres.  Il  est  superflu  de 
dire,  d'après  le  titre  et  le  plan  de  l'ouvrage,  que  Ton  n'y  trouve  rien 
d'essentiellement  nouveau,  mais  toujours  cette  clarté  et  cette  sobriété 
d'exposition,  cette  délicatesse  d'observation  et  d'analyse,  qui  ont  fait  de 
M.  S,  un  initiateur  et  un  maître  de  premier  ordre.  Dans  la  synthèse,  il 
reconstitue  ce  qu'il  a  décomposé,  en  montrant  les  relations  des  voyelles, 
des  consonnes,  des  syllabes,  des  mots,  des  groupes  de  mots  entre  eux, 
et  étudiant  ainsi  la  quantité,  l'intensité,  les  phonèmes  de  transition 
(glides^),  l'accent  tonique;  puis  il  transporte  ces  données  dans  le 
Il  domaine  pratique,  en  établissant  le  phonétisme  vrai,  normal,  ou  tout 
au  moins  moyen,  de  l'anglais,  du  français,  de  l'allemand  et  —  autant 
que  faire  se  peut  —  des  deux  langues  classiques,  et  donnant  pour  cha- 
cune d'elles  quelques  spécimens  de  prononciation  accompagnés  d'une 
transcription  phonét'que. 

I.  Notre  nomenclature  manque  de  ces  mots  expressifs  et  pittoresques  qu'aft'ection- 
nent  avec  raison  les  phonétistes  anglais,  g-//ie  (transition  d'un  phonème  à  un  autre), 
vanish  (transition  de  la  voix  au  silence),  etc.  (Ce  dernier  n'appartient  pas  non  plus  à  la 
nomenclature  de  M.  Sweet.) 

Nouvelle  série,  XXX.  32 


gS  REVUE    CRITIQUE 

Sur  ce  dernier  point  seulement  je  voudrais  hasarder  une  timide 
réserve.  La  transcription  de  M.  S.,  qui  rend  en  quelque  sorte  le  langage 
a  visible  »,  est  certainement  une  merveille  de  précision  scientifique; 
mais  ne  se  fait-il  pas  quelqu^i  peu  illusion  sur  la  facilité  avec  laquelle  on 
l'adoptera?  Nous  sommes  tous,  depuis  l'enfance,  accoutumés  à  associer 
certains  signes  et  certains  sons,  et  nous  voici  bien  empêchés  en  face  de 
formes  qui,  non  seulement  ne  nous  rappellent  rien  de  familier  —  ce  ne 
serait  que  demi-mal  —  mais  nous  rappellent  tout  autre  chose  que  ce 
qu'elles  représentent;  car  nombre  de  signes  de  M.  S.  ont  une  ressem- 
blance proche  ou  lointaine,  en  tout  cas  très  fâcheuse,  avec  des  lettres 
d'alphabets  connus.  Cette  difficulté  d'ailleurs  fût-elle  aussi  aisée  à  vain- 
cre qu'il  se  Timagine,  qu'il  veuille  bien  aussi  considérer  que  ses  livres 
ne  s'adressent  point  seulement  aux  yeux  et  à  la  mémoire  encore  neufs 
des  apprentis  phonéticiens,  qu'ils  sont  lus  avec  intérêt  par  des  linguistes 
qui  ont  déjà  déchiffré  bien  des  grimoires,  et  qu'il  y  a  conscience  à  leur 
mettre  à  si  haut  prix  le  profit  qu'ils  en  pourront  tirer. 

Une  raison  inverse,  je  veux  dire  l'absence  complète,  dans  les  types  de 
la  Revue,  d'une  notation  phonétique  même  approximative,  m'interdit 
naturellement  de  suivre  M.  Sweet  dans  les  détails  de  sa  minutieuse 
analyse  '.  Je  dois  donc  me  borner  à  appeler  l'attention  de  tous  les  lin- 
guistes sur  ce  manuel  si  court  et  si  plein  à  la  fois,  l'attention  de  tous  les 
lettrés  sur  les  premières  pages  de  ce  livre,  dont  je  ne  puis  me  tenir  de 
détacher  quelques  lignes  à  leur  intention  : 

«  Souvenez-vous  que  le  langage  n'existe  que  comme  fait  individuel, 
et  qu''une  expression  telle  que  «  prononciation  anglaise  normale  »  n'est 
qu'une  pure  abstraction.  Songez  qu'il  est  absurde  de  fixer  une  règle 
suivant  laquelle  les  Anglais  doivent  parler,  avant  de  savoir  comment 
ils  parlent  enfait^  notion  encore  toute  rudimentaire  à  cette  heure... 

«  Evitez  en  conséquence  tout  dogmatisme  et  toute  généralisation 
hâtive;  soyez  circonspect  dans  votre  façon  d'affirmer  que  «  tout  le  monde 
prononce  ainsi  »  ou  que  a  nulle  personne  instruite  ne  prononce  de  telle 
façon  ».  N'en  appelez  point  à  l'autorité  d'un  être  imaginaire  tel  que  le 
sujet  parlant  <  correct  m  ou  «  attentif  ». 

«  Bornez-vous  à  constater  les  faits.  Si  les  gens  vous  disent  que  la 
réforme  de  l'orthographe  est  «  une  hérésie  pestilente  »,  ou  que  votre 
prononciation  de  Londres,  d'i:î.dinbourg  ou  de  Dublin  est  «  abomina- 
ble »,  ne  discutez  point  avec  eux.  » 

V.  Henry. 


I 


I.  Une  seule  observation  :  M.  S.  est-il  bien  sûr  que  «vêz  se  prononçât  muta  comme 
ill'écrit  (p.  io8)?  Je  croirais  bien  plutôt  que  l't  était  voyelle  et  l'u  semi-voyelle, 
autrement  dit,  que  l'initiale  de  uti^  était  l'anglais  wh  :  autrement,  l'i  intervocalique 
serait-il  demeuré  r  II  est  vrai  qu'on  trouve  Oi;. 


D'HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  QQ 

'j^.  —  Des  poèmes  latine  attribués  à   Saint-Bernard,  par  B.    Hauréau,  mem- 
bre de  l'Institut.  Paris,  Kiincksieck,  i8go,  in-8,  v-102  pages. 

Si,  par  une  grâce  particulière,  l'illustre  fondateur  de  Clairvaux  avait 
pu  revenir  au  monde  quelques  cent  ans  après  sa  mort,  il  eût  sans  doute 
été  à  la  fois  surpris  et  indigné  des  œuvres  que  certains  copistes,  plus 
zélés  qu'habiles,  mettaient  sous  son  nom.  Saint  Bernard  avait  écrit  des 
vers,  et  même  des  vers  badins,  on  a  sur  ce  point  un  texte  formel;  mais 
c'étaient  là  péchés  de  jeunesse  dont  il  était  le  premier  à  rougir,  et  sesadver- 
saires  eux-mêmes,  Pierre  Bérenger  par  exemple,  se  faisaient  scrupule  de 
les  citer  dans  leur  défense  d'Abélard.  Mais  entre  ces  vers  mordants  et  sati- 
riques et  les  platescompositionsquedes  copistes  plus  récentsont  par  igno- 
rance, par  faux  zèle  attribués  au  grand  réformateur  du  xii^  siècle,  il  n'y 
a  sans  doute  aucun  rapport.  Saint  Bernard  était  avant  tout  un  homme 
d'action,  plein  de  fougue  et  d'énergie  ;  les  misérables  œuvres  qu'on  lui 
prête  sont  dues  à  des  moines  désœuvrés  et  mystiques;  il  s'était  fait  en 
lisant  beaucoup  une  langue  personnelle  ;  rien  de  plus  banal  assurément 
que  le  style  et  les  pensées  de  tous  ces  poèmes.  M.  Hauréau,  qui  n'aime 
pas  saint  Bernard  (et  nous  partageons  ce  sentiment  ;  l'ennemi  d'Abélard 
iCt  de  la  philosophie  ii'a  en  somme  rendu  aucun  service  à  la  science  et  à 
['humanité),  a  cru  toutefois  utile  de  venger  sa  mémoire  et  de  réparer 
îs  bévues  des  anciens  copistes  et  des  premiers  éditeurs.  Prenant  cha- 

me  des  pièces  poétiques  publiées  sous  le  nom  de  cet  écrivain,  il  montre 
Ique  pour  des  raisons  diverses  aucune  ne  saurait  lui  être  attribuée;   des 
unes  on  connaît  pertinemment  ou  on  soupçonne  l'auteur;   les  autres, 
restées  anonymes  malgré  des  recherches  approfondies,  sont  de  cent,  quel- 
Iquefoisdedeux  cents  ans  plus  récentes  et  ont  pour  auteur  des  moines  men- 
Idiants,    franciscains  ou    dominicains.    Présentées    avec  agrément,  ces 
[petites  dissertations  se  lisent  avec  un  réel  intérêt  et  laissent  le  lecteur  abso- 
lument convaincu.  C'est  là  assurément  mérite  assez  rare,  même  dans 
m  ouvrage  d'érudition. 

A.    MOLINIER. 


f6b.  —  Desilve.  Ho   Scliola    r<.lnonoiifi>i  Banelî  Anianili  a  sceculo  IX  ad    XII 
usque.  Lovanii.  Apud  Carolum  Peeters,  1890,   in-8. 

L'idée   d'étudier  en  détail    une    grande  école   monastique    carolin- 

tienne  était  heureuse,  et  le  choix  fait  par  l'auteur  de  cellede  Saint  Amand, 

Irréprochable.  Malheureusement  le  livre,  écrit  dans  un  latin  bizarre,  de 

l/I.  Desilve,  témoigne  d'une  ignorance  impardonnable  de  la  littérature 

|u  sujet.  L'auteur  ne  connaît  ni  l'existence  de  la  récente  édition  des 

îttres  de  Loup  de  Ferrières,  ni,  ce  qui  est  plus  grave,  celle  d'une  vie  de 

iint  Lambert  écrite  en  vers  par  Hucbald  de  Saint-Amand  et  publiée 

es  1878.  Il  aurait  dû  lire  le  travail  de  Schulze  sur  la  Réforme  monas- 

que  en  Lotharingie  et  en  Flandre,  ainsi  que  maints  articles  du  Neues 

rchiv,  qui  lui  eussent  été  fort  utiles.  S'il  ne  l'a  pas  fait,  c'est,  semble  t- 


100  REVUE   CRITIQUE 

il,  faute  de  connaître  Tallemand.  Il  imprime,  en  effet,  régulièrement 
Hoelder  pour  Holder,  Weber  pour  Ueber^  etc.  Ces  réserves  faites,  Je 
reconnais  volontiers  que  le  livre  de  M.  Desilve  contient  d'intéressants 
appendices  :  des  catalogues  instructifs  de  la  bibliothèque  du  monastère; 
un  office  de  saint  Gyr  et  des  hymnes  inédits  sur  sainte  Rictrude  par 
Hucbald,  ainsi  qu'un  poème  du  moine  Folquin  (xii^  s.)  sur  la  chute 
d'Adam.  Les  recherches  de  l'auteur  dans  les  manuscrits  de  la  bibliothè- 
que de  Valenciennes  lui  ont,  en  outre,  fourni  des  détails  nouveaux  sur 
la  destinée  de  l'école  de  Saint  Amand  après  le  x«  siècle. 

H.  PiRENNE, 


366.  —  ScHŒNBACH.  Ueber  Lesen  untl  Bildung.  Graz,  Leuschner  u.  Lubensky, 
18S9.  In-8,  xni  et  210  p.  3  mark.  ((Quatrième  mille). 

Voilà  un  livre  à  lire.  L'auteur,  qui  est  un  homme  de  grand  savoir  et 
aussi  un  homme  d'un  goût  très  fin,  essaie  de  déterminer  au  juste  le 
sens  des  mots  Bildiing  et  gebildeter  Mensch.  Mais  il  remarque  avec 
mélancolie  que  la  véritable  Bildung n'tsi  plus  guère  de  ce  monde;  ce 
n'est  pas  dans  les  écoles  qu'elle  s'acquiert,  ni  dans  les  voyages,  et  on  ne 
lit  plus  que  les  journaux.  Et  pourtant  le  seul  moyen  de  devenir  un 
homme  réellement  gebildet^  est  de  lire,  de  lire  avec  choix;  es  gibt  eine 
Technik  des  Lesens  ;  lire  est  un  art  comme  un  autre.  Emerson  dit  qu'il 
ne  faut  lire  que  les  livres  célèbres  qui  ont  plus  d'un  an  et  qui  vous 
plaisent.  M.  Schônbach  fait  mieux  :  il  donne  une  liste  des  livres  qu'il 
faut  lire  dans  toutes  les  littératures.  Mais  ce  n'est  pas  cette  liste  qui  fait 
l'intérêt  du  volume  de  M.  S.;  ce  sont  ses  propres  réflexions,  les 
remarques  ingénieuses  qu'il  exprime  en  un  allemand  toujours  élé- 
gant, châtié,  et  qui  témoignent  d'une  lecture  immense,  d'une  observa- 
tion pénétrante  de  notre  société,  et  d'un  jugement  sûr.  Enfin,  dans  les 
deux  chapitres  que  M.  Schônbach  consacre  à  la  poésie  alleiîiand 
contemporaine  et  au  réalisme  ',  on  trouvera  sous  une  forme  concise  et' 
brillante  (p.  109-182)  nombre  d'appréciations  excellentes  qu'il  nous  im- 
porte de  connaître,  sur  Heyse,  Fitger,  K.-F.  Meyer,  Wildenbruch,  An 
zengruber,  M"«  d'Ebner-Eschenbach,  Bleibtreu,  Kretzer,  etc. 

A.  Chuquet. 


s  J 

I 


367.  —  R.  Mahrenholtz.    Jeanne   Mare  in    Gescliiehtes    Légende,   Dichtung 
auf  Grund  neuerer  Forschung.  i  vol.  in-8,   iv-174  pages.  Leipzig,  Renger,  1890 


La  liste  des  ouvrages  sur  Jeanne  d'Arc  s'allonge  tous  les  jours  et  bien 
tôt  M.  Pierre  Lanèry  d'Arc  pourra  ajouter  un  supplément  considérable 
à  sa  bibliographie,  parue  en   1887.  Nous  signalons  aujourd'hui  le  livre 

I.  Le  livre  comprend  six  chapitres  qui  ont  pour  titre  :  Le  temps  présent.  —  Le 
but.  —  Les  moyens,  —  La  poésie  allemande  contemporaine.  —  Le  réalisme.  — 
Liste  de  livres. 


d'histoire  et  de  LITTÉR\TURK  10  I 

d'un  écrivain  allemand,  dont  nous  avons  entrepris  la  lecture  avec  une 
grande  curiosité.  Jadis  les  Allemands  ont  rendu  justice  à  la  Pucelle  d'Or- 
léans :  en  1864,  un  de  leurs  historiens,  Fr.  Eysell,  lui  a  consacré  une 
longue  et  fort  savante  étude;  mais,  après  les  événements  de  1870,  un 
historien  d'outre  Rhin  saurait-il  parler  de  Jeanne  avec  tout  le  respect 
qui  lui  est  dû  ;  pourrait-il  éprouver  de  la  sympathie  et  de  l'admiration 
pour  une  héroïne  dont  le  dévouement  a  contribué  au  salut  de  la  France  ? 
Eh  bien  oui,  M.  Mahrenholtz  nous  entretient  de  Jeanne  sur  le  ton  le 
plus  convenable  ;  il  admire  son  courage  sur  le  champ  de  bataille  ;  il  nous 
raconte  avec  une  commisération  évidente  son  procès  et  sa  mort  1. 

Mais  M.  M.  a  voulu  faire  avant  tout  œuvre  d'historien.  Or,  de  très 
bonne  heure,  nous  le  disions  ici  même  il  y  a  quelque  temps,  il  s'est 
formée  une  légende  de  Jeanne  d'Arc  :  légende  religieuse,  qui  nous  mon- 
tre la  jeune  fille  de  Domrémy  inspirée  par  le  ciel  et  qui  ajoute  foi  à  ses 
apparitions  miraculeuses  ;  légende  patriotique,  qui  attribue  à  Jeanne 
seule  la  délivrance  du  royaume,  qui  oublie  la  valeur  du  roi  et  de  ses  of- 
ficiers, les  progrés  faits  par  Tartillerie,  qui  ne  tient  nul  compte  des  dis- 
senssions  intestines  des  Anglais,  commandés  par  un  enfant.  Notre  auteur 
a  cherché  à  faire  la  part  exacte  de  l'histoire  et  de  la  légende.  Il  a  étudié 
pour  cela  avec  une  très  grande  attention  les  documents  contemporains  : 
il  nous  donne  à  la  fin  de  son  livre  une  critique  remarquable  des  sources 
de  l'histoire  de  Jeanne  d'Arc.  Il  distingue  avec  soin  les  chroniqueurs  qui 
ont  écrit  avant  et  ceux  qui  ont  rédigé  leurs  ouvrages  après  le  procès  de 
réhabilitation,  les  Français  des  Bourguignons,  les  laïques  des  ecclésiasti- 
ques. A  un  autre  point  de  vue,  il  partage  les  écrivains  en  trois  catégories  : 
ceux  qui  ne  croient  pas  du  tout  à  la  mission  de  Jeanne,  comme  Monstre- 
let  et  le  rédacteur  du  Journal  de  Paris,  ceux  qui  y  ajoutent  une  foi 
entière  comme  Jean  Chartier  et  Perceval  de  Cagny,  ceux  qui  ne  se  pro- 
noncent pas  ou  restent  neutres,  comme  le  héraut  d'armes  de  Char- 
les VII,  Jacques  le  Bouvier.  M.  M.  connaît  de  plus  à  peu  près  tous  nos 
ouvrages  modernes  sur  Jeanne,  iTiême  de  petits  articles  disséminés  dans 
des  revues  de  province,  et  ici  il  nous  faut  bien  signaler  la  différence 
entre  sa  méthode  et  celle  des  derniers  écrivains  français  qui  ont  abordé  le 

I.  Nous  avions  écrit  cet  article  avant  d'avoir  lu  le  compte-rendu  fait  du  livre  de 
M.  par  la  Revue  des  questions  historiques  (i^r  juillet  1S90,  95*  livraison,  p.  282). 
M.  Sepet  y  cite  une  phrase  de  notre  auteur,  qui  pourrait  être  fort  mal  comprise  et 
nous  avons  à  cœur  de  rétablir  le  sens  exact.  M.  M.  conclut  son  chapitre  sur  la  déli- 
vrance d'Orléans  par  ces  mots  :  «  Nous  ne  voulons  en  aucune  façon  nier  l'impres- 
sion prodigieuse  et  salutaire  que  la  jeune  tille  héroïque  produisit  sur  le  peuple  et  les 
soldats  d'Orléans,  et  grâce  à  laquelle  elle  finit  par  entraîner  les  chefs  :  mais  sans  les 
fautes  commises  par  Talbot  et  Fastolf,  sans  le  taient  militaire  de  Dunois,  elle  n'au- 
rait pas  suffi  pour  délivrer  la  ville.  Nous  devons  lui  contester  le  titre  de  Pucelle  d'Or- 
léans que  les  bourgeois  reconnaissants  lui  ont  donné  et  que  la  postérité  lui  con- 
serve. »  Cette  dernière  phrase  est  sans  doute  malheureuse; mais  M.  M.  ne  conteste  en 
aucune  façon  à  Jeanne  le  litre  de  pucelle,  il  conteste  celui  de  Pucelle  d'Orléans. 
Nous  croyons  d'ailleurs  comme  lui  que  des  causes  purement  humaines  expliquent  la 
délivrance  de  la  ville. 


102  REVUE    CRITIQUE 

même  sujet  :  lui  a  tout  lu,  les  autres  ont  comparé  entre  elles  trois  ou 
quatre  biographies  modernes  et  entr'ouvert  les  documents  réunis  par 
Quicherat,  puis  ils  ont  eu.  la  prétention  de  nous  expliquer  entièrement 
Jeanne  d'Arc. 

Malgré  toutes  ces  éludes  piéliminaires,  nous  ne  pensons  pas  que 
M.  M.  ait  complètement  réussi  dans  son  dessein.  La  légende  s'est  for- 
mée du  vivant  même  de  Jeanne  d'Arc  :  comment  dès  lors  serait-il  pos- 
sible d'affirmer  à  propos  de  chaque  événement  :  «  Ici  s'arrête  la  vérité 
et  commence  le  faux  ?  »  Pour  faire  cette  distinction,  on  ne  se  laisse 
guère  guider  que  par  son  sentiment  personnel;  mais  mon  sentiment 
peut  ne  pas  être  le  vôtre.  Le  sujet  de  Jeanne  d'Arc  ne  saurait  èire  traité 
entièrement  par  une  critique  objective  des  sources  :  bon  gré  mal  gré 
chaque  auteur  interprète  les  anciens  documents  d'après  ses  croyances  et 
ses  préjugés.  M.  M.  rejette,  par  exemple,  à  peu  près  tous  les  témoigna- 
ges apportés  dans  le  procès  de  réhabilitation;  il  prétend  que  la  légende 
avait  pris  corps  en  1436,  lors  de  l'apparition  de  la  fausse  pucelle  ;  que 
presque  tous  les  témoins  avaient  subi  l'influence  de  la  cour;  que,  pour 
ce  double  motif,  ils  dénaturèrent  à  i'envi  la  véritable  figure  de  Jeanne; 
il  a  peut-être  raison,  mais  pourquoi  quelques  faits  avancés  dans  le  se- 
cond procès  ne  seraient-ils  pas  vrais,  pourquoi  ne  pas  admettre  entre 
autres  que  la  mort  de  la  bonne  Lorraine  ait  arraché  des  larmes  à  ses 
adversaires?  11  nous  paraît  bien  que  souvent  l'écrivain  allemand  va  trop 
loin  dans  la  négation;  il  diminue  la  part  de  l'histoire  au  profit  de  h 
légende. 

Cette  réserve  faite,  nous  reconnaissons  qu'en  règle  générale  nos  appré^ 
dations  sont  d'accord  avec  les  siennes  :  nous  avons  été  très  heureux  del 
lire  dans  son  ouvrage  nos  propres  pensées  sur  l'enfance  de  Jeanne  :  selonj 
nous,  il  a  fort  bien  expliqué  comment  l'idée  d'une  mission  à  remplir 
germé  et  grandi  en  son  âme.  Nous  ne  nous  séparons  de  lui  que  sur  quel-| 
ques  points  secondaires  :  nous  pensons  qu'il  a  été  beaucoup  trop  indul- 
geHt  pour  Pierre  Cauchon.  11  ressort  de  son  récit  même  que  l'intérêt 
seul  guide  l'ancien  évêque  de  Beauvais.  11  ne  cherche  qu'à  plaire  au  duc 
de  Bourgogne  et  aux  Anglais,  par  ambition  personnelle.  Pour  un  motif 
aussi  bas,  il  avait  jadis  justifié  au  concile  de  Constance  le  meurtre  de 
Louis  d'Orléans. 

En  dépit  du  soin  avec  lequel  le  livre  a  été  fait,  l'auteur  a  laissé  échap-^^ 
per  des  erreurs.  Nous  avons  contrôlé  toutes  les  assertions  des  deux  pre- 
miers chapitres  et  nous  relevons  les  inexactitudes  suivantes.  P.  2,  il  faut| 
lire  Philippe  VI  au  lieu  de  Philippe  IV.  Le  jugement  porté  sur  le  coui 
nétable  de  Richemond,  p.  14  et  ss.,  doit  être  corrigé  à  l'aide  du  livra 
de  M.  Goi>neau  que  M.  M.  ne  connaît  pas.  P.  17,  la  comparaison  entr^ 
le  Brandebourg  et  la  Bourgogne  me  paraît  mauvaise,  en  tous  cas  bien! 
inutile.  P.  22,  il  est  dit  :  «  En  1419,   une  partie  de  Domrémy  qui  ap- 
partenait jusqu'à  présent  aux  ducs  de  Bar,  suzerain  de  la  France,  futf 
unie  au  daché  de  Lorraine,  par  suite  à  Tempire  d'Allemagne.  »  Le  fait 


I 


d'histoire  et  de  littérature  io3 

nous  paraît  faux;  en  1419,  le  cardinal  de  Bar  fait  donation  du  duché 
de  Bar  à  son  petit-neveu  René  d'Anjou  et  celui-ci  fut  fiancé  à  Isabelle, 
héritière  de  la  Lorraine;  mais  René  n'entrera  en  possession  de  la  Lor- 
raine que  beaucoup  plus  tard.  La  question  de  la  nationalité  de  Jeanne 
d'Arc  n'est  pas  bien  comprise,  p.  24.  P.  3i,  il  est  question  du  a  tribunal 
archiépiscopal  de  Toul  ».  Il  n'y  a  jamais  eu  d'archevêque  en  cette  ville. 

Le  dernier  chapitre,  intitulé  :  Jeanne  d'Arc  au  cours  des  siècles  est 
intéressant.  Mais  à  notre  avis  l'auteur  a  voulu  trop  rafîiner.  Son  juge- 
ment sur  la  Pucelle  de  Chapelain  est,  somme  toute,  exact;  mais  pour- 
quoi attribuer  à  l'auteur  de  cet  ennuyeux  poème  des  desseins  politiques? 
Le  plan  en  aurait  été  conçu  en  1625,  et  Richelieu  aurait  voulu  se  servir 
de  cette  œuvre  pour  éveiller  contre  les  Anglais,  qui  secouraient  la  Ro- 
chelle, Tanimosité  des  Français  !  Je  pense  aussi  que  dans  cette  revue 
Michelet  méritait  mieux  qu''une  mention.  M.  M.  explique  d'ailleurs  assez 
bien  comment  Jeanne  d'Arc  est  revendiquée  de  nos  jours  par  le  parti 
catholique  et  comment  nos  désastres  de  1870  lui  ont  valu  en  France  de 
chauds  partisans,  souvent  assez  peu  au  courant  de  l'histoire. 

En  somme,  M.  M.  a  beaucoup  travaillé  son  sujet;  il  a  suivi  une  bonne 
méthode  ;  il  a  l'esprit  critique  éveillé,  le  jugement  d'ordinaire  sain  ;  mais, 
peut-être  pour  comprendre  Jeanne  d'Arc,  pour  nous  la  rendre  bien  vi- 
vante, faut-il  plus  que  de  la  conscience,  plus  que  l'habitude  de  manier 
les  textes  historiques,  plus  que  du  bon  sens.  Ces  qualités  supérieures, 
M.  Mahrenholtz  ne  les  a  pas  et  voilà  pourquoi  son  livre  n'est  qu'un  li- 
vre fort  estimable. 

Ch.  Pfister. 


367.     —     A. -F.      Pribram.       Oestereeiiisclie      Vermittelungs-Politik     im 
Poliiiscli-ru»!>Ie«cheii  KiMege  ie£S.4-]6UO.  Vienne,  1889,  66  p.  in-8 

Les  dépêches  de  Lisola,  précédemment  publiées  par  M.  Pribram, 
avaient  jeté  un  jour  peu  favorable  sur  l'action  de  l'Autriche  dans  les 
affaires  du  Nord,  pendant  la  guerre  de  1654  à  1660,  qui  se  termina  par 
la  paix  d'Oliva,  Elles  avaient  révélé  que  l'Autriche  pratiqua  une  poli- 
tique d'intervention  sans  énergie,  sans  honneur  et  sans  profit.  M.  P.  exa- 
mine celte  politique  à  la  lumière  de  documents  nouveaux  qui  complè- 
tent les  relations  de  Lisola,  mais  n'infirment  pas  le  jugement  qui  s'en 
dégage. 

Dés  que  la  Pologne  devint  le  champ  clos  des  intrigues  et  des  ambi- 
tions étrangères,  la  maison  d'Habsbourg  se  préoccupa  d'y  empêcher  l'é- 
tablissement de  toute  dynastie  ou  influence  qui  pût  la  menacer.  Au 
milieu  du  xvii"  siècle,  Français,  Suédois,  Moscovites  l'inquiétaient  éga- 
I  lement.  Engagée  trop  à  fond  contre  les  deux  premières  puissances,  elle 
tenta  de  leur  opposer  le  grand  duc  de  Moscou,  Alexis.  Mais  ce  prince 
méditait  l'annexion  entière  et  la  confiscation  de  la  couronne  polo- 
naise. Il  était  malaisé  de  le  réconcilier  avec  les  Polonais.  La  cour  de 


104  REVUE    CRITIQUE 

Vienne  proposa  sa  médiation  avec  l'arrière-pensée  de  garantir  Pintégrité 
comme  l'indépendance  de  la  Pologne. 

C'est  sur  ce  thème  que  s'engagea  une  négociation  dont  le  plus  sail- 
lant épisode  est  la  conférence  de  Wilna  (i656).  Les  Autrichiens  y  jouè- 
rent un  rôle  peu  glorieux.  Leur  protégé  Jean  Casimir  dut  signer  un 
traité  qui  assurait  au  czar  l'hérédité,  c'est-à-dire  la  perpétuité  de  la 
royauté  polonaise.  Cet  échec  ne  les  dégoûta  pas  d'une  nouvelle  offre 
d'interposition,  quand  la  non-exécution  de  ce  pacte  provoqua  un  nou- 
veau conflit  :  les  Russes  la  rebutèrent  grossièrement;  les  Polonais,  à 
l'instigation  du  parti  français,  la  déclinèrent  avec  autant  d'ingratitude 
que  de  politesse. 

L'Autriche  voulut  prendre  sa  revanche  du  traité  d'Oliva  en  rappro- 
chant la  Pologne  et  la  Moscovie  :  ces  deux  États,  sous  la  pression  du 
péril  turc,  sentaient  la  nécessité  d'un  accord,  mais  ils  exclurent  sans 
façon  l'Autriche  de  la  transaction  dont  l'armistice  d'Andrussow  fut  le 
début  (janvier  i65j]. 

M.  Pribram  condamne  les  tergiversations  de  la  cour  de  Vienne,  lui 
reproche  de  n'avoir  su  comprendre  ni  seconder  les  combinaisons  parfois 
trop  subtiles  de  Lisola,  et  conclut  avec  justesse  que  le  prestige  de  l'em- 
pereur était  amoindri  à  l'orient  comme  à  l'occident  de  l'Europe.  Son 
récit  suggère  une  autre  réflexion  que  l'auteur,  en  bon  autrichien,  a  sans 
doute  gardée  pour  lui.  C'est  que  la  diplomatie  russe  déploie  sur  celle  de 
l'Autriche  une  éclatante  supériorité  :  non  seulement  le  czar  traite  de 
pair  à  pair  avec  le  César  germanique,  mais  ses  envoyés  à  demi  barbares 
traitent  de  haut,  dans  toutes  les  rencontres,  les  ministres  impériaux. 
L'Autriche  a  de  longue  date  appris  l'humilité. 

B.    AUERBACH. 


369.  —  Curîosîtà  Slorîco-letterarîe  del  Secolo  XVII.  Due  famose  Maza- 
rinades  studio  di  Giacomo  Bobbio.  Roma,  unione  cooperativa  éditrice,  1890, 
in-8  de  79  p. 

M.  Bobbio  a  eu  la  main  heureuse  en  choisissant,  pour  en  donner  une 
élégante  traduction  et  une  non  moins  élégante  réimpression,  deux  piè- 
ces aussi  intéressantes  que  la  foule  des  esprits  revenus  à  Saint-  Gennain 
(lafola  degli  spiriti  riapparsi  in  San-Germano)  et  que  la  plainte  des 
pauvres  contre  le  cardinal  Ma:{arin  {La  querela  dei  poveri  contra  il 
cardinale  Maiariiio).  Chaque  mazarinade  est  précédée  d'une  notice  '1 
explicative  et  suivie  de  notes  courtes  et  excellentes.  L'éditeur  n'ignore 
rien  de  l'histoire  des  événements  et  des  personnages  mentionnés  dans 
les  deux  livrets  qui  furent  certainement  au  nombre  des  plus  piquantes 
publications  fugitives  de  l'année  1649.  Sur  Mazarin,  sur  Anne  d'Autri- 
che, sur  Louis  XIII,  sur  Gaston  d'Orléans,  sur  le  prince  et  la  princesse 
de  Condé,  sur  M""  de  Montpensier,  sur  Charles,  maréchal  de  la  Meille- 


d'histoire  et  de  littérature  io5 

raye,  Armand,  duc  de  la  Meilleraye,  sur  le  comte  de  Guiche  ',  etc., 
M.  Bobbio  dit  tout  ce  qu'il  faut  en  quelques  mots.  Sa  plaquette,  où  les 
lettres  ornées,  les  fleurons,  les  vignettes  sont  d'une  grâce  exquise  2,  mé- 
rite le  meilleur  accueil  tant  auprès  des  bibliophiles  français  que  des  bi- 
bliophiles italiens. 

T.  DE  L. 

370. —  Bertana  (Emilio;.  L'Arcadîa  della  Scienza.  Castone  délia  Torre  di 
Rezzonico.  (Studî  sulla  letteraiura  del  secolo  XVIII).  Un  vol.  in-S,  23o  pp.  Parme, 
Luigi  Battei.  Prix  :  3  f  r. 

Ces  deux  études  n'intéressent  pas  seulement  l'histoire  littéraire,  mais 
aussi  l'histoire  sociale  et  psychologique  de  Tltalie  au  xviii^  siècle.  Dans 
la  première,  M .  Bertana  examine  les  rapports  de  la  science  et  de  la  poésie 
dans  la  péninsule  et  les  œuvres  produites  par  la  poesia  dotta,  aujour- 
d'hui si  oubliée  et  qui  excita  alors  tant  d'espérances  et  d'admiration.  Il 
fait  une  revue  très  complète  des  diverses  œuvres  poétiques  à  base  de 
science  :  on  allait  jusqu'à  composer  en  hommage  de  noces  un  poème  sur 
les  lentilles  optiques  ou  sur  l'origine  des  fontaines,  ou  un  poème  sur 
le  système  cartésien  pour  une  prise  de  voile.  Un  chapitre  spécial  est  con- 
sacré aux  poèmes  didactiques, —  laFz^ne,  de  Pelizzari,la  Culture  dur  i:{, 
de  Spolverini,  cinq  Saisons  de  RoUi,  Frugoni,  Gherardelli,  Vicini,  Bar- 
bieri,—  parmi  lesquels  la  palme  revient  àCalbi,  pour  sa  Filosofia  esposta 
in  sonetti.  L'ambition  de  laisser  un  grand  poème  philosophique  travailla 
ce  siècle  depuis  le  poème  en  cent  chants  de  Maffei  jusqu'à  Ylnvito  a 
Lesbia  Cidonia  de  Mascheroni  ;  elle  inspira  le  Pregiudi:[io  de  Bvoa,no\\, 
la Plurità  dei  mondi de  Cassola,  le  Sistemadeicieli  de  Rezzonico.  Après 
la  revue  de  tant  d'œuvres  dont  une  seule  a  survécu,  Vbivito  a  Lesbia  Ci' 
donia,  on  comprend  la  conclusion  de  l'auteur  :  «  L'action  indirecte  delà 
science  sur  la  poésie,  comme  sur  le  reste  de  la  vie  intellectuelle  et  civile, 
fut  profonde  et  bienfaisante.  Mais  qu'a  donné  la  science  directement 
transportée  dans  la  poésie?  Rien.  » 

Dans  la  seconde  étude,  M.  B,  trace  un  portrait  bien  vivant  de  l'un  de 
ces  savants  poètes,  Rezzonico,  «  incarnation  caractéristique  de  ce  patri- 
ciat  du  xviii«  siècle,  dans  lequel  finissait  de  se  dissoudre^  non  sans  quel- 
ques symptômes  d'une  prochaine  renaissance,  la  décrépite  société  ita- 
lienne. »  La  vie  de  Rezzonico  à  Parme  pendant  la  Révolution  française 
est  particulièrement  intéressante. 

L.  G.  P. 

1.  M.  B.  donne  à  tort  deux  m  au  nom  du  futur  maréchal  de  Gramont,  lequel,  ainsi 
que  ses  aïeux  et  ses  descendants,  écrivait  son  nom  comme  je  viens  de  l'écrire.  Le  pé- 
ché est  si  petit  que  ce  ne  serait  pas  la  peine  de  le  relever,  si  l'on  avait  une  obser- 
vation plus  sérieuse  à  soumettre  au  soigneux  éditeur. 

2.  Indiquons  particulièrement  deux  portraits  de  Mazarin,  l'un,  en  tête  de  la  pla- 
quette (gravure  représentant  le  cardinal  racontant,  devant  des  hommes  et  femmes  du 
monde  assis  sous  les  beaux  arbres  d'un  grand  parc,  l'historiette  des  esprits  revenus  à 
Saint-Germainj,  l'autre  à  la  fin  (p.  76,  en  cul-de-lampe). 


I06  REVUE    CfUTlQOh 

371.  —  l.c  Moréclial  Itantlon,   par  A.  Rastoul.  (Paris,  Didot,  1890,  in-12   de 
(ui-401)  p.,  avec  portrait). 

a  Cette  étude  est,  avant  tout,  une  œuvre  de  réparation  »,  nous  dit 
Tauteur,  dès  la  première  ligne  ;  plus  d'un  lecteur  dira  :  c'est  un  pané- 
gyrique. On  a  cherché  à  y  démontrer  que  le  maréchal  Randon  fut  un 
bon  général  en  chef,  un  très  bon  gouverneur  de  l'Algérie,  un  excellent 
ministre  de  la  guerre;  qu'il  eut  toutes  les  vertus  publiques  et  privées, 
et  que,  si  ses  avis  eussent  été  écoutés,  les  désastres  de  1870  eussent  été 
épargnés  à  la  France.  S'il  en  était  ainsi,  il  aurait  été  jugé  bien  inique- 
ment par  ses  contemporains,  par  la  plupart  de  ses  chefs,  et  par  la  grande 
majorité  de  ceux  qui  ont  servi  sous  ses  ordres.  Bugeaud  écrivait  en  le 
désignant  :  //  ne  peut  rendre  aucun  service  à  la  têle  des  troupes,  parce 

quelles  n'ont  aucune  confiance  en  lui Ce  n'est  pas  un  homme  de 

guerre  '.  Telle  était  l'opinion  de  Saint  Arnaud  qui  ne  consentit  jamais 
à  lui  rien  laisser  entreprendre  d'important;  de  Baraguey  d'Hilliers,  qui 
le  nota  en  quelques  lignes  d'une  concision  draconienne;  de  Pélissier, 
qui  ne  perdit  jamais  une  occasion  de  le  cribler  de  ses  traits  les  plus 
acérés  -.  Et  les  quatre  maréchaux  de  France  desquels  je  viens  de  parler 
le  connaissaient  bien,  Payant  eu  longtemps  sous  leurs  ordres,  ou  à  leurs 
côtés. 

Cela  dit,  il  convient  d'ajouter  que  cette  biographie  est  exacte,  en  ce 
qui  concerne  les  faits  qui  y  sont  relatés;  nous  ne  trouvons  à  redire  qu'à 
leur  interprétation,  qui  nous  semble  quelque  peu  faussée  par  le  parti-' 
pris  de  l'admiration.  M.  R.  loue  son  héros  de  sa  conduite  au  moment 
du  retour  de  l'île  d'Elbe  ;  nous  estimons  que,  ce  jour-là,  il  mérita  toutes 
les  rigueurs  de  la  justice  militaire,  qui  ne  lui  furent  épargnées,  du  reste, 
que  parce  qu'il  aurait  fallu  punir  trop  de  monde  ^  Mais  le  gouverne- 
ment royal  savait  à  quoi  s'en  tenir,  et  le  laissa  passer  quinze  ans  dans 
le  même  grade.  Après  la  révolution  de  i830j  il  se  fit  un  mérite  de  cette 
disgrâce,  et,  en  onze  ans,  échange  les  épaulettes  de  capitaine  contre 
les  étoiles  de  maréchal  de  camp,  sans  que  cet  avancement  extraordinaire 
eût  été  justifié  par  des  services  éclatants.  Nous  n'avons  pas  à  écrire  ici 
l'histoire  du  maréchal  Randon;  mais  nous  pouvons  éprouver  quelque 

1.  Lettre  adressée  au  maréchal  Soult,  le  20  août  1843. 

2.  On  remplirait  plusieurs  pages   de  ces  boutades;  nous  n'ea   citerons  qu'une  : ^i 
<£  Chose  bizarre  que   les   prénoms!   Randon  s'appelle  Alexandre  César,   et  moi,  je 
m'appelle  Amable!  » 

3.  Que  penser  de  l'aide  de  camp  d'un  général,  qui,  envoyé  par  lui,  et  le  représen-j 
tant  ipso  facto,  assiste  sans  protestation  à  l'embauchage  de  ses  soldats,  à  des  pour- 
parlers avec  des  insurgés,  et  se  contente  de  prendre  la  fuite  au  moment  final,  sans 
avoir  même  tenté  une  démonstration  vigoureuse,  laquelle  eût  très  certainement 
rallié  la  plus  grande  partie  des  hommes,  qui,  bien  que  sollicités  depuis  plus  de  vingt- 
quatre  heures,  n'avaient  pas  encore  fait  défection  !  —  «  Il  paraît  constant,  dit-il,  que 
«  j'excitai  le  commandant  Desessait  à  comm.ander  le  feu.  »  —  Cela  ne  nous  paraît 
pas  constant  du  tout;  car,  dans  ce  cas,  Napoléon  n'eût  pas,  quelques  jours  après, 
appelé  à  Paris  le  général  Marchand  et  son  neveu. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  IO7 

surprise  en  voyant  qu'on  lui  fait  un  mérite  de  son  refus  d'aller  à  Rome  ', 
de  sa  conduite  au  Ministère  de  i85i  ^,  de  son  abstention  lors  du  coup 
d'Etat  ^.  Quant  à  la  campagne  de  Kabylie,  nous  réservons  notre  admi- 
ration pour  le  maréchal  Bugeaud,  qui  l'avait  préparée  ^,  en  avait  dressé 
le  plan  dans  tous  ses  détails  ;  son  successeur  ne  fit  qu'appliquer  ce  plan , 
et  encore  le  fit-il  assez  mal;  il  dut  s'y  reprendre  à  trois  fois,  subit  plus 
d'un  échec  grave,  et  le  succès  final  lui  coûta  bien  cher. 

Nous  touchons  maintenant  au  point  le  plus  important.  Le  Maréchal 
a  été  accusé,  et  l'est  encore,  d'avoir,  pendant  son  deuxième  ministère 
(1859-1866),  laissé  l'armée  s'affaiblir  à  un  tel  points  qu'on  ne  put  pas, 
après  Sadowa,  risquer  une  démonstration  sur  le  Rhin.  M.  Rastoul 
s'élève  contre  ces  allégations,  qu'il  qualifie  de  calomnieuses  ;  mais,  en 
fait,  il  ne  prouve  qu'une  chose;  c'est  que  le  ministre  offrit  de  faire  mar- 
cher immédiatement  80,000  hommes,  ci  promettait  à'' tn  réunir  450,000 
en  un  mois  (p.  3oo).  On  se  garde  bien  de  nous  parler  des  approvision- 
nements et  du  matériel  '. 

Bien  des  pages  sont  consacrées  à  la  louange  des  convictions  religieuses 
du  Maréchal,  qui,  tout  protestant  qu'il  était,  fut  un  des  plus  dévoués 
défenseurs  des  droits  de  Pie  IX  (p.  245).  Après  les  dernières  révéla- 
lions  de  M.  Rolhan,  c'est  un  singulier  éloge  à  faire  d'un  homme  d'Etat. 
Peu  de  personnes  partageront  l'avis  de  l'auteur,  non  plus  que  son  admi- 
ration pour  la  création  de  la  légion  d'Antibes,  qui  enlevait  à  la  France 
(en  1866!)  douze  cents  hommes  d'élite.  Enfin,  le  22  décembre  1867, 
âgé  de  plus  de  soixante-treize  ans,  le  Maréchal  abjura  la  religion  pro- 
testante et  se  convertit  au  catholicisme;  ses  ennemis  (et  il  n'en  man- 
quait pas)  crurent  qu'il  cherchait  ainsi  à  s'ouvrir  les  portes  du  conseil  de 
Régence;  d'autres  dirent  qu'il  voulut  avoir,  au  moins  une  fois  dans  sa 
vie,  quelque  chose  de  commun  avec  Turenne. 

H.  D.  DE  Grammont, 


3/2.  —   Ph.  Godet.    Histoire    littéi-aire    de   la    Suisse    Française.    Paris, 
Fischbacher,  1890;  un  vol.  in-8  de  ix-Sbg  p. 

L'auteur  de  ce  livre  n'a  pas  eu  la  prétention  de  faire  une  œuvre  origi- 
nale; dès  la  première  ligne  de  sa  préface,  il  avertit  que  cette  histoire 

1.  Eli  quoi  la  religion  du  Maréchal  l'empéchait-elle  de  commander  le  corps  d'oc- 
cupalion?  Ce  fut  un  pre'texte,  et  rien  de  plus. 

2.  Il  passa  tout  son  temps  à  louvoyer  entre  les  deux  partis. 

3.  Il  n'y  participa  pas;  mais  il  en  profita  largement;  d'ailleurs,  en  pareil  cas,  l'abs- 
tention est  une  adhésion  peu  compromettante. 

4.  Une  grande  partie  du  dossier  (lettres,  etc.)  du  maréchal  Bugeaud  a  été  détour- 
née des  Archives  du  ministère  de  la  guerre.  Quand? 

5.  Quand  on  voit  dans  quel  état  Je  dénuement  nous  trouva  la  guerre  de  1870, 
même  après  les  efforts  qu'avait  faits  le  maréchal  Niel  pour  réparer  le  passé,  il  est 
difficile  de  croire  que  nous  étions,  en  1866,  en  état  d'affronter  une  lutie  semblable  à 
celle  qu'une  simple  démonstration  eût  déchaînée. 


I08  REVUE  CRITIQUE 

«  existait  déjà,  pour  ainsi  dire,  à  l'état  de  chapitres  isolés,  dans  plusieurs 
ouvrages  ;  »  et  il  considère  «  comme  un  devoir  pressant  »  de  rendre  hom- 
mage à  ses  devanciers.  Il  dit  ailleurs,  à  propos  des  emprunts  qu'il  a  faits 
à  tel  ou  tel,  à  M.  Sayous  par  exemple  :  «  Je  pille  trop  pour  pouvoir 
citer  toujours.  »  (P.  i83).  On  voit  par  là  ce  que  peut  être  le  livre  de 
M.  Godet,  une  véritable  mosaïque;  ce  n^en  est  pas  moins  un  manuel 
utile  que  l'on  consultera  avec  fruit,  si  l'on  veut  bien  connaître  l'his- 
toire de  la  littérature  française  à  l'étranger.  Peut-être  semblera-t-il  un 
peu  long  à  ceux  qui  n'étant  pas  nés  Suisses,  ne  tiennent  pas  absolument 
à  a  vivre  de  la  vie  »  des  lettrés  de  Genève,  de  Lausanne,  de  Fribourg  ou 
de  Neufchàtel,  à  étudier  l'un  après  l'autre  les  illustres  inconnus  dont  les 
centaines  de  noms  remplissent  Tindex  alphabétique.  Intéressante  pour 
les  compatriotes  de  M.  G.,  cette  histoire  littéraire  l'est  aussi,  dans  une 
certaine  mesure,  même  pour  le  grand  public  français,  et  les  chapitres  con- 
sacrés à  Calvin,  à  Rousseau,  à  Benjamin  Constant,  à  Mallet  du  Pan, 
aux  collaborateurs  de  Mirabeau,  à  M^^e  de  Staël,  à  Sismondi,  à  Tœpffer 
sont  d^une  lecture  instructive;  on  ne  lira  pas  sans  profit  ce  que  M.  G.  a 
dit  du  xvi^  siècle  et  de  la  Révocation  de  i685  qui  a  fait  tant  de  bien  à 
la  Suisse.  M.  G.  est  même  parfois  autre  chose  qu'un  excellent  secrétaire 
de  rédaction  :  il  sait  juger  les  hommes  et  les  livres  ;  il  ajoute  aux  indica- 
tions sur  M'^e  de  Staël  quelques  documents  inédits. 

M.  G.  critique  (p.  3  19)  les  écrivains  suisses  qui  emploient  des  locu- 
tions comme  «  Mon  but  est  renz^^/f...  Je  ne  me  rappelle  i^e  rien  »;  p.  171 
il  parle  de  »  la  langue  un  peu  roide  des  écrivains  indigènes.  »  La  langue 
de  M.  G.,  elle  aussi,  est  parfois  un  peu  roide,  son  style  ne  laisse  pas 
de  sentir  un  peu  le  réfugié,  et  il  emploie  des  locutions,  des  construc- 
tions qui  dénotent  un  étranger,  par  exemple  :  Un  hymne  latin  (p.  27)  ; 
Un  exode  (p.  45-46^  ;  C'est  un  des  hommes  qui  sait  le  mieux  son  Vinet 
(p.  494,  note);  Retremper  le  français  dans  le  latin  et  dans  le  sérieux  (p. 
96)  etc. 

Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  le  livre  de  M.  Godet  a  été  fait  avec  grand 
soin  et  qu"il  mérite  d'être  consulté,  même  par  les  Français  aux- 
quels il  apprendra  bien  des  choses. 

A.  Gazier. 


373.  —  Ch.  Lebaigue.  La  réforme  ortliograpliîque  et  l'Académie  fran- 
çaise. Deuxième  édition.  Revue  et  augmentée  d'un  Appendice.  Paris,  Delagrave, 
1890,  vii-i36  p.  in-i2. 

J'ai  rendu  compte  de  la  première  édition  dans  la  Revue  dvi  21  octobre 
1889.  Il  y  a  un  an  qu'elle  a  paru,  et  déjà  voici  la  seconde  livrée  au 
public.  11  n'y  a  pas  de  meilleure  preuve  qu'on  n'a  réussi  ni  à  le  dégoû- 
ter de  la  réforme,  ni  à  entortiller  son  jugement. 

La  seconde  édition  diffère  de  la  première  par  un  format  plus  com- 
mode et  par  l'addition  de  quelques  pages,  un  court  préambule  et  un 


d'histoire  et  de  littératurb  109 

Appendice.  Ce  dernier  est  divisé  en  deux  parties  :  1°  Réponse  à 
M.  L.  Havet  (c'est-à-dire  à  l'article  de  la  Revue)  ;  2°  M.  Bréal  et  la 
réforme.  M.  Lebaigue  me  fait  l'honneur  de  discuter  mes  vues  avec 
beaucoup  de  précision  et  de  courtoisie;  je  l'en  remercie  et  je  ne  reviens 
pas  sur  la  discussion;  je  me  bornerai  à  répondre  à  une  question  qu'il 
me  pose.  Dans  telles  phrases,  demande  M.  L.  (il  y  fait  entrer,  par  exem- 
ple, la  locution  vains  discours),  est-il  une  seule  lettre  que  M.  Havet 
consentirait  à  éliminer,  sous  prétexte  qu'elle  ne  correspond  pas  à  la 
prononciation?  «  Non,  sans  doute.  »  Cette  réponse  n'est  pas  la  mienne. 
Non  seulement  je  consens  à  ce  qu'on  élimine  Va  inutile  de  vains  (tout 
de  suite  si  l'on  veut),  mais  je  désire  qu'on  le  fasse  un  jour.  Il  y  a  des 
réformes  plus  pressées,  et  j'aime  mieux  les  voir  passer  d'abord.  Mais 
quand  le  moment  sera  venu  d'ôter  l'a  non  latin  de  vaincre  =  uincere, 
je  crois  qu'il  sera  temps  aussi  d'ôter  Va  latin  de  vain  =  iianus.  L'  «  éty- 
mologie  »  continue  de  compter  à  mes  yeux  pour  zéro.  Ce  n'est  pas 
l'étymologie  qui  indique  sur  quels  points  les  novateurs  doivent  être 
patients,  c'est  l'ordre  pratique  de  la  besogne.  Cela  dit,  je  suis  heureux 
de  dire  à  M.  L.  que  je  respecterais  en  effet,  quant  à  présent,  la  plupart 
des  mots  qu'il  cite  (je  voudrais  seulement  qu'on  adoptât  sans  retard  aus 
pour  azix,  èles  pour  elles,  home  pour  homme).  Et  je  me  félicite  de  voir 
que,  de  son  côté,  il  est  tout  prêt  à  faire  des  concessions  sur  l'emploi  de 
certains  signes  diacritiques. 

Au  fond,  les  divergences  entre  mon  savant  contradicteur  et  moi  sont 
toutes  d'ordre  théorique.  Pour  ce  qui  est  à  faire  actuellement,  il  y  a 
accord  parfait  quant  à  la  mesure  et  quant  à  la  plupart  des  détails.  Et  si 
M.  Lebaigue  était  nommé,  par  l'Etat  ou  par  l'Académie,  dictator 
orthographiae  constitiiendae,  je  serais  des  plus  chauds  à  applaudir 
d'avance  à  toutes  ses  décisions. 

Louis  Havet. 


CHRONIQUE 


ALSACE.  —  Le  cinquième  centenaire  du  Pfeiffevtag  de  Ribeauvillé  sera  prochai- 
nement célébré  par  la  représentation  d'une  pièce  en  vers  intitulée  Die  Pfeiferbruder. 
Les  rôles  seront  remplis  par  la  jeunesse  du  lieu,  costumée  comme  au  xv^  siècle.  L'au- 
teur de  la  pièce,  M.  le  D' Jahn,  a  placé  l'action  à  l'époque  où  venait  de  se  former  la 
corporation  des  Pfeifer,  c'est-à  dire  dans  la  plus  belle  période  de  l'histoire  des  Ri- 
beaupierre.  11  évoque  assez  habilement  le  passé,  au  moyen  d'une  intrigue  qui  excite 
suffisamment  l'iniérêt  :  il  imagine  qu'un  jeune  gentilhomme,  enlevé  en  son  bas-âge 
par  des  bohémiens  et  vendu  à  un  charlatan,  est  reconnu  plus  tard  à  Ribeauvillé 
par  son  frère  aîné  qui,  pour  retrouver  plus  sûrement  l'enfant  perdu,  a  revêtu  l'habit 
de  ménétrier  et  parcourt  le  pays  sous  ce  déguisement. 


T  10  REVUE   CRITIQUE 

ALLEMAGNE.— On  annonce  la  publication  d'un  Kriiischer  Jahvesbericht  ûber  die 
Fortscliriite  der  romanischen  Philologie.  CcJahicsbericht  qui  offrira  un  tableau  d'en- 
semble de  toutes  les  œuvres  qui  se  seront  produites  sur  le  domaine  des  langues  et 
littératures  romanes,  sera  publié  par  M.  Vollmœller,  professeur  de  philologie  ro- 
mane à  rUniversité  de  Gœttingue,  et  «  rédigé  »  par  M.  R.  Otto,  de  Munich.  (Mu- 
nich et  Leipzig,  Oldenbourg).  Il  paraîtra  chaque  année  en  six  fascicules  qui  seront 
accompagnés  d'un  An^eigeblatt  ou  bibliographie.  On  est  prié  d'envoyer  un  exem- 
plaire de  tout  ouvrage  qui  rentre  dans  le  cadre  du  Jahresbenchi,  à  M.  Otto,  Munich, 
Gabelsbergerstrasse,  55, 

—  Nous  apprenons  la  mort  d'Emile  Heitz,  professeur  de  philologie  classique  à 
l'Université  de  Strasbourg,  décédé  dans  sa  65'  année,  et  de  Gottfried  Keller,  «  le 
grand  Zurichois,  dit  la  Deutsche  Litlcratuv^eitung,  en  qui  les  pays  de  langue  alle- 
mande ont  perdu  leur  poète  le  plus  original  »  (lO  juillet). 

ANGLETERRE.  —  M.  Joseph  Jacobs  qui  vient  de  publier  les  Fables  de  Bidpai  et 
VEsope  de  Caxton,  va  réimprimer  le  Palace  of  pleasure  de  W.  Pointer  (i567),  qui 
renferme  la  traduction  de  plus  de  cent  nouvelles  italiennes.  C'est  dans  ce  volume  que 
les  dramaturges  anglais,  Shakspeare,  Massinger,  etc.,  ont  puisé  le  sujet  d'un  grand 
nombre  de  leurs  pièces.  M.  Jacobs  reproduit  le  texte  de  la  deuxième  édition  qui  est 
plus  complet.  La  publication  formera  i,5oo  pages  en  trois  volumes  (chez David  Nutt, 
5oo  exemplaires). 

—  On  annonce,  pour  paraître  prochainement  dans  la  collection  des  c<  Great  Wri- 
ters»,une  étude  de  M.  Moncure  D.  Conway  sut  Naihaniel  Hawthomc. 

—  L'English  Dialect  Society  fera  paraître  bientôt  un  Glossary  of  words  in  use  in 
ihe  county  of  Gloucester,  par  M.  J.  D.  Robertson  et  un  ouvrage  de  M.  Alex.  Ellis, 
English  dialects,  their  homes  and  sounds. 

HONGRIE.—  M.  E.  Finaczv,  attaché  au  ministère  de  l'instruction  publique,  vient 
de  publier  un  volume  sur  V Enseignement  secondaire  en  France  (265  p.).  Après 
avoir  visité  à  deux  reprises  quelques  lycées  de  Paris,  et  lu  à  peu  près  tout  ce  qu'on 
a  écrit  dernièrement  sur  l'organisation  et  les  réformes  de  notre  enseignement  se- 
condaire, M.  Finâczy,  avec  une  hâte  fébrile,  a  déposé  dans  ce  volume  le  fruit  de  ses 
expériences  et  de  ses  lectures  La  partie  historique  n'a  rien  d'original;  elle  embrasse 
l'époque  de  Charlemagne  jusqu'à  i^id.  La  deuxième  partie  sur  l'organisation  actuelle 
des  lycées  montre  que  l'auteur  a  souvent  bien  vu,  mais  comme  tous  les  visiteurs,  il 
s'attache  plutôt  à  des  formalités  extérieures  qu'à  l'esprit  de  l'enseignement.  On  voit 
partout  l'étranger  habitué  aux  externats,  guidé  dans  ses  excursions  par  un  membre 
de  l'enseignement  libre;  quoi  de  plus  naturel  dans  ces  conditions,  que  de  s'élever 
contre  l'internat,  le  baccalauréat,  le  concours  général  et  l'installation  de  quelques 
établissements:  Mais  en  général  l'éloge  l'emporte  sur  la  critique. 

—  M.  SiMONYï,  après  avoir  publié  ses  deux  grandes  monographies  sur  les  Conjonc- 
tions et  sur  les  Adverbes  hongrois,  vient  de  publier  deux  volumes  de  Causeries  sur 
la  langue  hongroise  (pp.  3oi  et  362).  Il  y  expose  au  grand  public  les  résultats  obte- 
nus par  les  philologues  de  ce  siècle,  en  les  appliquant  à  l'idiome  hongrois.  L'ori- 
gine, les  influences  étrangères,  les  monuments  linguistiques,  la  langue  littéraire  el  \e 
patois  forment  autant  de  chapitres  curieux  et  qui  montrent  la  grande  compétence 
de  l'auteur. 

—  La  langue  turque,  représentée  à  l'Université  de  Budapest,  par  le  célèbre  voyageur 
Vâmbéry,  a  trouvé  en  M.  Kunos  un  fervent  adepte.  Il  vient  de  publier  les  Chants 
populaires  turcs  en  deux  volumes  (328  et  422  p.)  et  un  volume  de  Contes  turcs  (202  p.), 
recueillis  par  lui  pendant  son   voyage  en  Turquie. 


d'hJSTOIRE    et    DB    LirrÉRATURB  III 

—  M.  Pecz,  privat-doceiit,  à  rUniveisité,  a  fait  paraître  ie  premier  volume  de  ses 
Études  sur  les  tragiques  grecs.  Ce  volume  embrasse  l'histoire  géne'rale  de  la  tragé- 
die. M.  Pecz  a  utilisé  tous  les  travaux  français  et  allemands  sur  le  sujet. 

—  Signalons  enfin  deux  études  sur  la  littérature  française;  celle  de  M.  Banfi,  cor- 
respondant du  Figaro,  sur  Alceste  et  la  Misanthropie  (-jb  p.),  étude  esthétique  inté- 
ressante, et  celle  de  M.  Hauaszti  sur  La  poésie  d'André  Chénier  (162  p.),  publiée 
dans  les  Mémoires  de  l'Académie  hongroise. 

ITALIE.  —  M.  Arturo  Graf,  professeur  à  l'Université  de  Turin,  vient  de  réimpri- 
mer chez  Loescher  (Turin,  i8go,  in-S^de  292  p.),  son  recueil  de  vers  intitulé  Mé- 
dusa, qui  en  est  déjà  à  sa  Si^  édition  et  se  présente  aujourd'hui  augmenté  d'un  troi- 
sième livre. 

—  On  doit  signaler  la  tentative  d'un  jeune  érudit,  M.  Mario  Menghini,  attaché  au 
ministère  de  l'instruction  publique,  à  Rome,  qui  s'est  proposé  de  reproduire  les  an- 
ciennes impressions  de  poèmes  populaires  conservés,  quelquefois  à  un  unique  exem- 
plaire, dans  les  bibliothèques  italiennes.  Le  premier  fascicule,  très  bien  imprimé, 
in-80,  et  reproduisant  page  par  page  le  texte  original,  contient  deux  plaquettes  tirées 
de  VAlessandrina  de  Rome.  Cette  collection,  qui  coûtera  seulement  i  franc  par  fas- 
cicule, a  pour  titre:  Can:{oni  anticlie'del popolo  italiano  et  complétera  la  revue  ré- 
cemment fondée  par  le  même  éditeur,  la  Rassegnadi  litteratura  popolare  e  dialettale. 


ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  i^''  août  18 go. 

M.  Fierlinger,  professeur  à  Olmûtz,  avait  adressé  à  lAcadémie  la  photographie  de 
deux  pages  d'un  livre  imprimé,  si  l'on  en  croit  la  mention  finale,  à  Venise  en  1414. 
M .  le  Secrétaire  perpétuel  communique  une  note  de  M.  Delisle,  qui,  après  examen  des 
photographies,  a  reconnu  qu'il  s'agit  d'un  livre  imprimé  en  1514.  Le  chiffre  1414 
n'est  qu'une  faute  d'impression.  On  possède  d'autres  ouvrages  qui  portent  le  nom 
du  même  imprimeur,  avec  la  date  de  i5i4. 

M.  Deloche  termine  sa  lecture  sur  le  jour  civil  en  Gaule.  Au  calcul  légal  des  délais  . 
par  nuits,  usité  depuis  la  conquête  franque,  on  voit  sesubstituer,  à  partir  du  xiu"  siècle, 
selon  les  régions,  deux  modes  nouveaux  de  supputation  :  le  calcul  par  jours  et  le 
calcul  par  jours  et  nuits.  Le  premier  ne  tarda  pas  à  prévaloir  et  est  seul  resté  en  usage 
jusqu'à  aujourd'hui.  C'est  à  tort  que  des  historiens  du  droit  français  ont  professé 
que  la  numération  par  nuits  avait  persisté  d'une  manière  générale  jusqu'en  1789. 

M.  Edmond  Le  Blant  communique  une  inscription  latine  chrétienne,  qui  lui  paraît 
remonter  au  vi*  siècle,  et  qui  a  été  découverte  à  Andance  (Ardèche).  Elle  est  ainsi 
conçue  : 

HIC  TITVLVS  TEGET  DIAC 

EMILIVM  QVEM  FVNERE 

DVRO  EV  NIMIVM  CELERE 

RAF  VIT  MORS  IMPIA  CVRSV 

XXXVIII  ETATIS  SVE  ANNO  MGR 

TEM  PERDEDIT  VITAM  liNVE 

NIT  QVIA  AUCTOREM  VI 

TE  SOLVM  t  DILEXIT 

On  reconnaît  au  commencement  de  ce  texte  deux  vers  défigurés  : 

Hic  titulus  tegit  Aemilium,  quem  funere  dura, 
Heu!  nimium  céleri  rapuit  mors  impia  cursu. 

Le  graveur  de  l'inscription  a  maladroitement  ajouté,  devant  le  mot  Aemilium,  le 
mot  diaconum,  qui  fausse  le  vers.  M.  Le  Blant  signale,  dans  les  inscriptions  de  l'an- 
tiquité chrétienne  qui  nous  sont  parvenues,  un  grand  nombre  d'exemples  de  fautes 
Semblables.  H  indique  aussi  des  textes  où  est  exprimée  une  pensée  analogue  à  celle 
qu'on  remarque  dans  les  lignes  de  l'inscription  :  mortem  perdidit,  vitam  inveuit. 

M.  Salomon  Reinach  communique  une  inscription  grecque,  découverte  à  Magnésie- 
du-Méandre,  par  M.  D.  Baltazzi.  C'est  un  récit,  historique  ou  légendaire,  des  origines 
du  culte  de  Dionysius  ou  Bacchus  à  Magnésie.  Un  coup  de  vent  ayant,  dit  le  texte, 


I  I  2  REVUE    CRITIQUE   d'hISTOIRE    ET   DE   LITTÉRATURE 

fendu  un  platane  auprès  de  la  ville,  on  trouva  une  image  de  Bacchus  à  l'intérieur  de 
l'arbre.  Les  habitants  de  Magntisie,  qui  entretenaient  des  rapports  suivis  avec  le 
sanctuaire  de  Delphes,  envoyèrent  une  députation  pour  la  consulter.  La  Pythie  ren- 
dit un  oracle,  en  quatorze  vers  hexamètres,  que  l'inscription  nous  a  conseivés  :  elle 
ordonna  aux  Magnètes  d'élever  un  temple  à  Bacchus  et  de  s'adresser  à  Thèbes  pour 
recruter  les  prêtresses  du  nouveau  culte.  Les  ambassadeurs  ramenèrent  trois  prê- 
tresses ou  ménades  thébaines,  Cosco,  Boubo  et  Thettaié,  qui  organisèrent  à  Magné- 
sie trois  thiases  ou  collèges  dionysiaques.  Après  leur  mort,  elles  furent  l'objet  d'hon- 
neurs publics  et  reçurent  la  sépulture  sur  trois  points  différents  du  territoire  de 
Magnésie,  que  l'inscription  désigne  par  leurs  noms  ;  l'une  d'entre  elles  fut  enterrée 
auprès  du  théâtre. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  de  Barthélémy  :  Baye  (le  baron  J.  de),  Note  sur 
quelques  antiquités  découvertes  en  Suède  (extrait  des  Mémoires  de  la  Société  natio- 
nale des  antiquaires  de  France);  —  par  M.  de  Boislisle  :  .Mever  (Paul),  Discours 
prononcé  à  l'assemblée  générale  de  la  Société  de  l'histoire  de  France. 

Julien  Havet, 


LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE  CRITIQUE 


D'Arbois  de  Jubainvillb,  Recherches  sur  l'origine  de  la  propriété  foncière  et  des 
noms  de  lieux  habités  en  France  (période  celtique  et  période  romaine).  Paris, 
Thorin.  —  Aulard,  Mémoires  secrets  de  Fourmer  l'Américain  publiés  pour  la  pre- 
mière fois  d'après  le  manuscrit  des  Archives  nationales  avec  introduction  et  notes. 
Paris,  Charavay.  —  Lady  Blennerhassett,  née  comtesse  de  Leyden,  Madame  de  staël 
et  son  temps,  1766-1817,  avec  des  documents  inédits,  portrait  d'après  Gérard, 
ouvrage  traduit  de  l'allemand  par  Auguste  DiEXRrcH.  Trois  volumes,  Paris,  Westhaus- 
ser.  —  Souvenirs  de  la  comtesse  de  La  Bouëre,  La  guerre  de  la  Vendée,  1793-1796, 
mémoires  inédits  publiés  pour  la  première  fois  par  M^^s  la  comtesse  de  La  Bouëre, 
belle-fille  de  l'auteur,  préface  par  le  marquis  Costa  de  Beauregard.  Paris,  Pion.  — 
Costa  de  Beauregard  imarquis),  Epilogue  d'un  règne.  Milan,  Novare  et  Oporto.  Les 
dernières  années  du  roi  Charles-Albert.  Pans,  Pion.  —  A  et  M.  Croiset,  Histoire 
de  la  littérature  grecque.  Alfred  Croiset,  Tome  second.  Lyrisme,  premiers  prosateurs, 
Hérodote.  Paris,  Thorin.  —  Dejob,  Madame  de  Staël  et  l'Italie,  avec  une  bibliogra- 
phie de  l'intluence  française  en  Italie,  de  1796  à  1S14.  Paris,  Colin.  — Deloume,  Les 
manieurs  d'argent  à  Rome,  ',es  grandes  compagnies  par  actions,  le  marché,  puissance 
des  publicains  et  des  banquiers  jusqu'à  l'Empire.  Paris,  Thorin.  —  Des  Granges, 
Bossuet,  sermon  sur  l'ambition,  étude  critique  littéraire  et  morale.  Paris,  Croville- 
Morand.  —  Diei*l,  Excursions  archéologiques  en  Grèce,  Paris.  Colin.  —  Du  Boys, 
Deux  correspondants  limousins  de  Baluze,  lettres  inédites  de  Pradilhon  de  Sainte- 
Anne  et  de  M.  du  Veidier,  1692-1695.  Limoges,  Ducourtieux.  — Dumont,  Dépopu- 
lation et  civilisation.  Paris.  Afcan.  —  Firmery,  Goethe  (classiques  populaires  édités 
par  Lecène  et  Oudin).  —  Fustel  de  Coulanges,  Histoire  des  institutions  politiques 
de  l'ancienne  France.  Les  origines  du  système  féodal.  Le  bénéfice  et  le  patronat  pen- 
dant l'époque  mérovingienne.  Ouvrage  revu  et  complété  d'après  le  manuscrit  et  lesj 
notes  de  l'auteur,  par  Cam  Jullian.  Pans,  Hachette.  —  GaChard,  Etudes  et  notices! 
historiques  concernant  l'histoire  des  Pays-Bas.  Trois  volumes.  Bruxelles,  Hayez.  — I 
Guillaume,  Pestalozzi,  étude  biographique.  — Jean  (R.  P.  Auguste),  Le  Maduré.  La] 
nouvelle  mission.  — Joguet-Tissot,  Les  armées  allemandes  sous  Pans.  Paris,  Perrin.J 
—  Le  GoFFic,  Les  romanciers  d'aujourd'hui.  Paris,  Vanier.  —  Parigot,^  Emile, 
Augier  (classiques  populaires  édités  par  Lecène  et  Oudin).  —  Pélissier  i^Léon  G.),' 
Documents  annotés,  fascicule  Vlll,  Lettres  inéditesde  Dom  Claude  de  Vie  à  Fr.  Ant. 
Maroni  ;  fascicule  IX.  Une  relation  inédite  de  l'Escalade  de  Genève,  1602.  --  Rod.  J 
Reuss,  Correspondances  politiques  et  chroniques  parisiennes  adressées  à  Christophe  Jj 
Gûnizer,  i68i-ib85.  Pans.  Fischbacher.  —  Maxime  de  La  Rocheterie  Histoire  de 
Marie-Antoinette.  Deux  volumes.  Paris,  Perrin.  —  Sigogne,  Essais  de  philosophie  et 
de  littérature.  Paris,  Carré.  —  Sorel  Albert  ,  Madame  de  Staël.  Pans,  Hachette 
(collection  des  grands  écrivains  français).  —  Sourches  marquis  de).  Mémoires  sur  le  , 
règne  de  Louis  XlV,  tome  X.  Paris,  Hachette.  —  Tourneux,  Bibliographie  de  l'his-' 
toire  de  Paris  pendant  la  Révolution  française.  Tome  premier.  Préliminaires,  événe- 
ments. Paris.  Impnm.  nouv.  (assoc.  ouvr.) —  Tueteï,  Répertoire  général  des  sour- 
ces manuscrites  de  l'histoire  de  Paris  pendant  la  Révolution  française.  Tomel 
premier.  Etats-généraux  et  Assemblée  constituante.  Pans,  Impr.  nouv.  —  Vander-' 
LiNDE.N,  La  révolution  démocratique  au  xiv<' siècle  à  Louvain. 


Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 
Le  ruy^  imprimerie  Marchessou  Jils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


i 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    El     DE    LITTÉRATURE 


N»  34-35  -  25  août-1  septembre  —  1890 

fiommaire  î  374.  Commodien,  p.  p.  Dombart.  —  SyS.  Tertullien,  p.  p.  Reif- 
FERSCHEiD  et  WissowA.  —  3>']6.  Engelbrecht,  Fauste  de  Riez.  —  377.  Kronen- 
BERG,  Minuciana.  —  378.  Le  lai  de  l'ombre,  p.  p.  Bédier.  —  379.  Streitberg,  Les 
comparatifs  germaniques.  —  38o-38i.  Pélissier,  Lettres  de  Dom  de  Vie  à  Maroni 
et  Relation  inédite  de  l'Escalade.  —  382.  R.  Reuss,  Correspondances  et  chroniques 
parisiennes  adressées  à  Gtintzer.  —  383.  Wallon,  Les  représentants  en  mission, 
V.  —  384.  Lucas,  Portraits  et  souvenirs  littéraires.  —  385.  Le  Goffic,  Les  ro- 
manciers d'aujourd'hui.  —  386.  Joguet-Tissot,  Les  armées  allemandes  sous 
Paris.  —  Lettre  de  M.  Louis-Lucas.  —  Académie  des  Inscriptions. 


374.  —  I.  Coinmodlanî  curmiiia,  recensuit  et  commentario  critico  instruxit 
Bernhardus  Dombart  {Corpus  Scripiorum  ecclesiasticovum  latinorum,  editum 
consilio  et  impensis  Academiae  litterarum  Caesareae  Vindobonensis,  vol.  XV). 
Vindobonae,  apud  C.  Geroldi  filium.  mdccclxxxvii.  xxiv-25o  pp.,  in-8.  Prix  :  3  M 

375.  —  2.  Q.  Septiiui  Florentin  Xei-tulliuni   opéra,  ex  recensione  Augusti 
Reifferscheid   et  Georgii  Wissowa,   pars  1  (Corpus  Scriptorum  eccl.    lalin.,  vol 
XX).    Pragae  et  Vindobonae,  F.    Tempsky;   Lipsias,   Freytag,    1890,    xiii-Sgô   pp 
in-8.  Prix  :  i5  M.  60  (19  fr.  40!). 

376.  —  3.  Studien  uebei-  die  Seliriftcn  des  Biseliofea  von  Reîi  Fauetus 
Ein  Beitragzur  speetlateinischen  Literaturgeschichte  von  Dr.  August  Engelbrecht 
Prag  u  Wien,  Tempsky;  Leipzig,  Freytag,  104  pp.  in-8.  Prix  ;  3  M. 

,  377.  —  4.  A.-J.  Kronenberg.  minuciana,  siue  annotationes  criticae  in  Minuci 
wt  Felicis  Octauium.  Spécimen  litterarium  inaugurale.  Lugduni  Batauorum,  S.  C 
H^    van  Doesburgh,  18S9,  loi  p.  in-8. 

I 


\ 


I.  M,  Dombart  avait  offert  au  monde  savant  les  prémices  de  ses 
recherches  sur  Commodien  dans  un  mémoire  lu  à  l'Académie  de  Vienne 
et  tiré  à  part;  nous  l'avons  analysé  en  i885,  quand  il  a  paru  '.  Si  nous 
signalons  seulement  en  1890  Tédition  publiée  dans  les  derniers  mois  de 
1887,  cela  tient  à  des  retards  en  partie  imputables  aux  libraires  2,  Nos 
lecteurs  ont  eu  le  temps  de  prendre  connaissance  de  ce  très  beau  travail, 
qui  est  comme  un  Corpus  de  toutes  les  études  antérieures  sur  Commo- 
dien. Dans  les  dix  années  qui  se  sont  écoulées  depuis  l'apparition  de 
l'édition  Ludwig  (1877-1878),  les  théologiens,  les  historiens,  les  philo- 
logues se  sont  occupés  souvent  de  cet  auteur.  M.  Dombart  a  profité  de 
leurs  recherches.    Il  a  fait  mieux.   Il  nous  donne  pour  la  première  fois 

1.  Rev,  crit.,  i885,  I,  218. 

2.  [Nous  saisissons  cette  occasion  pour  rappeler  à  MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  notre 
prière  de  nous  adresser  directement,  parla  poste,  non  par  commissionnaires,  les  ouvra- 
ges dont  ils  désirent  des  comptes-rendus.  C'est  parce  qu'on  n'a  pas  suivi  celte  re- 
commandation qu'un  livre  expédié  le  5  novembre  1887  nous  est  parvenu  en  avril  iSgo. 
-  Réd]. 

Nouvelle  série,  XXX.  34-35 


114  REVUE    CRITIQUE 

une  collation  minutieuse  des  mss.  de  Cheltenham  dont  les  précédents 
éditeurs  n'avaient  eu  qu'une  connaissance  fort  imparfaite.  C'est  ce  qui 
a  permis  de  classer  avec  sûreté  les  mss.  des  Instjmctiones  et  d'établir  un 
texte  du  Carmen  apologeticum  notablement  supérieur  à  celui  de  Pitra. 
M.  D.  s'est  servi  de  toutes  ces  ressources  nouvelles  avec  un  tact  parfait. 
En  voici  un  exemple.  La  pièce  XXI II  du  liv.  II  des  Instructiones  a 
pour  titre  De  \elo  cojiciipiscenxiae  dans  les  mss.,  mais  l'acrostiche  assure 
l'épel  conciipjscenciae  (v.  i8  :  Ciim,  pro  die  tuo  iiigilas...) ;  M.  Hanssen, 
n'osant  admettre  l'assibilation,  avait  proposé  de  lire  :  Tii  pro  die. 
M.  D.  a  compris  que  ce  qui  peut  se  défendre  dans  une  dissertation  ne 
peut  pas  toujours  être  admis  dans  une  édition.  Il  a  conservé  ciim  et 
corrigé  le  titre  :  «  Ego  uero,  dit-il,  tam  antiquum  sibilationis  indicium 
caute  notandum  potius  quam  per  cum  auferendum  censeo.  »  Exécutée 
dans  un  tel  esprit,  la  présente  édition  de  Commodien  paraît  une  cons- 
truction durable  ;  à  part  la  découverte  de  nouveaux  mss.,  on  ne  voit  pas 
ce  qui  pourrait  l'ébranler. 

2.  Auguste  Reifferscheid  est  mort  il  y  a  deux  ans,  laissant  de  nom- 
breux travaux  préparatoires  pour  l'édition  de  TertuUien  ;  le  premier 
volume  était  presque  achevé  pour  l'impression.  C'est  ce  volume  que 
MM.  Alexandre  Reifferscheid,  von  Hartel  et  G.  Wissowa  nous  donnent 
aujourd'hui,  après  avoir  revu  et  complété  l'œuvre  du  défunt.  On  y 
trouvera  les  traités  parvenus  jusqu'à  nous  grâce  à  VAgobardinus  seul 
(B.  N.  lat.  1622)  ou  aux  premières  éditions  (de  spectaciilis,  de  idolola- 
tria,  ad  nationes,  de  testimonio  animae,  scorpiace,  de  oratione,  de 
baptismo,  de  pudicitia,de  ieiunio  aduersiis  psychicos,  de  anima).  Le 
deuxième  volume  contiendra  les  oeuvres  conservées  par  plusieurs  mss. 
du  moyen  âge  ;  le  troisième,  celles  qui  ne  sont  que  dans  les  mss.  récents. 
J'avoue  que  je  ne  comprends  pas  bien  cette  disposition.  On  aurait  pu  sui- 
vre un  ordre  chronologique  ;  c'eût  été  fort  contestable,  mais  fondé  en  rai- 
son ;  on  aurait  pu  adopter  Tordre  alphabétique,  mécanique  et  conven- 
tionnel, mais  commode  et  ne  soulevant  aucune  question  délicate.  Enfin 
on  aurait  pu  prendre  l'ordre  indiqué  par  l'index  de  VAgobardinus.  Cet 
ordre  représente  une  tradition;  quelle  en  est  la  valeur,  c'est  une  ques- 
tion que  nous  n'avons  pas  à  discuter.  Mais  quand  on  se  trouve  en 
présence  d'un  recueil  de  sermons  ou  de  traités,  le  plus  simple  et  le  plus 
sage  est  de  se  fier  au  classement  des  manuscrits  les  plus  anciens.  Souvent 
ce  classement  nous  est  donné  par  une  table  qui  survit  aux  perturbations 
produites  dans  le  texte  par  des  accidents  de  tout  genre.  C'est  le  cas  de 
VAgobardinus.  J'ajouterai  qu'il  est  même  du  devoir  d'un  éditeur  d'a- 
dopter cette  disposition,  quand  par  un  heureux  hasard  elle  nous  a  été 
ainsi  conservée;  elle  fait  partie  de  l'histoire  de  la  tradition  et,  si  l'on  \\ 
doit  mettre  sous  les  yeux  du  lecteur  tous  les  documents,  on  n'a  pas  le  droit 
de  lui  dérober  cet  élément  d'appréciation.  Agir  autrement  comme 
pour  le  TertuUien  de  Vienne,  c'est  pêcher  contre  la  méthode.  On 
retombe  dans  les  errements  des  Bénédictins  qui,  dans  une  intention 


d'histoire  et  de  littérature  I  I  5 

fort  louable,  ont  classé  les  sermons  de  saint  Augustin  d'après  le  cycle 
liturgique;  ils  ont  ainsi  détruit  l'unité  de  recueils  qui  avaient  une 
existence  propre  et  fait  disparaître  de  précieux  jalons  du  fourré  touffu 
de  la  littérature  homilétique. 

Ces  réserves  faites,  il  convient  de  louer  les  éditeurs  de  l'exactitude  et 
du  soin  avec  lesquels  ils  se  sont  acquittés  de  leur  tâche.  Conformément 
à  un  désir  exprimé  ici  à  l'occasion  d'un  autre  volume  de  la  même  col- 
lection, ils  ont  indiqué  en  marge  les  numéros  des  feuillets  du  ms.  Ils 
ont  placé  entre  crochets  les  parties  du  texte  dont  le  mauvais  état  de  la 
marge  nous  a  privés  '.  L'apparat  critique  est  d'une  lecture  claire  et 
sans  surcharges  inutiles.  En  un  endroit,  il  est  cependant  obscur.  P.  3, 
1.  14  :  nam  apiid  spectacula  et  in  cathedra  sedetur  [et  in  ii]ia  statur ; 
de  ce  texte,  il  est  très  difficile  de  détacher  ce  qui  est  addition  conjectU' 
raie  à  l'aide  des  indications  suivantes  ;  «  et  et  sedetur  add.  E.  Klussman- 
nus,  in  cathedra  om.  A  »  ;  le  ms.  donne  de  fait  seulement  :  apud  spec[ta' 
cilla  et  in  ii]ia  statur.  A  la  page  suivante,  l'apparat  omet  de  relater  que 
les  mots  neque  ad  idolatriam  de  la  ligne  17  manquent  dans  le  ms. 
d'Agobard. 

3.  L'édition  de  Fauste  de  Riez,  que  prépare  M.  Engelbrecht  ne  pouvant 
paraître  de  suite,  l'auteur  publie  les  principaux  résultats  de  ses  recher- 
ches sur  trois  points  :  l'état  du  texte  du  de  gratia,  la  paternité  du  de- 
spiritu  sancto  et  l'authenticité  des  homélies  de  Fauste. 

Grâce  aux  indications  fournies  par  les  indices  et  aux  citations  faites 
par  le  moine  lohannes  Maxentius,  M.  E.  démontre  que  le  de  gratia, 
conservé  dans  un  ms.  unique  (B.  N.  lat.  2166),  a  perdu  dans  le  premier 
livre  la  fin  du  chap.  14  et  la  plus  grande  partie  du  chap.  i5,  dans  le 
deuxième  livre  la  fin  du  ch.  6,  le  ch.  7  entier  et  le  commencement  du 
chap,  8,  et  la  fin  du  ch.  1 1  avec  le  commencement  du  ch.  12  2. 

Le  traité  de  spiritu  sancto  a  été  attribué  au  diacre  Paschasius  sur  la 
foi  de  quelques  mss.  et  sur  un  témoignage  très  vague  du  pape  Grégoire  le 
Grand.  Depuis  longtemps,  on  croyait  cependant  assez  ge'n étalement  que 
c'était  l'ouvrage  mentionné  par  Gennadius  dans  le  catalogue  des 
ouvrages  de  Fauste  de  Riez.  M.  E.  reprend  à  nouveau  les  preuves 
qu'on  en  a  données  et  les  fortifie  de*  nouvelles  considérations.  M.  E. 
se  fonde  notamment  :    i»   sur  le  témoignage  de  Gennadius  qui   fait 

1.  La  marge  du  ms.  a  été  rongée  par  l'humidité,  puis  réparée.  Des  portions  de 
texte  ont  ainsi  entièrement  disparu  ;  d'autres  ont  beaucoup  pâli  au  point  d'être  illisi- 
bles en  plus  d'un  endroit;  d'autres  sont  recouvertes  de  taches  brun  foncé  qui  rendent 
toute  tentative  de  lecture  impossible.  lien  résulte  que  le  commencement  de  certains 
mots  peut  encore  être  lu,  quoique  avec  difficulté,  tandis  que  la  fin  est  recouverte  par 
ces  taches.  Les  éditeurs  en  général  n'ont  indiqué  entre  crochets  que  les  parties  du 
texte  qui  ont  été  enlevées  avec  le  parchemin.  Ainsi,  p.  7,  8,  dans  exinde  ludi  [Consua- 
lia]  dicti,  qui...,  Coiisualia  éi&h  dans  la  partie  aujourd'hui  détruite,  t/Zc// est  presque 
eflacé  et,  à  la  suite,  couvrant  l'espace  de  deux  à  trois  lettres  se  trouve  la  tache,  puis  sur 
le  parchemin  sain,  on  lit  qui  etc.  A  cause  de  l'intervalle  qui  sépare  dicii  et  qui,  je 
rétablirais  s{unt)  après  dicti. 

2.  P.  19,  1.  18,  lire  sans  doute  11,  9  au  lieu  de  I,  9. 


I  l6  REVUE    CRITIQIIB 

allusion  au  début  de  notre  traité  ;  2"  sur  les  citations  de  Sedulius  Scotus, 
écrivain  qui  vivait  au  ix'-  siècle;  3°  sur  le  style  et  l'emploi  de  la  locution 
caractéristique  non  est  ita,  au  sujet  de  laquelle  il  entreprend  une  statis- 
tique ;  40  sur  le  témoignage  d'un  ms.  du  Vatican  (Palat.  241).  Il  existe 
de  ce  dernier  ms.  une  copie  faite  par  Holstenius  et  conservée  aujourd'hui 
à  la  Bibliothèque  nationale,  copie  décrite  et  étudiée  par  M.  E.  (p.  2g). 
C'est  le  n°  1 22  33  du  fonds  latin.  Or,  à  la  suite  de  ce  ms.,  f"  70,  se  trouve 
la  note  suivante,  écrite  par  J.  Sirmond,  comme  l'atteste  une  indication 
au  crayon  due  à  M.  Omont  '  :  «  Librorum  de  spiritu  sancto  qui  Pasca- 
sio  tribuuntur  auctor  est  Faustus  Reiensis.  —  Gennadius  scriptum  ait 
a  Fausto  sumpta  occasione  ex  Symbolo.  Quod  quadrat.  —  Citatur  a 
Sedulio  (CoUectaneum  in  Matthaeum)  Fausti  nomine  ex  cap.  2  lib.  i  : 
Homo  namque  assumptus  ex  Maria,  etc.  —  Stylus  conuenit,  et  pharsis 
illa  ?ion  est  ita  quam  usurpât  toties  in  libris  de  gratia  et  libero  arbitrio. 
—  Fausto  tribuuntur  in  Codice  Vaticano,  ut  a  Scaligero  lib.  V  de 
emendatione  temporum,  et  Garsia  Loaysa  ad  concilium  Eliberitanum 
[dicitur],  etc.  »  Il  est  difficile  que  M.  E.  n'ait  pas  eu  connaissance  de 
cette  note  où  le  vieux  Sirmond,  qui  n'avait  pas  fait  de  statistiques,  indi- 
quait quelques-unes  des  raisons,  fort  bien  mises  en  œuvre  d'ailleurs,  par 
son  émule  moderne  2, 

Dans  la  troisième  partie  de  sa  brochure,  M.  E.  reconstitue  et  étudie 
deux  collections  d'homélies.  L'une  est  attribuée  à  Eusebius  Emisenus. 
M.  E.  la  rétablit  à  l'aide  de  l'index  du  ms.  B.  N.  2166  ^  Il  essaie 
d'établir  ensuite  que  Fauste  est  l'auteur  de  toutes  les  pièces  de  cette 
collection.  L'autre  est  conservée  dans  un  ms.  du  ix°-x'^  siècle  de  la 
bibliothèque  de  Carlsruhe.  M.  E.  passe  en  revue,  de  plus,  quelques  ser- 
mons conservés  isolément.  On  voit  que,  dans  cette  partie  de  son  travail, 
il  a  suivi  la  vraie  méthode.  D'un  seul  coup,  il  semble  avoir  retrouvé  ainsi 
le  recueil  des  homélies  de  l'évêque  de  Riez.  Le  procédé  réussit  surtout 
quand  on  a  un  index,  ce  qui  indique  une  collection  bien  définie.  Il  faut 
au  contraire  des  précautions  quand  elle  résulte  seulement  du  contenu 
du  ms.  Il  arrivait  qu'on  s'empruntait  les  mss.  de  sermonnaires  de  mo- 
nastère à  monastère,  pour  copier  les  pièces  qu'on  n'avait  pas.  Ainsi  ont 
pris  naissance  des  recueils  factices  contre  lesquels  il  faut  être  en  garde. 
J'ai  trouvé  la  preuve  de  ces  habitudes  dans  un  ms.  cité  en  passant  par 
M.  E.,  le  ms.  B,  N.  lat.  1771.  En  marge  du  titre  des  homélies,  on  lit 

1.  La  seconde  main,  qui  a  complété  le  texte  du  traité,  mutilé  dans  le  Palatinus,  est 
également  celle  de  J.  Sirmond. 

2.  P.  44,  l'emploi  du  mot  liber  dans  les  anciens  catalogues  est  très  flottant,  comme 
on  peut  s'en  convaincre  en  parcourant  Becker.  Tritheim  a  pu  prendre  ce  mot  dans  lej 
sens  d'  «  ouvrage  ».  P.  45,  il  faut  ajouter  aux  considérations  exposées  par  M.  E.  qu'on 
voit  bien  comment  le  nom  de  l'orthodoxe  Paschasius  a  pu  se  substituer  à  celui  du 
suspect  Faust  de  Riez,  mais  qu'on  ne  s'explique  pas  comment  l'échange  inverse  aurait 
pu  se  produire. 

3.  Sirmond  avait  aussi  entrevu  l'utilité  de  cette  table,  puisqu'il  avait  pris  la  peine 
de  la  transcrire  en  l'accompagnant  de  renvois  à  la  page  des  éditions.  Sa  copie  se 
trouve  au  f"  67  du  ms.   12233  déjà  mentionné. 


d'histoire  et  de  littérature  117 

les  indications  suivantes  écrites  au  xi^  siècle  (le  ms,  est  du  viiie  s.)  :  f  18*, 
ista  scribantur ;  34*,  scribatur ;  35'',  ista  habemus;  36'',  39'',  ista  scri- 
batur.  On  voit  donc  qu'avant  de  faire  copier  le  ms.,  le  moine  chargé  de 
la  bibliothèque  avait  vérifié  dans  Varmarium  les  sermons  que  Ton  avait 
déjà. 

Pour  déterminer  la  paternité  des  sermons  étudiés,  M.  E.  se  sert  de 
rapprochements  avec  d'autres  discours  qui  sont  certainement  de  Fauste 
ou  avec  les  ouvrages  didactiques  de  l'évêque  de  Riez.  Je  crains  qu'il  ne 
se  soit  glissé  quelques  cercles  vicieux  dans  la  discussion  de  ces  cent 
vingt  à  cent  cinquante  homélies.  M.E.  attache  beaucoup  d'importance  à  ce 
fait  que  Fausle  aimait  à  se  copier  littéralement.  Ce  peut  être  en  effet  un 
moyen  de  preuve  assez  sûr  quand  il  s'agit  de  savoir  quel  est  l'auteur  du 
De  spiritii  sancto.  Il  Test  beaucoup  moins  à  propos  des  sermons.  M.  E. 
oublie  trop  facilement  qu'il  n'est  pas  de  genre  littéraire  où  le  plagiat 
s'exerce  plus  largement.  Attribuer  à  un  auteur  un  discours  parce 
qu'on  y  trouve  un  passage  d'une  oeuvre  authentique  copié  textuelle- 
ment, c'est  s'exposer  à  de  graves  mécomptes.  Il  semble  aussi  que 
M.  E.  n'a  pas  répondu  d'une  manière  suffisante  à  certaines  objections 
soulevées  contre  l'attribution  à  Fauste  de  quelques  pièces  de  la  collec- 
tion d'Eusèbe,  surtout  des  nos  j  j^  49  et  24  '.  Malgré  ces  points  sur  les- 
quels on  désirerait  un  supplément  de  preuve  les  déductions  de  M.  E. 
ont  une  vraisemblance  générale  très  suffisante. 

Les  recherches  de  M.  E.  portent  sur  un  matériel  manuscrit  considé- 
rable. Il  me  permettra  de  lui  indiquer  un  ms.  du  ix''  siècle  qu'il  ne  men- 
tionne pas  et  qui  contient  des  sermons  de  Fauste.  C'est  le  ms.  des  nou- 
velles acquisitions  latines  447.  Il  porte  en  tête  un  titre  du  xii^-xiii^  siè- 
cle :  Ammonicioes  cesarii.  Au  mois  de  janvier  1889,  j'en  avais  indiqué 
ici  même  le  véritable  contenu  ~.  M.  Engelbrecht  trouvera  dans  ce  petit 
ms.  les  sermons  38  (incomplet  au  début),  39  (fo  12),  40  (f»  22),43(f°  25'') 
de  la  collection  d'Eusèbe,  i  (f"  6''],  3  {i°  3o  '')  de  son  §  II  ^. 

1.  Je  fais  allusion  aux  raisonnements  des  auteurs  de  Y  Histoire  littéraire,  t.  11^ 
p.  606  :  «  La  I  le,  qui  est  sur  sainte  Blandine,  a  été  prononcée  assurément  par  un  évê- 
que  de  Lyon,  qui  nomme  cette  ville  sa  patrie,  saint  Pothin  son  père,  et  l'église  de 
Lyon,  son  église  ».  Même  argumentation  à  propos  de  la  49'^.  «  De  même  on  peut  as- 
surer que  la  24^,  qui  est  sur  les  litanies  ou  les  Rogations,  n'est  point  de  Fauste.  Elle 
a  été  faite  par  l'évêque  d'une  ville  qui,  étant  tombée  sous  la  puissance  des  ennemis, 
ne  perdit  rien  ni  de  sa  paix,  ni  de  sa  liberté.  Assurément  cela  ne  convient  ni  à  la  Ville 
de  Riez,  ni  à  Fauste  qui  fut  exilé,  sitôt  qu'Euric  se  fut  rendu  maître  de  la  Ville  ». 
Le  passage  visé  ici  est  cité  par  M.  E.,  p.  70,  qui  veut  en  faire  une  preuve  de  sa  thèse, 
je  ne  vois  pas  comment. 

2.  Rev.  cr.,  1889,  I,  27,  n.   i. 

3.  M.  E.  est  assez  indécis  au  sujet  de  l'origine  du  nom  d'Eusèbe  :  p.  63,  ce  serait 
un  cas  de  substitution  d'un  nom  connu  à  un  inconnu,  et  p.  80,  un  pseudonyme  pris 
par  Fauste.  P.  73,  18,  le  texte  cité  ne  peut-il  pas  s'entendre  d'une  façon  tout  oppo- 
sée:" P.  83,  1.  II  du  bas,  Virs  paenœ,  1.  12,  coiiidiae;  même  page,  une  autre  preuve 
que  le  ms.  i3333  est  celui  que  Martène  et  Durand  ont  consulté  chez  le  garde  des 
sceaux  Chauvelin  est  la  note  du  fol.  i  :  Harlay  3y3 ;  les  mss.  de  Harlay  avaient  été 


Il 

1 


I  l8  REVUE  CRITIQUE 

4.  Si  la  thèse  de  M.  Kronenberg  ne  se  rattache  pas  directement  à  l'en- 
treprise de  l'Académie  de  Vienne,  elle  appartient  à  cette  classe  de  tra- 
vaux dont  le  Corpus  Scn'ptorum  a  été  le  point  de  départ.  C'est  un  re- 
cueil de  conjectures,  dont  quelques-unes  sont  vraiment  bonnes  :  XI,  i, 
compage  qtia  continetiir  et  cingitur  diiiisa^  moles...  (exemple  de  correc- 
tion fourvoyée)  ;  XVII I,  3  Nilits  et  cotannis  Euphrates.  Toutes  témoi- 
gnent d'une  excellente  méthode.  M.  K.  s'est  en  particulier  servi  très  ha- 
bilement des  imitations  cicéroniennes  de  Minucius  et  des  rapports  sen- 
sibles, malgré  tout^  entre  sa  langue  et  celle  des  auteurs  chrétiens,  de 
Tertullien  surtout.  Notons  que  d'après  certaines  considérations  paléo- 
graphiques, un  des  ancêtres  du  ms.  unique  aurait  pu  être  écrit  en  anglo- 
saxonne  (p.  46).  Ces  considérations  paléographiques,  dans  lesquelles 
M.  K.  se  complaît,  s'étalent  çà  et  là  un  peu  plus  que  de  raison;  voir  la 
n.  I  de  la  p.  56,  où  il  s'agit  d'expliquer  un  fait  très  simple,  l'altération 
de  qiiis  en  qiiiuis.  A  la  fin  de  la  brochure  sont  indiquées  sommairement 
vingt-huit  conjectures  sur  divers  auteurs  grecs  et  latins;  la  XVI®  con- 
cerne, H  or.  Ep.  II,  3,  358  :  quem,  bis  terue  cum  risi^  mirer  au  lieu  de 
cum  risu.  Voilà  ce  qui  s'appelle  une  conjecture  manquée.  Fort  heureu- 
sement, M.  Kronenberg  en  a  fait  de  meilleures. 

Paul  Lejay. 

378-379.  —  Index  lectîonuni  quae  in  Universitate  Friburgensi  per  mensesaestiuos 
anni  mdcccxc  inde  a  die  xv  Aprilis  habebuntur.  Praemittiintur  i)  Carmen  fran- 
cogallicum  s.  xiii,  cui  insciibitur  «  Le  lai  de  l'ombre  »,  ad  fidem  codicum  manu 
scriptorum  editum  a  Josepho  Bédier;  2)  Guiielmi  Streitberg,  de  comparatiuis 
Germanicis  qui  suffixo  -ôz-  formantur,  commentatio.  Friburgi  Heluetiorum, 
1890,  1 10  pp.  in-4. 

Les  débuts  d'une  Université  doivent  toujours  exciteKun  grand  intérêt: 
ceux  de  l'Université  de  Fribourg  en  Suisse  en  ont  un  tout  particulier, 
qui  tient  aux  conditions  mêmes  de  la  fondation .  Je  me  hâte  de  dire  qu'ils 
font  bien  augurer  de  l'entreprise. 

Le  poème,  publié  par  M.  Bédier,  n'est  pas  un  chef-d'œuvre;  il  a  des 
longueurs  rebutantes.  Mais  non  seulement  la  langue  en  est  curieuse  à 
étudier,  le  fond  même  du  récit  a  de  l'importance  au  point  de  vue  de  l'his- 
toire de  tout  un  type  de  légendes.  M.  B.  s'est  très  bien  acquitté  de  sa  beso- 
gne d'éditeur.  Sa  classification  des  manuscrits  est  un  modèle  de  clarté  et' 
de  rigueur  méthodique.  C'est  là  l'important.  On  a  contesté  ses  vues  sur 
les  caractères  de  la  langue.  On  ne  peut  guère  décider  d'une  façon  certaine 
une  question  aussi  complexe.  Ce  récit,  comme  tant  d'autres,  a  dû  traver- 
ser plusieurs  rédactions  avant  de  nous  arriver  sous  la  forme  que  nous  lui 
connaissons.  Si  ces  rédactions  étaient  dans  d'autres  dialectes,  il  est  bien 
difficile  de  croire  qu'il  n'en  soit  rien  resté, 
légués  aux  Bénédictins  à  la  condition  que  Chauvelin  en  aurait  l'usufruit  (Cabinet  des     " 
mss.,  II,  I02-I03).  P.  io3,  addition  à  la  p.  32,  la  citation  du  de  sp.  s.,  1,  8,  sous  le 
nom  de  Paschasius,  par  Ratramnus  de  Corbie,  est  mentionnée  par  J.  Sirmond  dans 
les  notes  du  ms.  12233,  fol.  70^. 


d'histoire  kt  db  littératdrb  iig 

Le  travail  de  M.  Streitberg  est  un  chapitre  de  l'histoire  du  comparatif 
allemand.  Il  est  spécialement  dirigé  contre  une  hypothèse  de  Mahlow, 
d'après  laquelle  les  comparatifs  germaniques  en  -o^-  seraient  le  résultat 
d'un  développement  d'un  adverbe  en  -o  par  un  suffixe  -/;(-  dont  la  finale 
serait  devenue  monosyllabique,  puis  aurait  subi  une  contraction.  D'après 
M.  S.,  au  contraire,  le  comparatif  serait  directement  formé  sur  la  racine. 

Vindex  lectiomim  qui  termine  est  important,  parce  qu'il  nous  donne 
sur  l'organisation  des  cours  des  renseignements  officiels.  L'enseignement 
a  lieu  en  trois  langues:  le  français,  le  latin,  l'allemand,  et  chaque  cours 
est  annoncé  dans  la  langue  où  il  se  fait.  Voici  d'après  cela  la  statistique 
des  trois  langues  :  droit  :  7  cours  en  français  ',  2  cours  en  allemand  ;  let- 
tres :  7  cours  en  français,  i  cours  en  latin,  10  en  allemand.  Au  point  de 
vue  de  la  nationalité,  les  professeurs  se  groupent  ainsi  :  droit  :  i  français, 
7  suisses,  2  allemands;  lettres  :  2  français,  i  américain,  i  polonais,  6 
suisses,  10  allemands.  De  ce  côté-ci  du  Jura,  on  pourra  trouver  peut- 
être  que  la  langue  et  la  nationalité  françaises  tiennent  une  trop  petite 
place  dans  cette  œuvre  internationale. 

L. 

38o.  —  Documents  annotés.  Fascicule  VIII.  Lettres  inédites  de  Dom  Claude 
de  Vie  à  Fr.  Ant.  Maronl,  publiées  par  Léon  G.  Pélissier,  ancien  membre 
de  l'Ecole  française  de  Rome.  Montpellier,  1890,  grand  in-8  de  64  p. 

38i.  —  Même  collection.  Fascicule  IX.    Une  relation  inédite  de    l'Escalade 

de  Genève  (1602),  tirée  de  la  Bibliothèque  vallicelliane  par  le  même.  Toulouse, 
1890, grand  in-8  de  10  p. 

C'est  dans  la  bibliothèque  Magliabecchiana  que  sont  conservées  les 
25  lettres  du  collaborateur  de  Dom  Vaissete  à  Francesco  Antonio 
Marmi,  le  savant  Florentin  qui  succéda  à  Magliabecchi  comme  biblio- 
thécaire des  grands  ducs  de  Toscane  et  qui  avait  accueilli  dom  C,  de 
Vie  à  Florence  avec  le  même  empressement  que  son  devancier  avait  mis 
jadis  à  recevoir  Mabillon  et  Montfaucon.  M.  Pélissier  a  très  bien 
apprécié  (Introduction)  ces  2  5  lettres  qui  nous  renseignent  non  seule- 
ment sur  le  caractère  et  sur  certains  détails  de  la  biographie  de  l'historien 
du  Languedoc,  mais  aussi  sur  le  milieu  où  il  a  vécu,  et  qui,  considérées 
comme  document  sur  la  vie  littéraire  de  Saint-Germain-des-Prés,  de 
1717  à  1721,  sont  d'une  grande  importance,  car  elles  prouvent  que 
«  jamais  peut-être  et  nulle  part  au  monde,  l'activité  scientifique  n'a  été 
plus  intense  et  ses  résultats  plus  solides  qu'à  l'Abbaye.  »  Parmi  les  per- 
sonnages dont  s'occupe  Dom  de  Vie  dans  sa  correspondance  citons  Dom 
Bernard  de  Montfaucon,  Dom  Coûtant,  Dom  Mabillon,  Dom  Martène, 
Dom  Touttée,  Dom  Garnier,  Dom  de  Sainte- Marthe,  D.  Nie.  Le 
Nourry,  le  duc  d'Orléans,  «  à  qui  le  Gallia  Christiana  est  dédié,  »  le 
cardinal  de  Noailles,  Anselme  Banduri,  bibliothécaire  de  Raguse,  la 
bête  noire  du  correspondant  de  Marmi,  l'archéologue  Fontanini,  Dom 

I.  J'entends  par  cours  l'enseignement  donné  par  un  professeur. 


1 


T20  REVUE    CRITIQUE 


Gervaise,  le  biographe  de  saint  Cyprien,  l'académicien  Boivin,  «  second 
custode  delà  bibliothèque  du  roy,  «  Dom  Félibien,  M™e  Dacier,  «  femme 
fort  distinguée  par  son  bel  esprit  et  par  son  érudition  profane,  »  le 
P.  Hardouin,  «  toujours  fort  singulier  dans  tous  ses  sistèmes  (sic)  et 
dans  ses  ouvrages,  »  le  P.  Poirée,  D.  Prudent  Maran,  le  cardinal  de 
Bissy,  Basnage  de  Beauval,  Barbeyrac,  David  Martin,  l'abbé  Legendre, 
Quirini,  Etienne  Baluze,  le  P.  Lequien,  Eusèbe  Renaudot,  l'abbé 
Fleuri,  Doin  Malachie  d'Inguimbert,  le  P.  Le  Long,  Dom  Calmet,  etc. 
Une  26™'  lettre,  tirée  de  la  bibliothèque  de  Brescia,  et  adressée  à 
Mgr  Quirini  (173 1),  roule  sur  l'édition  de  S.  Ephrem  préparée  par  le 
prélat,  sur  les  Monuments  de  la  monarchie  française  présentés  au  roi 
par  D.  de  Montfaucon,  sur  le  saint  Basile  de  Dom  Maran,  sur  les  deux 
premiers  volumes  de  VHistoire  générale  de  Languedoc^  etc. 

La  Relation  inédite  de  VEscalade  de  Genève  est  à  rapprocher  des 
Trois  relations  de  VEscalade  tirées  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
nationale  de  Paris  par  M.  Louis  Duval  (Genève,  Fick,  i885)  et  des 
Deux  relations  de  l'Escalade,  suivies  d'une  lettre  de  Simon  Goulart 
publiées  par  M.  Th.  Dufour  (Genève,  Jullien,  1880].  Le  mémoire  (en 
langue  italienne)  adressé  à  Mgr  Germonio  par  un  écrivain  que  M.  Pé- 
lissier  regarde  comme  un  capucin,  se  distingue,  selon  la  remarque  du 
savant  éditeur,  des  autres  relations  précédemment  connues,  qu'il  com- 
plète et  qu'il  permet  de  contrôler.  On  ne  saurait,  au  surplus,  trop  con- 
naître un  événement  qui  caractérise  si  bien  à  la  fois  les  vertus  civiques 
de  Genève  et  la  politique  des  ducs  de  Savoie. 

T.   DE   L. 


382.  —  R.  Reuss.  Correspondances  politiques  et  chroniques  parisien- 
nes adressées  à  Clirîstoplie  Guntzer.  i68i-l685.  In-vol.  in-8  de  142  pa- 
ges. Paris,  Fischbacher,  1890. 

En  1681,  après  la  capitulation  de  Strasbourg,  Christophe  Gûntzer, 
secrétaire  de  la  ville,  fut  nommé  syndic  royal  et  à  ce  titre  chargé  de  sur- 
veiller, au  nom  de  l'Etat,  le  gouvernement  de  la  cité.  Il  fut  le  principal 
représentant  de  Louis  XIV  dans  sa  nouvelle  conquête  jusqu'au  mois 
d'avril  i685  où  Obrecht  reçut  le  titre  de  préteur  royal.  Glintzer  passa, 
à  partir  de  cette  date,  au  second  plan.  Aussi  longtemps  qu'il  fut  le  pre- 
mier en  scène,  il  avait  grand  intérêt,  cela  se  conçoit,  à  être  renseigné  sur 
tout  ce  qui  se  tramait  ou  se  disait  à  Paris,  à  la  cour  et  à  la  ville,  sur  les 
négociations  diplomatiques  et  les  événements  de  guerre,  aussi  bien  que 
sur  les  faits-divers,  les  scandales  et  les  galanteries  du  jour.  Le  résident 
strasbourgeois  à  Paris,  J.  Beck  et  d'autres  correspondants  plus  obscurs,  le 
tinrent  au  courant;  ils  rédigèrent  pour  lui  de  véritables  ga^^ettes  à  la 
main,  semblables  à  celles  qu'on  a  longtemps  compilées  pour  les  princes 
étrangers.  M.  Rod.  Reuss  a  retrouvé  aux  archives  municipales  de  Stras- 
bourg les  lettres  adressées  à  Giintzer;  il  en  a  extrait  les  parties  les  plus 


d'histoire    et    de    littérature  121 

curieuses  et  les  a  livrées  au  public  dans  la  Revue  d'Alsace  et  dans  un 
tirage  à  part.  C'est  un  nouveau  service  qu'il  a  rendu  aux  historiens;  ils 
ne  sont  plus  à  les  compter. 

Voulez-vous  savoir  quelle  impression  ont  produite  à  la  cour  les  grands 
événements  survenus  pendant  les  années  1682  ^,  i683,  1684  et  les  pre- 
miers mois  de  i685?  Ouvrez  cette  correspondance  ;  on  vous  y  racontera 
comment  y  furent  accueillies  les  réunions  de  l'assemblée  du  clergé, 
l'exploration  du  Mississipi  par  M.  de  La  Salle,  la  mort  de  la  reine,  celle 
de  Colbert,  la  naissance  des  ducs  de  Bourgogne  et  d'Anjou,  le  bombar- 
dement de  Gênes,  le  siège  de  Vienne  par  les  Turcs.  Voulez-vous  d'une 
façon  plus  spéciale  étudier  les  mesures  que  prit  Louis  XIV  contre  les 
'  protestants  avant  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes?  Vous  les  y  trouve- 
rez relatées  tout  au  long,  et  rien  n'est  plus  triste  à  lire  que  ces  récits 
d'une  persécution  de  jour  en  jour  moins  déguisée  :  ministres  arrêtés, 
temples  fermés  parce  qu'une  relapse  a  assisté  à  l'office,  premières  dra- 
gonnades, bibliothèque  de  l'Académie  de  Saumur  confisquée  et  donnée 
aux  Oratoriens,  etc —  J.  Beck  semble  prendre  le  parti  des  huguenots  ; 
mais  il  n'ose  pas  trop  le  montrer.  Il  sait  que  Giintzer  est  une  créature 
dévouée  de  Louvois,  et  prêt  à  le  servir  en  toutes  choses.  Désirez-vous 
des  renseignements  sur  l'Académie  française  et  sur  l'histoire  littéraire 
de  cette  époque?  La  présente  correspondance  vous  en  fournira.  Vous  y 
apprendrez^  par  exemple,  que  le  jour  où  Racine  reçut  à  TAcadémie 
Thomas  Corneille  et  Bergeret  (2  janvier  i685),  «  M.Benserade  y  lut  des 
vers  satiriques  presque  contre  tous  les  membres  de  cette  illustre  compa 
gnie;  quoyque  cette  pièce  fust  fort  spirituelle  et  fort  agréable,  elle  n'a  pas 
plu  à  la  plupart  des  académiciens  qui  n'y  furent  pas  bien  traitez.  »  Mais 
surtout  si  vous  voulez  connaître  toutes  les  médisances  et  toutes  Tes  ca- 
lomnies qui  se  débitaient  à  la  cour,  adressez-vous  à  nos  écrivains.  Ils  y 
insistent  avec  complaisance,  sachant  faire  plaisir  à  Gûntzer  :  ceux-là 
comme  celui-ci  restent  indifférents  à  la  saine  morale.  Vous  connaîtrez 
par  ces  lettres  les  querelles  de  Monsieur  et  de  sa  seconde  femme,  la  prin- 
cesse palatine,  à  propos  de  M"^  Théaubon  ;  vous  saurez  que  «  la  duchesse 
de  Vitry  a  pris  en  affection  un  Allemand,  autrefois  son  laquais,  et  main- 
tenant elle  soutient  qu'il  est  prince  de  la  maison  de  la  Saxe;  présente- 
ment elle  veut  épouser  ce  nouveau  prince,  fait  de  sa  main,  dont  elle 
connaît  toutes  les  bonnes  qualités.  »  Et  comme  si  les  scandales  de  Paris 
ne  suffisaient  pas,  on  vous  dira  qu'à  Brescia  «  il  y  a  un  couvent  où  il 
n'y  a  que  des  nobles  vénitiennes,  dont  il  y  en  a  présentement  huit  qui 
sont  grosses,  du  fait  de  jeunes  nobles  vénitiens.  »  Bref,  tous  les  histo- 
riens qui  veulent  étudier  à  fond  les  années  précédant  la  révocation 
de  l'édit  de  Nantes,  devront  consulter  cette  correspondance;  nous  en 

I.  Deux  lettres  datant  de  1681  sont  antérieures  à  la  capitulation  du  3o  septembre 
1681.  M.  Reuss  croit  que  la  correspondance  a  dû  être  continuée  après  avril  i685.Mais 
il  est  permis  de  supposer  que,  Gûntzer  cédant  le  pas  à  Obrecht  en  avril  i685, 
les  lettres  suivantes  furent  adressées  à  ce  dernier. 


122  REVDE    CRITIQUE 

conseillons  même  la  lecture  à  tous  ceux  qui  aiment  à  passer  quelques 
moments  agréables;  car  si  parfois  elle  est  écrite  un  peu  lourdement,  la 
pensée  a  une  allure  très  dégagée.  Le  style  est  impersonnel,  mais  les  au- 
teurs ont  touché  de  très  près  à  la  cour. 

Si  l'on  veut  bien  oublier  quelques  fautes  d'impression  (par  ex.  p.  i6, 
Saint-Nicolas-du-Char  donner  et  pour  Saînt-Nicolas-du-Chardonnet), 
rédition  devient  parfaite;  elle  fait  le  plus  grand  honneur  à  M.  R.  ;  cette 
publication,  jointe  à  ses  nombreux  écrits  antérieurs,  lui  assigne  une 
très  haute  place  parmi  les  érudits  alsaciens.  On  affecte  par  delà  les  Vos- 
ges d'oublier  les  travaux  de  ces  savants;  mais  nous  avons  le  devoir  de 
rappeler  combien  l'histoire  de  notre  Alsace  et  l'histoire  générale  doivent 
à  des  hommes  comme  MM.  Gh.  Schmidt,  X.  Mossmann  et  Rod.  Reuss. 

Ch.  Pfister. 


383.  —  Les  représentants  du  peuple  en  mission  et  la  justice  révolution- 
naire dans  les  de'partements,  par  H.  Wallon.  Tome  V.  Paris,  Hachette,  1890. 
In-8,  418  p.  7  fr.  5o. 

Voici  le  cinquième  et  dernier  volume  de  l'ouvrage  de  M.  Wallon. 
On  en  sait  à  l'avance  les  défauts  et  les  qualités.  M.  W.  nous  y  raconte 
les  missions  des  représentants  en  Lorraine  et  dans  le  nord  de  la  France. 
Il  nous  transporte  successivement  dans  les  Vosges,  dans  la  Meurthe,  la 
Moselle  et  la  Meuse,  dans  les  Ardennes,  dans  le  Pas-de-Calais  et  le 
Nord.  Comme  toujours,  il  a  fait  de  très  consciencieuses  et  utiles  re- 
cherches dans  les  achives  des  départements,  sans  négliger  les  documents 
imprimés  et  les  travaux  de  ses  devanciers,  de  Bouvier  sur  les  Vosges,  de 
A.-J.  Paris  et  de  tant  d'autres  sur  le  proconsulat  de  Le  Bon  et  sur  Arras 
pendant  la  Terreur,  de  Thénard  sur  Cambrai,  de  Regnart  sur  Valen- 
ciennes,  ainsi  que  le  précieux  recueil  de  Plouvain  qui  est  à  la  biblio- 
thèque de  Douai.  Telle  est  la  première  partie  du  volume  qui  termine 
rhistoire  des  terroristes  en  province.  La  seconde  porte  ce  titre  dramati- 
que Les  châtiments  ;  M.  W.  a  jusqu'ici,  comme  il  dit  lui-même  (p.  338) 
«  dépouillé  les  représentants  de  leurs  masques  de  théâtre,  de  leurs  man- 
teaux de  pourpre  trop  souvent  teints  de  sang  pour  les  montrer  tels  qu'ils 
sont,  tels  que  les  a  gardés  le  dépôt  de  nos  archives,  cette  grande  nécro- 
pole d'où  Ton  peut  sûrement  évoquer  les  morts  ».  Il  retrace  maintenant 
la  réaction  qui  je  produisit  contre  eux,  contre  les  juges,  contre  tous  ceux 
qui  avaient  pris  part  aux  violences  et  aux  excès  de  la  Terreur;  &  que 
ceux  qui  ont  échappé  à  la  sentence  des  tribunaux  subissent  au  moins  le 
jugement  de  l'histoire!  »  (p.  3o2).  On  trouve  à  la  fin  du  volume  plu- 
sieurs appendices  intéressants,  notamment  sur  les  victimes  et  les  meneurs 
des  départements  de  l'Est,  sur  le  tribunal  criminel  du  Nord,  sur  Valen- 
ciennes  pendant  l'occupation  autrichienne,  ainsi  qu'aune  liste  d'errata  — 
assez  incomplète  —  et  une  table  générale  des  matières  contenues  dans 
les  cinq  volumes.  Cette  table  des  matières  achève  de  rendre  Touvrage 


d'histoire  et    de    littérature  !23 

indispensable  à  quiconque  veut  bien  connaître  la  Révolution,  et  nous 
devons  louer  encore  le  zèle  érudit  de  M.  Wallon  qui  n'a  ménagé,  pour 
composer  ces  cinq  gros  tomes,  ni  son  temps  ni  sa  peine  i. 

A.  C. 


384.  —  Portraits  et  souvenirs  littéi'ulress  par  Hippolyte  LucAS,  avec  des 
lettres  inédites  d'écrivains  contemporains.  Paris,  librairie  Pion,  1890,  in-i8, 
261  pages.  3  fr.  5o. 

Hyppolyte  Lucas,  mort  en  1 878  à  l'âge  de  70  ans,  a  été  poète,  roman- 
cier, auteur  dramatique,  historien,  philologue,  journaliste,  critique,  et 
par  dessus  le  marché,  bibliothécaire  à  l'Arsenal,  c'est-à-dire  beaucoup 
trop  de  choses  à  la  fois.  J^ai  lu,  il  y  a  bien  des  années,  les  compte-rendus 
de  théâtre  qu'il  faisait  dans  le  journal  le  Siècle,  au  temps  où  Janin 
apportait  chaque  lundi  ses  fanfreluches  aux  Débats.  Ils  étaient  d'une 
belle  insignifiance,  et  écrits  à  la  diable,  mais  non  pour  l'immortalité. 
Cependant  auteurs,  acteurs,  musiciens,  et  parmi  eux  les  plus  huppés, 
faisaient  la  cour  au  critique,  et  lui  envoyaient  les  autographes  les  plus 
flatteurs,  comme  celui-ci  qui  est  d'Alexandre  Dumas  père  :  «  Mon  cher 
confrère,  soyez  assez  bon  pour  me  faire  passer  à  la  postérité  en  disant 
dans  le  Siècle  que  le  Voyage  au  Sinaï  est  le  chef-d'œuvre  des  chefs- 
d'œuvre.  Mille  compliments  empressés  ».  —  «  Cher  Lucas,  lui  écrivait 
un  autre,  un  mot  de  vous,  c'est  la  vraie  monnaie  de  la  gloire,  et  ce 
matin  vous  m'avez  fait  riche.  »  Il  peut  se  faire  que  le  critique  prît  ces 
compliments  au  sérieux,  et  comme  on  dit,  pour  du  bon  argent;  en  tout 
cas  il  faisait  de  son  mieux  pour  contenter,  ce  qui  n'est  pas  facile,  la 
vanité  de  la  gent  littéraire,  et  il  avait  assez  d'imagination  et  sur- 
tout d'indulgence  pour  trouver  du  talent  à  des  écrivains  parfaitement 
«  ineptes  et  inutiles.  »  Il  était  réellement  né  obligeant,  serviable,  et  à 
défaut  d'autre  gloire,  il  a  eu  celle  qui  suit  la  bonté.  Il  ne  fallait  pas 
grand'chose  pour  gagner  sa  bienveillance,  mais  pour  la  conquérir  tout 
entière,  il  suffisait  de  lui  citer  adroitement  quelques  vers  de  ses  Heures 
d'amour  :  les  malins  connaissaient  bien  son  faible.  En  1860  Victor 
Hugo  lui  assénait  ce  compliment  :  «  Nous  avons  lu  solennellement  vos 
beaux  vers.  Votre  livre  est  solide  et  charmant,  etc.  »  Lucas  dut  longtemps 
savourer  ce  billet.  Aussi,  lorsque  Victor  Hugo  revint  à  Paris  en  1870, 
le  critique  offrit  généreusement  au  poète  de  venir,  pendant  le  siège, 
habiter  avec  sa  famille  la  bibliothèque  de  l'Arsenal,  comme  étant  à  l'abri 
des  obus  prussiens.  Le  poète  lui  répondit  avec  cette  simplicité  que  l'on 
connaît  :  a  Je  vous  remercie  du  fond  du  cœur...  Je  suis  venu  à  Paris 
pour  des  devoirs  suprêmes,  et  j'ai  l'intention  de  peu  me  ménager.  Je  ne 
ferai  pas  au  bombardement  l'honneur  de  me  déranger.  »  Quel  comé- 

I.  Lire  à  la  table  des  matières  :  Riel  et  non  Ruel  (art.  Beurnonvilie)  ;  Bruiile  et  non 
Bruile;  D'Hangest  et  non  Dangest;  D'Elbhecq  et  non  Delbhecq  (cité  en  outre  IV,  3); 
d'Espagnac,  /F,  38  et  non  V,  38;  Fibich  et  non  Fibisch;  Févelat  et  non  Sévelat. 


124  REVUE    CRITIQUE 

dien!  J'aurais  bien  envie  encore  de  citer  la  lettre  où  il  remercie  M.  Fré- 
déric Masson  de  lui  avoir  envoyé  «  la  gargousse  historique  »  du  canon 
offert  par  lui  et  nommé  le  Châtiment,  lequel  fit  sauter  une  poudrière 
prussienne  :  c'est  aussi  grand  que  le  monde,  mais,  comme  dit  l'autre, 
il  faut  savoir  se  borner. 

En  somme,  les  lettres  des  écrivains  contemporains  sont  la  partie  la 
plus  intéressante  de  ce  petit  volume  :  elles  pourraient  servir  à  faire  un 
chapitre  assez  piquant  sur  «  la  vanité  des  gens  de  lettres.  » 

A.  Delboulle. 


385.  —   Charles    Le    Goffic.    Les    Romanciers    d'Aujourd'hui.  Paris,  chez 
Vanier,  1890,  i-v,  3b-j  p.  in-12.  3  fr.  5o. 

Il  y  a  bien  du  talent,  de  la  finesse,  un  bien  Joli  style,  bien  du  désor- 
dre et  bien  des  idées  contestables  dans  le  livre  de  M.  Le  Goffic,  Les 
romanciers  d'aujourd'hui.  L'auteur  paraît  admirablement  informé  et 
son  travail  représente  une  somme  considérable  de  lectures,  dont  il  a  eu 
peine  à  se  dégager. 

Cet  ouvrage  doit  prendre  place  dans  une  série  sur  les  Écrivains 
d'aujourd'hui,  où  Jules  Tellier  a  déjà  fait  les  poètes.  Le  plan  de  ces 
volumes  a  été  concerté  entre  les  collaborateurs;  il  servira  pour  les  étu- 
des suivantes,  et  c'est  grand  dommage.  On  sent  que  M.  Le  G.  s'est  dé- 
battu contre  un  plan  proposé  ou  imposé,  mais  détestable,  avec  des  appa- 
rences rigoureuses  et  claires.  Après  avoir  parcouru  le  domaine  du  ro- 
man, l'équerre  et  la  chaîne  d'arpenteur  à  la  main,  après  l'avoir,  au  prix 
de  bien  des  combinaisons,  mesuré, sectionné,  jalonné  et  quadrillé  comme 
un  plan  du  cadastre,  il  nous  fait  cette  piteuse  confidence  :  «  Je  prie 
qu'on  n'attache  pas  plus  d'importance  à  ces  catégories  que  je  n'en  atta- 
che moi-même.  »  C'était  bien  la  peine.  D'ailleurs  M.  Le  G.,  qui  est  un 
agréable  dilettante,  est  un  lamentable  architecte.  Sa  boîte  de  compas  le 
gêne,  et  il  manie  mal  la  règle  plate.  Son  plan  n'en  est  pas  un.  Le  terri- 
toire du  Roman  se  divise  en  dix  provinces  que  voici  :  Naturalistes, 
Impressionistes,  Symbolistes,  Philosophes,  Rustiques,  Mondains,  Nou- 
vellistes, Romantiques,  Éclectiques,  Divers.  Cette  nomenclature  n'est- 
elle  pas  de  celles  que  Voltaire  se  plaisait  à  appeler  du  gali-Thomas?  On 
nous  explique  ces  formules,  on  fait  des  naturalistes,  impressionistes  et 
symbolistes  trois  variétés  du  genre  réaliste,  sans  qu'on  nous  rende  suffi- 
samment compte  de  ce  que  le  symbolisme  vient  faire  ici;  dans  la  préface 
(p.  iv),  l'auteur  est  même  conduit  à  renier  ces  classifications  qu'il  sim- 
plifie, n'en  reconnaissant  que  deux,  réalisme  et  idéalisme  :  il  fallait  lesj 
adopter.  Le  reste  de  la  nomenclature  est  arbitraire  et  même  incomplet 
je  n'y  vois  pas,  par  exemple,  le  roman  historique,  et  j'aurais  voulu  qu'on| 
ne  confondit  pas  les  romanciers  philosophes  avec  les  psychologues.  Je 
trouve  la  Vie  parisienne  dans  les  Nouvellistes  :  puisqu'il  y  a  une  classe 
pour  les  Mondains,  c'est  peut-être  là  que  je  l'aurais  cherchée  d'abord. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  [25 

Le  Roman  Feuilleton,  qui  revêt  à  volonté  tous  les  caractères,  me  parait 
peu  propre  à  devenir  le  type  d'une  catégorie  à  part.  Quant  aux  deux 
dernières  classes,  Eclectiques  et  Divers,  on  n'aperçoit  pas  nettement 
pourquoi  c'est  là,  et  non  ail^urs,  que  nous  rencontrons  Cherbuliez, 
H.  Malot,  Fr.  Coppée,  G.  Ohnet,  H.  Gréville  ou  H.  France. 

Le  plan  n'est  pas  net,  et  pourtant  on  eut  rarement  besoin  de  plus  de 
clarté  pour  se  diriger  et  s'orienter  à  travers  la  quantité  énorme  de  noms 
et  de  titres  qu'on  nous  offre.  Si  on  ne  nous  présente  pas  tous  les  roman- 
ciers vivants,  c'est  qu'  «  on  dit  qu'ils  sont  six  mille  !  »  d'après  Bergerat; 
quoi  qu'il  en  soit,  on  nous  en  présente  beaucoup  trop.  Il  y  a  deux  façons 
d'aborder  un  sujet  d'histoire  littéraire  :  ou  bien  on  l'épuisé  en  réunis- 
sant patiemment  et  scrupuleusement  tous  les  documents  qui  s'y  rappor- 
tent, on  en  fait  un  relevé  consciencieux,  un  pouillé  complet,  et  l'on  a 
tous  les  éléments  d'un  très  bon  dictionnaire  spécial;  ou  bien  on  com- 
mence par  limiter  et. déterminer  le  champ  de  ses  investigations,  on  choi- 
sit dans  la  foule  non  pas  toujours  ceux  qui  dépassent,  mais  ceux  qui 
caractérisent  le  mieux  leur  genre,  et  l'on  travaille  seulement  après  ce 
choix  éliminatoire  au  quatrième  ou  au  cinquième  degré.  M.  Le  G.  n'a 
pris  ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  deux  méthodes,  mais  un  peu  de  l'une  et  de 
l'autre,  et  c'est  un  tort.  Il  a  fait  un  dictionnaire  raisonné,  une  nomen- 
clature rédigée;  en  un  mot,  le  livre  sent  le  manuel,  par  la  surabondance 
des  détails  auxquels  il  manque  d'être  dominés  et  coordonnés  sous  de 
grandes  idées  générales.  La  gêne,  où  cette  position  fausse  a  mis  l'auteur, 
est  sensible  à  la  recherche  variée,  mais  quelquefois  pénible  des  procé- 
dés d'exposition  et  des  transitions.  Une  page  parodiée  de  Zola  nous  sert 
d'introduction  au  Réalisme;  nous  faisons  connaissance  avec  les  Mon- 
dains grâce  à  un  interview  de  l'auteur  avec  un  «  Monsieur  homme  du 
monde  ».  Le  chapitre  commence  :  «...  Je  l'allai  voir  et  lui  dis  d'abordée  : 
«  Monsieur  l'homme  du  monde,  que  pensez-vous  de  nos  romanciers 
«  mondains?  »  Il  se  recueillit...  »  Voici  comment  se  présentent  les  Nou- 
vellistes (p.  257)  :  a  J'imagine  une  sorte  de  défilé  des  nouvellistes  où 
nous  verrions...  »  Suit  la  liste  des  noms  :  elle  occupe  cinq  pleines  pages, 
et  ce  n'est  qu'une  seule  phrase  (257-261).  L'auteur  s'arrête  essouflé 
d'énumérer  «  tous  les  dignes  figurants  de  cette  Courtille  littéraire  »  et 
ajoute  en  note  :  «  Il  y  faudrait  la  plume  d'airain  qui  servit  dans  sa  tâche 
l'auteur  du  Dictionnaire  des  cent  mille  adresses.  »  Mais  quel  besoin  de 
faire  un  dictionnaire?  Ou  alors,  il  fallait  franchement  adopter  la  forme 
du  vocabulaire,  à  laquelle  l'auteur  finit  par  arriver  au  chapitre  ix  :  c'est 
le  dictionnaire  dans  toute  sa  limpidité. 

Cette  méthode  intermédiaire  et  douteuse  l'a  empêché  de  nous  rendre 
tous  les  services  que  nous  pouvions  attendre  de  son  travail.  Comme  no- 
menclateur,  il  est  trop  incomplet,  et  nous  le  trouvons  un  peu  sans  gêne 
quand  il  nous  conseille  :  «  pour  les  manquants,  il  sera  plus  simple  de 
se  reporter  au  Journal  de  la  Librairie  »  ;  comme  critique,  il  est  un  peu 
bref  quand  il  nous  parle  de  noms  connus  sur  lesquels  on  eût  aimé  à 


126  REVUE    CRITIQUB 

Tentendre  s'expliquer  plus  amplement,  et  quant  aux  inconnus,  il  ne 
nous  les  fait  pas  connaître.  Ajouteiai-Je  que  sa  critique  n'est  pas  toujours 
suffisamment  personnelle,  et  que  MM.  Bruneiière,  Cartault,  J.  Lemaî- 
tre  et  autres  en  font  un  peu  trop  souven^t  les  frais?  Certains  jugements 
étonnent.  Je  ne  crois  pas  devoir  être  taxé  de  népotisme  si  je  proteste,  par 
exemple,  de  voir  G.  Ohnet  (p.  329)  mieux  traité  que  J.  Claretie  (p.  81). 
Ces  réserves  mises  à  part,  on  sent  à  travers  ce  livre  un  peu  émietté  un 
talent  fin  et  délicat,  une  agréable  science  de  la  plume,  un  vocabulaire 
riche  et  pittoresque,  une  facilité  rare...  Mais  arrêtons-nous  et  n'allons 
pas  consacrer  à  ce  volume  plus  de  temps  qu'il  n'a  coûté  à  faire. 

Léo  Claretie. 


386.  —  J.  JoGUET-TissOT.  Les  armées  allemandes  sous  IParie.  Paris,  Perrin, 
1890.  In-8,  VII  et  498  p.  7  fr.  5o. 

M.  Joguet-Tissot  a  fait  là  un  récit  intéressant  du  siège  de  Paris.  Il 
s'est  surtout  servi  du  livre  du  général  Ducrot,  La  défense  de  Paris,  et 
de  la  relation  de  l'É'tat-major  allemand.  On  peut  même  dire  qu'il  s'est 
borné  à  rapprocher  et  à  combiner  —  parfois  trop  littéralement  —  les 
informations  que  lui  fournissaient  ces  deux  ouvrages.  Mais  tout  ce  qu'il 
avance  est  exact,  et  son  travail  mérite  d'être  consulté.  Il  laisse  de  côté 
la  partie  politique  du  sujet  pour  ne  reproduire  que  les  opérations  les 
plus  marquantes,  et  il  s'attache  particulièrement,  avec  un  soin  louable, 
à  bien  marquer  les  emplacements  des  Allemands,  leur  manière  de  com- 
battre et  de  se  ravitailler,  (voir  p.  lOî-.iog),  les  travaux  de  campagne 
grâce  auxquels  ils  résistèrent  efficacement  aux  furieux  assauts  de  l'as- 
siégé, le  chiffre  de  leurs  effectifs  et  des  pertes  qu'ils  essuyèrent.  Le  récit 
comprend  sept  chapitres  :  Chatillon,  L'investissement,  Les  premiers 
combats,  Villiers-Champigny  (3o  novembre  et  2  décembre),  De  Cham- 
pigny  à  Buzenval,  Montretout-Buzenval  ^ 

G. 


LETTRE  DE  M.  LOUIS-LUCAS  ET  REPONSE  DE  M.  GAGNAT 


I 


Le  numéro  du  7  juillet  contient  un  compte  rendu  du  tome  I  de  la  traduction  de 
V Organisation  de  l'empire  romain  de  Marquardt  (pp.  5-6),  que  je  ne   puis  laisser 
passer  sans  réponse.  M.  R.  Gagnât,  qui  en  est  l'auteur,  se  trouve  «  choqué  surtout...  ' 
par  les  additions  »  que  nous  avons  «  fait  subir  à  notre  modèle  dans  les  notes,  sous  ■ 
prétexte  de  le  compléter  et  de  le  mettre  au  courant  ».  Je  n'hésite  pas   à   repousser    ■ 
cette  critique  et  les  observations  qu'elle  a  motivées  de  la  part  de  M.  Gagnât.  Pour 
moi,  un  Manuel  n'est  vraiment  utile  qu'autant  qu'il  peut  fournir  tous  les  renseigne- 
ments connus  se  rattachant  à  une  question  donnée.   Voilà  pourquoi   la   partie  du 
Handbucli,  dont  la  traduction  nous  a   été  confiée,  nous  ayant  paru   aussi  arriérée 
qu'incompltte  (M.  Gagnât  est  obligé  de  1'  a  avouer  »  lui-même,  p.  6),  nous  avons  ac- 
cepté la  lourde  tâche  de  la  mettre  à  jour  dans  la  mesure  du  possible.. Voilà  pourquoi 

I.  Lire  p.  97  «  von  der  Tann,  et  non  von  der  Tltann.  » 


d'histoire  et  de  littérature  127 

surtout  je  me  refuse  énergiquement  à  «  revenir  à  la  saine  méthode  »,  qui  consiste- 
rait, aux  yeux  de  votre  savant  collaborateur,  à  donner  aux  lecteurs  français  une  tra- 
duction aussi  vieillie  que  l'original,  dût  notre  Marquardt  lui  sembler  plus  «  médio- 
cre »  encore.  Aussi  bien,  quelque  «  déplacés»  qu'ils  puissent  paraître,  notre  tome 
second,  actuellement  sous  presse,  contiendra-t-il  encore  beaucoup  plus  de  renseigne- 
ments bibliographiques  et  autres  que  le  premier,  et  si,  au  cours  de  l'impression, 
quelque  travail  était  publié  ayant  trait  à  notre  sujet  qui  parvînt  à  notre  connais- 
sance, ce  qui  est  fort  probable,  M.  Gagnât  peut  être  dès  à  présent  assuré  qu'il  le 
trouvera  consigné  dans  nos  notes.  Au  surplus,  je  tiens  personnellement  à  exprimer 
ma  reconnaissance  à  M.  Gagnât  pour  les  longues  et  inutiles  critiques  qu'il  s'est  donné 
la  peine  de  formuler.  De  toutes  parts,  en  effet,  en  France  comme  à  l'étranger,  en 
Allemagne  même,  où  le  défaut  d'impartialité  était  ici  particulièrement  à  redouter, 
nous  avons  reçu  les  témoignages  et  les  encouragements  les  plus  flatteurs.  Il  y  a 
plus  :  plusieurs  membres  de  l'Institut  de  France  (Académie  des  sciences  morales  et 
[politiques;  Académie  des  Inscriptions)  ont  poussé  la  bienveillance  jusqu'à  nous  affir- 
mer que  notre  «  orgie  d'additions  »  et  notre  «  fantasia,  comme  on  dit  en  Afrique  », 
rendraient  les  plus  réels  services  au  public  français.  Il  y  avait  bien  là  de  quoi  éga- 
rer notre  modestie,  et  je  me  permets  d'adresser  à  M.  Gagnât  mes  plus  sincères  remer- 
ciements pour  être  venu  juste  à  temps  jeter  une  note  discordante  dans  ce  concert,  à 
coup  sûr  immérité,  mais  unanime,  d'éloges.  Je  n'insisterais  pas  autrement,  si  je 
n'avais  à  cœur  d'être,  moi  aussi,  utile  aux  lecteurs  de  la  Revue  critique  en  leur 
signalant  deux  erreurs  commises  par  M.  Gagnât.  L'une  résulte  de  sa  dernière  obser- 
vation (p.  5,  dernier  alinéa).  M.  Gagnât  articule  ce  grief  «  commun  à  tous  les  volu- 
mes de  la  traduction  »,  que  les  traducteurs  indiquent  les  renvois  à  certains  passages 
de  Marquardt  à  la  fois  d'après  l'édition  française,  «  quand  la  traduction  est  faite  », 
et  d'après  l'édition  allemande,  a  pour  toutes  les  parties  non  traduites  ».  Or,  s'il  avait 
lu,  «  la  plume  à  la  main  »,  notre  premier  volume  de  traduction,  sa  critique  se  fût 
certainement  spécialisée.  Nous  avons  toujours  pris  soin  d'indiquer  si  le  renvoi  était 
fait  à  l'édition  allemande  ou  à  l'édition  française,  de  telle  sorte  que  r«  inconvénient  » 
et  l'incohérence  qu'il  relève  ne  nous  touchent  en  rien.  Quant  à  l'autre  erreur,  elle  est 
beaucoup  plus  grave,  et  je  suis  d'autant  plus  à  l'aise  pour  la  dénoncer,  qu'ici  c'est 
aux  ouvrages  de  droit  en  général  que  M.  Gagnât  fait  le  procès. «  Pour  conformer  les 
citations  à  de  mauvaises  habitudes  que  l'on  suit  encore,  je  ne  sais  pourquoi,  dans  les 
ouvrages  de  droit,  écrit  M.  Gagnât,  MM.  W.-L.  ont  corrigé  Marquardt  dans  ses  cita- 
tions. Là  où  celui-ci  a  mis  par  exemple  ;  Dig.,  L,  i,  21,  g  4,  ce  qui  est  clair  (!)  et  per- 
met de  trouver  aisément  (!!!)  le  passage  voulu  dans  un  Digeste,  MM.  W.-L. écrivent: 
Paul.,  L.  21,  g  4,  Ad  municip.  et  ae  iuc,  D.,  L.  i,  ce  qui  est  on  ne  peut  plus  em- 
brouillé, ne  serait-ce  que  parce  que  L  signifie  à  la  fois  Lex  et  quinquaginta.  »  Je 
maintiens  que  MM.  W.-L.  ont  raison  de  corriger  Marquardt  et  d'écrire  avec  les  ou- 
vrages de  droit  incriminés  comme  ils  le  font  et  j'avoue  qu'une  pareille  critique 
m'ébranlerait  plus  de  la  part  d'un  romaniste  que  de  celle  de  M.  Gagnât  à  qui,  puis- 
qu'il veut  bien  m'en  prociy^er  l'occasion,  je  suis  heureux  de  donner  un  renseignement 
qu'il  confesse  ignorer  :  c'est  que  les  jurisconsultes  ont  d'excellents  motifs  pour  citer 
de  la  sorte  les  passages  par  eux  visés  des  Pandectes.  Adopter  le  procédé  de  Marquardt, 
c'est  courir  la  chance  de  fréquentes  erreurs,  et  si  M.  Gagnât  se  doutait  de  toutes  celles 
qui  ont  été  relevées  par  nous,  il  reconnaîtrait  sans  doute  la  supériorité  de  l'autre 
mode.  En  suivant  ce  dernier,  évidemment  plus  long,  on  a  le  double  avantage  d'une 
grande  clarté,  quoi  qu'il  en  dise,  et  d'une  précision  à  l'abri  de  tout  danger^  même  de 
fautes  typographiques.  Le  lecteur  sait  d'abord  de  qui  émane  la  Loi  dont  il  s'agit;  il 
sait  ensuite,  —  et  c'est  là  le  point  essentiel,  —  à  quel  titre  elle  appartient.  De  telle 
manière  que  si,  par  le  résultat  d'une  incorrection  quelconque,  le  numéro  de  la  Loi, 


128  REVUE   CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

le  livre  ou  le  titre  du  Digeste,  quelquefois  même  tous  les  trois,  sont  faussement  ci- 
tés, grâce  à  l'indication  de  la  rubrique  du  titre  et  du  nom  du  jurisconsulte,  il  arri- 
vera sans  trop  de  peine  à  retrouver  le  fragment  qu'il  désire  consulter,  ce  qui  lui  est 
impossible  avec  l'autre  méthode.  Q.uant  à  l'amphibologie  qui  résulte  de  l'emploi  de 
la  lettre  L,  suivie  du  n»  de  la  Loi  et  de  la  transcription  de  la  rubrique,  elle  n'exis- 
tera jamais  dans  l'esprit  du  jurisconsulte,  j'en  puis  donner  l'assurance  à  M.  Gagnât. 
Et,  de  même  qu'un  épigraphiste,  lisant  à  la  fin  d'une  inscription  cette  formule  si  fré-  ■ 
quente  :  L.  D.  D.  D.,  ne  songera  pas  à  traduire  L.  par  lege,  libero,  liberto  ou  qidn- 
quaginta,  mais  bien  par  loco,  ainsi  l'homme  de  droit  ne  s'ingéniera  pas  comme  à 
plaisir  à  chercher  laborieusement  dans  un  Dictionnaire  tous  les  mots  commençant 
par  L,  ou  le  sens  numérique  qu'il  convient  d'attacher  a  ce  signe,  pour  attribuer  à 
cette  lettre  la  signification  de  l'un  d'eux,...  sauf  la  bonne  i.  —  Louis-Lucas. 

RÉPONSE  DE  M.   GAGNAT 

Je  n'ai  rien  à  ajouter  ni  à  retrancher  à  mon  article  du  7  juillet  dernier.  Libre  à 
M.  Louis-Lucas  de  croire  que  sa  traduction  est  réussie  et  que  la  méthode  qu'il  suit 
est  la  bonne.  —  René  Gagnât. 

ACADEMIE   DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 

Séance  du  8  août  18 go. 

M.  le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  d'un  décret  du  président  de  la  Républi- 
que, par  lequel  l'Académie  est  autorisée  à  accepter  le  legs  universel  qui  lui  a  été  fait 
par  M.  Eugène  Piot. 

M.  Ravaisson  achève  la  lecture  de  son  mémoire  sur  la  Vénus  de  Milo. 

De  l'étude  de  la  statue,  des  fragments  qui  en  dépendent  et  de  la  configuration  de 
la  base,  il  résulte,  dit  M.  Ravaisson,  qu'elle  était  groupée  avec  un  second  person- 
nage, sur  l'épaule  duquel  posait  sa  main  gauclie  et  vers  lequel  s'élevait  sa  main 
droite.  Ce  personnage,  d'après  la  comparaison  de  nombreux  monuments  antiques, 
était  semblable  à  la  statue  du  Musée  du  Louvre  qu'on  a  longtemps  pris  pour  un 
Achille  et  qui  est  en  réalité  un  Mars.  La  composition  primitive,  dont  la  statue  trou- 
vée à  Milo  est  la  copie,  représentait  Vénus  apaisant  et  peut-être  désarmant  le  dieu 
de  la  guerre.  Elle  dut  avoir  pour  premiers  auteurs  Alcamène  et  Phidias.  On  l'ap- 
pelait la  Vénus  des  Jardins,  parce  qu'elle  était  placée  dans  la  région  d'Athènes  ainsi 
dénommée,  comprenant  le  Céramique  et  l'Académie,  où  étaient  ensevelis  les  morts 
illustres  et  oit  l'on  élevait,  comme  en  leur  présence,  la  jeunesse.  Le  Mars  Borghèse 
porte  à  la  jambe  droite  l'anneau  qu'on  mettait  aux  captifs.  Cette  particularité  doit 
faire  reconnaître  ici,  divinisé  en  Mars,  Thésée,  fondateur  et  patron  d'Athènes,  qui 
avait  subi,  pour  délivrer  ses  concitoyens,  un  esclavage  volontaire. 

Le  groupe,  ajoute  l'auteur  du  mémoire,  conforme,  dans  sa  composition,  et  aux 
idées  d'apothéose  que  rappellent  presque  tous  les  monuments  funéraires  de  l'anti- 
quité, et  à  l'idée  qu'elle  se  faisait  de  l'héroïsme,  représentait  donc,  par  l'union  de 
Vénus  identifiée,  comme  elle  l'était  souvent,  avec  Proserpine,  et  de  Thésée,  transformé 
en  Mars,  la  divinisation  finale,  couronnement  de  la  vie  héroïque.  Aussi  en  fit-on, 
pendant  des  siècles,  des  imitations  destinées  à  orner  des  sépultures. 

M.  Maspero  communique  un  rapport  de  M.  René  de  la  Blanchère,  directeur  du  ser- 
vice des  antiquités  et  des  arts  dans  la  régence  de  Tunis,  sur  les  fouilles  exécutées 
par  les  soins  de  ce  service  depuis  le  commencement  de  l'année  1890.  Sept  chantiers 
ont  été  ouverts,  savoir  :  à  Tabarka,  au  Bardo,  à  BuUa  Regia,  à  Bicharna,  à  Sousse,  à 
Gafsa  et  à  Mahédia.  Celte  campagne  de  fouilles  est  certainement,  dit  M.  de  la  Blan- 
chère, la  plus  fructueuse  qui  ait  jamais  été  faite  en  Afrique  et  une  des  plus  heureu- 
ses que  l'archéologie  française  ait  menée  dans  ces  derniers  temps  en  aucune  partie 
du  monde  antique. 

NL  Menant  communique  à  l'Académie  la  traduction  d'fin  passage  des  inscriptions 
hétéennes  de  Hamath,qui  avait  résisté  jusqu'ici  aux  teniatives  d'interprétation  de  ses 
devanciers.  Cette  traduction,  dit-il,  est  d'autant  plus  importante  qu'elle  complète 
le  sens  général  de  l'inscription  et  qu'elle  apporte  la  confirmation  de  la  lecture  du 
nom  de  la_  ville  de  Kar-Kemis  (Kar-Kamis),  que  M.  Menant  avait  présentée  dans  une 
séance  précédente. 

Ouvrages  présentés,  de  la  part  des  auteurs,  par  M.  Maspero  :  —  1°  Louet  (V.), 
les  Flûtes  égyptiennes  antiques  (extrait  du  Journal  asiatique);  2"  Loret  (CL),  Re- 
cherches  sur  l'orgue  hydraulique  (extrait  de  la  Revue  archéologique). 

I .  M.  Weiss  s'associe  pleinement  et  sans  réserve  à  cette  réponse  et  joint  son  nom  au  mien. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Fuy-y  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  23. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N»  36-37  -  8  septembre    15  septembre  —  1890 

Sommaire  s  SSy.  Warton.  Elymologie  latine.  —  388.  Hûbner,  La  domination 
romaine  dans  l'ouest  de  l'Europe.  —  SSg.  Th.  Mûller,  Le  conclave  de  Pie  IV. 
—  Sgo.  Catherine  de  Ricci,  Lettres,  p.  p.  Gherardi.  —  Sgi.  Weiss,  La  Chambre 
Ardente.  —  3q2.  Nève,  La  Renaissance  en  Belgique.  —  3g3.  Vernière,  Courses 
de  Mandrin  dans  l'Auvergne.  —  304.  Joubert,  Les  Constantin,  grands  prévôts 
d'Anjou.  —  3g5.  Bouvy,  Pietro  Verri.  —  396.  Fay,  Journal  d'un  officier  de  l'ar- 
mée du  Rhin.  —  Chronique. 


387.  —  Etyma  Latina,  an  etymological  Lexicon  of  classical  Latin,  by  Edward 
Ross  Wharton,  m.  A.,  fellow  and  lecturer  of  Jésus  Collège,  Oxford.  — London, 
Rivingtons,  mdcccxc.  Pet.  in-8,  xxxiv-i52  pp. 

M.  Wharton,  que  ses  pénétrantes  recherches  sur  la  grammaire  histo- 
rique et  notamment  sur  la  phonétique  du  latin  ont  mis  hors  de  pair 
en  quelques  années,  nous  donne  aujourd'hui  le  résumé  de  ses  travaux, 
sous  la  forme  d'un  dictionnaire  étymologique  aussi  court  que  complet, 
accompagné  d'un  aperçu  sommaire  de  la  phonétique  du  langage  indo- 
européen et  des  langues  qui  en  sont  issues.  Ce  petit  volume,  maniable, 
solide,  d'une  netteté  typographique  irréprochable,  est  à  tous  égards  le 
bienvenu.  C'est  affaire  à  la  librairie  anglaise  de  joindre  ainsi  Télégance 
de  la  forme  à  l'excellence  du  fond.  Les  têtes  d'articles,  rigoureusement 
rangées  par  ordre  alphabétique,  sont  rapportées  à  leur  origine  probable 
et  rapidement  rapprochées  de  leurs  principaux  congénères  indo- 
européens :  jamais  de  superflu,  mais  tout  l'essentiel  i,  et  une  concision 
de  rédaction  qui,  sans  nuire  à  la  clarté,  fait  tenir  en  trois  lignes  la 
matière  d'une  longue  discussion.  Bon  mémento  pour  les  dérivations 
déjà,  connues,  le  livre  en  contient  aussi  beaucoup  de  nouvelles  :  la 
plupart  sont  discutables  —  on  ne  fait  plus  rien  d'original  qu'à  ce  prix 
—  mais  parfaitement  scientifiques;  quelques-unes,  peu  convaincantes 
(amô,  fore,  parricidaj  ou  même  inintelligibles  (formica);  plusieurs, 
d'une  heureuse  et  frappante  s\m^\\c\ié (abundô,  edepol  ~^fa77iês,pulcer^ 
vitricus) . 

Concision  et  nouveauté,  ce  sont  là  deux  qualités  qui,  sans  s'exclure, 
ne  vont  pas  ensemble  sans  un  assez  grave  inconvénient,  et  M.  Wh. 
ne  se  l'est  certainement  pas  dissimulé,  mais  il  a  dû  s'y  résigner.  Sur 

1.  Il  y  a  pourtant  quelques  lacunes  :  ainsi  iniiniâ  et  pùniô  sont  omis,  à  dessein 
sans  doute  en  tant  que  verbes  dérivés;  mais,  si  par  hasard  le  débutant  ne  s'avise 
pas  de  songer  à  moenia  et  à  poena,  il  ne  se  tirera  point  d'affaire. 

2.  Finale  détachée  du  juron  complet  «  E  Castor  ed  (=  et)  e  Pol,  O  Castor  et 
3  Pollux  ». 

Nouvelle  série.  XXX.  36-37 


l3o  REVUE    CRITIQUE 

chaque  mol  il  ne  donne  jamais  qu'une  étymologie,  y  en  eût-il  quatre 
ou  cinq  aussi  plausibles.  Rien  de  mieux  pour  les  vétérans  de  la  linguis- 
tique, qui,  en  la  lisant,  ont  les  autres  présentes  à  la  mémoire,  ou  savent 
au  besoin  où  les  trouver.  Mais  les  étudiants,  à  qui  spécialement  le  livre, 
est  dédié,  qui  les  avertira  que  telle  dérivation  fournie  par  leur  guide 
n'est  pas  la  seule  proposée,  n'est  peut-être  point  la  vraie,  en  tout  cas 
doit  être  discutée,  contrôlée  avec  soin,  tenue  provisoirement  pour 
hypothétique  i?  La  forme  de  renseignement  qu'ils  reçoivent  les  invite 
trop  à  devenir  homines  imius  libri.  Il  faut  donc  leur  dire  en  toute  fran- 
chise que  l'usage  quotidien  de  ce  précieux  lexique  ne  les  dispense  point 
de  recourir  souvent  à  d'autres  ouvrages,  tels  que  les  Gnind:;uge  de 
Curtius  —  mis  au  point,  bien  entendu,  en  ce  qui  concerne  la  phonétique 
—  ou  le  Dictionnaire  de  MM.  Bréal  et  Bailly.  Il  ne  leur  est  point 
permis  d'ignorer  que  certains  linguistes  assimilent  seruà\r,\v.c\.glôria  au 
sk.  çravasj^d,  dussent-ils  même,  quand  ils  le  sauront,  préférer  ces  vieilles 
dérivations  à  celles  de  leur  auteur;  et,  pour  ma  part,  j'avoue  que  je  ne 
me  sentirais  pas  le  cœur  de  les  en  blâmer.  ^ 

La  même  raison,  entre  mille  autres,  empêche  d'entrer  dans  Texamen 
détaillé  des  dérivations  proposées  par  M.  Wh.  :  quand,  par  exemple, 
on  le  voit  rattacher  cella  à  cêlv,  on  ne  peut  savoir  s''il  ignore  ou  s'il 
repousse  l'étymologie  récente  ceîla  =  *  cêlla  =  *  cêrula  ~  «  fragment 
de  cire  (dans  un  rayon  de  miel)  ».  Mais,  a  priori,  c'est  la  seconde  pré- 
somption qui  doit  l'emporter;  le  savoir  et  la  conscience  de  Tauteur 
nous  en  sont  garants., 

C'est  avec  une  vive  satisfaction  qu'on  voit  se  multiplier  les  livres 
destinés  à  répandre  en  Angleterre  la  connaissance,  le  goût  et  les  saines 
méthodes  de  la  grammaire  comparée.  L'ambition  de  M.  Wharton  est 
plus  haute,  et  il  la  justifie  :  les  indogermanistes  de  tous  pays  lui  sauront 
gré  de  ce  qu'il  leur  apprend,  leur  suggère  ou  leur  rappelle  ^. 

V.   Henry. 


1.  Le  défaut  est  atténué  par  la  liste  des  trois  cent  soixante  dérivations  nouvelles  que) 
l'auteur  a  dressée  dans  sa  préface;  mais  il  subsiste  tout  entier  pour  les  cas  nom- 
breux où  l'auteur  cite  exclusivement  une  des  étymologies  anciennes,  sans  donner 
aucune  raison  de  sa  piéférence  ni  même  avertir  qu'il  en  existe  d'autres  (un  simple 
signe,  tel  que  «  pb.  »  signifiant  «  probable  »,  eût  pu  suffire  à  mettre  en  garde  le 
lecteur  et  à  distinguer  les  rapprochements  conjecturaux  de  ceux  qui  sont  absolument 
sûrs).  Que  dire  enfin  des  cas,  fort  rares,  il  est  vrai,  où  l'auteur  semble  trop  céder  a 
l'attrait  de  la  nouveauté  et  lui  sacrifier  un  peu  la  vraisemblance.' 

2.  K.  Z.,  XXIX,  p.   192. 

3.  Au  nombre  des  incontestables  mérites  de  M.  Wh.,  je  dois  mentionner  la  notatior 
de  la  vraie  quantité  latine,  souvent  si  difficile  à  reconnaître  quand  la  voyelle  est  er 
position,  v.  g.fôrma,/ortâssis,  ôrnô.vêstibulum,  etc. 


i 


d'histoire  eT  de  littérature  i3i 

388.  —  E.  HÛBNER.   Rœmlsche  Herrscliaft  In   TVesteuropa.  Berlin,  1890, 
in-8,  chez  W.  Hertz,  296  pages.  (6  marks). 

Le  titre  que  M.  Hûbner  a  inscrit  en  tête  de  son  livre  ne  donne  pas 
une  idée  exacte  du  contenu.  On  pense,  avant  de  l'ouvrir,  que  Ton  va  y 
trouver  un  tableau  d'ensemble  sur  le  développement  de  l'occupation 
et  de  la  civilisation  romaines  dans  l'ouest  de  l'Europe  ,  quelque 
chose  comme  des  chapitres  détachés  d'une  Histoire  romaine,  écrits 
largement,  à  la  manière  de  M.  Mommsen.  Il  n'en  est  rien.  Le  vrai 
titre  de  l'ouvrage  devrait  être  Mélanges  d^Histoire  et  d'archéologie. 
M.  H.  a  repris  un  certain  nombre  des  articles  qu'il  a  composés  depuis 
quelque  trente  ans  ;  il  les  a  mis  au  courant  et  en  a  fait  un  volume.  On 
se  tromperait  aussi  si  l'on  cherchait  dans  ce  livre  un  travail  de  science 
pure;  c'est  plutôt  un  écrit  de  vulgarisation  scientifique;  la  preuve  en 
est  que  M.  H.  n'a  pas  introduit  une  seule  référence  dans  le  corps  de 
l'ouvrage;  il  signale  seulement,  au  début  de  chaque  chapitre,  les  arti- 
cles principaux  parus  sur  le  sujet.  Il  n'y  est  question  que  de  trois  pro- 
vinces de  l'empire  romain,  la  Bretagne,  la  Germanie  et  l'Espagne, 
celles  que  l'auteur  a  étudiées  plus  spécialement,  soit  parce  qu'il  est  alle- 
mand, soit  parce  qu'il  a  rédigé  le  recueil  des  inscriptions  latines  qui  y  ont 
été  trouvées.  (Corp.  insc.  lat.^  t.  II  et  VII. j  II  est  inutile  de  dire  que  la 
lecture  du  volume  est  fort  instructive.  M.  H.  est  trop  connu  pour  qu'il 
soit  utile  d'insister;  nul  ne  peut  parler  avec  plus  d'autorité  que  lui 
de  l'Espagne  et  de  la  Bretagne  romaines.  Il  suffira  d'indiquer  ici  la 
suite  des  sujets  qu'il  a  abordés.  Le  chapitre  P"  traite  de  la  Bretagne. 
L'auteur  raconte  les  destinées  de  cette  île  depuis  sa  soumission  jusqu'à 
la  fin  de  la  domination  romaine  dans  le  pays,  en  insistant  surtout  sur 
la  description  du  vallum  d'Adrien  et  de  celui  d'Antonin.  Un  para- 
graphe spécial  est  consacré  à  Mars  Thingous,  signalé  par  une  inscription 
de  Borcovicium,  et,  à  ce  propos,  aux  dieux  dont  les  auxiliaires  gaulois 
et  germains  amenèrent  avec  eux  le  culte  en  Bretagne.  Au  chapitre  II,  il 
est  question  du  limes  d^  Germanie  et  du  développement  des  différentes 
villes  romaines  de  la  région.  Dans  un  appendice,  M.  H.  a  émis  des 
réflexions  intéressantes  sur  Arminius,  particulièrement  sur  son  nom. 
Le  dernier  chapitre,  qui  m'a  paru  supérieur  aux  autres,  sans  doute 
parce  que  les  sujets  qui  y  sont  traités  m'étaient  plus  étrangers,  a 
trait  à  l'Espagne.  M.  H.  s'arrête  successivement  sur  Tarragone^  avec 
ses  murs  primitifs  qui  remontent  aux  Ibères;  sur  les  Baléares  et  sur  Li- 
tania,  ville  de  Lusitanie.  Le  livre  se  termine  par  la  description  d'une 
tasse  d'argent  (C.  1.  L.,  II,  2917J,  dont  j'aurais  souhaité  trouver  une 
reproduction  à  côté  de  la  description,  et  par  quelques  réflexions  instruc- 
tives sui  les  eaux  minérales  de  l'antiquité. 

R.  Gagnât 


l32 


REVUE    CRITIQUE 


389.  —  Dr.  Theodor    Mûller.    Oas    lionUlavo    Plus'  IV,     i55q.     i  vol.  in-8,| 
vii-278  pages.  Gotha,  Andr.  Peilhes,  1889. 

Dans  son  livre,  à  la  fois  d'une  érudition  si  solide  et  d'une  lecture  si 
agréable,  sur  le  cardinal  Carlo  Carafa,  M.  Georges  Duruy  nous  résu- 
mait naguère  l'histoire  du  conclave,  qui  fut  réuni  le  5  septembre  iSSg, 
à  la  mort  de  Paul  IV  et  qui  se  termina  le  26  décembre,  par  l'élection  du 
cardinal  Gianangelo  Medici  (Pie  IV).  Mais  le  brillant  écrivain  ne  vou- 
lait nous  donner  qu'un  récit  sommaire  de  cette  assemblée  ;  il  se  con- 
tenta par  suite  de  reproduire  les  détails  fournis  par  Bromato  (Storia  di 
Paolo  IV),  par  Pallavicino  (Istoria  del  consilio  di  Trento)  et  surtout 
par  les  Mémoires  d'Estat  réunis  par  Ribieret  publiés  à  Paris  en  1666. 
Il  laissa  de  côté  d'autres  pièces  de  premier  ordre,  par  exemple  celles  que 
Petrucelli  mit  en  œuvre  dans  son  Histoire  diplomatique  des  conclaves, 
les  rapports  envoyés  au  roi  des  Romains,  Ferdinand,  par  son  député  à 
Rome,  Thurm,  et  publiés  en  partie  par  Sickel  fZz/r  Geschichte  des  Kon- 
:{ils  von  Trient),  entin  les  dépêches  adressées  à  Philippe  II  par  son  repré- 
sentant à  Rome,  Vargas,  et  éditées  par  Dollinger-Heinc  (Beilrage  ■{ur 
politischen,  kirchlichen  iind  Kiiltiir geschichte  der  let^ten  sechs  Jahr- 
hunderte).  En  s'appuyant  sur  tous  ces  documents  et  sur  une  série  de 
lettres  inédites  trouvées  aux  archives  de  Simancas-,  M.Théodore  Miiller 
nous  fait  aujourd'hui  un  récit  complet,  peut-être  trop  complet,  du  fameux 
conclave  de  ôSg.  Il  nous  montre  successivement  quelle  était  la  situa- 
lion  du  Saint-Siège,  sous  Paul  IV;  quel  plan  formèrent  les  diverses 
puissances  catholiques,  au  moment  de  la  mort  de  ce  pape;  quels 
candidats  se  disputèrent  sa  succession.  Puis  il  entre  dans  le  récit  des 
opérations  électorales.  (Peut-être  ici  sa  narration  eût-elle  gagné  en 
netteté,  s'il  nous  avait  dit  d'une  manière  générale  quelles  règles  l'on 
suivait  lors  de  la  nomination  du  souverain  pontife).  Pendant  près  de 
quatre  mois,  quarante-huit  cardinaux  enfermés  dans  le  Vatican  avec  en- 
viron cent  cinquante  conclavistes,  n'ont  d'autre  occupation  que  de  dési- 
gner un  pape.  En  dépit  des  règlements,  ces  cardinaux  entretiennent  une 
correspondance  active  avec  leur  souverain  ;  par  la  fenêtre  de  leurs  cellu- 
les, ils  communiquent  avec  les  représentants  de  leur  pays.  L'on  peut 
s'imaginer  par  suite  combien  d'intrigues  furent  nouées,  combien  de  ruses 
furent  inventées,  combien  de  pièges  furent  tendus.  Et  cela  se  passait  à 
un  moment  où  la  Réforme  triomphait  en  Allemagne  et  où  Calvin 
était  encore  en  vie!  Tantôt  un  candidat  français,  tantôt  un  candidat 
espagnol  semble  l'emporter;  puis  le  lendemain  tout  est  à  recommencer. 
Entin,  de  guerre  lasse,  l'on  s'accorde  à  élire  un  cardinal,  auquel  l'on 
n'avait  pas  songé  au  début,  mais  qui  rallia  tous  les  suffrages  autour  de 

1.  Nous  signalons  à  M.  M.  une  relation  ine'dite  de  ce  conclave,  due  à  l'un  des 
cardinaux  présents,  probablement  au  cardinal  de  Guise,  et  qui  se  trouve  à  la  biblio- 
thèque nationale  de  Paris,  fonds  français,  n°  6617,  fol.  73.  M.  de  Ruble  s'est 
servi  de  cette  relation  dans  son  histoire  du  Traité  de  Caleau-Cambvésis .  Paris. 
Labitte,  1889,  p.   100. 


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I 


d'histoire  et  de  littérature  1  3  3 

son  nom,  à  cause  de  son  honnête  médiocrité  et  de  son  grand  âge.  Il  faut 
lire  dans  M.  Millier  le  journal  exact  du  conclave  ;  je  connais  peu  de 
récits  aussi  instructifs  et  plus  propres  à  faire  réfléchir.  Un  dernier  cha- 
pitre retrace  la  vie  de  Pie  IV  jusqu'au  jour  de  sa  nomination  ;  il  ne  dé- 
pare pas  un  volume  très  étudié,  assez  bien  conduit,  qui  eût  toutefois 
gagné  à  être  un  peu  réduit. 

Ch.  Pfister. 

3go.  —  Le  lettere  dî  Sancta  Catarina  tle'  Ricci  fiorentina  religiosa 
domenicana  in  S.  Vincenzio  di  Prato  alla  fainiglia  con  la  giuiita  di  alcune  altre 
raccolte  da  Cesare  Guasti  e  pubblicate  per  cura  di  Alessandro  Gsieraudi.  Firenze, 
coi  tipi  di  Mariano  Ricci,  via  san  Gallo,  n"  3i,  1890.   i  vol.  ia-12  de  xxix-406  p. 

Sainte  Catherine  des  Ricci  jouit  d'une  si  grande  renommée  en  Tos- 
cane que  sa  vie  a  été  plusieurs  fois  écrite,  et  que  diverses  parties  de  sa 
correspondance  ont  déjà  vu  le  jour  en  1846  et  1861.  Aux  lettres  qui  le 
voient  aujourd'hui  pour  la  première  fois,  quelques-unes  des  précéden- 
tes ont  été  jointes,  parce  qu'elles  avaient  été  corrigées  avant  la  publica- 
tion, non  pas,  comme  les  Pensées  de  Pascal,  pour  que  rien  ne  s'y 
trouvât  qui  ne  pût  concourir  à  édifier  les  fidèles,  —  il  ne  se  trouve 
dans  les  missives  de  sainte  Catherine  des  Ricci  rien  que  d'édifiant, 
—  mais  par  un  scrupule  exagéré  d'académicien  de  ne  donner  son  exeat 
à  aucun  terme  qui  ne  parût  d'une  irréprochable  noblesse.  Ou  avait,  par 
exemple,  fait  disparaître  les  mots  pantoufles^  souliers,  bas  et  autres  sem- 
blables, pour  les  remplacer  par  le  mot  générique,  mais  peu  explicatif,  de 
vanités.  Notre  respect  actuel  pour  les  textes  ne  permettait  pas  de  tolérer 
plus  longtemps,  même  dans  le  passé,  de  telles  libertés. 

Le  recueil  ainsi  constitué  contient  quatre  cent  trente-trois  lettres 
adressées  aux  parents  et  aux  amis  de  la  sainte  religieuse  qui  les  écrit,  et 
je  n'ai  pas  besoin  de  dire  quelle  confiance  il  doit  inspirer,  puisque  c'est 
l'impeccable  Alessandro  Gherardi  qui  a  pris,  après  la  mort  de  son  chef 
et  ami  Cesare  Guasti,  le  soin  de  cette  publication. 

Pour  se  rendre  compte  de  l'intérêt  qu'elle  présente,  il  faut  se  rappeler 
qui  et  quelle  était  sainte  Catherine  des  Ricci.  Issue  d'une  des  plus  illus- 
tres familles  de  Florence,  qui  avait  longtemps  tenu  tête  aux  Albizzi 
dans  la  période  oligarchique  de  la  République  florentine,  ayant  trois 
frères  et  une  sœur  du  premier  lit,  dont  elle  était,  quatre  frères  et  cinq 
soeurs  du  second,  elle  était  entrée  en  religion;  elle  faisait  profession  en 
1 536,  quoique  sa  marâtre  fût  une  mère.  Dans  les  familles  nombreu- 
ses, le  couvent  était  un  bon  moyen  de  débarras  :  quatre  des  sœurs  de 
Catherine  y  entrèrent  comme  elle,  après  elle  et  auprès  d'elle. 

Sa  célébrité  tient  à  ses  extases.  C'est  une  Louise  Lateau  avant  la  let- 
tre. Elle  est  malade  d'hydropisie,  voit  Savonarole  en  vision  et  est  par  lui 
guérie  deux  fois.  Pendant  douze  ans  elle  a,  toutes  les  semaines,  l'extase 
de  la  Passion,  avec  stigmates.  Son  immobilité  durait  vingt  huit  heures. 
Elle  n'en  sortait  que  pour  mouvoir  son  bras  et  bénir,  si  quelque  assis- 


l34  REVUE    CRITIQUE 

tant  demandait  par  son  intermédiaire  la  bénédiction  de  Dieu.  On  avait 
commencé  par  se  demander  si  c'était  de  Dieu  ou  du  Diable  qu'elle  était 
possédée;  mais  le  doute  n^Avait  pas  duré  longtemps.  Chaque  fois  qu'elle 
devait  communier,  on  en  était  averti  par  un  parfum  des  plus  agréables 
qui  sortait  de  son  corps.  Bientôt,  même,  sans  communier,  elle  par- 
fumait le  couvent.  Jésus,  le  divin  rédempteur,  lui  avait  ôté  son  cœur 
pour  lui  en  donner  un  nouveau  formé  sur  le  modèle  de  celui  de  la 
Vierge.  C'était  bien  avéré.  Elle  avait  une  puissance  miraculeuse  pour 
convertir  les  pécheurs.  Le  Christ  et  la  Vierge  avaient  avec  elle  de  gran- 
des familiarités.  Ils  la  prenaient  dans  leurs  bras  et  la  couvraient  de  ca- 
resses. Les  anges  et  les  saints  venaient  Pentretenir  dans  sa  cellule  avec 
un  abandon  tout  fraternel,  «  comme  si,  déjà,  dit  le  père  Rayonne,  un 
de  ses  biographes,  elle  leur  eût  appartenu  ».  Des  vierges  martyres 
des  temps  héroïques  du  christianisme  venaient  aussi  lui  rendre  visite. 

On  ne  pouvait  faire  moins  que  de  la  nommer  prieure.  Il  paraît 
qu'elle  gouverna  très  bien  son  troupeau,  qu'elle  exerça  même  une 
action  bienfaisante  au  dehors,  et,  ce  qui  est  curieux,  qu'elle  obtint  de 
Dieu,  sur  sa  prière,  d'être  délivrée  des  effets  extérieurs  de  ses  extases. 
Morte,  elle  fit  plus  tard  de  nombreuses  apparitions  dans  son  couvent, 
et,  selon  l'usage,  constaté  par  les  hagiographes  pour  tant  d'autres  saints, 
de  non  moins  nombreux  miracles. 

On  comprend,  dès  lors,  le  genre  d'intérêt  que  peuvent  présenter  les 
lettres  familières  d'une  personne  si  fort  avant  dans  les  grâces  du  Sei- 
gneur. Elle  y  donne  sans  doute  des  conseils  relatifs  aux  devoirs  de  la 
vertu  et  delà  religion;  mais  pas  trop  fréquents,  ni  trop  longs,  en  vérité. 
C'est  une  femme,  c'est  une  sœur  qui  ne  se  désintéresse  pas  des  siens,  qui 
leur  montre  sa  tendresse,  sa  sollicitude,  et  descend  aux  moindres  détails. 
Ces  Italiens,  quoiqu'ils  nous  aient  donné  saint  François  d'Assise,  ne  se 
perdent  pas  dans  le  mysticisme,  comme  tant  d'autres  en  diverses  nations. 
Elle  fait  aux  siens  des  cadeaux,  rajeunit  ou  renouvelle  leur  linge,  leur 
garde-robe,  s'occupe  de  leur  santé,  s'inquiète  de  ne  pas  recevoir  de 
leurs  nouvelles,  en  demande  au  tiers  et  au  quart.  Envers  son  plus 
jeune  frère,  son  demi  frère  Vincenzo,  qui  a  vingt-deux  ans  de  moins 
qu'elle,  et  qui  est  orphelin  depuis  ses  premières  années,  elle  est  une 
véritable  mère,  elle  administre  les  biens  de  ce  Benjamin,  fait  pour 
lui  des  rentrées,  passe  pour  lui  des  contrats.  Quand  il  est  sur  le  point 
de  se  marier,  elle  veut  sans  doute  qu'il  traite  raff"aire  avec  le  cœur, 
mais  elle  veut  surtout  qu'il  fasse  «  les  choses  claires  »,  qu'il  ne  «  laisse 
pas  son  bien  à  un  autre  »,  et  qu'il  «  ne  faiblisse  pas  dans  ce  qui  est 
juste  ».  Elle  travaille  avec  ardeur  au  trousseau  de  la  mariée,  comme  si 
elle  n'avait  pas  autre  chose  à  faire.  Elle  parle  à  tout  instant  de  chemises 
à  coudre  ou  à  raccommoder,  de  collerettes,  de  coiffes,  de  torchons. 
Comme  cette  belle-sœur  est  jeune  et  sans  expérience,  elle  lui  recom- 
mande de  ne  rien  gaspiller,  de  ne  rien  laisser  perdre;  elle  lui  envoie  un 
tas  de  recettes  pour  les  indispositions  et  maladies;  elle  prépare  le  trous- 


d'histoire  et  de  littérature  i35 

seau  du  bébé  à  venir;  elle  cherche  la  nourrice;  elle  sait,  quoique  n'ayant 
pas  eu  d'enfant,  quoique  n'ayant  jamais  ressenti,  assure-t-on,  «  l'aiguil- 
lon de  la  chair  »,  comment  il  faut  s'y  prendre  pour  que  le  nouveau-né 
ne  se  torde  pas  les  jambes  ;  elle  demande  s'il  ne  veut  rien  de  sa  tante. 
Le  père  est-il  absent  pour  les  affaires  de  sa  banque,  elle  console  et  ras- 
sure sa  belle-sœur,  malgré  sa  propre  et  vive  inquiétude.  Tonino, 
écrit-elle  une  fois,  ne  veut  pas  rester  sans  son  papa,  ni  moi  sans  mon 
frère. 

La  partie  édifiante  de  ces  lettres  a  pour  nous  moins  de  prix  que  pour 
les  Italiens,  et  aussi  les  détails  qui  leur  permettent  de  rectifier  certains 
menus  faits  de  l'histoire  florentine  d'alors;  car,  en  ce  qui  concerne  ces 
derniers,  l'histoire  de  Florence  et  de  la  Toscane,  après  l'immolation 
définitive  de  la  liberté,  n'a  plus  d'intérêt  que  pour  eux.  Mais  n'est-il 
pas  curieux  de  voir  qu'au  milieu  du  xvi^'  siècle,  Catherine  parle  d'une 
épidémie  d' influença,  en  lui  donnant  les  mêmes  caractères  qu'a  pré- 
sentés celle  qui  vient  de  travailler  si  fortement  l'Europe? 

Il  y  a  aussi  dans  cette  correspondance  bien  des  renseignements  utiles 
sur  la  vie  des  couvents.  Outre  les  travaux  féminins  communs  à  tous, 
dans  le  couvent  dominicain  de  Prato,  les  nonnes  peignaient,  et  leurs 
anges  bouffis  leur  rapportaient  gros.  Comme  les  couleurs  coûtaient 
moins  cher  à  Venise  qu'à  Florence,  quand  son  frère  Vincenzo  était  dans 
les  lagunes  pour  ses  affaires,  elle  le  chargeait  de  ses  achats.  Mais  les 
bénéfices  que  rapportait  la  peinture,  d'art  devenue  industrie,  ne  dimi- 
nuaient en  rien  le  prurit  d'acquérir.  Après  tout,  c'était  peut-être  pour 
donner  d'une  main  ce  qu'elles  recevaient  de  l'autre  que  les  domini- 
caines de  Prato  les  tendaient  toutes  deux. 

Ce  nouveau  travail  du  vigilant  éditeur  est  un  modèle  comme  les 
précédents.  Toujours  exact,  on  peut  se  fier  à  lui.  Toujours  sobre,  s'il 
met  des  notes  au  bas  de  toutes  les  pages,  il  se  borne  au  strict  nécessaire. 
J'ai  quelquefois  cherché  à  le  prendre  en  faute,  et  je  n'y  ai  jamais 
réussi.  Pauca,  sed  bona. 

F. -T.  Perrens. 


Sgi.  —  La  Cliambre  ardente,  étude  sur  la  liberté  de  conscience  en  France 
sous  François  I"  et  Henri  II  (i540-ib5o),  suivie  d'environ  5oo  arrêts  inédits, 
rendus  par  le  Parlement  de  Paris  de  mai  1547  à  mars  i55o,  par  N.  Weiss, 
pasteur,  bibliothécaire  de  la  Société  de  l'histoire  du  protestantisme  français.  Paris, 
Fischbacher,  1889,  in-8,  CLi-432  pages. 

L'ouvrage  que  vient  de  publier  M.  Weiss,  pour  le  premier  centenaire 
de  la  liberté  de  conscience,  est,  à  tous  égards,  digne  de  cette  grande  date. 
Il  peut,  mieux  que  toute  autre  publication,  nous  en  faire  apprécier  l'im- 
mense bienfait.  C'est  une  oeuvre  fortement  conçue  qui  jette  des  clartés 
nouvelles  et  presque  inattendues  sur  tout  un  côté  de  l'histoire  religieuse 
du  xvi«  siècle,  jusqu'ici  négligée  et  mal  connue.  De  tels  livres,  en  décou- 
vrant impitoyablement  à  tous  les  yeux  la  part  de  cynisme  et  de  cruauté 
que  peuvent  dissimuler  les  époques  en  apparence  les  plus  brillantes  et 


1 

i 


l36  REVUE   CRITIQUE 

les  plus  polies,  rendent  à  la  cause  de  la  justice  et  de  la  vérité  historique 
un  signalé  service.  Voilà  près  de  quarante  ans  que  le  Bulletin  de  la  so- 
ciété de  l'histoire  du  protestantisme  français  travaille  vaillamment 
dans  ce  sens.  Ses  efforts  n'ont  pas  été  inutiles.  11  a  interrompu,  sur  nom- 
bre de  points,  le  concert  des  admirations  béates,  dénonçant  courageuse- 
ment le  crime  de  si  haut  qu'il  soit  parti,  et  faisant  entendre  les  voix  des 
victimes  oubliées.  Malgré  tout,  il  reste  encore  bien  des  erreurs  à  rectifier 
et  des  préjugés  à  combattre.  Pour  ce  qui  concerne  notamment  le  milieu 
du  xvi«  siècle,  période  cependant  décisive,  on  ne  possédait  que  des  infor- 
mations insuffisantes.  Le  rôle  de  Henri  II  dans  les  questions  religieuses 
et  son  attitude  vis-à-vis  des  réformés  étaient  très  vaguement  définis.  Le 
savant  rédacteur  du  Bulletin  s'est  attaqué  courageusement  à  ce  pro- 
blème. Il  a  fait  sortir,  presque  tout  entière  des  archives,  l'histoire  infini- 
ment poignante  des  cruelles  persécutions  de  la  Chambre  ardente,  persé- 
cutions que  les  précédents  historiens  avaient  à  peu  près  passées  sous  si- 
lence. Sachons  lui  gré  d'avoir  entrepris  et  mené  à  bien  cette  oeuvre  sa- 
lutaire. 

Son  livre  se  compose  de  deux  parties  distinctes  :  une  étude  historique 
et  un  recueil  d'arrêts  rendus  par  le  Parlement  de  Paris  contre  les  lu- 
thériens, depuis  le  mois  d'avril  1547  jusqu'au  mois  de  mars  i55o.  L'é- 
tude historique  traite  de  la  liberté  de  conscience,  pendant  les  dernières 
années  du  règne  de  François  I"et  les  trois  premières  de  celui  de  Henri  II 
(i  540-1550).  C'est  un  morceau  solide,  condensé,  aux  vues  larges  et  sû- 
res, qui  témoigne  d'une  connaissance  approfondie  de  Tépoque.  Un 
souffle  vigoureux  circule  à  travers  ses  pages,  d'où  Tauteur  a  su  bannir 
les  déclamations  inutiles.  Peut-être  le  ton  aurait-il  pu  être  en  quelques 
endroits  moins  agressif,  et  l'indignation  moins  véhémente.  Mais  cette 
énergie  dans  le  langage  s'explique  parfaitement  dans  l'espèce.  Du  reste, 
l'auteur  se  contente  le  plus  souvent  de  grouper  des  faits  précis  et  signi- 
ficatifs qui  emportent,  mieux  que  tout  commentaire,  la  conviction  du 
lecteur.  Le  deuxième  chapitre,  en  particulier,  renferme  des  données 
vraiement  neuves  et  intéressantes.  L'auteur  y  expose  les  préliminaires 
de  la  Chambre  ardente  (déc.  1547)  et  les  circonstances  dans  lesquelles  elle 
fut  fondée.  11  esquisse,  au  passage,  les  hommes  qui  ont  pris  une  part 
active  à  Torganisation  de  cette  juridiction  exceptionnelle  et  flétrit,  comme 
il  le  mérite,  ce  féroce  Pierre  Lizet  dont  un  journal  tentait,  il  y  a  quelques 
mois,  une  réhabilitation  bien  importune.  Il  traite  ensuite  de  la  suppres- 
sion de  l'institution  arrivée  en  1549.  Un  édit  de  Henri  II,  promulgué 
le  19  novembre  de  cette  année  là,  et  rendu  exécutoire,  à  partir  du  8  jan- 
vier de  l'année  suivante,  substituait  en  effet  les  juridictions  ecclésiasti- 
ques aux  juridictions  séculières,  sauf  en  ce  qui  concernait  les  cas  ap\it- 
lés  privilégiés.  La  découverte  tout  à  fait  inattendue  faite  aux  Archives 
nationales  d'un  registre  original  du  Parlement  confondu  jusqu'ici  au 
milieu  des  copies  de  la  série  U  ^  a  fourni  à  M.  W.,  malheureusement 

I.  C'est  à  mon  savant  collègue  M.  Paul  Gue'rin  qu'est  due  la  découverte  de  ce  re- 
gistre. Le  registre  est  coté  U.  446. 


d'histoire  et  de  littérature  i3y 

trop  tard  puisque  son  livre  était  déjà  imprimé,  tous  les  actes  officiels 
concernant  l'établissement  et  le  fonctionnement  de  la  première  Chambre 
ardente,  appelée  au  palais  la  seconde  Tournelle.  Les  lettres  d'institu- 
tion sont  du  8  octobre  i  547  et  se  trouvent,  par  là  même,  antérieures  de 
quelques  mois  à  la  date  conjecturée  tout  d'abord  par  M.  W.  Un  autre 
résultat  important  qui  ressort  de  ces  nouveaux  textes,  c'est  qu'il  y  eut 
quelques  années  plus  tard  une  seconde  Chambre  ardente,  dont  l'exis- 
tence était  restée  ignorée  jusqu'à  présent. 

Le  registre  U.  446  renferme,  en  effet,  à  la  suite  de  Tédit  du  ig  no- 
vembre 1549,  dont  il  vient  d'être  parlé,  et  de  l'édit  de  Châteaubriant, 
promulgué  le  27  juin  i55i,  un  troisième  édit  qui  rétablit  la  seconde 
Tournelle  criminelle  a  discontinuée  et  délaissée  »  à  l'occasion  des  deux 
précédentes  ordonnances.  Il  n'y  avait  eu  de  la  sorte  qu'une  interruption 
momentanée  dans  les  opérations  du  tribunal  extraordinaire  institué  contre 
les  hérétiques.  C'est  là  une  donnée  précieuse,  faute  de  laquelle  il  était 
difficile  de  se  rendre  un  compte  exact  du  véritable  caractère  de  cette  ju- 
ridiction. Ces  divers  documents,  découverts  après  coup,  montrent  d'ail- 
leurs que  l'auteur  avait  vu  juste  sur  la  plupart  des  points  et  que  plu- 
sieurs de  ses  conjectures  étaient  sérieusement  fondées.  11  est  à  souhaiter 
maintenant  que,  muni  de  ces  éléments  nouveaux,  M.  W.  puisse  étendre 
et  remanier  son  étude,  en  lui  donnant  les  proportions  que  comporte  un 
sujet  à  la  fois  si  neuf  et  si  fécond. 

Rien  de  plus  instructif  ni  de  plus  varié  que  le  recueil  d'arrêts  publié 
par  M .  Weiss.  Certains  de  ces  jugements  sont,  si  Ton  peut  dire,  éloquents 
dans  leur  simplicité.  Il  faut  lire  ces  textes  pour  se  faire  une  idée  des  hu- 
miliations terribles,  plus  poignantes  que  la  mort  même,  infligées  dans 
certains  cas  aux  malheureux  condamnés  1.  Comme  le  fait  très  bien  re- 
marquer l'auteur,  il  est  presque  impossible  de  se  rendre  un  compte 
exact  du  chiffre  des  victimes.  C'est  que  la  peste,  les  prisons  infectes,  les 
cruautés  de  la  procédure  dispensaient  souvent  le  bourreau  de  faire  son 
œuvre.  Il  est  nécessaire  de  tenir  le  plus  grand  compte  de  ces  circonstan- 
ces pour  apprécier  avec  justesse  le  caractère  et  les  proportions  véritables 
de  la  persécution  religieuse,  à  cette  époque.  C'est  pour  les  avoir  négligées 
que  la  plupart  des  historiens  ont  émis  des  jugements  si  inconsidérés 
à  son  sujet.  Remarquons  encore  que  nombre  de  ces  victimes  eurent  une 
attitude  très  courageuse  et  souffrirent  avec  une  admirable  constance. 
Parmi  les  personnes  poursuivies,  il  s'en  trouve  de  conditions  sociales 
les  plus  diverses  :  des  prêtres,  des  religieux,  des  écoliers  (par  exemple, 
nos  1 16  et  1 17),  des  libraires,  etc.  Il  est  à  remarquer  que  la  proportion  des 
gens  de  modeste  condition  est  considérable.  Que  d'histoires  tragiques, 
parfois  même  mystérieuses,  se  dissimulent  sous  ces  formules  monotones 
de  jugements  et  de  procès-verbaux  ^! 

1.  Je  citeicii  en  particulier  les  arrêts  n'^^  40,  5o,  58,  5q,  89,  loi,  i3o,  i36,  104, 
282  et  l'arrêt  81  condamnant  un  certain  Bouffeau  a  être  fouetté  au  collège  de  Mon- 
taigu,  par  les  régents  dudit  collège,  en  présence  des  étudiants  assemblés. 

2.  On  aimerait  à  savoir  par  exemple  ce  que  sont  ces  Enfants  sans  soucis,  aux  sur- 


l38  REVUE    CRITIQUE 

Ces  documents  sont  publiés  et  analysés  avec  soin.  Une  table  très  dé- 
taillée rend  les  recherches  commodes.  Il  suffit  de  la  parcourir  pour  juger 
du  grand  nombre  de  renseignements  que  ce  recueil  fournit  à  Thistoire 
locale  de  certaines  villes,  de  Langres,  d'Amiens,  de  Sens  (n"  119),  pour 
ne  citer  que  quelques  exemples.  Plusieurs  noms  de  lieux,  restés  non 
identifiés,  auraient  pu  l'être  sans  trop  de  difficulté.  Nous  ne  pouvons 
qu'engager  M.  Weiss  à  poursuivre  ses  recherches  et  à  nous  donner  sur 
cet  importante  question  de  la  Chambre  ardente  le  travail  définitif  qu'on 
est  en  droit  d'attendre  de  lui. 

A.  Lefrang. 


3g2.  —  La  Renaissance  des  lettres  et  l'essoi*  de  l'érudition  ancienne 
en  Belgique,  par  Félix  Nève,  professeur  émérite  de  l'Université  de  Louvain. 
Louvain,  Peeters;  Paris,  Leroux,  1890,  in-8  de  vin-439  p.  Pi-ix  :  8  fr. 

Ce    livre  ne  tient  pas  toutes  les  promesses  du  titre.  On   attend  un 
tableau  d'ensemble  de  la  renaissance  littéraire  en  Belgique  ;  on  trouve  un 
recueil  de  monographies  détachées  sur  des  sujets  se  rattachant  à  cette 
époque;   des  points  importants,  comme  le  rôle  de  Plantin,  celui  de 
Juste  Lipse  ne  sont  pas  étudiés.  L'ouvrage,  formé  en  grande  partie  d'an- 
ciens articles  de  revues,  est  donc  irrégulièrement  composé  et  plein  de  lacu- 
nes. Ce  n'est  pas  dire  qu'il  soit  sans  mérite.  Il  y  a  beaucoup  à  prendre 
dans  cette  série  d'études  qui  commencent  aux  rapports  d'Érasme  avec 
le  Brabant,  objet  d'un  chapitre  long  et  nourri,  pour  finir  aux  érudits  du 
commencement  du  xvn«  siècle,  Pierre  Castellanus,  André  Catulle,  et  le 
premier  auteur  de  la  Bibliotheca  Belgica,  Valère  André.  L'Université 
de  Louvain,  ses  maîtres,  ses  élèves  tiennent  dans  l'ouvrage  une  place 
prépondérante,  justifiée  par  le  rôle  que  ce  grand  établissement  scienti- 
fique a  joué  au  xvi°  siècle;  les  prédilections  de  l'auteur  s^y  attachent 
pour  d'autres  raisons  et,  depuis  l'époque  où  il  publiait  son  grand  Mé- 
moire sur  le  collège  des   Trais-Langues  (iS56],  il  n'a  cessé  d'étudier 
avec  amour  l'histoire  des  écoles  catholiques  de  Louvain,  où  il  a  lui- 
même  professé  avec  honneur.  On  remarquera  le  chapitre  sur  les  rela- 
tions de  Thomas  Morus  avec  Louvain  et  la  Belgique,  qui  fait  pendant 
au  chapitre  sur  Érasme,  la  biographie  de  Jérôme  Busleiden,  celle  de 
Martin  Dorpius,  d'Adrien  Barlandus  et  le  récit  de  la  vie  et  des  voyages 
en  Portugal,  en  Espagne  et  en  Afrique  de  Nicolas  Cleynaerts  (Clenar- 
dus)  de  Diest.  Il  faut  signaler  aussi  le  travail  de  M.  Nève  sur  Guy  Le 
Fevre  de  la  Boderie,  la  plus  complète  étude  qui  ait  été  consacrée  à  ce 
savant  français,  poète  et  orientaliste,  collaborateur  de  la  Bible  royale. 
L'auteur  a  relevé  avec  soin  tout  ce  qui,  dans  son  sujet,  se  rattache  aux 
études  hébraïques  et  orientales,  et,  à  côté  du  chapitre  sur  La  Boderie,  il 
faut  citer  celui  sur  J.-B.  Gramaye.  Il  y  a,  en  somme,  un  grand  nombre 

noms  classiques,  Narcissus,  Troilus,  Hector,  Pviam  et  Ascanais,  arrêtés  à  Noyon, 
et  dont  il  est  question  à  diverses  reprises  (n»'  227  et  243). 


d'histoire  et  de  littérature  iSg 

de  renseignements  dans  ce  livre,  un  grand  effort  de  recherche  neuve  et 
utile.  Après  avoir  dit  ce  qui  lui  manque,  je  crois  le  louer  suffisamment  en 
déclarant  que  nous  n'avons  rien  d'équivalent  en  France,  pour  la  même 
période  d'histoire  littéraire,  et  que  les  travailleurs  ont  souvent  l'occasion 
de  le  regretter  ^. 

P.    DE    NOLHAC. 


SgS.  —  Courses  de  Mandrin  dans  l'Auvergne,  le  Velay  et  le  Forez  (1754), 
par  Antoine  Vernière.  Clermont-Ferrand,  typographie  Mont-Louis,  1890,  grand 
in-8  de  98  p. 

M.  Vernière  déclare  (p.  5)  que,  bien  que  le  récit  de  la  vie  et  des  gestes 
de  Mandrin  ait  tenté  beaucoup  de  plumes  ^,  son  histoire  vraie  reste 
encore  à  faire  ^.  En  attendant  qu'un  érudit  Dauphinois  publie  le  travail 
d'ensemble  dont  il  s'occupe  depuis  longtemps,  M  V.  a  voulu  apporter  à 
cette  étude  une  part  contributive,  la  région  par  lui  habitée  ayant  été  un 
des  principaux  théâtres  des  méfaits  de  Mandrin.  De  nombreux  docu- 
ments, puisés  aux  sources  officielles,  surtout  aux  Archives  départemen- 
tales du  Puy-de-Dôme,  ont  permis  à  l'auteur  «  de  suivre  jour  par  jour, 
presque  heure  par  heure,  cet  audacieux  bandit  dans  ses  courses  à  tra- 
vers le  Forez,  l'Auvergne  et  le  Velay.  »  Avant  d'établir  avec  tant  de 
précision  l'itinéraire  de  Mandrin,  M.  V.  raconte  rapidement  la  vie  de 
Louis  Mandrin  depuis  sa  naissance  (à  Saint-Éiienne  de  Saint-Geoirs, 
le  I  r  février  1725),  jusqu'à  sa  rentrée  de  Savoie  en  France  (5  janvier 
1729).  A  partir  de  cette  dernière  date,  il  emboîte  le  pas,  pour  ainsi  dire, 
du  célèbre  brigand  et  ne  le  quitte  qu'à  Va^lence  où,  le  26  mai  1755,  ce 
dernier  fut  roué,  puis  étranglé.  L'exactitude  du  narrateur  n'est  jamais  en 

1.  Plusieurs  travaux  allemands  importants  restent  inconnus  à  l'auteur;  je  citerai 
seulement  deux  recueils  de  documents  qu'il  aurait  eu  profit  à  consulter  :  la  correspon- 
dance de  Beatus  Rhenanus  (éd.  Horawitz  et  Hartfelder;  et  celle  d'André  Masius  (éd. 
Lossen,  1886).  Les  conclusions  sur  Érasme  qu'il  veut  bien  annoncer,  p.  55,  ont  été 
déjà  données  dans  la  Tîei'Me  des  Deux-Mondes  du  i^r  juillet  1888.  L'édition  originale 
des  traductions  latines  d'Euripide  par  Erasme,  citées  p.  69,  n'est  pas  de  Venise,  lôoy, 
mais  de  Paris,  i5o6 . 

2.  Une  ample  Bibliographie  des  écrits  relatifs  à  Mandrin  a  été  récemment  publiée 
par  M.  Edmond  Maigiiien,  conservateur  de  la  bibliothèque  de  Grenoble.  Voir  sur  les 
principaux  biographes,  nos  contemporains  (1860-1882),  consultés  par  M.  V.,  p.  5, 
note  I. 

3.  M.  V.  rétablit  ainsi  en  quelques  lignes  le  portrait  réel  d'un  personnage  que  l'on 
a  travesti  dans  trop  de  livres  :  «  La  légende,  si  facile  à  créer  en  France,  a  fait  de  ce 
brigand  un  précurseur  de  Fra-Diavolo,  une  sorte  de  chevalier-errant  qui  s'était 
donné  la  mission  de  soutenir  les  intérêts  du  peuple  contre  les  sévérités  parfois  exa- 
gérées des  employés  des  Fermes.  Sa  méthode,  ses  allures,  nous  n'en  disconvenons  pas, 
ont  pu  séduire  certains  esprits  romanesques  et  servir  de  thème  à  de  nombreuses 
variations  littéraires.  Nous  estimons,  après  mûr  examen,  qu'il  faut  considérer  cet 
homme,  non  comme  un  vulgaire  malfaiteur  (son  courage  et  son  intelligence  le  met- 
taient au  dessus  de  la  tourbe  à  laquelle  il  commandait);  mais  simplement  comme 
un  hardi  contrebandier,  doublé,  lorsque  l'occasion  semblait  l'exiger,  d'un  voleur  ou 
d'un  assassin  ». 


140 


REVUE    CRITIQUE 


défaut,  et  c'est  presque  un  procès-verbal  que  cette  histoire  des  mille  cour- 
ses de  Mandrin  dans  les  trois  provinces  d^Auvergne,  du  Velay  et  du' 
Forez,  mais  un  procès-verbal  plein  d'animation  et  d'intérêt,  et  écrit  d'une 
plume  agréable  et  fine.  Autour  du  personnage  principal,  M.  Vernière 
a  groupé  beaucoup  de  personnages  accessoires,  que  tous  il  nous  fait 
bien  connaître  soit  à  l'aide  de  documents  imprimés,  soit  encore  plus  à 
l'aide  de  documents  manuscrits  (documents  des  dépôts  publics,  des  col- 
lections particulières)  '.  Les  notes,  très  abondantes,  éclairent  mille  points 
géographiques,  généalogiques,  bibliographiques,  et  on  peut  leur  appli- 
quer l'éloge  qui  a  été  donné  à  celles  dont  l'éditeur  du  Journal  de 
voyage  de  Dom  Jacques  Boyer  a  enrichi  ce  précieux  recueil  (1886). 
Texte  et  commentaire  sont  si  riches  en  indications  de  toute  sorte,  que 
M  Rochas,  dans  son  tableau  général  des  aventures  de  Mandrin,  n'aura 
guère  qu'à  reproduire,  pour  Tannée  1754,  les  excellentes  pages  de  son 

devancier. 

T.   DE  L. 


394.  —  KJae  famille  de  grands  prévôts  d'Anjou,  aux  xvii®  et  xvili^  siècles. 
Les  Constantin,  seigneurs  de  Varennes  et  de  la  Lorie,  d'après  les  Archives  iné- 
dites du  château  de  la  Lorie,  par  André  Joubert.  Angers,  CJermain  et  Grassin, 
1890.  In-8,  xi-363  p. 

Voilà  un  livre  auquel  on  ne  saurait  guère  reprocher  de  n'avoir  pas 
épuisé  la  matière  dont  il  traite.  Un  gros  volume  de  près  de  quatre  cents 
pages,  imprimé  avec  le  plus  grand  luxe  et  orné  de  vingt-quatre  gravures, 
c'est  peut-être  beaucoup  pour  l'histoire  d'une  famille  de  grands  prévôts 
d'Anjou,  durant  deux  siècles  seulement.  Il  nous  semble  que  M.  Jou- 
bert a  quelque  peu  exagéré  l'intérêt  de  son  sujet.  Les  fonctions  dont  les 
Constantin  furent  investis  n'étaient  pas  si  importantes  qu'il  le  prétend 
(p.  viii).  Je  crois  qu'on  peut  dire  sans  exagération,  d'après  le  tableau 
qu'il  en  trace  lui-même  (p.  vu),  qu'elles  ne  différaient  pas  essentielle- 
ment de  celles  d'un  officier  supérieur  de  gendarmerie  ou  d'un  procureur 
de  la  République  de  nos  jours.  Et  puis,  quel  luxe  de  documents!  Tout  y 
passe,  depuis  la  lettre  la  plus  insignifiante  jusqu'aux  comptes  ou  mémoi- 
res de  fournisseurs,  les  plus  monotones.  Franchement,  pendant  qu'il  reste 
encore  tant  de  documents  intéressants,  essentiels  même,  à  mettre  au 
jour,  n'est-il  pas  fâcheux  de  voir  une  publication  si  soignée  et  si  coû- 
teuse comprendre  de  pareilles  inutilités?  Les  pièces  justificatives  qui 
occupent  cent  soixante  pages  du  livre  ^  sont  loin,  pour  la  plupart  du 
moins, f^d'être  aussi  curieuses  que  l'affirme  M.  J,  Pour  ne  choisir  qu'un 

1.  M.  V.  a  reproduit  dans  toute  leur  teneur  quelques  uns  de  ces  documents,  par 
exemple  des  actes  notariés  où  figure  Mandria  (pp.  32-33),  une  délibération  munici- 
pale de  la  ville  d'Ambert  (p.  34),  une  chanson  conservée  parmi  les  mss.  de  la  bibliothè- 
que de  Clermont-Ferrand  (p.  80),  etc.  Voir  (entre  les  pages  36  et  37)  le  fac-similé 
d'une  quittance  de  Mandrin  et  (entre  les  pages  64  et  65)  une  gravure  représentant  le 
coquin  au  combat  de  Baune. 

2.  Non  compris  celles,  très  nombreuses,  qui  se  trouvent  intercalées  dans  le  texte. 


o'histoirk  et  dk  littékaturb  141 

seul  exemple,  le  fait  de  l'occupation  du  château  de  la  Lorie  par  les 
soldats  de  la  République  puis  par  les  troupes  vendéennes  étant  connu, 
était-il  bien  nécessaire  de  consacrer  près  de  vingt  pages  à  nous  donner, 
d'après  un  mémoire,  l'énumération  complète  de  toutes  les  serrures 
forcées  et  de  tous  les  carreaux  brisés^  Si  Ton  s'obstine  à  marcher  dans 
cette  voie  —  et  il  semble  bien  que  ce  soit  le  désir  d'un  certain  nombre 
d'érudits  —  il  faudra  nous  résigner  à  voir  publier  dans  leur' intégrité  les 
minutes  du  moindre  notaire  rural.  Plaignons  de  grand  cœur  nos  arrières- 
neveux.  Il  ne  suffit  pas  qu'un  inventaire  ou  qu'une  prisée  quelconque 
présente  un  certain  nombre  de  chiffres,  pour  qu'il  abonde  «Jen  rensei- 
gnements nouveaux  sur  la  vie  privée,  à  la  ville  et  à  la  campagne,  à  la 
rin  du  xvn^  siècle  ».  Cette  réserve  faite,  nous  ne  faisons  pas  difficulté  de 
reconnaître  que  le  travail  de  M.  Joubert  a  été  exécuté  avec  soin,  que 
les  recherches  sont  étendues  et  bien  coordonnées,  et  que  les  gravures 
—  bien  qu'on  puisse  contester  Futilité  de  certaines  d'entre  elles  —  sont 
agréables  à  regarder.  Que  n'a-t-il  réuni  tout  cela  en  une  brochure 
modeste  qui  Taurait  forcé  à  supprimer  les  détails  fastidieux  d'une  étude 
qui,  réduite  à  des  proportions  restreintes,  pouvait  n'être  pas  sans  attrait? 

A.   L. 


3gb.  —  Eug.  Bouvv.   I.e    eomte  Pletro  VerrI    (1728-1797).   Ses  idées  et  son 
temps.  Un  vol.  in-8,  vii-3oo  pp.  Paris,  Hachette,  1889. 

A  ce  titre  en  trois  parties  correspondent  trois  séries  de  chapitres:  1°  La 
biographie  de  ce  personnage  de  médiocre  importance  est  très  bonne. 
M.  B.  a  connu  et  utilisé  toutes  les  sources  accessibles,  et  tracé  un  por- 
trait qui  semble  exact  de  ce  brouillon  encyclopédique.  Pourquoi  n'a-t-il 
pas  joint  à  cette  biographie  les  deux  pages  qu'il  consacre  à  la  mort  de 
son  héros  et  qui  sont  perdues  à  la  fin  ? —  2"  Les  idées  sont  décrites  et  expo- 
sées avec  une  grande  exactitude  et  d'une  façon  aussi  complète  que  solide  : 
il  y  en  a  dans  le  nombre  de  bien  singulières,  et  elles  ne  démontrent  pas 
toutes  que  leur  auteur  fût  le  génie  qu'il  voulait  qu'on  crût  qu'il  était. — 
S*»  Reste  le  temps.  Qu'est-ce  que  le  temps  d'un  homme?  Je  comprends 
cette  expression  quand  l'homme  a  fortement  marqué  son  époque  de  son 
empreinte,  ou  quand  il  a  été,  au  contraire,  le  miroir  fidèle  de  son  épo- 
que :  mais  pour  un  personnage  comme  la  maréchale  de  Villars,  comme 
Girolamo  Morone  ou  Verri,  le  mot  me  paraît  mal  employé.  Groupe 
serait  plus  modeste  et  plus  juste  :  c'est  le  terme  que  Sainte-Beuve  a 
employé  pour  Chateaubriand.  —  Le  temps  sert  ici  de  prétexte  à  di- 
vers chapitres,  les  plus  intéressants  peut-être  du  livre,  sur  la  société  du 
Caffé,  sur  Beccaria  (un  assez  triste  caractère),  sur  les  réformes  adminis- 
tratives en  Lombardie,  sur  Milan  pendant  la  Révolution  française.  On 
aurait  pu  en  glisser  bien  d'autres  sous  le  même  titre;  deux  au  moins  me 
semblent  manquer  :  description  de  la  société  milanaise  au  milieu  et  à 
la  fin  du  xvm^  siècle,  tableau  de  l'administration  de  Firmian  et  du  gou- 


142  REVUE    CRITIQUE 

vernement  de  Joseph  II. —  Le  tout  fait  un  livre  intéressant,  qui  sera  con- 
sulté avec  fruit  par  tous  les  historiens  de  l'Italie  settecentista  :  je  ne 
dis  pas  les  historiens  futurs  de  Verri,  car  c'est  bien  assez  d'un  bon  livre 
sur  cet  assez  mince  sujet  '.  L.  G.  P, 

39Ô.  —  Joui'iial  (l'un  oiTîcici*  de  l'armée  du  Etliin,  par  le  général  Fay. 
Avec  une  carte  des  opérations,  5«  édition.  Paris,  Berger-Levrault,  1889.  In-8, 
VI  et  404  p. 

Ce  livre  vient  d'atteindre,  et  c'est  justice,  sa  cinquième  édition.  L'au- 
teur, bien  connu  de  nos  lecteurs  (cp.  Revue,  n°  16),  était  attaché  au 
quartier-général  de  l'armée  du  Rhin  en  1870.  Il  retrace  ses  impressions 
mois  par  mois  depuis  la  déclaration  de  guerre  jusqu'à  la  reddition  de  Metz. 
Les  trente-six  pages  consacrées  au  mois  de  juillet  signalent  les  premiè- 
res erreurs  d'  a  un  déplorable  système  en  vertu  duquel  les  agents  du  pou- 
voir ont  perdu  tout  esprit  d'initiative  et  tout  sentiment  de  la  responsa- 
bilité ».  Suit  le  journal  du  mois  d'août  où  Ton  remarquera  la  description 
du  désordre  qui  régnait  dans  la  petite  salle  de  l'état-major  général,  à 
l'hôtel  de  l'Europe  (p.  3y),  les  observations  sur  le  service  d'état-major 
tel  qu'il  aurait  dû  être  (p.  63),  le  récit  de  la  bataille  de  Rezonville  et 
les  réflexions  qu'inspirent  à  l'auteur  les  difficultés  de  cette  sanglante 
journée  (p.  96-100),  la  bataille  de  Saint  Privât,  l'envoi  de  M.  Fay  en 
parlementaire  et  l'émotion  qui  le  saisit  au  château  de  Jussy,  à  la  vue  de 
la  vallée  de  la  Moselle  ravagée  par  la  guerre  (p.  i33-i35),  les  projets  de 
sortie,  le  combat  de  Sainte-Barbe.  Notons  dans  le  journal  du  mois  de 
septembre  les  pages  consacrées  aux  abus  de  la  convention  de  Genève 
(p.  169-170),  aux  premières  rumeurs  de  Sedan,  aux  nouvelles  de  la 
Révolution  de  Paris.  Déjà  la  situation  s'assombrit;  les  chevaux  dépéris- 
sent; les  journées  deviennent  monotones  :  «  Pendant  les  longs  loisirs  que 
nous  laisse  notre  service,  nous  lisons  tous  avec  avidité  quelques  classi- 
ques, découverts  dans  une  maison  du  Ban  Saint-Martin.  Cette  lecture 
nous  procure  un  repos  véritable;  les  héros  de  Corneille  surtout  nous 
rafraîchissent  et  nous  fortifient  par  la  grandeur  et  l'élévation  de  leurs 
caractères;  avec  eux,  on  sort  du  terre  à  terre  de  la  situation  actuelle;  on 
parvient  à  donner  un  cours  moins  triste  aux  idées  de  chaque  jour.  Le 
soir,  dès  que  nous  sommes  réunis,  nous  devisons  sans  fin  sur  les  rares 
et  incomplètes  données  qui  nous  arrivent  à  travers  le  cordon  ennemi. •• 
Et  pendant  que  notre  esprit  s'épuise  à  creuser  les  secrets  de  la  situation, 
pendant  que  nous  mourons  presque  sur  place,  par  ennui  de  ne  rien 
faire,  au-delà  de  la  ligne  des  sentinelles  à  casques,  qui  nous  enserre 
étroitement,  tout  s'agite,  tout  se  transforme,  tout  combat,  tout  est  en 

I.  M.B  qui  connaît  à  fond  Verri  et  son  temps,  puisque  temps  il  y  a,  semble  moins 
familier  avec  les  choses  italiennes  qui  ne  sont  pas  de  ce  temps.  Il  appelle  Quenni  le 
cardinal  Quirini,  de  Brescia;  il  parle  des  tortures  organisées  par  Galéas  Visconti,  de 
Pavie,  et  d'un  décret  de  Philippe  II.  souverain  de  Milan,  publié  le  7  août  i63o.  Il 
suffirait  d'une  révision  attentive  pour  faire  disparaître  ces  petites  taches. 


d'histoire  et  de  littérature  143 

feu!  Seuls,  comme  dans  une  île  déserte,  ou  plutôt  comme  dans  le  re- 
mous que  forme  l'eau  courante  au  coude  d'une  rivière,  nous  tournons 
sur  nous-mêmes,  enveloppés  de  forts  et  de  hautes  collines  qui  nous 
cachent  même  une  partie  du  ciel!  »  (p.  188-189).  Vient  le  mois  d'octo- 
bre; l'auteur  commence  à  deviner  les  calculs  du  commandant  en  chef. 
«  Si  Paris  se  rendait  ces  jours-ci,  le  Gouvernement  français  ne  pour- 
rait qu'accepter  les  conditions  du  roi  de  Prusse.  L'armée  du  maréchal, 
pourvue  de  vivres  jusqu'au  milieu  d'octobre,  victorieuse  dans  plusieurs 
batailles,  et  non  entamée  par  l'ennemi,  sortirait  pleine  de  gloire  d'une 
situation  fort  difficile;  et  quel  critique  insensé  pourrait  prétendre  ensuite 
que,  la  guerre  continuant,  cette  armée  aurait  pu  être  réduite  à  capituler 
comme  celle  de  Sedan!  »  (p.  234).  Mais  la  guerre  continue,  Paris  ne  se 
rend  pas,  le  temps  se  passe.  «  Il  faut,  écrit  M,  Fay,  il  faut  absolument, 
coûte  que  coûte,  se  faire  jour,  sans  tarder  davantage  »,  et,  un  instant,  il 
croit  aux  «  résolutions  viriles  »  (p.  246-247).  Hélas!  la  pluie  tombe; 
les  chevaux  s'abattent  par  dizaines;  le  soldat  n'a  plus  qu'une  ration  de 
pain  insuffisante,  et  il  est  triste,  découragé;  au  lieu  d'agir,  «  on  paraît 
vouloir  temporiser,  négocier  encore;  on  semble  n'attendre  que  du  dehors 
la  solution  »  (p.  25o).  Des  bruits  étranges  se  répandent;  au  départ  inex- 
pliqué de  Bourbaki  succèdent  les  deux  missions  de  Boyer  ;  on  parle  de 
l'arrivée  de  l'impératrice,  de  la  capitulation  de  l'armée,  de  la  reddition 
de  la  place.  Entin,  au  25  octobre,  M.  F,  écrit  dans  son  journal  :  «  L'im- 
pératrice a  refusé  de  se  prêter  à  la  combinaison  proposée.  Nous  nous 
retrouvons  en  face  de  la  question  des  vivres.  Plus  de  pain  !  De  négocia- 
tions en  négociations,  les  ennemis  nous  ont  conduits  à  ce  terme  final  où 
les  plus  courageux  sont  obligés  de  taxer  de  folie  une  tentative  de  sortie  » 
(p,  3oi).  Il  accompagna  Jarras  à  Frescaty.  «  Jamais  je  n'oublierai  ces 
six  mortelles  heures  pendant  lesquelles  j'ai  éprouvé  la  plus  grande  dou- 
leur de  ma  vie  et  assisté  à  l'agonie  de  notre  armée,  de  notre  honneur 
militaire.  Quel  supplice  dans  cette  salle  où  j'ai  entendu  tomber  goutte 
à  goutte  comme  du  plomb,  sur  mon  cœur  de  français,  tant  de  choses 
que  je  ne  puis  redire!  Que  de  frémissements  j'ai  dû  comprimer,  en  écri- 
vant, sous  la  dictée  du  vainqueur,  ces  dures  conditions!  »  (p.  3x2).  Le 
livre  de  M.  Fay  se  termine  par  un  Supplément  qui  renferme  quelques 
documents;  le  plus  intéressant  est  le  journal  du  commandant  David, 
de  l'armée  de  Mac-Mahon.  A.  Ch. 


CHRONIQUE 


BELGIQUE.  —  On  vient  de  réimprimer  en  trois  volumes  les  Études  et  notices  his- 
toriques coyiceniani  l'histoire  des  Pays-Bas  qu'avait  publiées  le  regretté  M.  Gachard 
(Bruxelles,  Hayez,  1890,  in-S»,  524,  465  et  610  pages).  On  trouve  dans  le  premier 
volume  les  études  suivantes  :  Les  États  de  Gand  en  1476;  Captivité  de  François  I^'^ ; 
La  chute  du  cardinal  de  Granvelle  en  1564  ;  Sur  Vorigine  du  nom  de  Gueux  donné 
aux  révolutionnaires  des  Pays-Bas  dans  le  xvi°  siècle;  Sur  le  Conseil  des  Troubles 
institué  par  le  duc  d'Albe;  L abolition  du  Conseil  des  Troubles;  les  quatre  Études 


144  REVUE    CRITIQUE    d'hiSTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

historiques  sur  don  Juan  d'Autriche  {]&  mère  de  don  Juan,  l'enfance  de  don  Juan,  don 
Juan  et  Marguerite,  Donna  Giovanna  d'Austria);  La  déchéance  de  Philippe  II;  Am- 
bassade du  prince  de  Ligne  en  i6 16  ;  Histoire  d'un  procès  célèbre  à  propos  de  l'in- 
ventaire du  palais  Granvelle  à  Besançon  ;  Le  voyage  de  Pierre  le  Grand  dans  les  Pays- 
Bas  autrichiens  en  1717.  — Le  deuxième  volume  comprend  :  Acceptation  et  publica- 
tion aux  Pays-Bas  de  la  pragmatique  sanction  de  l'empereur  Charles  VI;  Jean- 
Baptiste  Rousseau,  historiographe  des  Pays-Bas  autrichiens;  Mémoires  du  feld-ma- 
réchal  comte  de  Mérode-  Westerloo  ;  Leprince-évéque  de  Liège  et  Frédéric  le  Grand  ; 
Eloge  de  l'impératrice  Marie-Thérèse  (discours  prononcé  à  la  séance  publique  de 
l'Académie  le  11  mai  1864);  Voyage  de  Paul  Ii^^  en  Belgique  [lySi]  ;  Les  d'Arenberg  ; 
quatre  études  sur  Jeanne  la  Folle  (la  publication  de  M.  Bergenroth,  Jeanne  et  Charles- 
Quint,  Jeanne  et  saint  François  de  Borja,  Les  derniers  moments  de  Jeanne)  ;  et  vingt- 
trois  Variétés  (I.  Documents  inédits  surCommines,  Charles  le  Téméraire  et  Charles- 
Quint;  IL  Les  derniers  moments  de  Marguerite  d'Autriche;  lit.  Le  nombre  des  exé- 
cutions faites  aux  Pays-Bas  par  le  duc  d'AIbe;IV.  La  princesse  d'Epinoy;  V.  Am- 
bassade de  Jacques  I"'  à  l'archiduc  Albert  pour  demander  justice  contre  Erycius 
Puteanus;  VI.  Le  peintre  Gerbier  et  la  conspiration  de  la  noblesse  belge  contre 
l'Espagne;  VIL  Contestation  entre  les  Pays-Bas  espagnols  et  les  Provinces-Unies  sur 
l'emploi  des  mots  sieurs  et  seigneurs;  VIII.  Introduction  et  usage  du  thé  en  Belgi- 
que au  XVII"  siècle  ;  IX.  Joseph  II  et  la  franc-maçonnerie  belge  ;  X.  Les  trois  couleurs 
brabançonnes  et  les  trois  couleurs  flamandes;  XL  M""  de  Robespierre  à  Tournai; 
Xll.  Extravagances  révolutionnaires  de  la  fin  du  xvrii"  siècle;  XIII.  Mot  de  Philippe 
le  Bon  sur  Gand;  XIV.  Hommage  rendu  au  caractère  belge  par  Alexandre  Farnèse  ; 
Translation  des  entrailles  de  Marguerite  d'Autriche  (1778)  ;  XVI.  Sur  le  titre  de  sou- 
verain des  Pays-Bas;  XVII.  Une  colonie  belge  établie  dans  l'île  de  Nordstrand  (Sles- 
wig);  XVIIL  La  fontaine  du  Sablon  à  Bruxelles  et  le  comte  d'Ailesbury  ;  XIX.  L'in- 
troduction de  la  culture  des  pommes  et  poires  de  terre  en  Belgique;  XX.  Marie-Thé- 
rèse et  ses  deux  médecins,  Van  Swieten  et  Engel  ;  XXI.  Gustave  III  à  Bruxelles  (1771); 
XXIL  Des  anciennes  inaugurations  des  souverains  des  Pays-Bas;  XXIU.  Théroigne 
de  Méricourt).  —  Le  troisième  volume  est  ainsi  composé  :  Anne  de  Boleyn,  son  élé- 
vation et  sa  chute  ;  Le  duc  Emmanuel  Philibert  de  Savoie,  gouverneur-général  des 
Pays  Bas;  Christophe  Plantin  et  la  Bible  polyglotte;  Floris  de  Montmorency,  baron 
de  Montigny  (sa  mission  en  Espagne,  son  arrestation  à  Madrid  et  son  supplice  au 
château  de  Simancas  i  566-1 370);  Le  cardinal  Bentivoglio,  sa  nonciature  à  Bruxelles; 
La  cour  de  Bruxelles  sous  les  princes  de  la  maison  d'Autriche;  L'incendie  du  pa- 
lais royal  de  Bruxelles  (1731):  Le  traité  de  Versailles  {iy56,  lettres  confidentielles 
de  Marie-Thérèse  au  prince  Charles  de  Lorraine)  ;  Un  épisode  de  l'histoire  de  l' Uni- 
versité de  Louvain  ;  Le  jubilé  du  prince  Charles  de  Lorraine  (1769-1775);  Voyage 
de  Joseph  II  en  Belgique  {i~8i};  Le  feld-maréchal  prince  Charles-Joseph  de  Ligne, 
particularités  inédites;  Les  Mémoires  historiques  et  politiques  du  chef  et  président  de 
Nény  ;  Les  Bollandistes,  leurs  travaux,  leur  suppression  sous  Joseph  II  (1773- 1789); 
Recherches  historiques  sur  les  princes  de  Chimay  et  les  comtes  de  Beaumont  (141 5- 
1843).  —  Il  est  inutile  d'insister  sur  l'utilité  de  ce  recueil,  où  les  historiens  du  xvi^  et 
du  xviit*  siècle  trouveront  beaucoup  à  prendre  et  à  apprendre.  On  regrettera  qu'une 
introduction,  si  courte  soit-elle,  ne  précède  pas  le  premier  volume.  Tome  III,  p.  3 1 1 , 
supprimer  la  phrase  «  jour  où  l'on  célébrait  la  réunion  de  la  ville  à  la  république 
française»  (on  célébrait  simplement  la  bénédiction  du  drapeau  des  sans-culottes);  id., 
p.  390,  note,  lire  «  Boux  7>  au  lieux  de  Roux . 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE     LITTÉRATURE 

N"  38-39  —  22  septembre-29  septembre—  1890 


Sommaire  t  Sqy.  Schrumpf.  Les  langues  indo-européennes.  —  SgS.  R.  de  Scala, 
Les  e'tudes  Je  Polybe.  —  399.  Bernheim,  Manuel  de  la  méthode  historique.  — 
400.  AuvRAV,  Les  registres  de  Grégoire  IX,  l.  —  401.  Virac,  Recherches  histo- 
riques de  la  ville  de  Macaire.  —  402.  Dœllinger,  Lettres  et  déclarations.  —  403. 
KoBf'RT,  Etudes  historiques.  —  404.  Jean,  Le  Maduré.  —  Chronique. 


397.  —  A.  first   Aryon  Kender,    consisting   of  Spécimens    of    the  Aryan  Lan-r 
guages  which  constitute  the  basis  of  comparative   philology,  viz.,    Indic,    Erânic, 

Armenian.  Hellenic,  Albanian,  Italie,  Keltic,  Baltic,  Slavonic,  Teutonic, edited 

by  G.  A.  Schrumpf.  —  London,  D.  Nutt.   1890.  Pet.  in-8,  x-212  pp. 

Cet  ouvrage  est  destiné,  dans  la  pensée  de  l'auteur,  à  servir  d'intro- 
duction à  la  Chrestomathie  Indo-européenne  de  Schleicher,  en  donnant 
à  l'étudiant  une  idée  générale  et  sommaire  de  la  structure  et  de  la  phy- 
sionomie de  chacune  des  langues  indo-européennes.  L'intention  est 
louable  et  le  travail  méritoire  ;  mais  il  est  permis  de  se  demander  si  le 
but  est  entièrement  atteint.  Ne  parlons  pas,  si  Ton  veut,  du  manque 
d'équilibre,  qui  fait  tenir  les  langues  italiques  en  douze  pages  et  le 
grec  en  six,  tandis  que  le  sanscrit,  par  exemple,  s'espace  sur  quarante- 
quatre  pages.  N'insistons  pas  sur  les  fautes  d'impression,  relativement 
peu  nombreuses,  mais'toujours  fâcheuses  dans  un  livre  élémentaire,  ni 
même  sur  les  erreurs  grammaticales,  qui  tiennent  à  ce  que  M.  Schrumpf 
a  visiblement  travaillé  de  seconde  main;  il  ne  s'en  cache  point  d'ailleurs. 
Mais  voici  qui  est  plus  grave. 

Celui  qui  n'a  aucune  idée  d'une  langue  en  apprendra-t-il  quelque 
chose  pour  en  avoir  lu  cent  lignes  accoinpagnées  d'une  traduction  et 
d'une  rapide  analyse?  Ne  vaudrait-il  pas  mieux  lui  donner  un  bon  lexi- 
que, et  qu'il  se  tirât  d'affaire  tout  seul?  Pour  moi,  je  le  crois  :  l'on  ne 
sait  bien  que  ce  qu'on  a  appris  soi-même.  Avec  la  meilleure  volonté 
du  monde  son  guide  ne  peut  tout  lui  dire  :  il  lui  enseigne  (p.  14)  —  à 
tort,  du  reste;  c'est  s\iv patita  (p.  16)  que  la  leçon  devrait  venir  —  que 
pâtita  est  le  verbal  du  sk.  pat;  mais  sur  vvddhum  (p.  2  3)  il  se  contente 
de  traduire  «  old  »;  dans  un  lexique  l'élève  verrait  :  1°  que  vvddha 
n'est  pas  un  simple  adjectif,  mais  le  verbal  de  vardh  «  croître  j>  ;  2"  que 
le  t  du  suffixe  -ta-  prend  ici  euphoniquement  une  forme  particulière- 
Double  profit  qui  lui  échappe,  de  par  la  méthode  qui  lui  fournit  le 
travail  tout  fait  au  lieu  de  le  lui  laisser  faire. 

Je  ne   voudrais   point,  toutefois,  ériger  en   principe  une  impression 
toute  personnelle.  11  peut  y  avoir,  il  y  a  sans  doute  des  débutants  qui 
aiment  mieux  être  tenus  par  la  main  que  d'être  abandonnés  à   eux- 
Nouvelle    série,  XXX.  38-39 


146  RKVUK    CRITIQUE 

mêmes.  C'est  pour  eux  que  le  livre  a  été  écrit  :  il  les  intéressera  par 
l'abondance  et  la  variété  des  tiocumeiits;  il  piquera  peut-être  leur  curio- 
sité. Je  souhaite  qu'il  nous  amène  beaucoup  d'adeptes. 

V.  Henry. 


iîgS.  —  ScALA    (Rudolf  von).  Die    Studien   des   Polyblos,    I    Band,    Stuttgart, 
Kohlhammer,  1890,  S.  xvi-344,  in-8. 

M.  Rud.  von  Scala  s'excuse  dans  sa  préface  d'ajouter  encore  deux  volu- 
mes au  nombre  déjà  considérable  des  écrits  relatifs  à  Polybe  ;  mais  il 
Justifie  par  d'excellentes  raisons  le  choix  de  son  sujet.  Polybe  lui-même 
a  signalé  une  singulière  contradiction  chez  les  historiens  de  soti  temps  : 
s'agit-il  de  l'histoire  d'une  ville,  on  s'étend  avec  complaisance  sur  toutes 
les  circonstances  qui  ont  préparé,  accompagné  et  suivi  la  fondation  de 
cette  ville;  mais,  pour  les  hommes  qui  ont  eu  en  main  les  affaires  publi- 
ques, on  passe  sous  silence  et  on  néglige  l'iiistoire  de  leur  éducation, 
c'est-à-dire  la  formation  même  de  leur  esprit  (X.  21,  3).  M.  R.  v.  S.  n'a 
pas  voulu  mériter  ce  reproche,  et,  appliquant  à  Polybe  lui-même  la 
méthode  d'investigation  que  le  profond  historien  demandait  qu'on  appli- 
quât aux  grands  personnages  de  l'histoire,  il  s'est  efforcé  de  mettre  en 
lumière  les  circonstances  où  s'est  développé  le  génie  propre  de  Polybe,  et 
les  influences  diverses  qui  ont  agi  sur  son  éducation.  Aussi  bien,  cette 
étude  particulière  d'un  homme  prend-elle  un  intérêt  général,  si  l'on 
songe  que  Polybe  est  pour  nous  presque  le  seul  représentant  de  toute 
une  période  de  la  littérature  grecque,  et  que  cette  période,  peu  connue, 
offre  tout  l'attrait  qui  s'attache  aux  époques  de  transition.  Quel  était  au 
second  siècle  avant  notre  ère  l'état  des  esprits  en  Grèce?  De  quoi  se  com- 
posait alors  l'éducation  d'un  jeune  homme?  Quelle  place  y  occupaient 
la  poésie,  la  philosophie,  l'éloquence,  l'histoire,  les  sciences  proprement 
dites?  Voilà  les  questions  que  M.  R.  v.  S.  a  essayé  de  résoudre,  en  pre- 
nant Polybe  pour  guide  et  pour  témoin. 

Le  premier  volume,  le  seul  paru  jusqu'à  ce  jour,  contient  d'abord, 
après  quelques  pages  d'introduction,  un  tableau  de  la  jeunesse  de  Po- 
lybe ;  le  caractère  et  les  idées  du  futur  historien  de  la  conquête  romaine 
y  sont  expliqués  en  partie  par  l'influence  directe  de  sa  famille,  de  sa  ville 
natale,  de  sa  patrie.  Abordant  ensuite  les  études  spéciales  de  Polybe, 
M.  R.  V.  S.  signale  d'abord  chez  lui  certains  souvenirs  d'Homère,  d'Hé- 
siode, et  quelques  allusions  aux  autres  genres  de  poésie.  Mais  il  n'insiste 
pas  outre  mesure  sur  ce  point,  et  il  arrive  bientôt  à  ce  qui  forme  la  partie 
la  plus  considérable  et  la  plus  importante  du  livre  :  les  études  philoso- 
phiques de  Polybe  Ce  chapitre  se  divise  en  six  paragraphes  :  traces  de  la 
philosophie  d'Heraclite,  Platon  et  l'Académie,  Aristote  et  Théophraste, 
Démétrius  de  Phalère.  Straton  de  Lampsaque,  l'école  stoïcienne.  Cha- 
cune de  ces  recherches  est  poursuivie  avec  une  pénétration  et  une  sub- 
tilité  remarquables  ;   l'auteur  s'efforce  de  donner  des  démonstrations 


d'histoire  et  de  littérature  147 

rigoureuses,  et  il  soumet  au  lecteur  tous  les  éléments  du  problème,  en 
rapprochant,  pour  les  comparer,  les  passages  de  Polybe  et  des  philoso- 
phes. Enfin  le  volume  se  termine  par  huit  appendices,  parmi  lesquels 
nous  signalerons  le  second,  sur  les  sources  de  Polybe,  et  le  huitième,  sur 
le  droit  des  gens  chez  Polybe.  A  ce  propos,  M.  R.  v.  S.  fait  un  résumé 
intéressant  des  théories  antérieures  sur  le  même  sujet,  dans  Hérodote, 
Euripide,  Thucydide,  Xénophon,  Platon  et  l'école  d^Isocrate. 

•Le  tome  II,  annoncé  pour  l'année  prochaine,  comprendra  les  études 
oratoires,  historiques  et  géographiques  de  Polybe. 

On  ne  saurait  trop  encourager  un  auteur  qui  nous  promet  un  tableau 
aussi  complet  de  la  culture  grecque  au  second  siècle. 

Am.  Hauvette. 


399.  —  B.ehi-biicli  den  liistorîsclien  Metliocle,  mit  Nachweis  der  wichtigsteii 
Quellen  und  Hûlfsmittel  zum  Studium  der  Geschichte,  par  Ernst  Bernheim  (pro- 
fesseur d'histoire  à  l'Université  de  Greifswald.)  Leipzig,  Duncker  et  Humblot, 
1889,  I  vol.  in-S,  xi-53o  p. 

Les  ouvrages  de  la  nature  de  celui-ci  ne  sont  pas  sans  inspirer,  de 
prime  abord,  une  certaine  défiance.  On  craint,  en  les  ouvrant,  de  se  heur- 
ter à  des  généralités  vagues  et  inutiles  1,  quand  elles  ne  sont  point 
paradoxales  et  fantaisistes.  Il  est  si  facile  de  raisonner  à  perte  de  vue  sur 
la  méthodologie  historique  et  d'échafauder  des  considérations  pompeu- 
ses et  hardies  sur  une  science  qui,  étant  en  réalité  la  plus  concrète  et  la 
plus  vivante  de  toutes,  se  prête  assez  peu  à  des  développements  abstraits. 
Depuis  quelque  temps,  les  ouvrages  de  ce  genre  semblent  vouloir  se 
multiplier.  Il  serait  facile  d'en  signaler  un  nombre  relativement  consi- 
dérable, aussi  bien  en  France  qu'en  Allemagne  -.  Il  y  a  là  assurément 
un  symptôme  tout  à  fait  caractéristique.  Je  me  hâte  de  dire  qu'au  mi- 
lieu de  ces  productions,  gros  livres  ou  articles  de  revue,  il  en  est  peu 
d'aussi  sérieuses,  d'aussi  complètes  et  surtout  d'aussi  utiles,  que  celle 
dont  il  s'agit  ici. 

M.  Bernheim  observe  justement,  au  début  de  sa  préface,  qu'il  n'y  a 
guère  de  science  oîi  règne,  au  même  degré  que  dans  la  nôtre,  une  si 
extraordinaire  diversité  d'opinions  touchant  les  principes  fondamen- 
taux de  la  méthode.  Il  part  de  là  pour  tenter  d'exposer  dans  son  ensem- 
ble la  méthode  des  sciences  historiques,  depuis  les  principes  essentiels 
jusqu'aux  détails  concrets  de  savoir-faire  technique.  Le  livre  de  M.  B., 
clairement  divisé  et  composé  avec  beaucoup  de  soin,  comprend  six 
parties  bien  distinctes.  La  première  est  consacrée  à  la  notion  et  à 
l'essence  de  la  science  historique;   la   seconde  à  la  méthodologie;  la 

1.  Telles  que  celles  du  Précis  de  la  scicnca  de  l'histoire,  dont  nous  avons  rendu 
compte  dans  le  n'  43  de  la  Revue  de  1888. 

2.  Pour  ne  citer  qu'un  exemple,  le  plus  récent  numéro  de  V Historische  Zeilschrift 
contient  une  étude  de  M.  Paul  Hinneberg  :  Die  pkilosopliischen  Grundlagen  der 
Geschichiswissenschaft. 


148  RXVIJK     CMTIQUK 

troisième  à  la  science  des  sources,  et,  en  particulier,  à  l'étude  des  scien- 
ces auxiliaires.  La  suivante,  qui  traite  de  la  critique,  est,  comme  de 
juste,  la  plus  importante,  la  plus  approfondie  de  toutes.  Vient  ensuite 
la  conception  historique  (Auffassung),  partie  également  subtile  et  déli- 
cate, qui  comprend,  à  son  tour,  l'interprétation,  la  coordination,  l'ima- 
gination historique,  l'appréciation  des  conditions  générales,  la  philo- 
sophie de  l'histoire,  l'essence  de  la  compréhension  (objectivité  et 
subjectivité).  L'exposition  fournit  la  matière  du  dernier  chapitre.  Tout 
cela,  à  ne  considérer  que  le  plan,  peut  paraître  assez  abstrait,  rébarbatif 
même.  Mais  il  ne  faut  pas  s'en  tenir  aux  apparences.  Le  ton  général  du 
livre  est,  au  contraire,  vivant  et  animé,  et  par  là  même  beaucoup  moins 
vague  qu'on  ne  pourrait  le  supposer  de  prime  abord.  Chacun  des  cha- 
pitres est  illustré  de  nombreux  exemples,  topiques  et  bien  choisis.  Tout 
au  plus  pourrait-on  reprocher  à  ces  derniers  une  forme  qui  devient, 
en  certains  cas,  par  trop  mathématique,  une  simplification  excessive 
dans  Targumentation  qui  ne  tient  pas  assez  compte  de  l'extrême  com- 
plexité des  choses  et  semble  attribuer  aux  raisonnements  en  matière 
historique  une  rigueur  qu'ils  ne  comportent  pas.  Je  reprocherai  égale-  l\ 
ment  à  M.  Bernheim  de  n'avoir  pas  fait  la  part  assez  large  aux  faits  de 
l'histoire  moderne  et  de  s'être  trop  cantonné  dans  les  choses  du  moyen 
âge  1.  Il  aurait  dû  varier  un  peu  davantage  et  prendre  moins  d'exemples 
dans  Thistoire  dWUemagne,  étant  donné  le  caractère  général  de  son 
livre.  Il  faut  signaler  en  particulier  le  chapitre  relatif  à  la  critique. 
C'est  un  morceau  vraiment  intéressant,  sobrement  et  clairement  écrit. 
Le  §  3  du  chapitre  II,  Développement  historique  de  la  méthode  (p.  119- 
1 5 1)  est  également  substantiel.  Au  point  de  vue  bibliographique,  toute 
cette  partie  est  au  courant,  bien  qu'on  puisse  relever  çà  et  là  plusieurs 
lacunes  et  que  certaines  indications  n'y  figurent  pas  à  leur  place  ~.  La 
classification  des  ouvrages  cités  est  aussi  parfois  un  peu  compliquée. 
Nous  constatons  avec  plaisir  que  justice  a  été  pleinement  rendue  par 
l'auteur  aux  services  rendus  par  l'érudition  française^  que  le  rôle  de  cette 
dernière  est  équitablement  mis  en  relief,  et  qu'en  particulier  l'œuvre  des 
anciens  bénédictins  et  celle  de  l'école  des  Chartes  se  trouvent  citées  en 
une  place  des  plus  honorables. 

Ce  qui  manque  le  plus  dans  cet  ouvrage  —  et  c'est  le  principal  repro- 
che qu'on  ait  à  lui  adresser  —  c'est  un  index  méthodique  et  alphabéti- 

1 .  Il  y  a  cependant  des  exemples  tirés  de  l'histoire  contemporaine,  tel  que  celui 
de  la  page  437,  sur  les  chutes  de  nos  ministères. 

2.  De  Wailly  cité  p.  17g  devrait  l'être  plutôt  à  la  page  184;  page  i65,  l'auteur  aurait 
dû  citer  le  supplément  de  la  bibliographie  de  Vallée.  Peut-être  aurait-il  bien  fait 
d'indiquer  par  un  mot  les  observations  critiques  auxquelles  les  grands  répertoires 
bibliographiques  peuvent  donner  lieu.  Plusieurs  des  chiffres  donnés  ne  sont  pas 
exacts.  Pour  ce  qui  concerne  en  particulier  les  publications  françaises,  l'auteur  en 
est  resté  aux  chiffres  cités  par  d'anciens  répertoires.  P.  i63,  par  exemple,  la 
Société  de  l'histoire  de  France,  a  aujourd'hui  publié  près  de  quatre-vingts  ouvrages. 
P.  200,  pour  la  géographie,  M.  Bernheim  aurait  dû  citer  les  travaux  de  Freeman 
et  surtout  l'atlas  de  M.  Longnon  actuellement  en  cours  de  publication. 


d'histoire  et  de  littérature  149 

que.  En  raison  de  la  diversité  des  matières  traitées,  l'absence  d'une  table 
complète  rend  les  recherches  pénibles  et  peu  sûres.  Quoi  qu^il  en  soit, 
ce  livre,  qui  n'est  pas  seulement  un  exposé  de  considérations  ou  d'idées 
générales,  mais  encore  un  répertoire  commode  et  précis,  est  appelé  à 
rendre  de  réels  service.  C^esC  une  tentative  courageuse  en  vue  de  cons- 
tituer une  synthèse  de  la  science  historique.  L'auteur  y  a  mis  le  résul- 
tat de  longues  réflexions  et  d'habiles  recherches.  Sans  doute,  il  n'est  pas 
besoin  pour  devenir  historien  d'avoir  une  connaissance  approfondie  des 
principes  qui  président  aux  études  historiques,  mais  encore  est-il  vrai  que 
cette  connaissance  n'est  pas  sans  but.  Grâce  à  elle,  l'historien  se  rend 
mieux  compte  que,  suivant  le  mot  de  Ranke  «  tout  se  tient  :  l'étude 
critique  des  sources  authentiques,  la  conception  impartiale,  l'exposi- 
tion objective.  DasZiel  ist  die  Vergegenwartigungder  vollen  Wahrheit.  » 

A.  Lefranc. 


400.  —  Les*  Registres  de  Gi-égoii-e  IX.  Recueil  des  bulles  de  ce  pape  publiées 
et  analysées  d'après  les  manuscrits  originaux  du  Vatican,  par  Lucien  Auvray. 
Premier  fascicule.  Paris,  iScjo,  in-4,  256  colonnes.  (Biblioth.  des  Ecoles  fran- 
çaises d'Athènes  et  de  Rome). 

Le  premier  fascicule  des  Registres  de  Grégoire  IX  se  rattache  à  la 
série  des  registres  pontificaux  dont  PÉcole  française  de  Rome  poursuit 
la  publication  depuis  plusieurs  années.  L'éditeur,  M.  L.  Auvray,  s'est 
conformé  au  plan  de  ses  devanciers  ;  c^est-à-dire  qu''il  s'est  appliqué  à 
donner  la  physionomie  des  manuscrits  originaux,  en  suivant  dans  la 
publication  des  lettres  apostoliques  l'ordre  même  où  elles  sont  transcri- 
tes dans  les  registres  de  chancellerie  conservés  aux  Archives  du  Vatican. 
Il  s'est  contenté  d'analyser  celles  dont  une  exacte  reproduction  avait  été 
donnée  dans  des  ouvrages  accessibles  à  tous  ;  mais  il  l'a  fait  de  telle 
façon  que  souvent  les  historiens  pourront  se  dispenser  de  recourir  aux 
livres  où  se  trouve  le  document  tout  entier.  Pour  les  lettres  déjà  publiées 
M.  A.  renvoie  à  Potthast  et  aux  recueils  ou  ouvrages  postérieurs  à 
l'achèvement  de  ce  précieux  répertoire,  tels  que  Valois  (Guillaume 
d'Auvergne),  Rodenberg  {Epistolœ  sœculi  XIII  e  regestis  pontificiim 
romanorum  selectœ),  Denifle  et  Châtelain  (Chartularium  Universita- 
tis  Parisiensis.)  Ces  références  sont  toujours  exactes.  A  peine  osons- 
nous  reprocher  à  M.  A.  de  n'avoir  pas  indiqué  que  la  bulle  n°  16  de  sa 
publication  est  analysée  dans  Potthast  sous  le  n°  9670,  car  cet  auteur 
Ta  rangée  parmi  les  bulles  non  datées  l'ayant  empruntée  aux  décrétâtes  ; 
il  en  est  de  même  du  n°  219  qui  est  le  n°  9675  de  Potthast.  Enfin  la 
bulle  n°  94  d' Auvray  correspond  au  n°  7920  a  ou  26176  de  Potthast. 
Ce  sont  là  de  bien  légères  omissions.  Les  textes  sont  établis  avec  le  plus 
grand  soin.  Je  signalerai  toutefois  à  M.  A.  une  faute  d'impression  ;  dans 
l'analyse  de  la  bulle  n^  122,  à  la  troisième  ligne  il  faut  lire  regularem 
au  lieu  de  sœcularem.  Ce  premier  fascicule  comprend  les  bulles  expé- 


I  50  REVUE    CRITIQUE 

diées  pendant  les  trois  premières  années  du  pontificat  de  Grégoire  IX, 
soit  409  chapitres,  je  dis  chapitres,  car,  comme  on  le  sait,  dans  les 
registres  pontificaux,  plusieurs  lettres  adressées  à  divers  personnages 
mais  de  même  teneur,  sont  insérées  sous  une  seule  rubrique.  Pour 
donner  une  idée  du  genre  de  ressources  que  fourniront  les  registres  de 
Grégoire  IX  aux  historiens,  je  ne  crois  pouvoir  mieux  faire  qu'indiquer 
parmi  les  documents  inédits  qu'ils  contiennent  ceux  qui  sont  relatifs  à 
la  France.  La  bulle  du  23  mars  1227  par  laquelle  Grégoire  IX  annonça 
au  roi  de  France  son  élévation  au  trône  pontifical  n'avait  pas  encore  été 
publiée,  mais  elle  n'a  pas  grand  intérêt.  Le  pape  y  proclame  le  roi  de 
France  fils  de  l'Eglise  romaine,  et  en  retour  du  dévouement  respectueux 
qu'il  lui  demande,  lui  promet  de  son  côté  une  affection  paternelle. 
Les  troubles  qui  marquèrent  les  commencements  du  règne  de  saint  Louis 
donnèrent  occasion  à  Grégoire  IX  de  manifester  ses  sentiments  de 
bienveillance  à  l'égard  du  jeune  roi.  Comme  au  traité  de  Vendôme 
(16  mars  1227)  on  avait  arrêté  le  mariage  de  Jean,  deuxième  frère  de 
Louis  IX,  héritier  des  comtés  d'Anjou  et  du  Maine,  avec  Yolande,  fille 
du  comte  de  Bretagne,  et  aussi  celui  d'Alphonse,  autre  frère  du  roi, 
avec  Isabelle  fille  du  comte  de  la  Marche,  et  que  ces  unions  ne  pouvaient 
manquer,  par  la  création  de  grandes  puissances  baronales,  de  susciter 
dans  l'avenir  de  terribles  embarras  au  gouvernement  royal,  le  souverain 
pontife  lui  vint  en  aide  et  déclara  (Auvray,  bulles  11°  &y  et  88  des  26  et 
25  mai  1227)  s'opposera  ces  mariages  en  raison  du  degré  de  parenté 
des  parties  contractantes,  Ce  qui  ne  permet  pas  de  douter  que  la  régente 
n'ait  elle-même  provoqué  l'intervention  du  pape,  c'est  qu'une  clause 
du  traité  de  Vendôme  Tavait  préparée  en  réservant  l'approbation  de 
l'Église.  En  décembre  1229  (n°*  376  et  377)  nous  voyons  encore 
Grégoire  IX  se  préoccuper  de  maintenir  l'ordre  en  France  et  écrire  aux 
évêques  de  Senlis,  d'Orléans  et  de  Meaux  d'apaiser  les  troubles  qui 
pouvaient  exister  dans  le  royaume  et  de  veiller  à  ce  qu'aucun  autre  ne 
se  produise  désormais.  Par  lettre  du  14  novembre  précédent  (n°  23 1)  il 
avait  engagé  le  duc  de  Bretagne  à  se  montrer  plus  respectueux  envers 
l'Église.  Le  représentant  du  pouvoir  pontifical  en  France,  le  légat 
Romain,  cardinal  de  Saint-Ange,  était  entièrement  dévoué  aux  intérêts 
delà  régente;  dans  son  désir  de  lui  procurer  des  subsides,  il  se  laissa 
aller  à  des  exactions  contre  le  clergé  qui  lui  attirèrent  les  réprimandes 
du  souverain  pontife.  L'affaire  mérite  qu'on  s'y  arrête  ;  Le  Nain  de 
Tillemont  l'a  résumée  (t.  I,  p.  470)  d'après  les  bulles  analysées  et 
publiées  par  Rinaldi;  ces  mêmes  documents  et  deux  autres  donnés  par 
M.  A.  dans  leur  intégrité  (no"^  i3o,  i3i,  i33,  134  et  182)  permettent 
d'ajouter  quelques  détails.  Le  3o  novembre  1225  s'était  tenu  à  Bourges, 
sur  la  convocation  du  lé.^at,  un  concile  où  celui-ci  s'était  effoicé  d'ob- 
tenir du  clergé  de  France  l'engagement  de  payer  au  roi  Louis  VIII, 
pendant  cinq  ans,  la  décime  des  revenus  ecclésiastiques  pour  subvenir 
aux  frais  de  la  guerre  contre  les  Albigeois.   Les  députés  des  chapitres. 


d'histoire  et  de  littérature  I  5  I 

sans  rien  promettre,   répondirent  que  la  demande  leur  paraissait  rai- 
sonnable ;  au  reste  ils  en   parleraient  à  ceux  qui  les  avaient  délégués, 
n'ayant  pouvoir  de  rien  consentir.  Le  clergé,  voyant  que  le  roi  se  don- 
nait tout  entier  à  la  guerre  contre  les  hérétiques,  pensa  qu'il  ne  pouvait 
se  montrer  moins  ardent   pour   la  cause  de  la  foi,  et,  de  son  plein  gré 
accorda  un  subside,  et  non  une  décime;  il  en  acquitta  une  partie,  pro- 
mettant de  payer  le  reste  plus  tard  si  le  roi   persévérait  dans  son  entre- 
prise. Après  la  mort  de  Louis  VI  II,  les  chapitres  des  églises,  jugeant  que 
personne  ne  pouvait  prendre  l'affaire  en  main  et  en  assurer  le  succès,  refu- 
sèrent de  rien  donner,  d'autant  plus  que  la  reine  et  le  légat  avaient  agi 
sans  les  consulter  et  que  la  reine  se  refusait  à  prendre  de  son  côté  aucun 
engagement  ni  sur  la  date  de  l'expédition,  ni  sur  le  nombre  d'hommes 
qu'elle  armerait.   Le  légat  eut  recours  à  des  mesures  de  rigueur  et  fit 
saisir  par  les  gens  du  roi  les  biens  des  églises.  Les  chapitres  en  appelè- 
rent au  Saint-Siège  le  27  mai  1227.  Ils  eurent  gain  de  cause.  Le  pape, 
par  bulle  du   18  juillet  1227,  ordonna  à  son  légat  de  révoquer  l'ordon- 
nance, datée  de  Sens,  qu'il  avait  fait  publier  au  sujet  du  paiement  de  la 
décime  et  qui  avait  provoqué  le  mécontentement  du  clergé  de  France; 
il  lui  enjoignit  aussi  de  faire  restituer  aux  églises  les  biens  mis  sous  la 
main  royale  à  cette  occasion.    Le   Nain  de  Tillemont  (t.    I,    p.   472) 
ajoute  :  «  Ces  lettres  du  pape  n'estoient  pas  sans  doute  arrivées  au  mois 
d'aoust  lorsque  les  évesques  de  Sens  et  de  Chartres  promirent  à  Paris, 
du  consentement  du  légat,  de  donner  au  roy  et  à  la  reine,  durant  quatre 
ans,  si  la  guerre  d'Albigeois  duroil  autant,  mille  cinq  cent  livres  parisis 
par  an   ».   Il  est   plus  probable  au  contraire  qu'une  composition  sera 
intervenue  entre  le  légat  et  la  régente  d'une  part,  et  lesévêques  et  chapi- 
tres d'autre  part,  après  que,  sur  l'ordre  du   pape,   les  églises  auront  été 
réintégrées  dans  leurs  biens.  Dans  leur  requête  au  Saint-Siège,  les  cha- 
pitres de  Reims,  de  Sens,  de  Tours  et  de  Rouen  faisaient  observer  que 
s'ils  protestaient  contre  les  exigences  du  légat,  ce  n'était  pas  tant  pour 
éviter  de  payer  un  subside  que   pour  garantir  leur  liberté,   ne  voulant 
pas  qu'on  transformât  en  une  obligation  ce  qui  de  leur  part  avait  été  un 
don  gracieux.  On  comprend  donc  que,  les  mesures  coercitivcs  une  fois 
révoquées,  le  clergé  ait  accordé  une  aide  au   roi.  Le  cardinal  Romain 
quitta  la  France;  mais  il  y  reparut  en  juin  ou  juillet  1228,   chargé  de 
préparer  et  de  diriger  la  guerre  contre  les  Albigeois.  Les  bulles  relatives 
à  cette  légation  et  qui  conféraient  au  cardinal  des  pouvoirs  spéciaux  et 
des  privilèges  (n°s  232,  237,  239  et  240)  sont  malheureusement  dépour- 
vues de  dates.  Le  légat  avait  pour  mission  de  rétablir  la  paix  et  d'assurer 
le  triomphe  de  la  foi.  Pour  procurer  la  paix  au  royaume,  on  fit  de 
grands  préparatifs  de  guerre.  Afin  de  gagner  les  seigneurs  à  la  cause  de 
l'Eglise,  on  leur  accordait  des  faveurs,  comme  par  exemple  des  dispen- 
ses de  mariage,  pourvu  qu'ils  armassent  un  nombre  de  guerriers  suffisant 
{n°  234).  Le  pape  recommandait  vivement  le  comte  de  Montfortau  roi, 
comme  un  homme  qui,  à  l'exemple  de  ses  ancêtres,  avait  fait  plus  que 


i 

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l52  REVUK    CRITIQUE 

personne  pour  la  paix  et  pour  la  foi  :  «  ipsi  enim  pro  negotio  pacis  et  fidei 
nec  cxpcnsis  nec  laboribus  pepercerunt  »  (n°  235).  Tandis  que  l'évêque     j 
de  Saint-Jean  d'Acre,  Jacques  de  Vitry,  appliquerait  son  éloquence  à     .1 
exciter  le  zèle  des  fidèles  (n^  236),  les  moines  de  tout  Tordre  de  Citeaux 
devaient  adresser  au  ciel  des  prières  spéciales  pour  le  succès  de  l'entre 
prise  (no  233).  Si  la  royauté  et  la  papauté  étaient  d'accord  pour  combat 
ire  l'hérésie,  il  n'en  faudrait  pas  conclure  que  l'union  la  plus  parfaite 
régnât  entre  la  royauté  et  le  clergé.  Ces  deux  puissances  se  rencontraient 
continuellement  sur  des  terrains   où  elles  cherchaient  à  s'évincer  Tune 
l'autre.  Nous  avons  vu  d'ailleurs  que  les  églises  de  France,  soucieuses 
de  conserver  intact  leur  temporel,  ne  paraissaient  pas  approuver  sans 
réserve  une  croisade  qui  menaçait    d'entamer  leur  liberté  avec  leurs 
revenus.  Les  questions  féodales,  l'exercice  des  droits  de  justice  et  spé- 
cialement la  juridiction  amenaient  entre  le  pouvoir  royal  et  les  évéques     .; 
de  fréquents  conflits.  La  bulle  n°  216  des  Registres  de  Grégoire  IX 
concerne  un  procès  entre  la  régente  et  l'archevêque  de  Rouen.  Ce  docu-     '■'< 
ment  mentionne  une  sentence  rendue  par  la  Cour  du    roi    et    donne 
quelques  détails  sur  la  procédure  suivie  devant  cette  Cour.  Quant  au 
procès  lui-même,  il  était  déjà  connu   par  une  chronique  de  l'église  de 
Rouen  (d'Achery,  Spicileg.,  t.  II,  p.  819  ;  2*^  édit.,  t.  III,  p.  6i3).  Les    | 
dissensions  n'étaient  pas  rares  au  sein  même  de  l'Eglise.  Une  véritable     | 
lutte,  où  l'on  se  battait  à  coup  d'excommunications  et  d'interdits,  était    « 
née  ou  plutôt  s'était  ravivée  entre  l'archevêque  de  Bourges  et  celui  de 
Bordeaux  au  sujet  de  la  primatie  dont  le  premier  réclamait  l'exercice  sur 
la  province  du  second  (n°s  96,  97,  98,  35  3).  C'est  bien  plus  tard,  seule- 
ment au  xive  siècle,  que  Clément  V,  qui  avait  eu  peut-être  à  repousser 
lui-même,  quand  il  n'était  qu'archevêque  de  Bordeaux,  les  prétentions    % 
de  l'archevêque  de  Bourges,  déclara  l'église  de  Bordeaux  entièrement     • 
libre  de  tout  pouvoir  primatial.  Les  registres  pontificaux  permettent    i 
de  compléter  sur  bien  des  points  le  Gallia  Christiana ;  en  cela,  ceux  de    :j 
Grégoire  IX  ne  seront  pas  moins  précieux  que  ceux  d'Innocent  IV,     ^: 
d'Honorius  IV,  de  Nicolas  IV,  de  Benoît  XI  et  de  Boniface  VllI.  Ainsi, 
pour   prendre  un  exemple,  le  Gallia  Christiana  {x.  IV,  col.   i38),  dit 
que  Robert,  évêque  de  Clermont,  fut  transféré  sur  le  siège  archiépisco- 
pal de  Lyon  en  1227,  avant  le  18  décembre.  La  publication  de  M.  A. 
nous  permet  d'être  plus  précis,  car  les  bulles  par  lesquelles  Grégoire  IX 
annonce  la  remise  du  pallium  au  nouvel  archevêque  et  invite  ses  suffra-    f 
gants  à  lui  obéir,  sont  datées  des  3  et  7  avril  (n^^  20,  21  et  22).  Lécha-    5 
pitre  de  Clermont  choisit  comme  évêque  son  prévôt  maître  Hugues;    .| 
mais  comme  il  n'avait  pas  encore  trente  ans  mais  seulement  vingt-    * 
neuf  ans,  il  ne  put  être  consacré  ;  le  pape  se  contenta  de  lui  confier,  par    ; 
bulle  du  3o  avril  1227,  l'administration  de  l'église  de  Clermont  (n"'  62    | 
à  68).  Les  auteurs  du  Gallia  (t.  II,  col.  276)  n'ont  rien  su  de  tout  cela. 
De  plus  ils  qualifient  Hugues  de  prieur  de  Sauxillanges  ;  et  cependant 
ils  le  font  figurer  dans   la  liste  des  prévôts  de   Clermont  en    1227. 


d'histoire  et  de  littérature  i53 

Hugues,  qui  était  de  la  famille  de  la  Tour,  a-t  il  e'té  revêtu  de  ces  deux 
dignités  à  la  fois  ?  Peut-être;  car  plusieurs  personnages  de  sa  famille  se 
sont  succédés  comme  prieurs  de  Sauxillanges  à  la  fin  du  xii"  siècle  et  au 
commencement  du  xiii*'  siècle  (Gallia  Christ.^  t.  II,  col.  SyS).  La  bulle 
n°  5i,  du  24  avril  1227  concerne  l'élection  d'un  évêque  à  Dax.  Un 
assez  grand  nombre  de  bulles  sont  relatives  à  des  collations  de  bénéfices 
dans  les  églises  de  F"rance  (n^^  42,  121 ,  126,  1 63,  3 19  et  367).  Nous  signa- 
lerons plusieurs  procès  en  matière  ecclésiastique  (n°s  89,  161,  402,  403, 
409).  Parmi  les  bulles  relatives  aux  ordres  religieux  nous  en  avons 
remarqué  plusieurs  qui  accordent  ou  confirment  des  privilèges  à  Tordre 
de  Cluny  (n^^  196,  198)  aux  abbayes  de  la  Charité-sur-Loire  (n"  164), 
de  Vézelay  (n°  177I,  de  Saint-Pons-de-Tomières  (n'^^  355  et  36o),  de 
Fécamp  (n"  383).  La  bulle  n°  221  se  rapporte  à  l'administration  de 
Cluny.  Au  même  ordre  d'idées,  mais  aux  monastères  du  diocèse  de  Toul, 
se  rattache  la  bulle  n°  122.  Dans  les  bulles  inédites  relatives  à  la  France, 
je  n'ai  trouvé  qu'une  dispense  pour  naissance  illégitime  :  il  s'agit  d'un 
trésorier  de  l'église  de  Rennes  (n°  243).  Quelques  bulles  sont  des  levées 
d'excommunication  en  faveur  de  laïcs  v'n°s  38o  et  407).  Les  n^^  390  et 
408  ne  pourront  manquer  d'intéresser  ceux  qui  s'occupent  de  Phistcire 
du  droit.  Je  citerai  enfin  la  bulle  n°  359,  du  i5  octobre  1229,  oCi  sont 
mentionnées  les  écoles  d'Arras  qui,  paraît-il,  ne  comptaient  pas  moins 
de  deux  cents  écoliers. 

Autant  qu'on  peut  en  juger  par  ce  premier  fascicule,  les  Registres  de 
Grégoire  IX  ne  sont  pas  destinés  à  modifier  l'opinion  reçue  sur  la 
politique  de  ce  pontife.  Ils  n'en  sont  pas  moins  une  publication  très 
importante.  Car  les  nombreux  documents  inédits  qu'ils  mettent  à  la 
disposition  des  historiens  renferment  beaucoup  d'éléments  chronologi- 
ques nouveaux,  des  renseignements  biographiques  de  toutes  sortes,  et 
s'ils  n'ajoutent  que  peu  de  chose  à  l'histoire  générale  de  l'Église,  du 
moins  permettront-ils  de  rectifier  et  de  compléter  l'histoire  particulière 
des  églises  de  la  chrétienté. 

M.  Prou. 


401.  —  Itecherclies  historiques  sui"  la  ville  de  Saint-SSaeaire)  l'une  des 
filleules  de  Bordeaux,  par  D.  A.  Virac,  ancien  conseiller  municipal  de  Saint-Ma- 
caire,  membre  de  la  commission  de  publication  des  Archives  municipales  de  Bor- 
deaux et  de  la  commission  des  monuments  et  documents  historiques  de  la  Gironde. 
Ouvrage  couronné  par  l'Académie  de  Bordeaux  et  orné  d'une  eau-forte  et  d'un 
plan  par  Léo  Drouyn,  Paris,  E.  Lechevalier;  Bordeaux,  Feret,  1890.  Grand  in-8 
de  viii-708  p. 

Ouvrage  très  consciencieusement  préparé  et  pour  lequel  ont  été  utili- 
sés de  nombreux  documents  inédits  tirés  d'archives  publiques  ou  parti- 
culières et  surtout  d'études  de  notaires.  L'auteur  s'en'occupait  depuis  sa 
jeunesse  ot  l'on  peut  dire  que  c'a  été  le  travail  de  presque  toute  sa  vie. 

Le    26    juin   1872,   dit  M.  Léo    Drouyn  (Notice  biographique   sur 


l54  REVUE   CRITIQUE 

Désiré-Antoine  Virac,en  tête  du  volume,  p.  8),  la  mort  le  frappa  avant 
qu'il  eût  pu  faire  imprimer  son  manuscrit,  composé  «  avec  tant  de  soin 
et  d'amour  »  ;  mais  M"'^  Marie  Virac,  «  mue  par  un  sentiment  de  piété 
filiale  qu'on  ne  saurait  trop  louer  »,  a  voulu  donner  satisfaction  au 
désir  de  son  père  et  a  chargé  un  des  meilleurs  collègues  et  amis  de  ce 
dernier  de  surveiller  l'impression  de  la  monographie  de  Saint-Macaire. 
Il  eût  été  très  regrettable  que  la  fille  de  l'auteur  n'eût  mis  en  lumière 
l'œuvre  paternelle,  car  cette  œuvre  est  vraiment  des  plus  estimables. 

M.  Virac  s'occupe  d'abord  de  la  topographie  de  sa  ville  natale.  Il 
raconte  ensuite  'seconde  partie)rhistoire  de  cette  ville  :  i°  dans  les  temps 
antérieurs  à  la  domination  anglaise;  2°  de  1 153  à  1453  ;  3°  de  1454  à 
i653  ;  40  de  1654  à  1788  ;  5°  de  1789  à  1800  ;  6°  de  i8or  à  1869.  La 
troisième  partie  est  formée  de  Notices  complémentaires  sur  le  château  et 
les  enceintes  murales,  les  églises,  les  couvents,  l'hospice,  le  bureau  de 
bienfaisance,  le  domaine  public,  l'Hôtel  de  ville,  Thorloge,  le  port,  le 
chemin  de  fer,  les  rues,  la  justice,  la  municipalité,  les  privilèges,  les 
vins,  le  logement  des  gens  de  guerre,  les  foires  et  marchés,  les  notaires, 
le  cimetiOrc,  la  biographie  (c'est-à-dire  une  série  de  notices  sur  les 
principales  familles  de  Saint-Macaire).  On  voit  par  cette  énumération 
combien  la  monographie  est  complète  ^  Et  pourtant,  que  de  choses 
encore  il  resterait  à  indiquer,  comme  la  liste  des  personnages  qui, 
sous  les  titres  de  seigneur,  connétable,  bailli,  garde,  châtelain,  gouver- 
neur ou  capitaine,  ont  commandé  dans  le  château  de  Saint-Macaire 
(p.  404-405);  la  liste  des  curés  de  cette  paroisse,  de  1441  à  x866 
(p.  426);  la  liste  des  prieurs  de  Saint-Sauveur  (ordre  des  Bénédictins),  ,■ 
de  f  (  70  à  I  579  (p.  435-436)  ;  la  liste  des  supérieurs  (ordre  des  Jésuites) 
de  la  résidence  de  Saint-Sauveur,  de  1622  à  1770  (p.  449);  la  liste 
des  propriétés  qui  ont  appartenu  ou  appartiennent  encore  à  la  ville 
(p.  495-5oo);  la  liste  des  droits  et  impôts  (p.  5oi-5o2)  ;  la  liste  des  jugés 
royaux,  assesseurs,  procureurs  du  roi,  juges  de  paix  (p.  585-587),  la 
liste  des  maires  et  lieutenants  de  maires,  agents  municipaux,  adjoints  de 
maires,  jurais  (p.  6o5-6ii),  etc. 

M.  L.  Léo  Drouyn,  qui  a  si  bien  édité  le  manuscrit  de  son  collègue  et 
ami  2^  dit  (p.  540;  :  «  11  est  fâcheux  que  M.  Virac  n'ait  pas  connu  les  , 

1.  Elle  est  même  trop   complète  en   quelques    passages.    L'auteur,    par   exemple,  ^ 
n'apprend  rien  de  nouveau  à  personne  quand  il  dit  (p.  322)  que  la  voie  ferrée  «  relie 
la  ville  de  Saint-Macaire  avec  tout  le  réseau  des  chemins  de  fer  français  et  la  met  en 
communication  avec  tous  les  points  de  la  France  et  de  l'Europe  ».  D'autres  détails, 
je  le  crains,  paraîtront   insignihants,   comme   le  détail  donné   (p.   3-jb)  sur   les  huit 
réverbères  établis  à  Saint-Macaire  le  8  novembre  i865  (date  mémorable  pour  cette  pe-< 
tite  ville-lumière !).  Çà  et  là  sont  reproduites  in  extenso  des  harangues  municipales, 
d'une  époque  récente,  dont  le  besoin  ne  se  faisait  pas  trop  sentir.  Je  pourrais  signaler 
encore  d'autres  superfluités.  Mais,    m'objecterait-on  peut-être  si    j'insistais  trop  là-! 
dessus,  le  monographe  ne  ressemble  pas  au  préteur  antique  :  curât  de  mintmis. 

2.  Le  sujet  était  familier  au  savant  archéologue,  car  il  a  publié  en  iH6i  un  travaiH 
spécial  sur  Saint-Macaire  et  ses  monuments.  M.  Drouyn  a  enrichi  le  volume  de| 
M.  Virac,  non  seulement  de  la  Notice  biographique  déjà  citée,  ainsi  que  d'une  vue 


4 


d'histoire    liT    DE    LITTÉRATUKE  l55 

remarquables  études  de  M.  F.  de  Verneilh  sur  l'origine  des  bastides 
fondées  en  Gascogne  au  xiii"  siècle.  »  Je  dirai  à  mon  tour  qu'il  est  non 
moins  fâcheux  que  M.  Virac,  pour  la  deuxième  période,  au  sujet  des 
guerres  anglo-françaises  dans  Je  Sud-Ouest,  n'ait  pu  connaître  les  «  re- 
marquables écudes  »  de  M  .  Siméon  Lucesurles  Chroniques  de  Froissart 
et  que,  pour  la  troisième  période,  au  sujet  des  guerres  de  religion,  il 
n'eût  pu  connaître  les  «  remarquables  études  »  de  M.  de  Ruble  sur 
les  Commentaires  de  Biaise  de  Monluc  ^ 

T.  de  L. 

402.  —  Bi-îefe  und  Eiklsei-ungeii  von  I.   von  Da?llînger   ûber  die  Vatica- 
nischen  Décrète,  1869-1887,  i  vol.   in-£2,  vii[-i63  pages.    Munchen,  Beck,  1890. 

Le  10  janvier  dernier,  à  1  âge  Je  pljs  de  quatre-vingt-dix  ans,  s'est 
éteint  à  Munich  le  chanoine  Ignace  von  DôUinger.  Il  a  été  de  notre 
temps  l'un  des  plus  remarquables  historiens  de  TEglise  et  naguère  la 
Revue  critique  rendait  hommage  à  l'un  de  ses  derniers  travaux.  Lui- 
même  a  joué  dans  l'histoire  de  l'Église  en  ce  siècle,  un  rôle  fort  impor- 
tant. Dès  1869,  il  protesta  avec  énergie  contre  le  dogme  de  l'infaillibi-- 
lité  qu'on  invitait  le  futur  concile  à  proclamer;  sous  son  inspiration  fut 
rédigé  le  célèbre  livre,  signé  Janus  :  Der  Papst  und  das  Kon\il  ;  de 
sa  plume,  sortirent  divers  articles  dans  le  même  sens,  publiés  par  VAll- 
gemeine  Zeitung.  Malgré  lui,  le  nouveau  dogme  fut  promulgué  le 
i8  juillet  1870.  Les  catholiques  Allemands  qui  s'étaient  d'abord  déclarés 

de  Saint-Macaiie  et  du  plan  de  cette  ville,  admirablement  gravés,  mais  encore  d'un 
très  bon  index  des  principaux  noms  de  personnes  et  de  lieux,  et  de  notes  qui  n'ont 
que  le  tort  d'être  beaucoup  tiop  rares. 

I.  Dans  une  note  (p.  144),  M.  Yirac  dit  :  «  La  bataille  de  Targon  fut  d'après 
La  Colonie,  livrée  le  26  juillet  et  celle  de  Vern  csic  pour  Vevgt),  en  Périgord,  eut 
lieu,  selon  M.  Guinodie,  le  9  octobre.  »  La  seconde  date  est  exacte,  mais  la  pre- 
mière ne  l'est  pas  :  le  combat  de  Targon  est  du  17  juillet  i562.  Il  faut  signaler, 
parmi  les  bons  morceaux  du  livre,  la  discussion  (p.  149-151)  des  erreurs  commises, 
au  XVI*  siècle,  par  Claude  de  Sainctcs  {Discours  sur  les  saccagements,  etc.  Paris, 
i563),  et  renouvelées,  en  notre  siècle,  par  l'abbé  O'Reilly  {Histoire  complète  de  Bor- 
deaux, t.  Il,  p.  320),  en  ce  qui  regarde  la  prise  de  Saint-Macaire  par  les  huguenots 
que  conduisait  Duras  {2.^  juin  i562).  Voici  les  judicieuses  observations  du  critique  : 
«  Les  excès  commis  par  les  religionnaires  furent  loin  d'être  ce  que  les  deux  narra- 
teurs nous  les  ont  dépeints  ^catholiques  enterrés  vifs,  enfants  coupés  en  deux,  ventres 
des  prêtres  ouverts  et  leurs  entrailles  dévidées  autour  d'un  bâton,  etc.)  :  un  habitant 
pendu  parce  qu'il  avait  été  trouvé  priant  dans  l'église  ;  un  cordelier  attaché  à  une  aile 
de  moulin  et  probablemeiu  étranglé  dans  cette  situation  ;  un  autre  religieux  auquel  on 
coupa  une  oreille,  et  de  nombreux  tués  ou  blessés  pendant  l'assaut  ;  puis  un  pillage 
presque  général  qui  ne  dut  pas  s'effectuer  sans  de  graves  désordres,  c'est  assurément 
trop,  beaucoup  irop,  mais  les  atrocités  que  nous  venons  de  rappeler  sont  de  piircs  in- 
ventions :  Claude  de  Sainctes  a  évidemment  été  trompé;  nous  en  avons  la  preuve  dans 
les  dépositions  individuelles  des  principaux  habitants  de  la  ville,  lesquels  n'eussent 
pas  manqué  de  les  signaler  au  conseiller  enquêteur  si  elles  avaient  réellement  eu  lieu. 
Ces  dépor>iiions  recueillies  trois  mois  seulement  après  la  prise  de  la  ville,  et  émanant 
du  plus  grand  nombre  des  victimes  de  Duras,  nous  ont  paru  mériter  beaucoup  plus 
de  confiance  que  les  dires  de  Ch.  de  Sainctes  et  d'O'Reilly.  » 


I  56  REVUE    CRITIQUE 

hostiles,  se  soumirent  les  uns  après  les  autres.  L'archevêque  de  Munich, 
Scherr,  qui  avait  voté  non  au  Vatican,  prononça  le  «  Ronia  locuta, 
causa  Jînita.  »  11  invita  DôUinger  à  imiter  son  exemple;  mais  celui-ci 
refusa,  par  une  très  digne  lettre  du  29  janvier  1871  et,  sur  de  nouvelles 
instances  de  son  prélat,  il  publia  le  fameux  manifeste  du  28  m.ars.  Aus- 
sitôt on  interdit  aux  étudiants  en  théologie  de  suivre  les  cours  du  cha- 
noine ;  puis,  le  17  avril,  on  lança  contre  lui-même  Texcommunication 
majeure.  Depuis  cette  époque,  de  pressantes  démarches  ont  été  faites 
auprès  de  lui,  pour  qu^il  lit  sa  soumission.  Une  dame  de  haute  naissance 
en  1880,  l'évèque  de  Rottenbourg  Hefele,  —  Fauteur  bien  connu  de 
V Histoire  des  conciles,  —  en  1886,  le  nouvel  archevêque  de  Munich, 
Steichele,  en  1878,  1879  et  1886,  le  nonce  du  pape  Ruffo  Scilla  en  1887 
le  supplièrent  de  rentrer  dans  le  giron  de  l'Eglise  et  de  ne  pas  mourir 
dans  l'impénitence  finale.  Mais  le  digne  vieillard  résista  à  toutes  ces 
instances;  il  déclara  qu'il  voulait  demeurer  fidèle  aux  opinions  de  toute 
sa  vie. 

La  présente  brochure  contient  la  plupart  des  articles  écrits  par  Dôl- 
linger  en  1869  et  en  1870  contre  l'infaillibilité;  puis  la  correspondance 
échangée  entre  son  archevêque  et  lui  en  1871 .  Toutes  ces  pièces  étaient 
déjà  connues.  On  y  trouve  ensuite  les  lettres  inédites  que  lui  ont  adres- 
sées depuis  1878  les  hauts  personnages  cités,  avec  les  réponses  qu'il  y 
fit.  Au  seul  Hefele,  il  ne  répliqua  point,  à  cause  de  l'amitié  qui  l'avait 
jadis  uni  à  lui.  Dollinger  se  proposait  de  publier  ces  documents, 
pour  arrêter  certains  bruits  et  bien  attester  sa  foi;  mais  la  mort  le 
frappa  sur  ces  entrefaites.  Un  de  ses  disciples,  Keusch,  s'est  chargé  de 
ce  soin,  et  il  lui  en  faut  savoir  gré.  Nous  regrettons  seulement  que,  dans 
une  préface  subsiantielle,  il  n'ait  pas  mis  en  lumière  la  conduite  de  son 
maître  vénéré  depuis  1870. 

Ch.  Pfister. 


t 


403.  —  EJîstorîsche  Studîen  aus  dem  Pharmacologischen  Institut  der  Kai- 
serlichen  Univershaet  Dorpat,  herausgegeben  von  Dr.  Rudolf  Kobert,  Frotcssor 
der  Geschichte  der  Medicin  und  der  Pharmakologie.  I.  Halle  a.  S.  Verlag  von 
Tausch  u.  Grosse,  1889,  in-8,  x,  266  pages.  Prix  :  8  m.  — 10  fr. 


I 


Cette  publication  est  dédiée  à  la«  Faculté  d'histoire  et  de  géographie 
de  l'Université  de  Dorpat  »  ;  ce  serait  déjà  une  raison  qui.  permettrait 
d'en  parler  dans  la  Revue  critique,  si  les  questions  qui  y  sont  abordées 
ne  touchaient  par  bien  des  côtés  à  celles  dont  elle  s'occupe  d'ordinaire.  I| 
V  L'histoire  de  la  médecine  ,  M .  R.  Kobert  le  remarque  avec  raison, 
fait  partie  essentielle  de  l'histoire  générale  de  la  culture  »;  à  ce  titre 
on  a  le  droit,  je  dirais  presque  le  devoir,  de  rendre  compte  ici  des  cu- 
rieuses études  dont  le  savant  professeur  de  Dorpat  vient  d'entreprendre 
la  publication.  En  dépit  du  titre  des  divers  sujets  qui  y  sont  traités, 
elles  peuvent  intéresser  l'humaniste  —  M.  R.  K.   dirait  le  philologue 


d'histoîrk  et  dk  littératurk  i57 

—  ainsi  que  l'hisiorien  ;  ils  n'y    iiouveront  guère  moins  à  apprendre 
que  le  médecin  ou  le  pharmacien. 

Le  premier  fascicule  des  Historische  Studien  se  compose  de  trois 
mémoires  principaux  :  le  premier,  sorti  de  la  plume  du  directeur,  est 
consacré  à  1'  a  Histoire  de  l'ergot  du  seigle  »  ;  il  est  suivi  d'un  «  court  ex- 
trait des  travaux  en  langue  russe  qui  en  traitent  »  ;  le  second  mémoire 
de  M,  R.  von  Grot,  mais  revu  par  M.  R.  K.,  est  un  exposé  étendu  et 
habilement  fait  des  «  connaissances  pharmacologiques  renfermées  dans 
«  la  collection  des  écrits  hippocratiques  »;  le  troisième,  d'une  nature 
toute  différente,  passe  en  revue  les  «  médicaments  populaires  tirés  du 
règne  végétal  et  usités  dans  TEmpire  russe  ».  Il  est  dû  à  M.  Wassily 
Demitsch,  mais  M.  R.  K.  y  a  joint  des  additions  précieuses  du  plus  grand 
intérêt  historique.  On  le  verra  plus  loin. 

I.  Quand  on  parle  de  l'ergot  du  seigle,  on  songe  tout  de  suite  au 
médicament  tiré  de  ce  champignon,  et  si  connu  en  obstétrique;  sans 
doute  M.  R.  K.  parle  de  cet  emploi  du  secale  cornutum;  mais  il  le 
considère  surtout  comme  substance  vénéneuse,  pouvant  produire 
dans  l'organisme  les  effets  les  plus  désastreux,  et  qui,  comme  tel,  a  dé- 
terminé les  épidémies  les  plus  terribles  ;  M.  R.  K.  nous  le  montre  à 
travers  les  âges  exerçant  son  action  délétère,  surtout  dans  les  années 
pluvieuses  et  de  mauvaise  récolte,  chez  presque  tous  les  peuples  de 
l'Europe  occidentale  et  méridionale.  Les  nécroses  ou  gangrènes  épi- 
démiques  — le  «  feu  saint  Antoine  »,  comme  les  appellent  nos  anciens 
chroniqueurs,  —  n'avaient  point  d'autre  cause.  L'ergot  du  seigle  n'a 
pas  exercé  moins  de  ravages  en  Russie;  jusqu'en  notre  siècle,  il  a  été 
un  des  fléaux  qui  ont  frappé  le  plus  cruellement  la  population. 

IL  L'étude  de  M.  R,  von  Grot  sur  les  remèdes  de  la  collection  hippo- 
ciatique  a  une  haute  valeur  et  témoigne  d'une  grande  compétence  ; 
après  avoir  rappelé  rapidement  quel  était  l'état  de  la  médecine  avant 
Hippocraîe,  d'où  étaient  tirés  les  remèdes  usités  de  son  temps,  et,  cela 
n'était  pas  moins  indispensable,  comment  peuvent  se  classer  les  écrits 
mis  sous  le  nom  du  grand  médecin  grec,  M.  R.v.G.  examine  successive- 
ment les  ingrédiens  employés  par  son  école  comme  purgatifs  et  vermi- 
fuges, vomitifs  ou  diurétiques,  sudorifîques,  etc.  Rien  de  plus  curieux 
que  cette  énumération;  si  parfois,  et  il  était  difïicile  qu'il  en  fût  autre- 
ment, la  pharmacopée  hippocratique  fait  preuve  d'empirisme,  de  quelle 
observation  profonde  et  juste  aussi  témoignent  le  plus  souvent  ses  recet- 
tes, quel  emploi  rationnel  elle  savait  faire  des  remèdes  qui  étaient  à 
sa  disposition!  M.  R.  v.  G.  a  raison  de  dire  en  terminant  que  la  méde- 
cine peut,  aujourd'hui  encore,  trouver  dans  le  recueil  des  écrits  mis 
sous  le  nom  d'Hippocrate,  de  nombreuses  et  précieuses  indications  thé- 
rapeutiques. 

III.  Le  travail  de  M.  W.  Demitsch  sur  la  pharmacopée  populaire 
russe,  s'il  ne  témoigne  pas  de  plus  longues  recherches,  a  peut-être  encore 
un  intérêt  plus  grand  que  celui  de  M.  v.  G.;  il  nous  conduit  du   moins 


i58 


REVUE    CRITIQUE 


dans  un  domaine  plus  inconnu.  On  est  étonne,  en  le  lisant,  de  la 
variété  et  de  la  richesse  de  la  pharmacopée  du  peuple  russe;  plus  d'un 
des  remèdes  qu'elle  renferme  ou  son  emploi  lui  a  sans  doute  été 
transmis  par  les  Grecs  ;  mais  il  n'en  est  pas  moins  curieux  de  voir  avec 
quelle  fidélité  ces  remèdes  ont  été  conservés  jusqu'à  nos  jours  et  quel 
accord  existe  entre  cette  pharmacopée  abandonnée  à  elle-même  et  la 
thérapeutique  des  écoles.  M.  W.  D.  a  étudié  quatre-vingt-huit  remèdes 
végétaux.  A  ce  travail  déjà  si  considérable,  M.  R.  K.  a  joint  pour  cha- 
que plante  connue  des  anciens,  l'indication  de  ce  que  ceux-ci  en  avaient 
dit  ;  il  y  a  là  une  série  de  remarques  de  la  plus  haute  valeur  ;  on  y  trouve 
des  renseignements  aussi  précieux  qu'instructifs  sur  plus  d'un  point 
obscur  de  Pantiquité  classique,  par  exemple  sur  le  castoreum,  sur  la 
véritable  nature  de  la  plante  appelée  cicuta  chez  les  Latins  et  xwvsiov  par 
les  Grecs,  sur  le  TroAu^évaTOV  de  Dioscoride,  etc. 

M.  W.  D.  s'est  attaché  à   indiquer  toutes   les    propriétés   curatives, 
vraies    ou    supposées,    des  simples  dont  il  parle;   il   en  donne  aussi  la 
composition  chimique,  quand  on  la  connaît  ;  elle  prouve  le  plus  souvent 
le   bien    fondé  de  l'emploi  que  le  peuple  russe  en  fait.  Rien  de  moins 
connu   en  Occident   que  ces    remèdes;   aussi   les  articles  qui  leur  sont 
consacrés  offrent-ils  presque  tous  Tintérêt  le  plus  grand.  J'ai  remarqué, 
entre  autres,  l'article  du  muguet  (Convallaria  maialis  L.j,  du   gené- 
vrier ordinaire  (Junipenis  communis  L.),  etc.  A  propos  de  la  scabieuse 
à  racine  tronquée  [Scabiosa  siiccisa  L.)  ',  M.  W.  D    raconîe  la  légende 
russe  de   cette  plante;  elle  est  aussi  jolie  que  curieuse;  bien  d'autres 
végétaux  en   ont  d'un  non  moins  grand  intérêt  mythique;  on  regrette 
que  M.  W.  D.  n'en  ait  pas  rapporté  quelques-unes.  Au  sujet  de  Tépi- 
lobe  à  feuilles  étroites  (Epilobium  angustifolium  L  J,  par  exemple,  il  dit 
que  «  cette  plante  joue  un  grand  rôle  dans  la  mythologie  populaire  »  ; 
mais  il  n'indique  pas  en  quoi  consiste  ce  rôle,  et  renvoie  simplement  à, 
r  «(  important  »  ouvrage  d'Afanasjew  ^  sur  la  matière;  cet  ouvrage  estenj 
russe  et  partant  inaccessible  pour  bien  des  lecteurs  ;  M.W.  D.  n'aurait-il'; 
pas  pu  en  donner  quelques  extraits,  comme  il  l'a  fait  pour  les  études  dej 
A.Treichel,  bien  autrement  abordables,  puisqu'elles  sont  en  allemand^?! 
Espérons,  comme  il  semble  le  promettre,   qu'il  nous   fera  prochaine-] 
ment  connaître  ce  côté  si  curieux  de  l'histoire  générale  du  monde  végé- 
tal russe. 

On  voit  tout  ce  qu'ofïre  d'attrait  la  publication  de  M,  R.  Kobert;   il; 
faut  souhaiter  qu'elle  rencontre  l'accueil  qu'elle  mérite  et  que  son  savant 
directeur  puisse  nous  donner  encore  plus  d'un  article  comme  ceux  dont 

1.  M.  W.  D.  dit  que  cette  plante  porte  en  fiançais  les  noms  d'  «  herbe  de  saint! 
Joseph  »  ou  de  «  Langue  de  bœuf  »  ;  je  ne  connais  pas  ces  noms  ;  en  tout  cas,  ce  nel 
sont  pas  ceux  qui  désignent  d'ordinaire  la  Scabiosa  siiccisa;  on  l'appelle  le  piuai| 
souvent  «  mors-du-Diable.  » 

2.  Pûctische  Anschauungen  der  Slaven  iiber  die  Naluv.  Moskau,   1886. 

3.  Volksthiimlichcs    ans    der    PJlaii^enrvelt    [Altpreussische    Monatsschrift,   xxiv 
Band,  7-8  Heft,   1887.) 


d'histoike  et  de  littérature  i5g 

je  viens  de  parler,  articles  qui  se  recommandent  par  des  recherches  si 
consciencieuses  et  des  renseignements  d'un  intérêt  si  grand  et  si  géné- 
ra). 

Ch.  J. 


404.  —   R.    P.  Auguste  Jean.     Le  Aladuré.   La   nouvelle   mission.   Lille,  De- 
brouwer  et  Desclées.  1889. 

Le  Maduré  est  un  district  de  l'Hindoustan,  embrassant,  à  l'angle  sud 
oriental  de  la  péninsule,  les  terrasses  que  dominent  à  l'ouest  les  Ghâts, 
et  qui  s'abaissent  sur  le  détroit  de  Palk,  depuis  Tembouchure  du  Vellaur 
jusqu'au  cap  Comorin.  C'est  là  que  végète,  depuis  iSSj,  une  mission  de 
la  Compagnie  de  .lésus  dont  le  R.  P.  A.  Jean  écrit  Thistoire.  Cette  histoire 
se  résume  jusqu'à  nos  jours  dans  la  lutte  contre  «  le  démon  de  l'idolâ- 
trie ».  Lutte  facile  au  regard  de  celle  contre  a  deux  autres  puissances  de 
Tenfer  »,  le  schisme  ou  parti  goanais  (celui  des  concurrents  catholiques 
qui  supplantèrent  les  Jésuites  à  Maduré  après  la  suppression  de  l'Ordre 
au  siècle  dernier),  et  le  protestantisme,  «  l'ennemi  né  de  l'Eglise  de 
Dieu  ».  Ce  livre,  consacré  au  récit  des  incessants  déboires  temporels  et 
des  rares  triomphes  spirituels  de  la  Mission,  n'est  qu'une  oeuvre  de  secte 
et  de  polémique,  où  la  science  désintéressée  ne  trouve  à  glaner  que 
(juelques  renseignements  précaires,  notamment  sur  l'instruction  publi- 
que aux  Indes.  On  ne  saurait  le  comparer  aux  Annales  de  la  Propaga- 
tion de  la  Foi^  rédigées  avec  plus  de  souci  de  l'information  et  dans  un 
esprit  plus  véritablement  religieux.  Le  résultat  des  prédications  et  contre- 
prédications  évangéliques  dans  le  Maduré  ne  surprendra  pas,  après  la 
lecture  de  cet  ouvrage.  La  population  est  de  5,g  12,000  âmes  «  dont 
5, 63 1. 000  païens,  82,000  protestants  et  199,000  catholiques.  Pas  même 
un  chrétien  sur  cent!  » 

Cet  «  humble  volume  »  dément  cette  épithète  par  la  grandeur  du  for- 
mat, le  luxe  de  l'impression  et  les  illustrations,  parmi  lesquelles  figure 
le  portrait  du  T.  R.  P.  Becks,  feu  le  supérieur  général  de  la  Compa- 
gnie de  Jésus. 

B.   \. 


CHRONIQUE 

FRANCE.  —  M.  Léon  Dorez  publie  des  Notes  et  Documents  sur  la  Bible  poly- 
glotte de  Paris  (1  5  pp.  in-So;  Paris,  1890  ;  extrait  du  Bulletin  de  la  Société  de  l'his- 
toire de  Paris  et  de  l'Ile  de  France,  mai-juin  1890),  Ce  sont  des  lettres  de  Vitré,  de 
Le  Jay  et  de  Morin  à  Peiresc,  conserve'es  à  la  Bibliothèque  nationale;  elles  montrent 
l'organisation  de  cette  vaste  entreprise  et  les  difficultés  qu'on  pouvait  avoir  à  se  pro- 
curer les  manuscrits  nécessaires,  même  auprès  d'un  amateur  éclairé  comme  Peiresc. 

—  La  librairie  Welter  met  en  distribution  le  deuxième  fascicule  complétant  le  pre- 
mier volume  de  la  traduction  E.  Rabiet  de  la  Grammaire  des  langues  romanes,  de 


l6o  RKVDK    CRITIQUK    DHISTOIRK    KT    DK    LITTÉRATURE 

M.  Wilhelm  Mever-Lûbke.  Un  de  nos  coUaborat'.'urs  reviendra  prochainement   sur 
cette  importante  publication,  original  et  traduction. 

—  M.  Jean  Psichari  publie  un  tirage  à  part  de  la  Nouvelle  Revue  du 
!<"'■  juillet  :  la  Prononciation  du  grec;  Paris,  typographie  Chamerot,  1890,  24  pp. 
in-8.  Notre  collaborateur  dissipe  les  malentendus  qui  régnent  chez  les  gens  du 
monde  et  chez  les  Grecs  avec  une  compétence  et  un  talent  que  lui  assure  sa  triple 
qualité  de  Grec,  de  linguiste  et  d'écrivain.  C'est  une  réfutation  indirecte  d'un  article 
récent  où  la  fantaisie  scientifique  de  l'auteur  a  été  une  fois  de  plus  malheureuse.  Nos 
lecteurs  n'avaient  pas  besoin  de  cette  réfutation,  faite  d'avance  par  le  même  savant 
avec  une  plus  grande  abondance  de  preuves  dans  la  jRevi<e  de  1887,1.  I,  p.  261.  Mais 
ils  pourront  recommander  aux  personnes  qu'effraieraient  six  pages  d'érudition  ser- 
rée la  lecture  de  ce  morceau,  de  digestion  plus  facile  pour  les  gens  du  monde.  Espé- 
rons que  le  contrepoison  opérera,  et  surtout  qu'on  ne  verra  plus  se  renouveler  le 
scandale  d'une  grande  revue,  considérée  naïvement  par  les  étrangers  comme  le  mi- 
roir de  l'esprit  français,  accueillant  des  théories  où  l'influence  de  l'article  de  tête  se 
fait  vraiment  trop  sentir. 

—  M.  Henri  Cordier  a  fait  tirer  à  part  l'intéressante  et  substantielle  notice  qu'il 
avait  publiée  dans  le  «  Journal  asiatique  »  sur  le  Colonel  Sir  Henry  Ytile  dont  «  la 
mémoire  est  si  chère  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de  la  géographie  historique  de  l'Asie 
dans  les  temps  anciens  et  à  l'époque  du  moyen  âge.  »  Comme  le  dit  fort  bien 
M.  Cordier,  Henry  Yule  appartenait  à  cette  grande  famille  de  géographes  qui  comp- 
tent en  France  depuis  le  xviu'^  siècle  de  glorieux  représentants  (d'Anville,  Eyriès, 
Walckenaer,  Barbie  du  Bocage,  Jomard,  d'Avezac). 

ALSACE.  —  On  annonce  la  mort  de  l'helléniste  alsacien  Emile  Heitz,  professeur 
de  philosophie  à  l'Université  de  Sirasbourg,  né  dans  cette  ville  le  i3  novembre  1825, 
décédé  le  i3  juillet,  après  uni  longue  et  douloureuse  maladie.  En  i865,  il  publia 
Die  Verlorenoi  Schriften  des  Aristoteles ;  dans  la  collection  grecque-latine  de  Fir- 
mdn  Didot,  il  est  l'auteur  des  Fragmenta  Aristotelis,  et,  en  1874,  il  a  terminé  la 
publication  de  ÏInJex  nominum  qui  forme  le  tome  V  des  oeuvres  de  ce  philosophe.  11 
préparait  depuis  six  ou  huit  ans  une  édition  du  traité  deDamascius  sur  les  premiers 
principes  dont  la  partie  inédite  a  été  publiée  l'an  dernier  par  notre  collaborateur 
M.  Em.  Ruelle. 

■  ALLEMAGNE.  —  Voici  terminée  l'importante  publication   dont  nous  avons  sou- 
vent entretenu  nos  lecteurs,  au  fur  et  à  mesure  que  paraissaient  les  fascicules  :  VEn- 
cyclopcedie  der  ncucren  Geschichie  (Gotha,  Perthes'.  Les  deux  dernières  livraisons, 
la  éfb'^  et  la  46%  ont  paru.  On  y  remarque,  entre  autres  articles,  Wied,    les  Wilhelm, 
les    Wimpfen,  les  Wrangel,   Wilrttemberg,   \Viïr:^bwg,   etc.    Peu  de    remaïques  à 
faire  :   Willaume:{  devait  figurer  à  «  Bouet-Willaumez  »  ;  Félix  Winipfen  était  colo- 
nel, non  en  1782,  mais  dès  177(3  (où  il  fut  nommé  colonel  en  second  du  régiment  de 
la  Marckj  ;  P^rançois  Wimpfen  entra  le  i5  mars  17G1,  et  non  en  1760,  au  service  du 
Wurtemberg;  le  livre  de  M.  A.  Lefèvre-Pontalis  (et  non  Lefèbvre)  a  paru  en  fran-j 
çais,   et  il  ne  fallait  pas   en  citer  seulement  la  traduction  anglaise;  l'article   Wohl- 
fahrtsausschuss  ou  «  Comité  de  salut  public  »  est  insuffisant,  et  il  ne  fallait  pas  dire! 
que  dans  le  premier  Comité  les  Girondins  «  n'avaient  que  neuf  partisans  ».  Mais»] 
quelques  critiques  que  l'œuvre  mérite  dans  les  détails,  elle  ne  peut  qu'être  louée   e( 
recommandée  dans  Yeni<imh\(i,ç.\.V Encyclopédie  de  l'histoire  moderne  est  un  réper- 
toire utile  et  commode. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX.] 

Le  t'uy,  iiiiprimerip  de  Mnrciiessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  ■^3. 


i 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE     L 1 T  T  É  R  A  î  U  R  E 

N»  40  -  6  octobre  —  1890 


Sommaires  /|o5-4o5.  De  Harlez  et  Philastre,  Le  Yi  King.  — 407.  L'Invention 
de  la  Sainte  Croix,  p.  p.  Holder.  —  408.  Knust,  La  légende  de  Sainte  Cathe- 
rine. —  409.  La  chronologie  d'Ennodius.  —  410.  Félix,  Comptes-rendus  des 
échevins  de  Rouen.  —  411-413.  Tommasini,  Le  Journal  d'Infessura;  Les  Génois 
de  Rome;  Le  registre  des  magistrats  municipaux  de  Rome.  —  414-  Hartmann, 
L'administration  byzantine  en  Italie.  — 415.  Geiger,  Quelques  cas  de  labialisation 
en  français.  —  416.  Wahlund,  La  philologie  française  au  temps  jadis.  —  Chro- 
nique. —  Académie  des  Inscriptions. 


405.  —  l.o  Yili  King,  texte  primitif  rétabli,  traduit  et  commenté  par  Ch.  de 
Harlez.  Bruxelles,   1889,  in-4,  i53  pages. 

406.  —  Le  Yî  IiLing  ou  le  Livi-e  des  dian^ements  de  la  I>2-na»tle  det» 
Xslicou,  traduit  pour  la  première  fois  du  chinois  en  français,  par  P.  L.  E. 
Philastre.  Première  partie,  in-4,  i885,  489  pages.  Tome  VIII  des  Annales  du 
Musée  Guimet. 

Le  Yib-King  (ou  I.  King)  est  peut-être  le  plus  ancien  monument  de 
la  littérature  chinoise,  ou,  du  nioins,il  remonte  aux  origines  mêmes  de 
cette  littérature;  et  cependant  ce  n'est  pas  un  livre,  à  proprement  par- 
ler, primitif.  Il  se  compose  essentielletnent  de  soixante-quatre  koiia 
(figures  ou  hexagrammes) ,  consistant  chacun  en  six  traits  horizontaux 
superposés,  continus  ou  discontinus.  Ces  soixante-quatre  hexagram- 
mes, communément  appelés  koua  de  Wen-Wang  [an  nom  du  prince 
auquel  on  les  attribue),  ne  sont  que  la  combinaison  de  huit  signes 
primitifs  ou  trigrammes^  formés  de  trois  traits  semblables  et  appelés 
koua  de  Fo  lii,  parce  que  l'empereur  Fo  hi  en  est  réputé  l'inventeur. 
Le  nom  de  Livre  des  changements  donné  à  Fouvrage  qui  les  explique 
vient  probablement  des  «  changements  »  apportés  par  Wen-Wang  à  l'œu- 
vre de  Fo  hi. 

Chacun  de  ces  soixante-quatre  koua  est  accompagné  d'un  caractère 
chinois  ordinaire  qui  le  désigne,  est  comme  son  nom  et  sa  définition, 
—  d'un  texte  général  qui  en  indique  la  portée,  et  d'un  second  texte 
divisé  en  six  parties  dont  chacune  est  ou  est  censée  être  l'explication  de 
chacune  des  six  lignes  de  Thexagramme.  Sept  commentaires  incorporés 
dans  le  livre  servent  à  expliquer  les  mystères  des  koua.  Une  foule 
d'autres  commentaires,  dont  le  nombre  s'élève  à  quatorze  cent  vingt, 
ont  la  prétention  d'en  révéler  les  profonds  secrets. 

Le  Yi-King  est,  pour  les  Chinois,  le  résumé  de  toute  la  science.  Ce 

caractère  est  sensiblement  indiqué,  dès  le  début,  par  les  deux  premiers 

koua^i  dont  le  premier,  composé  de  six  traits  continus,  représente  le  Ciel, 

et  le  deuxième,  composé  de  six  traits  discontinus,  représente  la  Terre, 

Nouvelle    série,  XXX.  40 


i6: 


REVUIÎ    CRITIQUE 


LcCiclet  laTcrre,  c'est  le  monde,  la  nature  physique  et  morale  tout  en- 
tière, la  raison  d'être  et  l'existence  de  toutes  choses.  Certains  commen- 
taires ctablissent  un  lien  entre  les  soixante-quatre  hexagrammes^  les 
rattachent  les  uns  aux  autres  et  en  font  un  système  continu  d'enseigne- 
ment. Mais  l'enseignement  moral  et  scientifique  émané  des  soixante- 
quatre  koiia  n'a  pas  suffi  aux  Chinois  ;  ils  ont  voulu  chercher  dans  ces 
signes  mystérieux  des  indications  sur  le  succès  et  l'insuccès  des  entre- 
prises, de  bons  ou  de  mauvais  présages  :  en  un  mot,  ils  en  ont  fait  un 
livre  de  divination.  C'est  surtout  dans  trois  des  sept  commentaires 
principaux  que  ces  tendances  prédominent;  c'est  pourquoi  M.  de  Mar- 
iez les  écarte  ordinairement  et  ne  les  invoque  que  par  occasion. 

En  effet,  il  repousse  toute  la  partie  divinatoire  qu'il  considère 
comme  une  altération,  et,  par  le  travail  dont  son  livre  nous  donne  le 
résultat,  il  s'est  proposé  de  ramener  le  Yi-King  à  sa  pureté  primitive, 
de  nous  donner  le  vrai  Yi-King,  c'est-à-dire  «  Touvrage  qu'avait  en 
mains  celui  qui  en  a  fait  un  livre  de  divination  ». 

Après  un  long  exposé  (p.  i-38)  de  l'histoire  et  de  ce  que  j'appellerai 
la  théorie  de  Yi-King,  en  un  mot  de  la  façon  dont  il  conçoit  la  restitu- 
tion de  ce  livre,  M.  de  H.  donne  successivement  les  soixante-quatre 
Uùua  de  la  façon  suivante  :  i°  l'hexagramme  avec  son  nom  chinois  et 
Texplication  sommaire  ;  2°  le  texte  général;  3°  le  texte  détaillé  partagé 
en  six  parties  avec  des  extraits  de  commentaires;  4°  la  valeur  symbo- 
lique du  caractère;  5°  une  ou  plusieurs  notes,  selon  le  besoin  (p.  Bg- 
I  28).  —  L'ouvrage  se  termine  par  deux  extraits  étendus  de  commentai- 
res que  l'auteur  n'a  pas  voulu  découper,  et  deux  appendices,  consistant 
l'un  en  extrait  des  commentaires  philologiques,  l'autre  en  extrait  des 
commentaires  divinatoires  que  M.  de  H.  repousse,  mais  dont  il  a 
voulu  donner  une  idée  à  ses  lecteurs. 

L'interprétation  de  M.  de  H.  nous  paraît  en  général  très  satisfaisante. 
Surtout  elle  est  intelligible  ;  mais  est-ce  bien  là  une  marque  sûre  et 
infaillible  de  justesse?  Ce  n'est  pas  qu'il  ne  reste,  lui-même  le  déclare, 
«  quelques  passages  obscurs  ou  d'interprétation  difficile  »,  et  vraiment, 
si  tout  était  d'une  clarté  parfaite,  on  serait  peut-être  autorisé  à  suspecter 
la  fidélité  du  traducteur.  —  Mais  M.  de  H.  a  fait  un  choix  dans  la 
masse  de  documents  qu'il  exploitait.  Si  judicieux  que  ce  choix  ait  été, 
on  est  toujours  en  droit  de  supposer  que  certaines  parties  ont  pu  être 
écartées  qui  auraient  dû  être  admises,  d'autres  conservées  qui  auraient 
pu  être  omises.  A  supposer  d'ailleurs  que  la  restitution  duYi-King  soit 
parfaite  et  que  M.  de  H.  nous  le  présente  tel  qu'il  a  dû  être  ou  même 
qu'il  a  été,  nous  avons  toujours  besoin  de  l'avoir  tel  qu'il  est.  C'est 
M.  Philastre  qui  s'est  chargé  de  nous  le  donner  dans  son  état  présent. 
Nous  n'avons  encore  qu'une  partie  de  son  travail;  la  seconde  partie 
est  annoncée  sur  la  couverture  du  dix-septième  volume  des  Annales  du 
musée  Guimet  comme  devant  former  le  vingt-quatrième  volume.  Cela 
peut  nous  servir  d'excuse  pour  le  retard  que  nous  mettons  à  parler  en 
1890  d'un  livre  publié  en  i885. 


d'histoire  et  de  littérature  i63 

On  ne  fera  pas  à  M.  Philastre  le  reproche  d'être  trop  clair.  L'obscu- 
rité de  la  traduction  tient  surtout  au  texte  lui-même;  mais  peut-être  le 
traducteur  aurait-il  pu  essayer  de  se  faire  mieux  comprendre.  11  emploie 
trop  de  termes  chinois  et  n'interprète  pas  suffisamment  ceux  qu'il 
traduit.  Son  travail  sera  fort  utile  à  ceux  qui  voudront  étudier  le  texte 
chinois;  les  autres  lecteurs  devront  s'armer  de  patience  et  de  courage. 
La  série  des  numéros  de  ses  paragraphes  ne  se  comprend  pas  bien;  on 
aurait  attendu  une  série  nouvelle  pour  chacun  des  soixante-quatre 
koua.  La  suite  de  la  publication  fera  peut  être  comprendre  la  raison 
du  système  adopté.  Ces  critiques  ne  nons  empêchent  pas  de  remercier 
M.  Philastre  du  travail  considérable  qu'il  s'est  imposé  pour  nous 
donner  le  Yi-King  et  de  regretter  que  les  parties  de  sa  publication  se 
succèdent  à  de  si  grands  intervalles. 

Remarquons,  en  finissant,  que  ces  deuxtraductions  sont  les  premières 

qui  paraissent   en  français;  et  elles  n'ont  été   devancées    que  par  la 

traduction  anglaise  de  l'éminent  sinologue  Legge.  Les  missionnaires 

des  deux  derniers  siècles  avaient  beaucoup  travaillé  le  Yi-King  et  laissé 

sur  ce  livre  curieux  et  mystérieux  un  grand  nombre  de  notes  et  d'essais 

de  traduction.  Jules   Mohl,  en    1834,  avait  essayé  de  résumer  leurs 

travaux  dans  une  traduction  latine  publiée  à  Stuttgart.  C'est  seulement 

dans    ces   dernières    années    qu'on  a    abordé    directement    l'étude   et 

l'interprétation  de  ce  livre  fameux. 

L.  Feer. 


407.  —  inveniîo  sanctae  Crucîs,  actorum  Cyriaci  pars  I  latine  et  graece  ; 
ymnus  antiqus  de  sancta  cruce  ;  testimonia  inventae  sanctae  crucis.  Gonlegit  et 
digessit  Alfred  Holder.  Lipsiœ,  Teubner,   1889.  In-12,  xi-56  pp. 

408.  —  Hermann  Knust,  Geseliîclite  «1er  Legenden  dei*  li.  Katliai*Ina  von 

Alexandrien  und  der  h.  Maria  Aegyptiaca  nebst   unedierten  Texten.   Halle  sur   la 
Saale,  Max  Niemeyer,  1890,  346  pp.  in-8.  Prix  :  8  M. 

Il  existe  trois  versions  de  l'Invention  de  la  sainte  Croix.  La  première 
nous  a  été  conservée  par  les  écrivains  ecclésiastiques  grecs  et  latins;  elle 
fait  honneur  de  cette  découverte  à  l'impératrice  Hélène.  Une  autre  attri- 
bue à  Hélène  un  rôle  encore  fort  important  :  la  princesse  fait  une  enquête 
sur  les  lieux  et,  guidée  par  un  juif  nommé  Judas  et  par  un  prodige,  elle 
découvre  les  trois  croix;  celle  de  Jésus  est  déterminéepar  un  miracle;  elle 
retrouve  ensuite  les  deux  clous  de  la  crucifixion,  et  Judas,  baptisé  par 
l'évéque  de  Rome,  Eusèbe,  sous  le  nom  de  Cyriaque,  devient  évêque 
de  Jérusalem.  Cette  version  est  connue  en  syriaque  (Br.  Mus.  add. 
14644  et  12  174),  en  arménien  (B.  N.,  anc.  f.,  44),  en  grec  (cf.  Gretser, 
opéra  omnia,  de  sancta  Cruce,  II,  417  C-429  A),  en  latin.  Les  mss 
syriaques  ont  été  récemment  publiés  et  traduits  par  M.  Nestlé  •  ;  le  texte 

I.  De  sancta  Cruce,  in-8",  188g.  Cf.  Rev.  cr.,  1890,  1,  61 .  Je  cite  ces  textes  dans  la 
traduction  allemande  de  M.  Nestlé;  les  chiflics  renvoient  aux  numéros  des  lignes  du 
nis.  latin  de  Paris,  publié  par  M.  Hokicr. 


I  64  REVUE    CRITIQUE 

latin  est  l''objci  de  la  brochure  Je  M  .  Hokier,  qui  donne  à  la  suite  un 
des  récits  grecs  édités  par  Gretser,  une  hymne  latine  du  v^  siècle,  en  rela- 
tion avec  la  même  légende,  et  les  témoignages  des  historiens  auxquels  je 
faisais  allusion  plus  haut  La  troisième  légende  n'existe  que  sous  sa  forme 
syriaque;  elle  a  été  de  bonne  heure  introduite  dans  le  recueil  intitulé  la 
Doctrine  d'Addaï  et  se  trouve  isolément  dans  trois  mss.  :  Br.  Mus.  add. 
14654,  12 174;  B.  N.  syr.  234.  Les  deux  derniers  ont  été  publiés  par 
M.  Nestlé.  L'invention  est  attribuée  à  Protonice,  femme  du  vice-empe- 
reur Claude,  sous  Tépiscopat  de  Jacques  ;  la  reconnaissance  a  lieu  par  la 
résurrection  de  la  hlle  de  Pimpératrice  '. 

Le  texte   latin   que    publie    M.  H.  est   une   traduction   du   grec.    11 
existe  dans  cinq  mss.  :  Par.  lat.  2769  (vue  siècle),  S.  Gall  225  (viii^  siè - 
cle),WolfenbuttelXLVIIl  (ix'^-x*  siècle),  Garlsruhe  Aug.  XCI  (x^-xi-^  siè- 
cle), Leyde,  Voss.  lat.  S».    86  (x^  siècle).  M.  H.   a  reproduit  page  par 
page,  ligne  par  ligne^  lettre  par  lettre  le  ms.  de  Paris   et  a  donné  à  la 
suite  les  variantes  des  autres  mss.  par  rapport  à  ce  texte.  Cette  disposi- 
tion est  très  incommode  ;  les  variantes  auraient  dû  être  placées  au  bas 
des  pages.  Je  ferai  observer  déplus  que  la  façon  de  procéder  de  M.  H.  lui 
a  épargné  la  peine  de  faire  une  récension  critique;  il  a  laissé  au  lecteur  ce 
travail  à  faire.  La  publication  juxtaposée  des  mss.  ne  s'explique  que  dans 
le  cas  d'un  texte  très  remanié,  pour  lequel  chaque  ms.  représente  une  tra- 
dition isolée.  Ici  au  contraire,  tous  les  mss.  remontent  au  même  arché- 
type et  sont  des  copies  ie  la  même  traduction.  C'est  ce  que  prouvent 
des  fautes  communes  :    ij6,  frater  tinis  Steplmnus,  tous  les  mss.;  le 
grec  donne  la  traduction  littérale  Ziéçavoç  h  àBsXooç  xou  ~y-phq  zou  -kôlt^t^ou 
[Acu  (p.  33, 1.  4  Holder)  du  syriaque  conservé  dans  le  ms.  Br.  Mus.  add. 
14644  :  «  der  Bruder  des  Vaters  meines  Vaters  »    (Nestlé,  p.   58).  Un 
curieux  contre  sens  se  trouve  dans  tous  les  mss.  latins.  Le  grec  racon- 
tait que  l'évêque  Macaire  (May.ap'.oç)  de  Jérusalem  vint  à  mourir;  le  nom 
du  personnage  est  devenu  un  adjectif,  etMay.ip'.oç  iziay.o'Koq^beatiis  épis- 
copus  (3i  i).  A  la  fin,  Hélène  ordonne  de  célébrer  la  fête  de  l'Invention 
a  à  tous  les  hommes  et  à  toutes  les  femmes  qui  aiment  le  Christ  »  ;  la 
traduction  représentée  par  tous  nos  mss.  latins  a  passé  àv0pw7:oiç  :  om- 
nibus qui  Xpm  diligunt  ac  mulieribus  (384)  ^. 

i.  L'expression  employée  parle  ms.  12174  pour  désigner  la  religion  juive  :  timo- 
rés eorum,  a  frappé  M.  Nestlé  (p,  40).  Il  est  curieux  de  la  rapprocher  du  mot  metuerc, 
employé  en  latin,  ordinairement  au  participe  présent,  pour  indiquer  les  prosélytes 
du  judaïsme.  Cf.  l'intéressante  dissertation  de  Bernays  à  propos  de  Juv.  XIV,  g6, 
dans  ses  Abhandlungen,  t.  II,  pp.   73-78. 

2.  Voici  encore  quelques  faits  du  même  g:nre.  94.  Non  eniin  intellegitis  in  scnno- 
nibus  prophetarum  quemadmodum  de  aduentum  Xpi  pvopheti:{auerunt  pro  hoc  ergo 
uos  hodiae  interrogo  quia  puer  uobis  nascetur...  Il  est  évident  que pro-intenogo  est 
une  phrase  égarée  placée  par  erreur  dans  le  discours  d'Hélène;  tous  les  mss.  latins 
la  donnent  à  cet  endroit;  il  n'en  est  pas  question  dans  le  syriaque  et  dans  ie  grec 
20 r,  ludas  dixit  :  quemadmodum  habetur  in  gestis  qui  sunt  anni  ducenti  plus  mi- 
nus ;  il  semble  que  ce  texte  n'offre  pas  de  difiicullé  et  qu'on  puisse  ne  pas  tenir 
compte  de  la   leçon  de  Kois  des  mss.  récents:  dixit  ludas  à  la  place  de  qui.  C  est 


d'histoire  et  de  littérature  i65 

Si  M.  H.  nous  avait  donné  un  texte  critique,  il  aurait  été  oblige 
de  corriger  le  Parisinus  par  les  autres  mss.  Il  y  a  des  cas,  en  eiîet, 
où  on  y  est  absolument  forcé  :  245,  ad  draconum  fetoribus,  lire  rt 
draconum  f.  ;  19,  Tinscription  de  la  croix  qui  apparut  à  Constantin  est 
In  hoc  signo  iiince,  non  in  hoc  signo  qui  n'offre  aucun  sens;  jy,  inmun- 
dis  spiritibus  iniiiriati  estis  doit  être  corrigé  d'après  les  autres  mss.  en 
inmtindis  spntibus  i.  e.,  qui  fournit  un  fait  intéressant  de  grammaire; 
210,  une  ligne  passée  par  le  copiste  du  ms.  de  Paris  met  dans  la  bouche 
de  Judas  les  paroles  d'Hélène;  cette  ligne  nous  est  conservée  par  les  au- 
tres mss;  3o8,  depraecantibus  ignis  ostensus  est fidelis  n'a  pas  de  sens; 
les  autres  mss.  donnent  :  de  praecedentibus  signis  ostensus  est  fidelis 
(Judas);  cf.  syriaque  :  «  Und  wurde  beglaubigt  durch  Zeichen  die 
Christus  durch  seine  Hand  that.  »  Cet  exemple  montre  de  quelle  utilité 
serait  le  texte  syriaque  pour  choisir  parmi  les  leçons  des  mss.;  il  offri- 
rait une  garantie  de  plus  à  ceux  qui  s'imaginent  à  tort  que  l'établisse- 
ment critique  d'un  texte  est  un  travail  arbitraire. 

L'édition  idéale  devrait  donc  présenter  sur  trois  colonnes  le  syriaque 
traduit  très  littéralement  en  latin,  le  grec  et  le  latin.  Chacune  de  ces 
versions  donnerait  du  jour  à  l'autre.  Nous  venons  de  voir  le  syriaque 
servir  de  contrôle  pour  rétablissement  du  texte  latin  ;  il  est  des  cas  où 
le  latin  aide  à  préciser  le  sens  du  syriaque.  Ainsi  21  5,  quia  nec  eratn 
tune  ;  M.  Nestlé  hésite  entre  hier  ou  damais  {p.  5q)  ;  258.  qida  ipse  est, 
M.  Nestlé:  «  Der  [oAqt  dass  er]  »(p.  60).  Le  texte  syriaque  a  choisir  serait 
celui  du  Br.  Mus.  add.  14644.  Il  n'a  pas  le  début  :  récit  de  la  vision,  de 
la  victoire  et  du  baptême  de  Constantin,  et  commence  à  la  1.  54  de  Hol- 
der.  A  partir  de  cet  endroit,  il  correspond  mot  pour  mot  à  la  version  latine, 
sauf  des  variantes  de  rédaction  très  rares  (seulement  depuis  260)  et  qua- 
tre additions  :  70,  le  syriaque  du  ms.  14644  (comme  celui  du  ms.  12174) 
ajoute  ce  détail  qu'à  cette  époque  Jérusalem  était  dévastée  et  déserte; 
i5o,  il  développe  l'idée  que  les  anciens  et  les  scribes  savaient  que  Jésus 
était  le  Messie;  175,  le  père  de  Judas  termine  son  discours  en  recom- 
mandant à  son  fils  de  révéler  le  lieu  où  est  la  croix  si  on  le  lui  demande, 
sinon  de  confier  ce  qu'il  sait  à  ses  enfants;  290  et  suiv.,  le  démon  pro- 
nonce contre  Jésus  et  Judas  une  malédiction  ('w^e^  affaiblie  dans  le  latin. 
Il  faut  ajouter  que  le  passage  relatif  aux  mauvais  anges  ne  se  trouve  dans 
aucun  ms.  syriaque  (243-247)  non  plus  que  la  formule  de  conjuration 

pourtant  le  ticbris  d'une  tirade  passée  dans  le  texte  grec  ou  l'archétype  latin;  le  s)'- 
riaque  :  «  ludas  sprach  :  Nach  dem  was  geschrieben  ist  in  den  Denkwûrdigkeiten. 
Sie  sprach:  Zeige  mir.  ludas  sprach  :  Viele  lahre  sind...  »  209,  quidam  (quidem  mss. 
rell.)  et  paulo  aiUe  a  te  ipso  qiiae  (quia  mss.  rell.)  gesta  swit  confessus  est  (es  mss. 
rellj;  syriaque  ms.  14644  :  «  Wie  oft  tritFt  es  sich  dass  auch  Idioten  um  grosse 
Begebenhciten  wissen,  du  aber  hast  vor  kurzem  erkennen  lassen,  dass  es  Denkwûr- 
digkeiten gibt  ».  On  voit  (\\XQ  quidam  du  ms.  de  Paris,  inintelligible  et  corrigé  dans 
les  autres  mss.  eu  quidem,  est  l'amorce  d'une  proposition  passée  dans  l'archétyi^e  et 
que  quia  et  es  des  mss.  récents  sont  la  bonne  leçon.  Tous  ces  faits  prouvent  que  B. 
N.  2769  n'est  pas  l'original;  on  peut  citer  aussi  les  fautes  fcrcbatur  (2-j-j),  et  (3o'3), 
l(:gein  (189),  cicinis  (70),  qui  indiquent  un  modèle  latin  écrit  en  onciale. 


l66  REVUK   CRITIQUE 

(2  25-2  3o).  Ce  travail  de  juxtaposition  et  de  comparaison  ne  pouvait  être 
iait  par  M.  H.,  puisque  les  textes  orientaux  n'étaient  pas  encore  traduits 
intégralement;  c'est  peut-être  ce  qui  Ta  détourné  de  publier  une  édition 
latine  dont  il  a  seulement  recueilli  les  matériaux  '. 

Pour  la  même  raison,  M.  H.  n'était  pas  en  mesure  d'entreprendre 
une  classification  des  formes  successives  de  la  légende.  Avant  lui 
et  à  la  suite  de  M.  Lipsius,  M.  Tixeront  Pavait  tenté.  Mais  s'il 
avait  obtenu  des  résultats  importants,  il  restait  encore  bien  des 
points  à  préciser.  D'après  lui,  sous  leur  forme  actuelle,  la   légende 

I.  (jne  tâche  plus  facile  et  qui  aurait  augmenté  la  valeur  de  son  édition,  même 
dans  la  forme  imparfaite  où  elle  se  présente,  était  un  index  des  particularités  gram- 
maticales. Voici  un  aperçu    des  faits   très  intéressants  fournis   par   le   texte  du  ms. 
■2769.  Phonétique.  Confusions  habituelles  de  ae  pour  e  (AElena  constant),  e  et  /,  0 
et  II,  b  et  H,  b  pour  ^  devant  /;  aspiration,  psilose;   Srahel  io5  (après  siii),  Strahel 
119  (apiès /?///;,  rex  Srael  257;  mandacium,  80.  Déclinaisons.  Confusion  des  cas, 
quarante  et  une  fois  au  moins;  sputibus  76,  passas   270,  pectiim  336,  s;;irit!  saiicti 
54;  lerusalcm:  ace.  :  Iherusalem  67,  Jlierosolyma  3i2;  abl.  :  Iherusolyma  Ô9,  Hie- 
losolimis  374  (cp.  Hierosolimae  ecclcsiae  3 16);  nom.  :  ludas  (passim),  gén.   Iitda 
i3o),  ac.  luiam  (193,  etc.);  scmet  dat.  (357).  Conjugaisons.  Faci  (=  feci)  293,  rne- 
tisti  {2C  pers.  parf.)   23i,  sedis  ùnd.  prés.)  232.  Syntaxe.    Accord  :  coUectam  mul- 
titudinem  lapidaueriint  eiim  159;  gens  vutlta  barbarorum  congregata  est-.,  parati  ad 
bclliim  j\\  piitantcs  )nortificarc   imnortalem  quem  déponentes  de  ligno  sepultus  est, 
i32.  Genre  :  animalia  quae  liabentes,  237.  Accusatif-  semet  ipsos  quaestionem  fcicien- 
tes  87,  catach'r/T'it  eitm  mviptn  ^dew  4c.  Génitif  :  quaestionem  ligni(\vegen  desHoi 
:{es)  i3i,    i'37;  odor  suauitalis  236,  261;  fvaudasti  tuae  gratiae  265;  aducntuum 
{adnenlum)  sanitaiis  {^=  adiientum  salubvem)  61.  Datif:  dominaueris  omnibus  242. 
Ablatif  :  sputo  (=  a  s.)  ilUtmi,iauit  76,  mortuis  restirrectionem  63.  Auxiliaires  :  erat 
persequens  166:,  cœpi  23,  117,  167,  270,  32i;/i3c/o  21,  42,  2i3,  216,  255,  281.  In 
dicatif  dans  l'interr.  indirecte   5o,  19g.  Participe  présent  en  tête  de  la  phrase  équi- 
valant à  une  proposition  circonstancielle,  quarante-cinq  fois  environ.  Prépositions  : 
ab  eitm  maledixistis  76,  a  draconum  fetoribus  cruciant\ui]   245;   contra,   5,    358; 
cum^^  abl.  instr.  iii,  3o2  ;  de-=:ex  70,  73,345;  signum  ex  lumine  constilutiim  17; 
in  temporel,  57  ;  damnare  in  i38  et  3oo;  in  obitia  8  ;  supra  282,  284;  super,  au  bord, 
5,  10.  Lexique.  Adhuc  =  etiam    127,  32g,  339;  arma  inexpugnabilis  368;  deman- 
dare,  ordonner,  383  ;  sacramenlum,  Geheimniss,  365  ;  timor  multa  86;  aduentio,  dé- 
couverte, I  ;  beatijicare,  proclamer  bienheureux,  338;   beatus  désigne  les  croyants  : 
Hélène,  Constantin  après  sa  conversion  (471;  contesiari,  affirmer  solennellement,  175  ; 
coruscatio,  éclair,  ?>i\b\credere  in  -|-  abl.  167  et  339,  in  -\-  ace.  171  et  173,  dat.  257; 
cultor  :  Dei  cultoreni,  2;  desidcrium,  l'objet  du  désir,  214;  la  distinction  entre Z)e«s, 
Dieu  en  général,  le  Père,  et  Dominus  =  le  Christ,  est  généralement  observée,  sauf 
Deus   388    et   Dominus   11b  et    254;    dilectus,   ami,    74;     dormitio  :    dormilionem 
acciperet   in   5^'iriu<  3i3;   ecclesia,   temple,   46,   53,    3o5  ;    et  pléonastique   7,   33, 
125,  244;  emendare  :  luccm  tenebras  aemendastis  80  (gehalten  hzhi);  factura,  242; 
Jîxorium,  32G  ;  fossorium,  26^;  fundus  (abyssi),  244;  incredibilis,  qui  ne  croit  pas, 
243;  lacus  siccus  218,  221,  223;  locuîus,  304;  maledictum,  malédiction,  75,  82  ;  ^na- 
neo,  219;  multitudo  :  fumi,  260;  minare,  mener,  376;  mitlere,  jeter,  1S6,  218;  mor- 
tificare,  mettre  à  mort,  i52  ;  mundare,  déblayer,  2i3  ;  nec  —  non,  21  5  ;  pictas,  pitié, 
miséricorde  (Erbarmen),  164,   169;  non  passe,  être  inipu'issanl,  2^4  ;  postmodum,  àïi\ 
su\ie  {'tn  [o]gc},5cj;  pronuntiare,nii)itiare,  raconter.  i35et  i36  ;  prospicere,  regarder 
en  haut,  i5;  rex,  appliqué  à  Constantin,  cinq  fois  (d'après  le  grec  ;  cp.  imperator, 
55);  Romania,   l'empire  romain,  5  et  9;  saliuares,  367;  uolatile,  substantivement,, 
233  ;  iste  manque,  les  seuls  pronoms  démonstratifs  employés  sont  liic,  is  ei  illc 


d'histoire  kt  dk  littérature  167 

de  Protonice  remonterait  au  dernier  tiers  du  iv^  siècle  ou  aux  premières 
années  du  v^  siècle,  celle  de  Judas-Cyriaque  à  la  première  moitié  du 
v«  siècle.  Toutes  deux  seraient,  d'origine  mésopotamienne;  celle  de  Pro- 
tonice serait  un  décalque  des  récits  grecs  sur  Hélène  1.  Ces  conclusions 
me  paraissent  bien  fondées.  Ce  qui  est  plus  contestable,  c'est  Tindépen- 
dance  de  Thistoire  de  Protonice  et  de  celle  de  Judas-Cyriaque  ~  M.  Lip- 
sius  avait  donné  en  preuve  de  la  thèse  contraire  le  lien  établi  entre  les 
deux  légendes  par  le  ms.  Br.  Mus.  add.  12174;  M.  Tixeront  pense  :  à 
bon  droit,  que  ce  lien  peut  être  factice,  mais  la  raison  qu'il  en  donne,  la 
date  tardive  (1196)  de  ce  ms.,  est  détruite  par  ce  fait  que  le  ms.  14644 
du  même  fonds,  probablement  du  vi''  siècle,  suppose  le  lien  entre  les 
deux  légendes  3.  En  réalité,  il  n^y  a  rien  à  tirer  de  cet  artifice  de  ré- 
daction. On  pourrait  plutôt  alléguer  en  faveur  de  l'opinion  de  M.  Lip- 
sius  les  considérations  que  fait  valoir  M.  Tixeront  pour  établir  la  dé- 
pendance de  la  légende  de  Protonice  et  des  récits  grecs  '*.  Mais  la  ques- 
tion est  plus  compliquée. 

La  légende  de  Judas-Cyriaque  est  le  résultat  de  la  réunion  de  deux 
narrations  :  Tinvention  de  la  Croix  par  Hélène  sous  l'épiscopat  de  Ma- 
cairo  et  l'histoire  d'un  juif  nommé  Judas  qui  se  convertit  au  christia- 
nisme, devient  évêque  de  Jérusalem  sous  le  nom  de  Cyriaque,  et  est  mar- 
tyrisé par  ordre  d'un  empereur  païen  ■'.  La  fusion  est  obtenue  par  le  rôle 
que  l'on  fait  jouer  à  ce  personnage  dans  la  découverte  delà  Croix.  Mais 
ce  rôle,  on  peut  le  supprimer.  On  obtient  ainsi  un  récit  assez  court  et 
irès  simple.  Hélène  vient  à  Jérusalem  pour  y  chercher  la  Croix;  les  Juifs 
lui  indiquent  leGolgotha.  Le  lieu  précis  de  l'enfouissement  est  inconnu. 
Des  phénomènes  merveilleux  et  un  tremblement  de  terre  le  révèlent. 
On  creuse  et  Ton  trouve  les  trois  croix.  Celle  du  Christ  est  désignée  par 
une  résurrection.  Sur  les  lieux,  Hélène  fait  construire  une  (ou  des)  basi- 
liques. La  suppression  du  rôle  de  Judas  se  fait  d'autant  plus  facilement 
qu'il  ne  sert  à  rien.  On  n'a  pas  encore  remarqué  que  Judas  fait  double 


1.  Les  Origines  de  l'église  d'Édesse  et  la  légende  eV Abgar .  Paris,  1888,  in-8°(cp. 
Rev-  Cf.,  1889,  I,  241),  pp.  178,  180,  182-184,  186-190.  Pour  plus  de  brièveté  je 
renvoie  à  cet  ouvrage  où  l'on  trouvera  toute  la  bibliographie  antérieure. 

2.  Ib.,  p.  182. 

3.  Ce  ms.  ne  donne  pas  la  légende  de  Protonice;  mais  l'original  d'où  il  dérive  de- 
vait la  contenir,  car  le  récit  commence  par  les  mots  :  «  Geschichte,  wie  das  Holz  des 
Kreuzes  ^iim  pvciien  Mal  aufgefunden  wurde...  »,  et  finit  ainsi  :  «  Zu  Ende  sind  die 
Denkwûrdigkeiten  darûber,  wie  das  Holz  des  Kreuzes  :{iwi  ^weiien  Mal  aufgefunden 
wurde  ».  Ces  paroles  supposent  bien  le  récit  d'une  première  invention. 

4-  Ib.,  p.  i85. 

5.  Je  laisse  de  côté  la  vision  de  la  croix  :  In  hoc  signo  uinces  et  l'invention  des 
clous.  Ce  sont  deux  petits  récils,  assez  indépendants  de  la  narration  centrale,  et  qui 
ne  se  présentent  pas  dans  toutes  les  sources.  Je  remarquerai  seulement  que  dans  le 
premier,  il  n'est  pas  question  de  la  deuxième  vision  que,  d'après  Eusèbe,  Constantin 
aurait  eu  en  plein  jour;  cette  deuxième  vision,  dont  ne  parle  pas  Lactance  qui  éciit 
moins  d'un  an  après  l'événement,  est  un  ornement  ajouté  par  Eusèbe.  En  revanche,  le 
rapport  établi  par  nos  récits  entre  cette  vision  et  le  baptême,  est  imaginaire. 


i68 


REVUE    CRITIQUE 


emploi  avec  les  éclairs  et  le  uomblement  de  terre,  obtenus  stir  sa  prière. 
Cette  prière  aurait  d'ailleurs  été  mieux  placée  dans  la  bouche  d'Hélène. 
D'où  vient  donc  ce  personnage?  Il  a  existé  un  évéque  de  Jérusalem,  le 
quinzième  de  la  liste,  appelé  Cyriaque  et  martyrisé  sous  Hadrien  ^  ;  d'un 
autre  côté  la  référence  locale,  omise  par  le  latin,  qu'à  cette  époque  Jé- 
rusalem était  déserte  et  dévastée,  dirige  les  recherches  vers  cette  date. 
Judas-Cyriaque  a  été  emprunté  à  un  récit,  une  passion  peut-être,  que 
l'on  connaissait  encore  au  iV  siècle  à  Jérusalem.  Ce  texte  a  reçu  en 
Mésopotamie  des  modifications  et  des  broderies  qui  l'ont  fait  entrer  dans 
le  cycle  des  histoires  relatives  à  Hélène  et  à  Constantin.  On  peut  se  faire 
une  idée  des  procédés  des  légendaires  syriaques  par  l'insertion  de  la  lé- 
gende de  Protonice  dans  la  Doctrine  d'Addaï  -. 

Quant  à  l'histoire  d'Hélène,  elle  se  retrouve  dans  les  écrivains  grecs 
et  latins  avec  plus  ou  moins  de  détails.  Il  est  curieux  de  voir  quels 
accroissements  successifs  elle  reçoit  avec  les  années.  Entre  38 1  et  38y  ^, 
le  récit  de  la  pèlerine  gauloise  mentionne  l'invention  avec  les  basiliques 
et  ailleurs  établit  un  lien  entre  les  basiliques  et  Hélène.  Un  peu  avant  398, 
saint  Jean  Chrysostôme,  en  395,  saint  Ambroise  nous  donnent  le  nom 
d'Hélène  et  la  reconnaissance  de  la  vraie  Croix  au  moyen  du  tituliis  ; 
ces  trois  écrivains  forment  comme  un  piemier  groupe.  Un  deuxième 
est  constitué  par  Rufin  (vers  400)  et  Socrate  (439/443)  ;  ils  ajoutent  aux 
précédents  la  mention  de  Macaire  et  substituent  au  titulus  la  guérison 
(la  résurrection  dans  Socrate)  d'une  femme  comme  moyen  de  recon- 
naissance, Paulin  de  Noie,' vers  403,  et  Sulpice  Sévère  qui  le  copie,  est 
plus  circonstancié  que  les  écrivains  orientaux  :  il  parle  le  premier  de 
l'assemblée  des  Juifs  tenue  par  ordre  d'Hélène  et  introduit  dans  la  scène 
de  la  résurrection  un  homme  au  lieu  d'une  femme.  Ces  quatre  auteurs 
mettent  leur  récit  eiî  relation  avec  la  dédicace  des  basiliques.  La  légende 
d'Hélène  est  donc  constituée  au  commencement  du  v"  siècle,  telle  que  nous 
l'avons  isolée  des  actes  de  Judas-Cyriaque.  Avec  Sozomène  (443/444)  +, 
cette  légende  apparaît  dans  l'Orient  grec  pour  la  première  fois  amalgamée 

1.  C'est  tout  ce  qu'on  en  sait  par  Eusèbe,  H.  E.,  IV,  5. 

2.  Tixeront,  p.  178.  Le  texte  a  dû  recevoir  des  interpolations  de  plus  d'un  genre. 
Il  y  a  dans  la  prière  de  Judas  toute  une  angélologie  qui  paraît  suspecte  ;  on  obtient,  en 
la  supprimant,  une  suite  meilleure.  —  Le  choix  même  du  personnage  de  Cyriaque 
n'est  peut-être  pas  sans  quelque  motif  spécial.  Les  historiens  racontent  que  sur  les 
lieux  saints  les  païens  avaient  construit  un  édifice  consacré  à  Vénus.  On  devait  ratta- 
cher ce  monument  au  souvenir  delà  profanation  de  Jérusalem  et  du  temple  par  Ha- 
drien. Dès  lors  le  personnage  qui  avait  vu  le  dernier  l'ancien  état  des  choses  était  le 
meilleur  guide  qu'on  pouvait  prendre.  On  voit  quelles  confusions  historiques  et  quels 
anachronismes  comporte  cette  hypothèse  :  c'est  ce  qui  pourrait  la  rendre  vraisembla- 
ble, étantdonné  les  habitudes  d'esprit  des  légendaires.  On  ne  peut  cependant  la  for- 
muler qu'avec  une  très  grande  réserve,  comme  un  exemple  de  ce  qui  a  pu  se  passer. 
Le  raisonnement  n'a  pas  de  prise  sur  l'imagination  et  la  fantaisie. 

3.  Cf.  Gamunini.  pp.  xxvn-xxix. 

4.  C'est  la  date  établie  par  M.  Guldenpenning,  Die  Kirchcngeschichte  des  Theo- 
doret,  pp.  12-13  ;  il  ne  pourrait  y  avoir  qu'un  écart  de  trois  ou  quatre  ans,  sans 
importance  pour   notre  sujet.  Sur  le   récit   de  'riiéodurel..  que  M.   Guldenpenning 


d'histoire  et  de  littérature  169 

à  celle  de  Cyriaque.  Il  mentionne  en  effet  le  rôle  joué  par  un  juif  venu 
d'Orient  ;  dans  le  récit  de  l'invention  des  clous,  il  reproduit  une  prophétie 
de  Zacharie  citée  dans  la  légende  Hélène-Cyriaque  ;  enfin  les  expressions 
plus  précises  dont  il  se  sert  pour  désigner  les  basiliques  semblent  indi- 
quer une  source  locale  La  légende  d'Hélène  partie  de  Jérusalem  y  était 
donc  revenue,  accrue  et  embellie  par  l'ingéniosité  et  l'imagination  des 
Edesséniens.  Il  n'est  pas  inutile  de  noter  qu'à  trois  reprises,  Sozomène 
se  réfère  plus  ou  moins  explicitement  à  une  tradition  orale  1.  Après  le 
milieu  du  v°  siècle,  l'histoire  des  légendes  n'est  plus  que  celle  de  leur 
voyage  d'Orient  en  Occident  et  de  la  créance  qu'on  leur  donne. 

Il  résulte  de  cet  exposé  que  l'histoire  d'Hélène  se  forme  dans  l'Orient 
grec  pendant  les  vingt  dernières  années  du  iv''  siècle  :  en  379,  saint  Gré»- 
goire  de  Nysse  (0pp.  1 638,  t.  H,  p.  198  D)  ne  la  connaît  pas  encore. 
Vers  4.00  elle  sort  des  milieux  locaux  et  populaires  où  elle  s'élabore 
pour  se  répandre  promptement  en  Orient  et  en  Occident,  et  elle  est 
apportée  en  Mésopotamie  où  elle  donne  naissance  à  la  légende  de  Pro- 
tonice.  Dans  le  même  pays,  quelques  années  plus  tard,  elle  est  apportée 
de  nouveau  de  Jérusalem  avec  l'histoire  d'un  évêque  de  cette  ville 
nommé  Cyriaque.  De  là  naît  le  type  Hélène-Cyriaque.  Elle  est  réintro- 
duite sous  cette  forme  dans  son  pays  d'origine  à  l'époque  où  écrit 
Sozomène  ~. 

L'histoire  de  la  légende  de  sainte  Catherine  est  moins  compliquée. 
M.  Knust  la  suit  depuis  son  apparition  dans  le  premier  document  daté, 
le  ménologe  de  Basile,  qui  est  du  x"'  siècle.  Ce  court  récit  se  trouve  sin- 
gulièrement amplifié  dans  la  collection  de  Siméon  Métaphraste.  Il  se 
présente  ensuite  sous  cette  forme  plus  complète  dans  des  mss,  grecs 
encore  inédits.  Ce  n'est  qu'au  xi"  siècle  que  l'histoire  de  la  sainte  fait 
son  apparition  en  Occident,  dans  un  ms.  latin  du  Mont  Cassin.  A  cette 
date  encore,  certains  traits  de  la  légende  ne  sont  pas  encore  mention- 
nés :  le  nom  du  père  de  la  sainte  et  le  transfert  du  corps  par  les  anges 
sur  le  mont  Sinaï.  Ces  détails  et  quelques  autres  sont  popularisés  dans 
une  rédaction  latine  dont  il  existe  plusieurs  copies  du  xi'  siècle;  la 
première  traduction  dans  une  langue  vulgaire  est  une  version  rimée,  en 

croit  emprunté  à  Sozomène,  cf.  op.  cit,,  p.  41  ;  je  crois  cependant  qu'il  exagère  l'in- 
dépendance de  Sozomène;  cet  historien  paraît  puiser  dans  Rufin  ce  qu'il  ne  doit  pas 
aux  renseignements  oraux. 

1.  Pour  plus  de  commodité,  je  renvoie  à  l'extrait  de  Holder,  p.  5o,  1.  3  du  bas  : 
w?  //£v  Ttvc5  /î'/oujtv  ;  p.  5l,  l.  l3  du  bas,  /c'ysTa«  èi  ;  p.  52  :  t«oî  /jz/tv,  ws  nupu- 
yrt'jujj.vj,  îuTOpy.-at,  UvopôJv    ts   àxptê&ij   £:r(îTa//.ivc<)v    à/.oùsoc^iVj    £t;  ou;  ix  oiacooy-r^i  TraTe'pwv 

d-^ov,  Toj;  'énîira  y.a-u).i).oiTtoi.r:vj.  M,  Gûldenpenning  avait  déjà  entrevu  l'importance  de 
ce  dernier  passage. 

2.  Quant  à  la  réalité  des  faits,  le  silence  d'Eusèbe,  contemporain  et  probablement 
témoin  oculaire,  la  compromet  très  gravement.  Cf.  Tixeront,  pp.  174-175.  L'inscrip- 
tion trouvée  récemment  en  Afrique,  à  Tixter,  prouve  l'existence  de  la  Croix  à  Jéru- 
salem en  359,  mais  rien  de  plus  {Ac.  Inscr.,  23  mai  1890).  Il  en  est  de  même  des 
mentions  laites  par  (élément  d'Alexandrie. 


170  REVUE    CRITIQUE 

allemand,  du  xi*^  siècle,  qui  est  perdue;  vient  ensuite  un  texte  anglais, 
également  rimé,  du  xi^«^  siècle.  La  plus  ancienne  version  française  se 
trouve  dans  un  ms.  de  la  Bibliothèque  nationale  écrit  vers  1200 
(f.  ir.  23  1 12),  mais  on  en  avait  fait  d'autres  qui  se  sont  perdues.  Nous 
ne  suivrons  pas  jusqu'à  nos  jours  M.  K.  dans  son  étude  ;  elle  sera  très 
utile  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de  littérature  moderne. 

A  la  fin  de  son  enquête,  l'auteur  revient  au  petit  noyau  de  faits  qui  a 
été  le  point  de  départ  de  cet  immense  développement  et  en  conclut 
qu'on  a  affaire  i\  un  pur  roman.  Il  rejette  avec  dédain  la  tentative  faite 
par  Baronius  pour  retrouver  les  linéaments  de  cette  histoire  dans  un 
passage  d'Eusèbe.  En  dehors  des  différences  entre  le  récit  de  Fhistoire 
ecclésiastique  et  la  légende,  M.  K.  fonde  son  opinion  surtout  sur  le 
silence  des  hagiographes  avant  le  x^  siècle.  Ils  écrivent  en  Occident,  il 
est  vrai,  mais  ie  culte  des  saints  d'Orient  pouvait  entrer  dans  le  monde 
latin  par  bien  des  portes.  Tantôt  on  les  retrouve  démarqués  dans  des 
récits  qui  se  présentent  comme  l'histoire  ce  saints  locaux,  tantôt  ils 
passent  à  la  faveur  du  martyrologe  oriental  introduit  au  milieu  du 
v«  siècle  dans  le  martyrologe  hiéronymien,  tantôt  les  monastères  grecs 
de  l'Italie  et  Pautorité  des  empereurs  sur  Rome  propagent  dans  ces 
régions  les  cultes  orientaux.  Pour  Catherine,  nous  n'avons  absolument 
rien  de  semblable.  Personne  n'en  parle  en  Occident  avant  le  xi^  siècle, 
en  Orient  avant  le  x^.  Il  y  a  là  un  argument  très  fort,  mais  c'est  un 
argument  négatif.  On  ne  pourra  en  mesurer  la  valeur  que  le  jour  où 
sera  publié  le  texte  grec  le  plus  ancien  de  la  légende.  11  porte  le  nom 
d'Athanase,  esclave  et  secrétaire  de  la  sainte.  Cette  pièce  est  apocryphe, 
mais  il  importerait  d'en  déterminer  la  date  exacte,  car  elle  peut  jouer 
un  grand  rôle  dans  l'appréciation  des  documents  de  cette  histoire. 

Les  différences  entre  le  récit  d'Eusèbe  et  la  légende  n'ont  rien  d'éton- 
nant. Eusèbe  (H.  E.,  VIII,  14)  parle  d'une  femme  d'Alexandrie  très 
sage  et  très  noble,  iT.'.zr,\j.o'à.vri  tî  /.at  Aa[i.7:poTâ--^,  illustre  à  la  fois  par  la 
fortune,  la  race  et  la  culture  (tcXcûtw  tô  v.ot).  vévsi  y.ai  r.y.'.oiix),  qui  excita  la 
passion  de  Maximin  et  ne  lui  échappa  que  par  la  fuite.  Catherine  est 
aussi  la  femme  sage  et  savante,  au  point  de  tenir  tête  à  une  assemblée 
de  philosophes  ;  comme  la  personne  dont  parle  Eusèbe  n'est  pas  nom- 
mée, il  n'est  pas  impossible  que  l'on  ait  tiré  son  nom  Aaatspi'v'a, 
Aecaterina,  du  détail  de  la  chasteté  ;  Catherine  est  la  femme  toujours 
pure,  àv.  y.aOapx,  Il  s'agit  dans  Eusèbe  de  l'empereur  Maximin,  non  de 
Maxence  qui  n'a  jamais  été  à  Alexandrie  et  qui  s'est  montré  bienveillant 
pour  les  chrétiens.  M.  K.  veut  ù  tout  prix  que  le  nom  de  Maxence  soit 
le  texte  primitif  de  la  légende  :  c'est  ce  qui  n'est  pas  prouvé.  Le  méno- 
loge  de  Basile,  rédigé  par  des  gens  instruits,  peut  porter  le  nom  de 
Maximin  par  le  fait  d'une  correction.  Mais  la  version  latine,  indépen- 
dante du  ménologe,  donne  une  fois  le  nom  de  Maximin  et  deux  fois 
celui  de  Maximien.  Eusèbe  parle  non  de  supplice,  mais  d'exil;  mais 
l'histoire  de  la  légende  prouve  que  certains  détails  de  la  mort,  notam- 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  ]jl 

ment  ceux  qui  concernent  les  roues,  sont  d^invention  assez  tardive.  Le 
transfert  du  corps  de  la  sainte  au  mont  Sinaï  est  dans  le  même  cas  : 
c'est  une  localisation  postérieure  du  récit  déjà  fort  développé.  D'un 
autre  côté,  une  circonstance  historique  peut  expliquer  la  provenance  de 
certaines  additions.  Une  femme  a  joui  à  Alexandrie  d'une  renommée 
toute  semblable  à  celle  dont  le  nom  de  Catherine  a  été  entouré  plus 
tard.  C'est  Hypatie.  Le  désir  d'avoir  à  opposer  à  l'illustre  païenne  une 
chrétienne  aussi  versée  dans  la  sagesse  profane  a  dû  aider  au  dévelop- 
pement des  maigres  éléments  fournis  par  l'histoire.  Il  n'est  pas  jusqu'à 
l'idée  de  mort  violente  qui  n'ait  pu  sortir  de  ce  rapprochement.  L'opi- 
nion de  Baronius  ^  n'est  donc  pas  tout  à  fait  méprisable  ;  il  s'agit  seule- 
ment delà  préciser. 

On  voit  par  ces  deux  exemples  quel  intérêt  peut  présenter  l'élude  de 
ces  légendes,  négligées  si  longtemps  par  les  historiens.  Les  unes  sont 
des  monuments  précieux  de  la  langue  populaire  et  des  témoins  des 
sentiments  d'une  époque;  les  autres  ont  conservé  un  noyau  de  faits 
certains  qu'il  n'est  pas  toujours  impossible  de  dégager.  Toutes  sont  le 
point  de  départ  d'une  littérature  considérable  :  le  moyen  âge  a  vàcu  de 
ces  récits  constitués  dans  leurs  grandes  lignes  au  déclin  de  l'antiquité. 
Leur  histoire  et  celle  de  leurs  migrations  est  l'histoire  littéraire  d'un 
âge  de  l'humanité  et  des  relations  intellectuelles  de  deux  mondes.  Mais 
on  doit  toucher  à  ces  sujets  d'une  main  délicate  et  respectueuse.  Trop 
souvent  M.  Knust  a  gâté  son  excellent  livre  par  des  expressions  inspirées 
aux  polémiques  quotidiennes.  Quoi  qu'il  en  dise,  il  y  a  encore  quelque 
différence  entre  les  croyants  de  la  légende  de  sainte  Catherine  et  les 
cannibales  (p,  191);  l'hypocrisie  cléricale  (p.  141),  les  miasmes  théolo- 
giques (p,  184),  la  conscience  de  M  Wlndhorst  (p.  184),  les  propos 
des  cochers  de  Lourdes  (p.  62)  ne  semblent  pas  naturellement  destinés 
à  être  mis  sous  le  patronage  de  la  sainte.  La  première  condition  pour 
voir  clair  en  ces  questions  difficiles,  c'est  d'avoir  l'esprit  calme  et  sain, 
également  éloigné  du  scepticisme  superficiel  qui  n'accepte  rien  et  de  la 
crédulité  puérile  qui  admet  tout. 

Paul  Lejay, 


I.  Après  avoir  consacré  les  192  premières  pages  de  son  livre  à  sainte  Catherine, 
M.  K.  donne  rapidement  l'histoire  de  la  légende  de  sainte  Marie  l'Egyptienne 
(pp,  193-228).  Puis  il  publie  pp.  23 1-3 14"^  un  texte  latin  de  la  légende  de  sainte  Cathe- 
rine d'après  le  ms.  Br.  Mus  Caligula.  A.  VIII,  un  texte  français  d'après  B.  N.  f,  fr. 
41 2 (et  accessoirement  <^  1 1,  1 85  et  i83;,  un  texte  espagnol  d'après  le  ms.  de  l'Escurial 
h,  I.  13;  la  légende  de  sainte  Marie  l'Egyptienne  est  donnée  pp.  3 1 5-346)  en  français 
d'après  Br.  Mus.  add.  6524  (accessoirement  B.  N.  f.  fr.  i83)  et  en  espagnol  d'après  le 
ms.  de  l'Escurial  h.  r.  i3.  Ces  textes  ont  reçu  une  copieuse  annotation  historique.  Le 
volume  n'a  ni  table  ni  index,  l'auteur  étant  mort  avant  le  tirage;  mais  puisqu'il  a 
eu  le  temps  de  corriger  les  épreuves,  on  doit  le  rendre  responsable  de  l'absence  d». 
divisions  en  chapitres. 


172  REVUE    CRITIQUE 

409.  —  Anonyme.  Una  i'iintiiiiXiest  cronologia  degli  serittî  Saut'  <li  l<:nnu- 
»lio,  lExtraii  de  La  Scuola  Cattolica  de  Milan,  fasc.  207-208).  Un  vol.  38  pp. 
Milan. 

Pourquoi  l'auteur  de  cette  brochure  éprouve-t-il  le  besoin  de  faire  son 
procès  à  la  jeune  école  historique  italienne  et  lui  reproche-t-il  de  se  pré- 
senter u  en  si  marre  bigarrée  d'érudit  allemand,  c'est-à-dire  avec  une 
écriture  conventionnelle  en  hiéroglyphes  et  en  formules  algébriques, 
avec  cet  argot  qui  fait  de  l'histoire  elle-même  un  monopole,  une  doc- 
trine esoterica  [sic]  soustraite  à  la  connaissance  des  simples  mortels?» 
Cette  déclaration  de  principes,  ornée  de  ce  contre-sens,  ne  peut  que  di- 
minuer Pautorité  de  l'anonyme.  La  brochure  est  du  reste  une  discus- 
sion décisive  d'un  travail  de  M.  Carlo  Tanzi  sur  la  chronologie  d'En- 
noA'wxs  [Avcheografo  Triestino  1889).  Tanzi,  exagérant  une  hypothèse 
de  Vogel,  prend  comme  base  de  la  chronologie  des  lettres  d'Ennodius 
l'ordre  où  nous  les  ont  conservées  les  manuscrits.  L'anonyme  prouve 
que  cette  opinion  ne  résiste  pas  à  Texamen  de  ces  lettres  et,  de  plus, 
qu'on  ne  peut  les  dater  toutes  de  5o2  à  5i3.  Sa  réfutation  est  fort 
amusante. 

L.-G.  P. 


410.  —  Coniples-i-eiitlu»  des  Eehevîns  de  Rouen,  avec  des  documents 
relatifs  à  leur  élection  (1409-1701),  extraits  des  registres  des  délibérations  de  la 
ville,  et  publiés  pour  la  première  fois  par  J.  Félix,  Rouen,  A.  Lestringant.  Deux 
vol,  in-8.  Prix  :   24  fr. 

A  pai  tir  du  xV  siècle,  la  ville  de  Rouen  fut  administrée  par  un  conseil 
composé  de  vingt-quatre  échevins,  lequel  se  renouvelait  par  tiers  tous 
les  trois  ans  à  la  Saint-Marlin  d'été.  Le  lieutenant  général  du  roy  faisait 
en  sorte  que  le  choix  des  électeurs  se  portât  sur  «  des  gens  idoynes, 
suffisans  et  sans  nulle  affection  »,  et  l'on  ne  voit  pas  qu'il  ait  eu  grand 
mal  à  fciire  accepter  ses  candidats.  Électeurs  et  élus  étaient  triés  sur  le 
volet,  et  il  faut  bien  reconnaître  que  les  intérêts  de  la  ville  ne  s'en  por- 
taient pas  plus  mal.  A  chaque  renouvellement  triennal,  le  plus  ancien 
des  échevins  «  en  la  grant  salle  de  Tostel  commun  de  la  ville  de  Rouen  », 
et  en  présence  des  notables  et  bourgeois,  rendait  compte  de  Tadminis- 
tration  des  conseillers,  et  «  déclaroit  les  choses  advenues  pendant  le 
temps  de  leur  charge,  en  quel  estât  ilz  avoient  trouvé  le  bien  commun 
de  la  ville,  et  en  quel  estât  ilz  lelaissoient.  »  Ces  comptes-rendus,  jusque 
vers  la  fin  du  xvi''  siècle,  étaient  faits  simplement,  avec  candeur,  sans 
prétenlion,  je  veux  dire  en  bon  style  administratif  :  les  bons  échevins^ 
tenaient  plus  à  se  montrer  hommes  d'affaires  qu'à  passer  pour  de  petit 
Cicérons.  En  1  590  (la  province  est  toujours  un  peu  retardataire),  l'éche 
vinat  rouennais  subit  la  contagion  commune  :  il  est  atteint  à  la  foisd^ 
la  manie  de  l'antiquité  et  du  bel  esprit,  et  dès  lors  les  comptes-rendus 
se  transforment  en  harangues  interminables,  hérissées  de  pointes,  farcies 


d'histoire  et  de  littérature  173 

de  citalions  de  toute  espèce,  gonflées  d'allusions  historiques  et  mytholo- 
giques, si  bien  que  Torateur  n'aborde  son  sujet  que  dans  la  péroraison. 
Il  n'y  arrive  qu'après  avoir  parlé  de  Gleombrote,  de  Darius,  de  Pala- 
méde,  de  l'escrimeur  Mellenconius,  des  Iles  Fortunées  avec  leurs  fleuves 
aurifères,  argentifères,  gemmifères,  de  la  fontaine  d'Apollon,  des  Hespé- 
rides,  des  Psylles,  des  Agathyrses,  de   Xénophane,    de    Phocion,    des 
Gétules,  de  toutes  sortes  d'animaux  fabuleux  et  de  leurs  propriétés  non 
moins  fabuleuses,  le  tout  assaisonné  des  citations  latines  les  plus  variées 
et  les  moins  attendues.  Il  faut  lire  les  harangues  de  mons''  Desleville 
Bigot  (t.   I,  pp.  ioo-i3i    et  146-189)  pour  avoir  une  idée  de  cette  élo- 
quence pédantesque  :  ce  vieil  échevin  ne  crachait,  comme  aurait  dit 
l'auteur  de  Francion,  que  perles,  émeraudes  et  «  aromatites.  »  Il  paraît 
avoir  eu  peu  d'imitateurs,  sauf  un  certain  Nicolas  Pouchet  qui,  en  i632 
et  en  1643,  dans  une  double  harangue  éblouit  sans  doute  Monsieur  le 
lieutenant  du  roy  et  toute  l'assemblée  des  notables  rouennais  par  un 
glorieux  étalage  de  science  physique  et  astronomique    II  avait  à  rendre 
compte  des  dépenses  et  des  recettes  de  la  ville,  et  voici  qu'il  commence 
par  dire  à  ses  auditeurs  que  «   les  vicissitudes  qui  régnent  dans  les 
régions  supérieures  amènent  tantôt  le  froid,  tantôt  le  chaud,  tantôt  le 
sec,  tantôt  l'humide,  et  qu'il  n'y  a  rien  de  si  muable  que  la  terre  »,  ce 
qui  est  du   reste  attesté  par  le  Trismégiste  de  Pimandre.  Après  ce  bel 
exorde,  il  disserte  solennellement  sur  les  révolutions  des  huit  cieux  infé- 
rieurs, sur  leurs  mouvements  harmoniques,  et  passe,  non  sans  avoir 
cité  le  Songe  de  Scipion,  aux   vicissitudes  de  ce  bas  monde.  Ce  n'est 
qu'après  avoir  longuement  voyagé  dans  les  républiques  de  Lacédémone, 
d'Athènes,  de  Carthage  et  de  Rome,  qu'il  revient  à  Rouen    pour   se 
plaindre  de  la  cherté  des  blés,  et  exposer  toutes  les  sages  mesures  que  le 
Conseil  a  prises  pour  subvenir  aux  besoins  «  des  pauvres  travaillans  aux 
attcliers  publics  ».  Les  braves  échevins  cédaient  au  goût  du  temps  :  ils 
ronsardisaient  ou  pindarisaient,  comme  on  disait  en  ce  temps-là,  inno- 
cente manie  qui  ne  les  empêchait  pas  d'être  honnêtes  (c'est  un  point  sur 
lequel  il  est  bon  d'insister  en  notre  temps),  et  de  consacrer  tous  leurs 
soins  au  bien  et  soulagement  de  leurs  administrés  dont  ils  défendaient 
les  intérêts  avec  sagesse,  et  cette  ténacité  normande  qui  ne  se  décourage 
jamais.  On   le  vit  bien  en  1647,  époque  où  la  dette  de  la  ville  s'était 
accrue  sous  des  charges  exorbitantes.  Tantôt  il  fallait  héberger  un  temps 
plus  ou  moins  long  des  régiments  d'infanterie  et  de  cavalerie,   tantôt 
loger  et  nourrir  un  grand  nombre  d'Espagnols  pris  au  fort  de  Link,  à 
Gravelines  ou  à  Rocroi   :  les  échevins,  à  force  de  bonnes  raisons  et  de 
démarches,  «  poursuivies  avec  un  cœur  agissant  »,  obtiennent  une  forte 
diminution  de  taxe,  et  en  même  temps  la  suppression  de  certains  impôts 
«  en  dépit  des  traitans,   ennemis  capitaux  des  peuples,  x  En   i656  1e 
Conseil    communal  de   Rouen   commence  à  perdre  beaucoup  de  son 
indépendance  et  de  ses  franchises,  si  l'on  en  juge  par  ce  curieux  extrait 
d'une  harangue  prononcée  par  devant  Monseigneur  le  duc  de  Longue- 


174  RKVUE    CHITIQUK 

ville,  pair  de  France  et  gouverneur  de  la  Normandie  :  «  Monseigneur, 
disait  Torateur  en  s'adressant  au  duc,  nous  devrions  dans  nos  élections 
présentes  choisir  :  i"  de  rare  cœli,  c'est-à-dire  des  personnes  de  maison 
d'extraction  noble  ou  noblement  vivans;  2°  de pingucdine  terrce,  c'est- 
à-dire  des  personnes  ayant  fidèlement  et  dûment  acquis  quantité  de 
biens  et  de  commodités  :  nous  entendons  par  là  d'honnêtes  marchands; 
3°  pour  ce  qu'ils  appellent  i^e  fœce  plebis,  nous  serions  d'avis  de  n'y 
avoir  aucun  égard,  n  Et  le  vieil  échevin  ajoutait  :  «  S'il  y  a  des  quar- 
tiers assez  malheureux  où  l'on  ne  puisse  rencontrer  un  homme  d'hon- 
neur, quelle  difficulté  trouverait-on  à  l'emprunter  en  un  autre  et  le 
baptiser  du  nom  d'iceluy  ?  Il  y  a  des  hommes  de  bien  qui  ne  courent 
pas  au-devant  des  honneurs,  qui  ne  les  recherchent  ni  par  eux-rnémes, 
ni  par  leurs  amis,  ni  par  des  présens;  il  faut  les  contraindre  d'y  entrer, 
et  compellere  eos  intrare  ».  Si  cet  échevin  eût  encore  vécu  une  quinzaine 
d'années,  il  aurait  vu  Colbert  combler  ses  vœux  en  accaparant  la  direc- 
tion des  affaires  municipales,  ce  dont  s'était  abstenu  le  tout  puissant 
cardinal  de  Richelieu. 

Il  est  juste  de  remercier  M.  J.  Félix  d'avoir  édité  avec  beaucoup  de 
soin  cette  intéressante  publication  :  elle  sera  très  utile  à  l'histoire  de 
Rouen,  et  les  conseillers  municipaux  de  plus  d'une  grande  ville  y  trou- 
veront des  leçons  de  sagesse  et  de  modération. 

A.  Delboulle. 


411.  —  ToMMASiNi  (Oreste).  il  Uiai'îo  tlî  stefauo  luTese^ura  Studio  prepara- 
torio  alla  nuova  edizione  di  esso.  Un  vol.  iii-8,   164  pp. 

412.  —  IVuovi  (locumenti  îllust i-atiii  del  cliai-io  <li  tstefaiio  Infeseuia. 

Un  vol.  in-8,  j>6  pp.  Rome.  Società  di  Storia  patria,    1889.    (Extrait  de  VArchivio 
Romano  di  Storia  Patria,  t.  XI  et  XII).  || 

41 3.  —  II  i-egi^tio  (legli  oflieiali  <lel  coniune  di  Roma,  esemplato  dallo 
scribasenato  Marco  Guidi.  Un  vol.  in-4,  56  pp.  Rome,  impr.  Salviucci,  1888. 
(Extrait  des  Memorie  délia  R  Accademia  dei  Liticei). 

I.  L'Istituto  storico  italiano  a  l'excellente  habitude  de  publier,  avant 
les  éditions  des  Fouti,  des  mémoires  sur  les  recherches  et  les  méthodes 
de  ses  éditeurs.  Leur  travail  définitif  peut  ensuite  profiter  des  discus- 
sions nées  à  propos  de  ces  premiers  comptes  rendus  et  des  découvertes 
que  leurs  propres  enquêtes  ont  pu  suggérer.  Cette  précaution  serait 
d'ailleurs  bien  inutile,  si  l'Istituto  avait  beaucoup  de  collaborateurs 
comme  M.  Oreste  Tommasini,  chargé  depuis  1886  de  l'édition  du  Jour- 
nal d'Infessura.  Le  présent  essai  est  destiné  à  justifier  le  choix  des  bases 
critiques  de  son  édition.  Il  expose  rapidement  pourquoi  l'on  s'est  peu 
occupé  d'Infessura  sous  le  régime  papal,  rappelle  les  très  peu  nombrcu 
ses  dates  connues  de  sa  vie,  donne  la  liste  des  manuscrits  et  en  fait  un 
classement  très  ingénieux,  d'après  la  présence  ou  l'absence  de  divers  tex- 
tes relatifs  aux  Colonna.  En  appendice,  il  publie  des  documents  sur  la 
famille  Infessura  et  la  correspondance  de  l'envoyé  de  Sienne  à  Rome 


d''histoire  et  de  littérature  175 

('Lorenzo  Lanti)  de  1482  à  1484.  —  Dans  les  niiovi  dociimenti,  M.  T. 
donne  d'intéressants  détails  sur  la  colonie  génoise  à  Rome  sous  les 
Riarioet  lesCybo  (non  loin  de  Ripa  grande,  sur  la  rive  droite  du  Tibre, 
les  Génois  avaient  alors  leur  quartier,  comme  leur  Galata  romaine)  et 
publie  un  document  capital  pour  Thistoire  des  institutions  municipales 
de  Rome  et  des  États  de  TEglise  sous  Innocent  VIII  (la  taxe  des  offices 
d'après  la  bulle  du  3i  décembre  1488.) 

2.  Le  registre  des  magistrats  municipaux  de  Rome  est  conservé  à  la 
bibliothèque  Angélique  à  Rome,  où  il  est  resté  inconnu  à  presque  tous 
les  historiens,  Vendettini,  Vitale,  Giorgi,  Pastor,  qui  se  sont  occupés  de 
rhistoire  de  Rome  au  xv"  siècle.  C'est  un  tableau  très  complet  des  ma- 
gistratures municipales  sous  Nicolas  V,  important  pour  l'histoire  des  ins- 
titutions communales  et  des  familles  romaines.  Il  faut  savoir  gré  à  M. 
Tommasini  de  Tavoir  publié  intégralement,  avec  une  savante  introduc- 
tion où  il  étudie  la  personnalité  de  l'auteur  et  les  fonctions  du  scribase- 
nato.  Je  regrette  toutefois  quMl  n'ait  pas  examiné  la  périodicité  de  ces 
fonctions,  qui  me  semble  presque  toujours  avoir  été  régulière  '.  Mais  ce 
n'est  là  qu'un  des  nombreux  problèmes  que  soulève  ce  texte,  si  impor- 
tant pour  rhistoire  d'une  époque  où  de  tels  documents  n'abondent  pas, 

L.  G.  Pélissier. 


^14.  —  L.  M.   Hartmann.   Untersucliuitgen    zui*    Ges^cliiclite  «ler-  D^zan» 

tinit^clien    VerAvallung   in  Italien    (54O-750).    Leipzig,  Hiizel,    18S9,    i    vol. 
in-8,   182  p. 

L'histoire  de  l'administration  byzantine  dans  l'exarchat  de  Ravenne, 
si  longtemps  négligée,  vient,  par  une  singulière  coïncidence,  d'attirer 
presque  en  même  temps  l'attention  en  France  et. en  Allemagne;  quel- 
ques mois  à  peine  après  la  publication  de  mes  Etudes  sur  radminisWa- 
tion  by{antine  dans  l'exarchat  de  Ravenne  (Paris,  1888),  paraissait  le 
livre  de  M.  Hartmann  ;  et  les  deux  ouvrages,  absolument  indépendants 
l'un  de  l'autre,  apportaient  sur  la  plupart  des  questions  controversées 
des  solutions  à  peu  près  identiques.  Sans  doute,  dans  le  volume  de 
M.  H.,  bien  des  problèmes  de  l'histoire  religieuse  ou  sociale  de  l'Italie 
byzantine  ont  été  laissés  de  côté;  bien  des  points  sommairement  discu- 

I.  Il  ne  serait  pas  impossible  de  retrouver  dans  quel  ordre  de  temps  et  de  lieu 
étaient  nommés  les  Conservatores  camerœ,  les  Camerarii  camerae,  les  Marescalli,  les 
Magistri  edificioriim.  La  fonction  trimestrielle  de  Conservator  camere  semble  attri- 
buée une  fois  par  an  à  chaque  rione  et  deux  au  moins  des  conservatores  sur  trois 
sont  pris  en  général  dans  le  même  rione.  Ainsi  les  conservatores  du  premier  trimes- 
tre (tracta)  sont  pris  dans  le  rioni  Ponte,  Regola  et  Pigna,  et  nous  trouvoiis  le  ta- 
bleau suivant  (où  les  chiffres  désignent  les  tractae  de  i  à  3o)  : 

Ponte  :  I  —  6  —  10  —  14  —  18  —  23  —  27. 

Regola  :  I  —  4  —  9  —  i3  —  18  —  22  —  26  —  3o. 

Pigna   :   i  —  5  —  9  —  i3  —  17  —  22  —  26  —  3o. 
Il  pourraitêtre  utile  de  vérifier  plus  complètement  et  plus  exactement  cette  hypo- 
thèse. 


176  REVUE    CRITIQUE 

tés  par  l'auteur  dans  la  longue  série  des  notes  qui  terminent  l'ouvrage, 
auraient  mérité  de  prendre  place  dans  le  texte;  et  il  serait  aisé  de  rcle 
ver  dans  ces  pages  plus  d'une  lacune  et  plus  d'une  inexactitude.  Mais  les 
choses  essentielles  ont  été  bien  comprises  et  mises  en  pleine  lumière  : 
le  caractère  essentiellement  militaire  qu'eut  ù  Torigine  la  charge  d'exar- 
que, la  lente  transformation  qui  peu  à  peu  relégua  au  second  plan  les 
agents  de  l'administration  civile  et  donna  à  Télément  militaire  la  pre- 
mière place  dans  la  vie  publique  et  dans  la  société,  les  conséquences 
qu'eut  cette  révolution  sur  le  régime  de  la  propriété  et  les  rapports 
des  personnes,  ont  été  fort  bien  expliquées  par  M.  H.  dans  le  chapitre 
consacré  par  lui  à  Tadministration  militaire,  et  qui  est  le  meilleur  du 
livre.  M.  H.  a  fort  justement  marqué  les  traits  caractéristiques  par  les- 
quels la  réorganisation  de  l'Italie  se  rattache  à  la  réforme  des  thèmes  et 
montré  comment  l'histoire  de  Texarchat  éclaire  l'importante  transfor- 
mation qui  renouvela,  à  partir  du  vii^  siècle,  l'administration  provin- 
ciale de  l'empire  d'Orient. 

Je  n'insisterai  point  ici  sur  certaines  questions  de  détail,  me  conten- 
tant de  renvoyer  aux  passages  de  mon  livre  où  j'ai  soutenu  la  doctrine 
contraire  :  p.  9,  je  doute  qu'il  faille  reconnaître  un  exarque  dans  le 
vir  gloriosus  Decius  patricius  nommé  dans  une  lettre  de  Pelage  II  ;  à 
cette  époque,  comme  on  le  voit  par  la  correspondance  de  Grégoire  le 
Grand,  le  titre  de  patrice  se  rencontre  fréquemment  dans  Pltalie  by- 
zantine et  sufîii  rarement  à  désigner  le  vice-roi  de  la  province;  et, 
d'autre  part,  letermede  gloriosus  convient  peu  à  un  aussi  haut  person- 
nage. —  P.  i3.  Le  .'/;-  venerabilis  Johannes  nommé  à  propos  de  la 
révolte  d'Eleuthérius  n'est  autre  que  l'archevêque  de  Ravenne  (cf. 
Études,  341).  — P.  19.  Les  sources  indiquent  nettement' le  caractère 
politique  que  prit  l'élection  des  papes  grecs  du  vii^  siècle  [Etudes^  257). 
—  P.  22-91.  Il  est  inexact  que  Grégoire  II  ait  décidé  l'Italie  à  refuser 
l'impôt  (Études,  376,  note  8). —  P.  29.  Les  conclusions  tirées  du  Liber 
diurmis  sont  excessives,  le  texte  ne  visant  qu'un  cas  particulier;  — 
P.  39.  Sur  le  préfet  Maurilio,  cf.  Études,  127.  —  P.  40.  Sur  la  dispari- 
tion des  vicaires  du  diocèse,  ibid.,  161,  et  Mommsen,  Nachtrœge  ■{u 
der  Osigoth.  Studien  (Neues  Archiv,  XV,  i8i),  qui  se  range  à  mon 
avis  contre  M.  H.  —  P.  46.  Sur  Id  Quinquennalis,  cf.  Etudes,  98, 
note  8.  —  P.  62.  Sur  l'organisation  des  milices  provinciales  de  Ravenne, 
ibid..  317.  —  P.  6y,  154,  161.  Sur  la  multiplication  des  duces  minores 
au  vni®  siècle,  dans  lesquels  M.  H.  veut  voir  des  gouverneurs  de  pro- 
vince, ibid.,  3oi-3o2.  —  P.  147,  148.  Sur  la  persistance  des  anciennes 
divisions  provinciales,  ibid.,  19-20. 

11  est  inutile  de  multiplier  ces  remarques  de  détail,  qui  n'ôtent  rien 
ù  la  valeur  du  livre.  Mais  on  peut  regretter  que  M.  H.  ait  consacre  un 
long  chapitre  à  l'étude  de  l'administration  financière  dans  Texarchat  ; 
car,  dans  le  silence  presque  absolu  des  textes,  il  a  dû  nécessairement 
remplacer  par  des  généralités  déjà   connues  les  informations  précises 


d'histoire  et  de  littékaturk  177 

qui  lui  manquaient  sur  l'époque  byzantine.  —  Il  faut  regretter  surtout 
que  M.  H.  n'ait  pas  rendu  meilleure  justice  aux  efforts  que  fit  Byzance 
pour  défendre  les  provinces  italiennes,  et  ait  prêté  gratuitement  aux 
populations  de  la  péninsule  et  auK  évêques  de  Rome  un  constant  désir 
de  se  séparer  de  l'empire  d'Orient.  Les  faits  donnent  ici  une  impres- 
sion toute  dilîérente  ;  et  c'est  méconnaître  singulièrement  l'amour  de 
ritalie  pour  l'unité  romaine  et  le  long  dévouement  des  papes  à  Byzance 
que  de  transformer  en  un  antagonisme  politique  une  opposition  toute 
religieuse.  Jusqu'à  l'insurrection  de  727,  et  dans  ce  soulèvement  même, 
il  est  impossible,  dans  les  sentiments  des  Italiens  comme  dans  la  poli- 
tique des  papes,  de  trouver  nulle  trace  de  tendances  séparatistes  (c(. 
Etudes,  359-366,  376-379I;  et,  d'autre  part,  il  y  a  quelque  injustice  à 
croire  Byzance  incapable  de  tout  effort  sérieux  en  faveur  de  la  péninsule, 
et  c'est  trop  sacrifier  à  un  vieux  préjugé,  trop  oublier  la  longue  énergie 
que  l'empire  d'Orient  mit  à  vivre,  que  de  le  montrer  (p.  2,  17)  impuis- 
sant à  défendre,  dès  le  vu''  siècle,  ces  provinces  orientales  qui  furent  si 
longtemps  son  plus  sûr  appui.  —  Je  ne  pense  pas  non  plus  que  les  em- 
pereurs se  soient  désintéressés  de  l'Italie,  au  point  de  la  laisser  plusieurs 
fois  sans  gouverneur  (p.  20,  21).  Qu'il  y  ait  dans  la  liste  des  exarques, 
telle  que  nous  la  connaissons,  plus  d'une  lacune,  cela  est  incontestable; 
mais,  outre  que  les  bulles  de  plomb  byzantines  nomment  plusieurs 
exarques,  un  Anastase,  un  Etienne,  que  Ton  ne  sait  à  quelle  date  assi- 
gner, lien  ne  prouve  que  les  lacunes  des  textes  permettent  de  con- 
clure à  des  interruptions  dans  le  gouvernement.  J'ai  tâché,  tout  au 
contraire,  de  montrer  dans  mon  livre  (p.  193-288)  quels  efforts  le 
gouvernement  impérial  fit  pour  défendre  et  pour  helléniser  l'Italie;  et 
si  la  tentative  n'a  point  donné  tous  les  fruits  qu'on  en  pouvait  espérer, 
à  tout  le  moins  prouve-t-elle  la  sollicitude  de  Byzance  pour  l'exarchat. 
Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  réserves,  il  faut  rendre  justice  au  soin  con- 
sciencieux qu'a  mis  M.  Hartmann  à  étudier  les  textes,  à  l'ingéniosité 
qu'il  a  apportée  à  les  interpréter,  à  la  justesse  des  solutions  qu'il  a 
proposées  :  peut  être  est-il  regrettable  que  ces  efforts  se  trouvent  rendus 
quelque  peu  inutiles,  et  que  ce  livre,  paru  après  mes  Études^  ait  en 
somme  pour  principal  effet  de  confirmer  des  résultats  déjà  acquis. 

Ch.   DiEHL, 


41b.  —   I.  P.   A.  Geiger.   Sui-   quelques  c»s   de    lubialisalioii  eu   françaiiâ. 

Stockholm,  imprimerie  centrale,  1889,  in-8,  lo  pages. 
41G.  —  II.  Cari  Waiii.und.  ï^.-»  itliilolo^ie  fi-;nieaîse  au  temps  Jaiiis.  Deux 
discours  sur  la  nation  et  la  langue  fjançaises  faits  par  des  Français  et  datant  de 
la  fin  du  xvr  siècle  et  du  commencement  du  xix",  réimprimés  d'après  les  éditions 
originales  devenues  rarissimes.  Stockholm,  imprimerie  centrale,  1889,  in-8, 
Ti.  pages. 

Ces  deux  publications  d'un  caractère  si  différent  ont  cependant  un 
lien  commun   qui   me  fait  les  réunir  dans  un  même  article;   l'une  et 


178  RRVDK    CRITIQUE 

Tautrc  ont  été  composées  à  Toccasion  du  cinquantenaire  de  M.  Gaston 
Paris  et  font  partie  du  recueil  que  les  élèves  Suédois  du  maître  des  étu 
des  romanes  en  France  ont  eu  la  gracieuse  idée  de  lui  offrir  en  cette 
circonstance;  on  ne  pouvait  lui  faire  un  plus  digne  présent. 

I.  Les  phénomènes  de  labialisation  étudiés  par  M.  P.  A.  Geijer  se 
rattachent  à  la  tendance  générale  à  l'assimilation,  en  vertu  de  laquelle 
les  sons  d'une  langue,  dans  leurs  diverses  modifications,  subissent  l'in- 
lluence  des  sons  qui  les  environnent  dans  le  groupe  phonétique  dont  ils 
font  partie  ^;  mais  ici  Tassimilation  n'a  pas  lieu  d'une  manière  géné- 
rale, ni  régulière;  aussi  n'a-t-elle  pu  être  considérée  comme  une  loi  pho- 
nétique et  n'avait-elle  point  même  encore  été  étudiée  comme  il  convient. 
C'est  le  mérite  de  M.  P.  A.  G.  d'avoir  rappelé  l'attention  sur  ce  phéno- 
mène curieux  mais  trop  peu  observé  et  d'avoir  cherché  à  en  donner 
une  explication  scientifique.  Il  étudie  successivement  la  «  labialisation 
d'une  voyelle  qui  se  trouve  en  contact  avec  une  consonne  labiale  »  et 
celle  d'une  voyelle  «  qui  n'est  pas  exposée  au  contact  d'un  son  labial  ». 
Dans  le  premier  cas,  la  voyelle  peut  être  suivie  de  b,  de  m  où  de  v ;  les 
exemples  données  par  M.  P.  A.  G.  sont  :  affubler  et  défubler  (fibulare), 
alwnclle  [\d.VLït\\a) ^  aumaille  [àmmsAia) ^  chalumeau {c-d\ame\\o],  do7nmage 
(damnatico),  fwnier  [fimario],  jumeau  (gemello),  lumignon  (licmen), 
Rodomont  (Rodomonte),  —  auvent  (ante  vanno),  breuvage  (*bibera- 
tico),  buvons,  buve:{,  etc.  (bib.,-)^  épouvante  [paveiUt],  provende  (prae- 
benda),  veuve  (vidua),  11  est  certain  que  ce  nombre  eût  pu  être  considé- 
rablement augmenté,  si  M.  P.  A.  G.  avait  pris  en  considération  les 
ïormes  dialectales,  comme'/umelle,  sumelle,  sumencé,  etc.  Parmi  celles 
qu'il  cite  il  faut  écarter  :  aumaille^  ce  mot  n'est  que  la  transformation 
régulière  de  almaille,  tiré  de  an'malia  par  l'intermédiaire  armalia  ;  ro- 
domont qui,  est  un  nom  étranger,  auvent  dont  l'étymologie  est  dou- 
teuse, épouvanter,  où  le  v  est  récent,  dommage  même,  qui  paraît  venir 
de  damnatico  plutôt  que  de  damnatico  ;  j'ajouterai  encore  breuvage  tl 
veuve;  M.  P.  A.  G.  dit  lui-même  que  breuvage  (vient)  «  de  bevrage  », 
et  pour  veuve,  l'ancienne  forme  veve  montre  que  eu  n'est  aussi  dans  ce 
mot  qu'une  transcription  de  e.  Quant  aux  autres  vocables,  la  labialisa^ 

I.  M.  P.  A.  G.  a  signalé  les  phénomènes  d'assimilation  qui  se  produisent  au  mi- 
lieu d'un  mot  ou  même  «  en  passant  d'un  mot  à  un  autre  »,  dans  «  la  prononciation! 
rapide  qui  met  en  contact  deux  consonnes  d'un  caractère  différent  ».  c<  Ainsi,  dit-il, j 
le  b  des  mots  absolu,  obtenir  s'assourdit  et  Vs  de  presbytère  devient  sonore  sousj 
l'influence  de  la  consonne   suivante.  »  Rien  de   plus  exact;  mais  il  ne  l'est  pas  quel 
«  le  d  du  mot  anecdote  perd  sa  sonorité  à  cause  du  c  sourd  qui  le  précède;  c'est  le  cl 
qui  s'assimile  ici  au  cï  suivant  et  non  le  d  qui  s'assimile  au  c  qui  le  précède;»  en  vertu! 
même  d'une  règle  donnée   par    M.   G.,  à  savoir  que  «  de  deux  sons  contigus,  c'est! 
le  son  qui    suit  qui  exerce  une   influence   assimilairice  sur   le   son  précédent  »  ;  on 
prononce    aiiegdote  et  non  anectote.  Deux  lignes  plus   loin,   j'écrirais  bois  t'sJiuJal 
et  non  boit'  sandal;  il  faudrait  aussi  têd'  d'veaii  et  non  téd'  veau,  quecli   sois  et  non 
que  chois;  on  ne  peut  prononcer  ainsi  tcte  de  veau  et  encore  moins  que  je  sois;  il 
n'y  aurait  plus  d'ailleurs  dans  ce  cas   assimilation,  mais  absorption  d'une  consonne 
par  l'autre. 


1 


d'histoire    et   de    LITTERATURE  T79 

tioii  s'y  présente  réellement  et,  si  l'on  excepie  provende,  sous  la  forme 
u  et  à  Tatone.  M.  P.  A.  G.  ajoute  qu'elle  ne  peut  avoir  lieu  qu'à  cette- 
place;  les  patois  ne  savent  rien  de  cette  nécessité,  et  le  français  triible 
même  n'offre-t-il  pas  un  exemple  de  labialisation  de  la  tonique? 

Lescasdelabialisation  d'une  voyelle,  qui  n'est  pas  au  contact  d'un  son 
labial,  sont  plus  compliqués  ou  plus  obscurs  et  cela  se  comprend; 
M.  P.  A.  G.  les  étudie  tour  à  tour  dans  la  voyelle  initiale  et  dans  la 
voyelle  médiale,  suivie  d'une  consonne  ou  en  hiatus.  Il  en  donne  pour 
exemples  olifant,  orange  (naranja),  orteil  (articulo)?  —  ./'(/"^<?  (zizy- 
pho),  lutrin  (lectrino),  malotru  (pr.  mahslruc), pontuseau  (ponticello  (?), 
—  Noël  (natale),  noer  (natare),  poêle  (patella).  M.  P.  A.  G.  avoue  que 
a  olifant  reste  à  expliquer  »,  ce  mot  est  donc  à  écarter;  il  en  est  de  même 
de  orange^  où  «  Vo  est  amené  par  une  assimilation  de  ce  mot  à  celui 
d'o7'  »  ;  si  Vo  de  orteil  vient,  comme  l'a  dit  M.  Ascoli,  du  celtique  cor- 
respondant ordag^  il  n'y  a  pas  lieu  davantage  de  prendre  ce  mot  en  con- 
sidération. Dans  la  seconde  classe,  pontuseau  est  à  rejeter  comme  d'ori- 
gine incertaine;  «  malotru  dépend  peut-être  du  type  provençal  »,  —  je 
supprimerais  le  peut-être;  —  quant  à  lutrin,  il  paraît  être  une  atténua- 
tion de  la  forme  lieutrin  qu'on  rencontre  dans  les  patois;  reste  jujube, 
dont  le  premier  u  a  pris  naissance  sans  doute,  comme  le  remarque  avec 
raison  M.  P.  A.  G.,  sous  l'influence  de  Vu  suivant.  La  troisième  classe 
n'offre  pas  plus  de  cas  authentiques  de  labialisation  ;  noer  remonte  à 
une  forme  vulgaire  notare ;  poêle  n'est  que  la  transcription  Aç.  poile, 
dernier  terme  des  transformations  successives  paele,  paile  de  patella  ; 
d'ailleurs  si  l'on  admettait  dans  ce  mot  la  labialisation,  elle  pourrait 
très  bien  s'expliquer  par  l'attraction  de  la  consonne  précédente  ;  il  n'est 
donc  point  nécessaire  d'y  voir  un  procédé  destiné  à  «  sauver  la  voyelle 
protonique.  »  La  forme  Noèl^  apparaissant  dès  l'époque  la  plus  reculée  et 
bien  avant  que  la  langue  eût  écarté  le  groupe  aë,  très  habituel  en 
ancien  français,  on  ne  peut  guère  voir  non  plus  ici,  dans  la  transforma- 
tion aë  en  oê,  un  expédient  pour  conserver  la  protonique. 

Aces  deux  catégories  de  labialisation,  M.  P.  A.  G.  en  a  ajouté  une 
troisième,  celle  où  «  la  labialisation  n'est  qu'apparente  »  ;  il  l'explique 
par  la  substitution  au  sulïixe  primitif  d'un  suffixe  plus  usité,  ce  qui  est 
incontestable,  et  il  en  donne  pour  exemples  arroche,fiole^  fantôme, 
taon.  On  voit,  par  l'analyse  de  ce  mémoire,  quelle  étude  attentive 
M,  P.  A.  Geijer  a  faite  de  notre  langue,  et,  s'il  n'est  pas  toujours  par- 
venu à  les  expliquer,  combien  il  est  familier  avec  ce  que  ses  formes 
offrent  de  plus  délicat  et  de  plus  obscur. 

II.  Avec  la  publication  de  M.  Cari  Wahlund,  nous  quittons  le 
domaine  de  la  phonétique  pour  aborder  celui  de  l'histoire  littéraire  ;  les 
deux  «  discours  »  qui  en  traitent  et  sur  lesquels  il  vient  d'appeler  l'at- 
tention, étaient  tellement  peu  connus  ou  oubliés  qu'il  nous  les  a  vrai- 
ment révélés.  Le  second  —  c'est  par  lui  que  je  commence  --  a  pour  titre 
Recherches  historiques  sur  les  obstacles  qu'on  eut  à  surmonter  pour 


l8o  REVUE    ClUTtQUE 

épurer  la  langue  française;  il  esi  dû  à  la  plume  de  iabbé  Edmond 
Cordier  ;  né  à  Orléans  en  i/So,  Edmond  Cordier,  n'ayant  pu  obtenir 
de  bénéfice  ecclésiastique,  vint  à  Paris  et  s'y  livra  à  la  littérature;  après 
avoir  eu  beaucoup  de  peine  à  vivre  des  compilations  qu'il  entreprit  d'a- 
bord, il  se  tourna  du  côté  du  théâtre;  en  1762,  il  donna  une  tragédie, 
Zarukma^  qui  n'eut  que  trois  représentations.  Plus  tard,  il  écrivit,  sous 
le  pseudonyme  de  Saint  Firmin,  trois  comédies  en  prose  (1793,  179701 
1799)  ;  il  publia  aussi,  vers  la  même  époque  (1795-1799),  et  sous  le  titre 
À'' Abeille  française,  une  anthologie  dont  Tabbé  Sicard  fit  un  compte- 
rendu  favorable  à  l'Institut.  Quant  aux  Recherches  historiques,  elles 
parurent  non  en  i8o5,  comme  on  l'a  imprimé  jusqu'ici,  mais  en  1806, 
ainsi  que  le  montre  M  .  Cari  Wahlund.  Ce  n'est  de  l'aveu  même  de  l'au- 
teur qu'une  compilation;  elle  dut  être  assez  mal  accueillie,  car  il  n'en 
donna  que  deux  chapitres,  le  premier  et  le  troisième  :  M.  C.  W.  a  repro- 
duit le  premier,  «  Etudes  des  Francs,  depuis  leur  établissement  dans  les 
Gaules  jusqu'au  xu^  siècle  »  ;  il  témoigne  de  la  connaissance  la  plus  su- 
perficielle du  sujet.  En  dépit  de  leurs  titres,  les  autres  chapitres  ne  nous 
en  auraient  probablement  pas  appris  davantage;  mais  il  est  curieux  d'y 
voir  déjà  formulée  la  théorie  que  Raynouard  devait  développer  quelques 
années  plus  tard,  à  savoir  que  «  la  langue  française  (est)  élevée  sur  la  ro- 
mane. » 

Le  premier  discours,  —  ici  ce  mot  convient  parfaitement  —  publié 
par  M.  C.  W.,  a  une  toute  autre  importance  que  les  Recherches  histo- 
riques d'Edm.  Cordier,  et  si  son  auteur  a  moins  de  titres  auprès  de  la 
postérité  que  ce  dernier,  il  était  jusqu'à  présent  resté  si  ignoré,  qu'on 
ne  saurait  trop  remercier  M.  C.  W.  de  nous  l'avoir,  bien  qu'incomplè- 
tement, fait  connaître.  Il  s'appelait  Guillaume  Rabot;  sa  famille  ori- 
ginaire d'Upie,  près  Crest,  où  elle  possédait  entre  autres  biens  la  terre 
de  Salêne,  a  donné  pendant  deux  siècles  des  magistrats  distingués  au 
Parlement  de  Dauphiné.  Le  père  de  Guillaume,  Bertrand,  avait  été 
nommé  conseiller  en  1495  ;  il  mourut  en  i537;  il  avait  eu  cinq  fils; 
M.  C.  W.  suppose  que  Guillaume,  le  second,  naquit  au  plus  tard  vers 
i53o;  je  ne  sais  pourquoi  il  prend  une  date  si  reculée;  Bertrand  s'était 
marié  en  i5o2,  son  second  fils  dut  naître,  ce  semble,  bien  avant  l'année 
i5  3o.  Pendant  un  séjour  qu'il  fit  à  Paris,  Guillaume  entra  en  relations 
avec  le  comte  palatin  du  Rhin,  Frédéric,  qui  lui  donna  le  commande- 
ment d'une  compagnie  de  chevau-légers  et  l'emmena  en  Allemagne; 
il  lui  fit,  de  plus,  épouser,  nous  apprend  Guy  Allard,  auteur  d'une 
Généalogie  des  Rabut,  'i  une  riche  héritière  de  ce  pays  »  ;  mais  après 
la  mort  du  comte  palatin,  Guillaume  se  serait  vu,  d'après  le  même  Guy 
Allard,  en  butte  à  tant  de  tracasseries  de  la  part  des  parents  de  sa 
femme,  qu'il  revint  en  France.  Une  autre  Généalogie  due  à  Jean  Rabot, 
lait  mourir  Guillaume  dans  son  emploi  de  commandant  ;  mais  m  Tune 
ni  1  autre  ne  parlent  de  lui  comme  écrivain,  ni  de  ses  occupations  pro- 
fessorales. Ainsi  que  plusieurs  membres  de  sa  famille,  G.  Rabot  avait 


d'histoire  et  de  littérature  i8i 

des  goûts  littéraires;  on  a  de  lui  trois  lettres  adressées c\  Calvin,  en  i55o, 
i553et  i554  i;  il  traduisit  aussi  «  du  latin  en   français  »   le  «  Miroir 
d'Alquimie  de  Roger  Bacon  »,  Lyon  i55y  ;  enfin,  quinze  ans  plus  tard, 
il  écrivit  un  «  Discours  sur  la  nation  et  la  langue  française  ».  Il  avait 
été,  en  1572,  chargé  par  l'électeur  de  Saxe  d'un  cours  de  langue  fran- 
çaise à  l'Université  de  Wittenberg;  ce  fut,  à  cette  occasion,  qu'il  com- 
posa son  discours.  Ecrit  dans  un  latin  clair  et  élégant,  il  fut  imprimé 
à  Wittenberg.   A-t-il  pénétré  en  France?  On   pourrait  en  douter,  car 
aucune  de  nos  grandes  bibliothèques  ne  le  possède  ;  mais  en  Allemagne 
il  existe  dans  celles  de  Halle,  de  Berlin,  de   Hambourg  et  de  Dresde. 
M.   C.  W.  nous  en  donne  une  réimpression  d'une  exactitude  scrupu- 
leuse. Ce  discours  est  intéressant;  G.   Rabot,  parlant  de  l'utilité  pour 
les  Allemands  d'apprendre  notre  langue,  en  donne  une  raison  inatten- 
due; c'est  non  seulement  le  voisinage  et  les  relations  nombreuses  tant 
publiques  que  privées  de  l'Allemagne  et  de  la  France,  ce  qui  va  de  soi, 
mais  x(  la  nature  semblable  et  l'étroite  parenté  des  deux  peuples  »  fprop- 
ter  naturarum  similitudinem,  ac  sanguinis  cognationem).  Les  Celtes 
ou  Gaulois,  dont  Rabot  refait  rapidement  Thistoire,  ont  formé  des  éta- 
blissements, non  seulement  en  Italie  et  en  Asie-Mineure,  mais  encore 
dans  la  Germanie,  en  particulier  sur  les  bords  de  l'Elbe,  et  les  noms  de 
leurs  chefs  les  plus  illustres  sont  identiques  d'après  lui,  à  des  noms 
germaniques  encore  employés;  ainsi  Brennus  n'est  autre  que  l'allemand 
Brando;  Autaricus,  nom  du  chef  des  mercenaires  gaulois  dans  la  pre- 
mière guerre  punique,  correspond  àEdjvard  ou  Ehrard  en  allemand, 
etc.  La  ressemblance  qu'offrent  les  noms  communs  n'est  pas  moins  frap- 
pante; les  Gaulois,  dit  Pline,  donnèrent  à  la  moelle  des  os  sa  dénomi- 
nation de  marca,  vocable,  encore  usité  en  allemand,  et  employé,  ajoute 
G.  Rabot,  jusqu'à  présent  chez  les  Normands  pour  désigner  la  moelle 
du    sureau^;  ces  derniers  se  servent  également  du  mot  acre,  mesure 
agraire,  dérivé  de  acker,  de  viande  —  lire  manne  —  pour  une   corbeille 
d'osier,  etc.  Le  français  possède  lui-même  les  mots  halte  (faire),  marswin, 
et  beaucoup  d'autres  qui  sont  aussi  germaniques.  Il  en  faut  conclure,  — 
G.  Rabot,  on  le  voit,  ne  recule  pas  devant  les  propositions  aventurées, — 
que  les  nations  germanique  et  gauloise  ont  eu  jadis  un  même  idiome, 
l'allemand,  que  le  mélange  des  peuples  étrangers  a  peu  à  peu  corrompu 
et  transformé.  N'est-il  pas  curieux  de  trouver  ici  en  germe  Ja  théorie,  de 
Holzmann,  de  l'identité  des  Germains  et  des  Celtes?  Le  latin  a  plus 
que  tous  les  autres  idiomes,  contribué  à  la  transformation  du  gaulois  ; 
c'est  de  lui  surtout  qu'est  sorti  le  français,  mais  cette  langue  présente 
dans  les  diverses  provinces  des  différences  dialectales  profondes. 

Tel  est  le  résumé  du  «  Discours  »  de  G.  Rabot,  on  pourrait  dire  de 
la  leçon  d'ouverture  de  son  cours.  Il  est  suivi  d'un  «  écrit  public  »  qui 
en  est  le  programme.  G.  Rabot  expose  la  marche  qu'il  suivra  dans  son 

1.  M.  C.  W.   nous  donne  la  première  avec  la  réponse  de  Calvin. 

2.  Je  ne  connais  point  de  vocabie  semblable  dans  le  patois  normand. 


l82  RKVUE    CRITIQUE 

enseignement  ;  il  prendra  pour  base  de  ses  leçons  la  grammaire  de  Jean 
Pillot,  qu'il  fait,  dit-il,  réimprimer,  à  cet  effet;  quand  ses  élèves  seront 
plus  avances,  il  leur  fera  traduire  en  français  les  Dialogues  allemands 
latins  de  Gamerarius  ;  plus  tard,  il-  mettra  entre  leurs  mains  un  «  livre 
français,  récemment  paru,  et  contenant  diverses  histoires  vraies  et  agréa- 
bles du  temps  présent,  genre  de  compositions,  ajoute-t-il,  où  Tauteur 
n'a  peut-être  pas  son  pareil  »  K  II  se  proposait,  dit-il  encore,  de  publier 
un  jour,  afin  de  servir  d'exercices  de  conversations,  des  Dialogues 
latins-français,  avec  une  traduction  en  allemand  et  peut-être  en  ita- 
lien -;  on  devait  y  trouver  les  phrases  les  plus  nécessaires  en  voyage. 
Enfin,  il  promettait  de  donner  le  plus  grand  soin  à  la  prononciation,  cet 
élément  si  indispensable  de  la  connaissance  complète  d'une  langue. 
Rien  n'est  ainsi  oublié  dans  le  programme  de  G.  Rabot;  mais  ce  qui  me 
frappe  encore  plus  que  les  idées  justes  et  saines  qu'il  y  expose,  c'est  de 
voircet  étranger,  simple  professeur  extraordinaire  au  traitement  de  loo  flo- 
rins par  an,  s'adresser  ainsi  directement  et  sans  aucun  intermédiaire 
à  ses  futurs  élèves.  On  a  là  le  spectacle  de  la  liberté  et  de  la  dignité 
de  renseignement  supérieur,  tel  qu'on  l'a  toujours  compris  et  qu'on 
le  comprend  encore  dans  les  pays  germaniques,  et  comme  on  ne  voudra 
peut-être  jamais  le  comprendre  en  France.  Mais  il  faut  finir  cet  article 
déjà  trop  long;  les  lecteurs  de  la  Revue  m'excuseront,  je  n'en  doute  pas, 
et  ils  penseront,  sans  doute,  qu'il  n'était  pas  inutile  de  montrer,  par  un 
compte-rendu  détaillé  des  ouvrages  de  MM.  Geijer  et  Wahlund,  avec 
quel  zèle  et  quel  succès  lej  études  de  philologie  romane  et  l'étude  de 
notre  langue  en  particulier,  sont  poursuivies  dans  les  pays  Scandinaves,  et 
quels  disciples  distingués  y  compte  l'enseignement  de  l'École  des  hautes 

études. 

Gh.  J. 


CHRONIQUE 


BELGIQUE.  —  M.  Paul  Thomas  est  chargé  du  cours  de  latin,  et  M.  Léon  Par- 
MENTiER,  du  cours  dc  grec  à  l'Université  de  Gand. 

GRECE.  —  Parmi  les  nouvelles  publications,  nous  signalons  les  suivantes  :  riar- 
//{Kx.rî  ]ii&/ioOyi/.v],  par  M.  Jean  Sakkélion  :  c'est  un  catalogue  détaillé  des  manuscrits 
du  monastère  de  Saint-Jean  de  Paimos  (chez  Bart  et  Hirst);  —  Xiwxà  àvdhxTK  (mœurs, 
coutumes,  proverbes,  chants,  etc.,  de  Chios),  par  M.  Constantin  Canellaki  (mêmes 
éditeurs);  —  George  Phrankoudis,  'II  KÙTrpo?  t/jî  a-^/j-spav,  Histoire  de  l'île  de  Chypre 

1.  Quel  est  l'ouvrage  que  G.  Rabot  désigne  d'une  manière  si  vague?  M.  G.  Paris 
vient  de  supposer,  avec  beaucoup  de  vraisemblance,  Romania,  XIX,  129,  qu'il  s'agit 
du  Recueil  d'aucuns  cas  merveilleux  advenus  de  nostre  temps  de  Jean  de  Marcon- 
ville. 

2.  Nostros  quoque  Latino  gallicos  Dialogos,  adjuncta  simul  Germanica  el  foi- 
tasse  etiam  Italica  versione  in  vestvum  usum  aliquando  edendos  curare  cogitamus. 
Ces  dialogues  ne  paraissent  pas  avoir  été  publiés,  mais  on  voit  qu'ils  avaient  été 
écrits,  preuve  du  soin  avec  lequel  G.  R.  s'était  préparé  à  ses  fonctions  de  professeur. 


d'histoire  et  de  littérature  i83 

depuis  les  temps  mythologiques  jusqu'à  aujourd'hui;  —  Une  nouvelle  traduction,  en 
prose  grecque,  de  Hamlet,  par  M.  Michel  Damiralis  (chez  Perris). 

—  Enfin  nous  signalons  le  Bie;.(o/|5a-^ixiu  AsArtiv  de  la  librairie  de  l'Hestia  (M.  Kas- 
donis},  dont  quatre  numéros  ont  déjà  paru. 

—  M.  S.  C.  Sakellaropoulos  ,  directeur  de  gymnase  et  privat-docent  à  l'Univer- 
sité d'Athènes,  vient  d'être  nommé  professeur  de  philologie  latine  à  l'nne  des  deux 
chaires  de  latin,  laissée  vacante  par  la  mort  du  professeur  Castorchis.  L'autre  chaire 
est  occupée  par  M.  S.  Vassis. 

—  M.  N.  G.  PoLiTis  a  été  nommé  professeur  de  mythologie  grecque,  chaire  nou- 
vellement créée.  Il  est  chargé  également  du  cours  d'antiquités  grecques,  ou  cours 
sur  la  vie  publique,  religieuse  et  privée  des  anciens  Hellènes. 

SUISSE.  —  Le  X  VIII°  fascicule  (neuvième  fascicule  du  deuxième  volume)  du  Schwei- 
^erisches  Idiotikon  ou  Wœvterbuch  der  sch\vei:{erdeutschen  Sprache  publié,  sous  les 
auspices  de  V  «  Antiquarische  Gesellschaft  »  de  Zurich,  par  MM.  Fr.  Staub,  L. 
ToBLER,  R.  ScHocH  et  H.  Bruppaciier,  vient  de  paraître  à  la  librairie  Huber,  de 
Frauenfeld.  Il  comprend  les  pages  1329-1488  et  va  de  hin  à  hûp. 


ACADÉMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  i3  août  18 go. 

M.  Siméon  Luce  lit  un  mémoire  sur  Louis  d'Estoiitcville,  le  bâtard  d'Orléans  et 
la  défense  du  Mont- Saint-Michel. 

Pendant  trente-deux  ans,  au  commencement  du  xv**  siècle,  toute  la  Normandie 
fut  au  pouvoir  des  Anglais.  Une  seule  place  fil  exception,  le  Mont-Saint-Michel, 
qui,  sous  le  commandement  d'abord  de  Jean  d'Harcourt,  comte  d'Aumale,  puis  du 
bâtard  d'Orléans  et  enfin,  à  partir  de  1425,  de  Louis  d'Estouteville,  seigneur  d'Au- 
bose,  tint  tête  à  l'ennemi  et  resta  française.  En  1428,  le  siège  du  Mont-Saint-Michel 
fut  levé  et  les  défenseurs,  prenant  l'offensive,  purent  conquérir  plusieurs  places  avoi- 
sinantes.  Louis  d'Estouteville  continua  ses  succès  jusqu'à  la  bataille  de  Formigny, 
qui  délivra  définitivement  du  joug  anglais  la  Normandie  tout  entière. 

M.  Luce  exprime  le  vœu  que  le  monument  oia  repose  le  défenseur  du  Mont-Saint- 
Michel  soit  restauré  et  qu'on  y  grave  l'inscription  suivante  : 

«  Ici  repose,  aux  côtés  de  Jeanne  Paynel,  sa  digne  compagne,  Louis  d'Estouteville, 
capitaine  du  Mont-Saint-Michel  pendant  trente-neuf  ans,  qui  défendit  cette  forte- 
resse contre  les  Anglais  pendant  vingt-cinq  ans.  Que  tous  les  bons  Français  prient 
Dieu  pour  lui  et  pour  elle!  » 

M.  Digard  communique  une  note  sur  la  papauté  et  l'étude  du  droit  romain  au 
xiii"  siècle.  Il  existe  une  prétendue  bulle  du  pape  Innocent  IV,  qui  exclut  les  profes- 
seurs de  droit  civil  des  bénéfices  ecclésiastiques  et  interdit  l'enseignement  du  droit 
romain  en  France,  en  Angleterre  et  dans  les  autres  pays  du  droit  coutumier.  M.  Di- 
gard montre  que  cette  pièce  est  apocryphe  et  qu'elle  a  été  fabriquée  en  Angleterre. 
Elle  n'offre  d'autre  intérêt  que  celui  qui  s'attache  à  l'histoire  des  supercheries  litté- 
raires. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Boissier  :  D.  Junii  Juvenalis  sativa  septima,  édi- 
tion  Hild;  —  par  M.  de  Barthélémy  :  i**  Delaville  Le  Roulx  (J.),  la  Suppression 
des  Templiers  (extrait  delà  Revue  des  questions  historiques)  ;  2"  Bulletin  monumen- 
tal, dirigé  par  le  comte  de  Marsy,  1885-18S9. 


Séance  du  22  août  18 go. 

M.  Deloche  commence  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  le  jour  civil  et  la 
supputation  des  délais  légaux  en  Gaule. 

M.  Saiomon  Reinach  lit  une  note  sur  le  passage  du  pseudo-Scymnus,  relatif  aux 
Celtes.  Ce  passage  dérive,  dit-il,  du  roman  d'Hécatée  sur  les  Hyperboréens.  Au 
même  roman,  pris  au  sérieux  par  plusieurs  écrivains  postérieurs,  doit  être  rapportée 
l'origine  des  allégations  de  Solin  et  de  Tacite  sur  des  inscriptions  grecques,  relati- 
ves à  Ulysse,  qui"  auraient  été  trouvées  dans  la  Grande-Bretagne  et  sur  les  bords  du 
Rhin. 


184  REVUE    CRITIQUE    DE    L    d'hISTOIRE    ETITTÉRATURE 

M.  le  D''  Prompt  communique  une  étuJe  sur  le  Descurs  de  Dante. 

Le  Descors  est  une  plainte  allégorique  sur  la  cruauté  d'une  dame  dont  le  poète 
recherche  les  faveurs  :  cette  créaluic  idéale  n'est  autre  que  la  Philosophie,  et  l'in- 
tention du  poète  est  de  se  plaindie  des  difiicultés  qu'il  rencontre  pour  en  pénétrer 
les  mystères.  La  pièce  est  en  trois  langues,  italien,  latin  et  provençal.  M.  Prompt 
s'est  appliqué  à  restituer  le  texte  provençal,  qui  était  très  corrompu,  et  à  en  retrou- 
ver le  rythme.  L'examen  de  ce  rythme  ne  permet  guère,  pcnse-t-ii,  de  mettre  en 
doute  l'attribution  de  la  pièce  au  grand  poète  italien. 

M.  Delisle  lit  une  note  sur  un  psautier  latin-IVançais  du  xii"  siècle  qui  vient  d'être 
acquis  par  la  liibliothèque  nationale.  Ce  manuscrit,  certainement  exécuté  en  Angle- 
terre, olVre  des  particularités  paléographiques  très  intéressantes  :  le  scribe  a  employé 
des  0  barrés  pour  ligurer  les  diphtongues  oe  et  eo;  il  semble,  en  outre,  avoir  entrevu 
l'utilité  de  distinguer  les  i  et  les  u  voyelles  des  mêmes  lettres  employées  comme  con- 
sonnes (aujourd'hui  j  et  v). 

Ouvrage  présenté  par  M.  Deloche  :  Nadaillac  (le  marquis  de),  le  Péril  uatioual 
(sur  l'aflaiblissement  de  la  natalité  en  France). 


Séance  du  2g  août  18 go. 

M.  Bréal  lit  un  mémoire  sur  les  rapports  de  l'alphabet  étrusque  et  de  l'alphabet 
latin. 

L'alphabet  étrusque  n'est  autre  chose  que  l'alphabet  grec,  diminué  d'un  certain 
nombre  de  lettres  qui  représentaient  des  sons  étrangers  à  la  phonétique  étrusque. 
C'est  cet  alphabet  qui  a  été  adopté,  selon  M.  Bréal,  par  les  Latins  et  les  autres  peu- 
ples de  l'Italie,  Osques,  Ombriens.  Plus  tard,  les  Latins  ont  senti  les  lacunes  d'un 
alphabet  qui  n'avait  pas  été  fait  pour  eux  et  ont  cherché  à  y  remédier.  Ils  sont  allés 
reprendre,  dans  l'alphabet  grec,  les  lettres  qui  leur  manquaient.  Mais  la  suture  est 
encore  visible  et  certaines  inconséquences,  inexpliquées  jusqu'ici,  tirent  de  là  leur 
explication  naturelle. 

M.  Boissier  fait  des  réserves  sur  les  conclusions  de  M.  Bréal.  L'alphabet  latin  ne 
diffère  pas  seulement  de  l'alphabet  étrusque  par  quelques  lettres  en  plus,  emprun- 
tées aux  Grecs  :  on  y  trouve  quatre  lettres  de  moins  et  une  de  forme  différente. 
Croira-t-on  que  l'influence  des  grammairiens  grecs  ait  été  assez  forte  pour  faire  aban- 
donner l'usage  de  ces  quatre  lettres?  L'opinion  de  MM.  Kirchhoffet  Mommsen,  qui 
rattache  directement  l'alphabet  latin  à  celui  des  Grecs  de  Cumcs  et  de  Napîes,  con- 
serve, pense  M.  Boissier,  une  grande  vraisemblance. 

M.  Deloche  termine  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  le  jour  civil  en  Gaule. 

M.  Héron  de  Villefosse  présente  à  l'Académie  les  photographies  des  principaux 
monuments  de  la  collection  d'antiquités  récemment  offerte  au  Musée  du  Louvre  par 
M.   le  commandant  Marchant. 

Ces  monuments,  au  nombre  de  220.  proviennent  de  Carthage  pour  la  plupart;  ils 
ont  été  rapportés  en  Francs  par  les  soins  de  M.  Joseph  Letailie  et  doivent  prendre 
place  dans  la  salle  des  antiquités  africaines  actuellement  en  préparation.  Ln  atten- 
dant, ils  sont  exposés  provisoirement  sous  l'escalier  Daru. 

M.  Héron  de  Villefosse  signale  à  l'attention  particulière  de  l'Académie  les  articles 
les  plus  importants  et  insiste  sur  la  valeur  de  cette  précieuse  collection. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  l'auteur  :  Hamy,  les  Origines  du  musée  d'ethnogra- 
phie ;  —  par  M.  Oppert  :  Babylonische  Texte,  IX. 

Séance  du  5  septembre  18 go. 

M.  Siméon  Luce,  par  une  lettre  en  date  d'Agon-Coutainville  (Manche),  annonce 
qu'il  a  retrouvé  la  pierre  tombale  du  monument  de  Louis  d'Estouteville  dont  il  a 
entretenu  l'Académie  dans  la  séance  du  i3  août,  (^e  monument  se  trouvait  autre- 
fois placé  dans  l'église  abbatiale  de  Hambye  (Manche).  La  dalle  tumulaire  forme 
aujourti'hui  le  seuil  de  la  maison  d'habitation  de  l'ancien  meunier  de  l'abbaye. 

M.  Clermont-Ganneau  annonce  l'intention  de  présenter  prochainement  à  l'Aca- 
démie un  fragment  d'inscription  himyarite  recueilli  aux  environs  d'Obock  par  M. 
Lagarde,  gouverneur  de  cette  colonie. 

M.  Bréal  communique  diverses  notes  sur  l'étymologie  des  mots  tù^o  (en  grec), 
invideo,  iiber,  cervix  (en  latin),  :{eher  (en  allemand),  convoiter  (en  français),  et  sur 
l'examen  de  cette  question  :  Le  mécanisme  grammatical  peut-il  s'emprunter: 

M.  Deloche  commence  la  lecture  d'un  mémoire  sur  l'histoire  de  la  ville  de  Saint- 
Rémy-dc-Provence  (Bouches-du-Rhône).  Il  s'attache  à  démontrer  que  cette  localité 
existait  dès  l'époque  mérovingienne  et  qu'elle  formait  déjà  alors  une  dépendante  de 
l'abbaye  de  Saint-Rémy  de  Reims.  L'acte  de  l'an  iioo,  dans  lequel  on  a  voulu  voir 
la  fondation  du  prieuré  de  Saint-Rémy,  n'a  eu  pour  but  que  d'améliorer  l'étal  ma- 
tériel d'une  fondation  déjà  existante. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


I 


II 


Le  Pny,  imprinuTic  Marclicssou  fils,  houlcvard  Saint- L(mra\t,  Ti. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE     LITTÉRATURE 

N»  41  -  13  octobre  -  1890 


Sommaire  t  417.  KiRSTE,  Le  Grihyasûtra.  —  418.  Klatt,  Cléomène.  —  419.  Ku- 
KULA,  Le  Saint-Augustin  des  Bénédictins. —  420.  Pflugk-Harttung,  Considérations 
sur  l'histoire. —  421.  Cruise,  Le  Codex  Paulinus  de  l'Imitation.  —  422.  Chroni- 
ques de  Bâle,  iv,  p.  p.  Bernoulli.  —  423.  Heitz,  Bois  gravés  du  xvi"  et  du  xvii« 
siècle.  —  424.  QuESNEL,  Borromée.  —  425.  Batiffol,  La  Vaticane  de  Paul  111  à 
Paul  V.  —  426.  Dalimier,  A  propos  des  Précieuses  Ridicules.  —  427.  Jadart, 
Mémoires  de  Jean  Maillefer.  —  428.  Lessing,  Œuvres,  p.  p.  Lachmann-Muncker, 
IV.  —  42g.  Mme  d'ARMAiLLÉ,  La  comtesse  d'Egmont.  —  430.  Stern,  La  vie  de 
Mirabeau.  —  431.  De  La  Rocheterie,  Histoire  de  Marie  Antoinette.  —  432.  G. 
Augustin-Thierry,  Le  capitaine  Sans-Façon. —  433.  De  Lagrèze,  Les  Normands 
dans  les  deux  mondes.  —  434-435.  Perrero,  Les  derniers  rois  de  Savoie;  La 
Glorieuse  rentrée  de  1689.  —  436.  Burdo,  Stanley.  —  Chronique.  —  Académie 
des  Inscriptions. 


417.  —  J.  KiRSTE.  Xhe  Gr-iUyasûti-a  oT  Hiranyakeçio^  with  ExtractS  from 
the  Commentary  of  Matridatta.  Vienna,  Alfred  Hœlder,  i88q.  —  xii- 177-42  pp. 
in-8. 

Les  brahmanes  sectateurs  du  Yajurveda,  qui  se  rattachent  à  la  tradi- 
tion de  Hira?zyakeçin,  avaient  les  mêmes  textes  fondamentaux  (sa;;zhitâ 
etbrâhmajia)  que  leurs  confrères  qui  se  réclament  des  noms  plus  fameux 
de  Baudhâyana  et  d'Apasiamba,  Comme  eux,  ils  reconnaissaient  pour 
leur  Veda  traditionnel  le  Taittirîya.  Ils  ne  se  séparaient  d'eux  que  par 
leurs  sûtras,  dont  ils  nous  ont  laissé  une  série  complète,  comprenant  le 
crautakalpa,  le  dharma  et  le  rituel  domestique  ou  grihya.  En  éditant 
ce  dernier  texte,  le  Hiranvakeci-gvihyasûtra,  M.  Kirste  n'avait  pas  à 
revenir  sur  les  rapports  historiques  de  ces  diverses  écoles.  Il  a  pu  se  con- 
tenter de  renvoyer  au  beau  travail  de  M.  Buhler,  qui,  dans  son  intro- 
duction au  Dharmasûtra  d'Apastamba  [Sacred  Books  of  the  East,  II), 
a  réuni  tout  ce  que  Ton  sait,  et  ce  tout  est  peu  de  chose,  sur  le  passé  de 
cette  tradition  probablement  originaire  du  Dékhan.  A  mesure  que  la 
littérature  sera  mieux  dépouillée,  que  les  résultats  de  la  statistique 
officielle  et  les  résultats  de  cette  autre  statistique  qui  se  dégage  peu  à  peu 
des  textes  épigraphiques  gagneront  en  étendue  et  en  précision,  peut-être 
obtiendra-t-on  sur  ce  point  des  lumières  nouvelles.  Pour  le  moment,  il 
n'y  avait  rien  à  ajouter  aux  données  recueillies  et  discutées  par 
M.  Buhler. 

La  tâche  de  M.  K.  se  réduisait  donc  à  l'édition  de  son  texte.  Il  s'en 

est  acquitté  delà  façon  la  plus  louable.  11  a  réuni  et  soigneusement  classé 

tous  les  matériaux  manuscrits  disponibles,  tant  pour  le  texte  que  pour 

le  commentaire.  Il  a  mis  à  profit,  en  outre,  toutes  les  ressources  accessi- 

Nouvelle    série,  XXX.  41 


l86  .  REVUK    CRITIQUB 

bles  que  lui  offrait  la  littérature  congénère,  tant  éditée  qu'inédite.  Enfin, 
de  tout  cela,  il  a  fait  un  usage  excellent.  Dans  le  texte  du  sûtra,  il  a 
signalé  les  quatre  chapitres  qui  lui  paraissent  être  des  additions  posté- 
rieures (I,  26  et  11,  18-20).  Du  commentaire,  il  a  dû  se  contenter  de 
donner  des  extraits,  qu'on  souhaiterait  parfois  plus  copieux,  mais  pour 
lesquels  il  s'est  efforcé  du  moins,  et  ce  n'était  sans  doute  pas  chose  facile, 
de  restituer  une  forme  lisible  et  correcte.  Un  Index  réunit  tous  les  mots 
employés  dans  le  texte  avec  référence  au  chapitre  et  au  sûtra.  Ce  n'est 
peut-être  pas  assez.  Pour  la  commodité  des  recherches,  on  regrette  de 
ne  pas  trouver  un  Index  des  mantras,et,  en  l'absence  surtout  d'une  tra- 
duction, un  résumé  des  matières  traitées  plus  détaillé  que  la  petite  table 
sanscrite,  beaucoup  trop  sommaire,  placée  à  la  suite  de  la  piéface.  Mais, 
à  part  ces  desiderata,  tout  le  travail  est  fait  avec  soin  et  dénote  une 
expérience  parfaite.  Des  rares  fautes  d'impression,  bien  peu  ont  dû  échap- 
per au  court  errata  de  la  dernière  page  '.  L'exécution  typographique 
irréprochable  sous  le  rapport  de  l'élégance  et  de  la  netteté  des  types, 
fait  le  plus  grand  honneur  aux  presses  de  la  maison  Drugulin  de 
Leipzig. 

Ce  n'est  pas  le  lieu  de  faire  ici  l'analyse  du  sûtra,  ni  de  le  comparer  aux 
traités  similaires.  Tous  ces  textes,  si  l'on  fait  abstraction  des  suppléments 
dont  quelques-uns  sont  pourvus,  ne  diffèrent  les  uns  des  autres  que  par 
le  détail,  et  ce  sont  précisément  ceux  qui  nous  ont  été  transmis  comme 
partie  intégrante  d'une  série  complète  de  sûtras,  comme  le  Hira«yakeçi- 
grihya,  qui  présentent  le  moins  de  particularités.  Ils  se  renferment 
plus  spécialement  dans  le  rituel  que  les  textes  qui  nous  sont  parvenus 
isolés  et  qui,  pour  cela  même,  admettent  parfois  un  appoint  de  matières 
étrangères.  On  y  trouve  moins  de  ces  traits  dénotant  des  divergences 
dans  la  coutume,  plus  intéressantes  en  général  que  des  divergences  litur- 
giques, mais  qui  appartiennent  proprement  à  la  section  du  dharma. 
C'est  ainsi  que  notre  sûtra,  qui  donne  d'une  façon  particulièrement  com- 
plète le  cérémonial  relatif  au  noviciat,  ne  dit  presque  rien  des  règles  de 
conduite  du  novice,  qui  sont  exposées  sans  doute  dans  l'autre  section. 
Pris  un  à  un,  ces  textes  ne  nous  apprennent  donc  pas  grand'chose  de 
nouveau.  Ce  qui  doit  plutôt  frapper,  c'est  leur  uniformité,  de  quelque 
partie  de  l'Inde  qu'ils  proviennent,  uniformité  qui  contraste  singulière- 
ment avec  la  très  grande  diversité  de  coutumes  qui  règne  de  fait  et,  selon 
toute  apparence,  depuis  longtemps,  parmi  les  brahmanes. 

Par  contre,  je  dois  dire  quelques  mots  d'une  controverse  depuis  long- 
temps pendante  et  qui  s'est  renouvelée  à  propos  de  la  publication  de 
M.  K.  La  plupart  de  ces  textes  présentent  un  nombre  plus  ou  moins 
considérable  d'irrégularités  grammaticales.  Comme  M.  Bûhler  et  ses 
élèves,  M.  K.  est  d'avis  de  les  maintenir  et,  comme  eux,  il  s'est  attiré  de 
ce  chef  des  observations  de  M.  Bohtlingk,  qui  n'hésite  pas  à  les  suppri- 


I.  Je  n'ai  noie  que  nirùpya,  p.  3,  1.  5,  pour  nivupya. 


d'histoire  et  de  littérature  187 

mer  '.  Il  y  a  évidemment  dans  la  question  du  pour  et  du  contre.  Les 
manuscrits  des  sûtras  ne  comptent  pas  parmi  les  plus  corrects.  De  plus, 
ils  sont  rarement  vieux,  et  les  commentateurs  eux-mêmes,  la  plupart 
des  inconnus,  de  date  incertaine  -,  ne  peuvent  pas  non  plus  prétendre 
à  une  bien  grande  autorité  pour  les  temps  anciens.   En  maintenant  ces 
leçons  incorrectes,  on  court  donc  toujours  le  risque  de  perpétuer  comme 
une  particularité  traditionnelle,  une  simple  faute  de  copiste.  A  priori, 
et  à  moins  d'être  garanties  par  des  exemples  pris  ailleurs,  elles  sont 
toutes  suspectes,  et  il  n'en  est  pas  une  seule  dont  je  voudrais  me  servir, 
à  l'exemple  de  M.  Bûhler,  pour  faire  remonter  ces  textes  à  une  époque 
antérieure  à  la  fixation  théorique  de  la  langue  sanscrite.  Suit-il  pourtant 
de  là  qu'il  faille  à  tout  prix  les  faire  disparaître?  Je  ne  le  pense  pas  et,  en 
principe,  c''est  M .  Bûhler  qui  me  paraît  être  dans  le  vrai.  Quelque  indiscu- 
tée que  soit  depuis  des  siècles  l'autorité  de  Pâ/zini,  elle  n'a  pas  pu  faire  que 
sa  doctrine  ait  été  partout  et  toujours  rigoureusement  appliquée.  Dans 
toute  la  littérature  classique,  il  y  a  des  exemples  où  elle  est  enfreinte,  et 
des  puristes  ont  pu  se  donner  le  malin  plaisir  d'en  relever  jusque  dans 
des  vers  qui  passent  pour  l'œuvre  de  Pâ^ini  même  et  qu'ils  acceptaient 
parfaitement  pour  tels.  Dans  les  derniers  écrits  védiques  qui,  pour  la 
langue,  appartiennent  déjà  au  sanscrit  classique,  les  fautes  foisonnent. 
Elles  ont  été  en  grande  partie  acceptées  par  la  tradition,  qui  les  autorise 
en  les  qualifiant  de  chdndasa,  et  il  en  est  de  même  des  irrégularités 
qu'elle  a  laissé  Subsister  dans  la  poésie  épique.  Je  dis  à  dessein  qu'elle  a 
laissé  subsister  parce  que  les  textes  épigraphiques,  qui  n'étaient  pas  tou- 
jours l'œuvre  de  maladroits  et  qui  sont  restés,  eux,  tels  que  leurs  auteurs 
les  avaient  faits,  permettent  de  croire  que,  dans  les  œuvres  littéraires, 
la  tradition  a  beaucoup  corrigé  et  que  ces  irrégularités  étaient  autrefois 
bien  plus  nombreuses.  Elles  ont  fait  admettre  par  quelques-uns  un  dia- 
lecte épique.  Heureusement  que,  protégés  par  le  mètre,  se  sont  conser- 
vés çà  et  là  quelques  barbarismes  purs  et  simples,  de  nature  à  nous  édi- 
fier à  cet  égard.  Pourquoi  n'en  serait-il  pas  de  même  ici,  en  présence 
de  tant  d'indices  qui  permettent  de  croire  que  les  écoles  du  rituel  n'é- 
taient pas  toujours  des  écoles  du  beau  langage,  quand  nous  voyons  la 
critique  indigène  elle-même  s'incliner  de  bonne  heure  devant  certaines 
irrégularités  de  ces  textes  qu'elle  regardait  comme  consacrées  et  les  faire 
bénéficier  de  l'axiome  chandovat  sûtrdni?  La  question,  telle  que  je  la 
vois,  n'est  pas   tant  de  décider  si  ces  formes  sont  des  vestiges  d'un  âge 
prégrammatical,  si  elles  étaient  dans  nos  textes  dès  l'origine,  ce  qui  n'est 
plus  guère  possible,  que  de  savoir  si,  pendant  un  temps  plus  ou  moins 
long,  elles  ont  été  traditionnelles  dans  l'école.  Or,  sur  ce  point,  il  n'y  a 
pas,  je  crois,  à  hésiter.  Le  commentateur  de  notre  sûtra,  pour  nous  en 
tenir  à  la  publication  de  M.  K.,  les  signale  comme  des  apapâihas,  des 


1.  Zeitschr.  d.  deiitsch.  Morgenl.  Gescllsch.-x.i.ui  (1889),  p.  bgS. 

2.  Tout  ce  qu'on   sait  de  celui  du   Hirawyakeçi-gîihya,  Mât?'idatta,  c'est   qu'il  est 
antérieur  à  l'année  1G12  AD.,  où  il  a  été  cité  par  Kamalâkara  Bhatla. 


l88  REVUE    CRITIQUE 

leçons  incorrectes  ;  mais  par  cela  même  il  en  affirme  l'existence,  et,  quel- 
que moderne  que  puisse  être  son  témoignage,  comme  il  est  bien  évi- 
dent que  ce  témoignage  ne  vise  pas  une  simple  faute  de  copiste,  mais  un 
un  fait  durable  d'enseignement,  il  a  droit  à  être  traité  avec  égard.  11  est 
vrai  qu'à  côté  des  formes  incorrectes,  Mâtriditta  donne  les  formes  régu- 
lières. M.  K.  pouvait  donc,  à  la  rigueur,  hésiter  sur  la  place  qui  conve- 
nait le  mieux  aux  premières,  s'il  fallait  les  recevoir  dans  le  texte  ou  les 
reléguer  dans  les  notes.  Mais,  de  toute  façon,  il  devait  les  signaler,  et  de 
manière  à  forcer  Tattention  '.  Agir  autrement,  c'eût  été  faire  trop  bon 
marché  des  scrupules  qu'a  éprouvés  même  la  critique  indigène,  et  contri- 
buer à  effacer  davantage  encore  un  chapitre  de  l'histoire  de  la  langue.  Il 
peut  nous  être  indifférent  qu'Apatsamba  ou  Hiranyakeçin,  personna- 
ges qui  n'ont  peut-être  jamais  existé  comme  auteurs,  au  sens  que  le 
mot  a  pour  nous,  aient  été  ou  non  des  puristes.  Mais  il  nous  importe 
de  savoir  que  le  sanscrit,  malgré  son  admirable  législation,  n'a  pas 
échappé  au  sort  commun  de  toute  langue  savante,  qu'il  a  connu  non- 
seulement  ces  fautes 

quas  aiit  incuria  fudit 
aut  humayta  panon  cavit  natura, 

mais  qu'il  a  pu  subir  des  dépravations  durables  dans  des  milieux  ins- 
truits et  même,  dans  certains  cas,  comme  j'ai  eu  l'occasion  de  le  mon- 
trer ici  naguère,  «  des  règles  d'usage  en  contradiction  avec  la  grammaire 

officielle  » 

A.  Barth. 


418.  —  Klatt  (D'  Max).  Ch«"onologiselie  Oemei*kungen  iïber  die  Regie- 
rungszeit  des  Kœiiigs  Kleomenes  III  von  Sparta  (extrait  du  Rhein.  Muséum,  N.  F. 
xLv).  Bonn,  1890,  28  p.  in-8. 

Cette  notice  est  une  réponse  à  un  article  de  Unger  (Philologus,  XLVI, 
1888,  pp.  766-776).  Unger  soutenait  que  le  texte  de  Plutarque  (C/eom., 
c.  38,  i)  devait  être  corrigé,  et  que  Cléomène,  au  lieu  d'avoir  régné 
seize  ans,  de  235  à  219,  n'avait  régné  que  six  ans  et  demi,  de  227  a  221.  : 
M.  Klatt  défend  l'authenticité  du  texte  de  Plutarque,  et  il  divise  sa  dé- 
monstration en  deux  parties  :  1°  il  n'est  pas  vrai  que  les  années  du  rè- 
gne de  Cléomène  doivent  être  comptées  seulement  jusqu'à  sa  fuite  en 
Egypte  (221)  :  le  vaincu  de  Sellasie  porte  le  titre  de  roi  jusqu'à  sa  mort 
(219);  2°  il  n'est  pas  vrai  que  Cléomène  ait  commencé  à  régner  très  f 
peu  de  temps  avant  la  guerre  qui  porte  son  nom  (227)  :  plusieurs  années 
se  placent  entre  son  avènement  et  le  début  des  hostilités. 

Cette  discussion  n'est  pas  de  celles  qui  peuvent  se  résumer  en  quel- 

I.  Par  contre,  M.  K.  me  paraît  être  allé  trop  loin  quand  il  a  reçu  dans  son  texte 
des  fautes  que  le  commentaire  ne  signale  pas  expressément,  comme  le  nitrte  ab- 
solument inexplicable  de  11,  g,  10.  Ici  la  conjecture  de  M.  K.,  iûrtam,  s'imposait  et 
aurait  dû  passer  des  notes  dans  le  texte.  Je  crois  aussi,  avec  M.  Bœhtlingk,  que  l'édi- 
teur a  eu  tort  de  ne  recevoir  dans  l'index  que  les  formes  incorrectes. 


d'histoire  et  de  littérature  189 

ques  lignes  ;  je  remarque  seulement  que  M.  Klatt  a  raison  quand  il  se 
refuse  à  rien  conclure  du  silence  de  Plutarque  sur  les  années  du  règne 
de  Gléomène  antérieures  à  l'année  227.  Plutarque  lui-même  nous  aver- 
tit quelque  part  (vl/ex.,  i)  qu'il  écrit,  non  une  histoire,  mais  des  biogra- 
phies, et  qu'il  lui  arrive  de  laisser  de  côté  des  événements,  même  impor- 
tants, qui  n'apprennent  rien  sur  le  caractère,  bon  ou  mauvais,  d'un 
personnage.  Cet  aveu  du  moraliste  ne  devrait-il  pas  décourager  ceux 
qui  persistent  à  vouloir  chercher  dans  Plutarque  une  chronologie  rigou- 
reuse? 

Am.  Hauvette, 


^[Q,   _  Richard  G.  Kdkula.   Die  Maurlnei*  Au^gabe    des  Augustinus.   Ein 

Beitrag  zur  Geschichte  der  Literatur  und  der  Kirche  im  Zeiialter  Ludwigs  XIV. 
I  Theil.  Wien,  1890.  Tempsky.  (Sitzungsberichte  der  Ak.  des  Wiss.  in  Wien, 
cxxi).  106  pp.  in-8. 

M.  Kukula  a  été  chargé  de  préparer  un  des  volumes  du  saint  Au- 
gustin de  la  collection  de  Vienne.  Au  cours  de  ses  recherches,  il 
a  rencontré  les  études  préliminaires,  les  pièces  et  la  correspondance 
relatives  à  l'édition  des  Bénédictins.  Cet  Apparatiis  Benedictinorum 
comprend  vingt-deux  volumes  in-folio  du  fonds  Saint-Germain  de  la 
Bibliothèque  nationale  (lat.  11 644- 11 666).  Dans  l'article  que  nous 
avons  sous  les  yeux,  M.  K  se  borne  à  raconter  l'histoire  de  l'édition; 
il  se  réserve  de  revenir  sur  les  détails  techniques  dans  un  autre  travail. 

La  principale  source  de  M.  K.  est  le  récit  du  bénédictin  Thuillier, 
(1726  ou  1727),  dont  il  a  retrouvé  en  manuscrit  la  première  rédaction 
publiée  jusqu'ici  fort  incomplètement.  Ce  récit  est  contrôlé,  commenté 
et  appuyé  par  des  pièces  diverses,  surtout  par  des  lettres  dont  M.  K. 
donne  de  longs  extraits.  Les  mémoires  de  dom  Thuillier  reposent  eux- 
mêmes  sur  des  documents  contemporains  :  le  journal  de  Guénier,  celui 
de  Ruinart,  des  lettres  et  autres  écrits. 

Un  des  principaux  buts  de  la  Congrégation  de  Saint-Maur  était 
«  d'inspirer  du  goût  pour  l' Ecriture-Sainte  et  les  Saints  Pères.  »  Il  était 
difficile  de  séparer  ces  deux  sources  de  la  foi  catholique,  l'Ecriture- 
Sainte  devant  être  interprétée  conformément  à  la  doctrine  des  Pères. 
Cette  obligation,  imposée  par  le  concile  de  Trente,  avait  eu  pour  con- 
séquence d'inspirer  le  désir  d'avoir  de  bonnes  éditions  des  Pères,  à  côté 
de  l'édition  officielle  de  la  Vulgate.  Au  commencement  du  xvii«  siècle, 
il  avait  été  sérieusement  question  de  publier  à  Rome  un  saint  Augus- 
tin. A  propos  de  ce  projet,  abandonné  par  suite  de  l'indifférence  de  cer- 
tains papes,  on  peut  rappeler  le  mot  d'Innocent  X  :  «  non  è  la  mia 
prqfessione ;  oltrache son  vecchio,  nonho  mai studiato  in  Theologia  ». 

Ce  fut  sur  le  désir  exprimé  par  Arnauld  en  1669,  que  les  Bénédictins 
se  décidèrent  à  entreprendre  une  édition  complète,  faite  d'après  les  mss. 
La  direction  en  fut  confiée  à  dom  Delfau  et  à  dom  Guérard;  on  envoya 
aussitôt  une  circulaire  en  France,  en  Italie,  en  Espagne,  en  Angleterre, 


IQO  REVUE    CRITIQUE 

en  Allemagne,  en  Suisse  et  aux  Pays-Bas  pour  solliciter  le  concours  des 
savants;  le  supérieur  général,  dom  Audebert,  dans  une  lettre  adressée 
le  17  octobre  1670,  à  tous  les  monastères  français,  demanda  aux  supé- 
rieurs d'examiner  par  eux-mcmes  ou  par  des  personnes  compétentes, 
leurs  mss.  de  saint  Augustin;  en  167 1,  parut  un  prospectus  complet  de 
l'édition.  Ces  appels  furent  entendus:  en  France,  où  le  roi  par  le  privi- 
lège accordé  en  1671  ouvrait  aux  religieux  les  bibliothèques  dépendant 
de  lui  ;  à  Rome,  où  le  procureur  de  la  congrégation,  Durban,  s'occupa 
des  mss.  de  la  Vaticane  pendant  que  l'abbé  Falconieri  dépouillait  la 
Vallicellane  et  d'autres  collections  moins  célèbres;  en  Angleterre,  d'où 
les  professeurs  d'Oxford,  Bernard  et  Waliis,  envoyèrent  des  variantes  ; 
on  n'obtint  piesque  rien  de  la  paresse  des  moines  d'Allemagne  et 
d'Italie,  et  rien  des  protestants  de  Genève.  La  préparation  était  en 
pleine  activité  à  Saint-Germain-des-Prés,  quand  le  chapitre  général  de 
1675  relégua  soudain  Delfau  et  Guérard  à  Saint-Denis,  d'où  ces  deux 
moines  partirent  pour  l'exil  bientôt  après,  en  vertu  d'une  lettre  de 
cachet  du  18  septembra  1675.  Les  causes  de  cette  disgrâce  sont  mal 
connues  ;  on  a  allégué  tour  à  tour  la  jalousie  de  dom  Tixier,  le  supérieur, 
à  l'égard  de  Delfau,  la  participation  de  Delfau  à  la  composition  du 
pamphlet  de  VAbbé  Commendataire  (1673),  les  intrigues  des  Jésuites 
rendus  inquiets  par  la  publication  d'une  édition  critique  de  saint  Augus- 
tin. M.  K.  croit  que  tous  ces  motifs  ont  poussé  Harlay  de  Chanvalon, 
l'indigne  archevêque  de  Paris,  à  solliciter  du  roi  cette  mesure  de  rigueur. 

Les  deux  premiers  volumes  touchaient  alors  à  leur  fin.  Thomas 
Blampin  succéda  à  Delfau,  avec  René  Pasquier  comme  auxiliaire.  L'im- 
pression commença  le  5  octobre  1677  chez  Muguet  et  se  poursuivit  ac- 
tivement, malgré  les  sinistres  prédictions  du  P.  jésuite  Garnier  qui  ne 
cessait  de  répéter  à  la  femme  du  libraire  «  que  son  mari  s'étoit  engagé 
dans  une  affaire,  dont  il  doutoit  fort,  qu'il  fut  jamais  bon  marchand  ». 
On  décida  de  dédier  l'ouvrage  à  Louis  XIV.  L'épître  dédicatoire,  écrite 
en  une  nuit  par  Mabillon,  reçut  un  excellent  accueil  du  roi,  au  commen- 
cement de  mars  1679.  En  vain  les  éditeurs  lyonnais  de  la  Bibliothèque 
des  Pères  intentèrent  un  procès  à  Muguet;  ils  le  perdirent,  et  Muguet, 
voyant  le  succès  démentir  les  prophéties  du  P.  Garnier,  doubla  son 
tirage  et  augmenta  le  prix  des  volumes. 

Cependant  deux  capucins  attaquèrent  l'édition  dans  une  lettre  à  Boi- 
leau,  doyen  de  Sens,  parce  «  qu'après  que  messieurs  du  Port  Royal 
nous  ont  changé  le  Nouveau-Testament,  les  Pères  Bénédictins  changent 
saint  Augustin  »,  parce  qu'ils  ont  choisi  la  leçon  «  dangereuse  »  si  iiellet 
dans  Enchir.  95,  et  qu'ils  ont  utilisé  des  mss.  d'Angleterre,  pays  héré- 
tique. Blampin  réussit  à  se  justifier;  mais  il  eut  l'imprudence  de  placer 
en  tète  du  De  correptione  et  gratia,  dans  le  x*  vol.,  une  analyse  due  à 
la  plume  d'Arnauld.  A  l'instigation  du  P.  de  la  Chaise,  il  fut  déposé  de 
la  charge  de  sous-prieur  de  Saini-Germain  des  Prés  et  le  chapitre  de  1693 
l'envoya  comme  prieur  à  Reims.  L'édition  était  achevée  depuis  trois  ans. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  I9I 

La  querelle  fut  rouverte  à  la  fin  de  1698  par  la  Lettre  de  V Abbé  Alle- 
mand^ titre  abrégé  sous  lequel  les  contemporains  désignent  ce  pamphlet 
dirigé  contre  les  Bénédictins.  Tout  le  monde  accusa  les  Jésuites  ;  le  con- 
tenu concordait  trop  bien  avec  les  jugements  qu'ils  portaient  sur  Tédi- 
tion  et  ils  firent  trop  bon  accueil  à  cette  brochure  pour  qu'on  pût  s^ 
tromper.  Ils  croyaient  que  le  travail  des  Bénédictins  mettaient  en  péril 
le  Molinisme;  de  plus  ils  n'étaient  pas  fâchés  d'attaquer  un  ordre  qu^ 
leur  faisait  dans  le  haut  enseignement  une  concurrence  redoutable  :  la 
preuveen  est  dans  rhistoirecurieuseducollèged'Anchin  prèsde  Douai,  si 
semblable  à  l'histoire,  plus  récente,  de  l'Université  catholique  de  Dublin. 
Une  guerre  de  brochures  éclata.  Notons-en  les  deux  incidents  impor- 
tants, deux  victoires  pour  les  Bénédictins  :  l'impression  à  Rome  même 
des  Vindiciae  de  Mabillon  (1699),  qui  furent  fort  bien  accueillies  du 
pape,  et  l'intervention  du  roi  qui,  la  même  année,  imposa  silence  aux 
deux  partis.  Il  ne  fut  rompu  que  par  un  dernier  pamphlet,  dû  à  la  plume 
d'un  «  Abbé  savoyard  »,  proche  parent  de  l'^xAbbé  Allemand  ».  Pen- 
dant ce  temps,  Mabillon  remettait  trois  fois  sur  le  métier  la  préface 
générale,  long  exposé  de  principes,  et  ne  pouvait  arriver  à  satisfaire  les 
exigences  des  évêques  de-Meaux,  de  Reims  et  de  Paris. 

Là  s'arrête  l'intéressant  travail  de  M.  Kukula.  Nous  lie  lui  adresse- 
rons que  deux  reproches.  Il  contient  des  longueurs,  surtout  au  com- 
mencement; les  détails  peu  nouveaux  sur  le  Jansénisme  et  sur  la 
préparation  de  l'édition  officielle  de  la  Vulgate  sont  parfaitement 
inutiles.  Il  nous  semble  de  plus  qu'il  a  exagéré  l'importance  de  ces 
discussions,  secondaires  après  tout,  dans  l'histoire  religieuse  du 
xvii"  siècle.  Vouloir  trouver  dans  le  saint  Augustin  des  Bénédictins  le 
pendant  de  V Aiignstinus  de  Tévêque  d'Ypres  et  montrer  dans  cette 
publication  le  point  de  départ  de  la  seconde  phase  du  Jansénisme,  c'est 
évidemment  se  méprendre.  Le  roi  et  les  autorités  ecclésiastiques  ne  s'y 
sont  point  trompés.  Malgré  les  intrigues  et  les  calomnies,  les  Bénédic- 
tins, toujours  suspectés,  n'ont  jamais  été  condamnés.  C'est  ailleurs  qu'ont 
porté  les  coups.  Les  religieuses  et  les  solitaires  de  Port-Royal  en  ont 
su  quelque  chose. 

P.-A.  L. 


420.   —     Julius    von    Pflugk-Harttung.     Gesclifclitsbetfaehtungoo.    Gotha, 
Andréas  Pcrthes,  1890.   i  vol.  in-8,  47  pages. 

Cette  brochure  contient,  avec  des  développements  nouveaux,  la  le- 
çon d.'o\.\yQ\-i\xvc(Antrittsvorlesung)  faite  par  M,  von  Pflugk-Harttung 
en  1886  à  l'Université  de  Bàle.  L'auteur  y  montre  brièvement  quelles 
ont  été  les  grandes  publications  historiques  depuis  le  xvi^  siècle  jusqu'à 
nos  jours;  il  énumère  quelles  sont  les  qualités  nécessaires  à  un  vrai 
historien  (esprit  historique,  faculté  de  tout  s'assimiler,  application  d'une 
méthode  sûre)  ;  il  le  met  en  garde  contre  un  certain  nombre  d'écueils 


192  REVUE    CRITIQUE 

(idées  préconçues  empruntées  à  une  philosophie  naturaliste  ou  idéaliste, 
dangers  amenés  par  une  spécialisation  hâtive,  étroitesse  du  point  de 
vuej;  enfin  il  indique  quelles  règles  il  faut  suivre  dans  la  critique  des 
sources.  11  y  a  dans  ces  divers  chapitres,  des  remarques  ingénieuses  et 
fines;  mais  le  tout  est  trop  condensé.  L'écrivain,  à  force  de  résumer, 
devient  inexact;  il  n'a  pas  fait  certainement  aux  érudits  français  la 
place  à  laquelle  ils  ont  droit.  Ce  sont  là  les  défauts  ordinaires  du 
genre;  M.  von  P-H  y  a  ajouté  quelques-uns  qui  lui  sont  particuliers. 
lia  une  grande  érudition,  beaucoup  d'idées;  mais  il  manque  d'une 
qualité  précieuse  pour  un  historien  :  la  simplicité.  Il  est  parfois  tri- 
vial ;  plus  souvent,  il  s'élève  de  terre  par  de  hardies  métaphores  et 
plane  dans  les  nues.  Puis,  il  n'est  pas  toujours  équitable.  Il  montre 
dans  son  ouvrage  qu'il  a  des  rancunes  à  satisfaire.  Nous  protestons 
contre  Tépithète  de  charlatan  appliquée  à  Wilhelm  Scherer  (p.  34)  ;  si 
les  critiques  formulées  contre  les  historiens  qui  se  cantonnent  dans  un 
petit  coin,  sont  en  partie  fondées,  M.  von  Pflugk-Harttung  oublie  les 
services  rendus  à  la  science  par  ces  spécialistes  :  là  encore,  il  semble 
viser  tel  ou  tel  professeur.  Il  ne  devrait  pourtant  rien  paraître  dans  nos 
livres  de  nos  inimitiés  ou  de  nos  amitiés  persounelles. 

Ch  Pfister. 

4-''  —  1^'ote    sur    !e  <:odex  i^auiinus    de   rBmitatioit   «le   Jésus-Clii-ist, 

par  F.-R    Cruise,  M.  D.  Bruxelles,  Alfred  Vromant,  1890,  grand  in-«  de   i  5  p. 

M.  le  docteur  Cruise,  auteur  d'un  remarquable  Essai  sur  Thomas  à 
Kempis  (Londres,  1887),  déclare  que,  pour  traiter  la  question  de  l'ori- 
gine de  Vlmitation,  l'étude  approfondie  des  manuscrits  est  de  la  dernière 
importance;  que  ces  manuscrits  peuvent  être  rangés  en  deux  groupes  : 
1°  ceux  qui  ne  sont  pas  datés;  2°  ceux  qui  portent  une  date;  que,  pour 
infirmer  les  droits  de  Th.  à  Kempis  à  la  paternité  de  ïlmitation,  ses 
adversaires  prétendent  qu'il  existe  des  mss.  qui  lui  sont  antérieurs;  que 
jusqu'ici  Ton  n'a  pas  produit  un  seul  ms.  dont  la  date  devance  la  qua- 
rantième année  du  pieux  écrivain,  et  qui  puisse  en  conséquence  lui 
enlever  son  rang  de  priorité 

Après  avoir  présenté  ces  observations  générales,  M.  C.  aborde  la 
question  particulière  du  Corfex  Paz^//«z«,  lequel  porte  les  dates  1  884 
et  i385.  Comme  Th.  à  Kempis  avait  alors  quatre  ou  cinq  ans,  il  es^ 
évident  que  si  Ton  doit  accepter  ces  dates  comme  authentiques,  sa  cause 
est  à  jamais  perdue.  Pour  le  docte  critique,  le  Codex  Paulinus  a  été 
falsifié  ;  il  en  avait  eu  déjà  le  soupçon  après  inspection  des  deux  pages 
photographiées  que  Dom  Wolfsgruber  a  insérées  à  la  fin  de  son  Gio- 
vatini  Gerscn  Ce  soupçon  se  chaiigea  en  certitude  quand  il  eut  lui- 
même  examiné  et  photographié  (août  1 889)  le  ms.  en  question  au  monas- 
tère  de  Saint-Paul,  en  Carinthie.  M.  C.  montre  combien  il  a  raison  dej 
refuser  toute  autorité  au  Codex  Paulinus  par  des   reproductions   de] 


d'histoire  et  de  littérature  ig3 

quatre  feuillets  (folio  58  recto,  folio  86  verso,  folio  21 1  verso,  folio  257 
verso),  dont  l'exactitude,  dit-il  (p.  10),  *.<  ne  peut  être  révoque'e  en  doute, 
vu  que  l'artiste  à  qui  elles  sont  dues  est  le  soleil  lui-même  ^  ».  Devant 
les  quatre  photogravures,  toute  discussion  est  inutile  :  les  souscrip- 
tions et  les  dates,  invoquées  par  les  adversaires  de  Th.  à  Kempis, 
ne  font  nullement  partie  de  l'original,  car  elles  sont  d'une  écriture 
toute  différente  du  manuscrit  lui-même;  elles  ont  donc  été  ajoutées 
après  coup;  c'est  l'œuvre  incontestable  d'un  faussaire  et  chacun  des 
lecteurs  de  la  note  de  M.  le  d""  Cruice  redira  de  ce  document  indigne  de 
toute  confiance  :  «  Espérons  que  nous  n'en  entendrons  plus  parler  au 
cours  de  l'interminable  controverse  sur  l'auteur  de  Vlmitation  de 
Jésus- Christ.  •» 

T,  DE  L. 


422.  —  Baslei*  Chronikcn  lierausgegeben  von  der  historischen  und  antiqua- 
rischen  Gesellschaft  in  Basel.  Vierter  Band,  bearbeitet  von  August  Bernoulli. 
Leipzig,  Hirzel,  1890,  vin,  522  p.  in-8.  Prix  :  12  mark. 

Le  quatrième  volume  de  cette  intéressante  série  des  Chroniques  bâ- 
loises""  paraît  bien  plus  tôt  que  l'on  n'aurait  osé  l'espérer,  grâce  au  zèle 
déployé  par  M.  Aug.  Bernoulli  dans  sa  tâche  d'éditeur  et  aux  travaux 
préliminaires  des  précédents  éditeurs.  11  renferme,  tout  d'abord,  une 
série  d'Annales,  quasiment  officielles,  consignées  dans  les  registres  du 
Conseil  de  Bâle,  et  qu'embrassent  les  années  i356  à  1548.  M.  B. 
n'y  a  pas  seulement  joint  des  annotations  copieuses,  mais  les  a  fait 
suivre  d'une  série  d'appendices  traitant  de  l'importance  des  Rathsbucher 
bâlois,  des  secrétaires  de  la  ville,  et  de  divers  points  spéciaux  de  l'his- 
toire locale.  La  Chronique  de  Jean  Briiglinger  n'embrasse  que  trois 
années  (1444-1446),  celle  du  curé  Erhard  d'Apenwiler  s'étend  de  1439 
à  1471,  et  est  également  accompagnée  de  plusieurs  excursus  assez 
volumineux  (additions  bâloises  à  la  Chronique  Universelle  saxonne, 
Annales  de  Pairis,  etc.).  A  la  fin  du  volume  se  trouvent  quelques  frag- 
ments de  continuateurs  de  la  Chronique  strasbourgeoise  de  Koenigs- 
hoven,  et  un  calendrier  bâlois  qui  servira  pour  l'orientation  des  lecteurs 
de  ces  chroniques.  Une  table  des  matières  détaillée,  ainsi  qu'un  petit 
glossaire  terminent  ce  volume  qui  fait  honneur  à  la  Société  historique 
de  Bâle  et  dont  le  contenu  intéressera  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
l'histoire  de  la  Suisse  et  du  sud-ouest  de  l'Allemagne  au  xV  siècle. 
Ajoutons  que  M.  Bernoulli  nous  promet  le  cinquième  volume  pour 
bientôt.  R. 


1.  M.  C.  aurait  pu  citer  ici  le  vers  de  l'abbé  Delille,  en  sa  traduction  de  V Enéide  : 

Qui  pourrait,  ô  Soleil,  t'accuser  d'imposture  ? 

2.  Voy.  Revue  critique,  18  avril  1S74,   12  septembre    1880,   17  septembre    1888. 


194  REVUE    CRITIQUE 

423.  —  OrlgliialalMlruc-U  xoii  Foi^niscEineider- Arbeiten  des  XV'I  und  XVII. 
Jahrhunderts,  ans  Strassburger  Druckereien,  mit  erlœuterndem  Text  herausge- 
geben  von  Paul  Heitz.  Strassb.,  J.-H.  Ed.  Heitz,  i8go.  In-i6,  yS  planches. 

L'imprimerie  Heitz,  une  des  plus  anciennes  et  des  plus  importantes 
de  Strasbourg,  possédait  un  grand  nombre  de  bois  gravés  qui  avaient 
servi  à  l'illustration  d'ouvrages  du  xvi"  siècle  et  du  commencement  du 
XVII*'.  En  1840  une  partie  en  fut  vendue  à  un  libraire  de  Paris;  cepen- 
dant, ce  qui  reste  forme  une  collection  de  vieux  ornements  xylographi- 
ques, comme  il  serait  difficile  d'en  trouver  une  autre.  Les  bois  sont 
tous  antérieurs  à  la  fondation  de  la  maison  Heitz;  ils  proviennent  de 
différentes  officines;  on  voudrait  savoir  comment  et  par  qui  ils  ont 
été  recueillis  d'abord,  mais  il  ne  s'est  conservé  à  cet  égard  aucune  tra- 
dition. 

On  sait  que  le  goût  pour  les  livres  illustrés  n'est  pas  un  des  traits  les 
moins  caractéristiques  des  mœurs  de  la  Renaissance.  Dès  qu'on  publia  des 
ouvrages  pour  les  laïques,  ceux-ci  voulurent  avoir  aussi  des  images; 
les  éditeurs  s'empressèrent  de  leur  en  offrir.  D'abord  elles  sont  naïves  et 
rudes  jusqu'à  la  barbarie,  elles  trahissent  des  ouvriers  maladroits,  qui 
ne  connaissent  pas  même  les  règles  de  dessin  les  plus  élémentaires;  peu 
à  peu  elles  deviennent  plus  soignées,  plus  correctes,  plus  élégantes;  des 
artistes  véritables  prêtent  aux  imprimeurs  le  concours  de  leur  talent; 
sans  faire  toujours  des  chefs-d'œuvre,  ils  ornent  certains  livres  de  plan- 
ches fort  distinguées.  On  admire  surtout,  à  cause  de  la  richesse  ou  de 
l'originalité  de  leurs  ornements,  les  cadres  qui  entourent  les  titres;  ces 
cadres  sont  souvent  bien  supérieurs  aux  sujets  historiques  ou  religieux 
disséminés  dans  les  volumes  eux-mêmes.  Comme  ceux-ci  ne  sont  pas  à 
la  portée  de  tout  le  monde,  M.  Paul  Heitz  a  rendu  aux  amateurs,  par  sa 
publication,  un  service  dont  en  ne  saurait  lui  savoir  assez  de  gré.  Rien 
dans  son  ouvrage  n'est  une  copie,  tout  est  reproduit  par  les  bois  origi- 
naux. Ces  nouvelles  épreuves,  appliquées  par  des  procédés  perfection- 
nés sur  du  papier  moins  rugueux  que  l'ancien,  sont  plus  nettes  et  per- 
mettent, par  conséquent,  de  mieux  apprécier  la  finesse  des  gravures. 
Pour  la  plupart  de  celles-ci,  M.  H.  a  pu  déterminer  les  ouvrages  où 
elles  avaient  paru  pour  la  première  fois.  Aucune,  il  est  vrai,  sauf  peut- 
être  la  soixante-huitième,  ne  remonte  jusqu'au  commencement  du 
xvie  siècle  ;  les  plus  anciennes  sont  du  milieu  de  ce  siècle.  Dans  le  nom- 
bre il  y  a  des  morceaux  d'artistes,  tels  que  Tobie  Stimmer,  Josse  Am- 
man, Jean  Bokspergen,  etc.,  qui  marquent  un  progrès  très  notable  sur  les 
dessinateurs  et  les  graveurs  antérieurs. 

Le  recueil  s'ouvre  par  quelques  bois  d'une  Danse  des  morts  de  Holbein, 
qui  devait  paraître  à  Strasbourg  en  I546;  un  peu  plus  loin  on  rencontrel 
la  bordure  supérieure  d'un  almanach  de  i585,  composition  très-intéres- 
sante; on  sera  frappé  aussi  de  la  beauté  de  deux  encadrements,  dessinés 
aux  titres  d'un  Ancien  et  d'un  Nouveau  Testament;  la  plupart  des  autres 
sujets,   de  dimensions  diverses,  appartiennent  soit  à  l'histoire  biblique 


d'histoire  et  de  littérature  igS 

soit  à  celle  de  Rome;  on  remarquera  enfin  quelques  curieux  e'chantil- 
lons  de  modèles  de  calligraphie.  Ce  beau  volume  de  M.  Paul  Heitz 
complète  ainsi  d'une  manière  très  heureuse  ceux  de  Butsch,  Z)/e  Bûcher- 
Ornamentik  der Renaissance  Leipzig  1878,  et  de  Muther,  Die  deutsche 
BUcher-Illiistration  der  Gothik  iind Frûh- Renaissance,  Munich  1884, 

S. 


424.  —  Ch.  QuESNEL.  Le  cardinal  Fi'êdéric  Boi-romée.  Ouvrage  posthume, 
publié  par  les  soins  de  M.  Alexandre  Piedagnel.  Un  vol.  in-8  de  viii-192  pp. 
Lille,  Société  de  S.  Augustin,  1890. 

Écrit  «  pour  rendre  respectueusement  hommage  à  Tune  des  gloires 
religieuses  de  l'Italie,  »  ce  livre  n'est  guère  du  domaine  de  la  critique 
historique.  Il  se  compose  d'une  suite  de  tableaux  tracés  d'une  plume 
facile,  sur  l'éducation  de  F.  Borromée,  le  Milanais  espagnol,  l'Ambro- 
sicniie,  la  canonisation  de  saint  Charles,  la  famine,  la  peste,  qui  sont 
trop  dépourvus  de  références  pour  être  vraiment  utiles.  Les  noms  ita- 
liens sont  souvent  cités  inexactement  et  les  faits  sont  rapportés  sans 
grande  critique.  L'éditeur  prédit  au  livre  de  son  ami  un  grand  succès 
auprès  des  «  érudits  de  bon  aloi  »  :  je  puis  lui  assurer,  tout  au  moins, 
qu'il  s'y  trouve  des  histoires  de  brigands,.,  convertis  qui  charmeront  les 
âmes  pieuses. 

L.-G.  P. 


4'>.5.  —  La  Viilicune  de  ï*aul  lll  à  Paul  V,  d'après  des  documents  nouveaux 
par  Pierre  Batiffol.  Paris,  Leroux,  1890,  in-i6  de  viii-ib4  p.  Prix  :  3  fr. 
(Petite  bibliothèque  d'art  et  d'archéologie). 

I 

L'histoire  de  la  Bibliothèque  du  Vatican  se  fait  par  morceaux.  L'œu- 
vre d'ensemble,  magistralement  esquissée  par  M.  de  Rossi,  est  trop 
considérable  pour  être  terminée  par  un  seul  travailleur  ;  il  faut  que 
plusieurs  générations  s'y  succèdent;  on  s'y  met,  du  reste, activement  et, 
dans  ces  recherches  aujourd'hui  internationales,  il  n'est  que  juste  de 
reconnaître,  avec  M.  de  Rossi  lui-même,  la  part  active  prise  par  les 
érudits  français.  Au  livre  de  MM.  Miintz  et  P.  Fabre  sur  La  Biblio- 
thèque du  Vatican  au  xv^  siècle^  à  celui  de  M.  Miintz  sur  La  .6,  du 
V .  au  xvi"  siècle  ',  à  un  autre  encore  que  je  trouve  ici  rappelé  avec 
bienveillance,  M  .  Fabbé  Batiffol  vient  ajouter  une  précieuse  monographie. 
L'ouvrage  est  court,  agréable  à  lire,  facile  à  consulter,  une  bonne  table 
tenant  en  partie  lieu  de  l'index  absent.  11  fait  suite  au  travail  de  M .  Miintz 
paru  dans  le  même  format  et  qui  s'arrêtait  à  Paul  III,  mort  en  1549; 
c'est  à  Paul  III  que  commence  M.  B.  et  il  conduit  le  sujet  jusqu'au 
pontificat   de  Paul  V,  embrassant    ainsi  une  période   de  l'histoire  des 

I.  Cf.  R.  C.   1887,  1,  p.  88;  II,  p.  404  sqq. 


196  REVUE    CRITIQUE 

collections  vaticanes  marquée  par  d'importants  accroissements.  Toute- 
fois, c'est  presque  uniquement  de  manuscrits  grecs  qu'il  est  question 
dans  le  récit  et  le  livre  serait  plus  exactement  intitulé  :  Le  fonds  grec 
de  la  Vaticanc  de  Paul  III  à  Paul  V. 

L'enrichissement  du  fonds  grec  fut  l'œuvre  de  trois  cardinaux 
bibliothécaires,  tous  trois  appliqués  à  l'étude  de  l'antiquité  ecclésiasti- 
que ;  Marcello  Gervini,  Sirleto,  Antonio  Carafa.  Le  second  surtout, 
à  qui  M.  B.  a  consacré  dans  son  premier  chapitre  une  véritable  bio- 
graphie, a  été  un  des  prélats  les  plus  instruits  et  les  plus  zélés  de  la  gé- 
nération qui  a  pris  part  au  Concile  de  Trente.  Sa  grande  correspon- 
dance inédite,  dont  il  a  été  parlé  ici-même  à  propos  d'un  livre  de 
M.  Dejob  ',  reste  un  monument  de  son  activité  féconde  et  une  source 
de  premier  ordre  pour  Thistoire  littéraire  et  religieuse  du  xvi^  siècle. 
M.  B.  aurait  pu  en  utiliser  moins  brièvement  les  parties  qui  tou- 
chaient à  son  sujet.  Le  chapitre  relatif  au  cardinal  A.  Carafa,  successeur 
de  Sirleto,  est  le  plus  nouveau  ;  il  intéresse  non  seulement  Thistoire  de  la 
Vaticane  à  laquelle  le  cardinal  légua  ses  livres_,  mais  celle  de  la  philolo- 
gie biblique,  car  on  retrouve  en  grande  partie  dans  la  collection  Carafa 
les  matériaux  de  Tédition  sixtine  des  Septante.  M.  B.  etiieure  toutes 
ces  questions  avec  la  précision  rapide  d'un  homme  qui  les  connaît 
bien  ~.  La  notice  sur  les  manuscrits  de  Grotta-Ferrata,  entrés  à  la  "Vati- 
cane sous  Paul  V,  a  déjà  paru  dans  la  Revue  des  questions  historiques  : 
la  rédaction  en  a  été  sensiblement  modifiée  3.  On  reprocherait  volontiers 
à  l'auteur  le  fil  trop  ténu  qui  coud  ses  chapitres;  il  nous  répond  que  ce 
sont  de  «  simples  notes  »  pour  servir  à  d'autres;  reconnaissons  alors 
que  ces  a  notes  »  sont  remarquablement  ordonnées  et  rédigées  ^ 
M.  l'abbé  B.  fait,  en  effet,  beaucoup  de  place  à  la  narration  anecdoti- 
que  ;  il  anime  son  livre  de  détails  de  moeurs,  d'extraits  de  correspon- 
dances, et  on  prendra  quelque  idée  de  son  style  et  de  son  sentiment  par 
la  phrase  finale  de  la  préface  :  «  Si  humbles,  si  arides  trop  souvent  soient 
ces  pages,  je  les  ai  écrites  avec  fierté,  en  sentant  comme  tout  y  était  à 
l'honneur  scientifique  de  cette  noble  domus  vaticana,  qui  est  pour  nous 

1.  Cf.  R.  C.  1884,  p.  460,  et  Lettere  inédite  del  card.  de  Granvelle,  Rome,  1884. 

2.  Parmi  les  documents  inédits,  signalons  une  lettre  de  Bellarmin  à  Sirleto  sur  les 
difficultés  qu'il  rencontre  dans  ses  études  sur  l'Ecriture  (p.  29',  une  lettre  curieuse 
du  cardinal  Carafa  sur  la  Saint-Barthélémy  (p.  67),  des  fragments  de  lettres  de  Van 
Linden  et  de  Plantin  à  Sirleto  (p.  140  sqq.),  la  liste  des  mss.  grecs  acquis  par  Cer- 
vini  pour  la  Vaticane  (p.  114  sqq.;  les  plus  nombreux  ont  été  vendus  à  Venise,  en 
i55i,  par  Antoine  Eparque),  et  le  catalogue  des  mss.  grecs  du  card.  A.  Carafa 
{p.  i3i  sqq.). 

3.  Dans  cette  étude,  comme  dans  celle  qu'il  a  publiée  sur  les  mss.  du  Collège  giec,. 
M.  Batiffol  fait  bien  augurer  du  travail  beaucoup  plus  étendu  qu'il  imprime  en  cej 
moment,  me  dit-on,  sur  Rossano  et  le  fonds  de  mss.  de  ce  couvent,  entré  égalemen| 
à  la  Vaticane. 

4.  On  ne  s'explique  pas  le  point  d'interrogation  après  haviiti  (pp.   22,  1  i5).  P.  8r,l 
la  date  «  entre  i5i4  et    iSGg  »  n'offre  pas  de  sens.    André    d'Asola   n'était   pas   le 
'.<■  gendre  »  d'Aide  Manuce,  mais  son  beau-père. 


OHISTOIRK    ET    DK    LITTÉRATURR  IQy 

tous,  hommes  d'église,  la  maison  du  père  de  famille,  et  avec  une  émo- 
tion plus  intime  encore,  au  contact  de  ces  érudits  d'une  si  parfaite  pro- 
bité et  d'une  si  pure  vertu  de  la  cour  romaine  du  xvi«  siècle.  »  Sera-t-il 
permis  à  un  simple  laïque  d'ajouter  que  plusieurs  années  de  familiarité 
avec  le  xvi^  siècle  romain  l'ont  conduit  à  la  même  estime? 

P.  DE    NOLHAC. 

II 

Cet  aimable  petit  livre,  que  l'auteur  appelle  avec  une  injuste  discrétion 
«  une  modeste  contribution  à  l'histoire  de  la  Vaticane  »,  est  un  chapitre 
important  et  durable  de  l'histoire  des  études  grecques  au  xvi'-'  siècle.  On 
trouve  en  effet  ici,  à  propos  des  collections  de  manuscrits  grecs  formées 
par  Cervini  (Marcel  II),  Sirleto,  Antoine  Carafa  ou  à  l'abbaye  de  Grotta 
Ferrata  et  successivement  entrées  à  la  Vaticane  ^,  une  biographie  vivante 
et  curieuse  de  Cervini  et  de  Sirleto,  un  tableau  pittoresque  des  relations 
de  Sirleto  avec  les  érudits  de  son  temps,  l'histoire  de  la  formation  de  la 
collection  de  Sirleto,  des  renseignements  neufs  et  précis  sur  les  copistes 
de  grec  au  xvi"^  siècle  à  Rome,  l'histoire  de  l'édition  Sixtinedes  Septante, 
enfin  un  abrégé  d'histoire  deGrotta-Ferrata.  Ce  rapide  aperçu  montre  com- 
mbien  ce  livre  servira,  non  seulement  aux  bibliographes  hellénistes  (pour 
lequel  il  est  complété  heureusement  par  les  listes  de  manuscrits  grecs  de 
Cervini  et  de  Carafa),  mais  aussi  aux  historiens  de  l'humanisme  en  géné- 
ral et  de  la  Renaissance  et  à  tous  ceux  qu'intéressent  «  ces  érudits  d'une 
si  parfaite  probité  et  d'une  si  pure  vertu  de  la  cour  romaine  du  xvi«  siè- 
cle». Peut-être  plaira-t-il  encore  d'un  charme  plus  intimeà  tous  les  hôtes 
de  «  cette  noble  domus  vaticana  qui  est  pour  nous  tous,  hommes  d'église 
ou  de  travail,  la  maison  du  pèie  de  famille.  »  M.  Batiffol  me  pardonnera 
d'ajouter  trois  mots  à  sa  phrase;  n'est-ce-pas  surtout  de  la  Vaticane  que 
l'on  peut  dire  :  miiltœ  siint  mansiones  in  domo  patris  mei? 

L.   G.   PÉLISSIER. 


426.  —  Henri    Dalimier.    a  propos   des  Précieuses    Ridicules.   Jacqueline, 
Saint-Lô,   1890,  22  pages  in- 12. 

C'est  toujours  une  question  importante  et  difficile  que  celle  des  sources 
de  Molière  :  M.  Dalimier  vient  de  la  résoudre  en  ce  qui  concerne  les 
Précieuses  Ridicules,  D'après  lui,  Molière  s'est  inspiré  bien  moins  des 
Précieuses  de  l'abbé  de  Pure  ou  du  Ma'itre-Valet  àt  Scarron,  que  de 
V Héritier  ridicule  du  même  Scarron.  Il  y  a  entre  les  deux  œuvres  une 
analogie  générale  dans  l'intrigue,  et  des  ressemblances  textuelles  sou- 
vent fort  curieuses.  Molière  paraît  même  avoir  systématiquement  évité 

I.  Pourquoi  M.  B.  ne  mentionne-t-il  pas  la  collection  de  Panvinio  entrée  à  la  Vati- 
cane vers  la  même  époque  et  qui  contient    quelques  manuscrits  grecs,  dont  un  sur- 
tout pourrait  avoir  une  importance  bibliographique  :  Index  grcecorun  voliimimim  R. 
'card.  Grimani? 


198  REVUE    CRITIQUE 

de  jouer  ensemble  les  Précieuses  et  l'Héritier.  Sa  supériorité  reste  d'ail- 
leurs indiscutable,  et  M.  Dalimier  est  le  premier  à  la  reconnaître. 

R.  P. 

42y.  —  iilôiiioircs  «le  Jean  MuilIePer,  marchand  bourgeois  de  Reims  (i5ii- 
1684),  coiuiiuiés  par  son  lils  jusqu'en  1716,  publiés  sur  le  manuscrit  original  de 
la  bibliothèque  de  Reims,  avec  une  introJuction,  des  notes  et  la  généalogie  de 
la  famille,  par  Henri  Jadart.  Paris,  A.  Picard;  Reims,  F.  Michaud,  1890,  grand 
in-8  de  xxxi-'i-jb. 

Tout  est  excellent  dans  la  publication  de  M.  Jadart,  V introduction, 
\t  texte,  les  notes,  la  généalogie  de  la  famille  Maillefer.  Cet  éloge 
n'étonnera  aucun  de  ceux  qui  connaisssent  déjà  le  mérite  des  travaux  du 
biographe  de  Dom  Mabilion  et  de  Dom  Ruinart.  Je  résumerai  en  peu 
de  mots  Vintroduction  et  les  Mémoires,  souhaitant  que  mon  analyse 
donne  quelques  lecteurs  de  plus  à  un  ouvrage  qui  mérite  d'avoir  des 
centaines  de  lecteurs. 

M.  J.  rappelle  tout  d'abord  que  l'Académie  de  Reims  a  inauguré  en 
iS55,  sous  l'inspiration  de  MM.  E.  Henry  et  Ch.  Loriquet,  la  mise  au 
jour  d'une  suite  de  documents  nouveaux  tirés  du  cabinet  des  mss.  de  la 
bibliothèque  de  Reims,  parmi  lesquels  les  plus  remarqués  furent  le 
Journalier  de  Jean  Pussot^  maître  charpentier  en  la  Couture,  naïf  et 
véiidique  annaliste  du  temps  de  la  Ligue,  et  les  Mémoires  de  Oudard 
Coquault,  observateur  sagace  et  conteur  caustique  des  événements  de  la 
Fronde,  ajoutant  qu'il  devient  urgent  de  poursuivre  une  série  que  tant 
de  précieux  matériaux  peuvent  enrichir  encore  1,  Il  nous  présente  en- 
suite en  ces  termes  Maillefer  père  et  fils  et  leur  œuvre  (p.  ii-iu)  :  «  Jean 
Maillefer,  que  l'on  peut  appeler  l'historien  du  foyer  et  de  la  vie  de  fa- 
mille à  Reims  au  xvii<=  siècle,  était  issu  de  l'une  des  plus  honorables 
maisons  bourgeoises  de  la  cité,  où  elle  a  compté  des  descendants  jusqu'à 
nos  jours.  L'auteur  de  ces  mémoires  est  un  négociant  lettré,  homme 
avisé  en  affaires,  qui  fut  surtout  un  honnête  père  de  famille.  C'est  à  ce 
titre  qu'il  nous  a  laissé  un  document  inestimable  pour  l'étude  des  an- 
ciennes mœurs  et  des  traditions  domestiques,  sorte  de  livre  de  raison 
où  il  a  consigné  en  toute  simplicité  et  franchise  le  récit  de  sa  vie.  11  y  a 
mêlé  quelques  œuvres  morales,  fruits  de  ses  réflexions  ou  de  ses  nom- 
breuses lectures,  et  son  fils,  marchand  comme  lui,  y  a  joint  quelques 
renseignements  analogues  sur  tous  les  siens.  » 

M.  J-,  entrant  ensuite  dans   les  détails,  indique  ce  que  contient  le 

I.  M.  J.  cite  pour  l'avenir  les  Mémoires  de  Jean  Rogier,  comprenant  la  suite  his- 
torique des  annales  de  Reims,  ceux  de  René  Bourgeois,  ofl'rant  la  chroniqua  de  la 
vie  municipale  sous  Louis  XIV,  ceux  de  Dom  Châtelain,  présentant  le  tableau  de  la 
vie  des  abbayes  rémoises  au  xviiic  siècle.  11  y  aurait  encore  à  publier  dans  un  autre 
genre  les  cartulaires  de  Saint-Nicaise  et  Je  Saint-Thierry,  la  correspondance  de 
Mondoucet,  résident  en  Hollande,  etc.  On  voit  que  les  vaillants  travailleurs  qui  com-. 
posent  l'Académie  de  Reims  ont,  pour  me  servir  d'une  expression  que  ne  désavoue-] 
raient  pas  les  Maillefer,  du  pain  sur  la  planche. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  I  09 

volumineux  recueil  autographe  des  Maillefer,  incidents  quotidiens  de 
l'existence,  affaires  commerciales,  maladies,  voyages,  toutes  choses  rela- 
tées au  jour  le  jour.  11  n'a  cru  devoir  reproduire  l'intégralité  du  texte, 
à  raison  des  longueurs,  des  répétitions,  des  considérations  inutiles  pour 
l'histoire  qui  s'y  rencontrent  fréquemment  '.  Mais  la  partie  essentielle, 
formant  environ  les  deux  tiers  du  registre  petit  in-f«,  a  été  donnée  par 
le  soigneux  éditeur  sous  sa  forme  originale,  avec  son  orthographe  in- 
correcte et  ses  singularités  de  tournures  qui  ont  été  toutes  respectées. 
La  vie  de  Jean  Maillefer  racontée  par  lui-même  nous  transporte  de 
Reims  à  Paris,  de  Paris  à  Lyon,  de  Lyon  à  Paris,  de  Paris  à  Reims, 
de  Reims  à  Cambrai,  Valencienciennes,  Mons,  Bruxelles,  Anvers,  etc., 
puis  de  Flandre  en  Italie,  par  Lyon,  Avignon,  Marseille.  Les  villes 
d'Italie  visitées  pai"  le  fils  du  marchand  de  soie  sont  Florence,  Rome,  où 
il  baisa  les  pieds  du  pape  Urbain  VIII,  Lorette,  Ancône,  Ferrare,  Bo- 
logne, Venise  %  Padoue,  Parme,  Plaisance,  Vérone,  Pavie,  Milan, 
etc.  Le  narrateur  a  une  page  d'une  naïveté  charmante  sur  son  ma- 
riage dont  il  parle  avec  le  plus  vif  enthousiasme  (p.  37)^.  Il  fut  nommé 
capitaine  de  ville  en  i65o  et  il  donne,  à  cette  occasion,  diverses  indica- 
tions sur  «  ce  temps  de  guerre  civile  bien  fâcheux.  »  Le  récit  de  son  se- 
cond mariage  (p.  47-5o)  est  bien  curieux.  Signalons  encore  (p.  52)  une 
sédition  à  Reims,  l'entrée  de  Louis  XIV  en  cette  ville  (p.  55),  le  compli- 
ment à  Anne  d'Autriche  du  narrateur  qui  avait  l'honneur  de  loger  la 
reine  en  son  logis  (p.  56),  le  baptême  de  Philippe,  fils  dudit  narrateur, 
dont  Anne  fut  marraine  et  dont  le  duc  d'Orléans  fut  parrain  (p.  58),  la 
collation  donnée  à  la  Cour  par  l'heureux  père  (p.  5g),  diverses  particu- 
larités sur  M"e  de  Montpensier  (p.  59),  le  maréchal  et  la  maréchale  de 
l'Hospital  (p.  60),  la  liste  de  toutes  les  localités  françaises  et  étrangères 
(au  nombre  de  i53)  vues  par  Jean  Maillefer  (p.  71-73).  La  seconde  par- 
tie des  Mémoires  contient  les  œuvres  morales,  c'est-à-dire  des  mélanges 
sur  le  temps,  le  commerce  et  la  marchandise,  la  préséance  entre  mar- 
chands, le  mariage^  les  voyages,  les  amis,  les  emplois,  les  repas,  les 
artisans,  les  Jainéants  et  vagabonds,  portrait  de  feue  ma  mère  (Made- 
leine Roland),  commandement  à  mes  enfants,  discours  au  cardinal  An- 
toine Barberin,  conduite  pour  ma  vie.  Ces  morceaux  divers  sont  suivis 
du  Journalier  de  Maillefer  père,  de  1669  à  1681,  et  du  Journalier  de 
Maillefer  fils,  de  1679  à  17 16,  avec  récit  de  la  mort  de  son  père,  dis- 
cours prononcé  en  la  justice  consulaire  de  Reims  et  discours  funèbre 
sur  la  mort  de  sa  femme,  Marie  de  la  Salle. 

1.  Jean  Maillefer,  prévoyant  que  tout  ne  serait  pas  très  attrayant  dans  son  manus- 
crit, nous  donne  (p.  43)  cet  avertissement  charitable  «  Mon  cher  lecteur,  sy  il  vous 
eiinuit,  vous  este  libre,  n'aies  pas  plus  avant,  la  matière  n'est  pas  riche,  et  moy  qu\ 
l'escris,  je  n'è  peut  estre  pas  l'industrie  de  la  relever.  » 

2.  M.  J.  se  plaint  (p.  18)  de  ne  pouvoir  identirier  le  nom  de  Morgue  avec  une  dé- 
signation géographique  actuelle.  Morgue  n'est  autre  que  Monaco. 

3.  Une  toute  petite  citation  donnera  une  idée  de  cet  enthousiasme  :  «  Ha!  Quand 
je  m'en  souviens,  l'eau  en  vient  encore  à  la  bouche!  » 


2  00  REVUE   CRITIQUE 

Le  volume  contient  (en  ses  premières  pages)  :  i"  une  notice  sur  la  mai- 
son construite  et  habite'e  par  Jean  Maillefer  en  i65i  (rue  de  l'Univer- 
sité, n''  40),  avec  deux  vues  et  une  reproduction  de  la  plaque  de  cheminée 
de  la  cuisine,  aux  armes  du  constructeur  de  la  maison  ;  2°  un  tableau 
généalogique  de  la  famille  Maillefer  (branche  de  Fauteur  des  Mémoires), 
et,  en  ses  dernières  pages  :  1°  l'armoriai  de  cette  famille  (avec  phototy- 
pied'un  bois  gravé  du  Musée  de  Reims);  2"  la  généalogie  et  les  alliances 
de  la  famille  Maillefer  (travail  complet  avec  nombreux  écussons); 
3''  preuves  et  documents  divers  sur  ladite  famille  (de  l'année  1394  jus- 
qu'au xix<^  siècle);  4°  une  copieuse  table  alphabétiqus  des  noms  de 
lieux,  de  personnes  et  de  choses,  une  table  de  concordance  du  manuscrit 
original  avec  la  présente  édition,  enfin  une  table  générale  des  matières, 

T.  DE  L. 


428.  —  GottUoltl  Epliraîm  l^ei^sîngs  sa3int9iclie  Scbriften,  hrsg.  von  K. 
Lachmann.  Dritte  Autlage.  bes.  durch  Franz  Muncker.  4"  volume.  Stuttgart, 
Goschen,   1889.  In-8,  xvi  et  475  p.  4  mark  5o. 

M.  Muncker  poursuit  avec  le  même  soin  et  la  même  conscience  son 
édition  des  œuvres  complètes  de  Lessing.  Le  quatrième  volume  ren- 
ferme les  premiers  travaux  en  prose,  les  articles  parus  dans  le  Natur- 
forscher,  la  Berlinische  Zeitung,  les  Critische  Nadir ichten  ans  dem 
Reiche  der  Gelehrsatnkeit  et  le  Das  Neueste  aus  dem  Reiche  des 
Wities.  11  contient  quelques  articles  qui  ne  se  trouvent  pas  dans 
les  éditions  antérieures  et  dans  lesquels  M.  M.  a  cru  reconnaître 
l'empreinte  de  Lessing,'  le  lessingisches  Geprâge.  En  revanche, 
M.  M.  rejette  des  articles  que  Redlich,  Wagner,  Maltzahn,  Box- 
berger  regardaient  comme  lessingisch,  et  il  en  donne  des  raisons 
souvent  convaincantes.  Néanmoins,  il  a  bien  fait  de  reproduire  ces 
articles  en  appendice  ;  on  n'aura  pas  besoin  de  les  chercher  dans 
Tédition  Boxberger-Kûrschner.  Ce  fut  pendant  les  années  auxquelles 
est  consacré  ce  volume  que  Lessing  composa  sa  traduction  des  Cap- 
tifs de  Plante  et  de  VHistoire  romaine  de  Rollin;  M.  Muncker  a 
comparé  soigneusement  le  texte  de  Rollin  à  la  traduction  de  Lessing,  et 
trouvé  que  ce  dernier  n'avait  ajouté  à  Toriginal  que  deux  remarques 
insignifiantes  ;  il  les  reproduit  p.  45  et  46.  Quant  aux  Captifs,  M.  M. 
en  donne  le  texte  et  la  préface  tels  qu'ils  ont  paru  en  lySo  dans 
les'Beitrage  :{ur  Historié  und  Aufnahme  der  Theaters\  mais  il  a 
retrouvé,  au  dernier  moment,  une  édition  particulière  des  Captifs 
dont  l'avant-propos  diffère  passablement  de  la  préface;  il  reproduit 
donc  une  partie  de  cet  avant-propos  (p.  xii). 

A.  C. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  201 

^2q.  —  La  comtesse  d'Armaillé,  née  de  Ségur.  —  La  comtesse  d'Egmont, 
fille  du  mai-éclial  lïielielieu  (1740-1773).  Un  vol.  in-12  de  3o5  pages. 
Paris,  librairie  académique.  3  fr.  5o. 

Voici  un  livre  d'une  érudition  sobre  et  sûre,  d'une  marche  alerte,  d'un 
style  un  peu  flottant  mais  facile  et  naturel;  un  livre  vraiment  français 
et  féminin.  Je  le  recommande  vivement  à  tous  ceux  qui  s'intéressent  à 
la  société  du  dernier  siècle.  Il  offrira  aux  curieux  beaucoup  d'enseigne- 
ments, et  à  tout  lecteur  un  véritable  charme. 

La  comtesse  d'Egmont  est  un  personnage  du  plus  haut  attrait.  Belle, 
spirituelle,  sérieuse  tout  ensemble  et  romanesque,  grande  dame  par  les 
sentiments  comme  par  la  naissance,  elle  nous  donne  le  spectacle  d'une 
âme  tière,  un  peu  désorientée  dans  un  monde  plus  que  frivole,  où  elle 
figure  avec  éclat,  effleurée  quelquefois  par  d'éphémères  calomnies,  jamais 
par  la  corruption.  De  toutes  les  influences  pernicieuses  la  plus  redouta- 
ble était  sans  doute  pour  elle  celle  de  son  père,  le  duc  de  Richelieu.  Di- 
gnement secondée  par  un  mari  fort  honnête  homme  (que  pourtant  elle 
n'aimait  pas.  Payant  épousé  par  unique  déférence),  soutenue  surtout  par 
la  pureté  morale  qu'elle  tenait  de  sa  mère,  et  qu'une  forte  éducation  avait 
développée,  elle  sut  témoigner  à  ce  triste  père  tout  le  respect  commandé 
par  les  bienséances,  mais  sans  jamais  s'associera  aucune  de  ses  basses- 
ses. Il  y  avait  chez  elle  une  inflexible  fermeté  quand  l'honneur  parlait, 
et  nulle  pression  ne  put  lui  faire  courber  le  front  devant  la  Dubarry. 
«  Peu  de  gens,  écrivait-elle,  veulent  faire  les  sacrifices  qu'une  telle  con- 
duite exige.  Quant  à  mon  mari,  j'ai  le  bonheur  de  lui  voir  observer  la 

même  réserve.  Nous  sommes  parfaitement  d'accord Vous  savez  la 

position  de  ce  qui  m'entoure  (son  père  et  son  cousin  d'Aiguillon) 

Jugez  ensuite  si  notre  délicatesse  est  un  vain  mot,  et  s'il  est,  en  France, 
quelqu'un  qui  ait  le  droit  de  parler  avec  autant  de  fierté.  »  Personne,  en 
effet,  dans  la  circonstance  dont  il  s'agit  ne  bravait  la  disgrâce  du  maître 
avec  un  sentiment  plus  désintéressé.  L'acte  n'était  peut-être  pas  héroï- 
que, les  motifs  assurément  l'étaient. 

^mc  d'Egmont  mérite  une  petite,  mais  très  honorable  place  dans 
l'histoire  littéraire  de  son  temps.  Elle  avait  connu  Rulhière  comme 
officier  attaché  au  maréchal  de  Richelieu,  quand  elle  était  venue  à  Bor- 
deaux aider  son  père  à  inaugurer  brillamment  ses  fonctions  de  gouver- 
neur. Rulhière  resta  sous  le  charme,  et  quand  il  refusa  de  livrer  à  prix 
d'argent  le  manuscrit  où,  témoin  oculaire,  il  racontait  l'avènement  de  Ca- 
therine II,  c'est  de  concert  avec  M™^  d'Egmont  qu'il  accomplit  cet  acte  de 
haute  probité  littéraire.  L'affaire,  on  le  sait,  prit  un  caractère  semi-di- 
plomatique ;  M.  de  Choiseul  fut  obligé  d'intervenir,  et  c'est  à  la  requête 
de  M"ie  d'Egmont  qu'il  couvrit  Rulhière  et  son  ouvrage  d'une  protec- 
tion déguisée,  mais  effective.  Ce  point  d'histoire  littéraire  est  ici  repris 
en  détail,  éclairci  et  précisé.  M™^  d'Armaillé  nous  renseigne  encore  avec 
la  même  précision  sur  les  relations  entre  M'ns  d'Egmont  et  Jean-Jacques. 
L'enthousiasme  de  M^*:  d'Egmont  pour  l'auteur  de  ïa  Nouvelle  Héloïse 


202  REVUE    ClUTIQUK 

coulait,  on  peut  le  dire,  de  source;  qu'on  en  juge  :  «  J'éprouve,  dit-elle, 
un  grand  plaisir  à  me  retrouver  dans  mes  bois. ..  Ce  temps  de  calme  me 
met  à  portée  de  faire  des  réflexions  que  le  tumulte  de  Paris  rend  impos- 
sibles. Je  crois  devoir  le  peu  que  je  vaux  à  l'éducation  que  j'ai  eue  à  la 
campagne,  et  à  y  avoir  passé  plusieurs  mois,  chaque  année,  depuis  mon 
mariage...  »  Cet  enthousiasme  ne  lui  laissa,  comme  à  tant  d'autres, 
apercevoir  de  Rousseau  que  les  beaux  côtés.  Elle  fut,  si  l'on  veut,  une 
de  ses  dévotes,  mais  surtout  une  de  ses  bienfaitrices,  sans  ostentation, 
sans  fracas  ni  phrases,  avec  le  goût  délicat  qu'elle  portait  en  toutes 
choses. 

Il  y  a  entin  dans  sa  vie  une  page  politique.  Ses  réflexions,  son  amour 
ardent  du  bien  public,  la  poussaient  de  ce  côté;  elle  avait  sur  cet  objet 
des  idées  et  un  idéal  ;  elle  avait  lu  et  médité,  on  peut  en  être  sûr,  V Esprit 
des  Lois  et  le  Contrat  social  :  «  Une  monarchie  limitée  par  des  lois  me 
paraît,  dit-elle,  le  plus  heureux  des  gouvernemens.  »  L'amitié  romanes- 
que qu'elle  eut  pour  le  prince  de  Suède,  depuis  Gustave  III,  la  condui- 
sit à  jouer  une  sorte  de  rôle  historique.  Cette  partie  du  livre  est  celle  où 
M^ie  j\\    nous  apporte  le  plus  d'informations  nouvelles,  et  en  vue  de 
laquelle  le  livre  est  écrit.  Gustave  III,  pendant  son  séjour  à  la  cour  de 
France,  vit  M'"e  d'Egmont,  etoccupa  dans  son  cœur  une  place  restée  libre. 
Elle  avait  trente-un  ans,  et  lui  vingt-trois.  Cet  amour,  en  quelque  mesure 
réciproque,  a  été  de  la  part  de  la  comtesse  un  attachement  presque  mater- 
nel à  certains  égards,  chevaleresque  à  certains  autres,  aussi  pur  en  tout 
cas  que  passionné.  Elle  s'est  proposé  de  guider  le  jeune  prince  dans  le 
dédale  de  la  politique  française  ;  laissant  aux  hommes  d'Éiat  suédois 
l'art  des  trafics  diplomatiques,  elle  s'adressait  à  ses  généreux  instincts, 
le  mettait  en  garde  contre  les  compromis  avilissants,  et  cultivait  en  lui 
le  héros,  Unecorrespondance  devint  la  suite  de  ces  entretiens.  M.^^  d'A. 
en  extrait  pour  nous  les  passages  les  plus  significatifs,   et  nous  offre 
un  document  fort  digne  d'attention  au  point  de  vue  de  l'histoire,  plus 
encore  peut-être  au  point  de  vue  psychologique  et  romanesque.  L'al- 
liance, dans  le  cœur  de  cette  jeune  femme,  entre  l'amour  le  plus  chaste 
et  la  passion  politique  la  plus  élevée,  nous  transporte  en  pleine  atmos- 
phère cornélienne.  Au  lendemain  du  coup  d'état  que  le  peuple  de  Suède  a^ 
salué  comme  son  affranchissement,  elle  écrit  au  jeune  souverain  :  «  Que 
je  vous  remercie  de  m'avoir  fait  connaître  le  sentiment  que  j'éprouve!; 
Il  me  met  au  dessus  de  moi-même!  Il  a  doublé  mon  être!  Il  en  a  élevé | 
toutes  les  facultés!..  Ah!   aimez-moi!   Aimez-moi  toujours!...  Je  nej 
demande  que  le  droit  de  croire  que  vous  me  comptez  pour  quelque  chosej 
dans  tous  ce  que  vous  ferez  de  grand...  >■  C'est  ainsi  que  parle  la  Julie  de 
Rousseau,  j'entends  avec  cette  emphase,  mais  c'est  ainsi  que  pensent,] 
chez  Corneille,  les  Laodice  et  les  Rodogune:  l'inspiration  vient  de  haut.j 

Cette  analyse  fort  incomplète,  où  j'insère  à  dessein  quelques-uns  des 
fragments  mis  au  jour  par  M^e  d'Armaillé,  suffira,  je  l'espère,  à  expli- 
quer le  rare  agrément  de   l'ouvrage.  C'est  la  biographie  d'une  femme^ 


d'histoire  et  de  littérature  2o3 

qui  eut  le  cœur  d'une  héroïne;  un  roman  vrai,  touchant  et  triste, 
Mme  d'Egmont  a  dédaigné  les  joies  faciles  que  sa  condition  mettait  à  sa 
portée  ;  en  a  cherché  d'autres,  plus  exquises  et  plus  nobles,  dont  elle 
s'enivra  pendant  un  moment;  elle  allait  en  éprouver  Pinconstance 
quand  elle  mourut,  à  trente-trois  ans;  elle  méritait  de  mourir  si  jeune. 
En  tête  du  volume  est  la  reproduction  de  la  miniature  commandée 
par  M'^e  d'Egmont  à  l'intention  de  Gustave  III.  Ce  portrait,  comme  on 
le  verra,  est  l'une  des  pages  mêmes  du  livre,  et  non  la  moins  captivante. 
La  reproduction  laisse  deviner  une  œuvre  délicieuse;  c'est  tout  ce  qu'on 
peut  dire.  Après  avoir  rendu  plein  et  entier  témoignage  au  goût  de 
l'auteur,  nous  sera-t-il  permis  de  regretter  que  l'exécution  matérielle  ne 
soit  pas  un  peu  plus  coquette?  C'eût  été  «  le  superflu  chose  très  néces- 
saire :  »  il  faut  mettre  les  œuvres  dans  leur  cadre. 

L.  Brunel, 


4'3o.  —  Alfred  Stern.  Oas  K.eben  Mii-abeaus.  Berlin  (Cronbach),  1889,  2  vol. 
in-8. 

Les  grands  hommes  sont  exposés  à  de  fréquentes  variations  dans  les 
jugements  que  l'on  porte  sur  eux  et  ils  traversent  une  série  de  phases 
d'admiration  et  de  mépris  qui  réagissent  sans  fin  les  unes  sur  les  autres. 
Tel  est  le  cas  de  Mirabeau  :  décrié  à  ses  débuts,  populaire  à  sa  mort, 
honni  à  la  chute  de  la  monarchie,  regagnant  Testime  au  milieu  de  ce 
siècle,  il  semble  qu'yen  l'étudiant  de  plus  en  plus  près  il  soit  menacé 
d'une  condamnation  prochaine,  qui  ne  sera  pas  non  plus  définitive. 
Dans  l'enthousiasme  de  la  vingtième  année,  on  peut  exalter  le  mérite 
de  ses  idées  politiques;  mais  dix  ans  de  plus  suffisent  à  refroidir  cette 
admiration. 

Si,  en  France,  on  a  changé  d'avis  sur  le  compte  de  Mirabeau,  en 
Allemagne  on  lui  a  été  presque  toujours  favorable,  sans  doute  en  consi- 
dération de  son  respect  pour  la  mémoire  du  grand  Frédéric.  Au-delà 
du  Rhin,  plusieurs  auteurs  se  sont  occupés  de  lui.  Cependant  on  ne  s'y 
trouvait  pas  au  courant  des  derniers  travaux  qui  permettent  de  le  péné- 
trer plus  à  fond.  Un  savant  professeur  zuricois,  M.  Alfred  Stern,  s'est 
donné  à  tâche  de  le  faire  connaître  et  il  y  a  fort  bien  travaillé.  Au  cou- 
rant de  toute  la  bibliographie  du  sujet,  il  a  beaucoup  mérité  de  ceux  qui 
parlent  sa  langue.  Son  œuvre  est  si  exactement  faite  qu'à  peine  y  pour- 
rait-on relever  une  seule  erreur  matérielle;  elle  est  si  clairement  écrite 
que  les  Français  eux-mêmes  tiendront  à  se  familiariser  dans  la  connais- 
sance de  l'allemand  en  étudiant,  dans  son  livre,  un  sujet  qui  leur  est 
sympathique. 

Est-ce  à  dire  que  le  livre  de  M.  S.  apporte  des  renseignements  nou- 
veaux? Initiés  aux  révélations  que  MM.  de  Loménie,  père  et  fils,  ont 
tirées  avec  une  bien  sage  lenteur  des  archives  de  M,  de  Montigny,  les 
lecteurs  français,  en  dépit  de  Tindication  de  quelques  manuscrits  nou- 


204  REVUE    CRITIQUE 

veaux,  ne  trouveront  rien  d'inédit  dans  l'œuvre  du  biographe  zuricois. 
Ce  dernier  ne  s'est  pourtant  pas  ménagé  la  peine  ;  il  a  frappé  à  toutes 
les  portes.  Lui  reprochera-t-on  de  n'avoir  pas  possédé  le  «  Sésame 
ouvre-toi  »  de  ses  rivaux  français?  Ne  l'oublions  pas  :  c'est  un  ouvrage 
de  vulgarisation  qu'il  s'est  proposé  d'écrire  à  l'usage  des  lecteurs  alle- 
mands. 

Tel  qu'il  est,  l'exposé  des  faits  est  excellent.  Mais  il  cause  quelque  dé- 
ception en  ce  qu'il  ne  laisse  pas  une  impression  satisfaisante  de  Mirabeau. 
L'auteur  ne  s'en  doute  pas,  et  la  cause  de  ce  défaut  c'est  précisément 
qu'il  s'abstient  d'expliquer  le  caractère  de  son  héros.  Les  critiques  alle- 
mands le  disent  eux-mêmes.  M.  S.  a  fait  une  biographie  impeccable, 
mais  il  y  manque  un  jugement  définitif,  la  critique  de  l'homme  même. 
Sans  doute,  le  simple  récit  des  faits  suffit  d'ordinaire  à  juger  les  gens  ; 
celui  des  démêlés  du  père  et  du  fils,  par  exemple,  depuis  les  rectifica- 
tions de  feu  M.  de  Loménie,  ne  peut  qu'être  favorable  au  premier.  Mais 
il  est  d'autres  questions  plus  complexes.  Que  dire  des  querelles  de 
bourse  de  Mirabeau  et  de  Beaumarchais?  L'auteur  ne  semble  même  pas 
soupçonner  en  cette  affaire  toute  la  vénalité  des  basses  âmes  de  ces  deux 
grands  hommes.  C'est  qu'il  s'attache  moins  au  côté  moral  qu'au  point 
de  vue  politique  et  littéraire,  et,  à  cet  égard,  il  marque  admirablement 
les  progrés  de  l'éloquence  et  de  la  popularité  du  futur  constituant.  Cette 
éloquence  éclate  dans  les  procès  que  Mirabeau  soutient  à  Aix;  on  se 
pressait  au  tribunal  pour  l'entendre,  et,  parmi  les  auditeurs,  M.  S.  nous 
permettra  de  lui  signaler  le  jeune  Vitrolles.  Si  nous  en  croyons  ce  der- 
nier, le  sublime  révolutionnaire,  dans  l'écume  de  son  éloquence,  cou- 
vrait d'une  abondante  rosée  le  futur  légitimiste  placé  près  de  lui. 

Pendant  la  Révolution,  l'auteur  ne  reste  pas  moins  indifférent  aux 
écarts  de  conduite  de  Mirabeau,  chez  qui  l'on  relève  mainte  preuve  de 
lâcheté  civique  et  de  cupidité.  Il  faut  avoir  une  bien  grande  con- 
fiance dans  la  fidélité  des  troupes  royales  pour  croire  qu'au  moment 
même  de  la  prise  de  la  Bastille  leur  présence  à  Versailles  menaçait  l'As- 
semblée. Mirabeau  ne  demanda  leur  renvoi  que  parce  que  cette  mesure 
s'imposait  à  la  Cour.  A  part  quelques  cas,  que  l'on  réunit  avec  peine,  il 
va  au-devant  des  désirs  de  la  foule.  Après  la  prise  de  la  Bastille,  lors  des 
journées  d'octobre  et  des  émeutes  de  province,  la  violence  de  son  lan- 
gage révolterait  tout  autre  historien.  Ce  n'est  pas  tant  aux  réactionnai- 
res qu'il  en  veut,  qu'aux  honnêtes  défenseurs  de  la  cause  libérale,  les 
Necker,  les  Saint-Priest,  les  Lafayette.  C'est  après  eux  qu'il  aboie,  ce! 
sont  eux  qu'il  déchire  pendant  toute  sa  vie,  et  cela  non  par  conviction] 
politique,  mais  par  ambition,  parce  qu'il  veut  leur  place,  au  défaut  de| 
leur  considération. 

C'est  bien  là  que  le  bât  le  blesse  :  l'estime  de  ses  contemporains  luil 
échappe.  Les  honnêtes  gens  l'emportent  sur  lui  uniquement  parce  qu'ils' 
sont  honnêtes,  ainsi  Lafayette  et  Necker,  oui,  Necker  lui-même,  «  l'in- 
capable Necker  »,  qui,  en  dépit  de  la  popularité  de  l'éloquent  tribun, 


d'histoire  et  de  littérature  2o5 

lui  fait  fermer  rentrée  du  ministère.  C'est  le  triomplie  du  caractère  sur 
l'esprit,  triomphe  facile,  car  le  caractère  est  une  valeur  politique  autre- 
ment solide  que  l'esprit.  Et  quel  triomphe!  Tout  d'abord  Mirabeau 
comptait  sur  son  portefeuille  ministériel  pour  payer  ses  dettes.  Puis, 
comme  il  veut  à  tout  prix  conseiller  la  Cour,  le  voilà  réduit  au  rôle  de 
conseiller  secret,  d'un  conseiller  qu'on  paie  et  qu'on  n'écoute  pas.  A 
quoi  bon?  On  ne  l'estime  pas.  Et  le  voilà  livré  à  ce  double  jeu  de  trahi- 
son :  à  la  tribune  et  au  club,  il  trahit  la  Cour  qui  l'emploie,  et  cela 
depuis  1785  (M.  Stern  n'insiste  pas  sur  ce  fait),  et  dans  ses  notes  à  la 
Cour,  il  trahit  l'Assemblée  et  le  peuple  qui  l'applaudissent  et  qui,  jus- 
qu'à plus  ample  informé,  le  croient  leur  homme. 

On  l'excuse,  disant  que  le  soin  de  sa  popularité  l'obligeait  en  public 
à  battre  en  brèche  la  cause  qu'il  défendait  en  secret.  Beau  moyen  de 
réussir,  en  vérité!  Sans  compter  que  les  conseils  qu'il  donne  au  roi 
sont  impraticables  :  un  espionnage  royaliste  dans  toute  la  France  révo- 
lutionnaire, une  guerre  civile  dans  laquelle  Louis  XVI,  à  la  tête  d'une 
armée,  venue  on  ne  sait  d'où,  attaquera  Paris  et  le  peuple  et  l'Assemblée, 
et  ainsi  de  suite. 

Voilà  ce  qu'il  faut  blâmer  ou  expliquer,  puisqu'il  restera  toujours  à 
l'actif  du  grand  homme  quelque  chose  oui  n'est  pas  rien  :  l'éloquence 
entraînante  qui  passionne  les  foules,  à  la  condition,  il  est  vrai,  d'entrer 
dans  leurs  idées;  la  sagacité  politique  qui  taisait  recueillir  à  Mirabeau, 
dans  son  arsenal  oratoire,  tout  le  système  d'une  monarchie  parlemen- 
taire que  la  France  acceptait,  qu'il  n'a  pas  inventé,  mais  qu'il  a  pris  dans 
les  livres,  dans  les  travaux  de  ses  amis,  dans  l'air  du  temps,  si  je  puis 
m'exprimer  ainsi.  Et  la  preuve  que  l'idée  était  populaire,  c'est  que  Mira- 
beau la  soutenait.  Malgré  tout  enfin,  on  lui  réservera  une  grande  part 
de  sympathie  à  cause  de  la  tendresse  de  son  cœur,  en  amitié  comme  en 
amour.  C'est  mémecette  sympathie  qui  lui  manquera  le  moins;  l'admira- 
tion baissera  à  mesure  qu'on  l'étudiera  de  plus  près,  à  mesure  aussi  que 
s'affaiblira  l'écho  d'une  éloquence  qui  ne  nous  parvient  plus  qu'à  travers 
une  rédaction  de  discours  souvent  pénibles  à  lire,  plus  souvent  encore 
écrits  par  d'autres  que  par  lui. 

Ainsi  les  facultés  oratoires,  les  conceptions  politiques,  certaines  qua- 
lités du  cœur  sont  hors  de  discussion  ;  mais  le  caractère  et  la  conduite 
demandent  à  être  expliqués  et,  au  besoin,  sévèrement  blâmés.  Le  simple 
exposé  des  faits  ne  suffit  pas.  Il  faut  embrasser  l'action  dans  son  ensemble 
et  fouiller  le  portrait.  Voilà  la  lacune  qu'on  peut  déplorer  dans  un  ou- 
vrage, d'ailleurs  remarquable  par  l'exactitude  du  récit,  et  nous  le  faisons 
avec  franchise,  parce  qu'un  historien  du  mérite  de  M.  Stern  peut  bien 
plus  facilement  combler  une  lacune  que  corriger  une  erreur.  Et  pour 
cela,  il  y  a  une  bonne  raison  :  chez  lui  l'erreur  n'existe  pour  ainsi  dire 
pas. 

Francis  Décrue. 


206  REVUE    CRITIQUK 

43 1.  —  Maxime  de    La    Rocheterie.    Histoire    de  Marie   A.iitoiiictte.  Paris, 
Perrin,   1S90.  In-8,  2  vols,  xvi  et  596  p.,  596  p.  i5  francs. 

M.  de  la  Rocheterie  nous  donne  là  une  œuvre  considérable,  très 
exacte,  pleine  de  recherches  étendues  et  consciencieuses,  et  qui  dépasse 
de  beaucoup,  par  l'ampleur  et  la  sûreté  de  l'information,  le  livre  surfait 
de  M  de  Concourt.  Il  s'efforce  d'être  impartial;  il  cherche  la  vérité  histo- 
rique, et  il  la  trouve  très  souvent.  Pourtant,  il  a  quelquefois  trop  d'en, 
thousiasme  pour  son  héroïne,  et  il  ne  dissimule  pas  suffisamment  ses 
défauts.  Par  exemple,  il  dit  que  la  reine  a  été  seulement  «  touchée  » 
en  trouvant  chez  Fersen  un  caractère  solide,  une  délicate  réserve,  un 
zèle  désintéressé  (i.  273),  et  il  ajoute  que  Mercy  ne  fait  aucune  allusion 
à  cette  passion  royale  dans  ses  lettres  d'ordinaire  si  minutieuses.  Mais 
M.  de  la  R.  connaît  et  il  cite  la  lettre  de  Thonnête  et  véridique  comte 
de  Creutz  à  Gustave  III  ;  il  sait  que  l'ambassadeur  de  Suède  affirme  le 
penchant  de  la  reine  pour  Fersen  :  «  J'en  ai  vu,  dit  Creutz,  des  indices 
trop  certains.  »  Quant  au  silence  de  Mercy,  il  ne  prouve  rien,  sinon 
que  le  mentor  de  la  souveraine,  informé  du  prochain  départ  de  Fersen 
pour  l'Amérique,  jugeait  inutile  de  prévenir  Marie-Thérèse  de  cette  pas- 
sion naissante.  D'ailleurs,  le  sujet  était  singulièrement  délicat  à  traiter, 
et  Mercy,  tel  que  nous  le  connaissons,  ne  l'aurait  sûrement  abordé 
qu'à  la  dernière  extrémité  et  devant  une  nécessité  évidente.  —  De  même, 
dans  l'affaire  de  Hollande,  il  fallait  avouer  simplement  les  imprudences 
de  la  reine  qui  n'aurait  pas  dû  intervenir  (i,  p.  46g  et  suiv.);  comme 
l'a  dit  Cachard  (Histoire  de  la  Belgique  au  commencement  duxsm^  siè- 
cle^ p.  576),  Marie-Antoinette  ne  négligea  rien  pour  entretenir  Louis  XVI 
dans  des  dispositions  favorables  à  Pempercur;  n'écrit-elle  pas  à  Joseph  II 
que  le  roi  trouve  ses  demandes  justes,  ses  motifs  très  raisonnables,  mais 
que,  lorsqu'il  a  vu  Vergennes,  son  ton  n'est  plus  le  même  :  «  Il  évite  de 
me  parler  d'affaires,  et  quand  je  le  mets  dans  le  cas  de  me  répondre,  il 
se  trouve  souvent  quelque  nouvelle  entrave  qui  affaiblit  ce  qu'il  m'a  dit 
de  bon  »  —  Il  nous  semble  aussi  que  c'est  dépasser  la  mesure  que  de  ||| 
parler  du  patriotisme  de  Marie-Antoinette  dans  l'affaire  de  Bavière 
(i,  p.  38i). —  Enfin,  le  récit  du  6  octobre  est  légèrement  inexact  (r  I, 
p.  77)  parce  que  l'auteur  a  pris  trop  au  sérieux  une  image  emphatique  de 
Mounier,  et  qu'il  passe  sous  silence  la  mort  (accidentelle  ou  non)  d'un 
homme  du  peuple  au  seuil  de  la  cour  de  marbre.  —  Mais,  nous  le  répé- 
tons, l'ouvrage  a  une  haute  valeur  :  il  est  bien  divisé,  écrit  avec  agrément 
et  sans  lourdeur,  rempli  de  faits  et  de  détails  de  toutes  sortes  que  l'auteur 
a  puisés  aux  bonnes  sources  ;  n'est-il  pas  trop  long  pour  le  public  auquel 
il  s'adresse  ? 

A.  C. 


d'histoire    et    de    LITTERATURE  2O7 

^32.  —  Le  Capitaine  Sans-Façon  (i8i3),  par  M.   Gilbert  Augustin-Thierry. 
I  vol.  in-i8  jés.  A.  Colin  et  C",  éditeurs,   1890. 

M.  Gilbert  Augustin-Thierry  donne  une  seconde  édition  de  son 
roman  historique  Le  capitaine  Sans-Façon.  Il  ne  s'est  pas  laissé  arrêter 
par  les  critiques  sévères  qui  goûtent  peu  ce  genre  hybride,  ni  roman,  ni 
histoire.  Il  s'est  plus  soucié,  il  est  vrai,  que  beaucoup  de  ses  devanciers 
de  la  peinture  exacte  de  l'époque  qu'il  étudiait  ;  il  a  fait  une  tentative 
fort  intéressante  de  psychologie  historique.  Le  récit  de  cette  insurrection 
du  Bas- Maine  qui,  dans  les  années  sombres  du  premier  Empire,  mêla 
les  fidèles  de  la  Petite-Église  aux  Chouans,  serviteurs  toujours  dévoués  de 
la  cause  royaliste,  est  mené  avec  beaucoup  de  mouvement,  et  en  m.éme 
temps  avec  une  science  curieuse  des  choses  ignorées.  Mais  nous  crai- 
gnons que  Teffort  de  l'auteur  n"ait  pas  pour  le  genre  les  résultats 
heureux  qu'il  espère.  Les  lecteurs  qui  recherchent  en  histoire  cette  vé- 
rité qu'on  appelle  scientifique,  iront  droit  aux  documents  cités  en  appen- 
dice; les  autres  se  contenteront  du  récit  Les  critiques  seuls  liront  les 
deux  parties  de  ce  volume,  et  ce  n'est  peut-être  pas  pourcux  que  M.  Gil- 
bert Augustin-Thierry  l'avait  écrit. 

E.B. 

433.  —    Les    IVoi>niands    dans  les    deux    mondes,    par   G . -B.  de    LaGRÈze. 
Paris,  Firmin-Didot,  1890,  xi-358  p.   in-i8. 

Que  de  fécondité  chez  l'auteur  de  ce  livre  !  A  un  âge  où  les  survivants 
du  premier  Empire  ne  songent  qu'à  se  reposer  et  ne  vivent  plus  guère 
que  de  souvenirs,  il  continue  à  étendre  le  cercle  de  ses  connaissances  et 
à  faire  part  de  ses  études  aux  nombreux  lecteurs  qui  goûtent  ses  essais 
de  vulgarisation.  Magistrat,  il  a  écrit  sur  le  droit;  né  dans  les  Pyrénées- 
Orientales,  il  s'est  passionné  pour  l'histoire  et  l'archéologie  du  Béarn,  de 
la  Bigorre  et  de  la  Navarre,  qui  font  le  sujet  de  la  plupart  de  ces  mono- 
graphies; compatriote  du  fondateur  de  la  nouvelle  dynastie  suédoise, 
il  s'était  déjà  intéressé  aux  Scandinaves  avant  d'arriver  au  présent  ou- 
vrage, et  il  avait  traduit  les  Légendes  et  poèmes  du  roi  Charles  XV, 
conté  les  aventures  de  la  reine  Caroline-Mathilde  et  de  Struensee.  Ce 
n'était  pas  assez  pour  son  activité;  il  a  aussi  voulu  dire  son  mot  sur 
Pompéî,  les  Ccf.tacombes  et  l'Alhambra.  Il  y  a  plaisir  à  le  voir  papillon- 
ner de  fleur  en  fleur,  butinant  les  plus  belles  et  ne  se  faisant  aucun 
scrupule  de  laisser  de  côté  celles  qui  ne  peuvent  figurer  avec  avantage 
dans  ses  bouquets.  On  pourrait  dire  qu'il  est  doué  d'une  perpétuelle 
jeunesse,  si  c'était  une  recommandation  aux  yeux  des  érudits  ;  mais  ce 
n'est  pas  deux  qu'il  a  cure.  Appliquant  à  la  composition  le  précepte  que 
Buffon  formulait  relativement  au  style,  il  s'attache  surtout  à  ce  qu'il  y 
a  de  plus  général.  Son  but  est  de  vulgariser,  et  il  le  fait  avec  succès, 
sachant  saisir  partout  ce  qu'il  y  a  de  plus  caractéristique.  Dans  aucune 
littérature,  pas  même  dans  celles  du  Nord,  il  n'existe  de  tableau  aussi 


208  REVUE    CRITIQUE 

large  de  l'œuvre  des  Normands.  Après  les  avoir  étudiés  chez  eux,  il  les 
suit  dans  leurs  expéditions  en  Russie,  en  Angleterre,  en  France,  en 
Allemagne,  en  Espagne,  en  Afrique,  en  Italie,  en  Grèce,  en  Syrie  et 
jusqu'en  Amérique.  11  ne  faut  regarder  que  Tensemble  ;  il  y  aurait  trop 
à  dire  si  l'on  voulait  éplucher  les  détails.  Ce  serait,  d'ailleurs,  peu  équi- 
table; on  ne  doit  pas  demander  à  Técrivain  autre  chose  que  ce  qu'il  se 
propose  de  donner.  On  ne  voit  chez  lui  aucun  apparat  pour  jeter  de  la 
poudre  aux  yeux,  aucun  désir  de  se  donner  un  faux  air  de  savant.  C'est 
aux  gens  du  monde  qu'il  s'adresse;  il  y  aura  tout  profit  pour  eux,  en 
faisant  une  lecture  agréable,  de  prendre  une  idée  de  ce  qu'était  le  plus 
récent  des  peuples  qui  ont  formé  la  nationalité  française. 

E.    Beauvois. 

434.  —  Perrero  (Domenico).  Gll  ultimi  i-eitli  <li  ^avoîa    del    i-aiiio    pi>iiiJO> 
genlto.  Appendice  :  Replica   al   marchese  Costa  de   Beauregard.   Nuovi  appuat 
e  Documenti.  Un   vol.  in-8,  282  pp.  Turin,  Casanova.  2  frs. 

435.  —  Il  Itîiiipiiti-io  del   Valdesi  del  1689  e  i  suoi  cooperatori.  Saggio  storico 
su  Docamenti  inediti.  Un  vol.  in-12,  de  102  pp.  Turin,  Casanova,  1889.    75  c. 

M,  de  Beauregard,  souvent  pris  à  partie  par  M.  Perrero  dans 
l'ouvrage  dont  nous  avons  récemment  rendu  compte  ici  même,  lui  a 
adressé  une  Réponse  à  propos  de  son  livre,  publiée  chez  Pion,  mais 
vendue  seulement  hors  de  France.  (Pourquoi?).  Perrero  réplique  à  son 
tour,  et  le  présent  volume  est  charmant  d'entrain  et  de  verve.  Il  se 
défend  d'OiVoiT  diminué  Va  hgure  de  Charles-Albert  (pp.  27-38);  il  relève 
les  erreurs  et  les  fausses  assertions  de  Costa  au  sujet  du  mariage  de  la 
princesse  Béatrice  et  du  duc  de  Modène  (pp.  100-114),  au  sujet  de  Victor 
Emmanuel  !«'"  (pp.  114-130),  de  la  reine  Marie  Thérèse;  il  l'accuse 
d'avoir  altéré  la  fameuse  dépêche  du  8  octobre  1814  (pp.  137-145), 
d'avoir  commis  au  sujet  des  deux  Marie  Thérèse  (la  reine  mère  et  la 
duchesse  de  Lucques)  «  un  famoso  qui  pro  qiio  »,  de  s'être  trop  fié  aux 
mémoires  et  aux  documents  d'archives  privées,  et,  en  somme,  de 
n'avoir  rien  compris  à  la  physionomie  historique  de  Charles-Albert 
(p.  170).  Les  pages  177-232  sont  consacrées  à  M.  Poggi  qui  se  plai- 
gnait d'avoir  été  pillé  par  Costa,  et  Perrero  ne  le  turlupine  pas  moins 
que  son  prétendu  plagiaire.  C'est  une  polémique  bien  amusante,  mais 
il  ne  faudrait  pas  qu'elle  durât  plus  longtemps. 

—  Dans  sa  plaquette  sur  la  G/or/ez<5e  rentrée  de  1689,  M.  Perrero 
démontre  au  moyen  de  documents  inédits  des  Aichives  de  Turin  que 
le  ministre  Arnaud  doit  partager  avec  le  cap.  Turrel  et  Josué  Janavel 
l'honneur  d'avoir  conçu  et  dirigé  l'expédition,  et  qu'il  a  tronqué 
le  manuscrit  de  Reinaudin,  dans  son  édition  de  1710  pour  augmenter 
sa  propre  importance.  M.  P.  publie  en  appendice  le  texte  très  important 
des  Instructions  de  Janavel  aux  Waudohpour  attaquer  les  Vallées  avec 
les  armes  et  des  notes  sur  les  prisons  des  ministres  vaudois  sous  le 
règne  de  Victor- Amédée  II. 

L.  G.  P. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  200 

436.  —  Stanley,  par  Burdo.  (Paris,  Kolb,  s.  d.,  in- 12). 

Tout  le  monde  n'a  pas  le  loisir  de  lire  et  la  facilité  de  se  procurer  les 
dix  gros  volumes  dans  lesquels  Stanley  a  fait  le  récit  de  ses  aventures  ;  il 
est  cependant  peu  de  personnes  qui  ne  désirent  savoir  à  quoi  s'en  tenir 
sur  le  compte  du  plus  hardi  des  explorateurs;  Touvrage  de  M.  Burdo  leur 
donnera  satisfaction  ;  c'est  un  intéressant  résumé,  qui  décrit  d'une  plume 
alerte  Thomme  et  les  péripéties  de  son  existence  agitée.  Tout  en  rendant 
justice  à  rindomptabls  énergie  du  voyageur,  M  .  B.  sait  voir  et  montrer 
les  côtés  défectueux  de  ses  entreprises  :  il  l'accuse  d'avoir,  par  sa  morgue 
et  sa  cruauté,  aliéné  à  jamais  les  indigènes,  et  détruit  le  commencement 
de  civilisation  que  Livingstone  y  avait  apporté.  Pour  nous,  ces  reproches 
sont  fondés.  Terminons  en  disant  que  ce  volume  est  le  premier  d'une 
série  intitulée  Bibliothèque  du  Journal  des  voyages. 

H.   û.  DE  G. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —M.  Ch.  Ravaisson-Mollif.n  poursuit  avec  persévérance  et  conscience 
sa  publication  des  manuscrits  de  Léonard  de  Vinci.  Il  vient  de  donner  les  ms.  G,  L 
et  M  (Quantin,  420  p.  i5o  fr.).  On  trouvera  dans  cette  livraison  de  remarquables 
dessins  :  une  tête  de  cheval  (G),  des  personnages  et  des  représentations  allégoriques 
(L  et  M).  Sous  le  texte  d'une  des  feuilles  du  ms.  L,  est  un  des  premiers  croquis  de 
la  Cène.  Les  trois  mss.  offrent  d'ailleurs  nombre  de  maximes,  d'allégories,  de  facé- 
ties. G  oftre  les  parties  les  plus  importantes  du  traité  de  la  peinture  et  notamment 
l'élude  du  paysage;  on  y  remarque  aussi  des  observations  sur  les  yeux  des  animaux, 
les  muscles,  le  cœur  de  l'homme,  l'eau,  la  réflexion  du  soleil  à  la  surface  de  la  lune, 
la  mesure  de  la  vitesse  des  navires,  le  vol  des  oiseaux  et  des  insectes.  L  présente  de 
copieuses  notes  sur  le  vol  artificiel  et  naturel,  sut  la  perspective,  le  pelage  du  cheval, 
la  fortification  et  les  ponts.  M  contient  aussi  des  calculs  et  des  remarques  mécani- 
ques. 

—  M.  Tamizey  de  Larroque  a  publié  tout  récemment  et  tiré  à  part  (Annuaire-Bul- 
letin de  la  Société  de  l'Histoire  de  France,  XXVL  P-  121- 126),  une  Lettre  de  Peiresc 
à  son  relieur  Corberan.  Ce  Corberan,  très  habile  en  son  métier  et  nommé  par  Gas- 
sendi «  ingeniosus  glutinator»,  reçut  en  i63o,  comme  dit  M.  Tamizey  de  Larroque, 
«  une  des  plus  belles  lettres  qui  aient  jamais  été  écrites  par  son  maître  ».  Ce  dernier 
était  à  la  campagne  et  craignait  le  pillage  de  sa  maison  envahie  par  les  émeuliers; 
c'est  alors  qu'il  écrivit  à  Corberan  «  une  sorte  de  protestation  où  est  exprimée,  avec 
une  simple  et  forte  éloquence,  l'indignation  de  l'homme  de  bien  méconnu,  du  bon 
citoyen  calomnié,  du  bibliophile  menacé  dans  l'objet  de  ses  plus  tendres  affections.  » 

—  Nous  recevons  trois  nouvelles  brochures  de  M.  André  Joubert  :  1"  un  compte- 
rendu  du  livre  de  M.  Lair  sur  Foucquet;  2"  un  curieux  travail  sur  les  lanternes  à 
Angers  sous  l'ancie)i  régime,  xvii'^-xviu'  siècles  (Angers,  impr.  Lachèse  et  Dolbeau, 
in-S",  16  p.);  3°  un  Rapport  inédit  de  deux  commissaires  nationaux,  La  Chevardière 
et  Minier,  à  la  Commune  de  Paris  (Vannes,  impr.  Lafolye.  In-S»,  8  p.).  Ce  rapport, 
daté  de  Saumur,  i3  mai  1793,  est  un  important  document;  M.  Joubert  l'accompagne 
de  notes  instructives. 


210  REVUE    CRITIQUE 

ALSACE.  —  Vient  de  paraître  à  Mulhouse,  le  Bulletin  du  Musée  historique  pour 
l'année  iSSg;  il  contient  les  articles  suivants  :  X.  Mossmann,  La  sécularisation  du 
prieuré  de  S.  Pierre  à  Colniar  ;  E.  Meininger,  Une  chronique  suisse  inédite  du 
xvi<"  siècle  ;  E.  Waldner,  Médecins  et  pharmaciens  d'autrefois  à  Colmar. 

—  Paraît  en  même  temps  à  Colmar  le  XVe  Rapport  de  la  Société  Schœngauer,  par 
Ed.  Fleischhauer  ;  il  y  est  question  de  la  Madone  au  buisson  de  roses  qui  se  trouve 
à  l'église  Saint-Martin  et  qu'on  attribue  à  Schœngauer. 

—  On  nous  écrit  à  propos  de  l'article  que  nous  avons  consacré  au  Fischart  de 
M.  Besson  fil"  3i)  :  «  La  Revue  trouve  bien  court  le  chapitre  sur  la  vie  de  Fischart, 
et  M.  Besson  dit  lui-même  que  les  vieux  parchemins  ont  opiniâtrement  gardé  leur 
secret.  Encore  faut-il  les  consulter.  M.  Seyboth,  dans  son  Alt-Strassburg,  rapporte 
que  Fischart  logea  vraisemblablement  jusqu'en  i583,  au  n"  Sg  de  la  rue  des  Grandes- 
Arcades.  En  i5g9,  Hans  Fischer  voîi  Trier,  épicier,  et  Elisabeth  de  Bensheim,  achè- 
tent le  coin  de  la  rue  des  Dominicains  {3g,  Grandes-Arcades),  des  créanciers  de  Jéré- 
mie  Faber.  Von  Trier  a  remplacé  dans  l'acte  von  Main:[  qui  a  été  effacé.  En  lôgS 
George  Kirchhoff,  tuteur  des  enfants  de  Bernard  Jobin  et  des  enfants  de  Jean  Fis- 
chart, docteur  en  droit,  vend  à  Albert  Ackermann,  épicier,  la  maison  d'angle  de  la 
rue  des  Dominicains,  que  le  docteur  Fischart  avait  promis  de  lui  vendre  dès  i58g. 
De  iSgg  enfin,  date  un  inventaire  de  la  succession  du  docteur  Fischart,  dit  Mentzer. 
M.  Seyboth  ne  désespère  pas  de  trouver  de  plus  amples  renseignements  dans  les 
archives  municipales  de  Strasbourg.  » 

ALLEMAGNE.  —  Livres  à  paraître  ou  qui  paraissent  chez  Teubner,  à  Leipzig  : 
Kalb,  Roms  Juristen  nach  ihrer  Sprache  dargestellt  ;  —  Philodemi  volumina  rheio- 
rica,  p.  p.  Siegfried  Sudhaus;  — Synonyma  Ciceronis,  rec.  et  illustr.  J.  W.  Beck  ;  — 
Gesammelte  Aufsœt:{e  u.  Vortrœge  ^ur  deutschen  Philologie  und  :{um  deutschen  Un- 
terricht,  par  Rud.  Hildebrand;  — Lexicon  Petronianum,  par  J.Segebade  ;  Die  grie- 
chischen  Volksbeschlùsse,epigraphische  Untersuchungen,  par  H.  Swoboda  ;  —  Kor- 
kyrœische  Studien,  Beitrcege  ^lo-  Topographie  Korkyras  u.  ^ur  Erklœrung  des 
Thukydidcs,  Xenoplion  und  Diodoros,  par  Bernhard  Schmidt  ;—  Georgii  Cyprii  des 
criptio  orbis  romani,  ace.  Leonis  imperatoris  diaiyposis  genuina  adhuc  inedita,  p. 
p.  H.  Gelzer  ;  —  Epicteti  dissertaiiones  ab  Arriano  digestae,  rec.  H.  Schenkl. 

—  L'édition  de  r.4)i)io/fe<i  dans  les  «MonumentaGermaniae  »  a  été  confiée  à  M.  Max 
Roediger. 


ACADÉMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  1 2  septembre  18 go. 

M.  Siméon  Luce,  par  une  nouvelle  lettre,  signale  à  l'attention  de  l'Académie  une! 
brique  émaillée,  provenant  du  tombeau  de  Louis  d'Estouteville,  et  qui  a  appartenu! 
jadis  à  M.  Léopold  Delisle.  1 

M.  Déroche,  terminant  la  lecture  de  son  mémoire  sur  Saint-Rémy-de-Provence,l 
expose  l'histoire  de  cette  ville  pendant  la  dernière  partie  du  moyen  âge.  U  repousse,! 
en  outre,  l'opinion  qui  identifie  Saint-Rémy  avec  les  anciennes  localités  de  Glanutra 
et  de  Fréta.  j 

M.  l'abbé  Batiffol  lit  une  note  sur  la  chronique  arabe  de  Sicile  connue  sous  H 
nom  de  Chronique  de  Cambridge  11  montre  que  cet  ouvrage  n'est  autre  chose  que 
l'adaptation  musulmane  d'une  chronique  grecque  chrétienne,  dont  il  a  retrouvé  des 
fragments  manuscrits  à  la  Bibliothèque  nationale. 


d'histoire    et    de    littérature  211 

M.  Ch,  Grellet-Balguerie  communique  une  étude  sur  l'annotation  chronologique 
du  prêtre  Lucerios,  inscrite  sur  le  plus  ancien  manuscrit  de  la  chronique  dite  de 
Frédégaire,  à  la  Bibliothèque  nationale.  Il  estime  que  cette  annotation  a  été  écrite 
au  mois  d'août  674,  indiction  II,  l'an  IV  du  règne  de  Dagobert  II  ((370-fxSo). 

M.  Opperl  communique  l'analyse  d'un  contrat,  rédigé  en  caractères  cunéiformes, 
par  lequel  une  femme  cède  à  sa  fille  la  nu-propriété  de  toute  sa  fortune  et  s'en 
réserve  seulement  l'usufruit  sa  vie  durant.  Cet  acte  témoigne,  dit  M.  Oppert,  de  la 
liberté  civile  dDnt  jouissaient  les  femmes  à  Babylone. 

Ouvrage  présenté  par  l'éditeur  :  Le  Mahdvastu,  texte  sanscrit,  accompagné  d'in- 
troductions, etc.,  par  E.  Senart,  tome  II. 


Séance  du  ig  septembre  i8go. 

M.  Grellet-Balguerie  fait  une  communication  sur  le  poème  du  Waltarius,  épopée 
latine  du  moyen  âge  relative  à  un  prince  d'Aquitaine.  L'auteur  de  ce  poème  s'appe- 
lait Géraud  et  a  dédié  son  œuvre  à  son  frère,  l'évêque  Archambaud.  On  tient  ordi- 
nairement cet  auteur  pour  un  Allemand.  M.  Grellet-Balguerie  estime  que  c'était  un 
moine  de  Saint-Benoît-sur-Loire,  qui  vivait  au  x^  siècle  et  dont  nous  possédons 
d'autres  œuvres  en  vers.  Il  rapporte  à  ce  Géraud  une  épitaphe  mutilée,  conservée  à 
Saint-Benoît-sur-Loire,  et  il  identifie  l'évêque  Archambaud,  à  qui  est  dédié  le  "Wal- 
tarius, avec  Archambaud  de  Sully,  archevêque  de  Tours  vers  984.  Enfin,  il  pense 
qu'un  certain  Tifrid,  qui  a  mis  à  la  fin  du  manuscrit  du  Waltai  ius  conservé  à  Paris 
une  souscription  plaisante  (expUcit  liber  Tifridi  episcopi  crassi  de  civitate  nulla), 
est  le  même  que  Tedfrid,  abbé  de  Saint-Florentin  de  Bonneval  vers  1010,  déposé, 
vers  1017,  par  l'évêque  Fulbert  de  Chartres. 

M.  Oppert  lit  une  note  sur  Un  passasse  de  Plolémée  et  sa  source  babylonienne.  Il 
s'agit  d'un  passage  où  Ptolémée  mentionne  une  éclipse  de  lune,  observée  à  Jiabylone, 
l'an  7  de  Cambyse  ou  225  de  Nabonassar,  dans  la  nuit  du  17  au  18  du  mois  égyp- 
tien de  Pamenoth,  une  heure  avant  minuit.  Ce  renseignement,  ainsi  que  les  autres 
du  même  genre  qui  se  trouvent  dans  Plolémée,  avait  été  emprunté  par  lui  à  Hip- 
parque,  et  celui-ci  avait  eu  à  sa  disposiiion  des  textes  chaldéens  qu'il  s'était  fait  ex- 
pliquer. En  ce  qui  concerne  l'éclipsé  en  question,  le  texte  cunéiforme  consulté  par 
Hipparque  a  été  retrouvé  et  vient  d'être  publié  par  le  P.  Strassmaier  (Babylonische 
Texte,  inscription  s  de  Cambyse,  n"  400).  Il  y  est  dit  que  la  lune  fut  éclipsée  le  i4Tham- 
muz  de  l'an  7  de  Cambyse,  3  heures  et  12  après  la  tombée  de  la  nuit.  Celte  date  et 
celle  que  donne  Ptolémée  répondent  au  16  juillet  523,  selon  le  calendrier  julien.  On 
peut  tirer  de  là  une  fixation  plus  précise  pour  certaines  dates  de  la  chronologie  perse. 
11  en  résulte,  en  elVet,  dit  M.  Oppert,  que  la  mort  du  faux  Smerdis  et  l'avènement  de 
Darius  doivent  être  placés  en  octobre  52  1,  et  l'avènement  de  Xerxès  postérieurement 
au  mois  de  septembre  485. 

Ouvrage  présenté  par  M.  Bréal  :  Duvau  (Louis),  Ciste  de  Préneste  (extrait  des  Mé- 
langes de  l'Ecole  française  de  Rome). 

Julien  Havet. 


Séance  du  26  septembre  18 go. 

M.   Edmond  Le  Blant  lit  un  mémoire  Sur  trois  statues  cachées  par  les  anciens. 

Trois  des  plus  belles  statues  de  l'aniiquité  païenne,  aujourd'hui  conservées  dans 
nos  musées,  ont  été  découvertes  dans  des  réduits  obscurs  où  les  anciens  les  avaient 
cachées  :  la  Vénus  du  Capitole,  dans  un  mur  du  quartier  de  Suburra  ;  la  Vénus  de 
Milo  dans  un  caveau  étroit,  au  coin  d'un  rempart;  le  colosse  d'Hercule  en  bronze 
doré,  dit  l'Hercule  Mastaï.  que  renfermait,  à  8  mènes  sous  terre,  une  petite  fosse 
murée  et  construite  avec  beaucoup  de  soin. 

Ce  ne  sont  pas  l<à  des  hasards.  Des  textes,  cités  par  M.  Le  Blant,  prouvent  que  les 
idoles  furent  ainsi  cachées  à  dessein,  au  moment  du  triomphe  du  christianisme, 
par  les  païens  qui  voulaient  les  sauver  d'une  destruction  à  peu  près  certaine.  Ces 
dévots  de  la  vieille  religion  mettaient  d'autant  plus  de  zèle  à  préserver  les  images  de 
leurs  dieux,  qu'ils  pensaient  que  la  victoire  du  christianisme  était  éphémère  et  que 
l'ancien  culte  serait  bientôt  rétabli.  Une  prédiction,  répandue  parmi  eux,  affirmait 
que  le  règne  du  christianisme  ne  durerait  que  365  ans.  De  toutes  parts,  on  s'appli- 
qua donc  à  dissimuler  les  idoles,  et  les  chrétiens  virent  là  l'accomplissement  d'une 
prophét'e  d'isaïe  :  AbsconJent  Deos  suos  in  speluncis  et  cavernis  pelr  rum,  neque 
ibi  celabunt  eos.  Souvent,  conformément  à  ces  derniers  mots,  les  cachettes  furent 
découvenes  et  les  images  furent,  tantôt  détruites,  tantôt  simplement  «  désatîectées  » 
et  utilisées,  comme  de  simples  objets  d'art,  pour  la  décoration  des  édifices  publics. 

M.  Michel  Bréal  lit  une  élude  sur  la  prononciation  duc  en  latin.  La  plupart  des 
linguistes  admettent  que  le  c,  dans  la  langue  latine,  a  conservé  jusqu'à  la  fin  de  l'an- 
tiquité, même  devant  les  voyelles  e  ou  i,  la  prononciation  du  k.  M.  Bréal  conteste 
cette  assertion.  Il  indique  diverses  raisons  de  croire  que,  de   très  bonne  heure,  la 


212  RKVUE    CRITIQUE    D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

prononciation  du  c  devant   Ve  ou   1'/   se  modifia  et  que  cette  lettre  prit,  dans  cette 
position,  un  son  intermédiaire  entre  le  k  ci  le  ci  italien. 

M.  Deloche  rappelle  que,  dans  un    mémoire  lu   à  l'Académie,  il   a   étudié  un   vase 

gaulois  du  temps  de  Justinien,  qui  porte  une  inscription  où  le  mot  officina  est  écrit 
IFIKINA. 

M.  Bréal  incline  à  voir,  dans  l'exemple  cité  par  M.  Dcloche,  une  simple  faute  de 
gravure.  Au  temps  de  Justinien,  la  syllabe  ci  ne  se  prononçait  certainement  plus 
comme  ki. 

M.  Grellet-Balguerie  communique  une  noie  sur  l'emploi  de  l'ère  chrétienne  en 
France  au  vn"^  siècle.  Il  combat  l'opinion  commune,  selon  laquelle  l'ère  chrétienne 
ne  tut  d'un  usage  habituel  qu'à  partu-  de  la  seconde  moitié  du  vin'  siècle,  et  il  sou- 
tient qu'on  rencontre,  dès  le  siècle  précédent,  de  nombreux  exemples  de  cette  taçon 
de  dater.  Le  plus  ancien  de  ces  exemples  serait  de  632,  sous  le  règne  de  Dago- 
bert  I^'. 

M.  Oppert,  continuant  sa  lecture  sur  l'interprétation  des  données  chronologiques 
contenues  dans  les  tablettes  babyloniennes,  critique  la  traduction  proposée  par  le 
P.  Kpping,  au  sujet  de  certains  tableaux  d'observations  lunaires.  Là  où  le  savant 
jésuite  a  voulu  voir  des  indications  de  degrés,  M.  Oppert  ne  reconnaît  que  des  chif- 
fres d'heuies,  et  il  montre  que  ces  chiffres  sont  en  accord  exact  avec  les  constatations 
des  astronomes. 

Ouvrages  pr^'sentés  :  -  par  M.  Delisle  :  i°  Omont  (Henri),  Catalogue  des  manus- 
crits grecs  des  bibliothèques  des  villes  hanséatiques,  Hambourg,  Brème  et  Lubeck 
(extrait  du  Centralblatt  Jiir  Bibliothcksivesen)  ;  2"  le  même.  Catalogue  des  manus- 
crits celtiques  et  basques  de  la  Bibliothèque  nationale  (extrait  de  la  Revue  celtique)  ; 
3"  LE  MÊME,  Inventaire  sommaire  des  manuscrits  de  la  collection  Renaudot,  conser- 
vée à  la  Bibliothèque  nationale  (extrait  de  la  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  chartes); 
4°  Douais  (le  chanoine  C. ),  les  Manuscrits  du  château  de  MerviUe  ;  —  par  M.Siméon 
Luce  :  Marin  (Paul),  Jeanne  Darc  tacticien  et  stratégiste,  tome  IV. 

Julien  Havet. 


Séance  du  3  octobre  18 go. 

M.  Léopold  Delisle  donne  lecture  d'un  mémoire  sur  les  traductions  françaises  de 
l'ouvrage  de  Pétrarque  :  Remèdes  de  l'une  et  Vautre  Fortune.  11  distingue  deux  tra- 
ductions :  l'une,  exécutée  pour  Charles  V,  vers  i^yS,  imprimée  en  1524,  ei  attribuée 
à  tort  par  les  bibliographes  modernes  à  Nicole  Oresme,  est  de  Jean  Daudin,  cha- 
noine de  la  Sainte-Chapelle;  l'autre  fut  faite  en  i5o3,  pour  Louis  XII,  par  un  auteur 
dont  le  nom  n'est  pas  connu, 

M.  Hamy  signale  les  fouilles  dirigées  par  M.  le  D"'  Verneau,  du  Muséum  d'histoire 
naturelle,  sur  le  territoire  de  la  commune  des  Mureaux,  près  Meulan  (Seine-et-Oise). 
On  a  mis  au  jour  une  allée  couverte,  comprenant  une  chambre  sépulcrale  et  un 
vestibule,  et  renfermant  de  nombreux  squelettes  accroupis,  accompagnés  de  divers 
objets  en  os,  en  silex,  etc.  Les  enfants  étaient  inhumés  à  part,  contre  une_  des 
parois  du  monument.  Les  matériaux  employés  sont  gigantesques;  la  chambre  sépul- 
crale mesure  9  mètres  de  longueur,  i  m.  60  à  2  m.  lo  de  largeur  et  i  m.  55  à 
I  m.  60  de  hauteur.  —  L'entrée  de  la  galerie  a  été  en  partie  démolie  lors  de  la 
construction  d'une  voie  romaine,  qui  passe  immédiatement  au-dessus  du  vestibule 
d'entrée  du  monument.  Ce  fait  suffirait  à  démontrer,  s'il  en  était  encore  besoin, 
l'antiquité  relative  des  deux  ordres  de  construction  —  On  a  rencontré,  aux  envi- 
rons, diverses  aniiquités  de  l'époque  romaine,  notamment  un  petit  édifice  carré, 
couvert  de  peintures,  où  l'on  distinguait  encore,  entre  autres  figures,  une  sorte  de 
phénix  polychrome. 

M.  Deloche  continue  la  lecture  de  son  mémoire  sur  l'histoire  de  la  ville  de  Saint- 
Remi-de-Provence . 

M.  Wallon,  secrétaire  perpétuel,  annonce  qu'en  vertu  d'une  décision  prise  par 
l'assemblée  générale  des  cinq  académies,  un  même  ouvrage  ne  pourra  désormais  être 
présenté  à  la  fois  à  plusieurs  concours  de  Tlnstitut. 

M.  Louis  Batiffol  communique  une  étude  sur  la  magistrature  du  prévôt  des  mar- 
chands, à  Paris,  à  la  fin  du  xiv^  siècle  et  au  commencement  du  xv^  siècle.  Il  expose 
que,  sous  le  règne  de  Charles  VI,  la  municipalité  parisienne  et  toutes  les  libertés 
de  la  ville  furent  supprimées  par  l'autorité  royale.  Pendant  plus  de  vingt  ans,  de 
I  i3g  à  141  2,  les  fonctions  du  prévôt  des  marchands  furent  exercées  par  un  commis- 
saire ou  délégué  du  gouvernement,  une  sorte  de  vice-prévôt.  Les  Parisiens,  cepen- 
dant, conservèrent  l'habitude  de  considérer  le  prévôt  des  marchands  comme  le 
véritable  chef  du  peuple  de  Paris. 

Ouvrage  présenté,  de  la  part  de  l'auteur,  par  M.  Siméon  Luce  :  Gasté  (Armand), 
la  Jeunesse  de  Malherbe,  documents  et  vers  inédits. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N^  42  —  20  octobre  —  1890 


Sommaii-e  t  437.  La  science  la  robe  au  vent.  —  438.  Ethé,  Catalogue  des  ma- 
nuscrits persans  de  la  Bodléienne.  —  439.  Spanhogue,  Corrections  à  Cicéron.  — 
440.  Reich,  Institutions  gréco-romaines.  —  441.  Castelli,  Histoire  des  Israélites. 

—  442.  Vernes,  Précis  d'histoire.  —  443.    Journal  de  la  Société  finno-ougrienne. 

—  444.  Gasquet,  Etudes  byzantines.  —  443.  Zeller,  Histoire  d'Allemagne,  vi. — 
446-447.  De  Marsy,  La  fausse  Jeanne  d'Arc  ;  Pierre  Cauchon.  —  448.  Fournel, 
Les  hommes  du  14  juillet.  —  449.  Berthelé,  Les  arts  en  Poitou.  —  45o.  Lecoy 
de  la  Marche,  Les  sceaux.  —  45 1.  Inventaire  général  des  richesses  d'art  de  la 
France.  Paris,  monuments  civils,  11.  —  452.  Triger,  Eugène  Hucher.  —  453. 
Petroz,  La  peinture  au  musée  du  Louvre.  —  454.  Wolfram,  Une  statuette  de 
Charlemagne.  —  455.  Bover,  Les  enceintes  de  Bourges.  —  Chronique.  —  Acadé- 
mie des  Inscriptions. 


437.  —  La  Science  In  Robe  au  Vent.  Promenades  buissonnières  en  cinq  par- 
ties. Souvenirs  du  VIU'  Congrès  international  des  Orientalistes  Stockholm- 
Christiania,  1889,  en  prose,  en  verset  en  latin,  par  l'original  du  portrait.  Fron- 
tispice. —  Leiden,  E.  J.  Brill,  1890,  petit  in-8,  pp.  viii-88  -f  12  p.  de  musique. 
4  francs. 

Je  transcris  in  extenso  le  titre  de  ce  joli  volume  parce  qu'il  indique  la 
nature  de  l'aimable  fantaisie  que  vient  de  nous  donner  M.  Olivier 
Beauregard  sous  le  voile  de  l'anonyme.  Malgré  quelques  notes  scienti- 
fiques, cette  publication  n'est  pas  justiciable  de  la  grave  Revue  critique. 
Les  Français  qui  sont  allés  au  Congrès  des  orientalistes  en  Suède  et  en 
Norvège  l'année  dernière,  se  rappellent  le  vieillard  alerte,  qui  par  sa 
gaieté  ec  son  entrain  a  grandement  contribué  à  abréger  de  longues 
heures  de  route;  il  veut  évidemment,  aujourd'hui,  laisser  à  ses  anciens 
compagnons  de  voyage  un  keepsake  rappelant  d'agréables  heures  passées 
ensemble.  Nous  le  remercions  de  tout  cœur. 

Henri  Cordier. 


438.  —  Catalogue  of  tlie  Per-sîan,  Turkish,  Hindûstânî,  and  Pushtû  Manus- 
cripts  in  the  Bodleian  Library,  begun  by  Professor  Ed.  Sachau,  Ph.  D.  of  the 
University  of  Berlin,  continued,  completed  and  edited  by  Hermann  Ethé,  Ph.  D., 
Hon.  M.  A.  Part  I,  The  Persian  manuscripts,  Oxford,  at  the  Clarendon  Press, 
1889,  I  vol.  in-4,  xii-ii5o  pages. 

Le  catalogue  des  manuscrits  persans  de  la  Bodléienne  fait  un  digne 
pendant  à  celui  du  British  Muséum.  Les  deux  collections  sont  à  peu 
près  aussi  considérables  :  celle  du  Muséum  compte,  ou  du  moins  comp- 
tait, quand  l'impression  du  catalogue  fut  achevée  (i883),  deux  mille  cinq 
cent  trente-six  manuscrits;  celle  de  Bodley  en  compte  deux  mille  trente- 
Nouvelle    série,  XXX.  4a 


2  14  REVUE    CRITIQUE 

huit.  La  rédaction  de  Pun  et  l'autre  catalogue  a  été  confiée  aux  deuj 
savants  d'Europe  qui  possèdent  le  mieux  cette  vaste  littérature,  pour 
l'un  au  D""  Rieu,  pour  l'autre  au  D^  Ethé. 

M.  Ethé  a  été  chargé  de  rédiger  le  catalogue  des  manuscrits  persans, 
turcs,  hindùstânîs  et  pushtûs  de  la  Bodléienne.  Le  présent  volume 
comprend  le  catalogue  persan  :  le  second  volume  décrira  les  manuscrits 
turcs,  hindùstânîs  et  pushtûs  et  comprendra  les  divers  index  et  Thistoire 
des  diverses  collections  qui  ont  contribué  à  former  le  trésor  oriental  de 
la  Bodléienne.  Le  catalogue  avait  été  commencé  par  le  D""  Sachau  qui 
avait  rédigé  la  partie  relative  au  fond  Ouseley  et  aux  manuscrits  Zo- 
roastriens  (lesquels  appartiennent  pour  la  plus  grande  partie  au  fonds 
Ouseley).  Mais  M,  Sachau  quitta  Oxford  vers  1872  pour  aller  professer 
à  Vienne,  et  M.  Ethé,  professeur  de  langues  orientales  à  l'Université  de 
Galles  (collège  d'Aberyswith),  a  repris  son  œuvre.  Après  près  de  quinze 
ans  de  travail,  il  vient  de  la  terminer. 

L'œuvre  de  M.  Ethé  diffère  essentiellement  de  celle  de  M.  Rieu.  Ce 
qui  fait  le  charme  particulier  du  catalogue  du  British  Muséum,  c'est 
qu'il  constitue  en  même  temps  comme  une  histoire  de  la  littérature 
persane.  M.  Rieu  a  réuni  sur  chaque  auteur  tous  les  détails  historiques 
et  littéraires  essentiels,  de  sorte  qu^en  attendant  l'histoire  de  la  littéra- 
ture persane  que  nous  promet  M.  Ethé,  le  catalogue  de  M.  Rieu  peut 
y  suppléer  dans  une  certaine  mesure.  M.  Ethé,  écrivant  après  M.  Rieu, 
n'avait  pas  à  refaire  Tœuvre  de  son  prédécesseur  et  s''est  contenté  d'y 
renvoyer,  11  s'est  strictement  renfermé  dans  l'analyse  des  manuscrits, 
se  bornant  à  donner  le  nom  et  la  date  de  l'auteur,  la  date  de  la  compo- 
sition de  l'ouvrage  et  celle  du  manuscrit  :  pour  toutes  les  questions 
d'histoire  littéraire,  il  renvoie  aux  travaux  qui  peuvent  exister  sur  le 
sujet  et  dont  il  donne  une  bibliographie  très  complète.  Même  quand  il 
s'agit  d'œuvres  inconnues  avant  lui  et  sur  lesquelles  il  a  apporté  des  lu- 
mières nouvelles,  il  se  contente  de  renvoyer  à  ses  mémoires  sans  en  don- 
ner le  résumé.  Dans  quelques  cas  rares  seulement  il  s'écarte  de  cette 
règle  ;  par  exemple,  dans  la  description  du  n°  1422,  qui  contient  tant  de 
traités  philosophiques  intéressants,  entre  autres  une  traduction  du  Ilept 
Wuyr^ç  d'Aristote,  qu'il  attribue  à  Avicenne,  et  un  commentaire  sur  un 
apocryphe  philosophique,  le  risâlai  ^ûra  de  Zoroastre,  qu'il  attri" 
bue  à  un  contemporain  zoroastrien  d'Ibn  Sinâ;  dans  la  description 
du  n"^  97  (Chronique  universelle  écrite  sous  Humâyûn),  ou  dans t 
la  description  du  n»  1576  le  Dhakliirahi  Kh)pdri:^mshâhî,  la  pre- 
mière encyclopédie  médicale  de  la  Perse,  rédigée  au  commencement 
du  xii''  siècle.  Nous  nous  tromperons  peu  sans  doute  en  attribuant 
à  M.  Sachau  les  articles  de  ce  genre,  qui  la  plupart  d'ailleurs  se 
rapportent  au  fond  Ouseley;  mais  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  | j 
regretter  que  M.  Ethé  n'ait  pas  suivi  ce  modèle.  Dans  les  1,146  pages  de  '[ 
ce  catalogue,  il  nesortdu  style  d'inventaire  que  dans  deux  occasions  :  une 
fois  pour  décerner  l'épithète  d'inimitable  au  poème  de  Firdousi,  sur  qui 


•I 


d'histoire  et  de  littérature  2  I  5 

pourtant  ses  recherches  ont  amassé  tant  de  faits  nouveaux  qui  auraient 
intéressé  le  lecteur,  et  une  autre  fois  pour  défendre  contre  le  catalogue 
du  Brilish  Muséum  la  respectabilité  d'un  poème  mystique  de  Hilâlî 
traduit  par  M.  Ethé  (le  Shah  u  Gadd).  Mais  il  faut  accepter  Pœuvre  de 
M.  Ethé  telle  qu'il  Ta  conçue,  et  en  ce  sens  elle  est  le  modèle  du  genre. 
Il  nous  dédommagera  dans  son  Histoire  de  la  littérature  persane. 

Un  catalogue  ainsi  conçu  prête  peu  à  l'analyse.  Il  y  aurait  à  mettre 
en  lumière  les  raretés  de  celte  collection  :  mais  M.  Ethé  le  fera  mieux 
que  personne  dans  l'introduction  de  son  second  volume,  ayant  eu  au 
cours  de  son  travail  à  passer  en  revue  en  détail  les  richesses  des  grandes 
collections  d'Europe,  déjà  cataloguées,  et  à  part  celle  de  Paris,  qui  le 
sera  bientôt,  la  plupart  le  sont  déjà.  Bientôt  il  sera  possible  de  faire  un 
catalogue  des  catalogues  et  de  dresser  un  index  général  de  la  littérature 
manuscrite  de  la  Perse  en  Europe.  Si  jamais  un  nouveau  congrès  des 
Orientalistes  se  réunit,  il  devrait  bien  prendre  des  mesures  pour  ame- 
ner la  rédaction  d'un  index  international  de  ce  genre  pour  les  divers  dé- 
partements de  Torientalisme  :  ce  serait  après  tout  le  moyen  de  rendre 
utile  cette  institution  étrange. 

Voici  quelques  notes  prises  au  courant  de  la  plume. 

N°  i6  Tabaqât  îNdsirî;  on  s'étonne  quedanslabibliographieM.  Ethé, 
qui  mentionne  les  fragments  traduits  par  Elliot  dans  son  Histoire  de 
l'Inde,  ne  mentionne  pas  la  traduction  complète  bien  connue  du  colonel 
Raverty,  2  vol.  1881. 

No  33.  Premier  volume  du  Ta  rikh  de  Hâfiz  Abrû,  une  des  raretés 
de  la  collection. 

N°  i33.  Zafar-nâma  de  Sharaf-aldîn  ;  histoire  de  Tamerlan  ;  ajouter  à 
la  Bibliographie  l'édition  de  la  Bibliotheca  Indica,  1887  et  suite. 

N"  221.  Tif{uki  Jahângïrî,  Mémoires  de  Jahângîr  ;  une  édition  a  été 
publiée  par  Sayyid  Ahmed,  le  chef  du  parti  libéral  musulman,  à  'Alîgarh, 
1864. 

N"  384,  p.  286  :  le  texte  complet  de  Minocihri  a  paru  depuis,  avec 
traduction  et  commentaire  par  M.  Kazimirski,  Paris,  1887. 

N°  493.  Shah  Nâma.  Signalons  ici,  à  propos  de  l'importance  spéciale 
que  semble  accorder  M.  E.  à  la  préface  dite  de  Bàisunghar,  une  erreur 
traditionnelle,  réfutée  il  y  a  plus  de  soixante  ans  par  M.  de  Sacy  et  qui 
s'est  pourtant  perpétuée  jusqu'à  présent  et  forme  un  des  dogmes  delà  cri- 
tique du  Shah  Nâma.  La  source  principale  pour  l'histoire  de  la  transmis- 
sion des  éléments  épiques  en  Perse  jusqu'à  Firdousi  est  une  préface  du 
Shah  Nâma  écrite  par  le  prince  Bàisunghar  Khân,  petit-fils  de  Tîmûr 
en  829  (1426).  Il  est  admis  que  les  exemplaires  qui  ont  cette  préface 
représenteraient  une  édition  faite  sur  les  ordres  de  Bàisunghar,  laquelle 
d'ailleurs  aurait  fait  disparaître  les  anciennes  versions,  car  ni  les  ressem- 
blances ni  les  différences  des  exemplaires  existants  ne  permettent  d'établir 
des  familles.  De  là  la  valeur  particulière  —  antiquité  à  part  —  prêtée 
aux  manuscrits  antérieurs  à  1426  ;  on  salua  avec  joie  en  i885  la  décou- 


2  1  6  REVUE    CRITIQUE 

verre  à  Téhéran  du  Zafar  Nàma  de  Hamdulla  Mustaufi  qui  porte  sur 
les  marges  une  recension  complète  de  Firdousi  de  jSS  (1334),  c'est-à- 
dire  antérieure  d'un  siècle  à  Bâisunghar.  Cette  division  des  manuscrits  en 
deux  classes,   manuscrits  antérieurs  à   1426,  manuscrits  postérieurs  à 
1426,  acceptée  par  M.  Rieu  même  comme  un  fait  reconnu,  repose  exclu- 
sivement sur  deux  lignes  malheureuses  de  Macan  dans  sa  Préface  à  son 
édition  du  Shah  Nâma  :  «  La  première  tentative  publique  pour  corriger 
«  le  texte  du  Shah  Nàma,  dit-il,  fut  faite  par  ordre  de  Bâisunghar  Khân, 
«  petit- fils  de  Tîmûr...  L'éditeur,  dans  sa  préface,  dit  que  Bâisunghar 
«  Khân  prenait  grand  plaisir  à  lire  le  Shah  Nâmâ,  mais  qu'il  trouva  le 
«  tout  si  corrompu  et  si  plein  d'erreurs  de  toutes  sortes  qu'il  fit  collation- 
«  ner  tous  les  exemplaires  de  sa  bibliothèque  et  en  écrire  un  correct  » 
«  (he  directed  ail  the  copies  in  his  library  to  be  collated,  and  a  correct 
(c  one  written).  »  Macan  ne  donne  pas  le  passage  de  la  préface  relatif  à 
cette  prétendue  recension  et  ses  successeurs  n'ayant  pas  eu  recours  au 
texte  original  ou  l'ayant  lu  d'un  œil  prévenu,  ont  accepté  sa  donnée  de 
confiance.  M.  Mohl  parle  de  cette  recension  de  Bâisunghar  sans  citer 
l'autorité,  se  référant  sans  doute  à  Macan.  La  chose  était  pourtant  assez 
importante  pour  qu'elle  valût  la  peine  d'être  vérifiée.  Cinq  ans  avant  la 
publication  du  premier  volume  du  Shah  Nâma,  le  maître  de  M.  Mohl, 
Sylvestre  de  Sacy,  ayant  à  parler  de  l'édition  et  de  la  préface  de  Macan, 
se  reportait  au  texte  de  la  préface  de  Bâisunghar  et  constatait  que  Macan 
avait  transporté  et  appliqué  les  idées  et  les  procédés  de  la  critique  euro- 
péenne à  une  simple  revision  d'un  genre  fort  différent.  La  préface  dit  que 
Bâisunghar  s'occupait  de  temps  à  autre  de  la  lecture  du  Shah   Nâma, 
mais  «  quoiqu'il  y  eût  dans  la  Bibliothèque  royale  plusieurs  exemplaires 
a  du  Shah  Nâmeh,  il  n'y  en  avait  cependant  aucun  qui  satisfît  le  naturel 
«  délicat  et  le  goût  fin  de  ce  roi  fils  de  roi...  Un  ordre  émana  donc  de  la 
a  volonté  royale  pour  que,  de  plusieurs  exemplaires  en  ayant  corrigé  un, 
«  on  le  décorât  '  d'une  écriture  semblable  à  une  chaîne  formée  d'anneaux 
«  de  couleur  de  musc,  enlacés  ensemble,  et  qui,  cependant,  coulât  avec 
«  aisance  comme  un  ruisseau  d'eau  courante.  Le  même  ordre  comman- 
«  dait  que  dans  la  préface  on  racontât  de  quelle  manière  a  été  composé 
«  le  Bdsitân  Nâmeh  qui  est  la  source  du  Shah  Nâmeh  ~  ».  Bâisunghar 
fait  corriger  les  fautes  d'un  exemplaire  de  sa  collection  et  en  fait  pren- 
dre une  copie  calligraphique.  Il  y  a  loin  de  là,  comme  on  voit,  à  une 
collection  de  manuscrits  et  à  une  recension  critique.  Nous  avons  cru 
utile  de  profiter  de  l'occasion  pour  relever  un  exemple  curieux  de  la 
façon  dont  la  convention  scientifique  perpétue  des  erreurs  que  l'a  peu 
près  du  premier  instant  a  créées  et  que  la  plus  haute  autorité  ne  peut 
déraciner. 


1.  j\  partir  d'ici  jusqu'à  la  fin  de  la  phrase  le  texte  est  une  citation  en  vers.  Il  est 
probable  que  la  préface  de  nos  manuscrits  n'est  point  la  préface  même  de  l'exem- 
plaire de  Bâisunghar,  que  celle-ci  était  en  vers  et  que  la  nôtre  en  est  une  rédaction  en 
prose  postérieure. 

2.  Journal  des  Savants,  i833,  p.  Sg. 


d'histoire  et  de  littérature  217 

N°  5 1 1 .  Bar^û  Ndma.  Il  existe  un  refacimento  gujerati  du  Barzû  nâma 
en  seize  volumes,  publié  à  Bombay  par  l'imprimerie  du  Samâcâr.  Toute 
l'épopée  persane  a  d'ailleurs  produit  une  bibliothèque  bleue  gujeratie 
qu'il  ne  faudra  pas  négliger  dans  une  histoire  complète  de  l'épopée.  Ces 
traductions,  que  des  lecteurs  publics  lisaient  au  public  réuni  en  cercle 
sur  l'Esplanade,  au  bord  de  la  mer,  il  y  a  quarante  ans  encore,  sont  rela- 
tivement anciennes. 

No  646.  Jaldl-aldin  Rûmî,  Mathnawî.  Aux  éditions  citées  ajouter  la 
meilleure  de  toutes,  celle  de  Muhammad  Tâhir  Mustaufi  (Téhéran, 
H.  1 299),  accompagnée  d'un  index  alphabétique  des  commencements  de 
vers  qui  permet  de  retrouver  n'importe  quel  vers  de  l'immense  poème. 

N°  753.  Amir  Khosrau.  Noter  l'édition  du  Divân  'Ansari  (choix  des 
Quatre  Dîvâns),  Lucknau,  1874. 

Parmi  les  raretés  de  la  Bodléienne,  signalons  le  premier  volume  du 
Ta'rïkh  de  Hâfiz  Abrû,  le  grand  historien  et  géographe  des  Timuri- 
des,  une  des  principales  autorités  de  Mirkhond  (n°  33),  le  Tcvrikh-i-Alfi 
ou  annales  du  Millenium  qui  suit  la  mort  de  Mahomet,  écrit  sur  Tordre 
d'Akbar  et  importantes  par  la  détermination  précise  des  dates  (n^gg); 
la  correspondance  diploma  ique  de  Shah  'Abbâs  et  de  Jahângîr  sur  les 
affaires  de  Qandahâr  en  1621  (n°  2  55);  ec  surtout  les  tadhkira  de  poètes, 
d'où  M.  Ethé  a  tiré  tant  de  renseignements  inédits  sur  les  premières  pé- 
riodes de  la  poésie  persane  et  qui  ont  permis  de  refaire  l'histoire  de  ses  ori- 
gines. Si  la  Bodléienne  n'a  pas  le  tadhkira  de  Muhammad  'Aufî,  le  plus 
ancien  et  le  plus  précieux  de  tous,  elle  a  le  Butkhdna  avec  des  citations 
de  cent  quinze  poètes,  la  plupart  anciens  (cf.  le  n^  1094)  5  ^^  Mirdt  al 
Khayâl,  avec  cent  trente-six  biographies  de  poètes;  le  second  volume 
de  la  Safîna  avec  huit  cent  dix  biographies;  l'Anthologie  de  Muhammad 
'Alîkhân  avec  des  spécimens  de  sept  cent  cinquante-cinq  poètes;  le  colos- 
sal dictionnaire  biographique  d'Ahmad  'Alîkhân  Hâshîmî  (H.  1218  = 
i8o3),  le  Makh^an  al  ghavaib,  qui  contient  trois  mille  cent  quarante- 
huit  biographies.  Pour  chacun  de  ses  ouvrages,  le  catalogue  donne  la 
liste  complète  des  poètes  cités  :  la  liste  du  Makh\an  occupe  soixante-dix 
colonnes.  Il  n'est  guère,  comme  on  voit,  de  poète  ou  de  poètereau,  sur 
lequel  on  ne  soit  à  peu  près  sûr  de  trouver  rapidement  quelque  rensei- 
gnement dans  la  collection  de  la  Bodléienne. 

La  collection  zoroastrienne  est  sans  grande  importance:  mais  cette  an- 
née y  a  ajouté  deux  joyaux,  donnés  par  le  Dastur  Jamaspji.  Elle  pos- 
sède un  manuscrit  d'intérêt  historique,  le  premier  manuscrit  zend  qui 
soit  venu  en  Europe,  dont  un  feuillet  reproduit  en  fac-similé  décida  la 
vocation  d'Anquetil,  et  qu'à  son  retour  de  Bombay  il  trouva  à  Oxford 
attaché  avec  une  chaîne  à  la  réserve.  C'est  un  Vendidad  Sade  copié  en 
i65o  et  donné  à  la  Bodléienne  en  1718  par  un  marchand  de  Surate 
nommé  Boucher  (le  Bourchier  d'Anquetil)  ^ 

James  Darmesteter. 

I.  Le  manuscrit  porte:  «  Donum  D"i  Geo.  Bourcher  Mercat.  in  Surat,  in  usum 
Biblioth.  Bodleianae  apud  Oxonienses.  Anno  Domini  1718  ».  De  Bourcher  Anque- 


2l8  REVUE    CRITIQUE 

43ç). —  Em.   Spanhogue.   Emontlniîonee   X'ulliunsc'    lili»cclla.    Lcyde,  Brill  ;j 
Louvain,  Peeters,  1890.  Praef.  v-vii,  p.   1-6C,  in-8. 

Virtuosités  critiques  d'un  professeur  d'Anvers.  Les  patients  auxquels 
elles  sont  appliquées,  sont,  outre  Cicéron  à  peu  près  dans  tous  ses 
ouvrages,  quelques  prosateurs  grecs,  quelques  prosateurs  latins  et 
Horace.  Beaucoup  d'audace  et  aussi  beaucoup  de  sagacité  dépensée 
souvent  mal  à  propos  et  en  pure  perte.  Il  n''est  que  trop  clair  que  l'au- 
teur n'a  eu  plus  d'une  fois  sous  la  main  que  des  secours  insuffisants  ^ 

LMdéal  de  M.  Spanhogue  serait  d'avoir  donné  ne  fût-ce  qu'une  bonne 
correction  sur  vingt.  J'en  ai  lu  beaucoup,  hélas!  combien  en  est-il  de 
bonnes  ? 

Em.  Thomas. 


440.  —  Emil   Reich.     D.  J       Graeco-Roman    Institutions    from  anti-evolutio- 
nist  points  of  view.  Oxford,  Parker,   100  p.  in-8. 

Pourquoi  les  Romains  ont-ils  été,  de  tous  les  peuples,  les  seuls  qui 
aient  fait  du  droit  civil  une  science  véritable,  rigide  dans  ses  principes, 
souple  mais  toujours  conséquente  dans  ses  applications,  fixée  par  le 
jus  striclum,  mais  gardant  comme  instrument  d'expérimentation  et  de 
progrès  FÉdit  du  préteur  avec  ses  actiones  in  factiim  co?îceptae?  Dire 
qu'ils  avaient  pour  le  droit  des  aptitudes  spéciales,  c'est  répondre  à  la 
question  par  la  question;  c"'est  aussi  rendre  à  peu  près  inexplicable  le 
contraste  que  nous  offre  la  perfection  de  leur  droit  civil  et  Pincohérence, 
rinsuffisance  de  leur  droit  criminel. 

M.  Reich  affirme  hardiment  que  cette  vera  causa  tant  cherchée  est 
rinstitution  de  Yinfamia  ou  privation  à  perpétuité  du  droit  de  suffrage 
et  de  l'éligibilité,  infligée  à  la  suite  de  procès  en  matière  civile  (p.  21). 
La  menace  perpétuelle  de  l'infamie  a  obligé  les  Romains  à  recourir  aux 
lumières  de  a  jurisprudents  »  qui  ont,  des  siècles  durant,  cherché  et 
trouvé  les  moyens  de  tourner  la  loi  sans  la  violer.  De  là  ce  développe- 
ment parallèle  des  deux  aspects  du  droit,  strict  et  formaliste  avec  la  loi,^ 
accommodant  et  soucieux  de  l'équité  naturelle  quand  il  procède  dej 
Vimperium  du  préteur.  De  là,  en  un  mot,  la  supériorité  du  droit  civil 
romain  sur  tous  les  autres. 

Cette  explication  surprend  à  première  vue,  et  les  objections  ne  man- 
quent pas.  Pourquoi  ràxtiJ-i'a  n'a-t-elle  pas  produit  les  mêmes  effets  à] 
Athènes?  Parce  que.,  répond  M.  R.  (p.  29-30),  Và.~a\).[x,  d'ailleurs  très] 
différente  de  Yinfamia,  graduée,  révocable,  est  infligée  par  la  juridictionj 
criminelle,  et  non  par  la  juridiction  civile.  A  Rome,  au  contraire,  lel 

til  a  fait  Bourchier  \  mais  le  premier  r  a  été  rayé  sur  le  manuscrit;  reste  donc  Bou- 
cher que  le  catalogue  transcrit  Bowcher,  tant  il  est  diflicile  d'arriver  à  l'accord  mêmei 
sur  un  fait  aussi  simple  en  apparence  que  la  détermination  d'un  nom  propre  mo- 
derne. 

I.  Pour  Cicéron,  Klotz,  et  dans  les  lettres,  Nobbe. 


d'histoire  et  de  littérature  219 

droit  criminel  est,  sous  ce  rapport,  plus  indulgent  que  la  loi  civile,  dans 
laquelle  il  a  infusé  son  esprit.  Soit,  Mais,  en  consultant  les  textes,  on 
voit  que  les  actions  civiles  entraînant  ïin/amia  visent  toujours  des  actes 
entachés  de  dol,  de  fraude,  de  parjure,  ou  de  véritables  vols;  si  bien 
qu'en  définitive,  ïin/amia  ne  relève  pas  du  droit  civil  proprement  dit, 
mais  de  cette  partie  du  droit  criminel  qu'une  classification  rudimentaire 
n'a  pas  dégagée  à  temps  du  droit  civil.  M.  R.  prévient  l'objection  en 
déclarant  (p.  24)  que  les  textes  ne  disent  pas  tout,  et  que  «  toute  action 
civile  pouvait  infliger  ïin/amia,  aussi  bien  que  l'exécution  de  n'importe 
quel  jugement  civil  ».  Il  n'accorde  aux  textes  qu'une  valeur  relative  et 
a  beaucoup  plus  de  confiance  dans  l'induction,  qui  le  mène  tout  droit, 
non  pas,  pense-t-il,  à  Thypothèse,  mais  à  la  certitude  historique.  Rome 
était  un  État  timocratique;  or,  l'histoire  démontre  que  les  timocraties 
sont  bien  vite  emportées  par  un  fléau  qu'elles  ont  elles-mêmes  déchaîné, 
l'envie  d'acquérir,  la  préoccupation  exclusive  de  la  richesse.  Puisque 
Rome  a  prospéré,  c'est  qu'elle  a  su  trouver  un  frein  à  cet  appétit  désor- 
donné, et  il  n'en  est  pas  de  plus  efficace  que  la  menace  de  ïin/amia 
suspendue  au-dessus  de  tout  calcul  d'intérêt.  C'est  raisonner  fort  bien, 
dirons-nous  à  notre  tour,  mais  c'est  aussi  substituer  le  raisonnement  a 
priori  aux  preuves  matérielles,  qui  font  ici  défaut. 

Faisons  un  pas  de  plus,  et  analysons  — •  au  besoin,  avec  l'aide  de  la 
logique  hégélienne  —  cette  crainte,  si  féconde  en  conséquences,  de  l'fn- 
famia.  Cette  force  négative  se  ramène  à  un  sentiment  positif  qu'elle 
présuppose,  à  savoir  une  haute  estime  des  droits  du  citoyen,  ceux-ci, 
ne  l'oublions  pas,  gradués  d'après  la  fortune.  M.  R.  n'en  demande  pas 
davantage  pour  expliquer  une  autre  particularité  du  droit  civil  romain, 
l'étendue  anormale  et  la  persistance  de  la  puissance  paternelle.  Si  les  fils 
de  famille,  quoique  formant  la  majorité  dans  les  comices,  n'ont  jamais 
voté  de  loi  qui  les  émancipât  à  un  certain  âge,  c'est  qu'ils  trouvaient 
leur  compte  à  être  classés  d'après  la  fortune  de  leur  père,  tandis  que, 
une  fois  émancipés,  ils  n'auraient  eu  d'autre  cens  que  leur  petit  pécule 
et  auraient  vu  leur  droit  de  suffrage  s'amoindrir  d'autant.  C'est  encore 
le  même  sentiment  —  équivalent  positif  de  la  crainte  de  ïin/amia  —  qui 
a  engendré  et  maintenu  l'esclavage  dans  le  monde  classique.  Il  fallait 
que  les  citoyens,  les  hommes  libres,  fussent  peu  nombreux  pour  que  le 
droit  de  cité  gardât  toute  sa  valeur.  D'autre  part,  l'esclave  antique 
n'était  pas,  à  Rome  surtout,  la  bête  de  somme  qu'a  été  le  nègre  d'Amé- 
rique. Précisément  parce  qu'il  échappait  à  toutes  les  relations  sociales, 
que  c'était  «  l'homme  pur  et  simple  (p.  44)  »  et,  en  ce  sens,  le  plus 
«  libre  »  des  hommes,  il  est  devenu  un  instrument  précieux  aux  mains 
des  jurisconsultes  de  Rome,  qui  faisaient  aboutir  par  son  intermédiaire 
des  combinaisons  autrement  impraticables.  Or,  ces  combinaisons  ont 
elles-mêmes  pour  but  d'éviter  ïin/amia,  si  bien  que  c'est,  au  fond,  le 
même  facteur  psychologique  qui  aiguillonne  l'intelligence  du  juriscon- 
sulte et  lui  fournit  son  outil  de  prédilection.  Nous  voilà  revenus  au  point 


2  20  REVUK    CRITIQUE 

de  départ.  L'exaltation  du  sentiment  civique,  la  crainte  de  perdre 
l'exercice  du  plein  droit  de  cité,  a  été  le  ressort  moteur  de  la  jurispru- 
dence romaine  et  la  cause  cachée  de  son  incomparable  virtuosité. 

Du  reste,  M,  R.  n'est  pas  autrement  enthousiaste  de  ce  droit  romain, 
qui  n'a  été  propagé  parmi  les  nations  modernes  qu'à  l'instigation  et  au 
bénéfice  des  despotes  (p.  54-64).  Il  n'en  est  pas  de  plus  scientifique;  mais 
scientifique  ne  veut  pas  dire  satisfaisant  pour  le  sens  moral.  Pourquoi 
M.  Reich  veut-il,  par  surcroît,  que  Phistoire  de  ce  droit,  et,  en  général 
des  institutions  sociales,  soit  une  réfutation  des  théories  darwiniennes? 
Il  raisonne  pour  le  droit  romain  comme  les  catholiques  pour  leur 
dogme,  affirmant  qu'il  était  donné  tout  entier  dès  le  début  et  que  les 
définitions  postérieures  n  vont  rien  ajouté.  Mais  faire  sortir  des  principes 
les  conséquences  qui  y  étaient  virtuellement  contenues,  c'est  aussi  de 
l'évolution;  c'est  même  l'évolution  au  sens  rigoureux  du  mot.  II  y  a  là 
(p.  65-72)  une  sorte  de  hors-d'œuvre,  qui  a  pu  être  très  goûté  à  Oxford, 
où  ces  études  ont  fourni  la  matière  de  quatre  «  lectures  n,  mais  qui  a 
perdu  de  son  actualité  en  passant  le  détroit. 

Je  ne  prétends  pas  que  ce  petit  livre  soit  un  guide  très  sûr  pour  les 
amateurs  de  science  toute  faite;  il  heurte  avec  un  air  de  défi  bien  des 
idées  reçues  et  qui  ne  me  paraissent  pas  encore  réfutées;  mais  il  est 
éminemment  suggestif,  et  ceux-là  même,  j'allais  dire  ceux-là  surtout 
qu'il  n'aura  pas  convertis  ne  Tauront  pas  lu  sans  profit. 

A.  B.-L. 


441.  —   I.   David  Castelli.  Stoi-îa    degl'   Is^racliti.  Milano,  Hœpli.  2  vol.  in-8 
de  cin-416  et  470  p.,  1887-8. 

442.  —  2.  Maurice  Vernes.  Précis  d'histoii-e  juive  depuis  les  origines  jusqu'à 
l'époque  persane.  Paris,  Hachette,  in- 16,  828  p. 

1.  L'ouvrage  de  M.  Castelli  n'apprendra  peut-être   pas  grand'chose 
aux  lecteurs  qui  sont  au  courant  des  travaux  accomplis  depuis  un  demi- 
siècle  par  l'exégèse  protestante  dans  le  domaine  des  études  bibliques; 
mais  ces  lecteurs  sont  rares  en  France;  ils  doivent  l'être  encore  davan- 
tage en  Italie.   En  dehors  de  cette  petite  élite,  tout  le  monde  lira  ces  -i, 
deux  volumes  avec  autant  de  profit  que  de  plaisir.  L'auteur  est  bien 
informé,  sa  méthode  est  sûre  et  prudente,  ses  divisions  heureuses,  enfin 
il  sait  présenter  le  résultat  de  ses  recherches  avec  clarté  et  non  sans 
agrément.  Tout  au  plus  pourrait-on  souhaiter  que,  dans  un  ouvrage  J 
aussi  affranchi  de  préjugés  d'église,  l'histoire  israélite  eût  été  exposée 
suivant  son  véritable  ordre  chronologique,  et  non  pas  d'après  la  succes- 
sion arbitraire  à  laquelle  nous  a  habitués  la  disposition  traditionnelle 
des  livres  bibliques.  Plus  cette  habitude  est  invétérée,  plus  il  importe  : 
de  réagir  contre  elle,  surtout  dans  des  ouvrages  comme  celui-ci,  destiné  ■ 
à  l'éducation  des  générations  futures. 

2.  La  même  critique,  ou  peu  s'en  faut,  s'adresse  au  très  intéressant 


D  HISTOIRE   ET   DE   LITTERATURE  221 

Précis  de  M.  Vernes  i;  lui  aussi  a  cru  devoir  conserver  en  tête  d'une 
Histoire  juive  deux  longs  chapitres  consacre's  à  r«  Épopée  des  patriar- 
ches »  et  à  «  l'Epopée  de  l'exode  et  de  la  conquête  «,  qui  eussent  été  beau- 
coup mieux  placés  ailleurs  ;  nous  n'apercevons  pas  clairement  les  raisons 
pour  lesquelles  M.  V.,  comme  il  le  dit  lui-même  (p.  i8),  a  décidé,  «  à  la 
réflexion  »,  de  ne  pas  modifier  l'usage  traditionnel. 

Ce  défaut  de  composition  est  d'ailleurs  à  peu  près  le  seul  trait  commun 
à  nos  deux  Précis.  Autant  M.  Castelli  est  un  disciple,  sinon  servile, 
du  moins  docile,  des  maîtres  actuels  de  Texégèse  biblique,  Reuss, 
Kuenen,  Wellhausen,  etc.,  autant  M.  Vernes,  après  avoir  puisé  d'abord 
aux  mêmes  sources,  a  eu  hâte  de  s'affranchir  et  de  se  poser  à  son  tour  en 
chef  d'école.  Ce  n'est  pas,  hâtons-nous  de  le  dire,  qu'il  manque  de 
respect  et  de  reconnaissance  envers  les  savants  qui  lui  ont  frayé  la  voie, 
envers  M.  Reuss  en  particulier;  son  admiration  pour  ce  dernier  se 
traduit  même  par  de  fréquentes,  de  longues,  de  très  longues  citations 
textuelles.  Mais  sur  les  deux  ou  trois  points  capitaux  qui  forment  pour 
ainsi  dire  les  piliers  du  système  de  l'exégèse  moderne,  M.  Vernes 
est  arrivé  à  des  conclusions  diamétralement  opposées  à  celles  de  ses 
maîtres.  Il  ne  croit  plus  ni  au  polythéisme  primitif  des  Hébreux,  ni  à  la 
possibilité  de  distinguer  dans  Y Hexateuque  des  couches  successives, 
maladroitement  juxtaposées  par  le  dernier  compilateur.  Pour  lui,  toutes 
les  parties  essentielles  de  la  Bible  ont  été  non  pas  rédigées  (là-dessus  on 
pourrait  s'entendre),  mais  a  librement  composées  »  dans  une  période 
très  récente  et  très  courte  —  entre  400  et  200  avant  J.-C,  —  par  des 
a  docteurs  juifs  »  qui  différaient  sans  doute  d'avis  sur  certaines  ques- 
tions de  dogme  et  de  culte,  mais  qui,  en  somme,  s'accordaient  tous  «  dans 
un  monothéisme  hautement  moral  et  spiritualiste  et  affirment  que  la 
divinité  a  fait  choix,  entre  toutes  les  nations,  du  peuple  Israélite  pour  le 
combler  de  ses  dons  s'il  se  conforme  à  ses  lois.  »  \J Hexateuque  tout 
entier  est  un  roman  historique  destiné  à  illustrer  cette  thèse.  Quant  aux 
écrits  prophétiques,  où  l'on  voyait  jusqu'à  présent  (sauf  exceptions) 
l'œuvre  authentique  de  témoins  et  d'acteurs  des  grandes  crises  politiques 
et  religieuses  qui  marquèrent  la  fin  des  deux  royaumes  hébreux, 
M.  Vernes,  à  la  suite  de  M.  Ernest  Havet,  veut  y  reconnaître  de  simples 
ouvrages }>seuciépigraphiques  où  des  noms  célèbres,  mis  en  vedette,  ser- 
vaient à  couvrir  et  à  recommander  au  public  du  iii^  siècle  avant  J.-C. 
une  marchandise  littéraire  plus  ou  moins  estimable.  A  cet  égard,  il  n'y 
aurait  plus  aucune  différence  à  faire  entre  Jérémie  et  Daniel. 

On  ne  peut  méconnaître  que  M.  Vernes  a  mis  au  service  de  ces 
opinions  paradoxales  beaucoup  de  hardiesse,  d'érudition  et  d'ingénio- 
sité. Mais  ces  qualités  seules  ne  suffisent  pas  pour  écrire  l'histoire,  et 

I.  Dans  un  autre  ouvrage  intitulé,  un  peu  ambitieusement  peut-être,  Les  résultats 
de  l'exégèse  biblique  ;Leroux,  1890)  M.  Vernes  n'a  guère  fait  que  grouper  systé- 
matiquement sous  les  trois  chefs  :  Histoire,  Religion,  Littérature,  les  vues  dévelop- 
pées plus  longuement  dans  le  Précis. 


222  REVUK    CRITIQUE 

c'est  d"histoire  qu'il  s'agit  dans  ce  livre.  Il  faut  à  l'hisloirien,  avant  tout, 
un  sens  critique  exercé  et  sévère,  même  à  Tégard  de  ses  propres  hypo- 
thèses,  le  sentiment  du  possible  et  du   «  successif  »,  la  connaissance 
exacte  du  milieu  ambiant  où  se  déroulent  les  événements  qu'il  raconte. 
Nous  ciaignons  que  ces  qualités  et  ces  connaissances  ne  soient  pas 
développées  chez  M.  Vernes  au  même  degré  que  d'autres,  moins  néces- 
saires. A  chaque  instant  il  passe,  sans  s'arrêter,  devant  des  détails  carac- 
téristiques,  des  nuances  d'expression   et  de    pensée    qui   auraient  dû 
l'avertir  des  différences  énormes  d'âge  et  de  civilisation  existant  entre  des 
textes  qu'il  jette  intrépidement  dans  le  même  moule.  Le  terrain  sur 
lequel  a  poussé  l'histoire  Israélite,  Thistoire  ancienne  de  l'Egypte,  de  la 
Syrie,  de  l'Assyrie,  est  pour  lui,  nous  ne  dirons  pas  une  terra  incognita^ 
mais  certainement  une  région  peu  explorée,  et  dont,  chose  singulière, 
il  déclare  l'exploration   peu  utile  pour  le  but  qu'il  s'est  proposé  :  il 
semble  que  cet  ex-théologien  croie  encore  à  la  création  ex  nihilo,  sinon 
du  monde,  du  moins  des  idées.  Ajoutons  que  ce  n'est  pas  seulement  à 
propos  de  ces  périodes  anciennes  que  Ton  surprend  des  lacunes  dans  la 
préparation  scientifique  de  M.  Vernes;  il  suffit  de  lire,  par  exemple,  les 
pages  consacrées  au  chapitre  x  de  la  Genèse  (p.  727  suiv.)  pour  se  con- 
vaincre à  quel  point  l'exégèse  biblique,  dépourvue  d'une  solide  base 
historique  et  géographique,  est  vouée  à  l'impuissance  ou  à  la  divaga- 
tion,  M.  Vernes  nous  affirme  sérieusement,  que    ce  fameux  tableau 
ethnographique  a  été  tracé  «  vers  l'époque  des  conquêtes  d'Alexandre  », 
dans  l'intention  de  souhaiter  la  bienvenue  aux  Grecs,  déguisés  sous  le 
nom  de  Japhat-Javan,  et  que  l'écrivain  juif  brûle  d'amener  au  giron  de 
son  église!  Comment  le  savant  auteur  ne  s'est-il  pas  aperçu  qu'à  l'épo- 
que 011  il  place  ce  morceau  l'emploi  des  mots  Gomer,  Ashkena^^  Thon- 
bal,  Mosoch,  pour  désigner  les  différentes  régions  de  l'Asie-Mineure, 
aurait  constitué   un  anachronisme  aussi  ridicule  qu'inintelligible?  Et 
que  penser  d'un  écrivain,  contemporain  d'Alexandre  «ou  de  ses  succes- 
seurs »,  qui  aurait  divisé  la  nation  hellénique  en  quatre  tribus  :  l'E- 
lide  (?),  Tarse  (?),   Chypre  et  Rhodes?  Si  de  pareilles  fantasmagories 
s'appellent  «   les  résultats  de   l'exégèse  moderne  »,   je  demande  à  être 
ramené  aux  contes  du  Talmud;  au  moins  les  bons  docteurs  de  Baby- 
lone  donnaient-ils  leurs  rêveries  pour  des  rêveries. 

Je  ne  parlerai  pas  du  style  de  ce  livre  puisque,  aussi  bien,  M.  Vernes 
paraît  n'attacher  qu'une  médiocre  importance  à  cette  partie  essentielle 
de  la  tâche  de  l'historien.  Mais  il  m'est  impossible,  en  terminant,  de  ne 
pas  signaler  le  contraste  singulier  que  l'on  observe  entre,  d'une  part,  la 
thèse  fondamentale  et  le  ton  général  de  ce  commentaire  biblique,  -   du 
Voltaire,  avec,  peut-être,  moins  d'esprit  —  et,  d'autre  part,  la  prétention     A 
hautement  affichée  par  l'auteur  de  rester  en  bons  termes  avec  l'Église,      .| 
avec  toutes  les  églises.  Comment  iM.  Vernes  réussit-il  à  concilier  «  son 
respectueux  attachement  pour  la  grande  tradition  religieuse  qui  »,  etc., 
(p.  12)  avec  un  système  qui  aboutit  à  faire  de  la  Bible  tout  entière  — 


d'histoire  et  de  littérature  22  3 

Hexateuque  et  Prophètes  —  une  vaste  entreprise  de  falsification  litté- 
raire? C'est  là  un  mystère  qui  exigerait  pour  être  élucidé  une  psycho- 
logie bien  autrement  pénétrante  que  la  mienne.  Après  tout,  dans  les 
temps  curieux  oti  nous  vivons,  il  ne  faut  s'étonner  de  rien.  Nous  avons 
revu  ailleurs  —  s'en  souvient-on  encore?  —  ce  mélange  piquant  de 
formules  radicales  et  d'œillades  cléricales.  M.  Vernes  nous  comprendra 
peut-être  et  nous  pardonnera  certainement  si  nous  définissons  sa  méthode 
et  son  livre  «  le  boulangisme  de  l'exégèse  » 

T.  R. 


^^3  —  Suornalais-ugrilaîsen  seui*an  aïkakauskîrja.  Journal  de  la  Société 
finno-ougrienne.  Helsingissie.  Suomalaisen  kirjallisuuJen  seuran  kirjapainossa, 
in-8;  fasc.  II,  1887.  xii-184  p.;  fasc.  III,  1888;  175  p.;  fasc.  IV,  1888,  xxxi- 
352  p.  avec  3ii  fig.  dans  le  texte;  fasc.  V,  1889,  i5g  p.;  fasc.  VI,  1889,  lyS  p.; 
fasc.  VII,  1889,  VI1-181  p. 

Ce  recueil  n'est  pas  encore  un  journal,  comme  il  en  prend  le  titre  en 
français;  mais,  par  sa  périodicité  de  plus  en  plus  fréquente,  il  tend  à 
s'en  rapprocher  :  au  lieu  d'un  fascicule  en  1886,  autant  en  1887,  il  en  a 
paru  deux  en  1888  et  trois  en  1889,  et  les  derniers  ne  sont  ni  moins 
volumineux,  ni  moins  bien  remplis  que  les  premiers.  La  plupart  ne 
contiennent  qu'un  seul  mémoire,  deux  seulement  se  composent  de  mé- 
langes; et  ce  ne  sont  pas  uniquement  des  Finnois  qui  ont  donné  leur 
concours  à  cette  utile  publication  :  un  mémoire  est  dû  à  deux  Norvé- 
giens; un  autre  à  un  Russe.  Ainsi  le  caractère  de  cosmopolitisme,  au 
moins  ougro-finnois,  que  nous  avions  signalé  dans  un  article  sur  le 
premier  fascicule,  y  est  marqué  autant  par  la  nationalité  différente  des 
auteurs  que  par  les  langues  dont  ils  se  sont  servis  :  le  français,  qui 
figure  sur  le  litre  a  été  employé  par  Mainof  (fasc.  V)  et  dans  le  Rapport 
annuel  de  1886  (fasc.  III);  le  reste  est  en  allemand  ou  en  finnois. 

Le  fasc.  II  est  rempli  par  des  recherches  de  E.  N  .  Setaslas,  Zitr  Ges- 
chichte  der  Tempus-  und  Modiis-Stammbildung  in  denjinnisch-ugris- 
chen  Sprachen ;  elles  portent  sur  le  finnois  avec  ses  dialectes  :  lekarélien, 
le  vepse  méridional,  le  vote,  le  kreevine,  l'esthonien  et  le  live;  sur  le 
lapon,  le  mordouine,  le  tchérémisse,  le  zyriaene-votiaque,  le  magyar,  le 
vogoule  et  l'ostiaque.  Outre  les  textes  dans  chacune  de  ces  langues  qui 
toutes  sont  écrites  depuis  plus  ou  moins  longtemps,  l'auteur  a  eu  à  con- 
sulter nombre  de  travaux  en  hongrois,  en  finnois,  en  allemand,  en  sué- 
dois, en  esthonien  et  en  latin  et  en  russe.  Pour  faciliter  les  comparai- 
sons, il  a  fallu  transcrire  en  caractères  latins  (modifiés  par  de  nombreux 
signes  placés  au-dessus,  mais  surtout  au-dessous  des  lettres)les  citations 
tirées  des  idiomes  qui  s'écrivent  avec  l'alphabet  russe.  L'auteur  s'efforce 
de  ramener  les  formes  du  présent  à  deux  suffixes,  celles  du  prétérit  à  un 
seul,  celles  du  conjonctif  à  trois;  il  regarde  l'impératif  comme  un  indi- 
catif accompagné  d'interjections.  Mais  les  diverses  branches  de  cette 
famille  sont  assez  différentes  entre  elles  pour  qu'il  ne  puisse  les  compa- 


2  24  REVUE   CRITIQUE 

rer  directement  l'une  avec  l'autre;  il  classe  dans  des  paragraphes  juxta- 
posés leurs  dialectes  qu'il  compare  entre  eux,  commençant  toujours  par 
donner  des  exemples  qu'il  soumet  ensuite  à  une  analyse  pénétrante. 

Le  même  étudie  les  éléments  de  formation  du  sufHxe  finnois  ise  (inen) 
dans  le  fasc.  III,  qui  contient  en  outre  :  Rapport  du  D^  V.  Porkka  sur 
son  voyage  che'^  les  Tchérémisses\  de  courtes  notices  de  J.  Krohn,  du 
regretté  Aug.  Ahlqvist  et  de  J.  R.  Aspelin  ;  le  Rapport  annuel  de  1886 
en  finnois,  avec  résumé  en  français;  un  autre  en  allemand  par  O.  Don- 
ner sur  les  Progrès  des  études  ougro-Jinnoises  en  188^-86  avec  biblio- 
graphie; enfin  de  nombreux  Spécimens  de  langue  laponne  :  traditions 
historiques  assez  originales,  contes  qui  le  sont  moins,  ayant  pour  la 
plupart  subi  rinfluence  Scandinave,  fables,  poésies.  Ce  recueil  formé  par 
F.  Qvigstad  et  G.  Sandberg,  traduit  en  allemand  par  le  premier,  est 
accompagné  de  remarques  par  Lars  Olsen  sur  le  Tambour  magique  des 
Lapons  (avec  planche). 

Le  fasc.  IV,  deux  fois  plus  volumineux  que  les  auîres,  présente  un 
intérêt  particulier;  le  D»"  A.   O.   Heikel  y  traite  des  Habitations  des 
Tchérémisses,  des  Mordouines,  des  Esthoniens  et  des  Finnois.  Cette 
étude  approfondie  fait  pendant  à  celle  de  Valtyr  Gudmundsson  sur  les 
Habitations  privées  en  Islande  à  Pépoque  des  sagas;  mais  elle  est  plus 
détaillée  et  contient  dix  fois   plus  de  figures;  seulement,  au  lieu  de 
remonter  au  moyen  âge,  elle  se  confine  dans  le  présent.  Voici  un  nou- 
vel exemple  du  rôle  prééminent  que  les  Finnois  en  général  et  la  Société 
ougro-finnoise  en  particulier  veulent  et  peuvent  jouer  dans  les  travaux 
démomathiques  sur  le  nord  de  la  Russie  :  la  littérature  de  cet  immense 
empire  ne  possédait  pas  encore  d'ouvrage  d'ensemble  sur  le  sujet;  le 
D''  Heikel  a  pris  les  devants;  après  avoir  fait  des  excursions  en  Finlande 
et  chez  les  Finnois  du  gouvernement  d'Olonetz,  il  a  parcouru,  en  com- 
pagnie d'un  dessinateur,  le  pays  des  Tchérémisses,  celui  des  Mordouines, 
l'Esthonie  et  la  Livonie  ;  il  a  rapporté  de  ces  voyages  quinze  cents  des- 
sins avec  des  descriptions  faites  sur  les  lieux  et  qu'il  a  complétées  par 
des  recherches  dans  les  musées  ethnographiques  de  Helsingfors,  de  Mos- 
cou, de  Kazan  et  de  Saint-Pétersbourg,  et  naturellement  aussi  dans  des 
écrits  russes,    finnois,   allemands  et    suédois,  au  nombre  de   plus  de 
soixante-dix.  Le  résultat  est  un  manuel  fort  bien  fait,  écrit  dans  une  des 
langues  qu'aucun  homme  de  science  ne  doit  ignorer.  Il  y  est  parlé  non 
seulement  des  huttes  et  des  maisons,  mais  encore  des  cuisines,  des  étu- 
ves,  des  magasins,  des  séchoirs  à  récoltes,  des  granges,  des  hangars,  des 
étables,  des  moulins  à  vent,  mais  aussi  des  décors  et  de  l'ameublement 
qui  sont  originaux  et  parfois  élégants  et  gracieux  chez  les  Mordvines  et 
les  Tchérémisses;  chez  les  Finnois  et  les  Esthoniens,  ils  ne  se  sont  pas 
développés  d'une  manière  aussi  indépendante,  parce  que  les  influences 
suédoise  et  allemande  se  sont  de  bonne  heure  fait  sentir  dans  les  cons- 
tructions les  plus  riches,  l'une  au  nord,  l'autre  au  sud  du  golfe  de  Fin- 
lande, 


d'histoire  et   de   littérature  22  5 

Le  fasc.  V  ne  se  compose  également  que  d'un  seul  mémoire  :  les  Res- 
tes de  la  mythologie  mordvine,  sujet  peu  connu,  quoiqu'il  ait  été  traité 
dans  plusieurs  monographies  pour  la  plupart  manuscrites,  et  surtout 
dans  des  articles  de  revue.  Un  savant  russe,  feu  W.  Mainof,  à  qui  l'on 
devait  déjà  des  mémoires  sur  les  antiquités  mordouines  et  sur  les  coutu- 
mes juridiques  de  ce  peuple,  a  recueilli  de  nouveaux  faits  en  interrogeant 
de  vieilles  femmes  qui  sont  là,  comme  partout,  les  dernières  dépositaires 
des  anciennes  croyances;  en  assistant  aux  fêtes,  chrétiennes  en  appa- 
rence, mais  greffées  sur  des  cérémonies  païennes  et  souvent  célébrées 
dans  les  lieux  autrefois  consacrés  aux  idoles;  et  en  transcrivant  le  texte 
mordouine,  ou  à  son  défaut  l'imitation  russe,  de  curieuses  prières  et  for- 
mules superstitieuses.  Combinant  ces  nouvelles  notions  avec  celles  qui 
étaient  éparses  dans  les  écrits  de  ses  compatriotes  et  ceux  de  quelques 
rares  étrangers,  il  a  tracé  un  tableau  de  la  mythologie,  mais  surtout  des 
superstitions  des  Mordouines  et  en  particulier  de  la  tribu  des  Mokchanes. 
La  religion  nationale  de  ceux-ci  n'a  pas  encore  été  totalement  supplan- 
tée par  l'orthodoxie  russe  qui  ferme  les  yeux  sur  le  mélange  du  profane 
avec  le  sacré  et  qui  célèbre  parfois  d'anciens  dieux  (comme  Inechké- 
Paz  confondu  avec  saint  Nicolas)  sous  le  nom  de  saints  chrétiens  :  elle 
a  eu  ses  martyrs  jusqu'au  commencement  de  notre  siècle  ;  elle  a  toujours 
ses  miracles.  On  est  surpris  de  lui  trouver  si  peu  de  ressemblance  avec 
la  mythologie  finnoise;  c'est  sans  doute  parce  que  celle-ci  n'a  pris  sa 
forme  actuelle  qu'après  la  séparation  des  deux  branches;  tandis  que  les 
croyances  mordouines  ont  dû  successivement  subir,  dans  les  temps  his- 
toriques, l'influence  des  Khazars,  des  Bulgars,  des  Mongols,  des  Tatars 
islamisés  auxquels  elle  a  emprunté  Chaïtan  (Satan),  enfin  des  Slaves.  Il 
ne  serait  même  pas  difficile  de  lui  trouver  des  rapports  avec  des  reli- 
gions d'ailleurs  très  différentes,  par  exemple  avec  celle  des  Mexicains. 
Chez  ceux-ci,  en  effet,  Citlalicue,  femme  du  dieu  suprême,  passait  pour 
avoir  accouché  d'un  silex  qui,  en  tombant  sur  la  terre,  se  brisa  en  seize 
cents  morceaux  qui  formèrent  autant  de  génies  (J.  de  Torquemada, 
Monarquia  indiana,  L.  VI,  ch.  19  et  41];  chez  les  Mordouines,  Angué- 
Patiaï,  fille  du  dieu  suprême,  en  battant  le  briquet  sur  un  silex  produi- 
sit autant  d'anges  gardiens  qu'il  en  jaillit  d'étincelles  (Maïnof,  p.  112). 
Cette  croyance  a  trait  évidemment  à  un  ancien  culte  rendu  au  silex, 
c'est-à-dire  à  la  matière  dont  on  tirait  le  fer  et  les  outils  indispensables 
à  l'industrie,  à  la  culture  et  au  culte.  Aussi  chez  les  Mexicains  signale- 
t-on  des  couteaux  de  pierre  enveloppés  comme  des  reliques  et  adorés 
conjointement  avec  deux  morceaux  de  bois,  enveloppés  de  même  et  des- 
tinés à  produire  du  feu  par  le  frottement  (Torquemada,  Mon.  ind.  L.  II, 
ch.  2)  ;  chez  les  Mordouines,  les  couteaux  en  silex  sont  encore  en  usage 
pour  sacrifier  les  bêtes  immolées  les  jours  de  fête  (Maïnof,  p.  149). 

En  tête  du  fasc.  VI  est  le  résumé  allemand,  fait  par  Oscar  Hackman, 
du  mémoire  finnois  de  Cari  Krohn  sur  l'Ours  (loup)  et  le  renard. 
Cette  consciencieuse  étude  comparative  que  le  jeune  érudit  a  rédigée 


2  26  REVUE   CRITIQUE 

avec  l'aide  de  quatre  savants  étrangers  (E.  Kunik,  H.  Suchier,  .T.  Moltke 
Moe  et  K.  Kœhler),  dépasse  bien  les  limites  de  la  Finlande  et  des  pays 
ougro  finnois,  puisqu'elle  s'étend  sur  trois  parties  du  monde;  tous  les 
traits  du  cycle  y  sont  analysés  et  leurs  variantes  indiquées;  aussi  n'est- 
il  guère  de  peuple  de  TEuropc  qui  ne  puisse  tirer  profit  de  ces  recher- 
ches pour  l'histoire  de  ses  propres  études.  —  On  trouve  en  outre 
dans  le  même  fascicule  :  Rapport  du  D'^  V.Pot'kka  sur  son  voyage  che:{ 
les  Tchérémisses  en  i885-86 ;  pour  apprendre  la  langue  de  ce  peuple, 
il  eut  le  courage  de  s'enfermer  cinq  semaines  en  prison  avec  un  de  ses 
maîtres  qui,  sevré  d'eau-de-vie,  conservait  au  moins  toute  sa  lucidité 
d'esprit.  Viennent  ensuite  les  rapports  de  1887,  de  1888  en'fînnois  et  en 
allemand. 

Dans  le  fasc.  VII,  le  D""  Arvid  Genetz  a  donné  la  première  partie  de  ses 
Etudes  sur  le  dialecte  tchérémisse  oriental,  assez  différent  du  dialecte 
des  prairies  et  de  celui  des  montagnes,  et  parlé  par  quinze  mille  per- 
sonnes dans  les  cercles  de  Krasnoufimsk  et  de  Koungour.  Il  débute  par 
des  spécimens  de  la  langue  :  poésies  (toutes  sous  forme  de  monotones 
quatrains  à  l'exception  de  quelques  ballades),  énigmes,  formules  magi- 
ques, prières;  mais  le  morceau  principal  est  un  recueil  de  contes  en 
prose,  parfois  entremêlé  de  vers,  mais  rarement  assaisonné  de  traits  d'es- 
prit ou  de  naïveté;  les  défauts  du  genre  y  sont  accentués;  la  continuelle 
répétition  des  mêmes  scènes  et  des  mêmes  phrases,  avec  des  variations 
insignifiantes,  finit  par  fatiguer;  les  actions  et  les  paroles  ne  sont  pas 
suffisamment  motivées,  de  sorte  que  ces  textes,  tout  en  étant  précieux, 
comme  spécimens  d'un  dialecte  peu  connu,  n'ont  cependant  pas  de 
valeur  littéraire.  On  sent  que  l'influence  européenne  n'a  pas  pénétré  jus- 
que dans  cette  lointaine  contrée  ouralienne. 

Ce  recueil,  on  le  voit,  ne  donne  que  des  travaux  neufs  sur  des  matiè- 
res trop  négligées,  en  se  tenant  exclusivement  à  sa  spécialité  ougro-fin- 
noise.  Poursuivi  sur  le  même  plan,  il  deviendra  la  source  la  plus  abon- 
dante de  nos  connaissances  sur  les  langues,  les  littératures,  les  croyances 
et  les  moeurs  des  peuples  ouralo-finnois. 

E.  Beauvois. 


444.  —  A.  Gasquet.    Ktudes  bj'zantines.  L'Empire   byzantin  et  la  Monarchie 
franque.  Paris,  Hachette,  484  p.  in-S, 

Les  byzantinistes,  moins  rares  que  jadis,  ne  constituent  encore  qu'un 
groupe  bien  restreint.  En  France,  ils  sont  quatre  ou  cinq  tout  au  plus. 
Une  nouvelle  recrue  ne  peut  donc  qu'être  accueillie  avec  joie  par  eux, 
surtout  alors  qu'elle  se  présente  avec  un  travail  considérable,  riche  en 
renseignements  inédits,  grâce  à  un  vaste  ensemble  de  faits  ingénieuse- 
ment groupés.  M.  Gasquet,  connu  déjà  par  de  très  bons  travaux  d'éru- 
dition, par  un,  en  particulier,  qui  confine  à  l'histoire  de  l'empire 
d'Orient,  a  abordé  courageusement  dans  ce  volume,  qui  paraît  devoir 


I 


d'histoire  et  de  littérature  227 

être  le  premier  d'une  série  ^''Etudes  byzantines,  la  question  si  vaste  et 
jusqu'à  ce  jour  si  mal  traitée  des  relations  entre  l'empire  byzantin  et  la 
monarchie  franque  depuis  leurs  origines  jusqu'au  règne  du  grand 
empereur  Basile  I"""  et  en  même  temps  la  fin  de  l'empire  carolingien. 
Traiter  ce  sujet  si  étendu,  c'est  aborder  une  fois  de  plus,  non  seulement 
l'histoire  des  deux  empires,  mais  celles  de  l'Eglise  et  de  la  papauté 
durant  cette  longue  période  d'années.  Le  temps  et  l'espace  me  manquent 
pour  aborder  la  critique  détaillée  de  ce  gros  volume  de  cinq  cents  pages, 
plein  de  faits,  de  discussions  et  d'appréciations.  Je  me  bornerai  à  expri- 
mer simplement  mon  opinion  sur  Tœuvre  en  général  et  à  en  indiquer 
les  grandes  divisions. 

Le  livre  de  M.  G.  est  tout  à  fait  remarquable  ;  les  conclusions  aux- 
quelles il  est  arrivé  me  semblent  parfaitement  justes.  C'est  à  peine  si  je 
trouverais  à  reprendre  quelques  points  de  détail  fort  secondaires.  Après 
le  livre  excellent  de  M.  Rambaud  sur  l'empire  grec  au  x°  siècle,  celui 
de  M.  G.  est  certainement  ce  qui  a  été  écrit  en  France  de  meilleur  et 
de  plus  neuf  sur  l'histoire  de  l'empire  d'Orient.  L'auteur  possède  admi- 
rablement son  sujet.  Il  est,  avec  M.  Rambaud,  un  des  bien  rares  moder- 
nes qui  me  semblent  s'être  rendu  un  compte  vrai  de  ce  qu'était  cette 
monarchie  byzantine  encore  aujourd'hui  si  profondément  inconnue, 
cette  monarchie  où  tant  de  choses  sont  à  adinirer  et  dont  les  incomplètes 
annales  sont  venues  jusqu'à  nous  si  totalement  défigurées  par  les  pas- 
sions religieuses  des  contemporains. 

Le  livre  de  M.  G.  est  divisé  en  huit  chapitres  dont  un  d'Introduction. 
Ce  sont  autant  d'études  séparées  concordant  cependant  toutes  à  l'éclair- 
cissement d'un  sujet  unique.  Chaque  chapitre  est  lui-même  subdivisé 
en  plusieurs  paragraphes.  L? Introduction  porte  ce  titre  :  V Empire  grec 
et  les  Barbares.  La  lecture  m'en  a  vivement  intéressé.  Dans  un  pre- 
mier paragraphe,  l'auteur  a  présenté  et  discuté  sous  un  jour  très  neuf 
les  divers  arguments  qui  ont  été  si  souvent  mis  en  avant  pour  blâmer 
ou  au  contraire  pour  approuver  le  transfert  du  siège  du  gouvernement 
de  Rome  à  Byzance.  Les  avantages  que  l'empire  devait  retirer  de  la 
situation  privilégiée  de  sa  nouvelle  capitale  sont  exposés  de  main  de 
maître.  Vient  ensuite  un  vivant  tableau  de  ce  qu'était  l'empereur  grec, 
l'empereur  d'Orient,  ce  césar  byzantin  qui  diffère  si  profondément  de 
l'ancien  césar  de  Rome.  Ce  portrait  aussi  est  fort  exactement  tracé. 
«  Pour  les  Byzantins,  l'empereur  est  une  sorte  de  Messie  de  qui  ils 
attendent  le  relèvement  et  le  salut.  Dieu  ne  doit  pas  laisser  protester 
l'alliance  qu'il  a  conclue  avec  lui  au  jour  de  son  couronnement.  »  Le 
chapitre  qui  suit  est  une  longue  et  complète  définition  de  l'empire 
byzantin,  une  comparaison  entre  l'ancien  empire  païen  et  la  nouvelle 
monarchie  chrétienne.  M.  G.  insiste  avec  raison  sur  la  force  considé- 
rable que  donnait  à  l'empire  d'Orient  cette  conviction  que  si  l'empereur 
était  lui,  l'image  et  le  représentant  même  de  Dieu  sur  la  terre,  la 
monarchie  aussi  était,  elle,  le  modèle  et  l'antitype  de  la  monarchie 


228  REVUE    CRITIQUE 

humaine.  «  L'empire  terrestre  est  Timage  de  l'empîre  céleste.  L'empire 
de  Constantinople,  en  un  mot,  est  l'empire  universel,  »  M.  G.  montre 
bien  l'utilité  de  cette  conviction  profonde,  surtout  dans  les  rapports 
avec  les  princes  étrangers,  conviction  qui  ne  s'affaiblit  jamais  de  Justi- 
nien  au  dernier  des  Constantin  malgré  les  plus  cruels  coups  de  la  for- 
tune, conviction  qui  faisait  que,  sous  les  Paléologues  encore,  lorsque 
l'ennemi  était  aux  portes,  cette  fiction  de  l'empire  universel  existait 
toujours  et  infusait  quelques  étincelles  de  vie  à  ce  corps  mutilé.  Le 
paragraphe  IV  de  ce  iC''  chapitre  nous  fournit  un  tableau  du  monde 
barbare  et  des  changements  introduits  par  les  circonstances  et  les  temps 
dans  l'attitude  prise  vis-à-vis  de  lui  par  les  empereurs.  L'habileté  extra- 
ordinaire déployée  par  les  Basileis  et  leurs  conseils  dans  la  science  de 
contenir  ce  monde  immense  par  le  moyen  de  l'or,  des  présents  et  des 
dignités,  est  fort  bien  appréciée.  Justinien  fut  le  plus  subtil  de  tous  dans 
cette  pratique  du  reste  ruineuse  du  gouvernement  des  barbares.  C'est 
elle  également  qui  a  inspiré  à  Constantin  Porphyrogénète  une  grande 
partie  de  ses  précieux  écrits.  Les  paragraphes  V  et  VI  sont  intitulés  :  La 
propagande  chrétienne.  Les  barbares  à  By\atice.  Ce  dernier  chapitre 
est  un  des  plus  curieux  et  des  plus  instructifs.  C'est  le  frappant  récit 
des  efforts  faits  par  le  gouvernement  des  Basileis  pour  charmer  et 
séduire  les  Barbares  en  séjour  dans  la  Ville  gardée  de  Dieu. 

L'espace  manquerait,  je  le  répète,  pour  poursuivre  cette  analyse.  Par 
le  résumé  que  je  viens  de  donner  de  l'Introduction,  on  peut  juger  déjà 
de  l'intérêt  puissant  que  présente  ce  vaste  et  sérieux  travail.  Je  me  bor- 
nerai à  donner,  en  terminant,  les  titres  des  sept  chapitres  qui  compo- 
sent le  volume  :  L'empire  romain  et  les  origines  de  la  jnonarckie  fran- 
que.  Les  successeurs  de  Clovis  et  les  empereurs  de  By\ance.  Le 
royaume  lombard.  Charlemagne  et  l'impératrice  Irène.  Vaillance 
grecque.  L'empereur  Louis  IL  Jean  VIII  et  la  fin  de  l'empire  caro- 
lingien. 

Gustave  Schlumberger. 


445.  —  J.  Zeller.  Histoire  d'Allemagne,  t.  VI.  Les  Empereurs  du  xiv«  siècle. 
Habsbourg  et  Luxembourg,  i  voL  in-8,  4^0  pages.   Paris,  Didier,  1890. 

Avant  de  dire  tout  le  bien  que  nous  pensons  de  l'œuvre  de  M.  Zeller 
en  général  et  de  ce  volume  en  particulier,  nous  demandons  la  permis- 
sion de  nous  débarrasser  de  quelques  menues  critiques  que  nous  som- 
mes bien  obligés  de  faire.  Elles  s'adressent  beaucoup  plus  au  prote  qui 
a  revu  les  épreuves,  qu'à  l'auteur  lui-même  :  en  effet,  de  très  nombreu- 
ses fautes  typographiques  subsistent  dans  le  volume;  entre  autres,  pres- 
que aucun  ouvrage  allemand  n'est  cité  de  façon  correcte.  (Cf.  p.  i3, 
p.  23,  p.  49,  p.  67,  p.  87,  p.  93,  etc.  etc.)  Le  fait  ne  laisse  pas  que  d'être 
fâcheux  dans  une  histoire  d'Allemagne.  Nous  notons  ensuite  que  le 
même  nom  propre  de  ville  reçoit  les  orthographes  les  plus  différentes 


{ 


d'histoire  et  de  littérature  229 

nous  lisons  ainsi  p.  255  Rheinfelden,  p.  442  Rheinfeld,  ailleurs  encore 
Rkinfelden  et  il  en  est  de  même  pour  Rheînau  et  Rliinau,  Ruffach  et 
Rouffach,  etc.  Ces  inadvertances  deviennent  parfois  graves  :  p.  476,  on 
a  imprimé,  dans  un  tableau  de  l'Allemagne  au  début  du  xv°  siècle  : 
«  L'Ecole  de  peinture  de  Constance  qsx  célèbre.  »  Il  faut  lire  l'École  de 
Cologne.  P.  233,  on  a  mis  :  «  Albert  avait  sous  la  main  les  évêques  de 
Haguenau  et  de  Frisingen  (sic)  qui  lui  étaient  dévoués,  »  Il  n'y  a  jamais 
eu  d'évéque  à  Haguenau  :  ce  mot  a  été  substitué  à  un  autre.  P.  223, 
on  a  imprimé  :  «  On  voit  Adolphe  accourir  devant  Colmar  avec  l'évêque 
de  Bâie,  le  comte  de  Pfort.  »  Il  faut  lire  le  comte  de  PJirt,  c'est-à-dire 
de  Ferrette. 

Oserons-nous  encore  aller  plus  loin?  Nous  regrettons  que  M.  Z. 
n'ait  pas  indiqué  ses  sources  ou,  quand  il  l'a  fait,  qu'il  l'ait  fait 
de  façon  si  vague.  Il  y  a  chez  lui  des  renvois  de  ce  genre.  Pert\  Script. 
t.  XII  (voir  p.  loi).  M.  Z.  connaît  fort  bien  les  documents  de  l'histoire 
allemande;  il  les  a  compulsés  avec  le  plus  grand  soin;  dans  ses  récits, 
on  retrouve  notamment  des  expressions  caractéristiques,  empruntées 
aux  chroniqueurs  réunis  dans  la  collection  :  Die  Chroniken  der  deuts- 
chen  Stàdte  ;  il  s'est  approprié  leurs  tours  de  phrase,  leur  esprit 
même  :  pourquoi  donc  ne  les  avoir  pas  cités  de  façon  exacte?  Son 
livre,  ce  nous  semble,  y  eût  gagné  en  autorité.  Peut-êt4*e  aussi  pourrait- 
on  reprocher  à  l'auteur  de  n'avoir  pas  toujours  employé  le  mot  précis, 
technique.,  quand  il  s'agit  d'une  institution  :  ainsi  le  terme  empereur  à 
cette  époque  devrait  être  réservé  au  souverain  d'Allemagne,  qui  a  reçu 
la  couronne  des  mains  du  pape  :  avant  cette  cérémonie,  il  est  simple- 
ment roi.  Les  expressions  empereur  Rodolphe,  empereur  Adolphe, 
sont  presque  des  contre-sens. 

Mais  nous  avons  hâte  de  proclamer  en  quelle  haute  estime  nous  avons 
l'histoire  de  M.  Z.,  quelle  profonde  et  sincère  admiration  elle  nous  ins- 
pire. Déjà,  avant  la  guerre  de  1870,  M.  Z.  avait  formé  le  dessein  d'écrire 
une  histoire  complète  de  l'Allemagne;  le  premier  volume  n'a  vu  le 
jour  qu'au  lendemain  de  nos  désastres.  Depuis  cette  date,  l'œuvre  a  été 
continuée  avec  une  grande  persévérance,  avec  un  zèle  digne  d'être 
imité.  Le  sixième  volume  paraît  aujourd'hui  et  il  doit  être  suivi  bientôt 
d'un  septième  consacré  à  la  Réforme.  Avec  chaque  tome,  le  travail  s'est, 
pour  ainsi  dire,  épuré  et  est  devenu  plus  parfait.  Au  début,  le  livre  sen- 
tait encore  la  poudre;  la  préface  était  presque  un  cri  de  guerre  ;  un  ton 
d'amertume  perçait  dans  le  corps  même  de  l'ouvrage.  Aujourd'hui  l'ar- 
deur de  la  lutte  s'est  calmée  :  M.  Z.,  tout  en  gardant  au  fond  de  son 
cœur  ses  sentiments  et  ses  espérances,  est  moins  agressif.  Il  admire  sans 
réserve  ce  qu'il  y  avait  dans  l'Allemagne  du  moyen  âge  de  forces  vivi- 
fiantes; il  rend  pleine  justice  à  ses  poètes,  à  ses  artistes,  à  l'esprit  sage 
et  économe  de  ses  bourgeois.  Ses  récits  acquièrent  ce  charme  d'impartia- 
lité qui,  selon  une  expression  chère  à  M.  Fustel  de  Coulanges,  est  la 
chasteté  de  l'historien. 


2  3o  REVUE    CRITIQUE 

Cette  histoire  d'Allemagne,  que  M.  Z.  mènera  à  bonne  fin,  sera  uni- 
que :  car,  même  de  l'autre  côté  du  Rhin,  il  n'existe  point  d'ouvrage  de 
ce  genre.  Les  anciennes  histoires  de  Kohlrausch  et  de  Pfister,  que  des 
traductions  ont  fait  connaître  en  France,  sont  aujourd'hui  bien  démo- 
dées ;  après  le  magnifique  essor  pris  en  Allemagne,  ces  derniers  temps, 
par  les  études  du  moyen  âge,  elles  ne  sont  plus  au  courant  de  la  scienc^. 
Luden  n'a  poussé  son  histoire  si  complète  que  jusqu'en  Tannée  1287; 
Giesebrecht  est  mort  à  la  tâche,  et  son  livre,  que  nous  admirons  de  tout 
cœur,  s'arrête  avant  la  fin  du  règne  de  Barberousse.  Arnold  n'a  fait  que 
commencer  son  entreprise,  et  jusqu'à  présent,  il  est  à  peine  sorti  de  la 
période  obscure  des  origines.  Seul,  M.  Z.  aura  la  gloire  de  pousser 
jusqu'au  bout  une  histoire  d'Allemagne,  très  étudiée,  très  vivante.  Notre 
directeur,  M.  Chuquet,  disait  naguère  ici  même,  combien  une  œuvre, 
comme  ï Histoire  de  Florence  de  M.  Perrens,  faisait  d'honneur  à  la 
France.  Celle  de  M.  Z.  ne  le  lui  cède  en  rien  et  notre  pays  a  le  droit 
d'en  être  fier. 

Le  ?! -iéme  volume,  dont  nous  devons  rendre  compte  de  façon  spé- 
ciale, commence  à  la  mort  de  Frédéric  II  et  finit  à  celle  de  Robert  le 
Palatin;  il  nous  conduit  ainsi  de  l'année  i25o  à  Tannée  1410.  Cette 
période  n'est  point  très  glorieuse  pour  l'Allemagne  :  elle  n'est  point 
marquée  par  de  grands  événements  qui  frappent  les  imaginations  et 
restent  gravés  dans  le  souvenir.  Et  pourtant  M.  Z.  s'y  arrête  avec  com- 
plaisance; sans  doute,  les  dehors  sont  peu  brillants;  mais,  au  dedans, 
l'Allemagne  est  bien  vivante.  L'Empire  universel  n'est  plus  qu'un 
vain  mot;  mais  l'Allemagne  n'en  est  que  plus  heureuse.  M.  Z. 
écrit,  avec  raison  :  «  En  passant  de  la  tête  monstrueuse  qui  absorbait 
tout  aux  membres  mieux  nourris,  la  sève  produit  une  nouvelle  végé- 
tation matérielle  et  morale  plus  avantageuse  à  tous.  Les  principautés 
sont  plus  denses,  mieux  constituées;  les  villes  sont  plus  riches,  plus 
industrieuses.  Les  différentes  classes  librement  rapprochées  se  pénètrent 
plus  les  unes  les  autres  et  celte  pénétration  mutuelle  engendre  des 
mœurs,  grossières  encore,  mais  plus  égales,  plus  honnêtes  et  plus  saines. 
Délivrée  de  Tempire  universel  qui  était  successivement  saxon,  franco- 
nien ou  souabe,  l'Allemagne  devient  plus  allemande.  «  Voilà  pourquoi 
M.  Z.  préfère  cette  période  à  la  précédente.  Et  il  me  semble  qu'il  est 
plus  juste  envers  l'Allemagne  que  ne  le  sont  d'ordinaire  les  écrivains 
allemands.  Ceux-ci  ne  cessent  de  regretter  les  temps  où  TAllemagne 
débordait  hors  de  ses  frontières  propres,  où  elle  opprimait  et  l'Italie  et 
le  royaume  d'Arles,  où  elle  soutenait  de  longues  querelles  contre  la 
papauté;  ils  gémissent  sur  les  temps  où  elle  se  replie  sur  elle-même, 
où  elle  développe  librement  ses  richesses,  son  commerce,  son  esprit,  son 
génie.  Les  époques  glorieuses  sont  pour  eux  celles  où  l'histoire  d'Alle- 
magne est  en  dehors  de  l'Allemagne;  les  époques  fécondes  et  vraiment 
intéressantes  sont  pour  M.  Z.  celles  où  la  force  de  TAllemagne,  au  lieu 
de  se  concentrer  dans  l'Empereur  et  de  se  dépenser  à  poursuivre  un  des- 


D'hISTOIRK    Kf     DE    LITTÉRATURE  23l 

sein  chimérique,  reste  au-dedans,  quoique  divisée,  détenue  par  les  pro- 
vinces et  par  les  villes. 

Le  volume  s'ouvre  par  un  brillant  tableau  de  l'Allemagne  sous  le 
grand  interrègne.  M.  Z.  nous  montre  tour  à  tour  la  décadence  des 
anciens  duchés  et  comtés,  la  formation  de  nouvelles  principautés  ecclé- 
siastiques et  laïques.  11  insiste  surtout  sur  la  marche  de  Brandebourg, 
où  commandait  la  dynastie  ascanienne,  sur  l'ordre  teutonique  en  lutte 
avec  les  païens  du  Nord,  sur  le  royaume  de  Bohême  et  son  souverain 
Ottokar  II.  Des  principautés  il  passe  aux  villes  dont  il  décrit  les  privi- 
lèges et  les  luttes  intestines  ;  il  parle  des  confédérations  formées  par  ces 
cités  pour  le  maintien  de  la  paix  et  donne  les  détails  les  plus  intéres- 
sants sur  la  ligue  commerciale  de  la  hanse.  Par  lui  aussi  nous  connais- 
sons cette  organisation  si  bizarre  de  la  sainte  Vehme.  Il  ne  néglige  point 
de  nous  entretenir  de  la  littérature  populaire  des  meistersiinger  qui  ont 
succédé  aux  minneslinger  et  de  ces  belles  cathédrales  gothiques  dont  se 
couvre  le  sol  de  l'Allemagne  ^ 

L'interrègne  finit  en  septembre  1272,  quand,  à  Francfort-sur-le-Mein, 
les  électeurs  désignent  comme  roi  des  Romains  un  petit  seigneur  de  la 
Suisse,  Rodolphe  de  Habsbourg.  Dès  lors,  de  1272  à  1410,  se  succèdent 
sur  le  trône  allemand  Rodolphe  ;  Adolphe,  un  prince  de  Nassau,  dont 
les  domaines  peu  considérables  sont  situés  entre  le  Mein,  la  Lahn  et 
le  Rhin;  Albert  I",  fils  de  Rodolphe;  Henri  VII  de  la  maison  de 
Luxembourg;  un  duc  de  Bavière,  Louis  IV;  un  petit-fils  de  Henri  VII, 
Charles  IV  de  Luxembourg,  roi  de  Bohême  ;  son  fils  Venceslas  ;  Robert 
le  Palatin.  De  chacun  de  ces  rois,  M.  Z.  fait  un  portrait  très  net;  leurs 
physionomies  revivent  devant  nous;  leurs  caractères  sont  dessinés  de 
main  de  maître;  leurs  intentions  sont  scrutées;  l'éloge  et  le  blâme  leur 
sont  équitablement  distribués.  Peut-être  ici  M.  Z.  ne  s^est-il  pas  toujours 
contenté  des  traits  que  lui  fournissaient  les  documents;  son  imagination 
très  éveillée  supplée  parfois  à  l'insuffisance  des  textes;  mais  il  use  de  ce 
procédé  avec  une  grande  discrétion  ;  il  développe  les  indications  à  nous 
données  par  les  vieux  chroniqueurs;  il  achève  le  portrait  tel  qu'il  ressort 
de  leurs  livres;  jamais  il  ne  le  crée  de  toutes  pièces. 

Après  nous  avoir  fait  connaître  les  souverains,  M.  Z.  nous  expose 
quelle  fut  leur  politique.  Pour  chacun  de  ces  règnes,  il  s'est  posé  une 
triple  question.  Comment  le  roi  des  Romains  a-t-il  agrandi  ses  états 

I .  M.  Zeller  écrit  p.  85  :  «  Dans  la  ville  de  Strasbourg,  grâce  au  maître  Erwin  de 
Steinbach,  la  cathédrale  dresse  les  orgueilleuses  ogives  de  sa  nef  à  la  suite  du  chœur 
byzantin  des  siècles  précédents,  projette  pour  former  les  deux  bras  de  la  croix  ses 
deux  chapelles  avec  leurs  portes  latérales,  élève  enfin  dans  les  airs,  au-dessus  des 
broderies  de  pierre  de  son  portail,  cette  unique  tour  qui  pour  la  hauteur  fut  long- 
temps sans  rivale.  »  La  phrase  est  très  jolie;  mais  elle  est  tout  à  fait  inexacte.  Erwin, 
qui  peut-être  n'était  pas  de  Steinbach,  mourut  en  1 3 18  :  il  ne  saurait  donc  être  l'au- 
teur de  la  nef  et  du  transept,  terminés  dès  1276;  la  tour  est  d'époque  bien  posté- 
rieure; elle  fut  achevée  en  1489  par  Jean  Hueltz.  Erwin  est  seulement  le  construc- 
teur de  la  façade  :  ce  qui  est  déjà  un  assez  beau  titre  de  gloire. 


232  REVUE    CRITIQUE 

patrimoniaux?  Quelles  mesures  a-t-il  prises  pour  assurer  l'ordre  en 
Allemagne?  A-t-il  fait  revivre,  en  dehors  de  la  Germanie,  les  vieilles 
prétentions  impériales  et  quelles  ont  été  ses  relations  avec  le  pape, 
l'Italie,  le  roi  de  France?  Les  princes,  nommés  chefs  de  l'Allemagne, 
songent  à  profiter  de  leur  nouvelle  dignité,  pour  acquérir  des  domaines 
propres,  Rodolphe  de  Habsbourg  s'empare  des  provinces  autrichiennes 
et  la  bataille  de  Marchfeld,  dont  M.  Z.  décrit  si  bien  les  péripéties, 
fut  «  le  baptême  de  sang  de  la  monarchie  d'Autriche  ».  Henri  VII 
livre  la  Bohême  à  son  fils  Jean  et  le  fait  solennellement  couronner, 
le  7  février  i3ii,  dans  la  cathédrale  de  Prague,  Charles  IV  met 
la  main  sur  le  margraviat  de  Brandebourg.  M.  Z.  insiste  avec  beau- 
coup de  raison  sur  tous  ces  changements  territoriaux;  néanmoins, 
jamais  il  ne  perd  de  vue  l'Allemagne  dans  son  ensemble.  Au 
chapitre  intitulé  :  «  Organisation  du  patrimoine  autrichien  de  Ro- 
dolphe »  succède  le  chapitre  :  «  Rodolphe  de  Habsbourg  en  Allemagne  » 
où  il  nous  dépeint  tous  les  efforts  faits  par  ce  souverain  pour  maintenir 
la  tranquillité,  s'appuyant  tour  à  tour  sur  les  princes  ecclésiastiques  et 
laïques  ou,  à  leur  défaut,  sur  les  petits  seigneurs  et  les  villes.  Et,  pour 
chacun  de  ses  successeurs,  il  recherche  avec  soin  quelle  conduite  il  a 
tenue  vis  à  vis  des  ligues  des  villes  ou  des  ligues  seigneuriales.  L'un  des 
chapitres  les  plus  remarquables  de  son  ouvrage  est  consacré  à  la  Bulle 
d'or,  qui  règle  Télection  du  roi  des  Romains  et  consacre  l'oligarchie 
des  sept  électeurs.  Enfin,  M.  Z,  a  étudié  avec  un  soin  particulier  la  po- 
litique extérieure  de  ces  rois.  Il  loue  fort  Rodolphe  de  n'avoir  point 
répondu  aux  instances  de  Grégoire  IX,  qui  le  pressait  de  venir  à  Rome 
pour  la  cérémonie  du  couronnement  ;  il  blâme  Henri  VII  de  sa  désas- 
treuse expédition  dans  la  péninsule  italienne  où  il  trouva  la  mort  ;  il  ne 
saurait  partager  l'enthousiasme  de  Pétrarque  allant  au-devant  de  Char- 
les IV  à  Mantoue  et  saluant  son  arrivée  dans  des  vers  enflammés  : 
Venisti  tandem,  etc.;  il  n'a  que  raillerie  pour  la  démonstration  inutile 
du  Palatin  au  sud  des  Alpes.  Les  rapports  de  l'Allemagne  et  de  la 
France  à  cette  époque  sont  surtout  bien  mis  en  lumière.  M,  Z,  a  em- 
ployé l'ouvrage  fort  savant,  très  fouillé  d'Alfred  Leroux  :  Recherches 
sur  les  relations  politiques  de  la  France  avec  l'Allemagne  de  1298  à 
1378;  mais  il  a  donné  à  cette  partie  de  son  exposition  un  éclat  qu'on 
ne  trouve  point  dans  ce  livre. 

Il  nous  reste  à  citer  certains  morceaux  fort  brillants  sur  les  francis- 
cains et  les  dominicains,  sur  la  peste  noire  de  1348  et  sur  ces  bizarres 
processions  de  flagellants,  dont  le  chroniqueur  de  Strasbourg,  Twin- 
ger  de  Kœnigshofen,  nous  a  laissé  une  si  pittoresque  description, 
sur  les  persécutions  des  juifs  au  temps  de  Charles  IV,  sur  le  grand 
schisme. 

Nous  avons  fait  à  l'ouvrage  de  M,  Zeller  quelques  menues  critiques 
et  nous  lui  avons  décerné  les  plus  grands  éloges;  d'une  part  comme  de 
l'autre,  nous  avons  été  d'une  sincérité  complète.  Nous  nous  résumons, 


d'histoire  et  de  littérature  2  33 

en  disant  :  Il  est  regrettable  que  l'auteur  n'ait  pas  toujours  poussé  le 
souci  de  l'exactitude  et  de  l'entière  correction  jusqu'au  scrupule  ;  mais 
son  oeuvre  n'en  est  pas  moins  l'une  des  plus  considérables  de  notre 
époque,  l'une  de  celles  qui  font  le  plus  d'honneur  à  la  France. 

Ch.   Pfister. 


^^.6.  —  L.a  faus«»e  «leanne  <]'i4rc.  Claude  des  j%i*tnoises.  Du  degré  de 
confianee  à  accoi-doi-  aux  découvertes  de  Jérôme  Vlgnier.  Lettre  à 
M.  de  la  Chanonie,  rédacteur  en  chef  de  l'Echo  de  l'Oise,  par  le  comte  de  Marsy. 
Compiègne,  imprimerie  H.  Lefebvre,  1890,  grand  in-8  de  14  p. 

447.  —  i*lerre  Cauclion,  évêque  de  Beauvais,  l'un  des  juges  de  Jeanne  d'Arc, 
par  le  même.  Ibid.,  i8go,  grand  in-8  de  14  p. 

A  propos  de  la  singulière  Vie  de  Jeanne  d'Arc,  de  1409  à  1440, 
par  M.  Lesigne,  on  a  rappelé  que  l'inventeur  des  premiers  documents 
allégués  par  les  partisans  de  Claude  des  Armoises  est  le  Père  Jérôme 
Vignier,  né  en  1606  et  mort  en  1661  '.  Le  comte  de  Marsy  rappelle,  à 
son  tour,  que  cet  historien  a  été  convaincu  du  crime  de  faux  en  matière 
historique  par  bon  nombre  de  nos  plus  sérieux  érudits,  notamment, 
sans  compter  Jules  Quicherat,  par  M.  Julien  Havet  ^,  par  le  Père 
Ingold  3,  par  l'abbé  Batiffol  ^,  par  M.  A.  de  Barthélémy  ^,  et  il  rappelle 
encore  que  non  seulement  Vignier  a  sur  la  conscience  la  production  de 
l'acte  de  mariage  de  Jeanne  et  de  Robert  des  Armoises,  mais  encore 
qu'il  a  interpolé  le  fragment  du  texte  de  la  chronique  de  saint  Thibaut 
de  Metz,  donné  par  son  frère  comme  trouvé  dans  ses  papiers.  Il 
défend  ensuite  Vallet(de  Viriville)  contre  une  accusation  de  M.  Lesigne, 
lequel  prétend  que  l'historien  de  Charles  VII  croyait  à  l'identité  de 
Jeanne  d'Arc  et  de  Claude  des  Armoises.  11  établit  que  Vallet,  peu  de 
jours  avant  sa  mort,  a  tout  au  contraire  dénoncé  la  fausse  pucelle 
Claude,  mariée  à  Robert  des  Armoises  {Revue  moderne  du  1 7  mai  1867). 

Dans  la  seconde  brochure,  M.  de  M.  démontre  contre  M.  Victor 
Bouton,  auteur  d'une  toute  récente  notice  sur  Pierre  Cauchon  (jan- 
vier 1890),  que  ce  prélat  appartient  réellement  à  l'épiscopat  et  ne  fut 
point  simplement  «  un  évéque  temporel  ayant  la  direction  et  Tadmi- 
nistration  d'un  évêché  pour  en  recueillir  les  bénéfices  ».  Il  combat  avec 
vigueur   les  assertions  de   M.  Bouton   et  démolit  en  entier  un  travail 

I.  Voir  surtout  dans  le  Temps  du  10  janvier,  un  article  d'un  de  nos  critiques  les 
plus  distingués,  M.  Anatole  France. 

■i .  Les  découvertes  de  Jérôme  Vignier  (Questions  mérovingiennes  dans  la  Biblio- 
thèque de  rÉcole  des  Chartes,  i883,  p.  205-271.) 

3.  Bulletin  critique  du  ib  septembre  1886,  au  sujet  de  la  vie  de  sainte  Odile,  mani- 
festement fabriquée  par  Vignier,  d'après  le  professeur  Roth,  de  Bâle,  dans  ^/sa//a 
de  i836. 

4.  Bulletin  critique  du  i5  avril  1886,  au  sujet  de  VÉpître  de  Théonas  à  Lucien, 
à  l'authenticité  de  laquelle  ont  complaisamraent  cru  dom  d'Achéry,  Tillemont,  les 
Bollandistes  et  l'abbé  Migne,  etc. 

3.  Histoire  de  la  maison  de  Dampierre. 


234  RKVUK    CRITIQUE 

«  qui  dénature  la  vérité  historique  ».  M.  de  M.  n'admet  pas  que  l'évê- 
que  Cauchon  appartînt  à  la  famille  bourgeoise  déjà  connue  depuis 
deux  siècles  dans  la  ville  de  Reims.  Il  n'admet  pas  davantage  que 
Tévêque  de  Beauvais  soit  l'auteur  de  la  Chronique  normande  de  Pierre 
Cauchon,  et,  en  cette  question,  il  s'appuie  sur  l'indiscutable  autorité  du 
dernier  biographe  du  chroniqueur,  M.  Charles  de  Robillard  de  Beau- 
repaire. 

De  même  que  tous  les  lecteurs  de  la  première  brochure  de  M.  de 
Marsy  seront  avec  lui  contre  M.  Lesigne,  tous  les  lecteurs  de  la  se- 
conde brochure  seront  avec  lui  contre  M.  Bouton. 

T.  de  L. 

448.  —  t>es  liommes  du  14  juillet,  gardes-françaises  et  vainqueurs  de  la 
Bastille,  par  Victor  Fournel.  Paris,  Galmann-Lévy.  1890,  i  vol.  in-18,  iv-349 
pages. 

Travail  consciencieux,  opinions  exprimées  d'une  manière  modérée, 
style  agréable  à  lire,  telles  sont  les  qualités  qui  frappent  d'abord  dans  le 
livre  de  M.  Victor  Fournel,  qualités  précieuses. 

Le  livre  s'ouvre  par  un  coup  d'œil  sur  l'histoire  et  le  régime  intérieur 
de  la  Bastille.  Ce  chapitre  n'est  qu'un  résumé  de  travaux  antérieurs,  de 
l'excellente  introduction  mise  par  F.  Ravaisson  en  tête  de  ses  Archives 
delà  Bastille  et  des  articles  parus  sous  le  titre  de  la  Bastille  d'après  ses 
archives,  dans  la  «  Revue  historique  »  (i^r  janvier  et  i^'"  mars  1890).  Le 
chapitre  II  est  consacré  aux  g-ardes  françaises  avant  le  14  juillet.  L'au- 
teur y  explique  heureusement  l'état  de  désorganisation  où  était  tombé,  à 
la  veille  de  la  Révolution,  ce  régiment  privilégié.  Le  chapitre  III,  la 
prise  de  la  Bastille,  ne  contient  aucun  fait  nouveau,  mais  il  faut  savoir 
gré  à  M.  F.  d'avoir  su  choisir  avec  discernement,  parmi  les  nombreuses  ' 
relations  de  la  prise  de  la  Bastille,  celles  qui  méritent  plus  particulière- 
ment créance,  et  d'en  avoir  composé  un  tableau  rigoureusement  histo- 
rique. Nous  en  dirons  autant  du  chapitre  IV,  les  prisonniers  délivrés.  . 
L'auteur  y  fait  justice  de  la  légende  du  comte  de  Lorges,  en  se  servant 
des  indications  fournies  à  ce  sujet  par  M.  Alf.  Begis  dans  l'Intermédiaire 
du  10  mars  1889.  Enfin  s'ouvre  cette  extraordinaire  épopée  des  vain- 
queurs de  la  Bastille,  lesquels,  après  être  arrivés  au  plus  haut  point  de 
gloire  et  d'honneur,  tombèrent  dans  la  misère,  les  dissensions  meur- 
trières, et  un  complet  discrédit.  Mais  ils  surent  se  relever  avec  énergie, 
et  jouer,  —  jusqu'après  1848,  —  de  leur  héroïsme  qui  avait  fondé  la  liberté, 
pour  obtenir  pensions  et  honneurs.  Il  est  encore  question  de  la  Bastille 
dans  le  dictionnaire  des  pensions  inscrites  au  Trésor  public  en  1874! 
Comme  Latude  avait  su  faire  une  carrière  de  sa  captivité,  ces  braves  par- 
vinrent à  se  faire  une  carrière  de  la  Bastille  qu'ils  avaient  prise,  ou  que 
d'autres  avaient  prise  en  leur  nom.  Les  recherches  de  M.  F.  éclairent 
d'une  manière  franche  et  curieuse  un  grand  nombre  d'individualités 
révolutionnaires. 


I 


d'histoire  et  de  littérature  235 

Voici  quelques  critiques.  L'auteur  écrit  (p.  9)  :  «  Au  temps  de  La  Parte, 
c'est-à-dire  sous  le  sévère  cardinal  de  Richelieu,  les  prisonniers  de  la  Bas- 
tille avaient  la  liberté  de  se  voir  entre  eux;  ils  avaient  organisé  diverses 
occupations  pour  adoucir  les  rigueurs  de  la  captivité.  A  plus  forte  raison 
en  fut-il  ainsi  au  xviii^  siècle  ».  Celte  phrase  est  en  contradiction  avec 
l'histoire  du  régime  intérieur  de  la  Bastille,  celui-ci,  comme  nous  croyons 
l'avoir  montré,  allant  se  rétrécissant  d'année  en  année. 

Pour  faire  le  récit  des  premières  journées  révolutionnaires,  celles  qui 
ont  précédé  et  suivi  le  14  juillet,  M.  F.  se  sert  avec  trop  de  confiance  du 
Moniteur,  lequel  ne  contient  à  cette  date  qu'une  compilation  de  seconde 
main.  On  sait  que  la  rédaction  quotidienne  n'en  commença  qu'au 
24  novembre  1789.  Ainsi,  p.  83  M.  Fournel  cite,  à  propos  d'un  détail 
de  la  prise  de  la  Bastille,i|le  récit  du  Moniteur  pour  confirmer  la  relation 
des  invalides  imprimée  dans  la  Bastille  dévoilée  tandis  qu'elle  n'est 
qu'une  reproduction  de  cette  même  relation  des  invalides  quelque  peu 
étendue  et  accommodée  au  goût  du  jour. 

Quant  à  la  forme  du  livre,  louons  le  style  vif,  plein  d'entrain,  que  sur- 
chargent peut-être  trop  de  traits  d'esprit. 

Frantz  Funck-Brentano. 


449.  —  I.  BerthelÉ  (Jos  )  Reclier-elies  i»oiii-    servli*    à  l'Inistoire    dee>   ai-ts 

en  Poitou.  Melle,   1889,   i  vol.  in-8  de  5oo  p. 
4Î)o.  —  2.  Lecoy  de  la  Marche.  Les   Sceaux.   (Bibliothèque    de    l'Enseignement 
des  Beaux-Arts).  Paris,  Quantin  (1890).  i  vol.  in-8  de  3io  p.  avec  fig. 

45 1.  —  3.  Inventaire  général  des  richesses  d'art  de  la  France.  Rarîs.  Monuments 
civils,  t.  II.  Paris,  1889,  i  vol.  in-4. 

452.  —  4.  Triger  (R.)  Xotice  sur  la  vie  et  les  travaux  de  M-  Eugène 
Hucliei>.  Le  Mans,  1890,  i  vol.  in-8  de  iio  p.  avec  fig. 

4^3.  —  5.  Petroz  (Pierre).  Esquisse  d'une  histoire  de  la  peinture  au 
Alusée  du  l^ouvre.  Paris,  Alcan,  1890,  i  vol.  in-8  de  290  p. 

454.  —  6.  Wolfram  (D'  G.)  Dîe  Reîterstatuette  Karls  des  Grossen  aus 
der  Katitedrale  zu  Metz.  Strasbourg,  Trùbner,  1890,  in-8  de  26  p. 

4^3.  —  7.  BoYER  (Hipp.)  Les  enceintes  de  JBoui'ges.  Bourges,  1889.  i  vol. 
in-8  de  226  p. 

I,  —  Le  livre  de  M.  J.  Berthelé,  archiviste  des  Deux-Sèvres,  com- 
prend deux  parties  distinctes,  d'inégale  importance  :  une  série  d'études 
d'archéologie  monumentale,  déjà  mises  au  jour  pour  la  plupart,  et 
une  sorte  de  répertoire  important  des  inscriptions  conservées  sur  les 
cloches  et  sur  les  divers  objets  du  mobilier  sacré  des  églises  poitevines. 
—  Après  ces  quelques  articles,  que  nous  nous  bornerons  à  mentionner  : 
La  crypte  de  Saint-Léger  à  Saint-Maixent  (vue  et  xi°  siècles]  ;  l'église 
de  Goiirgé;  l'église  d' Airvault  ;  de  quelques  influences  auvergnates 
et  limousines  dans  les  églises  romanes  du  Poitou  et  de  la  Saintonge, 
(étude  sur  les  voûtes  de  Saint-Hilaire  de  Poitiers)  ;  de  quelques  influen- 
ces périgourdines  et  angoumoisines  etc.  (clochers);  une  influence  cham- 
penoise en  Bas-Poitou  (l'église  de  Maillezais,  bonne  discussion),  —  il 


2  36  REVUE    CRITIQUE 

faut  citer  plus  spécialement  l'étude,  lue  au  Congrès  des  sociétés  savan- 
tes, sur  l'architecture  Plantagenct.  C'est  une  école  gothique  dont  les 
monuments,  en  Anjou,  en  Touraine,  en  Poitou,  offrent  assez  de  parti- 
cularités pour  qu'on  la  distingue  des  grandes  écoles  ses  voisines.  Il  y  a 
là  une  évolution,  une  dérivation,  curieuse  à  étudier,  de  la  voûte  à  ner- 
vures :  fusion  de  la  coupole  à  pendentifs  non  distincts  (forme  rare)  et  de 
la  croisée  d'ogives  dont  l'influence  envahissait  tout,  à  cette  époque  da 
milieu  du  xii®  siècle.  M.  B.  donne  ici  un  bon  résumé  de  la  question  et 
d'intéressants  détails  sur  les  principaux  types  à  examiner. 

La  seconde  partie  du  volume,  qui  ne  comprend  pas  moins  de  trois 
cents  pages,  est  un  inventaire  méthodique  de  reliquaires,  chefs  et  bras, 
de  vases  sacrés  et  de  cloches,  avec  le  texte  de  leurs  inscriptions,  mais 
nourri  de  nombreux  détails  et  renseignements  locaux,  avec  des  études 
soignées  sur  les  anciens  fondeurs  de  cloches,  leur  outillage,  leurs  pro- 
cédés, leur  vie.  Tout  cela  est  net  et  bien  établi,  et  d'ailleurs  la  méthode 
de  M.  Berthelé  est  excellente,  et  ses  doctrines  parfaitement  saines.  On 
pourrait  simplement  reprocher  un  peu  de  minutie  dans  la  discussion  et 
la  documentation  de  ces  études  archéologiques.  Le  texte  et  les  notes 
sont  quelquefois  encombrés  de  citations  de  travaux  sans  valeur  et  inu» 
tiles,  qui  forcent  l'auteur  à  une  courtoisie  un  peu  banale.  Sa  conscience 
n'a  pas  besoin  vraiment  d'aller  jusque-là,  et  le  volume  y  gagnerait  un 
peu  de  légèreté. 

2.  —  M.  Lecoy  de  la  Marche  a  déjà  publié,  dans  la  collection  dirigée 
par  M.  J.  Comte,  un  volume  sur  les  manuscrits  et  la  miniature.  Ce 
nouveau  travail  sur  les  sceaux  sera  certainement  plus  apprécié  des  lec- 
teurs :  c'est  un  bon  résumé  d'ensemble,  avec  un  nombre  suffisant  de 
reproductions  héliographiques  pour  attirer  non  seulement  l'attention 
mais  le  goût  des  gens  du  monde,  et  qui  même  ne  sera  pas  sans  commo- 
dité pour  les  gens  du  métier.  La  matière  est  si  vaste,  toutefois,  qu'il  n'y 
faut  pas  chercher  des  développements  très  approfondis,  des  documents 
très  nombreux;  chacun  regrettera  peut-être  le  trop  peu  de  place  occu-jj 
pée  par  telle  catégorie  de  sceaux  qui  l'intéresse  plus  spécialement   Mais| 
l'important,  c'est  que  l'auteur  ait  dressé  un  plan  de  travail  et  derecher-*! 
ches  exact  et  nettement  défini,  et  ces  qualités  se  trouvent  dans  le  livre 
de  M.  Lecoy  de  la  Marche.  Il  a  eu  soin  de  donner  de  bons  renseigne- 
ments sur  l'usage,  la  législation,  la  fabrique  du  sceau,  les  matières  em* 
ployées  pour   les  empreintes,  la  composition  des  matrices;  tout  cela, 
bien  entendu,  pour  la  seule  époque  du  moyen  âge  et  des  temps  modernes. 
Il  ne  faut  pas  chercher  ici  beaucoup  de  détails  sur  les  sceaux  antiques 
et  orientaux. 

M.  L.  de  la  M.  fait  justement  remarquer  l'intérêt  qu'offrent  les  sceaux 
de  villes  pour  les  monuments  qui  y  sont  représentés.  On  a  plusieurs 
fois  fait  usage  de  ces  documents  très  particuliers,  et  bien  qu'il  n'y  faille 
pas  attacher  une  importance  capitale  pour  la  restitution  ou  l'histoire  des 
édifices,  à  cause  de  l'étroitesse  extrême  du  champ,  et  de  l'habitude  fré- 


D  HISTOIRK    ET     DK     LITTÉRATUKK  2'i'J 

quente  des  graveurs  d'entasser  les  objets  en  une  perspective  essentielle- 
ment déformatrice,  il  y  aurait  là,  croyons-nous,  un  curieux  travail  à 
faire.  On  pourrait  relever  d'ensemble  toutes  les  représentations  archi- 
tecturales des  sceaux,  les  identifier  autant  que  possible  à  Taide  des  don- 
nées archéologiques,  et  en  dresser  une  table  critique  permettant  les 
rapprochements  et  les  comparaisons.  Il  est  impossible  qu'il  ne  sorte  pas 
de  là  un  vrai  profit  pour  l'histoire  des  villes  et  des  monuments. 

Un  dernier  mot.  M.  Lecoy  de  la  Marche  n'emploie  à  peu  près  jamais, 
avec  raison,  le  mot  si  inexact  de  sceau  ogival,  et  paraît  avoir  été  em- 
barassc  pour  trouver  un  terme  équivalent  et  juste,  car  il  a  évité  tant 
qu'il  a  pu  la  nécessité  de  son  emploi.  Pourquoi  ne  pas  prendre  l'expres- 
sion très  simple  des  archéologues  allemands  :  sceau  oval  aigu  (spitz- 
oval)  ? 

3.  —  Nous  nous  contenterons  d'annoncer  le  nouveau  volume  de  l'in- 
ventaire des  richesses  d'art,  concernant  quelques-uns  des  monuments  ci- 
vils de  Paris.  La  partie  principale  y  est  consacrée  au  Jardin  des  Plantes, 
c'est-à-dire  surtout  à  la  description  des  cent  quatre  volumes  de  vélins 
(dont  soixante-quatre  composés  de  reproductions  de  plantes)  conservés 
au  Muséum,  dont  s'est  chargé  M.  H.  Stein.  M.  Michaux  a  décrit  vingt 
mairies,  dix-sept  places  et  squares,  la  Bourse,  le  Tribunal  de  com- 
merce ;  M.  Ruprich- Robert,  le  Val-de-Grâce;  M.  de  Chennevières, 
le  Panthéon.  Chacune  de  ces  notices  est  précédée  d'un  bon  résumé 
historique,  avec  indication  des  sources  principales. 

4. —  La  notice  de  M.  Triger  n'est  pas  une  sèche  biographie  quelconque: 
nous  en  ferions  à  peine  mention,  .s'il  en  était  ainsi;  mais  c'est  une  vraie 
étude  archéologique  sur  un  des  meilleurs  antiquaires  de  la  province,  et 
illustrée  de  nombreuses  figures,  qu'on  a  d'autant  plus  de  plaisir  à  revoir 
ici,  qu'elles  sont  dues  au  crayon  de  M.  Hucher  même,  qui  était  aussi 
dessinateur  habile,  comme  on  sait.  «  Trop  souvent  dépouillée,  au  profit 
de  la  capitale,  de  ses  intelligences  d'élite  et  de  ses  talents  naissants,  la 
province  a  rarement  le  privilège  de  posséder  de  véritables  savants,  dont 
la  réputation,  franchissant  les  limites  ordinaires  de  la  région,  se  répande 
dans  toute  la  France  et  même  à  l'étranger.  »  Très  justes  sont  ces  lignes 
de  M.  T.,  et  il  est  juste  aussi  de  considérer  comme  une  de  ces  exceptions 
heureuses  de  nos  sociétés  de  province,  l'auteur  de  VArt  gaulois,  des 
Calques  des  vitraux  de  la  cathédrale  du  Mans,  de  ïhistoire  du  jeton 
au  moyen  âge,  du  jubé  du  cardinal  de  Luxembourg,  de  l'édition  du 
Saint-Graal,  etc.  —  La  table  bibliographique  qui  termine  la  notice  ne 
contient  pas  moins  de  deux  cent  soixante-seize  numéros. 

5.  -—  11  n'y  a  pas  grand'choseàdire  del'a  esquisse  générale  »de  M.  Pe- 
troz  sur  l'histoire  de  la  peinture.  Il  se  défend  d'avoir  voulu  faire  un  livre 
et  se  présente  à  nous  comme  un  curieux,  désireux  de  rédiger  ses  idées  et 
de  nous  faire  part  de  ses  réflexions  en  face  des  principaux  chefs-d'œuvre, 
particulièrement  ceux  du  musée  du  Louvre.  Il  y  aurait  donc  mauvaise 
grâce  à  trop  exiger  de  lui.  Cependant  il  est  permis  de  trouver  qu'il  au- 


2  38  REVUE    CRITIQUE 

rait  dû  se  borner  à  ces  excursions  pittoresques  dans  le  monde  du  beau, 
et  laisser  de  côte'  cette  préoccupation  continuelle,  qui  pénètre  toutes  les 
pages,  de  «  déterminer  les  rapports  des  diverses  écoles  avec  l'état  intel- 
lectuel, moral  ou  social  contemporain.  »  11  s'est  empressé  de  prendre,  au 
système  connu  de  M.  Taine,  ce  qu'il  a  de  plus  outré  et  de  plus  mesquin, 
et  sans  Tappuyer,  du  moins,  comme  lui,  sur  des  bases  sérieuses,  abso- 
lues..., sans  l'éclairer  par  les  conceptions  d'un  esprit  supérieur.  La  mé- 
thode ne  lui  a  servi  au  contraire  qu'à  lancer  toutes  sortes  d'assertions 
légères  et  suspectes,  appuyées  d'autorités  de  troisième  main.  En  somme, 
en  voulant  trop  être  profond,  il  a  été  superficiel,  et  son  livre  n''appren- 
dra  rien  à  personne. 

6.  —  La  brochure  du  d'-  Wolfram  est  un  résumé  de  l'histoire  de  la 
fameuse  statuette  équestre  de  Charlemagne,  autrefois  conservée  à  la 
cathédrale  de  Metz,  disparue  à  l'époque  de  la  Révolution,  achetée  par 
Al.  Lenoir,  arrivée  après  diverses  aventures  à  l'Hôtel  de  ville  de  Paris, 
sauvée  de  l'incendie  de  la  Commune  et  aujourd'hui  enfin  installée  au 
Musée  de  la  Ville  à  PHôtel  Carnavalet.  Plusieurs  reproductions  en  ont 
été  exécutées  en  bronze,  et  l'une  d'elles  a  été  placée  à  Metz,  en  souvenir 
de  Poriginal  :  c'est  à  propos  de  cette  installation  que  le  d''  Wolfram  a 
écrit  cette  notice,  à  laquelle  il  a  joint  une  phototypie  de  la  repro- 
duction. Donner  l'original  même  eût  été,  semble-t-il,  plus  intéressant 
pour  le  lecteur  messin.  —  Il  expose  l'état  de  la  discussion  ouverte  sur 
l'authenticité  du  portrait,  et  ajoute  des  détails  sur  le  cérémonial  dont  la 
statuette  impériale  était  l'objet  dans  la  cathédrale  de  Metz. 

y.  — Bourges  renferme  deuxenceintes  successives,  séparées  par  cinq  ou 
six  siècles,  l'enceinte  de  la  cité  et  celle  de  la  ville.  La  dernière  a  presque  en- 
tièrement disparu,  et  c'est  la  muraille  antique  qui  s'est  conservée,  englo- 
bée dans  les  constructions  particulières,  entre  la  partie  ancienne  et  la 
partie  moderne  de  la   ville.   L'enceinte    antique  serait  des  premières] 
années  du  v^  siècle,  et  postérieure  à  l'invasion  des  Vandales.  La  maisortl 
célèbre  de  Jacques  cœur  est  établie  sur  cette  puissante  muraille,  La  se- 
conde enceinte  remonterait  à  i  i5o  environ,  —  La  notice  de  M.  BoyerJ 
la  monographie  plutôt,  abondamment  documentée  et  pourtant  serrée  dé] 
près,  est  précieuse  au  double  point  de  vue  de  l'archéologie  et  de  l'histoire] 
locale  et  vraiment  très  intéressante  à  suivre  pour  qui  connaît  Bourges.] 
C'est  à  coup  sûr  un  des  meilleurs  travaux  que  les  sociétés  de  province  1 
aient  fourni  l'année  dernière. 

H.    DE    CURZON.  jV 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Un  archéologue  de  grand  mérite,  M.  F.   Pouy,  vient  de  publier  une 
très  curieuse  notice  sur  les  bas-reliefs  relatifs  à  Sai>U-Finnin-le-Martyr  à  Amiens^ 
et  à  Saint- Acheid,  xiiif,  xv^  et  xvi^  siècles.  (Amiens,  l.anglois,  1890,  in-S"  de  i5  p.).  j 


d'histoire  et  de  littérature  289 

ALLEMAGNE.  —  La  librairie  Gœschen,  de  Stuttgart,  va  publier  :  1°  un  ouvrage 
de  M.  R.  Fester,  Rousseau  iind  die  deutsche  Geschichtsphilosophie,  qui  comprend 
onze  chapitres;  2°  une  Geschichte  der  deutschen  Verfassungsfrage  wcehvend  der 
Befreiungskriege  und  des  Wiener  Kongresses  18 12-18 1 5,  par  W.  Ad.  Schmidt  ; 
ce  livre  posthume  est  publié  par  les  soins  de  M.  Alfred  Stern;  il  rectifie  et  complète 
Treitschke  sur  plusieurs  points. 

—  MM.  Max  Herrmann  et  Siegfried  Szamatolski  publient  à  la  librairie  Speyer  et 
Peters,  de  Berlin,  une  collection  de  Lateinische  Denkmœlev  des  XV  und  XVI  Jahr- 
hunderts  ou  «  Monuments  latins  du  xv'^  et  du  xvi«  siècles  ».  Un  grand  nombre  d'éru- 
dits  leur  ont  promis  leur  appui.  Il  est  convenu  que  les  éditions  renfermeront  une 
introduction  complète  (critique  du  texte,  bibliographie  caractéristique,  historique  et 
littéraire),  et  que  l'orthographe  des  latinistes  du  xv»  et  du  xvi^  siècle  ne  sera  pas 
conservée.  Paraîtront  d'abord  :  ï°  Guliebnus  Gnapheus.  Acolastus,  p.  p.  J.  Bolte;  2° 
Eccius  dedolatus,  p.  p.  S.  Szamatolski;  3"  Tiiomas  Naogeorgus,  Pammachius  (avec 
introd.  d'E,  Schmidt),  p.  p.  J.  Bolte;  4°  Philippus  Melanchthon  Declamationes, 
extraits,  p.  p.  K.  Hartfelder;  5°  Euricius  Cordus,  Epigrammata,  p.  p.  G.  Krause; 
6"  Ugolinus  Pannensis,  Pliilogenia,  p.  p.  Max  Herrmann.  Paraîtront  postérieure- 
ment :  Baptista  Manttianus,  de  septem  peccaiis  cayitalibus,  p.  p.  Enders  ;  Henricus 
Bebelius,  Facetiae,  p.  p.  Roethe;  Xystus  Betulius,  Judith,  p.  p.  Fr.  Spe.vgler  ;  Tho- 
mas  Campanella,  De  civiiate  solis,  p.  p.  P.  Hensel  ;  Convadus  Celtes,  Odae,  p.  p. 
K.  Hartfelder  ;  Cornélius  Crocus,  Josephus,  p.  p. Bolte;  Epistolae obscurorumviro- 
rum,  p.  p.  Szamatolski;  Desiderius  Erasmus,  Carmina  et  Pœdagogische  Schriften, 
p.  p.  Karl  Hartfelder;  Eligius  Euclianus,  Grisellis,  p.  p. Philippe  Strauch;  F.  H. 
Flayder,  Ludovicus  bigamus,  p.  p.  Alex,  von  Weilen  ;  Nicodemus  Frischlinus, 
Julius  redivivus,  p.  p.  G.  Roethe;  Eobanus Hessus,  Heroîdes,  p.  p.  Max  von  Wald- 
BERG  ;  Eobanus  Hessus,  Satirische  Dialoge,  p.  p.  Cari  Krause;  Johannes  Kerck- 
meisler,  Codrus,  p.  p.  Edward  Schrœder;  Deutsche  Lyriker  des  16.  Jahrhunderts 
(Auswahl),  p.  p.  George  Ellinger  ;  Georgius  Macropedius,  Rebelles,  Aluta,  p.p. 
J.  Bolte;  Thomas  Murner,  Honestorum  poemalum  condigna  laudalio,  p.  p.  Th.  von 
Liebenau;  Franciscus  Poggius,  Facetiae,  p.  p.  M.  Herrmann;  Jacobus  Schoepper, 
Joannes  decollatus,  p.  p.  Karl  Drescher;  Ludovicus  Vives,  De  pauperum  subven- 
tione,  p.  p.  P.  Fr.  Ehrle. 

—  M.  MuNCKER  a  été  nommé  professeur  extraordinaire  de  littérature  allemande  à 
l'Université  de  Munich;  M.  Baist,  professeur  ordinaire  de  philologie  romane  à  l'U- 
niversité de  Fribourg. 

—  La  Zeiischrift  fiir  deutsches  Altertum  a.  désormais  pour  directeur,  à  la  place  de 
M.  Steinmeyer  qui  se  retire.  M,  Schrœder,  de  Marbourg. 

ITALIE.  —  M.  Eugène  Mûntz  a  été  nommé  membre  étranger  de  l'académie  royale 
di  San  Luca,  en  même  temps  que  MM.  Ferd.  Gregorovius  et  Wolfgang  Helbig. 

—  Un  de  nos  collaborateurs  nous  écrit  à  propos  de  la  brochure  Una  fantastica 
cronologia  degli  scritti  di  Sant'  Ennodio  dont  nous  avons  rendu  compte  dans 
notre  numéro  40,  la  note  suivante  que  nous  insérons  volontiers.  «  C'est  une  réfu- 
tation en  règle  de  Tanzi.  Elle  aurait  gagné  en  valeur  si  les  arguments  étaient  produits 
sur  un  ton  plus  mesuré,  si  l'écrivain  anonyme  ne  soupçonnait  pas  Tanzi  aussi  bien 
que  Vogel,  le  dernier  éditeur  d'Ennodius,  d'avoir  voulu  discréditer  l'évêque  de  Pavie 
et  l'Eglise  catholique,  si  enfin  on  n'y  trouvait  une  défense  de  toutes  les  opinions 
émises  jadis  dans  la  Scuola  cattolica  de  Milan  (t.  XXI,  i883)  par  Franc.  Magani.  Le 
commentaire  est  d'ailleurs  très  es^timable.  » 

—  (Quelques  érudits  de  Girgenti  ont  fondé  une  Société,  la  Biblioteca  patria  Agri- 
gentina  qui  se  propose  de  recueillir  les  œuvres  des  écrivains  agrigentins  et  tout  ce 
qui  a  été  écrit  et  s'écrira    sur  Acragas,  Agrigente  et   la  moderne  Girgenti.   Elle 


240  REVUE    CRITIQUE    D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

recherche    tous   les   livres,   opuscules,    journaux,   estampes,    manuscrits,    autogra- 
phes, etc.,  relatifs  à  l'histoire  passée  et  présente  de  Girgenti. 


ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  10  octobre  18 go. 

M.  Ch.  Schefer,  président,  annonce  à  l'Académie  que  Sa  Majesté  dom  Pedro, 
empereur  du  Brésil,  associé  de  l'Académie  des  sciences,  honore  la  séance  de  sa  pré- 
sence. 

M.  Deloche  continue  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  Y  Histoire  de  la  ville 
de  Saint- Rémi-de- Provence . 

M.  Edmond  Le  Blant  est  désigné  pour  lire,  à  la  séance  publique  annuelle  de 
l'Académie,  son  mémoire  intitulé  :  Trois  statues  cachées  par  les  anciens.  Cette 
séance  aura  lieu  le  vendredi   14  novembre. 

M.  René  de  Maulde-la-Clavière  communique  un  travail  sur  les  origines  du  canton 
du  Tessin.  Il  formule  dans  les  termes  suivants  le  résultat  de  ses  recherches  :  «  Il 
n'est  pas  exact  de  dire  que  le  canton  du  Tessin  doit  sa  naissance,  en  l'année  i5oo,  à 
une  promesse  ou  à  une  tolérance  de  Louis  XII.  comme  l'ont  affirmé  Prato  et  Gui- 
chardin.  C'est  par  un  acte  de  violence  que  les  Suisses  arrachèrent  ce  lambeau  de  la 
Lombardie.  Ils  s'y  maintinrent  par  l'appui  de  l'Allemagne  et  des  amis  de  l'Allema- 
gne en  Italie,  c'cst-à-dire  des  Gibelins,  principalement  des  Gibelins  de  Lugano.  » 

M.  Menant  annonce  en  ces  termes  la  découverte  de  quelques  inscriptions  hétéennes 
nouvelles  :  «  J'ai  l'honneur  de  vous  faire  part  d'une  découverte  qui  intéressera  vive- 
ment ceux  qui  se  préoccupent  des  études  hétéennes.  Je  viens  de  recevoir  une  lettre 
de  M.  le  ptof.  Sa\ce  (6  de  ce  mois)  qui  m'apprend  que  MM.  Ramsay  et  Hogarth 
ont  voyagé  tout  l'été  en  Cappadoce,  et  qu'ils  ont  pris  des  estampages,  des  photogra- 
phies et  des  copies  des  inscriptions  de  Bov.  d'Ibreez  de  Bulgovmaden,  de  Gurun  et 
d'ilgun.  Ils  ont  découvert  également  une  série  de  sculptures  rupestres  à  Frathin. 
Les' estampages  des  inscriptions  de  Bov  et  d'Ibreez,  peuvent  être  considérées  comme 
faisant  connaître  de  nouvelles  inscriptions,  car  les  copies  qu'on  en  avait  jusqu'ici 
étaient  tellement  défectueuses  qu'elles  ne  pouvaient  servir  de  base  à  un  travail  sérieux. 
Les  autres  inscriptions  sont  complètement  inédites.  M.  Sayce  a  déjà  sous  les  yeux 
les  estampages  des  textes  de  Bov  et  d'Andaval,  ainsi  que  les  copies  des  inscriptions 
d'Ibreez,  de  Buigovmaden  et  de  Gurun;  il  attend  dans  quelques  semaines  des 
estampages  et  des  photographies  de  tous  les  autres  documents. 

«  L'examen  sommaire  auquel  M.  Sayce  s'est  livré  sur  ces  nouveaux  textes,  l'a 
amené  à  la  conhrmation  de  plusieurs  de  ses  lectures  antérieures,  et  quelquefois  à  en 
compléter  ou  à  en  rectifier  d'autres.  C'est  ainsi  qu'il  a  été  conduit  à  reconnaître  à  un 
signe  qu'il  n'avait  pas  traduit  dans  les  inscriptions  de  Hamath,  la  valeur  idéographi- 
que de  «  construire,  faire,  fonder  ».  Or,  c'est  précisément  le  même  signe  auquel 
j'avais  attribué  de  mon  côté  la  valeur  du  «  construction,  temple,  palais,  forteresse  » 
en  m'appuyant  sur  le  rôle  qu'il  joue  dans  le  nom  de  Kar-Kemish,  ainsi  que  je  l'ai 
expliqué  dans  notre  séance  du  g  juin  dernier;  c'est  aussi  cette  valeur  qui  m'a  con- 
duit à  compléter  également  la  lecture  de  la  partie  finale  des  trois  inscriptions  de 
Hamath  dont  j'avais  entretenu  l'Académie  antérieurement.  Permettez-moi  de  faire 
remarquer  ici  que  M.  Sayce  n'a  pu  avoir  connaissance  de  mes  travaux  actuellement 
sous  presse,  l'un  dans  vos  Mémoires,  l'autre  dans  le  Recueil  de  M.  Maspero;  pas 
plus  que  je  ne  pouvais  soupçonner  l'existence  des  documents  nouveaux  sur  lesquels 
M.  Sayce  s'appuie  aujourd'hui.  Je  suis  heureux  de  faire  appel  aux  souvenirs  de 
l'AcaJemie  en  cette  circonstance,  pour  constater  qu'on  peut  déjà,  dans  cette  science 
si  nouvelle,  arriver  aux  mêmes  résultats  en  se  livrant  d'une  manière  indépendante  à 
l'étude  des  textes  hétéens.  » 

M.  Théodore  Reinach  commence  une  communication  sur  l'histoire  des  rois  de 
Commagène,  d'après  des  inscriptions  récemment  découvertes  dans  ce  pays  par 
MM.  Humann  et  Puchstein. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  le  Secrétaire  perpétuel  :  Hauréau(B.),  Notices  et 
Extraits  de  quelques  manuscrits  latins  de  la  Bibliothèque  nationale;  —  par 
^L  Schlumberger  :  Svoronos,  Numismatique  de  la  Crète  ancienne,  i"  partie,  texte 
et  atlas;  —  par  M.  Saglio  :  Dictionnaire  des  antiquités  grecques  et  romaines,  fasc.  14; 
—  par  M.  Gaston  Paris  :  Mélv  (F.  de),  la  Croix  des  premiers  croisés  (extrait  de  la 
Revue  de  l'art  chrétien):  —  par  M.  Daubrée,  de  l'Académie  des  sciences  :  un  numéro 
du  Monatsblatt  der  numismatischen  Gcsellschaft  m  Wien,  contenant  un  article  de 
M.  brezina,  sur  des  médailles  antiques  où  sont  représentés  des  météorites;  —  par 
M.  Delisle  :  Babelon  (Lrnest),  Catalogue  des  monnaies  grecques  de  la  Bibliothèque 
nationale,  tome  l^f. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  '23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE     LITTÉRATURE 

N"  43  -  27  octobre  —  1890 


Sommaire  î  456.  Bergaigne  et  Henry,  Manuel  pour  étudier  le  sanscrit  védique. — 
457.  Tacite,  Germanie,  p.  p.  Zernial.  —  458.Ebert,  Littérature  latine  du  moyen 
âge,  2'  éd.  I.  —  45g.  Bratke,  Sources  de  l'histoire  ecclésiastique.  —  460.  Blan- 
chet,  Manuel  de  numismatique.  —  461.  Lair,  Foucquet.  —  462.  Saint-Simon, 
Mémoires,  vu,  p.  p.  Boislisle.  —  463.  P'aguet,  xviii»  siècle,  études  littéraires.  — 
464.  TouRNEUx,  Bibliographie  de  l'histoire  de  Paris  pendant  la  Révolution,  — 
Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


456.  —  A.  Bergaigne  et  V.  Henry.  Manuel  pour  étudiei*  le  sansci-ît  védi- 
que. Précis  de  grammaire  —  Chrestomathie  —  Lexique.  Paris,  Emile  Bouillon, 
1890. —  xvii-336  pp.  in-8. 

Le  projet  de  doter  notre  enseignement  d'un  Manuel  de  la  langue  védi- 
que était  arrêté  chez  Bergaigne  dès  le  temps  où  il  traçait  le  plan  de  son 
Manuel  de  la  langue  classique  ^.  Dans  sa  pensée,  l'un  était  le  complé- 
ment nécessaire  de  l'autre  et,  en  rédigeant  le  seul  des  deux  ouvrages 
qu'il  lui  était  réservé  d'achever,  il  n'avait  si  soigneusement  écarté  toute 
allusion  aux  formes  archaïques,  que  parce  qu'il  était  bien  décidé  à  les 
traiter  à  part.  D^autres  travaux  l'avaient  obligé  d'ajourner  ce  projet 
mais  il  ne  l'avait  pas  abandonné.  Le  dessin  général  du  livre  était  arrêté 
des  parties  même  en  avaient  été  rédigées  et  lui  avaient  encore  été  sou 
mises  par  celui  de  ses  élèves  qu'il  s'était  plus  particulièrement  associé 
pour  cette  tâche  et  à  qui  devait  incomber  le  pieux  devoir  de  l'achever. 

Dans  le  Manuel,  tel  que  le  publie  M.  Henry,  le  choix  des  hymnes  du 
i^igveda  et  de  l'Atharvaveda  est  de  Bergaigne,  sauf  un  hymne  à  Yama, 
que  M.  H.  s'est  décidé  à  admettre,  pour  que  cette  importante  figure  du 
panthéon  védique  fût,  comme  les  autres,  représentée  dans  le  recueil. 
Les  textes  rituels  (un  morceau  duÇatapatha  Brâhmana,  un  morceau  de 
TAitareya  Brâhmanaet  deux  chapitres  du  Grihyasûtra  de  Gobhila  ~)  ont 
été  choisis  par  M.  Henry.  Bergaigne  n'avait  rien  arrêté  de  définitif  à  cet 
égard.  Peut-être  se  serait-il  décidé  à  faire  la  place  plus  grande  aux  spé- 
cimens de  la  prose  védique.  Dans  l'incertitude  et  pour  maintenir  une 
proportion  plus  exacte  entre  les  deux  manuels,  M.  H.  a  cru  devoir  limi- 
ter son  choix,  en  se  conformant  d'ailleurs  à  la  pensée  de  son  maître,  qui 
était  de  prendre  des  morceaux  rituels  de  préférence  à  des  morceaux  lé- 
gendaires. 

La  grammaire  est  entièrement  l'œuvre  de  M .  Henry.  Elle  a  été  retrou- 

1 .  Cf.  Reu.  crit.  du  20  sept.  i885. 

2.  Ces  deux  derniers  morceaux  appartiennent  bien  à  la  littérature  du  Véda,  mais 
non  à  la  langue  ni  à  la  grammaire  védique. 

Nouvelle    série.  XXX.  "  43 


242  REVUE    CRITIQUE 

vée  dans  les  papiers  du  défunt,  telle  qu'elle  lui  avait  été  envoyée,  sans 
aucune  annotation  de  sa  main.  Il  est  donc  douteux  que  Bergaigne  ait 
eu  le  temps  de  la  revoir.  Mais,  de  toutes  les  parties  de  Toeuvre,  c'était 
peut-être  celle  où  Ton  risquait  le  moins  de  se  méprendre  sur  ses  inten- 
tions. Le  Manuel  sanscrit  donnait  le  cadre  :  il  n'y  avait  qu'à  le  remplir, 
en  reprenant,  paragraphe  par  paragraphe,  les  faits  d'ordre  archaïque  qui 
en  avaient  été  exclus.  L'admirable  grammaire  de  M.  Whitney,  qui  avait 
déjà  servi  de  terme  de  comparaison  et  de  moyen  de  contrôle  pour  le 
premier  Manuel,  était  désignée  d'avance  pour  le  même  service  à  rendre 
au  second.  Le  reste,  même  pour  les  matières  entièrement  neuves,  telles 
que  l'accentuation  et  la  métrique,  n'était  qu'affaire  de  rédaction  et  aussi 
de  mesure  :  il  s'agissait,  tout  en  écrivant  un  Manuel,  de  n'omettre  aucun 
fait  important.  M.  H.  avait  vécu  trop  longtemps  en  parfaite  commu- 
nion d'idées  avec  son  maître,  pour  n'avoir  pas  l'exact  sentiment  de  cette 
mesure.  Sur  un  petit  nombre  de  points  seulement,  je  crois  qu'il  aurait 
pu  être  plus  complet.  Au  chapitre  de  la  composition,  par  exemple,  pour- 
quoi ne  pas  remarquer  que  les  ly pesjamadagtii,  bharadvdja,  crutkarna 
et,  en  général,  les  composés  syntactiques  sont  védiques  ?  Les  règles  d'ac- 
centuation pour  ce  chapitre  auraient  aussi  pu  être  plus  développées.  Le 
traité  de  M.  Aufrecht  sur  l'accent  des  composés,  bien  que  vieux  de  près 
d'un  demi  siècle,  eût  été  consulté  a^^ec  profit.  De  même  les  monogra- 
phies de  MM.  Avery  et  Lanman  auraient  fourni  quelques  données  de 
statistique  plus  précise  pour  les  formes  nominales  et  verbales.  Mais  ce 
sont  là  des  faits  d'appréciation  toute  personnelle  et  forcément  variable. 

Plus  délicate  de  beaucoup  était  la  rédaction  du  lexique.  Pour  les  mor- 
ceaux empruntés  au  i^igveda,  M.  H.  avait  pour  se  guider,  outre  les  tra- 
vaux généraux  de  Bergaigne,  une  traduction  entièrement  rédigée  de  sa 
main,  qui  s'est  trouvée  dans  ses  papiers  1.  Mais,  pour  les  morceaux  de 
l'Atharvaveda,  il  était  livré  à  lui-même.  Je  n'ai  pas  eu  le  temps  d'exa- 
miner en  détail  cette  partie  de  l'ouvrage.  Mais  j'en  ai  vu  assez  pour  me 
convaincre  que  là  aussi  M.  H.,  sans  abdiquer  en  aucune  façon  son  ju- 
gement propre,  a  travaillé  dans  l'esprit  de  son  maître,  avec  un  soin  dé- 
voué. 

Il  ne  me  reste  qu'à  signaler  à  M.  H.  quelques  menus  détails  de  rédac- 
tion sur  lesquels  je  ne  suis  pas  d'accord  avec  lui. 

P.  I,  §  I  et  suivants,  M.  H.  oppose  l'un  à  l'autre  Veda  ti  Brdhmana 
d'une  façon  qui  ne  me  paraît  pas  admissible,  quand  on  procède  par  défi- 
nitions. Comment  s'y  prendrait-il  pour  appliquer  sa  terminologie  au 
Yajus  Noir?  —  P.  6,  §  16  :  «  L'accent  grave,  correspondant  à  ce  que 
nous  nommons  la  syllabe  atone  ».  Cela  est  un  peu  sommaire  après  ce 
qui  vient  d'être  dit  de  la  nature  musicale  de  l'accent  védique.  Pour  nous, 
la  syllabe  atone  est  avant  tout  une  syllabe  qui  n'a  pas  Victus,  sur  laquelle 
la  voix  faiblit;  en  sanscrit,  l'accent  grave  marque  les  syllabes  sur  les- 

I.  A  côté  d'une  autre  traduction  complète  de  M.  Henry,  que  celui-ci  lui  avait  en- 
voyée et  à  laquelle  il  n'avait  ajouté  que  quelques  courtes  annotations. 


d'histoire  et  de  littérature  243 

quelles  la  voix  baisse.  L'accent  svarita  ne  descend  pas  non  plus  «  de 
l'aigu  au  grave  »>.  D'après  la  tradition,  il  prend  de  plus  haut  que  l'aigu 
et  descend  plus  bas  que  le  grave.  —  P.  8,  §  2 1  B  ;  p.  32,  §  93  ;  p.  19, 
§41  :  pourquoi  dire  que,  dans  les  cas  spécifiés,  le  verbe  personnel  et  les 
vocatifs  sont  «  enclitiques,  par  conséquent  atones  »,  et  ne  pas  dire  simple- 
ment qu'ils  ne  sont  pas  marqués  de  l'accent.  Il  y  a  là  évidemment  des 
faits  qui  nous  échappent,  parce  que  la  notation  védique  n'a  pas  tenu 
compte  de  Victus.  —  P.  10,  §  25  :  «  Cette  notation  (celle  du  i^igveda) 
est  suivie  dans  toutes  les  éditions  européennes  des  Vedas  ».  M.  H.  sait 
fort  bien  que  cela  n"'est  pas  vrai  pour  les  vers  du  Sàmaveda,  ni  pour  l'Ai* 
tareya  et  le  Çatapatha-brâhma?za  (puisqu'il  en  fait  lui-même  la  remar- 
que ailleurs),  ni  pour  la  Maitrâya?n  Saj7zhitâ,  ni  pour  le  Kaushîtaki- 
brâhmana,  ni  pour  les  Brâhma/zas  du  Sàmaveda  et  de  l'Atharvaveda. 
Or  tout  cela  fait  bien  partie  «  des  Vedas  ».  —  P.  1 3,  §  20  F  :  je  n'aime 
pas  beaucoup  «  le  groupe  primitif  ^d  »,  qui  nous  transporte  sans  transi- 
tion sur  un  tout  autre  domaine,  celui  delà  phonétique  indo-européenne. 
Partout  ailleurs,  M.  H.  a  évité  de  s'y  engager  avec  une  abnégation  de  sa 
part  tout  à  fait  louable.  J'eusse  préféré  qu'il  s'en  fût  encore  abstenu  cette 
fois-ci,  et  qu'il  eût  remarqué  plutôt  que  le  fait  en  question  rentre  dans 
les  tendances  pracritisantesqui  se  manifestent  parfois  dans  la  langue  vé- 
dique. Une  observation  semblable  aurait  pu  être  faite  en  passant  pour 
d'autres  particularités  de  cette  langue;  par  exemple,  la  confusion  qu'elle 
autorise,  en  beaucoup  de  cas,  entre  les  thèmes  en  f,  u  et  ceux  en  i,  û.  — 
P.  43,  §  I  24  :  à  prendre  les  termes  strictement,  il  y  a  là  une  confusion 
entre  la  gâyatri  et  le  gâyatra  pdda.  La  formule  si  fréquente  ashtdk- 
shard  gâyatrî  ne  signifie  pas  précisément  que  huit  syllabes  font  une 
gâyatrî,  qui,  dans  la  langue  technique,  en  comprend  toujours  vingt- 
quatre.  La  même  observation  s'applique  aux  paragraphes  suivants  1. 

Mais  ce  sont  là  d'insignifiants  détails,  qui  ne  sauraient  diminuer  en 
rien  la  reconnaissance  que  nous  devons  à  M.  H.  pour  le  soin  qu'il  a 
mis  à  achever  cette  œuvre  de  collaboration  posthume.  Elle  nous  rap- 
pelle d'une  façon  touchante  tout  ce  que  nous  devons  à  celui  qui  n'est 
plus,  et  elle  nous  permet  d'espérer  beaucoup  de  ceux  qu'il  a  formés.  A 
l'enseignement  supérieur  en  France,  elle  donne  un  instrument  excellent. 
Les  changements  que  M.  Henry  a  introduits  dans  les  dispositions 
extérieures  du  livre,  la  substitution  du  caractère  romain  au  caractère 
devanâgarî,  la  suppression  de  certaines  lisières  bonnes  pour  des  com- 
mençants, mais  inutiles  ici,  l'arrangement  du  lexique  rendu  plus  com- 
mode, sont  tous  juslitiés  dans  un  ouvrage  qui  s'adresse  à  des  élèves  beau- 
coup plus  avancés  et  qui,  tous,  sont  supposés  en  parfaite  possession  du 
Manuel  de  la  langue  classique. 

A.  Barth. 


I.  P.  10,  1.  6,  lire  (dans  le  àù\z.x\'\s,din), yajamdnây^a. 


244  REVUE    CRITIQUE 

457.  —  U.  Zernial,  Xncitus  Gorninnla  erklrert  mit  einer  Karte  von  H.  Kiepert. 
Berlin,  Weidmann,  1890.  Vorwort,  ui-iv.  Einleitung,  1-14.  Texte,  17-qi.  Kri- 
tischer  Anhang,  92-94.  Namenverzeichniss,  gS-ioi. 

La  collection  Weidmann  ne  contenait  pas  jusqu'ici  les  œuvres  com- 
plètes de  Tacite.  On  avait  depuis  longtemps  l'excellente  édition  des 
Annales  de  Nipperdey,  revue  depuis  quelques  années  par  Andresen.  U 
y  a  deux  ans,  Éd.  Wolf  a  donné,  pour  y  faire  suite,  une  bonne  édition 
des  Histoires.  Voici  la  Germanie  3innoiéQ  d  après  la  même  méthode  qui 
certes  est  la  bonne. 

L'auteur,  M.  U.  Zernial,  a  eu  déjà  l'occasion  de  s'occuper  de  cet 
ouvrage  de  Tacite  en  rendant  compte  de  la  4^  édition  de  Halm  1.  Il  a 
montré  dans  son  article  que,  de  la  3'^  à  la  4^  édition,  les  idées  de  Halm 
sur  la  valeur  des  mss.  de  la  Germania  ont  beaucoup  changé,  et  que, 
comme  Ta  proposé  Waitz  et  comme  le  fait  Halm,  il  faudra  désormais 
attacher  beaucoup  plus  d'importance  aux  mss.  Ce. 

Le  choix  du  texte  est  judicieux;  l'apparat  critique  très  clair,  et  bien 
au  courant.  On  relèverait  entre  la  carte  due  à  Kiepert  et  l'orthographe 
de  l'édition  certains  désaccords  (42,  Varisti)  et  dans  la  carte  quelques 
omissions  (28,  Nemetes  ;  40,  Aviones^  etc.),  —  Dans  le  texte  les  fautes 
d'impression  sont  malheureusement  assez  nombreuses. 

On  sait  combien  sont  nombreux  les  travaux  allemands  sur  la  Ger- 
manie. M.  Z,  en  a  tiré  bon  parti  sans  sV  perdre.  L'introduction  con- 
tient sur  le  moment  où  a  été  composé  le  livre,  sur  le  but  de  Touvrage,  sur 
le  style  dans  lequel  il  est  écrit,  de  bonnes  remarques  où  j'aurais  seulement 
voulu  çà  et  là  un  peu  plus  de  clarté.  Je  citerais  volontiers,  sur  les  imi- 
tations de  Tacite,  une  page  (p.  8-9)  très  intéressante,  mais  sur  laquelle  il 
y  aurait  bien  à  dire.  Qu'il  me  suffise  ici  de  regretter  que  dans  cette 
introduction  comme  dans  les  notes,  Tacite  n'ait  pas  été  un  peu  plus 
comparé  à  lui-même.  Sans  compter  beaucoup  de  passages  des  Annales 
auxquels  il  eût  fallu  renvoyer,  ne  devait-on  pas  rapprocher  (38  fin)  : 
ament  amenturque  de  l'expression  fameuse  (19)  :  corrumpere  et  cor- 
rumpi  et  remarquer  que  ce  tour  célèbre  a  été  repris  plus  lard  et,  comme 
il  arrive  dans  ces  reprises,  quelque  peu  gâté  par  Tacite  dans  un  ouvrage 
postérieur  (Ann.  XIV,  20)?  L'excellent  lexique  de  Gerber  et  Greef 
rend,  à  Theure  présente,  moins  excusables  des  omissions  de  ce  genre. 

Emile  Thomas. 


458.  —  Allgemelne  Geschiclite  <ler  L,iteratui>  des  MIttelalters  îm 
Ahcndlande  bin  7.uin  Beginnc  des  XI  Ialii>liander(s,  von  Adolf  Ebert. 
Erster  Band,  zweite  verbesserte  und  vermehrte  Auflage.  Leipzig,.  Vogel  xiv-667  pp. 
Prix  :  12  Mark.  .^Jjl 

La  première  édition  de  ce  volume  comprenait  616  pp.  de  texte;  la 
seconde  en  a  659.  Gomme  il  n'y  a  pas  à  revenir  sur  l'importance  capi- 

I.  Voir  la   Wochenschrift  de   ibi85,  p.   1040  et  suiv. 


d'histoire  et  de  littératdrb  245 

taie  d'un  livre  qui  est  la  meilleure  histoire  de  la  littérature  latine  chré- 
tienne, je  voudrais  indiquer  seulement  dans  cet  article  les  modifications 
que  quinze  années  de  recherches  entreprises  partout  ont  nécessitées  dans 
ce  tableau  d'ensemble.  Comme  on  va  le  voir,  ces  changements  ne  por- 
tent guère  sur  l'essentiel,  à  part  quelques  additions  importantes.  Ainsi 
qu'on  doit  s'y  attendre,  c'est  la  bibliographie  surtout  qui  a  reçu  de  Tac- 
croissement. 

P.  26,  n.  I  (traduction  française,  35,  i)  :  éd.  de  Minucius  Félix  par 
Baehrens  (1886)  ;  Schwenke,  ueber  die  Zeit  des  M.  F.,  dans  Jahrb.  f. 
prot.-Th.,  IX;  Kuhn,  der  Octauius  des  M.  F.,  1882.  P.  26,  n.  4(35,  4), 
M.  Ebert  ne  se  déclare  convaincu  ni  par  la  dissertation  de  Wilhelm 
(Breslauer  phil.  Abhandl.  II)  ni  par  l'article  de  Massebieau  (Rev.  hist. 
rel.,  i5,  3 16)  au  sujet  des  rapports  entre  M.  F.  et  TertuUien;  il  main- 
tient son  ancienne  opinion,  P.  33,  i  (42,  r)  :  Hauschild,  die  rationale 
Psychologie  u.  Erkenntnisstheorie  Tertullians,  1880;  Nôldechen,  Ter- 
tullian  als  Mensch  u.  Bûrger  (Sybels,  H.  Z.  S.,  54).  P.  33,  2  (42): 
mention  de  Topinion  de  Nôldechen  (Z.  f.  w.  Th.,  2g,  207)  qui  ramène 
l'année  de  la  naissance  de  TertuUien  à  i5o.  P.  41  (5i),  l'ouvrage  de 
T.  Ad  nationes  a  été  écrit  vers  le  même  temps  que  VApologeticum  ; 
ce  dernier  a  été  d'abord  achevé,  mais  par  contre  Vad  nationes,  tout  au 
moins  son  premier  livre  a  été  publié  auparavant,  tandis  que  Vapologe- 
ticum,  était  envoyé  seulement  3,n^  praesides.  P.  44,  i  (54),  éd.  dw  De 
spectaculis  par  Klussmann,  1877.  P.  63  (74),  le  De  aleatoribns  est 
l'œuvre  d'un  évêque  qui  interdit,  avec  des  accents  qui  atteignent  parfois 
l'éloquence,  le  jeu  de  iés,  une  invention  du  diable,  comme  la  luxure  et 
l'idolâtrie.  Cet  écrit  est  intéressant  aussi  au  point  de  vue  archéologique. 
C'est  en  vain  que  Harnack,  dans  une  étude  très  habile  et  par  là  d'autant 
moins  probante,  a  essayé  d'attribuer  l'ouvrage  au  pape  Victor.  Des  au- 
torités théologiques  comme  Zahn  (Gesch.  des  neut.  Kanons,  I,  i,  346) 
et  philologiques  comme  Wôlfflin,  se  sont  prononcées  contre  l'hypothèse 
de  Harnack'.  Wôlfflin  place  l'opuscule  après  S.  Cyprien,  Haussleiter 
(Th.  LE.  I  févr.  89),  après  25o.  Cependant  on  ne  peut  descendre  au- 
delà  du  me  siècle,  date  adoptée  par  Zahn.  On  ne  comprend  pas  pour- 
quoi Harnack  annonce  au  titre  le  d.  a.  comme  «  le  plus  ancien  écrit 
chrétien  en  latin  »,  à  moins  qu'il  n'adopte  comme  règle  chronologique 
\tde  iiiris  illustribus  de  S.  Jérôme  qu'il  malmène  si  fort,  p.  120.  P.  64, 
I  (74,  i)  :  Kettner,  Cornélius  Labeo,  ein  Beitrag  zur  Quellenkritik 
des  Arnobius,  1877;  Francke,  die  Psychologie  und  Erkenntnisslehre 
des  Arnobius,  1878.  P.  64,2  (74,  2),  Reifferscheid  a  montré  que  le  nom 
d'Arnobe  pouvait  avoir  une  origine  grecque,  cequi  expliquerait  l'absence 
de  surnom  et  de  prénom.  P.  72,  i  (82,  5)  :  Arnobe  est  surtout  important 
à  cause  des  données  mythologiques  empruntées  en  grande  partie  à  des 
ouvrages  perdus,  comme  ceux  de  Cornélius  Labeo;  une  partie  est 
paisée   dans  le  Protrepticus  de  S.  Clément.   P.  89,  i    (100,    i)  :    éd. 

I.  Cf.  cependant  Rev.  cv.,  1^89,  I,  23  et  un  prochain  article. 


246  REVUE    CRITIQUE 

Dombart  de  Commodien,  dans  la  collection  de  Vienne.  P.  90,  3  (loi, 
3  et  4),  on  ne  peut  suivre  la  division  des  Instriictiones  donnée  par  les 
mss.  ;  le  2*^  livre  commence  à  l'acrostiche  46,  comme  le  prouvent  sa  des- 
tination cataciiminis,  son  contenu,  et  le  caractère  des  acr.  42-45  qui  se 
rattachent  bien  au  i^""  livre.  Gennade  vise  certainement,  dans  l'indica- 
tion libriim  adu.  faganos,  les  Instr.  non  le  Carmen,  comme  le  prouve 
sa  dernière  phrase  {iiolnntariae  paupertatis  amorem),  qui  convient  à 
Jnstr.  I  2Q  et  3o,  non  à  Carm.  27.  P.  gS,  i  (104,  1)  sur  la  métrique  de 
C,  consulter  Hanssen,  de  arte  metrica  Commodiani  (1881)  etW.  Meyer, 
Anfang  u.  Ursprung  der  r.  Dichtung.  P.  93,  2  (104],  au  rôle  de  l'ac- 
cent, il  faut  ajouter  l'ébauche  de  la  rime,  par  exemple  le  dernier  acrosti- 
che (eno),  H,  8  (en  e  ou  ae)  P.  95,  (  (106,  i),  Carm.  809,  persecutio tst 
sur  jet  de  puisât;  pour  cingitiir  ense  (conjecture  de  Dombart),  le  sujet  est 
qui  suivant,  représentant  Apollon.  Il  faut  remarquer  que  dans  l'analyse 
du  Carmen,  donnée  dans  ces  pages,  les  renvois  sont  faits  maintenant 
d'après  la  numérotation  de  l'édition  Dombart.  P.  100,  n.  3  (112,  2)  : 
l'attribution  du  De  Phœnice  à  Lactance  a  été  fortifiée  par  les  recherches 
citées  de  Riese  et  de  Dechent,  notamment  par  les  comparaisons  linguis- 
tiques instituées  par  ce  dernier, 

P.  111,2  (123,  2)  :  Schultze,  Gesch.  des  Untergangs  des  griech.  — 
rom.  Heidenthums,  t.  I,  1887.  P  1 14,  2  (127),  la praefatlo  de  luuen- 
cus  est  précédée  d'une  autre  en  8  hexamètres,  où  sont  caractérisés  les 
quatre  Évangélistes  ;  il  est  difficile  de  croire  à  l'authenticité  de  cette 
préface,  rejetée  à  bon  droit  par  le  dernier  éditeur,  Marold  (1886).  Le 
titie  Euangellorum  libri  /F de  îuuencus  est  attesté  par  tous  les  mss., 
tandis  que  celui  des  éditions  Historia  Euangelica  n'a  aucune 
autorité,  P.  117,  i  (129),  outre  Virgile,  Iuuencus  a  imité  Lucrèce, 
Ovide,  Lucain  et  Horace.  P.  118,  3  il  faut  signaler  le  poème 
Laudes  Domini,  éloge  du  Seigneur,  créateur  et  sauveur,  à  propos  d'un 
miracle  arrivé  au  pays  des  Eduens  et  considéré  comme  un  signe  précur- 
seur de  sa  venue,  La  pièce,  aujourd'hui  mutilée,  se  termine  par  un  éloge 
de  Constantin.  L'œuvre  est  certainement  d'un  Gaulois,  peut-être  comme 
le  croit  le  dernier  éditeur,  Brandes  (pr.  Braunschweig,  1887  -),  d'un 
rhéteur  d'Autun;  en  tout  cas,  on  doit  placer  la  composition  de  ces 
148  hexamètres  à  la  même  époque  que  celle  de  V Historia  euangelica. 
P.  119  (i3i),  on  n'a  pas  encore  recherché  jusqu'à  quel  point  les  poè- 
mes sur  Moïse  et  Josué  pouvaient  être  attribués  à  Iuuencus.  L'hypothèse 
de  Peiper  (éd.  d'Auitus,  préf.,  LXIII),  qui  croit  trouver  leur  auteur 
dans  un  Cyprien  vivant  au  milieu  du  vi^  siècle  dans  la  Gaule  méridio- 
nale, est  contredite  par  l'usage  de  l'Itala  fait  dans  ces  pièces;  de  plus, 
le  nom  de  Cyprien  ne  repose  sur  rien,  enfin,  Peiper  attribue  au  même 
personnage  de  Sodoma  et  de  lona,  qui  sont  certainement  d'une  main 
toute  différente.  P.  124,  4(136,  6)  sur  le  rhéteur  chrétien  Victorinus, 
cf.  Koffmane,  de  Mario  Victorino,  1880;  Koffmane  ne  veut  pas  qu'on 

2.  Cp.  Rev.  cr.  1887,  II,  355. 


d'histoire  et  de  littérature  247 

lui  attribue  le  poème  sur  les  Macchabées,  mais  son  opinion,  d'après  la- 
quelle l'ouvrage  serait  cfHilaire  d'Arles,  n'est  pas  mieux  fondée.  P.  i25, 
2  (i38),  lire  maintenant  le  centon  de  Proba  dans  l'éd.  Schenkl,  de 
Vienne,  1888  1.  P.  126  (i38),  le  centon  est  certainement  l'œuvre  de 
Proba,  mais  de  la  femme,  non  de  la  fille  d'Adelphius  ;  c'est  ce  qu'a  clai- 
rement prouvé  Seeck  dans  les  prolégomènes  de  Tédition  de  Symmaque 
(i883).  P.  126,  2  (i38,  3),  le  premier  prologue  donné  par  quelques 
mss.,  dédicace  à  Arcadius,  n'est  pas  Toeuvre  de  Proba,  mais  probable- 
ment l'œuvre  du  copiste  de  l'exemplaire  offert  à  ce  prince.  P.  126,  3 
(i38),  on  avait  considéré  le  centon  comme  adressé  par  Proba  à  ses  en- 
fants sur  la  foi  d'une  mauvaise  lecture  (natis  pour  iiatis^  12)  ;  cependant, 
il  a  servi  dans  renseignement,  comme  aide-mémoire  pour  retenir  les 
vers  de  Virgile.  P.  i33,  1  (145,  2)  :  Dombart  a  démontré  que  les  cita- 
tions bibliques  de  Firmicus  proviennent  des  Testimonia  de  S.  Cyprien 
(Zsch.  f.  w.  Th.,  22,  375).  P.  142,  n.  i  (i55)  :  Gamurrini  a  trouvé  à 
Arezzo  dans  un  ms.  du  xif  siècle  un  traité  De  mysteriis  et  des  hymnes 
attribués  à  S.  Hilaire.  Il  est  très  difficile  d'accepter  cette  indication. 
P.  143,  I  (i55,  3)  :  Ewald,  der  Einfluss  der  stoischciceronianischen 
Moral  auf  die  Darstellung  der  Ethik  bei  Ambrosius,  1881.  P.  i5i,2 
(164),  Fôrster  place  le  i)e  Isaac  en  387  ou  388,  à  cause  des  allusions 
historique  et  de  sa  parenté  avec  les  autres  ouvrages  consacrés  aux  patriar- 
ches. P.  171,  I  (186,  1),  M.  E.  est  plus  réservé  dans  le  rejet  de  l'attribu- 
tion à  S,  Ambroise  de  Touvrage  d'Hégésippe  et  renvoie  à  l'art,  de  Reiffers- 
cheid,  dans  les  Mémoires  de  l'Ac.  de  Vienne  (LVI,  442).  P.  173,  3  (188, 
2):  Kayser,  Beitrage  zur  Gesch.  u,  Erklarung  der  altesten  Kirchenhym- 
nus,  I,  I  881 .  P.  191 ,  I  (207)  :  Nowack,  die  Bedeutung  des  Hieron.  fiir 
die  alttestamentliche  Texkritik,  1875.  P.  198,  i  :  sur  la  correspon- 
dance de  S.  Augustin  et  de  S.  Jérôme,  cf.  l'art.  d'Overbeck,  dans  Sy- 
beis  H .  Z.,  42,  222.  P.  200,  (2 1 7),  la  passion  des  Quatre  Couronnés  est 
dans  son  texte  actuel  au  plus  tard  du  v^  siècle;  sur  cette  légende,  cf.  le 
progr.  de  Luisen-Gymnasium  à  Berlin  (1886)  par  Edm.  Meyer.  P.  204, 
I  (221,  i),  mention  de  l'édition  manquée  du  De  uiris  illustribus  de 
S.  Jérôme  par  Herding.  P.  211,  i  (229),  sur  la  langue  de  S.  Jérôme, 
indication  des  travaux  de  Paucker  et  de  Gœlzer.  P.  212,  1  (23o,  i)  : 
Storz,  die  Philosophie  des  heil.  Augustinus  (1882);  Reuter,  Augusti- 
nische  Studien  (1887;.  P-  ^52,  i  (273,  i),  sur  Prudence  :  Faguet,  de 
P.  carminibus  lyricis,  i883;  Allard,  Prudence  historien,  Rev.  q.  hist., 
36  (cf.  ib.  t.  37);  Rosier,  der  kath.  Dichter  Pr.,  1886.  P.  2=^3,  5  (274), 
les  deux  dernières  pièces  du  Cathemerinon  sont  séparées  dans  certains 
mss.  et  rattachées  au  Peristephanon  ;  mais  c'est  aller  trop  loin  que  d'y 
voir  avec  Rosier  le  commencement  d'un  nouveau  recueil  d'hymnes, 
resté  inachevé.  P,  254,  2  (274",  Prudence  a  peut-être  aussi  exploité  des 
écrits  en  prose,  par  exemple  le  livre  De  Elia  ieiunio.  P.  255,  i  (276,  i), 
on  trouvera  sur  les  rapports  de  Prudence  avec  la  liturgie  espagnole  des 

I.  Rev.  cr.,  1888,  1,289. 


248  REVUE    CRITIQUE 

détails  dans  l'ouvrage  de  Rosier  indiqué  plus  haut.  P,  280,  4  (282,  i), 
dans  le  cas  où  il  y  a  des  concordances  verbales  entre  Tillatio  de  la  merse 
et  les  hymnes  de  Prudence,  si  on  ne  peut  admettre  l'hypothèse  d'une 
source  commune,  il  faut  supposer  une  influence  des  hymnes  sur  le  texte 
liturgique.  P.  270,  i  (291),  le  Priscillianisme  a  certainement  joué  un 
rôle  dans  la  composition  des  poèmes  de  Prudence.  Mais  il  est  assez  dif- 
ficile de  le  déterminer  exactement.  On  ne  s'explique  pas  pourquoi  Pru- 
dence ne  nomme  pas  Priscillien  comme  les  autres  hérétiques.  P.  289,  i 
(3i2),  il  ne  peut  y  avoir  de  doute  sur  l'authenticité  du  Dittochaeon  ; 
la  concordance  est  trop  frappante,  et  Georges,  évêque  d'Ostia,  écrivant 
au  pape  Hadrien  en  786,  en  cite  un  v.  sous  le  nom  de  Prudence.  P.  298, 
2  {321,  i),  il  est  peu  croyable  que  la  lettre  d'Ausone  en  question  soit  la 
dernière,  comme  le  pense  Schenkl.P.  320  (396),  un  poèm.  de  i  lohexam. 
attribué  sans  raison  à  Marius  Victor  montre  une  certaine  parenté 
avec  le  de  proiiidentia .  Il  fait  l'effet  d'un  fg.,  surtout  au  commen- 
cement; le  poème  a  été  composé  dans  le  midi  de  la  France,  et  dans  la 
Narbonaise,  si  la  conjecture  de  Schenkl(v.  io5)est  juste.  Dans  les  mss., 
cette  pièce  porte  pour  titre  :  S.  Paidini  Epigramma  ;  cf.  Téd.  Schenkl. 
P.  326,  2  (349I,  les  concordances  entre  les  Vitae  de  Rufin  et  l'Histoire 
Lausiaque  donnent  lieu  de  croire  à  un  original  grec  commun.  Cepen- 
dant on  peut  les  expliquer  par  des  emprunts  faits  à  Rufin  par  Palladius. 
11  faut  d'ailleurs  remarquer  que  certaines  données  ne  conviennent  ni  à 
la  personne  de  Rutin,  ni  au  temps  de  son  séjour  en  Egypte.  11  y  a  là 
une  question  à  étudier  de  plus  près.  P.  327,  2  (349,  3),  cf.  l'article  Sul- 
pice  Sévère  de  Harnack  dans  Real-Encycl.  f.  prot.  Th.,  XV,  62. 
P.  328,  3  (35o),  il  faut  considérer  comme  perdues  les  Epistulae  ad amo- 
rsm  Dei  et  contemptum  mundi  hortatoriae,  adressées  par  Sulp.  Sévère 
à  sa  sœur  et  signalées  par  Gennadius.  Deux  de  ces  épîtres  sont  en  tête 
des  éditions,  mais  Halm  les  tient  pour  apocryphes,  tandis  que  Harnack 
en  défend  l'authenticité.  P.  345,  addition  d'un  chapitre  xvii,  \i\  Peregri- 
natio  ad  loca  sancta.  En  voici  le  résumé.  Cet  ouvrage,  connu  par  la  dé- 
couverte deGamurrini,  contient  le  récitd'un  voyage  aux  Lieux-saints,  fait 
par  une  femme  de  haut  rang  vers  38o.  L'éditeur  croit  que  cette  personne 
est  Silvia,  sœur  du  ministre  Rutin  ;  en  tout  cas  elle  demeurait  dans 
le  sud  de  la  Gaule.  Malheureusement  le  récit  est  fragmentaire  :  le  com- 
mencement et  la  fin  manquent.  Nous  avons  seulement  la  narration  de 
la  visite  au  Sinaï,  à  Aysma,  Pithom,  Heroopolis,  Arabia  et  du  retour  à 
Jérusalem;  puis  viennent  des  excursions  au  mont  Nébo,  au  tombeau  de 
Job,  etc.  Après  un  séjour  à  Jérusalem,  le  retour  s'effectue  par  Antioche, 
avec  crochet  sur  Edesse,  la  Cappadoce,  la  Galatie,  la  Bithynie,  Clialcé- 
doine  et  Constantinople.  De  longues  digressions  sur  les  rites  et  cérémo- 
nies de  l'Église  de  Jérusalem,  surtout  sur  la  fête  de  Pâques,  offrent  un 
intérêt  de  premier  ordre  1.  Le  récit  est  écrit  avec  simplicité  et  porte  le 


I.  Cf.  Duchesiic,  Origines  du  culte  chrétien,  appendice. 


d'histoire  et  dk  littérature  249 

caractère  de  la  langue  populaire  1.  P.  848,  i  (Sôg,  i)  :  éd.  de  Cassien 
par  Petschenig,  1886  et  1888  ~.  P.  353,  i  (374,  i)  :  c'est  d'après  le  con- 
tenu du  ch.  8,  qui  traite  d'une  nouvelle  espèce  de  moines,  que  le  titre 
de  la  coll.  XVI II,  porte  dans  beaucoup  d'éditions  l'adjonction  :  et 
quarto  imper  exorto. 

P.  365,  I  (388,  i)  :  Holder-Egger,  Untersuchungen,  dans  Neues  Ar- 
chiv.,  154  ss,;  Hauck,  art.  Prosper,  dans  Réal-Enc.  f.  prot.  Th.  XII,  3oo. 
P ,  366,  2  (389,  2),  M.  E,  maintient,  malgré  la  contradiction  de  Holder* 
Egger,  qu^on  ne  peut  toujours  pas  sans  fondement  croire  que  Marcelli- 
nus  a  traité  arbitrairement  les  renseignements  d'histoire  littéraire 
empruntés  à  Gennadius.  P.  367  (389),  Prosper  a  vécu  à  Rome  au 
service  du  pape  Léon  depuis  450.  P.  369,  2  (392,3),  éd.  de  Cl.  Marins 
Victor  par  Schenkl  3;  l'attribution  est  confirmée  par  les  tendances  semi- 
pélagiennes  de  Fauteur,  mises  en  lumière  par  Bourgoin  ('de  Cl.  Mar. 
V.,  i883).  P.  370  ss.,  M.  E.  indique  les  renvois  au  texte  de  Gagny, 
entre  crochets  et  déclare  qu'il  ne  peut  souscrire  entièrement  au  juge- 
ment de  Schenkl  sur  l'édition  de  Gagny.  P.  373,  2  (398,  i)  :  Boissier 
croit  que  Sedulius,  dans  la  dédicace  de  VOpus  dit  seulement  qu'il  a 
envoyé  le  Carmen  à  Macedonius  avant  l'édition  pour  le  soumettre  à  sa 
critique.  Mais  le  passage  n'a  pas  ce  sens.  P.  374,  i  (398,  1)  :  éd.  de 
Sedulius  par  Huemer  (i885)  1.  P,  383,  2  (408,  2),  éd.  de  Dracontius, 
dans  le  V°  volume  des  Poetae  lat.  min.  de  Baehrens;  Barwinski,  Quaes- 
tiones  ad  Dracontium  et  Orestis  tragœdiam  pertinentes,  1887  et  1888  ^. 
P.  393,  éd.  d'Auitus  par  Peiper,  i883,  P.  402,  i  (428,  3j,  éd.  de  Pau- 
lin de  Périgueux,  par  Petschenig,  1887.  P.  403,  3  et  4  (430),  le  commen- 
cement du  prologueconfirme  l'impression  de  l'ensemble;  mais  on  ne 
peut  plus  dire  que  l'occasion  est  une  guérison  d'yeux,  puisque  Petsche- 
nig publie  au  lieu  de  uultus,Jultus,  d'après  les  mss.  P.  405,  4  et  5 
(432,  2  et  3),  le  vrai  titre  est  Eucharisticos  d'après  les  mss,  comme  on 
peut  le  voir  dans  la  nouvelle  édition  donnée  par  Brandes  en  1888. 
P.  407,  2  (435,  3),  le  passage  474  ss,,  a  été  corrigé  par  Brandes.  Dès 
lors  l'auteur  aurait  eu  quatre-vingt-trois  ans  lors  de  la  composition  du 
poème;  il  serait  né  en  376  et  l'invasion  des  Barbares  serait  celle  de  406, 
puisqu'il  avait  trois  ans  quand  Ausone  fut  consul  {379),  d'après  le 
V.  49.  Il  est  plus  difficile  de  décider  quel  était  le  père  de  Paulin. 
P.  410,  I  (437,  i),  éd.  d'Orientius,  par  Ellis,  qui  ne  semble  pas  avoir 
lu  Ebert  6.  p.  ^.19^  i  (447,  i),  éd.  de  Sidoine  par  Luetjohann,  1S87". 
P.  420  (449),  l'élévation  de  Sidoine  au  siège  de  Clermont  est  placée  en 

1.  Cf.  Arcliiv.  de  Wœlfflin,  1887,  259. 

2.  Rev.  C)\,  1889,  I,  24. 

3.  Reu.cr.,  1888,  i,  289. 

4.  Rev.  cr.,  i885,  II. 

5.  Cf.  .d/'c/î.  de  Wœlfflin,  1887,  44,  art.  de  Rossberg,  qui  aboutità  des  conclusions 
identiques  à  celles  de  Barwinski. 

6.  Cf.  Rev.cr.,  t888,  I,  287. 
7-  Rev.  cr.,   1888,   I,  3o8. 


25o 


REVUE    CRITIQUE 


470  (non  en  472)  d'après  Mommsen  ;  il  serait  mort  en  480  ;  ce- 
pendant dans  une  lettre,  il  dit  qu'il  n'a  plus  fait  de  vers  ab  exordio 
religiosac  professionis cl  qu'il  y  a  de  cela  trois  olympiades;  cela  con- 
duirait au  plus  tôt  à  4S2,  comme  date  de  sa  mort.  P,  421,  6  !45o,  i)  : 
Sidoine  a  commencé  à  publier  ses  lettres  peu  après  470  (non  472). 
P.  429,  3  (458,  2),  mention  de  l'hypothèse  de  Bahrens  qui  attribue  la 
compilation  de  l'Anthologie  au  jeune  Octavianus;  sur  l'anthologie,  cf. 
Klapp,  Quaest.  de  anth.  lat.  carminibus  nonnullis,  1875.  P.  431 
(460),  il  y  a  lieu  de  mentionner  parmi  les centons composés  à  l'imitation 
de  celui  de  Proba,  le  centon  bucolique  Ad  gratiam  Domini  de  Pompo- 
niuset  le  De  Verhi  incarnatione  (publiés  par  Schenkl,  Poet.  christ,  mi- 
nores, I,  1888).  P.  432,  5  (461,  2)  éd.  d'Ennodius  par  Vogel,  i885; 
Magani,  Ennodio,  1886.  P.  433,  2  (462),  il  est  difficile  de  savoir  si 
c'est  à  Paris  ou  à  Milan  qu'Ennodius  a  été  ordonné  diacre.  Magani  tient 
pour  la  première  ville  et  Vogel  pour  la  seconde.  On  n^a  pas  fait  assez  de 
compte  du  passage  de  l'hymne  de  S.  Ambroise  déjà  citée  dans  la  première 
édition  (trad.  p.  464,  1).  P.  437,  i  (466)  :  Gipolia,  deila  occasione  in 
cui  Enn.  compose  il  suo  panegirico  a  re  Teodorico,  Arch.  stor,  it., 
i883,  353.  P.  417,  4  (476,  3)  :  le  raisonnement  fondé  sur  le  texte  misi 
ad  beat.  Gelas,  est  renforcé  par  la  leçon  meilleure  missam.,  publiée  par 
Jungmann,  Qq.  Gennadianae,  i88r,  19,  P.  452,  4  (482,  i)  :  éd.  de 
la  îiita  s.  Seiieri  par  Knœll,  1886;  Knœll,  sur  les  mss,  Ac.  de 
Vienne,  XCV.  P.  454,3  (483),  d'après  Biidinger,  Eugippius  vivait  encore 
vers  540.  Il  a  composé  des  extraits  de  S.  Augustin,  très  goûtés,  et  pu- 
bliés par  Knœll  en  18S4.  P.  455,  4  (485,  3),  les  deux  derniers  éditeurs 
de  Victor  de  Vit  (Halm,  1879,  et  Petschenig,  1881J  ont  confirmé  les 
vues  de  E,  sur  Tauthenticité  du  chapitre  final.  P.  473,  i  (5o3,  i)  : 
Schultze,  die  Schrift  des  Claud.  Mamertus  iiber  das  Wesen  der  Seele, 
i883.  P.  476,  I  (5o6),  nous  possédons  encore  de  Claudien  deux  lettres, 
à  Sidoine  et  à  Sapaudus,  publiées  par  Engelbrecht.  P,  476,  2  :  lung- 
mann,,  die  Zeit  des  Fulgentius,  Rh.  Mus.,  1877,  564;  Gasquy,  de 
Planciade  Fulgentio.,  1887.  L'excellent  article  de  lungmann  rend  très 
croyable  la  date  52  3  pour  le  commencement  du  règne  de  Hilderich. 
P.  497  :  Usener,  Hildebrand  et  Peiper  considèrent  les  écrits  théo- 
logiques de  Roèce  comme  authentiques,  en  opposition  avec  Nit- 
zsch  et  Schenkl.  Hildebrand  en  donne  un  résumé  et  fait  un  exposé 
complet  de  la  question.  P.  509,  2  (543,  i),  Mommsen  place  la  compo- 
sition de  l'ouvrage  entre  526  et  5  33.  P.  5  10  (543),  les  Variae  de  Cassio- 
dre  ont  été  publiées  vers  538.  P.  532,  i  (567)  :  Gh.  Nisard  va  trop 
loin  en  attribuant  à  sainte  Radegonde  les  pièces  qu'elle  a  seulement 
inspirées.  11  est  le  premier  qui  se  soit  S3rvi  du  carmenxxxide  l'Append. 
pour  prouver  que  Radegonde  faisait  des  vers,  au  grand  plaisir  de  son 
ami.Gette  pièce  est  en  tout  cas  importante  pour  comprendre  le  caractère 
des  relations  de  Fortunat  et  de  Radegonde  à  ce  point  de  vue.  P.  533 
(569),  E.  n'affirme  pas  sans  restriction  que  le  Vexilla  régis  et  le  Quem 


4 


t 


d'histoire  et  de  littérature  25 1 

terra  pontus  aethera  sont  l'œuvre  de  Foitunat.  P.  540,  i   (576,  i) ,  le 
ms.  de  l'Escurial,  utilisé  par    Krusch  (Fortun.   opp.   pedestria)  présente 
la  dédicace  de  la  vie  d'Albinus  sous   le  nom  de  Fortunat.  De   même 
Krusch  est  d'accord  avec  E.  pour  attribuer  au  même  auteur  la  vie  de 
Germain   de    Paris,  celle  de  saint  Hilaire  de    Poitiers  (qui  repose  sur 
Sulpice  Sévère),  celle  de    Paternus   d'Avranches  (f  563),  cette  dernière 
écrite  d'après  la  tradition  orale.  P.  5,44,  i  (58o),  sur  Grégoire-le-Grand 
et  le  culte,  cf.  l'art,  de  Kesselring,  dans  Bôhringer,  die  Kirche  Christi, 
2'' éd.,  XII,  243.  P.  557  (593)  :  lordanes  a  achevé  son   travail  en  55  i. 
P.  574,  I  (6x3,  i):  Koch,  die  Siebenschlaferlegende,  i883.  P.  575  (614), 
l'ouvrage  de  Grégoire  n'est  plus  désigné  que  sous  le  titre  Vita  patrum 
et  il  n'est  plus  question  du  titre  iiitae.  P.  577,  i  (616,  i)  Omontj  Les 
sept  miracles  du  monde,  B,  Ec.  ch.  1882,   40.  P.  078  (617)  :  on  doit 
vraisemblablement   attribuer    encore    à   Grégoire  le  De   miraculis   b. 
Andreae  mentionné  au  c.  37  du  livre  I  du  De  gloria  mart.  P.   579, 
addition  du  chap.  xxix  sur  Martin  de  Braga.  Né  en  Germanie,  il  vint 
chez  les  Suèves,  y  devint  évêque  de  Dumio,  puis  de  Braga  et  mourut  en 
58o.  Il  est  l'auteur  de  traités  de  morale  et  de  sermons,  d'une  sagesse  toute 
païenne,  et  qui  révèlent  au  plus  haut  degré  l'influence  de  Sénèque.  Son 
sQïvaon  De  correctione  riisticorum,  écrit  entre  572  et  574,  présente  une 
très  curieuse   histoire  de  l'idolâtrie.  Cf.   l'important  ouvrage   de  Cas- 
pari,  Martin  von  Bracara's  Schrift,  De   correctione  rusticorum,   i883. 
P.  594,  3  (627,  4)  :  sur  les  emprunts  faits  par  Isidore  à  Justin,  Salluste, 
Vitruve,  Lucrèce,  Hygin,cf.  Dressel,  De  Isid.  Originum  fontibus,  1874. 
P.  6o3,  I  (637,  i)  :  rédition  d'Eugenius  dans  Migne  donne  beaucoup 
plus  de  morceaux  que  celle  de  Sirmond,  mais  dont  l'authenticité  paraît 
douteuse.  Il  y  a  des  distiques  remarquables  sur  les  oiseaux  et  sur  les  pier- 
res précieuses,  et  une  série  d'hexam.  adressés  à  un  roi.  P.  606  (640)  :  il 
résulte   des   recherches   de  Krusch  (éd.  publ.   en    1888),  que  la  collec- 
tion   de    Frédégaire   ne  comprend  que  quatre  livres  :  (1°  Hippolyte  ; 
2"  Jérôme  et  Idace;  3"  Grégoire  1-VI  ;  4°  Grégoire  depuis  VII).  Elle  a  eu 
deux  auteurs,  l'un  pour  les  livres  I-ll,  IV  depuis  c.  40;  l'autre,  qu'on 
peut  considérer  comme  Frédégaire,  pour  III-IV,  39.  Çà  et  là  quelques 
chapitres  proviennent  d'un  d'un   troisième  auteur.  Les  deux  premiers 
sont  bourguignons,  le  troisième  paraît  être  de  Meiz.  P.  6ri   (645)  :  on 
doit  ajouter  vingt-quatre  strophes  abécédaires,  composées  vers  730  ou 
740  en  l'honneur  de  Milan.  P.  614  (648),  M.  E.  donne  l'analyse  détail- 
lée des  vies  de  sainte  Bathilde  et  d'Arnoulf  de  Metz.  P.  623,  2  (655,  i)  : 
Hahn,  Bonifaz  und  Lui,  i883;   Manitius,  zu  Aldhelm  u.  Baeda,  1886 
(Ac.  de  Vienne,  CXIl)    P.  63o  (684)  :  M.  E.  introduit  ici  les  résultats 
de  ses  recherches  sur  la  poésie  d'énigmes  :  die  Rathselpoesie  des  AngeP 
sachsen  (Tatwine  u.  Eusebius),  Ac.  de  Saxe,  1877,1.  29,  p.  20.  Sur   le 
modèle  d'Aldhelm  se  sont  formés  Tatwine  et  Eusebius.   Le   premier, 
un  Mercien,  devint  évêque  de  Cantorbéry  en  731    et  mourut  en  734. 
Son  ouvrage  comprend  quarante  énigmes.   L'auteur  marque  dans  le 


252  REVUK    CRITIQUB 

choix  des  sujets  une  prédilection  pour  les  objets  religieux  et  les  abstrac- 
tions; généralement  il  use  du  procédé  de  la  personnification,  mais  avec 
une  plus  grande  puérilité  qu^Aldhelm.  Eusebius  est  cet  Hwaetberht 
auquel  Bède  dédia  son  commentaire  sur  FApocalypse.  Il  fut  en  716 
abbé  de  Wcarmouth.  Il  a  vécu  au  moins  jusqu'en  740.  Son  recueil 
comprend  soixante  énigmes  ;  il  semble  s^étre  servi  de  Tatwine  et  d'Al- 
dhelm  et  son  œuvre  présente  les  mêmes  caractères.  On  doit  noter  cepen- 
dant un  certain  nombre  de  pièces  sur  des  animaux,  généralement  exo- 
tiques ou  fabuleux.  Il  faut  enfin  ajouter  à  ces  textes  une  douzaine 
d^énigmes,  provenant  de  Lorsch,  dans  lesquelles  on  a  dû  utiliser  les 
trois  recueils  précédents. 

Ces  indications,  forcement  sommaires,  feront  comprendre  l'impor- 
tance de  la  revision  à  laquelle  M.  Ebert  a  soumis  son  premier  volume. 
Il  y  aurait  çà  et  là  à  noter  quelques  divergences  et  des  omissions  :  la 
longueur  de  cet  article  m'oblige  à  renoncer  à  les  indiquer.  Je  me  borne- 
rai à  trouver  étonnant  que  M.  E.  ait  cité  si  peu  souvent  les  articles  que 
M.  Boissier  a  écrits  sur  ces  sujets  depuis  une  dizaine  d'années  K  Ces 
articles,  si  leur  auteur  se  décidait  à  les  réunir  en  volume,  formeraient 
un  ouvrage  plus  fragmentaire,  mais  comparable  à  celui  d'Ebert  par  la 
profondeur  et  la  sûreté  du  coup  d'œil, 

Paul  Lejay. 


45g.  —  '%Veg-wel8ei«  zur  Qucllen-  uncl  L.ittei*atui*kunde  dei*  Kirclien- 
gescliichtc  Eine  Anleitiing  zur  planmœssigen  Auffindung  der  litterarischen  und 
monumentalen  Quellen  der  Kirchengeschichte  und  ihrer  Bearbeitungen.  Par  Eduard 
Bratke,  a.  o.  Professor  der  Kirchengeschichte  an  der  Universitaet  Breslau.  Gotha, 
Friedr.  Andr.   Perthes,  1890. 

On  reproche  fréquemment,  et  non  sans  raison,  aux  bibliographes  de 
profession  de  citer  et  de  recommander  par  là  même  des  ouvrages  dont 
ils  ne  connaissent  que  le  titre  et  dont  le  titre  correspond  mal  au  contenu. 
Mettons  donc  en  garde  les  futurs  auteurs  de  «  bibliographie  des  biblio- 
graphies »  contre  le  livre  de  M.  Bratke.  D'après  le  titre  de  ce  livre,  on 
pourrait  croire  que  c'est  un  manuel  appelé  à  rendre,  pour  l'histoire  ec- 
clésiastique, les  signalés  services  que  rend  l'ouvrage  de  MM.  Dahlmann^B 
et  Waitz  pour  l'histoire  d'Allemagne:  il  n'en  est  rien.  M.  Bratke  n'a  ^ 
point  dressé  la  liste  des  sources,  ni  celle  des  bons  livres  de  seconde  main, 
en  les  disposant  dans  des  cadres  simples,  commodes  et  uniformes, 
comme  l'ont  fait  Dahlmann-Waitz.  Au  lieu  de  cette  modeste,  mais  utile 
besogne,  il  a  fait  un  travail  d'allure  plus  prétentieuse,  orné  de  disserta- 
tions relatives  à  la  méthodologie  historique,  au  milieu  desquelles  s'en- 
châssent dans  un  ordre  en  apparence  très  rigoureux,  mais  en  réalité 
très  arbitraire,  des  indications  bibliographiques  au  nombre  de  dix-huit 
cents  environ.  Sur  ces  dix-huit  cents  titres  de  livres  de  seconde  main 

1.  Si  je  ne  me  trompe,  M.  E.  a  mentionné  seulement  un  des  articles  sur  Sedulius. 


D^HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  253 

OU  de  recueils  de  textes,  il  y  en  a  bien  un  quart  qui  n'ont  aucun  rap- 
port ou  qui  n'ont  qu\in  rapport  très  éloigné  avec  l'histoire  ecclésiasti- 
que. 

Le  Wegjyeiser  se  divise  en  trois  parties:  I.  Die  Wissenschaftkiinde 
im  allgemeinen(pp.  39-89).  M.  Br.  énumère  sous  cette  rubrique   les 
différentes  encyclopédies  qu'il  connaît,  théologiques  et  autres.  Je  remar- 
que (p.  63)  que  notre  Grande  Encyclopédie  est  omise;  n'avait-elle  pas 
autant  de  titres  à  figurer  sur  la  liste  que  les  dictionnaires  de  la  conver- 
sation de  Brockhaus  et  de  Meyer?  Cette  première  partie  se  termine  par 
un  paragraphe  relatif  à  la  «  Propadeutik  »  de  l'histoire.  On  n'y  rencon- 
tre pas  sans  étonnement  l'indication  de  livres  aussi  médiocres  et  aussi 
peu  directement  intéressants  pour  l'histoire  ecclésiastique  que  :  Mably, 
De  la  manière  d'écrire  l'histoire,   Paris,  1783;  E.  A.  Freeman,  The 
methods  of  historical  study,  Londres,  1886,  et  vingt  autres  du  même 
genre.  —  II.  Ein:{elne  \Vissenschaft\weige.  L'auteur  entend  par  là  la 
Biographie  «  ou  généalogie  des  sources  et  travaux  relatifs  à  l'histoire 
ecclésiastique  »;  la  Bibliothéconomie  «   ou  topographie  des  collections 
scientifiques   de  ces  mêmes  sources    ou  travaux  »  ;   la  Bibliographie, 
l'Histoire  de  la  Littérature  et  de  l'art,  «  ou  statistique  de  ces  mêmes 
sources  ou  travaux  »  ;    enfin  l'histoire  de   Timprimerie  et  de  la  librai- 
rie (!).   —  III,  Voici  la  rubrique  de  la   troisième  partie  :  Spe\ialisie- 
riing  der  gefundenen  methodologischen  Litteratur  Gattiingen  in  Be:{ug 
auf  ein^ehze  Personen  and  kleinere  Gebiete  der  Kirchengeschichte . 
Suit  (pp.  221-205),  une  sorte  de  dictionnaire  alphabétique  où  les  noms 
de  choses  et  de  personnes  sont  confondus  dans  la  plus  amusante  confu- 
sion. J'en  choisis  quelques-uns  au  hasard  :  Ambrosios,  Amerikanische 
théologie,  Apologetik,  Bauernkrieg,  Cardinale,  Cistercienser,  Dante, 
Deutsche  Kirchengeschichte,  Judenthiim,  etc.  Observons  que  les  indi- 
cations mises  sous  chacun  de  ces  mots  sont  généralement  insuffisantes. 
Sous  le  mot  Concilien,  M.  Br.  cite  seulement  le  traité  de  Salmon  et  le 
lexique  d'Alletz-Filsjean,  On   trouve  un  article  Johanniterorden,  et 
point  d'article  sur  les  Templiers.  —  C'est  partout  la  même  confusion, 
dissimulée  par  l'imposition   de  catégories  pédantesques;  c'est  partout, 
dans  le  choix  des  auteurs  cités,  la  même  absence  de  critique. 

Le  Guide  de  M.  Bratke  sera  néanmoins  le  bien  venu.  Il  n'est  point 
de  répertoire  bibliographique,  si  mal  fait  qu'il  soit,  qui  ne  soit  utile  à 
feuilleter  pour  les  spécialistes,  sinon  pour  les  étudiants,  La  lecture 
d'une  liste  de  livres  est  toujours  divertissante  et  profitable.  On  lira  ce 
Wegiveiser  avec  le  même  plaisir  qu'on  pourrait  éprouver  à  lire  le 
catalogue  des  livres  de  fonds  et  d'occasion  d'une  librairie  spéciale  pour 
les  livres  ihéologiques,  qui  ne  s'interdirait  point  de  vendre  des  ou- 
vrages étrangers  à  la  science  ecclésiastique,  et  qui  aurait  adopté  sur 
les  rayons  de  sa  bibliothèque  une  classification  assez  maladroite. 

Ch.  V.  L. 


254  REVUE    CRITIQUE 

460.  —  J.  Adrien  Blanchet.  Kouvoau  MnnucI  tic  IVuinîsniatl(|ue  du  moyen 

«ge  et  iiiotlornc.    Collection  des  manuels  Roret).   2  vol.  petit  in-16  de  536  et 
532  p.  et  atlas.  Paris,  Roret,  1890. 

M.  Blanchet  a  rendu  un  réel  service  aux  études  numismatiques  en. 
consentant  à  refaire  le  Manuel  de  M.  de  Barthélémy,  dont  la  publica- 
tion remontait  à  i85i  et  qui  était  épuisé  depuis  quelque  temps.  Nous 
disons  «  refaire  »  et  non  «  mettre  à  jour  »,  car  le  nouveau  Manuel  est 
bien  un  nouvel  ouvrage;  c'est  à  peine  si  M.  B.  y  a  conservé  le  cadre 
général  et  une  trentaine  de  pages  du  texte  de  son  prédécesseur,  sans 
compter  les  douze  premières  planches  de  l'Atlas. 

Donnons  une  idée  de  la  disposition  des  matières  dans  ces  deux  petits 
volumes  d'un  aimable  embonpoint^  qui  sont  si  concis  et  si  pleins  de 
choses.  Le  premier  est  entièrement  consacré  aux  monnaies  françaises  : 
royales  d'abord  (mérovingiennes,  carlovingiennes,  capétiennes)  puis 
féodales,  celles-ci  classées  par  ordre  géographique.  Dans  le  tome  se- 
cond (subdivisé  pour  la  commodité  des  lecteurs  en  deux  demi-tomes) 
on  trouve  successivement  le  monnayage  des  différentes  contrées  d'Eu- 
rope, puis  les  monnaies  obsidionales,  le  monnayage  de  l'Orient  latin, 
les  médailles  artistiques  de  diverse  provenance,  enfin  les  jetons,  mé- 
reaux,  plombs  historiés,  etc.  D'excellents  index,  répartis  entre  les 
deux  volumes,  y  facilitent  singulièrement  les  recherches.  La  rédaction 
est  partout  sobre,  claire  et  correcte. 

La  numismatique  n'est  pas  une  science  qui  se  suffise  à  elle-même  ; 
elle  n'est  qu'un  auxiliaire  de  l'histoire,  et  réciproquement  elle  a  besoin, 
à  chaque  pas,  d'être  éclairée  et  soutenue  par  la  connaissance  des  faits 
historiques.  Tout  son  intérêt  réside  dans  ces  relations  réciproques,  dont 
on  n'aperçoit  bien  l'importance  qu'en  pénétrant  dans  le  détail  des 
questions.  Un  manuel  ne  peut  donner  qu'une  silhouette  très  générale 
de  cette  vaste  matière  ;  son  rôle  se  borne  à  orienter  les  chercheurs  par 
de  bonnes  indications  bibliographiques  et  à  guider  les  collectionneurs 
novices  en  leur  fournissant  les  renseignements  indispensables  pour  le 
classement  de  leurs  pièces.  Le  nouveau  Manuel  paraît  répondre  à  ce 
double  objet  :  l'auteur  est  généralement  au  courant  de  la  bibliographie, 
et  il  donne  sur  chaque  classe  de  monnaies  l'état  de  la  science,  sans 
chercher  à  trancher  les  questions  controversées.  Quelques  critiques 
blâmeront  M.  B.  de  cette  réserve  systématique,  qui  l'a  exposé  sans 
doute  à  une  multitude  d'erreurs  de  détail  et  même  à  quelques  contra- 
dictions; les  vrais  lecteurs  de  son  livre,  les  amateurs  et  les  débutants  à 
qui  il  est  destiné,  l'en  féliciteront;  s'il  avait  eu  la  prétention  de  faire 
œuvre  originale  dans  chaque  chapitre,  quoiqu'il  ait  commencé  le 
Manuel  très  jeune,  il  aurait  eu  des  cheveux  gris  longtemps  avant  de 
l'avoir  terminé,  et  nous  serions  toujours  réduits  à  faire  usage  de  compi- 
lations plus  anciennes  et  plus  imparfaites.  Celle-ci  nous  permettra 
d'attendre  le  Manuel  «  définitif  »  auquel  nous  serons  heureux  de  voir 
M.  Blanchet  attacher  un  jour  son  nom. 

T.  R. 


I 


d'histoire  et  de  littérature  255 

4(51.  —  J.  Lair.  IVîcolas  Foucquet,  procureur  général,  surintendant  des  finances, 
ministre  d'Etat  de  Louis  XIV.  Paris,  Pion,  1890,  2  vol.  in-8,  iii-Sjy  et  ôyt  p. 
avec  deux  portraits.  i5  fr. 

Il  suffit  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  ces  deux  volumes,  pour  se  rendre 
compte  de  l'énorme  soinme  de  travail  qu'ils  ontcoûte'e  à  Fauteur.  M.  J. 
Lair  est  un  laborieux.  Ancien  élève  de  l'École  des  Chartes,  il  y  a  débuté 
par  des  études  sur  l'histoire  du  moyen  âge;  avocat,  il  a  composé  des 
traités  juridiques  estimés;  puis,  avec  Louise  de  La  Vallière,  il  a  abordé 
l'histoire  moderne.  Aujourd'hui,  il  nous  donne  une  biographie  com- 
plète de  Nicolas  Foucquet,  pour  laquelle  il  n'a  rien  négligé.  Il  a  tenu 
entre  ses  mains  tous  les  papiers  manuscrits  qui  concernent  ce  person- 
nage; il  a  lu  avec  une  scrupuleuse  attention  ce  qui  subsiste  encore  du 
gros  recueil,  improprement  appelé  la  Cassette  de  Foucquet;  il  a  fouillé 
le  fonds  du  ministère  des  affaires  étrangères,  où  il  a  recueilli  quelques 
lettres  très  curieuses  :  de  nombreuses  archives  privées  se  sont  ouvertes 
devant  lui.  Il  est  bien  peu  probable  qu'après  lui  on  trouve  encore  un 
document,  si  minime  qu'il  soit,  sur  le  célèbre  ministre  d'Etat. 

Voilà  les  éloges  qu'on  peut  adresser  à  M.  L.,  sur  une  simple  inspec- 
tion de  son  livre.  Quand  on  lit  son  ouvrage  avec  tout  le  soin  nécessaire, 
on  admire  encore  davantage  ces  qualités  d'érudition  rare,  ces  recherches 
si  nombreuses  et  si  précises;  mais  en  même  temps  on  est  frappé  de  cer- 
tains défauts  assez  graves.  Nous  devons  critiquer  la  forme  du  livre  et 
faire  des  réserves  sur  le  fond,  sur  la  thèse  soutenue. 

La  science  de  M.  L.  est  très  vaste  et  très  solide;  mais  son  ouvrage 
est  touffu.  A  la  page  483  du  second  volume,  il  dit,  d'une  manière 
incidente,  en  note  :  «  Si  cet  ouvrage  intéresse  le  public,  je  publierai 
sur  le  même  sujet  un  volume  de  documents  inédits.  »  M.  L.  aurait 
bien  fait  de  réserver  pour  ce  volume  de  documents  un  très  grand 
nombre  de  pièces  qui  sont  citées  tout  au  long  dans  son  ouvrage,  qui 
interrompent  sans  cesse  le  cours  de  la  narration  et  qui  finissent  par  fati- 
guer le  lecteur.  Nous  comprenons  fort  bien  que  M.  L.  attache  une 
grande  importance  aux  papiers  inédits  qu'il  a  trouvés  et  qu'il  ait  voulu 
s'assurer  le  bénéfice  de  la  découverte  :  mais  cette  satisfaction  lui  a  été 
donnée  au  détriment  de  la  netteté  de  son  récit.  Mieux  eût  valu,  à  notre 
avis,  renvoyer  à  l'appendice  ces  longues  citations  et  n'en  détacher,  dans 
le  livre,  que  deux  ou  trois  phrases  caractéristiques.  Souvent  même,  là 
où  cet  écueil  a  été  évité,  l'exposition  reste  obscure.  M.  L,  nous 
raconte,  par  exemple,  dans  un  chapitre  très  étudié,  l'histoire  de  la  cons- 
piration de  Chalais,  lequel  eut  pour  juge  le  père  de  Nicolas,  François 
Foucquet;  nous  n'avons  jamais  rien  compris  à  ce  procès;  nous  y  com- 
prenons encore  moins,  après  avoirlule  récitde  notre  auteur  '.  Nous  nous 
permettrons  encore  de  reprocher  à  M.  L.  ses  allusions  à  des  évé- 
nements contemporains;  elles  sont  bien   déplaisantes.  L'histoire  doit 

I.  T.  I,  p.  ii5  et  ss.  le  récit  est  obscur  à  cause  d'une  simple  faute  d'impression  ; 
il  faut  lire  banqueroute  de  1648  au  lieu  de  banqueroute  de  164g. 


2  56  REVUE    CRITIQUE 

offrir  cet  avantage  de  nous  faire  oublier,  en  nous  transportant  dans  le 
passé,  les  petites  misères  du  présent.  Nous  serions  injuste,  si  nous 
n'ajoutions  que  M.  L.  a  souvent  de  très  heureuses  trouvailles  d'expres- 
sion, que  dans  certaines  pages  il  fait  preuve  d'un  véritable  talent  d'écri- 
vain, que  le  spectacle  de  la  grandeur  et  de  la  chute  da  Foucquet  lui 
inspire  des  réflexions  morales  profondes.  La  lecture  de  ces  deux  volu- 
mes compacts  est  un  peu  pénible,  mais  on  est  dédommagé  de  sa  peine 
par  des  pages  charmantes,  fort  bien  venues. 

«  A  défaut  d'autre  mérite,  écrit  quelque  part  M.  L..  mon  travail  se 
présente  comme  une  œuvre  de  vérité  et  de  réparation.  »  Son  livre  est 
une  apologie  presque  sans  restriction  de  Foucquet.  M.  L.  vante  la  vive 
intelligence,  servie  par  une  giande  facilité  de  travail,  du  Nicolas, 
alors  qu'il  n'est  encore  qu'un  élève  assis  sur  les  bancs  du  collège  de 
Clermont;  il  célèbre  les  talents  du  jeune  homme,  conseiller  à  Metz  et 
à  Nancy,  maîtres  des  requêtes,  intendant  à  l'armée  du  Nord,  puis 
intendant  de  police  en  Dauphiné,  11  nous  le  présente  comme  un 
véritable  héros,  apaisant  par  sa  présence  une  émeute  qui  a  éclaté  à 
Valence.  Evidemment  il  exagère  l'importance  du  rôle  joué,  dans  cette 
circonstance,  par  son  personnage;  dès  lors,  nous  sommes  devenus  mé- 
fiant et  nous  nous  tenons  sur  nos  gardes  contre  les  conclusions  de 
l'écrivain.  Après  des  vicissitudes  diverses,  Foucquet  est  nommé,  en  avril 
1648,  intendant  de  Paris;  en  novembre  i65o,  il  est  installé  au  Parle- 
ment de  la  même  ville  comme  procureur  général,  et,  en  cette  double 
qualité,  il  prend  une  paît  très  active  aux  deux  Frondes,  la  Fronde 
parlementaire,  dont  M.  L.  a  tort  de  dire  tant  de  mal,  et  la  Fronde  des 
princes,  dont  il  a  eu  peine  à  démêler  Pécheveau  embrouillé.  Ici  l'histo- 
rien exalte  Phabileté  grande  de  Foucquet;  il  n'a  pas  de  termes  assez 
forts  pour  louer  sa  perspicacité.  Il  écrit,  p.  178.  «  Un  seul  homme 
conservait  une  vue  claire  des  choses  et  suivait  une  ligne  de  conduite 
bien  tracée.  C'était  le  procureur  général  Nicolas  Foucquet.  »  Et  plus 
loin,  p.  204  :  Foucquet  se  révéla  non-seulement  serviteur  fidèle, 
mais  homme  d'Etat  de  premier  ordre.  »  Plus  loin  encore,  p.  214  : 
«  De  chaque  côté,  pas  ombre  de  bonne  foi,  ni  de  confiance,  ni  de  dé- 
vouement, chacun  cherchant  à  prendre  un  pied  dans  les  deux  camps. 
Deux  hommes  seulement  tranchaient  sur  ce  fond  louche  aux  nuances 
fuyantes  :  à  la  tête  de  l'armée  Turenne  ;  à  la  tête  du  Parlement,  Fouc- 
quet. »  Nous  avouons  ne  pas  comprendre  cet  enthousiasme.  Foucquet, 
procureur,  passe  son  temps  à  requérir  au  Parlement  contre  Mazarin 
banni;  il  demande  au  gouvernement  une  déclaration  excluant  les  étran- 
gers de  toute  administration  publique  :  et  en  secret  il  instruit  Mazarin 
de  tout  ce  qui  l'intéresse;  il  reste  en  relations  suivies  avec  lui.  Cette 
comédie  a  peut-être  été  habile,  encore  que,  pour  notre  part,  l'habileté 
nous  échappe;  en  tous  les  cas,  elle  est  peu  digne;  et  comment  soutenir 
que  l'acteur  qui  la  joue  tranche  sur  le  fond  louche  aux  nuances  fuyan- 
tes? La  vérité  n'échapperait-elle  pas  ailleurs  à  M.  L.,  en  quelque  sorte 


d'histoire  et  de  littérature  257 

malgré  lui,  quand  il  dit,  p.  iy3  :  «  Au  milieu  de  ces  luttes  politiques, 
Foucquet  gardait  tant  qu'il  pouvait  un  certain  ménagement  envers  les 
ennemis  du  jour,  amis  possibles  du  lendemain.  » 

Cependant  la  Fronde  est  finie.  Le  7  février  i653,  le  lendemain  du 
jour  de  la  rentrée  du  cardinal  à  Paris,  Foucquet  et  Servien  sont  nom- 
mées en  commun  surintendants  des  finances  :  mais  bientôt  Foucquet 
passe  au  premier  plan,  et,  en  février  lôSg,  après  la  mort  de  son  collè- 
gue, il  obtint  pour  lui  seul  la  surintendance.  C'est  Fépoque  de  ses  dila- 
pidations. M.  L.  ici  ne  plaide  pas  seulement  des  circonstances  atténuan- 
tes; il  ne  rejette  pas  la  faute  de  ces  concussions  sur  le  Cardinal,  sur  les 
pressantes  sollicitations  des  courtisans,  sur  Tesprit  de  l'époque;  il  n'in- 
voque pas  l'absence  de  toute  règle  de  comptabilité  et  les  usages  reçus; 
il  va  plus  loin  ;  il  ne  croit  pas  le  surintendant  coupable;  il  affirme  qu'il 
fut  victime  de  la  basse  jalousie  de  Colbert.  Quand  Louis  XIY  prit  la 
résolution  de  l'arrêter,  il  ne  songeait  nullement  au  désordre  des  finan- 
ces; mais  il  voulait  se  venger  des  assiduités  de  son  ministre  auprès  de 
M"c  de  La  Vallière.  M.  L.  n'a  pas  réussi  à  nous  convertir.  Nous  gar- 
dons de  Foucquet  l'opinion  courante  :  nous  pensons  qu'il  y  a  eu  sûre- 
ment malversation.  Notre  écrivain  a  beau  montrer,  en  diminuant  les 
chiffres,  que  les  domaines  de  Saint-Mandé,  de  Vaux  et  de  Belle-Isle 
n'ont  coûté  que  cinq  millions,  que  les  dépenses  de  table  par  mois  n'ex- 
cédaient pas  12,000  livres  ;  nous  restons  convaincu  que  ce  luxe  a  été 
alimenté  en  partie  par  les  deniers  de  l'État. 

Tel  est  le  désir  de  M.  L.  de  réhabiliter  le  surintendant  qu'il  va  jusqu'à 
nier  ses  amourettes.  Passe  encore  pour  M''^  deTrécesson;  mais  M'"^  du 
Plessis-Bellière,  mais  M''^  de  Menneville  !  Une  entremetteuse  de  bas 
étage,  la  femme  La  Loy,  ménage  des  entrevues  à  Foucquet  et  à  M"^  de 
Menneville  dans  un  petit  pavillon  de  Fontainebleau.  Pourquoi  donc  ces 
entrevues?  M.  L.  nous  explique  que  la  demoiselle  avait  en  poche 
une  promesse  de  mariage  signée  par  le  duc  d'Amville;  elle  prie  Fouc- 
quet d'user  de  son  crédit,  pour  contraindre  le  duc  à  s'exécuter,  de  là  ces 
rendez-vous.  «  Etrange  galant  que  Foucquet,  écrit  M.  L.,  à  qui  toutes 
les  filles  s'adressaient  pour  trouver  un  mari.  »  L'apologiste  a  beau  dire; 
il  nous  déplait  que  la  femme  La  Loy  se  soit  mêlée  de  cette  affaire. 

Ainsi  la  thèse  que  soutient  l'auteur  nous  semble  être  fausse.  Mais 
M.  L.  triomphe,  lorsqu'il  nous  montre  avec  quel  goût  Foucquet  appré- 
ciait, avec  quel  tact  il  récompensait  les  artistes  et  les  grands  écrivains; 
lorsque  il  nous  énumère  les  esprits  éminents  qui  restèrent  les  fidè- 
les amis  du  surintendant  disgracié,  Pellisson,  Molière,  La  Fontaine, 
Madame  de  Sévigné,  Le  Brun,  Le  Nôtre.  11  triomphe  encore,  quand 
il  nous  signale  toutes  les  injustices  du  procès:  vices  de  forme  dans  les 
saisies  et  dans  les  inventaires  des  papiers,  création  d'une  chambre  de 
justice  spéciale,  choix  arbitraire  des  magistrats,  procéduies  irrégulières, 
partialité  du  président,  le  chancelier  Séguier.  Nous  l'approuvons,  quand 
il   critique    le    roi   d'avoir    commué  la    peine    du    bannissement   en 


2  58  RKVUK    CRMIQUK 

prison  perpétuelle.  Enfin,  nous  nous  indignons  avec  lui,  quand  il 
nous  décrit  la  vie  si  triste  de  Foucquet  au  château  de  Pignerol.  L'an- 
cien ministre  resta  enfermé  de  i665  jusqu'en  1680,  date  de  sa  mort, 
n'ayant  pendant  longtemps  aucune  nouvelle  de  sa  famille,  ne  pouvant 
pas  écrire,  trouvant  seulement  quelque  consolation  dans  ses  pensées 
religieuses! 

M.  L.  a  cherché,  dans  cette  dernière  partie,  à  résoudre  le  problème 
historique  de  l'homme  au  masque  de  velours  noir  qui  habita  la  citadelle 
de  Pignerol  en  même  temps  que  Foucquet,  qui  plus  tard  fut  emmené 
par  le  gouverneur  Saint-Mars  successivement  à  Exiles,  à  l'île  Sainte- 
Marguerite,  età  la  Bastille,  et  qui  mourut  le  19  novembre  ijoS.  Selon  lui, 
cet  homme  était  EustacheDauger,  emprisonné  en  juillet  1669.  Qu'avait- 
il  fait?  M.  L.  l'ignore  :  «  Vraisemblablement,  écrit-il,  c'était  un  de  cet 
hommes  qu'on  charge  de  missions  louches,  enlèvement  de  pièces  ou  de 
personnes,  peut-être  pis  encore,  et  dont,  le  coup  une  fois  accompli,  on 
assure  le  silence  par  la  mort  ou  par  la  prison.  »  Le  raisonnement  de 
l'historien  et  très  bien  conduit;  pourtant  il  n'a  pas  réussi  à  expliquer 
pourquoi  l'on  prit  tant  de  précautions  à  propos  d'un  personnage  aussi 
subalterne.  Probablement,  le  mystère  ne  sera  jamais  tout  à  fait  éclairci. 

En  i86f),  M.  A.  Chéruel,  qui  a  rendu  à  notre  histoire  de  France 
des  services  si  éminents,  avait  déjà  publié  sur  Foucquet  deux  volumes 
très  remarquables;  pour  la  première  fois,  on  racontait  du  surintendant 
autre  chose  que  sa  chute;  on  exposait  les  causes  de  son  élévation,  ses 
relations  avec  Mazarin,  sa  conduite  pendant  la  Fronde.  Mais  M.  Ché- 
ruel s'était  borné  à  réunir  sur  son  personnage  les  pièces  de  la  biblio- 
thèque nationale;  M.  L.  a  fouillé  tous  les  autres  dépôts  publics;  il  a 
découvert  bien  des  faits  que  n'avait  pas  connus  le  premier  historien;  il  a 
rectifié  avec  soin  en  note  les  petites  erreurs  qui  lui  avaient  échappé.  Le 
récit  de  M.  Chéruel  devra  toujours  être  amplifié,  et  quelquefois  corrigé  à 
l'aide  du  livre  de  M.  Lair.  Mais  le  jugement  porté  sur  le  surintendant 
par  celui-là  me  semble  beaucoup  plus  conforme  à  la  vérité,  plus  juste  et  ■ 
plus  mesuré  que  l'apologie  de  celui-ci. 

Ch.  Pfister. 


462.  —  Les  grunds   éci>i valus  de  la  France.    Saint>!B«imon.  T.  VII.    Mé- 
moires. Paris,  librairie  Hachette,  1890,  in-8  de  685  p.  7  fr.  5o. 

J'ai  déjà  publié  ici  un  article  assez  long  sur  chacun  des  six  premiers 
tomes  du  Saint-Simon  de  M.  de  Boislisle.  Je  puis,  en  toute  sûreté  de  | 
conscience,  cette  fois  et  dorénavant,  me  dispenser  de  ni'étendre  sur  le  j 
mérite  de  l'éditeur  et  annotateur.  A  quoi  bon  répéter  des  éloges  déjà  si 
souvent  donnés  et  insister  sur  des  qualités  si  connues  et,  pour  ainsi  | 
dire,  si  célèbres?  Je  me  contenterai  donc,  sans  autre  préambule,  d'indi-  \ 
quer  ce  que  contient  le  tome  "VU  consacré  à  l'année  1700. 

Les  notes   les  plus  importantes  mises  au  bas  des  pages  et  qui  sont 


d''histoire  et  de  littérature  259 

presque  toutes  des  notices  '  concernent  Goulommiers,  le  «  magnifique 
château  »  des  Longueville,  la  duchesse  de  Nemours,  le  cardinal  de 
Bouillon,  le  cardinal  Cybo,  les  ambassadeurs  vénitiens,  Erizzo  et  son 
successeur  Pisani,  les  nonces  Cavallerini,  Delfini  et  Gualterio,  le  cardi- 
nal Le  Camus,  le  cardinal  de  Fûrstenberg,  le  Comtat-Venaissin,  la 
famille  de  Navailles,  la  maréchale  de  Guébriant,  le  bandeau  des  veuves 
(excellent  supplément  aux  renseignements  de  Jules  Quicherat  en  son 
Histoire  du  Costume)^  le  lieutenant-général  François  de  Gontaut-Biron, 
le  chevalier  de  Villeroy,  le  marquis  d'Hauterive,  le  cardinal  Casanata, 
la  bibliothèque  de  la  Minerve,  la  plus  grande  de  Rome  après  celle  du 
Vatican,  Oiron  «  beau  château  et  beau  parc  en  Poitou  »  qu'acheta 
M^e  de  Montespan,  Antoine  François  delà  Trémoille,  plus  connu  sous 
le  nom  de  Noirmoutier,  le  président  Durât  de  Chevry,  le  jeu  à  la  cour 
de  Louis  XIV,  les  Langlée,  «  Timmense  hôtel  de  Guise  «  acheté  par  «  la 
belle  M'""  de  Soubise  »,  le  château  de  la  Bourdaisière  ^,  le  comté  et  les 
comtes  de  la  Marck,  le  duché  de  Sedan,  le  duc  de  Berwick  (à  l'occasion 
de  son  mariage  avec  M"*^  Bulkeley),  les  affaires  d'Espagne,  l'abbaye 
Notre-Dame  d'Orcamp,  Nicolas  Desmaretz,  le  neveu  de  Colbert  ',  la 
terre  de  Maillebois,  la  ville  de  Châteauneuf,  les  loteries,  les  eaux 
thermales  de  Bourbon-l'Archambauld,  le  secrétaire  d'État  Châteauneuf 
et  sa  terre  de  Chàteauneuf-sur-Loire,  le  marquis  de  la  Vrillière,  le 
cardinal  Maidalchini,  la  terre  de  Serrant,  le  palais  de  Caprarola,  auprès 
de  Viterbe,  où  se  retira  le  cardinal  de  Bouillon,  l'assemblée  du  clergé, 
le  vin  de  Champagne,  le  P.  Michel  le  Tellier,  le  cardinal  de  Noailles, 
la  maison  des  Rantzau  ou  Ranzow  (originaire  du  duché  de  Holstein), 

1.  Ces  notes,  toujours  si  instructives,  sont  parfois  d'un  piquant  intérêt.  Voir,  par 
exemple,  p.  117,  la  note  où,  à  propos  des  chasses  de  Charles  II,  M.  de  B.  rappelle 
«  les  six  loups  devenus  historiques  de  par  Victor  Hugo  »  et  «  les  Etudes  sur  l'Espa- 
gne par  M.  Morel-Fatio  (1888)  où  l'on  trouve  la  critique  des  erreurs  du  poète  en 
tout  ce  qui  regarde  cette  cour  espagnole.  «  Voir  encore,  p.  i36,  la  note  où,  sous  cette 
phrase  de  Saint-Simon  :  «  Un  reste  de  seigneurie  palpitait  encore,  »  l'éditeur,  qui 
est  au  courant  de  tout  en  littérature  comme  en  histoire,  dit  :  «  Victor  Hugo  n'a-t-il 
pas  fait  ici  un  emprunt,  quand  il  a  mis  ces  mots  dans  la  bouche  du  marquis  de  Nan- 
gis,  sur  le  règne  d'Henri  IV  (Alarion  Delorme,  acte  IV,  scène  )vn  : 

Un  peu  de  seigneurie  5'  palpitait  encore?  s 

2.  M.  de  B,  dit  (p.  93)  :  «  Gabrielle  d'Estrées  y  naquit  en  i565.  »  Il  avait  dit  en 
une  note  précédente  (p  14):  «  Gabrielle  d'Estrées,  née  en  ib-ji  ou  1572.  »  La  vérité, 
c'est  que  l'on  ne  connaît  d'une  façon  certaine  ni  le  lieu,  ni  la  date  de  la  naissance 
delà  future  duchesse  de  Beaufort.  Voir,  sur  ces  deux  points,  l'excellente  discussion 
de  M.  Desclozeaux  CGabriellc  d'Estrées,  Paris,  1889,  grand  in-8^  pp.  i  et  2).  Le 
savant  historien  regarde  comme  probable  que  son  héroïne  naquit  au  château  de 
Cœuvres  vers  la  fin  de  1573.  Il  est  impossible  d'accepter  la  date  de  i565,  car  Gabrielle, 
selon  son  propre  témoignage,  avait  dix-huit  ans  quand  elle  se  maria  avec  le  sieur  de 
Liancourt,  à  Noyon,  en  juin  1592. 

3.  M.  de  B.  fait  bonne  justice  de  ces  légendes  recueillies  et  agrémentées,  si  non 
inventées,  par  Saint-Simon,  sur  l'origine  toute  rurale  des  père  et  grand-père  de 
N.  Desmaretz,  et  il  prouve  qu'on  doit  admettre  l'existence  d'une  ou  deux  généra- 
tions de  magistrature  secondaire. 


2  00  REVUE    CRITIQUE 

André  le  Nostrc,  Michel  le  Vassor,  la  comtesse  de  Verue,  «  la  belle  et 
délicieuse  maison  de  Sceaux  »  achetée  des  héritiers  de  M.  de  Seignelay 
par  le  duc  du  Maine,  M""  de  Condé,  l'abbé  de  Rancé,  divers  membres 
du  conseil  d'État  d'Espagne  et  autres  grands  personnages  d'au-delà  des 
Pyrénées,  Télecteur  de  Brandebourg  devenu  roi  de  Prusse  sous  le  nom 
de  Frédéric  !<="",  etc. 

La  première  partie  de  Y  Appendice  est  formée  des  Additions  de  Saint- 
Simon  au  Journal  de  Dangeau,  lesquelles  sont  au  nombre  de  23  (p.  38 1- 
4o3);  la  seconde  partie  se  compose  de  dix-neuf  morceaux  (pp.  405-622). 
En  voici  l'énumération  :  Les  conseils  sous  Louis XIV,  suite  et  fin  de  la 
magistrale  étude  commencée  dans  le  tome  IV  et  continuée  dans  les 
tomes  V  et  VI  i;  Ouverture  de  la  Porte  Sainte  du  Jubilé  [relalion  de  la 
cérémonie  de  Touverture  de  la  Porte  Sainte  de  Saint- Pierre  pour  le 
grand  jubilé  de  l'année  1700,  accompagnée  de  lettres  du  cardinal  de 
Bouillon)  ;  le  Duc  et  la  duchesse  de  Navailles  (fragment  inédit  de 
Saint-Simon);  La  maréchale  de  Guébriant,  son  mari,  leurs  familles; 
les  rois  et  reines  de  Pologne  (autre  fragment  inédit);  les  Duret  de 
Chevry  (autre  fragment  inédit)  ;  les  Preuves  de  noblesse  de  Vabbé  de 
Soubise  ;  le  cardinal  de  Fûrstenberg  (fragment  inédit  de  Saint-Simon, 
avec  huit  pièces  destinées  à  justifier  ce  que  Saint-Simon  raconte  de  la 
pénurie  constante  du  cardinal,  et  le  jugement  porté  sur  lui,  à  Tépoque 
même  où  le  roi  des  chroniqueurs  nous  le  présente,  par  deux  contempo- 
rains italiens,  Pierre  Venier,  ambassadeur  de  Venise  en  France,  et 
l'auteur  de  la  relation  de  la  cour  de  Rome  au  temps  du  conclave  de 
1700)  ;  la  Disgrâce  du  cardinal  de  Bouillon  (nombreux  et  considérables 
documents  inédits  qui  n'occupent  pas  moins  d'une  quarantaine  de 
pages  (de  480  à  5i5);  Mémoire  sur  les  finances  en  i-joo  et  lyoi 
(mémoire  qu'on  peut  supposer  d'origine  anglaise,  puisque  les  calculs  y 
sont  faits  en  livre  sterling,  et  qui  est  tiré  du  ms,  Clairambault  647)  ;  la 
Taxe  des  gens  d'affaires;  Desmaret^  et  ï  Affaire  des  pièces  de  quatre 
sols  ^;  la  Comtesse  de  Verue  (fragment  inédit  de  Saint-Simon);  M.  de 
Rancé,  abbé  de  la  Trappe  (fragment  inédit);  morl  de  M.  de  Rancé 
(récit  de  la  mort  de  l'ancien  abbé  de  la  Trappe,  par  une  personne  pré- 

1.  Signalons  dans  cette  dernière  partie  les  paragraphes  relatifs  au  conseil  de 
conscience  (pp.  407-410),  au  conseil  ou  bureau  de  commerce  (pp,  415-432),  au  Roi 
dans  les  conseils  (p.  433-443). 

2.  Dissertation  très  documentée  et  très  remarquable  (p.  Sai-Sgi),  où  M.  de  B.  com- 
plète avec  une  parfaite  compétence  les  insuffisantes  observations  de  Pierre  Clément 
sur  la  Qjuestion  monétaire  avant  178g  et  spécialement  sous  le  ministère  de  Colbevt, 
et  où  il  restitue,  d'après  d'incontestables  témoignages,  «  le  véritable  caractère  de  la 
disgrâce  qui  frappa  ce  neveu  de  Colbert  en  i683.  «  M.  de  B.  dit  (p.  52 1)  :  «  On  me 
pardonnera,  je  l'espère,  la  longueur  des  détails  qui  vont  suivre,  et  cela  non  seulement 
parce  que  le  récit  de  Saint-Simon,  habilement  disposé  et  combiné  pour  faire  fortune, 
gSt  un  de  ceux  auxquels  la  critique  n'a  rien  opposé  jusqu'ici,  mais  aussi  parce  que 
Desmaretz,  élevé  à  bonne  école,  remarquablement  doué  pour  leschoses  de  la  finance, 
est  le  seul  ministre  sur  qui  l'historien  puisse  s'arrêter  avec  intérêt  dans  la  dernière 
et  triste  période  du  règne  de  Louis  XIV.  w 


I 


d'histoirh:  et  de  littérature  26 1 

sente  à  cet  événement,  récit  dont  la  Bibliothèqne  nationale  possède  trois 
manuscrits);  Le  duc  à! Anjou  déclaré  roi  d'Espagne  (relation  de  l'am- 
bassadeur vénitien  traduite  littéralement);  Rapport  [17  décembre  1700] 
de  l'ambassadeur  vénitien  (avec  traduction  également  littérale)  ;  V  Affaire 
du  prince  Va'ini ;  le  Cardinal  Albani  jugé  par  le  cardinal  de  Bouil- 
lon ;  actes  concernant  Saint-Simon  et  sa  mère  (documents  inédits  d'or- 
dre administratif  ou  judiciaire  qui  montrent  notre  Tacite  à  l'œuvre 
pour  la  défense  de  ses  intérêts  à  la  Rochelle,  comme  seigneur  du  fief  de 
Saint- Louis,  à  Blaye,  comme  gouverneur  de  la  place). 

Indiquons  encore  de  copieuses  Additions  et  corrections  (pp.  623-647) 
et  diverses  tables  dressées,  c'ômme  d'habitude,  de  façon  irréprochable  : 
Table  des  sommaires  qui  sont  en  marge  du  manuscrit  autographe; 
Table  alphabétique  des  noms  propres  et  des  mots  ou  locutions  annotés  ; 
Table  de  l'appendice. 

Avec  le  tome  VII  s'achève  le  premier  quart  à  peu  près  du  grand 
voyage  à  travers  le  xviie  siècle  et  les  premières  années  du  xviii^  entrepris 
par  M.  de  Boislisle,  sur  les  pas  de  Saint-Simon.  Encore  une  vingtaine 
d'étapes  à  franchir  et  le  but  sera  atteint  ^  L'éditeur,  dont  l'activité  n'est 
pas  moins  remarquable  que  le  talent,  et  auquel  dans  sa  longue  et  péni- 
ble marche  font  cortège  tant  de  fortifiantes  sympathies,  savourera  le 
bonheur  —  que  nul  travailleur  n'aura  jamais  mérité  plus  que  lui  —  de 
mettre  le  pied  sur  la  terre  promise. 

T.  DE  L. 


463.  —  Emile  Faguet.    Dix-liuitième    siècle.    Etudes   littéraires.   Un    volume 
in-i8,  538  pages.  Paris,  Lecène  et  Oudin-  Prix:  3  fr.  3o. 

Le  xvni^  siècle,  dit  M.  Faguet,  dans  Pavant- propos  de  ces  Études, 
n'a  été  ni  chrétien,  ni  français.  Ce  jugement  que  l'auteur  prononce, 
non  sans  l'avoir  fortement  motivé,  a  révolté  les  critiques  mêmes  les 
plus  doux,  comme  M.  Anat.  France  qui  s'écrie  avec  une  indignation 
que  je  ne  puis  m'empécher  de  trouver  plaisante  :  «  Voilà  comme  les 
fils  traitent  leurs  pères!  Voilà  comme  nous  blasphémons  les  hommes 
dignes  d'une  éternelle  louange  qui  ont  affranchi  la  pensée,  et  nous  ont 
acquis  le  droit  de  parler  librement!  j»  Il  me  semble  pourtant  qu'au 
xvi^  siècle,  et  même  su  xvii%  la  pensée  n'était  pas  si  contrainte  que  cela  : 
je  prends  à  témoin  Rabelais,  Montaigne,  Molière,  La  Bruyère,  qui 
n'ont  pas  été  condamnés  au  feu,  quoiqu'ils  aient  eu  l'audace  d'émettre 
des  opinions  téméraires  que  les  encyclopédistes  ont  délayées  plus  tard 
dans  de  lourds  in-folios,  comme  si  elles  leur  appartenaient.  Si  au  moins 
M.  Faguet  faisait  profession  de  catholicisme  ou  même  de  christianisme, 
M  France  lui  pardonnerait  peut-être  «  sa  froide  violence  »  ;  mais 
comment  un  universitaire,  c'est-à-dire  un  sceptique,  peut-il  remarquer 

I .  On  apprendra  avec  joie  que  le  tome  VIII  est  déjà  sous  presse  et  que  la  prépara- 
tion des  volumes  suivants  est  très  avancée. 


262  REVUE    CRITIQUE 

dans  le  xvin''  siècle  «  un  abaissement  notable  du  sens  moral,  de  Tesprit 
littéraire  et  de  l'esprit  philosophique  m?  Pour  mon  compte,  je  répon- 
drais à  M.  France  que  rien  n'est  plus  facile  à  voir  ;  il  suffit  simplement 
de  lire,  et  cela  sans  parti-pris,  les  œuvres  de  Voltaire  qui  est,  en  somme, 
l'incarnation  de  ce  xviii"  siècle,  et  si  après  cette  lecture  qui,  bien  qu'ins- 
tructive  n'est  pas  toujours  amusante  (j'en  parle  par  expérience),  on 
n'approuve  pas  les  prémisses  et  les  conclusions  de  M.  F,,  avec  quelques 
restrictions,  je  le  veux  bien,  j'ai  grand  peur  qu'on  ne  ferme  volontai- 
rement les  yeux  à  la  lumière.  Un  autre  critique,  M.  Chantavoine, 
dans  un  article  assez  ondoyant,  pardonne  beaucoup  au  xvine  siècle 
«  parce  qu'il  a  été,  dit-il,  charitable,  parce  qu'il  a  inauguré  le  dogme 
de  la  tolérance  »,  et  naturellement,  c'est  toujours  Voltaire  auquel  nous 
serions  redevables  de  ce  progrès  dans  les  mœurs  ou  de  ce  bienfait.  Au- 
tant vaudrait  dire  que  Calvin  et  de  Bèze  qui,  en  réclamant  la  liberté 
pour  eux-mêmes,  exhortaient  les  magistrats  «  à  frapper  vertueusement 
du  glaive  tous  ceux  qui  étaient  ennemis  mortels  du  salut  des  hommes  », 
ne  prêchaient  aussi  que  la  douceur  et  la  mansuétude.  Voltaire  usa  et 
abusa,  je  le  sais,  dans  ses  vers  aussi  bien  que  dans  sa  prose,  des  mots 
«  tolérance  »  et  «  tolérantisme  »  :  ce  qui  n'empêche  pas  que  dans  le 
temps  même  où  il  prend  en  main  la  défense  de  Sirven  et  de  Calas, 
il  réclame  les  galères  et  la  Bastille  contre  ses  ennemis,  il  souhaite  qu'on 
écrase  ceux  qui  pensent  autrement  que  lui  ou  qui  s'attaquent  à  ses 
œuvres  (et  là-dessus  les  preuves  abondent  dans  sa  correspondance),  il 
les  appelle  k  sots,  fripons,  monstres  exécrables,  serpents  odieux,  folli- 
culaires faméliques  ou  ivrognes,  excréments  des  humains  ».  Vinet  a 
raison  :  le  mépris  de  l'homme  et  des  choses  humaines  est  au  fond  de 
tout  ce  qu'il  a  écrit.  Si  nous  en  croyons  M.  Chantavoine,  Voltaire 
«  avait  trop  d'esprit  pour  ne  pas  pardonner  à  ceux  de  ses  ennemis  qui 
n'étaient  ni  des  sots,  ni  des  cafards,  ni  des  Pompignans  »  :  On  sait  pour- 
tant de  quelle  haine  féroce  il  a  poursuivi  sans  relâche  ce  pauvre  Rous- 
seau, coupable  seulement  d'avoir  au  moins  autant  de  talent  que  lui,  et 
de  faire  ombre  à  sa  popularité.  Il  n'y  a  que  les  ducs,  les  princes,  les 
rois  et  les  favorites  des  rois,  en  un  mot,  tous  les  puissants  du  jour 
devant  lesquels  il  rampe  ou  s'agenouille  :  il  loue  Frédéric  II  d'écrire 
l'histoire  comme  Salluste,  et  défaire  des  vers  comme  Virgile  ou  Lucrèce, 
de  gouverner  comme  Marc-Aurèle.  M""'  de  Pompadour  qui  réunit  «  tous 
les  arts,  tous  les  goûts,  tous  les  talents  de  plaire  »,  a  droit  à  ses  apothéo- 
ses, et  il  envoie  à  M'"e  j^  Barry  des  compliments  vomitifs.  Il  n'est  pas 
jusqu'au  cardinal  Dubois  dont  il  n'ait  chanté  «  la  sublime  intelligence  ». 
Dans  sa  jeunesse  comme  dans  sa  vieillesse,  il  eut  toujours  besoin  d'en- 
censer quelqu'un.  Au  fond  il  était  né  respectueux,  et  surtout  respectueux 
de  la  force  :  c'est  pourquoi  le  partage  de  la  Pologne  et  la  prise  de  la 
Silésie  lui  sembleront  des  choses  si  naturelles  qu'il  en  félicitera  Cathe- 
rine II  «  de  tout  son  cœur  ».  Cette  Sémiramis  du  Nord,  écrit-il  à  Mme 
du  Defîand,  fait  marcher  cinquante  mille  hommes  en  Pologne  pour 


d'histoire  et  de  littérature  263 

établir  la  tolérance  et  la  liberté  de  conscience.  »  Voilà  comment  il  la 
comprend  la  tolérance  et  la  liberté!  La  France  à  cette  époque  (1766)  est 
humiliée,  abaissée  :  croyez- vous  qu'il  en  soit  attristé?  «  Je  me  console, 
dit-il,  en  faisant  mes  tours  de  singe  sur  la  corde  ».  A  vrai  dire,  il  n'a 
ni  patriotisme  ni  sens  moral,  et  c'est  pourquoi  il  a  écrit  Candide  et  la 
Pucelle.  Sans  doute  Candide  est  une  œuvre  pétillante  de  malice  et 
d'esprit,  mais  qui  donc  s'est  senti  meilleur  après  l'avoir  lue?  A  qui  a-t- 
elle  inspiré  quelque  noble  sentiment?  Quand  à  la  Pucelle^  c'est  un 
poème  infâme,  dit  M.  Renan  qui  l'admire  en  curieux  et  à  titre  de 
document  «  parce  que  c'est  le  siècle,  parce  que  c'est  l'homme  »  ;  parce 
que  c'est  dans  ce  poème  que  Voltaire  «  a  déposé  l'élégant  (cet  adjectif  est 
de  trop)  témoignage  de  sa  finesse  et  de  son  immoralité,  de  son  spirituel 
scepticisme.  »  M.  F.  n'a  rien  dit  de  plus  cruel,  et  s'il  a  été  sévère  pour 
l'homme,  il  ne  l'a  été  qu'avec  mesure.  Voltaire  d'ailleurs  n'a  pas  eu 
assez  de  génie  pour  qu'on  lui  pardonne  d'avoir  manqué  à  peu  près  de 
toutes  les  vertus  humaines  :  il  n'a  rien  fait  ni  en  vers  ni  en  prose  qui 
soit  comparable,  même  de  loin,  aux  chefs-d'œuvre  du  xvii«  siècle  II 
estl'auteur  d'un  poème  épique  détestable,  il  a  composé  avec  des  centons 
de  Racine  des  tragédies  de  collège  qu'on  ne  lit  plus,  et  fait  des  comédies 
qui  suent  l'ennui;  enfin,  il  a  écrit  l'histoire  pour  son  couvent,  comme 
disait  spituellement  Montesquieu.  Son  essai  sur  les  mœurs,  que  M.  F. 
admire  beaucoup  trop,  n'est  au  total  qu'un  tissus  d'anecdotes  (lui-même 
l'appelait  un  tableau  des  sottises  humaines)  que  ne  relie  aucune  idée  gé- 
nérale-,  c'est  un  livre  qui  a  fait  plus  de  mal  que  de  bien,  et  je  ne  suis 
pas  le  seul  qui  soit  de  cet  avis.  Toutes  ces  graves  questions  religieuses 
ou  philosophiques  qui  ont  inquiété  tant  de  nobles  âmes,  il  ne  les  aborde 
que  pour  s'en  jouer  avec  une  ironie  fatigante,  avec  des  plaisanteries 
trop  souvent  fangeuses.  Les  esprits  forts  de  province  et  les  commis- 
voyageurs  trouvent  dans  ses  Romans,  dans  son  Dictionnaire  philoso- 
phique ou  portatif,  dans  ses  Mélanges,  un  arsenal  de  railleries  pour 
confondre  les  curés  de  village  et  les  âmes  naïves  qui  ont  la  faiblesse  de 
croire  au  surnaturel  et  à  une  providence  divine.  Sa  philosophie  et  sa 
religion  sont  contenues  dans  ces  quelques  mots  :  a  Buvez  chaud  quand 
il  gèle,  buvez  froid  dans  la  canicule  ;  rien  de  trop  ni  de  trop  peu  en  tout 
genre;  digérez,  dormez,  ayez  du  plaisir,  et  moquez-vous  du  reste.  » 
Voilà  son  Sursum  corda  Du  reste,  un  homme  qui,  selon  le  marquis 
d'Argenson,  était  «  insatiable  de  fortune  »,  et  avide  de  popularité, 
pouvait-il  avoir  une  morale  plus  élevée?  Il  est  resté  au  niveau  de  la 
société  de  son  temps  qu'il  amusait  avec  les  agréments  de  son  esprit, 
avec  l'éclat  diabolique  de  sa  corruption,  et  c'est  en  flattant  le  peuple 
dans  ses  plus  bas  instincts,  quoiqu'il  fut  le  plus  dédaigneux  des  aristo- 
crates, c'est  en  ne  repoussant  rien  de  ce  qui  avait  pour  but  et  pour  effet 
de  porter  le  désordre  dans  les  âmes,  qu'il  a  mérité  les  amours  et  les 
honneurs  démocratiques.  Il  faut  lire  et  relire  sa  volumineuse  corres- 
pondance pour  le  connaître  à  fond   :   jamais,  je  l'accorde,  on  n'a  été 


264  RKVUK    CRITIQUE 

plus  souple,  plus  insinuant,  plus  spirituel,  mais  jamais  aussi  un  épisto- 
lier  n'a  écrit  contre  lui-même,  sans  qu'il  s'en  doutât,  un  acte  d'accusa- 
tion plus  chargé.  C'est  de  l'histoire,  et  c'est  son  histoire  :  il  amuse,  cap- 
tive, éblouit,  ce  qui  n'empêche  point,  a  dit  excellemment  Joubert,  que 
«  ceux  qui  observent  d'en  haut  les  influences  que  son  esprit  a  répandues, 
se  font  un  acte  d'équité,  une  obligation  rigoureuse  et  un  devoir  de  le 
haïr.  » 

Prêcher  avec  une  sorte  de  jubilation  inconsciente  et  dans  «  un  bavar- 
dage intarissable  mêlé  de  galimatias  »  le  retour  à  l'état  sauvage,  l'anéan- 
tissement de  la  morale  et  de  la  pudeur;  attaquer  avec  une  violence 
parfois  éloquente,  le  plus  souvent  grossière  et  niaise  la  société,  la  reli- 
gion, et  glorifier  surtout  l'instinct  naturel  ou  animal,  tel  a  été  au 
xviii«  siècle  le  rôle  de  Diderot.  Les  basses  classes  de  la  nation  lisent  et 
liront  encore  longtemps  la  Religieuse,  les  Bijoux  indiscrets,  Jacques 
le  Fataliste,  parce  que  cela  est  bien  à  leur  portée,  parce  que  cela,  nous 
ne  craignons  pas  de  le  dire,  est  ordurier  et  crapuleux.  Entrez  dans  une 
bibliothèque  publique,  et  demandez  les  œuvres  de  Diderot  :  vous 
remarquerez,  comme  moi,  que  les  volumes  qui  contiennent  ces  romans 
sont  à  peu  près  les  seuls  dont  les  feuillets  soient  coupés,  et  en  même 
temps  salis  par  des  mains  malpropres.  Je  suis  persuadé  que  la  lecture 
de  Diderot  est  pour  les  demi-savants  et  pour  les  ignorants  plus  funeste 
encore  que  celle  de  certains  ouvrages  de  Voltaire.  D'ailleurs  rien  n'agit 

sur,  vm  ieeteur  ignorant  autant  qu'un  style  déclamatoire,  et  ce  style, 

Diderot  l'a  au  suprême  degré.  N'est-ce  pas  de  lui  surtout  que  se  récla- 
ment ces  sectaires  à  courte  vue  qui  haïssent  toute  religion,  «  ces  bêtes 
sauvages,  comme  dit  Montesquieu,  qui  mordent  la  chaîne  qui  les  empê- 
che de  se  jeter  sur  ceux  qui  passent,  ces  animaux  terribles  qui  ne  sentent 
leur  liberté  que  lorsqu'ils  déchirent  et  qu'ils  mordent?  »  Je  veux  bien 
croire  avec  M.  Monod  (Revue  Hist.,  juillet  1890)  que  la  foi  religieuse 
n'est  pas  nécessaire  pour  faire  de  grands  écrivains,  mais  il  faut  bien 
avouer  qu'elle  n'a  pas  nui  à  Corneille,  à  Racine,  à  Pascal,  à  La  Bruyère, 
ni  à  tant  d'autres  qu'il  n'est  pas  besoin  de  nommer.  Ils  ont  aimé  l'hu- 
manité autant  et  plus  que  ces  philosophes,  adulateurs  intéressés  de 
Frédéric  II  et  de  Catherine  de  Russie,  et  il  serait  facile  de  citer  tel  pas- 
sage de  Bossuet,  tel  autre  de  La  Bruyère,  qui  touchent  plus  que  toutes 
les  tirades  philanthropiques  des  encyclopédistes.  C'est  qu'ils  étaient  avant 
tout  chrétiens  et  français,  et  dire  que  les  écrivains  du  xvm''  siècle  n'ont 
été  ni  l'un  ni  l'autre  n'est  pas  faire  une  «  phrase  fâcheuse  »,  mais  d'une 
incontestable  justesse,  d'autant  plus  qu'elle  résume  tout  le  livre  de 
M.  Faguet.  Sans  doute  La  Fontaine,  La  Rochefoucauld,  Molière, 
Gœthe,  Shakspeare,  ont  fait  des  chefs-d'œuvre,  quoiqu'ils  aient  été  bien 
loin  d'être  de  fervents  chrétiens;  mais  ils  n'ont  pas  été  anti-religieux,  ou 
\  de  parti  pris  comme  Voltaire,  ou  par  bravade  comme  Diderot.  Ils  n'ont 

^(  pas  obéi  en  écrivant  à  leurs  passions  et  à  leur  humeur,  et  c'est  pourquoi 

\         rayonnent  dans  leurs  œuvres  ces  immortelles  beautés  auprès  desquelles 


\ 


d'histoire  et  de  littérature  265 

pâlissent  les  plus  inge'iiieuses  lubies.  En  somme,  M.  F.  n'accorde 
à  Diderot  que  la  gloire  d'avoir  été  un  éloquent  initiateur  dans  la  criti- 
que d'art,  et  encore  cette  gloire  lui  est-elle  contestée,  non  sans  de  bonnes 
raisons,  il  me  semble,  par  M.  Brunetière. 

Jaurais  voulu  rendre  compte  de  chacune  de  ces  magistrales  Études, 
tant  elles  sont  originales,  tant  on  y  sent  Thomme  de  bonne  foi  qui  dit 
avec  courage  ce  qu'il  croit  être  la  vérité,  et  cela  avec  une  rare  vigueur 
de  style  et  de  pensée.  Le  critique,  ce  qui  est  moins  fréquent  qu'on  ne  le 
croit,  a  lu  et  relu  les  auteurs  qu'il  juge  :  de  là  point  de  parti  pris,  mais 
de  vifs  accents  de  sincérité,  avec  je  ne  sais  quelle  force,  quel  enchaîne- 
ment de  raisons  qui  saisit  et  enlace  le  lecteur.  M.  F.  a,  par  exemple, 
pour  Buffon  une  admiration  singulière,  et  cette  admiration  il  nous 
contraint  presque  à  la  partager.  C'est  qu'il  a  été  séduit  par  «  l'énergie 
tranquille,  par  la  lucidité  de  cette  pure  intelligence  qui  ne  voulut 
jamais  être  qu'en  face  des  choses  éternelles  »,  par  la  fierté  de  cet  homme 
qui  n'appartint  jamais  à  une  coterie  politique  ou  philosophique,  et 
«  travailla  cinquante  ans  sans  faire  attention  aux  rumeurs,  ni  aux  criti- 
ques, ni  même  aux  louanges.  »  Si  Buffon  ne  fut  pas  chrétien,  dirait 
volontiers  M.  Faguet,  il  méritait  de  faire  partie  de  «  cette  secte  admira- 
ble »  qui  prépara  les  voies  au  christianisme.  Pour  cette  raison  et  pour 
d'autres  il  l'a  préféré  à  tous  les  écrivains  du  xviii^  siècle,  même  à  Mon- 
tesquieu, chez  lequel  il  resta  toujours  quelque  chose  de  l'auteur  char- 
mant et  frivole  àts  Lettres  Persanes.  Et  cependant  ne  rencontre-t-on 
pas  dans  l'Esprit  des  Lois  autant  et  même  plus  d'idées  fécondes  que 
dans  les  Epoques  de  la  nature  et  la  Théorie  de  la  terre? 

A.  Delboulle. 


464.  —  Ville  de  Paris.  Publications  relatives  à  la  Révolution  française.  Biblio- 
graphie de  l'histoire  de  Paris  pendant  la  Révolution  française,  par  Maurice 
TouRNEUx.  Tome  I.  Paris,  imprimerie  nouvelle,  1890,  très  grand  in-8  de  lxxx- 
520  p. 

Pour  bien  analyser  le  tome  I",  si  plein  et  si  riche,  du  recueil  de 
M.  Tourneux,  vingt  pages  seraient  nécessaires,  La  Revue  ne  pourrait 
me  les  accorder.  Je  ne  lui  demanderai  donc  pas  la  permission  d'abuser 
de  son  hospitalité  et  je  me  contenterai  de  dire  en  quelques  mots  rapides 
ce  que  je  pense  des  deux  parties  du  volume,  V Introduction  et  le  texte. 

L'Introduction,  qui  n'a  pas  moins  de  5o  pages,  et  qui  est  suivie 
(li-lxxviii)  d'une  Liste  chronologique  des  principales  ventes  à  l'amia- 
ble ou  aux  enchères  de  documents  imprimés.,  concernant  la  Révolution 
française  (depuis  i8o3  jusqu'en  1889)  et  d'une  Note  à  consulter 
(p.  Lxxix-Lxxx),  est  très  intéressante  et  très  remarquable.  L'auteur  y  rap- 
pelle, (p.  Il),  que,  sur  la  motion  de  M.  Léopold  Delisle,  la  commission 
des  travaux  historiques  de  la  ville  de  Paris  fut  unanime  à  reconnaître, 
en  1886,  la  nécessite  de  doter  cette  ville  «  d'un  manuel  de  bibliographie 


266  REVUE    CRITIQUE 

pratique,  embrassant  tout  ce  qui  avait  été  écrit,  soit  au  moment  même, 
soit  plus  tard,  sur  les  événements  dont  la  grande  ville  avait  été  le  théâ- 
tre pendant  la  Révolution,  sur  son  organisation  municipale  et  sociale 
et  sur  les  personnages  qui  y  avaient  joué  un  rôle.  )>  Il  trace  ensuite  le 
plan  de  l'ouvrage,  plan  très  judicieux  et  véritablement  excellent.  Il 
signale  les  graves  et  nombreuses  difficultés  d'une  tâche  qu'il  devait  si 
habilement  remplir.  Pour  se  faire  une  juste  idée  de  ces  difficultés,  il 
faut  lire  l'historique  des  collections  particulières  mises  aujourd'hui  à  la 
portée  de  tous  (p.  iv-xxvu)  '  et  l'aperçu  des  répertoires  de  toute  valeur 
dont  le  dépouillement  lui  a  fourni  les  éléments  mêmes  de  ce  travail  ^ 

Le  texte  renferme  les  préliminaires  et  les  événements.  Les  prélimi- 
naires, divisés  en  sept  paragraphes,  embrassent  tout  ce  qu'il  convient 
de  connaître  sur  les  histoires  générales  ou  fragmentaires,  de  la  Révolu- 
tion, sur  les  recueils  iconographiques,  sur  les  Assemblées  qui  se  succé- 
dèrent de  1789  à  1799,  sur  les  constitutions,  lois,  décrets,  etc.,  qu'elles 
votèrent.  L'histoire  chronologique  des  événements  de  la  Révolution  fran- 
çaise à  Paris  (de  juillet  1789  au  18  brumaire  an  VIII)  est  partagée  en 
treize  chapitres  :  Les  élections  de  Paris  aux  Etats- Généraux,  les  évène- 
merits  àt  1789,  de  1790,  de  1791,  de  1792  (jusqu'au  21  septembre),  de 
Tan  I  (22  septembre  1792,  21  septembre  1793),  de  l'an  II,  de  Tan  III, 
de  l'an  IV,  de  l'an  V,  de  l'an  VI,  de  l'an  VII  et  de  l'an  VIII  3. 

Je  ne  voudrais  pas  décerner  de  vulgaires  éloges  à  un  érudit  du  mérite 
de  M.  Tourneux  *.  Qu'il  me  suffise  de  dire  que,  de  la  première  à  la 

1.  Collections  Rondonneau,  Portiez  (de  l'Oise),  Descliiens,  La  Bédoyère,  Pixé- 
récourt. 

2.  Annonces  de  bibliographie  moderne.  Feuille  de  correspondance  du  libraire, 
Nouveautés  politiques  et  littéraires,  Courrier  de  la  librairie.  Bulletin  de  la  littéra- 
ture, Nouvelliste  littéraire.  Journal  de  la  librairie  et  des  arts,  Journal  typographi- 
que ci  bibliographique  ;  collections  de  la  Bibliothèque  nationale,  des  Archives  na- 
tionales, de  la  bibliothèque  de  la  Chambre  des  de'putés,  de  la  bibliothèque  du 
Sénat,  des  bibliothèques  de  l'Arsenal,  de  Sainte-Geneviève,  de  la  ville  de  Paris,  de 
l'École  libre  des  sciences  politiques  (collection  Pastoret),  de  la  bibliothèque  de 
Rouen  (collection  Leber),  du  British  Muséum,  M.  T.  a  pu  dire,  après  cette  énume'ra- 
tion,  (p.  xii)  :  «  Ce  ne  sont  pas,  on  le  voit,  les  matériaux  qui  manquaient  à  l'ouvrier, 
mais  bien  plutôt  l'ouvrier  qui  a  pu  craindre  un  moment  que  ses  efforts  ne  fussent 
impuissants  à  lui  frayer  la  voie  dans  un  pareil  dédale.  » 

3.  Ai-je  besoin  d'ajouter  que  les  heureuses  trouvailles  de  M.  T.  sont  en  grand 
nombier  Mais  aussi  à  quelles  découvertes  ne  peut  prétendre  celui  qui  dit  (p.  XLViii)? 
«Pour  les  mériter  [ces  bonnes  fortunes],  il  faut  ne  pas  craindre  d'examiner  le  même  j 
titre  dans  dix  collections  dillerentes.  Ce  procédé,  fort  lent,  j'en  conviens,  m'a  sou- 
vent réussi.  »  Rapprochons  de  cette  déclaration  du  plus  patient  des  chercheurs,  cette 
belle  fin  de  VJntroduction  :  «  Je  n'ai  jamais  cessé,  depuis  tantôt  quatre  ans,  de  creu- 
ser mon  sillon  plus  avant  chaque  jour,  soutenu  par  l'aide  de  chacun  et  par  l'espoir 
que  de  ce  labeur,  en  apparence  ingrat,  sorùrait  une  œuvre  utile,  ce  qui,  pour  un 
travailleur  consciencieux  ou  pour  sa  mémoire,  est  la  meilleure  et  la  plus  durable  des 
récompenses.  » 

2.  Il  a  donné  du  bibliographe  (p.  xlii)  une  définition  qui  s'applique  admirablement 
à  lui-même  :  «  Le  bibliographe  ne  doit  pas  seulement  s'attacher  à  grouper  le  plus 
grand  nombre  possible  de  titres  d'ouvrages  sur  un  sujet  donné,  il  doit  encore  les 
présenter  suivant  la  méthode  la  plus  favorable  aux  recherches  qu'il  se  propose 
d'aplanir  ». 


d'histoire  et  de  littérature  267 

dernière  ligne  de  son  volume,  il  a  parfaitement  justifié  la  confiance  mise 
en  son  zèle,  qui  lui  a  fait  tout  rechercher  et  tout  voir  de  ses  propres 
yeux,  mise  en  son  érudition,  qui  lui  a  fait  tout  si  bien  décrire'.  Je  ne' 
crains  pas  d'affirmer  qu'il  ne  Justifiera  pas  d'une  façon  moins  éclatante 
une  aussi  flatteuse  confiance  dans  les  quatre  volumes  suivants  qui  seront 
consacrés  à  Yorganisation  et  au  rôle  politique  de  Paris,  aux  monu- 
ments, mœurs,  institutions,  aux  biographies  et  mémoires,  enfin  à  la 
Table  générale. 

T.  DE  L. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  Alfred  Schulze  travaille  à  une  édition  des  sermons  de  saint  Ber- 
nard, en  vieux  français,  contenus  dans  le  ms.  Phillips  1925,  de  la  Bibliothèque  royale 
de  Berlin. 

—  Une  Société  des  amis  de  l'Université  de  Nancy  s'est  fondée  le  i5  juillet  pour 
assurer  la  reconnaissance  et  la  constitution  définitive  de  cette  Université.  Augmenter 
les  ressources  de  l'Université,  pourvoir  les  laboratoires  de  l'outillage  indispensable, 
créer  des  bourses  de  voyage  et  d'étude,  récompenser  les  meilleurs  travaux,  organiser, 
des  conférences  supplémentaires  ou  des  cours  nouveaux,  faire  de  Nancy  un  centre 
d'études  qui  attire  les  élèves  et  retienne  les  maîtres,  tel  est  le  but  de  l'Association.  Au 
i5  septembre,  elle  avait  recueilli  une  somme  de  32,440  francs. 

ALLEMAGNE.  —  M.  B.  Litzmann,   d'Iéna,  doit   publier  à   la  librairie  Voss,   de 
Hambourg,  des   TheatergeschichtUche  Forschwigen,  qui  paraîtront  par  fascicules  à 
espaces  indéterminés.  Il  y  recueillera  les  travaux  sur  l'histoire  du  théâtre  allemand 
qui,  quoique  d'une  valeur  réellement  scientifique,  n'ont  pu  être   insérés  à  cause  de 
leur  étendue  ou  de  leur  sujet  trop  spécial,  dans  les  revues  d'un  caractère  général. 

—  La  Société  fur  nieder-deiitsche  Sprachforschiing  fera  paraître  prochainement  : 
le  Redentiner  Spiel,  p.  p.  K.  Schrœder  ;  une  réimpression  de  la  trad.  en  bas-alle- 
mand de  la  Bible  de  Luther,  p.  p.  Reifferscheid  ;  une  étude  de  M.  Seitz,  Niederdeid- 
sche  Allitération,  et  un  travail  de  M.  Jellinghaus,  Uebersicht.  Darstell.  der  nie- 
derl.  Mundarten. 

—  Va  paraître  à  la  librairie  Gœschen,  de  Stuttgart,  une  étude  de  G.  Flaischlen, 
Otto  Heinrich  von  Gemmingen,  avec  un  travail  préliminaire  sur  Diderot  dramaturge. 

—  M.  le  D""  Uhlig,  directeur  du  Gymnase  d'Heidelberg,  a  commencé  la  publication 
d'une  nouvelle  revue  trimestrielle  \nùiu]ée  Das  humanistische  Gymnasium.  La  ten- 
dance de  cette  revue  est  essentiellement  conservatrice.  En  Allemagne,  comme  chez 
nous,  il  est  devenu  de  mode  de  crier  au  surmenage;  on  accuse  l'enseignement 
secondaire  d'imposer  aux  élèves  quantité  de  connaissances  superflues,  on  réclame 
des  programmes  nouveaux  qui  fassent  une  place  plus  grande  à  ce  qui  paraît  d'une 
utilité  pratique  et  immédiate.  En  un  mot,  c'est  la  base  même  de  l'enseignement 
secondaire  et  l'organisation  séculaire  des  gymnases  allemands  que  les  réformateurs 
tentent  aujourd'hui  d'ébranler.  La  Revue  nouvelle  a  pour  but  de  répondre  à  leurs 
attaques,  d'en  montrer  le  danger  pour  la  haute  culture  intellectuelle  du  pays,  et, 
tout  en  demandant  le  maintien  de   ce   qui  existe,  de  provoquer  des  consultations 

I.  «  La  commission  voulut  bien  désigner  le  travailleur  qui  lui  semblait  réunir  les 
aptitudes  nécessaires  pour  mener  à  bien  ce  vaste  labeur,  n  (p.  m;. 


26S  REVUE    CRITIQUE    d'HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

compétentes  sur  la  question  des  réformes  de  détail.  Elle  fait  une  large  place  aux 
comptes  rendus  d'ouvrages  pédagogiques,  aux  discussions  parlementaires  et  acadé- 
miques sur  l'enseignement,  V Abiturienteuexamen  qui  est  l'équivalent  de  notre  bac- 
calauréat et  qui  se  trouve  accusé  des  mêmes 'méfaits,  etc.  Attaqué  en  Allemagne 
comme  il  l'est  en  France,  l'enseignement  classique  ne  sera  pas  moins  bien  dépendu 
là-bas  que  chez  nous. 

—  M.  Karl  Lentzner  met  sous  presse  (Halle,  Niemeyer),  un  dictionnaire  intéres- 
sant :  Colonial  English,  a  Glossary  of  Ausiralian,  Anglo-Indian  and  Pidgin-En- 
glish  u'ords. 

ITALIE.  —  Le  numéro  du  i«r  octobre  de  Vlstru^ione  que  dirige  M.  Basilio  Magni, 
renferme  un  long  article  de  M.  Enrico  Solazzi  sur  Lamartine. 

SUISSE.— Grâce  à  l'initiative,  chaque  année  plus  féconde,  de  la  Société  académique  de 
Genève,  le  programme  de  l'Université  de  cette  ville  s'enrichira  cet  hiver  d'un  cours 
de  M.  Max  van  Berchem  sur  l'archéologie  arabe.  Ce  cours  comprendra  une  étude  his- 
torique et  critique  des  monuments,  de  tous  les  produits  artistiques,  des  inscriptions, 
des  monnaies  et  des  papyrus  de  l'Orient,  spécialement  de  l'Egypte  et  de  la  Syrie. 

SUÈDE.  —  Une  nouvelle  Université  a  été  fondée  à  Gothenburg;  M.  Vising  y  pro- 
fesse la  philologie  romane;  M.  Danielson,  la  philologie  classique;  M.  Axel  Kock, 
les  langues  du  nord;  M.  Hjalmar  Edgren,  les  langues  germaniques.- 


ACADÉMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  ly  octobre  iSgo  . 

L'Académie  procède  à  la  formation  de  trois  commissions,  qui  seront  chargées  de 
lui  proposer  des  sujets  à  mettre  au  concours  pour  divers  prix,  dans  les  trois  ordres 
d'études  de  l'antiquité  classique,  de  l'Orient  et  du  moyen  âge. 

Sont  élus  : 

Pour  l'antiquité  classique,  MM.  Jules  Girard,  Georges  Perrot,  Boissier,  Croiset; 

Pour  l'Orient,  MM.  Renan,  Barbier  de  Meynard,  Sénart,  Maspero  ; 

Pour  le  moyen  âge,  MM.  Delisle,  Gaston  Paris,  Siméon  Luce,  Paul  Meyer, 

M.  Théodore  Reinach  termine  sa  lecture  sur  les  rois  de  Commagène,  d'après  les 
inscriptions  découvertes  par  MM.  Humann  et  Puchstein.  Rectifiant  et  complétant,  à 
l'aide  des  médailles  et  des  textes,  les  conclusions  de  ces  deux  savants,  il  établit  la  sé- 
rie généalogique  des  rois  de  Commagène  pendant  sept  siècles  environ,  depuis  le  rè- 
gne de  Darius,  fils  d'Hystaspe,  jusqu'à  celui  de  Trajan.  L'ancêtre  de  ces  rois  est  le 
satrape  bactrien  Oronte,  gendre  d'Artaxerxès  Memnon.  Le  fondateur  de  la  dynastie 
est  Ptolémée,  satrape  qui  secoua,  vers  l'an  164  avant  notre  ère,  le  joug  des  Séleucides 
et  se  fit  roi.  Son  fils  et  son  petit-fils,  Samos  et  Miihridate  le^,  épousèrent  des  prin- 
cesses séleucides.  Le  dernier  roi,  Antiochus  Epiphane,  fut  déposé  par  Vespasien. 
Son  petit-fils,  Philopappos,  fut  consul  à  Rome,  et  archonte  à  Athènes;  son  tombeau 
existe  encore  dans  cette  dernière  ville.  Le  premier  et  le  dernier  personnage  connu  de 
cette  grande  famille,  Oronte  et  Philopappos,  furent  tous  deux  citoyens  d'Athènes.     |fll 

M.  Charles  Giellet-Balguerie  fait  une  communication  sur  la  chronologie  des  papes,™| 
de  649  à  683.  Selon  lui,  l'avènement  d'Eugène  I<=r  devrait  être  fixé  au  i5  septembre 
635,  sa  mort  au  3  juin  658,  au  lieu  de  657,  et  les  dates  des  papes  suivants  reculées 
d'un  an  jusqu'à  Agathon,  dont  il  place  la  mort  au  10  janvier  682,  au  lieu  de  681.  La 
vacance  du  saint  siège,  après  ce  dernier  pape,  n'aurait  été,  dans  le  système  de  M.  Grel- 
let-Balguerie,  que  de  sept  mois  et  cinq  jours,  au  lieu  d'un  an,  sept  mois  et  sept  jours. 

Ouvrages  présentés:  — par  M.  de  Barthélémy  :  Evans  (John),  the  Coins  of  the  an- 
cieni  liritons,  supplément;  —  par  M.  Croiset  :  Egger  (Emile,,  la  Litlévatui  e  grec- 
que (ouvrage  publié  par  les  fils  de  l'auteur);  —  par  M.  Siméon  Luce  :  Deux  lettres  A 
inédites  de  Bossuet  et  Documents  nouveaux  pour  servir  à  l'histoire  de  son  épiscopat  •! 
à  Meaux,  publiés  par  Armand  Gasté;  — par  M.  L.  Delisle  :  Joret  (Charles),  Pierre 
et  Nicolas  1-ormont,  un  banquier  et  un  correspondant  du  Grand  Electeur  à  Paris 
(extrait  des  Mémoires  de  l'Académie  de  Caen). 

Julien  Havet, 


Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Pny,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  23. 


i 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

No  44  -  3  novembre  —  1890 


Sommaires  465.  Duvau,  Ciste  de  Préneste.  —  466.  Wilamowitz-Mœllendorf, 
L'Hercule  d'Euripide.  —  467.  Diehl.  Excursions  archéologiques  en  Grèce.  —  468. 
Maximien,  Elégies,  p.  p.  Petschenig.  —  46g.  Omont,  Catalogue  des  mss.  celtiques 
et  basques  de  la  Bibliottièque  nationale.  —  470.  Duckett,  Les  visites  de  l'ordre 
de  Cluny  en  Angleterre,  — 471.  Fredericq,  Documents  relatifs  aux  persécutions 
contre  les  hérétiques  en  Néerlande.  —  472-474.  Stein,  Pierres  tombales  du  Musée 
municipal  de  Saint-Germain;  Les  frères  Anguier;  Jean  Goujon  et  la  maison  de 
Diane  de  Poitiers  à  Etampes.  —  475.  Du  Boys,  Deux  correspondants  limousins 
de  Baluze.  —  476.  Brunetière,  L'évolution  des  genres.  —  477-  Fr.  de  Pressensé, 
L'Irlande  et  l'Angleterre.  —  478.  Delisle,  Instructions  du  comité  des  travaux 
historiques.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


465.  —  Louis  Duvau.  Ciste  de  l»réneste.  (Extrait  des  Mélanges  d'archéologie 
et  d'histoire,  publiés  par  l'Ecole  française  de  Rome,  t.  X).  1890. 

Nous  signalons  aux  amateurs  de  vieux  latin  et  aux  déchiffreuis 
d'inscriptions  énigmaiiques  ce  travail  de  M.  Louis  Duvau  sur  une  ciste 
qui  sera  bientôt  célèbre  sous  le  nom  de  ciste  Tyskiewicz,  du  nom  de 
son  possesseur.  Comme  Ta  bien  vu  M.  D.,  il  s'agit  des  apprêts  d'un  re- 
pas. Les  paroles  inscrites  à  côté  des  personnages  ont  tout  Pair  d'être  les 
paroles  échangées  entre  les  cuisiniers.  Une  conjecture  assez  vraisem- 
blable du  commentateur,  c'est  que  l'inscription  COENALIA  est  plus 
ancienne  que  les  autres  :  c'est  ce  qu'on  peut  inférer  de  la  forme  de  l'O, 
qui  est  ouvert  par  en  bas,  et  de  la  place  occupée  par  ce  mot.  Peut-être 
faut-il  l'interpréter  GONVENALIA,  qui  aurait  à  peu  près  le  sens  du 
grec  (Ji»[;.Tr6Giov  ou  du  latin  convivium:  fête  donnée  aux  convenue  ou  con- 
vives. La  contraction  ne  serait  pas  plus  forte  que  dans  contio. 

Une  comparaison  avec  le  monument  original  nous  a  prouvé  que  le 
fac-similé  joint  au  travail  de  M.  D.  est  exact.  Celui-ci  s'est  tiré  à  son 
honneur  d'une  épreuve  difficile.  Les  explications  qu'il  donne  sont 
généralement  plausibles,  sinon  toujours  convaincantes  :  il  les  présente 
lui-même  sans  trop  y  insister  et  à  titre  de  premier  essai.  Tradidit  dis- 
putationibus. 

Michel  Bréal. 


466.    —    H.    von    W1LAMOWITZ-M0ELLENDORF.    Eupîpîdes    Herakles.     Berlin, 
Weidmann,   1889;  2  vol.  in-8  de  xii-388  et  3o8  p. 

Voici  un  ouvrage  qui  peut  paraître  à  bon  droit  singulièrement  com- 
posé :  la  tragédie  d'Euripide  qui  donne  son  nom  à  l'ensemble,  est  pu- 
bliée par  M.  deWillamowitz  au  début  du  second  volume,  où  elle  occupe 
Nouvelle    série,  XXX.  44 


l 


1 


270  RBVUK    CRITIQUE 

quarante-sept  pages  ;  le  reste  du  volume  est  rempli  par  des  commentai- 
res; quant  au  premier,  il  est  tout  entier  consacré  à  une  Introduction 
générale  dans  laquelle  Fauteur,  pour  nous  amener  à  l'intelligence  de  la 
tragédie  attique,  se  livre  à  une  revue  à  peu  près  complète  de  toute  l'his- 
toire de  la  poésie  grecque,  de  toute  Thistoire  de  la  philologie  ancienne  et 
moderne,  et  de  bien  d'autres  choses  encore.  Il  est  clair  que  cette  énorme 
introduction  et  c^  non  moins  énorme  commentaire,  ainsi  rattachés  à 
une  tragédie  de  i,5oû  vers,  ont  quelque  chose  de  disproportionné  qui 
étonne.  M.  de  W.  lui-même  avoue  avec  beaucoup  de  bonne  grâce, 
dans  sa  préface,  que  les  muses  n'ont  pas  répondu  à  son  appel  et  que 
c'est  pour  cela  que  son  livre  est  si  bizarrement  composé.  On  aurait  tort, 
pourtant,  d'abuser  contre  lui  de  cet  aveu  et  de  s'en  tenir  à  une  première 
impression  défavorable.  L'ouvrage  est  plein  de  savoir,  et,  ce  qui  vaut 
mieux,  plein  de  sens  et  d'intérêt,  quelques  réserves  de  détail  qu'on 
puisse  être  obligé  de  faire.  Le  plan  lui-même,  sans  se  justifier,  s'expli- 
que par  le  dessein  de  l'auteur. 

Ce  n'est  pas,  en  effet,  une  édition  comme  une  autre,  une  édition  quel- 
conque d'une  pièce  quelconque  d'Euripide,  que  M.  de  W.  a  voulu 
faire  :  c'est  une  édition-type  et,  pour  ainsi  dire,  un  manifeste.  Car 
M.  de  W.  est  un  érudit  militant  :  il  a  des  haines  vigoureuses,  et 
M.  Wecklein,  par  exemple,  en  sait  quelque  chose.  Sans  entrer  dans  ces 
querelles  de  personnes,  où  se  glisse  toujours  quelque  injustice,  il  vaut 
la  peine  de  dégager  la  théorie  qui  s'y  trouve  impliquée.  M.  de  W.  a 
horreur  de  la  science  qui  s'étale  pour  le  plaisir  de  s'étaler,  qui,  au  lieu 
de  se  subordonner  à  un  objet,  devient  à  elle-même  sa  propre  fin.  Dans 
la  publication  d'un  texte,  par  exemple,  amasser  des  conjectures  avec 
une  sorte  de  volupté,  lui  paraît  une  niaiserie  :  donner  une  interpréta- 
tion vraie  qui  dispense  des  conjectures  ingénieuses  lui  semble  être 
le  plus  grand  mérite  d'un  éditeur.  Le  travail  de  critique  verbale,  d'ail- 
leurs, n'est,  à  ses  yeux,  qu'une  petite  partie  de  la  tâche  d'un  véritable 
interprète  :  l'objet  essentiel  qu'il  doit  se  proposer,  c'est  de  rendre  vrai- 
ment la  vie  à  ce  texte  mort,  en  permettant  au  lecteur  de  ressentir,  en 
présence  des  mots  qu'il  lit,  des  impressions  aussi  semblables  que  possi- 
ble à  celles  que  ces  mêmes  mots,  récités  au  ve  siècle  dans  le  théâtre  de 
Dionysos,  faisaient  vibrer  dans  l'âme  des  Athéniens  qui  les  entendaient. 
11  faut  donc  que  l'interprète  crée  en  lui-même  d'abord,  et  ensuite  chez 
son  lecteur,  par  une  étude  patiente  et  pénétrante  de  tout  ce  lointain 
passé,  par  des  explications  profondément  pénétrées  d'esprit  historique, 
une  sorte  d'aptitude  à  revivre  ce  passé,  à  le  comprendre  jusque  dans  son 
essence  la  plus  intime.  Cela  posé,  on  ne  s'étonnera  plus  que  l'étude  d'une 
seule  tragédie  grecque  implique  tant  d'études  préliminaires  et  tant  de 
commentaires,  car  elle  tient  au  passé  par  les  liens  les  plus  délicats  et  les 
plus  complexes.  Mais  il  faut  ajouter  que  cette  introduction,  mise  en  tête 
d'une  tragédie  particulière,  ouvre  également  l'accès  à  toutes  les  autres 
tragédies  attiques,  et  qu'elle  ne  paraît  disproportionnée  qu'en  raison  de 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  27  I 

Tapplication  spéciale  qui  en  est  faite.  On  voit  l'intérêt  et  la  justesse  dp 
ces  vues  théoriques.  Sont-elles  absolument  neuves  ?  Evidemment  non.  Il 
faut  cependant  savoir  gré  à  M.  de  W.  de  les  avoir  exprimées  de  nouveau 
en  excellents  termes,  avec  une  vigueur  qu'un  secret  instinct  de  polé- 
mique redouble  encore  (t.  I,  p.  253-257).  De  là  l'idée  de  tout  Touvrage. 
L'Introduction  s'ouvre  par  un  chapitre  sur  la  vie  d'Euripide;  Fauteur 
y  examine  d'abord  les  questions  de  faits  et  de  dates,  ensuite  celles  qui 
se  rapportent  à  l'histoire  intellectuelle  d'Euripide  ;  tout  ce  chapitre  est 
excellent,  sans  être  particulièrement  original. 

Suit  un  très  long  chapitre  (p.  43-120)  intitulé  :  QiCest-ce  qu'une  tra- 
gédie attiqiie?  M.  de  W.   rappelle  la  définition  d'Aristote  et  montre 
qu'elle  a  un  caractère  plutôt  abstrait  et  général  que  proprement  histori- 
que et  spécifique.  C'est  donc  l'histoire  même  des  origines  et  du  dévelop- 
pement de  la  tragédie  attique  qu'il  faut  étudier  pour  arriver  à  détermi- 
ner exactement  ce  qui  la  distingue  de  toute  autre  composition  dramatique 
plus  ou  moins  analogue.  La  tragédie  sort  du  dithyrambe  :  à  ce  propos, 
étude  rapide,  mais  originale  et  pénétrante,  de  toute  la  vieille  poésie  lyri- 
que grecque.  Entre  autres  idées  nouvelles,  M.  de  W.  émet  cette  opinion 
(p.  76)  que  le  dithyrambe,  contrairement  à  la  tradition  générale,  n'au- 
rait pas  été  à  l'origine  un  genre  lyrique  distinct,  mais  que  ce  nom  s'ap- 
pliquait à  tous  les  genres  de  poésie  chorale  religieuse  qu'on  a  plus  tard 
distingués  les  uns  des  autres.  Je  crois,  en  effet,  qu'il  y  a  beaucoup  à  dire 
sur   la  valeur  des  distinctions  faites  entre  les  genres  lyriques  par  les 
théoriciens  d'époque  postérieure;  mais  l'opinion  de  M.  de  W.  n'en  est 
pas  moins  difficile  à  accepter  sous  cette  forme  absolue.  Toutes  ces  pages 
d'ailleurs  sont  pleines  d'observations  tantôt  très  justes,  tantôt  contesta- 
bles, que  je  ne  puis  ici  ni   discuter  ni  même  indiquer  :  il  vaut  la  peine 
d'aller  les  chercher  dans  l'original.  Dans  la  poésie  dithyrambique  ainsi 
entendue,  M.  de  W.  distingue  une  forme  spéciale  (celle  où  le  chœur  est 
formé  de  satyres)  qui  s'appelle  xpaYwota,  qui  est  spécialement  consacrée  à 
Dionysos,  et  d'où  la  tragédie  proprement  dite,  c'est-à-dire  la  tragédie 
dramatique,  est  sortie  Ce  passage  de  la  tragédie  lyrique  à  la  tragédie  dra- 
matique se  fit  au  vi^  siècle  par  l'introduction  d'un  acteur  et  du  dialogue. 
Mais  ce  caractère  dramatique  de  la  tragédie  attique  n'est  pas,  aux  yeux 
de  M.  de  W.,  le  plus  important  :  c'est  là  presque  pour  lui  un  caractère 
accessoire.  Aussi,  le  vrai  fondateur  de  la  tragédie  attique,  dans  sa  théo- 
rie, n'est-il  pas  l'auteur  du  premier  dialogue  entre  un  acteur  et  le  chœur 
primitif;  le  vrai  «  père  »  de  la  tragédie,  c'est  le  poète  de  génie  qui  eut 
l'idée  de  faire  passer  dans  la  forme  dialoguée  du  dithyrambe  tragique 
toute  la  substance  de  la  vieille  épopée,  c'est-à-dire  le  mythe,  tel  qu'Ho- 
mère et  ses  successeurs  l'avaient  conçu;  en  d'autres  termes,  le  premier 
poète  tragique  est  Eschyle,  qui  recueillit,  disait-on,  les  reliefs  du  festin 
d'Homère,  et  qui,  par  là,  fit  de  la  tragédie  attique  la  digne  fille  de  l'épo- 
pée, appelée  à  tenir,  dans  la  vie  intellectuelle  et  morale  de  la  Grèce  atti- 
que, la  même  place  que  V Iliade  et  ï' Odyssée  avaient  prise  dans  la  vie  de 


272  REVUE    CRITIQUE 

la  Grèce  ionienne  et  archaïque.  D'où  cette  définition  enfin  de  la  tragédie 
attique  (p.  107)  :  «  La  tragédie  attique  est  un  morceau  complet  en  soi 
de  la  légende  héroïque,  traité  poétiquement  en  style  élevé  pour  être 
représenté  par  un  chœur  de  citoyens  attiques  et  deux  ou  trois  acteurs, 
et  destiné  à  faire  partie  du  culte  public  dans  le  sanctuaire  de  Dionysos.  » 
On  voit  qu'il  n'est  plus  question  ici  de  la  «  terreur  et  de  la  pitié  »  mises 
par  Aristote  en  pleine  lumière,  ni  de  la  célèbre  y,aôapaiç,  et  que  le  carac- 
tère dramatique  lui-même  de  la  tragédie  est  presque  laissé  de  côté  :  l'ac- 
tion, qui  était  pour  Aristote  le  principal,  n'est  pas  expressément  dési- 
gnée. Sur  tous  ces  points  encore,  je  ne  veux  pas  discuter,  bien  que  la 
définition  de  M.  de  W.  me  semble,  à  vrai  dire,  tenir  systématiquement 
un  compte  beaucoup  trop  restreint  des  faits  très  justement  observés  par 
Aristote.  Il  n''en  est  pas  moins  vrai  que  cette  vue  sur  l'importance  du 
mythe  est  capitale,  et  qu'elle  explique  notamment  à  merveille  la  dispa- 
rition presque  complète  de  la  tragédie  au  iv®  siècle  :  c'est  la  mort  des 
croyances  mythiques  qui  a  entraîné  la  mort  de  la  tragédie. 

Viennent  alors  deux  chapitres  sur  l'histoire  du  texte  des  tragiques 
grecs  et  sur  la  critique  de  la  tragédie  grecque  chez  les  modernes.  Dans  le 
premier,  c'est  toute  Thistoire  de  l'érudition  antique  qui  se  déroule  de- 
vant nous.  Dans  le  second,  c'est  toute  l'histoire  de  l'érudition  moderne 
depuis  la  Renaissance  jusqu'à  nos  jours.  Que  Fauteur  n'ait  jamais  perdu 
de  vue,  dans  ce  long  et  savant  récit,  l'objet  particulier  de  son  livre, 
qu'il  n'ait  jamais  dit  que  ce  qu'il  était  nécessaire  de  dire  pour  faire  com- 
prendre une  tragédie  grecque  à  fond,  je  n'oserais  l'affirmer  :  mais  ce 
qu'on  peut  déclarer  sans  hésiter,  c'est  qu'il  était  difficile  de  présenter  de 
tous  ces  faits  un  tableau  d'ensemble  plus  vif,  plus  net  et  plus  agréable. 
C'est  à  la  fin  du  second  de  ces  chapitres,  en  forme  de  conclusion,  que 
se  placent  les  idées  sur  le  rôle  actuel  de  la  critique  dont  j'ai  cité  plus 
haut  quelques  détails  et  indiqué  l'esprit  général. 

Le  volume  se  termine  par  deux  chapitres  sur  la  légende  d'Héraklès  en 
général  et  sur  YHéraklès  d'Euripide  en  particulier.  Le  premier  est  fort  | 
curieux.  Je  ne  sais  si  le  second,  qui  est  une  étude  d'ensemble  sur  la 
pièce  d'Euripide,  met  assez  en  lumière  les  traits  propres  à  Euripide  dans 
la  manière  de  traiter  une  tragédie,  ceux  qui  le  distinguent  de  ses  prédé- 
cesseurs. Il  me  semble  que,  sur  ce  point,  bien  des  idées  essentielles  ont 
été  laissées  de  côté.  Il  est  vrai  qu'on  pourra  les  chercher  dans  d'autres 
ouvrages;  mais  M.  de  W.  ne  s'est  pas  interdit,  dans  les  premiers  chapi- 
tres, de  reprendre  et  de  traiter  à  sa  manière  des  idées  déjà  plus  ou  moins 
exprimées  par  d'autres  critiques  :  pourquoi,  sur  ce  sujet  particulier,  tant 
de  brièveté? 

L'édition  du  texte  de  VHéfaklès,  qui  ouvre  le  second. volume,  dénote 
un  helléniste  fort  habile,  comme  on  pouvait  s'y  attendre.  L'appareil  cri- 
tique, conformément  aux  principes  de  l'auteur,  est  sobre,  mais  il  est 
plein  de  choses  intéressantes.  On  y  trouvera  notamment  quelques  cor- 
rections de  M.  de  W.  lui-même,  qui,  en  dépit  de  sa  méfiance  générale 


I 


d'histoire  et  de  littérature  273 

contre  la  critique  conjecturale,  en  a  fait  pour  son  propre  compte,  et 
souvent  de  fort  ingénieuses. 

Vient  enfin  le  commentaire,  précédé  de  quelques  pages  excellentes 
sur  les  conditions  extérieures  de  la  représentation  tragique.  Pourquoi 
ces  pages  ne  font-elles  pas  partie  de  l'introduction  générale  du  premier 
volume?  Je  n'en  vois  guère  la  raison,  sinon  peut-être  que  la  muse, 
comme  dit  M.  de  W.,  ne  lui  a  pas  inspiré  cette  idée.  Quoi  qu'il  en  soit, 
le  commentaire  lui-même  est  exécuté  selon  les  principes  exposés  plus 
haut:  faire  comprendre  à  fond  la  pièce  d'Euripide,  non  seulement  le 
sens  littéral  des  mots,  mais  la  nuance  exacte  qu'ils  revêtaient  pour  les 
auditeurs  athéniens,  la  liaison  des  scènes,  le  rôle  des  personnages,  le 
caractère  des  morceaux,  la  marche  de  l'ensemble,  par  où  tout  cela  est 
grec,  attique,  marqué  du  cachet  personnel  d'Euripide,  voilà  le  but  que 
M.  de  W.  s'est  proposé.  Je  ne  vois  guère  qu'un  reproche  à  faire  à  ce  com- 
mentaire :  c'est  d'être  trop  long.  Il  me  semble  que  l'auteur  a  traité  le 
commentaire  écrit  en  commentaire  oral.  Toutes  ces  explications,  habi- 
lement données  dans  une  interprétation  orale,  sont  de  nature  à  plaire  et 
à  instruire  ;  exposées  par  écrit,  elles  surchargent  le  texte  et  j'ai  peur 
qu'elles  ne  l'écrasent  ;  il  me  semble  que  l'exemple,  utile  peut-être  à  don- 
ner une  fois,  ne  devra  pas  être  suivi  dans  chaque  nouvelle  édition  d'une 
tragédie  grecque. 

Au  total,  l'ouvrage  de  M.  de  Willamowitz  est  à  lire  :  on  y  trouvera 
toujours  profit  et  plaisir.  C'est  un  livre  érudit  qui  n'est  ni  une  série  de 
notes  grammaticales,  ni  une  statistique,  ni  une  obscure  métaphysique, 
mais  qui  abonde  en  aperçus  historiques  et  en  idées  personnelles. 

Alfred  Croiset. 


467.  —  Ch.    DiEHL.    Kxcui-slons    archéologiques   en    Grèce.   Paris,    Colin 
1890.  In-8,  X  et  388  p.,  avec  8  plans. 

Ce  livre  répond  à  un  besoin  et  y  répond  d'une  manière  très  satisfai- 
sante. L'auteur,  ancien  membre  des  écoles  de  Rome  et  d'Athènes,  connu 
par  ses  recherches  sur  l'art  et  l'administration  de  l'époque  byzantine, 
non  moins  que  par  ses  découvertes  et  ses  publications  épigraphiques, 
a  pris  pour  modèle  les  Promenades  archéologiques  de  M.  Boissier  et 
conduit  agréablement  ses  lecteurs  sur  les  principaux  emplacements  des 
fouilles  récentes,  Mycènes,  Délos,  Athènes,  Akraephiae,  Olympie, 
Eleusis,  Epidaure,  Dodone,  Tirynthe,  Tanagra.  M.  Diehl  paraît  avoir 
vu  lui-même  un  bon  nombre  des  villes  antiques  dont  il  parle;  il  est  d'ail- 
leurs fort  bien  informé  des  publications  qui  les  concernent  et  sait  les 
résumer  sans  frivolité  comme  sans  pédantisme.  Les  fructueuses  explo- 
rations conduites  par  MM.  Philios,  Cavvadias  et  d'autres  à  Eleusis  et  à 
Epidaure,  celles  que  M.  Holleaux  a  dirigées  dans  les  ruines  du  temple 
d'Apollon  Ptoïos  près  d'Akraephiae,  n'avaient  pas  encore  été,  dans  leur 
ensemble,  l'objet  de  notices  également  propres  à  contenter  les  archéolo- 


2  74  REVUE    CRITIQUE 

gues  et  le  grand  public.  Les  voyageurs  qui  partiront  pour  la  Grèce  avec 
ce  livre  dans  leur  valise  seront  très  reconnaissants  à  M.  D.  et  trouve- 
ront dans  les  dix  essais  qu'il  renferme  un  bien  précieux  complément  à 
leur  Baedeker. 

En  tête  de  chacun  de  ses  chapitres,  M.  D.  a  donné  une  courte  biblio- 
graphie. Il  ne  devait  naturellement  pas  prétendre  à  être  complet  et 
le  choix  de  ses  références  m'a  généralement  semblé  fort  heureux.  Je 
ferai  pourtant  quelques  réserves  à  cet  égard.  Ainsi,  p.  5i,  M.  D.  ren- 
voie à  un  article  de  Marx  sur  le  taureau  de  Tirynthe,  et,  en  même 
temps,  au  livre  récent  de  Schuchhardt;  mais  ce  dernier  a  précisément 
prouvé  que  l'hypothèse  de  Marx  est  une  erreur.  P.  67,  à  propos  de  Do- 
done,  l'indication  des  travaux  de  Bursian  et  de  Pomtow,  annulés  par 
la  publication  récente  d'O.  Holïmann,  est  inutile  aux  lecteurs  des 
Excursions  ;  il  eût  mieux  valu  citer  l'article  de  M,  Girard,  dans  la 
Revue  des  Deux  mondes  du  i5  février  1879.  P.  2o3,  il  n'est  pas  exact 
qu'on  trouve  dans  l'ouvrage  de  MM.  Laloux  et  Monceaux  une  «  bi- 
bliographie complète  »  des  travaux  relatifs  à  Olympie.  Je  relève  aussi 
quelques  inexactitudes  matérielles:  p.  i3,  note  i,  écrive  Loeschcke ; 
p.  14,  note,  lire  herausgegeberi  vont  d.  Inst.  et  non  durch  das  d.  Inst., 
qui  serait  un  solécisme. 

Dans  le  texte  lui-même,  quelques  erreurs  faciles  à  corriger  m'ont 
arrêté  au  passage  ;  ainsi  M  .  D.  dit  que  le  buste  de  Jupiter  d'Otricoli  est 
au  Louvre  (p.  263),  alors  qu'il  se  trouve  au  Vatican;  il  affirme   aussi 
(p.  348)  que  la  collection  des  terres-cuites  de  M.   de  Sabouroff  est  au 
musée  de  Berlin,  alors  qu'elle  a  été  acquise  en   1884  par  PErmitage,  à 
l'exception  du  groupe  faux  de  la  pi.  LXXVI.  M.  D.  a  tort  d'accuser  la 
Société  archéologique  d'Athènes  d'avoir  été  «  préoccupée,  avant  tout,  de 
remplir  ses  vitrines  vides  »  (p.  342),  lorsqu'elle  a  pratiqué  des  recherches 
àTanagra;  le  journal  des   fouilles  a  été  tenu  par   feu   Stamatakis.  Il 
s'avance  peut-être  trop  (p.  i23j  en  qualifiant  de  certaine  la  restitution 
de   la   statue  d'Anténor  par  M.    Studniczka.  On  regrette   de   ne   pas 
trouver,  au  début  du  chapitre  sur  Dodone  (p.  65),  le  nom  de  Gaultier 
de   Claubry,  qui  a  découvert   avant   M.  Carapanos  l'emplacement  de 
la  ville  antique.  Les  lecteurs  non  spécialistes  seront  induits  en  erreur 
en  lisant  (p.  40)  que,  d'après  les  documents  égyptiens,  «  les  Troyens,, 
Mysiens,  Lyciens,  Pélasges,  Tyrrhéniens,  etc.,  s'allièrent  aux  popula-j 
tions  de  la    Syrie    ».  11  ne    faut  pas  offrir   ainsi   d'ingénieuses  hypo- 
thèses comme  l'expression  reconnue  de  la  vérité.  Enfin,  il  y  a  plus  d'un"] 
contre-sens  dans  le  résumé  que  M.  D.  a  donné  (p.  334)  de  l'inscriptioi 
de  Julius  Apellas,  si  élégamment  traduite  par  M,  de  Wilamowitz. 

Tout  cela  est  peu  de  chose  dans  un  ouvrage  à  la  fois  très  agréable  et| 
très  exact  ;  le  reproche  qu'il  me  reste  à  lui  faire  est  plus  sérieux.  M.  D.J 
avertit  (p.  X)  que  l'on  retrouvera  dans  son  livre  «  les  idées  et  parfois  les 
expressions  mêmes  des  maîtres  qui  ont  illustré  l'archéologie  classique  »  ;H 
malgré  cette  précaution,  on  est  obligé  de  dire  que  M.  D.  ne  se  gêne 


d'histoire  et  de  littérature  275 

pas  assez  pour  prendre  ce  qui  lui  convient  chez  autrui  et  qu'il  lyii 
arrive  de  l'y  prendre  sans  même  indiquer  sa  source  dans  la  biblio- 
graphie qui  ouvre  ses  chapitres.  Il  était  facile  d'ajouter  un  renvoi  en 
note  là  où  l'emprunt  était  à  peu  près  textuel;  quand  même  ce  n'eût 
pas   été  facile,  M.  Diehl  n'aurait  pas  eu  raison  de  s'en  dispenser. 

Salomon  Reinach. 


468.  —  MaximianI   elegiae  ad  fldem  codicis  Etonensi»  recensuit  et  emen- 
dauit  M.  Petschenig.  Berlin,  Calvary,  1890,  Sg  pp.  (Berliner  Studien,  xi,  2). 

Les  élégies  de  Maximianus  nous  ont  été  conservées  dans  deux  mss.  du 
xi«  siècle,  l'Etonensis  et  le  Reginensis,  et  dans  une  foule  de  mss.  du 
xiii'^  et  du  xiv"  siècle.  M.  Petschenig  semble  s'être  proposé  de  donner  un 
texte  moins  corrigé  que  celui  de  Bahrens,  et  par  suite  plus  sûr.  Il  aurait 
tout  à  fait  réussi  s'il  ne  s'était  pas  fié  exclusivement  à  l'Etonensis.  Son 
édition  rendra  service  surtout  par  les  notes  explicatives  trop  rares  et  par 
l'index  uerborum  complet  qu'il  y  a  joints.  Les  nombreuses  particularités 
de  la  langue  de  l'auteur  rendent  ce  travail  indispensable  pour  l'histoire 
de  la  syntaxe  et  du  lexique. 

P.  A.  L. 


469.  —  Catalogue  des    manusei-its  celtiques  et  basques  de   la    Olbllo- 
tlièque  lv«tlonale,  par  Henri  Omont.  Paris,   1890,   46  p.  in-8.  (Extrait  de  la 

Revue  Celtique). 

Le  catalogue  des  manuscrits  celtiques  de  notre  Bibliothèque  Natio- 
nale n'avait  pas  encore  été  dressé,  au  moins  d'une  façon  complète  "  ;  ce 
n'est  pas  un  fonds  très  nombreux,  car  il  ne  comprend  que  io5  volu- 
mes :  29  irlandais  ou  relatifs  à  la  langue  irlandaise,  jS  en  langue  bre- 
tonne et  3  en  langue  basque!  L'addition  des  manuscrits  basques  aux 
manuscrits  celtiques  a  sans  doute  été  faite  à  une  époque  où  l'on  n'avait 
encore  que  des  idées  très  confuses  sur  la  classification  des  langues  ;  peut- 
être  aussi  le  fonds  basque  a-t-il  été  jugé  trop  peu  nombreux  pour  être 
classé  à  part. 

L'éminent  administrateur  de  la  Bibliothèque  Nationale  veut  faire 
connaître  aux  savants  l'existence  de  tous  les  manuscrits  confiés  à 
sa  garde,  manuscrits  en  langues  modernes  aussi  bien  que  manuscrits  en 
langues  anciennes;  les  petits  fonds  doivent  être  aussi  bien  traités  que 
les  grands.  C'est  pour  concourir  à  cette  œuvre  que  M.  Omont  a  entre- 
pris le  catalogue  du  fonds  celtique  et  basque,  et  il  l'a  mené  à  bonne  fin 
avec  les  qualités  de  critique  et  d'exactitude  dont  il  a  tant  de  fois  fait 
preuve  dans  des  travaux  d'ordre  plus  élevé.  La  tâche  lui  a  été  facilitée 
par  le  concours  obligeant  de  plusieurs  érudits,  notamment  de  M.  d'Ar- 
bois  de  Jubainville  pour  les  manuscrits  irlandais. 

I.  Le  catalogue  des  manuscrits  des  mystères  bretons  rassemblés  et  donnés  par 
M.  Luzel  avait  été  publié  dans  la  Revue  Celtique,  t.  V,  p.  3 17  et  suiv. 


276  RRVUR    CRITIQUE 

De  ces  manuscrits  irlandais  un  seul  est  vraiment  important  :  c'est  le 
n«  I.  M.  d'Arbois  de  Jubainville  en  a  rédigé  une  analyse  très  complète 
en  identifiant  les  textes  que  ce  ms.  contient;  et,  avec  une  modestie 
qu'on  ne  rencontre  que  chez  les  maîtres,  il  a  communiqué  cette  analyse 
à  M.  Whitley  Stokesqui  «  a  bien  voulu  en  revoir  une  épreuve  ».  Les 
celtistes  ne  trouveront  donc  rien  à  reprendre,  mais  beaucoup  à  appren- 
dre, dans  cette  analyse  du  ms.  n"  i,  analyse  qui  forme  quatorze  pages, 
et  qui  est  la  partie  la  plus  instructive  et  la  plus  nouvelle  du  catalogue 
de  M.  Omont.  Nous  nous  permettrons  seulement  d'ajouter  que  le  texte 
du  fol.  28,  v,  col.  I,  a  été  publié,  avec  traduction  française,  dans  les 
KpuTT-âBta,  t.  IV  (Heilbronn,  1888),  p.  270-279  1. 

Pour  nous  renseigner  sur  la  provenance  de  ce  ms.  et  en  même  temps 
pour  nous  montrer  quelle  idée  on  se  faisait  à  la  fin  du  siècle  dernier  sur 
la  généalogie  de  la  langue  irlandaise,  M.  Omont  a  reproduit  la  note 
que  Villebrune,  bibliothécaire  de  1793  à  1795,  a  jointe  au  manuscrit. 
Elle  commence  par  cette  phrase  :  «  Manuscrit  irlandois  que  les  com- 
missaires de  la  section  Beaurepaire  ont  trouvé  dans  une  de  leurs  visi- 
tes... M  Pour  appeler  les  choses  par  leur  nom,  le  ms.  a  sans  doute  été 
pris,  c'est-à  dire  volé,  dans  une  perquisition,  et  probablement  chez 
quelque  prêtre  irlandais  réfugié  en  France,  mais  tombé  de  Charybde 
en  Scylla.  —  A  propos  du  nom  de  «  section  Beaurepaire  »,  M.  Omont 
dit  en  note  :  «  Du  nom  du  général  Beaurepaire,  mort  au  siège  de 
Verdun  en  1792  ».  Cette  note  n'est  pas  ad  rem  :  ce  que  le  lecteur  atten- 
dait ici,  c'était  l'indication  du  quartier  de  Paris  auquel  correspond 
cette  dénomination  éphémère  de  «  section  Beaurepaire  »  —  et  Beau- 
caire  était-lieutenant-colonel. 

P.  27,  n"  32.  A  la  lecture  de  cet  article  on  serait  tenté  de  croire  que 
le  ms.,  qui  est  du  xviii^  siècle,  a  été  copié  par  M.  Luzel.  Sur  ma 
demande,  M.  O.  veut  bien  m'apprendre  que  les  deux  derniers  feuillets 
ont  été  copiés  par  M.  Luzel  pour  compléter  le  ms.;  et  je  reproduis  cette 
indication  comme  correctif  au  catalogue. 

Les  manuscrits  ne  sont  pas  classés  par  ordre  de  langues,  et  les  manus- 
crits irlandais,  bretons  et  basques  se  rencontrent  au  hasard.  Il  n'appar- 
tenait pas  sans  doute  à  M.  Omont  de  refaire  ce  numérotage,  si  défec- 
tueux et  si  peu  critique  qu'il  soit;  mais  n'eût-il  pas  été  bon  de  joindre, 
aux  très  utiles  tables  qui  terminent  ce  catalogue,  une  autre  qui  distri- 
buât les  nos  du  catalogue  par  langues  ?  || 

Parmi  les  mss.  irlandais,  de  beaucoup  moindre  importance,  nous 
trouvons  à  la  p.  3i  le  n»  71  :  Défense  de  la  Messe  par  Geoffroi  Keating. 
La  description  commence  par  cette  phrase  :  «  Le  ms.  est  intitulé  : 
«  Clef  à  bouclier  de  la  messe  »  Eochair  sciath  an  Aifrinn)  ».  Cette 
«  clef  à  bouclier  »  nous  a  beaucoup  tourmenté,  d'autant  que,  par  suite 


I.  Dans  !e  catalogue  de  M.  Omont,  la  première  phrase  de  ce  texte  est  ainsi  tra- 
duite :  c<  Une  certaine  femme  alla  donner  sa  confession  à  un  autre  moine  sainte- 
ment pieux.  »  Il  faut  traduire  «  à  certain  moine...  » 


I 


d'histoirk  et  de  littérature  277 

des  vacances,  nous  ne  pouvions  demander  à  un  de  nos  confrères  de  la 
Société  des  Antiquaires  ce  que  pourrait  être  une  «  clef  à  bouclier  ». 
Après  y  avoir  bien  réfléchi,  nous  nous  sommes  dit  que  la  «  clef  à  bou- 
clier »  devait  appartenir  au  même  arsenal  que  le  «  pivot  de  conversion  >» 
dont  il  est  question  au  régiment  et  à  la  recherche  duquel  un  sergent  ou 
un  caporal  facétieux  envoie  quelquefois  un  conscrit  naïf,  «  parce  que, 
sans  le  pivot  de  conversion,  on  ne  peut  pas  faire  l'exercice,  subsé- 
quemment...  » 

Voyons  donc  le  terme  irlandais  traduit  par  «  clef  à  bouclier  ».  La 
première  observation  est  qu'il  faut  écrire  en  un  seul  mot  eocJiairsciath, 
et  que  c'est  un  terme  composé  appartenant  à  cette  catégorie  siibstantiva 
ciim  substantivis  dontZeussa  parlé  dans  la  Grammatica  Celtica^  2"  éd., 
p.  853  et  suiv.  Dans  les  composés  de  ce  genre,  c'est  d'ordinaire  le  second 
mot  qui  est  le  mot  principal  ou  déterminé,  de  même  qu'en  latin  aquilifer 
signifie  «  porte-aigle  »  et  non  «  aigle  à  porter  »  et  anguicomiis  «  qui  a 
des  serpents  pour  cheveux,  c'est-à-dire  dont  la  tête  est  hérissée  de  ser- 
pents »  et  non  pas  «  serpent  à  cheveux  ».  Le  mot  déterminé  étant  ici 
sciath  a  bouclier  »,  la  traduction  serait  donc  «  bouclier  à  clef  »...  si  du 
moins  le  mot  eochair  se  traduisait  nécessairement  par  «  clef  ». 

Pour  ce  mot,  les  dictionnaires  irlandais  donnent  bien  «  a  key  »  ; 
mais,  si  on  continue,  on  trouve  aussi  d^autres  sens  :  «  a  tongue  »  ;  — 
«  the  brim,  brink,  edge  »  ;  —  «  the  gills  of  a  fish  »  ;  —  «  a  young  plant, 
a  sprout  »  ;  —  «  a  right  angle  ».  En  outre,  dans  plusieurs  textes  le  mot 
eochair  a.  le  sens  bien  net  de  «  tranchant  »  1.  Si  maintenant  on  se  rap- 
pelle que  les  anciens  Irlandais  employaient  quelquefois  des  boucliers 
dont  le  bord  était  tranchant  ou  bien  dentelé  comme  une  scie,  afin  que 
dans  le  corps-à-corps  l'ennemi  ne  pût  les  saisir  et  les  écarter  ~,  —  le 
célèbre  héros  Cûchullain  avait  un  bouclier  dont  le  tranchant  coupait 
aussi  bien  que  celui  de  son  épée  —  il  est  aisé  de  penser  qu'un  bouclier 
de  ce  genre  était  le  bouclier  défensif  par  excellence.  Nous  pensons  donc 
qu'il  faut  traduire  ici  «  le  bouclier  tranchant  [ou  acéréj  de  la  messe  ». 

La  traduction  que  nous  critiquons,  «  clef  à  bouclier  de  la  messe  »,  a 
pour  elle  l'autorité  de  la  tradition.  En  effet,  en  1820,  dans  les  Transac- 
tions of  the  Hiberno-Celtic  Society,  t.  I,  p.  cxciv,  O'Reilly  traduisait 
ce  titre  «  a  key  to  the  shield  of  the  mass  »  litt.  «  clef  au  bouclier  de  la 
messe  »,  ce  qui  pourtant  peut  faire  supposer  que  cet  ouvrage  sert  de 
«  clef  »  à  un  autre  qui  serait  intitulé  «  bouclier  de  la  messe  ».  Tout 
récemment,  M.  Atkinson  traduisait  ce  titre  plus  grammaticalement  ^ 
«  Keyshield  of  the  Mass  »,  litt.  «  bouclier  à  clef  de  la  messe  »,  Malgré 
ces  précédents,   nous  préférons  notre  traduction  donnée  plus   haut  et 


1.  Voir  Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  524,  a;  et  Wh.  Stokes,  Lives  of  Saints 
from  the  Book  of  Lismove,  p.  Sg.r ,  a. 

2.  Voir  O'Curry,  Manners  and  Customs  of  the  ancient  Ivish,  t.  I,  p.  cccclxi. 

3.  Keating,  The  three  Shafts  of  Death,  édition   Atkinson,  Dublin,  1890,  p.  368,  a. 


278  REVUK    CRITIQUK 

nous  la  soumettons  au  jugement  de  M.  d'Arbois  de  Jubainville  et  de 
M.  Atkinson  1. 

Nos  observations  ne  portent  que  sur  des  détails,  et  n'infirment  pas  la 
valeur  et  l'utilité  du  nouveau  travail  de  M.  Omont  :  nous  ne  les  présen- 
tons que  comme  de  simples  Addenda  et  Corrigenda. 

H.  Gaidoz. 


I 


4^0.    —  Visîtnlions   of  Knglis»!»  Clunîac    Pounilations.  . .  .   by  sir  G.  F.   Du- 

CKETT,  bart.  Loiidon,   1890.  In-8,  52  pages. 

Une  bulle  de  Grégoire  IX,  du  i3  janvier  i233,  a  institué  dans  l'or- 
dre de  Cluny  les  visiteurs  et  les  définiteurs.  Chaque  année  le  chapitre 
général  désignait  deux  visiteurs  pour  chacune  des  dix  provinces  de 
l'ordre.  Leurs  rapports  servaient  de  base  à  la  plupart  des  décisions  des 
définiteurs.  Ce  sont  là  de  précieux  documents;  il  n'en  est  pas  qui 
puissent  mieux  nous  révéler  l'état  des  maisons  clunisiennes.  Quand 
pour  une  même  province,  plusieurs  procès-verbaux,  échelonnés  à 
quelques  années  de  distance  les  uns  des  autres,  nous  ont  été  conservés, 
nous  pouvons  mesurer  les  progrès  accomplis  ou  les  pertes  éprouvées 
par  l'ordre  de  Cluny  ;  ce  sont  comme  autant  de  jalons  qui  nous  per- 
mettent de  suivre  le  développement  de  cette  célèbre  et  puissante  con- 
grégation, M.  Siméon  Luce  et  M.  Bruel  ont  publié,  le  premier,  la 
relation  de  la  visite  des  monastères  du  Poitou  en  1292  (Bibl.  de 
l'École  des  Chartes,  iSSg,  p.  237),  le  second,  les  relations  des  visites 
des  monastères  de  l'Auvergne  en   1286  et  i3io  (Ibidem,  1877,  P-  ^  '4)- 

11  est  regrettable  que,  voulant  faire  connaître  les  visites  des  monas- 
tères de  Tordre  de  Cluny  en  Angleterre  pour  les  années  1262,  1275  et 
1279,  M.  Duckelt  n'ait  pas  pris  pour  modèles  les  deux  publications 
que  nous  venons  d'indiquer.  Les  rouleaux  de  parchemin  où  sont  trans- 
crits les  procès-verbaux  de  ces  visites  sont  conservés  à  la  Bibliothèque 
nationale  (Nouv.  acq.  lat.  2280).  Au  lieu  de  reproduire  ces  documents, 
M.  D.  s'est  contenté  de  les  traduire  en  anglais.  A  supposer  qu'il  fût 
utile  de  rendre  ces  documents  accessibles  à  tout  le  monde,  au  moins 
fallait-il  songer  d'abord  aux  érudits,  c''est-à-dire  à  ceux  qui  peuvent 
s'en  servir  comme  de  matériaux,  et  par  conséquent  il  convenait  de  met- 
tre le  texte  latin  en  regard  de  la  traduction.  Quelle  confiance  doit-on 
accorder  à  cette  traduction?  L'auteur  nous  avertit  qu'elle  est  à  la  fois 
littérale  et  libre.  Qu'on  en  juge  plutôt  par  le  dernier  article  du  pre- 

I.  Le  ms.  de  la  Bibliothèque  Nationale,  comme  nous  venons  de  le  vérifier,  écrit 
bien  en  deux  mots:  eochair  sgiath  (et  non  \)2,s  sciath,  par  un  c,  qui  appartient  à  un 
âge  antérieur  à  la  langue);  et  cette  graphie  fpar  g)  se  rencontre,  non  pas  seulement 
dans  le  texte,  mais  dans  le  titre  courant  au  verso  de  toutes  les  pages  du  manuscrit. 
La  séparation  du  mot  en  deux  montre  que  le  scribe  du  xvme  siècle  n'en  comprenait 
pas  le  sens.  L'introduction  des  armes  à  feu  avait  depuis  longtemps  fait  sortir  ces 
boucliers  de  l'usage  et  quelques  archéologues  irlandais  pouvaient  seuls  comprendre 
le  mot  eochairsgiatk. 


d'histoire  et  de  littérature  27g 

mier  rouleau.  Il  s'agit  du  prieuré  de  Pontefract  :  «  Sunt  ibi  scxdecim 
monachi.  Domus  débet  mille  marcas.  »  Ce  que  M.  D.  rend  ainsi  : 
a  We  made  out  that  the  pecuniary  obligations  incurred  by  the  monas- 
tery,  reach  the  sum  of  a  thousand  marks;  and  that  the  number  of  the 
brethren  amount  to  sixteen.  »  M.  D.  donne  aussi  une  version  anglaise 
d'une  liste  des  maisons  de  l'ordre  de  Gluny  en  Angleterre  et  en  Ecosse, 
dressée  au  xv«  siècle.  Enfin,  à  la  suite  de  l'index,  vient  en  appendice  — 
et  c'est  là  la  seule  page  intéressante  du  volume  —  le  texte  latin  d'une 
ordonnance  rendue  en  1247  par  le  prieur  de  la  Charité-sur-Loire,  et 
relative  au  transport  des  rouleaux  mortuaires  de  France  en  Angleterre 
et  réciproquement,  dans  les  maisons  relevant  de  la  Charité.  La  copie 
de  ce  document,  conservé  à  la  Bibliothèque,  a  été  transmise  à  M.  Du- 
ckett  par  M.  Léopold  Delisle,  c'est  assez  dire  quelle  en  est  l'exactitude. 

M.  Prou. 


4'7i.  —  Ooi'pUB  (locuinentoriim  Iiiquisitionis  Iia3i*eticae  pruvîtatis 
iVeei>landiH3.  Verzameling  van  stukken  betreff'ende  de  Pauselijke,  en  bisschop- 
pelijke  inquisitie  in  de  Nedeiianden,  uitgegeven  door  D''  Paul  Fredericq...  Eerste 
Deel,  tôt  aan  de  herinrichting  der  inquisitie  onder  Keizer  Karel  V.  Gent  en 
'S  Gravenhage,  i88g,  in-8,  xxxix-640  pages. 

Dans  l'ouvrage  dont  le  titre  précède,  M.  Frédéricq  a  réuni  tous  les 
textes  ou  fragments  de  textes,  imprimés  ou  manuscrits,  qu'il  a  pu  con- 
naître relatifs  à  l'histoire  des  persécutions  contre  les  hérétiques  dans  ce 
qu'il  appelle  la  Néerlande.  Cette  expression,  ne  répondant  ni  à  une 
région  géographique  bien  déterminée,  ni  à  une  nationalité  bien  définie, 
a  besoin  d'explication.  Sous  le  nom  de  Néerlande,  l'auteur  comprend  des 
pays  de  langue  allemande  (Luxembourg,  partie  occidentale  de  l'arche- 
vêché de  Trêves),  des  pays  de  langue  française  (Artois,  Hainaut,  pays  de 
la  Meuse  et  partie  du  Brabant),  des  pays  de  langue  flamande  (comté  de 
Flandre,  partie  du  Brabant),  enfin  la  Hollande  proprement  dite.  C'est, 
en  somme,  la  Belgique  actuelle,  le  nord  de  la  France,  les  Pays-Bas  et 
quelques  portions  de  la  Prusse  rhénane. 

Près  des  deux  tiers  des  fragments  rapportés  datent  du  xiv^  et  du 
xv«  siècle;  pour  les  temps  antérieurs  au  xiii^,  M.  Frédéricq  n'a  relevé 
qu'un  petit  nombre  de  documents,  et  beaucoup  des  textes  rapportés  in- 
extenso  ou  allégués  par  lui  ont  trait  plutôt  à  la  lutte  delà  papauté  contre 
l'hérésie  dans  toute  l'Europe  qu'aux  pays  dont  il  étudie  l'histoire  reli- 
gieuse. 11  est  vrai  que  l'auteur  a  été  assez  sobre  à  cet  égard  ;  de  beaucoup 
de  textes  généraux  il  ne  cite  que  les  premiers  mots,  se  contentant  de 
renvoyer  aux  auteurs  qui  les  ont  publiés.  Peut-être  aurait-il  pu,  sur  ce 
point,  se  montrer  encore  plus  réservé. 

Le  recueil  de  M.  Frédéricq  est  riche  surtout  pour  le  xv*^  siècle,  et  les 
historiens  français  le  consulteront  avec  profit,  notamment  pour  le  grand 
procès  contre  les  Vaudois  d'Arras  dans  les  premières  années  du  règne 
de  Louis  XL  On  y  trouvera  également  beaucoup  de  détails  sur  les 


280  REVUE    CRITIQUE 

agitations  religieuses,  qui  marquèrent  en  Artois,  en  Hainaut  et  dans 
les  pays  voisins  la  lin  du  xiv^  et  tout  le  xv*^  siècle,  mouvements  avant- 
coureurs  de  la  réforme. 

Chaque  fragment  publié  est  précédé  d'une  copieuse  analyse  et  suivi  de 
notes  bibliographiques  parfois  assez  étendues.  Une  table  des  ouvrages 
imprimés  et  des  recueils  manuscrits  consultés  par  l'auteur,  un  index 
chronologique  des  fragments  publiés,  enfin  une  table  alphabétique 
et  analytique  terminent  et  complètent  le  volume  qui  fait  grand  honneur 
au  savant  professeur  de  Gand. 

Nous  n'adresserons  à  Fauteur  qu'une  légère  critique.  Les  actes  publiés 
par  lui  sont  pour  la  majeure  partie  en  latin  et  en  français;  un  petit  nombre 
seulement  est  rédigé  en  flamand.  M.  Frédéricq  n'en  a  pas  moins  adopté 
cette  dernière  langue  pour  les  notes,  les  analyses  et  les  index.  Le  choix 
en  lui-même  est  parfaitement  légitime,  mais  la  langue  flamande  est  en 
somme  peu  connue  en  dehors  d'une  petite  partie  de  la  Belgique  ;  elle  est 
très  certainement  ignorée  de  la  plupart  des  érudits  et  des  étrangers  qui 
auront  à  consulter  le  recueil  de  M,  Frédéricq.  C'est  là  un  premier 
inconvénient,  ajoutons-en  un  autre  bien  plus  grave  :  les  noms  de  lieux 
de  terre  française  ont  été  parfois  tellement  transformés  par  les  Flamands 
qu'ils  en  sont  devenus  difïicilement  reconnaissables  ;  citons  seulement 
Doornik,  Kamerijk,  Atrecht.  Jamais  les  habitants  de  ces  trois  villes 
n'ont  employé  d'autre  forme  que  Tournay,  Cambrai  et  Arras,  et  il  est 
peu  probable  que  ceux  de  Mons  consentent  jamais  à  changer  leur  vieux 
nom  roman  en  celui  de  Bergen.  Que  M.  Frédéricq  dise  Gent  pour 
Gand,  c'est  son  droit  strict,  mais  n'est- il  pas  puéril  de  changer  des 
appellations  géographiques  consacrées  depuis  des  siècles?  Si  l'auteur, 
pour  des  raisons  personnelles,  répugnait  à  employer  la  langue  française, 
la  plus  usitée  en  Belgique,  au  moins  dans  les  classes  lettrées,  il  eût  pu 
sans  aucun  inconvénient  recourir  au  latin.  Aucun  érudit  français  ou 
allemand  n'aurait  eu  un  instant  d'hésitation  en  lisant  le  nom  Leodium; 
pour  saisir  le  sens  de  la  forme  Luik.,  il  faudra  tm  instant  de  réflexion. 
Ce  sont  là,  si  l'on  veut,  des  vétilles,  mais  il  s'agit  ici  de  clarté  et  de 
précision,  qualités  qu'on  réclame  avant  tout  d'un  ouvrage  d'érudition 
et  de  diplomatique. 


472.  —  K*iei-i-es  tombales  du  Musée  munîeipal  de  Saint-Cieftnain-eii- 
Laye*  par  Henri  Stein,  ancien  élève  de  l'Ecole  des  Chartes,  membre  de  la  com- 
mission départementale  des  richesses  d'art  de  Seine-et-Oise.  Versailles,  Cerf, 
i8Sç),  grand  in -8  de  9  p. 

473.  —  Les  IVèi-es  Anguiei*.  Notice  sur  leur  vie  et  leurs  œuvres  d'après  des 
documents  inédits,  parle  même.  Paris,  Pion,   iHSg,  grand  in-8  de  86  p. 

474.  —  Jleaii  Ooujon  et  l:t  iiiaisun  de  Ui:ine  de  Poitiers  â  E:iaini>es, 
par  le  même.  Paris,  H.  Laurens,  1890,  grand  in-8  de  17  p. 

I.   M.  H.  Stein  appelle  l'attention  sur  des  pierres  tumulaires  qui, 
depuis  1874,  appartiennent  à  la  ville  de  Saint-Germain-en-Laye,  et  qui 


d'histoire  et  de  littérature  281 

n'ont  été  connues  ni  du  baron  de  Guilhermy,  quand  il  a  publié,  en  1 877, 
le  tome  III  de  ses  Inscriptions  de  la  France,  (ancien  diocèse  de  Paris), 
ni  de  l'auteur  du  supplément  qui  remplit  la  plus  grande  partie  du 
tome  V  (i883)  de  cette  importante  publication.  Le  jeune  et  savant  archéo- 
logue décrit  très  bien  les  trois  pierres,  dont  deux  proviennent  de  l'an- 
cien prieuré  d^Hennemont,  fondé  en  i3o8,  l'origine  de  la  troisième 
n'étant  pas  indiquée,  et  iUn^interprète  pas  moins  bien  les  inscriptions 
incomplètes  gravées  sur  ces  pierres  '. 

II.  La  notice  sur  la  vie  et  les  œuvres  des  frères  Anguier  est  de  tout 
point  excellente.  M.  Stein,  mieux  qu'aucun  de  ses  nombreux  devan- 
ciers (Guillet  de  Saint-Georges,  le  comte  de  Caylus,  F.  N.  Le  Roy,  Jal, 
M.  Emile  Léger,  M.  Arm.  Sanson),  nous  fait  connaître  les  trois  fils 
d'Henri  Anguier,  le  maître  menuisier  d'Eu,  les  sculpteurs  François  et 
Michel,  et  le  peintre  Guillaume,  lequel  travailla  surtout  aux  Gobelins, 
La  notice  est  divisée  en  six  chapitres  :  La  ville  d'Eu,  patrie  des  An- 
guier ;  la  famille  des  Anguier  ;  le  sculpteur  François  Anguier;  Mi- 
chel Anguier  a  r Académie  ;  le  peintre  Guillaume  Anguier.  On  trouve 
à  la  suite  :  Portrait  de  Michel  Anguier;  Catalogue  des  œuvres  d'art 
(actuellement  existantes)  de  François  Anguier  (p.  3i-38)  et  de  Michel 
Anguier  {p.  38-48);  Œuvres  attribuées  aux  Anguier  s  {p.  ^.g-bo).  L'Ap- 
pendice est  formé  de  quatre  conférences  de  Michel  Anguier  :  1°  sur 
V Hercule  de  Farnèse,  du  9  novembre  1669;  2°  sur  la  figure  de  Lao- 
coon,  du  2  août  1670;  3°  sur  Vexpression  de  la  colère,  du  7  septembre 
1675  ;  4°  sur  la  manière  de  représenter  les  divinités  selon  leur  tempé- 
rament, du  i"  août  1676.  Les  Pièces  justificatives,  relatives  à  la  famille 
Anguier,  sont  au  nombre  de  quinze,  la  première  datée  du  8  septembre 
1 638  et  la  dernière  du  i  3  mars  1721^. 

III.  La  connaissance  de  la  vie  de  Jean  Goujon  nous  échappe  complè- 
tement pendant  les  années  i55i  à  i555.  Un  document  du  27  septembre 
de  cette  dernière  année,  conservé  aux  Archives  nationales,  et  publié 
(p.  i3)  par  M.  Stein,  nous  apprend  que  Jean  Goujon,  sculpteur  du  roi, 
se  trouvant  à  Étampes,  y  fut  emprisonné  par  le  lieutenant  du  bailli, 

1.  M.  S.  a  deviné  avec  beaucoup  de  sagacité  (p.  5)  dans  la  syllabe  Ro...  le  com- 
mencement du  prénom  de  Robert  de  Meudon,  grand  panetier  de  France,  mort  en 
i325,  et  enterré  à  Hennemont  comme  son  parent  et  homonyme  Robert  de  Meudon, 
concierge  et  capitaine  du  château  de  Saint-Germain-en-Laye,  décédé  peu  d'années 
auparavant. 

2.  Les  rectifications  indiquées  par  M.  S.  sont  nombreuses.  Je  n'en  citerai 
que  deux  :  «  Prosper  Mérimée,  il  y  a  un  demi-siècle  (Notes  d'un  voyage  en  Au- 
vergne, Paris,  i838,  p.  386),  citait  le  tombeau  par  Fr.  Anguier  de  Henri  II  de 
Montmorency  et  de  Félicie-Marie  des  Ursins,  sa  femme,  que  l'on  voit  à  Moulins, 
dans  l'ancien  couvent  de  la  Visitation,  aujourd'hui  la  chapelle  du  lycée  comme  l'ou- 
vrage d'un  sculpteur  italien  nommé  Aghieri,  se  contentant  de  transcrire,  sans  plus 
ample  informé,  l'erreur  du  gardien  ou  du  sacristain  de  la  chapelle.  »  (p.  10).  —  «  On 
a  quelquefois  attribué  les  sculptures  de  la  porte  Saint-Denis  à  François  Anguier,  ce 
qui  est  impossible,  puisque  François  mourut  en  1669,  et  que  les  premiers  travaux 
ne  commencèrent  qu'en  1671.  n 


28i 


REVUE    CKITfQUE 


puis  conduit  à  Paris,  c[  qu'après  un  certain  temps  de  détention,  il  de- 
manda à  être  mis  en  liberté  provisoire  sous  caution,  ce  qui  lui  fut 
accordé.  S'appuyant  sur  cette  pièce  indiscutable  et  quasi-officielle, 
M.  Stein  conclut  de  la  présence  de  Jean  Goujon  à  Etampes  peu  de^mois 
avant  i55  5,  que  le  grand  artiste  a  dû  construire  la  belle  maison  de 
Diane  de  Poitiers  dans  cette  ville  ',  la  date  du  document  révélateur 
concordant  parfaitement  avec  la  date  de  i554,  inscrite  au-dessus 
de  Tune  des  fenêtres  de  l'édifice.  Espérons  qu'une  nouvelle  trou- 
vaille viendra  confirmer  les  très  probables  conjectures  de  l'habile  criti- 
que et  jeter  un  peu  plus  de  jour  sur  la  mystérieuse  période  de  la  vie  de 
Jean  Goujon,  comprise  entre  les  années  i55i  à  i5  55  -. 

T.    DE  L. 


1 


4^5 _  —  Deux  correspondants  limousins  tle  Baluze.  Lettres  inédites  de 
Pradilhon  de  Sainte-Anne  et  M.  du  Verdier,  par  Em.  Du  Boys.  Limoges,  Du- 
courtieux,   1890.  ln-8,  32  p. 

Baluze  eut,  entre  autres  correspondants,  deux  limousins,  Pradilhon 
de  Sainte-Anne,  religieux  feuillant,  grand  généalogiste,  et  Du  Verdier, 
conseiller  au  présidial  de  Tulle  et  receveur  des  tailles  à  Nevers.  M.  Du 
Boys  nous  donne  sept  lettres  de  Pradilhon  et  sept  lettres  de  Du  Verdier, 
qu'il  accompagne  d'un  minutieux  commentaire.  Les  sept  lettres  de  Pra- 
dilhon contiennent  de  nombreux  renseignements  sur  les  grandes  famil- 
les du  Limousin.  Elles  se  rapportent,  comme  celles  de  Du  Verdier  — 
qui  ont  un  caractère  plus  intime  —  aux  années  i692«i695. 

G. 


^■jô.  —  L'évolution  <les  genres  dans  l'histoire  de  la  littérature.  (Leçons  pro- 
fessées à  rp]cole  normale  supérieure)  par  M.  Ferdinand  Brunetière.  Tome  pre- 
mier. Introduction  :  L'Evolution  de  la  critique  depuis  la  Renaissance  jusqu'à  nos 
jours.  I  voî.  in-i6  de  xiv,  283  pp.  Paris,  chez  Hachette,  1890. 

L'idée  d'évolution  a,  depuis  vingt-cinq  ans,  envahi  pour  les  renouveler 
toutes  les  provinces  de  la  science.  L'histoire  et  la  critique  ne  pourraient- 
elles  pas  aussi  l'utiliser? — Telle  est  la  question  que  s'est  posée  M.  Bru- 


1.  Voir  deux  des  gravures  dont  la  brochure  est  ornée,  l'une  représentant  la  cour 
intérieure,  l'autre  la  façade  sur  la  rue. 

2.  M.  S.  dit  (p.  7),  que  «  si  depuis  quelques  années  seulement  on  ne  le  compte 
plus  au  nombre  des  innocentes  victimes  de  la  Saint-Barthéiemy,  c'est  grâce  à  M.  A. 
de  Moniaigton,«  lequel  a  prouvé  que  l'artiste  vivait  encore  en  Italie  après  1672  où 
il  se  réfugia  sans  doute  à  cause  de  sa  religion  pour  échapper  aux  haines  de  ses  com- 
patriotes, et  abriter  son  génie  sous  un  ciel  plus  hospitalier.  »  Je  rappellerai  que  bien 
avant  M.  de  Montaiglon,  un  autre  éminent  archéologue,  M.  Adrien  de  Longpérier, 
avait  établi  (article  Goujon  du  Plutarque  français),  que  le  silence  des  martyrologes 
protestants  ne  permet  pas  de  croire  à  l'assassinat  du  sculpteur  calviniste,  en  août 
1572.  Je  connais  trop  M.  de  Montaiglon  et  M.  Stein  pour  n'être  pas  sûr  qu'ils  me 
sauront  gré  d'avoir  appliqué  ici  le  cuiqiie  suiim. 


d'histoire  et  de  littérature  283 

netière.  On  sait  en  quel  sens  se  sont  effectués  dans  ce  siècle  les  progrès 
de  la  critique,  et  qu'elle  a  fait  un  pas  en  avant  chaque  fois  qu'elle  a  pu 
emprunter  quelque  chose  aux  méthodes  particulières  des  sciences.  Aussi 
peut-on  le  dire  dès  à  présent  :  depuis  l'époque  où  M.  Taine  publiait  ses 
premiers  Essais,  il  ne  semble  pas  qu'aucune  tentative  ait  été  faite,  qui 
intéresse  à  un  plus  haut  degré  l'avenir  de  la  critique. 

Les  genres  ne  sont-ils  que  des  mots,  des  catégories  arbitraires  imagi- 
nées par  les  historiens  de  la  littérature?  ou  bien  ont-ils  une  existence 
réelle  et  vivent-ils  de  leur  vie  propre?  (De   l'existence  des  genres.) 
Comment  les  genres   se  dégagent-ils  de  l'indétermination  primitive? 
(Différenciation  des  genres.)  Les  genres  se  fixent  pour  quelque  temps. 
Quelles  sont  les  conditions  de  stabilité  qui  leur  assurent  une  existence 
individuelle,  avec  un  commencement,  un  milieu  et  une  fin?  (Fixation 
des  genres.)  Sous  quelles  influences  se  dissout  un  genre?  (Des  modifi- 
cateurs des  genres.)  Et  n'y  aurait-il  pas  une  loi  générale  de  l'évolution 
des  genres?  (De  la  transformation  des  genres.)  Tels  sont  les  différents 
problèmes  que  comporte  une  étude  de  l'Evolution  des  genres.  M.  B.  se 
contente  de  les  poser,   dans  ce  premier  volume.  Dans  les  suivants,  il 
expliquera  comment  il  comprend  la  doctrine  de  l'évolution,   et  dans 
quelle  mesure  il  prétend  l'appliquer  à  la  critique  littéraire.  11  ajoutera 
des  exemples  tirés  de  l'histoire  de  la  tragédie  classique  et  des  transfor- 
mations du  roman;  et  il  se  fait  fort  de  montrer  comment  la  poésie 
lyrique  de  notre  siècle  est  sortie  de  ce  qui  fut  jadis  Téloquence  de  la 
chaire.  Enfin  il  donnera  ses  conclusions.  —  Nous  devons  donc  attendre 
avant  d'examiner  en  elle-même  la  théorie  de  M.  Brunetière.  Tout  ce 
que  nous  pouvons  faire  aujourd'hui,  c'est  d'en  signaler  l'importance. 

Mais,  avant  d'aborder  le  problème  de  l'évolution  des  genres,  encore 
fallait-il  montrer  comment  la  critique  s'est  trouvée  amenée  à  le  poser. 
C'est  l'objet  que  poursuit  M.  B.  dans  les  leçons  consacrées  à  V Evolution 
de  la  critique  depuis  la  Renaissance  jusqu'à  nos  jours.  —  La  critique, 
à  ses  débuts,   se  bornait  à  n'être  que  l'expression  d'un  jugement  ou 
d'une  opinion;  elle  est    maintenant  devenue,   ou  peu  s'en  faut,  une 
science  analogue  à  l'histoire  naturelle.  Elle  a  donc,  elle  aussi,  «  évolué.  » 
Quels  sont  les  «  moments  »  de  cette  évolution?  A  l'époque  de  la  Renais- 
sance, la  critique,  mise  en  présence  des  chefs-d'œuvre  de  l'antiquité, 
cherche  à  cataloguer  leurs  mérites  et  à  se  rendre  compte  des  raisons  de 
l'impression  qu'ils  produisent.  Ces  remarques  sont  érigées  en  règles;  et 
Malherbe,  mais  surtout  les  Chapelain  et  les  Balzac  ont  une  foi  supers- 
titieuse dans  la  toute  puissance  et  dans  la  bienfaisance  des  règles.  Boileau 
s'efforce  de  fonder  ces  règles  en   nature,  et  par  là,  il  porte  la  critique 
classique  à  son  point  de  perfection.  "Voltaire,  Marmontel,  La  Harpe,  au 
siècle  suivant  ne  sauront  que  rédiger  le  testament  de  cette  sorte  de  criti- 
que. —  Mais  dès  les  dernières  années  du  xvii°  siècle  s'était  posée  la 
|j   question  du  progrès  :  elle  fait  tout  l'intérêt  de  la  querelle  des  anciens  et 
des  modernes.  Le  résultat  de  cette  querelle,  c'est  «  qu'on  ne  croit  plus 


284  REVOR    CRITIQUE 

«  que  les  rèi^les  soient  immuables;  on  se  rend  compte  qu'elles  sont  en 
«  mouvement  »  [p.  iSy).  «  L'idée  d'une  certaine  relativité  des  choses 
«  liliérairos  s'introduit  dans  la  critique»  (p.  i38).  L'action  de.Tean- 
Jacques  Rousseau  s'exerce  dans  le  même  sens.  11  crij^e  l'individu  en 
mesure  de  toutes  choses,  et  remplace  la  notion  de  l'absolu  par  celle  du 
relatif.  Son  influence  se  fait  sentir  dans  les  livres  de  la  Littérature,  du 
Génie  du  christianisme,  de  l'Allemagne,  d'où  procède  le  mouvement 
littéraire  du  xix^  siècle.  Villemain,  aidé  de  Cousin  et  de  Guizot,  intro- 
duit l'histoire  dans  la  critique.  II  est  désormais  entendu  que  Foeuvre 
littéraire  soutient  d'étroites  relations  avec  l'état  social,  avec  Tétat  politi- 
que, avec  les  actions  et  les  influences  du  dehors.  Sainte-Beuve  fait 
entrer  dans  la  critique  la  psychologie  et  la  physiologie;  et  dans  la  meil- 
leure partie  de  son  œuvre  il  se  propose  de  faire  «  l'histoire  naturelle  des 
esprits.  »  M.  Taine  prend  à  la  lettre  cette  expression  et  fait  de  la  critique 
une  science  qui  emprunte  à  Phistoire  naturelle  ses  méthodes.  C'est  ici 
que  M.  B.  reprend  la  question  à  son  compte  :  «  A  la  critique  fondée 
«  sur  les  analogies  qu'elle  présente  avec  l'histoire  naturelle  de  Geoffroy- 
«  Saint-Hilaire  et  de  Cuvier,  nous  nous  proposons  de  voir  si  l'on  ne 
«  pourrait  pas  substituer,  ou  ajouter  pour  la  compléter,  une  critique  à 
«  son  tour  qui  se  fonderait  sur  Thistoire  naturelle  de  Darwin  et  de 
«  Ha^ckel.  »  (p.  18).  —  M.  B.  se  défend  d'avoir  voulu,  dans  ces  pages, 
écrire  une  histoire  complète  de  la  critique  littéraire.  Il  a  essayé  seule- 
ment d'en  donner  «  quelque  idée  »>,  et  de  marquer  «  les  différents  temps 
de  l'évolution  de  la  critique.  »  On  ne  pouvait  le  faire  avec  plus  de 
clarté,  de  précision  et  de  vigueur. 

Ce  qui  se  dégage  encore  de  ce  livre,  et  qui  contribue  à  lui  donner  une 
singulière  valeur,  c'est  la  conception  que  M.  B.  se  fait  de  la  critique,  de 
son  rôle,  et  de  ses  devoirs.  «  Depuis  trois  cents  ans,  écrit  M.  B.,  la  cri- 
(f  tique  est  vraiment  l'âme  de  la  littérature  française  »  ;  et  il  ne  pense 
pas  qu'aucune  littérature  moderne  eût  pu  se  développer  en  dehors  de  la 
tutelle  et  de  l'action  de  la  critique.  Mais  pour  exercer  une  telle  action, 
il  est  clair  que  la  critique  ne  peut  se  borner  à  être  l'expression  d'une 
préférence  personnelle,  et  qu'elle  ne  doit  pas  relever  exclusivement  du 
caprice  et  de  la  fantaisie.  «  Il  faut  que  la  critique  juge,  puisqu'elle  n'a 
«  été  précisément  inventée  que  pour  cela,  pour  trouver  à  nos  impres- 
«  sions  des  motifs  plus  généraux  qu'elles-mêmes,  des  justifications  qui 
"  les  dépassent,  des  causes  enfin  qui  leur  soient  antérieures,  extérieures, 
«supérieures...  Et  il  faut  que  la  critique  classe,  si  nos  impressions, 
a  comme  nous  le  savons  bien,  différentes  en  quantité,  ne  le  sont  pas 
a  moins  en  qualité  »  (p.  197).  Or  ces  jugements  et  ces  classifications  ne 
peuvent  avoir  de  valeur,  qu'autant  que  le  critique  a  «  fait  une  longue  et 
«  laborieuse  éducation  de  son  goût  »  et  que  s'il  a  demandé  à  la  con- 
naissance de  l'histoire  et  des  méthodes  scientifiques  les  secours  qui 
lui  sont  nécessaires.  —  Il  est  un  point  encore  sur  lequel  insiste 
M.  Brunetière.  Il  écrit,  p.  201  :  «  Je  ne  puis  m'associer  à  ce  dédain 


d'histoire  kt  de  littérature  285 

a  qu'on  affecte  encore  quelquefois  aujourd'hui  pour  les  idées  générales,, 
«  même  prématurées,  même  arbitraires,  même  fausses.  L'étonnement 
«  qu'elles  provoquent,  l'opposition  qu'elles  soulèvent,  les  contradictions 
«  qu'elles  suggèrent,  les  recherches  enfin  dont  elles  deviennent  ainsi 
&  l'occasion  ou  le  point  de  départ,  c'est  ce  qui  entretient  autour  des 
a  grands  problèmes  cette  agitation  des  esprits  qui  est,  pour  ainsi  dire,  la 
«  première  condition  de  la  découverte  et  du  progrès.  »  Ailleurs  il 
adresse  à  l'un  des  «  penseurs  »  les  plus  vigoureux  comme  les  plus 
inventifs  de  ce  siècle,  cet  éloge  «  que  personne  n'a  jeté  dans  la  circula- 
«  tion  sur  l'histoire  de  la  littérature  et  de  l'art  plus  d'idées  nouvelles, 
«  fortes  ou  profondes,  et  vraies  ou  fausses  d'ailleurs,  mais  en  tout  cas 
«  suggestives  et  provocatrices  »  (p.  246).  C'est  précisément  en  ces  termes 
qu'on  pourrait  apprécier  l'action  exercée  depuis  plus  de  dix  années  par 
la  critique  de  M.  Brunetière.  Aussi  ne  saurait-on  le  trop  remercier 
d'avoir  voulu  nous  présenter  ses  idées  liées  en  système,  ni  témoigner 
trop  de  l'impatience  avec  laquelle  tous  ceux  qui  s'intéressent  au  mou- 
vement des  lettres  attendront  l'apparition  des  volumes  où  ils  doivent 
trouver  le  complet  exposé  de  ce  système. 

René  Doumic. 


477-  —   »-'<«'I""<le   el    Pi%n^letei-i-e    depuis    l'acte  d'Union    jusqu'à    nos    jours 
1800-1888,  par  Francis  de  Pressënsé.  Paris,  E.  Pion,  Nourrit  et  G'',    18(^9,  in-S. 

a  Ce  livre  est  un  essai  d'histoire  politique.  J'ai  cherché  dans  le  passé 
«  les  causes  de  la  division  apparemment  irrémédiable  qui  arme  l'une 
«  contre  l'autre  les  deux  moitiés  de  l'empire  britannique.  J'ai  entrepris 
«  cette  étude  avec  un  préjugé  favorable  à  la  suprématie  anglaise  et  une 
«  prévention  défavorable  contre  l'autonomie  irlandaise  :  je  l'achève 
«  pleinement  acquis  au  principe  de  l'indépendance  limitée  ou  du  Home 
<c  Rule  tel  qu'il  a  été  défini  par  M.  Gla-istone  et  accepté  par  M.  Parnell.  »> 

Ainsi  commence  la  préface  de  IVI.  de  Pressënsé.  C'est  la  conclusion 
de  son  livre,  c'est  le  résultat  auquel  l'a  conduit  une  étude  détaillée  et 
approtondie  des  débats  parlementaires,  des  luttes  électorales,  des  procès 
politiques  qui  ont  fixé  le  sort  de  l'Irlande  depuis  1800.  J'admire  le 
talent  d'exposition  montré  par  le  savant  auteur  dans  le  récit  de  ces  faits 
historiques;  je  n'admets  pas  la  conséquence  qu'il  en  tire,  cela  tient 
probablement  à  ce  que  j'ai  vu  l'Irlande  sous  un  autre  aspect  que  lui. 

J'ai  passé  à  Dublin  près  de  trois  mois  en  1881.  J'y  étais  venu  étudier 
la  plus  ancienne  littérature  de  l'Irlande  et  la  politique  n'était  pas  l'objet 
de  mon  voyage.  J'y  ai  trouvé  de  toutes  parts  le  plus  aimable  accueil.  Je 
ne  parlerai  que  des  morts,  et  je  me  bornerai  à  citer  deux  noms.  Le  pre- 
mier est  celui  de  Sir  Samuel  Ferguson  deputy  keeper  of  the  Public 
Record  Office,  on  dirait  en  français  u  Garde  général  des  Archives  Na- 
tionales. »  Sir  Samuel  F'erguson  passait  pour  Orangiste.  Il  me  parla  un 
jour  du  «  traître  »  qui  était  devenu  le  chef  du  parti  national-irlandais. 


286  REVUE    CRITIQUE 

Une  autre  fois,  j'insistais  près  de  lui  sur  la  nécessité  de  faire  des  fouilles 
dans  les  sépultures  antiques,  et  il  me  raconta  qu'ayant  organisé  une 
opération  de  ce  genre,  il  fut  prévenu  sur  le  terrain  par  une  foule  de 
paysans,  armés  de  fourches  et  de  faux  qui  annoncèrent  Pintention  de 
tuer  le  premier  qui  tenterait  de  profaner  les  ossements  de  leurs  ancêtres. 
Je  rapportai  ce  trait  à  des  Irlandais  leur  témoignant  ma  surprise  :  «  Sir 
Samuel  est  un  orangiste  »,  me  répondirent-ils,  «  faites  des  fouilles,  vous, 
Français,  et  au  lieu  de  vous  menacer,  on  vous  aidera.  »  Et  cependant 
les  Irlandais  qui  s'occupent  de  l'histoire  et  de  la  littérature  nationale 
n'ont  Jamais  trouvé  d'amateur  plus  bienveillant  que  Sir  Samuel  Fcrgu- 
son.  Quand  O'Beirne-Crowe,  continuateur  du  catalogue  des  manuscrits 
irlandais  de  TAcadémie  d'Irlande,  mourut,  tué  par  l'alcoolisme  et  la 
misère,  le  protestant  Sir  Samuel  Ferguson  pourvut  aux  frais  des  funé- 
railles catholiques  de  ce  malheureux  savant. 

Un  jour,  Sir  Samuel  Ferguson  me  fit  visiter  les  Archives  publiques 
dont  il  avait  la  garde;  j'admirais  leur  excellente  organisation;  appelé 
dans  son  cabinet,  il  me  laissa  entre  les  mains  d'un  de  ses  employés.  Cet 
employé  était  William  M.  Hennessy,  un  des  hommes  qui  en  notre  siè- 
cle ont  le  mieux  connu  l'irlandais  moyen,  l'éditeur  des  «  Annales  de 
Loch  Ce  »,  du  Chronicoii  Scotoriim,  du  Mesca  Ulad,  des  Annales 
d'Ulster;  je  désirais  voir  les  pièces  les  plus  anciennes  conservées  dans 
le  dépôt  :  ces  documents  semblaient  n'avoir  pas  d'intérêt  pour  lui;  il 
me  conduisit  devant  une  collection  de  gros  registres  en  écriture  moderne 
qui,  à  ses  yeux,  étaient  ce  qu'il  y  avait  de  plus  important  dans  les  ar- 
chives d'Irlande.  Or,  de  quoi  s'agissait-il  dans  ses  registres?  Des  grandes 
confiscations  exécutées  au  xvii'^  siècle  :  une  colonne  contenait  les  noms 
des  propriétés,  une  autre  les  noms  des  anciens  propriétaires  dépouil- 
lés, une  autre  les  noms  des  propriétaires  nouveaux.  Hennessy  me  fit 
observer  que  les  propriétaires  actuels  portent  en  général  les  mêmes  noms 
que  les  propriétaires  nouveaux  du  xvu*^  siècle,  et  qu'ils  sont  leurs 
descendants  :  puis  il  disparut,  je  ne  le  revis  pas  de  la  journée. 

Quelques  jours  après  je  faisais  une  visite  à  un  autre  irlandais  catho- 
lique ;  dans  son  cabinet  je  remarquai  une  carte  de  géographie  encadrée 
et  pendue  au  mur  en  face  de  la  fenêtre  à  la  place  d'honneur,  je  deman- 
dai ce  que  c'était  :  c'est,  me  répondit-il,  le  plan  des  propriétés  de  ma 
famille,  confisquées  au  xvii"  siècle. 

Ensuite  passant  dans  la  rue,  près  de  la  cathédrale  Saint- Patrice,  je 
priai  un  ouvrier  que  je  croisais  de  me  dire  qu'était  cet  édifice.  Il  parut 
étonné  de  mon  ignorance.  «  Vous  le  savez  bien,  répliqua-t-il,  c'est  une 
u:  belle  église  que  les  Anglais  nous  ont  prise  à  l'époque  de  leur  Refor- 
«  mat  ion.  » 

Il  y  a  chez  les  Irlandais  une  conviction,  c'est  qu'ils  ont  été  victimes 
d'une  spoliation  injuste.  Et  cette  conviction  est  fondée.  Au  xvn"  siècle, 
l'aristocratie  anglaise  ne  s'est  pas  contentée  de  se  substituer  à  l'aristo- 
cratie irlandaise  vaincue;  elle  a,  contrairement  à  toute  justice,  trans- 


d'histoire  et  dk  littérature  287 

formé  en  fermiers  les  tenanciers  irlandais,  vrais  propriétaires  du  sol  :  au 
lieu  et  place  de  la  coutume  irlandaise,  elle  a  mis  une  législation  impor- 
tée d'Angleterre,  et,  grâce  à  cette  législation  nouvelle,  elle  a  acquis 
la  propriété  du  sol  que  n'avait  pas  l'aristocratie  irlandaise  sa  devancière  ; 
en  agissant  ainsi,  elle  a  eu  Thabileté  de  faire  croire  au  peuple  anglais 
qu'elle  a  de  son  côté  la  justice;  un  mot  anglais  a  suffi  :  le  titre  de  îand- 
lord  ^  maître  de  la  terre  »  que  s'est  attribué  chaque  membre  de  l'aris- 
tocratie anglaise  substitué  aux  chefs  de  clans  irlandais. 

De  là,  le  malentendu  qui  sépare  les  deux  nations.  On  a  longtemps 
cru  que  la  différence  de  religion  en  était  en  grande  partie  la  cause.  De- 
puis le  disestablishment  de  Téglise  anglicane,  ce  grief  n'existe  plus. 
M.  d'IsraëH,  combattant  le  projet  de  cette  mesure,  prétendait  que  sa 
réalisation  aurait  pour  effet  «  la  restauration  de  l'influence  souveraine  du 
pape  en  Irlande  »  '.  11  le  disait  en  1869.  Or,  dix  ans  plus  tard,  un  pro- 
testant, élu  membre  à  la  Chambre  des  communes  par  un  collège  irlan- 
dais, acquérait  en  Irlande,  comme  chef  du  parti  hostile  à  l'Angleterre, 
une  autorité  que  jamais  n'y  avait  possédée  ni  le  pape  ni  aucun  souve- 
rain :  O'Connell  avait  un  héritier,  c'était  M.  Parnell  ^;  M.  Parnell  est 
devenu  le  chef  politique  des  Irlandais  parce  qu'il  est  l'avocat  de  leur 
droit  traditionnel  au  soi  de  la  patrie. 

Les  administrateurs  anglais  ont  constaté  que  dans  l'Inde  infliger, 
comme  peine  politique,  la  confiscation  est  une  faute  irréparable;  l'In- 
dou,  dont  le  père  a  perdu  la  vie  dans  la  lutte  contre  l'Angleterre  peut 
pardonner  celte  mort,  une  loi  de  la  nature  voulait  qu'il  survécût  à  son 
père;  mais  il  n'oubliera  jamais  le  tort  qu'on  lui  a  fait  quand,  s'empaarnt 
de  l'héritage  paternel,  le  vainqueur  a  mis  cet  héritage  dans  d'autres 
mains.  Le  vaincu  pense  rarement  à  son  père  qui  dort  dans  le  tombeau, 
mais  il  voit  tous  les  jours  les  champs  dont  la  défaite  l'a  dépouillé,  il 
souffre  à  chaque  instant  de  la  misère  que  cette  spoliation  lui  inflige. 

Ce  n'est  pas  le  peuple  anglais  qui  s'est  enrichi  au  détriment  du  tenan- 
cier irlandais,  c'est  l'aristocratie  anglaise,  de  toutes  les  aristocraties 
modernes  la  plus  habile  et  la  plus  impitoyable.  L'Irlandais  ne  fait  pas 
de  distinction  entre  le  lord  catholique  et  le  lord  protestant;  la  haine 
que  lui  inspire  la  Chambre  des  pairs  anglais  ne  met  pas  de  différence  en- 
tre les  membres  de  la  haute  assemblée  qui  ont  la  même  religion  que  lui 
et  ceux  qui  professent  une  religion  différente.  Dans  le  pair  anglais,  il 
voit  l'ennemi.  Son  affection  pour  le  prêtre  catholique  tient  à  la  com- 
munauté de  traditionnelle  infortune  :  il  a  été  dépouillé  de  son  droit 
de  propriété  par  ceux  qui  dans  le  même  temps  étaient  au  clergé 
catholique  ses  bénéfices  et  ses  couvents,  et  interdisaient  â  ce  clergé 
la  célébration  du  culte.  Tous  deux  malheureux,  le  prêtre  et  le  paysan 
se  sont  associés  contre  l'ennemi  commun  : 


t.  F.  de  Pressensé,  p.   3i8. 

2.  F.  de  l'iessensc,  p  ?6r(  et  suivantes. 


l 


288  RRVUK    CRITIQUK 

Qui  dans  la  nuit  d'hiver, 

Prêtre  chéri  ! 
Quand  la  froide  bise  mordait. 

Prêtre  chéri  ! 
Est  venu  à  la  porte  de  ma  cabane 
Et  sur  le  sol  de  ma  chambre, 
S'est  agenouillé  près  de  moi  malade  et  pauvret 

Prêtre  chéri  1 

Ah!  c'est  vous,  et  vous  seul, 

Prêtre  chéri! 
Et  c'est  pour  cela  que  je  vous  ai  été  fidèle, 

Prêtre  chéri  ! 
Notre  amour  ils  ne  l'ébranleront  jamais, 
Alors  que  pour  la  vieille  Irlande 
Nous  avons  épousé  une  juste  cause, 

Prêtre  chéri  i  ! 

A  ce  chant  mélancolique  peut  servir  de  pendant  la  pièce  que  M.  de 
Pressensé  appelle  la  Marseillaise  irlandaise,  c'est-à-dire  le  poème  popu- 
laire d"0"Sullivan  sur  la  mort  de  trois  patriotes  irlandais  condamnés  à 
la  peine  capitale  pour  avoii  arraché  aux  mains  des  gendarmes  deux 
chefs  du  parti  Fenian,  1867  ^  : 

Haut  à  la  potence 
Se  balançaient  les  trois  au  noble  cœur. 
Par  la  vengeance  du  tyran  fauchés  dans  leur  fleur. 
Mais  ils  le  regardèrent  face  à  face 
Avec  le  courage  de  leur  race; 
Et,  avec  des  âmes  indomptées,  ils  marchèrent  à  leur  destin. 

Dieu  sauve  l'Irlande!  dirent  les  héros; 
Dieu  sauve  l'Irlande!  dirent-ils  tous; 
Que  ce  soit  sur  le  haut  échafaud 
Ou  sur  le  champ  de  bataille  que  nous  mourions 
Oh!  qu'importer  puisque  c'est  pour  l'Irlande  chérie  que  nous  tombons. 

Jamais  jusqu'au  dernier  jour 
La  mémoire  ne  passera 

Des  vaillantes  vies  ainsi  données  pour  notre  pays; 
Mais  la  cause  doit  marcher 
Au  milieu  de  la  joie,  du  bonheur  ou  du  chagrin,  ; 

Jusqu'à  ce  que  nous  ayons  fait  de  notre  île  une  nation  libre  et  grande. 


'  ■    I 


Dieu  sauve  l'Irlande!  dirent  les  héros  ; 
Dieu  sauve  l'Irlande!  dirent-ils  tous; 
Que  ce  soit  sur  le  haut  échafaud 
Ou  sur  le  champ  de  bataille  que  nous  mourions. 
Oh  !  qu'importe,puisquec'estpour  l'Irlande  chérie  que  nous  tombons  ' 

1.  F.  de  Pressensé,  VIrlandeet  l'Angleterre,  p.  389. 

2.  F.  de  Pressensé,  p.  292.  , 

3.  F.  de  Pressensé,  p.  388.  —  Pour  bien  comprendre  ce  qu'est  en  Irlande  le  gou- 
vernement anglais,  il  faut  rapprocher  de  ce  chant  le  fait  suivant  ;  Sur  la  place 
principale  de  Dublin  s'élève  une  statue  fort  remarquable  du  patriote  O'Brien,  mort. 


d''histoire  et  de  littérature  289 

A  ce  cri  de  guerre  un  cri  d'approbation  répond  de  Tautre  côté  de 
l'Atlantique  : 

Au  fond  des  bois  du  Canada  nous  nous  sommes  rencontrés. 
Fugitifs  d'une  île  brillante. 

Grande  est  la  terre  que  nous  foulons,  mais  cependant 
Nos  cœurs  sont  à  notre  terre  à  nous. 
Et  avant  de  quitter  cette  pauvre  cabane, 
Pendant  que  décline  le  jour  d'automne. 
Nous  voulons  boire  à  la  vieille  Irlande. 

Chère  vieille  Irlande! 
Irlande!  compagnons,  hourrah! 

Chère  vieille  Irlande  ! 
Irlande!  compagnons,  hourrah  M 

En  France,  la  Révolution  n'a  reconnu  d'autre  droit  de  propriété  que 
celui  du  tenancier;  elle  a  supprimé  celui  du  seigneur.  En  Irlande,  un 
siècle  plus  tôt,  l'Angleterre  a  introduit  des  seigneurs  étrangers,  et  à  leur 
profit  elle  a  supprimé  le  droit  du  tenancier. 

Aujourd'hui  le  gouvernement  anglais  cherche  à  réparer  cette  injus- 
tice ^;  on  le  doit  à  Pinfluence  de  plus  en  plus  dominante  en  Angleterre 
des  idées  démocratiques.  11  est  à  regretter  qu'en  réclamant  mal  à  pro- 
pos une  sorte  d'indépendance  politique,  les  Irlandais  aient  détaché  de 
leur  cause  une  importante  portion  du  parti  radical  anglais  qui  craint 
que  cette  indépendance  ne  soit  la  ruine  de  l'empire  britannique.  Sans 
cette  objection,  tout  le  parti  radical  anglais  marcherait  uni  avec  les  Ir- 
landais à  l'assaut  des  privilèges  de  l'aristocratie  la  plus  puissante,  la 
plus  habile  et  la  plus  exclusivement  égoïste  qui  existe  en  Europe  au- 
jourd'hui et  la  victoire  serait  plus  prochaine  et  plus  siire.  J'arrive  donc  à 
une  conclusion  sensiblement  différente  de  celle  que  nous  propose  M.  F. 
de  Pressensé. 

H.  d'ArBOIS  de  JUBAINVILLE. 


478.  —  Instructions  adressées  par  le  Comité  des  travaux  historiques  et  scienti- 
fiques aux  correspondants  du  Ministère  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux- 
Arts.  Littérature  latine  et  histoire  du  moyen  âge,  par  L.  Delisle,  président  de 
la  section  d'histoire  et  de  philologie.  Paris,  Ernest  Leroux,  1890,  grand  in-8  de 
1 16  p. 

Nul  n'aurait  pu  rédiger  mieux  que  M.  L.  Delisle  les  instructions  des- 
tinées à  guider  les  correspondants  du  ministère;  nul  n'aurait  pu  leur 

en  1864.  Or,  voici  ce  qui  justifie  le  droit  d'O'Brien  à  cet  honneur.  A  la  suite  d'une 
révolte  à  main  armée  contre  l'Angleterre,  en  1848,  il  a  été  condamné  à  mort  comme 
convaincu  de  haute  trahison,  et  s'il  n'a  pas  péri  sur  l'échafaud,  c'est  grâce  à  une 
commutation  de  peine.  Au  pied  de  la  statue  de  ce  forçat  glorieux,  on  voit  circuler 
avec  une  lente  gravité  les  policemen  qui,  ailleurs,  procèdent  aux  évictions  des  tenan- 
ciers irlandais. 

1.  F.  de  Pressensé,  p,  387. 

2.  La  législation  nouvelle  de  l'Irlande  sur  le  droit  des  tenanciers  ressemble  à  la 
jurisprudence  de  la  cour  de  Rennes  sur  le  contrat  de  convenant. 


290  REVUE    CRITIQUE 

donner  avec  plus  d'autorité  les  leçons  et  les  modèles.  A  la  suite  de  trois 
pages  à'' observations  d'une  netteté  parfaite,  l'éminent  critique  publie 
cinquante  exemples  de  communications  destinées  au  Bulletin  historique. 
Cela  forme  une  mosaïque  d'une  grande  richesse  et  d'une  grande  variété. 
Je  ne  voulais  d'abord  citer  que  les  pièces  les  plus  importantes  ou  les 
plus  curieuses  du  recueil,  mais  je  crois  qu'une  énumération  complète 
vaut  encore  mieux. 

Gloses  sur  quelques  vers  de  Fortunat  (d'après  un  ms  de  l'université 
de  Leyde.  Ces  gloses  interlinéaires,  de  l'époque  carlovingienne,  lèvent 
les  doutes  qu'on  pouvait  avoir  sur  les  sièges  de  plusieurs  évéques  men- 
tionnés par  le  poète,  notamment  sur  le  siège  du  prétendu  Maracharius 
que  le  Recueil  des  historiens  de  France  (11,  480)  et  le  Gallia  Christiana 
(11,  980)  plaçaient  à  Angoulême,  alors  qu'il  s'agit  incontestablement  de 
Romacharius,  évêque  de  Coutances).  Notes  sur  un  ms.  perdu  des  Capi- 
lulaires.  (C'est  une  note  du  P.  Sirmond  tirée  du  ms.  13069  du  fonds 
latin  de  la  B.  N.,  laquelle  note  contient  une  table  du  ms.  dont  Baluze 
s'est  servi  pour  son  édition  des  Capitulaires,  conservé  de  son  temps  au 
collège  lie  Navarre,  et  aidera  à  le  reconnaître).  Inscription  d'un  livre 
carlovingien  de  la  cathédrale  de  Lyon  (d'après  le  n"  392  de  la  biblio- 
thèque de  Lyon,  qui  contient  les  commentaires  de  St  Jérôme  sur  Isaïe, 
en  caractères  du  ix*'  siècle).  Notes  sur  des  ornements  du  trésor  de  Saint- 
Denis  à  Vépoque  carlovingienne  (notes  consignées  par  un  moine  du 
x"  siècle  sur  le  ms.  latin  7230  de  la  B.  N.,  relié  aux  armes  et  au  chiffre 
de  Charles  IX  et  débris  de  la  bibliothèque  de  Saint-Denis).  Registre  des 
professions  et  des  associations  de  l abbaye  de  Saint-Rémi  de  Reims. 
(ix^  et  x«  siècles.  Au  sujet  des  offrandes  d'enfants  à  ce  monastère.  Actes 
tirés  du  ms.  latin  iSogo,  provenu  de  Saint-Germain-des-Près).  Prière 
pour  obtenir  la  grâce  d'être  délivré  des  invasions  normandes.  Vers 
l'an  900  (Plus  d'une  fois  on  a  dit  qu'au  temps  où  les  incursions  des  Nor- 
mands jetaient  la  terreur  dans  une  grande  partie  de  la  France,  l'usage 
s'était  introduit  d'ajouter  dans  les  litanies  des  Saints  la  formule  :  A 
Jurore  Nonnannorum  libéra  nos.  M.  D.  n'a  point  remarqué  ces  mots 
dans  les  litanies  de  l'époque  carlovingienne  qu'il  a  eu  l'occasion  d'exa- 
miner. Mais  un  antiphonaire  de  la  fin  du  ix*^  siècle,  peut-être  du  com- 
mencement du  x*,  ms.  latin  17436  contient  une  prière  qui  en  est  l'équi- 
valent). Calendrier  breton  (xi*^  siècle.  Ms.  de  la  bibliothèque  royale  de 
Copenhague).  Deux  lettres  des  papes  Alexandre  II  et  Grégoire  VII., 
relatives  à  l'église  de  Soulac  en  Médoc  (vers  1067  et  1080.  Lettres 
tirées  du  célèbre  ms.  de  Saint-Sever  en  Gascogne,  qui  contient  le  com- 
mentaire de  Beatus  sur  l'Apocalypse,  n"  8878  du  fonds  latin,  lettres 
qui  paraissent  avoir  échappé  aux  éditeurs  de  lettres  de  papes  ').  Lettre 
du  pape  Alexandre  II  à  l'évêque  de  Limoges  (vers  1070,  au  sujet  d'un 

I.  Suivant  une  conjecture  du  D''  Loewenfeld  (Regesta  pontif.  Rom.  t.  I  p.  725> 
n°  6089),  la  lettre  d'Alexandre  II  serait  émanée  de  Pascal  II,  le  20  juin  1106.  Cette 
hypothèse  paraît  inadmissible  à  M.  D. 


I 
I 


I, 


d'histoire  et  dk  littératurb  291 

différend  entre  hier,  évêque  de  Limoges,  et  Aimar,  abbé  de  Saint-Mar- 
tial, d'après  un  texte  copié  dans  une  bible  de  Saint-Martial  de  Limoges^ 
n"  5  du  fonds  latin).  Concile  de  Soissons  (1079?  non  mentionné  dans 
la  liste  dressée  par  les  auteurs  de  l'Art  de  vérifier  les  dates.  Canons  ins- 
crits à  la  marge  du  ms.  17527  du  fonds  latins).  Donation  d'une  église 
à  Vabbaye  de  Castres  (vers  io85.  Charte  d'une  collection  particulière). 
Eloge  de  Renaud.,  archevêque  de  Reims.,  et  de  Bernard,  abbé  de  Mar- 
moutier  (vers  1090.  Pièce  en  vers  latins  dans  le  ms.  90  de  la  bibliothè- 
que de  Tours  ^).  Départ  d'un  seigneur  normand  pour  la  première  croi- 
sade {g  septembre  1096,  cédule  de  parchemin  qui  fait  partie  du  fonds 
de  Fécamp,  aux  Archives  de  la  Seine-Inférieure).  Eloge  de  la  Flandre 
par  Pierre  le  Peintre  ~  (commencement  du  xm"  siècle.  Ms.  latin  1 6699]. 
Fragment  du  rouleau  mortuaire  de  Hugues,  abbé  de  Saint-Amand 
(i  107,  n"  i525  du  fonds  latin,  Nouv.  acq.).  Lettre  du  pape  Eugène  III 
sur  la  réforme  de  l'abbaye  de  Fleuri  (16  avril  1 146.  Ms.  372  de  l'Ar- 
senal). Notice  de  donations  faites  au  prieuré  de  La  Flèche.  (Vers  1 1 60, 
collection  particulière).  Lettre  de  l ar-chevêque  de  Tyr,  concernant  les 
dernières  volontés  d'un  chevalier  normand,  mort  à  l'hôpital  de  Saint- 
La:[are  d'Acre.  (ii63  ou  1164.  Original  aux  Archives  nationales 
S.  4890,  no  28).  Privilège  accordé  par  Louis  VII  à  deux  étrangers 
élablis  en  France  [njb.  Ms.  latin  4763  B.  N.)  '.  Prise  de  Toulun  par 
les  Sarrasins  {1178,  copié  dans  les  papiers  du  P.  Le  Brun,  ms.  latin 
16797)  '^.  Poème  de  Gode/roi  de  Viterbe  (2^  moitié  du  xu*^  siècle,  n»  299 
du  f .  lat.  N.  Acq.,  permet  d'ajouter  quelques  détails  à  la  publication  de 
Waitz,  t.  XXII  des  Scriptores,  1872).  Richard  Cœur  de  Lion  à  Mar- 
seille (5  avril  1 190.  Archives  Nat.  charte  du  fonds  de  Savigny).  Relation 
de  la  bataille  de  Bouvines  (1214.  Extrait  de  l'obituaire  de  Saint-Lau- 
rent de  Heilly,  n»  i25S3  du  f.  latin).  Charte  de  Saint-Quentin.,  en  fran- 
çais (n"  2309  du  f.  latin).  Un  faux  diplôme  de  l'empereur  Frédéric  II 
(16  mars  12 18,  coll.  pari.  ^).  Marché  pour  la  construction  du  château 
de  Dannemarche  à  Dreux  (122^,  orig.  à  la  B.  N.  cabinet  des  titres). 
L'orfèvre  de  l'évêque  de  Beauvais  (charte  de  1228.  B.  N.).  Une  bible 
portxtive  de  Vannée  128^  (à  la  bibliothèque  laurentienne  de  Florence 
transcrite  à  Toulouse   pour  Pierre  de   Daux,  prieur  de  la    Daurade). 

1.  Les  auteurs  de  Y  Histoire  littéraire  de  la  France  (ix,  b2i)ont  parlé  de  ce  ms., 
qu'ils  croyaient  être  disparu  de  la  bibliothèque  de  Marmoutier. 

2.  Sur  ce  chanoine  de  Saint-Omer,  voir  Hist.  litt.  de  la  France,  t.  XllI,  p.  42g, 
M.  Hauréau  prépare  une  édition  des  Œuvres  de  P.  Le  Peintre. 

3.  Omis  par  M.  Luchaire  dans  ses  Etudes  sur  les  actes  de  Louis  VII  (i88b  in-4°). 

4.  Le  meilleur  commentaire  qu'on  y  puisse  ajouter,  dit  M.  D.  (p.  40J,  c'est  une 
lettre  adressée  par  Peiresc,  en  i63o,  au  protonolaire  Du  Blanc,  prévôt  de  Toulon, 
lettre  qui  est  copiée  dans  le  recueil  du  P.  Le  Brun  à  la  suite  de  l'acte  du  malheureux 
prisonnier  des  Sarrasins. 

5.  Voir,  à  la  tîn  du  volume,  l'héliogravure  de  cet  acte  qui,  malgré  sa  fabrication 
moderne,  a  trouvé  place  dans  les  plus  célèbres  recueils  diplomatiques.  (Schoepflin, 
Huillard-iJreuollet,  Bœhmer,  Fickcr).  La  discussion  de  M.  D.  est  aussi  piquante  que 
concluante. 


292  REVUE    CRITIQUE 

Charte  de  Saint -Louis  pour  l'ordre  des  Chartreux  (septembre  1237. 
Bibliothèque  de  Tours.  Complète  Titinéraire  de  Saint-Louis  dressé  par 
N.  de  Wailly,  Recueil  des  hist.  de  France^  XXI,  41 1).  Eloge  de  Bar- 
thélémy de  Raie,  grand  chambrier  de  France  mort  vers  I23y  (d'a- 
près un  feuillet  à  la  B.  N.  de  l'ancien  obituaire  de  Tabbaye  de  Morien- 
val,  au  diocèse  de  Soissons).  La  Somme  dorée  de  maître  Guillaume  de 
Drokede  ^  (vers  1240,  copie  à  la  bibliothèque  de  Tours").  Le  Champion 
de  la  commune  de  Beauvais  (9  août  i256.  B.  N.)  Mandement  des  en- 
quêteurs de  Saint  Louis  (iS  octobre  1257  B.  N.) .  Changement  du  sceau 
de  Jean  de  Nesle,  comte  de  Soissons  (janvier  1263,  n.  5i  B.  N.)-  Deux 
lettres  relatives  à  la  seconde  croisade  de  Saint- Louis  {\ 2 jo  B.  N.). 
Jugement  du  parlement  de  la  Pentecôte  (1276  B.  n.).  Le  complot  du 
vicomte  de  Narbonne  (1242  B.  n.).  L'hôtel  du  doyen  de  Saint-Martin 
de  Tours  à  Paris  [Pierre  de  Châlon,  chancelier  de  France]  {1286  n.  st. 
Bibliothèque  de  Touvs) .  Abolitio7i  et  rétablissement  des  appellations 
dans  le  Laonnois  (1296.  Bibliothèque  de  Tours).  Fragment  de  Vobi- 
tuaire  de  Saint-Martin  de  See:{  (xiV  siècle.  Ms.  47  de  la  bibliothèque 
de  Berne).  Hugues  de  Charolles,  jurisconsulte  français  du  commence- 
ment du  xive  siècle  (ms.  653  de  la  bibliothèque  de  Tours).  Convocation 
du  ban  en  i3i3  et  en  i3ig  (ms.  211  de  la  bibliothèque  d'Avranches). 
Notes  en  vers  sur  plusieurs  événements  des  années  1 346-1 348  (n°  i!J5 
de  la  bibliothèque  de  Berne).  Fragments  d'un  journal  du  trésor  du  roi 
Jean,  i356  (ms.  latin  15725  de  la  bibliothèque  royale  de  Munich). 
Commencement  de  l'année  dans  le  For e^,  1417  (r^ote  du  bréviaire  de 
Jean  Vernin,  abbé  de  Montieramei,  n°  io63  du  fonds  latin,  d'où  il  ré- 
sulte formellement  que  dans  le  Forez,  au  commencement  du  xv^  siècle, 
on  faisait  partir  du  25  mars  le  commencement  de  l'année,  et  non  pas  du 
jour  de  Pâques,  qui  était  l'usage  de  France,  ni  du  jour  de  Noël,  qui 
était  l'usage  de  Rome).  Retraite  de  la  garnison  écossaise  du  château 
de  Tours  (1424  ms.  de  la  bibliothèque  de  Tours).  Souscription  du  cal- 
ligraphe  Thierri  Rouer  (1457-1458,  ms.  de  la  bibliothèque  royale  de 
Stockholm).  Note  autographe  de  Thomas  Basin,  évêque  de  Lisieux. 
1489  (ms.  ioi6r  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles).  Fabrication 
d'une  lettre  de  Jeanne,  fille  naturelle  de  Louis  XI,  veuve  du  bâtard 
de  Bourbon,  amiral  de  France[B.  N.).  Catalogue  d'une  librairie  fran- 
çaise du  temps  de  Louis  XII  (B.  N,). 

T.   DE    L. 


I.  M.  !e  chanoine  Ulysse  Chevalier  (Répertoire,  col.  gbS)  l'appelle  Guillaume  de 
Drogheda  et  !e  qualifie  de  mathématicien  irl.vidais.  Celait  un  jurisconsulte  anglais, 
qui  enseigna  le  droit  dans  les  écoles  d'Exeier. 


D^HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  298 

CHRONIQUE 

FRANCE.  —  Quatre  brochures  de  M.  André  Joubert  :  1°  Un  exemplaire  annoté 
de  l'Histoire  de  Sablé  par  G.  Ménage  (Mamers,  Fleury  et  Dangin.  In-S",  8  p.  re- 
produit les  corrections  les  plus  importantes  et  les  indications  les  plus  curieuses  de 
l'exemplaire)  ;  2°  Documents  inédits  pour  servir  à  l'Hist.  de  l'île  de  Noirmoutier  sous 
Louis  XIV [Vannes,  Lafolye.  In-S",  11  p.  Trois  arrêts  rendus  par  le  conseil  du  roi 
en  faveur  de  M^e  de  La  Trémoille,  duwhesse  de  Noirmoutier,  1674- 1677);  3°  Mémoire 
historique  sur  Château-Gontier  rédigé  en  ij8i  pour  le  marquis  d'Autichamp  (Laval, 
Moreau.  In-S»,  i5  p.);  4°  Lettres  inédites  de  l'abbé  Bernier  {Angers,  Germain  et 
Grassin.  In-S",  24  p.  renferme  onze  lettres  inédites  du  célèbre  abbé  et  un  mémoire 
sur  les  impositions  arriérées  du  Maine-et-Loire). 

ALSACE,  —  M.  Ernest  Meininger  a  fait  tirera  part  du  «  Bulletin  de  la  Société  in- 
dustrielle de  Mulhouse  »  son  Rapport  sur  le  Cartulaire  de  Mulhouse  de  M.  X.  Moss- 
MANN  (Mulhouse,  Bader);  il  y  démontre  l'intérêt  multiple  d'un  pareil  recueil  et  pro- 
pose de  décerner  à  l'éminent  archiviste  de  Colmar  la  médaille  d'honneur  et  la  deuxième 
partie  du  prix  quinquennal  Engel-Dollfus. 

ALLEMAGNE.  —  La  librairie  Teubner,  de  Leipzig,  annonce  :  1°  Gardthausen, 
Augustus  und  seine  Zeit,  en  deux  volumes;  2°  Scriptores  physiognomonici  graeci 
et  latini,  p.  p.  Rich.  Foerster;  3"  Demosthenes'  ausgew.  Reden,  p.  p.  Rehdantz  et 
Blass,  II,  Die  Rede  vom  Kran^e;  4»  Rœssler,  Gesc/z,  der  Fiirsten  =  und  Landes- 
schule  Grimma. 

—  MM.  Th.  Lipps  et  R.  M,  Werner  publient  une  collection  qui  s'intitule  Beitrœge 
^ur  Aesttietik  et  paraîtra  par  fascicules  à  intervalles  indéterminés.  Le  premier  fasci- 
cule —  qui  est  un  gros  volume  de  plus  de  six  cents  pages  —  a  pour  titre  Lyrik  und 
Lyriker  ei  pour  auteur  M.  R.  M.  Werner.  Le  deuxième  fascicule  est  sous  presse 
(Der  Streit  iiber  die  Tragcedie,  par  M.  Th.  Lipps,  coûtera  environ  2  mark.  Ham- 
bourg, Léopold  Voss.) 

—  Paraîtront  à  la  même  librairie  Voss,  de  Hambourg,  dans  la  collection,  récem- 
ment annoncée  ici-même,  des  Theatergeschichtliche  Forschungen  de  M.  B.  Litz- 
MANN  :  Das  Repertoir  des  Weimarschen  Theaters  unter  Gœthes  Leitung,  179» -18 17, 
p.  p.  Burkhardt;  Gesamm.  Aufscet^e  ^ur  Bûhnengeschichte,  par  G,  v.  Vincke;  Die 
celtesten  Schauspielhœuser  in  Deutschland,  par  K.  Trautmann;  Zur  Geschichte  des 
deutschen  Schaupiels  im  XVll  Jahrhundert,  par  J.  Bolte;  Siudien  iiber  das  Drama 
des  XVIII  Jahrh,,  par  G.  Witkowsky;  Geschichte  des  Wiener  Hanswurst,  par 
A.  von  Weilen;  Geschichte  des  Dramas  und  Theaters  in  Berlin  bis  1740,  par 
J.  Bolte;  Aktenstiicke  ^ur  Gesch.  der  Ackermannschen  Truppe,  par  B.  Litzmann; 
Ueberblick  ueber  die  Gesch.  des  Theaters  an  der  Wien,  par  Aug.  Schmidt;  Einjluss 
der  deutschen  Biiline  auf  die  Entwick.  des  russischen  Theaters,  par  R.  Lœwenfeld; 
Studien  :f[ur  Tcchnik  des  Dramas  im  XVIII  Jahrh.  I,  Vorkang  u.  Drama,  par 
K.  Heinemann  ;  Briefe  von  Beck  und  Iffland  an  Gotter,  1786-1794,  p.  p.  Litzmann; 
.,4ms  verschollenen  Dramen  des  XVI  u.  XVII  Jahrhunderts,  par  Gaedertz;  Gesch. 
des  Schuldramas  in  Sal^burg,  par  R.  M.  Werner;  Beitrœge  u.  Studien  :{ur  Gesch. 
der  Jesuiten-Komœdie  und  des  Klosterdramas,  par  J.  Zeidler. 

—  La  commission  historique  de  l'Académie  royale  bavaroise  des  sciences  a  tenu  sa 
3ie  séance  plénière  à  Munich  du  25  au  27  septembre.  Elle  a  publié  depuis  sa  der- 
nière séance  :  1°  Geschichte  der  Kriegswissenschaften,  par  Max  J^ehns,  I  et  II  ;  2"  les 
Jahrbùcher  des  deutschen  Reiches,  sous  Henri  IV  et  Henri  V,  par  Gerold  Meyer  von 


294  REVUE    CRITIQUE 

Knonau,  vol.  I,  1056-1069;  3°  Allgem.  deutsche  Biographie,  vol.  XXX  et  XXXI, 
fasc.  i.  .\l.  RiEZLER  a  presque  terminé  l'impression  des  Actes  du  Vatican  pour  l'his- 
toire de  l'empereur  Louis  de  Bavière.  M.  Koppmann  commencera  dans  l'été  de  1891 
Pinipression  des  Vll*^  et  VIU'  voXamts  des  Hanserecesse,  années  i4ig-i43o.~M.  Oels- 
NER  remanie  le  livre  de  Bonnell  sur  les  commencements  de  la  dynastie  carolingienne. 
M  Fr.  RoTH  entreprendra  bientôt  la  publication  du  III»  vol.  des  Chroniques  d'Augs- 
bourg  du  xv«  siècle  (chronique  de  Hector  Mûlich,  1448-1487,  avec  additions  de  De- 
mer,  Manlich,  Walther,  Rem  et  chronique  de  Clément  Sender),  etc. 

BELGIQUE.—  Concours  de  l'Académie  royale,  i8gi  :  loQuellea  été  en  Flandre, 
avant  l'avènement  de  Guy  de  Dampierre,  l'influence  politique  des  grandes  villes  et  de 
quelle  manière  s'est-elle  exercée  ?  2^  Faire  l'histoire  de  la  littérature  française  en  Bel- 
gique de  181  5  à  i83o;  3°  quel  est  l'effet  des  impôts  de  consommation  sur  la  valeur 
vénale  des  produits  imposés,  et  dans  quelle  mesure  ce  genre  d'impôts  pèse-t-il  sur 
le  consommateur?  Exposer  et  discuter,  à  l'aide  de  documents  critiques,  les  résultats 
des  expériences  récemment  faites  à  cet  égard  en  divers  pays,  et  plus  spécialement  en 
Belgique;  4"  étude  critique  sur  les  Vies  de  saints  de  l'époque  carolingienne  (de  Pé- 
pin le  Bref  à  la  fin  du  x'  siècle);  5°  faire  d'après  les  résultats  de  la  grammaire  com- 
parée, une  étude  sur  le  redoublement  dans  les  thèmes  verbaux  et  nominaux  du  grec 
et  du  latin  ;  6°  étude  sur  les  divers  systèmes  pénitentiaires  modernes,  considérés  au 
point  de  vue  de  la  théorie  pénale  et  des  résultats  obtenus;  7°  étude  sur  les  mystiques 
des  anciens  Pays-Bas  (y  compris  la  principauté  de  Liège)  avant  la  réforme  religieuse 
du  XVI'  siècle,  leur  propagande,  leurs  œuvres,  leur  influence  sociale  et  politique; 
accorder  une  attention  toute  particulière  à  Jean  Ruysbroeck:  (1,000  fr.  pour  la  sep- 
tième question  et  800  fr.  pour  chacune  des  autres  questions).  —  iSgs  :  i"  appré- 
cier d'une  façon  critique  et  scientifique  l'influence  exercée  par  la  littérature  française 
sur  les  poètes  néerlandais  des  xiii^  etxiv*  siècles;  2°  étude  sur  les  humouristes  et  les 
pamphlétaires  en  langue  française,  en  Belgique  de  1800  à  1848;  3"  étudier,  au  point 
de  vue  historique  et  au  point  de  vue  dogmatique,  la  nature  et  les  effets  des  traités 
de  garantie,  et  spécialement  des  traités  qui  ont  pour  objet  la  garantie,  par  un  ou  plu- 
sieurs Etats,  du  territoire,  de  l'indépendance,  de  la  neutralité  d'un  autre  Etat;  4° 
montrer  comment  l'Espagne,  par  sa  diplomatie  et  par  ses  armées,  a  combattu  la  po- 
litique de  la  France  aux  Pays-Bas,  de  iG35  à  1700;  5'>  faire  l'histoire  et  la  statistique 
des  caisses  d'épargne  en  Belgique,  exposer  leurs  diverses  opérations  et  les  résultats 
obtenus,  surtout  au  point  de  vue  de  la  classe  ouvrière  (1,000  fr.  pour  la  troisième 
question;  600  fr.  pour  chacune  des  quatres  autres).  —  Prix  Teirlinck  pour  une  ques- 
tion de  littérature  flamande  (1,000  fr.):  faire  l'histoire  de  la  prose  néerlandaise  avant 
Marnix  de  Saint-Aldegonde.  —  Prix  de  Stassart  (1,000  fr.)  :  notice  sur  la  vie  et  les 
travaux  de  Lambert  Lombard,  peintre  et  architecte  à  Liège.  —  Grand  prix  de  Stas- 
sart (.3,000  fr.)  :  faire  l'histoire  du  Conseil  privé  aux  Pays-Bas,  à  partir  de  son  ori- 
gine jusqu'en  1794,  examiner  ses  attributions,  ses  prérogatives  et  sa  compétence  en] 
matière  politique,  d'administration  et  de  justice.  —  Prix  Saint-Geno^s  (1,000  fr.) 
caractériser  l'influence  exercée  par  la  Pléiade  française  sur  les  poètes  néerlandais  dill 
xvje  et  du  xvii«  siècle.  —  Prix  Antoon  Bergmann  ;3,ooo  fr.)  :  la  meilleure  histoire,! 
écrite  en  néerlandais,  d'une  ville  ou  d'une  commune  appartenant  à  la  province  dél 
Brabant  (l'arrondissement  de  Nivelles  excepté;  et  comptant  au  moins  cinq  mille  ha- 
bitants. —  Prix  Castiau  (1,000  ÏT.)  :  sur  les  moyens  d'améliorer  la  condition  morale.i 
intellectuelle  et  physique  des  classes  laborieuses  et  des  classes  pauvres.  —  Prix  biett' 
nal  de  philologie  classique  (2,750  f r  )  :  étude  critique  sur  les  rapports  publics  et  pri- 
vés qui  ont  existé  entre  les  Romains  et  les  Juifs  jusqu'à  la  prise  de  Jérusalem  pari 
Titus.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  à  M.  Liagre,  secrétaire  perpétuel,  au 


d'histoire  et  de  littérature  295 

Palais  des  Académies,  à  Bruxelles,  pour  les  concours  de  1891,  avant  le  i«  février 
1891;  pour  les  concours  de  1892,  avant  le  i"  février  1892;  pour  le  prix  Teirlinck, 
avant  le  i"  février  1891  ;  pour  le  prix  de  Stassart,  avant  le  i"  février  1892  ;  pour  le 
grand  prix  de  Stassart,  avant  le  i*''  février  1894;  pour  le  prix  Saint-Génois  et  le  prix 
Bergmann,  avant  le  i^'  février  1797;  pour  le  prix  Castiau  etleprix  de  philologie  clas- 
sique (ne  sont  admis  à  concourir  que  des  auteurs  belges),  avant  le  3i  décembre  1892. 

HOLLANDE.  —  M.  le  D'  J.-H.  Gallée,  professeur  à  l'Université  d'Utrecht,  doit 
prochainement  publier  à  la  librairie  E  -J.  Brill,  de  Leyde,  un  recueil  de  Monuments 
linguistiques  du  vieux-saxon.  Cette  belle  publication  contiendra,  avec  une  introduc- 
tion historique,  la  reproduction  en  fac-similés  phototypiques  des  manuscrits  de 
VHéliand  et  des  fragments  et  gloses  en  vieux-saxon  des  manuscrits  d'Essen,  Werden, 
Munster,  Corvey,  etc.  Le  prix  de  la  souscription  (qui  sera  très  prochainement  close) 
est  fixé  à  44  francs. 

ITALIE.  —  Vient  de  paraître  à  Florence,  chez  l'éditeur  Sansoni,  le  16^  fascicule 
des  Consulte  délia  Repubblica  fiorentina,  de  M.  Alessandro  Gherardi.  Il  va  de  la  p.  78 
à  la  p.  1 1 2,  et  du  6  décembre  1 290  au  8  février  i  292  . 

—  M  .  Ch.  DiEHL  nous  envoie  le  tirage  à  part  d'un  article  des  Mélanges  d'archéolo- 
gie et  d'histoire,  publiés  par  l'École  de  Rome  :  Noies  sur  quelques  monuments  by:ian- 
tins  de  l'Italie  méridionale  ;  I,  La  Calabre  (23  pp.)-  On  y  trouvera  les  plans  des  égli- 
ses byzantines  de  S.  Marc  de  Rossano  et  de  l'abbaye  de  Santa  Maria  del  Patir,  ainsi 
que  la  description  de  quelques  restes  moins  importants  de  l'époque  de  la  domination 
des  empereurs  d'Orient. 

—  M.  Andréa  Moschettî  publie  un  fragment  d'une  rhétorique  pour  les  collèges 
sur  le  style  figuré  :  Linguaggio  figurato,  studio  di  rettorica  ;  Venezia,  Merlo,  1890, 
74  pp.  in-i6.  M.  Moschetti  veut  donner  du  style  figuré  un  enseignement  «  scientifi- 
que»; aussi  emploie-t-il  des  figures  de  géométrie  pour  faire  comprendre  celles  du 
langage  et  proscrit  l'anacoluthe  comme  une  erreur.  Les  lois  du  style  sont  pour  lui 
celles  de  la  logique  la  plus  étroite.  Il  oublie  qu'il  y  a  des  logiques  de  bien  des  sortes. 

SUISSE.  —  M.  Aug.  Reymond,  professeur  au  collège  d'Yverdon,  a  entrepris  de 
traduire  l'excellente  édition,  avec  commentaire,  du  De  rerum  natura  de  Lucrèce,  par 
H.-A.-J.  MuNRO.  Le  premier  fascicule  de  cette  traduction,  contenant  l'introduction 
et  le  premier  livre,  vient  de  paraître  à  la  librairie  G.  Klincksieck,  avec  une  préface 
de  M.  L.  Crouslé,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Paris. 


ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  24  octobre  18 go. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  M.  Schefer,  président,  fait  connaître  les  déci- 
sions prises  au  sujet  des  concours  ouverts  pour  divers  prix  '. 

La  question  relative  à  la  Chute  des  Omeyyades  et  à  l'avènement  des  Abbassidse, 
qui  avait  été  proposée  sans  succès  pour  le  prix  ordinaire,  est  retirée  du  concours. 

L'Académie  propose,  pour  le  prix  ordinaire,  le  sujet  suivant  : 

Etude  comparative  du  rituel  brahmanique  dans  les  Brahmanas  et  dans  les  Soutras 
—  Les  concurrents  devront  s'attacher  à  instituer  une  comparaison  précise  entre  deu. 
ouvrages  caractéristiques  de  l'une  et  Vautre  série  et  à  dégager  de  cette  étude  les  con 
clusions  historiques  et  religieuses  qui  paraîtront  s'en  déduire. 


deux 


).  Pour  les  conditions  et  termes  exacts  des  concours,  voir   le  programme  qui  sera  réimprimé  à  la 
suite  du  compte  rendu  de  la  séance  publique  du  i  4  novembre  prochain. 


296  REVUE    CRITIQUE    DHISTOIRE    KT    DK    LITTÉRATURE 

Pour  le  prix  Bordin,  l'Académie  retire  du  concours  la  question  relative  aux  Chro- 
niques de  Normandie  et  y  substitue  la  question  suivante,  qu'elle  met  au  concours 
pour  l'année   181^3  : 

Etude  critique'sur  l'authenticité  des  chartes  relatives  aux  emprunts  contractés  par 
les  croisés. 

L'Académie  propose  en  outre,  pour  le  même  prix,  à  décerner  en  iSgS  : 

Etude  sur  les  traductions  françaises  d^auteurs  profanes  exécutées  sous  les  régnes 
de  Jean  II  et  de  Charles  V. 

Le  prix  Deiaiande-Guérineau  sera  décerné  en  1894  au  meilleur  ouvrage  d^ archéo- 
logie ou  de  littérature  ancienne  classique. 

M.  de  Nolliac,  maître  de  conférences  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes,  donne  lecture 
d'un  mémoire  sur  Un  ouvrage  inédit  de  Pétrarque,  qu'il  a  retrouvé  dans  un  manus- 
crit de  la  Bibliothèque  naiionale'de  Paris.  On  sait  qu'un  des  plus  importants  parmi 
les  ouvrages  latins  dus  à  Pétrarque  est  un  Devirisillustribus  emprunté  à  l'histoire 
romaine  et  resté  inachevé.  Il  y  a,  dans  un  manuscrit  qui  jusqu'à  présent  semble 
unique,  une  autre  rédaction  de  cet  ouvrage  antérieure  à  la  rédaction  connue  et  qui 
n'a  jamais  été  signalée.  Elle  comprend  treize  biographies  inédites  appartenant  à 
l'histoire  de  l'Orient  et  à  la  m3thologie  grecque.  Ce  recueil  montre  que  Pétrarque 
avait  commencé  le  De  viris  sur  un  pian  tout  autre  et  beaucoup  plus  vaste  que  celui 
qu'il  a  adopté  ensuite.  La  série  de  biographies  découverte  par  iM.  de  Nolhac  forme 
aujourd'hui  un  ouvrage  distinct,  resté  inachevé,  comme  est  resté  inachevé  le  De 
viris  que  nous  connaissions.  11  est  précédé  d'une  préface  très  étendue  et  fort  curieuse, 
où  Pétrarque  explique  le  but  de  son  ouvrage  et  la  méthode  qu'il  a  suivie  pour  con- 
trôler le  témoignage  des  historiens  anciens  qu'il  avait  à  sa  disposition.  Cette  pré- 
face et  le  travail  qui  l'accompagnent  jettent  un  jour  nouveau  sur  les  éludes  histori- 
ques au  XIV'  siècle  ;  ils  montrent  dans  Pétrarque  le  précurseur,  très  naïf  encore  mais 
très  zé  é,  des  savants  orientalistes  de  notre  temps. 

M.  l'abbé  Duchesne  présente  le  plan  des  fouilles  qu'il  a  exécutées,  au  mois  de 
septembre  dernier,  à  Saint-Servan  (Jlle-et-Vilaine),  sur  l'emplacement  de  l'ancienne 
cathédrale  d'Alet.  Il  a  pu  reconstituer  avec  précision  le  plan  de  l'édifice  antique,  qui 
doit  avoir  été  construit,  d'après  ce  qu'on  sait  de  l'histoire  locale,  à  la  fin  du  x^  siè- 
cle ou  au  commencement  du  xi".  Les  détails  de  l'architecture  sont  d'une  grande 
simplicité,  pour  ne  pas  dire  d'une  extrême  pauvreté;  ils  conviennent  bien,  dit 
M.  Duchesne,  à  la  période  de  renaissance  pénible  qui  suivit  en  ce  pa}s  l'invasion  nor- 
mande. Une  particularité  à  remarquer  est  que  l'édifice  se  terminait,  à  chacune  de 
ses  deux  extrémités,  par  une  abside  semi-circulaire. 

Ouvrages  présentés  ;  —  par  M.  Hamy  :  Fourxereau  (L.)  et  Porcher  (J  ),  les  Rui- 
nes d'Angkor,  étude  artistique  et  historique  sur  les  monuments  khmei  s  du  Cambodge 
siamois;  —  par  M.  Barbier  de  MeynarU  :  1°  J  Li,  cérémonial  de  la  Chine  antique, 
avec  des  extraits  des  meilleurs  commentaires,  traduit  pour  la  première  fois  par  C  de, 
Harlez;  1"  Bar  Bahloul  (Hassanus;,  Lexicon  Syriacum,  edidit  Rubcns  Duvadj 
fasc.  2;  —  p<ir  M.  Siméon  Luce  :  Duval  ("Louis),  Etat  de  la  généralité  d'Alenço- 
sous  Louis  XIV;  —  par  NL  l'abbé  Duchesne  :  Leval  /André),  Mioï  xocrapTiTEw^  l-u-j; 
y.o-Ki/.ôrj  zaTy./iyov  'publication  de  la  Société  d'études  médiévales  de  Constantinople); 
—  par  M.  Georges  Peirot  :  Reinach  (Théodore),  Mithridate  Eupator,  roi  de  Pont  ^ 
-  par  M.  VioUet  :  Archives  municipales  de  Bordeaux,  tome  V,  Liire  des  coutumes 
publié  par  Barckhausen. 

Julien  Havet. 


LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE  CRITIQUE 

Biart,  Cervantes.  Paris,  Lecène  et  Oudin.  —  H.  Cordier,  Notice  sur  la  Chine. 
Paris,  Lamirault  —  Gréard,  Edmond  ijcherer.  Paris,  Hachette.  —  Joret,  P.  et 
N.  Formont,  un  banquier  et  un  correspondant  du  Grand  Electeur  à  Paris.  Picard  et 
Bouillon.  —  Le  Breton,  Le  roman  au  xvit'  siècle.  Paris,  Hachette.  —  Meïniel, 
Napoléon  1*',  sa  vie,  son  œuvre.  Paris,  Delagrave.  —  Minor.  Schiller,  sein  Leben  u. 
seine  Werke.  II,  Berlin,  Weidmann.  —  Montagne,  Les  légendes  delà  Perse.  Paris, 
Bouillon  —  Pallain.  Le  ministère  de  Talleyrand  sous  le  Directoire.  Paris,  Pion.  — 
Lettres  d'un  cadet  de  Gascogne  sous  Louis  XIV,  p.  p.  Abbadie.   Paris,  Champion. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Le  fuy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Lawent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N"  45  —  10  novembre  —  1890 


Sommaire  t  479.  Glaser,  Esquisse  de  l'histoire  et  de  la  géographie  de  l'Arabie, 
IL  —  480.  ScHENK,  Le  dieu  Télesphore.  —  481.  Castellani,  L'Epithaiame  de 
Prodrome.  —  482.  Hartmann,  Les  fables  de  Phèdre.  —  480.  Baudissin,  Le  sacer- 
doce dans  l'Ancien  Testament.  —  484.  Kuenen,  Les  livres  prophétiques  de  l'An- 
cien Testament.  —  48b.  Wellhausen,  La  composition  de  l'Hexateuque.  —  486. 
Hauck,  Histoire  ecclésiastique  de  l'Allemagne,  L  —  487.  Gourcuff  et  Bénétbix, 
Du  Bartas.  —  488.  Brandes,  Un  poème  de  Rusticius.  —  Académie  des  Ins- 
criptions. 


47g.  —    ^klzze    der-    Gesclilehte   und    Géographie    i%i>abiens,     von    den 

seltesten  Zeiten  bis  zum  Propheten  Muhammad,  nebst  einem  Anhange  zur 
Beleuchtung  der  Geschichte  Abessyniens  im  3.  und  4.  Jahrhundert  n.  Ghr.  Auf 
Grund  der  Bibel  von  Eduard  Glaser.  Zweiter  Band.  Berlin,  Weidmannsche 
Buchhandlung,  1890. 

Après  avoir  donné  dans  la  première  partie  de  son  «  Esquisse  ■  »  le  cadre 
général  de  l'histoire  résultant  de  diverses  catégories  d'inscriptions  décou- 
vertes en  Arabie  et  qui  lui  sont  redevables  en  grande  partie,  M.  E.  Glaser 
nous  présente  dans  le  second  volume  un  tracé  général  de  la  géographie 
de  ce  pays  naguère  presque  inconnu.  Toutes  les  sources  d'information, 
la  Bible,  les  auteurs  classiques,  les  textes  cunéiformes,  les  géographes 
arabes  sont  mis  à  profit  pour  nous  donner  une  image  fidèle  de  ce  pays 
depuis  les  époques  les  plus  reculées  jusqu'à  l'apparition  de  l'Islamisme. 
D'après  les  règles  ordinaires,  l'accomplissement  d'une  tâche  aussi  hardie 
et  aussi  vaste  exigerait  de  longues  études  et  des  recherches  patientes, 
mais  ce  que  l'esprit  timide  et  circonspect  d'un  savant  quelque  peu  mûr 
n'aurait  osé  aborder  qu'après  avoir  pris  mille  précautions,  l'esprit  vif  et 
plein  de  ressources  du  jeune  voyageur,  enthousiasmé  de  la  grandeur 
d\ine  telle  entreprise,  l'a  exécuté  dans  peu  de  mois  et  avec  un  entrain 
merveilleux  qui  ne  tient  compte  ni  des  difficultés  du  sujet,  ni  du  carac- 
tère subversif  de  la  plupart  de  ses  hypothèses.  Si  je  ne  consultais  que 
mes  propres  sentiments,  j'aurais  préféré  un  travail  moins  compréhensif 
et  fondé  seulement  sur  les  nouvelles  données  résultant  exclusivement 
des  inscriptions  que  le  savant  voyageur  a  eu  la  bonne  fortune  de  décou- 
vrir. Mais  il  paraît  qu'un  besoin  différent  s'est  fait  sentir  dans  le  monde 
des  éditeurs,  qui  ont  toujours  le  dernier  mot  quand  il  s'agit  de  publica- 
tions de  quelque  importance.  M.  G.,  n'ayant  pu  résister  à  ces  exigences 
impérieuses,  s'est  vu  obligé,  en  étendant  considérablement  le  plan  pri- 
mitif de  son  livre,  d'y  englober  la  géographie  de  l'Arabie  tout  entière  au 


I.  Voir  Revue  des  Etudes  juives,  1889,  P-  3i2-3i7. 

Nouvelle    série,  XXX.  45 


298  REVUE    CRITIQUE 

lieu  de  se  borner  aux  régions  particulièrement  éclairées  par  ses  inscrip- 
tions. Sans  méconnaître  les  avantages  que  peut  avoir  l'agrandisse- 
ment de  cette  perspective,  il  est  impossible  de  ne  pas  regretter  que 
le  résultat  géographique  des  nouvelles  inscriptions  tienne  si  peu  de 
place  dans  l'ensemble  et  soit  comme  noyé  dans  un  vrai  océan  de  disser- 
tations n^ayant  presque  aucun  lien  avec  les  découvertes  épigraphiques 
qui  sollicitent  notre  intérêt.  C'est  peut-être  un  sentiment  personnel  que 
d'autres  ne  partageront  pas.  J'ai  pourtant  voulu  l'exprimer  avant  que 
les  innombrables  problèmes  que  l'auteur  touche  successivement  dans  sa 
marche  rapide  ne  viennent  l'effacer  de  mon  esprit.  C'est  peut-être,  du 
reste,  un  point  différé  et  non  entièrement  abandonné,  et  dans  ce  cas 
l'auteur  saura  bientôt  nous  dédommager  du  retard  si  pénible  pour  notre 
impatience.  Les  sujets  discutés  présentent  la  plus  grande  variété  et  ten- 
dent visiblement  à  épuiser  la  matière.  Nous  ne  pouvons  que  les  indiquer 
très  sommairement. 

Les  premiers  chapitres  sont  consacrés  aux  renseignements  des 
géographes  classiques  :  Théophraste,  Strabon,  Eratosthène,  Arté- 
midore  et  Agatharchide  (p.  1-6 1).  L'auteur  étudie  ensuite  les  villes 
détruites  par  Aelius  Gallus  dans  l'Arabie  méridionale,  et  examine 
les  autres  renseignements  géographiques  en  connexion  avec  cette  inva- 
sion (p.  61-78).  Une  étude  particulière  et  très  minutieuse  est  consacrée 
à  la  géographie  de  Pline,  relative  à  l'Arabie  orientale,  à  l'Arabie 
moyenne  de  la  côte  occidentale,  à  l'Arabie  sud-ouest  avec  le  pays  de 
Mahra,  aux  tribus  de  Thamud,  de  Lihyan  et  les  tribus  limitrophes,  au 
pays  d'Asir,  à  la  2^  série  des  peuples  de  l'Arabie  sud-ouest,  aux  colonies 
grecques  d'Arabie,  à  la  ville  nommée  Murannimal  et  aux  autres  con- 
trées méridionales.  Cest  certainement  le  commentaire  le  plus  vaste  qui 
ait  été  jamais  fait  sur  l'Arabie  de  Pline  (p.  yS-iôS).  Une  attention  par- 
ticulière est  prêtée  aux  renseignements  géographiques  donnés  par  l'au- 
teur du  Periplus  Maris  Erythraei,  formant  plusieurs  divisions  :  la 
côte  occidentale,  avec  Aden  et  Kané,  le  pays  de  l'encens  et  l'île  de  Soco- 
tra,  l'Oman  et  l'Arabie  orientale,  la  Barbarie  (le  Somali  septentrional) 
et  l'Azanie  (p.  i63-2io).  Le  Périple  est  suivi  de  Ptolémée  dont  toutes 
les  données  sont  successivement  examinées,  surtout  la  description  des 
montagnes  et  des  fleuves.  A  cette  étude  sont  annexées  des  considérations 
sur  le  rôle  que  les  influences  perso-indiennes  ont  exercées  dans  les 
villes  du  golfe  Persique,  sur  les  côtes  d'Arabie  et  les  tribus  limitrophes. 
Les  tribus  de  l'Arabie  intérieure  sont  étudiées  d'après  les  renseignements 
de  Pline  comparés  avec  les  inscriptions  assyriennes.  Pour  cette  recher- 
che, l'auteur  s'est  principalement  fondé  sur  l'histoire  assyrienne  de  M.  le 
professeur  Hommel.  Puis  vient  la  suite  de  l'énumération  des  tribus  ara-  j 
bes  de  l'intérieur  à  laquelle  s'ajoutent  des  recherches  sur  le  pays  de  Puna 
identifié  au  Somali  actuel  et  sur  les  changements  géologiques  des  côtes 
arabiques.  Un  appendice  relatif  à  la  géographie  des  inscriptions  assy- 
riennes clôt  cette  série  d'études  (p.  210-314). 


d'histoire  et  de  littérature  299 

La  partie  consacrée  à  la  géographie  de  l'Arabie,  d'après  la  Bible,  est 
peut-être  la  plus  intéressante  du  livre.  Après  une  discussion  prélimi- 
naire sur  le  nom  de  l'Arabie  chez  les  écrivains  bibliques  et  assyriens,  l'au- 
teur émet  des  considérations  très  neuves  sur  la  position  du  paradis  de 
la  Genèse  et  cherche  à  déterminer  les  deux  fleuves  :  Pischon  et  Gihon, 
ainsi  que  le  pays  de  Havila  auquel  ils  se  rattachent.  Pour  ces  explica- 
tions, il  met  en  œuvre  tout  ce  que  la  haute  antiquité  nous  a  laissé  sur 
ces  contrées  peu  connues.  Il  y  introduit  en  même  temps  la  question 
embrouillée  des  Hyksos,  la  division  égyptienne  des  peuples  du  sud  et 
les  Satrapies  mentionnées  dans  Tinscription  de  Darius.  A  cette  occasion, 
il  nous  donne  sur  les  indices  d'El-Hamdani  une  description  très  détaillée 
du  bassin  du  Rumma,  c'est-à-dire  de  la  province  intérieure  de  Yemama 
avec  le  littoral  limitrophe.  Il  reprend  ensuite  la  question  du  pays 
d'Ophir  et  arrive  à  cette  conclusion  que  c'était  un  nom  collectif  qui 
embrassait  à  la  fois  le  littoral  sud  de  l'Arabie  et  celui  de  la  Perse  jus- 
qu'aux embouchures  de  l'Indus  (p.  314-387).  Un  examen  très  appro- 
fondi est  ensuite  consacré  au  tableau  ethnographique  de  la  Bible  en 
commençant  par  les  Kouchites,  et,  en  passant  du  sud  au  nord,  il  soumet 
à  une  tentative  d'identification  les  peuplades  arabes  du  nord  :  les  Ismaéli- 
tes, les  Katuréens  et  les  Iduméens.  L'ouvrage  se  termine  par  un  appen- 
dice très  étendu  contenant  des  remarques  additionnelles  sur  la  géographie 
et  l'histoire  de  l'Abyssinie  et  de  l'Arabie  dans  les  m''  et  iv'^  siècles  après 
J.-G.  Son  but  principal  est  de  répondre  aux  observations  faites  par 
M.  Dillmann  au  sujet  des  noms  géographiques  de  l'inscription  d'Adu- 
lis  que,  contrairement  à  l'opinion  générale,  M.  G.  place  en  Arabie  méri- 
dionale et  non  pas  en  Afrique.  Chemin  faisant,  il  reprend  la  question 
relative  à  la  guerre  entre  l'Abyssinie  et  le  pays  d'Himyar  qui  a  mis  fin 
au  règne  de  Dhou-Nouwas,  lequel  aurait  professé  la  religion  juive 
(p.  47 1  -  564).  Ce  qui  suit  contient  une  déclaration  purement  personnelle 
sans  attache  nécessaire  au  sujet  du  livre  (p.  565-575). 

J'ai  à  peine  besoin  de  dire  que  l'ouvrage  de  M.  G.  fera  beaucoup  de 
bruit  dans  le  monde  savant.  L'abondance,  je  dirais  presque  l'exubérance 
des  sujets  traités,  ainsi  que  le  ton  tranché  de  la  rédaction,  sont  de 
nature  à  provoquer  bien  des  contradictions  et  à  effaroucher  bien  des 
susceptibilités.  Les  théories  de  l'auteur  renversent  si  parfaitement  les 
notions  acquises  jusqu'à  présent  que  la  quiétude  ordinaire  des  hommes  de 
science  sera  mise  à  une  rude  épreuve.  Du  reste,  l'auteur  s'attend  lui- 
même  à  une  foule  de  protestations  et  paraît  même  se  complaire  à  les 
provoquer,  afin  de  les  mieux  maîtriser.  Pour  ma  part,  la  lecture  assidue 
de  l'ouvrage  n'a  pas  été  achevée  sans  me  suggérer  plusieurs  observations 
que  le  manque  d'espace  ne  me  permet  malheureusement  pas  de  formu- 
ler dans  tous  leurs  détails.  Je  ne  veux  cependant  pas  les  supprimer  entiè- 
rement, ne  fût-ce  que  par  acquit  de  conscience.  Je  vais  donc  relever 
ci-après  certains  points  particuliers  sur  lesquels  il  m'est  impossible  d'être 
en  accord  avec  l'auteur.  Je  donne  la  préférence  à  ceux  qui  sont  en  con- 


300  REVUK    CRITIQUE 

nexion  avec  la  Bible  et  l'histoire  juive.  L'identification  du  Pischon  avec 
le  Wadi  Rumma  me  paraît  assez  acceptable;  moi-même,  je  l'ai  souvent 
caressée  comme  une  hypothèse  vraisemblable  et  Tai  souvent  répétée  à 
mes  élèves  dans  mes  conférences.  Mais  je  persiste  encore  à  croire  que  le 
Gihon,  qui  entoure  tout  le  pays  de  Gousch,  ne  saurait  être  autre  chose 
que  ce  que  les  Anciens  appelaient  la  mer  Erythrée,  partagée  en  trois 
sections  :  le  golfe  Persique,  l'Océan  Pacifique  et  la  mer  Rouge.  De 
plus,  il  est  impossible,  en  se  tenant  aux  documents  dont  nous  disposons, 
de  faire  venir  les  Couchites  du  pays  d'Elam.  Le  nom  de  Kasdim,  ainsi 
que  le  prétendu  sumérien  Kahda,  n'a  rien  à  voir  avec  le  nom  de  Cous- 
chite.  Cette  considération  absolument  certaine  enlève  toute  base  à  l'idée 
de  placer  le  pays  d'Ophir  en  dehors  de  l'Arabie.  Je  m'étonne  que  M.  G. 
n'ait  pas  pris  connaissance  de  ce  que  j'ai  dit  sur  cette  question  dans  mes 
Mélanges  de  critique  et  d'histoire,  où  j'ai  fait  valoir  un  argument  qui 
me  paraît  encore  irréfutable.  Ceux  qui  cherchent  Ophir  dans  des  para- 
ges trop  lointains  n'ont  pas  réfléchi  que  la  Palestine  n'avait  rien  à  offrir 
aux  Indiens  en  échange  de  l'or  et  des  autres  articles  précieux  qu'on  leur 
demandait.  Les  seuls  articles  d'exportation  qui  pouvaient  alimenter  le 
commerce  des  Hébreux  consistaient  en  blé,  en  huile  et  en  vin.  Or,  il  est 
clair  que  le  vin  ne  pouvait  pas  supporter  un  long  voyage.  Restent  le  blé  et 
l'huile,  mais  ces  denrées  très  demandées  dans  les  ports  de  la  mer  Rouge 
qui  sont  situés  dans  une  plaine  stérile  et  sablonneuse,  ne  devaient  avoir 
aucune  valeur  pour  l'Inde  qui  est  un  des  pays  les  plus  fertiles  du  monde. 
Du  reste,  le  voyage  de  la  reine  de  Saba  à  Jérusalem  atteste  suffisamment 
l'intérêt  que  l'Arabie  méridionale  attachait  à  ses  rapports  avec  la  Judée 
et,  je  le  répète,  les  relations  également  profitables  aux  deux  pays  ne  pou- 
vaient que  consister  dans  l'échange  desdenréescomestiblesde  la  Palestine 
contre  les  matières  précieuses  et  de  luxe  que  fournissait  l'Arabie  méri- 
dionale. Il  va  sans  dire  que  les  rapprochements  d'Ophir  et  d'Apirak, 
Apirdi,  etc.,  ne  tiennent  pas  debout  et  ne  sont  faits  que  pour  jeter  le 
discrédit  sur  les  autres  études,  où  il  y  a  certainement  beaucoup  épren- 
dre et  à  apprendre.  Je  regrette  de  devoir  faire  entrer  dans  cette  catégorie 
d'hypothèses  insoutenables  celle  qui  place  dans  le  Yemama  les  pays  de 
Bazu  et  de  Hazu  envahis  par  Asurbanibal.  11  faut  noter  que  cette  expé- 
dition est  partie  de  l'idumée  et  est  retournée  par  Damas;  pour  taire  la 
conquête  du  Yemama,  l'armée  assyrienne  aurait  dû  prendre  la  direction 
du  golfe  Persique  et  abréger  ainsi  considérablement  sa  marche,  surtout 
au  retour.  |i| 

Il  m'est  également  impossible  de  souscrire  aux  nouvelles  interpréta- 
tions de  M.  G.  relativement  aux  noms  ethniques  mentionnés  dans  l'ins- 
cription d'Adoulis.  Non  seulement  le  témoignage  de  Cosmas  Indico- 
pleuste  s'y  oppose,  mais  l'analogie  des  inscriptions  éthiopiennes  d'Aksum 
fait  voir  aussi  clairement  que  possible  qu'il  s'agit  en  grande  partie  de  la 
conquêtede  pays  africains.  N'est-ce  pas  renverser  arbitrairement  toutes 
les  notions  historiques  que  nous  avons  acquises  avec  tant  de  peine  jus- 


d'histoire  et  de  littérature  Soi 

qu'à  présent,  que  d'attribuer  cette  inscription  à  un  roi  himyarite?Si  l'on 
fait  abstraction  des  types  monétaires  imités  des  drachmes  athéniennes 
portant  le  nom  de  la  ville  d'Athènes,  jamais  les  rois  himyarites  n'ont 
employé  la  langue  grecque,  et  si,  comme  le  croit  M,  G.,  ils  ont  parfois 
fait  la  conquête  de  l'Afrique,  ils  auraient  employé  plus  que  tout  autre 
idiome  celui  qu'ils  parlaient  eux-mêmes  ou  du  moins  la  langue  éthio- 
pienne, car  la  connaissance  du  grec  a  toujours  été  insignifiante  en  Abys- 
sinie,  et  le  roi  Ellesbaos  lui-même  a  dû  recourir  à  un  étranger  pour 
se  faire  expliquer  l'inscription  d'Adulis.  Un  fait  historique,  qui  aurait 
une  très  grande  portée  s'il  se  vérifiait,  est  sans  contestation  celui  qui  se 
rapporte  au  Tobba,  nommé  Hissan-ben-Assad,  contemporain  de  saint 
Frumentius  qui  a  propagé  le  christianisme  en  Abyssinie.  M.  G.  iden- 
tifie ce  roi  d'une  part  avec  le  Adad  des  historiens  grecs»,  de  l'autre,  avec 
le  Aïdog  des  écrivains  syriens.  Le  nom  Adad  serait  la  transcription 
grecque  de  celui  de  Hadhad  que  la  légende  arabe  attribue  à  l'époux  de 
la  reine  de  Saba  qu'elle  nomme  Belqis.  Le  Tobba  qui  s'était  converti  au 
judaïsme  aurait  pris  le  nom  de  Salomon  et  aurait  donné  lieu  à  la 
confusion  de  ce  roi  avec  le  roi  juif  Salomon.  Malheureusement  cette 
combinaison  assez  péniblement  échafaudée  s'écroule  à  la  première  inves- 
tigation, car  le  nom  de  la  fameuse  Belqis  tire  son  origine  d'une  gros- 
sière altération  du  nom  de  Nicaulis  que  l'historien  Josèphe  donne  à  la 
reine  de  Saba.  En  effet,  en  transcrivant  en  caractères  arabes  ce  nom 
grec,  les  scribes  ont  faussement  descendu  le  point  diacritique  de  la  pre- 
mière lettre  qui  de  ti  est  devenue  b,  tandis  que  les  deux  lettres  suivantes 
ont  changé  de  place.  On  voit  donc  combien  peu  l'histoire  sérieuse  peut 
se  fonder  sur  ce  qu'on  nomme  si  pompeusement  la  tradition  arabe;  et 
il  y  a  lieu  d'être  surpris  que  M.  G.  y  soit  aller  puiser  des  renseigne- 
ments originaux. 

L'origine  du  nom  arabe  Hadhad  est  encore  plus  fabuleuse  parce 
qu'elle  nous  fait  toucher  pour  ainsi  dire  du  bout  du  doigt  les  artifices  à 
l'aide  desquels  les  premiers  écrivains  musulmans  ont  transformé  en 
quasi  histoire  les  légendes  du  peuple  juif.  La  reine  de  Saba  est  une  des 
figures  que  l'imagination  des  Rabbins  a  traitée  avec  prédilection.  Une 
des  questions  que  ces  légendes  ont  cherché  à  résoudre  est  celle  de  savoir 
comment  cette  reine  a  pu  trouver  le  chemin  pour  se  rendre  du  fond  de 
l'Arabie  jusqu'à  Jérusalem.  La  légende  lui  a  donc  octroyé  un  guide 
parmi  les  oiseaux,  qui,  comme  les  animaux  et  les  démons,  étaient 
soumis  à  la  domination  du  grand  roi  de  Jérusalem.  Cet  oiseau 
qui  conduisait  la  caravane  de  la  reine  était,  dit-on,  la  huppe,  en 
hébreu  Dukiphat.  Les  écrivains  musulmans  en  acceptant  ce  récit 
ont  naturellement  bien  conservé  l'oiseau  conducteur  qui  se  dit  en 
arabe  hiidhud  et  c'est  de  ce  nom  d'oiseau  que  les  faiseurs  de  romans  his- 
toriques ont  créé  le  nom  propre  Hadhad  qu'ils  ont  appliqué  à  l'époux 
de  la  reine.  On  se  demande  vraiment  ce  que  toutes  ces  fabrications  fabu- 

I.  Plus  exactement,  de  Théophane,  voyez  Revue  des  études  juives,  1889,  p.  171. 


[ 


302  REVUE    CRITIQUE 

leuses  et  absurdes  peuvent  avoir  de  commun  avec  la  vraie  histoire.  Ce 
ne  sont  pas  des  inventions  pareilles  qui  peuvent  avoir  été  présentes  à 
l'esprit  des  écrivains  ecclésiastiques  antérieurs  à  l'islamisme  pour  en 
construire  le  nom  de  Aidog  ou  Adad.  Je  crois  que  cette  consHiération 
suffira  pour  convaincre  M.  G.  qu'il  est  absolument  impossible  de  faire 
le  moindre  fond  sur  les  récits  arabes.  Les  auteurs  musulmans  man- 
quaient de  toute  information  exacte  par  rapport  à  leur  propre  histoire. 
Nous  ne  leur  en  faisons  pas  un  crime,  mais  quand  on  voit  ce  qu'est 
devenue  entre  leurs  mains  l'histoire  des  Thamudi  tes  ou  celle  de  Palmyre, 
quand  on  considère  de  plus  qu'ils  n'ont  pas  eu  la  plus  petite  connaissance 
du  royaume  de  Libyan  qui  touchait  presque  le  territoire  de  Médine,  Usera 
difficile  de  leur  accorder  le  moindre  crédit  en  ce  qui  concerne  l'histoire 
du  pays  de  Saba  et  surtout  celle  qui  a  trait  aux  événements  des  siècles 
reculés.  Non,  toute  cette  littérature,  soi  disant  historique,  sur  les  épo- 
ques antérieures  à  l'islamisme,  doit  être  rangée  dans  la  catégorie  des  légen- 
des populaires  où  elle  peut  faire  les  délices  des  folklorisies,  avides  d'exo- 
tismes. Les  historiens  n'ont  rien  à  y  chercher,  ils  n'y  trouveront  pas  la 
moindre  notion  de  la  réalité. 

11  me  paraît  inutile  d'insister  davantage.  Ce  n'est  pas  chez  les  Ara- 
bes qu'on  doit  chercher  la  solution  du  problème  qui  s'attache  à  la  profes- 
sion religieuse  des  derniers  Tobbas  et  surtout  des  Dhou-Nouw^as.  Les 
inscriptions  seules  peuvent  et  doivent  mettre  fin  à  nos  doutes  relative- 
me'nt  au  judaïsme  de  ce  roi  qui  jusqu'à  présent  ne  s'appuie  que  sur  la 
lettre  de  Siméon  de  Beth-Arsham,  dont  l'authenticité  est  des  plus  compro- 
mises. Or,  ces  inscriptions,  dont,  grâce  à  la  complaisance  de  l'auteur,  j'ai 
entre  les  mains  les  copies  et  que  j'ai  pu  examiner  à  loisir,  ne  permettent 
aucunement  de  les  attribuer  à  desauteurs  juifs  et  moins  encore  à  des  per- 
sonnages princiers  professant  le  judaïsme.  Le  résultat  négatif  de  cet  exa- 
men fait  malheureusement  écrouler  tout  ce  qui  a  été  dit,  soit  par  M.  G. 
lui-même,  soit  par  ses  partisans  au  sujet  de  la  dynastie  juive  de  la  dernière 
époque  himyarite.  L'écroulement  s'étend  jusqu'à  la  dynastie  lihyanite  du 
Hidjaz  dont  on  a  également  voulu  faire  des  Israélites  ou  du  moins  des  de- 
mi-convertis au  judaïsme.  Je  peux  affirmer  d'avance,et  je  le  démontrerai 
dans  un  prochain  travail,  que  tous  les  passages  des  inscriptions  lihya- 
nites  dans  lesquelles  on  a  cru  relever  des  idées  bibliques  ou  rabbiniques 
doivent  se  comprendre  tout  autrement.  Malgré  mon  meilleur  désir,  je  n'ai 
pu  y  découvrir  la  moindre  trace  d'esprit  juif.  Au  contraire,  le  carac- 
tère païen  s'y  manifeste  partout  parla  mention  delà  divinité  supérieure 
Dhou-Ghâbat.  Ce  sont  des  erreurs  qui  ne  doivent  pas  prendre  place 
dans  l'histoire  véridique  de  l'Arabie;  nous  en  savons  si  peu  qu'il  serait 
vraiment  regrettable  d'y  mêler  de  nouvelles  inexactitudes  à  l'aide  d'in- 
terprétations erronées  de  textes  mutilés  ou  mal  copiés. 

J'ai  encore  un  mot  à  dire  au  sujet  de  certaines  identifications  qui  inté- 
ressent particulièrement  la  rédaction  de  la  Genèse.  Je  laisse  de  côté  la 
curieuse  interprétation  que  M.  G.  et  après  lui  M.  Hommel  donnent  à 


d'histoire  et  de  littérature  3o3 

l'inscription  i55  de  mon  recueil,  interprétation  qui  me  paraît  inadmis- 
sible déjà  par  cette  raison  seule  que  le  caractère  paléographique  de  récri- 
ture ne  montre  aucun  indice  de  haute  antiquité.  Ce  que  je  veux  relever 
ici,  c'est  le  rapprochement  du  nom  géographique  de  Madhi  avec  le  nom 
propre  Miza,  qui  figure  dans  la  liste  des  tribus  iduméennes  de  la  Genèse 
36,  i3.   Cette  tribu  obscure  n'aurait  jamais  été  en  mesure  de  faire  une 
guerre  régulière  aux  Égyptiens,  surtout  avec  cette  circonstance  tout  à  fait 
surprenante  d'avoir  entraîné  dans  son  entreprise  les  caravanes  minéennes 
arrivées  à  ce  moment  du  fond  de  l'Arabie  méridionale.  M.  G.,  il  est 
vrai,  trouve  les  Minéens  établis  et  dominant  dans  la  partie  sud  de  la 
Palestine,  où  la  Bible  mentionne  la  peuplade  des  Méunim  qui  a  souvent 
opprimé  les  Israélites  aux  premiers  siècles  de  la  conquête.  Ces  sortes  de 
spéculations  seront  difficilement  admises  par  ceux  qui  assignent  peu  de 
valeur  à  la  similitude  apparente  des  noms.  Pourquoi  aller  chercher  si 
loin  dans  l'Arabie  méridionale  les  héros  des  événements  palestiniens, 
quand  la  nomenclature  géographique  de  la  Palestine  suffit  pour    nous 
les   faire  connaître?    Les  noms  de  Maon  ou    Meon  ne   sont  pas  rares 
en  Palestine  et  le  sud  de  la  Judée  a  possédé  une  ville  du  nom  de  Maon, 
parfaitement  reconnaissable  dans  le  Ma'ân  d'aujourd'hui.   La  contrée 
aride  où  est  situé  Ma'ân  était  anciennement  le  rendez-vous  des  tribus  les 
plus  sauvages  du  désert,  notamment  des  Iduméens  et  des  Amalécites  ; 
ce  sont  ces  tribus  qui  saccageaient  souvent  la  Palestine,  surtout  aux 
premières  époques  de  l'occupation  hébraïque,  lorsque  les  lieux  de  refuge 
et  de  défense  n'étaient  pas  encore  construits  en  nombre  suffisant  pour 
se  garantir  contre  les  attaques  subites  de  la  part  des  nomades.  C'est  de 
cette  façon  que  l'absence  de  Minéens  dans  le  tableau  ethnographique 
de   la  Genèse  s'explique  le  plus  naturellement.  Les  Méunim  ne  for- 
maient pas  une  nationalité  tranchée,  mais  un  agglomérat  éventuel  de 
tribus  voisines  dont  chacune  a  sa  place  dans  ce  tableau.  Si,  au  con- 
traire, les  Méunim  avaient  été  la  nation  aussi  nombreuse  que  riche  des 
Minéens  de  l'Arabie  méridionale,  ils  auraient  eu  leur  place  à  pari  dans 
le  tableau  généalogique  des  peuples  sabéens,   et    cela    d'autant  plus 
nécessairement  que  la  Genèse  énumère  des  populations  beaucoup  plus 
méridionales.  On  ne  saurait  objecter   que  le  royaume  minéen    a  cessé 
d'exister  avant  la  rédaction  de  ce  document  biblique.  Cette  échappa- 
toire, purement  arbitraire  d'ailleurs,  disparaît  devant  ce  fait  que  l'im- 
portance des  Minéens  est  encore  connue  des  auteurs  grecs  et  romains; 
à  plus  forte  raison  devait-elle   être  connue  de  l'auteur  de  la  généalogie 
qui,  d'après  M.  G.,  aurait  vécu  vers  le  viii^  siècle  de  l'ère  vulgaire.  Si 
je  ne  me  trompe,  M.  Glaser  trouvera  peu  de  partisans  dans  cette  voie 
dangereuse  des  hypothèses  préhistoriques,  dont  les  meilleures  n'équi- 
vaudront jamais  au  plus  petit  fait  historique  basé  sur  des  documents 
clairs  et  intacts.  Qu'il  nous  donne  de  ceux-là,  qu'il  possède  en  si  grand 
nombre  et  nous  serons  prêts  à  écouler  et  à  apprendre.  Mais,  par  Dieu, 
qu'on  laisse  les  hypothèses  à  ceux  qui  ne  peuvent  pas  faire  autrement; 
nous  en  avons  déjà  de  trop,  qu'on  nous  en  fasse  grâce. 


304  REVUE    CRITIQUE 

480.  —  I.  L.  ScHENK.  De  Xelesplioro  Deo.  Gœttingœ  (s.  11.  d'éditeur),  1888. 
In-8,  55  p. 

481.  —  2.  Epitalamio  di  Xeodoro  i»i'o<1oimo...  con  traduzione  italiana  in  versi 
c  note  storiche  e  filologiche,  di  C.  Castellani.  Venezia,  Visentini,  1890.  In-8, 
3q  p. 

1.  La  dissertation  de  M,  L.  Schenk,  que  nous  regrettons  de  signaler 
un  peu  tard,  est  une  utile  contribution  à  un  sujet  encore  peu  étudié. 
On  y  trouvera  d'abord  (p.  3- 19)  les  témoignages  empruntés  aux  auteurs 
et  aux  inscriptions,  puis  (p.  19-45)  la  description  des  oeuvres  d'art, 
statues,  bas-reliefs,  monnaies  où  paraît  le  dieu  Télesphore,  tantôt  seul, 
tantôt  en  compagnie  d'Hygieetd'Esculapeou  d'autres  divinités  ^  L'énu- 
mération  des  localités  où  les  inscriptions  et  les  monnaies  attestent  le 
culte  de  Télesphore  (p.  46-50)  et  des  considérations  sur  la  nature  du 
dieu  (p.  5o-55)  terminent  ce  bon  travail;  l'auteur  y  a  fait  preuve  de 
connaissances  étendues  et  précises.  On  sait  que  l'étymologie  du  nom  de 
Télesphore  est  fort  obscure  :  M .  Schenk  se  rallie  à  l'opinion  de  Creuzer 
(Telesphoros  ist  dej'  Gereifte  iind  der  Reifende),  en  prenant  TéXoç  dans 
le  sens  de  xb  v(\c,  uYi£''aç  xéXoç  (Plut.  Mor.  p.  i  35  C). 

2.  Emmanuel  Miller  avait  déjà  publié  l'épithalame  de  Prodome  dans 
les  Historiens  grecs  des  Croisades  (t.  II,  p.  288  sq.),  d'après  l'unique 
ms.  connu  de  la  Marcienne;  mais  son  édition  n'est  pas  toujours  correcte 
et  n'est  accompagnée  d'aucun  commentaire.  Il  faut  savoir  gré  à  M.  Cas- 
tellani d'avoir  fait  imprimer  à  nouveau  ces  221  vers  politiques,  avec 
une  traduction  en  vers  italiens  et  des  notes.  Le  fiancé  est  Jean  Comnène, 
fils  aîné  d'Andronic  sebastocrator,  frère  de  Tempereur  Manuel;  la 
fiancée,  dont  le  nom  est  inconnu,  appartient  à  la  noble  famille  des 
Taronites.  La  valeur  littéraire  de  l'œuvre  est  médiocre,  mais  il  s'y 
trouve  des  allusions  intéressantes  aux  événements  contemporains, 
entr'autres  à  la  destruction  de  la  flotte  vénitienne  dans  les  eaux  de 
Chios  (i  172),  catastrophe  sur  laquelle  M.  C.  a  insisté  dans  sa  préface. 
On  y  rencontre  aussi  des  mots  composés  qui  manquent  aux  lexiques, 
c6va7Tpoç(v.  2  3),  àpTiXaiJ,T:r((;  (v.  56),  l'irwvuTraTr'KWVuiJ.cç  (v.  65), /aptTcy.X'/jTOÇ 
(v.  75),  àvTtêpaêîûo)  (v.  84).  Au  vers  32,  le  ms.  et  l'éditeur  donnent  àzb 
z'AaTâvou  Esp^'.y.r,:  et  M.  Castellani  fait  observer  que  l'adjectif  Hcp^iy.oç 
est  nouveau;  peut-être  faudrait-il  lire  nspcar^ç  (cf.  Athen.  XII,  539  : 
Ta?  oï  Xp'J'a;  •TTAa-âvouç...  69'  r,v  oî  IIspcwv  [iaa'.AîT;  £"/pT,i;.âTi^cv) . 

Salomon  Reinach. 


482.  —  J.-J.  Hartmann.   De    I»liaedrî    fabulis  eommentatiu.  Lugduni  Batav. 
Van  Daesburg,  1890,  124  p.  petit  in-8. 

Six  chapitres  dont  voici  la  matière:  vie  de  Phèdre;  développement  des 
sentiments   du    poète  d'après  les  prologues  et  les  épilogues  de  chaque 

I.  Depuis  la  publication  du  travail  de  M.  Schenk,  M.  Fougères  a  fait  connaître  une 
intéressante  statue  de  Télesphore  découverte  à  Mantinée  (Bull  Covr.  Hellén.,  t.  XIV, 

pi.    VIII.) 


d'histoire  et  de  littérature  3o5 

livre;  les  fables  :  changements  malencontreux  par  lesquels  Phèdre  a 
souvent  altéré  la  donnée  de  son  original  ;  vers  contenant  la  morale 
avant  ou  après  la  fable  :  M.  Hartman  propose  de  les  rejeter  en  bloc 
comme  dépourvus  d'authenticité;  le  critique,  on  le  voit,  n'y  va  pas  de 
main  morte;  édition  de  Bentlei  :  ses  faiblesses  sont  soulignées;  défauts 
de  Phèdre  qu'on  a  tort  de  vouloir  lui  ôter  ;  enfin  remarques  sur  quelques 
vers.  Chaque  chapitre  est  orné  en  tête  d'une  épigraphe  piquante  ou  qui 
veut  Tétre.  Pas  de  table  des  matières;  aucun  index.  On  devine  comme 
il  est  commode  de  se  retrouver  dans  un  ouvrage  qui  abonde  en  digres- 
sions 1,  et  où  toutes  sortes  d'indications  nécessaires  sont  tout  à  fait 
omises  ou  données  d'une  manière  insuffisante.  Plaignons  ceux  qui  s'oc- 
cupent spécialement  de  Phèdre  et  des  fabulistes.  Ils  auront  ici  le  temps 
et  l'occasion  de  réfléchir  sur  l'imperfection  de  certains  ouvrages  de  haute 
critique. 

M.  H.  est  un  élève  de  Cobet  ~.  Il  a  composé  ce  travail  dans  Tesprit 
et  suivant  les  habitudes  de  l'école  de  Leyde.  Mais  si  cette  école  a  brillé 
d'un  vif  éclat,  est-ce  à  dire  que  toutes  les  habitudes  introduites  par  Co- 
bet soient  bonnes  à  conserver?  Pardonnera-t-on  à  ses  élèves  ce  qu'on 
passait  au  maître?  Craint-on  d'épargner  aucune  peine  au  lecteur?  Est-il 
si  sûr  qu'il  se  trouve  en  fin  de  compte  payé  de  sa  peine?  La  littérature  de 
Phèdre  et  des  fabulistes  est  touffue  et  compacte  au  point  de  devenir  ou 
de  paraître  impraticable.  Fallait-il  y  ajouter  un  nouveau  poids,  et 
craignait-on  que  ceux  qui  l'explorent,  manquassent  jamais  de  lectures 
longues   et  fastidieuses? 

A  certains  aveux  de  l'auteur,  je  reconnais  qu'il  me  serait  difficile  de 
m'entendre  avec  lui  dans  la  discussion  critique  des  textes  ;  ainsi,  p.  82, 
quand  il  met  en  doute  la  correction  de  Bentlei  sur  V,  10,  7  :  Lacori; 
p.  60,  celle  de  Bashrens  s,  sur  V,  5,  2  :  prœjudicio ;  ou  encore  quand  il 
défend  la  vraisemblance  paléographique  d'une  de  ses  conjectures,  p.  24, 
note.  A  quoi  bon  signaler  encore  des  contradictions  *,  des  fautes  d'im- 
pression ou  plus  vraisemblablement  des  confusions  dont  je  ne  cite  que 


i.Q.ue  viennent  faire  ici,  p.  2o3  et  204,  la  mention  de  conjectures,  excellentes  sans 
aucun  doute,  mais  que  l'auteur  lui-même  a  abandonnées;  p.  100,  une  page  de  mo- 
rale à  l'occasion  de  polémiques  particulières,  etc. 

2.  Lire,  p.  go,  un  récit  humoristique  d'exercices  critiques  faits  sous  la  direction  du 
maître.  On  voit  comment  les  lexiques  et  surtout  le  Thésaurus  fournissaient  aux  élè- 
ves des  armes  quelconques  pour  défendre  H  leçon  proposée  quelle  qu'elle  fût.  Nos  étu- 
diants apprécieraient  surtout  la  phrase  :  «  Cum  inventum  erat  quod  satis  placeret 
omnibus,  de  solida  nocte  haud  parvam  partem  vino  gaudioque  dabamus  ». 

3.  Voir  cependant  sur  Baehrens  le  jugement  asse!{  juste  des  p.  82  et  83. 

4.  Tel  épilogue  (liv.  Il)  est  donné  comme  apocryphe  p.  66  et  67,  et  cependant  il  a 
servi,  p.  27,  à  établir  la  pensée  et  les  sentiments  de  l'auteur.  —  P.  70.  On  appuie 
un  retranchement  proposé  du  goût  habituel  de  Phèdre  pour  la  brièveté,  et  l'on  re- 
connaît ensuite  que  tout  le  morceau  dont  il  s'agit  est  d'un  style  très  diffus.  —  Tel 
passage  (V,  5,  i-3),  ayant  telle  leçon  et  donné  comme  apocryphe,  p.  76,  est  ailleurs, 
p.  Oo,  sous  une  autre  forme  et  tenu  pour  authentique.  —  Cf.  de  même  111,  i3,  aux 
p.  3i,   5g  et  71. 


\ 


3o6 


REVUK    CRITIQUE 


les  plus  graves  ■  :  Texplication  à  faux  de  telle  omission  dans  les  mss.  %  ou 
la  mauvaise  explication  de  tel  mot  latin  ^? 

Ayons  tout  au  moins  la  brièveté,  qui  a  manqué  à  Fauteur.  Je  regrette 
de  n'avoir  comme  conclusion  à  proposer  que  celle-ci  :  ce  travail  sur 
Phèdre  me  paraît  pour  la  forme  aussi  incommode  qu'il  est  possible,  et 
pour  le  fonds,  ne  pourrait-on  soutenir  qu'il  est  presque  entièrement 
inutile? 

Emile  Thomas. 


483.    —    I.    Die     Gescliiclite    des     aittestameiitlielien     Priestertliums, 

untersucht  von  W.  W.  grafen  Baudissin,  professer  der  Théologie  an  der  Univer- 

sitaet  Marburg,  Leipzig,  S.  Hirzel,  1889,  in-8,  xv  et  3i2  pp. 
484. —  II.  Historiseli-ei'itiseli  ontlerzock  naar  het  ontstaan  en  de  verzameling 

van  de   bœken   des   Ouden  Verbonds,  door   A.    Kuenen,  Hoogleeraar  te  Leiden. 

Tweede,  geheel  omgewerkte  uitgave,  tweede  deel  :  De  profetische  bœken  des  Ouden 

Verbonds.  Leisen,  P.  Engels  en  doon,  1889,  ii^"^>  ^^  ^^  ^oS  pp. 
485.  —  Die  Composition  des  l]e:x.ateuelis  und    der    historischen  Bûcher  des 

Alten  Testaments,  von  J.  Wellhausen.   Zweiter   Druck,  mit  Nachtraegen.  Berlin, 

Georg  Reimer,  1889,  in-8,  36i  p. 

I.  —  Nous  sommes  quelque  peu  en  retard  avec  les  Recherches  du 
comte  Baudissin  sur  Thistoire  des  institutions  du  sacerdoce  dans  l'An- 
cien Testament;  mais  le  livre  est  de  ceux  qui  peuvent  attendre.  C'est, 
en  effet,  une  œuvre  solide,  étudiée,  nourrie  et  à  laquelle  les  circonstan- 
ces donnent  un  véritable  à  propos. 

On  sait  que  les  études  relatives  à  la  religion  et  à  la  littérature  des 
Hébreux  traversent  une  crise  des  plus  graves.  De  très  savants  et  très 
ingénieux  exégètes  avaient  cru  le  moment  venu  de  substituer  aux  idées 
traditionnelles  une  construction,  qu'ils  déclaraient  capable  de  résister 
aux  assauts  de  la  critique.  C'était,  au  point  de  vue  du  jugement  litté- 
raire, une  succession  établie  dans  les  livres  et  documents  bibliques  : 
\°  récrit  jéhoviste  du  Pentateuque ;  2°  le  Deiitéronome,  appuyé  par  le 
livre  de  Jérémie;  3°  le  livre  du  prophète  Ézéchiel,  appartenant  à  l'épo- 
que de  l'exil;  4°  le  Code  sacerdotal,  extrait  du  Pentateuque  et  mis  en 
relation  directe  avec  les  livres  (TEsàras  et  de  Néhémie.  Le  premier  de  ces 
écrits  ou  groupe  d'écrits  appartenait,  pensait-on,  au  ix«  ou  au  vni°  siècle 
avant  notre  ère;  on  classait  le  second  à  l'époque  deJosias(f]n  du  vn^  siè- 
cle), le  troisième  au  vi^  siècle  et  le  dernier  aux  environs  de  450.  Puis 
venait  la  tâche  de  l'historien  des  institutions  et  des  idées  religieuses.^^ 
S'appuyant  sur  les  déterminations  indiquées  ci-dessus,  on  refaisait  l'é-^B 
volution  du  culte  depuis  les  temps  les  plus  anciens  jusqu'au  moment 
où  le  judaïsme  a  reçu  sa  forme  définitive.  Cela  aurait  été  fort  bien  si 

1.  P.  56  ;  Eutycho ;  lisez  :  cunucho;  p.  36  :  capra ;  lisez  capro;  p.  68,  [III,  6,  10]  : 
equi;  lisez  iniilce;  p.  21,  au  bas  :  vulpe;  lisez  comice,  etc. 

2.  P.  69  :  le  vers  vir  natus...  a  dû  être  retranché  par  quelque   copiste  qui  se  sera 
avisé  d'un  sentiment  de  pudeur  à  la  suite  d'un  contre-sens. 

3.  P.  23  :  genus ;  p.  67-68:  usu  perilus.  J 


d'histoire  et  de  littérature  Zoj 

l'on  ne  s'était  pas  avisé,  de  difFérenis  côtés,  que  la  base  de  cet  ingénieux 
édifice  n'était  point  solide  et  que  les  dates  proposées  n'avaient  aucun 
caractère  de  certitude,  en  raison  de  Pépoque  récente  à  laquelle  il  faut 
rapporter  la  rédaction  définitive  des  livres  bibliques. 

Mais,  sans  s'attaquer  au  fondement  même  des  hypothèses  qui  possè- 
dent aujourd'hui  la  faveur  publique,  tout  en  maintenant  Pauthenticité 
de  Jérémie  et  d'E^échiel,  tout  en  admettant  l'historicité  de  la  réforme 
religieuse  attribuée  au  roi  Josias  et  du  tableau  qu'on  nous  rend  de  l'ac- 
tion d'un  Esdras  et  d'un  Néhémie, —  la  succession  des  documents  peut- 
elle  passer  pour  établie  d'une  façon  définitive?  —  C'est  ce  que  conteste 
M.  Baudissin.  Se  proposant  de  traiter  un  point  précis,  qui  est  l'institu- 
tion du  sacerdoce  ou  du  clergé,  il  a  comparé  de  la  façon  la  plus  minu- 
tieuse les  données  correspondantes  des  divers  écrits  bibliques,  et  il  aboutit 
aune  conclusion,  qui  n'est  celle  ni  de  Reuss,  ni  de  Kuenen,  ni  de  Well- 
hausen. 

Pour  ceux  qui  admettent  comme  une  vérité  inattaquable  l'authenti- 
cité :  1°  de  la  réforme  de  Josias,  considérée  comme  ayant  eu  pour  objet 
de  donner  force  de  loi  au  Deutéronome  ;  2°  du  livre  de  Jérémie  ;  3"  du 
livre  d'E^échiel ;  4"  de  la  réforme  d'Esdras  et  de  Néhémie  telle  qu'elle 
est  relatée  aux  livres  de  mêmes  noms,  —  la  question  est  de  savoir  si  le 
Deutéronome  est  antérieur  au  Code  sacerdotal  et  si  Ézéchiel  est  venu 
avant  ou  après  le  même  Code  sacerdotal  '.  Or,  M.  B.,  qui  accorde  sans 
hésiter  les  points  mentionnés  ci-dessus,  se  décide  pour  l'antériorité  du 
Code  sacerdotal  à  l'endroit  du  Deutéronome  et  de  la  prophétie  à''E:{é- 
chicl.  Pour  ne  pas  porter  sur  tous  les  points,  ce  désaccord  n'en  a  que 
plus  de  gravité.  Voilà  un  savant,  qui  aborde  l'examen  de  l'hypothèse 
Reuss-Kuenen  dans  un  esprit  à  la  fois  indépendant  et  bienveillant,  qui 
accorde  à  ces  critiques  et  sans  marchander  toutes  leurs  prémisses  et  qui 
est  amené  à  conclure  nettement  contre  eux.  Je  ne  puis  dissimuler  que 
je  considère  le  refus  de  M.  B.  de  se  rallier  à  la  théorie  Graf-Reuss  comme 
ayant  une  grande  portée  à  raison  des  circonstances  où  il  se  produit  et 
de  la  nature  des  considérations  invoquées  à  l'appui.  En  ce  qui  nous 
touche  plus  particulièrement,  —  nous  qui  avons  été  conduit  à  rejeter  les 
prémisses  mêmes  de  l'argumentation  de  l'école  de  Reuss  et  non  pas  seu- 
lement ses  conclusions,  —  le  théologien  de  Marbourg  nous  apporte  le 
plus  précieux  concours  :  en  établissant  que  des  gens,  partant  de  principes 
communs,  ne  peuvent  réussir  à  se  mettre  d'accord  sur  des  points  essen- 
tiels, on  fait  voir,  en  effet,  à  tous,  ainsi  que  nous  l'avons  soutenu  nous- 
méme,  que  les  études  de  littérature  biblique  sont  dépourvues  d'une 
méthode  sûre  et  que,  tant  qu'on  se  refusera  à  reconnaître  ce  défaut,  les 
préférences  ou  appréciations  personnelles  seront,  en  définitive,  le  crité- 
rium de  la  date  des  livres  et  de  la  succession  des  textes. 

Dans  un  premier  chapitre,  M.  B.  étudie  l'institution  du  sacerdoce 

I.  Nous  rappelons  que  par  Code  ou  Ecrit  sacerdotal  on  désigne  tout  spécialement 
la  législation  rituelle  contenue  à  VExode,  au  Léviiique  et  aux  Nombres. 


3o8  REVUE    CRITIQUE 

d'après  le  Code  ou  Ecrit  sacerdotal  du  Pentateiique,  c'est-à-dire  d'après 
les  données  de  VExode,  du  Lévitiqiie  et  des  Nombres.  Il  procède  en- 
suite a  une  analyse  minutieuse  des  données  correspondantes  dans  l'Écrit 
jéhoviste,  dans  le  Deiitdronome,  dans  le  livre  de  Josué,  dans  le  livre 
d' E\échiel ,  dans  les  livres  de  la  Chronique,  d'Esdras  et  de  Néhémie^  en 
dernier  lieu  dans  les  livres  historiques,  prophétiques  et  poétiques.  Un 
chapitre  final  sert  de  résumé  et  donne  l'aperçu  de  l'évolution  des  insti- 
tutions du  sacerdoce. 

Je  veux  aller  tout  de  suite,  en  négligeant  les  points  secondaires,  au 
plus  pressé,  c'est-à-dire  au  plus  important.  —  La  législation  deutéro- 
nomique,  qui  prescrit  la  centralisation  du  culte  à  Jérusalem  sans  insister 
sur  le  clergé  et  sur  ses  fonctions,  est-elle,  comme  le  soutiennent 
MM.  Reuss,  Kuenen,  Wellhausen,  antérieure  à  la  législation  dite  sa- 
cerdotale, qui  expose  par  le  menu  les  obligations  et  les  droits  du  clergé? 
M.  B.  a  repris  la  question  et  son  enquête,  très  minutieusement  con- 
duite, aboutit  à  un  résultat  opposé.  Même  contradiction  en  ce  qui  con- 
cerne la  relation  du  code  sacerdotal  avec  le  prophète  Ezéchiel.  Je  ne 
voudrais  pas  donner  la  démonstration  de  M.  B.  comme  décisive,  prin- 
cipalement en  ce  qui  touche  le  rapport  du  Deiitéronome  et  du  Code 
sacerdotal  ;  mais  elle  est  de  nature  à  frapper  l'attention  et  à  éveiller  les 
doutes.  Quant  à  Ezéchiel,  nous  dirons  non  seulement  que  les  raisons 
invoquées  ici  doivent  être  très  sérieusement  pesées,  mais  que  M.  B.  nous 
paraît  être  dans  la  vérité. 

Si  nous  tenons  pour  ayant  une  haute  valeur  la  discussion  des  rap- 
ports du  Code  sacerdotal,  en  premier  lieu  avec  le  Deiitéronome,  en  se- 
cond lieu  avec  la  prophétie  A' Ezéchiel,  en  troisièm.e  lieu  avec  les  don- 
nées des  livres  d''Esdras  et  de  Néhémie^  trois  points  du  plus  grand  inté- 
rêt, nous  considérons,  en  revanche,  comme  très  insuffisant  ce  qui  est 
dit  du  Document  jéhoviste.  Comment  émettre  la  prétention  d'emprun- 
ter à  cet  écrit  des  renseignements  sur  le  caractère  du  culte  à  l'époque 
des  patriarches?  Ce  sont  là  de  ces  imaginations,  qu'il  faudrait  décidément 
laisser  de  côté.  Il  y  a  aussi  une  longue  et  confuse  dissertation  sur  la  || 
relation  des  «  lévites  »,  ministres  du  culte,  avec  une  prétendue  tribu  de 
Lévi,  dont  M.  B.  a  admis  trop  facilement  l'existence  sur  la  foi  de  textes 
dépourvus  de  tout  caractère  d'antiquité  \  Nous  regrettons  enfin  de 
retrouver  chez  un  critique  aussi  indépendant  la  déplorable  erreur,  qui 
fait  interpréter  les  chap.  xxi  à  xxiii  et  le  chapitre  xxxiv  du  livre  de 
l'Exode  dans  le  sens  de  la  pluralité  des  lieux  de  culte,  tandis  que  ces 
textes  sont  à  mettre,  sous  ce  rapport,  sur  le  même  pied  que  le  Deiitéro- 
nome ou  que  le  Code  sacerdotal  ~.  || 

1 .  Le  texte  auquel  il  est  fait  ici  allusion  est  la  Bénédiciion  de  Jacob  {Genèse,  XLIX^  ; 
on  croit,  bien  à  tort,  qu'elle  repose  sur  d'antiques  souvenirs. 

2.  La  pluralité  des  lieux  de  culte  est  particulière  à  la  section  Exode  XX,  22-26, 
laquelle  ne  fait  pas  partie  du  «  Livre  de  l'Alliance  »  (Exode  XXI-XXIII)  ei  doit  être 
mise  en  relation  avec  la  légende  des  prophètes,  Samuel,  Élieet  Elisée. 


d'histoire  et  de  littérature  3og 

Nous  ne  saurions  faire  reproche  à  M.  Baudissin  de  n'avoir  pas  dis- 
cuté à  fond  les  nouvelles  vues  proposées  sur  lu  non  historicité  de  la 
réforme  de  Josias  et  le  caractère  pseudépigraphe  des  livres  de  Jérémie  et 
d'Ezéchiel.  Ainsi  que  le  dit  l'Évangile,  à  chaque  jour  suffit  sa  peine. 
L'attaque  du  professeur  de  Marbourg  contre  la  thèse  des  «  Grafiens  » 
aura  d'autant  plus  d'importance  et  de  retentissement  quMl  a  visé  un 
endroit  précis,  où  ses  contradicteurs  sont  obligés  de  le  suivre.  Or,  la 
seule  circonstance,  qu'on  puisse  mettre  en  doute  le  système  des  écoles 
modernes  sur  le  point  précisément  où  celles-ci  avaient  concentré  leurs 
efforts  et  s'imaginaient  avoir  cause  gagnée,  est  un  singulier  encourage» 
ment  pour  ceux  qui,  comme  nous,  tentent  d'aborder  les  questions  bi- 
bliques avec  des  procédés  sensiblement  nouveaux. 

II.  —  Poursuivant  la  revision  de  sa  magistrale  Introduction  histo- 
rico-critique  aux  livres  de  l'Ancien  Testament,  M.  A.  Kuenen  nous  en 
livre  aujourd'Imi  la  seconde  partie,  consacrée  aux  Livres  prophétiques. 
Le  présent  vohime  traite  d'abord  des  généralités  concernant  la  prophé- 
tie et  la  composition  des  écrits  prophétiques,  puis  aborde,  analyse  et 
discute  successivement  les  livres  éCIsaïe.,  de  Jérémie  et  à'E^échiel,  les 
écrits  des  douze  petits  prophètes,  enfin  le  livre  de  Daniel. 

On  connaît  la  méthode  et  les  procédés  du  savant  professeur  hollan- 
dais. C'est  un  examen  consciencieux  et  nourri,  où  la  patience  de  l'au- 
teur ne  se  dément  jamais;  c'est  une  revue  méthodique  et  complète  de 
tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  les  livres  prophétiques  dans  les  cent  dernières 
années.  Nous  signalerons  tout  particulièrement  l'attention  donnée  à  la 
partie  philologique. 

Quant  au  fond  même,  nous  n'avons  pas  grand'chose  à  dire.  M.  K., 
qui  passe  pour  un  radical  sur  le  chapitre  des  livres  de  Moïse,  devient 
presque  conservateur  en  matière  de  littérature  prophétique.  Son  point 
de  vue,  à  cet  égard,  ne  s'est  pas  sensiblement  modifié  d'une  édition  à 
l'autre.  Ainsi  il  combat  très  nettement  M.  Stade,  qui  admet  pas  mal 
d'interpolations  dans  les  écrits  qu'on  rapporte  au  temps  des  anciens 
royaumes;  M.  K.  ne  se  refuse  pas  absolument  à  reconnaître  en  principe 
des  traces  de  remaniement,  mais  il  les  conteste  presque  constamment 
dans  l'espèce  i. 

Le  savant  hollandais,  on  s'en  doute,  est  absolument  hostile  à  l'idée 
de  faire  à  la  pseudépigraphie  ou  pseudonymie  une  place  importante 
dans  l'explication  de  l'origine  et  de  la  composition  des  écrits  prophéti- 
ques. Il  faudra  bien  pourtant  se  résoudre  à  aborder  ce  terrain  brûlant. 

Si  le  présent  volume  ne  donne,  sous  ce  rapport,  aucune  satisfaction  à 
notre  légitime  curiosité,  nous  avons  heureusement  sous  les  yeux  un  tra- 
vail détaché,  où  M.  K.  se  prononce  très  nettement. 

La  Revue  de  l'histoire  des  religions  a  publié  dans  son  numéro  de 
juillet-août  1889  un  mémoire  du  professeur  de  Leyde,  intitulé  :  La 
ré/orme  des  études  bibliques  selon  M.  Maurice  Vernes.  Une  partie  de 

I.  11  admet  cependant  quelques  interpolations  dans  le  livre  de  Michée. 


3lO  REVUE    CRITIQUE 

ces  pages  traitent  directement  de  lu  question  d'authenticité  des  écrits 
prophétiques.  Les  remarques  de  M.  K.  se  ramènent  à  quatre  points 
essentiels  : 

i^  M.  K.  nous  reproche,  en  premier  lieu,  de  traiter  des  écrits  prophé- 
tiques pris  dans  leur  ensemble,  au  lieu  de  les  envisager  un  à  un.  Nous 
avouons  ne  pas  comprendre  l'objection,  Il  y  a  là  une  collection  faite  à 
une  époque  donnée,  et  ceux  qui  Tont  menée  à  bien  ont  obéi  à  une  préoc- 
cupation visible,  qui  était  de  grouper  pour  Tédification  de  leurs  con- 
temporains des  œuvres  appropriées  à  cette  destination.  Il  y  a  donc  lieu 
d'envisager  tour  à  tour  le  recueil  prophétique  dans  son  ensemble  et 
dans  ses  parties. 

2°  M.  K.,  relevant  la  première  objection  générale  que  nous  avons 
émise  contre  l'authenticité  des  prophéties  qu'on  attribue  au  temps  des 
anciens  royaumes  ou  à  l'époque  de  la  captivité,  nous  reproche  d'exagé- 
rer l'intention  de  propagande  religieuse  qu'on  peut  signaler  à  mainte 
place.  Nous  avions  écrit  :  «  A  quelle  époque  le  peuple  d'Israël  se  con- 
vainquit-il qu'il  ne  sufrisait  pas  à  son  ambition  religieuse  de  réaliser 
l'idéal  de  la  foi  spirituelle  qu'il  avait  conçue  et  tourna-t-il  ses  efforts  du 
côté  des  païens  pour  les  gagner  à  sa  cause  ?  A  quels  moments,  à  quelles 
circonstances  convient  cette  préoccupation  de  propagande,  par  laquelle 
le  Dieu  d'Israël  manifeste  des  prétentions  à  la  domination  universelle?» 
Et  nous  répondions  :  «  Cette  préoccupation  ne  s'applique  à  aucun  mo- 
ment et  à  aucune  circonstance  plus  aisément  qu'au  temps  de  la  Restau- 
ration. Israël  a  cessé  d'être  une  nation  politique  pour  devenir  une  com- 
munauté religieuse,  une  Eglise  qui,  toute  pénétrée  des  grands  souvenirs 
d'un  glorieux  passé,  aspire  à  rester  à  leur  hauteur  en  établissant  sa 
domination  spirituelle  sur  le  monde,  w  M.  K.  déclare  que  ces  considé- 
rations ne  le  touchent  pas;  que  les  prophètes,  «  représentants  d'une  fai- 
ble minorité  »,  pouvaient  parfaitement  nourrir  sur  ce  point  des  ambi- 
tions inconnues  du  vulgaire;  que,  d'ailleurs,  nous  avons  exagéré  et  que 
les  passages  en  ce  sens  sont  très  peu  nombreux,  si  peu  nombreux  —  ici 
je  crois  devoir  citer  —  «  que  M.  le  professeur  Stade  regarde  comme  des 
interpolations  postérieures  le  texte  des  prophètes  antérieurs  à  l'exil  qui 
parlent  de  la  conversion  future  des  païens,  parce  que,  à  son  point  de 
vue,  ils  ne  sont  point  en  harmonie  avec  leur  constante  manière  de  pen- 
ser. »  Eh  bien!  voilà  qui  me  donne  singulièrement  raison.  Un  critique, 
à  l'opinion  duquel  M,  K.  accorde  une  haute  valeur,  a  été,  de  même  que 
moi,  frappé  de  la  présence  de  passages  conçus  dans  le  sens  de  la  propa- 
gande religieuse  et  les  déclare  ajoutés  après  coup.  Quant  au  nombre  et  à 
l'importance  de  ces  passages,  M.  K.  fait  effort  pour  les  réduire,  et  cela 
dans  une  intention  facile  à  comprendre.  Je  me  bornerai  sur  ce  point  à 
le  renvoyer  à  l'œuvre  d'un  élève  de  Reuss,  partisan  résolu  des  théories 
de  l'école  de  Graf;  dans  l'estimable  Théologie  de  V Ancien-Testament 
de  M.  Piepenbring,  tout  un  paragraphe  est  consacré  à  «  la  participation 
des  païens  à  la  nouvelle  alliance  »  d'après  les  prophètes  antérieurs  à  la 


d'histoire  et  de  littérature  3  I  I 

Restauration  (pp.  187  à  194);  je  m'en  réfère  simplement  à  rénuméra- 
tion donnée  à  cette  place.  Que  Ton  veuille  avec  Stade  traiter  d'inter- 
polés les  passages  prophétiques  proclamant  la  mission  religieuse  d'Is- 
raël, ou  les  conserver  en  niant  leur  importance,  comme  le  fait  M.  K., 
ma  remarque  subsiste  dans  toute  sa  force. 

3°  Nous  avions  relevé  encore  cette  circonstance,  que  les  prophètes 
annoncent  à  coup  sûr  la  Restauration  comme  suite  de  la  Captivité  et  de 
la  déportation  à  l'étranger.  Et  nous  disions  :  c'est  la  marque  de  gens 
qui  appartiennent  aux  temps  de  la  Restauration.  Que  répondre  à  un 
argument  aussi  simple,  aussi  décisif?  —  M.  K.  réplique  :  Les  prophè- 
tes ont  annoncé,  non  pas  seulement  une  restauration,  mais  une  «  res- 
tauration glorieuse  ».  Or,  le  rétablissement  d'Israël  sur  le  sol  natal  ne 
fut  rien  moins  que  cela;  il  fut  modeste  et  pénible.  Donc,  ces  descrip- 
tions flatteuses  sont  antérieures  à  la  réalité,  réalité  elle-même  médiocre 
et  sans  éclat.  Ici,  je  m'aperçois  avec  tristesse  que  nous  parlons  deux 
langues  différentes:  car  ce  que  M.  K.  déclare  évident,  je  le  trouve, 
pour  ma  part,  non  moins  évident,  mais  dans  un  sens  contraire.  Je  me 
bornerai  à  renvoyer  mes  lecteurs  à  certaines  vanteries  qui  se  lisent  au 
livre  d'Esdras.  On  y  voit  Cyrus  déclarant  dans  un  édit  que  le  Dieu  des 
Juifs  lui  a  donné  (à  lui,  à  Cyrus)  l'ordre  de  rebâtir  son  temple  à  Jéru- 
salem, prescrivant  aux  indigènes  de  Pempire  de  combler  de  dons  pré- 
cieux les  Israélites  qui  reprennent  le  chemin  de  la  Judée  et  leur  rendant, 
hâblerie  inouïe,  la  propre  vaisselle  d'or  et  d'argent  enlevée  au  Temple  par 
Nabuchodonosor,  et  cela  au  nombre  de  cinq  mille  quatre  cents  pièces 
[Esdras,  I,  i-ii,  cf.  l'ensemble  du  chap.  vu,  viii,  24-30).  Voilà  com- 
ment de  prétendus  historiens  rapportaient  les  circonstances  du  retour 
de  l'exil.  Il  me  paraît  que  c'est  là  «  une  restauration  glorieuse  »  et  que 
les  prophètes  ne  font  que  développer  ce  thème.  Donc,  de  même  qu'Es- 
dras,  il  y  a  d'excellentes  raisons  pour  les  rapporter  à  l'époque  qui  suivit 
l'exil. 

4"  M.  K.  n'est  pas  davantage  sensible  à  un  argument  qui  a  eu  sur 
notre  propre  décision  une  influence  en  quelque  sorte  décisive.  Nous 
nous  sommes  convaincu  qu'il  y  avait  une  contradiction  foncière  entre 
la  manière  dont  les  livres  des  Rois  décrivent  la  situation  religieuse  des 
contemporains  d'Ezéchias  ou  de  Josias  et  l'exposé  contenu  aux  livres 
prophétiques.  Obligé  de  faire  un  choix,  nous  avons  sacrifié  l'authenti- 
cité et  rhistoricité  des  seconds.  — M.  K.  déclare  qu'il  rie  voit  là  aucune 
difficulté.  Je  saisis  ici,  plus  clairement  encore  que  tout  à  l'heure,  que 
mon  éminent  contradicteur  et  moi  nous  ne  voyons  pas  les  mêmes  cho- 
ses de  la  même  manière.  Le  public  jugera,  quand  il  aura  sous  les  yeux 
les  pièces  du  procès  dans  un  ouvrage  complet  que  je  prépare  sur  la 
matière. 

En  résumé,  j'ai  relevé  trois  ordres  de  faits  qui  m'interdisent  de  con- 
sidérer les  recueils  prophétiques  comme  appartenant  aux  vni'',  vn^  et 
Vf  siècles  avant  notre  ère.  Si  on  les  pèse  sérieusement,  on  aboutira  à  un 


3  12  REVUE    CRITIQUE 

dilemme  :  ou  considérer  que  la  collection  prophétique  a  reçu  de  nom- 
breuses interpolations  datant  de  l'époque  de  la  Restauration  —  c'est  la 
vue  à  laquelle  je  n'ai  pu  me  tenir,  —  ou  adopter  l'hypothèse  dda  pseu- 
dépigraphie.  M.  K.  déclare  qu'il  n'a  rien  à  garder  de  mes  observations. 
Il  oppose  à  mes  doutes  et  à  mes  négations  un  non  possumus  hautain;  je 
serais  bien  étonné  si,  d'ici  à  quelques  années,  les  hommes  de  son  bord 
maintenaient  cette  attitude  de  pure  intransigeance,  qui  me  rappelle 
l'ostracisme  dont  furent  frappées  au  début  les  propositions  de  George, 
de  Vatke  et  de  Graf  '. 

Cependant,  après  avoir  refusé  de  tenir  compte  de  mes   objections, 
M.  K.  condescend  à  m'en  présenter,  à  son  tour,  trois  ou  quatre  qui  sont 
d'un  réel  intérêt,  mais  auxquelles  la  publication  annoncée  tout  à  l'heure 
pourra  seule  donner  une  réponse  complète.  Je  dois  cependant  les  indi- 
quer dès  ce  moment  en  quelques  mots.  —  J'ai  expliqué  la  composition 
des  livres  prophétiques  en  disant  que  leurs  auteurs  avaient  sous  les 
yeux  les  livres  historiques  (Juges,  Samuel,  Rois)  et  n'ont  fait  que  dév^e- 
lopper  et  préciser  le  rôle  attribué  par  ceux-ci  aux  prophètes  dans  les 
événements  politiques.   M.   K.  entend  par  là  que  nous  avons  stipulé 
l'entière  dépendance  des  écrits  prophétiques   à  l'égard   des   Rois.   En 
aucune  façon  :  nous  avons  simplement  indiqué  un  procédé  de  travail  ou 
décomposition,  tout  en  réservant  la  pleine  liberté  des  auteurs.  Je  com- 
prends que,  sur  ce  point,  M.  K.  n'ait  pas  nettement  discerné  ma  pensée, 
qui  a  été  exprimée  sous  une  forme  forcément  abrégée.  Je  n'ai  donc  rien 
à  dire  contre  ce  qu'il  remarque,  «  qu'une  différence  tranchée  distingue 
les  prophéties  écrites  des  paroles  rapportées  par  les  livres  historiques  y. 
L'indépendance,  l'originalité  de  pensée  qu'il  revendique  pour  les  pre- 
mières, je  les  accorde  d'autant    plus  volontiers   que   je  n'ai  jamais  eu 
l'intention  de  les  contester.  M.  K.  ajoute  :  «  Dans  les  livres  historiques, 
nous  trouvons  des  prédictions,  que  la  suite  du  récit  nous  montre  entiè- 
rement réalisées.  Au  contraire,  les  livres  prophétiques  nous  présentent 
toute  une  série  de  menaces  et  de  promesses,  qui  n'ont  jamais  été  accom- 
plies,  Et,  s'il  faut  s'en  rapporter  à  M.  Vernes,  les  premières  sont  les 
modèles:  les  secondes,  les  imitations.    Credat  Judœus  Apella!  »  J'ai 
beaucoup  de  peine  à  comprendre  la  raison  de  cet  accès  d'indignation. 
Assurément,  les  livres  historiques  font  intervenir  les  prophètes  pour  faire 
voir  que  les  événements  sont  dirigés  d'en  haut  par  une  volonté  céleste. 
Il  me  semble  que  les  livres  prophétiques  partent  de  la  même  donnée 
fondamentale.  Malheureusement,  je  ne  suis  pas  très  sûr  de  comprendre 
la  pensée  de  M.   K.,  de  qui  je  n'oserais  pas  affirmer  qu'il  ait  saisi  la 
mienne.  Le  débat  sera  repris  plus  utilement  quand  j'aurai  donné  mon 
argumentation  sous  forme  complète  2. 

1.  Ces  critiques  s'étaient  permis  d'affirmer,  les  premiers,  que  l'époque  de  la  Res- 
tauration avait  produit  des  œuvres  vraiment  originales.  Ce  qu'ils  avaient  fait  pour 
la  Loi,  je  le  prétends,  à  mon  tour,  pour  les  Prophètes. 

2.  Je  ne  sais  trop  ce  que  M.  K.  entend  par  prophéties  «  accomplies  »  ou  «  non 
accomplies».  Je  ne  suppose  pas  qu'il  s'agisse  de  prophéties  qui  se  soient  réalisées  a 


d'hISTOIRK    Kl     Dh,    LIITÉRATURE  3l3 

Voici  enfin  une  difficulté  de  quelque  portée,  au  moins  en  apparence  : 
Qu'est-ce  qu'un  pseudépigraphe?  dit  M.  K.  —  C'est  un  écrit  composé, 
comme  le  livre  de  Daniel,  en  vue  d'une  circonstance  déterminée. 
«  Comment  appliquer  ce  principe  d'une  si  parfaite  évidence  à  Isaïe, 
Jérémie  et  aux  autres  livres  prophétiques?  »  S'ils  ont  été  écrits  après 
Texil,  ils  sont  pour  les  sept  huitièmes  de  leur  contenu,  pour  ne  pas  dire 
plus,  absolument  sans  bat.  Le  lecteur  postérieur  à  l'exil  n'en  peut  rien 
tirer,  rien  apprendre  qui  soit  d'une  application  directe  aux  circonstances 
dans  lesquelles  il  se  trouve.  »  Et  M.  K.  se  demande  ce  que  pouvaient 
signifier  un  Amos  et  un  Osée  pour  les  gens  du  iv^  siècle.  —  Ce  qu'ils 
pouvaient  signifier,  ce  que  signifiaient  pour  les  mêmes  générations  un 
haïe,  un  Jérémie,  un  E^échiel, —  je  m'en  vais  le  lui  dire.  Ils  servaient, 
par  l'exemple  d'un  passé  criminel  et  sévèrement  châtié,  à  prémunir  les 
Juifs  contre  de  nouvelles  défaillances.  On  admettra,  je  le  suppose,  que 
les  livres  historiques  servaient  de  livre  d'édification  et  d'instruction  aux 
Juifs  de  la  Restauration  par  la  manière  dont  ils  racontaient  le  passé  ;  les 
livres  prophétiques  remplissent  le  même  office.  Ils  constituent  une  sorte 
de  philosophie  vivante  de  l'histoire,  une  espèce  de  morale  en  action,  où 
les  vérités  religieuses  et  les  préceptes  de  la  conduite  sont  illustrés  par 
l'autorité  des  faits,  des  personnages,  descirconstances  d'un  passé  fameux*. 
Mais,  ce  que  les  livres  prophétiques  offrent  comme  aliment  à  la  pensée 
religieuse,  à  côté  des  éléments  qu'ils  ont  en  commun  avec  les  livres 
historiques,  ce  sont,  d'une  part,  les  vues  de  l'avenir,  les  perspectives 
glorieuses  de  l'ère  messianique,  Tambition  de  convertir  les  païens  et  de 
leur  donner  Jérusalem  pour  centre;  de  l'autre,  le  souci  des  questions 
sociales:  car  nous  tenons  qu'en  attaquant  le  riche  et  ses  accaparements, 
en  protestant  contre  les  pratiques  extérieures  du  culte  quand  elles  sont 
séparées  de  l'accomplissement  des  devoirs  moraux,  les  écrivains 
visaient  non  un  passé  disparu,  mais  les  abus  dont  souffraient  les  Juifs  de 
la  Restauration.  Falso  sub  nomine,  de  te  res  agitiir.  M.  K.  nous  a  mis 
au  latin,  nous  lui  en  servons  aussi.  Et  nous  concluons  que  les  Juifs 
du  v^,  du  IV*  et  du  iii^  siècle  comprenaient  fort  bien  tout  ce  que  les  livres 
prophétiques  devaient  leur  apprendre.  Est-ce  à  un  homme  tel  que 
M.  K.  que  je  devrai  rappeler  jusqu'à  quel  point,  dans  les  époques  de 
crise  et  de  persécution,  les  prophéties  et  les  psaumes  sont  redevenus, 
à  vingt  siècles  de  distance,  vivants  et  actuels  pour  la  piété  des  protes- 
tants éprouvés  ?  Et  ils  auraient  été  lettre  morte  pour  les  Juifs  de  la  Res- 
tauration! 

M.  K.  remarque  encore  l'originalité  littéraire  dont  font  preuve  les 

la  lettre.  Et  puis  comment  distinguer  la  prédiction  proprement  dite  de  ce  qui  est  une 
prévision  générale  ou  simplement  le  tableau  librement  tracé  d'un  avenir  idéal? 

I.  Je  viens  précisément  de  relire  les  écrits  prophétiques  au  point  de  vue  de  ce 
qu'ils  disent  des  fêtes  et  des  sacrifices,  et  en  notant  qu'ils  attribuent  à  la  violation  du 
sabbat  une  grande  partie  des  calamités  qui  ont  frappé  les  ancêtres,  j'ai  vu  clairement 
qu'ils  en  recommandaient  l'observation  à  leurs  contemporains. 


3  14  REVUE    CRITIQUE 

écrivains  prophétiques.  «  Ce  qui  les  distingue,  ce  n'est  pas  seulement  la 
situation  historique  supposée,  c'est  aussi  le  point  du  développement 
religieux,  la  prévision  personnelle  de  l'avenir,  le  style  et  très  paTticuliè- 
rement  le  vocabulaire.  »  J'accorde  le  fait,  sans  chicaner  sur  tel  détail,  et  je 
déclare  hautement  que  les  auteurs  de  Jérémie,  d'E^échiel,  du  second 
Isaïe,  et,  dans  une  mesure  secondaire,  d'Osée  et  d'Amos  ont  été  des 
«  artistes  de  premier  ordre  »  (l'expression  est  de  M.  Kuenen).  Pourquoi 
de  tels  maîtres  écrivains  ne  se  seraient-ils  pas  rencontrés  aux  iv^  et  iii*^  siè- 
cles avant  notre  ère,  à  l'époque,  où,  d'après  nous,  Ton  composait  Job? 
—  Mais,  là  où  je  me  refuse  à  suivre  l'éminent  professeur  de  Leyde,  c'est 
quand  il  dit  qu'à  cette  époque  «  Thébreu  était  déjà  sur  le  chemin  de  la 
dégénérescence  et  la  connaissance  de  l'antiquité  hébraïque  très  limitée  ». 
Voilà  des  assertions  dépourvues  de  tout  fondement  ;  l'histoire  de  la 
langue  hébraïque  ne  peut  s'échafauder  que  sur  la  date  assignée  aux 
livres,  et  ces  livres  n'ont  pas  de  date  reconnue.  M.  K.  se  met  ici  d'autant 
plus  dans  son  tort  qu'il  admet  que  la  plupart  des  Psaumes,  et  parmi 
eux  des  morceaux  d'une  langue  distinguée,  datent,  soit  de  cette 
même  époque,  soit  du  second  siècle  seulement  avant  notre  ère. 
Quant  à  une  «  connaissance  très  limitée  de  l'antiquité  hébraïque  »,  nous 
prétendons,  au  contraire,  qu'on  se  retrempait  avec  une  incroyable 
ardeur  dans  ces  souvenirs  d'un  passé  plus  ou  moins  authentique,  qu'on 
vivait  de  l'histoire  des  ancêtres  depuis  Abraham  jusqu'à  Sédécias,  qu'on 
s'y  plongeait  sans  relâche,  et  nous  en  voyons  une  preuve  frappante  dans 
cette  circonstance  que,  vers  le  ui"^  ou  11*=  siècle,  on  ait  cru  devoir,  à  côté 
des  livres  de  Juges,  Samuel,  Rois,  établir  une  seconde  édition  de  ce 
tableau  des  destinées  antiques,  qui  est  la  Chronique. 

J'arrive  à  un  dernier  point,  qui  me  semble  plus  digne  qu'on  s'y  arrête 
et  qui  est  de  nature  à  provoquer  de  ma  part  une  explication  utile  pour 
l'intelligence  de  ma  pensée.  «  Les  livres  prophétiques,  dit  M.  K.,  ren- 
ferment bon  nombre  de  détails  historiques.  L'exactitude  de  ces  détails 
a  trouvé  sa  confirmation  en  dehors  de  l'Ancien  Testament.  »  Fort  bien, 
et  je  n'y  vois  aucun  inconvénient.  Parce  que  je  prétends  que  les  li- 
vres historiques  ont  servi  de  point  de  départ  et  en  quelque  sorte  de 
thème  aux  auteurs  des  livres  prophétiques,  je  n'exclus  point  pour  eux 
les  autres  sources  d'information.  Or,  j'ai  soutenu  précisément  que  ces 
livres  sont  nés  au  sein  de  cercles  remarquablement  instruits,  où  l'on 
commentait  le  passé  d'après  les  souvenirs  nationaux,  où  l'on  pouvait 
également  faire  usage  de  données  venues  des  pays  étrangers.  Chacun 
sait  qu'à  côté  du  texte  des  livres  historiques,  il  circulait  des  additions, 
des  variantes,  des  compléments,  dont  quelques-uns  ont  trouvé  place 
dans  la  Chronique .  Et  je  vais,  sans  plus  tarder,  préciser  ma  pensée  par 
un  exemple  significatif.  Voici  Jérémie,  sous  le  nom  duquel  on  a  placé 
un  recueil  considérable.  Eh  bien!  les  Rois  ne  connaissent  pas  l'existence 
de  ce  personnage,  ce  qui  suffit,  à  mon  sens,  à  démontrer  qu'il  n'a  pas 
eu  l'importance  qu'on  lui  prête  d'habitude;  mais  ce  nom  aurait-il  été 


d'histoire  et  de  littérature  3i5 

inventé  par  l'auteur  du  recueil  prophétique?  Assurément  non  ;  il  appar- 
tenait à  une  série  de  récits  oraux,  qui  se  transmettaient  plus  ou  moins 
librement  dans  les  écoles  et  flottaient  aux  alentours  du  texte  des  livres 
historiques. 

Je  ne  dissimulerai  pas  que  j'ai  lu  avec  un  véritable  désappointement 
les  remarques  suggérées  à  Kuenen  par  mes  vues  sur  le  caractère  pseudé- 
pigrapliique  des  livres  de  prophéties.  J'espérais  qu'il  y  verrait  un  motif 
pour  ouvrir  la  porte  à  l'hypothèse  des  remaniements  et  des  additions 
post-exiliennes;  en  cas  de  refus,  je  comptais  sur  des  arguments  ou  des 
objections  de  quelque  portée.  Je  regrette  de  n'avoir  trouvé  chez  lui  ni 
l'un,  ni  l'autre. 

III.  —  M.  J.  Wellhausen  avait  donné,  il  y  a  une  douzaine  d'années, 
à  un  recueil  périodique,  un  travail  très  solide  et  complet,  consistant 
dans  une  analyse  critique  des  six  premiers  livres  de  la  Bible,  ou  de 
VHexateuque.  Ce  mémoire  a  été  regardé  comme  une  contribution  d'une 
grande  valeur  aux  études  qui  se  proposent  de  distinguer  les  documents 
ou  sources  entrés  dans  la  composition  des  livres  de  Moïse  et  de  Josué; 
en  autorisant  sa  réimpression,  M.  W.  a  rendu  service  aux  savants.  Il  a 
complété  son  œuvre  en  extrayant  de  V Introduction  à  V Ancien  Testament 
de  Bleek  dont  il  a  revu  la  4^  édition,  l'analyse  des  livres  historiques, 
Juges,  Samuel,  Rois.  Ainsi  s'est  formé  le  présent  volume,  intitulé  : 
La  composition  de  VHexateuque  et  des  livres  historiques  de  l'Ancien 
Testament.  Sous  le  rapport  de  la  distribution  des  sources  et  des  docu- 
ments primitifs,  c'est-à-dire  en  matière  d'analyse  littéraire,  le  livre  de 
W.  donne  le  résumé  d'un  travail  considérable  et  dont  les  résultats  peu- 
vent passer  pour  remarquablement  solides.  Mais,  en  ce  qui  touche  l'at- 
tribution des  principaux  documents  à  des  époques  déterminées,  il  en  est 
tout  autrement.  Nous  nous  inscrivons  notamment  en  faux  contre  la 
prétention  de  rapporter  l'écrit  jéhoviste  aux  ix«  et  vni«^  siècles  et  le  Deu- 
téronome  à  Pépoque  de  Josias. 

Dans  les  «  additions  »  que  M.  W.  a  placées  à  la  fin  de  son  volume, 
nous  relevons  quelques  lignes,  où  il  nous  semble  que  l'écrivain  a  visé 
certaines  de  nos  propres  déclarations.  M.  W.  assure  que,  en  attaquant 
Tunité  du  Deutéronome,  on  ne  met  nullement  en  péril  l'hypothèse  de 
Graf,  par  la  raison  que  «  la  base  de  celle-ci,  ce  sont  les  livres  historiques 
et  les  Prophètes  ».  Cela  veut  dire,  je  pense,  que  M.  W.  place  en  pre- 
mière ligne  l'historicité  de  la  réforme  de  Josias  et  des  prophéties  de 
Jérémie,  et  qu'il  estime  que  le  Deutéronome  s'enchâsse  sans  effort  dans 
les  circonstances  relatées  par  les  Rois  et  Jérémie,  au  moins  en  ce  qui 
touche  sa  partie  législative  (chap.  xii  à  xxvi).  En  effet,  M.  W.  considère 
la  première  partie  du  livre  comme  ayant  été  écrite  à  une  date  plus 
récente.  J'avais  émis,  pour  ma  part,  cette  pensée  que,  si  l'on  admettait 
l'essentiel  des  thèses  défendues  par  M.  d'Eichthal,  on  ruinait  Tensemble 
du  système  de  Graf-Reuss-Kuenen.  La  question,  en  définitive,  est  de 
savoir  si  la  réforme  prêtée  au  roi  Josias  doit  être  considérée  comme  la 


3l6  KKVUK    CRillQlJK 

réalisation  de  la  loi  deutéronomique  (et  peu  importe  ici  qu'on  distingue 
entre  le  noyau  législatif,  xu-xxvi,  et  l'ensemble  du  livre,  v-xxvi).  A  cet 
égard,  nous  ne  pouvons  que  maintenir  ce  que  nous  avons  dit  :  refuser 
le  Deiitéronome  à  Tépoque  de  Josias,  c'est  ruiner  le  système  de 
Graf. 

En  léte  du  travail  de  M.  Kuenen  qui  a  été  mentionné  plus  haut,  se 
lisent  les  lignes  suivantes  :  «  A  force  d'études  laborieuses,  on  a  réussi  à 
fixer  d'une  manière  rationnelle  et  conforme  aux  lois  de  l'histoire  les 
points  saillants  du  très  remarquable  développement  de  la  littérature 
religieuse  d'Israël.  Les  divergences  inévitables  des  critiques  ne  sauraient 
empêcher  Tétude  scientifique  del'Ancien-Testament  de  se  mouvoir  dans 
des  lignes  désormais  arrêtées  quant  à  leur  direction  générale.  »  C'est  en 
vain  que  Téminent  professeur  de  Leyde  s'efforce  de  rassurer  le  public  et 
de  le  persuader  que  les  points  noirs  qui  surgissent  à  l'horizon  sont  de 
simples  fumées  sans  consistance.  La  vérité  est  que  l'on  semble  s'être  mis 
à  peu  près  d'accord  sur  la  disjonction  littéraire  des  documents  entrés 
dans  la  composition  de  YHexateuqiie,  mais  que,  sur  tout  le  reste,  on  est 
en  pleine  anarchie.  Ainsi  M.  Baudissin  conteste  par  des  raisons  très  étu- 
diées l'antériorité  du  Deiitéronome  sur  le  Code  sacerdotal.  Je  crois  qu'il 
a  tort  et  j'invoque  à  l'appui  de  l'opinion  soutenue  par  Reuss-Kuenen- 
Wellhausen  cette  circonstance,  à  mon  avis  décisive,  que  les  Rois  con- 
naissent le  Z)ez/feronoHze,  mais  ignorent  encore  le  Code  sacerdotal;  à 
quoi  M.  Baudissin  réplique  que  le  livre  existait,  mais  n'  «  avait  cours  » 
que  dans  des  cercles  fermés  et  devait  rester  encore  quelque  temps  lettre 
morte  pour  le  public  :  c'est  là  une  voie  scabreuse,  oti  je  refuse  de  m'en- 
gager.  Mais,  quand  même  M.  Kuenen  aurait  raison  de  placer  le  Deiité- 
ronome avant  le  Code  sacerdotal,  il  n'en  résulte  ni  que  \q  Deiitéronome 
soit  de  l'époque  de  Josias,  ni  que  le  Code  sacerdotal  soit  l'œuvre  d'Es- 
dras.  Toutes  ces  dates  et  désignations  sont  contestables  et  contestées.  En 
matière  de  livres  historiques,  je  prétends  que  leur  rédaction  est  franche- 
ment post-exilienne.  L'authenticité  de  l'ensemble  du  recueil  des  pro- 
phéties a  été  attaquée  par  M.  Havet  et  par  moi.  Au  point  de  vue  de 
l'évolution  des  idées,  même  confusion.  On  parle  d'un  animisme  primi- 
tif, auquel  aurait  succédé  le  polythéisme,  suivi  à  son  tour  par  le  mono- 
théisme :  nous  le  contestons  de  la  façon  la  plus  formelle.  Au  moins, 
pourrait-on  continuer  d'afîirmer  que  le  «  prophétisme  »  est  la  marque 
des  temps  qui  précèdent  la  Captivité  et  que  le  «  sacerdotalisme  »  carac- 
térise ceux  qui  la  suivent?  Mais  ce  résultat  lui-même  est  compromis  par 
les  récentes  hypothèses,  et  ces  deux  tendances  apparaissent  plutôt  comme 
simultanées  que  comme  successives.  — On  voit  ce  qui  reste  des  «  lignes 
désormais  arrêtées  dans  leur  direction  générale.  » 

Comment  sortir  de  cette  impasse?  —  En  accordant  franchement  que, 
l'ensemble  des  écrits  bibliques  porte  la  marque  des  temps  post-exiliens,j 
en  s'avouant  à  soi-même  que  ce  n'est  pas  là  une  littérature  datée,  ^tr-A 


d'histoire  et  de  littérature  3 17 

mettant  de  rétablir  les  phases  d'une  évolution  littéraire  et  religieuse  :  en 
un  mot,  en  changeant  de  méthode. 

Maurice  Vernes. 


486.  —  Alb.  Hauck.  K.li'cliengescliiclite  Oeutsehlands.  Erster  Theil.  Leipzig, 
Hinrichs'  sche  Buchandlung,  1889,  1  vol.  in-8,  viii-557  p. 

L'histoire  ecclésiastique  de  l'Allemagne  a  déjà  tenté  deux  écrivains  : 
Rettberg  et  Friedrich.  Les  deux  premiers  volumes  de  Rettberg  parurent 
à  Gôttingue  en  1846  et  en  1848;  ils  promettaient  un  chef-d'œuvre.  Ra- 
rement historien  a  tait  preuve  d'une  aussi  prodigieuse  force  de  critique. 
Rettberg  a  fait  justice  d'une  foule  de  légendes  qui  avaient  été  accueillies 
auparavant  sans  contrôle  ;  il  a  su  montrer,  avec  une  netteté  parfaite, 
dans  un  style  précis,  sans  ornement  superflu,  à  quelle  époque  et  pour 
quelles  raisons  elles  avaient  été  formées.  On  ne  lui  peut  adresser  qu'un 
seul  reproche;  il  est  allé  trop  loin  dans  la  négation;  la  légende  n'est 
souvent  qu'un  développement  poétique  d'un  fait  bien  réel  ;  il  n'a  pas 
cherché  à  dégager  le  fait  réel  des  ornements  qui  le  couvrent,  le  fruit  de 
la  végétation  luxuriante  qui  le  cache.  Malheureusement  l'éminent  pro- 
fesseur est  mort  à  la  tâche;  son  histoire  s'arrête  en  814,  à  la  mort  de 
Charlemagne,  Friedrich  n'est  même  pas  allé  si  loin  :  il  n'a  pas  dépassé 
la  période  mérovingienne.  Ses  deux  volumes  présentent  d'assez  graves 
défauts  ;  catholique  fervent,  il  s'efforce  de  sauver  du  naufrage  au  moins 
des  débris  de  ces  vieilles  légendes;  aussi,  bien  souvent,  au  lieu  d'expo- 
poser,  il  s'attarde  à  réfuter  Rettberg  ;  des  dissertations  très  longues  arrê- 
tent la  marche  du  récit;  puis,  il  s'accroche  souvent  à  des  branches  peu 
solides.  Néanmoins,  dans  son  ouvrage,  il  fait  preuve  d'une  érudition 
rare,  presque  toujours  au  courant  des  travaux  modernes;  il  a  des  juge- 
ments justes;  il  a  parfois  raison  contre  son  adversaire,  et  le  mérite  n'est 
pas  mince. 

M.  Hauck  reprend  aujourd'hui  la  tâche  commencée  par  Rettberg  et 
par  Friedrich  ;  nous  souhaitons  qu'il  lui  soit  donné  de  l'accomplir  et  de 
mettre  enfin  au  jour  une  histoire  complète  de  l'Église  en  Allemagne 
depuis  les  origines  jusqu'à  la  Réforme.  Dans  la  première  partie,  la  seule 
parue,  il  traite  de  l'histoire  ecclésiastique  jusqu'à  la  mort  de  Boniface  : 
ici  il  se  rencontre  avec  ses  devanciers. 

Il  en  diffère  pourtant  beaucoup.  Rettberg  et  Friedrich  ont  pris  les 
diocèses  les  uns  après  les  autres;  ils  ont  cherché  à  reconstituer  la  liste 
des  évêques  ;  ils  ont  énuméré  les  églises  qui  se  dressaient  dans  les 
villes,  les  monastères  qui  furent  construits  dans  chaque  circonscription. 
M.  H.  n'entre  pas  autant  dans  le  détail;  c'est  à  peine  si,  de  loin  en  loin, 
en  note,  il  discute  l'authenticité  d'une  liste  épiscopale,  presque  toujours 
pour  la  rejeter  :  il  s'en  tient  davantage  aux  généralités.  Il  fait  l'histoire 
ecclésiastique  de  l'Allemagne  en  général,  non  l'histoire^des  divers  diocèses. 
Et  même  on  doit  lui  reprocher  d'avoir  laissé  de  côté  quelques  questions 


3l8  RKVUK    CRITIQUE 

importantes  :  à  peine,  par  exemple,  s'il  parle  de  l'organisation  intérieure 
de  l'Eglise,  du  clergé  des  villes  et  des  campagnes.  Il  nous  raconte  l'his- 
toire des  premières  communautés  des  diocèses  rhénans  au  début  et  assez 
longuement;  il  ne  parlera  de  la  conversion  des  habitants  du  Noriqueet 
de  la  Rhétie  que  beaucoup  plus  tard  (p.  326),  de  façon  presque  incidente; 
il  ne  dira  presque  rien  de  la  Pannonie.  Son  histoire  n'est  pas  complète, 
c'est  une  série  de  dissertations  générales  assez  bien  liées  et  que  nous 
allons  faire  connaître. 

L'ouvrage  se  divise  en  trois  livres.  Le  premier  est  intitulé  :  Le  chris- 
tianisme dans  les  pays  du  Rhin  pendant  la  domination  romaine.  Voici 
la  thèse  soutenue  :  Le  christianisme  s'est  développé  assez  tard,  parce  que 
les  circonstances  lui  étaient  défavorables;  les  habitants  des  campagnes  con- 
tinuaient de  parler  le  celtique,  et  la  nouvelle  religion  n'était  prêchée  qu'en 
latin  ;  le  culte  national  des  druides  avait  toujours  de  fervents  adeptes  ;  la 
misère  matérielle  était  trop  grande  pour  qu'on  pût  songer  aux  choses  de 
l'âme;  les  lettrés  étaient  trop  frivoles,  et  trop  incrédules  pour  ouvrir 
leurs  oreilles  à  des  dogmes.  11  y  eut  pourtant,  après  Constantin,  d'im- 
portantes communautés  dans  certaines  villes,  surtout  à  Trêves;  mais, 
en  somme,  au  début  du  v^  siècle,  l'œuvre  de  conversion  n'était  pas  ac- 
complie et  l'Eglise  n'était  pas  encore  organisée.  Nous  sommes  obligé  de 
nous  inscrire  en  faux  contre  cette  thèse.  Sans  doute  nous  ne  croyons  pas 
à  l'apostolicité  des  Églises  de  la  Gaule  ;  mais  nous  pensons  que  l'auteur 
exagère  l'échec  du  christianisme  sur  les  rives  du  Rhin  et  quelques-unes 
des  raisons  qu'il  nous  donne  pour  l'expliquer  sont  mauvaises.  M.  H. 
s'imagine  à  tort  que  la  langue  celtique  était  la  langue  courante  dans  le 
voisinage  de  Trêves  ;  quelques-uns  des  textes  qu'il  cite  ont  été  bien  mieux 
interprétés  par  M.  Fustel  de  Goulanges  (voir  surtout  pour  le  celtice  aut 
gallice  loquaris,  dans  le  dialogue  deSulpice  Sévère:  Histoire  des  insti- 
tutions politiques,  I,  69).  Les  druidesses  dont  parlent  Lampride  et  Vo- 
piscus  sont  de  vulgaires  sorcières,  comme  il  y  en  a  en  tous  temps;  depuis 
longtemps,  les  vrais  druides  avaient  disparu  (voir  les  travaux  de 
MM.  Fustel  de  Goulanges  et  d'Arbois  de  Jubainville  dans  la  Revue  cri- 
tique). Nous  devons  surtout  mettre  en  garde  contre  la  façon  suivante  de 
raisonner  :  «  Quand  Martin  devint  évêque,  écrit  M.  H.,  p.  3  3,  lepaga-y 
nisme  régnait  chez  la  population  rurale  celte,  dans  le  voisinage  de  Tours., 
il  faut  donc  bien  admettre  que,  sur  les  bords  du  Rhin,  le  christianismt 
avait  alors  à  peine  dépassé  les  murs  de  la  ville.  »  Nous  ne  saurions  assezî 
rappeler  que  les  régions  du  Rhin,  séjour  ordinaire  des  légions,  avaient 
subi  l'influence  romaine  beaucoup  plus  vite  et  de  façon  bien  plus  pro-  i 
fonde  que  les  pays'du  centre  de  la  France;  il  est  téméraire  de  conclure, 
ce  qui  se  passait  à  Cologne  et  à  Trêves  de  ce  q  ui  avait  lieu  à  Tours  ou 
Chartres. 

Mais  quelles  étaient  les  idées  de  ces  chrétiens  gaulois,  encore  assez  peu 
nombreux  sur  les  bords  du  Rhin?  M.  H.  montre  avec  raison  qu'ilsj 
étaient  demeurés  très  orthodoxes  et  pleins  de  déférence  pour  le  pontifei 


I 


d'histoire  et  de  littérature  3x9 

de  Rome.  Au  début  du  iv''  siècle,  ils  se  prononcent  contre  les  donatistes  ; 
un  peu  plus  tard,  ils  sont  les  énergiques  adversaires  des  ariens;  ils  res- 
tent très  unis;  pourtant,  à  la  fin  du  siècle,  deux  tendances,  que  l'écri- 
vain a  saisies  de  façon  très  fine,  se  manifestent  chez  eux  :  les  uns,  avec 
saint  Martin  à  leur  tête,  sont  des  ascètes,  voulant  renoncer  à  toutes  les 
affaires  du  monde;  les  autres,  au  contraire,  recherchent  les  dignités  ter- 
restres et  blâment  les  excès  des  ascètes.  Ceux-ci  sont  battus;  mais  le 
clergé  tomba  dans  toutes  sortes  de  vices.  M.  H.  fait  de  lui  un  tableau 
très  sombre,  dont  il  emprunte  les  principaux  traits  à  Salvien  :  à  notre 
avis,  on  ne  devrait  se  servir  de  cet  écrivain  qu'avec  une  grande  méfiance; 
c'est  un  déclamateur  qui  exagère  tout.  Je  ne  pense  pourtant  pas  que  plus 
tard  M.  H.  se  serve  de  certain  traité  de  Pierre  Damien,  pour  juger  les 
moeurs  des  moines  au  xi®  siècle. 

Tel  était  le  clergé  avant  les  invasions.  Le  second  livre  nous  décrit 
l'Église  nationale  franque.  M.  H.  nous  expose  comment  les  Alam- 
mans,  les  Burgondes  et  les  Francs  se  sont  fixés  en  Gaule.  Les  premiers 
sont  restés  païens;  les  seconds,  établis  autour  de  Worms..  sont  devenus 
chrétiens  orthodoxes  pour  embrasser  plus  tard,  en  Savoie,  l'arianisme; 
les  derniers  suivent  la  voie  que  leur  trace  Clodovech  et  se  font  baptiser. 
Dans  ce  chapitre  Fauteur  témoigne  d'une  remarquable  connaissance  de 
rhistoire  générale;  sur  certains  points,  il  arrive  même  à  des  résultats 
nouveaux  et  dépasse  le  livre  de  Junghans.  Nous  citerons  sa  discussion 
sur  la  manière  dont  Clodovech  s'est  converti  (p.  io8,  n°  2).  Le  portrait 
qu'il  trace  de  ce  prince  est  supérieur  à  tous  ceux  qu'on  a  esquissés  jus- 
qu'à présent. 

La  Gaule  est  conquise  par  les  Francs  devenus  chrétiens.  Quels  seront 

les  rapports  de  l'Église  et  du  nouvel  État?  M.  H.  traite  cette  question 
avec  une  grande  supériorité.  L'influence  de  l'évêque  sur  les  affaires 
publiques  est  considérable  ^  ;  il  accomplit  les  fonctions  que  néglige 
l'État,  construisant  des  routes  et  des  digues,  prenant  des  mesures 
sanitaires,  organisant  l'assistance  des  pauvres.  L'Eglise  s'enrichit 
par  les  dons  considérables  que  lui  font  les  rois  et  les  particuliers;  dans 
certains  districts,  elle  touche  la  dîme;  les  souverains  lui  confèrent  sou- 
vent pour  ses  biens  l'immunité  (ce  dernier  point  toutefois  n'a  pas  été 
traité  avec  le  développement  nécessaire).  Pourtant,  malgré  cette  puis- 
sance, l'Église  vit  d'ordinaire  en  bons  rapports  avec  l'État;  c'est  que  les 
rois  nomment  les  évêques,  et  M.  H.  reprend  ici  les  conclusions  de  sa 
brochure  :  Die  Bischofswahlen  iinter  den  Merovingern;  c'est  aussi  que 
les  évêques  ne  vont  chercher  aucun  mot  d'ordre  au  dehors.  Depuis  les 

I.  M.  Hauck  soutient  que  les  évêques  étaient  en  général  gallo-romains,  tandis  que 
beaucoup  de  Germains  étaient  entrés  dans  les  rangs  du  bas-clergé.  Le  fait  est  possi- 
ble; mais  la  preuve  sur  laquelle  il  s'appuie  ne  vaut  rien.  On  ne  saurait  tirer  des 
noms  propres  mérovingiens  aucune  conclusion  sur  la  race  de  ceux  qui  les  portent. 
L'auteur  le  reconnaît  lui-même  plus  loin,  p.  164,  n.  7.  Voir  des  exemples  plus 
nombreux  cités  par  M.  Fustel  de  Coulanges,  De  l'analyse  des  textes  historiques, 
p.  12  et  i3. 


320  REVUE    CRITIQUE 

invasions,  le  pontife  de  Rome  ne  jouit  en  Gaule  d'aucun  pouvoir  effectif. 

Dans  le  chapitre  suivant,  l'écrivain  recherche  quelle  était  la  situation 
morale  et  relii^ieuse  à  Pépoque  mérovingienne.  Il  avait  peint  un  tableau 
très  sombre  de  TÉglise  au  début  du  v''  siècle;  nous  nous  figurions  qu'il 
allait  soutenir  plus  tard  cette  opinion  :  l'Eglise  romaine  corrompue  a  été 
régénérée  par  les  Francs.  Une  Ta  pas  fait  et  avec  raison.  Au  contraire,  il 
nous  montre  combien  la  moralité  était  basse  chez  les  Francs  :  partout  des 
meurtres,  de  l'ivrognerie,  des  adultères,  la  soif  ardente  de  l'or.  Toute 
cette  partie  est  un  peu  banale;  en  iSS6,  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes, 
M.  Lavisse  avait  tracé  des  Mérovingiens  un  portrait  bien  plus  vivant. 
Mais  M.  H,  reprend  ses  avantages,  lorsqu'il  nous  montre,  au  milieu  de 
cette  immoralité  extrême,  des  traces  d'un  sentiment  religieux  sincère. 
Les  Francs  sont  fiers  d'être  chrétiens  orthodoxes,  les  églises  regorgent  de 
fidèles;  Ton  croit  à  l'intervention  de  Dieu  en  ce  monde,  à  Fefïicacité  de 
la  prière,  à  la  Providence,'  aux  miracles,  à  la  vertu  des  reliques.  Au 
iv^  siècle,  Ausone  se  demandait  s'il  avait  une  âme  immortelle;  au 
vie  siccî.  une  telle  question  aurait  paru  impie.  L'on  croit  au  châtiment 
dans  un  autre  monde.  Cette  analyse  très  fine  fait  honneur  à  la  perspi- 
cacité de  l'historien. 

Le  monachisme  va  donner  une  force  nouvelle  à  ces  idées  religieuses. 
M.  H,  nous  expose  la  vie  de  saint  Golomban  et  l'importance  de  son 
oeuvre.  Il  écarte  avec  raison  les  singulières  idées  émises  jadis  par  Ebrard 
(Die  irO'Schottische  Missionskirche)  et  il  nous  donne  de  la  règle  du 
moine  irlandais  une  appréciation  profonde;  un  idéalisme  élevé  y  est  en 
opposition  avec  une  sévérité  trop  grande:  la  moindre  des  fautes  est 
punie  de  coups  de  bâton.  Puis  l'auteur  nous  décrit  le  magnifique  essor 
de  la  vie  monastique  et  énumère  les  monastères  qui  jjartout  sortirent  du 
sol  au  début  du  vu^  siècle.  Golomban  n'a  pas  seulement  eu  la  gloire  de 
restaurer  le  monachisme;  grâce  à  Luxeuil,  sa  fondation  principale,  l'on 
a  repris  l'œuvre  de  la  conversion  des  païens  au  nord  de  la  Gaule 
et  au-delà  du  Rhin.  Et  M.  H.  nous  raconte  l'apostolat  des  saints 
Amand,  Remacle,  Éloi  dans  les  contrées  de  l'Escaut  et  de  la  Meuse, 
celui  des  saints  Gall,  Fridolin,  Trudpert  et  Pirmin  chez  les  Alammans, 
Après  avoir  décrit  quelle  était  sous  la  domination  romaine  la  situation 
religieuse  des  pays  à  l'est  du  Lech,  il  montre  comment  Rupert,  à  la  fin  du 
vue  siècle,  donna,  par  la  création  de  l'archevêché  de  Salzbourg,  une 
nouvelle  organisation  à  ces  provinces,  devenues  bavaroises;  enfin  il  | 
nous  dit  que  des  semences  de  christianisme  sont  jetées  dans  les  champs 
de  la  Thuringe. 

L'Eglise  mérovingienne,  en  multipliant  les  monastères,  en  commen- 
çant la  conversion  des  païens,  a  ainsi  rendu  de  grands  services  au  chris- 
tianisme. Mais  cette  Église  va  tomber  dans  une  profonde  décadence. 
Les  faibles  rois  qui  succèdent  à  Dagobert  sont  impuissants  à  la  proté- 
ger; les  grands  s'emparent  des  évêchés  ;  ils  pillent  les  biens  ecclésiasti- 
ques;  Charles  Martel  les  donne  en  précaire  à  ses  leudes;  les  synodes 


d'histoire  et  de  littérature  321 

cessent  d'être  réunis,  tout  lien  est  rompu  entre  le  métropolitain  et  les 
prélats.  Une  réforme  est  nécessaire;  cette  réforme  sera  l'œuvre  de 
Boniface. 

Le  troisième  livre  est  consacré  à  la  vie  et  à  la  mission  de  Boniface. 
Les  faits  sont  fort  bien  placés  en  lumière.  M.  H.  a  mis  à  profit  les 
travaux  de  Mûller,  Pfahler,  Werner,  Scherer,  Hahn.  Mais  souvent  il  a 
vu  plus  juste  que  ses  devanciers;  il  a  mieux  compris  l'importance  de 
certains  événements.  Ainsi  il  montre  fort  bien  quelle  chose  extraordi- 
naire fut  l'ordination  épiscopale  de  Wynfrith  à  Rome,  le  3o  novem- 
|-  bre  722.  Pour  ia  première  fois,  le  pontife  de  Rome  nommait  un  prélat 
d'au-delà  des  Alpes  comme  il  nommait  le  pontife  de  Tivoli.  C'est  le 
début  d'une  grande  révolution.  Boniface  va  chercher  à  mettre  PEglise 
I  franque,  jusqu'à  présent  indépendante,  aux  pieds  du  Saint-Siège.  Il  est 
un  second  mérite  qu'on  doit  reconnaître  à  M.  H.  11  a  tracé  de 
Boniface  un  portrait  plus  fidèle  que  la  plupart  des  autres  historiens. 
M.  Lavisse,  dans  la  Ret)ue  des  Deux-Mondes^  a  abordé  le  même  sujet; 
le  portrait  qu'il  donne  est  bien  vivant,  mais  c'est  presque  une  carica- 
ture; M.  H.  a  mis  davantage  en  relief  l'activité  prodigieuse  de  ce 
mystique,  son  génie  d'organisateur,  sa  conduite  noble  et  élevée,  son 
grand  talent  et  son  caractère  supérieur  à  son  talent. 

Nous  avons  donné  une  analyse  complète  de  ce  beau  livre.  Naturelle- 
ment, il  est  échappé  à  l'auteur  un  certain  nombre  de  fautes  de  détail. 
Voici  les  principales  de  celles  que  nous  avons  relevées.  L'auteur  écrit 
d'ordinaire  la  ville  de  Maçon  au  lieu  de  la  ville  de  Mâcon  ;  la  bataille 
de  Tertri  an  lieu  de  la  bataille  de  Testri  ;  l'abbaye  de  Saint-Trou  au 
lieu  de  l'abbaye  de  Saint-Trond  (p.  281).  Il  met  Samson  de  Dole  an 
lieu  de  Samson  de  Dol  en  Bretagne  (p.  187,  n.)  ;  il  écrit,  p.  1 73,  le  meur- 
tre des  enfants  de  Caribert,  lisez  Clodomir.  Il  attribue  encore,  p.  3o5, 
n.  3)  à  Erkambald  le  catalogue  des  évêques  de  Strasbourg,  quoique 
l'erreui  ait  été  réfutée  par  Engelhard,  Archiv.  VI,  p.  458.  P.  3i6,  il 
fait  à  tort  del'évêque  de  Strasbourg  Heddon  le  petit-fils  d'Ettichon,duc 
d'Alsace.  Il  admet  l'authenticité  du  diplôme  d'Eberhard,  comte  d'Alsace, 
publié  par  Pardessus  11,355  et  daté  de  728;  mais  la  pièce  a  été  inventée; 
par  suite,  son  histoire  des  origines  de  Murbach  devra  être  modifiée 
(p.  317).  Un  reproche  plus  grave,  c'est  qu'il  ignore  les  travaux  français. 
Il  ne  cite  guère  que  Havet  qui  a  démontré  dans  ses  Questions  méroviu' 
giennes  la  fausseté  de  la  lettre  du  pape  Anastase  à  Glodovech.  Mais 
il  ne  connaît  cette  conclusion  que  de  seconde  main.  S'il  avait  lu 
l'ouvrage  cité,  il  n'attacherait  plus  aucune  importance  à  la  vita  Ottiliae, 
publiée  par  Jérôme  Vignier  et  reproduite  par  Grandidier  (p.  281,  n.  3). 

Ces  taches  sont  légères.  Le  livre  n'en  reste  pas  moins  l'un  des  plus 
remarquables  qui  aient  paru  ces  derniers  temps  en  Allemagne;  il  mérite 
cet  éloge  par  la  hardiesse  de  l'entreprise,  parla  sûreté  de  l'érudition,  par 
la  netteté  de  l'exposition.  M.  Hauck  est  un  véritable  historien;  il 
domine  les  faits  et  sait  en  dégager  des  portraits  et  des  idées. 

Gh.  Pfister. 


322  REVUE    CRITIQUE 

487.  —  Snlusto  «Im  Rstrtns.  Choix  de  poésies  françaises  et  gasconnes  avec  notice 
biographique  et  noies  liticraircs,  par  Olivier  de  Gouuguff  et  Paul  Bénétrix, 
Portrait  et  armes  de  Du  Bartas.  Auch,  J.  Capin,  iSyo,  in-8  de  66  p. 

Plaquette  fort  curieuse  et  que  je  recommande  chaudement -aux  amis 
du  xvie  siècle.  On  y  trouve  beaucoup  de  choses  et,  sur  le  nombre,  pas 
mal  de  choses  nouvelles.  L'énumération  qui  va  suivre  en  dira  plus  que 
tout  éloge  :  1°  reproduction  d'un  portrait  sur  bois  de  Du  Bartas,  placé 
en  tête  de  la  traduction  anglaise  de  ses  œuvres  par  Joshua  Sylvester,  de 
la  fin  du  xvi*^  siècle  1,  avec  accompagnement  d'un  quatrain  en  langue 
française  dont  Je  ne  citerai  que  le  dernier  vers  ;  «  Il  s'est  peint  le  dedans 
dans  son  divin  volume  »;  2°  une  notice  biographique  par  Paul  Béné- 
trix;  3°  une  lettre  écrite  à  ce  dernier  par  M.  Paul  Parfouru,  archiviste 
du  département  du  Gers,  lettre  très  importante  où  sont  condensés  des 
renseignements  inédits  qui,  comme  le  dit  M.  Bénétrix  (p.  6)  «  éclairent 
d^un  Jour  nouveau  Texistence  de  l'illustre  poète  et  la  situation  de  sa  fa- 
mille 2  »  ;  une  notice  littéraire^  par  M.  Olivier  de  Gourcuff,  laquelle  n'a 
qu'un  tort,  le  tort  de  se  composer  de  deux  pages  seulement;  5°  divers 
fragments  des  œuvres  du  poète,  VUranie  ou  Muse  céleste^  l'hymne  de 
la  paix,  les  neiif  Muses  Pyrénées  présentées  par  Guillaume  de  Saluste, 
sieur  Du  Bartas,  au  Roy  de  Navarre^  le  Poème  dressé  par  G.  de  Sa- 
luste pour  V  accueil  de  la  Reyne  de  Navarre  faisant  son  entrée  à  Nérac, 
auquel  trois  nymphes  débattent  qui  aura  l'honneur  de  saluer  sa  Majesté, 
sonnet  gascon  sur  Vamour  [qui  nous  a  été  conservé  par  Pierre  de  Brach], 
Description  du  jardin  d'Eden,  portrait  de  la  reine  Elisabeth  d'Angle- 
terre, Vœux  du  poète  ;  6°  Armoiries  de  Saluste  Du  Bartas  (d'après  un 
tableau  retrouvé  au  château  Du  Bartas,  par  le  baron  de  Frère  de  Peyre- 
cave  ;  7°  Signature  [de  Salluste]  du  poète,  calquée  sur  un  acte  du 
8  mars  ibji  dans  les  minutes  de  G.  Vignaux,  notaire  du  Puycasquier, 
déposées  aux  archives  départementales  du  Gers;  8"  Testament  de  Saluste 
Du  Bartas,  publié  par  l'archiviste  P.  Parfouru  3;  go  Essai  bibliogra- 
phique par  Bénétrix. 

1.  Si  ce  portrait  est  authentique,  il  est  infiniment  précieux,  car  c'est  le  seul  qui  nous 
ferait  connaître  les  traits  du  poète  gascon.  J'ai  vainement  cherché  dans  nos  collections    | 
françaises  la  moindre  image  de  Du  Bartas. 

2.  M.  Parfouru  établit  contre  Guillaume  CoUetet  et  tous  les  autres  biographes,  que 
la  famille  de  Saluste  Du  Bartas  n'était  pas  noble  et  que  le  père  du  poète  était  un  sim-  | 
pie  bourgeois,  exerçant  la  profession  de  marchand  à  Monfort.  Les  documents  analy- 
sés par  l'excellent  paléographe  nous  révèlent  la  nom  du  grand-père  dudit  poète,  Guil- 
laume ou  plutôt  Guillem  (forme  gasconne  autrefois  très  usitée)  :  Giiillem  Salustre 
(sic  et  non  Saluste  ou  Salluste)  était  lui  aussi  marchand  à  Monfort.  Le  poète  sup-  d 
prima  1'/^  dans  sa  signature  pendant  que  les  notaires  continuaient  à  écrire  son  nom  'j 
avec  celte  lettre. 

3.  M.  Parfouru  fait  précéder  cette  pièce  (p. 557)  des  observations  que  voici  :  «  Le  tes-   Il 
tament  de  Du  Bartas  a  déjà  été  publié,  en   1S64,  par  M.  Bladé,  dans  la  Revue  d'Aqui- 
taine, t.  VIII,  p.  3(j2,  avec  tirage  à  part.  Mais  cette  première  édition  renferme  plu- 
sieurs fautes  de  lecture,  qui  nuisent  un  peu  à  l'intelligence  de  ce  curieux  document. 
C'est  pour  faire  disparaître  ces  fautes,  —  qui  n'échapperaient  certainement  plus  aujour- 
d'hui à  l'éminent  et  savant  correspondant  de  l'Institut,  —  que  je  donne  cette  nou- 


OHISTOIRK    ET    DK    LITTÉRATURE  323 

La  plaquette,  qui  s'est  beaucoup  vendue  en  Gascogne  à  l'occasion  des 
fêtes  de  l'inauguration,  à  Auch,  par  les  Félibres  et  Cigaliers,  du  buste 
de  l'auteur  de  la  Sepmaine  {Vombre  deGœthe  a  dû  en  tressaillir  d'aise!), 
aura  bientôt  une  nouvelle  édition.  Je  voudrais  que  l'Essai  bibliogra- 
phique y  fût  plus  développé,  que  l'anthologie  bartassienne  s'y  enrichît 
de  quelques  extraits  du  rare  recueil  de  iSyS  '  et  qu'enfin  quelques  notes 
y  fussent  retouchées  '.  Après  ces  modifications,  le  recueil  de  MM.  O.  de 
Gourcufif  et  P.  Bénétrix  mériterait  d'être  le  petit  manuel  de  tous  les  amis 
de  celui  qui  fut  jadis  surnommé  le  prince  des  poètes  français. 

T.  DE  L. 


48S.  —  Des    Rusticius    Helpidius    Gedicht    de   Cliristi  lesu  beneflclia, 

kriiischer  Text  u.  Kommentar  von  Oberlehrer  D'  Wilhelm  Brandes  (Wissenschah- 
liche  Beilage  zu  dem  Programm  des  Gymnasiums  Martino-Catharineum  in 
Braunschweig).  Braunschweig,  H.  Meyer,  1890,  i5  pp.  in-4. 

En  1887,  M.  Brandes  a  publié,  sous  forme  de  programme,  la  pièce 
anonyme  Laudes  Domini.  Cette  fois-ci,  c'est  le  de  Christi  lesu  benejîciis 
qu'il  soumet  à  la  critique  avant  de  l'éditer  dans  le  prochain  volume 
des  Poetae  christiani  latini  minores  du  Corpus  de  Vienne.  La  tâche 
était  d'autant  plus  difficile  que  le  ms.  de  ce  morceau  est  perdu  depuis 
que  Fabricius  l'a  fait  connaître  pour  la  première  fois.  M.  Brandes  s'en 
est  tiré  avec  honneur.  Il  a  d'autant  plus  de  mérite  que  toute  base  solide 
manque  à  la  critique,  que  l'œuvre  de  Rusticius  est  fort  mal  écrite  et 
qu'on  est  exposé  à  chaque  instant  à  corriger  l'auteur  et  non  ses  copistes 
ou  le  négligent  Fabricius.  Ceux  qui  ont  assez  de  philanthropie  pour  se 
vouer  à  de  pareilles  besognes  et  assez  de  bonheur  pour  trouver  la  mesure 
convenable  de  prudence  et  de  hardiesse,  méritent  toute  notre  reconnais- 
sance. 

P.-A.  L. 

velle  transcription.  »  M,  Paifouru  dit  (p.  58)  sous  cette  phrase  :  «  40  escus  d'or  pour 
estre  employés  en  usages  preces)  »:  —  «  Je  ne  comprends  pas  ce  mot.  Peut-être  faut-il 
Vire  prévus,  comme  l'a  fait  M.  Bladé.  »  Je  proposerais  une  autre  lecture,  et,  dans  le  mot 
preces,  je  retrouverais  le  mot  précis  :  en  usages  précis,  déterminés. 

i.La  Muse  clirestienne  [Bordeaux,  Simon  Miilanges,  in-40).  J'ai  appelé,  dès  1866, 
l'attention  sur  ce  recueil  si  peu  connu  et  dont  plusieurs  pièces  n'ont  pas  été  réimpri- 
mées dans  les  nombreuses  éditions  des  œuvres  complètes.  Voir  Vies  des  poètes  gas- 
cons par  Guillaume  Colletet  .Auch  et  Paris,  grand  in-8°,  p.  85-86). 

2.  Par  exemple  (p.  39),  la  note  2,  à  propos  du  roc  de  Tarascon  :  «  On  peut  voir  là,  à 
travers  une  imagination  nourrie  de  souvenirs  mythologiques,  une  allusion  à  la  Taras- 
que,  qui  ravagea  les  bords  du  Rhône,  etc.  »  Mais  pas  du  tout!  U  ne  s'agit  ici  d'au- 
cune légende  provençale  :  nous  sommes  à  Tarascon,  dans  l'Ariège,  ce  que  précise  le 
poète  en  parlant  des  «  montagnes  de  Foix  ». 


324  REVUE   CRITIQUE   d'hiSTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE 

ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  3i  octobre  i8go. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  M.  Renan  présente  à  l'Académie  un  opuscule 
de  S.  M.  l'empereur  du  Brésil,  offert  par  lui  l'été  dernier  au  lycée  Stanislas  à 
Cannes,  à  propos  de  la  distribution  des  prix.  «  Ce  sont,  dit  M.  Renan,  des  sentences 
hébraïques,  arabes,  sanscrites,  persanes;  d'autres  sont  des  pensées  pleines  d'éléva- 
tion, de  S.  M.  l'empereur  lui-même.  Toutes  ces  maximes,  écrites  de  la  main  de 
S.  M.  l'empereur,  et  remarquablement  autographiées,  sont  relatives  à  l'instruction, 
à  la  culture  intellectuelle,  à  tout  ce  qui  fait  la  valeur  réelle  de  l'homme.  L'Académie 
sera  sans  doute  profondément  touchée  de  ce  beau  cadeau.  » 

M.  Schefer,  président,  annonce  que  l'Académie  a  décidé  de  maintenir  au  concours, 
pour  le  prix  Bordin  à  décerner  en  1894,  la  question  relative  à  la  langue  berbère,  en 
réduisant  le  programme  de  cette  question  à  ces  mots  :  Etude  sur  les  dialectes  ber- 
bères. 

M.  Delisle  présente  le  Catalogue  raisonné  de  la  collection  de  deniers  mérovingiens 
de  la  trouvaille  de  Cimie:^,  rédigé  par  feu  M.  Arnold  Morel-Fatio  (qui  était  proprié- 
taire de  cette  collection  et  qui  en  a  fait  don  à  la  Bibliothèque  nationale),  publié  par 
M.  Chabouillet,  et  V Inventaire  sommaire  des  monnaies  mérovingiennes  de  la  collec- 
tion d'Amécourt  acquises  par  la  Bibliothèque  nationale,  rédigé  par  M.  Maurice  Prou. 

M.  Deloche,  à  propos  de  cette  dernière  présentation,  propose  de  voter  des  remer- 
ciements à  M.  Delisle  pour  le  zèle  qu'il  a  mis  à  assurer  à  la  collection  nationale  du 
(>abinet  des  médailles  l'acquisition  de  la  collection  de  M.  le  vicomte  de  Ponton 
d'Amécourt. 

L'Académie  adopte  par  acclamation  la  proposition  de  M.  Deloche. 

M.  Paul  Meyer  communique  des  détails  sur  un  manuscrit  de  la  cathédrale  de 
Durham,  qui  renferme  un  recueil  d'histoires  édifiantes,  composé,  dans  la  seconde 
moitié  du  xiii'^  siècle,  par  un  franciscain  anglais  ou  irlandais.  Les  récits  de  faits 
miraculeux  y  abondent.  Plusieurs  de  ces  faits  sont  donnés  par  l'auteur  comme  récents 
et  garantis  par  le  témoignage  de  tels  ou  tels  de  ses  contemporains.  Parmi  ceux-ci,  il 
nomme  des  personnages  dont  le  nom  est  resté  dans  les  lettres  ou  dans  l'histoire, 
tels  que  saint  Bonaventure,  Roger  Bacon,  Thomas  O'Quin,  évêque  de  Clonmacnois, 
et  Albert,  archevêque  d'Armagh. 

M.  René  de  la  Blanchère  met  sous  les  yeux  des  membres  de  l'Académie  un  dip- 
tyque de  plomb  qui  a  été  trouvé  dans  les  fouilles  exécutées  par  le  service  beylical 
tunisien  des  antiquités  et  des  arts,  à  Sousse  (Hadrumète),  sous  la  direction  de 
M.  Doublet.  Ce  monument,  qui  renferme,  dit  M.  de  la  Blanchère,  une  figure  de 
Vénus  et  l'Amour  d'un  caractère  tout  particulier,  semble  jusqu'à  présent  unique. 

M.  Oppert  communique  l'analyse  d'un  contrat  babylonien,  daté  du  i4ador  de  l'an 
42  de  Nabuchodonosor  tfévrier-mars  562  avant  notre  ère)  et  relatif  à  deux  esclaves 
donnés  en  gage  pour  une  dette.  Ces  deux  esclaves  sont  une  mère  et  son  fils,  la  pre- 
mière appelée  Alihat-abisu  (littéralement»  sœur  de  son  père  »,  c'est-à-dire  ressem- 
blant à  son  père},  l'autre  Barachiel.  Leur  maîtresse,  Gagâ,  se  réserve  le  droit  de  gar- 
der chez  elle  le  jeune  garçon  qu'elle  assigne  en  gage  à  son  créancier  et  ne  livre  à 
celui-ci  que  la  mère;  elle  s'oblige,  par  compensation,  à  fournir  chaque  année  une 
robe  pour  l'habillement  de  celle-ci. 

M.  Viollet  signale  l'intérêt  d'une  ordonnance  royale,  inédite  et  inconnue  jusqu'ici, 
en  date  de  février  i358,  qui  fut  rendue  sur  la  demande  des  Etats  généraux  des  pays 
de  langue  d'oïl,  alors  assemblés  à  Paris.  Le  texte  en  a  été  retrouvé  par  M.  Viollet  aux 
archives  de  la  ville  de  Tours.  Par  cet  acte,  le  dauphin  Charles,  régent,  révoque  tou- 
tes les  concessions  faites  jusqu'alors  aux  Etats  particuliers  des  diverses  provinces  du 
royaume. 

Ouvrages  présentés  (outre  ceux  qui  ont  été  mentionnés  ci-dessus)  :  —  par  M.  Bar- 
bier de  Meynard  :  Basset  (René>,  Documents  musulmans  sur  le  siège  d'Alger  en 
i54t  ;  —  par  M.  de  Boislisle  :  Tamizey  de  Larroque  (Ph.),  Hercule  d'Argillemoni 
(extrait  des  Actes  de  l'Académie  nationale  de  Bordeaux  ;  —  par  M.  Paul  Meyer  : 
Annales  du  Midi,  dirigées  par  Antoine  Thomas,  tome  IL 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


I.e  fuy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE     LITTÉRATURE 

N"  46  —  17  novembre  —  1890 


Sommaire  x  489.  Thibaut  et  Sudhakara  Dvivedi,  La  Pancasiddhantika.  —  490' 
Fleet,  Recueil  des  inscripiions  de  l'Inde,  III.  —  491-492.  Christ,  Platon.  —  49-^- 
Urbini,  La  patrie  de  Properce. —  494-  Catulle,  p.  p.  Em.  Thomas.  —  495.  Corssen, 
L'Altercatio  de  Simon  et  de  Théophile.  —  496-497.  Corréard,  Histoire  de  l'Eu- 
rope et  de  la  France.  — "^g^-  Camus,  Les  manuscrits  français  de  la  bibliothèque 
d'Esté.  —  499-  Saint-Bris,  L'empire  d'Amaraca.  —  boo.  Turba,  L'expédition  de 
Charles-Q.uint  contre  Alger. —  Soi.  Prou,  Peiresc  et  la  numismatique  mérovin- 
gienne. —  5o2  La  Bruyère,  p.  p.  Servois  et  Rebelliau.  —  5o3.  Habasque,  Le 
dernier  duc  d'Aquitaine,  Xavier  de  France.  —  Chronique.  —  Académie  des 
Inscriptions. 


489.  —  G.  Thibaut  et  Mabâmahopâdhyâya  Sudhakara  Dvivedî  :  Tlie  l»anclia- 
sicldliàntîkà,  the  Astronomical  Work  of  Varâha  Mihira.  The  Text,  edited  with 
an  Original  Commentary  in  Sanskrit  and  an  English  Translation  and  Introduction. 
Printed  by  E.  J.  Lazarus  and  Co,,  at  the  Médical  Hall  Press,  Benares,  188g. — 
LXI-61-1  io-io5  pp.  in-4. 

Les  indianistes  n'ont  ceitainement  pas  oublié  le  beau  mémoire  dans 
lequel  M.  Thibaut  a  communiqué  les  premiers  résultats  de  ses  études 
sur  la  Pancasiddhantika  dQ  Varâha  '  Mihira.  Depuis  VAryabhaiiya  de 
M.  Kern  2,  il  n'avait  rien  été  publié  d'aussi  important  pour  l'histoire  de 
Tastronomie  hindoue.  Ici,  c'est  le  texte  même  de  ce  curieux  traité  que 
nous  donnent  M.  T.  et  son  savant  collaborateur,  le  pandit  Sudha- 
kara Dvivedî.  La  Pancasiddhantika  est  un  karana,  un  manuel  pratique 
d'astronomie  ou  plutôt  de  comput.  Elle  n'offre  donc  pas  cet  intérêt  va- 
rié, s'étendant  à  toutes  les  branches  de  l'archéologie,  qui  fait  la  valeur 
pour  nous  de  la  Brihatsamhita  du  même  auteur.  Mais  elle  en  présente 
un  autre  qui,  pour  être  concentré  sur  un  seul  point,  n'est  pas  moindre 
pour  l'historien.  Comme  l'indique  le  titre  du  traité,  Varâha  Mihira  y  a 
résumé  les  données  et  la  doctrine  de  cinq  siddhdntas,  probablement  ceux 
qui  faisaient  autorité  de  son  temps,  le  Vâsish/ha,  le  Romaka,  le  Pau- 
liça,  qui  sont  perdus,  le  Paitàmahaou  Brâhma,  qui  doit  être  également 
considéré  comme  tel,  tant  la  tradition  dont  il  a  été  le  germe,  a  été  rema- 
niée et  amplifiée  avant  de  nous  parvenir,  enfin  le  Sûryasiddhânta,  que 
nous  possédons,  mais  dans  une  recension  sensiblement  différente  de 
celle  que  Varâha  Mihira  a  connue.  Ces  textes  qui  représentaient  l'infil- 
tration graduelle,  dans  l'Inde,  de  l'astronomie  grecque,  sont  soumis  ici 
par  Varâha  Mihira  à  une  étude  comparative  bien  sommaire  et  plus  faite, 
la  plupart  du  temps,  pour  éveiller  notre  curiosité  que  pour  la  satisfaire. 


1.  Joiint.  of  the  Asiatic  Soc.  of  Bengal,  LUI  (1884^  p.  259  et  s. 

2.  Cf.  Rev.  dit.  du  17  avril  1875. 

Nouvelle  série,  XXX.  46 


320  REVUE    CRITIQUE 

mais  qui,  malgré  toutes  ses  lacunes  et  ses  imperfections,  n'en  est  pas  moins 
la  seule  qui  nous  soit  parvenue.  Et  ce  n'est  pas  seulement  à  ce  titre 
qu'elle  est  unique.  Varàha  Mihira,  en  dépouillant  ces  textes,  ne  choisit 
pas,  comme  l'ont  fait  ses  successeurs,  l'un  d'eux  pour  en  faire  une  auto- 
rité révélée  et  infaillible  :  il  les  apprécie  librement  et  lui,  qui,  dans  ses 
autres  ouvrages,  nous  apparaît  comme  le  plus  crédule  des  hommes, 
fait  ici  œuvre  de  critique. 

Malheureusement  ce  traité  qui,  à  tant  d'égards,  est  hors  de  pair  dans 
la  littérature  scientifique  de  l'Inde,  nous  est  parvenu  dans  un  état  très 
peu  satisfaisant.  On  n'en  connaît  jusqu'ici  que  deux  manuscrits,  sans 
commentaire,  tous  deux    découverts  par  M,  Blihler  et  acquis  par  lui 
pour  le  gouvernement  de  Bombay  (1876  et   1880).  Les  enquêtes  ulté- 
rieures n'ont  rien  ajouté  à  ces  matériaux,  dont  les  éditeurs  ont  dû  se 
contenter,  sous  peine  de  différer  indéfiniment  la  publication  d'un  texte 
qui,  même  dans  un  état  imparfait,  est  un  document  de  premier  ordre. 
Les  citations  de  la  Paficasiddhântikâqui  sont  éparses  dans  la  littérature 
astronomique  et  qu'ils  ont  recueillies  avec  le  plus  grand  soin,  leur  ont 
fourni  un  supplément  d'informations.  Mais,  même  avec  ce  secours,  il 
leur  a  été  impossible  de  produire  une  édition  proprement  dite.  Au  lieu 
de  se  buter  contre  la  difficulté,  ils  l'ont  tournée.  Avec  un  heureux  mé- 
lange de  prudence  et  d'audace,  ils  ont  publié  un  double  texte,  l'un  di- 
plomatique, l'autre  restauré.  Chaque  page  est  divisée  en  deux  colonnes. 
Dans  celle  de  gauche,  ils  ont  fidèlement  reproduit  le  meilleur  des  deux 
manuscrits,  celui  de  1880,  en  réservant  le  bas  de  la  page  pour  les  varian- 
tes de  l'autre,  beaucoup  moins  correct  :  dans  la  colonne  de  droite,  ils  se 
sont  efforcés  de  retrouver  ce  que  'VahâraMihira  a  dû  écrire.  Ce  qu'il  leur  a 
fallu,  pour  ce  travail  de  restauration,  d'ingénieuse  critique  philologique, 
de  science  profonde  de  la  technique  hindoue  et,  outre  cela,  de  simple  et 
bonne  patience,  est  difficile  à  imaginer.  *  Ce  n'est  pas  exagérer  »,  nous 
dit   M.    T.    et   tout  lecteur  compétent   l'en    croira    sans  peine,  «  que 
(■  d'affirmer  que  le  temps  et  l'elfort  de  pensée  consacrés  à  ce  volume, 
«  auraient  suffi  amplement  pour   éditer  vingt   fois  son  contenu    d'un 
«  texte  ne  présentant  que  les  difficultés  normales  ».   Le  texte  ainsi  res- 
tauré a  été  expliqué  et  justifié  dans  un  commentaire  sanscrit  original 
qui  s'adresse  en  première  ligne  aux  lettrés  indigènes,  par  le  pa;z^it  Su- 
dhâkara  Dvivedî,   aussi  profondément  versé  dans  la  science  pure  des 
mathématiques  que  dans  leur  histoire  chez  les  Hindous.  Un  autre  com- 
mentaire, plus  court,  se  trouve  intercalé  dans  la  traduction  anglaise  de 
M.    T.    Les  auteurs   de   ce  beau  travail  peuvent  se   rendre  le  témoi- 
gnage    qu'ils     n'ont     cherché   à   éviter  aucune    des  difficultés  de  ce 
texte  embarrassant.  Ils  les  ont  toutes  abordées  de  front  et  ils  en    ont 
résolu  la  plupart  de  la  façon  la  plus  satisfaisante.  Pour  celles  qui  ont 
résisté  à  leurs  efforts,  il    est  peu  probable  que  d'autres  soient  de  sitôt 
plus  heureux.  Ilesttel  cas  pourtant  où  M.  T.  me  semble  avoir  péché 
par  un  excès  de  scrupules.  Ainsi  pour  XV,  4,  l'explication  qu'il  propose 


d'histoire  et  de  littérature  327 

avec  hésitation,  est  évidemment  la  bonne.  Je  ne  trouve  rien  de  si  étrange 
dans  l'observation  de  Varâha  Mihira  que,  pour  les  Pitris  habitant  la  lune, 
l'éclipsé  de  soleil  dure  quinze  jours.  Ne  vient-il  pas  de  définir  cette 
éclipse  comme  résultant  de  l'interposition  de  la  lune  entre  le  soleil  et 
un  spectateur  quelconque  et,  pour  appuyer  encore  davantage,  d'ajouter 
la  remarque  que  cette  éclipse  a  lieu  à  chaque  instant  en  quelque  point 
de  l'espace?  La  nuit  lunaire  n'est  donc  qu'un  cas  particulier  de  sa  défi- 
nition générale,  et,  s'il  le  relève,  c'est  qu'il  tient  à  protester  à  sa  façon, 
c'est-à-dire  ingénieuse  et  un  peu  recherchée,  contre  l'explication  vul- 
gaire, qui  voit  dans  cette  éclipse  Toeuvre  du  monstre  Ràhu.  Seulement 
il  a  dû  laisser  incomplet  le  dernier  pdda,  qui  ne  s'applique  qu'aux 
Pitris  habitant  la  face  de  la  lune  opposée  à  la  terre.  J'imagine  que,  si  la 
stance  lui  en  avait  laissé  la  place,  il  aurait  dit  quelque  chose  comme 
ceci  :  «  (pour  les  uns),  le  milieu  de  l'éclipsé  est  marqué  par  la  pleine 
«  lune  ;  (pour  les  autres,  par  la  nouvelle  lune)  »,  ce  qui  eût  coupé  court 
à  toute  incertitude.  De  même  je  ne  vois  rien  d' incompréhensible  dans 
les  deux  vers  suivants,  où  il  est  dit  que  les  dieux  habitants  du  Méru,  la 
montagne  du  pôle  nord,  ne  voient  jamais  le  soleil  éclipsé,  la  lune  et  le 
soleil  étant  trop  bas  par  rapport  à  eux  pour  pouvoir  jamais  se  masquer 
l'un  l'autre.  Pour  comprendre  cette  perspective  imaginaire,  il  suffit  de 
se  figurer  le  Méru  suffisamment  haut.  L'explication,  il  est  vrai,  suppose 
chez  Varâha  Mihira  un  singulier  mélange  de  représentations  populaires  et 
de  notions  exactes  sur  les  dimensions  de  l'univers.  Mais  sous  ce  rapport 
il  ne  faut  pas  compter  trop  rigoureusement  avec  un  homme  chez  qui  ce 
ne  serait  pas  là  le  seul  cas  de  celte  sorte  d'atavisme  intellectuel. 

Dans  uue  longue  et  admirable  introduction,  M.  Thibaut  a  repris 
l'ensemble  des  questions  historiques  que  soulève  la  Pancasiddhântikà. 
11  a  montré  comment  les  données  fournies  par  Varâha  Mihira  sont 
à  répartir  entre  les  différents  Siddhântas,  ce  qui  n'était  pas  une  tâche 
facile  avec  les  indications  clair-semées  ou  peu  précises  de  l'auteur  et  en 
l'absence  d'un  commentaire  pouvant  y  suppléer  au  nom  de  la  tradi- 
tion, lia  déterminé  ensuite,  autant  que  possible,  les  caractères  généraux 
de  chacun  de  ces  ouvrages,  tels  que  Varâha  Mihira  les  a  connus,  la 
nature  de  leur  doctrine,  les  sources  probables  de  cette  doctrine,  l'épo- 
que de  son  introduction  dans  l'Inde,  la  façon  dont  elle  s'y  est  intro- 
dnite  et  les  vicissitudes  qu'elle  y  a  subies.  Pour  toute  cette  astronomie 
des  Siddhântas  et  pour  les  questions  historiques  d'influence  étrangère 
qu'elle  implique,  c'est  dans  cette  introduction  qu'il  faudra  désormais 
chercher  le  dernier  mot, 

A.  Barth. 


328  RKVUE    CRITIQUE 

490.  —  Corpus  lnscrI|>iîonunï  iiKlienfum.  Vol.  III.  Inscriptions  of  the  early 
Gupta  Kings  anJ  their  successors,  by  John  Faiihfull  Fleet.  Calcutta,  printed  by 
ihe  superinlendent  of  Government  printing,  1888,  in-4,  194  et  348  p.,  xlv  plan- 
ches. 

Il  a  été  rendu  compte  dans  la  Revue  critique  {n°  du  29  nov.  1879)  du 
premier  volume  de  ce  vaste  et  important  Recueil  des  Inscriptions  de 
rinde,  entrepris  par  ordre  du  Gouvernement  anglais.  On  sait  que  le 
premier  volume  a  été  rédigé  par  Sir  A.  Cunningham  et  comprend  tou- 
tes les  inscriptions  alors  connues  d'Asoka.  Le  second  volume  n'a  pas 
encore  paru  :  sa  rédaction,  à  raison  du  nombre  et  de  la  variété  des  maté- 
riaux se  rapportant  aux  premiers  siècles  avant  ou  après  Tère  chrétienne 
nécessitera  encore  quelque  retard;  mais  le  tome  troisième,  qui  est  tout 
entier  consacré  aux  rois  Guptas  et  à  leurs  contemporains  et  successeurs, 
a  pu  être  mené  plus  rapidement  à  bonne  fin.  Il  est  aussi  l'œuvre  d'un 
seul  homme,  M.  Fleet,  indianiste  consommé,  préparé  depuis  longtemps 
à  ce  grand  travail,  par  ses  nombreuses  études  épigraphiques. 

Dans  une  longue  introduction,  de  près  de  deux  cents  pages,  M  F. 
donne  d'abord  la  généalogie  et  la  chronologie  des  rois  Guptas,  des  rois 
de  Valabhi  et  indique  la  méthode  pour  calculer  les  différentes  ères  usitées 
dans  l'Inde,  telles  que  l'ère  de  Vikrama,  des  Sakas,  des  Guptas.  Il  expli- 
que ensuite  quelques  points  de  l'astronomie  indienne,  comme  le  cycle 
de  Jupiter,  les  nakshatras  etc.,  qui  sont  souvent  mentionnés  dans  les 
inscriptions  et  il  termine  par  un  aperçu  de  la  chronologie  ancienne  du 
Népal  dans  ses  rapports  avec  les  Guptas.  Le  chapitre  le  plus  important 
est  celui  relatif  à  la  détermination  de  l'ère  des  Guptas.  On  sait  combien 
les  savants  d'Europe  ont  varié  sur  la  date  exacte  à  laquelle  a  commencé 
cette  ère  qui  a  été  placée  tour  à  tour  en  166,  190,  194,  200  de  J.-C., 
M.  F.  fait  l'historique  de  tous  les  systèmes  proposés  successivement  par 
J.  Prinsep,  Reinaud,  Cunningham,  E.  Thomas,  Bayley,  J.  Fergusson, 
Biàhler,  Oldenberg  et  R,  Hoernle.  L'étude  de  ces  variations  est  intéres- 
sante pour  montrer  comment  la  science  est  souvent  obligée  de  procéder 
par  tâtonnements,  avant  d'arriver  à  la  vérité.  La  date  de  cette  ère  est 
fixée  aujourd'hui  à  3 1 9  de  J  -G.  Il  est  bon  de  faire  remarquer  à  ce  sujet 
que  ce  que  nous  appelons  ère  des  Guptas  est  une  expression  conven- 
tionnelle moderne,  car  les  rois  Guptas,  dans  leurs  inscriptions,  n'em- 
ploient jamais  que  les  mots  samvatsara,  samvat  qui  signifient  simple- 
ment «  année  »  sans  indiquer  le  point  de  départ  de  leur  comput —  la 
plus  ancienne  date  énoncée  par  eux  dans  leurs  monuments  est  de  l'an  82 
—  aussi  M.  F.  a-t-il  pensé,  non  sans  quelque  raison,  que  ce  mode  de 
comput  n'avait  pas  été  créé  par  le  fondateur  de  la  dynastie  (le  maharaja 
Gupta),  mais  avait  été  emprunté  par  un  de  ses  successeurs  aux  Lich- 
chavi  du  Népal,  puissante  famille  royale  à  laquelle  les  Guptas  étaient 
alliés  et  qui  se  sont  servis  de  l'ère  de  819,  même  après  l'adoption,  au 
Népal,  de  l'ère  de  Harsha  qui  est  de  606.  L'appendice  qui  se  trouve  à 
la  fin  de  l'introduction  contient  un  mémoire  important  sur  la  chrono- 


d'histoire  et  dk  littérature  32g 

logie  de  ces  anciens  rois  du  Népal  d'après  les  ciiartes  publiées  par  Bhag- 
vanlal  en  1880,  Reprenant  le  travail  de  ce  Pandit,  dont  la  plupart  des 
dates  étaient  erronées,  et  mettant  à  profit  les  découvertes  toutes  récentes 
de  M.  C.  Bendall,  M.  F.  a  établi  d'une  manière  très  claire  que  les  char- 
tes de  ces  princes  doivent  se  rapportera  l'ère  de  3ig  ou  à  l'ère  de  606, 
suivant  qu'elles  émanent  des  Lichchavi  ou  des  Thakhuri,  autre  famille 
régnante  au  Népal  à  partir  du  vif  siècle. 

La  deuxième  partie  du  Corpus  est  consacrée  à  l'étude  des  inscriptions 
émanant  soit  des  rois  Guptas,  soit  des  princes  feudataires  contemporains, 
soit  même  de  particuliers  mais  avec  la  mention  des  règnes.  Chacun  de  ces 
textes  est  reproduit  en  photographie,  avec  transcription  en  caractères  latins 
[ce  qui  vaut  mieux  que  la  transcription  en  sanscrit  moderne)  et  une 
traduction  anglaise.  Les  n°s  i  à  16  comprennent  les  inscriptions  des 
rois  de  la  première  dynastie  des  Guptas;  elles  sont  presque  toutes  datées, 
sauf  pourtant  la  première  et  la  plus  célèbre  qui  est  Tinscription  du 
pilier  d'Allahabad,  sur  l'interprétation  de  laquelle  on  a  tant  varié  de- 
puis 1834  époque  de  la  première  publication.  Il  est  reconnu  aujour- 
que  cette  inscription  esi posthume,  c'est-à-dire  qu'elle  a  été  rédigée  en 
l'honneur  du  roi  Samudra-Gupta  et  après  sa  mort,  par  son  fils  Chan- 
dra  Gupta  II  vers  le  commencement  du  v^  siècle.  On  sait  Timpor- 
tance  capitale  qu'a  ce  texte  pour  la  nomenclature  des  peuples  étran- 
gers et  des  différentes  dynasties  de  Tlnde  à  cette  époque.  C'est  à  l'aide 
de  ces  divers  monuments,  et  aussi  avec  les  monnaies  d'or  et  d'argent 
frappées  par  ces  souverains,  que  l'on  a  pu  établir,  d'une  manière  à  peu 
près  certaine,  leur  chronologie.  Et  cependant  tout  n'est  pas  définitif 
dans  ces  conquêtes  de  la  science,  on  vient  d'en  avoir  une  preuve  par 
la  récente  découverte  faite  dans  l'Inde,  d'un  sceau  de  Kumâra  Gupta  II, 
qui  contient  une  généalogie  un  peu  différente  de  celle  des  inscriptions, 
en  sorte  que  le  Tableau  généalogique  donné  par  Fleet  doit  être  déjà 
modifié. 

Parmi  les  inscriptions  n°s  17  à  3/  consacrées  aux  princes  contempo- 
rains, je  citerai  celles  (n"^  19  et  20)  trouvées  à  Éran,  datées  des  années 
i65  et  191  et  qui  sont  d'une  grande  importance  pour  la  chronologie  de 
Budha  Gupta  l'un  des  rois  de  la  branche  de  Malava,et  les  deux  inscrip- 
tions (n"^  36  et  3j)  d'Éran  et  de  Gouâlior,  émanant  des  rois  Hunas  To- 
ramâna  et  Mihirakula.  Ces  deux  souverains,  dont  les  noms  apparais- 
sent pour  la  première  fois  dans  les  inscriptions,  étaient  déjà  connus 
par  la  chronique  indigène,  le  Rajatarangini,  et  par  les  mémoires  de 
Hiouen  Thsang,  mais  leur  identification  n'est  pas  encore  certaine.  Il 
existe  en  outre  des  monnaies  au  nom  de  Toramâna  et  de  Mihirakula, 
et  une  inscription  trouvée  en  1889  à  Kura  dans  le  Penjâb,  mentionne 
un  roi  Toramâna  avec  l'épithète  de  shdhi,  titre  d'origine  iranienne,  usité 
dans  l'Inde  depuis  Kanichka  et  adopté  uniquement  par  les  rois  étran- 
gers au  sol.  M.  Biihler  prépare  une  interprétation  du  texte  de  Kura,  cette 
publication  jettera  sans  doute  beaucoup  de  clarté  sur  la  question  encore 


330  REVUE    CRITIQUE 

obscure  de  la  domination  des  Huns  blancs  dans  l'Inde,  sans  toutefois 
résoudre  le  problème.  M.  F.  place  vers  5i5  la  date  de  la  mort  de  Tora- 
màna  et  fait  remonter  son  accession  à  l'an  463,  lui  donnant -ainsi  cin- 
quante-deux ans  de  règne  afin  d'expliquer  la  date  32  qui  se  trouve  sur 
une  monnaie  d'argent  de  ce  monarque.  Peut-être  vaut-il  mieux  suppo- 
ser que  cette  date  se  réfère  à  l'ère  des  Hunas,  c'est-à-dire  à  leur  établisse- 
ment dans  le  N.  de  Tlnde,  surtout  si,  comme  l'a  proposé  Cunningham, 
il  faut  lire  82  au  lieu  de  52,  sur  la  monnaie  en  question. 

Je  mentionnerai  encore  les  curieuses  inscriptions  de  Yasodharman 
(le  vainqueur  de  Mihirakula),  de  Dharasena  II  et  de  Siladitya  rois  de 
Valabhi,  la  grande  inscription  d'Aphsad,  en  28  lignes,  et  celle  du  roi 
Jivita  Gupta  II,  toutes  deux  écrites  en  caractères  kutila,  très  importan- 
tes pour  la  généalogie  des  Guptas  de  Magadha  au  vii<=  siècle,  cinq  ins- 
criptions concernant  Tancienne  famille  des  Maukharis  très  répandue 
dans  le  N.  de  l'Inde,  et  un  certain  nombre  de  plaques  gravées  et  de 
sceaux.  Enfin  M.  F.  a  inséré  dans  son  recueil,  sous  le  titre  de  Miscel- 
laneous,  divers  documents  se  rattachant  à  l'histoire  dePInde,  parmi  les- 
quels une  inscription  du  Népal,  de  l'an  386,  mentionnant  le  nakshatra, 
et  une  charte  de  l'an  586  relatant  une  éclipse  solaire.  Nous  arrêterons 
ici  notre  analyse  des  textes,  ce  que  nous  en  disons  suffira  à  donner  une 
idée  de  leur  valeur  historique. 

La  langue  de  toutes  ces  inscriptions  est  du  sanscrit  de  la  bonne  épo- 
que, avec  quelque  variantes  orthographiques  et  lexicographiques  soi- 
gneusement relevées  par  Pauteur.  Un  assez  grand  nombre  des  inscrip- 
tions ont  des  lacunes  qui  ont  exigé  des  restitutions  souvent  conjecturales. 
Il  est  certain  que  plusieurs  des  traductions  devront  être  reprises  ; 
quelques-unes  ne  sont  pas  très  intelligibles,  ce  qui  peut  s'expliquer,  vu 
le  mauvais  état  des  monuments  et  le  style  emphatique  de  la  littérature 
lapidaire.  —  L'alphabet  de  nos  inscriptions,  est  l'indo-pali,  il  n'est  plus 
question  de  l'alphabet  arien  ou  bactrien  du  Nord-Ouest  qui,  encore 
employé  par  les  rois  Indo-Scythes,  a  disparu  définitivement  de  l'Inde 
vers  le  11"  ou  m"  s.  de  notre  ère,  et  a  été  remplacé  par  l'alphabet  dit  du 
Sud  Est  qui  formait  déjà  l'écriture  de  la  plus  grande  partie  des  édits 
d'Asoka.  C'est  cet  alphabet  indo-pali  qui  est  devenu  la  source  de  toutes 
les  écritures  de  l'Inde.  Au  iv''  s.  il  a  une  physionomie  particulière,  dont  1 
le  type  se  trouve  dans  l'inscription  d'Allahabad  et  dans  la  plupart  des  I 
textes  des  premiers  Guptas.  Mais,  en  dehors  de  cet  alphabet  général  du 
nord  de  l'Inde,  il  existe  d'autres  écritures  qui  procèdent  du  précédent 
et  qui  se  différencient  d'une  manière  notable  suivant  les  provinces.  ,^| 
M.  F.  a  donné  à  ces  variétés  les  noms  de  southern  (méridional),  box- 
headed  «  à  tête  carré  en  guise  de  mâtra  »,  nail  headed  type  «  cuspi- 
diforme  »  et  kutila  «  courbé  »  mais  ces  dénominations  sont  encore  in- 
suffisantespour  rendre  touteslesvariétés  :  l'inscription  de  Pravarasena  II,. 
par  exemple  (n°  55  pi.  34),  a  le  haut  des  lettres  creusé  en  boules,  ce  qui 
donne  un  aspect  singulier  à  l'ensemble;  les  caractères  des  inscriptions. 


d'histoire  et  de  littérature  33 1 

nos  ^o,  41,  5o,  56,  etc.  ont  aussi  une  forme  toute  particulière  qui  rap- 
pelle récriture  mongole  dite  Pa-sse-pa.  Il  aurait  été  intéressant  de  rele- 
ver dans  un  tableau  synoptique  toutes  ces  diverses  écritures;  M.  Fleet 
dit  bien  que  ce  travail  mériterait  un  traité  spécial,  mais  il  est  à  craindre 
qu'il  ne  le  publie  jamais,  pas  plus  que  le  commentaire  historique  et  phi- 
lologique des  inscriptions.  Aussi  est-ce  une  lacune  regrettable  qui  va 
causer  bien  du  souci  aux  paléographes. 

Je  ne  peux  non  plus  m'empêcher  d'exprimer  quelque  regret  au  sujet 
des  fac-simile  photolithographiques  qui  sont  loin  d'être  tous  exécutés 
avec  le  soin  désirable.  La  grande  inscription  d'Allahabad,  par  exemple, 
les  planches  contenant  les  inscriptions  de  Kumâra  Gupta  (n°  5),  de 
Skanda  Gupta  (n»  8),  de  Visvavarman  (n»  10),  deSarvanatha  (n^  20),  de 
Saliditya  VII  (n»  25),  de  Jivita  Gupta  II  (n^  29),  de  Sanchi  (n»  29),  de 
Samudrasena  (n°  44)  sont  presque  illisibles.  Par  contre  il  y  en  a  qui 
sont  des  merveilles,  je  citerai  :  le  sceau  de  Sarvavarman,  les  inscriptions 
de  la  grotte  de  Nagarjuni,  les  plaques  de  Raypur,  d'Arang,  et  de  Tirava- 
deva,  les  chartes  deDharasena  II,deVishnuvardhana,  de  Jayanatha,  etc. 
où  l'on  voit  se  dérouler  toutes  les  formes  gracieuses  et  variées  des  diffé- 
rents alphabets. 

Le  Corpus  se  termine  par  un  index  de  tous  les  termes  techniques, 
noms  propres  et  géographiques  contenus  dans  les  inscriptions.  Ainsi  que 
je  l'ai  dit  en  commençant,  la  publication  de  ce  volume  est  une  œuvre 
considérable  qui  mériterait  les  suffrages  et  les  récompenses  réservés  par 
les  Académies  aux  grands  travaux  d'érudition.  Les  quelques  critiques 
qui  ont  été  faites  n'atténuent  en  rien  la  valeur  de  l'ouvrage  et  ne  doi- 
vent pas  empêcher  de  rendre  hommage  au  savant  qui,  au  prix  de  grands 
efforts  et  d'un  labeur  de  plusieurs  années,  a  su  constituer  le  vaste  ré- 
pertoire dont  j'ai  essayé  de  donner  une  idée. 

E.  Drouin. 

4gi.  — Platon.  Apologie  et  Crîton,  par  A.  Th.  Christ.  Leipzig,  Fieytag,  1889. 
492. —  Eiitliyphi-on  et  Goi^gias,  par  le  même.  Vienne,  Tempsky,  1890. 

Dans  ces  différentes  publications,  M.  Christ  ne  poursuit  pas  d'autre 
but  que  de  faciliter  la  lecture  de  Platon  aux  maîtres  comme  aux  élèves 
des  «  gymnases  »  allemands;  son  intention  est  de  leur  présenter  un 
texte  aussi  rapproché  que  possible  de  la  tradition.  Il  a  pris  comme  base 
de  son  texte  la  révision  de  M.  Schanz,  tout  en  s'en  écartant  sur  un  cer- 
tain nombre  de  points,  qu'il  a  soigneusement  énumérés  dans  la  préface 
des  deux  dernières  brochures.  Les  introductions,  sobres  et  claires,  sont 
destinées  à  mettre  le  lecteur  au  courant  des  questions  philosophiques 
traitées  par  Platon  et  à  indiquer  la  marche  du  dialogue. 

A  la  suite  du  texte,  un  relevé  des  noms  propres  qui  s'y  rencontrent 
donne  au  lecteur  les  indications  biographiques  nécessaires.  Le  travail 
de  M.  Christ  n'offre  rien  de  particulièrement  original,  mais,  tel  qu'il  est, 
il  nous  paraît  bien  répondre  au  but  que  l'éditeur  s'est  proposé. 

E.  Baudat. 


332 


REVUE    CRITIQUE 


4q3.  —  Lo    patria    dl  Pi'opei'zlo.  Studi  e  polemiche  di   Giulio  Urbini.  Turin, 
Loescher,   i88g,  in-12  de  211  p.   Prix  :  3  fr.  5o. 

Dans  ce  volume  sont  réimprimées  et  mises  au  courant  les  publications 
antérieures  de  l'auteur  sur  la  question  de  la  patrie  de  Properce.  Le 
dernier  critique  qui  eiàt  traité  le  sujet  était  M .  F.  Plessis.  Tout  en  faisant 
le  plus  grand  cas  du  livre  du  professeur  français  sur  Properce,  M.  Urbini 
se  sépare  de  lui  sur  le  point  spécial  de  ses  recherches  :  M.  Plessis  con- 
cluait pour  Assise,  avec  quelques  doutes  en  faveur  de  Spello  ;  M.  Urbini 
rejette  résolument  Assise  et  conclut  pour  Spello  .  Un  appendice  biblio- 
graphique sur  les  manuscrits,  éditions  et  traductions  de  Properce  est 
joint  au  volume  ^  On  aurait  pu  d'autant  mieux  éviter,  à  la  fin,  l'en- 
combrement des  polémiques  locales,  que  le  travail  qui  précède  est 
consciencieux  et  solide. 

P.  N. 


494.  —  C  Valerî  Cutulli  libei*.  Les  Poésies  de  Catulle.  Traduction  en  vers 
français  par  Eugène  Rostand.  Commentaire  critique  et  explicatif  des  poèmes 
LXiv-cxvi,  par  Emile  Thomas,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lille.  Paris, 
Hachette,   1890,  xvi  et  272  pp. 

M.  Thomas  a  bien  voulu  consentir  à  achever  l'œuvre  commencée 
par  M.  Benoist,  dont  nous  avons  rendu  compte  ici,  il  y  a  quelques 
années  2.  H  s'est  acquitté  de  ce  pieux  devoir  avec  la  conscience  et  la 
compétence  qu'on  lui  connaît.  Il  mérite  notre  très  sincère  reconnais- 
sance. 

Deux  circonstances  rendaient  la  tâche  de  M.  Th.  à  la  fois  plus  facile 
et  plus  difficile  que  celle  de  son  prédécesseur.  D'abord,  il  se  trouvait  en 
piésence  d'un  plan  tracé  et  d'un  texte  constitué.  Ensuite,  on  avait 
publié,  dans  l'intervalle,  deux  commentaires  considérables  sur  Catulle, 
deux  nouvelles  éditions  du  texte,  et  une  multitude  d'opuscules,  de  mé- 
moires, d'articles  de  revues,  etc. 

Dans  le  modèle  à  suivre,  on  aurait  pu  voir  surtout  une  gêne. 
M.  Th.  déclare  s'en  être  volontiers  accommodé:  «  En  supposant  même, 
dit-il  ^,  que  les  circonstances  m'eussent  laissé  plus  de  liberté,  je  crois 
que  j'aurais  tâché  de  réunir...  à  très  peu  près  comme  l'a  fait  M.  Be- 
noist, tous  les  éléments  d'une  étude  approfondie  sur  chacun  des  poè- 
mes. M  De  toutes  façons  donc,  il  est  inutile  de  renouveler  les  regrets  pré- 
cédemment exprimés  ^  et  que  les  lecteurs  ne  manqueront  pas  d'éprou- 

1.  .M.  U.  ne  sait  pas  que  la  question  des  anciens  mss.  de  Properce  a  été  reprise  à 
nouveau  dans  Nolhac,  La  Bibliothèque  de  Fulvio  Orsiiii,  1887,  p.  232-235  et  p.  456 
—  P.  ii5,  au  lieu  de  Paoio   III,    lire   Alessandvo  Farnese.  —  P.    i23,  1.   3i,  lire 
Turnèbe. 

2.  Revue  critique,  i883,  I,  p.  343. 

3.  Page  IX,  note  i . 

4.  Revue  critique,  i883,  1,  p.  343. 


d'histoire  et  de  littérature  333 

ver  encore  cette  fois  ■.  J'étendrai  seulement  à  plusieurs  séries  de  remar- 
ques concernant  la  grammaire  et  le  style,  l'observation  faite  autrefois 
sur  les  notes  relatives  à  la  métrique  ';  c'est  qu'elles  gagneraient  à  être 
groupées  ^ 

La  nécessité  d'expliquer  un  texte  qu'il  n'avait  pu  établir  lui-même,  a 
été  bien  plus  pénible  à  M.  Th.,  il  le  déclare  franchement  *,  et  cela  se 
sent  en  maint  endroit.  Il  lui  arrive  assez  souvent  de  recommander  une 
leçon  et  d'en  commenter  une  autre,  du  bout  des  lèvres^  naturellement^. 
Ailleurs  il  est  obligé  de  s'affranchir  tout  à  fait,  et  de  refaire  son  texte, 
afin  de  pouvoir  l'expliquer  avec  conviction  ^.  Une  ou  deux  fois,  il 
ignore  la  provenance  de  la  leçon  adoptée  ',  En  tout  cela,  le  lecteur 
équitable  tiendra  compte  des  nécessités  imposées  par  les  circonstances. 
On  sait,  par  les  autres  éditions  de  M.  Th.,  qu'il  n'a  pas  l'habitude  de  se 
retrancher  derrière  des  autorités  ni  de  se  contredire  lui-même. 

Les  commentaires  de  Riese  et  de  Baehrens,  la  nouvelle  édition 
de  celui  d'EUis,  les  textes  de  Schwabe  et  de  B.  Schmidt,  entourés 
de  tant  d'éléments  d'un  commentaire  explicatif,  les  écrits  des  Magnus, 
des  K.  P.  Schulze,  des  Harnecker,  et  de  tant  d'autres  qui  se  sont  occu- 
pés de  Catulle  depuis  M.  Benoist^  ont  sur  bien  des  points  aplani  le 
chemin  que  M.  Th.  avait  à  parcourir.  Il  leur  a  emprunté  ce  qu'il  a 
jugé  propre  à  éclaircir  le  texte  et  qui  rentrait  dans  le  cadre  de  son 
commentaire.  Inutile  de  dire  à  ceux  qui  connaissent  les  autres  tra- 
vaux de  M.  Th.,  qu'il  a  agi  en  cela  avec  une  parfaite  indépendance  de 
jugement. 

1.  En  particulier,  dans  ce  volume,  la  longueur  des  poèmes  64  à  68  rend  très  gê- 
nante l'absence  de  tout  point  de  repère  en  marge  ou  au  haut  des  pages.  La  pièce  75, 
transposée  à  la  p.  752,  est  oubliée  à  la  table,  p.  835,  et  à  peu  près  introuvable. 

2.  Dans  ce  volume,  on  a  réuni  en  effet  la  plupart  des  notes  relatives  à  l'hexamètre, 
p.  565,  et  au  pentamètre,  p.  647.  Pour  en  finir  de  la  métrique  ici  aussi  en  une  fois, 
je  ne  comprends  pas,  65,  17,  comment  le  vers  spondaïque  peut  exprimer  un  «  mou- 
vement rapide  »;  il  semble  que  ce  serait  plutôt  le  contraire;  et  76,  i  (p.  754)  la 
coupe  du  vers  est  bien  plus  répréhensible  que  686,  9  (49)  ;  il  y  a  double  fin  de  vers. 

3.  Je  veux  parler  des  remarques  comme  64,  93  ('92)  sur  cunctus,  et  69,  8  sur  bellus, 
etc.,  qu'on  pourrait  faire  aussi  bien  à  chacun  des  passages  où  ces  mots  se  trouvent, 
et  qu'on  ferait  mieux  une  fois  pour  toutes  dans  l'Introduction;  ou  comme  89,  2  sur 
uenusta,  et  d'autres,  dont  l'intérêt  ne  consiste  qu'à  attirer  l'attention  sur  la  diffé- 
rence de  style  observée  entre  les  trois  groupes  de  poèmes  de  Catulle;  question  à 
traiter  également  dans  l'Introduction  plutôt  qu'incidemment.  Les  remarques  64,  67 
(56)  sur  ut  pote  (voir  pourtant  Hor.  sat.  \,  5,  94);  64,  199  (198)  sur  quae  qiioniam; 
686,  5  (45)  sur  porro,  réunies,  auraient  donné  lieu  à  une  observation  générale  sur 
le  style  de  Catulle.  Catulle,  presque  autant  que  Lucrèce,  emploie  les  particules  dont 
l'usage  fut  dans  la  suite  limité  à  la  prose,  praeterea,  namque,  quare,  quoniam, 
quandoquidem,  etc.  (Voir  Riese,  Introd.  p.  xxv).  Qjii  après  un  point  produit  le  même 
effet  prosaïque  sur  notre  oreille  accoutumée  à  Virgile  et  Ovide. 

4.  Page  IX,  note  i . 

5.  65,  9  suiv.;  82,  4;  87,  4  et  5  ;  91,  3  ;  etc. 

6.  64,  3oi  (299);  66,  59  ;  686,  61  ;  etc. 

7.  64,  179  (178),  et  1 10,  7,  où  M.  Th.  pense  qu'il  y  a  une  conjecture  de  M.  Benoist 
fest  facinus). 


334  RRVUE   CRITIQUE 

Mais  dépouiller  toute  cette  littérature,  en  partie  peu  accessible,  n'était 
pas  petite  aliliire.  On  a  écrit  sur  Catulle,  depuis  dix  ans,  l'équivalent  de 
quarante  fois  au  moins  le  volume  de  ses  oeuvres;  et,  sans  faire  injure 
aux  auteurs  de  ces  écrits,  ils  ne  sont  pas  tous  aussi  agréables  à  lire  que 
Catulle  lui-même.  De  plus,  ils  ont  peu  laissé  à  dire.  Il  devient  difficile 
aujourd'hui,  en  parlant  de  Catulle,  d'être  original  sans  tomber  dans  le 
paradoxe  ou  la  subtilité,  défauts  dont  M.  Th.  a  su  fort  heureusement 
se  garder.  «  Malgré  tous  les  efforts  des  savants,  nous  dit  M.  Th.  ',  dans 
la  biographie  du  poète  comme  dans  l'établissement  du  texte,  le  dernier 
mot  n'est  pas  dit,  tant  s'en  faut  ;  les  anciens  problèmes  n'ont  pas  trouvé 
leur  solution,  et  les  questions  qui  concernent  Catulle,  pour  être  posées 
autrement,  restent  toujours  sans  réponse  et  au  fond  presque  sans  chan- 
gement. »  Cette  dernière  affirmation  n'est-elle  pas  effrayante?  Ne  devrait- 
elle  pas  servir  tout  au  moins  d'avertissement  ?  Ne  serait-il  pas  temps  de 
reporter  ses  efforts  sur  tant  d'auteurs  moins  étudiés,  à  propos  desquels 
on  ne  serait  pas  réduit  à  tourner  et  retourner  toujours  les  mêmes  argu- 
ments, à  prendre  parti  dans  des  controverses  anciennes,  au  lieu  de  sou- 
lever, avec  quelque  chance  de  les  résoudre,  des  problèmes  nouveaux? 
Que  d'auteurs  qui  attendent  encore  une  édition  critique,  quand  Catulle 
en  compte  dix  ou  douze  ;  un  commentaire,  quand  il  en  existe  quatre 
ou  cinq  sur  Catulle;  des  études  biographiques,  littéraires,  grammatica- 
les, etc.,  quand  Catulle  en  est  inondé!  Je  suis  d'autant  plus  à  l'aise  pour 
faire  cette  réflexion,  que  le  commentaire  dont  je  parle  ici  est  le  second 
en  date,  le  premier  de  langue  française,  et  que,  d'ailleurs,  M.  Th.  s'est 
très  bien  tiré  de  l'embarras  qui  naissait  pour  lui  du  trop  de  richesses. 
S'il  n'a  pas  vu  absolument  tout  par  lui-même,  ce  qui  est  presque  im- 
possible aujourd'hui,  du  moins  en  province  2,  il  possède  une  connais- 
sance très  étendue  des  travaux  de  ses  devanciers  ^,  et,  malgré  tout,  il  a 

1.  Page  81 5. 

2.  Citons  seulement  une  ponctuation  nouvelle,  que  M.  Th.  aurait  sans  doute 
adoptée,  s'il  l'avait  connue  :  94  «  Mentula  mœchatur.  »  «  Mœchatur  Mentula  ?  » 
«  Certe  ».  «  Hoc  est,  »  etc.  (Muellenbach,  dissertation  de  Bonn,  i885  p.  35),  et 
une  étude  intéressante  à  ajouter  à  la  p.  818  :  W.  Meyer,  zu  Catull's  Gedichten, 
Acad.  de  Munich,  cl.  de  phil.,  i88y,  H,  p.  245. 

3.  Quelquefois,  pourtant,  leur  pensée  n'est  pas  rendue  assez  exactement.  Ainsi  on 
nedoitplus  attribuer  à  M.  Riese  l'hypothèse  d'après  laquelle  la  pièce  64 serait  traduite 
du  grec,  puisqu'il  l'a  rétractée  p.  154  de  son  édition;  68  a,  40  Schmidt  lit  ultro  et 
non  ultra;  71.  4.  «  On  pourrait  conserver  a  te  »  :  c'est  ce  que  fait  Riese;  77,  5 
«  Baehrens  défend  eheu  »  :  il  combat  heu  heu!  80,  8  la  conjecture  de  Baehrens 
n'entraîne  pas  l'asyndète,  puisqu'il  explique  labra  notata  (esse);  87,  i  ce  n'est  pas 
ia)itum  quantum  en  général,  mais  tantum  quantum  cum  uerbis  affeCtuum  que 
M.  Overholihaus  relève;  96,  3  Baehrens,  à  l'errata  p.  lx,  àonnt  venouam  id  est  re- 
uouamw  ;  11 3,  4  Baehrens  (p.  604)  entend  milia  adulteriorum  et  non  adulterorum; 
1  i3,  4  El  is  lisait  singlum  en  1867;  il  lit  (1878  et  1889)  singula;  116,  i  Riese  aussi 
lit  studtose,  Schwabe  recommande  cette  leçon  en  note  seulement.  Ailleurs  on  aurait 
pu  renvoyer  à  d'autres  ouvrages.  A  propos  de  64,  84  (83)  ncc  fiinera,  il  n'est  pas 
besoin  de  remontera  Lambin;  les  notes  d'EUis  et  de  Baehrens  sont  plus  instructi- 
ves. Par  contre,  la  remarque  de  Quicherat  s\iv  Dorica  castra  fVersif.  lat.  p.  397)  en 


d'histoire  et  0e  littérature  335 

su  ménager  à  son  ouvrage  certains  mérites  de  nouveauté. 

En  ce  qui  concerne  d'abord  les  sources  du  texte,  M.  Thi.  nous  donne 
une  nouvelle  lecture  du  ms.  G  i,  la  sienne  propre.  Exercé  comme  il  l'est 
à  l'étude  des  mss.,  venant  après  plusieurs  autres,  on  peut  admettre  que 
M.  Th.  n'aura  guère  laissé  à  glaner,  et  ses  indications  ont  pour  elles 
la  présomption  d'être  à  peu  près  définitives.  Pourtant,  dans  les  menus 
détails,  il  me  reste  quelques  doutes  sur  des  points  où  ma  collation  se 
trouve  d'accord  avec  celle  de  M.  Schwabe  contre  celle  de  M.  Thomas  \ 
L'édition  de  M.  Th.  est  aussi  la  première  pour  laquelle  on  ait  utilisé  le 
ms.  M,  de  Venise,  trouvé  par  M.  Schulze. 

En  second  lieu ,  M.  Th.  non  seulement  s'est  appliqué  à  réunir  un  choix 
utile  des  conjectures  qui  ont  été  publiées  çà  et  là  dans  ces  dernières  an- 
nées, il  en  propose  lui-même  un  certain  nombre.  Sans  être  de  celles  qui 
s'imposent  —  on  n'en  fait  plus  guère  de  celles-là  dans  Catulle,  et  M.  Th., 
qui  le  sait  bien,  présente  les  siennes  avec  une  louable  réserve  —  ces  con- 
jectures soutiennent  l'examen  fort  honorablement  ^. 

Au  sujet  du  commentaire  explicatif,  une  question  se  pose  nécessaire- 
ment, ou  plutôt  M.  Th.  l'a  posée  *  :  à  quelle  classe  de  lecteurs  ce  com- 
mentaire est-il  destiné,  aux  gens  du  monde  ou  aux  hommes  du  métier? 
Et  parmi  ceux-ci,  aux  maîtres  ou  aux  élèves?  M.  Th.  répond  qu'il  n'a 
pas  en  vue  des  amateurs  en  quête  d'un  simple  délassement;  il  compte 
sur  des  lecteurs  qui  voudront  prendre  la  peine  de  «  serrer  de  près  les 
textes  »,  qui  «  tenteront  d'approfondir  »,  et  de  <»  commencer  une  enquête 
personnelle  »  sur  les  problèmes  que  soulève  l'étude  du  poète.  C'est  à 
ceux-là  qu'il  entend  fournir  les  «  matériaux  nécessaires  »,  le  «  moyen  de 
poursuivre  »  leur  enquête.  Voilà  qui  est  clair.  Il  suffit  d'ailleurs  de  lire 

—  • . r^ 

dit  presque  autant  sur  cette  répétition,  observée  déjà  par  Bentley  (Hor.  c.  2,  20,  10), 
que  l'article  de  M.  Biese  cité  par  M.  Th.,  64,  240  (238).  Sur  potius  qnam  64,  83  (82), 
Riemann,  Synt.  lat.  g  226  est  bien  supérieur  à  Kuehner;  686,  69,  (log)  et  ailleurs, 
on  est  étonné  de  voir  Pline  cité  d'après  l'édition  Lemaire. 

1.  Ms.  de  Saint-Germain,  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque   nationale,  latin  141 37. 

2.  64,81  (80)  inoema'Wï.,  inoeniaSch.  et  B.  ;  64,  127  (i2Ô).<4  ttot,  Action;  64,  408 
(406)  tifica  de  seconde  main,  fica,  ifica;6b,  12  (i8j  ejffluxisse,  efluxisse ;  66,  60  auna, 
auira;  65,  67  bootem,  boothem;  66,  69  quaq,  quamquam  (quâq^)  ;  77,  i  ne  uicquam, 
nequicquam  ;  etc.  Cependant,  sauf  vérification  nouvelle,  c'est  le  dernier  venu,  M.  Th., 
qu'on  doit  croire.  Je  n'ai  pas  bien  compris  d'après  quel  principe  M.  Th.  tantôt  imite 
les  abréviations  de  G,  tantôt  les  résout  ou  les  passe  sous  silence.  66,  55  j'ai  cru  lire, 
dans  le  temps,  que  de  première  main,  quia  de  seconde  (abréviations), 

3.  64,  iio  (109)  per  querceium  omnia  ou  obuia ;  206  (2o5)  quo  tremuit ;  220  (219, 
CMm;  239  (237)  lux  (pour  aeias)  ;  282  (280)  Anauri  (pour  magnisj ;  352  {35o)  cum 
ad  cinevem  ;  387  (385)  ueros  (pour  nereus);  66,  43  Acte  ou  Acta  ;  66,  ^^.Cephei;  66) 
59  denique  uti  ou  inde  Venus;  66,  j8  post  una  unguenti;  68  b,  29  169)  aique  ubi; 
68  b,  61  (10 1)  <  circum  >  ou  <  laeta  >  ou  <  fama  >  ;  73,  4  etiam  <  factum  >  ; 
lio,  ^  cèpe  ;  iio,  7  est  fatuae  et;  iii,  ^  elicere  ;  ri2,  1  homo  non  descendit;  114, 
62  <  ibi  >;  1 15,  i  Stabiis  ou  Sattici  ou  Firmi;  etc.  Ailleurs,  comme  64,  2i3  (212); 
68  6,  5  I  (91)  M.  T.  se  borne  à  marquer  le  siège  du  mal  ;  ou  encore  il  essaie  d'y  por- 
ter remède  par  un  changement  de  ponctuation,  comme  87,  5  (75,  i;  ;  81,  6;  106,  2. 

4.  Page  IX. 


336  REVUE   CRITIQUE 

quelques  pages  du  livre  pour  voir  que  c'est  là  le  but  auquel  il  tend,  et 
qu'il  ne  peut  manquer  d'atteindre.  Bon  nombre  des  notes  exégétiques  et 
presque  toutes  les  notes  critiques  supposent  des  lecteurs  déjà  initiés  aux 
études  philologiques,  ou  tout  au  moins  désireux  de  s'y  faire  initier;  les 
autres  ne  se  soucieront  pas  de  consulter  ces  pages-là,  ou  n'en  seront  pas 
capables.  Seulement  alors,  pourquoi  toutes  les  notes  ne  sont-elles  pas 
faites  pour  ces  mêmes  lecteurs?  Pourquoi  quelques-unes  ne  font-elles 
que  fournir  des  rapprochements  ou  des  observations  qui  n'éclairent  pas 
le  texte  ^  traduire  en  français  les  expressions  latines  %  ou  indiquer  le 
sens  du  texte,  sans  preuves  à  l'appui  ^?  Le  public  auquel  M.  Th.  s'adresse 
doit  exiger  qu'on  justifie  l'interprétation  adoptée,  ou  tout  au  moins  qu'on 
la  discute,  qu'on  réfute  les  opinions  contraires,  qu'on  produise  des  ar- 
guments en  faveur  de  celle  qu'on  propose.  C'est  ce  que  M.  Th.  fait  pres- 
que toujours  et  fait  excellemment  en  maint  endroit.  S'il  ne  le  fait  pas 
partout  sans  exception,  est-ce  parce  qu'il  n'a  pas  voulu  se  montrer  trop 
exclusif?  Ou  bien  est-ce  une  conséquence  involontaire  de  la  destination 
primitive  du  livre,  dont  ia  traduction  en  vers  formait  d'abord  la  partie 
essentielle,  et  de  l'aspect  élégant  que  lui  donnent  le  format  in-i8,  le  pa- 
pier teinté,  l'impression  Lemerre  avec  en-tête  et  culs-de-lampe  ?  Quoi 
qu'il  en  soit,  ce  n'est  pas  nous  qui  nous  plaindrons  si,  grâce  à  tout  cela, 
nos  études  peuvent  gagner  quelques  recrues  parmi  les  lettrés  sérieux. 

Le  commentaire  de  M.  Th.,  je  viens  de  le  dire  déjà,  remplit  très  bien 
la  tâche  qui  lui  est  assignée.  Il  est  très  propre  à  mettre  le  lecteur  au  cou- 
rant des  travaux  relatifs  à  Catulle,  et,  de  plus,  à  le  diriger,  à  l'orienter 
au  milieu  de  cette  littérature  un  peu  touffue;  enfin  à  éclairer  quiconque 
le  consultera  sur  l'interprétation  d'une  pièce  ou  d'un  passage.  M.  Th. 
n'esquive  aucune  difficulté  ^  S'il  en  est  qu'il  ne  croit  pas  pouvoir  résou- 
dre, il  les  expose  avec  franchise  et  rapporte  impartialement  les  différen- 
tes solutions  qui  en  ont  été  données,  avec  les  arguments  qu'on  peut  faire 
valoir  pour  et  contre  chacune.  Certaines  personnes  lui  reprocheront 
peut-être  de  rester  trop  souvent  sans  conclure,  sans  prendre  parti  ni  pro- 

1.  64,  12  «  uentosum  aequor.  Cette  épithète  a  été  reprise  par  Virgile  A.  6,  335  et 
Horace,  Odes,  3,  4,  46  ».  Catulle  n'a  pas  eu  besoin  d'inventer  cette  épithète  ni  les  au- 
tres de  la  lui  emprunter.  Elle  est  trop  naturelle.  64,  229  (228)0  concesserit  ut  :  cons- 
truction dont  on  verra  dans  Merguet,  Lexicon  zu  den  Reden  des  Cicero,  de  très 
nombreux  exemples  ».  C'est  une  construction  très  commune,  qui  ne  peut  embarras- 
ser personne.  64,  326  (324)  «  tutamen.  On  trouve  encore  ce  mot  dans  l'Aen.  5,  262  », 
70,  I  «  le  datif  nulli  pris  substantivement  est  rare»;  etc. 

2.  64,  372  (370)  a  proiciet  :  précipiter  à  terre.  —  truncum  :  séparé  de  la  tête.  — 
summisso  :  s'inclinant,  défaillant;  »  etc. 

3.  64,  5  «  Joignez  Colchis  auertere,  et  expliquez  Colchis  comme  un  ablatif.  Cf.  408 
nobis  ».  Mais  408  (406)  on  lit  :  «  Nobis  peut  être  également  au  datif  ou  à  l'ablatif». 
Ce  rapprochement  ne  sert  donc  pas  de  preuve.  64,  275,  (273)  «  cachinni  est  ici  plu- 
tôt au  nominatif  >.  63  a,  33  «  scriptonmi  est  ici  le  génitif  non  de  scriptores,  comme 
au  v.  7,  mais  de  scripta  »  ;  6g,  3  «  donnez  plutôt  à  l'adjectif  le  sens  de  précieux  »  ; 
etc. 

4.  Je  n'ai  noté  à  cet  égard  que  quelques  rares  oublis,  comme  108,  4  sit  data  (le 
parfait);  114  :  quel  est  le  sel  de  l'épigramme  r 


d'histoire  et  de  littérature  337 

poser  des  solutions  nouvelles.  Je  serais  plutôt  porté  à  le  louer  d'une  si 
sage  réserve.  Non  pas  peut-être  dans  chaque  cas  particulier  ',  mais  en 
général;  ni  par  principe,  mais  parce  qu'il  s'agit  de  Catulle.  Le  fait  est 
que  tout  n'est  pas  explicable  dans  Catulle.  Vu  la  nature  toute  person- 
nelle et,  s'il  est  permis  de  dire,  circonstancielle  de  sa  poésie,  le  peu  d'é- 
tendue de  son  œuvre,  et  l'insuffisance  de  ce  que  nous  savons  sur  lui  par 
d'autres  auteurs,  bien  des  passages  —  sans  parler  des  poèmes  savants, 
abstrus  par  convention  —  restent  forcément  obscurs,  et  donnent  lieu  à 
des  hypothèses  dont  plusieurs  peuvent  atteindre  une  vraisemblance  à 
peu  près  égale.  Mieux  vaut  en  prendre  son  parti  et  se  contenter  de  ba- 
lancer les  probabilités,  que  de  s'obstiner  à  trancher  les  questions,  au  ris- 
que de  s'attacher  à  des  erreurs.  Et  je  n'entends  pas  parler  seulement  des 
grandes  controverses  relatives  à  la  pièce  68  ^,  à  Lesbie,  à  Rufus,  etc., 
mais  aussi  bien  du  sens  de  tel  ou  de  tel  mot. 

Il  est  impossible  qu'à  propos  d'un  ouvrage  où  sont  traitées  tant  de 
questions  épineuses  ou  délicates,  il  ne  s'élève  quelques  dissentiments  en- 
tre l'auteur  et  les  lecteurs.  Je  n'entreprendrai  pas  de  signaler  ici  tous 
ceux  que,  pour  ma  part,  j'ai  notés  au  passage  ^,  pas  plus  que  de  relever  les 
petites  taches,  telles  que  fautes  d'impression,  etc.,  que  le  critique  se  fait 
un  devoir  de  rechercher  la  loupe  à  la  main  '^.  Terminons  plutôt  en 

1.  Ainsi  64,  293  (2gi)fiaynmati  Phaethontis  ne  peut  se  rapporter,  selon  moi,  gram- 
maticalement et  d'après  le  contexte  (so)  ore),  qu'à  la  mort  de  Phaéthon,  et  non  à  l'incen- 
die qu'il  causa;  64,  822  320)  M.  Th.  donne  deux  explications  de  pellentes,  et  recom- 
mande néanmoins  la  conjecture  uellentes :  si  l'une  des  explications  est  bonne,  la  con- 
jecture est  de  trop  ;  65,  7  subter  ne  peut  être  adverbe,  placé  comme  il  l'est,  et  super- 
ne  obterere  (chez  Lucrèce  d'ailleurs,  3,  801,  siipenie  va  avec  uvgerij  ne  saurait 
justifier  subter  obterere;  73,  3  omnia  sunt  ingrata,  d'après  le  contexte  (omnia...  ni- 
hil)  ne  peut  guère  signifier  :  tous  sont  ingrats,  mais  seulement  :  tout  ce  qu'on  fait  de 
bien  est  peine  perdue. 

2.  En  même  temps  à  peu  près  que  le  volume  de  M.  Th.,  il  paraissait  deux  opuscu- 
les, de  W.  Hœrschelmann  (CatuU  68,  Dorpat,  1890)  qX  àsTh-Bin  {de  Catulli  ad  Mal- 
liumepistula,  Marburg,  1890),  qui  reprennent  après  tant  d'autres  la  question  de  sa- 
voir si  les  vers  68,  i  à  160  forment  deux  poèmes  ou  un  seul,  et  qui  arrivent  à  des  con- 
clusions diamétralement  opposées.  Mais  ils  sont  d'accord  sur  un  autre  point  capital, 
sur  lequel  M.  Th.  se  serait  sans  doute  laissé  convaincre,  c'est  que  68  a,  10  les  mots 
mimera  Musariim  et  mimera   Veneris  désignent  deux  choses  distinctes. 

3.  64,  io3  (I02J  oppetere  praemia  lundis  est  un  zeugma  bien  dur  ;  mais  oppeteret  ne 
convient  piskmortem  non  plus-,  il  ia.u.dTa\t  oppetiturus  esset  (loi  cupiens  contendere!); 
appeieret  me  paraît  nécessaire  :  Thésée  désirait  ou  la  mort  ou  la  gloire;  82,  3  sû(r)r- 
pere  (et  sû(rjrgere)  ne  peuvent  justifier  érpere  (ni  érgerej;  82,  4  sew  me  paraît  seul 
possible  ;  Catulle  ne  peut  pas,  au  moment  oîi  il  dit  que  sa  maîtresse  lui  est  plus  chère 
que  ses  yeux,  mettre  en  doute  qu'il  existe  quelque  chose  de  plus  cher  que  ses  yeux; 
ii3,  3  je  ne  vois  pas  que  in  unum  puisse  signifiera  par  unité  ».  Il  faudrait  in  singu- 
los.  Le  texte  est  sans  doute  altéré. 

4.  Les  fautes  d'impression  ne  sont  pas  rares.  Quant  aux  autres  petites  inadvertan- 
ces, voici  de  quoi  montrer  qu'elles  ne  sont  pas  bien  graves  :  64,  41  faix  est  ici  la 
serpe  et  non  la  faux.  68,  préambule  p.  692  :  ce  n'est  pas  Atticus,  c'est  Pomponius  que 
Cicéron  emploie  improprement  après  l'adoption  de  son  ami  ;  96  préambule  :  '<  Quin- 
tilie. ..  la  femme  de  Catulle  »;  lisez  :  «deCalvus».  116  N.  cr.  :  «e?-»^c/a  peut-il  s'ap- 
peler une  crasei'Le  terme  d'allitération  aussi  est  employé  73,  6;    83,  6  d'une  ma- 


338  REVUE    CRITIQUE 

louant  comme  ils  le  méritent  les  jugements  portés,  avec  discrétion  et  à 
propos,  sur  certains  passages  au  point  de  vue  littéraire  ',  les  observa- 
tions intéressantes  sur  les  procédés  du  poète,  ses  imitations,  ses  recher- 
ches 2,  et  en  nous  félicitant  de  l'heureux  achèvement  d'un  si  bel-et  si  bon 


ouvrage. 


Max  Bonnet. 


495.  —  Die   Altercatio  Simonls  ludsel  et  Xlieoplitll  Christian!  auf  ihre 

Q.uellen    geprûft    von    Peter    Corssen.   Berlin,   Weidmann,    1890,  34  pp,    in-8. 
I  M.  60. 

V Altercatio  est  un  texte  latin  publié  pour  la  première  fois  par  dom 
Martène  et  depuis  par  M.  A.  Harnack  dans  ses  Texte  u.  Untersuchun- 
gen.  M.  P.  Corssen,  dont  les  travaux  sur  les  versions  latines  de  la  Bible 
sont  bien  connus,  s'efforce  de  compléter  et  de  rectifier  les  résultats  obte- 
nus par  M.  Harnack.  En  se  fondant  principalement  sur  la  manière 
dont  les  textes  de  l'Ecriture  sont  cités  et  sur  la  forme  des  raisonne- 

nière  insolite.  Quelques  titres  d'ouvrages  allemands  sont  transcrits  incorrectement  ; 
p.  XV  et  817  (comp.  673)  Neues  Jahrbuch,  pour  :  Neue  Jahrbùcher  ;  p.  670  Philo- 
logisches  Verein  ;  p.  820  Catulls  Forschungen  ;  p.  682  Wochenschrift  (laquelle?); 
p.  801  (112,  i);  «  les  Bezzenberger  Beitrœge  »  :  etc.  Le  nom  du  grand  philologue  an- 
glais est  Bentley  et  non  Bentlei  (66,  73  ;  91  ;  etc  ).  Vittori  64,  37  est  un  compromis 
inacceptable;  il  faut  ou  Victorius,  ou,  selon  la  fâcheuse  mode  du  jour,  Vettori  (Statius 
aussi,  à  qui  M.  Benoist  p.  343,  etc.,  et  M.  Th.  p.  595,  etc.,  avaient  laissé  ce  nom  adopté 
par  lui-même  et  consacré  par  une  renommée  de  trois  siècles,  est  appelé  Estaço  66, 
52  ,-98,  I  ;  99,  14).  L'expression  n'est  pas  assez  claire  64,  42  ;  68è,  45  (85)  aèis.fe,  «au 
figuré  »;  p.  567.  «  La  foime   la   plus  fréquente  de  l'hexamètre  chez   Catulle  est: 

— uu  — uu  — un  — ux)  — uu  I ».  L'expression  est  incorrecte  64,  121  «  omnibus  his  : 

plutôt  (?)  au  neutre.  Ce  serait  alors  (?)  le  seul  exemple  (?)  de  Catulle  où  ces  pro- 
noms (?)  fussent  à  (?)  ce  genre  au  datif.  » 

1 .  Mais  je  ne  prendrais  pas,  par  exemple,  la  responsabilité  d'un  parallèle  entre 
Catulle  et  Rabelais!  (p.  739). 

2.  Voir  en  particulier  les  préambules  des  pièces  64;  65  ;  66;  68  a  et  è  (ici  j'avoue 
que  je  trouve  M.  Th.  bien  sévère);  85;  76  (p.  753);  etc.  Le  caractère  artificiel  de  la 
pièce  64,  que  M.  Th.  analyse  si  bien  p.  568  suiv.,  se  manifeste  encore  par  un  trait 
qu'on  n'a  pas  assez  relevé  à  ma  connaissance  :  c'est  que  Catulle  néglige  d'une  manière 
choquante  d'entrer  dans  les  situations  qu'il  suppose.  Poète  subjectif  de  premier  or- 
dre, il  commet  des  bévues  dans  la  poésie  objective.  C'est  ainsi  que  s'explique  l'inad- 
vertance par  laquelle  64,  54  (53),  il  prête  une  flotte  à  Thésée,  après  avoir  dit  que  l'Argo 
fut  le  premier  vaisseau,  et  l'anachronisme  beaucoup  plus  choquant  qui  consiste  à 
mettre  l'histoire  d'Ariane  sur  une  tapisserie  qu'on  voit  aux  noces  de  Péiée,  antérieures 
de  dix  ou  quinze  ans,  d'après  la  mythologie,  à  cette  même  histoire!  De  même  encore 
le  manque  de  mémoire  de  Thésée,  étonnant  à  l'arrivée  en  Aitique  64,  240  (238),  et 
véritablement  absurde  au  départ  deDia,  64,  59  (58).  Les  Grecs  cherchaient  au  moins 
à  le  motiver  (z^rà  Aiovûsou  jioû).-/ji7iv,  dit  le  scoliaste  de  Théocrite),  Catulle  nullement. 
Q.ue  dire  64,  88  (87)  de  ce  parfum  de  chastfîté  que  respire  Ariane  dans  les  bras  de 
sa  mère,  qui  n'est  autre  que  Pasiphaë!  Qui  n'a  été  choqué  64,  i3o  (129)  du  soin 
qu'Ariane  met  à  relever  sa  robe,  en  découvrant  sa  jambe,  au  moment  le  plus  pa- 
thétique de  son  désespoir.'  Comment  se  l'expliquer?  C'est  que  le  poète,  lui,  n'est 
pas  ému,  et  emprunte  froidement,  curieusement,  à  Apollonius  un  trait  qui  convient 
fort  bien  chez  ce  dernier  à  des  servantes  courant  après  la  voiture  d'une  princesse. 


J 


d'histoire  et  de  littérature  339 

ments,  M.  C  conclut  à  quatre  sources  principales  utilisées  par  Eua- 
grius,  l'auteur  de  V A Itercatio  suivant  Gennadius  :  1°  les  deux  premiers 
livres  des  Testimonia  de  saint  Cyprien  ;  2"  le  traité  de  Tertullien  aduer- 
sus  ludaeos,  y  compris  les  parties  apocryphes;  3°  un  recueil  perdu 
d'allégories  dans  le  genre  de  l'ouvrage  postérieur  d'Eucher  ;  4°  le  dialo- 
gue de  lason  et  de  Papiscus,  traduit  en  latin  par  un  certain  Celsus  à  la 
fin  du  v<=  siècle,  et  qui  n'est  plus  connu  maintenant  que  par  la  préface 
de  cette  traduction.  Les  longues  discussions  dans  lesquelles  entre  M. 
Corssen,  l'amènent  ù  résoudre  quantité  de  problèmes  littéraires;  c'est 
ainsi  qu'il  prouve  que  la  partie  apocryphe  du  traité  adversus  ludaeos 
de  Tertullien  est  une  adaptation  maladroite  du  troisième  livre  contre 
Marcion.  L. 

496.  —  F.  CoRRÉARD.  Histoire  de   l'Europe    et  de    la  France    depuis    SgS 
jusqu'en   1270.  i  vol.  in-12,  328  pages. 

497.  —  Histoire  de  l'Europe  et  de    la    France  depuis  1270   jusqu'en    1610. 
I  vol.  in-12,  440  pp.  Paris,  Masson  1890. 

Au  mois  de  juillet  dernier,  quelques  changements  ont  été  introduits 
dans  les  programmes  d'histoire  de  nos  lycées.  De  nouveaux  livres  clas- 
siques devenaient  par  suite  nécessaires.  M.  Corréard  arrive,  croyons- 
nous,  bon  premier  avec  ses  manuels  pour  les  classes  de  troisième  et  de 
seconde.  Ces  deux  ouvrages  sont  très  estimables;  l'exposition  est  claire 
et  nette,  si  elle  manque  un  peu  de  relief;  les  idées  sont  sages  et  pruden- 
tes, sinon  originales  ;  nous  louerons  d'une  façon  particulière  les  para- 
graphes sur  la  féodalité,  qui  sont  très  précis  et  bien  ordonnés.  On  nous 
permettra  toutefois  d'exprimer  quelques  regrets.  Les  nouveaux  chapi- 
tres du  programme  ne  sont  pas  toujours  traités  avec  un  développement 
suffisant.  Celui  sur  Grégoire-le-Grand  et  la  papauté  au  vi^  siècle  est 
convenable  ;  mais,  en  revanche,  celui  sur  l'art  roman  et  sur  l'art  gothi- 
que (t.  I,  p.  319-321)  est  beaucoup  trop  court.  Les  débuts  delà  Renais- 
sance en  Italie  (t.  Il,  p.  192)  ne  sont  pas  exposés  avec  assez  de  soin; 
M.  C.  se  borne  à  donner  quelques  indications  biographiques  très 
sèches  sur  Dante,  Pétrarque  et  Boccace.  En  outre,  nous  devons 
signaler  dans  le  premier  volume  un  certain  nombre  d'erreurs  assez 
graves.  L'auteur  parle  en  ces  termes  de  l'établissement  des  Burgon- 
des  en  Gaule  :  «  Les  Burgondes,  restés  en  Gaule  à  la  suite  de  l'in- 
vasion de  406,  s'étaient  étendus  de  la  Haute-Alsace  dans  la  Savoie 
et  la  Suisse  occidentale.  »  Tout  est  faux  dans  cette  phrase.  Les 
Burgondes  ne  sont  pas  restés  en  Gaule  en  406;  ils  ne  se  sont  pas  établis 
dans  la  Haute- Alsace,  mais  bien  autour  de  Worms  où  ils  ont  embrassé 
le  catholicisme;  plus  tard,  après  de  graves  défaites  que  leur  firent  es- 
suyer les  Huns,  ils  furent  transférés  par  Aétius  en  Savoie,  où  la  plupart 
d'entre  eux  se  convertirent  à  l'arianisme.  P.  65,  M.  C.  cite  la  lettre  du 
pape  Anastase  à  Glovis;  M.  Julien  Havet  a  prouvé  qu'elle  avait  été 
fabriquée  par  Jérôme  Vignier.  Sickel  a  fait  voir  que  la  date  de  l'avène- 


340  REVUE   CRITIQUE 

ment  de  Pépin  était  751,  et  non  752,  comme  il  est  écrit  p.  11 3.  P.  126, 
il  est  question  des  soixante-cinq  capitulaires  de  Charlemagne;  le  chiffre 
était  vrai  au  temps  de  Guizot  auquel  nos  manuels  l'empruntent  ;  il  ne  l'est 
plus  depuis  que  Borctiusa  publié  son  édition.  P.  127,  on  parle  des  duchés 
administrés  au  temps  de  Charlemagne  par  des  ducs.  Ce  roi  a  précisément 
supprimé  les  derniers  ducs  qui  existassent  encore  dans  ses  Etats.  Plus 
loin,  on  mentionne  encore  les  terreurs  de  l'an  mille;  on  écrit,  en  dépit 
des  articles  de  M  Bémont,  p,  263  :  «  Philippe-Auguste  était  le  suze- 
rain de  la  victime,  Le  meurtre  d'Arthur,  son  vassal,  commis  par  Jean- 
sansTerre  son  autre  vassal,  était  un  acte  de  trahison  envers  lui,  dont 
il  avait  le  droit  et  le  devoir  de  poursuivre  réparation,  selon  les  coutu- 
mes de  France.  C'est  pourquoi  le  roi  de  France  cita  Jean-sans-Terre  à 
comparaître  devant  les  pairs  de  l'accusé,  d  Ce  sont  là  sans  doute  des 
vétilles;  mais  nous  pensons  qu'une  grande  exactitude  est  la  première 
qualité  d'un  précis;  nous  pensons  aussi  que  ces  livres,  qui  trop  souvent 
se  copient  les  uns  les  autres,  devraient  toujours  être  au  courant  de  la 
science;  d'une  édition  à  l'autre,  le  professeur  devrait  tenir  compte  des 
travaux  scientifiques  parus  dans  l'intervalle.  Ces  réserves  faites,  nous 
répétons  que,  dans  son  ensemble,  l'ouvrage  de  M.  Corréard  est  digne 
d'estime;  ces  deux  volumes  rendront  certainement  service  à  notre  jeu- 
nesse des  écoles. 

Ch.  Pfister. 


408.  —  GiuHo  Camus,  i  codîcî   fi-ancesl  della    régla    bîblloteca  Estense. 

Modena,  Coi  tipi  della  società  tipografica,  1890,  in-8,  74  pages. 

M.  Camus  donne  l'indication  de  quatre-vingt-six  manuscrits  fran- 
çais de  la  bibliothèque  d'Esté  et  la  description  détaillée  de  ceux  de 
ces  manuscrits,  au  nombre  de  vingt,  qui  sont  antérieurs  au  xvi«  siècle. 
L'auteur  présente  modestement  son  oeuvre  comme  une  contribution  «  à 
la  rédaction  future  d'un  travail  d'ensemble  sur  tous  les  manuscrits 
étrangers  de  la  Bibliothèque  d'Esté.  »  La  partie  de  ce  travail  qui 
concerne  les  manuscrits  vieux-français,  est  dès  maintenant  faite,  et 
bien  faite. 

L.  G. 


4gg.  —  Thomas  de  Saint-Bris.  Xlie  empine  of  Amaraca,  origin  of  the  natio- 
nal name;  or  thrilling  adventures  of  the  Spanish  pioneers.  New-York,  in-8, 
140  pages.  5o  cents. 

L'approche  du  quatrième  centenaire  de  la  découverte  de  l'Amérique 
ramène  de  tous  côtés  l'attention  sur  ce  grand  événement.  Un  assez 
grand  nombre  de  travaux  ont  paru  dans  ces  derniers  temps,  consacrés 
soit  à  Colomb,  soit  à  son  œuvre.  11  s'en  faut  malheureusement  que 
tout  soit  à  louer  dans  cet  ensemble  disparate.  C'est  même  un  spectacle 
attristant  que  de  voir  jusqu'à  quel  point  certains  esprits,  aveuglés  par 


I 


d'histoire  et  de  littérature  341 

la  passion,  par  le  patriotisme  local  le  plus  étroit,  peuvent  se  jouer  des 
règles  les  plus  élémentaires  de  la  critique.  L'origine  du  nom  d'Améri- 
que est  une  des  questions  qui  ont  le  plus  mal  inspiré  ceux  qui  ont  cru 
devoir  la  reprendre.  J'ai  déjà  signalé  et  combattu  dans  la  Revue  '  la 
théorie  récemment  émise  par  un  géologue  de  talent,  M.  Marcou,  théo- 
rie d'après  laquelle  le  nom  d'Amérique  serait  un  nom  indigène,  que  ses 
compagnons  auraient  donné  par  reconnaissance  à  Améric  Vespuce.  J'ai 
montré  que,  depuis  les  travaux  de  Humboldt  et  de  d'Avezac,  il  n'était 
pas  de  problème  historique  mieux  élucidé  que  celui-ci;  que  ce  nom 
d'Amérique  avait  été  donné  en  i5o7  ^^  nouveau  continent  par  un  savant 
qui  résidait  alors  à  Saint-Dié  dans  les  Vosges,  Waldseemûlier.  J'ai  cité 
le  passage  de  son  livre,  la  Cosmographiœ  introductio,  où  ce  nom  est 
proposé,  passage  d'une  clarté  telle  qu'on  n'en  pourrait  souhaiter  de  plus 
concluant.  Une  seule  difficulté,  d'une  minime  importance,  il  est  vrai, 
et  qui,  d'ailleurs,  ne  se  rattachait  qu'indirectement  à  la  question,  avait 
arrêté  Humboldt,  et  M.  Marcou  prétendait  en  tirer  grand  parti  en 
faveur  de  son  hypothèse  :  c'était  la  bizarrerie  de  ce  prénom  Amerigo, 
tout  à  fait  inusité  en  Italie,  et  qu'on  ne  pouvait  démontrer  avoir  réelle- 
ment été  porté  par  Vespuce  avant  le  début  du  xvi®  siècle.  Un  savant  ita- 
lien, M.  Govi,  vient  de  donner  sur  ce  point  un  dernier  coup  à  la  théo- 
rie de  M.  Marcou.  Il  a  trouvé  et  communiqtié  à  l'Académie  des  Lincei  ^ 
une  lettre  écrite  par  Vespuce  à  Stanga,  commissionnaire  milanais  à 
Gênes,  datée  de  Séville,  du  3o  déc.  1492,  et  qui  est  signée  Amerigho 
Vespucci.Je  ne  reviendrais  pas  sur  la  théorie  de  M.  Marcou,  si,  malgré 
les  critiques  dont  elle  a  été  l'objet,  elle  n'avait  pénétré  dans  plusieurs 
de  nos  livres  d'enseignement  et  ne  menaçait  de  devenir  classique. 

En  voici  une  autre,  qui  nous  vient  également  d'Amérique,  accompa- 
gnée de  tout  un  cortège  de  certificats  d'authenticité  extraits  des  journaux 
américains.  Comme  une  de  nos  revues  spéciales  les  plus  répandues  vient 
d'en  donner  un  compte-rendu  élogieux,  on  me  permettra  d'y  insister 
ici,  plus  peut-être  qu'il  ne  semblerait  nécessaire.  Je  résumerai  le  plus 
fidèlement  possible  les  arguments  de  M.  de  Saint-Bris,  sans  m'astrein- 
dre  à  suivre  l'ordre  du  livre,  rempli  d'ailleurs  de  digressions  étrangères 
à  la  question,  et  qui  prend  ainsi  l'apparence  d'une  sorte  d'histoire  popu- 
laire de  la  découverte  de  l'Amérique. 

Colomb,  dans  son  troisième  voyage,  découvrit  une  partie  de  la  côte 
actuelle  du  Venezuela.  Or  «  le  nom  national  de  la  plus  grande  partie 
du  continent  méridional...  était  America  »  (p.  35).  Ce  nom,  ajoute  assez 
singulièrement  l'auteur,  «  apparut  sur  les  premières  cartes  comme  un 
hommage  rendu  au  grand  navigateur  qui  avait  fait  cette  découverte  ». 
(Ibid.)  Comment  M.  de  Saint-Bris  établit-il  l'existence  de  ce  nom  Ame- 
rica? Il  a  remarqué  qu'un  certain  nombre  de  noms  approchant  de  cette 
forme  se  trouvent  sur  les  cartes  de  l'Amérique  du  Sud,  depuis  les  plus 

1.  Revue  critique,  1889,  n°  29. 

2.  Reale  Accademia  dei  Lincei,  18  nov,,  2  déc.  1888. 


342  REVUE    CRITIQUE 

anciennes  jusqu'aux  plus  récentes,  joints,  il  est  vrai,  à  des  préfixes  ou  à 
des  suffixes.  Tels  sont,  par  exemple,  les  noms  de  Amaracapana,  Mara^ 
ccxibo^  Ciindinamarca,  Caxamalca,Angamarca,Chenpinamerca,  Uria- 
viarca^  Patinamitamarca.  A  l'époque  de  la  conquête,  dit-il,  «  les  règles 
de  l'orthographe  n'étaient  pas  encore  fixées;  et  sans  compter  les  fautes 
d'impression,  les  noms  étaient  écrits  de  la  façon  qui  semblait  le  plus 
appropriée  »  (p.  35).  Un  des  premiers  portulans  donnant  le  tracé  des 
premières  découvertes,  contient  la  petite  île  de  Tamariqua.  C'est  le  nom 
du  continent  tout  entier,  de  la  grande  île,  maladroitement  appliqué  à  la 
petite.  Ce  nom  à' Atnaraca,M.  do.  Saint-Bris  prétend  en  donner  l'expli- 
cation :  c'était  le  nom  du  serpent  ^marzf,  l'idole  nationale  des  Incas. 
On  l'écrivait  par  «  une  croix  faite  d'un  serpent  traversé  par  des  cordes 
nouées  ».  Cette  racine  péruvienne  se  retrouverait  également  en  chinois 
et  en  égyptien.  Dans  cette  dernière  langue,  il  serait  formé  de  la  racine 
Am  qui  signifierait  la  vie,  et  du  nom  du  dieu  Ra. 

Je  n'ai  aucune  compétence  pour  discuter  la  signification  de  ce  suffixe 
Amarca,  qui  se  retrouve  en  effet  dans  un  certain  nombre  de  noms  de 
villes  ayant  fait  partie  de  l'empire  des  Incas,  Je  ne  sais  pas  non  plus  s'il 
se  retrouve  en  chinois;  je  mécontenterai,  pour  les  rapports  avec  l'égyp- 
tien, de  citer  le  témoignage  d'un  égyptologue,  M.Victor  Loret,  d'après 
lequel  le  signe  qui,  dans  le  langage  hiéroglyphique,  représente  la  vie, 
n'est  point  une  croix,  mais  plutôt  une  sorte  de  trèfle  de  carte  à  jouer. 
Ce  signe  enfin  ne  se  prononce  pas  Am,  mais  Ankh,  ce  qui  est  fort 
différent. 

Là  n'est  pas,  d'ailleurs,  la  question.  Y  a-t-il  eu  un  grand  empire  d'Ama- 
raca  ayant  occupé  la  plus  grande  partie  de  l'Amérique  méridionale? 
C'est  ce  qu'il  faudrait  démontrer.  Or,  aucun  texte,  à  l'époque  de  la  con- 
quête, ne  nous  parle  d'un  empire  de  ce  genre.  Je  ne  m'arrête  pas  à  l'in- 
vraisemblance de  certains  rapprochements,  qu'il  n'y  a  pas  de  raison 
pour  ne  pas  considérer  comme  simplement  fortuits.  En  bonne  critique, 
il  est  impossible  d'affirmer  qu'il  y  ait  la  même  racine  dans  Maracaibo 
et  Caxamalca.  Mais  si  le  nom  d' Amaraca  a  été  en  usage  dans  le  nou- 
veau continent,  si  les  marins  l'ont  emprunté  aux  indigènes,  comment 
se  fait-il  que  ce  nom  d'Amérique  ne  se  trouve  jamais  sur  les  premières 
cartes  marines  ?  Car  s'il  est  un  fait  bien  établi,  c'est  que  ce  nom  d'Amé- 
rique apparaît  d'abord  sur  les  cartes  des  savants  et  non  pas  sur  les  docu- 
ments des  marins.  La  première  carte  qui  le  contienne  est  le  petit  globe 
dessiné  en  i5o7  par  Waldseemuller  lui-même,  et  que  je  publierai  très 
prochainement,  et  c'est  par  les  cartes  imprimées  qu'il  se  transmet  de 
proche  en  proche. 

Abandonnant  la  théorie  de  Humboldt,  M.  de  Saint-Bris  devait  néces- 
sairement la  réfuter.  C'est  même  par  là,  semble-t-il,  qu'il  eût  dû  com- 
mencer. Il  y  consacre  un  très  court  passage  à  la  fin  du  volume.  Vespuce, 
dit-il,  textuellement,  «  envoya  ses  lettres  au  duc  de  Lorraine,  qui  vit 
sans  doute  dans  le  mot  Amaracapana  ou  America,  la  preuve  que  le 


d'histoire  et  de  littérature  343 

nouveau  continent  avait  été  découvert  par  Améric  Vespuce,  et  le  secré- 
taire du  duc,  Walter  Ludd,  écrivit  un  opuscule  de  quatre  pages  (iSoy), 
donnant  à  entendre  que  le  nouveau  monde  avait  été  ainsi  nommé  d'après 
le  nom  d'Améric  Vespuce  qui  l'aurait  découvert  »  (p.  i3  1).  Je  suis  obligé 
de  constater  que  tout  est  faux  dans  cette  manière  de  présenter  les  faits  : 
1°  Améric  Vespuce  n'a  pas  écrit  au  duc  de  Lorraine,  M.d'Avezac  a  par- 
faitement rétabli  la  vérité  sur  ce  point;  2°  Ludd  a  bien  écrit  un  opus- 
cule, mais  ce  n'est  pas  dans  cet  ouvrage,  c'est  dans  la  Cosmographice 
Introdiictio  de  Waldseemûller  que  se  trouve  la  proposition  de  donner 
le  nom  d'Améric  Vespuce  au  nouveau  continent.  L'ouvrage  de  M.  de 
Saint-Bris  est  accompagné  d'une  carte  montrant  le  continent  améri- 
cain, et,  chose  étrange  et  incompréhensible,  le  Cathay  de  Marco 
Polo,  c'est-à-dire  la  Chine,  dessinée  à  l'orient  de  ce  continent.  Me  per- 
mettra-t-on  encore  de  relever  une  affirmation  singulière?  L'auteur  sem- 
ble attribuer  aux  Ptolémées,  rois  d'Egypte,  l'œuvre  du  géographe  Pto- 
lémée.  «  A  brother  of  Columbus  gave  a  map  to  the  Canon  of  the  church 
of  S.  John  of  Lateran,  at  Rome,  but  none  of  ihese  were  recognized  as 
standart  works  by  the  nautical  world  ;  who  were  still  guided  hy  those 
originally  issued  for   many   centuries ,  by  the   Ptolemy  Kings   of 

Egypt »  (p.  iii).  Je  ne  serai  pas  trop  sévère  en  disant  que  la  théorie 

de  M.  de  Saint-Bris  repose  sur  une  connaissance  insuffisante  de  l'his- 
toire et  que  sa  méthode  s'écarte  par  trop  de  nos  procédés  ordinaires  de 
critique. 

L.  Gallois. 

f^oo.  —  UI»ei-  den  zug  kaiser  Karis  V  gegen  Algler,  von  D'  Gustav  Turba, 
(Wien,  1890,  in-8). 

Cette  dissertation  apporte  une  utile  contribution  à  l'histoire  de 
Charles-Quint,  et,  particulièrement,  à  l'épisode  de  l'expédition  contre 
Alger.  Ce  dernier  sujet,  quoique  traité  bien  des  fois  déjà,  ne  semble  pas 
près  d'être  épuisé,  ce  dont  il  n'y  a  pas  trop  lieu  de  s'étonner.  Les  divers 
récits  qui  ont  été  faits  de  cette  entreprise  avortée  contiennent  de  nom- 
breuses variantes;  ceux  mêmes  des  témoins  oculaires  ne  concordent  pas 
parfaitement,  chaque  narrateur  se  laissant  influencer,  soit  par  son 
amour-propre  national,  soit  par  des  haines  et  des  jalousies  préconçues  1. 
Chez  les  historiographes  officiels,  c'est  encore  pis,  et,  pour  eux,  l'Empe- 
reur demeure  impeccable  2.  S'il  faut  les  croire,  toutes  les  fautes  doivent 

1.  Les  uns  louent  Fernand  de  Gonzague,  les  autres  lui  imputent  l'insuccès;  Doria 
est  porté  aux  nues  par  quelques-uns,  et  vilipendé  par  ses  ennemis;  certains  auteurs 
ont  exalté  la  valeur  italienne,  ou,  tout  au  moins,  cherché  à  dissimuler  la  panique, 
alors  que  le  chroniqueur  Dreschler  (Basileae,  i568;  dit,  tout  crûment  :  «  Germanus 
miles,  halo  fugiente,  fortiter  contra  Mauritanos  pro  Cœsare  pugnavit.  » 

2.  Autant  l'expédition  de  Tunis  avait  été  magnifiée,  parce  qu'elle  avait  réussi,  autant 
se  fit  la  conspiration  du  silence  sur  celle  d'Alger,  dont  le  souvenir  n'avait  rien 
d'agréable  pour  le  maître.  —  M.  T.  a  peut-être  un  peu  trop  de  confiance  dans 
Paul  Jove. 


344  REVUE   CRITIQUE 

être  imputées  aux  lieutenants  de  Charles-Quint  ;  s'ils  eussent  exécuté 
les  ordres  donnés,  tout  eut  réussi,  même  en  dépit  de  la  tempête.  Ce  sont 
des  assertions  qui  méritent  une  longue  étude  critique;  M.  le  docteur 
Schomburg  l'avait  déjà  facilitée  en  indiquant  la  plupart  des  sources  ', 
et  ce  travail  est  complété  très  heureusement  par  celui  dont  nous  parlons 
aujourd'hui  ^.  Il  se  divise  en  deux  parties;  la  première  décrit  les  prépa- 
ratifs de  guerre,  les  causes  de  l'expédition,  ses  péripéties,  et  le  rôle 
personnel  que  jouèrent  Charle^-Quint  et  André  Doria  ;  la  seconde 
partie  fait  Ténumération  et  l'étude  des  sources;  enfin  l'appendice  donne 
deux  lettres  de  l'Empereur,  et  trois  de  Giovanni  Bandini  ;  ce  sont  des 
documents  fort  curieux.  En  résumé,  on  peut  ne  pas  partager  toujours 
les  appréciations  de  M.  le  docteur  Turba  3;  mais  il  est  impossible  de 
méconnaître  la  valeur  de  son  travail. 

H.  D.  DE  Grammont. 


5oi.    —   Fabri    de   Peiresc    et    lu    numismatique     mérovingiennes    par 

M.  Maurice  Prou.  Toulouse,  éd.  Privât.   1890,  grand  in-8  de  35  p. 

M.  Prou,  avant  de  s'occuper  particulièrement  des  recherches  de  Pei- 
resc  relatives  à  la  numismatique  mérovingienne,  a  voulu  nous  montrer 
le  digne  élève  de  Bagarris,  réservant  dans  ses  collections  une  place 
importante  aux  médailles  de  tout  genre  et  de  toute  époque,  comme  il 
avait  consacré  à  leur  étude  une  bonne  partie  de  son  temps,  curieux  de 
bonne  heure  de  ce  qu'il  appelait  des  anticailles,  recherchant  et  réunis- 
sant, dès  Tâge  de  quinze  ans,  des  monnaies  anciennes  avec  un  zèle  dont 
Gassendi  compare  la  violence  à  celle  d'un  feu  dévorant  une  forêt.  M.  P., 

1 .  Leipzig,  iSyb. 

2.  M.  G.  T.  indique  les  sources  orientales;  les  traductions  qu'on  en  a  sont  fort 
défectueuses;  nous  savons  que  M.  R.  Basset  va  très  prochainement  publier  des  rec- 
tifications très  nécessaires,  et  nous  croyons  qu'il  prouvera  que  l'ouvrage  traduit  par 
M.  Pelaez  dans  VArchivio  Storico  Siciliano,  dont  parle  M.  T.  (p.  yS),  n'est  autre 
que  la  R'azaouat. 

3.  Je  SUIS  souvent  cité  dans  cet  ouvrage,  et  quelquefois,  pris  à  partie,  fort  courtoi- 
sement d'ailleurs  ;  avouerai-je  que,  malgré  le  talent  de  l'auteur,  je  ne  suis  pas  tou- 
jours convaincu  que  j'aie  eu  tort?  Notamment,  en  ce  qui  concerne  le  point  du  débar- 
quement, que  M.  T.  voudrait  reporter  à  un  mille  à  l'est  du  tombeau  des  Moudjahdine 
(p.  24),  il  me  semble  que  la  lettre  de  l'Empereur  (du  2  novembre  1541)  confirme 
mes  appréciations  au  lieu  de  les  détruire.  En  effet,  il  dit  avoir  débarqué  à  7  ou 
5  milles  d'Alger:  avoir  marché,  le  premier  jour  2  milles,  le  second  3,  et  campé  à 
2  milles  environ  d'Alger  (p.  76),  ce  qui  fait  bien  le  total  des  7  milles  annoncés.  — 
Au  moment  de  la  retraite,  il  fait  le  premier  jour,  5  à  6  milles,  qui,  joints  aux  2  qui 
le  séparaient  de  la  ville,  donne  un  total  de  7  à  S,  c'est-à-dire  qu'il  se  retrouve  au  lieu 
du  débarquement.  Et  il  ajoute  qu'il  campa  au  bord  d'une  rivière  (p.  78),  c'est-à-dire 
à  l'oued  Knis,  ce  qui  est  justement  ce  que  nous  avions  dit,  avant  même  de  con- 
naître le  précieux  document  publié  par  M.  Turba. 

Nous  terminons  en  indiquant  quelques  petites  corrections  à  effectuer  dans  la  pro- 
chaine édition  :  Barbaro^as,  Wrs  Barbarojas  (p.  6).  —  MonJjaltdine,  lire  Aloudjah- 
dine  (p.  24).  —  Milles,  lire  voiles  (p.  43).  —  Villegaignon  n'était  pas  né  en  Provence, 
mais  bien  à  Provins  (Seine-et-Marne)  (p.  5i). 


DHISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  345 

après  avoir  signalé  les  modestes  commencements  d'un  cabinet  plus  tard 
SI  riche  et  si  célèbre,  indique  ses  accroissements  successifs,  notamment 
les  pièces  d'or  et  d'argent  mérovingiennes  rapportées  de  Flandre  par 
Peiresc  en  1606.  Il  rappelle  que  le  grand  amateur,  comme  l'a  surnommé 
M.  L.  Delisle,  n'était  pas  tant  désireux  d'augmenter  ses  collections 
pour  satisfaire  à  ses  goûts,  que  a  pour  aider  le  public,  »  selon  ses  pro- 
pres expressions.  Il  raconte  avec  une  sympathie  de  bon  confrère  les 
deux  vols  dont  fut  victime  ce  musée  ouvert  si  libéralement  à  tous  les 
savants,  le  vol  de  1606  ^  commis  par  un  domestique  qui  porta  une 
main  sacrilège  sur  des  monnaies  impériales  2  et  le  vol  de  i623  beaucoup 
plus  considérable  et  qui  eut  toutes  les  proportions  d'un  désastre.  M.  P. 
admire  (p.  7)  «  la  délicate  et  pieuse  résignation  »  dont  Peiresc  fit  preuve 
dans  son  infortune  et  il  reproduit  (pp.  8-9)  les  condoléances  qui  furent 
adressées  au  volé  (8  août  1 624)  par  un  des  premiers  numismatistes  de  l'é- 
poque, PouUain,  dont  les  sentiments  étaient  meilleurs  que  le  style,  car 
rarement  lettre  a  été  plus  mal  tournée  que  la  sienne  et  c'eût  été  le  cas  de 
redire  le  mot  :  «  Cette  lettre  de  consolation  ajoute  à  mon  malheur.  » 
Plus  loin  (p.  10-12),  nous  trouvons  le  détail  des  livres,  monnaies, 
empreintes,  etc.,  que,  le  20  juillet  i6i3,  Peiresc  envoyait  à  son  ami 
Poullain,  et,  à  la  suite  de  ce  catalogue  inédit,  une  lettre,  également 
inédite,  de  Peiresc  au  sieur  Alard,  à  Compiègne,  datée  du  5  janvier  1607, 
sur  le  sou  d'or  et  sa  valeur  (pp.  12-14  3).  Les  pages  16  à  34  sont  occu- 
pées par  des  extraits  des  notes  de  Peiresc  sur  les  monnaies  mérovin- 
giennes, notes  consignées  dans  les  deux  inappréciables  volumes  du 
Musée  Meermann-Westreenen,  à  la  Haye.  Il  faut  remercier  M.  Prou 
d'avoir  mis  à  la  portée  de  tous  des  documents  que  leur  éloignement 
rendait  à  peu  près  inaccessibles.  Il  faut  aussi  le  remercier  d'avoir  rendu 
justice  à  Peiresc  en  ces  termes  excellents  que  j'aime  à  reproduire  (p.  35)  : 
«  Je  n'ai  pas  eu  la  'prétention  de  faire  une  étude  complète  sur  Peiresc 
numismatiste.  Mais,  au  moment  où  l'État  vient  d'acquérir  la  meilleure 
partie  de  la  riche  collection  de  feu  M.  de  Ponton  d'Amécourt,  ne  con- 
venait-il pas  de  jeter  un  regard  sur  les  commencements  delà  numisma- 
tique mérovingienne  pour  rappeler  les  noms  de  quelques  amateurs 
du  xvii^  siècle  qui,  les  premiers,  ont  songé  à  sauver  ces  petites  pièces 
d'or  si  précieuses  pour  notre  histoire,  et  que  leur  barbarie  avait  fait 
jusque-là  négliger?  J'ai  saisi  en  même  temps  cette  occasion  de  satisfaire 
au  désir  que  j'avais  d'apporter,    comme   numismatiste,    mon  humble 

I.  M.  P.  a  mis  1607  pour  i6o6,  trompé  par  Gassendi  qui,  d'ordinaire,  est  un 
guide  si  sûr. 

1.  J'ai  quelque  honte  d'avouer  que  ce  domestique  était  originaire  de  ma  province  na- 
tale, d'après  un  renseignement  fourni  par  Peiresc  et  confirmé  par  une  lettre  de  Mal- 
herbe à  Peiresc,  du  g  novembre  1606,  oùnouslisons  (t.  III  de  l'édition  L.  Lalanne, 
p.  i3)  :  Je  suis  bien  marri  du  trait  que  vous  a  joué  le  Gascon.  Le  nom  de  sa  nation 
vous  devoit  faire  peur. . .  » 

3.  Ces  documents  sont  tirés  du  ms.  fjb33  du  fonds  français.  A  ce  ms.  M.  P.  em- 
prunte encore  une  note  sur  une  pièce  d'argent  du  vni^  siècle  (p.  i3). 


346  REVUE    CRITIQUE 

offrande  à  Fabri  de  Peiresc,  et  de  rendre  à  ce  savant  antiquaire  la  place 
qui  lui  est  due  dans  l'histoire  de  la  numismatique  française  à  côté  de 
Pctau  et  de  PouUain.  » 

T.  DE  L. 

5o2.  —  La  Bruyère.  Les  Caractères  et  les  mœurs  de  ce  siècle,  suivis  du  dis- 
cours à  l'Académie  française,  publiés  avec  une  introduction  et  des  notes,  par 
G.  Servois  et  A.  Rébelliau.  Paris,  Hachette,  i8go.  Prix  :  2  fr.  5o. 

11  serait  superflu,  après  Sainte-Beuve.,  Prévost-Paradol,  et  tant  d'autres 
critiques  éminents,  de  faire  l'éloge  de  La  Bruyère  :  moins  original  que 
Montaigne,  moins  profond  que  La  Rochefoucauld,  il  a  d'autres  mérites 
qui  le  placent  sur  la  même  ligne  que  ces  deux  illustres  moralistes.  Avant 
tout,  c'est  un  merveilleux  styliste,  qu'on  a  eu  bien  raison  de  mettre  au 
nombre  des  auteurs  français  expliqués  dans  les  classes.  Non  seulement 
nos  élèves  trouveront  dans  les  Caractères  des  préceptes  et  des  exemples 
de  la  plus  savante  et  de  la  plus  ingénieuse  rhétorique,  mais  dans  cet 
ouvr.igi  qui  est  tout  moderne  par  la  forme  et  par  Tesprit,  ils  appren- 
dront encore  le  respect  et  l'amour  de  cette  antiquité  qui  présente,  comme 
le  disait  naguère  un  philosophe  resté  inébranlablement  classique,  «  le  plus 
grand  accord  de  la  pensée  et  du  sentiment  avec  l'expression  ».  Des  criti- 
ques et  des  attaques  plus  intéressées  qu'intéressantes  ont  prévenu  contre 
les  anciens  la  jeunesse  de  nos  jours  :  La  Bruyère  lui  rappellera  dans 
maint  passage  que  Virgile,  Horace,  Homère,  Platon,  sont  les  maîtres 
immortels  du  goût,  qu'il  est  bon  de  vivre  et  de  penser  dans  leur  lumière, 
et  qu'on  ne  peut  «  les  surpasser  que  par  leur  imitation  ».  Que  de  fois 
lui-même,  avec  la  leçon,  nous  en  donne  l'exemple!  Ovide  a  dit  quelque 
part  -.forma  dei  miimis.  La  Bruyère  s'empare  de  cette  pensée  qu'il  fait 
sienne  en  la  transformant,  en  lui  donnant  je  ne  sais  quelle  plénitude 
harmonieuse  :  «  Un  beau  visage  est  le  plus  beau  de  tous  les  spectacles.  » 
Ailleurs  il  regrette  en  ces  termes  le  jeune  Soyecourt  tué  à  la  bataille  de 
Fleurus  :  «  Je  pleure  cette  mort  prématurée  qui  te  joint  à  ton  intrépide 
frère,  et  t'enlève  à  une  cour  où  tu  n'as  fait  que  le  montrer  »,  réminis- 
cence discrète  de  ce  beau  vers  de  Virgile  :  ostendent  terris  hune  tantum 
fata.  Quelquefois,  c'est  par  un  seul  mot,  pris  dans  toute  sa  force  étymo- 
logique, que  se  trahit  l'imitation  :  «  Les  douleurs  muettes  et  stupides 
sont  hors  d'usage.  »  Sénèque  avait  dit  :  «  parvi  dolores  loquuntur,  | 
argentés  stupent.  »  Les  annotateurs  n'ont  pas  négligé  de  faire  quelques- 
uns  de  ces  curieux  rapprochements,  nécessaires  surtout  dans  une  édition 
classique,  parce  qu'ils  servent  à  faire  mieux  comprendre  et  gotiter  l'art 
industrieux  de  l'écrivain.  Les  notes  sont  abondantes  sans  être  prodiguées, 
et  quelques-unes  seulement  sont  sujettes  à  la  critique.  J'ai  de  la  peine  à 
croire  que  laconisme,  p.  257,  note  2,  soit  un  mot  nouveau  au  xvii*  siècle, 
pour  cette  raison  que,  dès  le  xvi*^,  on  rencontre  laconique  et  laco- 
niquement, quoique  ces  mots  n'aient  pas  d'histoire  dans  Littré.  Proster- 
nation (p.  174,  note  2)  n'a  pas  été  employé  que  par  la  Bruyère,  car  ce 


d'histoire  et  de  littérature  347 

substantif  est  en  usage  au  xv^  siècle,  et  un  peu  plus  tard  les  écrivains 
religieux  s'en  servent  habituellement.  C'est  par  inadvertance  que  dans 
V Index,  la  tragédie  de  Pyj'ame  et  Thisbé est  attribuée  à  Pradon.  Corneille 
mourut,  non  pas  riche,  mais  dans  une  honnête  aisance  :  ceci  a  été 
démontré  par  les  preuves  les  plus  incontestables.  Pourquoi  répéter  encore 
(p.  348,  note  i)  quMl  mourut  «  dans  le  plus  douloureux  dénûment?  » 
Dans  le  chagrin,  dans  la  tristesse,  oui,  car  il  eut  le  malheur  de  survivre 
à  plusieurs  de  ses  enfants,  mais  le  malheur  n'est  pas  toujours  la  misère. 
Qu'on  en  finisse  une  fois  pour  toutes  avec  cette  légende  que  les  beaux 
vers  de  Théophile  Gautier  n'ont  pas  peu  contribué  à  répandre.  —  Ces 
quelques  remarques  n'amoindrissent  pas  la  valeur  de  cette  édition  que 
recommandent  suffisamment  les  noms  de  MM.  Servois  et  Rébelliau. 

A.  Delboulle. 


5o3.  —  p-fancisque  Habasque,  correspondant  du  Ministère  de  l'Instruction  publique. 
I.e  dei-nief  «lue  d'Aquitaine.  Xavier  de  France  1753-1754.  Etude  historique 
suivie  de  la  réimpression  des  vers  sur  la  naissance  de  Monseigneur  le  Duc  d'Aqui- 
taine célébrée  dans  le  collège  des  Jésuites  de  Bordeaux  et  de  pièces  justificatives 
inédites.  Paris,  Alphonse  Picard;  Bordeaux,  Foret  et  fils,  iSgo,  grand  in-8  de 
2i3  p. 

M.  Habasque  trouva,  un  Jour,  en  bouquinant,  égarée  dans  un  recueil 
factice  de  pièces  de  théâtre  du  xviii^  siècle,  une  plaquette  imprimée  à 
Bordeaux,  chez  Lacornée,  imprimeur  du  Parlement,  et  intitulée  :  Vers 
sur  la  naissance  de  Monseigneur  le  duc  d'Aquitaine,  célébrée  dans  le 
collège  des  Jésuites  le  6  décembre  ly  'yS.  Cette  plaquette  parut  curieuse 
au  fervent  bibliophile.  S'étant  assuré  qu'elle  était  unique,  le  désir  bien 
naturel  lui  vint  de  la  réimprimer,  suivi  du  désir,  non  moins  naturel,  de 
faire  précéder  cette  réimpression  d'une  notice  —  je  me  sers  des  propres 
expressions  de  l'éditeur  —  sur  le  petit  prince  dont  la  venue  avait  été  si 
poétiquement  célébrée.  Ses  recherches  à  ce  sujet  durent  être  minutieuses, 
car  Xavier  de  France,  enlevé  dès  le  berceau,  a  laissé  si  peu  de  traces  que 
M.  Henri  Martin  l'omet  dans  l'énumération  des  petits-fils  de  Louis  XV 
et  qu'à  Bordeaux,  naguères  capitale  de  son  apanage,  bien  peu  savent 
encore  en  l'honneur  de  qui  un  des  plus  beaux  monuments  de  la  ville  a 
reçu  le  nom  de  Porte  d'Aquitaine.  Cependant,  continue  M.  H.,  «  les 
mémoires,  les  gazettes  et  les  archives  nous  ont  permis  de  reconstituer 
l'éphémère  existence  de  ce  frère  oublié  de  Louis  XVI,  ou  plutôt  de 
décrire  le  milieu  dans  lequel  il  naquit  et  les  cérémonies  et  les  manifes- 
tations dont  il  fut  l'occasion.  Si,  tout  en  mettant  au  jour  un  épisode  peu 
connu  de  l'histoire  de  Bordeaux,  nous  avons  donné  quelque  idée  des 
conditions  dans  lesquelles  vivait  au  siècle  dernier  un  Fils  de  France  en 
son  bas  âge,  notre  travail  aura  atteint  son  but.  » 

Les  soixante  pages  consacrées  à  Xavier-Marie  Joseph  de  France  (né  au 
palais  de  Versailles  le  8  septembre  1753,  mort  dans  le  même  palais  le 
22  février  1754)  sont  fort  intéressantes.  Récits  et  descriptions  y  sont  de 


348  REVUE    CRITIQUE 

la  plus  minutieuse  exactitude.  On  jurerait  que  M.  H.  a  vu  de  ses  pro- 
pres yeux  tout  ce  qu'il  raconte  et  décrit  et  qu'il  assistait  aux  fêtes  de 
Dresde,  dans  le  cortège  du  duc  de  Richelieu,  ambassadeur  extraordinaire 
du  Roi  très  chrétien  allant  demander  à  l'Électeur  de  Saxe  la  main  de  la 
princesse  Marie-Josèphe  pour  le  Dauphin  de  France  (janvier  1747), 
comme  aux  fêtes  de  Paris  et  de  Versailles,  comme  aux  fêtes  de  Bordeaux, 
comme  aux  funérailles  du  petit  duc  d'Aquitaine.  Que  le  lecteur  ne 
redoute  point,  en  tout  ceci,  les  inconvénients  du  genre  descriptif!  M.  H. 
a  spirituellement  évité  le  danger  en  glissant,  au  lieu  d'appuyer,  en 
mêlant  aux  renseignements  officiels  quelques  traits  de  délicate  ironie, 
quelques  saillies  où  pétille  la  verve  gasconne  '. 

L'éditeur  des  vers  des  jésuites  de  Bordeaux  a  eu  bien  raison  de  dire 
de  ce  recueil  qu'il  est  curieux  et  a  bien  fait  de  le  réimprimer.  Le  prin- 
cipal auteur  des  pièces  plus  ou  moins  poétiques  de  1753  est  le  R.  P. 
Sauret,  que  M.  H.  (p,  61)  nous  montre,  «  emporté  par  Pégase  »  affir- 
mant en  sa  dédicace  au  Dauphin,  formée  d'un  huitain,  que  Tagrément 
du  prince  est  la  garantie  d'une  gloire  immortelle.  Sauret,  non  content 
de  nous  gratifier  de  ses  lyriques  effusions,  nous  donne  aussi  quelque  peu 
de  sa  prose.  Citons  les  vers  latins  de  ses  confrères  (Gratulatio  Aquitaniœ 
de  Pierre-Simon  Livron,  autre  Gratulatio  de  Julien  Bonin,  Somnium. 
Carmen  anacreonticum,  du  même,  etc.)  2.  Citons  surtout  une  pièce  en 
langage  populaire,  les  bers  d'un  gascoun  (p.  1 14-1 16),  pièce  anonyme 
qui  n'avait  pas  encore  été  signalée  dans  les  bibliographies  spéciales. 
M.  H.  a  reproduit,  à  la  suite  de  la  plaquette  bordelaise,  des  poésies 
diverses  en  l'howieur  du  duc  d'Aquitaine  où  Ton  remarque  des  stances 
de  Marmontel,  une  églogue  de  Dupain  de  Triel,  une  Ode  de  Tabbé 
Roman. 

Ce  qui  vaut  mieux  que  ces  poésies  de  circonstance,  c'est  le  Recueil  de 


1.  Voir  notamment  (p.  12)  ce  qui  regarde  Dresde  «  submergé  par  un  déluge  de 
fêtes,  »  les  amours  saxons  se  jouant  aux  pieds  de  la  statue  de  l'hymen  avec  cette 
prière  «  qui  devait  être  largement  exaucée  »  ;  Adde  genus  de  conjiige  tanta,  et  (p.  14) 
ce  qui  regarde  Paris:  «  Ce  ne  furent  partout  que  lacs  de  fleurs,  unions  de  chiffres, 
alternances  d'armoiries,  enlacements  de  fleuves,  allégories  mythologiques,  etc.  » 
Notons  (ibid.)  cette  réflexion  piquante:  «  parmi  elles  [les  dames  chargées  de  recevoir 
Marie-Josèphe  dès  qu'elle  toucha  le  sol  français]  figuraient  (ces  choix  peignent  l'épo- 
que) M""=  de  Lauraguais,  qui  avait  été  la  maîtresse  du  Roi,  M"i«  de  Pompadour  qui 
l'était  et  M'"' d'Estrades  qui  essaya  de  l'être.  » 

2.  M.  H.  ne  donne  aucun  renseignement  sur  ces  trois  religieux.  Le  P.  Antoine 
Sauret  [né  le  16  octobre  1716)  fut  aussi  un  prosateur.  Voir  l'indication  d'un  de  ses 
discours  (prononcé  au  collège  de  Bordeaux  et  imprimé  à  Toulouse,  1749,  in-4°)  dans 
la  Bibliothèque  des  écrivains  de  ht  compagnie  de  Jésus.  ;T.  111,  in-f",  p.  572).  Il 
serait  aussi  l'auteur  d'une  comédie  ou  d'un  ballet  qu'il  fit  jouer  en  1744  et  en  1748 
et  que  mentionnent  les  Nouvelles  ecclésiastiques  en  174g,  p.  70.  Le  P.  Bonin,  né  le 
14  octobre  i68G,mourutà  Bordeaux  le  2  i  décembre  1760.  Voir  Bibl.  des  écrivains, 
t.  L  p.  744-745  oij  l'on  cite  de  lui  des  travaux  astronomiques  et  un  travail  d'érudition 
(dissertation  sur  l'année  de  l'exil  d'Ovide,  lue  à  l'Académie  de  Bordeaux  en  août 
1748).  Le  P.  Livron,  dont  on  ne  connaît  aucune  publication,  mourut  à  Bordeaux  le 
9  mars  1760. 


d'histoire    et    DR     LITTÉRATURE  849 

pièces  inédites  relatives  au  duc  et  à  la  Porte  d'Aquitaine  (p.  148  210]. 
Parmi  ces  documents,  au  nombre  de  vingt,  qui  proviennent  des  Archives 
nationales,  des  Archives  départementales  de  la  Gironde  et  du  Lot-et- 
Garonne,  des  Archives  municipales  d'Agen  et  de  Bordeaux,  signalons 
l'état  des  personnes  que  le  Roy  a  établies,  pour  servir  près  de  Mgr  le  duc 
d'Aquitaine,  l'état  des  meubles,  linge,  argenterie  et  autres  choses  déli- 
vrées à  M™°  la  duchesse  de  Tallard,  gouvernante  des  enfans  de  France, 
pour  le  service  de  Mgr  le  duc  d'Aquitaine,  une  lettre  de  M.  de  Tourny 
au  comte  de  Saint-Florentin,  une  lettre  de  ce  dernier  à  M.  de  Tourny, 
une  jurade  de  Bordeaux  relative  à  la  naissance  du  duc,  une  lettre  de 
M.  de  Tourny  au  garde  des  Sceaux,  une  Jurade  de  Bordeaux  relative  à  la 
Porte  d'Aquitaine,  autre  jurade  relative  aux  fêtes  en  l'honneur  du  duc, 
une  lettre  de  M.  de  Tourny  aux  consuls  d'Agen,  etc. 

Le  volume  est  dédié  à  M.  Léopold  Delisle.  Je  donnerai  un  grand 
éloge  à  M.  Habasque  en  déclarant  que  son  travail  n'est  pas  indigne  de 
paraître  sous  les  auspices  du  modèle  des  travailleurs. 

T.    DK    L. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Le  premier  volume  du  catalogue  des  monnaies  grecques  de  la  Biblio- 
thèque nationale  a  paru,  par  les  soins  de  M.  E.  Babelon  ;  il  comprend  les  monnaies 
des  rois  de  Syrie,  d'Arménie  et  de  Commagène.  Un  deuxième  volume  sera  consacré 
aux  monnaies  des  Perses  Achéménides. 

—  On  trouvera  dans  le  14*^^  fascicule  du  Dictionnaire  des  antiquités  grecques  et  ro- 
maines —  lequel  va  de  Donatiok  Electum  -—  d'importants  articles  :  la  dot  (Caillemer 
et  Baudry),  la  drachme  (Lenormant),  le  dragon  (Pottier),  les  duumviri  juri  dicundo 
(Humbert),  les  duumviri  sacris  faciundis  (Bioch),  l'éducation  en  Grèce  (P.  Girard) 
et  à  Rome  (Pottier),  Veisphora  ou  impôt  extraordinaire  chez  les  Grecs  ;Lécrivain),  Vec- 
clesia  (Glotz). 

—  A  paru,  chez  Loyer-Fontaine,  à  Alençon,  VÉtat  delà  généralité  d'Alençon  sous 
Louis  XIV,  par  M.  Louis  Duval,  archiviste  de  l'Orne. 

—  M.  Henri  Cordier  a  fait  tirer  à  part  sa  longue  et  excellente  Notice  sur  la  Chine 
qui  a  paru  dans  la  ;<  Grande  Encyclopédie  ».  (Paris,  Lamirault.  In-8%  11 1  p.  avec 
carte). 

—  La  deuxième  série  des  Études  sur  l'Espagne  de  M.  A.  Morel-Fatio,  vient  de 
paraître  chez  Bouillon;  elle  a  pour  titre  :  Grands  d'Espagne  et  petits  princes  alle- 
mands au  xvni«  5/èc/c',  d'après  la  correspondance  inédite  du  comte  de  Fernan  Nuiiez 
avec  le  prince  Emmanuel  de  Salm-Salm  et  la  duchesse  de  Béjar.  Nous  y  reviendrons- 

—  Deux  brochures  nouvelles,  toujours  curieuses  et  instructives,  toujours  copieu- 
sement annotées,  de  M.  Tamizey  de  Larroque  :  i»  le  XVIlIe  fascicule  des  Correspon- 
dants de  Peiresc  (lettres  inédites  écrites  d'Aix  à  Peiresc,  de  16 18  à  i63i,  par  Boni- 
face  Eorrilly,  une  des  gloires  du  notariat  provençal.  Ces  lettres  sont  au  nombre  de 
cinq  ;  on  y  remarquera  les  pages  où  Borrilii  raconte,  en  février  1623,  tous  les  détails 
de  son  entrevue  avec  Louis  XIIL  Notons  aussi,  à  la  suite  des  lettres,  l'inventaire  des 
richesses  du  cabinet  de  Borrilii);  1° Hercule  d'Argilemont,  personnage  peu  connu  sur 
lequel  notre  collaborateur  a  réuni,  en  une  vingtaine  de  pages,  tous  les  renseigne- 


35o  REVUE   CRITIQUE 

ments  qu'il  a  pu  trouver.  (Ce  gouverneur  de  Caumont  resta  longtemps  la  terreur  de 
ceux  qui  passaient  devant  son  château,»  devant  l'aire  du  vautour,  et,  après  trois  siè- 
cles bientôt,  son  sinistre  souvenir  est  encore  vivant  dans  le  beau  pays  où  il  exerça 
tant  de  ravages  >.  Il  tut  enfin  exécuté  le  l'i  septembre  1620.  M.  Tamizey-,de  Larro- 
que  ajoute  à  sa  notice  sur  ce  détestable  voisin  de  l'abbaye  de  Guitres  deux  pièces 
fort  rares  relatives  à  son  jugement  et  à  son  supplice^ 

—  M.  Ch.  JoRET,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  d'Aix,  fait  paraître  un  intéres- 
sant travail  — sur  lequel  nous  reviendrons  —  qui  a  pour  sujet  Pierre  et  Nicolas  For- 
mont,  un  banquier  et  un  correspondant  du  Grand-Electeur  à  Paris.  (Paris,  Picard  et 
Bouillon,  1890,  in-80,  80  p.). 

—  La  librairie  Alcan  publie  le  tome  deuxième  du  Recueil  des  instructions  donnés 
aux  ambassadeurs  et  ministres  de  France  en  Russie,  par  A.  Rambaud. 

—  Jemappes  et  la  conquête  de  la  Belgique  (i  7g2-iyg3j,  tel  est  le  titre  d'un 
volume  que  M.  A.  Chuquet  vient  de  donnera  la  librairie  Léopold  Cerf;  ce  volume, 
contient  six  chapitres  :  I.  Les  Pays-Bas  autrichiens  ;  II.  L'invasion  française;  III. 
Jemappes;  IV.  La  conquête  de  la  Belgique;  V.  Pache;  VI.  La  réunion. 

—  Le  tome  troisième  de  la  traduction,  par  M.  A.  Burdeau,  de  Schopenhauer,  Le 
monde  comme  volonté  et  représentation,  paraît  chez  Alcan;  il  complète  l'ouvrage. 

—  Vont  paraître  à  la  même  librairie  Alcan  :  sir  John  Lubbock,  Le  bonheur  de  vivre, 
traduit  sur  la  ig^  édition  anglaise  ;  et  Les  sens  et  l'instinct  che^  les  animaux  et  prin- 
cipalement che^  les  insectes;  Arloi^g,  Les  virus;  TR0VESS.^.î^^,  Les  microbes,  les  fer- 
ments et  les  moisissures  ;  Debidour,  Histoire  diplomatique  de  V Europe,  de  181 5  à 
1878  {2  volsin-8"). 

ALLEMAGNE.  —  La  maison  Asher,  de  Berlin,  distribue  le  prospectus  d'un  grand 
ouvvsigQ,  Olympia,  die  Ergebnisse  der  von  dem  deutschen  Reich  veranstalteten  Aus- 
grabung .  L'ouvrage  sera  publié  par  MM.  E.  Curtius  et  F.  Adler,  avec  la  collabo- 
ration de  MM.  Dœrpfeld,  Gr^ber,  Gr^f,  Partsch,  Bgrrmann,  Treu,  Dittenberger 
et  PuRGOLD.  Il  comprendra  cinq  vol.  in-40  et  quatre  vols.  gr.  in-fol.,  plus  un  carton 
gr.  in-fol.  avec  cartes  et  plans.  Le  prix  total  sera  de  i,3oo  mark  ou  1,625  francs.  Le 
gouvernement  allemand  a  dépensé  plus  d'un  million  pour  les  fouillesd'Olympie  ;  on 
a  le  droit  de  se  demander  s'il  n'aurait  pas  dû  prendre  des  mesures  pour  que  les 
résultats  de  ces  fouilles  fussent  mis  à  la  portée  du  public  dans  des  conditions  de  prix 
plus  abordables. 

—  Le  Lexicon  der  lateinischen  Wortformen  de  M.  K.  E  Georges  est  terminé  avec 
la  cinquième  livraison  (Leipzig,  Hahn,  11  mark). 

—  Félix  Dahn  publie  un  nouveau  roman  historique  sur  la  grande  invasion,  Die 
Bataver,  historischer  Roman  aus  der  Vœlkerwanderung .  (Leipzig,  Breitkopf  et  Haer- 
tel.  In-80,  606  p.  9  mark). 

—  On  annonce  la  publication  du  deuxième  volume  de  la  Geschichte  der  katholis- 
chen  Kirche  in  Irland  von  der  Einfùlirung  des  Christenthums  bis  auf  die  Gegenwart, 
de  M.  A.  Bellesheim  (Mayence,  Kirchheim,  16  mark  60).  Le  troisième  volume  est 
sous  presse. 

—  La  huilième  partie  des  Analecta  hymnica  medii  aevi  du  P.  G.  M.  Brèves  a  paru, 
à  la  librairie  Reisland,  de  Leipzig,  sous  le  ûire  Sequentiae  ineditae,LiturgischePro- 
sen  des  Mittelalters  (7  mark  5o).  On  connaît  les  parties  précédentes  ;  I.  Cantiones 
Bohemicae[i8Sô);  IL  Hymnarius  Moissaciensis ;  lU.  Conradus  Gemnicensis  (1888); 
IV.  Hymni  inediti ;  V .  Historiae  rhythmicae ;\'l.  Uldaricus  Wessofonianus  (1889); 
VII.  Prosarium  Lemovicense  {i8go). 

—  Le  premier  volume  du  Deutsches  Wœrterbuch  de  M.  Moriz  Heyne,  professeur 
à  l'Université  de  Gœttingue,  a  paru  chez  Hirzel,  à  Leipzig;  il  comprend  les  lettres 
A-G  (prix  :  broché  10  mark). 


i 


d'histoire  et  de  littérature  35 1 

—  Hermann  Bœhlau,  à  léiia,  met  en  vente  une  étude  sur  Knebel,  l'ami  de  Goethe, 
(K.  L.  von  Knebel  ein  Lebensbild,  2  naark  80)  par  M.  Hugo  von  Knebel-Doeberitz 
et  une  biographie  de  l'impératrice  Augusta  {Aiigusta,  Her^ogin  :{ii  Sachsen,  die  erste 
deutsciie  Kaiserin,  Zûge  und  Bilder  ans  ihrem  Leben  und  Cliarakter  nacli  vielfach 
imgedruckten  Qjiellen  i  mark)  par  M.  O.  Schrader,  professeur  à  l'Université  d'iéna. 

—  M.  Philippe  Strauch  a  fait  tirera  part  (du  IV'  fascicule  de  la  «  Zeitschrift  fur 
deutsches  Altertum  und  deutsche  Lilteratur  »)  son  utile  et  excellente  bibliographie 
des  publications  parues  en  1889  sur  le  domaine  de  la  littérature  allemande  moderne 
(Ver^eiclinis  der  auf  dem  Gebiete  der  neueren  deulschen  Litteratw  im  Jahre  188 g 
erschienenen  wissenschafilichen  Publicationen) . 

DANEMARK.  —  Sous  le  titre  général  Sjœledyrkelse  og  Naiurdyrkelse,  Bidrag 
iil  Bestemmelsen  af  den  mytologiske  Metode  (Culte  de  l'âme  et  Culte  de  la  nature, 
contribution  à  la  détermination  de  la  méthode  mythologique,  Kjœbenhavn,  Leh- 
mann  og  Stage,  iSgo),  M.  H.  S:  Vodskov  annonce  une  série  d'études  de  mythologie 
historique  et  comparée,  dont  le  premier  volume  est  intitulé  Rig-Veda  og  Edda  et 
dont  il  fait  en  même  temps  paraître  le  premier  fascicule  {cl-8o  pp.).  Une  longue 
introduction,  consacrée  à  l'étude  des  migrations  qui  ont  peuplé  la  surface  de  la  terre 
et  des  souvenirs  mythologiques  qu'elles  ont  laissés,  touche  à  un  grand  nombre  de 
questions  d'une  portée  très  générale,  notamment  à  celle  de  la  civilisation  primitive  des 
Indo-Européens.  Passant  au  Rig-Véda,  l'auteur  en  examine  successivement  la  versi- 
fication, le  style,  les  auteurs  présumés,  l'inspiration-,  le  fascicule  s'arrête  au  début 
du  chapitre  Agni.  M.  Vodskov  est  bien  au  courant  de  la  littérature  védique  et  des 
travaux  des  j^rincipaux  exégètes;  il  les  caractérise  avec  justesse,  parfois  avec  un  réel 
bonheur  d'expression.  Ses  traditions  aussi,  plus  littéraires  que  rigoureuses,  repro- 
duisent du  moins  avec  fidélité,  en  vers  danois,  le  mouvement  de  l'original  :  il  y  a 
entre  autres  (p.  iS)  une  cadence  à'atyashti  (K.  V.  I,  i3o.  4-5)  merveilleusement  imi- 
tée, qui  sonne  presque  à  l'oreille  comme  une  strophe  védique.  La  mâle  douceur  des 
idiomes  Scandinaves  se  prête  bien  à  ces  tours  de  force;  mais  on  n'en  doit  pas  moins 
déplorer  que  le  livre  de  M.  Vodskov  soit  écrit  en  une  langue  relativement  peu  con- 
nue, qui  découragera  beaucoup  de  lecteurs.  Quant  aux  tendances  scientifiques  de 
l'œuvre,  on  n'en  pourra  juger  avec  précision  que  lorsqu'il  aura  abordé  la  comparai- 
son promise  du  Rig-Véda  et  de  l'Edda. 

—  M.  Emile  Gigas  publie  un  Choix  de  la  correspondance  inédite  de  Pierre  Bayle 
(Copenhague,  Gad),  que  nous  venons  de  recevoir  et  dont  nous  parlerons  prochaine- 
ment. 

FINLANDE.  —  M.  E.  N.  Set^el^e,  de  l'Université  de  Helsingfors,  auteur  d'une 
remarquable  monographie  des  affixes  du  temps  et  du  mode  dans  la  conjugaison 
ongro-finnoise  (:[ur  Geschichte  der  Tempus  imd  Modusstammbildung  in  den  Fin- 
nisch-Ugrischen  Sprachen,  Helsingfors,  1887,  xiv-i84  PP)>  vient  de  publier,  sous 
le  titre  Yhteissuomalaisten  kliisiilien  Historia,  luku  yhteissuomalaisesta  œœnnehis- 
ioriasta  (Histoire  des  explosives  de  la  langue  commune  Suomie,  un  chapitre  de 
phonétique  historique  finnoise,  Helsingfors,  1890,  viii-228  pp.)  un  ouvrage  conçu 
dans  l'esprit  de  la  méthode  historique  la  plus  rigoureuse  et  destiné  à  renouveler  sous 
peu  les  notions  que  l'on  croyait  acquises  sur  la  phonétique  des  divers  dialectes  fin- 
nois (suomi  propre,  este,  live,  vepse,  votiaque,  carélien).  Le  savoir  de  l'auteur,  formé 
aux  meilleures  écoles,  est  à  la  fois  théorique  et  pratique  :  le  suomi  propre  est  sa 
langue  maternelle;  il  a  voyagé  en  pays  vepse  et  en  Livonie  et  rapporté  notamment 
sur  révolution  phonétique  du  dialecte  live  des  informations  absolument  nouvelles. 
C'est  la  première  fois,  l'on  peut  le  dire,  que  l'on  voit  fixé  un  ensemble  de  lois  pho- 
nétiques véritables  dans  une  division,  restreinte  il  est  vrai,  mais  très  importante  du 


35: 


RKVUK    CRITIQUE    D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 


grand  domaine  ongro-finnois.  M.  S.  ne  s'en  tiendra  pas  là  :  il  nous  promet,  pour  un 
très  prochain  avenir,  la  seconde  partie  de  ses  études  sur  le  rameau  finnois  occiden- 
tal, et,  s'il  acquiert  dans  son  pays  l'influence  qui  lui  est  due,  il  y  aura  bientôt  formé 
une  génération  de  jeunes  travailleurs  exceptionnellement  bien  placés  pour  nous 
éclairer  sur  la  solution  des  problèmes  multiples  et  quasi  inabordés  de  la  phonétique 
ouralo-altaïque. 

RUSSIE. —  Une  Société  d'histoire,  présidée  par  M.  N.  Karéiev,  a  été  fondée  à 
l'Université  de  Saint-Pétersbourg. 

—  M.  Lappo-Danilevski  a  publié  un  gros  volume  sur  l'organisation  de  l'impôt 
direct  en  Russie  au  xvu'  siècle. 

—  On  annonce,  pour  paraître  prochainement,  un  considérable  travail  de  M.  Michel 
KoRELiNN  sur  la  Renaissance  italienne,  ainsi  qu'une  Histoire  de  la  civilisation 
byj^antine,  par  M.  Ouspenski,  professeur  à  l'Université  d'Odessa. 

—  L'auteur  d'une  Histoire  du  protestantisme  polonais,  M.  Lubovitch,  qui  professe 
l'histoire  à  l'Université  de  Varsovie,  a  fait  tout  récemment  paraître  une  Histoire  de 
la  réaction  catholique  en  Pologne. 


ACADÉMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  7  novembre  18 go. 

M.  Barbier  de  Meynard  rend  compte  d'une  mission  épigraphique  en  Asie-Mineure, 
qui  a  été  confiée  à  M.  Clément  Huart,  interprète  de  l'ambassade  de  France  à  Gons- 
tanlinople.  Le  but  de  la  mission  était  de  relever  dans  l'éyalet  de  Karamanie  (ancienne 
Lycaonie  et  Isaurie),  notamment  à  Konyah  (Iconium),  les  inscriptions  musulmanes 
et  surtout  celles  du  temps  des  princes  seldjoukides  (1087  à  1 3oo  de  notre  ère). 
M.  Huart  a  recueilli  cinquante-huit  inscriptions,  pour  la  plupart  arabes,  dont  vingt- 
cinq  de  l'époque  des  Seldjoukides.  Ces  textes  fournissent  des  données  nouvelles  pour 
l'histoire  de  cette  dynastie,  qui,  quoique  turque  d'origine,  avait  subi  fortement  l'in- 
fluence de  la  Perse  ancienne. 

M.  Huart  a  recueilli  aussi  deux  inscriptions  latines  et  une  inscription  grecque. 

M.  Héron  de  Viilefosse  fait  ressortir,  en  quelques  mots,  l'intérêt  de  ces  trois  der- 
niers textes,  les  plus  importants  qu'on  ait  recueillis  jusqu'ici  sur  ce  point.  Les  ins- 
criptions latines  sont  deux  dédicaces  à  Caracalla  et  à  Lucius  Aelius  Verus,  des  années 
212  et  iSy  de  notre  ère.  L'inscription  grecque  mentionne  un  certain  Julius  Publius, 
'jo-jinTfii,  ou  curateur  de  la  cité. 

M.  Violiet  appelle  l'attention  de  l'Académie  sur  une  ordonnance  de  saint  Louis, 
qui  manque  dans  le  Recueil  des  ordonnances  de  Laurière.  Elle  fut  rendue  en  1245, 
en  vue  de  la  prochaine  croisade.  Elle  impose  à  tous  les  belligérants  une  trêve  de  cinq 
ans  et  oblige  les  créanciers  des  croisés  à  faire  absoudre  par  l'autorité  ecclésiastique 
ceux  de  leurs  débiteurs  contre  qui  ils  auraient  obtenu  une  sentence  d'excommuni- 
cation. 

M.  Casati  met  sous  les  yeux  des  membres  de  l'Académie  : 

1°  Des  reproductions  des  p>eintures  de  la  dernière  tombe  peinte  découverte  en 
Etrurie,  à  Porano,  à  quelque  distance  d'Orvieto;  on  y  voit  divers  personnages,  un 
char  à  deux  chevaux,  une  table  servie  pour  le  repas  funèbre,  une  lasa,  divinité  ailée, 
tenant  en  sa  main  le  rouleau  des  actions  du  défunt;  des  inscriptions  donnent  le  nom 
de  la  famille  :   Thescanas; 

1"  Des  bijoux  d'or,  provenant  de  Chiusi  et  d'Orvieto,  travaillés  avec  la  finesse  pro- 
pre à  la  joaillerie  étrusque  :  boucles  d'oreilles,  spirales,  ornements  pour  la  coiffure 
des  femmes,  collier,  etc.; 

3°  Des  bijoux  de  bronze,  provenant  d'Orvieto; 

40  Un  miroir  sur  lequel  est  représenté  un  sujet  mythologique  proprement  étrus- 
que :  un  groupe  de  deux  lasas  ailées,  nues  et  parées  de  bijoux. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Le  Blant  Krauss  (Franz  Xaver),  Die  christlichen 
Inschriften  der  Rlieinlande,  1,  die  altchristhcken  Inschriflcn  der  Rheinlande ;  —  pav 
M.  Georges  Perrot  :  i"  Cabrol  (E  ),  Voyage  en  Grèce,  notes  et  impressions  ;  2°  Col- 
lections du  musée  Allaoui,  publiées  sous  la  direction  de  M.  René  de  la  Blanchère, 
livraisons  3-5 . 

Julien  HwET. 


Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Le  Puy,  imprimeine  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  23. 


-i 


I 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N°  47  —  24  novembre  —  1890 


Sommaire  t  bo4.  Ehni,  Le  mythe  de  Yama.  —  5o5.  Bugge,  Etrusque  et  aménien. 

—  5o6.  TiMMERMANS,  Traité  de  l'onomatopée.  —  Soy.  Blaydes,  Les  fragments  des 
comiques  grecs.  —  5o8.  Kirchner,  Catalogue  des  citoyens  athéniens.  —  5og. 
Bertrand,  Cicéron  artiste.  —  5io.  Bonnet,  Le  miracle  de  l'archistratège  MicheL 

—  5ii-5i2.  De  aleatoribus,  p.  p.  Miodonski  et  Hilgenfeld.  —  5i3.  Sabatier,  De 
la  vie  intime  des  dogmes.  —  514.  Waag,  Poèmes  allemands.  —  5i5.  Boos,  Cartu- 
laire  de  Worms,  II.  —  5 16.  Seger,  Nicéphore  Bryenne.  —  5  17.  Gebhart,  L'Italie 
mystique.  —  5 18.  Heidenhain,  Philippe  de  Hesse.  —  5 19.  Abbadie,  Un  cadet  de 
Gascogne.  —  Chronique. 


504.  —  J.  Ehni.  I>er  ■Vedîsche  Mj'thas  des  Yama,  verglichen  mit  den  ana- 
logen  Typen  der  Persischen,  Griechischen  undGermanischenMyjhologie.lv; 
216  p.;  Strassburg,  1890. 

M.  Ehni  est  un  polygraphe  et  un  polyglotte;  il  a  publié  un  Voyage 
en  Sicile,  des  sermons,  des  traités  de  polémique  religieuse,  un  Essai  sur 
le  Faust  de  Gœtke,  Trois  Mythes  de  Zeus,  et  le  Christianisme  social  ; 
il  écrit  indifféremment  en  français  ou  en  allemand,  sur  une  question 
d'actualité  ou  sur  un  problème  de  philologie.  Son  Essai  sur  le  Mythe 
de  Yama  se  présente  au  public  sous  le  patronage  de  M.  Max  Muller,  et 
certes,  il  n'en  est  pas  indigne.  M.  Max  Muller  a  dû  saluer  avec  émotion 
ce  représentant  attardé  d'une  doctrine  usée  et  abandonnée.  M.  E.  est  un 
artiste  en  équations  solaires  :  Yama  se  réduit  en  dernière  analyse  à  la 
forme  jumelle  du  soleil  envisagé  comme  astre  visible  du  jour  et  astre 
invisible  de  la  nuit  ;  sa  sœur  jumelle  Yamî  s'explique  égalem.ent  par  la 
forme  double  de  la  lune,  croissante  et  décroissante.  M.  E.  s'est  proposé 
d'étudier  révolution  qui  a  porté  Yama  de  son  origine  naturaliste  au 
rang  de  Premier  Homme  en  ligne  descendante,  et  en  ligne  ascendante 
au  rang  de  Dieu  Universel,  et  de  rechercher,  dans  ce  cas  spécial,  le  lien 
qui  réunit  les  phénomènes  physiques  avec  les  plus  hautes  aspirations  de 
l'homme.  11  s'attache  tout  d'abord  à  démontrer  la  nature  lumineuse  et 
solaire  des  parents  de  Yama;  puis  il  décrit  les  étapes  du  dieu,  adoré 
successivement  comme  dieu  solaire,  comme  feu  du  sacrifice  en  même 
temps  que  feu  du  soleil,  puis  combinant  les  attributs  solaires  avec  les 
caractères  humains,  promu  ancêtre  de  l'humanité,  prince  des  morts, 
dieu  de  la  mort,  bifurquant  ensuite  pour  aboutir  d'une  part  à  la  forme 
humaine  comme  le  premier  des  vivants  et  le  premier  des  morts,  d'autre 
part  à  la  forme  purement  divine  à  titre  de  dieu  universel.  M.  E.  com- 
pare enfin  les  traits  essentiels  du  Yama  védique  avec  les  types  analogues 
des  mythologies  de  la  Perse,  de  la  Grèce  et  des  peuples  germaniques  : 
Nouvelle  série,  XXX.  47 


35  I  REVUK    CRITIQUE 

Yima,  Dionysos,  Rhadamanthys,  Tuisco,  Ymir.  L'essai  de  M.  E.  est 
fondé  sur  les  seuls  textes  du  /^g-Veda  déjà  recueillis  par  Muir  et  par 
M.  Bergaigne;  il  les  recueille,  les  traduit  et  les  interprète  à  nouveau. 
L'entreprise  risque  de  paraître  présomptueuse;  pour  reprendre  l'œuvre 
de  pareils  devanciers,  il  faudrait  au  moins  la  largeur  et  la  précision  de 
leurs  connaissances  védiques,  la  sûreté  de  leur  méthode,  la  vigueur  de 
leur  jugement  et  même  au  préalable  une  science  solide  de  la  langue. 
Ces  mérites  ne  caractérisent  pas  l'œuvre  de  M.  Ehni.  Il  se  limite  au 
i?g-Veda  et  s'interdit  de  regarder  au  dehors;  il  ignore  presque  de  parti- 
pris  les  autres  Sanzhitâs,  les  Brâhma/zas,  et  tout  le  reste  de  la  littérature; 
il  prend  les  hymnes,  les  dispose  dans  un  ordre  arbitraire  et  construit 
une  histoire  sur  des  données  préconçues  sans  chercher  une  base  réelle 
de  chronologie.  Les  détails  même  sont  loin  de  trahir  le  soin  minutieux 
indispensable  aux  recherches  védiques,  où  les  mots  réclament  si  souvent 
un  examen  attentif.  Les  passages  transcrits  fourmillent  d'incertitudes 
etd'eireurs  :  le  r  voyelle  est  représenté  tantôt  par  un  r  pointé,  tantôt 
par  le  groupe  rz  (çriwgo,  p.  ir,  1.  2,  brhaddivo,  p.  12,  1.  3);  le  même 
mot  est  transcrit  coup  sur  coup  sous  deux  formes  :  minâno  (i3,  i)  et 
mi;zâno  {ib.,  2);  panim  (16),  panim  (ib.);  les  signes  de  longues  semblent 
disposés  au  hasard  :  çrûte/î  (9,  au  bas),  vacam  (56,  med.)  ;  les  syllabes 
sont  séparées  de  même  :  caksasât  mîyena  tejâsa  (23,  med.,  pour  :  cak- 
5asâtmî°).  Certaines  erreurs  se  représentent  avec  une  ténacité  inquié- 
quiétante.  Le  Bhâgavata  Purâ/za  est  appelé  Bhagavat  Purâna  (2,  med.; 
54  int.),  et  même  Bhayavat  Purâna  {44,  33)  corrigé  dans  Verratwn  en 
Bhagavat  Purâna!  Les  catégories  et  les  exemples  d'erreurs  analogues 
donneraient  une  longue  liste.  Si  ces  incorrections  de  forme  ne  suffisent 
pas  à  infirmer  la  valeur  de  l'ouvrage,  elles  ne  laissent  pas  de  créer  une 
prévention  défavorable. 

Mais  la  question  est  plus  haute.  M.  E.,  au  cours  de  son  essai,  cons- 
tate que  M.  Bergaigne  '  n'a  pas  indiqué  dans  son  ouvrage  sur  la  Reli- 
gion Védique  la  signification  du  dieu  Yama  (p.  55).  M.  Bergaigne  s'est 
abstenu  délibérément  d'une  recherche  condamnée  à  rester  infructueuse. 
La  Sa?nhitâ  du  i?g-Veda,  consultée  sans  aucun  moyen  de  comparaison 
ou  de  contrôle,  est  impuissante  à  fournir  les  éléments  d'une  étude  histo- 
rique; les  données  s'y  présentent  sur  le  même  plan,  sans  aucune  pers- 
pective. Les  matériaux  ne  manquent  pas  sans  doute,  encore  que  les  idées 
soient  souvent  difficiles  à  saisir  sous  les  mots  ;  mais  comment  en  déter- 
miner les  dispositions?  A  quels  indices  se  fier  pour  marquer  les  étapes   jj 
de  l'évolution?  Le  bon  sens  et  la  logique,  invoqués  comme  les  guides   4 
les  plus  sûrs,  ne  sont  que  les  plus  décevants;  l'Européen  du  xix"  siècle  il 
n'enchaîne  pas  ses  idées  comme  l'Aryen  des  temps  védiques,  ni  même 
comme  l'Hindou  moderne.  Les  théories  construites  sur  ces  fondements 
imaginaires  peuvent  attester  l'uigéniosité  de  leur  auteur  et  amuser  le 

I.  M.  E.  le  désigne  à  tort  comme  un  élève  direct  de  Burnouf  (p.  55). 


d'histoire  et  de  littérature  355 

public;  la  science  n'en  attend  pas  de  profit.  M.  E.  ne  se  contente  pas 
d'expliquer  par  le  soleil  jumeau  le  dieu  Yama;  il  entend  expliquer  éga- 
lement les  autres  personnages  de  ce  cycle.  Les  deux  Sârameya,  par  exem- 
ple, ces  chiens  aux  quatre  yeux,  tachetés,  qui  gardent  le  chemin  des 
morts,  ont  dû  passer  d'abord  par  la  phase  naturaliste;  à  Toeuvre  l'ima- 
gination !  La  solution  s"ofîre  d'elle-même.  Les  chiens  Sârameya  étaient 
à  Porigine  le  vent  du  Sud  et  le  vent  d'Ouest  (ou  du  Sud-Ouest,  car  l'hé- 
sitation est  permise).  En  effet,  la  racine  sur  signifie  :  aller  vite.  Saramâ, 
la  mère  des  Sârameyas,  la  chienne  des  dieux,  est  aussi  la  messagère 
d'Indra,  dieu  du  ciel  orageux  :  elle  participe  ainsi  à  la  tempête.  L'idée 
de  chien  s'associe  naturellement  à  l'idée  de  vent  :  Pun  et  l'autre  vont 
vite.  Le  vent  d'Ouest,  au  témoignage  des  voyageurs,  est  la  mort  des 
végétaux  ;  voilà  l'idée  de  mort  qui  apparaît.  Le  personnage  est  com- 
plet. 

L'exemple  est  topique;  il  met  en  relief  le  système  adopté  par  M.  E. 
et  caractérise  la  valeur  des  conclusions  énoncées,  M.  Ehni  s'est  travaillé 
à  disposer  dans  un  ordre  arbitraire  des  matériaux  déjà  recueillis  et  exa- 
minés avec  soin  ;  l'histoire  de  Yama  n'y  a  rien  gagné.  Une  autre  méthode 
s'impose  à  ce  genre  de  recherches;  au  lieu  de  prendre  pour  point  de 
départ  l'inconnu  ou  l'arbitraire  (c'est  tout  un),  il  faudrait  partir  du 
connu.  Comme  un  point  ne  suffit  pas  à  déterminer  une  ligne,  un  seul 
document  ne  permet  pas  de  tracer  une  évolution  ;  il  faut  deux  points 
au  moins,  deux  périodes.  Les  Purâ«as  d'abord,  les  épopées  ensuite  en 
remontant  l'ordre  des  siècles,  donnent  un  Yama  nettement  dessiné,  aux 
contours  arrêtés  ;  les  Brâhmanas,  les  Upani^ads  présentent  un  type  anté- 
rieur avec  des  divergences  et  des  lacunes  qui  ressortent  en  les  comparant 
au  type  définitif  et  qui  permettent  de  suivre  le  chemin  parcouru;  les 
Samhitâs  étudiées  à  leur  tour  s'éclairent  par  reflet  et  laissent  voir  l'ébau- 
che puissante,  quoique  indécise,  d'un  Yama  aux  formes  encore  ondoyan- 
tes. Les  stades  successifs  de  l'évolution  historique,  constatée  dans  une 
série  de  documents,  permettent  alors  d'inférer  avec  moins  de  risques  les 
états  antérieurs.  Quant  aux  origines  proprement  dites,  le  plus  sage  est 
actuellement  de  renoncer  à  les  découvrir.  Le  monde  védique  continue 
une  société  antérieure  qui  échappe  à  l'histoire  et  dont  le  passé  ne  se 
mesure  point;  il  ouvre  peut-être  l'histoire  des  Aryens;  il  est  loin  d'ou- 
vrir l'histoire  de  l'humanité. 

Sylvain  Lévi. 


5o5.  —  Etruskisch  und  armeniscli.  Sprachvergleichende  Forschungen.  I,  von 
Dr  Sophus  BuGGE.  Christiania,  1S90.  In-8,  xvm  et  171  pp. 

Les  savants  qui  considèrent  l'étrusque  comme  une  langue  indo- 
européenne sont,  on  le  sait,  obligés  d'y  reconnaître  des  déformations 
telles  que  force  leur  est    d'en  rapprocher,  non  des  langues  parlées  à  la 


356  REVUE    CRITIQUE 

mcme  époque,  comme  le  grec  et  le  latin,  mais  les  langues  modernes, 
beaucoup  plus  altérées;  et,  comme  d'ailleurs  1  étrusque  ne  ressemble 
nullement  aux  langues  parlées  en  Italie,  comme  le  latin,  l'ombrien, 
l'osque,  il  était  naturel  que  l'on  cherchât  quelque  langue  indo-euro- 
péenne qui  lui  fût  plus  comparable  et  il  devait  arriver  que  l'on  songeât 
à  Tarménien  :  pour  une  raison  historique,  —  les  anciens  regardaient  les 
Etrusques  comme  venus  d'Asie-Mineure  —  et  pour  une  raison  linguis- 
tique —  l'arménien  est  de  toutes  les  langues  indo-européennes  la  plus 
altérée  peut-être.  C'est  précisément  ce  rapprochement  de  l'étrusque  et 
de  Tarménien  que  vient  de  tenter  M.  Bugge  :  nous  devons  tout  d'abord 
l'en  remercier;  la  tentative  devant  être  faite,  il  importait  qu'elle  le  fût 
dans  les  meilleures  conditions  possibles;  le  nom  de  l'auteur  nous  ga- 
rantit que,  si  celle-ci  échoue,  nulle  autre  ne  réussira,  et  que  cette  voie 
devra  être  abandonnée. 

M.  B.  a  tenté  de  démontrer  que  l'étrusque  est  étroitement  apparenté 
à  l'arménien  et  tout  particulièrement  à  l'arménien  vulgaire.  Nous  ne 
pouvons  discuter  le  sens  que  M.  B.  attribue  aux  mots  étrusques  :  nous 
les  accepterons  tels  qu'il  les  donne,  sans  oublier  toutefois  qu'il  n'est  pas 
toujours  d'accord  avec  M.  Deecke  et  M.  Pauli,  que  là  même  où  tous 
les  savants  sont  d'accord,  leurs  conclusions  ne  sont  que  des  hypothèses 
fragiles  et  toujours  révisables,  et  que,  par  suite,  il  est  facile  de  tirer 
l'étrusque  en  des  sens  fort  divers.  Nous  nous  bornerons  à  nous  deman- 
der si  la  théorie  de  M.  B.  s'accorde  avec  ce  que  nous  savons  de  l'ar- 
ménien. 

Le  seul  moyen  que  l'on  ait  d'établir  une  thèse  telle  que   celle  que 
nous  discutons  ici  est  de  faire  des  rapprochements  entre  les  deux  lan- 
gues comparées.  11  entre  nécessairement  dans  ces  rapprochements  une 
certaine  part  d'arbitraire.  M.  B.  a  sans  doute_ voulu  l'indiquer,  quand  il 
écrit,  p.  127,  qu'on  pourrait  rapprocher  l'étrusque  taliOa  de  l'arménien 
talithay.  Le  mot  talithay,  jeune  fille,  est  un  mot  syriaque  que  quel- 
ques écrivains  religieux  ont  employé  sous  l'influence  de  l'Eglise  syria- 
que et  qui  n'est  sans  doute  jamais  entré  dans  la  langue  en  Arménie. 
Dans  ce  cas,  M.  B.  a  indiqué  ses  doutes;  ailleurs,  il  est  plus  affîrma- 
tif  :  il  rapproche  l'étrusque  s'ec,  s'ey,  fille,  de  l'arménien  êg,  femelle  : 
ce  rapprochement  n'est  certes  pas  imposé  par  le  sens,  ni  recommandé 
par  la  forme  phonétique,  puisque  rien  n'indique  en  arménien  la  pré- 
sence d'un  ancien  s  initial  dans  ce  mot.   Cette  violence  faite  au  sens 
paraîtra  cependant   encore   modérée  si  nous   comparons  la  suivante  : 
M.  B.  nous  dit,  p.  i25,  que  l'étrusque  kurpic  paraît  vouloir  dire  i7ien- 
diant ;  le  mendiant  est  un  homme  qui  sait  recevoir  les  coups  :  on  peut 
donc  rapprocher  l'arménien  krruph,  coup  de  poing.  —  Ces  exemples 
suffisent.  Ajoutons  seulement  que  dans  plusieurs  cas  M.  B.  interprète 
des    noms  propres  étrusques   par  l'arménien;  il  est  clair  que  cela   ne 
prouve  pas  :  rien  n'est  plus  facile  que  de  rapprocher  d'une  langue  quel- 
conque des  mots  dépourvus  de  signification;  il  suffit  de  trouver  quel- 
que ressemblance  phonétique  plus  ou  moins  fortuite. 


d'histoire  et  de  littérature  357 

Les  rapprochements  de  sens  de  M.  B.  sont  souvent  arbitraires;  sa 
phonétique  ne  Test  pas  moins.  Le  k  de  l'arménien  meak  donnerait 
étrusque  /dans  ma/,  et  k  dans  étr.  cina=.  arm.  kine...  Nous  lisons, 
p.  56  :  étr.  e^iina,  ituna  ■=z  arm.  mdunak;  étr.  cana=i  arm.  khandak  : 
ainsi  arm.  nd  aboutit  dans  un  cas  à  0,  t,  dans  l'autre  à  n.  —  De  même 
nous  voyons  r  étrusque  correspondre  à  /  arménien,  et  inversement, 
sans  aucune  règle.  —  Justifié  ou  non,  cet  arbitraire  phonétique  anéantit 
la  démonstration  en  la  rendant  trop  facile. 

Il  faut  enfin  arriver  à  la  difficulté  essentielle  :  la  langue  qui  aurait  été 
l'origine  de  Tétrusque  n'est  ni  un  dialecte  arménien  du  xix'=  siècle  ni  la 
langue  littéraire  du  v'';  c'est  une  langue  parlée  en  Asie-Mineure  au 
moins  dix  siècles  avant  Jésus-Christ,  et  dont  nous  aurions  deux  repré- 
sentants, l'étrusque  et  l'arménien,  le  second  étant  connu  à  une  date 
beaucoup  plus  récente  que  le  premier.  Cette  simple  constatation  fait 
tomber  bien  des  raisonnements  de  M.  B.  :  l'arménien  classique  ev  «et» 
est  en  langue  vulgaire  moderne  u  :cela  ne  prouve  pas  qu'il  en  fut  ainsi 
dès  l'époque  de  Tunité  arméno-étrusque  présumée,  et  M.  B.  n'a  nul 
droit  de  s'en  servir  pour  expliquer  un  fait  étrusque,  comme  il  le  fait 
p.  2. —  P.  18,  l'étr.  ^ues^  ^uves<i  il  a  donné»  est  rapproché  de  l'arménien 
vulgaire  tueac\ov^  tueac  est  une  forme  analogique  qui  s'est  substituée  à 
l'arménien  classique  et  =  skr.  ddât.  Il  n'est  pas  probable  que  la  forme 
ancienne  et  et  la  forme  analogique  tueac  aient  coexisté  quinze  siècles 
en  arménien  ;  dès  lors,  quel  rapport  y  a-t-il  entre  ^)uves  et  tueac?  Même 
observation  pour  as  (p.  70)  et  ()es  (p.  88).  —  P.  52,  M.  B.  admet  que  u 
non  final  est  tombé  en  étrusque  comme  en  arménien  ;  cela  est  possible  : 
mais  il  n'y  a  nul  rapport  entre  les  deux  laits.  Les  mots  que  l'arménien 
a  empruntés  au  Perse  ont  subi  la  perte  de  i  et  u  en  syllabe  non  finale; 
or,  ces  emprunts  datent  en  grande  partie  de  l'époque  des  Arsacides. 
Nous  sommes  loin  de  l'unité  arméno-étrusque.  —  M.  B.  compare  sou- 
vent des  mots  étrusques  en  -a  et  -a/  et  des  mots  arméniens  en  -ak.  Or, 
ce  suffixe  a  été  emprunté  au  perse  par  l'arménien.  On  ne  saurait  le 
tirer  de  l'indo-européen  -A'o-,  parce  que  i.  e.  k  donne  arm.  kh,  comme 
le  prouvent  elikh  =  '€KiT,i  et  l'analogie  de  f  =  ^/z  çtp  =  ph  [resp.h).— 
M.  B.  explique  l'alternance  de  /  et  /î  dans  quelques  mots  étrusques  par 
la  prononciation  moderne  de  la  lettre  arménienne  que  M.  Hûbschmann 
transcrit  par  \  :  cette  prononciation  gutturale  n'existait  pas  encore  au 
v°  siècle  après  Jésus-Christ,  puisque  c'est  cette  lettre  qui  rend  partout 
le  \  grec.  La  chronologie,  on  le  voit,  s'oppose  directement  au  système 
de  M.  Bugge.  11  nous  est  impossible  de  pousser  plus  loin  l'analyse  de 
chacun  des  articles;  disons  seulement  que,  si  la  plupart  succombent 
sous  des  critiques  analogues  à  celles  que  nous  venons  de  formuler, 
aucun  n'est  réellement  frappant  et  n'apporte  à  l'hypothèse  un  appui 
solide.  Le  plus  grand  profit  à  retirer  du  livre  de  M.  Bugge  est  donc 
qu'il  n'y  a  entre  l'étrusque  et  l'arménien  aucun  rapport  démontrable. 

Relevons,  en  terminant,  quelques  indications  qui  intéresseront  les 


358  REVUE    CRITIQUE 

Arménisants  :  le  rapprochement  de  arm.  usanil,  apprendre,  et  du  slave 
vyknanti,  etc.,  et  Pexplication  des  collectifs  anciens  en  -ear,  pluriel  mo- 
derne en  -er  par  un  emprunt  à  des  langues  du  Caucase. 

A.    Meillet. 

5oG.  —  Xi'îiité  «le  l'Onomatopée,  ou   Clef  étymologique  pour  les  Racines  irré- 
ductibles, par  M.  Adrien  Timmermans.  Paris,  Bouillon,  1890.  In-S,  168  pp. 

«  Ce  traité  de  ronomatopée  est  appelé  à  servir  d'introduction  à  un 
dictionnaire  des  affinités  de  la  langue  française  »  (p.  i63).  Le  diction- 
naire sera  curieux,  s'il  en  faut  juger  par  cette  introduction,  modestement 
épigraphiée  :  Labor  improbus. ..  De  clef  quelconque,  je  n'y  en  ai  point 
vu; 

Mais  qu'on  puisse  voir,  je  n'en  mets  rien  en  gage. 

Quant  aux  onomatopées  ou  soi  disant  telles,  elles  y  coulent  à  pleins 
bords,  versées  avec  une  sereine  intrépidité  de  polyglotte  prodigue. 
Qu'on  me  permette  une  courte  citation  prise  au  hasard  (p.  91);  je  res- 
pecte scrupuleusement  l'orthographe  et  la  ponctuation  de  Fauteur  : 

«  La  particule  re  de  réduplication  a  une  origine  verbale  et  onoma- 
topique  que  nous  allons  mettre  en  lumière.  Le  croc  s'appelle  ydçi  accro- 
cher s'appelle,  avec  omission  de  la  gutturale  ;  àipéto;  haero  ;  adhérer^ 
heurter  [a.ccr  ochev)  hard  dur  qui  tient,  to  hurt  blesser;  hard  dur.  L'au- 
rochement  marque  le  fonctionnement  des  ongles.  Xsips;  dont  la  mé- 
thase  est  paYs;,  p^iY^;  rapio,  riga,  raja  ;  arracher  ;  rough  rugueux;  rut 
ornière;  riicken  arracher.  Aipéto  accrocher  donne  àpOpov  l'articulation, 
Vacc\-ochemeni\  articulus  ;  articulation  ;  wrïst  le  poignet;  die  Wiir- 
\el  articulation  du  pied  d'un  arbre,  la  racine.  H,  gewricht.  Le  jeu  de 
cette  articulation  nous  offre  l'image  de  la  chose  qui  tourne,  qui  va  et 
vient;  delà  re  retour.  Une  variante  de  re  s'offre  dans  péOoç  le  membre 
qui  tourne;  rotundus  ;  rond  ;  round;  rîind.  » 

Tout  le  livre  est  dans  ce  goût  '.  M,  Timmermans  n'a-t-il  pas  songé 
que  la  mystification  serait  plus  piquante  si  elle  était  moins  longue? 

V.  Henry, 

507.  —  AUversaria  în  Coniicoruni  gi'secor-um  fragmenta  scripsit  ae  coUegit 
Fredericus  H.  M.  Blaydes  LL.  D.,  œdis  Ghristi  in  universitate  Oxoniensi  quon- 
dam  alumnus.  Pars  prior  secoundum  editionem  Meinekianam.  Halis  Saxonum,  in 
Orphanotrophei  libraria,  1890,  iv  et  ibo  p.  in-8. 

«  Hoc  prius  volumen  observatiunculas  praecipue  criticas  amplectitur 
«  quas  plurimis  abhinc  annis  in  Poetarum  Graecorum  Comicorum  col- 

1.  L'auteur  pourtant  rencontre  en  chemin  aes  problèmes  de  haute  psychologie: 
—  pourquoi  l'idée  du  silence  est-elle  rendue  dans  les  langues  par  un  mot,  c'est-à- 
dire  par  un  son,  alors  que  le  silence  est  l'absence  de  son?  et  il  trouve  la  solution 
(p.  49);  —  d'où  vient  -JÙi,  nox,  nuit,  )wctwne,  night,  nacht,  etc.  ?  C'est  que  (p.  5i)  «la 
nuit  a  été  aux  yeux  de  nos  ancêtres  une  vapeur,  un  brouillard,  un  nuage  sorti  d'un 
nez  ^. 


D^HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE  3Sg 

(T  ?ectionem  ab  Augusto  Meinekio  tune  nuper  editam  confeci.  Ex  illo  tem- 
a  pore  alias  plurimas  in  poetas  comicos  identidem  scripsi,  praetereaque 
(c  alias  virorum  doctorum  hic  illic  sparsas  coUegi.  Hanc  qualemcunque 
«  farraginem  lucubrationum,  in  qua,  ut  diversis  temporibus  et  hioris 
«  subseciviset  saepe  sine  librorum  adjumento  confecta,haud  dubie  erro- 
«  res  aliquot,  multa  negligenter  scripta,  plura  quae  levia  aut  inulilia 
«  et  commemoratione  indigna  videantur  invenies,  tibi,  Lector  bénévole, 
«  commendo  ».  Nous  transcrivons  ces  lignes,  placées  en  tête  de  la  pré- 
face, parce  qu'elles  donnent  une  idée  exacte  de  la  composition  du  volume. 
L'auteur  y  fait  appel  à  la  bienveillance  du  lecteur,  et  il  faut  dire  que 
cette  formule,  devenue  banale,  a  sa  raison  d'être  dans  le  cas  présent.  Ce 
n'est  pas  qu'on  ne  puisse  trouver  dans  ce  livre  de  bonnes  observations 
et  des  rapprochements  instructifs  (l'éditeur  d'Aristophane  est  certaine- 
ment un  des  hommes  qui  connaissent  le  mieux  la  langue  de  la  comédie 
grecque);  mais  il  faut  les  chercher  patiemment  dans  un  amas  de  notœet 
de  notulce  devenues  la  plupart  inutiles  depuis  l'édition  des  Fragmenta 
comicorum  atticorum  par  M.  Kock.  M.  Blaydes  promet  des  observa- 
tions relatives  à  cette  dernière  collection  ;  espérons  que  le  savant  hellé- 
niste donnera  bientôt  un  volume  qui  ne  pourra  manquer  d'avoir  plus 
d'à-propos  que  celui  que  nous  avons  sous  les  yeux.  Que  n'a-t-il  pris  la 
peine  d'extraire  de  la  publication  actuelle  tout  ce  qui  est  encore  de  mise 
aujourd'hui  pour  le  faire  entrer  dans  le  volume  à  venir!  On  voit  trop 
de  livres  rédigés  sans  aucun  égard  pour  le  lecteur;  les  auteurs  oublient 
que  le  lecteur  a  un  moyen  très  facile  de  se  venger. 

W. 


5o8.  —  J.  KiRCHNER,  Prosopographîse  attîeas  spécimen  fJahresbericht  ûber 
das  Kœnigl.  Friedrich-Wilhelms  Gymnasium  und  die  Kœnigl.  Vorschule  zu 
Berlin).  Berlin,  impr.  C.  Hayn,  41  p.  in-4. 

Un  catalogue  complet  des  citoyens  athéniens,  par  dêmes,  ne  saurait 
manquer  d'être  fort  utile,  et  M.  Kirchner  ne  s'est  pas  trompi  en  suppo- 
sant que  tous  ceux  qui  s'occupent  des  choses  de  l'Attique  accueille- 
raient avec  faveur  un  ouvrage  de  ce  genre.  (Quelques  lignes  d'avertisse- 
ment expliquent  le  plan  de  l'auteur  :  les  noms  des  démotes  sont  rangés 
par  ordre  alphabétique,  avec  référence  aux  inscriptions,  monnaies  et 
textes  littéraires,  et  sont  accompagnés,  quand  il  y  a  lieu,  d'un  sommaire 
des  principaux  événements  de  leur  vie.  Il  n'est  pas  tenu  compte,  sauf 
par  exception  et  pour  des  descendants  d'anciennes  familles,  des  textes 
épigraphiques  postérieurs  à  l'ère  chrétienne.  D'après  ces  principes, 
M.  K.  nous  donne  aujourd'hui,  comme  spécimen  de  la  première  partie 
de  son  travail,  le  catalogue  des  citoyens  de  Képhissia,  de  Pseania  et  de 
Mélité.  Une  seconde  partie  contiendra,  avec  des  tables,  la  liste  des 
citoyens  dont  le  démotique  est  inconnu.  La  disposition  générale  de 
l'ouvrage  ne  me  paraît  pas  être  à  l'abri  de  toute  critique;  il  ne  peut  être 


360  REVUE    CRITIQUE 

véritablement  utile  et  faciliter  la  recherche  qu'à  la  condition  qu'on  y 
puisse  retrouver  immédiatement,  à  son  dême  et  à  son  rang  alphabéti- 
que, un  citoyen  athénien  quelconque.  Or,  il  n'en  est  pas  toujours 
ainsi,  et  le  système  adopté  pour  les  noms  de  femmes  pourra  être  une 
cause  de  confusion  et  d'erreur.  M.  K.,  rangeant  les  femmes  dans  le  dème 
de  leur  père  et  dans  celui  de  leur  mari,  il  peut  en  résulter  que  la  même 
femme  soit  inscrite  deux  fois  dans  l'ouvrage;  par  exemple  :  la  mère  de 
Démosthène,  Kléoboulé,  se  trouvera  à  la  fois  parmi  les  Pseaniens,  en 
tant  que  femme  de  Démosthène  le  père,  et  parmi  les  Kéramiens,  comme 
lille  de  Gylon.  Ce  n'est  là  d'ailleurs  qu'être  trop  complet;  mais  voici 
qui  est  plus  grave  :  On  rencontre  dans  une  inscription  21o)/.p7.r/]ç 
Ilatavisûi;  ;  il  n'est  a  pas  à  son  rang  alphabétique  dans  son  dême,  et  l'on 
en  conclura  que  c'est  un  nom  nouveau  à  ajouter  au  catalogue.  Or,  si 
les  index  sont  bien  faits,  nous  devrons  y  trouver  quelque  chose  de  ce 
genre  :  ZMy.pivqc  11  ,  voyez  Maoyar,  ;  et  en  effet,  on  lit  à  son  rang  Mos- 
chiné,  fille  de  Socrate  de  Pœania.  Outre  qu'un  tel  renvoi  ne  témoigne- 
rait pas  d'une  méthode  irréprochable,  comment  retrouver  le  person- 
nage si  ce  renvoi  n'existe  pas?  Il  en  est  ainsi  à  la  plupart  des  noms  de 
femmes  ;  ne  serait-il  donc  pas  plus  simple  et  plus  conforme  d'ailleurs  au 
plan  général  de  M.  Kirchner  d'inscrire  à  leur  rang  les  pères  et  les 
maris,  lorsqu'ils  sont  accompagnés  de  leur  démotique  ?  On  ne  courrait 
pas  alors  le  risque  de  s'égarer  dans  les  recherches. 

My. 


509.  —  Edouard  Bertrand,  prof,  à  la  P'aculté  des  Lettres  de  Grenoble,   cicéron 
ai-tiste.  Grenoble,  1S90,  in-8,  p.  1-74. 

Cette  brochure  est  détachée  du  tome  II  des  Annales  de  l'enseignement 
supérieur  de  Grenoble.  Le  sujet  convenait  sûrement  au  goût  de  l'auteur 
qui  s'est  occupé  jusqu'ici  de  critique  d'art,  et  dont  on  connaît  la  thèse 
française  sur  Philostrate  (i 881).  Le  présent  travail  n'est  lui-mêmequ'un 
chapitre  de  sa  thèse  latine  1,  refondu,  très  complété  et  développé  avec  un 
véritable  talent.  On  y  appréciera  surtout  une  élégance  de  forme  qu'im- 
posait sans  doute  le  sujet,  mais  à  laquelle  on  n'est  pas  de  notre  temps 
tellement  habitué. 

Est-ce  le  fait  d'être  gâtés  par  cette  surprise?  De  par  l'ingratitude  dont 
tout  lecteur  est  coutumier,  c'est  de  cette  qualité  même  qu'on  ferait 
sortir  d'abord  un  défaut.  On  dirait  que  l'élégance  est  ici  soutenue  et 
monotone.  Dans  cette  plaquette  régulièrement  solennelle  et  tout  épidic- 
tique,  on  voudrait  plus  de  variété;  un  fonds  d'où  ressortiraient  davan- 
tage les  idées  originales  de  l'auteur.  On  appliquerait  à  M.  B.  une  de  ses 
phrases  fp.  67)  :  «  Dans  le  style,  lorsque  tout  est  également  poli  et  paré, 
le  charme  disparaît  bien  vite  ».  Le  reproche  serait  quelque  peu  injuste; 
mais  je  gage  qu'il  sera  fait. 

I.  Depicturaet  sculpiwa  apud  veteres  rhetores.  Voir  le  ch.  iv. 


Il 


D^HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  36 1 

On  critiquera  aussi  certaines  faiblesses  qu'on  n'eût  même  pas  relevées 
il  y  a  quelques  années,  mais  pour  lesquelles  on  aurait  de  nos  jours 
moins  d^indulgence  ;  d'abord  la  méthode  adoptée  dans  les  citations  ■  ; 
ensuite  le  choix  de  telle  édition  qui  a  servi  de  base.  Peut-on  pour  Pline, 
(p.  8,  note  2),  s'en  tenir  à  la  collection  Nisard,  quand  l'éditeur,  Littré, 
déclare  avoir  suivi  le  texte  de  Lemaire  qui  à  son  tour  suivait  à  très  peu 
près  celui  de  Hardouin?  Que  de  ricochets  pour  revenir  de  plus  de  deux 
siècles  (i685)  en  arrière? —  M.  B.  s'excuse  (p.  1 1,  n.  3),  de  ne  pas  repro- 
duire toujours  exactement  les  traductions  de  la  collection  Nisard;  de- 
puis quand  les  vénère-t-on  comme  un  texte  sacré?  —  En  polissant  sa 
rédaction  M.  B.  n'a  pas  pris  garde  non  plus  qu'il  changeait  parfois  le 
sens  des  textes  cités  ^  —  Un  lapsus  plus  grave  s'est  glissé  p.  12.  Le  vieux 
Caton  est  appelé  «  stoïcien  t>  et  l'on  met  à  son  compte  un  des  actes  de 
Caton  d'Utique  dans  son  séjour  à  Chypre. 

M.  B.  résiste  trop  peu  au  plaisir  de  tirer  des  auteurs  plus  qu'on  n'a 
fait  jusqu'ici,  de  voir  à  côté  et  au  delà  de  ce  qu'ils  ont  dit.  Peut-être 
trouvera-t-on  aussi  qu'il  ne  s'est  pas  assez  borné.  On  aura  toujours  mau- 
vaise grâce  à  se  plaindre  de  digressions  revêtues  d'une  forme  agréable. 
Mais  l'exemple  de  Gicéron  suffit-il  pour  autoriser  ceux  qui  parlent  de 
ses  goûts  à  parler  aussi  de  toute  autre  chose? 

Que  de  fois  on  sort  ici  de  la  vie  de  Gicéron  pour  faire  des  pointes 
aux  alentours,  en  son  temps,  avant  lui  et  dans  toute  l'antiquité!  Le  dé- 
faut est  sensible  dès  le  début.  On  est  déjà  à  la  p.  14,  quand  on  s'avise 
que  le  sujet  n'est  pas  abordé  et  qu'on  louche  à  peine  au  siècle  de  Gicé- 
ron. Sans  parler  des  répétitions  ^  que  M.  B.  eût  certainement  évitées 
s'il  eût  consenti  à  se  citer  lui-même  d'une  manière  précise,  il  y  a  certai- 
nement dans  tout  ce  travail  abus  de  développements  généraux.  Les  lec- 
teurs auxquels  s'adresse  M.  B.  ne  sont  pas  cependant  tellement  dépour- 
vus de  raison  et  de  connaissances  historiques  qu'il  ait  fallu  tout  leur 
dire  ou  tout  leur  rappeler. 

La  démonstration  n'y  gagne  pas.  Gar  pour  le  fonds  même,  on  adres- 
serait à  M.  B,  bien  des  objections.  Les  arts  ont  fourni  à  Gicéron  telle 
allusion,  tel  rapprochement.  Mais  les  comparaisons  prouvent-elles  si 
sûrement  la  connaissance  des  objets  comparés?  N'ont-elles  pas  fleuri 
dans  des  temps  et  dans  des  endroits  où  l'on  professait  à  l'égard  des  cho- 
ses et  des  êtres  le  plus  profond  dédain  !  La  phrase  de  Gicéron  est  harmo- 
nieuse. En  conclura-t-on  qu'il  connaissait  à  fond  la  musique?  Voilà 
une  lacune  que  je  signale  à  M.  Bertrand.  U  n'a  dit  qu'un  mot  de  ce 
goût  de  Gicéron.  Il  pouvait  cependant,  il  devait  de  par  la  logique,  lui 

1.  Le  lecteur  se  croit  mystifié  quand  il  trouve  des  renvois  comme  (p.  60)  :  Platon, 
les  Lois,  liv.  VI  ;  (p.  11)  :  Gicéron,  Parad.,  V.  Dans  les  citations  de  Gicéron,  la  mé- 
thode change  d'une  note  à  l'autre,  M.  B.  renvoyant  tantôt  au  chapitre  seulement,  tan- 
tôt au  paragraphe. 

2.  Par  ex.  p.  16,  sur  Verr.  IV,  67  et  aussi  les  textes  cités  p.  10. 

3.  Le  même  texte  est  cité  p.  41,  n.  2  et  p.  65,  n.  2  ;  p.  56,  n.  5  et  p.  67,  n,  i. 


302  REVUE    CRITIQUE 

faire  la  même  place  qu'aux  autres.  Mais  ici  le  paradoxe  eût  paru  trop  à 
découvert, 

J\ipprouve  beaucoup  M.  B.  d'admirer  Cicéron;  mais  je  crains 
qu'il  n'ait  été  dupe  de  son  auteur.  En  tant  qu'orateur  et  qu'écri- 
vain, Cicéron  a  été  sans  doute  un  merveilleux  artiste.  En  sculpture  ou 
en  peinture  il  n'était  rien  de  plus  certainement  qu'un  amateur  éclairé. 
M.  B.  corrige  lui-même  dans  sa  conclusion  ce  que  le  titre  de  son  travail 
avait  d'exagéré.  Il  s'en  faut  qu'on  puisse  parler  d'une  manière  générale 
de  Cicéron  artiste,  et  qu'il  l'ait  été  autant  qu'il  eût  voulu  parfois  le  pa- 
raître. On  nous  le  montre  déguisant  si  bien  ses  connaissances  à  l'occa- 
sion, qu'il  a  pu  tout  aussi  bien,  quand  il  le  voulait,  masquer  certaines 
ignorances,  et  même  les  plus  graves.  Sur  un  terrain  plus  rapproché  de 
nous  et  où  les  documents  nous  manquent  beaucoup  moins,  on  recon- 
naît de  nos  Jours  que  Cicéron  a  souvent  fait  illusion  aux  autres,  à  la 
postérité,  peut-être  à  lui-même,  et  qu'il  s'en  faut  qu'il  ait  été  un  phi- 
losophe. Nous  voyons,  et  M.  B.  n'a  pas  caché  tout  ce  qui  lui  manquait 
au  début  de  sa  carrière.  11  n'y  a  sans  doute  ajouté  que  ce  qu'apprennent 
la  vie,  les  voyages,  le  monde,  et  ce  que  plus  tard  la  mode  introduisit 
dans  le  cercle  des  optimates.  On  souscrira  bien  à  une  phrase  de  M.  B. 
(p.  73),  mais  en  y  glissant  un  petit  mot  qui  n'est  pas  sans  importance; 
à  vrai  dire  Cicéron  n'a  Jamais  vu  dans  les  arts  que  les  auxiliaires  et 
comme  les  serviteurs  de  l'éloquence.  C'était  un  utilitaire  dans  ses  goûts. 
Je  doute  qu'au  fond  il  ait  Jamais  aimé  ou  estimé  pour  lui-même  un 
autre  art  que  celui  où  il  a  excellé. 

Voilà  bien  des  critiques  adressées  à  un  travail  soigné,  d'une  lecture 
agréable,  où  l'on  trouve  d'excellentes  pages  ',  où  partout  on  sent  une 
chaleur  vraie  et  qui  forme  un  contraste  frappant  avec  telle  thèse  où  Ci- 
céron vient  d'être  bien  injustement  malmené  \  Je  renvoie  à  ce  dernier 
ouvrage  quiconque  voudrait  être  sévère  pour  M.  Bertrand. 

Emile  Thomas. 


5  10.  —  IVai'i*atîo    de  mîraculo  a  Micliaole  arcliangelo  Chonis  pafrato« 

adiecto  Symeonis  Metaphrastae  de  eadem  re    libello.   Edidit  Max  Bonnet.   Paris, 
Hachette,  1890,  xlvi-36  pp.  in-8. 

Quand  les  apôtres  Philippe  et  Jean  vinrent  à  Hiérapolis  combattre  la 
Vipère  fl/j.ova),  ils  passèrent  au  lieu  appelé  Chaeretopa,  y  annoncèrent 
les  merveilles  qu'y  devait  accomplir  l'archistratège  Michel  et  firent 
Jaillir  une  source  aux  propriétés  merveilleuses.  C'est  auprès  de  cette 
source  et  du  sanctuaire   élevé  par   la  reconnaissance  d'un   père,    que 

1.  Voir  surtout  la  p.  56,  sur  la  phrase  de  Cicéron,  véritable  œuvre  d'art;  la  p.  47, 
sur  les  descriptions  d'objets  d'art  dans  les  Verrines  ;  et  enfin  la  p.  3o,  sur  l'influence 
que  le  procès  de  Verres  a  dû  avoir  sur  le  développement  des  goûts  de  Cicéron. 

2.  Eug.  R]ga],M.  Tullius  Cicero.  Qiiatenus  artium  optimarum  amator  exstiterit. 
Paris,  1890.  Par  contre,  on  rencontrera  dans  cet  ouvrage,  p.  1  3,  note  4,  les  renvois  de 
bibliographie  qu'omet  à  tort  M.  Bertrand. 


D^HISTOIRE    ET    DK    LITTERATURE  363 

vint  plus  tard  se  retirer  le  premier  r.poay.o'/â.pi.oq,  Archippos.  Les  Grecs 
("EXÀ-ov£;  =  les  païens),  excités  par  le  spectacle  des  vertus  du  solitaire 
et  des  miracles  accomplis  grâce  à  la  vertu  de  l'eau,  après  plusieurs 
tentatives  infructueuses,  résolurent  de  détruire  le  lieu  saint  par  une 
inondation." Ils  réunirent  deux  torrents  de  la  montagne,  le  Kouphos  et 
le  Lycokapros;  leurs  flots,  se  précipitant  d'un  rocher  élevé,  allaient 
submerger  l'oratoire  avec  Archippos,  quand  apparut  l'archistratège 
Michel  au  sommet  du  rocher.  D'un  signe  de  croix,  il  arrête  les  eaux 
dont  la  tête  se  dresse  à  dix  hauteurs  d'homme.  Il  étend  la  main  et  le 
rocher  se  fend  avec  le  bruit  du  tonnerre,  la  terre  tremble,  un  gouffre  se 
forme,  véritable  creuset  (xwv^)  où  les  eaux  se  précipitent  comme  un 
métal  en  fusion. 

Tel  est  en  substance  le  récit  anonyme  dont  M.  Max  Bonnet  s'est  fait 
l'éditeur.  Celte  histoire  a  été  paraphrasée  par  Siméon  Métaphraste  et 
développée  oratoirement  par  Sisinnius.  Le  mérite  de  M.  B.  est  d'avoir 
retrouvé  la  version  la  plus  ancienne  et  de  l'avoir  publiée  d'après  dix  mss. 
avec  un  soin»et  une  habileté  dont  il  est  superflu  de  faire  l'éloge  aux 
lecteurs  de  cette  Revue.  La  légende  rentre  dans  la  classe  des  légendes 
inventées  pour  expliquer  des  phénomènes  géologiques.  Mais  elle  con- 
tient une  foule  de  détails  curieux  sur  les  rapports  entre  païens  et  chré- 
tiens, sur  les  superstitions  régionales,  sur  certaines  conceptions  reli- 
gieuses (cf.  p.  7,  la  liste  des  bonnes  œuvres  et  des  péchés;  p.  lo,  les 
vingt  et  un  noms  de  Satan).  Dans  la  dissertation  qui  précède  ce  texte, 
toutes  les  questions  qu'il  soulève  sont  loin  d'avoir  été  épuisées.  M.  B. 
n'explique  pas  comment  une  légende  locale  peut  contenir  de  si  graves 
erreurs  topographiques.  Ne  faut-il  pas  y  voir  l'œuvre  d'un  pèlerin  qui 
rédige  à  distance  les  souvenirs  de  son  pieux  voyage  ?  Le  fond  du  récit, 
si  fortement  attaché  aux  lieux,  date  probablement  de  l'époque  où  une 
église  s'est  élevée  à  la  place  du  modeste  oratoire  primitif  i.  On  peut 
dire  que  pour  les  récits  hagiographiques  c'est  le  m.oment  psychologique 
de  la  rédaction.  Nous  ne  serions  sans  doute  pas  réduits  à  faire  une 
conjecture,  si  nous  possédions  la  tin  du  morceau.  M.  B.  date  l'opuscule 
du  ve  au  vii^  siècle.  Il  est  impossible  pour  le  moment  d'être  plus  précis, 
ce  qui  est  regrettable  :les  particularités  grammaticales,  relevées  dans  un 
index  spécial  %  auraient  encore  plus  de  prix,  si  on  pouvait  en  détermi- 
ner l'âge  plus  exactement. 

La  dissertation  de  M.  B.  lui  a  servi  de  thèse  latine.  Elle  est  écrite 
dans  une  langue  nerveuse  que  l'on  n'est  pas  habitué  à  goûter  dans  les 
livres  de  ce  genre.  Les  amateurs  n'y  trouveront  pas  de  ces  phrases  qui 
s'allongent  de  mots  inutiles  pour  porter,  piquée  à  la  queue,  une  élégance 
de   cahier  d'expressions.   Je  ne  ferais  pas  un  éloge  de   l'orthographe 


1.  Cet  oratoire  devait  être   un  simple  autel  abrité  par  un  édicule  à  colonnes;  de 
là  le  nom  qui  lui  est  donné  :  dj'uo'.iTYipiov. 

2.  Ajouter  o  )xbizijikSixice.i  ("populus  miquiiatis),  p.  ii,  lo,  à  l'article  du  génitif. 


364  REVUE    CRITIQUE 

correcte  de  M,  Bonnet,  s'il   ne  fallait,  paraît-il,  un  certain  courage  à 
écrire  comme  les  Anciens  '. 

P.-A.  L. 


5ii,  —  A.nony'muB  aducrsu»  aléatoires  (Gegen  das  Hazardspie!)  und  die 
Briefe  an  Cypriaii,  Lucian,  Celerinus  und  an  den  Karthaginiensischen  Klerus 
(Cypr.  epist.  8,  21-24).  Kritisch  verbessert,  erlseutert  und  ins  Deutsche  ûber- 
setzt  von  D'  Adam  MioDOiiSKi,  mit  einem  Vorworte  von  Prof.  Eduard  Wœlfflin. 
Erlangen  u.  Leipzig,  Deichert'sche  Verlagsbuchhandiung  Nachf.  1889,  128  pp. 
Prix  :  2  M. 

5i2.  —  Libellus  cïe  aleatorlbus  inter  Cypriani  scripta  conseruatum.  Edidit 
et  commentario  critico,  exegetico,  historico  instruxit  Adoifus  Hilgenfeld.  Frei- 
burg  i.  B.,  1889,  J.  G.  B.  Mohr.  87  pp.  Prix  :  2  M. 

Le  De  aleatoribus,  conservé  dans  les  œuvres  apocryphes  de  saint  Cy- 
prien,  a  été  l'objet  d'une  étude  de  M.  Harnack  dont  j^ai  rendu  compte 
il  y  a  un  an.  Presque  aussitôt,  l'attribution  de  l'ouvrage  à  Victor  le^  fut 
contestée  par  M.  Wôlfïlin,  et  à  sa  suite  les  théologiens  se  jetèrent  sur  ces 
quelques  pages  de  latin  vulgaire  pour  proposer  chacun  une  hypothèse 
nouvelle,  «  comme  s'ils  n'avaient  rien  de  mieux  à  faire  ni  d'autres  pro- 
blèmes à  résoudre  ».  Il  n'est  presque  pas  de  revue  savante  qui  n'ait 
publié  un  ou  plusieurs  articles  sur  la  question.  Malheureusement  les 
contradicteurs  de  M.  Harnack  n'ont  pu  se  mettre  d'accord.  M.  Wôlfïlin 
écarte  l'origine  romaine  du  traité  et  croit  qu'il  faut  chercher  l'auteur  en 
Afrique  après  l'époque  de  saint  Gyprien  2.  L'élève  de  M.  Wôlfflin, 
M.  Miodonski,  adopte  au  contraire  l'hypothèse  de  l'origine  romaine  et 
fait  honneur  du  De  aleatoribus  au  pape  Miltiades.  M.  Haussleiter  l'at- 
tribue au  confesseur  Celerinus,  dont  on  a  une  ou  deux  lettres  ^\  mais  il 
a  été  réfuté  péremptoirement  par  M.  Sanday  qui  tient  pour  Miltiades  *, 
tandis  que  M.  Hilgenfeld  songe  à  un  novatien  vivant  sous  le  règne  de 
Constantin,   peut-être   à   l'évêque  Acesius,  Le  De    aleatoribus   fait  à 

1  Les  personnes  que  scm.ialioe  l'épel  uidi,  a  côté  de  urna,  oublient  trop  facile- 
ment qu'il  n'en  va  pas  autrement  en  français;  oui  Qt  jour  sont  parallèles  de  uiJi  et 
de  urna.  Revenir  à  l'usage  antique  n'est  pas  compliquer,  mais  simplifier.  Si  l'on 
écrit  Euander,  non  Evander,  on  n'est  plus  obligé  d'expliquer  par  quel  miracle  la  pre- 
mière syllabe  est  longue  avec  un  e  bref;  sil'on  écrit  siltiae,  Veius,  on  n'est  plus  forcé, 
à  propos  du  vers  d'Horace  :  Aurarum  et  siluae  metu,  ou  de  la  finale  d'hexamètre  de 
Properce:  Veius  asiitit  arcem,  de  parler  d'un  v  qui  devient  u  ou  d'un  j  qui  devient  i, 
deux  absurdités  linguistiques;  si  l'on  abandonne  les  _/,  les  élèves  n'essaieront  plus 
de  prononcer  un  impossible  oninja  dans  Virgile.  La  réforme  de  notre  façon  d'écrire 
le  latin  amènerait  nécessairement  une  réforme  dans  notre  façon  de  le  lire  :  je  ne 
vois  pas  que  ce  soit  un  si  grand  malheur.  Quant  aux  attaques  per  absurdum, 
dans  lesquelles  on  montre  les  philologues  écrivant  leurs  thèses  sur  des  rouleaux  de 
papyrus  sans  séparer  les  mots,  on  peut  les  repousser  par  la  même  arme  :  pourquoi 
ces  partisans  du  moindre  effort  dans  l'étude  des  langues  anciennes  n'écrivent-ils  pas 
Je  grec  en  caractères  romains  .' 

2.  Archiv  fi'r  lat.  Lexikographie  u.  Grammatik,  V,  499. 

3.  Theologisches  Literaturblalt,  i88g,  n"*  5  et  6. 

4.  Classical  Review,  i88g,  t.  III,  pp.  127-128. 


I 


d'histoire  et  ûe  littérature  365 

M.  Langen  l'impression  d'une  sténographie  :  ce  serait  un  sermon  de 
saint  Cypiien,  Tunique  spécimen  de  ce  genre  i.  Enfin,  l'adversaire  le 
plus  habile  de  l'hypothèse  de  Harnack  après  M ,  Wôlfflin,  M.  Funk  reste 
sur  la  réserve  ;  il  pense  qu'on  a  affaire  à  une  homélie  de  la  deuxième 
moitié  du  iii^  siècle,  prononcée  dans  une  grande  ville  2. 

Gomme  on  le  voit,  la  provenance  romaine  du  De  aleatoribus  a  de  nom- 
breux partisans.  Elle  a  été  vigoureusement  défendue  par  M.  Hilgenfeld 
(pp.  3o  et  70),  qui  semble  avoir  très  bien  réfuté  M.  Funk.  La  discus- 
sion porte  sur  le  texte  du  début  :  quoniam  m  nobis  diiiina  et  paterna 
pietas  apostolatiis  ducatum  contulit  et  iiicariam  Domini  sedem  caelesti 
dignatione  ordinauit  et  originem  authentici  apostolatus  super  quem 
Cliristits /undauit  ecclesiam  [Maith.  XVI,  18)  in  superiore  nostro por- 
tamiis.  Ces  trois  expressions  semblent  bien  désigner  un  successeur  de 
saint  Pierre.  M.  H.  n'a  cependant  pas  fait  observer  qu^elles  se  prêtent  un 
mutuel  appui.  Si  par  des  considérations  plus  ou  moins  vraisemblables, 
on  affaiblit  la  portée  de  chacune  d^elles,  leur  réunion  constitue  un  argu- 
ment très  fort.  M.  Funk  prétend  que  les  mots  originem  authentici 
apostolatus  ne  peuvent  s'appliquer  à  un  pape  puisque  il  sont  au  milieu 
de  deux  incises  qui  n'ont  pas  de  rapport  avec  la  primatie  :  on  voit 
combien  il  est  facile  de  retourner  le  raisonnement.  L'origine  romaine 
une  fois  admise,  quantité  de  particularités  s'expliquent  aisément. 

La  controverse  se  trouve  limitée  à  la  question  de  date.  Les  objections 
faites  à  Harnack  et  mises  en  œuvre  par  MM.  M.  et  H.  dans  leurs  éditions, 
se  rangent  sous  trois  chefs  principaux  :  la  langue  du  De  aleatoribus,  les 
concordances  littéraires  avec  saint  Cyprien,  et  les  citations  bibliques. 

M.  Wôlfflin  surtout  a  développé  les  objections  linguistiques.  11  est 
nécessaire  avant  d'entrer  dans  leur  détail  de  faire  quelques  observations 
générales.  La  langue  du  De  aleatoribus  contient  beaucoup  de  traits 
populaires.  Or,  nous  possédons  un  matériel  très  limité  pour  la  langue 
vulgaire  de  cette  époque  et  la  chronologie  linguistique  est  encore  dans 
l'enfance.  Le  degré  de  vulgarisme  d'un  ouvrage  dépend  d'ailleurs  plus 
de  la  profondeur  delà  couche  sociale  d'où  il  provient  que  de  Tépoque  à 
laquelle  il  appartient  ;  il  faudrait  donc  connaître  quelle  était  la  culture  de 
l'auteur,  ce  qu'on  ne  peut  faire  avant  de  savoir  quel  est  l'auteur.  De 
plus,  la  langue  vulgaire  n'a  pas  besoin  de  l'intervention  d'un  grand  écri- 
vain :  sa  formation  n'est  pas  une  création,  mais  un  développement.  Le 
grand  écrivain  ne  fait  qu'entraver  ce  développement  par  un  choix  dont 
la  dernière  raison  est  ce  qu'il  y  a  de  plus  subjectif  au  monde,  le  goût. 
«  Tout  écrivain  fait  un  choix  parmi  les  constructions,  comme  parmi  les 
mots,  que  lui  offre  la  langue  parlée  3.  »  M.  Wôlfflin  commet  donc  une 
erreur  sur  la  nature  même  du  langage  populaire  en  exigeant  un  grand 
créateur  linguistique,  ein  grosser Sprachbildner,  pour  le  premier  emplo 

1.  Sybels  Historische  Z.,  t.  6i,  pp.  479-481. 

2.  Historisches  JahrbuclijX.  10,  pp.  1-22. 

3.  Riemann,  Syntaxe  latine^  2^  édit.,  p.  7. 


366  REVUE    CRITIQUE 

de  constructions  qui,  pour  un  prosateur  cultivé,  sont  des  incorrections  : 
elles  peuvent  lui  échapper,  mais  il  est  en  garde  contre  elles.  C'est  sous  le 
bénétice  de  ces  remarques  préliminaires  qu'il  convient  d'accepter  les 
résultats  du  dépouillement  lexicographique  entrepris  par  M,  Wôlfflin. 
Il  trouve  dans  le  De aleatoribiis  :  i°des  expressions  antérieures  à Tertul- 
lien  :  quisque  =  qiiisquis,  perierare,  ipse  =  idem;  2°  une  expression 
employée  pour  la  première  fois  par  Tertullien  :  quoniam  au  lieu  de 
l'accusatif  avec  l'infinitif;  3°  des  expressions  postérieures  à  Tertullien  : 
idolatria  (on  doit  sans  doute  rétablir  cet  épel  dans  Tertullien,  cf.  Mio- 
do72ski,  p.  79),  ^{abuliis;  extollentia,  Gypr.  ;  serpentinus,  Ambr.  ;  coha- 
bitator,  Hieron.  ;  oraciilum,  oratoire,  Greg.  M.;  deitas,  Arnobe  ;  deifi.- 
cus  =  diiiimis,  Celerinus  ap.  Gypr.  Get  inventaire  devrait  avoir  pour 
conséquence  logique  de  placer  le  traité  après  le  temps  de  Grégoire  le 
Grand  ou  d'Arnobe.  Naturellement  M.  Wolffiin  recule  devant  cette  con- 
clusion extrême;  mais  alors  il  n'y  a  plus  lieu  de  tenir  compte  de  cette 
liste  pour  la  chronologie.  Qui  prouve  trop  ne  prouve  rien,  M.  Harnack 
en  prenant  ces  particularités  l'une  après  Tautre  a  mis  hors  de  cause  les 
plus  importantes  :  quoniam,  extollentia,  deificus,  deitas  ^.  Pour  ce 
dernier  mot,  dans  la  traduction  du  grec  en  latin,  qui  a  été  la  première 
besogne  littéraire  des  chrétiens  d'Occident,  on  a  dû  éprouver  de  bonne 
heure  bien  avant  Arnobe,  la  nécessité  de  rendre  exactement  le  Osér^ç  des 
Septante  et  des  théologiens  orientaux . 

M.  M.  donne  une  liste  de  concordances  littéraires  avec  saint  Cyprien, 
dix-sept  en  tout.  Elles  tendraient  à  prouver  que  Fauteur  du  De  aleat. 
se  serait  appliqué  à  imiter  les  oeuvres  de  Tévêque  de  Garthage.  Mais 
parmi  ces  lieux  parallèles^  les  uns  sont  des  tournures  très  naturelles  qui 
peuvent  se  rencontrer  sous  la  plume  de  deux  écrivains  indépendants  l'un 
de  l'autre  (aleat.  8,  5  :  hoc  primo  in  loco  scire  debes  quia,  et  ad  Demetr. 
3  :  illud  primo  in  loco  scire  debes  senuisse  iam  saeculum)^  d'autres 
sont  des  ressouvenirs  de  passages  bibliques  librement  paraphrasés  (aleat. 
5,  2,  et  de  zelo  2  :  cf.  I  Petr.  V,  8;  aleat  ri,  i ,  et  de  opère,  21  :  cf. 
I  Gor.  IV,  9  2  ;  aleat.  1 1 ,  2  et  de  laps.  11  ;  cf.  Matth.  VI.  20  et  XIX,  2 1^; 
d'autres  enfin  ne  sont  pas  comparables  [tneditatio,  aleat.  88,  a  son  sens 
habituel  de  «  exercice  »  et  est  glosé  par  crimen  crime  ;  dans  de  opère  12, 
ce  mot  signifie  «  une  éditation,  pensée  »  et  est  glosé  par  cogitatio). 

MM.  Haussleiter  et  Funk  ont  fait  surtout  porter  leur  investigations] 
sur  les  citations  bibliques.  On  en  trouve  dans  le  De  aleatoribus  qui  sont] 
communes  avec  saint  Gyprien  Ils  en  concluent  qu'elles  ont  été  puisées] 
dans  cet  auteur.  Mais  quand  un  écrivain  ecclésiastique  veut  appuyer sal 
doctrine  par  des  textes,  il  n'est  pas  très  étoimant  qu'il  se  rencontre  avec 
un  autre  auteur  animé  des  mêmes  intentions.  Dans  notre  cas,  ces  rap- 


1.  Theologische  Literatur^^eiiung,  1889,  p.  i. 

2.  Dans  mon  précédent  an\z\c  TRev .  crit.,  i88g,  I,  p.  23,  n.  2),  j'avais  déjà  signalé.| 
ce  rapprochement.  —  Tous  les  renvois  au  texte  du  De  al.  sont  fait  d'après  l'éd.  Mio-'i 
do/iski. 


I 


d'histoire  et  de  littérature  367 

prochements sont  contestables,  i^  Matth.  XVI,  18  ap.aleat,  i,  2et  Cypr. 
hab,  uirg.  10  avec  la  leçon  fundauit;  mais  ailleurs  saint  Cyprien  cite  le 
texte  avec  la  variante  aedificauit ;  2"  Ap.  XIV,  10,  Exod.  XXII,  20  et 
lerem.,  XXV,  6  dans  aleat.  8,  1-2  et  Cypr,  ad.  Fort.  3  (pp.  323-324 
Hartel)  :  le  premier  et  le  troisième  passages  ont  une  tout  autre  forme  et 
Tordre  est  différent;  3°  Apoc.  XVIII,  4  et  les.  LU,  1 1  dans  aleat.  8,  4 
et  Cypr.  de  laps.  10  et  testim.  III,  34:  lestestimonia  ne  donnent  qu'une 
partie  du  verset  d'Isaïe,  cité  en  entier  par  l'anonyme,  tandis  que  le  de 
lapsis  intervertit  l'ordre  des  citations  et  les  développe  oratoirement  ; 
40  Dans  le  chapitre  10  du  De  aleatoribus  se  trouve  un  groupement  qui 
a  semblé  la  preuve  irréfutable  d'un  emprunt  au  3"  livre  des  testimonîa 
de  saint  Cyprien  :  Matth.  XII,  32;  I  Sam.  II,  25  ;  I  Cor.  III,  16; 
Matth.  VII,  23.  On  a  dans  Testim.  III,  26-28:  Matth.  VII,  23;  I  Cor. 
III,  16;  Matth.  XII,  32  ;  Marc,  III,  28;  I  Sam.  Il,  25.  Mais  d'abord 
Tordre  est  différent.  De  plus  Matth.  VII,  2  3  est  isolé  dans  le  chap.  26  et 
séparé  de  I  Cor,  III,  par  trois  citations;  I  Cor.  III,  16  n'est  pas  suivi 
immédiatement  de  Matth.  XII,  32.  Enfin,  Marc.  TU,  28  manque  dans  le 
De  aleatoribus.  M.  Wolfflin,  et  à  sa  suite  MM.  M,  et  H.,  croient  à  une 
contamination  avec  Matth.  XII,  32.  Cette  contamination  consisterait 
dans  la  substitution  de  qui  dixeril  uerbum  à  qui  dixerit  blasphemiam. 
Dans  Thypothèse  d'une  traduction  unique  du  Nouveau  Testament, 
on  pourrait  rendre  compte  de  la  divergence  par  une  simple  glose  ;  dans 
Thypothèse  de  la  pluralité  des  versions,  un  écart  aussi  minime  s'explique 
encore  plus  aisément,  et  la  contamination  avec  un  texte  qui  offre  bien 
d'autres  différences  verbales  ne  peut  être  alléguée  que  pour  le  besoin 
d'une  thèse.  C'est  à  cela  que  se  réduisent  les  similitudes  de  citations 
entre  Tanonyme  et  saint  Cyprien  1. 

De  ce  minutieux  examen,  la  théorie  de  M.  Harnack  sort  intacte,  aussi 
solidement  appuyée  qu'auparavant.  Ses  principales  bases  sont  la  sévé- 
rité morale  de  Tauteur,  le  maintien  du  Pasteur  d'Hermas  et  de  la 
Aioay;^  au  rang  d'écritures  divines  et  la  répartition  des  écritures  canoni- 
ques en  prophètes,  évangiles  et  apôtres.  En  vain  M.  Funk  a-t-il  voulu 
affaiblir  ce  dernier  argument  en  rappelant  qu'à  une  date  très  tardive  (pour 
les  offices  des  Quatre-Temps  jusqu'à  nos  jours),  la  liturgie  a  conservé 
cette  division.  Puisque  cette  coïncidence  est  unique,  on  doit  y  voir  une 
de  ces  survivances  dont  la  liturgie  est  la  sauvegarde  naturelle.  Ce  qu'on 
ne  trouve  pas,  ce  sont  des  exemples  littéraires  tardifs  de  cette  conception 
du  canon. 

Le  De  aleatoribus  a  profité  des  discussions  dont  il  a  été  Tobjet.  Le 
texte  en  a  été  amélioré  et  c'est  dans  l'édition  Miodonski  qu'on  devra  le 
lire  désormais  2.  C'est  là  aussi  qu'il  faudra  chercher  l'étude  des  curieuses 

1.  M.  Harnack  fait  observer  que  ces  rencontres,  fussent-elles  justifiées,  ne  prouve- 
raient rien.  S.  Cyprien  n'est  probablement  pas  le  premier  qui  a  composé  des  recueils 
de  textes  de  l'Écriture.  On  en  avait  déjà  en  Orient;  cf.  Hatch,  Essays  m  biblical 
greek,  pp.   2o3  et  suiv.  Il  a  pu  et  dû  se  servir  de  ceux  qui  existaient. 

2.  M.  M.  a  collationné  à  nouveau  le  ms.  de  Munich,  Le  texte  de  MQT  est  certai- 
nement supérieur  à  celui  de  D,  qui  est  cependant  naeilleur  qu'on  pourrait  le  croire. 


368  REVUE    CRITIQUE 

particularités  grammaticales  qu'il  présente.  L'introduction  contient  en 
outre  des  observations  du  même  genre  sur  d'autres  parties  du  pseudo- 
Cyprien  et  sur  les  lettres  8,  21-24,  reproduites  par  M.  M.  à  la  iin  de 
sa  brochure  '. 

J'ai  indiqué  tout  à  Pheure  à  peu  près  tout  ce  qu'on  trouve  de  bon 
dans  rédition  de  M.  Hilgenfeld.  Ce  travail  est  manqué.  M.  H.  a  voulu 
donner  un  apparat,  au  lieu  d'imiter  la  réserve  de  Harnack.  11  a 
gonflé  le  bas  des  pages  de  variantes  de  mss.  empruntées  à  ses  devan- 
ciers et  de  leçons  des  éditions.  Cette  compilation  a  été  faite  absolument 
sans  critique.  C'est  ainsi  qu'il  cite,  à  côté  des  variantes  du  ms.  D,  un 
ms.  C  {Corbeiensis)  d'après  l'édition  Fell  et  Pearson  de  1682.  Or,  C  et 
D  sont  un  seul  et  même  ms,  dont  les  Bénédictins  avaient  procuré  une 
collation  aux  auteurs  anglais  -.  Dans  le  commentaire,  outre  le  passage 
déjà  cité  sur  l'origine  romaine  du  traité,  je  ne  vois  que  la  partie  con- 
sacrée à  l'inventeur  du  jeu  qui  mérite  d'arrêter  le  lecteur  (p.  5g).  M. 
H.  rend  très  vraisemblable  l'opinion  vers  laquelle  Harnack  semblait 
déjà  incliner.  L'hypothèse  de  Wôlfflin,  qui  voit  dans  olim  yneditando 
un  jeu  de  mot  rappelant  le  nom  de  Palamèdesest  décidément  trop  ingé- 
nieuse. On  a  relevé  ailleurs  les  distractions  énormes  de  M.  H.  ^.  La 
principale  est  un  contresens  sur  une  phrase  de  Harnack,  qui  fait  attri- 

J'ai  vérifié  et  rectifié  la  collation  de  ce  ms.  dans  Hartel.  Voici  \ts principaux  errata  : 
p.  93  H.,  5,  et  TD  ;  gS,  i5  exprobationem  D  ;  93,  18  pro  om.  D;  95,  8  hei-es  D^, 
infans  est  D*;  96,  i3  est  n'est  pas  dans  D;  97,  16  se  om.  D,  perdet  D  ;  97,  17  dia- 
boli  itenabulum  :  diab  \  tihim  D  ;  98,  9  armata  QTD;  98,  1 1  dilapidât  MQ^D;  98,  i5 
multarum  sunt  D  ;  99,  3  est  et  c  D'  ,•  99,  17  sic  :  sf  D'  ;  ici,  i3  per/erant  D'  ;  10 1, 
i^  pa7-entum  D;  loi,  i5  estrepitus  D^  ;  loi,  17  noceniius  T)  ;  102,9  diliciis  D;  io3, 
23  eliinosynis  D  ;  104,  2  inmortale  DQT.  La  dernière  rectification  a  d'autant  plus 
d'importance  que  d"après  l'apparat  de  M.  M.  inmortale  est  la  leçon  de  M;  le  texte 
est  donc  absolument  sûr  (cf.  au  contraire  Harnack,  p.  85). 

1.  p.  52,  M.  M.  omet  le  compte-rendu /avo?-aè/e  à  Harnack,  de  M.  l'abbé  Duchesne 
dans  le  Bulletin  critique;  p.  3i,  11.  i-3,  l'opposition  entre  païens  et  chrétiens  est 
trop  naturelle  pour  servir  de  base  à  un  rapprochement;  p.  56,  3,  il  est  douteux  que 
id  est  aleatorum  soit  interpolé,  cf.  Hilgenfeld,  p.  28  ;  la  restitution  de  cette  première 
phrase  dans  M.  est  d'ailleurs  tout  à  fait  contestable;  p.  58,  i,  dans  Cypr.  ep.  59,  5 
il  s'agit  précisément  du  pape;  66.  2,  sub  cura  nostri,  cette  particularité  présentée 
comme  un  africanisme  par  M.  se  présente  isolément  dans  Cicéron,  Tacite  et  peut- 
être  César  (cf.  Riemann,  Synt.  ^,  p.  loi,  2);  68,  3  dicendo  dicens,  il  aurait  fallu 
citer  aussi  Cicéron,  cf.  Riemann,  ib.,  g  253,  r.  1  ;  79,  5,  Harnack.  (p. 86)  a  rappro- 
ché la  liste  des  fautes  données  par  ]&  \i.ôv.yn  et  par  Marc,  VII,  21  :  on  sent  qu'il  y  a 
un  ordre  primitif  commun  à  ces  trois  documents,  sans  qu'on  puisse  le  déterminer 
avec  plus  de  précision;  cf.  aussi  Bonnet,  de  miraculo...  Clionis  patrafo,  p.  j; 
96,  4  il  est  douteux  qu'en  cas  de  conflit  entre  les  \&çons  ferre  et  portare,  portare 
doive  toujours  être  préféré  :  portare,  le  mot  vulgaire,  peut  être  la  glose  de  ferre, 
mot  classique  et  moins  compréhensible;  109,  12,  je  n'hésiterais  pas  à  écr'iTQ  abs-  A\ 
cinde,  en  me  fondant  sur  l'ingénieuse  explication  de  inde  donnée  par  M.  M.  ' 

2.  C.  et  D  ne  diffèrent  que  sur  trois  points,  deux  fois  par  une  erreur  d'Hilgen- 
feld  (23,  4  fausse  interprétation  du  silence  des  éditeurs;  23,  17  dans  P'ell-Pearson, 
i!  n'est  pas  question  de  Vépd  paenes  pour  C),  une  fois  par  une  erreur  de  l'apparat  de 
Hartel  (25,  22  inmortale  D,  comme  C,  v.  plus  haut). 

3.  Theologische  Literatur;[eitung,  1890,00!.  35  ss. 


d'histoire  et  de  littérature  369 

buer  à  Acesius,  évêque  novatien  de  Constantinople,  un  écrit  dont  M. 
H.  a  si  bien  prouvé  la  provenance  romaine.  M.  Harnack,  pensant  à 
Constantinople,  avait  écrit  Hauptstadt ,  que  M.  Hilgenfeld  a  traduit 
par  Rome.  La  méprise  est  d'autant  plus  étonnante  que  M.  Hilgenfeld, 
après  le  passage  de  Harnack,  cite  un  texte  de  Socrate  nommant  pour 
l'époque  d'Acesius  un  autre  personnage  comme  évéqUe  novatien  de 
Rome  (p.  39).  Le  nombre  vraiment  excessif  des  fautes  d'impression 
trahit,  autant  que  ces  bévues,  la  hâte  fébrile  avec  laquelle  cette  brochure 
a  été  écrite  1.  M.  H.  aurait  pu  faire  encore  une  besogne  utile  en  donnant 
un  index  très  complet  :  mais  il  s'est  contenté  de  reproduire  celui  de 
Harnack  en  le  réduisant  d''un  bon  tiers. 

Je  ne  veux  pas  terminer  sur  des  critiques.  Je  tiens  à  formuler 
une  réflexion  qui  est  à  l'honneur  de  tous  les  fidèles  du  De  aleatoribus. 
Ils  n'ont  été  animés  dans  ces  études  que  par  l'amour  pur  et  sans  mé- 
lange de  la  science  et  de  la  vérité.  On  n'a  vu  poindre  nulle  part  des 
préoccupations  confessionnelles  qui  eussent  paru  légitimes  au  grand  pu- 
blic. L'hypothèse  de  Harnack,  si  elle  favorise  une  confession  aux  dé- 
pens des  autres,  peut  fournir  des  armes  à  la  défense  des  doctrines  catho- 
liques :  elle  a  été  formulée  et  soutenue  par  des  protestants,  et  c'est  un 
théologien  catholique,  M.  Funk,  qui  l'a  le  plus  vigoureusement  atta- 
quée. Un  pareil  désintéressement  scientifique  est  trop  rare  pour  qu'on 
ne  le  signale  pas  2. 

Paul  Lejay. 

1.  On  peut  ajoutera  celles  que  signale  le  compte-rendu  cité  ci-dessus,  indelebilem 
stiidiiim  Qlsaec.  IV  inuente,àQ\3,  p.  53,  par  ex.  —  Autres  observations.  P,  40,  il  est 
bien  difficile  de  ne  pas  admettre  qu'il  y  ait  dans  les  quatre  premiers  chapitres  une 
leçon  indirecte  aux  évêques;  autrement,  ce  serait  beaucoup  de  précautions  oratoires  ; 
p.  43  :  «  legendum  quae,  ortum  e  scriplione  que  »,  je  ne  comprends  pas  ;  p.  45  toute 
l'ar^-umentation  de  Harnack  subsiste,  puisque  Apoc.  XVIIl  4,  est  placé  dans  la  bou- 
che du  Seigneur;  p.  57,  je  crains  que  M.  H.  n'ait  fait  un  contre  sens  sur  luuen.,  I, 
90-91  et  par  suite  sur  de  aleat.,  6,  5  ;  p.  62,  in  factis  iniquiis  de  de  aleat.  7,  12, 
paraît  se  rapporter  plutôt  à  ce  qui  précède  (cp.  surtout  6,  10  et  it  :  est  et  quando 
ipsi  aleatoves  ciim  prostitutis  mulieribus,  etc.)  qu'à  des  légendes  mythologiques  ; 
p.  75,  conclure  d'une  phrase  de  saint  Paul,  perdue  au  milieu  d'une  longue  citation, 
à  la  jeunesse  de  l'auteur  anonyme  paraît  être  un  peu  hardi;  même  page,  c'est  par 
un  tour  de  force  analogue  que  l'exhortation  de  la  péroraison  :  fuge  diabolum  per- 
sequentem  te,  devient  une  preuve  qu'à  l'époque  de  l'auteur  personne  ne  persécutait 
plus  les  chrétiens,  si  ce  n'est  le  démon. 

2.  «  Ce  que  nous  prétendons  au  nom  de  la  science,  c'est  qu'on  sache,  quand  il 
s'agit  de  juger  de  la  valeur  des  preuves,  se  mettre  un  instant  à  la  place  de  ceux  qui 
n'ont  pour  la  religion  ni  haine  ni  amour,  pour  se  demander  si  tel  texte,  tel  raison- 
nement doit  logiquement  les  amener  à  la  conclusion  que  nous  sommes  tentés  d'en 
tirer,  et  si  nous  admettrions  cetie  conclusion  comme  certaine,  lors  même  qu'elle 
nous  serait  contraire.  »  Gh.  de  Smedt,  Principes  de  la  critique  historique,  p.  33. 


370 


REVUK    CRITIQUE 


3i3.  —  Do  In  vIo  intime  des  «lojïiiics  et  de  leur  puissance  d'évolution.  Leçon 
d'introduction  au  cours  de  dogmatique  réformée  professée  à  la  Faculté  de  Théolo- 
gie protestante  de  Paris  le  4  novembre  1889,  par  A.  Sabatier.  Paris,' Fischba- 
cher,  in-8,  26  p. 


Prévenu  du  sujet  que  devait  traiter  l'autre  année  M.  Sabatier,  nous 
avions  voulu  l'entendre  et  nous  avions  été  frappé  des  qualités  de  pensée 
et  de  style  de  sa  leçon  non  moins  que  de  son  ardeur  communicative  ; 
d'autre  part,  nous  avions  l'impression  qu'il  avait  laissé  dans  l'ombre 
toute  une  partie  de  son  sujet,  la  plus  essentielle  peut-être.  En  le  relisant 
à  quelques  mois  d'intervalle,  nous  avons  été  confirmé  dans  notre  senti- 
ment premier. 

M.  S.,  comme  il  était  indispensable,  a  commencé  par  déblayer  son 
terrain  en  déclarant  que  les  dogmes  ne  sont  pas  immuables,  mais  se 
transforment  au  cours  des  siècles  ;  en  un  mot,  ils  évoluent.  Sous  ce 
rapport,  il  convient  de  les  comparer  aux  langues.  M.  S.  arrive  sans 
effort  à  rencontrer  des  formules  pleines  et  savoureuses,  dont  nous  don- 
nerons un  exemple  :  «  Ce  que  les  mots  et  les  phrases  sont  à  la  pensée, 
les  formules  dogmatiques  le  sont  à  l'expérience  religieuse  de  la  cons- 
cience et  nous  pouvons  poser  celte  thèse  générale  :  de  même  que  la  vie 
d'une  langue  se  trouve,  non  dans  la  sonorité  des  mots  ou  dans  la  cor- 
rection de  la  phrase,  mais  uniquement  dans  l'énergie  secrète  de  la 
pensée  et  dans  le  génie  du  peuple  qui  la  parle,  de  même  le  principe  de  la 
vie  des  dogmes  n'est  à  chercher  ni  dans  la  logique  des  idées  ou  la  justesse 
plus  ou  moins  grande  des  formules  théoriques,  mais  seulement  dans  la 
vie  religieuse  elle-même,  c'est-à-dire  dans  la  piété  pratique  de  l'Eglise 
qui  les  professe.  Le  dogme,  en  un  mot,  c'est  la  langue  que  parle  la 
foi.  »  Je  ne  crois  pas  que  cette  belle  définition  rencontre  beaucoup  de 
contradicteurs.  M.  S.  ajoute  qu'il  y  a  deux  éléments  dans  le  dogme,  un 
élément  proprement  religieux  qui  est  son  principe  vivant  et  un  élément 
intellectuel,  une  proposition  philosophique  servant  d'enveloppe  et  d'ex- 
pression au  premier,  et  il  doit  être  entendu  que  l'élément  intellectuel 
ou  formule  dogmatique  n'est  que  V  «  expression  symbolique  de  l'expé- 
rience religieuse  ». 

C'est  cet  «  élément  intellectuel  »  qui  constituera  la  part  essentielle- 
ment variable  dans  le  dogme.  Se  tournant,  à  son  tour,  du  côté  de  ceux 
qui  voudraient  sacrifier  totalement  la  formule  philosophique  de  l'expé- 
rience religieuse,  considérée  comme  foncièrement  caduque,  M.  S.  déclare 
qu'on  arriverait  par  cette  voie  à  détruire  purement  et  simplement  le  chris- 
tianisme et  la  religion.  C'est  ici  que  je  cesse  de  l'entendre,  me  deman- 
dant si,  d'après  le  professeur  de  dogmatique  réformée,  la  formule  dogma- 
tique est,  oui  ou  non,  indispensable,  si  elle  n'est  pas  une  simple  béquille 
à  l'usage  des  gens  mal  bâtis  ou  d'esprit  faible.  Poussons  un  peu  plus 
loin  pour  avoir  la  réponse. 

M.  S.  fait  ressortir  le  caractère  hébraïque  du  christianisme  primitif, 
Tempreinte  hellénique  qu'il  a  subie  par  la  suite.  «  De  quel  droit,  n'hé- 


d'histoire  et  de  littérature  37 1 

site-t-il  pas  à  dire,  proclamerions-nous  éternel  et  immuable  un  système 
dogmatique,  dont  l'histoire  nous  révèle  si  bien  Torigine  et  le  caractère 
particulier  ?  Sans  doute,  ce  système  convenait  admirablement  au  monde 
gréco-romain,  et,  sans  doute  aussi,  c'est  à  cette  convenance  même  quMl 
doit  d'avoir  alors  triomphé.  N'est-ce  pas  une  raison  de  penser  quMl 
ne  doit  plus  convenir  aussi  bien  au  nôtre,  à  moins  qu'on  n'admette  que 
notre  civilisation  et  notre  philosophie  n'ont  pas  le  droit  de  différer  de 
la  civilisation  et  de  la  philosophie  des  derniers  siècles  de  1" Empire 
romain  ?  »  Et  M.  S.  fait  voir  quelle  révolution  a  subie  notre  conception 
du  monde  comparée  à  celle  du  moyen  âge.  De  là,  la  nécessité  de  modi- 
fier la  formule  dogmatique  selon  les  époques.  Il  a  écrit  sur  ce  point 
quelques  pages  vives  et  précises,  qui  renferment  des  observations  très 
solides.  Malheureusement,  je  note  encore  ici  un  désaccord  entre  les  pré- 
misses et  la  conclusion.  Au  moment  où  je  me  préparais  à  entendre  : 
Donnez  aux  faits  de  l'expérience  religieuse  une  formule  qui  soit  en 
harmonie  avec  Fétat  contemporain  des  connaissances  et  de  la  réflexion 
philosophique,  —  je  lis,  non  sans  étonnement  :  La  revision  dogmatique 
est  toujours  ouverte,  en  principe  et  en  fait,  dans  les  Églises  issues  de  la 
Réforme.  —  Il  est  visible  qu'une  perspective  de  continuelle  mobilité, 
d'instabilité  sans  fin,  ne  peut  être  accueillie  qu'avec  hésitation  et  défiance 
par  les  diverses  églises  chrétiennes  ^ 

Nous  refermons  donc  cette  brochure,  qui  est  une  œuvre  des  plus 
distinguées,  où  abondent  les  remarques  judicieuses  et  les  rapproche- 
ments heureux,  avec  un  sentiment  de  déception.  Nous  nous  demandons 
ce  qui  doit  demeurer  et  ce  qui  doit  passer  dans  le  christianisme.  Le 
dogme  est-il  décidément  un  simple  vêtement,  comme  la  coquille  qui 
protège  le  mollusque,  comme  le  paletot  que  nous  sommes  contraints 
d'endosser  par  les  temps  froids;  ou  bien  est-il  la  traduction  légitime  et 
nécessaire  du  sentiment  dans  la  langue  de  la  philosophie?  Il  est  visible 
que  M.  S.  hésite  perpétuellement  entre  ces  deux  réponses  et  qu'il  n'a 
pas  su  prendre  son  parti  de  dire  franchement  qu'il  faut  un  dogme  à 
toute  Eglise  qui  compte  et  que  ce  dogme  doit  être  considéré  par  cette 
Eglise  comme  étant  la  vérité.  C'est  seulement  en  ce  cas,  nous  semble-t-il, 
qu'il  y  a  lieu  de  parler  de  «  la  vie  intime  des  dogmes  et  de  leur  puissance 
d'évolution  -.  »  Sous  ce  rapport,  nous  ne  nous  étonnons  pas  que  les 
propositions  de  M.  S.  aient  semblé  insuffisantes  à  plusieurs. 

Faut-il  chercher  la  pensée  profonde  de  M.  S,  dans  une  note  de  la 
page  9,  où  il  est  question  des  «  faits  rédempteurs  et  rénovatenrs  de 
l'Evangile  »  qui,  «  par  cela  seul  qu'ils  ont  précédé  l'évolution  dogma- 

1.  On  a  pu  croire  que  M.  S.  sacrifiait  sans  hésitation  tout  le  travail  dogmatique 
du  passé;  je  suis  persuadé  que  telle  n'est  pas  sa  pensée,  mais  plusieurs  de  ses 
réflexions  seraient  de  nature  à  favoriser  cette  interprétation. 

2.  La  «  vie  intime  du  dogme  »  doit  consister  en  ce  que,  restant  immuable  dans 
%ox\  fond,  il  adapte  sa /orwe  à  l'époque  et  au  milieu.  Nous  aurions  voulu  voir  appli- 
quer cette  remarque  aux  dogmes  du  péché  originel  et  de  la  rédemption,  par 
exemple. 


872  REVUE    CRITIQUE 

tique,  restent  nécessairement  hors  d'elle  »?  Ce  serait  là  une  voie  toute 
nouvelle,  que  rien  ne  nous  faisait  soupçonner;  cette  théorie  des  «  faits 
chrétiens  »  nous  semble,  du  reste,  l'une  des  plus  faibles  et  les  plus  creuses 
qu'on  ait  jamais  imaginées.  D'ailleurs,  un  lecteur  attentif  s'apercevra 
que  M.  S.  s'est  préoccupé  ici  de  faire  taire  des  critiques  qu'avait  soule- 
vées sa   leçon  (voyez  aussi  la  note  de  la  p.  7). 

Il  paraît,  en  effet,  que  cette  leçon  a  provoqué  des  protestations  très 
vives.  Après  avoir  nous-même  fait  d'expresses  réserves  sur  le  fonds  du 
sujet,  nous  sommes  heureux  de  constater  que  M.  Sabatier  a  maintenu 
et  fait  reconnaître  sa  liberté  professorale. 

M.  Vernes. 


514.  —  Kleinere   deutsclie    Getliclite    des    ^I.    u.    XII   Jahi>Iiunderts, 

p.  p.   Albert  Waag.   (Altdeutsche  Bibliothek,  hrsg.  von  Paul).  Halle,  Niemeyer, 
1890.   In-8,  XLi  et  167  p.  2  mark. 

Ce  petit  livre  contient  dix-sept  poèmes  religieux,  déjà  publiés  par 
Mûllenhofî  et  Schererdans  les  Denkmœler,  par  Diemer,  par  Karajan  :  on 
saura  gré  à  l'auteur  d'avoir  réuni  dans  ce  volume  des  textes  peu  acces- 
sibles et  recueilli  ou  résumé  dans  ses  introductions  et  ses  notes  à  peu 
près  tout  ce  que  ses  devanciers  avaient  dit  d'important.  On  lui  repro- 
chera toutefois  d'avoir  été  trop  conservateur,  ou  plutôt,  comme  disent 
ses  compatriotes,  trop  bequem^  et  de  se  livrer  à  une  polémique  acerbe 
contre  Scherer.  C 


5l5.  —  Quellen  zui»  Gescliîclite  der  Stadt  ^^'^ornis.  II.  Theil.  Urkunden- 
buch  der  Stadt  Worms,  herausgegeben  von  Heinrich  Boos,  Band  II.  (1301-1400). 
Berlin,  Weidmann,  1890,  xiv,  948  p.  in-8.  Prix  :  Sy  fr.  5o  c.  jm\ 

Grâce  au  concours  généreux  du  baron  de  Heyl,  la  ville  de  Worms  a 
pu  commencer  récemment  la  publication  d'une  Collection  des  sources 
historiques,  confiée  à  M.  Henri  Boos,  actuellement  professeur  à  l'Uni- 
versité de  Bâle.  Comme  de  juste,  c'est  par  un  Cartulaire  de  la  ville 
de  Worms  que  s'ouvre  la  collection  de  M.  B.  Le  second  volume 
embrasse  les  années  i3oi  à  1400  et  renferme  plus  de  douze  cent  piè- 
ces relatives  soit  aux  affaires  politiques,  soit  aux  affaires  privées,  (dona- 
tions ou  échanges  de  terrains,  baux,  contrats  de  vente,  etc.)  de  la  vieille 
cité  rhénane.  Sur  ce  nombre,  six  cents  au  moins  sont  entièrement  iné- 
dites et  tirées  des  archives  de  Worms,  de  Spire,  de  Darmstadt,  de 
Lucerne,  etc.  Une  trentaine  de  pages  contiennent  des  additions  et  rec- 
ti/ications  au  tome  précédent;  une  table  des  matières  des  noms  de  lieux 
et  personnes,  dressée  avec  beaucoup  de  soin,  remplit  près  de  deux  cents 
pages. 

Toutes  les  pièces  renfermées  dans  cet  énorme  volume,  consciencieuse* 
ment  éditées  d'après  les  principes  généralement  admis  aujourd'hui  pour  la 


d'histoire  et  de  littérature  373 

publication  des  Cariulaires,  en  Allemagne,  n'ont  pas  été  données  in 
extenso.  M.  B.  n'a  reproduit  de  la  sorte  que  les  documents  d'un  intérêt 
général,  se  rattachant  à  Thistoire  intérieure  ou  aux  relations  extérieu- 
res de  la  cité;  quant  aux  documents  d'ordre  privé  fprivatrechtliche  Ur- 
kunden)  il  n'en  adonné  généralement  que  des  extraits  ;  il  a  même  négligé, 
de  propos  délibéré,  une  masse  de  pièces  de  cette  catégorie,  se  rattachant 
aux  propriétés  extra  muros  des  établissement  ecclésiastiques  de  Worms. 
On  ne  saurait  s'en  étonner  quand  on  songe  qu'il  n'y  avait  pas  moins 
de  soixante  églises,  chapelles  et  couvents  dans  l'enceinte  des  murs,  et 
rien  qu'au  point  de  vue  de  la  dépense  matérielle,  on  ne  pouvait  songer 
à  fondre  tous  ces  cartulaires  spéciaux  dans  celui  de  la  ville  libre  impériale. 

Le  xiv^  siècle  est  l'époque  des  grandes  confédérations  urbaines  et  de 
leurs  luttes  acharnées  contre  les  seigneur  territoriaux.  Worms  a  joué  un 
rôle  assez  important  dans  ces  luttes,  pour  que  son  histoire  spéciale  four- 
nisse nombre  de  faits  intéressants  pour  l'histoire  générale  de  l'Empire. 
Pendant  toute  la  durée  de  ce  siècle,  elle  n'a  guère  vécu  en  paix  avec  ses 
voisins,  principalement  avec  son  évêque,  qui  réclamait  sans  cesse  la 
suzeraineté  politique  sur  la  ville,  déclarée  ville  libre  par  Louis  de 
Bavière,  et  confirmée  dans  ses  privilèges  par  "Wenceslas.  A  plusieurs 
reprises,  l'appui  des  princes  voisins,  et  particulièrement  des  électeurs 
palatins,  fit  triompher  les  évêques,  mais  chaque  fois  la  ténacité  bour- 
geoise reprit  la  lutte,  qui  ne  cessa  définitivement  qu'au  xvi^  siècle.  Ces 
démêlés  entre  le  pouvoir  ecclésiastique  et  le  pouvoir  séculier,  les  com- 
promis innombrables  —  les  Rechtiingen  —  qu'ils  signèrent  entre  eux, 
pour  les  violer  l'instant  d'après,  remplissent  un  bon  nombre  des  pages 
du  volume  de  M,  Boos. 

Les  querelles  qui  s'élevèrent  entre  Worms  et  d'autres  villes  rhénanes, 
au  sujet  des  privilèges  douaniers,  rendus  à  la  ville  par  Wenceslas,  et  les 
pièces  qui  s'y  rapportent,  fournissent  également  des  renseignements 
économiques  curieux  pour  l'histoire  du  commerce  au  moyen-âge. 

R. 


5  16.  —  Seger.  B^rzantiiiiselie  Hîstoi'îkei*    des  X  und  XI  «lalirliuiiderts. 

I.  Nikephoros  Bryennios.  Munich,  Lindau,   1888.  i  vol.  in-8,  iv-i2g  p. 

Parmi  les  raisons  d'ordre  divers  qui  rendent  si  difficiles  les  études 
byzantines,  Tune  des  principales  est  assurément  le  manque  de  recherches 
critiques  sur  les  sources  de  l'histoire  de  l'empire  d'Orient.  Sans  doute, 
dans  ses  Bjr\antinische  Stiidien,  F.  Hirsch  a  donné,  pour  la  période  qui 
va  de  8i3  à  963,  un  remarquable  modèle  aux  travaux  de  cette  sorte; 
sans  doute,  quelques-uns  ont  suivi  cet  exemple  et  étudié,  comme  Neu- 
mann,  les  sources  historiques  de  l'époque  des  Comnènes.  Pourtant  les 
recherches  de  ce  genre  sont  encore  si  rares,  qu'il  faut  savoir  grand  gré  à 
M.  Seger  d'avoir  entrepris  l'étude  critique  de  quelques-uns  des  écrivains 
du  xi«  siècle  byzantin. 


374  REVUE    CRITIQUE 

Parmi  les  historiens  de  cette  période,  entre  Psellus,  Attaliotc  etSky- 
litzès,  Nicéphore  Bryenne,  auquel  M.  S.  consacre  l'ouvrage  que  nous 
analysons,  mérite  une  place  importante.  On  connaît  Ihomme  :  né  d'une 
des  plusgrandes  familles  byzantines,  probablement  fils  aîné,  comme  M.  S. 
le  démontre  fort  heureusement,  de  ce  Nicéphore  Bryenne  qui  aspira,  en 
1078,  au  trône  de  Byzance,  il  est  plus  célèbre  encore  comme  gendre 
d'Alexis  I"  et  mari  d'Anne  Comnène.  L'historien  n'est  guère  moins  inté- 
ressant. Mêlé  de  près,  comme  les  autres  écrivains  de  l'époque,  aux  événe« 
ments  qu'il  raconte,  il  diffère  d'eux  par  certains  traits  qui  méritent 
d'attirer  l'attention.  Son  livre,  composé  à  la  prière  de  l'impératrice 
Irène  Ducas,  femme  d'Alexis,  est  moins  un  ouvrage  historique  qu'un 
écrit  de  parti,  avant  tout  destiné  à  exalter  la  gloire  du  grand  Comnène, 
et  à  prouver  la  légitimité  de  son  avènement;  c'est,  suivant  l'expression 
de  M.  S.,  «  la  chronique  d'une  grande  famille  »  ou  plutôt  de  deux  grandes 
familles,  car  la  gloire  des  Ducas,  aïeux  de  l'impératrice,  n'y  est  pas 
moins  célébrée  que  celle  des  Comnènes.  On  conçoit,  dès  lors,  quelles 
peuvent  être  les  sources  et  la  valeur  de  ce  récit,  qui  commence  vers  1070, 
avec  les  premiers  exploits  d'Alexis  Comnène,  et  se  poursuit  en  quatre 
livres  jusqu'en  1078.  Outre  les  emprunts  nombreux  faits  aux  historiens 
du  temps,  à  Psellus,  à  Attaliote,  à  Skylitzès,  Bryenne  trouve  dans  ses 
propres  souvenirs  et  dans  ceux  de  sa  famille  bien  des  détails  nouveaux 
ou  curieux;  malheureusement  son  impartialité  est  fort  sujette  à  caution, 
et  souvent  il  ne  répugne  point  à  l'évidente  altération  des  faits.  L'écri- 
vain pourtant  demeure  digne  d'étude  ;  sa  langue,  si  fort  marquée  qu'elle 
soit  des  traits  caractéristiques  de  l'époque,  a  plus  de  simplicité  et  de 
souplesse  que  celle  de  ses  contemporains,  et,  par  là,  Bryenne  mérite 
quelque  place  dans  l'histoire  littéraire  de  son  temps. 

M.  S.  a  retracé  de  façon  fort  intéressante  la  biographie  de  Nicéphore; 
il  a  apprécié  en  termes  fort  justes  les  tendances,  les  sources  et  la  valeur 
du  livre;  il  en  a  étudié  la  langue  avec  un  soin  consciencieux,  et  son  tra- 
vail est  aussi  intéressant  qu'utile.  Je  ne  ferai  de  réserve  que  sur  la  dis- 
cussion, fort  curieuse  du  reste,  que  M.  S.  consacre  à  la  préface  de  l'ou- 
vrage de  Nicéphore.  Pour  lui,  la  fin  seulement  de  cette  introduction 
(depuis  aOÀov  toOtoI  serait  l'œuvre  authentique  de  Bryenne,  le  reste 
étant  le  travail  d'un  scribe  quelconque,  et  faisant  partie  d'un  écrit  de 
circonstance  composé  vers  1090  pour  prouver  les  droits  d'Alexis  Com- 
nène au  trône  de  Byzance.  L'argumentation,  fort  ingénieuse,  ne  me 
semble  nullement  décisive;  et  la  question,  qui  présente  évidemment 
certaines  difficultés,  ne  me  semble  point  encore  résolue. 

Je  dois,  en  terminant,  signaler  deux  remarques  importantes  de 
M  Seger.  Le  manuscrit  unique  de  Bryenne,  que  le  P.  Poussines  a 
reproduit  dans  la  Byzantine  du  Louvre,  est  perdu  depuis  le  jour  où  les 
héritiers  de  Guillaume  Puget  de  Toulouse  en  demandèrent  restitution  à 
l'éditeur.  îl  y  aurait  grand  intérêt  à  retrouver  ce  Codex  Tolosaniis, 
d'abord  parce  que  le  texte  de  Bryenne  est  fort  mal  publié,  ensuite  parce 


d'histoire  et  de  littérature  375 

que  ce  manuscrit  renfermait  un  texte  de  l'Alexiade  d'Anne  Comnène 
assez  différent  de  la  leçon  des  manuscrits  consultés  par  Reifferscheid. 
A  défaut  du  Codex  Tolosanus,  du  moins  serait-il  intéressant  de  retrou- 
ver le  volume  de  la  Byzantine  du  Louvre  où,  en  marge  d  Anne  Com- 
nène, Poussines  avait  inscrit  plusieurs  centaines  de  variantes  empruntées 
au  Tolosanus.  Jusqu'en  i/So,  ce  volume  était  conservé  au  collège  des 
Jésuites  de  Toulouse  ;  depuis  lors,  on  perd  sa  trace.  Est-il,  comme  M.  Se- 
ger  le  juge  vraisemblablement,  enfoui  dans  quelque  bibliothèque  parmi 
les  autres  volumes  d'une  Byzantine  du  Louvre?  Il  serait  utile  de  s'en 
assurer,  et  c'est  pourquoi  je  signale  cette  double  recherche  à  la  curio- 
sité des  intéressés  ". 

Ch.   DiEHL. 


517.  —  Emile  Gebhart,  L,'ltalie  mystique.  Histoire  de  la  Renaissance  religieuse 
au   moyen  âge.  Un  vol.  in-12,  vii-326  pp.  Paris,   Hachette,  1890.  Prix  :  3  fr.  5o. 

Les  cent  cinquante  années  comprises  entre  le  règne  d'Alexandre  III 
et  celui  de  Boniface  VIII  sont  Tépoque  la  plus  originale,  et  l'une  des 
plus  brillantes,  du  christianisme  en  Italie.  C'est  à  cette  période  tout 
entière  qu'est  consacré  Touvrage  de  M.  Gebhart,  dont  le  titre  n'indique 
pas  peut-être  complètement  le  contenu.  Avec  le  catholicisme  Imaginatif 
et  mystique,  antiformaliste  et  quasi  hérétique  de  Joachim  de  Flore  et 
de  François  d'Assise,  cette  période  a  aussi  vu,  et  M.  G.  étudie  aussi 
dans  son  livre,  le  catholicisme  démocratique  et  politique  de  Arnaldo  di 
Brescia,  le  déisme  vague  et  déjà  rationnaliste  de  Frédéric  II ,  et  le  catholi- 
cisme gibelin  et  vindicatif  de  Dante,  qui  fond  dans  une  synthèse  géniale 
les  éléments  scolastiques,  les  éléments  mystiques  et  aussi  les  éléments 
passionnels  de  la  religion  médiévale  italienne.  L'étude  de  la  religion  de 
Dante  forme  la  conclusion  naturelle  de  cette  histoire  :  ce  dernier  cha- 
pitre permet  de  mesurer  les  progrès  accomplis  par  l'esprit  religieux  en 
Italie  depuis  ces  épouvantables  papes  du  ix''  siècle,  auxquels  M.  G.  a 
consacré  son  introduction.  Mais  c'est  moins  cette  évolution  qu'a  voulu 
montrer  l'auteur  que  le  développement  de  l'idée  mystique  dans  l'école  de 
Joachim  de  Flore  et  de  ses  disciples.  Cette  religion,  moins  opposée  peut- 
être  qu'il  ne  le  dit  au  formalisme  officiel,  plus  mêlée  qu'il  ne  l'indique 
(malgré  un  charmant  chapitre  sur  l'art  mystique)  d'influences  artisti- 
ques et  poétiques,  il  la  définit  admirablement  «  l'œuvre  excellente  du 
génie  italien  »  au  xiii*  siècle,  et  il  a  trouvé,  en  décrivant  l'histoire  de  ses 
fondateurs    l-.;  pages  les  plus  belles  qu'il  ait  écrites,  et  vraiment  belles, 

I.  Je  signale  à  M.  S.,  parmi  les  ancêtres  de  la  famille  Bryenne,  un  Théoctiste 
Bryenne,  straiège  de  Dalmaiie  au  ix«  siècle  (Schlumberger,  Sigillographie  byzan- 
tine, p.  20b).  —  Il  est  possible  que  la  mère  de  notre  Bryenne,  dont  M.  S.  ignore  le 
nom  fp,  17I,  s'appelât  Marie  Bryenne  (Schlumberger,  ibid.  626).  —  Enlin,  le  texte 
d'Anne  Comnène  d'où  M.  S.  conclut  que  la  princesse  entra  au  couvent  dès  la  mon 
d'Alexis  (p.  24),  me  semble  prêter  à  discussion,  et  le  t'ait  en  lui-même  est  bien  peu 
vraisemblable. 


376  REVUE    CRITIQUE 

Il  a  fixé  pour  longtemps  la  physionomie  historique  de  François  d'Assise, 
de  Joachim,  de  Jacopone  di  Todi.  Aussi  lui  pardonnera-t-on  volontiers 
de  n'avoir  parlé  ni  de  Saint  Bonaventure  ni  de  Pierre  Mangiadore,  et 
le  capucin  de  M.  Renan  redira  sans  doute  à  propos  de  Y  Italie  mys- 
tique ce  qu'il  disait  à  propos  de  l'étude  sur  Y  Evangile  éternel  :  «  Il  a 
bien  parlé  de  Saint  François,  Saint  François  le  sauvera.  »  A  coup  sûr, 
Saint  François  a  inspiré  à  M.  Gebhart  un  travail  qui  est  mieux  qu'un 
charmant  livre,  —  qui  est  un  livre. 

Léon-G.  PÉLissiER. 


5  18.  —  A.  Heidenhain.   I>le  Unionspolitik  LandgraT  Philippe  von  Hessen, 

1 5 57-1 562.  I  vol.  in-8,  x[x-48o   pages.  Archivalische  Beilagen,   iBg  pages.  Halle 
A.  S.  Niemeyer,  1890. 

Aussitôt  que  la  pai^  d'Augsbourg  eut  été  signée  (i555),  de  graves  dis- 
sensions éclatèrent  à  nouveau  entre  les  deux  partis  catholique  et  protes- 
tant. F'-,  présence  des  difficultés  soulevées  chaque  jour,  il  semblait  que 
les  protestants  allaient  s'unir  pour  la  défense  de  leurs  intérêts  communs. 
II  n'en  fut  rien.  Les  luthériens  restèrent  très  hostiles  aux  calvinistes  et 
voyaient  des  adversaires  plutôt  que  des  amis  dans  les  huguenots  de  la 
Suisse  et  de  la  France.  Ils  se  partagèrent  eux-mêmes  en  une  série  de 
sectes,  qui  se  lançaient  réciproquement  l'anathème,  si  bien  qu'on  ne 
savait  plus  lesquels  d'entre  eux  appartenaient  à  la  confession  d'Augs- 
bourg, la  seule  dont  l'existence  eût  été  reconnue  légalement  en  Allema- 
gne. Un  prince,  auquel  son  dévouementà  la  Réforme  n'enlevait  pas  la 
clairvoyance,  comprit  les  dangers  de  cette  situation  :  c'était  Philippe  le 
Magnanime,  landgrave  de  Hesse.  Déjà,  en  1529,  en  convoquant  le  col- 
loque de  Marbourg,  il  avait  essayé  de  mettre  d'accord  les  disciples  de 
Luther  et  ceux  de  Zwingle.  A  partir  de  1 555,  il  travailla  plus  que  jamais 
au  triomphe  de  la  même  politique.  Faire  considérer  comme  secondaires 
toutes  les  divergences  confessionnelles,  unir  tous  les  protestants  de  .^j 
l'Allemagne  dans  une  même  ligue  défensive,  amener  une  transaction  ;•? 
entre  les  luthériens  et  les  réformés  en  Suisse,  empêcher  les  Guises  d'écra- 
ser l'hérésie  en  France  et  tendre  aux  huguenots  une  main  secourable  : 
tels  furent  ses  plans.  M.  Heidenhain  nous  raconte,  dans  ce  long  volume,  ^ 
les  efforts  qu'il  fit,  pour  les  mettre  à  exécution  dans  les  années  iSSjà 
i562,  et  il  nous  expose  les  obstacles  contre  lesquels  il  vint  se  buter. 

M.  H.  s'appuie,  dans  son  récit,  sur  une  série  de  lettres  inédites, adres- 
sées par  le  landgrave  aux  princes  d'Allemagne,  Auguste  de  Saxe,  Chris- 
tophe de  Wurtemberg,  etc.,  ou  bien  reçues  par  lui  de  ces  mêmes  per- 
sonnages. Il  les  a  découvertes  pour  la  plupart  aux  archives  de  Marbourg, 
quelques  unes  aux  archives  secrètes  d'Etat,  à  Berlin.  Il  les  publie  in- 
extenso  dans  son  appendice.  11  aurait  pu,  à  cause  de  cette  publication, 
abréger,  ce  nous  semble,  l'analyse  très  détaillée  qu'il  nous  donne  des 
mêmes  pièces  au  cours  du  volume.  Son  récit  y  eût  beaucoup  gagné  :  bien 


II 


s- 


d'histoire  et  dk  littérature  377 

souvent,  il  se  compose  exclusivement  de  documents  mis  bout  à  bout. 
Au  milieu  de  ces  analyses  diffuses  et  de  ces  citations  prolongées,  on  perd 
souvent  de  vue  les  idées  générales;  les  plans  des  principaux  personnages 
vous  échappent  ;  leur  caractère  ne  se  dessine  pas;  l'intérêt  languit  et 
disparaît. 

M.  H.  a  commencé  son  récit  là  où  commencent  les  documents  inédits 
sur  lesquels  il  a  mis  la  main.  A  la  rigueur,  on  s'explique  qu'il  ait  pris 
pour  point  de  départ  les  premières  tentatives  d'union  faites  par  Philippe 
après  la  paix  d'Augsbourg.  On  aurait  souhaité  pourtant  qu'il  nous  eût 
en  quelques  pages  résumé  le  rôle  joué  par  le  landgrave  avant  i5b5  ; 
qu'il  nous  eût  parlé  au  moins  du  colloque  de  Marbourg.  Mais  voici  qui 
est  plus  extraordinaire;  M.  H.  s'arrête  là  où  s'arrêtent  ses  documents, 
au  milieu  même  d'une  négociation.  La  première  guerre  de  religion  a 
éclaté  en  France.  Les  huguenots  envoient  d'Andelot,  frère  de  Coligny, 
demander  des  secours  en  hommes  et  en  argent  aux  princes  protes- 
tants d'Allemagne.  Après  bien  des  pourparlers,  le  landgrave,  le  duc  de 
Wurtemberg,  l'électeur  palatin  Frédéric,  le  comte  palatin  Wolfgang,  le 
margrave  de  Bade-Dourlach  Charles  consentirent  à  avancer  certaines 
sommes.  Le  duc  de  Saxe-Weimar,  Jean-Frédéric,  s'exécuta  à  son  tour; 
mais,  continue  M.  H.,  l'électeur  de  Saxe  ne  voulut  rien  donner...  Puis 
un  point,  c'est  tout.  Ne  demandez  pas  à  l'auteur  de  vous  signaler  briè- 
vement les  faits  qui  suivirent  :  prières  adressées  par  le  prince  de  Condé 
à  la  diète  de  Francfort  dans  l'automne  de  i562,  issue  en  France  de 
la  première  guerre  civile.  Il  vous  dira  qu'après  août  i562  il  n'a  plus 
rien  trouvé  d'inédit.  N'attendez  pas  non  plus  de  lui  que,  par  un  bref 
résumé,  il  tixe  dans  votre  mémoire  le  souvenir  des  négociations  qu'il  a 
si  longuement  racontées;  ne  cherchez  pas  davantage  dans  son  livre 
une  appréciation  sur  la  politique  de  son  héros.  Il  n'a  pas  voulu  faire 
œuvre  d'art,  mais  seulement  œuvre  de  science. 

Cette  science  est  très  étendue,  nous  ne  le  nions  point;  au  contraire, 
nous  allons  le  mettre  en  évidence.  M.  H.  connaît  fort  bien  l'histoire 
d'Allemagne  au  milieu  du  xvi'=  siècle  et  la  bibliographie  qu'il  a  dressée 
montre  combien  nombreuses  sont  ses  lectures.  Il  sait  en  outre 
d'une  façon  remarquable  l'histoire  de  France  à  cette  époque.  Il  a 
eu  souvent  occasion  de  parler  de  notre  pays,  à  propos  des  rapports  des 
Réformés  avec  les  princes  allemands,  et,  en  particulier,  avec  Philippe  de 
Hesse.  Peut-être  même  a-t-il  insisté,  plus  qu'il  n'aurait  fallu,  sur  les 
événements  intérieurs  survenus  à  la  cour  des  Valois,  sur  la  politique 
tortueuse  de  Catherine  de  Médicis,  sur  les  plans  des  Guises,  sur  le 
triumvirat,  sur  les  états  d'Orléans.  Au  moins,  toujours  son  érudition  est 
sûre.  S'il  n'a  pu  profiter  des  travaux  assez  récents  de  MM.  Delaborde 
sur  Coligny,  Waddington  sur  Hubert  Languet,  Décrue  sur  Anne  de 
Montmorency,  Forneron  sur  les  Guises,  il  s'est  servi  du  livre  du  duc 
d'Aumale  sur  Condé,  des  volumes  de  Ruble  sur  Antoine  de  Bourbon,  des 
mémoires  du  xvi^  siècle,  des  pièces  publiées  dans  les  documents  inédits. 


378  REVUK    CRITIQUK 

IliVa  pas  commis  de  i^raves  erreurs  ^j  et  il  en  a  corrigé  quelques-unes  qui 
avaient  échappé  à  ses  devanciers.  Ainsi  il  a  montré  d'une  manière  déti- 
nitive  que  les  princes  allemands  n'ont  pris  aucune  part  à  la  conjuration 
d'Amboise.  11  a  aussi  emprunté  aux  archives  allemandes  de  curieux 
détails  sur  le  colloque  de  Poissy;  ils  forment  un  complément  à  l'article 
de  M.  de  Ruhle  paru  récemment  dans  les  Mémoires  de  la  Société  de 
l'histoire  de  Paris.  Personne  ne  devra  plus,  en  France,  rien  écrire  sur  le 
règne  de  François  II  et  les  débuts  du  règne  de  Charles  IX,  sans  consul- 
ter ce  livre,  mal  fait,  mais,  somme  toute,  utile.  Beaucoup  d'ouvrages 
d'histoire  ne  méritent  pas  un  semblable  éloge. 

Ch.  Pfister, 


I 


5ig.   —  I^ettres  d'un  cadet  de  Gascogne  sous  Liouîs  XIV»   p.  p.  Abbadie. 
(Arch.  hist.  de  la  Gascogne,  fasc.  XXI).  Paris,  Champion,  1890.  In-8,  xix  et  go  p. 

Ce  volume  intéressant  renferme  des  lettres  de  François  de  Sarra- 
méa,  capitaine  au  régiment  de  Languedoc,  et,  comme  il  se  qualifie, 
«  cadet  de  Gascogne  qui  cherche  fortune  «  (p.  63).  Les  lettres  n'appor- 
tent rien  de  nouveau,  et  le  récit  du  combat  de  Rumersheim  n'offre  pas 
de  détails  caractéristiques  et  attachants,  quoiqu'il  donne  pourtant  une 
idée  générale  de  cette  «  affaire  »  qui  sauva  l'Alsace  et  fit  la  réputation 
du  comte  du  Bourg  (p.  72-73).  Mais  Sarraméa  a  lutté  toute  sa  vie 
pour  la  France  et  pour  son  roi,  aux  avants-postes,  sur  la  frontière  de 
Flandre  et  sur  les  bords  du  Rhin.  Il  retrace  à  la  hâte,  simplement, 
familièrement  ses  fatigues,  ses  misères,  ses  embarras  d'argent  :  il  prie  ses 
parents  de  ne  pas  l'abandonner,  de  1'  a  entretenir  honorablement  dans 
le  service  »  (p.  7),  d'  «  habiller  son  valet  de  vert  avec  des  parements 
rouges  »  (p.  g),  etc  ;  «  les  dépenses  sont  excessives;  il  taut  être  en  état 
de  faire  la  guerre  ;  tout  le  monde  s'efforce  à  paraître  riche  »  (p.  33). 

M.  Abbadie  a  fait  précéder  ces  lettres  d'une  solide  introduction  sur 
la  famille  de  son  auteur  et  il  les  accompagne  de  notes  très  utiles  et  ins- 
tructives sur  les  personnes  et  les  localités  que  cite  Sarraméa. 

A.C. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  Gaidoz  adresse  dans  là  Mélusine  l'appel  suivant  aux  écrivains  et 
aux  Sociétés  savantes  des  pays  slaves  :  «  La  littérature  du  folk-lore  a  pris  un  grand 
développement  dans  les  pays  slaves,  et  la  barrière  de  la  langue  nous  etTipêche  d'en 
profiter,  surtout  parce  que  nous  ne  pouvons  nous  orienter  dans  ces  volumes  et  savoir» 
ce  qui  nous  y  peut  intéresser.  Ignoti  nulla  ciipido.  Cette  barrière  serait  moins  éle- 

I.  P.  08,  il  donne  à  tort  à  d'Andelot,  en  l'année  i35g,  le  titre  de  colonel  général 
de  l'infanterie  française.  Cette  dignité  lui  avait  été  enlevée  l'année  précédente  et  con- 
fiée à  Biaise  de  Monluc,  le  célèbre  auteur  des  Commentaires. 


d'histoire  et  de  littérature  379 

vée,  si  les  savants  et  les  sociéte's  savantes  des  pays  slaves  (et  aussi  de  la  Hongrie  et 
de  la  Finlande)  prenaient  la  peine  de  publier  des  tables  des  matières  simultanément 
en  deux  langues,  dans  la  langue  originale  de  l'ouvrage,  puis  dans  une  langue  de 
caractère  générai  comme  le  latin  ou  le  français,  ou  l'anglais,  ou  l'allemand.  Les  indi- 
ces, aussi,  pourraient  utilement  être  rédigés  dans  les  deux  langues.  De  cette  façon  le 
savant  de  l'Occident  pourrait  savoir  ce  qui  l'intéresse  dans  un  volume  et  à  quelle 
page  cela  se  trouve.  Avec  ces  renseignements  initiaux,  il  lui  serait  souvent  aisé  de 
trouver  un  traducteur  pour  le  passage  en  question.  Il  serait  également  utile  que  le 
titre  d'un  livre  slave,  magyar,  ou  finlandais  fût  publié  dans  deux  langues.  (C'est  ce 
que  fait  déjà  la  Société  Finno-Ougrienne  d'Helsingfors),  afin  que  les  bibliothécaires 
pussent  plus  aisément  le  classer  et  que  le  public  pût  le  demander  et  l'obtenir.  Un 
livre  mal  classé  est  souvent  dans  une  bibliothèque  comme  s'il  n'existait  pas.  Le 
nombre  toujours  plus  grand  des  langues  nationales  qui  deviennent  des  langues  scien- 
tifiques devient  un  véritable  obstacle  aux  progrès  de  la  science;  et  l'on  commencée 
regretter  le  temps  où  le  latin,  langue  universelle  de  la  chrétienté  littéraire,  faisait  de 
l'Europe  occidentale  et  centrale,  sinon  une  seule  famille,  au  moins  une  seule  maison 
de  clergie,  ou,  comme  nous  dirions  aujourd'hui,  un  seul  laboratoire.  » 

—  Dans  la  collection  de  Lectures  Historiques  qu'entreprend  de  publier  la  maison 
Hachette,  le  premier  volume,  destiné  aux  élèves  de  sixième,  a  été  rédigé  par  notre 
collaborateur  M.  Maspero  (Lectures  historiques,  Histoire  ancienne,  Egypte  et  Assy- 
rie, Hachette,  1890,  xiii-400  p.  in-S",  avec  188  gravures  dans  le  texte).  L'Avertisse- 
ment indique  nettement  le  but  que  s'est  proposé  l'auteur:  «Ce  n'est  pas  ici  l'histoire 
suivie  des  dynasties  et  des  nations  de  l'antique  Orient...  J'ai  voulu  donner  aux  enfants 
qui  liront  ce  livre  l'impression  de  ce  qu'était  la  vie  sous  ses  formes  diverses  chez  les 
deux  peuples  les  plus  civilisés  que  la  terre  ait  portés  avant  les  Grecs.  J'ai  choisi  pour 
chacun  d'eux  l'époque  où  nous  le  connaissions  le  mieux  et  par  le  plus  grand  nombre 
de  monuments,  pour  l'Egypte  celle  de  Ramsès  II,  celle  d'Assourbanipal  pour  l'Assy- 
rie. J'ai  fait  comme  ces  voyageurs  consciencieux  qui  n'aiment  pas  aborder  à  l'étour- 
die un  pays  nouveau,  mais  qui  s'informent  de  ses  mœurs  et  de  sa  langue  avant  le 
départ,  puis  je  m'en  suis  allé  —  ou  je  l'ai  cru  —  à  deux  ou  trois  mille  ans  du  temps 
où  nous  sommes  »  La  méthode  de  M.  Maspero  est  celle  de  Barthélémy  dans  leVoyage 
du  jeune  Anarchasis,  avec  le  cadre  romanesque  en  moins  et  une  rigoureuse  pré- 
cision en  plus.  Naturellement,  tout  appareil  d'érudition  est  exclu,  mais  c'est  bien  le 
cas  de  dire  qu'on  la  sent  partout  sans  qu'elle  se  montre.  Les  gravures,  exécutées  par 
M.  Faucher-Gudin,  sont  aussi  fidèles  qu'agréables  à  l'œil  ;  quelques-unes  reproduisent 
les  restitutions,  dues  à  MM.  Maspero  etHeuzey,  qui  ont  figuré  à  l'Exposition  de  1889. 

—  M.  Ch.-M.  DES  Granges  a  publié  à  la  librairie  Croville-Morand  (in-S»,  27  p.) 
une  étude  critique,  littéraire  et  morale  sur  le  Sermon  sur  Vambition,  de  Bossuet.  Il 
cherche  à  répondre  aux  questions  que  les  candidats  à  la  licence  peuvent  se  poser  en 
lisant  le  sermon.  Ces  candidats  y  trouveront,  pensons-nous,  des  réponses  satisfaisan- 
tes; ce  qui  ne  les  dispensera  pas  de  lire  le  texte  lui-même. 

—  M.  L  -G.  Pélissier  professeur  à  l'Université  de  Montpellier,  entreprend  une  col- 
lection d'«  Études  et  documents  pour  l'histoire  du  Midi  pendant  la  Révolution  » 
(Marseille,  impr.  Mars,  rue  Sainte,  Sg).  Le  premier  fascicule  intitulé  Documents  ré- 
volutionnaires, première  série,  comprend:  I.  Les  Jacobins  à  Bédarrides  (deux  scènes 
de  violences  qui  désolèrent  le  comtat  Venaissin  après  sa  réunion  à  la  France);  II.  Les 
Jacobins  à  Cader ousse  [monixe.  commtnS.  étaient  gérés  les  biens  nationaux  et  com- 
ment s'en  faisaient  les  adjudications);  III  et  IV.  La  situation  d'Arles  en  ijg3  et 
Rie:{  en  juin  ijgS  (font  voir  avec  quel  enthousiasme  le  Midi  accueillit  l'insurrection 


38o  RRVUK    CRITIQUE    DHISTOIRK    ET    DE    LITTERATURE 

antijacobine  de  Marseille);  V.  Moiitesquiou  et  la  commission  départementale  d'Avi- 
gnon (permet  de  saisir  sur  le  vif  les  difficultés  qu'éprouvait  le  général  de  la  part  d'au- 
torité issues  du  nouvel  ordre  de  choses;  Montesquieu  proteste  contre  les  crimes  d'A- 
vignon «  dont  l'horreur  a  été  sentie  d'un  bout  de  l'Europe  à  l'autre  »  et  réprouve  les 
assassins  qui  «  jouissent  de  l'impunité  et  insultent  par  leur  présence  et  par  leurs 
menaces  à  leurs  victimes  »);  VI.  Inventaire  de  la  Société  patriotique  de  Marseille 
(«  On  y  fit  des  découvertes  bizarres  et  inattendues.  Qui  sait  pourquoi  cette  capote  de 
femme,  ce  parasol  et  ce  vieux  parapluie  se  trouvaient  dans  le  local  du  club  dissous? 
La  séance  d'inventaire  paraît  du  reste  avoir  été  fort  gaie;  on  y  cassa  des  meubles  et 
on  fit  ensuite  venir  de  la  musique  pour  visiter  les  sections  «  avec  plus  de  majesté, 
d'harmonie  et  de  gaieté  »);  VII.  Un  curé  des  Martigues  (lettre  digne  et  touchante  de 
l'honnête  curé  Arnaud  au  maire,  qui  provoque  la  suppression  de  sa  paroisse;  il  lui 
donne  encore  des  «  avis  charitables  »)  ;  VIII.  L'affaire  de  Semonville  (contre-coups  à 
Marseille  de  l'arrestation  de  Semonville  et  inventaire  de  ses  papiers).  M,  Pélissier  a 
donné  tous  ces  textes  in-extenso,  et  il  a  bien  fait.  Ces  documents  seront  très  utiles  au 
futur  historien  de  la  Révolution  en  Provence  et  dans  le  Comtat,  et  nous  souhaitons 
que  le  jeune  et  infatigable  érudit  continue  en  de  nombreux  fascicules  son  excellente 
publication. 

ALLEMAGNE.—  Nous  avons  reçu  le  brillant  discours  que  M.  Erich  Schmidt  a  pro- 
noncé le  14  octobre  1890  à  l'inauguration  du  monument  de  Lessing  au  Thiergarten 
de  Berlin  (Festrede  i^ur  EnthiiUung  des  Berliner  Lessing- Denkmals .  Gr.  in-8", 
4  p.  Berlin,  imprimerie  Lessing  [L.  MûUer]). 

—  A  partir  de  189 1,  MM.  Schroeder,  de  Marbourg,  et  Roethe,  de  Gœttingue, 
prennent  la  direction  de  la  Zeitschriftfûr  deutsches  Altertiim  u.  deutsche  Litteratur. 
M.  E.  Steinmeyer  qui  se  retire  de  la  rédaction,  fera  paraître,  en  même  temps  que  le 
I*''"  fascicule  de  1891  (XXXV"  volume)  un  index  général  des  trente-quatre  volumes 
parus  jusqu'ici  &  afin  de  terminer  le  demi-siècle  que  la  revue  vient  d'achever.  ?; 

—  L'«  AUgemeiner  deutscher  Sprachverein  décernera  un  premier  prix  de  1,000  mark 
et  un  second  prix  de  5oo  mark  aux  deux  meilleurs  travaux  sur  le  sujet  suivant  : 
Gui  deutsch!  Eine  Anleitung  :^ur  Vermeidung  der  hœufigsten  auch  bei  Gebildeten 
vorkommenden  Verstœsse  gegen  den  gutcn  Sprachgebrauch  und  ein  Rathgeber  in 
Fœllen  schwankender  Ausdrucksweise. 

—  Sont  nommés  professeurs  :  à  Breslau,  M.  Koser;  à  Giessen,  M.  Hœhlbaum;  à 
léna,  M.  de  Liebenam;  à  Kiel,  M.  Schûrer. 

—  Le  professeur  Conrad  Hoffmann  est  mort  le  2  octobre  à  Munich  à  l'âge  de  71  ans. 
ANGLETERRE.  —  M.  H.-D.  Darbishire,  auteur  d'une  Etude  sur  l'esprit  rude 

en  grec,  dont  la  Revue  a  rendu  compte  (XXVIII,  p.  383),  vient  de  publier  dans  les 
Cambridge  Philological  Transactions  d'intéressants  addenda,  où  il  défend  et  com- 
plète sa  théorie.  Dans  le  même  recueil,  et  sous  le  titre  de  Contributions  to  Grcek 
Lexicography,  il  établit,  d'après  divers  passages  d'auteurs  grecs  et  latins,  l'histoire 
et  la  filiation  des  sens  et  des  adjectifs  grecs  £7rtôs|(8s  et  ivoé'iioi.  Une  seule  observation 
sans  conséquence  d'ailleurs  :  le  vers  Odyss.  K.  190,  n'est  pas  nécessairement  «  of  late 
origin  »;  car  rien  n'est  plus  aisé  que  d'y  rétablir  le  digamma  de  to//.îv,  en  supprimant 
le  t' que  n'exige  nullement  la  syntaxe  homérique. 

—  L  Eugltsh  Dialect  Society  va  publier  un  Glossary  of  words  in  use  in  the  county 
ofGloucester,  par  M.  S.  D.  Robertson  et  un  travail  de  M.  Al.  Ellis,  English  dia- 
lects,  their  homes  and  sounds. 

Le  Propriétaire-Gérant:  ERNEST  LEROUX. 


Le  Pîty,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  n. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N»  48  —  1  décembre  —  1890 


Sommaire  t  520.  Josèphe,  iv,  p.  p.  Niese.  —  52i.  Liebenam,  Les  corporations 
romaines.  —  522.  Berger,  Stylistique  latine.  —  523.  Luzio,  Isabelle  d'Esté.  — 
524.  Law,  Les  catholiques  sous  Elisabeth.  —  525.  De  Meaux.  La  Réforme  et  la 
politique  française  en  Europe.  —  526.  Nerruch,  Jean  Paul.  —  527.  Braitmaier, 
Histoire  de  la  critique  allemande.  —  528.  Lambert,  Les  féde'rations  en  Franche- 
Comté.  —  529.  La  Rochejaquelein.  —  53o.  Souvenirs  de  M"-"  de  La  Bouëre.  — 
53 1.  B.  Zeller,  L'histoire  de  France  racontée  par  les  contemporains.  —  532. 
Groot.  Histoire  de  la  Nouvelle  Grenade,  II.  —  533.  Du  Puitspelu,  Dictionnaire 
du  patois  lyonnais.  —  534.  Valera,  Lettres  américaines.  —  Académie  des  Ins- 
criptions. 


520.  —  Flavil  Joseph!  opéra.  Edidit  et  apparatu  critico  instruxit  Benedictus 
Niese.  (Tome  IV  :  Antiquiiates  judaicae,  livres  xvi-xx  ;  Vita  Josephi).  Berlin, 
Weidmann,  1890.  In-8,  389  p. 

Nous  nous  contentons  pour  aujourd'hui  de  signaler  ce  nouveau  vo- 
lume de  l'importante  publication  de  M.  Niese,  dont  il  avait  déjà  paru 
trois  tomes  (I,  II  et  V).  Le  tome  III  qui  est  sous  presse,  complétera 
les  Antiquités  et  nous  fera  connaître  les  principes  critiques  d'après  les- 
quels l'éditeur  s'est  guidé  dans  la  seconde  moitié  de  cet  ouvrage.  Dès  à 
présent  nous  pouvons  louer,  comme  nous  l'avons  fait  précédemment,  et 
même  sans  les  réserves  que  nous  avions  cru  devoir  formuler  sur  certains 
points  d'orthographe,  la  richesse  de  l'appareil  critique,  le  soin  scrupu- 
leux apporté  à  l'impression  et  la  discrétion  avec  laquelle  M.  Niese  con- 
tinue à  user  des  droits  de  conjecture  et  d'athélèse  ^. 

T.  R. 


521.  —  W.  Liebenam.  Zun  Gesctatcbte  und  Organisation  des  Rcemiselien 
Verelns-wesens.  Leipzig,  1890,  in-8,  334  pages,  chez  Teubner. 

M.  Liebenam,  à  qui  nous  devons  déjà  différents  travaux  consciencieux 
et  utiles  sur  les  antiquités  romaines,  et  qui  nous  prépare  les  fastes  de 
toutes  les  provinces  de  l'Empire,  vient  de  nous  donner,  pour  nous  faire 
attendre,  trois  dissertations  relatives  aux  corporations.  La  première  est 
consacrée  à  l'histoire  du  régime  d'association  à  Rome.  L'auteur  nous  le 
montre  établi  déjà  sous  les  rois,  puis  frappé  en  parti  d'interdiction  par 
le  sénatusconsulte  de  69,  puis  renaissant  sous  l'Empire.  Il  examine  la 
politique   des  différents  empereurs  à  l'égard  des  collèges,  en  insistant 

I.  11  va  sans  dire  que  le  fameux  passage  sur  Jésus  (XVIII,  3,  3)  est  placé  entre  cro- 
chets. 

Nouvelle  série,  XXX.  4^ 


382  REVUE    CRITIQUE 

sur  le  rôle  de  Marc-Aurèle,  de  Septime-Sévère  et  de  Sévère  Alexandre,'"^ 
qui  firent  beaucoup  pour  la  liberté  d'association  ;  et  il  nous  conduit  ainsi 
jusqu'au  Bas-Empire  où  les  collèges  sont  devenus  des  institutions  que 
rÉtat  a  confisquées  à  son  profit.  Cet  aperçu  historique  qui,  à  vrai  dire, 
a  déjà  été  tenté  plus  d'une  fois,  est  un  bon  résumé  de  nos  connaissances 
sur  la  question.  Dans  la  seconde  partie,  M.  L.  laissant  en  dehors  de 
son  travail,  à  dessein,  les  collèges  purement  funéraires, étudie,  par  l'exa- 
men minutieux  des  inscriptions,  le  développement  des  collèges  d'artisans 
dans  le  monde  romain.  11  examine  successivement  tous  les  corps  de  mé- 
tiers par  catégories  en  indiquant  les  textes  épigraphiques  qui  y  font  allu- 
sion et  les  villes  où  la  mention  s'est  rencontrée.  Les  mêmes  documents 
classés  non  plus  par  corps  de  métiers,  mais  géographiquement,  permet- 
tent à  l'auteur  de  nous  présenter  ensuite,  comme  complément,  un  tableau 
de  la  densité  des  associations  par  provinces.  On  peut  faire  à  ce  sujet  plus 
d'une  remarque  curieuse;  par  exemple,  il  suffit  d'un  coup  d'œil  pour 
voir  que  les  corporations  sont  aussi  nombreuses  en  Gaule  —  et  pour- 
tant M.  L.  n'a  guère  consulté  que  le  Corpus  (t.  XlljdeBoissieu,  Orelli, 
et  Wilmanns;  il  n'a  dépouillé  ni  un  seul  de  nos  catalogues  du  musée,  ni 
le  Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires,  ni  aucune  de  nos  publications 
locales  —  qu'elles  sont  rares  en  Afrique  ' .  La  troisième  partie  traite  de  l'or- 
ganisation des  corporations:  fondation,  statuts,  règlements  d'administra- 
tion, police  du  collège;  membres,  patrons,  magistrats;  rapport  des  asso- 
ciations avec  l'Etat  ou  les  villes,  divinités  protectrices  :  bref  toutes  les 
questions  de  détail  qui  peuvent  se  poser  à  propos  des  corporations  sont 
passées  successivement  en  revue.  Un  appendice  a  trait  aux  collèges 
militaires.  C'est,  on  le  voit,  un  des  travaux  les  plus  complets  qui  exis- 
tent sur  les  associations  romaines.  On  pourra  discuter  les  différentes 
conclusions  de  l'auteur. —  et  pour  ma  part,  je  fais  des  réserves  sur 
plus  d'un  point  et  notamment  sur  ce  qu'il  a  écrit  à  propos  des 
collèges  militaires  —  mais  on  devra  reconnaître  que  si  M.  Liebenam 
est  au  courant  des  théories  admises  par  ses  devanciers,  il  connaît 
surtout  les  documents  relatifs  à  la  question,  et  qu'il  les  discute 
toujours  librement,  souvent  heureusement.  On  trouvera  du  profit  à 
consulter  ce  travail, 

R.  Gagnât. 


522. —  Stylistique  latine,  par  E.  Berger,  traduite  de  rallemand  par  F.  Gâche, 
et  S.  Piquet,  et  remaniée  par  Max  Bonnet  et  F.  Gâche.  Nouvelle  édition.  Paris, j| 
Klincksieck,  1890,  xxiii-385  pp.  in-12. 


La  stylistique,  dont  M.  Antoine  a  jadis  entretenu  nos  lecteurs  %  repa- 
raît en  seconde  édition  «  corrigée  et  considérablement  augmentée  ».  Ces 
mots  du  titre  ne  sont  pas  une  formule  banale.  Nous  n'avons  qu'un 


I,  M,  Schmidt  vient  d'expliquer  très  heureusement  cette  bizarrerie  par  le  fait  que 
les  Curies  municipales,  en  Afrique,  formaient  de  véritables  corporations. 
2.Rev.  cr.   i885,  I,  367. 


\ 


d'histoire  et  de  littérature  333 

regret  c'est  qu'ils  ne  puissent  être  encore  mieux  justifiés.  C'était  déià  le 
reproche  qu  adressait  M.  Antoine  à  cet  excellent  petit  livre.   Nous  le 
renouvelons.  On  comprend,  à  la  rigueur,  que  la  forme  de  l'ouvrage  alle- 
mand ait  ete  conservée  dans  ia  première  édition.  La  tentative  n'avait  en 
France  guère  de  précédents  et  l'on  pouvait  attendre  les  indications  de 
1  expérience.  M.  Bonnet  a  pu  les  recueillir  depuis  cinq  ans;  il  aurait  dû 
en  profiter,  et  transformer  la  stylistique  de  Berger  de  manière  à  en  faire 
une  œuvre  originale.  La  collection  même  de  Klincksieck  lui  fournissait 
un  modèle  dans  la  Syntaxe  grecque  de  MM.  Riemann  et  Cucuel  (pri- 
mitivement Seyffert  et  von  Bamberg).  Il  s'agissait,  non  d'augmenter  la 
part  de  cette  métaphysique  grammaticale  à  laquelle  on  sacrifie  parfois 
un  peu  trop  en  Allemagne,  mais  de  fortifier  le  contingent  des  faits  et 
des  remarques  pratiques.  Il  en  est  toujours  temps,  puisqu'une  troisième 
édition  sera  sans  nul  doute  bientôt  nécessaire. 

L'exécution  typographique  est  grandement  améliorée  et  une  table 
des  passages  cités  rend  le  livre  utile  à  plus  d'une  fin. 

P.  L. 

"i'.^T    t'"''"'''"^    ^""°'    ^"'^^^^^    ^^^^^^-    ^^^^^    Rela.ionî    di    I«abella 
Jan^^T^"^"  "T  '^"*'"^'''^"  «    Béatrice    Sfo.-.a.   Milano,    tip.    Bor- 
o  ou.   d,  G.useppe    Prato,    ,890.  In-8  de  160  p.   (Extr.  de  YArchivio  stor.  lom- 
bar  do,  an.  xvii). 

Pour  peu  qu'on  ait  étudié  la  fin  du  xv^  siècle  ou  le  commencement 
duxvieen  Italie,  on  se  rappelle  la  séduisante  figure  d'Isabelle  d'Esté, 
femme  de  François  de  Gonzague.  Pour  qui  l'a  une  fois  rencontrée,  la 
marquise  de  Mantoue  reste  le  type  le  plus  brillant,  et  en  même  temps  le 
Plus  exquis,  de  la  femme  cultivée  de  la  Renaissance.  Nombreux  déjà 
>ont  les  écrivains  qui  ont  parlé  d'elle  et  ont  exprimé  le  regret  qu'il  n'y 
lut  aucun  travail  sérieux  sur  cet  attrayant  sujet.  Ce  travail  a  été  promis 
iepuis  longtemps  par  MM.  Luzio  et  Renier,  qui  l'ont  préparé  d'après 
es  correspondances  si  complètes  des  archives  de  Mantoue  1  ;  je  suis  heu- 
eux  d'annoncer  qu'il  entre  dans  la  période  de  publication  et  d'en  faire 
onnaitre  la  première  partie. 

Ce  n'est,  à  vrai  dire,  qu'une  monographie  bien  spéciale,  sur  les  rap- 
orts  d  Isabelle  d'Esté  avec  Milan  jusqu'en  i5oo,  mais  déjà  son  rôle  s'y 
essine  avec  plus  de  précision  qu'on  ne  l'avait  vu  jusqu'ici.  D'ailleurs 
vant  de  nous  donner  le  livre  définitif  qu'on  est  en  droit  d'attendre  dé 
ur  talent,  les  deux  auteurs  ont  décidé  d'utiliser  les  correspondances  ex- 
emement  nombreuses  recueillies  par  eux,  au  moyen  de  travaux  de 
-tau  qui  allégeront  d'autant  le  travail  d'ensemble.  Si  on  en  juge  par 
'ile  qui  vient  de  paraître,  leurs  monographies  offriront  une  forme  très 

l'es  dor,!,f'f' '"?-"' r''  °"  ^^>'-^"^^"^  tiré  parti,  en  diverses  pu'olications,  de  quel 
«s  documents  .soies.  One  esquisse  du  travail  complet  a  même  été  donnée  en  ainglais 

I  «l(RTmVr88S  )  '  '"'''""^  ''''''^'  "'^^'^  '''"^''^''  '--'-^^onefs  of 


n 


3gj^  REVUE    CRITIQUE 

agréable,  qui  consiste  à  insérer  intégralement  dans  le  récit  les  docu- 
ments les  plus  intéressants.  On  vit  mieux  de  la  vie  des  personnages, 
lorsqu'on  les  voit  agir  et  qu'on  les  entend  parler  eux-mêmes.  Les  archi- 
ves de  Mantoue  ont  conservé  une  si  grande  quantité  de  ces  documents 
intimes  et  savoureux,  dont  la  curiosité  moderne  est  friande,  quUl  n^y 
avait,  semblc-t-il,  pour  la  satisfaire,  qu'à  y  puiser  à  pleines  mains.  Les 
auteurs  ont  bien  fait  de  ne  pas  réléguer  leurs  trésors  dans  des  appen- 
dices où  on  ne  va  guère  les  chercher.  Ce  mélange  de  pièces  contempo- 
raines, toutes  heuïeusement  choisies,  et  d'un  texte  remarquablement 
clair  et  bien  écrit,  donne  un  grand  charme  à  la  lecture. 

Il  est  piquant  de  voir  rapprocher  en  une  même  étude  les  deux  person- 
nages principaux  du  récit,  Isabelle  d'Esté  et  Ludovic  le  More.  Isabelle 
et  Ludovic  sont  les  meilleurs  représentants  de  cette  période  de  la  Renais- 
sance ;  ils  en  montrent  chacun,  il  est  vrai,  un  côté  différent;  Tabsence 
de  moralité  de  Tun  et  Télévation  de  cœur  de  l'autre  caractérisent  égale- 
ment le  temps  où  ils  vivent;  mais  nul  parmi  les  princes  contemporains, 
ne  possède  à  un  plus  haut  degré  l'amour  du  beau  et  la  culture  artistique 
et  littéraire.  Ils  furent  liés  par  une  étroite  alliance  de  famille  et  peu  s'er|;| 
fallût  qu'ils  ne  le  fussent  davantage  encore  :  avant  de  demander  la  main, 
de  la  sœur  cadette  d'Isabelle,  Béatrice  d' Este,  Ludovic  Sforza  avait  songf 
à  épouser  Isabelle  elle-même.  Bien  que  le  rôle  de  Béatrice  ait  été  assez 
important  dans  la  vie  du  More,  il  est  permis  de  penser  qu'une  femme 
douée  comme  Isabelle  eût  exercé  sur  lui  une  influence  tout  autre  elf 
qu'elle  eût  dirigé  ses  puissantes  facultés  dans  une  voie  moins  tortueuse  e)| 
moins  funeste  à  l'Italie.  Il  y  eut,  du  moins,  entre  eux,  malgré  leur  diver* 
site  de  nature,  un  courant  de  sympathie  personnelle,  qui  ne  s'arrêtsp 
jamais,  et  dont  l'étude  de  MM.  L.  et  R.  fournit  une  preuve  continue. 

Le  travail  embrasse  dix  années  de  l'histoire  d'Italie.  Les  relations  sui- 
vies entre  les  cours  de  Milan  et  de  Mantoue  s'établissent  en  1491,  ail 
moment  du  mariage  de  Béatrice  d'Esté  et  de  Ludovic  Sforza,  pour  quel 
ques  temps  encore'duc  de  Bari.  Le  récit  du  voyage  d'Isabelle  sur  le  Pô| 
jusqu'à  Plaisance,  précède  celui  des  fêtes  magnifiques  données  à  Milaij 
pour  les  noces  de  sa  sœur  (pp.  i3-26j,  et  bientôt  suivies,  à  Ferrarecetti 
fois,  des  fêles  du  mariage  d'Alphonse  d'Esté  avec  Anna  Sforza  J26-28  ' 
L'année  1492  est  marquée  par  le  voyage  d'Isabelle  à  Milan  et  à  Gênes 
raconté  par  elle  à  son  mari  en  lettres  charmantes  (5  3-65);  l'année  1493 
par  sa  visite  de  Venise,  où  une  brillante  réception  lui  est  faite  par  1 
Seigneurie  (74-85)  K  Elle  n'assiste  pas  aux  cérémonies  qui  ont  lieu 
Milan  à  l'occasion  du  départ  de  Bianca-Maria  Sforza,  fiancée  à  Max; 
milieu,  mais  sa  sœur  les  lui  raconte  en  une  longue  lettre,  pleine  c 
détails,  qui  est  une  des  plus  curieuses  de  son  carteggio  [Sg-g3].  Bientô 
la  scène  change  :  les  Français,  appelés  par  Sforza,  descend ent^nhaU' 

I.  Sur  les  goûts  voyageurs  des  princesses  du  temps  et  d'Isabelle  d'Esté  en  partii 
lier,  on  peut  voir  le  tout  récent  article  de  MM.  Luzio  et  Renier  :  Gara  Ji  viaggi  ff 
duecelebri  dame  del  Rinascimento  {dAns  VInterme:(ïO,  an.  I,  1890). 

.»:  I 


d'histoire  et  de  littérature  385 

et  Isabelle,  invite'e  par  lui  et  curieuse  de  tous  les  spectacles,  va  voir  défi- 
ler à  Parme  les  premières  compagnies  étrangères  ^  Les  détails  anecdoti- 
ques  sur  l'expédition  de  Charles  VIII  ne  manquent  pas,  dans  les  pages 
suivantes,  à  cause  du  rôle  important  joué  par  le  mari  d'Isabelle,  comme 
capitaine-général  des  confédérés  ~.  Isabelle  était,  du  reste,  en  rapports 
de  plus  en  plus  étroits  avec  Milan,  centre  des  intrigues  italiennes,  et  y 
faisait  même,  en  1495,  un  nouveau  séjour  pour  les  couches  de  sa  sœur 
(io3).  La  mort  de  Béatrice,  qui  fut  un  deuil  commun  pour  Ludovic  et 
Isabelle,  très  profondément  ressenti  par  tous  les  deux  (i25-i3i),  n'inter- 
rompait point  leurs  relations  3.  C'était  à  elle  qu'il  s'adressait  dans  une 
belle  lettre  politique,  une  des  plus  explicites  qu'il  ait  jamais  écrites, 
lorsqu'il  apprenait  que  le  marquis  de  Mantoue  avait  ouvert  des  pourpar- 
lers secrets  avec  la  France  (134-1 36).  Pour  sceller  ensuite  la  confiance 
revenue  entre  Gonzague  et  Sforza,  celui-ci  venait  à  Mantoue  et  y  était 
dignement  reçu  par  les  soins  de  la  marquise,  pendant  l'été  de  1498 
(141-144)  '^.  La  dernière  pièce  importante  du  recueil  est  une  lettre,  écrite 
le  b  février  i5oo,  dans  laquelle  le  More  racontait  à  Isabelle  son  retour 
de  France  et  cette  rentrée  triomphale  dans  son  duché  qui  allait  être,  à 
si  bref  délai,  suivie  de  sa  chute  (i55-i58). 

Au  milieu  de  ces  événements  court  une  suite  d'anecdotes,  de  traits  de 
mœurs,  d'indications  variées,  utiles  à  recueillir  par  quiconque  s'occupe 
de  la  Renaissance.  Une  polémique  épistolaire  entre  la  marquise  de  Man- 

1.  Sans  défendre  le  caractère  ni  surtout  les  mœurs  de  Charles  VIII,  on  peut  trou- 
ver que  les  auteurs  s'en  tiennent  un  peu  trop  exclusivement,  pour  juger  l'armée  qui 
l'accompagnait,  au  témoignage  de  «  l'impartial  »  Sanudo  (p.  10 1).  M,  F. -H.  Dela- 
borde  a  prouvé,  dans  Y  Expédition  de  Charles  VIII,  combien  les  renseignements 
vénitiens  sont  suspects  en  la  matière  et  souvent  entachés  d'exagération  et  de  parti  pris. 
L'armée  royale  était,  en  somme,  une  armée  du  xv«  siècle,  rien  de  plus;  ses  pires 
troupes  ne  semblent  pas  avoir  été  aussi  féroces  et  aussi  indisciplinées  que  les  Stra- 
diotti.  —  J'indiquerai  d'autre  part,  par  esprit  d'impartialité,  que  MM.  L.  et  R.,  dans 
un  autre  travail,  réfutent  l'opinion  de  M.  Delaborde  sur  l'appréciation  faite  en  Italie 
de  la  bataille  de  Fornoue;  ils  ne  voient  pas  un  exemple  de  la  façon  dont  la  vérité 
était  alors  travestie  dans  un  but  politique,  dans  le  fait  que  la  bataille,  évident  avantage 
des  Français,  fut  célébrée  par  les  confédérés  comme  une  victoire.  V.  un  important 
extrait  de  VArch.  stor.  ital.  1890,  F.  Gon:^aga  alla  battaglia  di  Fornovo  seconda 
i  documenti  Mantovani  (Florence,  44  pp.  in-S»).  MM.  L.  et  R.  y  montrent,  notam- 
ment p.  22,  en  établissant  la  bonne  foi  de  François  de  Gonzague,  qu'on  peut  appli- 
quer parfois  dans  la  grande  histoire  la  psychologie  de  Tartarin  de  Tarascon. 

2.  Les  dépouilles  de  la  tente  de  Charles  VIII  furent  envoyées  par  François  de  Gon- 
zague à  sa  femme,  après  la  bataille  de  Fornoue  (i  17-1  ig).  Entre  les  mains  d'Isa- 
belle demeura  quelque  temps  le  fameux  recueil  de  portraits  de  femmes  qui  fut 
trouvé  parmi  les  bagages  du  roi  et  que  Ben.  Capilupi  nomme  «li  retracti  de  quelle 
damiselje  del  Re  ».  L'identification  est  probable  pour  moi  avec  «  un  libretto  ed  alcune 
carte  de  diverse  picture  »  que  Gonzague  renvoyait  au  roi,  le  mois  suivant  {F.  Gon- 
laga  alla  batt.di  Fornovo,  p.  33). 

3.  On  peut  lire  une  jolie  page  sur  Béatrice  d'Esté,  récemment  parue  dans  la 
Revue  internationale  (i5  oct.  i8go)  et  signée  Mary  Robinson. 

4.  hdi  Revue  historique  annonce  un  article  prochain  de  M.  Léon-G.  Pélissier  qui 
semble  ne  pouvoir  laisser  de  côté  la  marquise  de  Mantoue  :  Les  amies  de  Ludovic 
Sfor^a  et  leur  rôle  en  I4g8-gg. 


386  REVUE    CRITIQUE 

toue  et  Galéaz  Visconti,  au  sujet  des  mérites  respectifs  de  Roland  et  de 
Renaud  de  Montauban>  occupe  les  pp.  3o-38.  On  trouvera  des  détails 
sur  les  voyages  par  eau,  au  moyen  de  bucintori  souvent  peu  confortables 
(14-15),  sur  les  usages  de  chasse  (48,  57,  59],  les  bouffons  de  cour  (65), 
les  représentations  dramatiques  (84,  108,  i5o),  le  luxe  des  vêtements  et 
des  étoffes  ,61,78,  79,  86),  etc.  Plusieurs  renseignements  viennent  s'a- 
jouter à  ce  qu'on  savait  déjà  sur  Lorenzo  Gusnaco,  dit  Lorenzo  de  Pavie, 
ce  luthier  établi  à  Venise  qui  fournissait  Isabelle  non  seulement  d'ins- 
truments de  musique,  mais  de  livres  et  d'objets  d'arts  (12 1-124).  A  noter 
aussi  les  pages  sur  Cristoforo  Romano,  Pauteur  du  buste  célèbre  de  Béa- 
trice d'Esté  qui  est  au  Louvre  (48-50,  72  n.,  137),  et  la  demande  faite 
par  la  marquise  à  Mantegna  d'une  tête  antique  qu'il  avait  rapportée  de 
Rome  et  que  souhaitait  posséder  Isabelle  d'Aragon  (147).  Je  multiplie 
d'autant  plus  volontiers  ces  indications  de  pages,  prises  au  courant  de  la 
lecture,  que  le  travail  manque  absolument  de  tables  ou  sommaires  pro- 
pres à  orienter  le  lecteur  dans  cet  amas  de  renseignements  précieux  '^ . 

Est-il  besoin  de  dire  que  l'histoire  politique  doit  tenir  compte  aussi 
de  la  publication  de  MM.  Luzio  et  Renier?  Sans  y  trouver  aucun  fait 
nouveau  vraiment  important,  on  y  prendra  une  connaissance  plus  com- 
plète du  caractère  de  Ludovic  le  More,  vu  dans  le  milieu  intime  de  la 
cour  de  Milan.  Plusieurs  lettres  de  lui,  par  exemple  celle  qu'il  écrit  sur 
la  mort  de  sa  femme  (126),  sont  tout  à  fait  instructives  à  cet  égard  et 
fournissent  plus  d'un  trait  à  ajouter  au  portrait  de  Burckhardt.  En 
somme,  les  historiens  de  la  marquise  de  Mantoue  ouvrent  dignement  la 
série  de  monographies  qu'ils  se  proposent  de  lui  consacrer.  L'accueil 
qu'ils  reçoivent  de  tous  ceux  qui  s'intéressent,  en  travailleurs  ou  en  sim- 
ples curieux,  à  l'époque  qu'ils  étudient,  les  encouragera  à  hâter  l'achè- 
vement de  leur  oeuvre. 

P.   DE  NOLHAG. 


524.  —  A.  bistorical  Sketch  of  tlie  Conflicts  bet'iveeii  Jesuits  and 
Seculars  in  tlie  Retgn  of  queen  Elizabeth,  witlî  a  leprint  of  Ghristo- 
pher  Bagshaw's  «  True  relation  of  the  faction  begun  at  Wisbich  »  aiiJ  illustrative 
Documents,  by  Thomas  Graves  Law.  Londres,  David  Nutt,  1889,  in-8,  clhi- 
172  pages. 

L'objet  de  ce  livre  est  de  faire  connaître  comment,  sous  le  règne  d'Eli- 
sabeth, le  clergé  catholique  anglais  fut  divisé  en  deux  partis.  La  ques- 
tion controversée  et  que  chaque  parti  prétendait  résoudre  d'une  façon 
différente  était  de  savoir  si  Elisabeth  devait  être  reconnue  reine  légi- 
time d'Angleterre.  Elisabeth,  fille  d'Anne  Boleyn  et  née  du  vivant  de 
Catherine  d'Aragon,  femme  d'Henri  VIII,  était  bâtarde,  et  n'avait  pu  ^ 
hériter  régulièrement  d'Henri  VIII,  au  préjudice  de  Marie  Stuart,  petite-^| 
nièce  de  ce  prince.  Telle  était  la  croyance  catholique.  On  pouvait  donc 

1 .  P.  99,  lire  en  rimes  carcans  et  brocans.  il 


II 


d'histoire  et  de  littérature  387 

qualifier  d'usurpation  ravènement  d'Elisabeth  au  trône.  Mais  à  cette 
thèse  politico-théologique,  il  y  avait  une  réponse.  La  volonté  de  l'im- 
mense majorité  de  la  nation  anglaise  rendait  légitime  la  royauté  d'Eli- 
sabeth. Trrégulièreau  point  de  vue  du  droit  héréditaire,  comme  l'avait 
déclaré  une  bulle  du  pape  Pie  V,  cette  royauté  était  devenue  régulière 
par  l'élection.  La  royauté  élective  est  la  meilleure,  ojptima,  suivant 
renseignement  de  saint   Thomas  d'Aquin  : 

■~-  l'.m  in  regno,  in  qiio  iimis  virtute  conspicmis ,  caeteris  omnibus^ 
etiam  inferioribus  principibus  pî-aeest,  et  in  qiio  ad  principatum  omnes 
virtute  conspicui,  etiam  popiilares,  eligi  possunt  et  eligendi  jus  habent, 
sit  optima  principiim  ordinatio^  cumque  hiijiismodi  fuerit  veteris  legis 
de  principibus  institutum,  certiim  est  eam  de  principibus  convenienter 
ordinasse  ^. 

En  conséquence,  tandis  qu'une  partie  des  ecclésiastiques  catholiques 
anglais  croyait  qu'on  ne  pouvait  sans  péché  reconnaître  Elisabeth 
comme  reine,  l'autre  partie  considérait  cette  reconnaissance  comme 
obligatoire  tant  qu'une  élection  nouvelle  n'aurait  pas  remplacé  Elisa- 
beth par  un  autre  souverain.  De  là,  une  lutte  ardente.  Cette  lutte  de- 
vint d'autant  plus  vive  que  parmi  les  ecclésiastiques  catholiques  empri- 
sonnés à  Wisbeach  et  obligés  ainsi  à  une  vie  commune,  les  uns  tenaient 
pour  la  première  opinion,  qui  semblait  justifiée  par  la  bulle  de  Pie  V, 
les  autres  avaient  adopté  la  seconde  opinion  tolérée  par  la  papauté 
sous  la  réserve  rébus  sic  stantibus^  ;  les  uns  étaient  de  jeunes  piètres 
dont  l'éducation  avait  été  faite  sur  le  continent,  les  autres  des  prêtres 
plus  âgés  élevés  en  Angleterre;  la  rivalité  naturelle  du  clergé  séculier 
et  des  Jésuites  rendait  plus  ardente  l'animosité  qui  résultait  de  la  con- 
tradiction théorique. 

L'auteur  a  donné  un  très  clair  exposé  des  faits  et  a  placé  à  la  suite  un 
recueil  de  pièces  justificatives  fort  intéressantes.  On  voit,  par  exeinple 
dans  ce  volume  comment  un  des  chefs  du  parti  catholique  modéré  a  pu, 
avec  Tautorisation  du  gouvernement  anglais,  sortir  de  prison  pour 
aller  défendre  sa  cause  à  Rome. 

Les  fautes  du  parti  catholique  exalté  ont  tenu  une  grande  place  parmi 
les  causes  de  la  persécution  anglaise  ;  mais  sur  le  continent,  dans  le  monde 
catholique,  cette  persécution  était  mieux  connue  que  les  maladresses 
politiques  des  victimes. 

Pour  comprendre  l'état  d'esprit  des  catholiques  sur  le  continent,  on 
peut  consulter  un  recueil  de  gravures  imprimé  à  Rome  en  vertu  d'un 
privilège  papal  daté  du  27  juin  1584.  Il  est  intitulé  :  Ecclesiae  Angli- 

f.Summa  theologica,  Prima  secundae,  Quaestio  CV,  Articulus  I  Conclusio.  On 
pouvait  justifier,  en  s'appuyant  sur  saint  Thomas  d'Aquin,  une  modification  de  la 
loi  d'hérédité  :  Lex  temporalis,  quamvis  jiista  sit,  commutavi  tamen  per  tempoia 
juste  potesi,  saint  Augustin,  De  hbevo  arbiirio,  1.  I,  c.  6,  cité  dans  la  Somme  théo- 
logique, Frima  secundae,  qu.  XCVII,  art.  I. 

2.  Voyez  p.  XII  du  volume  dont  nous  rendons  compte.  La  décision  paraît  datée 
de  i58o,  la  bulle  de  Pie  V  est  de  iSyo. 


388  REVUE    CRITIQUE 

CANAE  TROPHAEA  sive  Sanctorum  Martyrum,  qui  pro  Ch-r\%to  Catholicae 
qiiejîdei  Veritate  asserenda  antiqiio  récent ioriqiie  Persecutioniim  tem- 
pore  mortem  in  Anglia  subieriint,  Passiones,  Romae  in  Collegio 
Anglico  per  Nicolaiim  Circinianinn  depictae,  niiper  autem  per  Jo. 
Bap.  de  Cavalleriis  œneis  typis  reprœsentatae  Ciim  Privilégia  Grego- 
rii  XII,  P.  M.  Ce  volume  contient  trente-six  gravures,  les  six  numé- 
rotées 3o-35  sont  consacrées  à  la  persécution  sous  Elisabeth;  les  légen- 
des donnent  les  noms  de  vingt-trois  martyrs  dont  les  dessins  représen- 
tent le  supplice;  parmi  eux  trois  élèves  du  collège  anglais  de  Rome, 
quatre  du  collège  anglais  de  Reims.  La  dernière  gravure  nous  montre 
le  pape  à  genoux  au  pied  d'un  autel  ;  les  blonds  élèves  du  collège  anglais 
de  Rome  font  demi-cercle  autour  de  lui.  L'exemplaire  que  j'ai  sous  les 
yeux  est  couvert  de  débris  d'une  reliure  fleurdelysée  aux  armes  de 
Lorraine  ;  la  planche  des  armoiries  porte  la  date  de  i582.  Marie  Stuart, 
dont  la  mère,  comme  on  sait,  appartenait  à  la  maison  de  Lorraine,  était 
prisonnière  d'Elisabeth  à  la  date  de  ce  livre  et  de  sa  reliure  :  on  sait 
quelle  influence  eurent  sur  son  sort  la  politique  de  ses  parents  et  de  ses 
amis,  l'attitude  de  la  maison  de  Lorraine,  de  l'Espagne  et  des  catholi- 
ques exaltés  d'Angleterre. 

H.  d'A.  DE  J. 

bzb.  —  L.a  Rérorme  et  la  politique  Trançaise  en  Kurope,  jusqu'à  la  paix 
de  Westphalie,  par  le  vicomte  de  Meaux.  Paris,  Perriii  et  comp.,  1S89,  vu,  569- 
688  p.  in-8.  Prix  :   î5  fr. 

Le  volumineux  ouvrage  de  M.  le  vicomte  de  Meaux  forme,  pour 
ainsi  dire,  une  suite  naturelle  à  sesLiittes  religieuses  en  Fratice  au  sei- 
:^ième  siècle,  publiées  en  1879.  Seulement  l'auteur  a  notablement  élargi 
ses  cadres,  en  embrassant,  pour  le  siècle  suivant,  l'histoire  de  l'Europe 
civilisée  tout  entière.  Il  la  considère,  moins  dans  les  détails  du  dévelop- 
pement intérieur  de  chaque  Etat  que  dans  leurs  rapports  mutuels  et 
surtout  dans  leur  attitude  vis-à  visde  la  grande  question  religieuse,  qui 
n'a  point  cessé  d'influencer  d'une  façon  décisive  la  politique  d'alors,  bien 
que  dans  des  directions  opposées.  Dans  son  précédent  travail,  l'auteur 
nous  avait  montré  le  double  but  atteint  à  la  fin  des  guerres  civiles,  la 
foi  catholique  triomphant  en  France,  en  même  temps  que  la  liberté  de 
conscience  y  demeure  établie.  Dans  ses  nouveaux  volumes,  il  nous  fait 
parcourir  les  autres  royaumes  et  les  républiques  du  continent,  divisés 
par  cette  même  lutte  confessionnelle  qui  semble  close  par  l'avènement 
des  Bourbons.  Il  fait  passer  sous  nos  yeux  les  Etats  protestants  intolé- 
rants pour  l'Eglise,  les  Etats  catholiques  hostiles  à  l'hérésie,  et  leurs  grou- 
pements divers  en  vue  d'une  autre  et  décisive  rencontre  qui  ne  donnera 
la  victoire  complète  ni  à  l'un  ni  à  l'autre  des  principes  en  litige.  C'est 
cette  lutte  surtout  que  l'auteur  nous  raconte  ^  L'Angleterre,  l'Allema- 

I  .  Peut-être  y  a-t-il  un  peu  trop  de  de'tails  d'histoire  militaire  dans  ce  livre  essen-    ■ 
tieilement  politique,  surtout  pour  la  guerre  de  Trente-Ans. 


d'histoire  et  de  littérature  389 

gne  du  nord,  les  Etats  Scandinaves  et  les  Pays-Bas  échappent  définitive- 
ment aux  revendications  de  Romei.  En  Espagne,  en  Italie,  l'Eglise 
triomphe  sans  difficultés  sérieuses;  elle  remporte  de  haute  lutte  dans 
les  vastes  domaines  de  la  maison  d'Autriche.  Quant  à  la  France,  la  réac- 
tion catholique  de  la  fin  du  xvi^  siècle  lui  a  si  profondément  inoculé  le 
virus  de  l'intolérance,  que  cette  intolérance  finit  par  y  triompher  à  son 
tour,  malgré  la  politique  réparatrice  de  Henri  IV  et  malgré  les  longues  et 
intimes  accointances  politiques  des  gouvernants  français  avec  les  héré- 
tiques étrangers,  et  l'appui  qu'ils  leur  prêtent  contre  les  Habsbourgs. 
Après  avoir  étouffé  d'abord  toute  pensée  indépendante  au  sein  du  catho- 
licisme lui-même,  elle  réussit  à  écraser  l'hérésie  dans  les  domaines  du 
Grand-Roi,  sans  aboutir  pourtant  dans  toutes  ses  entreprises  au  dehors, 
et  surtout  dans  celle  de  ramener  sur  le  trône  d'Angleterre  un  monarque 
défenseur  de  la  foi. 

Tel  est  le  cadre  général  de  l'ouvrage  ;  nous  y  rencontrons,  à  vrai  dire, 
une  série  de  monographies  spéciales  dans  les  chapitres  plus  ou  moins 
étendus  que  M.  de  M.  consacre  successivement  à  l'Angleterre,  aux 
royaumes  Scandinaves,  aux  Pays-Bas,  à  l'Allemagne,  à  la  Pologne,  à  la 
France,  à  l'Italie,  à  l'Espagne,  etc.  L'auteur  n'a  point  ménagé  ses 
efforts,  ni  épargné  ses  recherches,  pour  réunir  les  matériaux  nécessaires 
à  un  aussi  vaste  travail.  Il  les  a  ramassés  de  droite  et  de  gauche,  avec 
un  peu  de  précipitation  peut-être,  et  sans  toujours  se  rendre  un  compte 
exact  de  la  valeur  des  sources  qu'il  avait  sous  la  main  ou  des  extraits 
nombreux  que  lui  faisaient  parvenir  ses  correspondants  étrangers.  Il  a 
eu  entre  les  mains  quelques  dossiers  d'archives,  copiés  pour  lui  au  Vati- 
can ;  il  a  consulté  aussi  d'autres  dépôts  de  manuscrits  i,  mais  il  a  surtout 
mis  à  profit  les  historiens  antérieurs,  de  nationalité  et  de  cultes  divers, 
qui  se  sont  occupés  de  l'histoire  religieuse  et  politique  du  xvii«  siècle, 
en  les  exploitant  d'ailleurs  d'une  manière  fort  inégale.  Ses  références 
bibliographiques  sont  aussi  recommandables  et  variées  que  possible,  en 
admettant  qu'il  ait  parcouru  lui-même  et  qu'il  ait  étudié  tous  ces 
ouvrages  ~.  Seulement  on  les  rencontre  un  peu  pêle-mêle,  Léopold  de 
Ranke  et  Lothrop  Motley,  Lingard  et  Geijer,  Bossuet  et  Merle  d'Aubi- 
gné,  MM.  Janssen  et  Kervyn  de  Lettenhove,  pour  n'en  nommer  que 
quelques-uns  des  plus  connus,  et  leur  témoignage  semble  avoir  suffi 
généralement  à  l'auteur,  sans  qu'il  ait  songé  à  le  vérifier  ou  à  le  peser. 
Nous  n'en  faisons  pas  autrement  un  reproche  à  M.  de  Meaux.  C'est 
beaucoup  demander,  même  aujourd'hui,  à  un  historien  de  profession, 
de  pouvoir  exploiter  directement  à  la  fois  les  sources  françaises,  alle- 
mandes, anglaises,  italiennes,  polonaises,  espagnoles,  suédoises,  hollan- 
daises, etc. 

1.  Les  renvois  sont  d'une  utilité  douteuse  et  d'un  contrôle  difficile  quand  on  se 
borne  à  citer  «  Manuscrits  de  la  Bibliotlièque  Nationale.  »  (I,  p.  82). 

2.  Il  est  permis  de  formuler  une  pareille  réserve  quand  on  le  voit  citer  par  exem- 
ple l'auteur  «  Mercurio  Siri  »  (II,  206).  Sans  faire  tort  à  M.  de  Meaux,  on  peut  ad- 
mettre qu'il  n'a  jamais  tenu  en  main  ni  feuilleté  les  in-quarto  du  Mercurio  de  Vit- 
torio  Siri. 


3qO  RliVUE    CRITIQUE 

Il  y  a  deux  manicres  d'aborder  l'étude  des  volumes  de  M.  de  Meaux. 
On  peut  les  juger  au  point  de  vue  des  principes  et  de  la  méthode  de  dis- 
cussion ;  on  peut  les  apprécier  aussi  d'après  le  détail  des  faits  qu'ils  ren- 
ferment, mais  le  premier  procédé  me  semble  le  plus  utile  à-la  fois  et  le 
plus  conforme  au  désir  de  l'auteur.  A  ce  point  de  vue,  l'on  ne  peut  se 
dissimuler  qu'il  y  a  dans  ce  livre  un   malentendu  perpétuel,  ou  plutôt 
une  lutte  inégale  entre  le  sentiment  de  Thistorien,  sérieusement  désireux 
d'être  impartial  et  de  l'homme  moderne,  d'une  part,  et  le  fidèle  adhé- 
rent de  Punité  catholique,  de  l'autre.  Toute  la  partie  théorique  de  Tou- 
vrage  voudrait  proclamer  la  beauté,  l'utilité  de  la  liberté  de  conscience, 
et  pourtant  elle  repose  en  réalité  sur  la  conviction  que  l'unité  de  la  foi 
est  une  nécessité  morale  pour  la  société  humaine,  et  que  cette  foi  ne 
peut  être  que  celle  de  l'Église.  M.  de  M.  admet  certainement  aujour- 
d''hui  «  la  liberté  de  conscience  avec  ses  troubles  et  ses  périls  »,  mais  au 
fond,  qu'il  s'en  rende  compte  ou  non,  il  la  subit  plutôt  qu'il  ne  la  désire. 
Il  est  évident  d'ailleurs  qu\in  homme  pour  qui  le  fondement  de  toute 
morale  est  le  dogme  de  la  divinité  du  Christ  (I,  450)  et  qui  professe  que 
«  les  lois  de  l'Eglise  autorisent  au  besoin  l'emploi  de  la  force  pour  pré- 
server les  âmes  »  (II,  297),  ne  peut  guère  avoir  de  sympathies  pour  des 
tendances  hérétiques  ou  athées.  Cela  est  fâcheux  assurément,  puisque 
cent  ans  après  la  Révolution  française,  il  ne  devrait  plus  être  possible  de 
mettre  en  doute  que  la  liberté  de  conscience  du  plus  humble  paysan 
des  Cévennes,  ou  du  libre-penseur  le  plus  hostile  à  toute  idée  religieuse, 
est  aussi  sacrée  que  celle  du  souverain  pontife  sur  le  siège  de  Saint- 
Pierre.  La  vraie  notion  de  la  liberté  est  donc  absente  de  ce  livre,  mais 
nous  n'avons  garde  d'en  faire  un   reproche  à  l'auteur;  c'est  affaire  de 
convictions  personnelles.  Ce  que  nous  lui  reprochons,  c'est  tout  autre 
chose,  c'est  de  ne  pas  reconnaître  franchement  l'existence  de  cette  intolé- 
rance générale  des  catholiques,  comme  des  protestants,  au  xvn^  siècle, 
qui  crève,  pour  ainsi  dire,  les  yeux,  ou  —  ce  qui  est  plus  regrettable  — 
de  ne  parvenir  â  la  constater  que  du  côté  des  dissidents.  S'il  approuvait 
cette  intolérance,  tout  en  la  signalant,  nous  ne  serions  certes  pas  de  son 
avis,  mais  il  resterait  du  moins,  quant  aux  faits,  dans  la  réalité  histori- 
que. Procéder  par  contre,  comme   le  fait  M.  de  M.,  presque  à  chaque 
chapitre  de  son  ouvrage,  c'est  mettre  trop  souvent  l'histoire  à  l'envers. 
Qu'on  nous  permette  de  citer  quelques  exemples.  Ainsi  l'auteur  nous 
affirme  gravement  qu'à  Rome,  au  xvii'=  siècle,  «  la  diversité  et  la  liberté 
des  opinions  orthodoxes  sont  entretenues  et  protégées  par  l'Eglise  ^  » 
(I,  492).  Parlant  de  l'Espagne,  l'auteur,  malgré  tant  de  récits  d'auto- 
da-féque  nous  rencontrons  dans  les  récits  de  voyages  contemporains  ou 
les  relations  diplomatiques,  nous  assure  que  la  Très-Sainte-Inquisition, 
qui  d'ailleurs  «  traitait  ses  prisonniers  avec   une  humanité  alors  sans 
exemple  »,  n'a  fait  périr,  en  trois  siècles,  que  cent  trente-quatre  victimes 

I.  Le  mot  orthodoxe  est  mis  ici  prudemment  pour  re'duire  au  silence  ceux  qui 
prononceraient  les  noms  de  Vanini,  Molinos  ou  Galiie'e;  mais  cela  seul  montre 
bien  ce  qu'était  cette  prétendue  liberté  romaine. 


D^HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  3gi 

sur  ses  bûchers!  (I,  Sgg).  Appelé  à  raconter  le  retour  forcé  des  provinces 
héréditaires  des  Habsbourgs  au  catliolicisme,  il  résumera  les  mesures 
terroristes  édictées  par  l'archiduc  Ferdinand  en  Styrie  dans  la  phrase 
bénigne  suivante  :  «  Un  prédicant,  qui  se  donnait  pour  un  prophète  et 
excitait  le  peuple  à  la  révohe,  périt  avec  sa  femme  dont  il  avait  fait  sa 
complice.  Mais  d'ailleurs  tous  les  dissidents  dispariwent  comme  par 
miracle,  sans  coup  férir  »  (I,  3  14).  M.  de  M.  n'aurait  eu  qu'à  jeter  les 
yeux  sur  la  Relation  des  persécutions  de  Styrie,  de   Paul  Odontius, 
l'une  Hes  victimes,  traduite  en  français,  il  y  a  une  vingtaine  d'années, 
par  M.  Edouard  Fick,  pour  savoir  à  quoi  s'en  tenir  sur  les  cruautés  de 
l'archiduc  de  Gratz.  Autant  parler  de  miracles  à  propos  des  dragonnades 
de  Louis XIV ou  de  l'abolition  du  culte  catholique  pendant  la  Terreur! 
Que  l'on  compare  enfin  ce  que  dit  M.  de  M.  de  la  Pologne,  où,  d'après 
ce  qu'il  nous  raconte,  l'Eglise  catholique  n'a  fait  que  «  subir  la  persécu- 
tion sans  l'avoir  jamais  exercée  »  (I,  SjS),  quand  il  suffit  d'ouvrir  une 
histoire  de  l'Eglise  quelconque,  Regensvolcius,  Gieseler,  Krasinski,  ou 
même  une  Histoire  de  Pologne  un  peu  détaillée,  pour  y  voir  comment 
«  le  libre  choix  »  des  Polonais  entre  les  deux  confessions  fut  influencé 
par  les  Wasa  catholiques  et  par  leurs  successeurs,  dociles  instruments 
des  Jésuites,  qui   n'ont  cessé  de  comprimer  les  dissidents,  fermant  et 
détruisant  leurs  églises,  leur  enlevant  leurs  droits  politiques,  si  bien 
qu'au  xvni'=  siècle  leur  situation  lamenta'ole  a  pu  servir  de  motif  ou  de 
prétexte  à  l'intervention  russe  et  prussienne. 

Ce  sont  là  quelques  exemples  pris  dans  les  chapitres  sur  les  États 
catholiques.  Passons  en  terre  hérétique  et  la  note  changera  d'une  façon 
sensible.  Ainsi,  pour  l'Angleterre,  ce  ne  sont  que  plaintes,  en  partie 
fort  justifiées,  contre  les  procédés  barbares  d'Elisabeth  et  de  Jacques  I"', 
alors  cependant  que  l'auteur  est  obligé  d'avouer  que  les  Guises  ont  com- 
ploté contre  la  vie  d'Elisabeth  avec  le  secrétaire  du  Saint-Siège;  qu'ils 
ont  soudoyé  ces  assassins  et  que,  de  loin,  la  cour  de  Rome  a  pris  part 
au  complot  (I,  p.  42-44)  '.  Ainsi  encore  pour  les  Pays-Bas.  M.  de  M. 
s'élève  avec  force  contre  le  «  fanatisme  calviniste  »  des  États-Généraux 
qui  les  empêcha  d'accorder  la  liberté  des  cultes  à  leurs  sujets.  Ce  n'est 
pas  nous  qui  les  en  féliciterons,  à  coup  sûr;  mais  comment  ne  pas 
signaler  la  partialité  de  l'auteur  quand  nous  constatons  plus  loin,  dans 
son  propre  ouvrage,  qu'en  une  seule  année  (1629)  on  put  organiser 
plus  de  cinq  cents  lieux  de  culte  privé  dans  les  Provinces- Unies,  et  que 
le  nombre  des  prêtres  catholiques  néerlandais  (parmi  lesquels  beaucoup 
de  Jésuites)  augmenta  tellement  qu'ils  étaient  cent  soixante-dix  en  1614 
et  quatre  cent  quatre-vingt-deux  en   i638!  N'est-ce  pas  là  une  preuve 

I.  C'est  une  casuistique  bien  subtile  que  celle  par  laquelle  l'auteur  tente  de  discul- 
per les  émissaires  des  collèges  de  Reims  et  de  Douai,  et  en  général  les  membres  du 
clergé  anglais  d'avoir  voulu  renverser  Elisabeth.  Il  serait  plus  simple  de  dire  que, 
l'Église  ayant  déclaré  la  bâtarde  du  roi  schisniatique  et  d'Anne  Boleyn,  rebelle  à 
Dieu  et  au  Saint-Siège,  aucun  fils  obéissant  de  l'Eglise  ne  pouvait  avoir  de  scrupule 
de  contribuer  à  la  suppression  d'une  nouvelle  Athalie. 


392  REVUE   CRITIQUE 

sensible  de  tolérance,  au  moins  tacite?  Est-on  bien  en  droit  de  s'éton- 
ner tellement,  au  point  de  vue  politique,  qu'un  peu  plus  tard, 
au  fort  de  leur  lutte  contre  l'Espagne  et  l'Empire,  alors  que  l'ap- 
pui de  l'Angleterre  va  leur  faire  défaut,  les  Etats-Généraux  aient 
prohibé  pour  un  temps  la  célébration  du  culte  catholique  et  fermé 
la  frontière  aux  membres  du  clergé  catholique,  sujets  presque  tous 
d'une  nation  mortellement  hostile?  Si  M.  de  M.  avait  voulu  suivre 
un  peu  plus  loin  l'histoire  des  Pays-Bas  ,  il  se  serait  convaincu 
que,  soumise  à  certaines  restrictions,  dures  et  pénibles  à  notre  senti- 
ment, comme  au  sien,  la  liberté  de  conscience,  sinon  celle  du  culte, 
n'a  cessé  de  subsister  en  Hollande,  et  que,  du  xvii'=  au  xvin«  siè- 
cle, elle  s'y  est  affermie  de  plus  en  plus.  C'est  un  des  titres  d'honneur  de 
la  République  des  Pays-Bas  que  d'avoir  permis,  la  première,  à  chacun 
de  ses  enfants,  à  chaque  étranger  même,  de  conserver  sa  foi  personnelle, 
sans  violenter  sa  conscience  ou  Texpulser  au  delà  de  ses  frontières. 

Si  M.  de  M.  n'admet  point  que  telle  est  la  vérité  historique,  c'est 
qu'il  est  étrangement  préoccupé  de  revendiquer  l'honneur  exclusif 
d'avoir  proclamé  cette  liberté,  pour  les  pays  catholiques.  Il  pose  en 
thèse  quelque  part  que  «  l'Eglise  romaine  est  capable  de  résister 
non  seulement  à  l'attaque  violente,  mais  à  la  liberté  permanente 
d'une  autre  croyance  »  (I,  376).  Il  n'y  a  pas,  évidemment,  matière  à 
la  moindre  controverse  dans  cette  vérité  générale.  La  seule  chose 
qui  soit  discutable,  c'est  de  savoir  si  vraiment  l'Eglise  du  xvn*  siècle, 
libre  de  son  choix,  a  volontairement  supporté  la  «  liberté  perma- 
nente d'une  autre  croyance  ».  M.  de  M.  en  est  persuadé,  puisqu'il 
ajoute  :  «  Cette  dernière  expérience  est  particulière  à  la  Pologne  et  à  la 
France  ;  elles  seules  l'ont  tentée  et,  dans  ces  deux  États,  tous  deux  catho- 
liques, l'épreuve  a  tourné  à  l'avantage  du  catholicisme.  Aucun  État 
protestant,  jusqu'à  notre  siècle,  n'a  essayé  pareil  régime.  »  Il  y  a  là  deux 
erreurs  capitales.  D'abord  ni  la  France  ni  la  Pologne  n'ont  sérieusement 
tenté  cette  expérience.  Pour  la  Pologne,  nous  avons  déjà  dit  tout  à 
l'heure  ce  que  nous  en  pensions.  Quant  à  la  France,  c'est  uniquement 
Henri  IV  qui  a  tenté  d'établir  un  modiis  vivendi  équitable  entre  les 
catholiques  et  les  huguenots  ;  et  s'il  l'a  fait,  c'est  qu'il  était  un  grand 
politique,  en  avance  de  son  temps,  tout  d'abord,  mais  aussi  —  ne  l'ou- 
blions pas  —  un  protestant  peu  fervent,  puis  un  catholique  moins 
fervent  encore.  Lui  mort,  l'édit  de  Nantes  cessa  bientôt  d'être  une 
vérité.  M.  de  M.  lui-même  nous  avoue  que  la  jurisprudence  royale,  à 
force  d'interpréter  l'Édit  dans  un  sens  défavorable,  ne  cessa  d'en  préparer 
la  révocation  (II,  219),  et  l'on  sait  de  reste  que  la  violation  défini- 
tive de  ce  pacte  solennel  eut  lieu  aux  applaudissements  de  la  France 
tout  entière.  Aussi,  rien  n'est  plus  faux,  à  notre  avis,  que  l'éloge 
troD  général  qu'il  fait  des  monarques  français  du  xvu"  siècle  dans 
la  péroraison  de  son  ouvrage.  «  La  monarchie  française  obtient 
alors   le    premier   r?ng;    clic    l'a   mérité    en   affranchissant   les   âmes 


D^HISTOIRE    ET  DE   LITTERATURE  SqS 

et  les  peuples.  Dans  le  moment  même  où  elle  devient  absolue  à  l'in- 
térieur du  royaume,  elle  inaugure  la  liberté  de  conscience  et  de  culte, 
qui  convient  particulièrement  à  cette  époque,  et  respecte  la  liberté  de 
l'Église,  toujours  et  partout  nécessaire  »(II,  688).  L'accident  d'un  seul 
ne  peut  caractériser  la  politique  d'une  dynastie,  et  Louis  XIV  ne  sau- 
rait bénéficier  des  vues  plus  hautes  de  Henri  IV  qu'il  a  méconnues. 
C'est  bien  lui  qui  est  la  personnification  véritable  de  la  monarchie  abso- 
lue, et  s'il  y  a  quelque  chose  que  Louis  XIV  n^ait  jamais  compris,  c'est 
bien  la  liberté  de  conscience,  non  pas  seulement  vis-à-vis  des  hérétiques, 
mais  à  l'égard  de  tous  ceux,  jansénistes  ou  quiétistes,  qui  heurtaient  sa 
façon  devoir,  et  du  Saint-Siège  lui-même.  Je  ne  dis  point  cela,  ni  pour 
Pen  blâmer,  ni  pour  Ten  louer,  je  le  dis  parce  que  cela  me  semble  un 
fait  historique  indiscutable.  Pour  ce  qui  est  des  États  protestants  qui 
n'auraient  point  su  se  hausser  à  la  taille  des  deux  nations  catholiques, 
il  ne  faut  pas  se  payer  de  mots  non  plus.  Assurément  au  xvii'^  siècle,  les 
préjugés  protestants  étaient  aussi  vivaccs  que  les  préjugés  catholiques. 
Assurément  ni  l'Angleterre  ni  les  Pays-Bas,  même  au  xvui°  siècle, 
n'ont  encore  inscrit  la  liberté  des  cultes  dans  leurs  constitutions  politi- 
ques. Nous  sommes  entièrement  d'accord  avec  M.  de  M.  pour  procla- 
mer que  la  situation  d'un  catholique  anglais  sous  Georges  lil  n'était 
pas  enviable  ni  conforme  aux  principes  libéraux  que  nous  proclamons 
tous  aujourd'hui,  et,  pour  être  plus  tolérable,  celle  d'un  catholique  hol- 
landais laissait  certainement  beaucoup  à  désirer,  il  y  a  un  siècle  et  demi. 
Mats  ce  serait,  d'autre  part,  se  moquer  des  lecteurs  et  du  bon  sens,  que 
de  venir  prétendre  que  le  sort  de  tous  deux  était  aussi  dur  et  aussi  digne 
de  pitié  que  celui  d'un  religionnaire  français,  traqué  au  Désert,  ou  celui 
de  ces  bourgeois  de  Thorn,  poussés  sur  l'échafaud  en  lySj  par  les  Jésui* 
tes  polonais. 

Après  nous  être  exprimé  très  franchement  sur  les  divergences  profon- 
des qui  nous  séparent  de  l'auteur  dans  l'appréciation  des  faits,  et,  après 
avoir  formulé  les  griefs  que  nous  avons  à  faire  valoir  contre  sa  méthode 
historique,  nous  nous  sentons  d'autant  plus  à  l'aise  pour  dire  que  nous 
avons  parcouru  de  nombreux  chapitres  de  son  livre  avec  un  vif  intérêt  ; 
nous  signalerons  tout  particulièrement  les  deux  cents  premières  pages 
du  second  volume,  relatives  au  développement  intérieur  du  catholicisme 
en  France,  dans  la  première  moitié  du  xvii°  siècle.  L'auteur  a  pu  se 
laisser  aller  librement  à  ses  sympathies  naturelles  et  son  style  en  a 
grandement  profité,  comme  aussi  lasérieuse  valeur  historique  de  ces  pages 
témoigne  d'une  familiarité  plus  longue  et  plus  intime  du  narrateur  avec 
les  matières  traitées  '. 

R. 


I.  Les  menues  erreurs  de  détail  et  les  fautes  d'impression  sont  naturellement  assez 
nombreuses  dans  un  livre  composé  delà  façon  que  nous  avonsdite  en  commençant. 
Nous  en  avons  relevé  un  certain  nombre  au  cours  de  notre  lecture,  et  nous  les  men- 
tionnons ici,  pour  que  l'auteur  puisse  les  corriger,  si  plus  tard  une  seconde  édi- 
tion devenait  nécessaire,  T.  I,  p.  n,  lire  Blackstone  pour  Blakstom  ou  Blaschsk- 


394  REVUE   CRITIQUE 

520.  —  Jean  i»nnl,  sein  Leben  und  seine   Werke,  von   Paul  Nerrlich.  Berlin, 
Weidmana,  1S89.  In-8,  xi  et  655  p. 

M.  Nerrlich  est  sûrement  riiomiiie  d'Allemagne  et  de  France  qui 
connaît  le  mieux  son  Jean-Paul.  Aussi  le  gros  volume  qu'il  vient  de  pu- 
blier, est-il  très  complet,  et  les  trois  livres  qu'il  comprend  (I.  Die 
Jugend,  II.  Bewegte  Zeit.  III.  In  Bayreuth)  nous  exposent- ils  avec  le 
plus  grand  détail  la  vie  et  l'œuvre  de  l'écrivain.  Nous  suivons  Jean  Paul 
de  Wunsiedelet  de  Joditz  à  Schwarzenbach,  puis  à  Leipzig,  à  Weimar, 
à  Berlin,  à  Bayreuth,  et  chemin  faisant,  M.  N.  nous  trace  le  portrait  de 
tous  les  personnages  remarquables  qui  sont  en  rapport  avec  son  héros. 
Il  n'oublie  pas  de  décrire  les  endroits  où  Jean-Paul  a  vécu,  et  consacre, 
par  exemple,  deux  jolies  pages  (pp.  74-75)  au  Fichtelgebirge.  Il  analyse 
dHme  façon  pénétrante  et  souvent-  avec  gotàt  les  romans  de  Jean-Paul. 
Peut-être  n'est-il  pas  assez  sévère  pour  son  auteur  qu'il  nomme  der 
Klassiker  des  Wit\es  (p.  i32).  11  aurait  dû  citer  le  livre  de  M.  Firmery. 
Il  suit  trop  strictement  l'ordre  chronologique  et  il  a  parfois  la  manière 
lourde  et  minutieuse  de  Dûntzer.  Sa  longue  introduction  où  il  nous 
apparaît  comme  Junghegelianer,  nous  paraît  presque  aussi  subtile  et 
inutile  que  la  préface  qu'il  avait  mise  aux  lettres  d'Arnold  Ruge.  Mais 
son  livre  se  lit  avec  intérêt  et  profit  ;  c'est  une  de  ces  excellentes  biogra- 
phies longues,  étendues,  pleines  de  choses,  comme  les  Allemands  en 
possèdent  quelques-unes,  comme  le  Herder  de  Haym,  le  Winckelmann 
de  Justi,  le  Schleiermacher  de  Dilthey. 

A.  C. 

tone  l'p.  73).  —  P.  i5,lire  Kappel  pour  Capel.  —  P.    17,  lire  notitia   pour   noticia . 

—  P.  37,  lire  Landlaff  pour  Landalff.  —  P.  1 10,  lire  Laski  ou  a  Lasco  pour  Lesko. 

—  P.  179,  lire  La  Marck  pour  La  Marek.  —  P.  210,  lire  Frundsberg  pour 
Freimbdsberg.  —  P.  228,  lire  Zapolyi  pour  Zapolin.  —  P.  24g,  l'auteur  appelle 
Albert  àt  Saxe  Vé\tc\.tu\-  Jean- Frédéric  piis  à  la  bataille  de  Mûhlberg.  — P.  275,  il 
faut  dire  l'évêque  de  Wannie  [o\i  à'  Ermeland)  QX.nonàs.  Warmia.  L'auteur  cite  égale- 
ment là  un  évêché  à^  Noremboiir g  dont  WstraSi  bien  embarrassé  de  trouver  la  place 
dans  le  Saint  Empire  romain-germanique.  —  P.  296  et  3oo.  L'archevêque  de  Colo- 
gne est  appelé  d'aboi  d  Frédéric  de  Wied,  puis  Hermann  de  Wied.  —  P.  3  11.  L'évê- 
que de  Wurzbourg  s'appelait  Jules  Editer  de  Mespelbrunn  et  non  Echt  de  Mespe- 
bronn.  — P.  33o,  lire  Grccii  van  Prinsterer  pour  Sitropoen.  —  P.  456,  nous  lisons  : 
«  Les  huguenots  assassinèrent  le  duc  François  de  Guise.  »  Poltiot  de  Méré  était 
huguenot  assurément,  tout  comme  Ravaillac  était  catholique.  Quelle  ne  serait  pas 
pourtant  l'indignation  de  M.  de  M.  si  quelqu'un  s'avisait  d'écrire:  «  Les  catholiques 
ont  assassiné  Henri  IV.  »  On  devrait  laisser  ces  vieilles  redites  calomnieuses  aux 
pamphlétaires  de  bas  étage;  elles  sont  indignes  d'un  homme  qui  prétend  au  titre  *| 
d'historien.  —  P.  461,  lire  Schiveinfurt  pour  Scliivienfurt.  —  T.  11,  p.  206  (?),  lire 
Roit  peur  Roth.—  P.  211,  lire  Pontis  pour  Punctis.—  P.  228,  M.  de  M.  fait  commen- 
cer l'immixtion  de  la  France  dans  l'histoire  de  la  guerre  de  Trente  Ans  de  1634, 
alors  que  dix  ans  auparavant  déjà  elle  salariait  une  partie  des  troupes  de  Mansfeld. 
—P.  219,  lire  Z,occ-(())!  pour  Lo/fA:«)j.— P.5i3,  Wvq  Lamormain  [ou  Laemmermann]  pour 
La  Monnan  et  Lammormann.  —  P.  239,  Vn-QGeschichte  des  boehmischen  Auf st. vides 
pour  Gesticnte  des  bohnisclien.  —  P.  248,  lire  Smalkalde  pour  Smalkade  —  P.  394, 
lire  Lutter  pour  Lutten.  —  P.  612,  \\XQ  prof  essor  pour  prof ena,  etc.,  etc. 


i 


d'histoire  et  de  littérature  SgS 

527.  —  Cescliîchte  dei»  poetiselien  Tlieorie  und  l^i  iiik,  von  deu  Discui- 
sen  dei-  Maler  bis  auf  Lessing  von  F.  Braitmaier.  2  Theile.  Frauenfeki,  Huber, 
1888-1889. 

On  a  souvent  signalé  Pinfluence  considérable  que  la  critique,  la  théo- 
rie poétiqueet  esthétique  ont  exercée  sur  la  marche  et  le  développement 
de  la  littérature  et  de  la  poésie  allemandes,  surtout  au  xvm'^  siècle.  On 
peut  s''étonner  cependant  que  cette  partie  si  importante  de  l'his- 
toire littéraire  ne  soit  pas  devenue,  depuis  longtemps,  l'objet  d^une 
histoire  spéciale  et  complète.  Elle  n'était  connue  que  par  fragments 
isolés,  par  des  monographies  particulières,  ou  bien  confondue 
dans  le  mouvement  général  de  la  littérature  et  de  la  philosophie,  ou 
bien  encore  traitée  partiellement  au  seul  point  de  vue  de  Testhétique. 
Ce  n'est  que  dans  ces  derniers  temps  qu'on  s'est  avisé  de  la  présenter 
dans  son  développement  d'ensemble  complet  et  suivi,  dans  l'évolution 
de  ses  phases  diverses, 

M.  Breitmaier  n'est  cependant  pas  le  premier  qui  ait  eu  l'idée  d'une 
histoire  d'ensemble  de  la  critique  littéraire  en  Allemagne.  Lui-même, 
dans  sa  préface,  signale  l'ouvrage  de  M.  Borinski  :  Die  Poetik  der 
Renaissance  iind  die  An f linge  der  litterarischen  Kritik  in  Deutschîand 
(18861,  auquel  le  sien  doit  faire  suite.  M,  B.  aurait  pu  ne  pas  ignorer 
que,  même  en  F'rance,  on  s'est  occupé  du  même  sujet  1. 

L'ouvrage  de  M.  B.  en  deux  volumes,  comprend  le  développement 
de  la  critique  et  de  la  théorie  poétique  depuis  Gottsched  et  les  Suisses 
jusqu'à  Lessing. 

Le  premier  volume  débute  par  l'examen  des  premières  publications 
critiques  des  Suisses.  Puis  il  donne  une  analyse  très  détaillée  des  théo- 
ries de  Gottsched,  de  celles  de  Bodmer  et  de  Breitinger,  avec  indication 
des  sources  où  ils  ont  puisé,  des  influences  diverses  qu'ils  ont  subies. 
11  raconte  ensuite  la  polémique  célèbre  qui  met  aux  prises  les  deux 
écoles  ;  il  en  montre  les  causes  et  les  effets  sur  la  littérature  générale; 
il  cherche  à  en  dégager  les  résultats  positifs  et  définitifs.  Le  volume  se 
termine  par  un  chapitre  très  étendu  et  intéressant  par  sa  nouveauté 
relative  sur  J  .-Elias  Schlegel,  incomplètement  connu  jusqu'ici,  d'abord 
disciple  de  Gottsched,  mais  bientôt  détaché  du  maître  et  indépendant, 
inclinant  vers  les  Suisses,  novateur  timide  encore,  mais  marquant  déjà, 
par  ses  écrits  théoriques  et  ses  productions  dramatiques,  un  progrès 
dans  le  sens  de  la  liberté  et  de  l'originalité.  L'auteur  associe  dans  le 
même  chapitre  au  nom  d'Elias  Schlegel,  celui  de  son  frère  J.-A.  Schle- 
gel, le  pèie  des  deux  chefs  de  l'école  romantique,  le  traducteur  de  l'ou- 
vrage de  Batteux.  Cette  traduction,  enrichie  de  commentaires,  de 
dissertations  critiques  originales,   a   joui   d'une  grande   réputation    et 


I.  C'est  ainsi  que  M.  Braitmaier  ignore  l'ouvrage  de  M.  Grucker,  Histoire  des  théo- 
ries littéraires  et  esthétiques  en  Allemagne.  (Paris,  Berger-Levrault,  1882,)  —  A.  G. 


3g6  REVUE    CRITIQUE 

exercé  une  influence  marquée  sur  le  développement  des  idées  esthétiques' 
en  Allemagne. 

Enfin,  la  dernière  partie  de  ce  chapitre  est  consacrée  à  Gellert  et  à  sa 
dissertation  de  Covioedia  commovente,  premier  essai  d'une  apologie  de 
la  comédie  bourgeoise  qui  commençait  à  s'acclimater  en  Allemagne. 

Le  premier  volume  montre  que  M.  B.  a  un  grand  mérite  et  un 
réel  avantage  sur  ses  prédécesseurs  :  c'est  d'avoir  été  à  même  d'user 
avec  plus  de  prodigalité  et  d'exactitude  scrupuleuse,  de  tous  les  docu- 
ments, de  toutes  les  sources.  Il  a  pu  ainsi  souvent  rectifier  plus  d'une 
erreur,  établir  la  vérité  sur  plus  d'un  point  douteux,  ajouter  de  nou- 
veaux détails,  et  donner  avec  une  exposition  plus  complète  une  idée 
plus  vraie  des  doctrines  qu'il  fait  connaître. 

Cependant,  son  appréciation  ne  nous  semble  pas  toujours  équitable  et 
suffisamment  justifiée.  Au  lieu  de  débuter,  comme  il  était  naturel,  par 
l'exposition  des  doctrines  qui  font  l'objet  du  premier  volume,  M.  B. 
entre  en  matière  dans  le  premier  chapitre  par  une  polémique  très  vive 
contre  Danzel,  le  panégyriste  de  Gottsched,  que  M.  B. ,  par  un  parti  pris 
contraire,  rabaisse  beaucoup  trop.  L'opinion  sur  Gottsched  semble 
aujourd'hui  définitivement  fixée.  D'éminents  critiques  et  historiens 
de  la  littérature  ont  jugé  sévèrement  les  défauts  d'esprit  et  de  caractère, 
les  prétentions  dictatoriales,  les  théories  étroites  et  surannées  du  chef  de 
l'école  de  Leipzig;  mais  ils  ont  reconnu  aussi  ses  mérites  relatifs,  les 
services  rendus  par  lui  à  la  littérature  et  à  l'esprit  allemand  auxquels  ses 
défauts  mêmes  n'ont  pas  été  inutiles.  Les  arguments  de  M.  Breitmaier 
ne  me  paraissent  pas  de  force  à  casser  le  jugement  équitable  et  définitif 
qui  s'est  formé  sur  Gottsched.  En  tout  cas,  cet  éreintement  nous  semble 
mal  placé  en  tête  de  l'ouvrage.  11  eût  été  plus  logique  et  plus  juste  de 
le  placer  après  l'exposition  sur  la  doctrine  de  Gottsched,  comme  conclu- 
sion, et  non  avant,  comme  préambule.  Le  lecteur  est  prévenu  et  cette 
exposition  d'une  doctrine  d'avance  condamnée  perd  beaucoup  de  son 
intérêt. 

Le  second  volume  est  consacré  au  développement  que  reçoivent 
les  théories  neuves  et  fécondes  encore  qu'incomplètes  des  Suisses,  à  la 
constitution  définitive  de  la  critique  et  de  la  théorie  poétique.  Cette 
constitution  est  Foeuvre  de  la  philosophie.  C'est  à  la  philosophie  de 
Wolf,  dans  la  personne  de  Baumgarten,  que  revient  l'honneur  d'avoir 
fondé  la  théorie  poétique  sur  des  principes,  de  leur  avoir  appliqué  la 
méthode  et  les  procédés  de  Pécole,  d'en  avoir  fait  une  partie  intégrante 
de  la  philosophie,  une  véritable  science. 

L'auteur  analyse  longuement  et  minutieusement  la  doctrine  esthéti- 
que de  Baumgarten,  non  seulement  dans  sa  forme  achevée  et  systéma- 
tique (du  moins  la  première  partie),  mais  aussi  dans  ses  premiers  essais. 
Il  montre  les  incertitudes,  les  obscurités,  les  lacunes  de  sa  célèbre  défini- 
tion du  Beau  (Perfection  de  la  représentation  sensible),  les  interpréta- 
tions diverses  que  Baumgarten  en  a  lui-même  données  sans  parvenir  aies 


d'histoire  et  de  littérature  3  97 

concilier  entre  elles.  Mais  il  montre  aussi  que  cette  définition,  si  incom- 
plète d'ailleurs,  a  pour  la  première  fois  mis  en  lumière  Télément  sen- 
sible, expressif,  plastique  du  Beau,  et  en  le  distinguant  de  l'élément 
logique  et  purement  intellectuel  avec  lequel  on  l'avait  confondu,  lui  a 
assigné  une  place  et  une  fonction  propres.  Mais,  d'autre  part,  en  rat- 
tachant le  Beau  aux  perceptions  confuses  de  l'âme,  Baumgarten  en  a 
méconnu  l'élément  supérieur  et  métaphysique;  et  en  vertu  même  de  la 
psychologie  de  son  école,  il  l'a  condamné  à  disparaître  à  mesure  que 
l'esprit  s'élève  des  perceptions  confuses  aux  idées  claires  et  distinctes. 

Baumgarten,  d'ailleurs,  n'a  pas  tenu  les  promesses  de  son  programme. 
Le  système  esthétique  qu'il  annonce,  il  ne  l'a  donné  que  très  incomplè- 
tement. En  outre,  la  rigueur  logique  de  ses  déductions  n'est  qu'appa- 
rente. Ce  sont,  le  plus  souvent,  des  mots  et  non  des  idées  qu'il  analyse. 
Il  tire  des  prémisses  posées  non  ce  qu'elles  contiennent  virtuellement, 
mais  ce  qu'il  a  eu  soin  d'y  mettre  à  l'avance;  ses  prétendues  démonstra- 
tions, comme  celles  de  Wolf,  son  maître,  sont  le  plus  souvent  des  péti- 
tions de  principes.  La  terminologie  scolastique,  la  langue  latine  dont  se 
sert  Baumgarten  n'étaient  pas  faites  non  plus  pour  rendre  sa  doctrine 
populaire.  C'est  l'exposé  de  cette  doctrine  en  allemand,  par  son  disciple 
Meier,  qui  l'a  répandue  dans  le  public  et  qui  en  a  fait  le  succès. 

L'auteur  a  bien  saisi  en  général  le  mérite  et  les  défauts  de  Baumgar- 
ten. Mais  dans  son  jugement  final,  n'est-il  pas  trop  sévère  et  injuste  en 
affirmant  que  «  TEsthétique  de  BauiTigarten  n'est  qu'une  bordure  cou- 
sue à  la  défroque  usée  de  la  poétique  traditionnelle?  »  La  définition  même 
sur  les  mérites  de  laquelle  l'auteur  a  insisté,  n'est-elle  pas  une  nouveauté 
et  un  progrès?  Quand  enfin  il  cite  le  jugement  de  Herder  sur  Baum- 
garten qui  trouve  dans  ces  trois  mots,  qui  constituent  sa  définition  du 
Beau  (oratio  perfecta  sensitiva),  «  le  gerine  d'où  est  sortie  comme  un 
arbre  magnifique  et  fécond  toute  la  substance  de  la  poésie;  que  ce  n'est 
pas  là  une  définition  scolastique,  mais  qu'au  contraire  elle  nous  intro- 
duit dans  l'âme  humaine  et  en  tire  toute  l'idée  de  la  poésie,» — en  s'asso- 
ciant  ainsi  à  l'éloge  que  Herder  décerne  à  Baumgarten,  l'auteur  nous 
paraît  être  sinon  en  contradiction,  du  moins  en  désaccord  visible  avec 
lui-même. 

Le  chapitre  le  plus  étendu,  et  aussi  à  beaucoup  d'égards  le  plus  neuf 
de  Touvrage,  est  celui  qui  est  consacré  à  Mendelsohn.  Mendelsohn  n'est 
pas  un  penseur  original  et  créateur.  C'est  un  esprit  plein  de  finesse  et 
d'ingéniosité,  s'appliquant  à  toutes  sortes  de  sujets;  analyste  subtil, 
habile  dialecticien,  mais  incapable  de  pousser  ses  idées  jusqu'à  leurs 
dernières  conséquences,  et  à  les  coordonner  en  un  système  complet.  Il 
est  un  des  plus  actifs  ouvriers  de  ce  grand  travail  d'émancipation  intel- 
lectuelle, de  critique  indépendante,  dont  Berlin  a  été  le  centre  depuis 
l'avènement  de  Frédéric  le  Grand.  11  a  été  Fami,  le  collaborateur,  le 
correspondant  de  Nicolaï,  de  Lessing  ;  il  est  en  plein  dans  le  mouve- 
ment littéraire  et  philosophique  de  cette  époque  —  et  c'est  une  des  par- 


398  RlîVL'E    CRITIQUE 

lies  les  plus  neuves  du  livre  de  M.  Breiimaier  que  celle  où  il  nous 
menue  Mendclsohn  comme  critique  jugeant  les  œuvres  et  les  écrivains 
de  son  temps,  avec  les  idées  de  son  temps,  il  est  vrai,  mais  avec  finesse 
et  justesse,  assez  peu  sympathique  aux  tendances  révolutionnaires  de  la 
jeune  école  du  Stui^7n  iind  Drang;  dont  il  ne  peut  comprendre  les  légi- 
times revendications,  mais  dont  il  sait  aussi,  notamment  en  ce  qui  con- 
cerne la  conception  de  la  poésie  naturaliste  de  Herder,  saisir  hs  défauts 
et  les  exagérations  dangereuses. 

Après  le  critique,  l'auteur  nous  fait  connaître  le  théoricien  esthétique. 
Il  nous  semble  que  l'ordre  inverse  eiit  été  plus  logique,  caries  jugements 
d'une  critique  sont  presque  toujours  les  conséquences  de  ses  opinions 
théoriques.  Il  eût  mieux  valu  commencer  par  celles-ci. 

L'esthétique,  la  théorie  du  Beau  et  des  Arts,  doit  à  Mendelsohn  des 
développements  nouveaux.  Il  a  analysé  plus  profondément  qu'on  ne 
l'avait  fait  jusque-là,  l'idée  et  le  sentiment  du  Beau,  il  en  a  dégagé  et 
.séparé  certains  éléments  importants;  sur  le  naïf,  le  sublime,  le  génie, 
il  a  des  vues  neuves;  il  est  ici  précurseur  de  Kant  et  de  Schiller.  Il  a 
donné  avant  Lessing,  la  célèbre  définition  de  la  Grâce.  Avant  Lessing 
il  a  étudié  la  nature,  les  limites  respectives,  les  caractères  constitutifs  des 
Beaux-Arts,  tout  en  conservant  sur  leur  rôle  moralisateur  et  didactique 
la  vieille  doctrine.  Lessing  doit  aux  observations  critiques  de  Mendel- 
sohn plus  d'une  moditication  heureuse  des  théories  trop  absolues  de  son 
Laocoon.  La  correspondance  qu'il  entretient  avec  Lessing  (de  lySô-iySj) 
sur  le  but  et  les  effets  de  la  tragédie,  sur  la  nature  des  émotions  tragiques  ; 
les  objections  qu'il  lui  adresse  à  l'occasion  de  son  interprétation  de  la 
définition  d'Aristote,  aujourd'hui  encore  conservent  leur  valeur.  L'au- 
teur a  bien  saisi  et  caractérisé  toutes  les  formes  de  l'esprit  et  du  talent 
de  Mendelsohn.  Il  peut  se  vanter  avec  quelque  raison,  et  il  ne  s'en 
fait  pas  faute  du  reste,  d'être  ici  plus  complet  et  plus  exact  que  tous 
ceux  qui,  avant  lui,  ont  traité  le  même  sujet. 

Mais  nous  reprocherons  à  l'auteur  de  n'avoir  pas  réuni  dans  un  juge- 
ment d'ensemble  plus  complet,  les  qualités,  les  mérites,  l'actif  littéraire 
et  esthétique  de  Mendelsohn.  De  même  nous  eussions  désiré  une  co!i- 
clusion  générale  à  l'ouvrage  entier  qui  résumât  ia  marche,  les  progrès, 
les  résultats  définitifs  de  cette  évolution  de  la  critique  et  de  la  théorie 
esthétique  en  Allemagne.  Nous  disons  théorie  esthétique  à  dessein,  car 
nous  préférons  cette  expression  à  celle  de  théorie  poétique  dont  se  sert 
l'auteur.  Cette  théorie,  en  effet,  dans  son  livre,  embrasse,  outre  la  poésie, 
les  Beaux-Arts  et  la  question  générale  du  Beau  avec  tout  ce  qui  s'y  rat- 
tache. 

Nous'avons  déjà  indiqué  plusieurs  des  points  sur  lesquels  portent  nos 
critiques  et  nos  objections.  Nous  pourrions  en  citer  encore  d'autres. 

En  général,  la  composition  de  l'ouvrage  ne  nous  paraît  pas  irrépro-  ^1 
chable.  Les  parties  générales  et  essentielles  ne  se  dégagent  pas  nettement  lil 
des  parties  secondaires  et  moins  intéressantes.   Tout  est  sur  le  même 


©■"histoire  et  de  littérature 


099 

plan.  Il  y  a  des  répétitions  inutiles.  En  revanclie,  on  peut  signaler  des 
omissions  assez  importantes.  Ni  Wieland,  ni  Klopstock,  ni  Winkelmann 
n'ont  trouvé  place  dans  cette  histoire  de  la  critique  et  de  la  théorie  esthé- 
tique. 

Mais  ces  défauts  sont  rachetés  par  de  solides  mérites,  par  l'abondance 
des  matières,  par  l'emploi  consciencieux  des  sources,  par  beaucoup  de 
renseignements  et  de  détails  nouveaux.  Cet  ouvrage  sera  certainement 
lu  avec  intérêt,  consulté  avec  fruit  par  tous  ceux  qui  veulent  se  faire 
une  idée  d'ensemble  complète  du  développement  des  idées  et  des 
théories  esthétiques,  de  leur  importance  et  de  leur  influence  sur  la  litté- 
rature et  la  poésie  allemandes.  II  ne  sera  même  pas  inutile  à  ceux  qui 
voudront,  après  Fauteur,  reprendre  et  traiter  le  même  sujet. 

E.  Grucker. 


528.  —  t,es  Fédérations  en  Franche^Conité  et  la  fêle  tle  la  Fédéra- 
tion  du  14  Juillet  1  TOO,  par  Maurice  Lambert.  Paris,  librairie  académique 
Perrin  et  C",  1890,  in-8  de  111-119  pp. 

M.  Lambert  indique  bien  l'intérêt  de  son  livre  dans  cette  phrase  : 
«  Un  caractère  remarquable  de  la  Fédération  de  1890,  c'est  son  origine 
provinciale.  La  plupart  des  grands  événements  de  la  Révolution  ont 
commencé  à  Paris;  la  province  n'a  fait  que  suivre.  Pour  la  Fédération 
il  en  fut  autrement.  »  En  Franche-Comté,  le  mouvement  fédératif  prit 
naissance  dans  les  bailliages  de  Lons-le-Saunier  et  de  Vesoul,  d'où  il 
s^étendit  rapidement  à  toute  la  province.  Les  fédérations  n'y  furent 
pas  une  vaine  parade,  elles  eurent  un  but  utile  :  «  défendre  le  pays 
contre  les  malfaiteurs,  remédier  à  l'anarchie,  prévenir  la  disette  ».  Cette 
première  partie  est  la  plus  neuve  du  livre.  L'auteur  tire  heureusement 
profit  des  registres  municipaux  des  communes.  Suit  une  bonne  étude, 
très  agréablement  écrite,  sur  les  fêtes  de  la  Fédération  à  Paris  et  en 
Franche-Comté,  dans  laquelle  les  faits  et  gestes  des  députés  franc-com- 
tois tiennent  une  large  place.  Le  livre  de  M.  Lambert  nous  a  mon- 
tré que  la  fête  de  la  Fédération  eut,  du  moins  en  province,  d'autre  rai- 
son d'être  que  le  besoin  d'une  démonstration  décorative.  Le  pays  qui 
venait  de  briser  son  organisation  intérieure  sentait  le  besoin  d'une 
organisation  nouvelle.  Que  si  ces  mouvements  fédératifs  avaient  pu 
avoir  des  racines  profondes,  la  crise  imminente,  si  malheureuse  pour 
notre  pays,  ne  se  serait  pas  produite. 

Frantz  Funck-Brentano. 


400  REVUE   CRITIQUE 

529.  —    Ileni'l    «lo    I^a    llocliejuquoleln    et    la    guerre    «le   la    V'cntlée« 

d'après   des   documents   inédits.    Paris,  Champion;   Niort,  Clouzot,    1890.  Petit 
in-4  écu  de  343  p. 

530.  —  Souvenîi-s  <lc  In  comtesse  «le  t.n  Bouëi-c.  La  guerre  de  la  Vendée 
1793-1796,  mémoires  inédits,  publiés  par  M"'c  la  comtesse  de  La  Bouëre,  belle- 
fille  de  l'auteur,  préface  par  le  marquis  Costa  de  Beauregard.  Paris,  Pion,  1890, 
In-8. 

L'auteur  du  livre  sur  Henri  de  la  Rochejaquelein  a  fait  œuvre  très 
louable.  Il  a  consulté  sur  son  héros  un  grand  nombre  de  documents 
imprimés  et  manuscrits,  et  parmi  ces  derniers  les  mémoires  inédits  de 
la  marquise  de  Donissan,  de  M"'=  de  la  Rochejaquelein  et  de  M.  Pau- 
vert  de  la  Jubeaudière,  que  renferrnent  les  archives  des  châteaux  de 
Clisson  et  de  la  Durbelière.  On  trouvera  donc  dans  ce  volume  plusieurs 
détails  nouveaux  et  quelques  rectifications  qui  seront  les  bienvenues. 
Ainsi,  il  est  inexact  de  dire  avec  le  comte  de  la  Boutetière,  que  La  Ro- 
chejaquelein alla  au  camp  de  l'Oie  demander  à  Sapinaud  de  le  prendre 
pour  aide  de  camp  ;  avec  Ledain,  qu'il  fut  repoussé  par  Quétineau  le 
12  avril  entre  les  Aubiers  et  les  Cerqueux;  avec  l'abbé  Deniau,  qu'il  ne 
voulait  pas  à  la  bataille  de  Luçon  commencer  le  feu  au  moment  oppor- 
tun (p.  3i,  32,  290),  etc.  Le  récit  se  lit  d'ailleurs  avec  intérêt  il  est  clair 
et  sans  emphase.  P.  128,  sur  Chevardin,  qui  était  Alsacien  et  dont  le 
nom  s'écrit  Schwardin,  il  eût  fallu  consulter  les  ^owyen/ri'  d'Erasme  de 
Contades  1. 

On  lira,  avec  plus  d'intérêt  encore,  les  mémoires  de  cette  comtesse  de 
La  Bouëre  à  qui  la  marquise  de  la  Rochejaquelein  donnait  le  joli  nom 
de  camarade.  M^e  de  La  Bouëre  a  passé  sa  vie  à  rassembler  non  seu- 
lement ses  souvenirs,  mais  ceux  de  son  mari  et  de  ses  amis  sur  la  guerre 
de  la  Vendée.  Elle  les  écrivait  sur  des  pages  volantes  ou  dans  des 
cahiers  qui  contenaient  aussi  des  extraits  de  ses  lectures.  Aussi  n'a-t-elle 
fait  que  de  simples  notes,  et  comme  elle  dit,  ces  notes  ont  le  mérite  de 
«  rectifier  quelques  erreurs  et  d  etreun  recueil  de  pièces  authentiques  ». 
Mais  elles  ont  un  autre  mérite  encore  :  elles  font  revivre  avec  une  sin- 
gulière vigueur  le  monde  de  la  Vendée.  Tout  d'abord,  les  femmes  ou 
marraines  de  Chalonnes  avec  leur  mante  ou  capote  de  laine  noire, 
leurs  jupes  rayées  et  leurs  corsets  en  grosse  toile  dure  qui  «  formaient 
une  espèce  de  cuirasse  difficile  à  percer  ;  aussi  les  bleus  se  plaignaient 
plus  d'une  fois  de  la  difficulté  de  tuer  ces  femmes  »  (p.  8).  Puis,  les 
paysans  refusant  de  se  rendre  aux  frontières,  et  se  soulevant  contre  les 
patriotes  ou  patauds,  les  habitants  de  la  Poitevinière  allant  attaquer 
Jallais  et  mettant  à  leur  tête  l'ancien  caporal  Perdriault,  qui  fut  le 
maître  de  Cathélineau,  et  la  guerre  s'enflammant,  guerre   implacable, 

I .  Le  livre  contient  un  appendice  où  sont  rassemblés  divers  documents,  des  piè- 
ces justificatives  (actes  de  baptêinc,  de  décès,  d'inhumation),  une  table  des  noms 
de  personnes  ei  de  lieux,  une  carte  de  la  Vendée,  un  portrait,  un  fac-similé,  une  vue 
de  la  chapelle  funéraire  de  Saint-Aubin  de  Baubigné. 


i 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  4OI 

guerre  d'incendies  et  de  massacres.  M^^  Je  La  Bouëre  se  cacha  dans  les 
genêts  et  les  ajoncs.  «  Je  n'ai  rien  connu,  dit-elle,  de  plus  triste  et  de 
position  plus  affreuse.  Là,  blotti  sur  la  terre,  on  ne  voyait  pas  à  quatre 
pas  devant  soi.  Mais  on  entendait  tout,  et  les  seuls  bruits  qui  faisaient 
transir  et  battre  le  cœur,  c'étaient  les  tambours  qui  se  faisaient  entendre 
de  tous  côtés.  Quand  leurs  sons  semblaient  s'éloigner  à  droite,  ils 
recommençaient  à  gauche.  C'étaient  enfin  les  coups  de  fusils  des  bleus 
lorsqu'ils  apercevaient  quelques  hommes,  et  leurs  cris  forcenés  contre 
ceux  auxquels  ils  criaient  :  «  arrête!  arrête!  »  avec  des  blasphèmes 
épouvantables.  Maintes  fois,  j'ai  cru  les  genêts  cernés  ;  c'est  alors  que 
les  mères  serraient  encore  plus  fortement  leurs  enfants  contre  leur  sein 
pour  mourir  ensemble.  Chose  étonnante!  ces  petits  êtres  comprenaient 
la  terreur  par  ces  étreintes  magnétiques,  car  il  n'y  a  pas  d'exemple  que 
leurs  cris  aient  dévoilé  la  retraite  des  infortunés  qui  se  cachaient.  » 
(P.  127-128.)  Il  faudrait  citer  encore  nombre  de  passages  dramatiques 
de  ces  Souvenirs,  l'incendie  de  La  BouèYe,  l'entrevue  de  M.  de  La 
Bouëre  et  de  Stofflet,  l'arrestation  de  ce  dernier,  et  le  chapitre  consacré 
aux  victimes. 

A.  C. 

53 1.  •^  Ij'HîstoIre  de  France  racontée  par  les  contemporains.  Extraits 
des  chroniques  et  des  mémoires,  publiés  par  B.  Zeller,  répétiteur  de  l'Ecole 
polytechnique,  maître  de  conférences  à  la  Sorbonne.  Format  petit  in- 16,  avec  de 
nombreuses  gravures.  Chaque  volume,  5o  cent. 

L'Histoire  de  France  racontée  par  les  contemporains^  publication  de 
M.  B.  Zeller,  qui  avait  été  entreprise  d'une  manière  un  peu  décousue, 
puisqu'elle  avait  subitement  passé  du  règne  de  Charles  VIII  au  règne 
des  fils  de  Henri  II,  pour  aboutir  à  la  mort  de  Henri  IV,  forme  aujour- 
d'hui, par  la  publication  des  volumes  intermédiaires,  une  série  complète 
depuis  les  origines  de  notre  histoire  nationale  jusqu'en  1610  ^  On  peut 

j.  La  Gaule  et  les  Gaulois;  2  La  Gaule  romaine;  3  La  Gaule  chrétienne  ;  4  Les 
invasions  barbares  en  Gaule;  5  Les  Francs  Mérovingiens  :  Clovis  et  ses  fils; 
6  Lts  fils  de  Clotaire  :  Frédégonde  et  Brunehaut  ;  7  Rois  fainéants  et  maires  du 
palais;  8  Cliarlemagne ;  9  Les  successeurs  de  Charlemagne  :  Louis -le-Pieux  ;  10 
Charles  le  Chauve;  11  Les  derniers  Carolingiens;  12  Les  premiers  Capétiens; 
i3  Les  Capétiens  du  xu'  siècle  :  Louis  VI  et  Louis  VII;  14  Philippe  Auguste  et 
Louis  VIII;  ib  L'empire  français  d'Orient,  la  iv"  croisade  ;  16  Saint  Louis  ;  ij  Phi- 
lippe le  Hardi.  Mœurs  et  institutions  du  xiw  siècle;  18  Philippe  le  Bel  et  ses  trois 
fils;  ig  Philippe  VI  et  Robert  d'Artois;  20  La  guerre  de  Cent  Ans  :  Jean  le  Bon; 
21  Le  dauphin  Charles  et  la  commune  de  Pdris;  22  La  grande  invasion  anglaise; 
La  paix  de  Brétigny  ;  23  Charles  V  et  Du  Guesclin;  24  Charles  V,  sa  cour  et 
son  gouvernement  ;  23  Charles  VI,  le  gouvernement  des  oncles  ;  26  Louis  de  France 
et  Jean  sans  Peur  ;  27  Les  Armagnacs  et  les  Bourguignons  ;  la  commune  de  1 41 3  ; 
28  La  France  anglaise;  A^incourt  et  le  traité  de  Troyes;  2g  Charles  VII  et  Jeanne 
d'Arc;  30  Charles  VIL  la  Monarchie  absolue; 'ii  Louis  XI,  son  gouvernement; 
il  Louis  XI  et  la  ynaison  de  Bourgogne;  33  Anne  de  Beaujeu.  Les  États  de  1484  ; 
34  Charles  VIII;  la  Guerre  folle,  le  Mariage  breton;  35  Charles   VIII  en  Italie; 


402  REVUE    CRITIQUE 

mieux  apprécier  actuellement  la  valeur  et  Pimportance  de  ce  travail 
considérable.  M.  B.  Z.  s'est  proposé  de  mettre  sous  les  yeux  du  lecteur 
la  suite  de  l'histoire  de  France  au  moyen  de  textes  uniquement  extraits 
des  historiens,  mémorialistes,  annalistes,  chroniqueurs,  épistoliers, 
poètes ,  ou  des  documents  authentiques  contemporains  du  temps 
dont  ils  parlent.  Ainsi  présentée  par  des  témoins,  des  acteurs,  des 
peintres  de  mœurs,  l'histoire  se  meut  et  vit  dans  les  tableaux  que  Ton 
voit,  dans  les  paroles  que  l'on  entend,  les  documents  authentiques  aux- 
quels on  s'attache,  sans  que  le  spectacle  soit  obscurci  ou  dénaturé  par 
les  interprétations  inexactes,  les  préjugés  ou  les  erreurs  dans  lesquels 
l'éloignement  progressif  des  textes  primitifs  peut  entraîner  les  histo- 
riens de  seconde  main.  Rien  ne  saurait  mieux  suggérer  à  un  amateur 
des  choses  de  l'histoire  des  réflexions  personnelles,  des  Jugements 
exempts  de  parti-pris  que  le  choix  fait  avec  discernement  et  habileté  de 
récits  et  de  documents  impartiaux  en  eux-mêmes,  ou  dont  la  juxtaposi- 
tion, s'il  y  a  des  passions  en  présence,  permet  de  se  prononcer,  en 
connaissance  de  cause,  sur  les  faits  en  eux-mêmes  et  sur  les  enseigne- 
ments que  le  lecteur  peut  en  tirer.  Ils  sont  bien  rares,  ceux  qui  peuvent 
avoir  le  loisir  ou  le  moyen  de  passer  en  revue  toutes  les  œuvres  qui 
constituent  les  matériaux  de  notre  histoire  épars  non  seulement  dans 
les  anciens  recueils  de  Dom  Bouquet ,  de  Guizot,  de  Petitot,  etc., 
mais  encore  les  rééditions  ou  publications  originales  de  la  Société 
de  l'histoire  de  France,  dans  la  magnifique  collection  des  documents 
inédits  relatifs  à  l'histoire  de  France,  dans  les  Revues  et  Bibliothè- 
ques, sans  compter  les  travaux  d'érudition  isolés,  souvent  si  pré- 
cieux. M.  B.  Z.  a  simplirié  la  tâche  au  point  de  la  rendre  aussi  facile 
qu'agréable.  Il  n'est  pas  un  des  soixante-cinq  petits  volumes  aujour- 
d'hui publiés,  qui  ne  présente,  sous  un  titre  clair  et  répondant  à  des 
idées  générales  déjà  éveillées  dans  l'esprit  du  lecteur,  avec  une  division 
de  lignes  et  paragraphes,  précédés  d'une  indication  courte  et  simple,  un 
tout  complet,  animé,  sous  lequel  se  succèdent  avec  une  méthode  rigou- 

36  Louis  XII,  Anne  de  Bretagne  ;  Sy  Louis  XII  et  Philippe  le  Beau.  La  conquête 
et  l.x  perte  de  Naples  ;  38  Louis  XII,  Père  du  Peuple,  et  le  cardinal  d'Amboise; 
3g  La  Ligue  de  Cambrai  ;  40  La  Très  Sainte  Ligue,  le  pape  Jules  II  et  Louis  XII  ; 
41  François  1",  Marignan,  V élection  impériale;  42  François  /<=<•,  Charles-Qjiint  et 
le  connétable  de  Bourbon  ;  43  Captivité  de  François  /",  Pavie  et  Madrid  ;  44  La 
ligue  de  Cognac,  sac  de  Rome,  paix  des  Dames;  40  François  I",  Anne  de  Mont- 
morency: 46  Le  comte  d'Enghien,  Cérisoles  ;  47  La  cour  de  François  /",  son  gou- 
vernement; 48  Henri  II,  L'occupation  des  Trois  Evêchés;  49  Henri  II,  Charles- 
Quint,  prise  de  Met^  ;  5o  Monluc,  siège  de  Sienne,  trêve  de  Vaucelle  ;  5i  Henri  II, 
Philippe  II,  Bataille  de  Saint-Quentin  ;  bi  La  Réforme  et  la  cour  de  Henri  IL 
Paix  de  Cateau-Cambrésis ;  53  François  II ;  34  Charles  IX  et  François  de  Guise; 
35  Catherine  de  Médicis  et  les  protestants  ;  56  La  Saint- Barthélémy  ;  57  Henri  III, 
les  débuts  de  la  Ligue;  58  Le  règne  des  Mignons  ;  bg  Les  trois  Henri;  Go  Argues 
et  Ivry  ;  le  siège  de  Paris  par  Henri  IV;  61  Les  États  de  la  Ligue;  le  Roi  natio- 
nal ;  62  Henri  IV ;  le  saint-siège  et  l'Espagne;  Védit  de  Nantes  et  la  paix  de  Ver- 
vins;  63  Henri  IV  et  Sully,  Marie  de  Médicis  ;  64  Henri  IV  et  Biron,  Sully  et 
l'alliance  anglaise;  65  Lajin  de  Henri  IV.  Le  grand  dessein. 


d'histoire  et  de  littérature  ^o3 

reuse  et  une  variété  qui  ne  nuit  en  rien  à  l'unité  de  Texposition,  des 
pages  empruntées  aux  documents  et  aux  auteurs  les  plus  différents,  de 
manière  à  faire  connaître  Jusqu'aux  plus  récentes  toutes  les  sources  de 
l'histoire,  sans  jamais  puisera  une  seule.  Qu'on  prenne  au  hasard  un 
de  ces  volumes  :  Le  dauphin  Charles  et  la  commune  de  Paris,  par 
exemple  ;  l'éclatant  Froissart  et  le  grave  Pierre  dOrgemont,  rédacteur 
des  Grandes  chroniques  sous  Charles  V,  fournissent  le  fond  du  récit 
pour  cette  époque  dramatique;  à  côté  d'eux,  le  continuateur  de  Nangis, 
le  moine  démocrate  Jean  de  Venette  et  l'auteur  de  la  chronique  des 
quatre  premiers  Valois,  elle  aussi,  d'inspiration  plébéienne,  décrivent  la 
vie  populaire  dans  toute  son  intensité  et  avec  ses  effroyables  misères, 
tandis  que  le  procès-verbal  des  États  généraux  de  i356  et  des  extraits 
de  rOrdonnance  de  la  même  année  montrent  sur  le  vif  Tactivité  révo- 
lutionnaire et  les  premiers  essais  législatifs  des  représentants  de  la 
nation,  les  Etienne  Marcel,  les  Robert  le  Coq,  les  Jean  de  Picquigny 
dans  les  temps  les  plus  profondément  troublés  et  malheureux  de  notre 
histoire.  Ouvrons  un  des  volumes  suivants  :  Charles  V ,  sa  cour^  son 
gouvernement  ;  ici  des  extraits  des  œuvres  prolixes  de  la  docte  Christine 
de  Pisan  ou  des  innombrables  vers  du  chantre  de  Duguesclin,  Cuvelier, 
encadrent  les  prescriptions  administratives  si  curieuses  des  mandements 
royaux  Dans  les  volumes  consacrés  à  Louis  XII,  le  bon  chanoine 
Jules  d'Autun,  le  panégyriste  Claude  de  Seyssel,  les  descriptions  du 
Cérémonial  français,  que  l'on  ne  trouve  pas  toujours  facilement  même 
dans  les  bibliothèques  publiques,  alternent  avec  les  récits  plus  connus 
du  Loyal  serviteur  ou  de  Fleurange  Tadventureux.  Brantôme,  pour 
l'époque  de  François  I''"',  de  Henri  11  et  de  ses  successeurs;  L'Estoile,  si 
abondant  et  si  mélangé  pour  le  triste  règne  de  Henri  III,  les  Saturnales 
de  la  Ligue  et  l'époque  réparatrice  de  Henri  IV,  sont  découpés  en  tran- 
ches discrètes  au  milieu  des  morceaux  d'écrivains  de  la  plus  haute  volée, 
et  rendus  lisibles  pour  tous.  On  pourrait  multiplier  ces  exemples.  Comme 
on  le  voit,  le  récit  pittoresque  et  l'histoire  des  institutions  tiennent  éga- 
lement leur  place  dans  celte  précieuse  petite  bibliothèque  dont  les  vo- 
lumes, d'un  format  si  maniable,  peuvent  être  feuilletés  ou  lus  à  fond 
avec  autant  d'agrément  que  de  profit  dans  des  traductions,  ou  dans  la 
langue  du  temps  à  peine  retouchée,  si  ce  n'est  au  point  de  vue  de  l'or- 
thographe accommodée  à  la  moderne.  L'illustration  de  l'ouvrage  est 
conçue  dans  le  même  esprit  que  la  composition  du  texte.  La  reproduc- 
tion, dans  leur  état  actuel  ou  d'après  le  type  original,  des  monuments 
publics,  de  portraits,  de  médailles,  d'œuvres  célèbres  de  la  peinture  ou 
de  la  gravure,  d'armes  et  de  costumes,  accompagne,  suivant  un  choix 
généralement  irréprochable,  le  récit  des  événements  et  les  actions  des  per- 
sonnages historiques.  Peut-être  pourrait-on  reprocher  à  M.[B.  Z,  de 
ne  s'être  pas  toujours  scrupuleusement  astreint  à  cette  donnée  de  la 
contemporanéité  des  documents  écrits  ou  figurés;  il  n'était  pas  facile,  à 
vrai  dire,  de  l'observer  d'une  manière  absolue;  les  exceptions  à  la  règle 


.)04  REVUE    CRITIQUE 

soin  d'ailleurs  assez  rares.  L'annotation  peut  donner  lieu  à  quelques 
critiques.  Sur  certains  points,  elle  paraît  dépasser  les  limites  de  simples 
éclaircissements  du  texte  pour  en  devenir  un  commentaire  trop  étendu, 
ou  pour  former  un  véritable  développement  historique.  Cette  méthode, 
qui  provient  du  louable  souci  de  ne  point  laisser  de  lacune  dans  la 
suite  de  l'exposition ,  n'est  pas  sans  altérer  quelque  peu  le  caractère  géné- 
ral de  Touvrage.  Ailleurs,  on  pourrait,  au  contraire,  désirer  quelques 
notes  de  plus  relativement  à  des  personnages  qui  demanderaient 
auprès  du  lecteur  une  introduction  plus  complète  que  ne  le  font  les 
textes  cités. 

Cette  collection,  mise  au  courant  des  découvertes  et  des  travaux  les 
plus  récents,  n'en  est  pas  moins  un  excellent  instrument  de  travail  et  de 
distraction.  En  faisant  connaître  de  plus  près,  en  rendant  plus  accessi- 
bles les  historiens  originaux,  sur  la  vie  desquels  de  courtes  notices 
disent  le  principal  dans  chaque  volume,  elle  ne  peut  que  contribuer 
puissamment  à  développer  le  goût  de  Thistoire  et  le  sens  de  la  critique 
historique. 

B.  D. 


532.  —    Historla  ecleslastîca   y    civil    de  IVueva    Granada«  par   D.  José 
Manuel  Groot  Bogota.  M.  Rivas  et  C  éditeurs.  Un  fort  volume  de  41 1  pages. 

En  rendant  compte  du  tome  I^^  de  l'histoire  de  la  Nouvelle-Grenade, 
nous  avons  dit  un  mot  de  l'auteur  et  de  la  notoriété  dont  il  jouit  parmi 
les  écrivains  de  l'Amérique  du  Sud.  Nous  retrouvons  les  mêmes  méri- 
tes d'érudition  consciencieuse  et  d'impartialité  dans  la  suite  de  son 
important  ouvrage.  Le  tome  II  se  compose  de  vingt  chapitres  (xxiii- 
xLu),  et  embrasse  la  période  qui  va  de  171 1  aux  premières  années  de 
notre  siècle.  Si  l'auteur  s'étend  avec  une  complaisance  évidente  sur 
l'histoire  intérieure  des  ordres  religieux,  s'il  exagère  peut-être  le  rôle 
bienfaisant  et  civilisateur  de  la  prédication  des  Jésuites,  il  est  Juste  de  dire 
qu'il  consacre  aussi  des  pages  intéressantes  au  développement  des  scien- 
ces, des  arts  et  de  l'industrie  au  Nouveau-Monde.  On  peut  lire  notam- 
ment à  cet  égard  le  chapitre  xl,  où  est  relatéela  visite  d'Al.  de  Humboldt 
à  la  capitale  de  la  Vice-Royauté  illustrée  alors  par  les  savants  tels  que 
Mutis  et  Caldas,  et  sa  correspondance  avec  le  Vice-Roi  D.  Pedro  Men- 
dinueta.  Le  tome  se  termine  par  un  appendice  de  cent  trois  pages  où 
sont  consignés  les  documents  authentiques  sur  lesquels  a  travaillé  l'his- 
torien. G.  Strehly. 


533.    —    N.  du    PuiTSPELU.  Dictionnaire    du  patois    lyonnais.    Lyon,    Henri 
Georg,  grand  in-8,   1887-1889,  4  livr.  de  464  pages,  dont  28  de  supplément. 

Depuis  quelques  années,  les  dictionnaires  de  patois   se  multiplient 
chez  nous;  celui  du  parler  populaire  du  Lyonnais  comptera  parmi  les 


d'histoire  et  de  littérature  40 5 

plus  remarquables  qui  aient  été  publiés;  la  connaissance  intime  que 
M.  N.  du  Puitspelu  possède  de  cet  idiome  et  des  nombreux  ouvrages 
qui  s'y  rapportent,  la  patience  qu'il  a  mise  à  recuillir  les  mots  qui  le 
composent,  Tétude  assidue  qu'il  en  a  faite,  enfin  —  ce  qui  est  un  point 
important  —  l'absence  de  parti  pris  ou  de  théorie  préconçue,  font  de 
son  glossaire  une  œuvre  considérable  et  l'une  des  contributions  les  plus 
utiles  à  la  connaissance  de  nos  patois.  Si  l'on  ajoute  que  par  ses  carac- 
tères intermédiaires  entre  la  langue  d'oil  et  la  langue  d'oc,  le  dialecte 
lyonnais  offre  un  intérêt  tout  particulier,  que  les  nombreux  exemples 
cités  par  M.  N.  du  P.  en  facilitent  l'intelligence,  qu'il  en  a  représenté 
et  figuré  les  vocables  d'une  manière  aussi  simple  que  rationnelle,  on  ne 
pourra  que  remercier  l'auteur  de  sa  consciencieuse  et  utile  publication, 
et  on  reconnaîtra  hautement  qu'il  était  difficile  de  mieux  remplir  ia 
tâche  ardue  qu'il  s'est  imposée. 

M.  N.  du  P.  ne  s'est  pas  borné  à  donner  les  noms  du  patois  lyonnais 
avec  leurs  diverses  significations,  appuyées,  quand  il  y  a  lieu,  par  des 
exemples  tirés  des  auteurs  nombreux,  mais  souvent  bien  ignorés,  qui 
ont  écrit  dans  cet  idiome  populaire;  il  a  entrepris  d'en  faire  connaître 
l'étymologie.  On  sait  tout  ce  que  cette  recherche  renferme  de  difficultés, 
par  suite  de  l'ignorance  où  Ton  est  si  fréquemment  de  la  forme  primi- 
tive des  mots,  ainsi  que  de  leur  historique  et  des  déformations  qu'ils 
ont  parfois  subies  dans  la  bouche  du  peuple;  ces  difficultés  n'ont  pas 
arrêté  M.  N.  du  P.,  et  il  a  abordé  cette  partie  de  sa  tâche  avec  une 
richesse  d'informations  et  une  curiosité  d'esprit  bien  rares;  il  expose 
avec  une  entière  sincérité  les  raisons  qui  paraissent  justifier,  quand  elles 
sont  douteuses,  les  étymologies  qu'il  propose.  Au  courant  de  toutes  les 
publications  qui  concernent  la  matière,  il  cite  avec  soin  les  opinions 
pour  ou  contre  les  solutions  qu'il  met  en  avant,  et  si  l'on  est  plus  d'une 
fois  obligé  de  le  contredire,  on  ne  peut  nier  qu'il  n'ait  fait  bien  souvent 
des  rapprochements  ingénieux  et  proposé  des  explications  plausibles, 
lorsqu'elles  ne  sont  pas  certaines. 

Dans  le  supplément  étendu  qu'il  a  joint  à  son  Dictionnaire,  M.  N. 
du  P.  a  d'ailleurs,  avec  une  franchise  qui  lui  fait  honneur,  enregistré 
les  erreurs  qu^il  a  reconnues  ou  qu'on  lui  a  signalées.  C'est  ainsi  quMl 
rejette  l'origine  prétendue  historique  qu'il  avait  cru  pouvoir  assigner 
au  mot  bramafan ;  c'est  ainsi  encore  qu'il  s'est  empressé  de  faire  venir 
cou  de  eccum  hoc  et  non  de  ecce  hoc,  qui  ne  pouvait  donner  que  cou, 
et  qu'il  a  rejeté,  p.  2i3,  avec  tant  de  raison,  la  forme  supposée  hoïè, 
venue  de  hodie  «  par  progression  de  l'accent  »,  comme  si  Ye  final  de 
hodie  n'avait  pas  dû  tomber  purement  et  simplement.  M.  N.  du  P.  a 
fait  bien  d'autres  rectifications  non  moins  utiles  ;  en  voici  quelques-unes 
que  je  lui  soumets.  P.  20  il  tire  avec  raison  aneyt  de  hac  nocte,  mais 
pourquoi,  après  avoir  donné  cette  étymologie  incontestable,  paraître 
proposer  celle  de  ad  hodie?  Les  formes  for.  anhod,  anhui,  qu'il  veut 
expliquer  par  là,  sont  évidemment  plus  que  douteuses  et  doivent  leur 


406  REVUE    CRITIQUE 

origine  à  une  étymologie  préconçue.  Il  m'est  impossible,  même  page, 
de  trouver  ni  le  lat.  acutiim,  ni  Tal.  beri  dans  anguibar  «  fruit  de 
l'éalaïuier  ».  Il  m'est  diflicile  éL;alement  de  faire  venir  baraban  de  barba, 
«  à  cause  du  pointu  de  la  feuille  »  du  pissenlit,  laquelle  ne  ressemble 
guère  à  une  barbe.  J'hésite  beaucoup  encore  à  voir,  p.  43,  dans  le  néerl. 
bell,  la  racine  de  belot,  «  agneau  *;  je  préférerais  le  tiver  de  bellus, 
qui  a  donné  plusieurs  dérivés  dans  les  dialectes  français.  P.  69,  M.  N, 
du  P.  se  demande  si  cabot  «  méchant  petit  chien  »,  «  serait  sabot 
(m  cabot  dans  plusieurs  patois)  »;  je  ne  connais  pas  la  forme  cabot, 
mais  seulement  chabot^  pour  sabot^  et  je  ne  vois  guère  comment  le  rap- 
prochement entre  un  «  sabot  »  et  un  «  chien  »  serait  possible.  Je  ne  puis 
non  plus,  p.  100,  admettre  que  coriau  «  baie  de  Péglantier  »,  vienne  de 
corail  ;  mais  je  le  tirerais  volontiers  du  radical  cor,  à  cause  de  la  forme 
de  fruit.  P.  186,  M.  N.  du  P.  se  demande  si  la  racine  de  garo  «  pluie 
très  abondante  »  n'est  point  la  même  que  celle  de  garou  «  loup  garou  »•, 
j'avoue  qu'il  m'est  impossible  de  saisir  le  moindre  rapport  entre  ces 
expressions.  P.  345,  je  doute  que  marelle,  nom  de  VAchillea  mille fo- 
liumL  ,  soit  une  corruption  de  morelle  vocable  qui  désigne  le  Solarium 
nigriim;  j'incline  à  y  voir  le  rad.  (a)mar(acus),  qui  entre  dans  les  noms 
si  divers  de  plusieurs  espèces  d' Anthémis,  genre  voisin  de  VAchillea.  On 
lit  p.  376,  art.  sa}^i,  soyi,  «  il  faut  admettre  que  le  b  est  tombé  de  pré- 
férence à  la  protonique  »  [de  sabucarium)  ;  mais  la  protonique  étant 
longue  ne  pouvait  pas  tomber,  tandis  que  le  b  le  faisait  régulièrement 
avant  l'accent.  L'explication  de  M,  N.  du  P.  ne  se  comprend  guère. 
P.  398,  tarteijîe  «  surnom  donné  aux  allemands  »  est  tiré  de  der  teiifel 
«  le  diable  »,  ne  serait-ce  pas  plutôt  le  mot  tartaiijle  «  pomme  de 
terre  »,  légèrement  modifié?  Quanta  la  plante  appelée  têta  d'aluetta, 
dont  M.  N.  du  P.  dit  ignorer  le  nom,  c'est  sans  doute  VAdonis  œstivalis 
ou  autumnalis  L. 

Mais  je  ne  veux  pas  prolonger  davantage  ces  critiques;  leur  petit 
nombre —  je  n'aurais  que  de  rares  remarques  à  ajouter  à  celles  qui  pré- 
cèdent —  montre  d'ailleurs  combien  j'ai  peu  trouvé  à  reprendre  dans  le 
Dictionnaire  du  patois  lyonnais;  que  d'explications  ingénieuses,  au 
contraire,  de  formes  curieuses  j'aurais  eu  à  signaler!  Parmi  ces  der- 
nières j'ai  été  surtout  frappé  des  dénominations  populaires  des  plantes  ^, 
non  seulement  à  cause  de  la  rareté  de  quelques-unes  d'entre  elles,  mais 
surtout  à  cause  de  l'exactitude  des  identifications.  Ce  caractère  ne  se 
rencontre  pas  seulement  dans  ces  noms  vulgaires,  mais  dans  tous  les 
vocables  qu'a  enregistrés  M.  N.  du  Puitspelu;  c'est  là  en  particulier  ce 
qui  donne  une  si  grande  valeur  à  son  livre  et  lui  assure  une  place  si 
honorable  parmi  les  ouvrages  de  ce  genre. 

Ch.  J. 


I.  Telles  que  camberli  «  églantier  »,  cermilli  «  cerfeuil  »,  chaley  «  fougère  », 
cropettes  «  pissenlit  >->,fiititavin  «  ronce  à  fruits  bleuâtres  »,  vovcua  «  digitale  »,  etc.,  etc. 


d''histoire  et  de  littérature  407 

534.  —   Cartas    Americanas  dirigidas  por  D.   Juan  Valera  a  D.  José  Groot. 
Bogota  Imprenta  de  la  «  Nacion  »,  1889.  Un  fascicule  de  63  pages. 

Les  Lettres  américaines  sont  adressées  par  un  auteur  espagnol, 
M.  Valera,  à  M.  Rivas  Groot  au  sujet  du  Parnasse  Colombien,  vaste 
recueil  en  deux  tomes  de  quatre  cents  pages,  contenant  des  oeuvres  de 
plus  décent  quinze  poètes  et  de  quinze  ou  seize  femmes  poètes.  Ces 
lettres,  au  nombre  de  sept,  renferment  des  jugements  critiques  et  des 
extraits  de  quelques-uns  des  écrivains  les  plus  marquants  qui  figurent 
dans  le  Recueil,  tels  que  Juan  de  Castellanos,  Antonio  Caro,  le  fonda- 
teur de  l'Académie  Colombienne,  Manuel  Madiedo ,  Joaquin  Ortiz, 
Rafaël  Nuiiez,  président  de  la  République,  Dofia  Agripina  Montes, etc. 
Elles  sont  d'une  lecture  agréable  et  nous  donnent  en  général  une  idée 
avantageuse  des  originaux  qu'elles  analysent.  Pourtant  M,  Valera  ter- 
mine par  cette  restriction  :  «  Le  Parnasse  Colombien  prouve  que  votre 

,pays   produit  une  riche   et  belle   floraison  littéraire,  et  le  prouverait 
encore  mieux  s,i  l'on  avait  supprimé  un  tiers  ou  plus  des  pièces  insé- 

^rées'-  » 

G.  S. 

ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  21  novembre  18 go. 

Le  ministre  de  l'Instruction  publique,  par  une  lettre  adressée  à  l'Académie,  l'in- 
[formeque  les  pouvoirs  de  M.  Foucart,  directeur  de  l'Ecole  française  d'Athènes,  sont 
texpiréset  l'invite  à  présenter  deux  candidats  à  ces  fonctions. 

M.  Renan  présente  des  observations  sur  un  passage  du  livre  de  Jésus,  fils  de  Sirach, 
qui  énumère  tous  les  grands  noms  de  la  littérature  hébraïque.  On  avait  remarqué, 
dans  cette  liste,  l'absence  du  nom  de  Job.  M.  Geiger,  par  une  restitution  très  heu- 
reuse, mais  trop  peu  connue,  y  a  rétabli  ce  nom  :  il  a  montré  que,  s'il  manque  dans 
la  traduction  grecque  qui  nous  a  conservé  cet  ouvrage  (le  texte  hébreu  étant  perdu), 
c'est  par  une  méprise  du  traducteur.  M.  Renan,  prenant  et  développant  cette  pensée, 
précise  en  quoi  a  dû  consister  la  méprise  en  question  et  ce  que  devait  porter  le  texte 
hébreu  du  passage  mal  rendu  par  l'auteur  de  la  traduciion  grecque. 

M  Hamy  communique,  de  la  part  de  M.  G.  Devéria,  des  recherches  sur  les  ins- 
criptions découvertes  par  M.  Yadrintzeff  (ou  ladrintsev)  sur  les  bords  de  i'Orkhoun. 
Ces  inscriptions  appartiennent  à  une  écriture  non  déchiffrée  jusqu'ici,  provisoirement 
dénommée  tchoudique,  la  même  qu'on  trouve  dans  les  inscriptions  de  l'Iénisséi, 
publiées  récemment  en  Finlande  :  mais  la  publication  de  M.  YadrintselT  permet  de 
se  rendre  un  compte  plus  exact  de  cette  écriture.  Elle  se  compose  de  caractères 
alphabétiques,  au  nombre  de  38  à  42.  C'est  donc  un  alphabet  beaucoup  plus  riche 
que  celui  que  les  Tariares  ont  emprunté  aux  Nestoriens,  au  moins  à  partir  du  ix*  siè- 
cle, et  ces  inscriptions  ne  peuvent,  par  suite,  être  attribuées  à  aucun  des  peuples  qui, 
ayant  dominé  sur  les  bords  de  I'Orkhoun  depuis  la  fondation  du  khanat  des  Ouïgours 
(744),  ont  adopté  l'alphabet  nestorien  ou  ses  dérivés.  Une  des  inscriptions  de  I'Or- 
khoun est  en  chinois,  une  autre  est  bilingue,  chinoise  et  tchoudique.  Dans  la  pre- 
mière, on  lit  un  nom  de  peuple,  les  Kien-Kouen,  qui  cessa  d'être  en  usage  à  partir 
de  738  ;  dans  l'autre,  celui  d'un  beg,  Kinè  khan,  qui  fonda  en  744  le  khanat  des 
Ouïgours. 

M.  Alexandre  Bertrand  communique,  de  la  part  de  M.  Léon  Bidault,  des  détails 
sur  les  fouilles  faites  par  cet  archéologue  dans  un  cimetière  mérovingien  des  envi- 
rons de  Dijon,  à  Noiron-lez-Citeaux.  11  met  ensuite  sous  les  yeux  des  membres  de 
l'Académie  un  magnihque  spécimen  de  silex  taillé  à  éclats,  provenant  de  la  décou- 

I. Signalons  deux  lapsus:  page  9  «  empie^an  ablovo  (sic)  «^lisez  «jèoi'O  ;  et  quelques 
lignes  plus  loin  :  «  esta  invencible  scribendi  cacoeihes  ».  M.  V.  prend-il  cacoethes 
pour  un  substantif  abstrait  du  genre  féminin.'' 


408  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

verte  de  Volgu  (Saône-et-Loire),  spécimen  qu'il  espère  pouvoir  acquérir  pour  le  Musée 
des  antiquités  nationales,  à  Saint-Germain-en-Laye. 

M.  Deloche,  à  propos  de  la  première  de  ces  deux  communications,  insiste  sur  la 
ressemblance  que  présentent  entre  eux  les  objets  dans  les  sépultures  franques  des 
régions  les  plus  diverses  de  la  Gaule. 

Kl.  Clermont-Ganneau  communique  une  inscription  grecque  de  Sidon,  de  l'an  64 
de  cette  ville  (47  ans  avant  notre  ère), dont  l'estampage  lui  a  été  envoyé  par  M.  Duri- 
ghello  : 

LAEHVIOAÛPOS 

AnOAAÛNlOÏTOÏ 

AnOAAO<I>ANOÏZA 

PXONTOSMAXAIPO 

noiûNeEûiAriûiï 

IIEPTOKOINOÏ 

(sic) 

«  L'an  64,  Héliodore,  fils  d'Apollonios,  fils  d'ApolIophane,  archonte  des  couteliers, 
(a  fait  cette  dédicace)  au  dieu  saint,  pour  la  communauté.  »  La  coutellerie  sido- 
nienne  était  renommée  chez  les  anciens;  on  en  a  trouvé  de  nombreux  spécimens 
dans  l'île  de  Sardaigne,  où  ils  avaient  été  évidemment  apportés  par  les  marchands  phé- 
niciens. Sous  la  forme  grecque  de  ce  texte,  on  reconnaît  d'ailleurs  partout  la  pensée 
phénicienne.  Le  zoivdv  de  la  dernière  ligne  est  le  gév,  la  communauté,  mentionnée 
sous  son  nom  sémitique  dans  un  décret  phénicien  du  Pirée,  communiqué  naguère  à 
l'Académie  par  M.  Renan.  Le  «  dieu  saint  »  est  une  appellation  essentiellement  sémi- 
tique; elle  rappelle  le  surnom  de  Qadosck  «  saint»,  donné  à  la  divinité  aussi  bien 
par  la  Bible  que  par  diverses  inscriptions  phénicienne.  Enfin  les  noms  propres  Hélio- 
dore, Apollonius,  Apollophane  sont  des  traductions  grecques  de  noms  phéniciens, 
dont  le  premier  devait  être  Abd-Schémès,  «  serviteur  du  Soleil  »,  les  deux  autres 
des  composés  formés  avec  le  nom  du  dieu  Reseph,  équivalent   sémitique  d'Apollon. 

M.  Renan  confirme,  sur  les  points  essentiels,  les  conclusions  de  M.  Clermont- 
Ganneau. 

M,  Paul  Durrieu,  conservateur  adjoint  au  Musée  du  Louvre,  lit  une  notice  sur 
Une  peinture  historique  de  Jean  Foucquet.  —  On  sait  depuis  assez  longtemps  déjà, 
par  les  documents,  que  Jean  Foucquet,  le  grand  artiste  tourangeau,  a  été  peintre  en 
titre  du  roi  Louis  XL  Mais,  jusqu'ici,  on  n'avait  encore  retrouvé  aucune  des  œuvres 
qu'il  avait  dû  exécuter  pour  la  cour  de  France.  M.  Paul  Durrieu  a  fait  une  remarque 
qui  modifie  heureusement  cet  état  de  choses.  Il  a  reconnu  qu'un  exemplaire  des  sta- 
tuts de  l'Ordre  de  Saint-Michel,  appartenant  à  la  Bibliothèque  nationale  (manuscrit 
français  19819),  était  l'exemplaire  même  du  roi  Louis  XI,  fondateur  de  l'Ordre,  et 
que  c'est  indiscutablement  Jean  Foucquet  qui  a  peint,  en  tête  de  ce  volume  destiné 
au  souverain,  une  admirable  composition  représentant  la  tenue  d'un  chapitre  de 
Saint-Michel.  En  dehors  de  sa  haute  valeur  d'art,  la  peinture  de  Foucquet  retrouvée 
par  M.  Durrieu  présente  un  grand  intérêt  historique.  Toutes  les  têtes  des  personna- 
ges représentés  sont  autant  d'excellents  portraits,  malgré  leurs  dimensions  exiguës. 
M.  Durrieu  arrive  à  identifier  d'une  façon  certaine  la  plupart  d'entre  eux.  En  s'ap- 
puyant  sur  des  particularités  de  costumes  et  d'attitudes  ou  sur  des  rapprochements 
avec  d'autres  monuments  contemporains,  il  distingue,  autour  du  roi  Louis  XI,  dont 
Foucquet  a  particulièrement  rendu  les  traits  avec  une  remarquable  puissance  d'ex- 
pression, le  duc  Charles  de  Guyenne,  frère  du  roi,  le  duc  Louis  II  de  Bourbon,  le 
comte  de  Roussillon.  amiral  de  France,  le  grand-maître  Antoine  de  Cliabannes, 
comte  Dainmartin,  Jean  Bourré  l'homme  d'Etat  qui  fut  gouverneur  du  roi  Char- 
les VIII,  le  poète  et  orateur  Jean  Robertet,  etc. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Wallon  :  Foucart  (Paul)  et  Finot  (Jules),  la  Défense 
nationale  dans  le  Nord  de  1792  à  1802,  ouvrage  publiéaux  frais  du  département  du 
Nord,  tome  I;  —  par  M.  Hamy  :  Fournereau,  les  Ruines  khmères ,  Cambodge  et 
Siam  :  documents  complémentaires  d'architecture,  de  sculpture  et  de  céramique;  — 
par  M.  Georges  Perrot  :  Musées  et  Collections  archéologiques  de  l'Algérie,  publiés, 
par  ordre  de  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  et  des  beaux-arts,  sous  la 
direction  de  M.  René  de  la  Blanchère  :  Musée  d'Alger,  par  G.  Doublet;  —  par 
M.Oppert:  Schrader  (Eberhard),  Keïiinschriftliche  Bibliothek,\\\,  i  ;  —  par  M.  Hé- 
ron de  Villefosse  :  Tamizey  de  Larroque,  les  Correspondants  de  Peiresc,  XVIII  : 
Boniface  Borrilly. 

Julien  Havet. 
Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE     LITTÉRATURE 


N»  49  —  8  décembre  —  1890 


Soniuiaire  t  535.  Grébaut,  Le  Musée  égyptien.  —  536.  Jellinek,  Héro  et  Léan- 
dre.  —  537.  Musée,  trad.  par  Chatziarapjs.  —  538.  Paulson,  Un  manuscrit  de 
Clirysostome.  —  539.  Hogan,  Documents  sur  saint  Patrice,  II.  —  540.  Stokes, 
Le  Livre  de  Lismore.  —  541.  Keating,  La  mort,  p.  p.  Atkinson.  —  542.  Loth, 
Chrestomathie  bretonne,  I.  —  343.  Luzel,  Chants  populaires  de  la  Basse-Bretagne, 
I.  —  544.  Brucker,  Ordonnances  de  police  de  Strasbourg.  —  545.  Berluc-Pe- 
Russis,  Wendelin  en  Provence.  —  546.  Gasté,  La  jeunesse  de  Malherbe.  —  547. 
Robert,  La  poétique  de  Racine.  —  548.  J.  Perrot,  Nos  utopies.  —  Chronique. 
—  Académie  des  Inscriptions. 


535.  —  E.  Grébaut.  Le  Musée  Egyptien.  Recueil  de  monuments  choisis  et  de 
notices  sur  les  fouilles  en  Egypte,  publié  par  E.  Grébaut,  directeur-général  du 
service  des  Fouilles,  E.  Brugsch-Bey  et  G.  Daréssy,  conservateur.  I,  livre  i,  fasc. 
1.  Le  Caire,  iSgo,  in-4,  19  pi.  Prix  :  17  fr. 

Mariette  avait  fondé  le  recueil  qu'il  appelait  les  Monuments  divers, 
pour  y  publier  les  principaux  parmi  les  objets  d'antiquité  égyptienne 
qui  viennent  enrichir  journellement  le  Musée  de  Boulaq.  J'avais  préféré 
les  livrer  au  public,  immédiatement  après  la  découverte,  dans  la  Zeit- 
schrift  de  Lepsius  ou  dans  les  volumes  de  mon  Recueil  de  Travaux. 
M.  Grébaut  est  revenu  aux  pratiques  de  Mariette  et  vient  de  lancer 
sous  les  auspices  et  aux  frais  du  gouvernement  égyptien,  le  premier 
numéro  d'une  sorte  de  journal  intitulé  le  Musée  Égyptien.  Ciiaque 
fascicule  se  compose  régulièrement  de  vingt  planches,  où  les  monuments 
seront  reproduits  par  la  phototypie,  et  de  quelques  feuilles  de  texte 
explicatif,  où  les  circonstances  et  le  lieu  de  la  découverte  seront  décrits, 
avec  un  bref  commentaire  scientifique.  M.  G.,  pressé  de  mettre  au 
jour  cette  première  livraison,  n'a  pas  voulu  attendre  que  le  texte  et  l'une 
des  planches,  qui  était  d'une  exécution  difficile,  fussent  achevés  d'impri- 
mer :  il  a  préféré  la  livrer  incomplète  à  la  critique  plutôt  que  de  retar- 
der, pour  longtemps  peut-être,  le  moment  où  il  pourrait  la  faire  appa- 
raître. 

L'objet  qu'il  poursuit  est  double.  En  premier  lieu,  il  veut  placer  à  la 
disposition  des  savants  le  texte  authentique  des  inscriptions  les  plus 
importantes  que  le  Musée  possède.  Ensuite,  il  désire  fournir  aux  archéo- 
logues des  reproductions  exactes  des  statues,  bas-reliefs,  peintures, 
menus  objets  en  bois,  en  pierre  ou  en  émail,  qui  lui  paraîtront  de 
nature  à  laisser  une  idée  avantageuse  de  l'art  ou  de  l'industrie  des  anciens 
Egyptiens.  On  sait  combien  peu  l'archéologie  égyptienne  est  connue  en 
dehors  du  petit  monde  des  égyptologues.  Le  nombre  des  monuments 
Nouvelle  série,  XXX.  49 


410  REVUE    CRITIQUE 

que  nos  Musées  renferment,  la  façon  incommode  dont  ils  sont  exposés, 
les  difticultés  qu'on  éprouve  à  obtenir  la  permission  de  les  tenir  entre 
les  mains  pour  les  examiner  de  près,  ont  découragé  bien  des  personnes 
qu'un  penchant  naturel  entraînait  vers  cette  étude.  M.  G.  a  donc  raison 
de  songer  à  munir  cette  immense  partie  des  savants  ou  des  amateurs  qui 
n'a  pas  le  maniement  des  monuments  eux-mêmes,  de  fac-similé  exacts 
qui  peuvent  suppléer,  jusqu'à  un  certain  point,  l'absence  des  originaux. 
C'est  ce  que  j'avais  tenté  de  faire  dans  les  Monuments  de  ïart  antique 
de  Rayct,  et  les  admirables  planches  de  Dujardin,  si  bien  tirées  par 
Eudes,  ont  décidé  le  public  éclairé  à  rendre  pleine  justice  à  plusieurs 
des  meilleures  œuvres  que  l'antiquité  égyptienne  nous  a  léguées.  Malheu- 
reusement M,  G.  n'a  point  Dujardin  pour  le  seconder  dans  sa  tâche.  Il 
a  pour  collaborateur  —  peut-être  le  lui  a-t-on  imposé  —  Baeckmann 
de  Carlsruhe,  dont  les  phototypies  laissent  singulièremenr  à  désirer.  Le 
tirage  est  flou,  la  teinte  des  encres  terne  et  un  peu  sale  d'apparence,  et 
ce  qui  est  plus  grave,  la  retouche  des  clichés  est  indiscrète  et  grossière. 
Le  malheureux  Khéphrén  de  la  planche  viii  et  le  Pharaon  anonyme 
de  la  planche  xii  sont  comme  balafrés  des  coups  de  gouache  qu'ils  ont 
reçus,  et  la  trace  du  pinceau  est  visible  partout  sur  leur  coiffure,  sur 
leurs  visages,  sur  leurs  mains.  C'est  sans  doute  une  raison  d'économie 
qui  a  déterminé  le  choix  de  l'imprimeur.  Il  est  probable,  en  effet,  que 
la  maison  Bœckmann  ne  prend  pas  cher,  mais  il  me  semble  que  n'im- 
porte qui,  dans  n'importe  quel  pays,  aurait  été  capable,  pour  le  même 
prix,  de  faire  aussi  mal  que  la  maison  Bœckmann.  Je  citais,  il  n'y  a 
qu'un  moment,  les  Monuments  de  l'art  antique.  Chaque  livraison  de 
quinze  planches  in-folio,  accompagnées  de  quinze  à  vingt  feuilles  de 
texte  in-folio,  coûtait  25  fr.,  contre  les  17  fr.  5o  des  fascicules  in-4''  du 
Musée  Egyptien.  Tout  compte  fait,  le  bon  marché  de  Eœckmann  est 
plus  coûteux  que  la  cherté  de  Dujardin.  J'espère  que  M.  G.  sera  libre 
de  choisir  un  meilleur  ^/zo^o^^'/'/^^^,  et  dont  l'habileté  rende  justice  aux 
monuments  qu'il  reproduit. 

Cela  dit,  on  ne  saurait  qu'approuver  et  le  choix  que  M,  G.  a  fait  parmi 
les  monuments  et  la  façon  dont  il  les  a  assemblés.  Cette  première  livrai- 
son donne  comme  un  résumé  de  ce  qu'on  peut  s'attendre  à  rencontrer 
en  Egypte,  des  dynasties  memphites  à  l'époque  greco-romaine.  Le  pre- 
mier groupe,  qui  couvre  six  planches,  appartient  à  la  chapelle  que  M.  G. 
attribue  à  Ouazmos,  mais  qui  me  paraît  avoir  servi  pour  plusieurs  des 
personnages  secondaires  de  la  famille  de  Thoutmos  P',  Elle  fut  décou- 
verte à  Gournah,  un  peu  au  Nord  du  Ramesséum,  par  M.  G.,  vers  le 
milieu  de  février  1887,  et  déblayée  par  lui  avec  grand  soin  :  le  plan, 
relevé  par  M.  Daréssy,  a  été  reproduit  sur  la  planche  iv  et  en  montre 
la  disposition.  Ce  n'était  pas  seulement  un  sanctuaire;  on  y  trouve,  à 
côté  des  pièces  consacrées  au  culte,  des  chambres  d'habitation,  dont  une 
au  moins  a  servi  de  cuisine  et  conservait  son  foyer  presque  intact.  C'est  le 
premier  exemple  certain  qu'on  puisse  étudier  sur  le  terrain  de  ces  monu- 


I 


D  HISTOIRE   ET   DE    LITTERATURE  4II 

ments  funéraires,  si  nombreux  dans  le  nécropole  deThèbes  au  témoignage 
des  papyrus,  et  qu'on  appelait  Khiroii.  Comme  les  mosquées  funéraires 
des  sultans  mamelouks  au  Caire,  c'étaient  des  établissements  composi- 
tes, contenant  une  partie  sacrée,  des  dépôts  d'objets  destinés  à  l'offrande, 
des  chambres  pour  les  gardiens  et  les  domestiques  attachés  à  la  maison 
du  mort,  souvent  un  logement  complet  pour  les  prêtres.  Le  Khirou 
d'Ouazmos  avait  environ  vingt  mètres  de  largeur  sur  trente-cinq  de 
profondeur.  On  y  rencontre  un  pylône  à  demi-détruit,  puis  une  cour  fer- 
mée au  fond  par  un  mur.  Le  mur  est  percé  en  son  milieu  d'une  porte,  à 
laquelle  donne  accès  un  escalier  à  rampe  unie,  flanquée  de  deux  portése 
de  cinq  marches  assez  larges  mais  fort  basses.  La  porte  franchie,  on  pénètre 
dans  une  salle  peu  profonde,  sur  laquelle  s'ouvrent  trois  niches  ou  trois 
sanctuaires.  C'était  la  chapelle  proprement  dite  :  sur  la  gauche  et  sur 
le  derrière  s'entassaient  les  magasins  et  les  chambres  réservées  au  person- 
nel. Le  tout  est  construit  en  briques  crues,  simplement  crépies  de  blanc 
dans  la  partie  d'habitation,  revêtues  de  plaques  en  calcaire  et  en  grès 
dans  le  sanctuaire,  comme  l'indique  la  multitude  de  petits  fragments 
répandus  dans  les  décombres.  Beaucoup  de  stèles  consacrées  par  les 
prêtres  du  prince  défunt  ont  été  brisées  et  sont  éparses  sur  le  sol  :  quel- 
ques monuments  à  peine  ont  échappé  à  la  destruction  et  sont  venus 
enrichir  les  collections  du  musée  de  Boulaq. 

Le  plus  important  est  une  statue  en  grès,  de  grandeur  naturelle,  qui 
représente  une  reine  assise,  les  mains  sur  les  genoux,  les  chairs  peintes 
en  jaune,  les  vêtements  en  blanc  (pi.  i).  Elle  fut  trouvée  encore  en  place, 
adossée  au  mur  qui  sépare  le  sanctuaire  central  de  celui  de  droite,  au 
point  marqué  F  sur  le  plan  de  M.  Daréssy  (pi.  iv).  Elle  était  intacte  : 
.  seuls  un  petit  morceau  du  menton  et  le  bout  du  nez  ont  été  brisés  par 
la  chute  d'une  brique  ou  d'une  poutre.  Elle  représente  l'une  des  fem- 
tnes  de  Thoutmos  I»"^,  Moutnofrit,  mère  de  Thoutmos  II,  et  a  été  con- 
sacrée par  ce  prince.  Sans  parler  de  la  valeur  artistique  réelle  qu'elle 
possède,  elle  nous  a  permis  d'éclaircir  définitivement  un  des  points  les 
plus  délicats  de  l'histoire  du  temps.  J'avais  émis  l'hypothèse  que  les  deux 
successeurs  de  Thoutmos  I",  ses  deux  fils  Thoutmos  II  et  III,  avaient 
dû  s'effacer,  pour  un  temps  au  moins,  devant  leur  sœur  Hâtshopsitou, 
parce  qu'ils  n'avaient  pas  autant  de  droits  qu'elle  à  la  couronne,  du  chef 
de  leur  mère.  Le  hasard  des  fouilles  a  fait  une  vérité  démontrée  de  ce 
qui  n'était  qu'une  conjecture.  Les  inscriptions  du  linceul  de  Thout- 
mos m  nous  ont  appris  qu'il  avait  pour  mère  une  simple  concubine, 
Isis,  étrangère  à  la  famille  royale.  Celles  de  la  statue  nous  révèlent  que 
Thoutmos  II  avait  pour  mère  une  femme  légitime  du  roi,  apparentée, 
par  conséquent,  à  la  famille  royale,  mais  d'assez  loin.  Hâtshopsitou 
avait  au  contraire  pour  mère,  la  reine  Ahmas,  fille  d'Amenhotpou  I" 
et  de  la  reine  Ahhotpou  II  :  elle  avait  donc  du  côté  maternel  des  droits 
supérieurs  à  ceux  de  ses  frères,  nés  de  femmes  moins  illustres.  Deux 
stèles  intactes  sortirent  des  ruines  en  même  temps  que  la  statue.  L'une 


412  REVUE   CRITIQUE 

d'elles  (pi.  vi),  porte  un  taureau,  arme  de  larges  cornes  en  croissant, 
debout,  et  regardant  attentivement  devant  lui  un  objet  qui  paraît  être 
une  botte  de  fourrage.  Son  nom  est  écrit  au-dessus  du  dos,  dans  le  cin- 
tre de  la  tête  :  il  s'appelle  Pi-montoii  Pekniout,  où  il  faut  peut-être  tra- 
duire :  Ce"/?// (le  taureau)  de  Mouton,  Pekmout,  en  considérant  le  premier 
groupe  comme  le  titre  de  la  bête.  C'est,  ou  bien  le  taureau  sacré  de  la 
ville  voisine  d'Hermonthis,  qui,  en  eflfet,  était  voué  à  Montou,  le  grand 
dieu  de  la  plaine  thébaine,  ou  bien  un  animal  sacré  de  rang  secondaire, 
adoré  dans  la  nécropole,  Le  style  est  celui  des  dynasties  saïtes,  tendant 
plutôt  vers  le  style  des  Ptolémces  que  vers  celui  des  Éthiopiens.  Les 
habitants  de  ce  quartier  funéraire  de  Thèbcs  étaient  d'ailleurs  très  por- 
tés au  culte  des  animaux  :  c'est  d''eux  que  nous  viennent  ces  proscynèmes 
à  rhirondelle,  aux  serpents,  aux  chats,  aux  oies  que  les  musées  de  l'Eu- 
rope possèdent  en  abondance  ^,  et,  de  fait,  la  seconde  stèle  découverte 
par  M.  Grébaut  (pi.  m),  nous  montre  dans  le  centre  une  chatte,  la 
Chatte  de  la  dame  du  ciel,  c'est-à-dire  la  chatte  de  Moût,  et  YExcel- 
lente  oie  d'Amon  affrontées  l'une  à  Pautre,  à  une  proximité  qu'on  ne  peut 
s'empêcher  de  trouver  dangereuse  pour  Toie  divine.  Au  second  registre, 
le  fils  royal  Ouazmos  est  assis  à  gauche,  et  reçoit  le  bénéfice  d'une 
adoration  aux  deux  divinités  du  cintre,  Amon  et  Moût,  que  fait  le  Chef 
des  travaux  dans  la  Place  de  Vérité  (la  nécropole  de  Thèbes),  Pasho- 
dou.  Un  Pashodou,  domestique  de  la  Place  de  Vérité,  nous  a  laissé 
beaucoup  de  monuments  que  j'ai  eu  Toccasion  de  réunir  ailleurs  ^ 
peut-être  notre  Pashodou  lui  est-il  identique.  En  tout  cas,  il  vivait  sous 
la  XX^  dynastie,  et  son  ex-voto  nous  est  un  exemple  de  plus  de  la 
fidélité  avec  laquelle  les  Égyptiens  continuaient  à  rendre  un  culte  à  leurs 
princes  de  longs  siècles  après  la  mort. 

Plusieurs  des  fragments  retrouvés  au  cours  du  déblaiement  se  ratta- 
chent à  des  cultes  du  même  genre.  Ainsi,  sur  la  planche  v,  le  débris  de 
stèle  où  Ton  voit,  au  premier  registre,  le  personnage  Nofirsokhrou,  celui- 
là  peut-être  dont  le  tombeau  est  dans  le  voisinage,  agenouillé  devant  le-j 
serpent  de  la  déesse  Ranouit,  la  Dame  des  offrandes,  et  au  second  regis- 
tre la  femme  de  Nofirsokhrou  et  son  fils  Momnenou-hît  (Monkhiou  (?)  l\ 
hit)  rendant  hommage  à  deux  petits  serpents  au  moins.   Quelques-uns  -•[ 
de  ces  fragments  proviennent  certainement   d'autres  édifices,  comme 
celui  qui  est  reproduit  sur  la  même  planche  v,  et  qui  porte  les  restes  d'un 
jardin  funéraire  planté  de  doums  et  de  sycomores  :  au-dessous  on  lit  les 
restes  d'un  proscynèmeoùun  personnage,  dontlenoma  disparu, implo- 
rait Osiriset  Anubis  pour  le  compte  de  son  père  Jâhît,  attaché  à  la  per- 
sonne d'une  reine,  et  de  sa  mère.  Un  fragment,  qui,  lui,  appartient  cer- 
tainement à  la  chapelle  d'Ouazmos,  porte  le  nom  de  ce  prince,  mis  en 
rapport  avec  un  comte-nomarque  de  Thèbes,  inconnu  d'ailleurs,  et  qui 
semble  avoir  eu  pour  père  un  Nourricier  des  enfants  royaux  du  harem 

1.  Maspero,  Notes  sur  quelques  points  de  Grammaire  et  d'Histoire,  dans  le  Recueil 
t.  II,  p.  loS  sqq. 

2.  Maspero,  Rapport  sur  une  Mission  en  Italie  dans  le  Recueil,  t.   II,  p.  l'/b-il^' 


d'histoire    et    de    LITTéRATUKE  4  I  3 

du  Pharaon  Thoiiimos  P^  (pi.  vu).  Toutefois,  le  plus  intéressant  de  ces 
monuments,  celui  dont  la  mutilation  m'inspire  le  plus  de  regrets,  est 
une  stèle  en  calcaire  publiée  sur  la  planche  ii.  Les  morceaux  en  ont  été 
partie  ramassés  sur  place,  partie  achetés  à  Louqsor,  chez  un  marchand 
d'antiquités  :  quelques  débris  encore  inédits  sont  venus  depuis  1887 
s'ajouter  au  premier  fonds.  Le  tableau  du  cintre,  conservé  en  entier,  re- 
présente le  roi  Thoutmos  I""",  assis,  derrière  lequel  le  fils  de  Thoutmos  I^t", 
Ouazmos,  se  tient  debout.  Le  texte^  qui  comptait  bien  une  trentaine 
de  lignes  verticales  et  horizontales,  commence  derrière  Thoutmos  III 
par  une  date  de  l'an  XXI  de  ce  prince,  le  25  du  3^  mois  de  Pirit.  Un 
certain  Sonmosou,  Syrien  d'origine,  raconte  qu'il  vécut  au  service 
d'Ouazmos  (vivant  ?)  avec  sa  femme  Houzarou,  puis  au  service 
d'Ouazmos  mort,  en  qualité  de  khrihabi,  maître  des  cérémonies  dans 
le  culte  funéraire.  Lorsque  sa  femme  Houzarou  fut  vieille,  il  semble  qu'il 
se  maria  une  seconde  fois  et  que  cela  lui  occasionna  quelques  difficultés 
avec  ses  enfants  dont  les  noms  étaient  énumérés  à  la  ligne  3,  sa  fille 
Taari,  sa  fille  Silamon,  etc.  On  dirait  qu'il  y  eut  litige  au  sujet  de  l'héri- 
tage de  Houzarou,  et  que  l'un  des  fils  de  cette  femme  le  cita  en 
justice  pour  le  forcer  à  partager  ses  biens  avec  lui.  Au  cours  de 
ce  procès,  il  fut  accusé  de  s'être  approprié  les  objets  précieux  et  les  reve- 
nus de  la  tombe  d'Ouazmos  dont  il  avait  la  garde.  Un  des  lambeaux 
de  phrase  échappés  à  la  destruction  contient  le  récit  d'une  altercation 
entre  lui  ou  un  de  ses  fils  et  un  autre  personnage  où  celui-ci  lui  dit  : 
«  Je  ne  puis  rester  dans  une  même  ville  avec  toi  :  je  suis  nègre  et  tu  es 
Syrien  »,  phrase  curieuse,  car  elle  nous  montre  l'introduction  d'élé- 
ments étrangers  d'origine  diverse  dans  la  population  thébaine,  dès  les 
premiers  rois  de  la  XV 111'=  dynastie.  L'affaire,  portée  devant  le  nomar- 
que,  se  termina  à  l'avantage  de  Sonmos,  qui  fut  confirmé  dans  ses 
charges,  reçut  l'assurance  qu'elles  passeraient  à  ses  enfants,  et  consacra, 
dans  la  chapelle  de  son  maître  Ouazmos,  une  stèle  où  il  racontait  ses 
tribulations  et  sa  victoire.  Tout  cela  est  tellement  mutilé  que  je  n'oserais 
afiirmer  que  j'ai  bien  compris  la  suite  du  récit.  Une  étude  longue  et 
minutieuse  pourra  seule  nous  révéler  le  sens  certain  du  monument  L 
D'autres  objets  découverts  dans  la  chapelle  et  déposés  aujourd'hui  au 
musée  de  Boulaq,  n'ont  pas  été  publiés  dans  la  présente  livraison  :  des 
poids,  des  émaux  da  la  XVII 1°  dynastie,  cinq  ciseaux  en  bronze  au  nom 
de  Thoutmos  III  dci^ns  sa  maison  d'Occident  (son  temple  funéraire), 
enfin  une  statue  de  ^onmosou,  où  Torigine  syrienne  de  ce  personnage 
est  rappelée.  Tout  qela  fournira  à  M.  G.  la  matière  d'un  mémoire 
intéressant. 

La  campagne  de  1887  a  fourni  également  à  M.  G.  la  plupart  des 
monuments  qu'il  a  reproduits  sur  les  planches  xv-xx.  La  planche  n"  XV 
porte  deux  stèles,  l'une  de  Gournah,  où  deux  personnages  de  la  même 
famille,  leDomestique  d\imon,  Houi.  et  le  prêtre  suppléant  Smantoouï, 


I.  Un  des  petits  fragments  a  été  renversé  par  erreur  sur  la  planche  11. 


k 


414  REVUE    CRITIQUE 

adorent  les  deux  rois  Ahmos  I*''',  Amenhotpou  I'-''' et  la  reine  Ahmas- 
Nofritari.  La  seconde  stèle  a  été  trouvée  dans  le  temple  de  Louxor  et  a 
été  consacrée  sous  le  règne  de  César  Tibère.  Une  stèle  de  Gébéléïn  ^  est 
d'époque  impériale  comme  la  précédente  (pi.  xvi).  Le  corps  en  est 
encore  égyptien,  mais  de  travail  grossier  :  quant  à  Tinscription,  elle  est 
grecque  et  nous  donne  en  deux  lignes  le  nom  du  dédicateur  et  la  date 
de  Tan  XII  de  Trajan  Nsy^cuO'^?  HsTsapou'rjpiç  av£0'/;/,£v  ar/)Xr;V  laiBoç  0sa? 
(lig.  2)  [).f^\.c':T,qUc(.%p'ç.  LTb  TpatavouTOU  >^uptouTu[3t  ly-  Pathyrisou  Pi-Ha- 
thor  est  le  nom  égyptien  de  l'A  phroditéspolis  à  laquelle  le  village  de  Gé- 
béléïn a  succédé.  Les  deux  planches  xvii  et  xvni  nous  ramènent  à  trois 
mille  ans  et  plus  avant  Trajan.  La  stèle  de  la  planche  xvii,  qui  est  d'un 
travail  très  soigné  et  très  délicat,  est  sortie  de  la  nécropole  d'Akhmîm  ; 
l'inscription  en  est  un  extrait  de  la  formule  funéraire  d'Abydos  à  la  XP 
et  à  la  XII"  dynastie,  celle  qu^on  possède  complète  sur  la  stèle  G  3  du 
Louvre.  Elle  est  dédiée  au  sire  d'Akhmîm,  Chef  des  prophètes,  des 
animaux  sacrés,  des  servants  des  deux  sexes  (du  dieu  Minou),  Prince 
du  nom  Panopolite,  AntoiiJ]  né  de  la  dame  Bouton,  et  à  sa  femme  Didit, 
fille  de  la  dame  Didit.  Ils  sont  assis  sur  un  siège  à  deux  places,  devant  un 
monceau  d'offrandes  qne  leurs  enfants  leur  apportent.  Comme  la  plupart 
des  familles  égyptiennes,  celle  d'Antouf  était  nombreuse  :  elle  ne  comp- 
tait pas  moins  de  sept  enfants  encore  vivants  au  moment  de  la  mort 
du  père,  quatre  fils,  dont  l'aîné  Khomsitou(?)  était  général  des  troupes 
du  nome,  et  trois  filles.  Au  bas  du  monument,  un  boucher  découpe  une 
victime,  et  différents  domestiques  apportent  des  offrandes.  La  stèle  de  la 
planche  xvji,  prise  à  Gournah,  est  un  bon  spécimen  de  ce  qu'était  l'art 
thébain  sous  les  premiers  Antouf,  vers  la  IX*^  ou  X^  dynastie.  Elle  est 
travaillée  avec  une  minutie  qui  n'a  d'égale  que  la  maladresse  de  l'ou- 
vrier. Les  lignes  à  l'encre  qui  servent  à  carrer  les  signes  n'ont  pas  été 
effacées;  mais  le  ciseau  n'a  pas  été  aussi  habile  que  le  calame,  et  les  hiéro- 
glyphes sont  semés  assez  irrégulièrement  entre  les  lignes.  De  même,  les 
deux  figures  du  mort  et  de  sa  femme  ont  été  sculptées  sur  un  réseau  de 
lignes  à  l'encre  encore  visibles.  La  mise  au  carreau,  assez  large  pour  le 
buste  et  les  membres,  devient  d'une  finesse  extrême  pour  la  tête  :  le 
profil  est  divisé  perpendiculairement,  du  bas  de  la  coiffure  à  la  naissance 
du  cou,  en  huit  parties  égales.  Le  monument  est  des  plus  curieux  pour  ^ 
l'histoire  du  dessin  en  Egypte.  Le  mort  était  un  certain  Antouf,  fils  de 
Khouou,  dont  les  titres  ne  sont  pas  énumérés.  La  formule  présente  : 
quelques  particularités  intéressantes.  «  O  vivants  qui  êtes  encore  sur 
«  terre,  qui  aimez  la  vie  et  détestez  le  trépas,  quand  vous  passerez  en  ce 
«  tombeau,  comme  vous  voulez  aimer  la  vie  et  détester  le  trépas,  si  vous 
<i  m'offrez  de  ce  qui  est  avec  vous,  ce  sera  bien  ;  mais  si  vous  n'avez  rien 
«  avec  vous,  vous  n'aurez  qu'à  dire  de  votre  propre  bouche  :  «  Milliers 
«  de  pains ^  de  liquides,  de  gâteaux,  de  bœufs,  d'oies,  d'étoffes,  milliers 

I.   L'inscription   en  a  été  publiée   par  Darcssy   dans  le    Recueil   de  Travaux, 
t.  X,  p.  140. 


d'histoire  et  de  littérature  41 5 

«  de  toutes  choses  pures  au  double  du  féal  Anton/,  /ils  de  Khouou  ^.  » 
«  Car  j'ai  donné  du  pain  à  l'affamé,  des  vêtements  aux  nus,  et  j'ai 
«  traversé  ceux  qui  avaient  fait  naufrage,  sur  mon  propre  bateau,  moi- 
a  même.  J'ai  été,  moi,  le  chancelier  de  mon  maître,  son  favori  authenti- 
«  que,  son  ami  de  cœur,  j'allais  en  toutes  ses  places  secrètes,  et  je  ren- 
«  dais  compte  à  mon  maître  de  toutes  ses  affaires.  » 

Les  trois  monuments  portés  sur  la  planche  xx  sont  donnés  comme 
venant  de  Coptos.  Us  ont  été  achetés  à  des  indigènes  qui  ont  indiqué, 
comme  lieu  d'origine,  les  ruines  de  cette  ville,  et  cette  indication,  très 
probable  pour  la  tête  du  Pharaon  Ramsès  IV,  est  certaine  pour  le 
fragment  de  statue  au  nom  d'un  des  Ramsès  de  la  XX"  dynastie.  Le 
personnage  qu'elle  représentait  est  en  effet  un  certain  Amenemânit  qui 
est  Clief  des  prophètes  et  premier  prophète  delà  déesse  Isis,  la  maîtresse 
de  Coptos;  de  plus, les  débris  de  proscynème  donnent  au  Ramsès  qui  y 
était  nommé  l'épithète  aimé  de  Minoude  Coptos,  et  qualifient  les  dieux 
de  résidents  dans  Coptos.  Le  troisième  morceau  me  paraît  être  étranger 
à  cette  localité.  C'est  un  fragment  de  mosaïque  en  terre  et  en  pierre 
émaillées,  représentant  un  prisonnier  asiatique,  les  bras  liés  derrière  le 
dos.  La  planche,  qui  est  la  plus  mauvaise  peut-être  comme  exécution  de 
celles  de  Bœckmann,  est  malheureusement  très  floue  et  ne  permet  guère 
de  distinguer,  par  les  valeurs  relatives,  le  ton  des  divers  émaux.  Il  semble 
pourtant  qu'il  y  en  ait  d'au  moins  cinq  et  peut  être  de  six  couleurs 
différentes.  Le  faire  me  paraît  être  identique  à  celui  des  prisonniers 
analogues  que  possèdent  le  Louvre  et  le  Musée  de  Boulaq,  et  qui  pro- 
viennent de  Tell  ei-Yahoudîyéh  dans  le  Delta.  Le  fragment  publié 
par  M.  G.  n'a  que  o  m.  40  c.  environ  de  hauteur  :  des  monuments 
beaucoup  plus  considérables  que  celui-là  voyagent  d'un  bout  de  l'Egypte 
à  l'autre,  sur  les  bateaux  de  blé,  de  foin  ou  de  sucre.  J'ai  vu  souvent  un 
marchand  d'antiquités  indigène  m'offrira  Louqsor,  comme  trouvé  récem- 
ment dans  la  nécropole,  un  objet  qu'un  Bédouin  des  Pyramides  m'avait 
voulu  vendre  six  mois  auparavant  au  Caire,  comme  découvert  au 
Fayoum.  Coptos  est  un  nom  que  les  fellahs  de  la  Haute-Egypte  invo- 
quent, comme  ceux  de  la  Basse-Egypte,  le  Fayoum,  pour  toutes  les 
antiquités  dont  on  leur  demande  la  provenance.  Je  ne  doute  pas  que 
le  fragment  d'émail  de  M.  G.  n'ait  été  arraché ;\  la  décoration  murale  du 
temple  de  Ramsès  III  àTellel-Yahoudîyéh.  Le  très  beau  cercueil  en  bois 
de  la  planche  xix  n'est  pas,  lui,  d'origine  incertaine  :  il  a  été  déterré 
à  Ouardàn,  et  le  style  indique  immédiatement  le  voisinage  de  Memphis 
et  la  période  Saïte,  ou  plutôt  le  début  des  temps  ptolémaïques. 

J'ai  réservé  pour  la  fia  les  monuments  de  Memphis.  Ils  couvrent  les 
planches  vn-xiii,  et  sont  tous  sortis  des  ruines  du  grand  temple  de 
Phtah,  de  la  partie  située  près  du  Kom  Abou-Khanzîr.  Un  seul  est  de 
l'époque  thébaine,  un  morceau  de  bas  relief  sur  calcaire  (pi.  vu),  d'un 
style  fin  et  délicat,  comparable  à  ce  que  les  sculpteurs  de  l'Ancien  Em- 

I.  Le  graveur  a  répe'té  deux  fois  eu  cet  endroit  les  mots  Si  Antouf. 


4l6  REVUB    CRITIQUK 

pire  nous  ont  laisse  de  meilleur.  On  y  voit  au  centre  deux  formes  de 
Phtah  adosse'es,  et  devant  Phtah  Rîs-anbouf  maitre  d'Onktooui,  le  roi 
Amenhotpou  111  présenté  au  dieu  par  la  déesse  Sokhit  dont  le  corps  est 
détruit,  mais  dont  le  nom  est  conservé  :  une  autre  déesse,  probablement 
une  variante  de  Sokhit,  amenait  Amenhotpou  au  Phtah  de  gauche. 
La  figure  du  roi,  très  douce,  est  d'une  grâce  un  peu  mélancolique;  celle 
du  dieu  est  copiée  sur  celle  du  roi  et  présente  les  mêmes  traits,  mais 
moins  souriants.  Tous  les  autres  monuments  datent  de  TAncien  Empire, 
les  uns  de  la  I  V%  les  autres  de  la  V«  dynastie.  L'un,  d'eux  fruste  et  gros- 
sier (pi.  xiii),  représente  un  simple  particulier,  lourd,  trapu,  age- 
nouillé, l'échiné  tassée  sur  elle-même,  la  tête  pendant  en  avant  comme 
entraînée  sous  son  propre  poids,  les  mains  allongées  sur  les  genoux.  Les 
cinq  qui  se  succèdent  de  la  planche  vin  à  la  planche  xii  représentent 
des  Pharaons  Memphites,  et  forment  une  série  de  vieux  rois  Egyptiens, 
unique,  jusqu'à  présent  dans  tous  les  musées.  Elles  ont  été  découvertes 
au  mois  de  juillet  1 888,  dans  une  petite  chambre  du  temple,  avec  un  cer- 
tain nombre  de  pièces  intéressantes  :  elles  représentent  Khéphrên,  Menka 
ourî(Mycérinus),  Sahourî,  Ousirnirî,  Menkaouhor,  plus  un  roi  dont  le 
nom  n'a  pas  été  tracé,  et  un  vase  cordiforme  en  granit  noir  marbré  et  veiné 
de  blanc,  haut  de  o  m.  80,  d'un  travail  très  soigné  et  d'un  poli  remar- 
quable. Mycérinus  est  qualifié  aiiné  d'Hapi  sur  le  siège  de  sa  statue,  et 
cette  particularité  avait  un  moment  fait  espérer  à  M.  G.  la  découverte 
d'un  sanctuaire  consacré  aux  Apis  de  l'Ancien  Empire.  Cette  épithète 
s'explique  très  naturellement  si  l'on  se  souvient  que  l'Hapi  habitait,  de 
son  vivant,  une  partie  du  temple  de  Phtah  à  Memphis;  un  roi  d'Egypte 
dédiant  une  statue  de  lui  dans  cette  partie,  avait  le  droit  de  s'intituler 
aimé  d'Hapi^  comme  il  se  serait  intitulé  aimé  de  Phtah  ou  aimé  de  So- 
khit dans  les  parties  où  l'on  adorait  plus  spécialement  Phtah  et  Sokhit. 
Peut-être  la  place  où  Ton  a  déterré  les  statues  de  Boulaq  marque-t-elle 
le  site  où  il  faudrait  fouiller  pour  mettre  au  jour  les  restes  de  la  cha- 
pelle des  Apis  vivants,  de  leur  étable  et  des  logis  occupés  par  leurs  prê- 
tres. 

La  plus  belle  de  ces  statues  est  celle  de  Khéphrên,  en  un  albâtre 
blanc  très  fin,  sonore  comme  le  cristal,  très  semblable  à  Talbâti  e  de  la 
carrière  découverte  au-delà  de  Tourah  parle  D^  Schvveinfurth.  Le  type 
de  la  figure  est,  autant  qu'on  peut  en  juger  (pi.  vui),  identique  à  celui 
des  statues  découvertes  jadis  par  Mariette  dans  le  temple  du  Sphinx  :  ce 
qui  achèverait  de  prouver,  s'il  en  était  besoin  encore,  que  les  statues 
égyptiennes  sont  des  portraits  réels.  Il  semble,  —  mais  je  n'en  saurais 
répondre,  car  cette  planche  est  une  de  celles  qui  ont  été  le  plus  gâtées 
par  les  retouches,  —  que  la  facture  en  est  inférieure  à  celle  des  Khé- 
phrên de  Mariette.  Le  modelé  en  est  plus  mou  et  l'expression  plus 
banale  :  ce  n'en  est  pas  moins  un  bon  morceau  de  sculpture  et  qu'un 
musée  européen  s'estimerait  heureux  de  posséder.  La  statue  anonyme 
(pi.  XII)  est  celle  qui  approche  le  plus  du  Chéphrên  pour  le  fini  de  l'exé- 


d'histoire    et    de    LITTERATURE  4I7 

cution.  Elle  est  en  albâtre,  et  le  type  en  est  presque  celui  de  Khéphrên, 
mais  plus  ferme.  On  dirait,  —  mais  ici  encore  l'indiscrétion  des  retou- 
ches m'empêche  de  rien  affirmer,  —  qu'elle  sort  du  même  atelier  que  la 
précédente.  J'inclinerais  assez  à  croire  qu'elle  représente  Khéops.   Le 
Mycérinus  (pi.  ix)  est  en  dioiite,  et  ceux  qui  Ton  vu  en  original  affir- 
ment qu'elle  est  assez  bonne.  La  planche  lui  donne  l'apparence  d'une 
figurine  en  sucre,  qu'on  aurait  trempée  dans  l'eau  de  manière  à  en  fon- 
dre Tépiderme,  puis  qu'on  aurait  glacée  de  caramel  par  longues  trainées 
noirâtres.  Autant  que  j'en  puis  juger,  la  facture  en  est  molle  et  banale. 
Je  préfère  pour  mon  compte  POusirniri  de  granit  rose  (pi.  x)  un  peu 
fruste,   mais  d'un  contour  précis  et  d'une  expression   énergique,   mal 
rendue  sur  la  planche.  Menkaouhor  (pi.  xi)  est  en  albâtre,  et  a  souffert 
plus  que  ses  confrères  en  royauté  et  du  temps  et  des  retouches  au  pin- 
ceau. Il  s'était  fait  représenter  en  Osiris ,  avec  le  bonnet   blanc  de  la 
royauté,  les  mains  croisées  sur  la  poitrine  et  tenant  la  houlette  et  le 
fouet  :  sa  tunique  est  très  courte  et  ne  lui  descend  pas  jusqu'aux  genoux. 
On  comprendra  par  cette  courte  analyse  l'intérêt  que  présente  la  pre- 
mière livraison  du  recueil  publié  par  M.  Grébaut.  Je  dois  ajouter,  pour 
rendre  justice  à  qui  de  droit,  que  les  frais  en  sont  payés  par  le  gouver- 
nement égyptien.  Une  somme  une  fois  donnée  permettra  d'établir  les 
deux  ou  trois  premières  livraisons,  et  le  produit  de  la  vente  servira  à 
payer  les  livraisons  suivantes.  Les  savants  et  les  amateurs  d'antiquités 
égyptiennes  tiennent  donc  dans  leuis  mains  les  destinées  du  nouveau 
recueil  :  il  vivra  ou  mourra  selon  qu'ils  consentiront  ou  non  à  l'acheter. 
Je  pense  que  M.  G.,  instruit  par  l'expérience  de  cette  première  livrai- 
son, exigera  d&s  phototypistes  qu'il  emploie,  plus  de  goût,  plus  de  soin, 
une  retouche  plus  sobre,  un  tirage  moins  grossier,  l'emploi  d'une  encre 
moins  terne  et  d'aspect  moins  lugubre.  Ce  qu'il  fait  est  si  utile,  le  choix 
des  objets  reproduits  si  judicieux  et  si  ingénieux,  que  je  voudrais  voir  le 
succès  couronner  ses  efforts.  Sans  doute  ses  planches,  telles  qu'elles 
sont,  auraient  paru  fort  suffisantes  il  y  a  trente  ans,  à  une  époque  où 
l'on  n'était  pas  très  difficile.  Aujourd'hui,  les  procédés  de  reproduction 
mécaniques  sont  tellement  perfectionnés  et  les  imprimeurs  d'art  nous 
ont  si  bien  habitués  à  nous  donner  des  reproductions  presque  parfaites  à 
bon  marché,  que  nous  ne  souffrons  plus  la  médiocrité.  Si  le  Musée 
égyptien  était  un  recueil  d'épigraphie  destiné  aux  seuls  Egyptologues, 
serait  très  suffisante;  du  moment  que  M.  G.  s'adresse  aux  archéologues 
et  veut  leur   donner  des  reproductions  des   œuvres  de  l'art  égyptien, 
l'exécution  ne  suffit  plus.  Je   résumerai  mon  sentiment  en  deux  mots. 
Dans  cette  première   livraison,  M.  Grébaut  a  été   trahi  par  son  col- 
laborateur de  Calsruhe  :  sa  part  du  travail,  choix  des  monuments, 
agencement  des  planches,  etc.,  est  excellente.  Si  l'on  songe  de  plus  que 
tous  les  objets  reproduits  ont  été  par  lui  découverts,  on  reconnaîtra  qu'il 
a  bien  mérité  de  la  science,  et  on  souhaitera  longue  vie  à  son  Musée 
Egyptien . 

G.  Maspero. 


4t8  RKVUK    CRIKQUK 

536.  —  I.  Max  Hermann  Jellinek.  liic  Sage  x'on  Hei*o  untl  Leantler  In  dei- 

Diclitung.  Berlin,  Speyer  et  Peters,   ibgo.  In-8,   iv-92  p. 

537.  —  2.  0jOa(ru6oy/ou  K.  X  «  t  Ç  v;  a  p  âîT /)  SiSâxTopoç  Tyji  <j>i),oXoyi«ç,  tC'iv  y.c.O'  "Hpw  xai 
Aixvopov  Mojsxiou  rov  ■/pay.^u.xri/.oîj  //.srxtj'pxcii  'éfjLf/.irpoç  ih  t*iv  xxOxpsùojaav  /j.s-rx  zoù 
x-iij.iyoj,  itpolo-/o\)  y.oà  ûno^uvvi/j.i.Totv.  'Ev  'AO-/;vatç,  ex  toO  Tunoy px'jiziou  twv  xaTX5Tr///KTWv 
'AvsîT'/î  KwvsTayTtviJou.    l8gO.   In- 12,  48  p, 

1.  L'histoire  de  la  légende  d^Héroet  Léandrea  déjà  été  traitée  en  i858 
par  Fr.  Meyer  de  Waldeck  et  en  i863  par  M.  Ristelhuber;  M.  Jellinek 
a  repris  le  même  sujet  avec  plus  de  développements.  II  a  successivement 
étudié  les  deux  versions  antiques,  celle  d'Ovide  et  celle  de  Musée;  un 
poème  allemand  attribué  à  Bligger  von  Steinach;  le  poème  hollandais 
de  Dirk  Potter  (1409);  celui  de  Hans  Sachs;  les  compositions  de  la 
Renaissance  et  de  l'époque  moderne  jusqu^à  Schiller;  enfin,  les  opéras 
et  les  drames.  Un  des  chapitres  les  plus  curieux  concerne  laLeandreis  de 
Gaspar  Barth,  poème  en  mille  sept  cent  un  hexamètres,  publié  en  16 12, 
mais  qui  date  de  la  première  jeunesse  de  cet  érudit.  Dans  cette  imitation 
de  Musée,  comme  dans  celle  de  Marlowe  et  d'autres,  la  partie  erotique 
du  récit  est  développée  avec  une  insistance  qui  contraste  avec  la  chasteté 
du  poète  byzantin.  M.  J.  a  montré  que  la  ballade  de  Schiller  n'est  fondée 
directement  ni  sur  Musée,  ni  sur  Ovide,  mais  sur  un  article  de  l'Ency- 
clopédie de  Krûnitz,  ouvrage  que  Schiller  a  également  consulté  pour  le 
Chant  de  la  Cloche;  c'est  là  un  détail  d'histoire  littéraire  qui  a  son 
intérêt. 

Dans  la  liste  des  poètes  que  G.  Barth  a  imités,  M.  J.  oublie  Glaudien  ; 
Barth,  qui  devait  publier  une  savante  édition  de  Glaudien  en  1612,  a 
certainement  eu  présent  à  Tesprit  VEpithalame  d'Honoriiis  et  de  Marie 
dans  le  passage  que  cite  M.  Jellinek  à  la  p.  3o.  L'auteur  transcrit  (p.  49) 
la  traduction  donnée  par  La  Harpe  de  l'épigrainme  de  Martial,  mais  il 
ignore  celle  de  Voltaire,  qui  est  beaucoup  plus  jolie.  Je  ne  vois  pas  non 
plus  qu'il  ait  connu  la  spirituelle  parodie  de  Scarron  ni  le  poème  en 
quatre  chants  de  Denne-Baron,  publié  à  Paris  en  1806.  En  somme,  son 
travail  est  celui  d'un  amateur  instruit,  qui  n'épuise  pas  le  sujet,  mais  ne 
se  lit  ni  sans  fruit,  ni  sans  agrément. 

2.  La  première  traduction  de  Musée  en  grec  moderne,  avec  le  texte 
original  en  regard,  est  dédiée  par  M.  Thrasybule  Ghatziarapis  aux  navi- 
gateurs de  la  Grèce,  loXc,  vaûxatç  tt/ç  'EXXocSoç;  pourquoi  pas  aux  nageurs, 
vf/ATaiç,  ou  aux  amoureux,  puisqu'aussi  bien,  dans  ce  petit  poème,  il  est 
moins  question  de  navigation  que  de  natation  et  d'amour?  L'introduc- 
tion de  l'éditeur,  sans  rien  apporter  de  neuf,  est  sobre  et  sensée; 
on  regrette  qu'elle  se  termine  par  des  indications  bibliographiques 
prises  au  hasard  dans  quelque  vieux  livre.  La  constitution  du  texte 
prouve  d'ailleurs  que  M.  Gh.  n'est  pas  bien  au  courant  des  travaux 
modernes  sur  Musée,  car  il  a  laissé  subsister  des  leçons  impossibles 
qui  ont  été  écartées  dès  1874  par  Dilthey.  Il  m'est  difficile  d'apprécier 
le  mérite  de  sa  traduction  :  en  voici  un  spécimen  : 


d'histoire  et  de  littérature  41g 

Musée,  V.  3o-3i. 

'Hpw  [jhi  yapUaay.^  o'.OTpsçèç  (xi[J.a  XixyouGCf., 

KÔTïpicoç  fjV  Upsia. 

Traduction  : 

BaaiXty.bv  elq  xàç  çXéêaç  'Hpw  •?]  y^ci.pieaacf.  oiX^xa  e/ouu'  lépcia  '?iTO  ty;?  KÙTCpiBoç. 

Cet  exemple  montre  le  danger  des  paraphrases  explicatives,  car  si 
oioTpeç-Zjçest  une  épithète  des  rois  dans  Homère,  ce  mot,  employé  comme 
épithète  d'af[xa,  ne  me  paraît  pas  devoir  être  rendu  par  [iaai>ax6v. 

Salomon   Reinach. 


538.  —  IVotice  (stui-  un  manuscrit  de  ^.  Jean  Chi-ysostome  utilisé  par 
Erasme  et  conservé  à  la  bibliothèque  royale  de  Stockholm,  par  Joannes  Paulson. 
Lund,  Hjalmar  Mœller,  [1890],  63  pp.  in-8. 

Le  nouveau  travail  de  M.  Paulson  porte  sur  Thistoire  du  ms,  de 
Stockholm  qu'il  a  étudié  et  décrit  dans  le  deuxième  fascicule  de  ses 
Symbolae  ad  Clirjysostomiim  ^  Une  comparaison  minutieuse  permet  de 
reconnaître  dans  ce  ms.  celui  qui  a  servi  à  Érasme  pour  sa  traduction 
parue,  en  i533,  chez  Froben  :  Aliquot  homiliae Diui  loannis  Chrysos- 
tomi...^  mine  prinnim  iiersae  et  editae,  per  Erasmiim  Roterodamum. 
Erasme  avait  dû  se  le  procurer  auprès  de  son  ami,  le  médecin  Théobal- 
dus  Fettichius.  C'est  sur  ce  même  ms.,  que  Gelenius  a  traduit  neuf 
homélies  nouvelles,  publiées  en  1547  dans  le  recueil  des  œuvres  de 
Chrysostôme  donné  par  ce  savant.  Dans  l'édition  publiée  par  Savile,  en 
161 2,  il  est  fait  mention  d'un  codex  Gabrielis  (Gabriel  Seuerus,  arche- 
vêque de  Philadelphie).  Ce  codex,  s'il  s'agit  là  d'un  ms.  unique,  conte- 
nait, outre  d'autres  parties,  une  copie  du  ms.  de  Stockholm  déjà  mutilé, 
mais  plus  entier  que  maintenant.  Tels  sont  les  résultats  des  recherches 
de  M.  Paulson.  C'est  un  fragment  intéressant  de  l'histoire  des  études 
patrologiques  au  xvi*^  siècle.  Nous  devons  être  particulièrement  recon- 
naissants à  l'auteur  d'avoir  choisi  notre  langue  pour  l'écrire. 

P. -A,  L. 


539.  —  Documenta  tle  S.  Patrîcîo  HIliernoi*um  ai>ustolo  ex  libre  Arma- 
chano  edidit  E.  Hogan  S.  J.,  M.  R.  1.  A.,  Exam.  R.  U.  I.  -,  in  Universitate  Catho- 
lica  Dublinensi  liiigUcX  hibernicae  et  historiae  lector.  Pars  Secunda  :  Liber  angueli  ; 
Confessio  S.  Patricii  ;  Glossae;  index  et  glossarium  hibernicum.  Bruxellis,  typis 
PoUeunis  et  Ceuterick,  1889,  in-octavo  s. 

1.  Cf.  Rev.  cvit.  1890,  11,  63. 

2.  Membre  de  la  Royal  Irish  Academy,  examinateur  de  la  Royal  University  of 
Ireland. 

3.  Ce  litre  est  sur  une  couverture  en  papier  de  couleur  qui  enveloppe  les  pa- 
ges 1 17-204  d'un  volume  dont  la  première  partie  a  paru  en  1884  sous  le  titre  que 
voici  :  Vila  sancti  Patricii,  Hibeinovum  apostoli,  aiiclore  Miiirchu  Maccumach- 
theni,  et  Tirechani  collectanea  de  S.  Patricia.  Nunc  primtim  intégra  ex  Libro  Ar- 


420  REVUE    CRITIQUE 

1)^0.  —  Aiieocloin  Oxonieiisîa.  [Jves  of  Saints  from  the  Book  of  Lismore, 
edited  with  a  translation,  notes,  and  indices  by  Whitley  Stokes,  Oxford,  at  the 
Clarendon  Press,  1890,  in-8,  cxx-411  pages. 

5^.1.  —  i&oynl  Irisli  Acacleiny.  Irish  manuscript  Séries.  Vol.  11,  part  1.  —  Trî 
bior-ghaoiihe  an  bhâis  [The  three  Shafts  of  death]  of  Rev.  GeolTrey  Keating.  The 
irish  text,  edited  with  glossary  and  appendix  by  Robert  Atkinson,  M.  A.,  LL.  D., 
Professer  of  Sanscrit  ad  Comparative  Philology  in  the  University  of  Dublin. 
London,  Williams  and  Norgate,  1890,  in-S,  iv-462-xxxti  pages. 

542.  —  CUrestoniutUie  bi-otonne  (Armoricain,  Gallois,  comique),  F^  partie, 
par  J.  LoTH,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Rennes.  Paris,  Bouillon,  1890, 
in-8,  v(-528  pages. 

543.  —  Sonîou  lïi-eiz-lzel.  Chansons  populaires  de  la  Basse-Bretagne,  recueillies 
et  traduites  par  F.  M.  Luzel,  avec  la  collaboration  de  A.  Le  Braz,  t.  I,  Paris,  E. 
Bouillon,  1890,  in-8,  xliu-333  pages. 

I 

Le  P.  Hogan  a  commencé,  en  1881-1882,  dans  les  Analecta  Bol- 
landiana^  la  première  édition  complète  des  récits  et  notes  historiques 
concernant  saint  Patrice  contenus  dans  le  célèbre  manuscrit  irlandais 
qui  est  connu  sous  le  nom  de  livre  d'Armagh.  On  sait  qu'on  appelle 
ainsi  ce  ms.  parce  qu'il  a  été  écrit  pour  la  cathédrale  d'Armagh  au 
ix*^  siècle,  et  qu'il  a  appartenu  à  cette  cathédrale  pendant  les  siècles  sui- 
vants, avant  les  pérégrinations  qui  l'ont  finalement  conduit  sur  les 
rayons  hospitaliers  de  la  Bibliothèque  de  Trinity  Collège,  à  Dublin. 
L'édition  du  P.  H.  a  entre  autres  mérites  celui  de  combler,  à  l'aide 
du  ms.  64  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles,  xi^  siècle,  les 
lacunes  du  Livre  d'Armagh. 

La  première  partie  de  cette  publication  a  rendu  de  grands  services 
et  en  rendra  encore,  quoique  les  notes  linguistiques  qui  l'accompagnent 
puissent  être  quelquefois  l'objet  de  critiques.  Il  est  commode  pour  les 
historiens  d'y  trouver  à  leur  place  les  chapitres  fournis  par  le  ms.  de 
Bruxelles  que  M.  Whitley  Stokes,  dans  son  édition  de  la  Vie  Tripar- 
tite^  a  cru  devoir  renvoyer  à  la  fin,  parce  que  le  ms.  de  Bruxelles  est 
plus  récent  que  celui  d'Armagh  et  a,  par  conséquent,  un  intérêt  gram- 
matical bien  moindre. 

Le  P.  H.,  qui  en  1881-1882  était  un  débutant  dans  les  études  celtiques, 
s'est  depuis  placé  par  ses  travaux  à  un  rang  très  élevé;  et,  en  donnant 
dans  sa  seconde  partie,  1889,  une  édition  des  gloses  irlandaises  du  Livre 
d'Armagh  avec  un  glossaire  des  mots  irlandais  contenus  dans  les  deux 
parties  de  son  livre,  il  a  produit  une  œuvre  d'une  grande  utilité  gram- 
maticale. 

Depuis  l'époque  où  le   P.   H.  a  fait  paraître   cette  seconde  partie, 

machano  ope  codicis  Bruxellensis  edidit  R.  P.  Edmundtis  Hogan,  S.  J.,  ope- 
ram  conferentibus  PP.  Bollandianis  (Excerptum  ex  analectis  BoUandianis). 
Bruxellis,  typis  Polleunis  et  Ceuterick  et  Lefebure,  1882  [sic,  telle  est  la  date  impri- 
mée sur  le  titre;  on  lit  1884  sur  la  couverture).  La  première  partie  est  un  tirage  à 
part  des  Analecta  Bollandiana,  mais  la  seconde  partie,  1889,  n'a  pas  été  insérée 
dans  ce   recueil. 


d'histoire  et  de  littérature  421 

M.  Whitley  Stokes  a  inséré  dans  la  Zeitschrift  de  Kuhn,  t.  XXXI, 
p.  236-245  (1890)  une  autre  édition  des  gloses  du  Livre  d'Armagh 
avec  commentaire.  Ce  commentaire  contient  un  certain  nombre  d'ad- 
ditions utiles  au  glossaire  du  P.  H.;  ainsi,  il  mentionne  les  mots 
gallois,  comiques,  bretons  correspondant  aux  mots  irlandais  conservés 
par  les  gloses  du  Livre  d'Armagh  ;  il  donne  d'excellentes  étymologies, 
exemple  :  cuimte  (eunuchus)  ==■  com-bentios  de  benim  «  je  coupe  »  ; 
il  indique  aussi  quelques  formes  des  mots  irlandais  du  Livre  d'Armagh 
qui  se  trouvent  dans  le  ms.  irlandais  de  Milan  et  qui  avaient  échappé 
au  P.  H.  ;  mais  les  critiques  proprement  dites  sont  en  très  petit 
nombre.  En  voici  que  l'on  considérera,  pensons-nous,  comme  tout  à 
fait  fondées  : 

Au  lieu  àtfusirim  (paro,  f°  lyy^  et  non  pareo]  UsQz/u-firim;  com- 
parez/o-m-fir/ider-sa,  Ml.  33^  10. 

Le  P.  H.  avait  publié  exactement  la  glose  :  «  et,  vel  indeb,  vel 
iarfichid  »,  sur  le  mot  adquaesitio  (Actes  des  Apôtres,  XIX,  25),  f«  i83*, 
mais  dans  son  glossaire  il  a  oublié  et  :  M.  Whitley  Stokes  explique  et  en 
le  corrigeant  en  et  qui  est  le  substantif  d^où  vient  le  verbe  dénominatif 
êtaim  «  j'acquiers  ». 

Au  bas  de  la  glose  niputhuc  conidar  fus,  f"  jy"'^  commentée  par  le 
P.  H.,  M.  W.  S,  a  mis  en  note  :  This  gloss  is  quite  obscure  to  me  : 
cette  observation  sera  probablement  faite  par  d'autres  celtistes. 

Parmi  les  points  sur  lesquels  M.  W.  S.  propose  une  autre  doctrine 
que  le  P.  H.,  il  y  en  a  sur  lesquels  l'opinion  du  savant  jésuite  sera 
peut-être  préférée:  ainsi  gabis  ailli,  f»  77*,  signifierait  suivant  M.  W.  S. 
dedil  laudem,  mais  d'après  le  P.  H.  —  qui  donne  probablement  à  tort 
pour  gabis  la  leçon  gabais  —  on  doit  traduire  «  il  récita  une  prière  ».  Il 
s'agit  ici  de  la  bénédiction  donnée  par  J.-C.  aux  cinq  pains  et  aux 
douze  poissons  (St-Luc,  IX,  16).  M.  W.  S.  explique  l'irlandais  gabis 
par  le  verbe  allemand  geben  dont  le  sens  est  différent. 

Sur  les  mots  ciisin  n-uasal-fich,  glosant  ad  ariopagum  fActes,  XVI 1, 
19),  f«  182»,  le  P.  H.  a  fait  une  singulière  faute  d'impression,  il  a  écrit 
cusinjîch  sal  nua  ;  mais  il  propose  pour  uasalfich  une  explication  fort 
ingénieuse.  Uasal  fich  est  une  traduction  savante  irlandaise  dMr/o- 
pagus  pour  Areopagiis,  c'est-à-dire  quejîcli=vicits a.  été  employé  pour 
rendre  pagiis ;  de  plus  on  a  cru,  pensons-nous,  que  ario  était  identique 
à  l'irlandais  aire  u  primas  »,  et  on  a  en  conséquence  rendu  ario~  par 
uasal  a  noble  »;  iiasal-Jîch  veut  dire  «  noble  bourg  »,  on  a  admis  en 
Irlande  au  ix^  siècle  que  tel  était  le  sens  à'areopagus.  Puis  de  uasal- 
fich on  a  tiré  uasal-fichire  «  noble  bourgeois  »,  mot  par  lequel  on  a 
prétendu  traduire  le  latin  biblique  areopagita  (Actes,  XVII,  34). 
Cette  explication  peut  sembler  plus  probable  que  celle  de  M.  W.  S.  qui 
croit  reconnaître  dans  Jichire  un  dérivé  de  la  racine  veq  «  parler  w. 
Uasal-fichire,  qui  glose  comme  nous  venons  de  le  dire  areopagita, 
voudrait  dire  dans  ce  système  «  noble  orateur  »,  On  ne  voit  pas  le  mo- 


422  REVUE   CRITIQUE 

tif  pour  lequel  les  savants  irlandais  du  ix*^  siècle  auraient  imaginé  cette 
traduction  ài'areopagita. 

A  ces  observations  suggérées  par  le  mémoire  de  M.  W.  S.  j'en  ajou- 
terai deux  qui  me  sont  personnelles  :  le  P.  H.  a  sur  le  moi  Brito- 
nes  une  lacune  ;  il  n'a  pas  noté  dans  son  glossaire,  p.  i56,  les  quatre 
exemples  où,  dans  le  Livre  d'Armagh,  ce  mot  est  écrit  avec  deux  t  : 
Britionibus,  Brittonum,  Britto,  p.  g2  ',  Brittonibus,  p.  g3,cf.  Britton- 
nica,  Brittonissa^  p.  92.  Ce  double  t  est  nécessaire  pour  expliquer  la 
dentale  t  de  Pirlandais  Bretan,  et  le  ^  du  breton  Brei:{,   bre:{onek. 

Disons  aussi  que  dans  le  glossaire,  p.  179,  iannafoistis  contient  une 
faute  d'impression;  lisez  iannifoistis  pav  un  i  au  lieu  d'un  a. 

Les  meilleurs  glossaires  seront  toujours  Tobjet  de  quelques  critiques. 

II 

Le  Livre  de  Lismore,  d'après  lequel  M.  W.  S.  a  publié,  traduit  et  com- 
menté un  recueil  de  neuf  vies  de  saints,  est  un  des  rares  manuscrits  irlan- 
dais en  parchemin  qui  aujourdMiui  ne  sont  pas  conservés  dans  un  éta- 
blissement public.  Il  appartient  au  duc  de  Devonshire  et  se  trouve  dans 
la  bibliothèque  de  son  château  de  Lismore.  C'était  un  des  mss.  irlandais 
les  plus  mal  connus,  bien  qu'il  en  existe  à  la  Bibliothèque  de  l'Acadé- 
mie royale  d'Irlande  deux  copies,  l'une  par  O'Curry,  l'autre  par  O'Lon- 
gan  ;  mais,  si  je  me  rappelle  bien,  elles  ne  sont  complètes  ni  Pune  ni 
l'autre  :  à  l'époque  où  a  été  faite  l'une  d'elles  au  moins,  le  ms.  se 
trouvait  dérelié  et  plusieurs  cahiers  étaient  absents,  de  là  dans  celte  co- 
pie des  lacunes  et  une  confusion  que  je  n'ai  pu  débrouiller,  comme 
l'a  fort  bien  vu  M.  Zimmicr,  et  il  m'a  plaisanté  là-dessus  avec  cette  iro- 
nie légère  qu'il  manie  si  bien  ! 

M.  W.  S  commence  par  une  description  du  ms.,  qui  a  cent  quatre- 
vingt-dix-sept  feuillets.  Cette  description,  très  détaillée  (p.  i-XLivj, 
indique  les  autres  mss.  qui  contiennent  les  morceaux  copiés  dans 
le  Livre  de  Lismore,  donne  le  texte  de  quelques  courtes  pièces, 
mentionne  les  éditions;  elle  peut  être  considérée  comme  un  mo- 
dèle. 'Vient  ensuite  une  étude  sur  la  langue  des  vies  de  saints  con- 
tenues dans  ce  ms.  M.  W.  S.  y  a  consacré  cinquante-six  pages  (xlv-xc) 
où  les  moindres  nuances  phonétiques  ou  morphologiques  sont  re- 
levées avec  grand  soin.  La  langue  du  Livre  de  Lismore  est  mélan- 
gée d'irlandais  ancien  et  d'irlandais  moyen;  les  formes  anciennes 
remontent  aux  auteurs,  les  formes  moyennes  peuvent  être  dues  ex- 
clusivement aux  copistes,  ou  s'être  déjà  trouvées  comme  les  formes  an- 
ciennes sous  la  plume  des  auteurs.  Il  serait  fort  à  désirer  qu'un  savant 
compétent  comme  M.  W.  S.,  fît  un  travail  de  ce  genre  sur  des  textes  à 
date  certaine,  par  exemple  sur  deux  fragments  de  chronique,  l'un 
racontant  des  événements  du  xve  siècle  et  dont  on  aurait  un  ms.  du 
xve  siècle,  l'autre  racontant  des  événements  du  xii^  siècle  et  dont  on 
aurait  un  ms.  duxii^  siècle  ;  on  pourrait,  par  la  comparaison,  se  faire  une 


1 


d'histoirk  kt  de  littérature  423 

idée  nette  de  l'histoire  de  la  langue  irlandaise,  histoire  peu  précise 
quand  on  est  réduit  à  la  tirer  de  documents  hybrides,  écrits  originaire- 
ment à  une  date  inconnue,  et  probablement  profondément  altérés  depuis 
par  les  copistes  :  les  copistes  qui  nous  ont  conservé  les  textes  irlandais  se 
permettaient,  pour  les  rajeunir  ou  les  éclaircir,  des  libertés  que  n'ont 
jamais  osé  prendre  les  copistes  aux  labeurs  desquels  nous  devons  les 
textes  grecs  et  latins  de  l'antiquité  classique. 

Un  troisième  mémoire,  p.  xci-cxx,  a  pour  objet  de  nous  faire  connaî- 
tre ce  que  les  vies  de  saints  du  livre  de  Lismore  peuvent  nous  appren- 
dre sur  l'état  de  la  société  irlandaise  à  l'époque  où  ces  vies  ont  été  com- 
posées. Ce  mémoire  a  les  même  qualités  que  le  précédent  :  l'abondance 
énorme  des  matériaux,  la  méthode  qui  a  présidé  à  leur  classement  et  la 
précision  des  renvois  atiesicat  une  fois  de  plus  chez  l'auteur  une  mer- 
veilleuse faculté  de  travail  jointe  à  une  grande  rectitude  de  jugement. 
Cette  analyse  des  faits  si  variés  que  mentionnent  les  vies  de  saints  du 
livre  de  Lismore  sera  fort  utile  aux  historiens;  mais  malheureusement 
nous  ignorons  la  date  à  laquelle  ont  été  rédigées  ces  vies  de  saints; 
nous  ne  savons  donc  à  quelle  date  rapporter  les  faits  si  nombreux  et  si 
intéressants  que  M.  W.  S.  y  a  recueillis.  La  vie  de  saint  Columba  par 
Adamnan,  celle  de  saint  Patrice  par  Muirchu,  les  notes  de  Tirechan, 
nous  font  connaître  ce  qu'était  la  société  irlandaise  pendant  la  seconde 
moitié  du  vii«  siècle  où  écrivaient  les  auteurs  de  ces  trois  ouvrages;  dans 
les  œuvres  authentiques  de  saint  Patrice  nous  apprenons  ce  qu'était  la 
même  société  au  v°  siècle  où  vivait  saint  Patrice.  De  quel  siècle  est  la 
société  irlandaise  dépeinte  dans  les  vies  des  saints  du  livre  de  Lismore? 
Nous  n'en  savons  rien.  Or  la  société  irlandaise  n'est  pas  restée  immobile. 
Pour  s'en  assurer  il  suffit  de  comparer  le  texte  du  Senchus  Môr  avec  sa 
glose  qui  souvent  crée  une  jurisprudence  nouvelle  très  différente  de  la 
doctrine  du  vieux  traité  de  droit. 

Après  ces  mémoires  de  M.  W.  S.  vient  le  texte  irlandais  des  vies, 
p.  1-146;  on  en  trouve  ensuite  la  traduction  anglaise,  p.  149-289.  La 
traduction  n'est  donc  point  placée  en  regard  du  texte,  mais  les  lignes  du 
texte  sont  numérotées  et  chaque  alinéa  de  la  traduction  est  précédé  du 
numéro  de  la  ligne  du  texte  auquel  répond  le  commencement  de  cet 
alinéa.  Ce  qui  intéressera  peut-être  le  plus  le  lecteur  français  est  la  vie  de 
saint  Brendan,  p.  99-1 16  et  p.  247-261. 

Des  notes  sur  ces  vies  occupent  les  pages  293-36 r.  On  trouvera  les 
notes  sur  la  vie  de  saint  Brendan  aux  p.  349-354.  M.  W.  S.  y  indique 
les  divers  mss.  irlandais  de  cette  vie  et  cite  en  outre  plusieurs  documents 
intéressants  :  nous  donnerons  comme  exemple,  p.  35  2,  le  texte  du 
chapitre  :  De  caelebratione  missae  in  die  paschae  super  caetum  dans  la 
vie  de  saint  Maclou  par  Bili,  d'après  un  ms.  du  Musée  Biitannique, 
Bibl.  Reg.  i3  A.  X,  qui  date  du  x*"  siècle.  C'est  le  ms.  dont  a  fait  usage 
D.  Plaine,  et  le  passage  correspondant  se  rencontre  à  la  page  52  des 
Deux  vies  inédites  de  saint  Malo,  Rennes,  1884.  En  comparant  celte 


424  REVUE    CRITIQUE 

édition  avec  celle  de  M.  W.  S.,  on  voit  que  dès  la  première  ligne 
D.  Plaine  a  fait  deux  fautes  de  copie  :  vcniente  vento,  pour  vefito  ve- 
niente  et  navem  pour  navim;  à  la  seconde  ligne  il  a  écrit  diei  pour 
die,  etc. 

Le  volume  dont  nous  rendons  compte  se  termine  par  plusieurs  index 
dont  le  plus  intéressant  est  celui  des  mots  irlandais.  Je  soumettrai,  au 
sujet  de  cet  index,  une  critique  au  savant  auteur.  On  sait  qu'en  vieil 
irlandais  quand  un  verbe  est  composé,  on  peut,  suivant  des  circonstan- 
ces que  la  grammaire  détermine,  séparer  du  verbe  le  premier  terme,  ou 
en  faire  un  des  éléments  constitutifs  du  mot;  dans  le  premier  cas,  le 
second  terme  porte  toujours  l'accent  et  le  premier  terme  est  proclitique; 
dans  le  second  cas,  c'est  ordinairement,  —  mais  non  toujours,  —  le 
premier  terme  qui  est  accentué  :  M.  Zimmer,  en  vertu  d'une  théorie 
que  je  crois  fausse,  a  proposé  d'appeler  le  verbe  orthotone  dans  le  pre- 
mier cas,  enclitique  dans  le  second;  M.  Zimmer  emprunte  ces  expres- 
sions à  la  grammaire  sanscrite.  M.  W.  S.  les  a  acceptées  :  ainsi  suivant 
lui,  p.  390,  col.  2,  do-imm-iirc  «  je  contrains  »  est  une  forme  orthotone, 
du  verbe  enclitique  timmaircim.  Or  dans  do-imm-urc  l'accent  frappe 
\'i  du  préfixe  imm,  et  le  même  phénomène  se  produit  ddiUs  t-imm-airc- 
im  :  la  place  de  l'accent  est  donc  ici  la  même  dans  le  verbe  orthotone(?) 
que  dans  le  verbe  enclitique  (?),  et  dans  les  deux  cas  la  racine  verbale  est 
atone.  Il  suffit  d'ouvrir  un  dictionnaire  irlandais,  par  exemple  celui  de 
M.  Windisch,  pour  recueillir  une  quantité  d'exemples  analogues. 

Enclitique  (?)  Orthotone  (?) 

tathcria,  do-r-aid-chiûir,  p.  779. 

lairbir,  do-air-bertar,  p.  801. 

tairchechnatar,  du-n-air-chechnatar,  p.  801. 

terisedar,  do-n-air-issid,  p.  8o3. 

tairngires,  do-r-ar-n-gertais,  p.  804. 

La  loi  grammaticale  irlandaise  n'a  aucun  rapport  avec  la  loi  sanscrite 
alléguée  par  M.  Zimmer.  Le  vieil  irlandais  admet,  comme  le  grec  ar- 
chaïque, comme  Tallemand  moderne,  les  particules  initiales  séparables. 
Quand  en  vieil  irlandais  la  particule  initiale  du  verbe  est  séparable,  un 
pronom  peut  s'intercaler  entre  cette  particule  et  le  reste  du  composé 
verbal,  la  seconde  partie  constitue  un  mot  complet;  ce  mot  est  accentué 
sur  la  syllabe  initiale  comme  l'exige  la  loi  générale  de  l'accentuation 
irlandaise  depuis  une  époque  qui  remonte  au  moins  au  vi^  siècle.  Mais 
la  langue  a  conservé  des  traces  d'une  autre  accentuation.  Si  un  verbe 
comme  taithcrenim  avait  été  dès  l'origine  accentué  sur  la  première  syl- 
labe, cette  première  syllabe  aurait  pour  voyelle  un  u  et  non  un  a. 

111 

La  plus  grande  partie  de  l'histoire  d'Irlande  de  Keating  est  encore  iné- 
dite. C'est  avec  une  grande  surprise  que  j'ai  vu  M.  R.  Atkinson  publier, 
au  lieu  du  texte  complet  de  cet  important  ouvrage,  un  traité  théologi- 


d'histoire  et  de  littérature  425 

que  du  même  auteur.  Keating,  dit  avec  raison  M  A.,  est  un  des  maîtres 
chez  lesquels  on  devrait  étudier  l'irlandais  moderne.  Mais  le  livre  inédit 
de  Keating  qu'a  fait  imprimer  M.  A.  est  une  méditation  sur  la  mort 
en  deux  cent  quatre-vingt-dix-huit  pages! 

Saint  Ignace  de  Loyola  a,  raconte-t-on,  indiqué  à  ses  disciples  un 
moyen  poli,  mais  sûr,  de  se  débarrasser  de  tout  visiteur  ennuyeux;  c'est 
de  mettre  la  conversation  sur  la  mort,  immédiatement  l'importun  se 
dirige  vers  la  porte.  Le  procédé  réussit  parfaitement  en  France  :  un 
membre  très  pieux,  mais  peu  érudit,  de  la  célèbre  compagnie  en  a  fait  un 
jour  l'expérience  sur  moi;  la  recette  a  eu  son  succès  ordinaire.  Produi- 
rait-elle dans  les  Iles  Britanniques  un  effet  différent?  M.  A.  compte  sur 
sa  publication  pour  y  répondre  l'étude  de  l'irlandais.  Dieu  veuille  qu'il 
réussisse! 

Outre  le  texte,  M.  A.  donne  dans  son  volume  un  vocabulaire  rédigé 
avec  beaucoup  de  science  et  de  soin,  qui  occupe  cent  cinquante-cinq 
pages,  et  de  bonnes  dissertations  grammaticales  qui  couvrent  trente- 
deux  pages.  Ces  deux  parties  rendront  de  grands  services;  mais  les  éru- 
dits  français  qui  voudront  faire  des  méditations  sur  la  mort,  préféreront, 
je  le  crains,  un  livre  latin  à  un  livre  irlandais.  Comme  sujet  d'étude 
irlandaise  on  aimera  mieux  un  texte  épique  tel  que  le  Fled  Bricrend, 
ou  certaines  vies  de  saints  —  M.  Atkinson  en  a  publié  d'intéressantes  1 
—  ou  enfin  le  Senchus  Môr. 

IV 

Il  est  à  désirer  que  la  Chrestomathie  bretonne  de  M.  Loth  trouve  en 
France  et  surtout  en  Bretagne  de  nombreux  lecteurs.  Ils  y  apprendront 
que  le  breton  moderne  n'est  pas  exactement,  comme  tant  de  gens  le 
croient  encore,  la  langue  parlée  dans  la  Gaule  barbare  quand  César  en 
fit  la  conquête,  il  y  a  dix-neuf  siècles  et  demi. 

Une  curieuse  histoire  est  celle  de  la  chanson  Ann  hini  go\  —  eo  ma 
dous,  «  C'est  la  vieille  —  qui  est  ma  bien-aimée  ».  On  y  a  mis  en 
scène  un  amoureux  partagé  entre  deux  penchants,  l'un  pour  une  vieille, 
l'autre  pour  une  jeune  femme  ;  la  vieille  est  celle  que  décidément  il 
épouse.  Cette  vieille  qu'il  préfère  est  la  langue  bretonne,  la  jeune  qu'il 
congédie  est  la  langue  française.  Le  curieux  dans  l'affaire,  c'est  d'abord 
qu'à  son  insu  l'auteur  de  la  chanson  s'est  servi  d'un  mot  français  pour 
désigner  la  bien-aimée  :  ma  dous,  c'est  le  français  «  ma  douce  »  ;  ensuite 
l'auteur  a  cru  le  breton  de  France  plus  archaïque  de  forme  et  plus  an- 
cien en  Bretagne  que  le  français  :  or,  le  français  est  certainement  moins 
éloigné  du  latin  que  le  breton  du  gaulois;  enfin  le  français  est  un  dia- 
lecte du  latin.  Or,  le  latin  a  précédé  dans  la  péninsule  armoricaine  le 
dialecte  celtique  apportédela  Grande-Bretagne  au  v®  siècle  par  les  Cor- 
navii  et  par  les  Dumnonii  fuyant  devant  l'invasion  saxonne.  Comparé 
au  français  le  breton  est  un  nouveau  venu. 

I.  Voyez  la  Revue  critique  d\ji  3o  septembre  1889. 


426  REVUE    CRITIQUE 

La  Chrestomathie  de  M.  Loth  doit  former  deux  volumes.  Le  second 
aura  pour  objet  le  gallois  et  le  comique;  le  premier  volume  seul  a  paru. 
Il  a  pour  objet  rétude  du  breton  continental  ou  armoricain.  U  se  divise 
en  six  parties.  La  première  consiste  en  un  choix  d'inscriptions  gauloises, 
de  mots  gaulois,  de  mots  bretons  insulaires  contemporains  de  TEmpire 
romain  d'Occident,  de  mois  bretons  insulaires  et  continentaux  posté- 
rieurs à  la  chute  de  l'Empire  romain  d'Occident,  mais  antérieurs  au 
viii^  siècle;  cette  partie,  précédée  d'un  court  préambule  grammatical, 
occupe  les  p.  1-40.  Il  y  a,  dans  ce  préambule,  un  petit  oubli.  L'auteur 
énumérant  les  régions  où  la  langue  gauloise  se  parlait  au  temps  de  Cé- 
sar ne  dit  rien  des  parties  encore  gauloisesde  la  Germsin\e[De  bello  galli- 
co,  VI,  23]  et  passe  également  sous  silence  \q  Noriciim  regnum  sur  lequel 
on  peut  consulter  la  notice  de  M.  Mommsen,  Corpus  inscriptionum 
latmarinn,  t.  III,  2"  partie,  p.  588,  etc. 

La  seconde  partie  consiste  en  une  histoire  de  la  phonétique  du  bre- 
ton continental,  p.  40-82. 

La  troisième  partie,  p.  82-181,  est  consacrée  au  vieil  armoricain, 
viii^-xi®  siècle  :  inscriptions,  gloses,  noms  contenus  dans  les  vies  de  saints, 
noms  contenus  dans  les  chartes.  Ces  recueils  de  noms,  comme  celui 
qui  se  trouve  dans  la  quatrième  partie,  sont  une  œuvre  originale  d'un 
haut  intérêt  '.  On  remarquera,  par  exemple,  dans  la  liste  des  noms  em- 
pruntés aux  viesde  saints,  le  double  nom  de  saint  Brieuc  :  Brio-maglus  et 
Briociis;  c'est  une  confirmation  de  ladoctrinede  M.  Rhys,  que  les  Celtes 
formaient  des  noms  d'hommes  hypocoristiques  en  remplaçant  le  second 
terme  de  ces  noms  par  le  suffixe  âco-s  depuis  oc,  awc,  -eue. 

La  quatrième  partie,  p.  i8i-3i8,  a  pour  objet  le  moyen  breton; 
depuis  la  fin  du  xi^  siècle  jusque  vers  le  milieu  du  xvii*,  elle  contient  un 
recueil  de  noms  propres,  tirés  de  chartes  dont  un  grand  nombre  sont  iné- 
dites, des  extraits  de  morceaux  littéraires  ou  pieux,  tous  imprimés  déjà, 
mais  qu'il  sera  très  commode  de  trouver  réunis.  Dans  le  recueil  de  noms 
propres,  il  y  a  une  foule  d'observations  intéressantes.  Ainsi  un  des  mots 
bretons  les  plus  curieux  qui  existent  est  ^c?n-rfc^  «  chaque  jour  »,dont  le 
premier  terme  est  un  accusatif  singulier  bem  =  * pâpon,  en  irlandais 
cach  n  =  *  qâqon.  Ce  mot  se  trouve  employé  comme  surnom  et  il  est 
écr'n  pemde:^  au  xiv^  siècle  dans  le  cartulaire  de  Quimper. 

Lacinquième  partie,  p.  3 1 9-380,  contient  des  textesbretons  modernes, 
xvii^-xix^  siècle,  à  commencer  par  le  Sacré  collège  de  Jésus  du  P.  Mau- 
noir,  i65g,  œuvre  grammaticale  très  importante  par  la  réforme  ortho- 
graphique qu'elle  a  fait  triompher.  Les  derniers  morceaux  offrent  des 
spécimens  des  principaux  dialectes  du  breton  armoricain  parlé  actuelle- 
ment :  Léon,  Tréguier,  Cornouaille,  Vannetais,  île  de  Groix,  Belle-Ile. 


I.  M.  Loth  s'est  donné  la  peine  de  coUationner  avec  l'original  l'édition  si  défec- 
tueuse du  Cartulaire  de  Redon,  qu'on  doit  à  M.  de  Courson,  et  de  là,  de  nombreuses 
rectifications. 


( 


d'histoire  kt  de  littérature  427 

La  sixième  partie  consiste  en  deux  index,  l'un  des  noms  propres  de 
lieux  et  de  personnes,  p.  381-430,  l'autre  des  noms  communs  et  des 
autres  parties  du  discours,  p.  431-522. 

On  trouve  donc  réunis  dans  le  livre  de  M.  Loth  tous  les  éléments 
d'une  histoire  du  breton  de  France,  et  ce  livre  peut  suffire  pour  en  faire 
une  étude  scientifique  à  la  condition  que  l'étudiant  ait  entre  les  mains 
une  grammaire  bretonne  composée  d'une  façon  conforme  aux  exigences 
de  l'érudition  moderne.  Malheureusement,  il  n'y  en  a  pas  d'autre 
que  celle  dont  les  fragments  sont  épars  dans  la  Grammatica  celtica  de 
Zeuss  1. 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 

V 

Cet  article  était  écrit  quand  j'ai  reçu  de  M.  Luzel  le  tome  premier  de 
ses  Soniou  Brei\  I:{el  %  faisant  suite  à  ses  G%uer\iou  qui  ont  paru  il  y  a 
vingt-deux  ans.  M.  Luzel  disait  alors  dans  sa  préface  :  a  Les  Gwer\ioii 
«  comprennent  les  chansons  épiques,  qui  peuvent  se  diviser  en  chansons 
'(  historiques,  chansons  légendaires,  chansons  merveilleuses  ou  fantasti- 
«  ques  et  chansons  anecdotiques.  —  Les  Soniou  c'est  la  poésie  lyrique. 
«  On  comprend  sous  cette  dénomination  les  chansons  d'amour,  leschan- 
«  sons  de  K/oer  on  clerc  qui  tiennent  une  si  large  place  dans  la  poésie 
a  bretonne,  les  chansons  satiriques  et  comiques,  les  chansons  de  noces  et 
«  de  coutumes,  etc.  Il  faut  y  ajouter  les  chansons  d'enfants,  les  chansons 
«  de  danses,  rondes,  jabados,  passe-pieds  1. 

Le  premier  volume  àts  Soniou  se  divise  en  deux  parties  :  la  première 
comprend  les  chansons  d'enfants,  la  seconde  les  chansons  d'amour.  Il 
est  précédé  d'une  introduction  par  M.  A.  Le  Braz  qui  a  été  le  collabora- 
teur de  M.  Luzel  pour  cette  nouvelle  publication;  on  trouve  dans  cette 
introduction  (p.  ix  et  x),  des  détails  instructifs  sur  la  manière  dont  s'est 
formée  )a  collection  de  chants  populaires  bretons  formée  par  M.  de  Pen- 
guern  —  et  par  M.  Kérambrun,  collaborateur  peu  consciencieux  de  cet 
amateur  aussi  naïf  que  zélé,  —  Les  «  Moines  de  l'île  verte  »,  qui  ont  pé- 
nétré dans  un  des  meilleurs  ouvrages  écrits  sur  la  Bretagne  en  notre 
siècle,  sont  une  composition  de  Kérambrun. 

Les  Soniou  se  recommandent  au  lecteur  par  la  même  qualité  que  les 
Gwer:[iou,  reproduction  exacte  et  sans  changement  de  la  leçon  popu- 
laire, malgré  toutes  ses  incorrections.  La  traduction  est  fidèle,  souvent 
élégante,  mais  quelquefois  un  peu  négligée;  on  y  trouve  calqués  des 
idiotismes  bretons  inadmissibles  en  français.  Exemple  : 

Mar  plij  ganec'h,  silaouet,  hac  e  clewfet  canan 
Eur  chanson  divertissant  'zo  zavet  er  bloa-man, 

1.  Dans  un  ouvrage  aussi  considérable,  il  y  a  forcément  quelques  points  contesta- 
bles ou  douteux.  Voir  la  critique  détaillée  écrite  par  M.  Ernault,  Revue  celtique, 
t.  XI,  p.  35i. 

2.  l.e  tome  II  paraît  à  la  librairie  d'E.  Bouillon  au  moment  où  je  corrige  cette 
épreuve. 


428  REVUE   CRITIQUE 

A  zo  grêt  d'eur  plac'h  iaouanc  a  detiz  cuitêt  he  bro, 
He  c'herent  hac  he  ligné,  hol  emâint  en  canvo  (p.  240). 

C'est-à-diie  : 

Cl  S'il  vous  plaît,  écoutez,  et  vous  entendrez  chanter 
«  Une  chanson  divertissante  composée  cette  année, 

a  Faite  sur  une  jeune  fille  qui  a  quitté  son  pays, 
«  Ses  parents  et  sa  famille:  tous  sont  dans  l'affliction  ». 

M.  Luzel  a  écrit  au  second  vers  levée  au  lieu  de  composée,  au  troisième, 
à  au  lieu  de  sur  ;  c'est  une  traduction  littérale  que  le  français  ne  peut 
guère  supporter. 

Ailleurs,  M.  Luzel  a  substitué  aux  expressions  simples  et  familières  des 
auteurs  populaires  bretons,  des  termes  un  peu  prétentieux  : 

De  bonjour  d'eoch  ma  mestrezic  (p.  120), 
«  Bonjour  à  vous  ma  petite  maîtresse  », 

devient  sous  sa  plume  : 

«  Bonjour  à  vous  ma  gente  maîtresse  ». 

Le  pléonasme  biken,jamès,  «  Jamais,  jamais  »,  employé  pour  insister 
et  rendu  par  «  jamais,  au  grand  jamais»,  p.  179,  est  traduit,  p.  12 3,  par 
«  oncques  jamais  »  ;  à  la  même  page  boiidennadou  <<.  coups  de  bâton  », 
«  bastonnades  »  et  représenté  dans  le  texte  français  par  «  caresses  de 
fagots  »  ;  «  caresses  »  n'est  pas  dans  le  texte  breton  :  ces  défauts  de  la 
traduction  sont  des  taches  légères,  et  les  textes  publiés  par  M.  Luzel 
seront  pour  Pérudition  néo-celtique  une  utile  acquisition. 

H.  d'A.  de  J. 


544.  —  Strasebui-ger  ZunTt  und  Polizei-Verordnungen  des  14.  und 
IK.  Jlalii>liundei>ts.  Aus  den  Originalen  des  Stadtarchivs  ausgewaehlt  und 
zusammengestellt  von  J.  Brucker.  i  vol.  grand  in-8,  sii-625  pages.  Strassburg, 
Trûbner,  1889. 

Dans  une  courte  préface,  placée  en  tête  de  Pouvrage,  M.  Rodolphe 
Reuss  nous  raconte  la  vie  de  M.  Brucker,  enlevé  à  ses  amis  et  à  la 
science  le  23  mars  1889.  M.  Brucker  fit  des  études  assez  incomplètes. 
Après  être  entré  comme  apprenti  dans  la  maison  Berger-Levrault,  il 
géra  lui-même  une  imprimerie  à  Haguenau.  En  même  temps,  il  créa 
dans  cette  ville  un  journal  hebdomadaire  où  il  défendit  les  idées  libé- 
rales ;  mais,  poursuivi  par  les  tribunaux,  il  dut  renoncer  à  sa  double 
entreprise.  Après  d'autres  aventures  encore,  il  entra  en  qualité  d'aide- 
adjoint  aux  archives  municipales  de  Strasbourg.  Il  fut  pris  dès  lors 
d'une  véritable  passion  pour  ses  nouveaux  travaux  ;  il  compléta  ses 
études  historiques  ;  il  apprit  la  paléographie  et  bientôt  il  sut  déchiffrer 
avec  aisance  les  écritures  les  plus  difficiles.  Il  mit  l'ordre  dans  son  dépôt — 
et  c'était  un  travail  matériel  immense  que  de  classer  tant  de  pièces,  jetées 
au  hasard  dans  les  greniers.  Son  zèle  fut  si  grand  qu'il  mérita,  en  1866, 
lorsque  Alfred  Schweighaeuser  eut  pris  sa  retraite,  d'être  nommé  archi* 


D^HISTOIRE    ET    DK    LITTERATURE 


429 

viste  en  chef.  Ce  fut  pour  lui  un  stimulant.  En  1870,  pendant  le  siège, 
il  transporta  ses  archives  en  lieu  sûr  et  les  préserva  de  la  destruction. 
Plus  tard,  il  mit  au  jour  en  quatre  volumes  in-4°  V Inventaire  Som- 
maire, auquel  il  travaillait  depuis  de  longues  années.  N'est-il  pas  digne 
de  remarque  que  les  archivistes  les  plus  zélés  n'appartiennent  pas  tou- 
jours à  l'Ecole  des  chartes? 

Tandis  que  Brucker  faisait  son  classement,  il  découvrait,  isolées  ou 
dans  des  registres,  de  très  nombreuses  pièces  sur  Thistoire  économique 
de  Strasbourg.  II  s'étonna  que  celte  histoire  fût  si  mal  connue,  alors  que 
de  nombreux  travaux  avaient  mis  en  lumière  le  passé  politique  et  ecclé- 
siastique de  cette  ville.  Cette  constatation  faite,  il  résolut  non  point 
d'écrire  un  ouvrage  sur  les  industries  ou  le  commerce  de  Strasbourg, 
mais  bien  de  rassembler  les  matériaux  nécessaires  à  un  tel  ouvrage, 
c'est-à-dire  les  règlements  des  anciens  corps  de  métiers  et  les  ordonnan- 
ces de  police  de  la  cité.  Bientôt  il  borna  sa  tâche  au  xiv^  et  au  xv-  siè- 
cle. Les  documents  plus  anciens  sont  rares;  les  documents  plus  mo- 
dernes ont  déjà  été  imprimés,  au  moms  sur  des  feuilles  -^^olantes.  Du 
reste,  l'écriture  gothique  du  xiv^  et  du  xv^  siècle  est  la  plus  difficile 
à  déchiffrer.  A  défaut  d\iutres,  cette  raison  eût  décidé  un  travailleur 
aussi  infatigable.  Brucker  corrigeait  les  dernières  épreuves  du  livre, 
quand  il  mourut;  un  de  ses  amis,  M.  G.  Wethly,  mena  l'impression  à 
bonne  fin  et  acheva  le  Glossaire  des  termes  alsaciens  i,  qui  a  été  placé 
au  bout  du  volume. 

Nous  ne  saurions  assez  louer  les  efforts  faits  par  Brucker,  pour  nous 
donner  une  transcription  exacte  de  ces  précieux  documents.  Son  édition 
est  d'une  correction  irréprochable.  Nous  n'avons  à  formuler  quelque 
regret  que  sur  Fordonnance  même  de  l'ouvrage.  Nous  reconnaissons 
qu'il  était  impossible  de  suivre  l'ordre  chronologique  :  les  divers  règle- 
ments sur  les  boulangers  et  sur  la  taxe  du  pain,  par  exemple,  devaient 
être  rapprochés.  Mais  Tordre  alphabétique  des  matières  qu'a  préféré 
Brucker  surprend  un  peu.  Nous  passons  ainsi  successivement  en  revue 
die  Aechter-Ordmmg  (ordonnance  sur  ceux  qui  ont  été  mis  au  ban  de 
la  ville),  die  Almosen-Ordnungen  (ordonnances  sur  les  aumônes),  die 
Angeklagten  (défense  de  supplier  les  juges  pour  les  accusés);  die 
Armbrnster  Ordming  (règlement  des  arbalétriers],  etc.,  etc.  Cette  suite 
n'est-clle  pas  bien  arbitraire?  D'ailleurs,  pourquoi  avoir  écrit  Aechter, 
alors  que  le  texte  lui-même  porte  œhter  (ohte  =acht)}  Puis,  bien  au 
fond,  M.  Brucker  me  paraît  avoir  traité  deux  sujets  différents,  indiqués 
par  le  titre  même  «  Zunft-und  Poliiei-Verordniingen  »,  d'une  part,  les 
statuts  des  corporations,  de  l'autre,  les  règlements  de  police  de  la  ville. 
Il  aurait  mieux  valu,  à  notre  avis,  séparer  les  uns  des  autres.  On  nous 
aurait  donné,  dans  une  première  partie,  les  statuts  des  métiers,  en  sui- 
vant l'ordre  habituel  des  tribus  :  bateliers  f^um  Anker),  merciers  fr^um 
Spicgel),  bouchers  (";^z^r  Bliime),  aubergistes  (Ziinft  der  Frciburger  :  ici 

I.  Ce  glossaire  nous  semble  un  peu  court;  bien  des  termes  restent  non  expliqués. 


^30  REVUE    CRITIQUE 

on  aurait  placé  les  nombreuses  ordonnances  sur  la  vente  du  vin),  et  ainsi 
de  suite.  Dans  la  seconde  partie,  on  aurait  groupé,  de  façon  plus  ou 
moins  artistique,  les  règlements  de  police.  On  se  serait  encore  heurté 
sans  doute  à  de  grandes  difficultés;  niais  le  plan,  ce  me  semble,  eût  été 
plus  logique. 

Mais  qu'importe  Tordre  dans  lequel  sont  placés  les  documents,  pourvu 
qu'ils  soient  bien  lus  et  bien  transcrits?  Les  historiens  qui  les  met- 
tront en  œuvre  sauront  bien  les  trouver.  M.  Brucker,  en  mettant  à  leur 
disposition  ces  textes  très  difficiles  à  lire,  leur  a  rendu  un  grand  service, 
et  ils  lui  en  doivent  garder  une  vive  reconnaissance. 

Gh.  Pfister, 

545.  —  L.  DE  BERLUC-PERDSSts.'Wendelîn  en  Provence.  Digne,  1890,  in-8  de  33  p. 

L'étude  de  M.  de  Berlue  est  très  neuve  et  très  intéressante.  C'est  avec 
toute  sa  fine  érudition  qu'il  a  écrit  l'histoire  du  séjour  parmi  nous  de 
cet  étranger  qui  a  été  un  des  grands  savants  du  xvn^  siècle.  Nous  allons 
résumer  en  peu  de  mots  le  récit  du  zélé  biographe.  Godefroi-Irénée 
Wendelin  naquit,  le  6  juin  i58o,  à  Herch-la-Ville,  en  Gampine(Pays- 
Bas).  11  visita  de  bonne  heure  la  France  et  Tltalie,  fut  un  instant  correc- 
teur d'imprimerie  à  Lyon;  puis,  à  son  retour  d'Italie,  il  habita  Mar- 
seille (iSgg),  où  il  se  perfectionna  dans  ses  études.  C'est  de  là  qu'il  fut 
appelé,  en  1601,  à  Digne,  à  tilre  de  maître  de  mathématiques.  Bien 
qu'âgé  de  vingt-et-un  ans  à  peine,  il  forma,  au  dire  des  écrivains  de  son 
temps,  d'excellents  élèves.  Il  enseigna  quatre  ans  à  Digne.  En  i6o3,  se 
trouvant  à  Valensole,  il  y  observa  une  éclipse  de  lune;  ce  furent  les 
débuts  du  futur  astronome.  Vers  la  mi-octobre  1604,  il  fut  appeléàFor- 
calquier,  par  le  lieutenant-général  de  la  sénéchaussée,  André  Arnaud, 
pour  être  le  précepteur  de  ses  fils.  M.  de  B.  abandonne  un  moment  son 
héros  pour  nous  présenter  le  magistrat  qui  avait  fait  un  choix  aussi  heu- 
reux. Il  nous  donne  les  détails  les  plus  précis  sur  André  d'Arnaud,  doc- 
teur es  droits,  qui  était  lieutenant-général  du  siège  de  Forcalquier, 
depuis  le  23  janvier  i  573  et  qui  passa  pour  un  «  des  meilleurs  et  des  plus 
beaux  esprits  de  son  temps  »,  suivant  le  témoignage  d'un  écrivain  de  la 
seconde  moitié  du  xvii"  siècle.  M.  de  Berlue  s'occupe  surtout  du  lettré, 
de  l'habile  latiniste,  de  l'auteur  des  Joci,  recueil  de  nombreuses  fantai- 
sies en  prose  et  en  vers,  épîtres,  épigrammes,  etc.,  fort  recherché  aujour- 
d'hui des  curieux  (Avignon,  Brameieau,  1600).  Après  avoir  si  bien  fait 
connaître  le  protecteur  de  Wendelin  et  toute  sa  famille,  le  narrateur 
revient  à  l'hôte  de  la  Provence,  décrit  ses  observations  astronomiques  à 
Forcalquier  et  surtout  au  mont  Lure  1,  cite,  à  ce  sujet,  une  remarqua - 

I.  Nous  nous  associons  de  tout  cœur  au  vœu  ainsi  exprimé  par  M.  de  Berlue  (p.  33)  : 
a  Une  inscription  placée  au  sommet  de  Lure,  et  qui  rappellerait  que  là  fut  inauguré 
par  un  Belge,  hôte  de  la  Provence,  le  premier  essai  d'observatoire  français,  serait  un 
hommage  digne  de  la  Belgique  et  de  la  France,  deux  nations  qui,  de  par  la  race,  n'en 
fout  qu'une  ». 


k 


d'histoire  et  de  littérature  43 1 

ble  page  d'un  docte  compatriote  du  correspondant  de  Gassendi  et  de 
Peiresc,  M.  Cliarles  Ruelens  1,  et  suit  à  Paris,  puis  dans  les  Pays-Bas, 
celui  qui,  ayant  été  nommé  curé  à  Herch,  partagea  son  temps  entre  le 
ministère  pastoral  et  les  travaux  scientifiques,  publia  divers  traités  d'as- 
tronomie, un  commentaire  sur  les  LoisSaliques,  et  mourut,  plein  d'œu- 
vres  et  de  jours,  en  1660,  doyen  du  chapitre  de  Rothnac.  Wendelin  avait 
beaucoup  aimé  son  pays  d'adoption.  Il  était  juste  qu'un  des  meilleurs 
travailleurs  de  tout  le  Midi  lui  payât,  avec  autant  de  sympathie  que  de 
talent,  la  vieille  dette  de  la  Provence. 

T.  DE  L. 


546.  —  La  Jeunesse  de  M:iIIict-I>e  (Documents  et  vers  inédits^,  par  Armand 
Gasté,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Caen.  Gaen,  Henri  Delesques,  iSgo, 
58  p.  in-8. 

Sainte-Beuve,  dans  un  article  magistral  sur  Malherbe  et  sur  l'in- 
fluence qu'il  a  exercée  au  xvu^  siècle,  a  répété,  d'après  Racan  et  Huet, 
que  le  futur  poète  avait  quitté  sa  maison  et  sa  ville  natale,  sous  prétexte 
que  son  père  s'était  fait  de  la  Religion  un  peu  avant  de  mourir,  et  il 
ajoutait  :  «  Mais  ce  changement  de  religion  n'est  nullement  avéré,  et 
l'on  a  pensé  qu'il  y  avait  eu  en  ceci  quelque  méprise.  »  Évidemment  la 
critique  s'appuyait  sur  le  témoignage  de  M,  de  Gournay  qui,  dans  une 
Etude  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Malherbe,  publiée  en  i852,  afiinnait 
que  le  père  du  poète  était  encore  inscrit  en  iSgS  et  i5g6  au  catalogue 
des  communiants  de  Pâques,  en  la  paroisse  de  Saint-Étienne.  Cette 
aflirmation,  M.  Gasté,  à  qui  nous  devons  déjà  tant  d'heureuses  décou- 
vertes dans  le  champ  de  la  littérature  normande,  l'a  mise  à  néant  par  les 
preuves  les  plus  authentiques.  D'abord  ce  catalogue  des  communiants 
de  Pâques  n'existe  pas  pour  les  années  ogS  et  096,  tandis  qu'on  pos- 
sèdeles  registres  de  l'état  civil  de  TÉglise  réformée  de  Gaen,  de  i56o  à 
i568.  Or  on  y  trouve  que  François  Malherbe,  sieur  d"Igny,  a  fait 
baptiser  quatre  de  ses  enfants  au  temple,  et  que  de  plus  il  y  a  présenté, 
en  qualité  de  parrain,  quinze  autres  enfants  de  i568  à  1606.  L'Église 
réformée  de  Caen  n'ayant  été  établie  qu'en  i558,  François,  le  futur 
poète,  qui  était  ni  en  i555,  fut  baptisé  en  l'église  Saint-Étienne. 
Maintenant  désire-t-on  encore  un  dernier  document  qui  démontre  que 
le  père  de  Malherbe  était  protestant  «  jusqu'aux  moelles  »?  M.  Gasté 
l'a  découvert  dans  l'Inventaire  de  l'abbaye  deTroarn.  Il  y  est  dit  qu'en 
i562  le  capitaine  François  Malherbe,  sieur  d'Igny,  s"est  mis  à  la  tête 

I .  Extraits  d'une  confe'rence  sur  la  science  Je  la  terre  (Bruxelles,  i883),  M.  Ruelens 
avait  eu  le  projet  de  consacrer  une  importante  monographie  à  Wendelin  et  j'avais 
annoncé  cette  bonne  nouvelle  dans  une  des  notes  du  tome  I  des  Lettres  de  Peiresc 
aux  frères  Dupuy,  D'autres  travaux  l'obligent  à  renoncer  à  son  projet.  Il  aura  pour 
successeur,  en  cette  noble  entreprise,  M.  G.  le  Paige,  professeur  à  l'Université  de  Liège. 
Voir  une  note  de  M.  de  Berlue  (p.  14),  oij  justice  est  gracieusement  rendue  à  M.  Rue- 
lens et  à  son  digne  héritier. 


^3^  REVUK    CRITIQUE 

d\me  compagnie  de  «  voleurs  et  d'hérétiques  de  Caen  *,  qui  sontentrés 
de  force  diuis  rëi;lise,  ont  rompu  les  autels,  brûlé  les  livres,  pillé  les 
ornements,  l'argenterie,  etc.  11  est  donc  bien  avéré  que  ce  n'est  pas  peu 
avant  de  mourir,  ui  quelques  années  avant  sa  mort,  que  le  père  de 
Malherbe  a  embrassé  le  protestantisme.  Il  n'est  pas  impossible"  qu'un 
homme  violent  comme  le  sieur  d'Igny  ait  essayé  d'entraîner  son  fils 
aîné  dans  la  nouvelle  religion,  et  que  celui-ci  voulant,  comme  dit  Mon- 
taigne, «  se  tenir  en  l'assiette  où  Dieu  l'avait  mis  »,  ait  alors  déserté  la 
maison  paternelle. 

Le  second  chapitre  de  cet  opuscule  intéresse  plus  particulièrement 
rhistoire  locale.  On  y  trouve  cependant  une  pièce  de  vers  à  peu  près 
inédite  delà  jeunesse  de  Malherbe,  très  curieuse  au  point  de  vue  litté- 
raire. Des  tournures  de  phrase  et  des  locutions  comme:  «  désastre  mal- 
heur, araigne  ventreuse,  cent  Cupidonneaux  bas-branJans,  leurs  pein^ 
îure^  cerceaux,  crin  couleuvreux,  noçage ,  nocier,  flot  caballin  », 
indiquent  que  le  jeune  versificateur  faisait  ces  poètes  de  la  Pléiade  une 
lecture  assidue.  Vingt-cinq  ans  plus  tard  il  brûlera  ce  qu'il  a  adoré,  et 
voudra  d'un  trait  de  plume  effacer  toutes  les  œuvres  de  Ronsard. 

A.  Delboulle. 


547.  —  Pierre  Robert.    La    poétique    de    ïîneine,   i  vol.    ia-8,  ix,  3Ô2  pages. 
Paris,  Hachette,  1890. 

'  GeHvre  est  mie  thèse  de  doctorat.  Il  porte  en  sous-titre  :  Etude  sur 
le  système  dramatique  de  Racine  et  la  constitution  de  la  tragédie 
française.  Voilà,  semble-t-il,  une  énorme  matière;  mais  le  principal, 
le  vrai  sujet,  c'est  Racine,  —  le  panégyrique,  l'exaltation  de  Racine. 
Les  abords  et  les  prolongements  ne  sont  qu'esquissés,  d'un  trait  d'ail- 
leurs net  et  précis.  Je  m'étonnerai  plutôt  que  Fauteur  ait  consacré  de 
si  longs  développements  à  une  étude  sur  laquelle  il  était  d'avance  cou- 
damné  à  bien  des  redites,  et  qu'il  a,  j'en  conviens,  approfondie,  mais 
non  pas  renouvelée.  Loin  de  moi  la  pensée  de  regarder  Racine  comme 
un  sujet  usé;  c'est  au  contraire  un  de  ceux  sur  lesquels  un  maître  en 
littérature  française  est  tenu  de  s'expliquer  à  fond.  Racine  et  les  ques- 
tions de  goût  qu'il  soulève  sont  (je  demande  grâce  pour  l'expression) 
un  pont  aux  ânes  pour  les  écoliers,  un  cheval  de  bataille  pour  les  pro- 
fesseurs. C'est  là  un  sujet  de  cours  excellent,  indispensable.  Dans  l'en- 
seignement, en  effet,  il  s'agit  beaucoup  moins  de  produire  des  idées 
neuves  que  de  mettre  en  lumière  certains  exemples  types,  sur  lesquels 
il  faut  de  toute  nécessité  prendre  parti,  fonder  sa  doctrine  et,  si  Ton 
peut,  grouper  des  disciples.  Mais  dans  une  thèse,  si  j'avais  voix  au  cha- 
pitre, je  demanderais  un  peu  d'inédit;  non  pas  des  documents  sans 
conséquence,  mais  des  points  de  vue,  sur  l'originalité  desquels  il  serait 
assez  juste  qu'on  se  montrât  d'autant  plus  exigeant,  qu'il  s'agirait  '1 
d'écrivains  plus  connus  et  de  chefs-d'œuvre  plus  authentiques. 


D  HISTOIRE    ET   DE   LITTERATURE  4  33 

Le  livre  de  M.  Robert  est  extiêmement  classique  par  l'esprit  :  à 
merveille.  Mais  je  regrette  qu'il  soie  un  peu  bien  scolaire  par  le 
fond  et  par  la  me'lhode;  qu'il  appuie  beaucoup,  et  à  plusieurs  reprises, 
sur  des  ide'es  essentielles,  j'y  consens,  mais  très  familières  à  tous  les  let- 
trés, et  qu'enfin  il  pousse  les  démonstrations  les  plus  plausibles  jusqu'à 
cet  excès  qui  provoque  la  méfiance  et  l'envie  de  contredire.  Si  derrière 
le  critique  je  vois  trop  le  panégyriste,  je  crains  de  me  laisser  endoctri- 
ner, et  je  résiste.  Aussi  me  permettrai-je,  tout  à  l'heure,  quelques 
réserves. 

C'est  dans  la  troisième  partie  (La  Poétique  de  Racine  d'après  ses 
Préfaces)  qu'il  faut  chercher  l'idée  maîtresse  du  livre,  celle  qui  en  jus- 
tifie le  mieux  le  titre.  On  y  prouve  que  Racine,  par  un  privilège  excep- 
tionnel et  qui  le  distingue  notamment  de  Corneille,  a  possédé  la  théorie, 
pénétré  le  secret  de  son  génie,  qu'il  fait  ce  qu'il  veut,  et  sait  ce  qu'il 
fait.  De  là  surtout  lui  vient  sa  supériorité.  La  tragédie  du  xvii«  siècle 
est,  de  par  ses  origines,  artificielle  et  littéraire  plus  qu'aucun  autre 
genre.  Son  passé,  ses  traditions,  et  ce  que  dès  lors  on  appelle  ses  règles, 
pesaient  sur  elle  d'un  grand  poids;  cette  forme  dramatique  était  née 
vieille.  La  rajeunir  en  la  respectant  ne  pouvait  être  le  fait  que  d'un  art 
à  la  fois  créateur  et  savant,  d'une  imagination  secondée  par  un  tact  très 
sûr.  Il  fallait  pouvoir  retrouver  l'esprit  de  la  tragédie  antique,  saisir  la 
veine  où  circulait  le  sang  vraiment  généreux  et  vivace  ;  puis  capter  cette 
source  et  la  détourner  dans  le  courant  moderne.  Corneille  avait  fouillé 
en  tout  sens  les  ressources  de  l'art  tragique,  il  les  avait  même  enri- 
chies, mais  n'avait  pas  iu  s'en  rendre  maître.  Sa  poétique  n'était, 
comme  sa  poésie  même,  qu'en  saillies  intermittentes.  La  poétique  de 
Racine  forme  un  système  d'une  cohésion  parfaite;  elle  est  la  théorie 
exacte  et  sincère  de  sa  pratique.  Les  règles  ne  le  gênent  pas;  il  en 
comprend  le  sens;  il  les  domine  :  ceux  qui  les  avaient  édictées  avant 
lui,  ou  ceux  qui  s'y  étaient  conformés,  n'en  avaient  aperçu  que  la 
lettre.  La  tragédie  était  parvenue  à  un  tournant.  Un  problème  se  po- 
sait, problème  d'adaptation  et  de  culture.  Racine  en  a  posé  les  termes 
et  l'a  résolu  avec  l'élégance  que  l'on  sait  (le  mot  d'élégance  entendu 
tout  à  la  fois  comme  en  art  et  comme  en  géométrie).  J'essaie  de 
résumer  ici  la  démonstration  que  M.  R.  a  faite,  avec  un  luxe  de  preuves 
après  lequel  il  ne  reste  plus  rien  à  dire;  démonstration  copieuse, 
irrésistible;  mais  la  conclusion  pouvait  être  d'avance  regardée  comme 
acquise. 

La  deuxième  partie  (La  poétique  de  Racine  d'après  son  théâtre)  est 
l'analyse  du  génie  de  Racine.  C'est  là  que  M.  R.  a  montré  toute  sa  viva- 
cité de  goût  et  la  profondeur  de  son  admiration.  Je  louerai  surtout  le 
3^  chapitre  (sur  les  caractères).  Existe-t-il  encore  quelque  obstiné  qui 
méconnaisse  chez  Racine  la  vérité  de  l'observation  psychologique,  il 
trouvera  là  de  quoi  s'édifier  et  se  convertir.  Aussi  bien  est-ce  dans  le 
génie  de  Racine  la  partie  la  plus  forte,  comme  Tintelligence  des  purs 


43  I  REVUE    CRITIQUE 

modèles  grecs  chez  lui  est  la  perfection  de  Fart.  Le  temps  n'est  pas  encore 
très  loin,  où  la  vérité  des  caractères,  chez  Racine,  échappait  à  un  public 
étourdi  par  l'outrance  et  la  singularité  des  héros  romantiques.  Je  crois 
que  nous  n'en  sommes  plus  là.  L'étourdissement  dont  je  parlé  s'est  dis- 
sipé :  chez  tous  ceux  que  ne  satisfait  pas  la  grossièreté  des  procédés  réa- 
listes, le  goût  est  vif,  presque  exclusif,  pour  l'analyse  subtile  des  dupli- 
cités et  des  défaillances  morales,  pour  la  peinture  intime  des  impuissances 
de  la  volonté.  Le  théâtre,  peut-être,  n'est  pas  encore  entré  dans  cette  voie 
avec  autant  de  bonheur  que  le  roman  ;  mais  le  mouvement  qui  se  dessine 
est  tel,  qu'en  ce  qui  concerne  Racine  le  préjugé  public  est  retourné.  On 
peut  prévoir  le  moment  où  la  critique  libérale  aura  besoin  de  réhabiliter 
contre  celte  prédilection  certains  chefs-d'œuvre,  fondés  sur  une  concep- 
tion plutôt  héroïque  et  grandiose  que  rigoureusement  exacte  et  hu- 
maine. L'heure  présente  est  donc  très  favorable  à  Racine,  et  M.  R.  ne 
la  pouvait  mieux  choisir  pour  célébrer  l'objet  de  son  culte. 

Et  pourtant  l'art  de  Racine,  je  veux  dire  la  tragédie  telle  qu'il  l'a  con- 
duite à  la  perfection,  n'est  plus  un  art  vivant  et  pratiqué.  Il  en  faut  bien 
prendre  son  parti.  M.  Robert  le  constate,  mais  s'en  étonne  et  paraît  près  de 
s'en  indigner.  11  semble  qu'à  son  avis  la  tragédie  eût  mérité,  par  une  ex- 
ception unique,  d'être  soustraite  aux  fluctuations  du  gotit  et  aux  lois  com- 
munes de  l'évolution.  Il  s'en  prend  à  la  décadence  des  mœurs  et  au  dé- 
chaînement des  curiosités  violentes.  C'est,  je  le  crois,  une  explication  in- 
complète et  par  trop  simple;  et  voici  où  je  me  sépare  de  lui.  Au  lieu  de 
quereller  les  mœurs  démocratiques  et  de  déprécier  les  tentatives  éphémè- 
res (encore  serait-ce  une  question  pour  quelques-unes,  telles  que  le 
drame  bourgeois)  faites  pour  supplanter  la  tragédie  classique  à  son 
déclin  et  la  poétique  racinienne  dégénérée  en  simple  technique,  j'aurais 
voulu  chercher,  dans  cet  art  exquis,  les  éléments  caducs  dont  le  discrédit 
devait  être  fatal  à  l'ensemble.  Je  n'aurais  pas  cru  vraisemblable  qu'un 
art  si  savant,  si  compliqué,  si  laborieusement  amené  à  son  degré  d'a- 
chèvement, si  délicatement  adapté  au  tour  d'esprit  d'une  société  très 
raffinée,  pût  se  promettre  de  résister  à  la  mobilité  de  la  mode.  Je  n'au- 
rais pas  essayé  de  soutenir  que  toutes  les  conventions  y  fussent  l'œuvre 
de  la  seule  raison  et  pussent  durer  sans  la  complicité  toute  bénévole  du 
public, —  d'un  public  différent  de  celui  qui  les  avait  établies  et  sanction- 
nées. Je  me  serais  demandé  si  l'élégance  suprême  du  style,  qui  donne 
aux  pièces  de  Racine  leur  saveur  aristocratique,  ne  les  exposait  pas  à  la 
réaction  rapide  qui  frappe  et  emporte  les  façons  de  dire  que  ne  pro- 
tège pas  l'usage  courant  et  populaire.  J'aurais  craint  enfin,  pour  la  lon- 
gévité d'un  art  moderne,  l'emploi  traditionnel  et  comme  nécessaire  de 
la  fable  et  de  l'histoire  ancienne,  cette  marque  indélébile  de  son  origine 
érudiie.  Aucune  de  ces  remarques  n'eût  été  pour  faire  tort  à  Racine  et  à 
rhabileté  dont  il  a  fait  preuve  dans  une  tâche  si  périlleuse,  per  extentum 
funem.  Mais  je  n'aurais  pas  voulu  identifier  la  vertu  spécifique  de  la 
tragédie  avec  les  mérites  de  son  représentant  le  plus  accompli.  Peut-être 


d'histoire  et  de  littérature  435 

alors  aurais-Je  pu  découvrir  pourquoi  le  plus  habile  de  nos  poètes  clas- 
siques est  moins  rapproché  de  nous  que  tel  de  ses  contemporains,  Molière 
ou  La  Fontaine;  comment  il  est  déjà,  pour  nous  presque  un  ancien: 
c'est,  je  crois,  un  éloge..,  A  quoi  sert-il  de  tourner  le  passé  à  la  confu- 
sion du  présent?  L.  Brunel. 

54S.  —  IVos  utopies  {lolitiques  et  socialistes  devant  le  sens  commun  ou  nos 
cahiers  en  18S9,  par  Joseph  Perrot,  disciple  de  Proudhon.  Paris,  A.  Ghio,  1889, 
in-i2,  338  pp. 

«  Nous  ne  prétendons  pas  à  l'originalité,  dit  Tauteur  de  ce  livre; 
c'est  en  nous  inspirant  de  la  liberté  du  travail  et  comme  vulgarisateur 
des  idées  de  P.-J.  Proudhon,  que  nous  essayons  de  formuler  quelques 
notions  de  justice  commutative  appliquées  à  l'économie  sociale,  de 
laquelle  le  monde  du  travail  s'inspire  de  plus  en  plus,  en  opposition  à 
la  justice  distributive,  sur  laquelle  repose  l'exploitation  capitaliste; 
gouvernementale,  communiste  ou  autoritaire  ».  Un  ouvrage  de  cette 
nature  rentrée  peine  dans  notre  cadre;  celui-ci,  malgré  les  imperfec- 
tion de  la  forme,  ne  nous  a  point  paru  dépourvu  de  tout  intérêt. 

M.  V. 


CHRONIQUE 


FRANCE. —  M.  P.  Meyer  a  mis  sous  presse,  pour  la  Société  de  l'Histoire  de 
France,  l'édiiion  du  poème  français  sur  l'histoire  de  Guillaume  le  Maréchal,  comte  de 
Fembroke,  régent  d'Angleterre  de  1216a  121g.  Ce  poème  découvert  à  Cheltenham  en 
iS8r,  n'était  connu  jusqu'à  présent  que  par  la  notice  et  les  extraits  publiés  par 
M.  Meyer  en  1882  dans  la  Romania  et  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  l'Histoire  de 
France.  L'édition  formera  trois  volumes.  Les  deux  premiers  contiendront  les  ig.ooo 
vers  du  texte  et  le  glossaire.  Dans  le  troisième  prendront  place  une  traduction  abrégée, 
le  commentaire  historique,  l'introduction  et  la  table. 

—  ^L  Léon  Le  Grand  a  fait  tirer  à  part  («  Revue  des  Questions  historiques  y>,  juillet) 
son  étude  sur  Y  Hospice  national  du  tribunal  révolutionnaire,  établi  au  Palais  épisco- 
pal.  Il  montre,  dans  cet  excellent  travail,  tout  plein  de  détails  inédits  ou  peu  con- 
nus, comment  cet  établissement  avait  pris  naissance;  il  expose  son  règlement;  il 
trace  un  curieux  tableau  de  la  population  disparate  qui  s'entassait  dans  les  salles  de 
l'hospice  et  nous  présente  les  plus  notables  des  prisonniers  qui  traversèrent  ce  triste 
asile. 

—  Voici  quatre  études  de  M.  Ch.  Pfister,  qu'il  est  assez  inutile  de  louer  à  nos 
lecteurs  :  i°  La  limite  de  la  langue  française  et  de  la  langue  allemande  en  Alsace- 
Lorraine,  considérations  historiques  (Berger-Levrault.  In-H»,  44  p.  Extrait  du  «  Bul- 
letin de  la  Société  de  géographie  de  l'Est  »).  M.  P.  trace,  d'après  les  derniers  travaux 
et  surtout  d'après  le  livre  de  M.  This  qui  contient  d'ailleurs  «  bien  des  bizarreries  et 
des  naïvetés  »,  la  limite  des  langues  depuis  les  frontières  de  la  Suisse  jusqu'à  celles 
du  Luxembourg,  limite  qui  forme,  à  quelques  exceptions  près,  une  ligne  continue. 
Puis  il  recherche  quelles  langues  ont  été  parlées  en  Alsace  et  en  Lorraine  aux  diffé- 
rentes périodes  de  l'histoire  et  quelles  catégories  de  mots  chacune  d'elles  a  laissées 
successivement  comme  un  dépôt  dans  l'onomastique  de  ces  régions.  Il  termine  par 
quelques  observations  très  intéressantes  sur  les  positions  de  l'allemand  et  du  roman 


4?6  RIÎVUE    CUITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

et  sur  la  ligne  moderne  de  démarcation;  2»  Eloge  de  Jean-Jacques  Lioiuwis.  (Extrait 
des  «  Me'moires  de  l'Académie  de  Stanislas  ».  In-S",  5i  p.).  M.  P.  nous  fait  d'une 
façon  très  attachante  l'histoire  de  cet  homme  qui  dirigea  le  collège  de  Nancy,  porta  le 
premier  le  titre  de  doyen  de  la  Faculté  des  arts  et  décrivit  avec  exacfHude  les  monu- 
ments de  sa  ville  natale;  il  analyse  les  ouvrages  deLionnois,  notamment  son  Traité 
de  la  mylliologie,  son  Histoire  de  France  «  à  travers  laquelle  passe  un  souffle  libé- 
ral ».  sci  Essais  sur  la  ville  de  Nancy;  il  montre  Lionnois  attaché  pendant  la  Ter- 
reur à  son  culte  et  à  ses  devoirs  de  prêtre,  remaniant  sa  mythologie  après  l'expédi- 
tion d'Egypte,  reprenant  ses  Essais  de  1779  et  les  complétant  :  «  Lionnois  appartient 
tout  entier  à  Nancy,  et  sa  mémoire  ne  périra  pas  tant  que  Nancy  tiendra  une  place 
brillante  dans  les  sciences,  les  lettres  ou  la  politique,  tant  qu'elle  méritera  la  réputa- 
tion d'être  l'une  des  villes  les  plus  belles  et  les  plus  policées  de  l'Europe»;  3°  Noie 
sur  trois  viaiiuscrits  provenant  de  l'abbaye  de  Moyenmoutier.  (Extrait  du  «  Journal 
de  la  Société  d'archéologie  lorraine  »,  juillet  1890.  In-8°,  14  p.).  Ces  trois  manuscrits, 
dignes  d'intérêt,  permettent  de  suivre  les  différentes  variations  de  la  légende  de 
Hidulphe  et  l'un  d'eux  contient  le  meilleur  texte  de  la  vie  de  Grégoire  par  Paul  Dia- 
cre et  de  l'ancienne  vie  d'Hidulphe;  4"  Un  monument  de  Mercure  trouvé  à  Hatriie. 
(Extrait  du  «  Journal  de  la  Société  d'archéol.  lorr.  »,  janvier  1889).  M.  Pfîster  prouve 
qu'il  y  avait  jadis  à  Hatrize  une  localité  romaine  et  que  le  Mercure  qui  figure  aujour- 
d'hui au  Musée  lorrain,  et  qui  porte  sur  son  bras  gauche  un  enfant  nu,  rappelle  un 
sujet  traité  par  Praxitèle. 

ALLEMAGNE.  —  La  librairie  Teubner,  de  Leipzig,  annonce  :  1°  une  Geschichte 
der  griechischen  Litteraiiir  in  der  Alexandriner^eit,  en  deux  volumes,  par  M.  Franz 
SusE.MiHL  ;  2°  Catonis  de  agri  cultura  liber,  Varronis  rerum  rusticarum  libri  très, 
rec.  H.  Keil,  vol.  IL 

ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  28  novembre  18 go. 

M.  l'abbé  Duchesne  fait  une  communication  sur  un  manuscrit  de  saint  Optât,  qui 
contient  une  collection  de  pièces  relatives  aux  origines  du  schisnie  donatiste.  Il  res- 
titue le  contenu  primitif  de  ce  recueil,  qui  ne  nous  a  été  conservé  qu'en  partie.  C'est 
un  dossier  formé  entre  33o  et  347;  saint  Augustin  et  les  évêques  catholiques  s'en 
servirent  à  la  conférence  de  Carthage,  en  411.  On  y  trouve  un  groupe  de  lettres  de 
l'empereur  Constantin,  dont  M.  Duchesne  défend  l'authenticité  contre  les  attaques 
de  ^l.  Seeck.  11  maintient,  contre  le  même  savant,  la  date  du  concile  d'Arles,  en  314. 

M.  Boissier  insiste  sur  l'importance  de  la  communication  de  M,  l'abbé  Duchesne. 
Les  lettres  de  Constantin,  contenues  dans  la  collection  d'Optat,  sont  pleines  de  sen- 
timents chrétiens,  et,  comme  elles  remontent  aux  années  qui  suivirent  la  bataille  du 
Pont-Milvius,  elles  prouvent  que  dès  cette  époque  Constantin  avait  embrassé  la  foi 
nouvelle.  En  montrant  que  le  dossier  qui  contient  ces  lettres  a  été  formé  entre  33o 
et  345,  M.  Duchesne  rend  l'authenticité  des  documents  à  peu  près  certaine  et  four- 
nit ainsi  un  argument  nouveau  contre  l'assertion  de  Zosime,  qui  prétend  que  Cons- 
tantin ne  se  fit  chrétien  qu'après  la  mort  de  sa  femme  et  de  son  fils. 

M.  Héron  de  ViUefosse  annonce  une  découverte  épigraphique  faite  à  Châlons-sur- 
Marne.  On  a  trouvé,  au  fond  d'un  puits,  les  monuments  funéraires  de  deux  cavaliers 
d'un  détachement  de  la  5^  cohorte  des  Dalmates,  cantonné  à  Châlons  au  iv'  siècle  de 
notre  ère.  Le  premier  monument  porte  le  nom  At  Plaianus  equis  in  vixelatione  Dal- 
matorum  V,  le  second  celui  de  Fitr(ius}  Antoni)ius  circ(itor)  nfumeri)  Dalfmataruni). 
Le  circitor  était  un  sous-ofhcier  chargé  de  surveiller  les  postes,  une  sorte  d'officier 
de  ronde.  M.  Héron  de  Villefosse  met  sous  les  yeux  de  ses  confrères  des  photogra- 
phies des  monuments  en  question,  qui  lui  ont  été  cominuniquées  par  M.  René  Le- 
maire. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Hamy  :  Lisle  du  Dreneuc  (P.  de).  Nouvelles  Dé- 
couvertes d'idoles  de  rAma:jone ;  —  par  M.  d'Arbois  de  Jubainville  :  Mowat,  Ins- 
criptions de  la  cité  des  Lingons,  conservées  à  Dijon  et  à  Langres  (extrait  de  la 
Revue  archéologique);  —  par  M.  Siméon  Luce  :  Joubert  (André),  Etude  sur  les 
comptes  de  Macé  Darne,  maître  des  œuvres  de  Louis  !"'■',  duc  d'Anjou  et  comte  du 
Maine  (i36j-i3j0).  Julii;n  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant:  ERNEST  LEROUX^ 

Le  Puy^  im'primerie  Marchessou  filSj  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N"  50  —  15  décembre  —  1890 


(Soininali-e  t  549.  Wiedemann,  La  religion  égyptienne.  —  55o.  D'Arbois  de  Jo- 
BAiNviLLE,  L'origine  de  la  propriété  foncière  et  des  noms  de  lieux  habités  en 
France.  —  55 1.  Margoliouth,  Le  texte  de  l'Ecclésiastique.  —  552.  Krauss,  Ma- 
nuel de  théologie  pratique.  —  553.  Achelis,  Théologie  pratique.  —  554.  Tite- 
Live,  I  et  II,  p.  p.  Novak.  —  555.  Frœlich,  L'armée  de  César,  H  et  IIL  —  556. 
Ch.  Nisard,  Le  poète  Fortunat.  —  557.  Groh,  Justin  H.  —  558.  Perlbach,  Les 
statuts  de  l'ordre  teutonique.  —  5^9  Seyboth,  Le  vieux  Strasbourg. —  56o. 
CoMiMUNAY,  Pierre  de  Lancre.  —  56 1.  Sûpfle,  Histoire  des  influences  de  l'Alle- 
magne sur  la  France,  IL  —  562.  Litzmanm,  Schrœder,  I.  —  553.  Hyde  de  Neu- 
ville, Mémoires.  IL  —  564.  La  science  secrète.  —  565.  Deutschmann,  La  versi- 
fication rhythmique  des  Grecs.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


549.  —  A.  WiEDEMANN.  l>le  Religion  <lei»  alten  yEgypter  (Darstellungen  aus 
dem  Gebiete  der  nichtchristlichen  Religionsgeschichte,  111  Band).  Munster  in 
Westphaien,  1890,  in-8,  176  p.  —  Prix  :  3  fr.  5o. 

La  Religion  de  M.  Wiedemann  diffère  de  ses  précédents  ouvrages  en 
ce  qu'elle  est  fort  sobre  d'indications  bibliographiques  et  ne  contient  que 
peu  de  renvois  aux  monuments  originaux.  Cette  parcimonie  lui  a  sans 
doute  été  imposée  par  son  éditeur,  qui  paraît  vouloir  faire  une  collec- 
•tion  de  Manuels  à  l'usage  du  grand  public,  plutôt  qu'une  bibliothèque 
de  traités  spéciaux  à  Tusage  des  savants.  Je  la  déplore  pour  ma  part,  car 
M.  W.  est  un  des  rares  égyptologues  qui  connaissent  à  fond  l'hi-stoire  de 
notre  science,  et,  s'il  avait  été  laissé  à  lui-même,  sa  Religion  der  alten 
JEgXpter  nous  aurait  donné  dans  les  notes  une  véritable  bibliographie 
des  œuvres  déjà  écrites  sur  le  même  sujet,  à  laquelle  on  n'aurait  pas  pro- 
bablement trouvé  grand  chose  à  ajouter. 

Ce  que  j'apprécie  avant  tout  dans  son  nouveau  traité,  c'est  qu'il  n'a 
aucune  prétention  à  la  métaphysique,  et  qu'il  se  borne  à  recueillir  les 
faits  mythologiques  sans  y  prétendre  découvrir  des  doctrines  d'une  subli- 
mité ou  d'une  complication  invraisemblable.  Après  une  courte  introduc- 
tion, où  il  expose  en  quelques  mots  la  géographie  religieuse  de  l'Egypte, 
il  aborde  sans  phrases  l'étude  des  principaux  groupes  de  divinités  que  les 
monuments  nous  ont  fait  connaître.  Comme  le  Soleil  est  Tétre  le  plus 
généralement  adoré  dans  le  pays  entier,  c'est  par  le  Soleil  qu'il  commence. 
Un  chapitre,  le  second  du  livre,  est  consacré  à  la  Religion  solaire,  c'est- 
à-dire  à  l'idée  qu'on  se  faisait  de  l'astre  divin  et  au  culte  qu'on  lui  ren- 
dait dans  les  différentes  villes.  Les  légendes  qui  couraient  sur  lui  vien- 
nent ensuite,  celles  du  moins  sur  lesquelles  nous  avons  le  plus  de 
renseignements,  telles  que  le  récit  de  la  Destruction  des  hommes  par  Râ 
ou  celui  des  guerres  d'Horus  d'Edfou  contre  Typhon.  Un  nouveau  cha- 
Nouvelle  série,  XXX.  5o 


438  REVUE   CRITIQUE 

pitre  résume  très  clairement  les  données  relatives  à  la  Course  du  Soleil, 
dans  le  Monde  souterrain,  au  Soleil  mort,  traversant  la  nuit,  ressusci- 
tant chaque  matin  pour  mourir  le  soir,  et  entraînant  à  sa  suite  les  âmes 
des  morts  dans  un  cycle  perpétuel  de  naissances  et  de  renaissances.  Au 
chapitre  cinquième,  M.  W.  passe  du  Soleil  aux  principales  divinités  qu'on 
rencontre  dans  les  temples.  Il  explique  d'abord,  comment  chaque  ville 
avait  sa  triade  de  dieux,  dont  chaque  membre  se  triplait  à  son  tour  et 
formait  une  Ennéade,  en  tête  de  laquelle  le  dieu  local  était  placé,  puis 
il  met  tour  à  tour  en  scène  la  triade  de  Thèbes,  Amon,  Moût  et  Khonsou, 
celle  des  cataractes,  Khnoumou,  Satit  et  Anouqit,  celle  de  Memphis, 
Phtah,  Sokhit  et  Nofirtoumou,  les  déesses  et  les  dieux  isolés  comme  Nît 
de  Saïs,  Nekhabit  et  Ouazit,  les  déesses  du  Midi  et  du  Nord,  Màit,  la 
vérité,  Hathor  de  Dendèrah,  Sovkou  le  crocodile,  Hâpi  le  Nil.  Il  énu- 
mère  ensuite  les  dieux  d'origine  étrangère  qui  trouvèrent  en  Egypte  une 
patrie  nouvelle;  ceux  qui  avouent  franchement  leur  provenance  sémiti- 
que, Baal,  Astarté,  Anati,  Resheph,  Qodshou  ;  ceux  mêmes  qui  se  sont 
entièrement  naturalisés  au  cours  des  siècles  et  ont  presque  perdu  con- 
science de  leur  origine,  le  nain  Bisou  et  l'hippopotame  femelle  Thouèris. 
Le  culte  des  animaux  n'a  obtenu  qu'un  chapitre,  ce  qui  est  peu,  si  l'on 
songe  à  l'importance  qu'avaient  et  Tibis  et  l'épervier,  et  surtout  les  béliers 
de  Mendès  ou  les  taureaux  sacrés  comme  Mnèvis  et  Apis.  Par  contre, 
les  mythes  osiriens  sont  exposés  assez  longuement,  ainsi  que  les  doctri- 
nes auxquelles  ils  avaient  donné  naissance  sur  la  vie  de  l'âme  dans  l'au- 
tre monde.  L'ouvrage  se  termine  par  deux  chapitres  consacrés  à  des 
matières  que  les  égyptologues  négligent  trop  souvent,  les  Sciences  secrè- 
tes, la  magie,  les  amulettes  et  Tusage  qu'on  en  faisait  journellement  en 
Egypte.  Le  plan  de  l'ouvrage  est,  comme  on  voit,  fort  simple,  et  Tan 
pourrait  souhaiter  peut-être  qu'il  etàt  reçu  plus  de  développements 
c'est  peu  de  deux  cents  pages  pour  tant  de  matières. 

Je  ne  puis  dire  que  je  partage  toutes  les  opinions  que  M.  W.  défend 
dans  son  livre.  Je  crois,  entre  autres  choses,  qu'il  n'a  pas  accordé  à  l'En- 
néade  l'attention  qu'elle  méritait,  et  qu'il  a  méconnu  le  rôle  qu'elle  %\ 
jouait  dans  la  théologie  égyptienne.  Un  chapitre  sur  le  matériel  et  les  ii[ 
cérémonies  du  culte  aurait  complété  heureusement  les  quelques  pages 
qui  traitent  du  rituel  magique  et  des  amulettes.  Peut-être  M.  W.,  qui 
paraît  ne  goûter  que  médiocrement  les  théories  de  Brugsch,  ne  rend-il 
pas  toujours  une  justice  suffisante  à  la  puissance  de  travail  et  d'érudi- 
tion dont  témoigne  le  livre  de  ce  savant  sur  la  Religion  et  la  Mythologie 
des  anciens  Egyptiens.  Ces  imperfections,  et  d'autres  encore  qu'on  pour- 
rait signaler  aisément,  n'empêchent  point  le  nouvel  ouvrage  de  M.  W. 
d'être  le  manuel  le  plus  complet,  et,  somme  toute,  le  plus  sûr  qu'on  ait 
publié  jusqu'à  présent  sur  ces  matières.  J'en  recommanderai  la  lecture 
aux  personnes,  et  elles  sont  nombreuses,  qui  considèrent  l'étude  des 
divinités  égyptiennes  et  de  leur  théologie  comme  une  sorte  de  grimoire 
indéchiffrable,  où  qui  veut  l'aborder  s'y  enfonce  et  ne  réussit  plus  à  s'en 


d'histoire  et  de  littérature  489 

dépêtrer  honnêtement.  Si  pareille  opinion  a  pu  s'établir,  la  faute  n'en 
est  pas  aux  Égyptiens,  elle  en  est  beaucoup  aux  égyptologues  qui  n'ont 
pas  toujours  apporté  à  leurs  recherches  l'esprit  de  critique  et  la  clarté 
qu'elles  exigeaient,  Le  vieux  renom  de  sagesse  dont  l'Egypte  a  joui  jus- 
qu'à nos  jours,  sur  la  foi  des  écrivains  sacrés  et  profanes,  a  faussé  presque 
partout  leur  jugement.  Quand  ils  ont  trouvé  dans  les  textes  des  légendes 
bouffonnes  ou  cruelles,  des  mythes  d'une  crudité  ou  d'une  barbarie  en- 
fantine, l'indication  de  pratiques  ou  de  dogmes  dont  on  ne  rencontre 
les  pareils  que  chez  les  peuples  à  demi-sauvages,  ils  ne  se  sont  pas  rési- 
gnés à  prendre  tout  au  pied  de  la  lettre  :  ils  ont  préféré  voir  un  symbo- 
lisme raffiné  qui  dissimulait,  sous  des  images  grossières,  les  concepts  les 
plus  purs  et  les  plus  abstraits  des  religions  et  des  philosophies  modernes. 
Les  textes  sont  pourtant  fort  clairs  et  fort  explicites  sur  bien  des  points  : 
on  n'a  le  plus  souvent  qu'à  les  traduire  et  à  noter  ce  qu'ils  disent  pour 
savoir  exactement  ce  que  les  Égyptiens  pensaient  de  tel  ou  tel  dieu.  La 
doctrine  qui  en  découle  est,  à  dire  vrai,  remplie  de  contradictions  et 
d'absurdités.  Pour  n'en  prendre  qu'un  exemple,  on  est  obligé  d'admettre, 
sur  le  témoignage  des  monuments,  qu'un  même  égyptien  croyait  à  la 
fois  de  son  âme,  qu'elle  vivait  dans  le  tombeau  d'où  elle  sortait  à  son 
gré  pour  se  promener  sur  terre,  qu'elle  était  dans  les  Prés  des  Fèves  avec 
Osiris,  qu'elle  montait  sur  la  barque  du  Soleil  et  qu'elle  circulait  sans 
cesse  avec  lui  autour  du  monde.  Il  semble  que  la  croyance  à  l'une  de  ces 
conditions  de  l'âme  dût  exclure  la  croyance  aux  autres,  et  pourtant  nous 
lisons  sur  les  stèles  plus  d'une  formule  où  l'on  souhaite  au  mort  de  pos- 
séder d'un  coup  toutes  les  béatitudes  contradictoires  qui  résultent  de  ces 
concepts  différents.  C'est  un  des  cas   nombreux  où  il  suffit   d'exposer 
les  idées  sans  vouloir  les  concilier.  M.  Wiedemann  n'a   eu  qu'à  faire 
presque  partout  un  simple  travail  de  constatation,  pour  nous  présenter 
une  exposition  nette  et  souvent  originale  des  religions  de  l'Egypte  anti- 
que. G.  Maspero. 

55o.  —  H.  d'Arbois  de  Jubainville.  Recherclies  sur  I*oi>igine  de  la  pro- 
pi'îété  foncière  et  des  noms  de  lieux  liabitcs  en  France  (période  cel- 
tique et  période  romaine).  Avec  la  collaboration  de  G.  Dottin.  Paris,  Thorin, 
1890.  Gr.  in-8,  xxxi-703  p. 

Ce  savant  ouvrage  se  compose  de  deux  parties  distinctes,  quoique  con- 
nexes, que  l'auteur  a  nettement  définies  dès  le  début  de  sa  préface  : 
«  L'une  traite  spécialement  de  l'origine  de  la  propriété  foncière  en 
France;  l'autre  a  pour  objet  de  montrer  qu'en  France  un  grand  nom- 
bre de  noms  de  lieux  habités  sont  dérivés  d'un  nom  de  propriétaire.  » 
Chacune  de  ces  parties  veut  être  examinée  séparément. 

I 

M.  d'Arbois  a  déjà  plusieurs  fois  soutenu,  et  soutient  encore,  que 
les  Gaulois,  au  moment  de  la  conquête   romaine,   ne  connaissaient 


440 


REVUE    CRITIQUE 


pas  la  propriété  foncière.  Sa  conception  peut  se  résumer  ainsi  :  le  peu- 
ple seul  propriétaire  ;  les  membres  de  l'aristocratie  gauloise  jouissant 
chacun  précairement  d'un  lot  de  la  terre  commune.  —  C'est  la  thèse 
qui  a  été  combattue  par  Fustel  de  Coulanges  en  1889,  dans  son  mé- 
moire intitulé  Le  problème  des  origines  de  la  propriété  foncière  (p.  83  et 
suiv.  du  tirage  à  part),  mémoire  admirable,  bien  que  certaines  marques 
d'irritation  et  d'itnpatience,  quelques  inexactitudes  aussi,  y  trahissent 
la  fatigue  d'un  grand  esprit  trahi  par  un  corps  épuisé  et  qui  savait  mal, 
il  faut  le  reconnaître,  supporter  la  contradiction.  M.  d'A.  a  répondu  à 
Fustel  dans  un  chapitre  spécial  de  son  introduction  (p.  xxiii-xxxi)  ;  il 
l'a  fait  avec  une  parfaite  courtoisie  et  sans  amertume.  Disons  cependant 
qu'il  oppose  à  tort  les  <«;  rares  lecteurs  »  de  ses  propres  livres  aux 
«  innombrables  lecteurs  »  de  ceux  de  Fustel  ;  l'illustre  historien 
n'ignorait  pas  que  tous  ses  ouvrages,  y  compris  la  Cité  antique^  ont 
été,  comme  il  m'approuva  de  l'avoir  écrit,  «  plus  loués  que  lus  ». 
Sur  le  fond  des  choses,  M.  d'A.  a  plus  d'une  fois  raison  contre 
Fustel,  par  exemple  lorsqu'il  distingue  herediiim  à'hereditas  et 
convainc  son  contradicteur  d'avoir  exagéré  la  portée  d'un  texte  de 
César,  où  il  est  dit  que  les  Druides  jugent  les  procès  de  hereditate. 
Fustel  a  eu  tort  également  d'attribuer  à  M.  d'A.  la  doctrine  de 
r  «  indivision  du  sol  »  chez  les  Gaulois.  Mais  il  affirmait  que,  dans 
la  même  phrase  de  César,  l'expression  de  jînibus  controversia  devait 
s'entendre  par  «  litige  sur  des  limites  privées  »,  alors  que  M.  d'A. 
entendait  par  là  (Cojnptes-rendiis  de  l'Acad.  desinscr.,  1887,  p.  77)1111 
«  litige  sur  les  frontières  de  peuples  ».  M.  d'A.  paraît  donner  mainte- 
nant raison  à  Fustel  (p.  xxvn),  en  alléguant  que  la  partie  de  Yager 
publiciis  gaulois,  occupée  à  titre  précaire  par  des  individus,  avait  des 
WmiiQ^s.  fines  ;  je  regrette  seulement  qu'il  n'ait  rien  dit,  en  cet  endroit  de 
sa  préface,  des  motifs  et  de  l'auteur  de  sa  conversion. 

M.  d'A.  a-t-il  démontré  :  i"  que  les  peuples  gaulois,  en  conquérant 
la  Gaule,  s'emparèrent  du  sol  qui  devint  propriété  d'État;  2°  que  l'aris- 
tocratie se  partagea  ensuite  le  sol  et  en  jouit  à  titre  précaire;  3°  que  la 
conquête  romaine  et  le  cadastre  d'Auguste  donnèrent  naissance  à  la  pro- 
priété foncière  en  Gaule? 

Remarquons  d'abord  que  Fustel  n'a  jamais  nié  l'existence  de  vastes 
domaines  publics  dans  les  c/vifa^Ê'5  gauloises  (Méni.  cit.,  p.  90).  11  n'a 
pas  nié  non  plus  que  les  noms  des  domaines  fonciers  dérivent  souvent 
de  noms  d'hommes  latins;  il  s'est  contenté  de  ne  pas  dire  (ibid.,  p.  91) 
qu'il  n'existât  pas  de  domaines  à  l'époque  celtique.  «  Comme  les  pro- 
priétaires gaulois  avaient  pris  pour  eux  des  noms  romains,  ils  donnèrent 
ces  mêmes  noms  à  leurs  terres  i>  (ibid.  ;  ceci  est  admis  par  M.  d'A,, 
p.  ro).  11  n'a  pas  même  affirmé  qu'il  n'y  ait  jamais  eu,  à  aucune  époque, 
communauté  de  terre,  mais  seulement  que  cette  communauté  n'a  pas 
encore  été  démontrée  historiquement  (p.  93).  En  ce  qui  concerne  les 
Gaulois,  disons  franchement,  avec  Fustel,  que  cette  démonstration  n'est 
toujours  pas  faite. 


i 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  44 1 

A  vrai  dire,  M.  d'A.  n'a  pas  apporté  à  Ja  controverse  d'arguments 
nouveaux  :  il  s'est  contenté  de  maintenir,  contre  Fustel,  l"'exaciitude  des 
propositions  avancées  par  lui  dans  un  précédent  mémoire  (Comptes- 
Rendus,  1887,  p.  63-86).  C'est  ce  qu'on  peut  vérifier  aux  p.  9g  1 2  r  du 
présent  volume,  que  j'ai  comparées  attentivement  avec  le  mémoire  qui 
en  est,  en  quelque  sorte,  la  première  édition.  Les  quatre  arguments 
principaux  de  M.  d'A.  sont  identiques,  exprimés  presque  dans  les 
mêmes  termes.  De  temps  en  temps,  une  addition  de  peu  de  lignes  a  été 
suggérée  par  les  critiques  de  Fustel.  Ainsi  M.  d'A.  avait  vu,  dans  l'émi- 
gration des  Helvètes,  une  preuve  que  la  propriété  individuelle  du  sol 
n'existait  pas  fC.  R.,  p.  68]  ;  Fustel  avait  répondu  (Mém.,  p.  89)  : 
«  N'a-t-on  jamais  vu  des  paysans  propriétaires  émigrer  pour  chercher 
ailleurs  une  propriété  plus  productive?  »  Et  M.  d'A.  ajoute  dans  son 
livre  (p.  io3)  que  le  paysan  français  qui  émigré  aujourd'hui  n'est  pres- 
que jamais  propriétaire  foncier,  que  si  l'Anglais  émigré  plus  volontiers, 
c'est  parce  que  rien  ne  l'attache  au  sol.  Je  doute  que  cette  réponse  soit 
concluante.  Dans  l'assemblée  générale  des  Helvètes  qui  décida  l'exode, 
les  membres  de  l'aristocratie  qui,  suivant  M.  d'A.,  possédaient  ie  sol  à 
titre  précaire,  mais  avec  les  mêmes  avantages  (ou  à  peu  près)  que  s'ils 
avaient  été  propriétaires  (Recherches,  p.  67),  les  nobles,  disons-nous, 
devaient  bien  exercer  quelque  influence  et  rien  ne  nous  montre  que 
leurs  intérêts  de  possesseurs  se  soient  opposés  à  la  décision  prise  en 
commun. 

Les  plus  fortes  modifications  apportées  par  M.  d'A.  à  sa  rédaction 
première  s'observent  aux  p.  i  i  i  et  suiv.  fC.  R.,  p.  y5  et  suiv.),  où  il  est 
question  du  texte  de  César,  Bell,  gall.,  VI,  i3,  5.  Fustel  traduit  contro- 
versiae publicae  par  «  procès  au  criminel  »  (Mém.,  p.  84),  M.  d'A.  par 
«  procès  concernant  un  peuple  »,  par  opposition  aux  litiges  entre  parti- 
culiers fT^ec/r,  p.  117).  Une  lecture  attentive  du  contexte  de  César  m'o- 
blige de  donner  tort  à  Fustel.  D'autre  part,  M. d'A.  a  singulièrement  modi- 
fié son  opinion  sur  les  mots /îere<i/fd!5et^?2e.?(C.  7?.,  p.jy;Rech..i  p.  117); 
c'est  ce  que  nous  avons  déjà  fait  observer  plus  haut.  Il  a  supprimé,  avec 
raison,  tout  ce  qu'il  avait  allégué  d'inexact  dans  les  Comptes-Rendus 
(p.  77-81)  au  sujet  du  sens  Aq  fines  dans  ce  texte.  M.  d'A.  admet  main- 
tenant que  les  yz7ze5  pouvaient  être  les  limites  d'un  champ,  «  mais,  sur 
ce  champ,  quel  était  le  droit  réel  prétendu  par  les  plaideurs?  »  (p.  1 18). 
Ils  pouvaient  n'en  avoir  pas  d'autre  que  les  fermiers  de  nos  jours, 
souvent  en  procès  sur  les  limites  de  terres  appartenant  à  autrui. 
Evidemment,  cette  interprétation-là  est  admissible,  mais  elle  implique 
ce  qui  fait  le  sujet  même  du  débat.  J'observe  encore  que  M.  d'A,,  tant 
dans  son  mémoire  original  que  dans  sa  retractatio,  n'est  jamais  affir- 
matif  sans  réserves  :  les  mots  en  général.,  ordinairement  (C .  R.,  p.  66), 
à  peu  près  (p.  68),  en  général  (p.  73),  s'accordent-ils  bien  avec  le  carac- 
tère absolu  d'une  doctrine  qui  lait  dater  de  la  conquête  romaine  la 
constitution  de  la  propriété  foncière  en  Gaule? 


442  REVUE    CRITIQUE 

La  manière  de  voir  de  M .  d' A.  est-elle  donc  si  contraire  qu'elle  le  sem- 
ble à  celle  de  Fustel  ?  C'est  une  question  qu'il  faut  toujours  se  poser 
quand  on  voit  deux  savants  éminents  en  désaccord.  Pour  Fustel  (Mém., 
p.  85),  le  régime  territorial  de  la  Gaule  avant  César  est  celui  de  la 
grande  propriété,  le  sol  étant  dans  les  mains  des  grands.  M.  d'A.  admet 
aussi  que  le  sol  était  entre  les  mains  des  grands,  des  membres  de  l'aris- 
tocratie fRech.,  p.  120);  seulement,  il  veut  que  la  détention  du  sol  par 
les  particuliers  ait  eu  un  caractère  précaire,  résultat  du  peu  de  temps 
qui  s'était  écoulé  entre  l'établissement  définitif  de  chaque  peuple  et  l'ar- 
rivée de  César.  Cette  précarité  est  donc  relative;  elle  est,  pour  ainsi 
dire,  sur  le  chemin  qui  conduit  de  la  possession  à  la  propriété.  Ce  n'est 
pas  la  propriété  romaine,  avec  le  caractère  sacré  qui  s'y  attache.  Mais 
Fustel  a  précisément  dit  la  même  chose  (Mém.,  p.  85)  :  «  Nous  ne  pou- 
vons pas  dire  si  cette  propriété  gauloise  ressemblait  exactement  à  la  pro- 
priété romaine,  si  elle  était  aussi  bien  garantie  par  le  droit....  ;  nous  ne 
savons  même  pas  si  cette  propriété  était  encore  familiale  ou  déjà  indivi- 
duelle. V  La  discussion  porte  donc  sur  une  question  de  degré,  sur  une 
nuance  :  y  insister  davantage  serait  oiseux. 

Un  désaccord  moins  sérieux  encore  —  si  j'y  vois  clair  —  porte  sur  le 
sens  du  mot  aedificia.  Parlant  à  l'Académie  des  Inscriptions  fC  R., 
1886,  p.  309),  M.  d'A.  a  dit  :  «  En  Gaule,  avant  la  conquête,  il  n'exis- 
tait mfundi,  ni  villae....  Ce  qui  correspondait  à  la  villa  romaine  est 
désigné  chez  César  par  le  mot  aedificiiim.  »  Fustel  (Mém.,  p.  gi)  a  cité 
inexactement  cette  phrase,  à  moins  qu'elle  n'ait  été  modifiée  sur  les  épreu- 
ves dans  le  tirage  à  part  auquel  il  renvoie.  Il  insiste  sur  la  synonymie 
à'aedifcium  et  de  villa  et  conclut  :  «  Voilà  les  domaines  et  les  villae 
que  M.  d'A.  cherchait.  Ces  aedijicia  n'étaient  pas  des  cabanes,  c'étaient 
des  fermes.  »  Or,  dans  son  récent  ouvrage  (p.  go).  M,  d'A»  écrit  :  «  La 
première  [catégonQ  d'aedijicia']  comprend  les  maisons  de  maître...  qui 
ont  précédé  les  châteaux  modernes...  D'autres  aedificia  étaient  des  bâti- 
ments d'exploitation  habités  par  des  cultivateurs...  Au  premier  siècle  de 
notre  ère...  les  villae  ont  en  Gaule  remplacé  les  aedificia.  »  (Rech., 
p.  g3.)  Et  plus  loin  (p.  gS)  :  «  Villa  est  le  groupe  des  bâtiments  où  le 
propriétaire  du fiiindus  se  loge  et  qui  servent  à  l'exploitation.  »  —  La 
seule  différence,  semble-t-il,  entre  Vaedificium  et  la  villa,  c'est  que,  sui-  -i 
vant  M.  d'A.,  le  premier  ne  loge  que  les  cultivateurs,  tandis  que  la 
seconde  loge  le  propriétaire;  mais  loger  un  propriétaire,  c'est  le  propre 
d'une  maison  de  maître,  et  M.  d'A.  reconnaît  tout  justement  qv^aedi- 
ficium  est  employé  dans  ce  sens  par  César.  Je  ne  vois  pas  un  iota  à 
modifier  aux  deux  pages  de  Fustel  sur  ce  sujet  (Mém.,  p.  g  1-92).  L'as- 
sertion de  M.  d'A.  sur  l'absence  de  villae  en  Gaule  se  réduit  à  une  ques- 
tion de  nomenclature.  Sapienti  sat  ! 

Il  y  aurait  encore  cependant  bien  des  remarques  intéressantes  à  faire, 
par  exemple  sur  les  pages  où  M.  d'A.  résume  très  heureusement  la  cons- 
titution de  la  Gaule  au  temps  de  César  (p.  28-67).  J'observe  seulement, 


d'histoire  et  de  littérature  443 

devant  me  borner,  qu'il  voit  dans  les  principes  non  des  magistrats,  mais 
des  hommes  influents  (c'est  la  doctrine  soutenue  par  Braumann)  et, 
dans  le  principatus,  la  primauté  parmi  les  principes,  «  probablement 
une  sorte  de  prépondérance  au  sénat  »  (p.  49). 

II 

Les  noms  de  lieux  qui  occupent  M.  d'A.  sont  ceux  des  lieux  habités, 
parce  que  les  noms  de  cours  d'eau  et  de  montagnes  appartiennent,  pour 
la  plupart,  à  des  langues  préceltiques.  Ces  noms  de  lieux  habités  sont, 
en  général,  tirés  du  nom  porté  par  un  propriétaire  antique.  Cela  est  évi- 
dent pour  la  période  franque,  où  l'on  trouve  quantité  de  noms  comme 
Giinduljî-villa  (Gondreville),  Ansoaldo->nllare  (Ansauvilliers),  Bande- 
chisilo-vallis  (Bougival).  LesGallo-Romains,  en  donnant  ces  noms  aux 
villae  fondées  par  les  conquérants,  n'ont  fait  que  persévérer  dans  un 
usage  plus  ancien,  dont  portent  témoignage  des  noms  comme  Clandio- 
magus  (le  champ  de  Claudius),  Vitu-durum  (la  forteresse  de  Vitus).  A 
la  période  franque,  le  premier  terme  des  noms  composés  est  germanique, 
le  second  romain  ;  dans  les  formations  antérieures,  le  premier  nom  est 
gaulois  ou  romain,  le  second  gaulois.  Ce  rôle  important  que  les 
noms  d'hommes  ont  joué  dans  la  formation  des  noms  de  lieux  habités 
établit  un  lien  entre  l'étude  toponymique  du  second  livre  et  les  recher- 
ches du  premier  sur  les  origines  de  la  propriété  foncière. 

M.  d'A.,  qui  a  dédié  ses  Recherches  à  la  mémoire  de  Jules  Quicherat, 
rapporte  hautement  (p.  xv)  la  paternité  de  son  ouvrage  à  l'opuscule  de 
Quicherat  publié  en  1867  :  De  la  formation  française  des  anciens 
noms  de  lieux.  Depuis  1867,  la  philologie  a  fait  des  progrès  :  de  là 
quelques  divergences  de  vues  entre  le  maître  regretté  et  son  élève. 
Ainsi,  Quicherat  admettait  que  pendant  la  période  romaine  on  avait 
formé  des  noms  de  lieux  avec  le  suffixe  -iacus  :  M.  d'A.  a  montré  que 
ce  suffixe  date  seulement  de  la  période  mérovingienne  et  qu'il  est  dû  à 
une  influence  analogique.  Le  suffixe  -âcus  s'ajoute  à  des  noms  propres 
et  à  des  surnoms  pour  former  des  noms  de  lieux  ;  les  noms  de  lieux 
terminés  en  -iacus  dérivent  de  gentilices  en  -ius^  de  sorte  que  la  lettre  i 
n'appartient  pas  au  suffixe.  Ces  faits  ont  été  établis  par  M.  d'A.  et 
appuyés  d'une  vaste  collection  d'exemples;  ils  n'offrent  prise  à  aucune 
contestation.  Là  où  les  formes  romaines  font  défaut,  l'analogie  autorise 
M.  d'A.  à  les  restituer  par  conjecture.  Ainsi  le  nom  de  Carnac,  sur 
lequel  on  a  tant  divagué  (d'aucuns  y  ont  vu  une  postposition  de  l'article 
basque  !)  dérive  d'un  cognomen  hypothétique  *Cflr«zf5,  identique  au  nom 
du  peuple  celtique  des  Garni;  Carnacus  donno,  Carnac  et  Charnay\  du 
cognomen  *Carnus  vient  le  gentilice  Carnius^  celui-là  attesté  par  des 
exemples  :  de  là  Carniacus  et,  dans  la  toponymie  moderne,  Chargnat, 
Chargnac,  peut-être  aussi  Charny{^.  489). 

Le  suffixe  -âcus,  correspondant  au  suffixe  romain  -anus,  est  celtique; 
or,  la  langue  gauloise  disparaissant  en  Gaule  vers  le  v"  siècle,  on  peut 


444 


REVUE   CRITIQUE 


s'étonner  de  voir  surgir,  dans  les  documents  du  moyen  âge  des  noms 
de  lieux  en  -acus.  Mais,  d'abord,  les  désignations  loponymiques  peu- 
vent être  beaucoup  plus  anciennes  que  les  textes  où  elles  se  sont  con- 
servées; en  second  lieu,  le  rôle  de  Tanalogie,  qui  a  dû  être  considérable, 
suffirait  à  expliquer  la  survivance  du  suffixe  gaulois.  Les  objections  pré- 
sentées par  M.  Loth  à  la  théorie  de  l'origine  gallo-romaine  des  noms 
en  -ac  {Revue  celtique,  t.  V,  p.  267),  ne  paraissent  donc  pas  difficiles 
à  écarter. 

Les  gentilices  en  -ius  n'ont  pas  toujours  été  développés  à  l'aide  d\m 
suffixe  :  ainsi  Anicius  était  l'ancien  nom  du  Puy.  Le  gentilice  se  pré- 
sente aussi  sous  diverses  formes  dérivées  du  génitif  pluriel  et  du  génitif 
singulier;  on  le  trouve  au  nominatif  féminin  (sous-entendu  v///a),  au  Ja- 
tif-ablatif pluriel  {Mettis=  Metz),  au  nominatif-accusatifpluriel  féminin 
(Ateias  ^^^  Athée).  Les  cognomina  en  'ius  jouent  le  même  rôle  que  les 
gentilices;  ex,  :  Mercurius  (Mercœur),  Mercuriacus  (Mercury).  On 
pourrait  cependant  rappeler,  à  ce  propos,  les  stations  Ad  Mercurium, 
nombreuses  en  Afrique  (Tissot,  Géog.  comp.,  t.  II,  p.  822);  M.  d"A. 
admet  d'ailleurs  qu'  «  en  certaines  circonstances,  un  nom  divin  peut 
immédiatement  avoir  donné  naissance  à  un  nom  de  lieu  »  (p.  448). 

Les   chapitres   suivants   traitent  des  gentilices  en    -enus ,   auxquels 
s'ajoute  souvent  le  suffixe  -acus  (Marcenus,  Marcennacus,  Marsaiinay], 
mais  qui  donnent  aussi    des  noms  de  lieux   sans    addition  de  suffixe 
(Turennus,  Turenne;  Tai'venna,  Théiouanne).  Des  noms  de  lieux  en 
-acus  ont  été  formés  de  cognomina  romains  d'origine  latine  {Asellus^ 
Asellacus),  ou  grecque  ('AOâvaç^  Athanacus], Gu  gau\oise{Brennos,  Bren- 
nacus);  d'autres  sont  identiques  à  des  cognomina  romains,  employés  au 
masc.  sing.,  au  masc.  plur.,  au  fém.  sing.  ou  au  fém.  plur.  Un  certain 
nombre  de  noms  comme  Albucio  (Aubusson)  sont  formés  d'un  gentilice 
en  -ius  à  l'aide  du  suffixe  -0,  -onis ;  il  en  est  qui  sont  des  diminutifs  de 
gentilices  comme  Cairolus  (Queiroles).  Nous  ne  pouvons  qu'indiquer 
l'étude  des  noms  en  olus,  oiolum,  of(i:/«m  (franç.-œM//j,  celle  des  suffixes 
gaulois  -iscos,  -avos,  -icos,  -ssos  et  -ssa.  Le  chapitre  relatif  aux  suffixes 
-asciis,  -oscus,  -uscus  est  particulièrement  digne  d'attention.    M.  d'A. 
a   donné   de   bonnes  raisons   pour  les  considérer  comme  ligures;   on. 
les  retrouve  également  au  Portugal  [Revue  celtique,  t   XI,  p.  5  10).  Lesj 
noms  de  lieux  en  -aria   et   -etum   terminent  ce    gigantesque   travail,' 
monument  de  saine  méthode,  d'ingéniosité  et  de  patience,  où  la  critique] 
des  détails  doit  être  laissée  à  de  plus  compétents  que  moi,  en  particu- 
lier aux  romanistes. 

Les  immenses  matériaux  du  second  livre  ont  été  fournis  à  M.  d'A., 
par   les  textes  de  l'antiquité  et  du  moyen  âge,  les  inscriptions  et  lesl 
dictionnaires  topographiques.  On  n'a  qu'à  jeter  les  yeux  sur  les  index, 
dressés  par  M.  Dottin  (p.  639-685),  pour  avoir  une   idée  de  cette   pro- 
digieuse   réunion   de  documents.    M.    d'Arbois    aurait    certainement 
pu  abréger  son  texte  et  se  dispenser,  par  exemple,  toutes  les  fois  qu'il 


d'histoire  et  de  littérature  445 

rencontre  un  gentilice  latin,  d'énumérer  les  personnages  qui  l'ont 
porté  ou  même  d'esquisser  leur  biographie  ;  un  simple  renvoi  en  note 
aurait  suffi.  Mais  si  l'on  songe  que  ce  livre  sera  consulté  dans  la 
France  entière  par  ceux  qui  voudront  être  éclairés  sur  \e  pourquoi  du 
nom  de  leur  résidence,  on  excusera  aisément  cette  surabondance  d'in- 
formations :  les  habitants  d'Aire-sur-Lys  (p.  3yg)  n'en  voudront  pas 
à  M.  d'Arbois  de  Jubainville  de  leur  apprendre  l'histoire  de  Virgile  et 
du  centurion  Arrius,  ou  de  leur  citer  les  vers  de  Catulle  sur  l'autre 
Arrius,  celui  qui  prononçait  hinsidias . 

Salomon  Reinach. 

55 1.  —  An  essay  on  t!»e  place  of  Eccîesîastîcus  in  semitic  literature, 
being  the  inaugural  Lecture  delivered  by  D.  S.  Margoliouth.  Laudian  professor 
of  arable  in  tiie  Uni  versity  of  Oxford,  Oxford,  Clarendon  Press,  1890  ;  pet.  in-4, 
24  p. 

M.  Margoliouth  s'est  consacré  à  une  tâche  fort  difficile,  qui  demande, 
outre  des  connaissances  linguistiques  étendues  et  solides,  un  singulier 
fonds  de  patience,  mais  qui  est  d'une  grande  portée  :  je  veux  dire  la 
reconstitution  du  texte  original  de  {''Ecclésiastique  au  moyen  des  ver- 
sions grecque,  syriaque,  latine  qui  nous  sont  parvenues.  Ce  texte  est 
assurément  de  l'hébreu,  mais  quel  hébreu?  La  question  touche  aux  plus 
graves  problèmes.  Quelle  langue  écrivait  un  lettré  juif  200  ans  avant 
notre  ère?  On  lira  avec  un  vif  intérêt  cette  leçon  d'ouverture,  où  M.  M. 
expose  ses  principes  de  travail,  les  résultats  obtenus,  ceux  qu'il  entrevoit 
et  donne  deux  remarquables  spécimens  de  sa  restitution  de  l'original  de 
V Ecclésiastique.  Nous  ne  pouvons  qu'applaudir  à  des  recherches  entrer- 
prises  avec  toute  la  précision  et  la  rigueur  des  méthodes  modernes  et 
sous  lesquelles  on  sent  la  noble  ambition  de  faire  avancer  l'état  de  nos 
connaissances  en  matière  de  littérature  et  d'histoire  religieuses'  ;  quand 
nous  aurons  ajouté  que  M.  Margoliouth  s'exprime  sur  un  ton  de  mo- 
destie très  sincère,  qu'il  adresse  un  hommage  ému  à  la  mémoire  de 
ceux  qui  lui  ont  frayé  la  voie,  on  comprendra  que  sa  Lecture  inaugu- 
rale nous  ait  donné  la  meilleure  opinion  et  de  sa  personne  et  de  l'état 
présent  des  études  d'orientalisme  biblique  en  Angleterre. 

M.  Vernes. 

552.  —  t.elii'lyucli  dei*  praktisclien  Xlieologie»  von  D.  Alfred  Krauss,  ord. 
Prof.  d.  Theol.  zu  Sirassburg.  Erster  Band.  Allgemeine  Einleitung.  Liturgik. 
Homiletik.  Freiburg  i.  B.,  J.  C.  B.  Mohr,   1890.  In-8,  viu-356  p. 

553.  —  Pi>akti<iclic  Xlicologie,  von  D.  E.  C.  Achelis,  ord.  Prof.  d.  Theol.  an 
der  Universitset  Marburg.  Erster  Band,  Einleitung.  Die  Lehre  von  der  Kirche 
und  ihren  ^mtern,  Katechetik.  Homiletik.  Poimenik.  Freiburg  i.  B.  J.  C.  B. 
Mohr,  1S90.  In-8,  xx-549  P- 

Le  titre  de  ces  publications  nous  avertit  assez  qu'elles  n'ont  pas  un 


I.  En  rendant  un  hommage  mérité  à  la  science  de  l'auteur,  nous  ne  prétendons 
nullement  dissimuler  ce  qu'il  y  a  d'hypothétique  dans  son  essai,  notamment  en  ce 
qui  concerne  la  métrique  de  l'original. 


446  REVUE    CRITIQUE 

caractcre  purement  scientifique.  Elles  sont  destinées  surtout  aux  pas- 
teurs des  églises  réformées.  Ce  n'est  pas  à  dire  que  toutes  les  personnes 
qui  s'occupent  d'enseignement  religieux  ne  puissent  les  lire  avec  profit  : 
mais  il  n'appartient  pas  à  la  Revue  critique  d'apprécier  ce  genre  de 
mérite.  Dans  Pun  et  l'autre  livre,  on  a  mis  beaucoup  d'érudition  au 
service  des  principes  théologiques.  Le  D^'  Achelis  accorde  une  place 
plus  large  aux  théories,  et  les  tendances  confessionnelles  sont  plus  accen- 
tuées dans  son  livre  que  dans  celui  du  D''  Strauss.  On  trouve  chez  ce 
dernier  une  histoire  abrégée  de  la  liturgie  chrétienne,  avec  un  exposé  des 
cérémonies  de  la  messe  catholique;  dans  son  histoire  de  l'éloquence 
sacrée,  il  mentionne  et  juge  les  orateurs  catholiques  postérieurs  à  la 
Réforme  ^ 

A.  L. 


554.  —  Xîil   Uuî  al»  urbe   contlita  libri  I  et  II.  Scholarum  in  usum  recensuit 
Robertus  Novak.  Pragœ,  I.  Otto,  iSgo,  124  pp.  in-8. 

Cette  brochure  contient  le  texte  sans  notes  des  deux  premiers  livres 
de  Tite-  Live,  et  à  la  fin  six  pages  d'adnotatio  critica.  C'est  la  continua- 
tion d'une  série  d'éditions  latines  entreprise  par  M.  Novak  et  sur  les- 
quelles on  a  déjà  eu  l'occasion  de  s'expliquer  dans  la  Revue  \  L'auteur 
persiste  dans  ses  principes  de  critique.  Il  semble  avoir  été  cette  fois 
moins  hardi  et  quelques  indications  sur  la  langue  de  Tite  Live  rendent 
la  lecture  de  ses  remarques  un  peu  moins  inutile.  Mais  il  a  tort  de 
vouloir  ramener  aux  usages  de  la  syntaxe  de  Tite  Live  les  formules 
archaïques  insérées  dans  la  narration  (I,  24,  7). 

P. -A.  L. 


555.  —    Fr.    Frœlich.    Das  iCi-Segswesen  Cîesai*s  (2^  et  3<=  parties).  Zurich, 
1890,  in-8,  87  pages,  chez  Schulthess. 

Je  ne  puis  que  répéter,  à  propos  de  la  seconde  et  de  la  troisième  partie 
du  livre  de  M.  Frôlich,  ce  que  j'ai  dit  à  l'occasion  de  la  première  :  rien 
de  très  nouveau  dans  ce  travail,  mais  une  étude  consciencieuse  des  textes 
qui  utilise  tous  les  détails  et  s'arrête  aux  conclusions  les  plus  rai- 
sonnables. La  troisième  partie  traite  de  la  tactique  de  l'infanterie  légion- 
naire et  auxiliaire  et  de  la  cavalerie  au  temps  de  César  :  c'est  une  suite 
de  recherches  techniques.  La  seconde,  où  M.  Frôlich  aborde  certains 
détails  de  l'organisation  militaire  au  même  temps,  est,  au  contraire,  d'un 
intérêt  plus  général,  parce  que  l'administration  des  armées  ne  change 
pas  totalement  d'une  époque  à  l'autre  et  aussi  parce  que  l'auteur,  ne 

1.  En  faisant  de  Bossuet  le  type  du  prédicateur  mondain  (p.  209),  M.  Strauss 
donne  à  penser  qu'il  ne  l'a  pas  beaucoup  lu.  De  même,  il  s'est  trompé  (p.  216)  en 
mettant  Lamennais  parmi  les  prédicateurs  du  xixe  siècle. 

2.  1890,  I,  483. 


D  HISTOIRE    ET   DE    LITTERATURE  447 

rencontrant  pas  dans  le  texte  de  César  suffisamment  de  données,  a  été 
en  chercher  ailleurs,  On  trouvera  dans  cette  partie  des  renseignements 
précis  sur  l'instruction  donnée  au  soldat,  la  discipline,  le  matériel  de 
campagne  et  de  siège,  la  nourriture  des  troupes,  le  service  de  santé.  Je 
signalerai  surtoutleparagraphe  relatif  à  Téducation  militaire  desofficiers. 
On  y  verra  comment  les  jeunes  gens  se  formaient  à  l'art  de  la  guerre, 
et  qu'ils  apprenaient  à  commander  et  à  vaincre,  bien  moins  dans  des 
livres  spéciaux,  qu'en  regardant  faire  leurs  aînés. 


556.  —  Charles  Nisard.  Le  poète  Fortunat.  Paris,  Champion,  1S90,  xii-206  pp. 
in- 12. 

On  a  recueilli  dans  ce  volume  les  dissertations  de  M.  Ch.  Nisard  sur 
Fortunat,  éparses  dans  divers  recueils.  Ces  études  sont  donc  connues, 
mais  il  ne  nous  est  pas  désagréable  de  les  signaler  de  nouveau.  Nous 
avons  eu  occasion  de  faire  nos  réserves  sur  la  façon  dont  M.  N.  compre- 
nait la  critique  des  textes  à  propos  de  sa  traduction  du  poète.  Nous 
tenons  à  en  faire  de  nouvelles  sur  Tattribution  à  sainte  Radegonde  de 
quelques  élégies  du  recueil  de  Fortunat.  M.  N.  les  attribue  à  Rade- 
gonde parce  qu'elles  sont  vraiment  belles  et  qu'on  y  trouve  Pexpression 
naturelle  d'une  émotion  sincère.  C'est  prétendre  que  Fortunat  n'au- 
rait jamais  pu  s'élever  au-dessus  de  son  mauvais  goiit  habituel.  Ce  sin- 
gulier critère  détermine  M.  N.  à  supposer  une  collaboration  de  Rade- 
gonde dans  des  pièces  où  les  fautes  de  goût  sont  rachetées  par  quelques 
bons  vers.  En  somme,  M.  N.  prouve  mal  ce  qu'il  avance.  11  y  a  même 
des  indices  de  la  fausseté  de  sa  thèse.  On  ne  s'explique  pas  pourquoi  dans 
App.  3,  attribué  à  Radegonde,  l'auteur  croit  nécessaire  d'exposer  à  son 
parent  comment  elle  est  la  cousine  germaine  d'Hamalafrède.  Tout  ce 
développement  généalogique  est  dans  le  goût  de  Fortunat.  Il  reste  acquis 
pourtant  que  Radegonde  faisait  des  vers.  Une  courte  notice  de  M.  Er- 
nest Boysse  sur  M.  Nisard  et  la  liste  des  ouvrages  du  défunt  complètent 

cet  élégant  volume. 

P.   L. 


557.    —  Kurt    Groh.    Ciescliîclïte  des    ostraemîselien    Kaîssers    Justin    II, 

nebst  den  Quellen  (565-578).  Leipzig,  Teubner,  i88g,  i  vol.  in-8,  viii-120  p. 

Le  livre  de  M.  Groh,  un  mémoire  couronné  par  la  faculté  philoso- 
phique de  l'Université  de  Halle,  comprend  trois  parties  :  lO  une  étude 
des  sources  du  règne  de  Justin  II;  2»  l'histoire  intérieure,  et  3°  l'his- 
toire extérieure  de  ce  prince.  Il  n'y  faut  point  chercher  pourtant  une 
image  fort  complète  ni  de  l'homme,  ni  du  règne.  Les  quelques  pages 
où  M.  G.  a  tenté  d'esquisser  le  portrait  de  l'empereur  sont  vagues  et 
bien  des  traits  essentiels  manquent  à  la  peinture;  dans  le  récit  des  évé- 
nements, d'autre  part,  l'histoire  religieuse  a  été  volontairement  négligée, 


^^8  REVUE    CRITIQUE 

et  quoique  M.  G.  s'en  excuse  et  s'en  justifie,  la  lacune  me  semble  grave, 
surtout  dans  Thistoire  d'un  souverain  célèbre  par  sa  piété  et  son  atta- 
chement à  Tortliodoxie,  et  qui  plus  d'une  fois  laissa  guider  ses  résolu- 
tions politiciues  par  ses  sentiments  chrétiens.  J'accorde  que  Thistoire 
religieuse  du  règne  de  Justin  II  se  lie  intimement  à  celle  du  gouverne- 
ment de  Justinien",  mais,  de  même  que  M.  G.  pour  faire  comprendre  la 
politique  extérieure  de  Justin,  a  sommairement  caractérisé  celle  de 
Justinien,  ainsi  il  était  facile,  par  un  aperçu  rapide,  de  marquer  les 
traits  essentiels  de  l'histoire  religieuse  du  règne  précédent.  On  conçoit 
que  dans  ces  conditions  le  tableau  du  gouvernement  intérieur  de  Justin  II 
paraisse  un  peu  maigre  :  des  anecdotes,  des  discussions  parfois  puériles 
en  forment  la  principale  partie,  qu'il  eût  fallu  tout  au  moins  fortifier 
quelque  peu  en  demandant  aux  ISovelles  des  informations  sur  l'admi- 
nistration du  prince,  ou  en  discutant  la  difficile  question  de  la  création 
des  exarchats  d'Afrique  et  d'Italie.  Telle  qu'elle  est,  cette  partie  du 
livre  aurait  pu  presque  entièrement  se  fondre  avec  la  troisième  :  le  récit 
en  fût  devenu  plus  méthodique  et  plus  intelligible. 

Sans  doute  il  faut  louer  M.  G.  d'avoir  fait  emploi  pour  son  livre  des 
sources  syriennes,  arabes  et  perses,  et  en  particulier  de  la  chronique  de 
Jean  d'Éphèse,  un  document  contemporain  et  fort  intéressant  pour 
l'histoire  de  Justin  II.  Pourtant  il  eût  été  utile  d'apporter  parfois  une 
critique  plus  exacte  dans  l'emploi  de  ce  témoignage.  Ainsi  M.  G. 
emprunte  à  Jean  d'Éphèse  Un  fort  curieux  récit  de  la  folie  de  l'empereur, 
et  je  ne  veux  point  chicaner  ici  sur  l'importance  un  peu  naïve  que 
M.  G.  donne  à  cet  épisode  (p.  55  note  2);  mais  faut-il  se  fier  aveuglé- 
ment à  ce  texte?  De  l'aveu  même  de  M.  G.,  Jean  d'Éphèse  est  parfois 
sujet  à  caution  (pp.  95,98);  il  donne  volontiers  aux  événements  une 
tournure  dramatique;  malgré  ses  protestations  d'impartialité,  on  sait 
qu'il  a  souffert  sous  Justin  II  de  la  persécution  dirigée  contre  les  mono- 
physites  et,  son  récit  porte  parfois  la  marque  visible  de  ses  préoccupa- 
tions religieuses.  Que  l'on  compare  le  discours  placé  par  Jean  d'Éphèse 
dans  la  bouche  de  l'empereur  (pp.  Sy-SS)  au  texte  rapporté  en  termes 
identiques  par  Théophylacte  Simocatta  (111,  11,  éd.  de  Boor,  p.  i  33)  et 
Théophane  (éd.  de  Boor,  248),  on  y  trouvera  une  série  d'additions  qui 
tendent  visiblement  à  présenter  la  maladie  du  prince  comme  une  divine 
punition  de  son  mauvais  gouvernement  :  entendez  par  là  de  sa  politique 
religieuse.  La  chose  apparaît  fort  nettement  si  l'on  rapproche  de  Jean 
d'Ephèse  un  texte  qui  a  échappé  à  M,  G.,  la  chronique  éthiopienne  de 
Jean  de  Nikiou  (Notices  et  extraits  des  viss.  t.  XXIV,  i883),  un 
monophysite,  lui  aussi,  qui  écrivait  au  Vii^  siècle.  Pour  cet  évéque  égyp- 
tien la  folie  de  Justin  est  le  châtiment  mérité  de  sa  politique  religieuse 
(p.  521);  n'en  faut-il  point  conclure  que  quelques  réserves  auraient  été 
utiles  dans  l'emploi  de  la  chronique  de  Jean  d'Éphèse? 

J'arrive  à  un  point  plus  important.  M.  G.  a  fort  bien  marqué  l'intéiêt 
du  règne  de  Justin  II,  et  signalé  la  réaction  qu'inaugura  cet  empereur 


D  HISTOIRE   ET    DE   LITTERATURE  44g 

contre  la  politique  de  Justinlen.  Le  fait  est  indéniable,  au  moins  en  ce 
qui  touche  Padministration  intérieure,  et  on  ne  saurait  contester  les 
bonnes  intentions  du  nouveau  souverain.  Mais  il  m'est  impossible  de 
suivre  M.  G.  dans  l'appréciation  qu'il  fait  des  deux  politiques  :  et  puis- 
qu'aussi  bien  il  se  propose  de  nous  donner  quelque  jour  une  histoire  de 
Justinien,  il  ne  sera  pas  inutile  de  s'expliquer  sur  ce  point.  M.  G.  est 
pour  Justinien  d'une  sévérité  qui  atteint  l'injustice,  il  a  pour  Justin  une 
indulgence  qui  touche  à  l'admiration  :  c'est  dépasser  la  mesure  des  deux 
côtés.  Il  faudrait,  avant  de  critiquer  si  durement  la  politique  de  Justi- 
nien à  l'égard  des  barbares,  ne  pas  oublier  qu'à  tout  prendre  elle  n'était 
que  la  continuation  des  vieilles  traditions  romaines  :  gagner  à  prix  d'or 
des  mercenaires  barbares,  empêcher  tous  ces  envahisseurs  de  même  race 
de  se  conjurer  contre  l'empire,  exploiter  leurs  discordes  et  leurs  haines, 
et  par  là  suppléer  à  la  faiblesse  des  légions  impériales,  c'est  ce  qu'avaient 
fait  les  derniers  empereurs  d'Occident  et  leurs  derniers  grands  ministres; 
c'est  ce  que  firent,  non  moins  heureusement,  les  BacXeiç  byzantins.  Quand 
il  plut  à  Justin  II  de  changer  de  système,  ses  hauteurs  maladroites  et 
singulièrement  imprudentes  eurent  pour  l'empire  des  conséquences 
désastreuses.  La  rupture  avec  les  Avares  et  les  Lombards  entraîna  la 
perte  de  l'Italie;  le  refus  du  tribut  au  roi  de  Perse  amena  une  intermi- 
nable guerre,  dont  les  historiens  de  l'époque  ne  peuvent  assez  blâmer  la 
témérité.  (Voir  Simocatta,  III.  9).  L'habileté  comme  la  tradition  étaient 
si  bien  du  côté  de  la  politique  justinienne  qu'il  fallut,  quoique  on  en 
eût,  s'en  tenir  bien  souvent  à  cette  sage  diplomatie.  Justin  laissa  Gépides 
et  Lombards  s'affaiblir  les  uns  par  les  autres,  absolument  comme  eût 
fait  Justinien;  il  chercha  un  appui  contre  la  Perse  dans  des  négociations 
avec  les  Turcs,  dans  l'alliance  des  Alains,  des  Ibères,  des  Abasges;  il  prit 
à  sa  solde,  comme  l'eût  pu  faire  son  prédécesseur,  des  légions  de  bar- 
bares (pp.  1 1  i-i  I  3;;  pour  recouvrer  l'Italie,  et  M,  G.  ne  s'en  est  point 
assez  préoccupé,  il  négocia  avec  les  Francs,  il  intrigua  chez  les  Lom- 
bards :  c'est  encore  et  toujours  la  politique  de  Justinien.  C'est  une 
erreur  capitale  de  croire  que  Justin  a  sauvé  l'empire  de  la  ruine  qui  le 
menaçait  (p.  67),  d'affirmer  que  ses  échecs  sont  la  conséquence  des  fautes 
de  l'autre  règne  (p.  64),  de  louer  la  fierté  de  sa  politique  (pp.  90,  93,  94)  : 
sur  tous  ces  points,  c'est  la  thèse  contraire  qui  me  semble  être  la  vérité. 
Il  faut  assurément  féliciter  M.  G.  d'avoir  travaillé  d'après  les  sources: 
peut-être  pourtant  s'exagère-t-il  la  nouveauté  de  ce  qu'il  y  a  trouvé. 
L'essentiel  des  faits  était  connu,  et  M.  G.  a  apporté  peu  de  révélations 
capitales;  aussi  y  a  t-il  quelque  excès  de  zèle  à  vouloir  corriger  Ranke 
sur  quelques  points  secondaires  (p.  74)  ou  à  chicaner  Hirsch  sur  des 
insignifiances  (p.  18).  Je  ne  veut  point  chicaner  à  mon  tour,  et  reprocher 
à  M.  G.  d'avoir  laissé  échapper  tel  texte  d'Agnellus  (c.  g'j)  qui  confir- 
mait le  témoignage  de  Jean  d'Éphèse  sur  Narsès  (p.  jS)  :  mais  du  moins 
aurait-il  été  bon  de  connaître  et  de  consulter  les  Novellae  constitii- 
tiones  de  Zachariae  de  Lingenthal,  et  d'employer  une  édition  du  Corpus 


450  REVUE    CRITIQUE 

Juris  autre  que  celle  de  Leipzig,  lySo.  Il  eût  fallu  aussi,  puisqu'on 
consultait  les  textes,  y  prendre  ce  qui  s'y  trouve,  et  ne  point  remplacer 
\ttu  vincas,  Justine  de  Corippus  (I,  358)  par  un  rj  Bïî-/.aç  mal  transcrit 
dans  Constantin  Porphyrogénète;  il  eût  été  bon  de  ne  point  affirmer 
sans  preuves  la  liaison  de  Timpératrice  Sophie  avec  Tibère;  il  eut  été 
sage  de  ne  point  inventer  une  fonction  de  diix  et  aiigiistalis,  au  lieu  du 
praefectus  augiistalis  bien  connu  par  la  Notitia;  il  n'eut  point  fallu 
faire  du  préfet  Longin  un  exarque  d'Italie;  et  enfin,  il  eut  été  utile  de 
consulter  de  plus  près  les  livres  de  seconde  main,  ne  fût-ce  que  pour  en 
citer  exactement  le  titre  (p.  80,  note  3.  Bande  di  Vesmeau  lieu  de  Baudi 
di  Vesme,  Bethmann  und  Hollweg  (!!)  pour  Bethmann-Holhveg). 

Assurément,  il  y  a  dans  le  livre  de  M.  G.  des  recherches  conscien- 
cieuses et  un  zèle  louable;  mais  dans  l'enthousiasme  un  peu  naïf  qui 
éclate  en  quelques  pages,  on  sent  l'inexpérience  d'un  débutant  mal 
initié  encore  aux  études  byzantines.  Voilà  bien  longtemps  que,  même 
en  Allemagne,  on  connaît  et  apprécie  Thistoire  de  Finlay,  et  il  y  a 
quelque  candeur  à  nous  en  apprendre  les  mérites  (p.  iv).  Quoique  je 
n'aie  point  à  prendre  parti  dans  les  polémiques  soutenues  par  M.  Groh 
au  sujet  de  son  livre,  je  ne  crois  point  inutile  pourtant,  surtout  s'il 
songe  à  nous  donner  une  histoire  de  Justinien,  de  lui  recommander 
moins  de  mépris  pour  certains  ouvrages  de  seconde  main  :  il  y  apprendra 
tout  au  moins  l'art  de  composer  plus  savamment  un  livre,  la  nécessité 
d'une  critique  plus  exacte  dans  Temploi  des  documents,  d'une  modestie 
plus  grande  dans  l'appréciation  des  découvertes  faites,  et  d'une  prudence 
plus  scientifique  dans  le  jugement  des  événements  historiques. 

Ch.    DiEHL. 


558. —  Oie  Statuteii  des  deutsclien  Oi'dene,  nach  deii  seltesten  Handschrif- 
ten,  herausgegeben  von  Max  Perlbach.  i  vol.  in-4,  lix-354  p.  Gotha,  Perthes. 

Nous  possédions  jusqu'à  présent  quatre  éditions  des  statuts  de  l'ordre 
teutonique  :  le  texte  latin  fut  publié  en  1724  a  Augsbourg  etGràtz,  par 
Raymond  Duellius  au  tome  II  de  ses  Miscellanea;  en  1806,  Ernest 
Hennig  mit  au  jour  à  Kônigsberg  une  version  en  moyen-allemand  (Die 
Statuten  des  Deutschen  Ordens,  bey  Friedrich  Nicolovius,  in-S»)  ;  en 
1847,  Ottmai"  Schônhuth  découvrit  à  Vienne  un  autre  manuscrit  de  ces 
statuts  en  moyen-allemand,  et  le  livra  à  la  presse  sous  le  titre  :  Das 
Ordensbuch  der  Brader  vom  DeiitscheJt  Hanse  St.  Marien  \ii  Jérusalem. 
Heilbronn,  Verlag  von  Ulrich  Landherr.  En.^n,  en  1857,  parut  une 
version  hollandaise  dans  le  livre  du  baron  D""  Ablaing  van  Giessenburg  : 
De  duitsche  Orde.  Mais  toutes  ces  éditions  ne  reposaient  que  sur  un  seul 
ou  sur  deux  manuscrits;  elles  ne  pouvaient  être  considérées  comme 
des  éditions  critiques.  M.  Perlbach  s'est  imposé  la  tâche  de  faire  la  col- 
lation de  tous  les  manuscrits  conservés  de  nos  jours.  Il  en  a  découvert 


I 


D^HISTOIRE    ET    DE   LITTERATURE  461 

trente-trois  ',  qui  contiennent  les  anciens  statuts,  tels  qu'ils  étaient 
appliqués  antérieurement  à  1442,  date  de  la  revision  faite  par  le  grand 
maître  Conrad  d'Erlichshausen.  Ces  trente-trois  manuscrits  se  décom- 
posent de  la  manière  suivante  :  1°  quatre  renferment  le  texte  latin  ;  2°  un 
manuscrit,  possédé  aujourd'hui  par  ia  bibliothèque  de  Kœnigsberg,  nous 
donne  une  version  en  vieux  français;  —  il  est  malheureusement  mutilé; 
3"^  quatre  manuscrits  nous  ont  livré  une  traduction  hollandaise  ;  4°  vingt- 
trois  nous  offrent  un  texte  en  moyen-allemand  ;  5°  un  dernier  manus- 
crit, gardé  à  la  bibliothèque  de  Linkôping,  en  Suède,  contient  une  ver- 
sion en  bas-allemand,  M.  P.  publie  ces  cinq  textes;  une  disposition 
typographique  ingénieuse  lui  a  permis  de  les  placer  à  la  fois  sous  les  yeux 
du  lecteur  et  de  rendre  très  facile  la  comparaison.  Les  variantes  qu'ont 
fournies  les  manuscrits  sont  renvoyées  à  la  fin  de  l'édition  et  relevées 
avec  beaucoup  de  soin.  Nous  n'avons  que  des  éloges  à  adresser  à  l'édi- 
teur pour  cette  partie  de  son  travail;  il  n'a  épargné  aucune  peine  pour 
nous  donner  un  texte  parfait;  il  a  atteint  son  but.  Après  les  variantes, 
il  a  dressé  une  série  d'index  :  index  des  noms  propres,  index  rerum, 
vocabulaire  latin,  français,  hollandais,  allemand,  bas-allemand  des  mots 
contenus  dans  les  statuts.  Ici  nous  regrettons  qu'il  n'ait  pas  ajouté  à  cer- 
tains mots  quelque  éclaircissement,  au  lieu  de  nous  renvoyer  simple- 
ment à  la  page  et  à  la  ligne  où  ils  figurent.  Par  exemple,  les  mots  fran- 
çais barath,  bobant,  boiiqiieran,  carpite,  etc.,  etc.,  devaient  être  expli- 
qués. 

Ces  statuts  de  l'ordre  teutonfque  soulèvent  un  certain  nombre  de 
questions  que  M.  P.  examine  dans  sa  préface.  Ils  se  divisent  en  diverses 
parties  :  prologue,  règle,  lois  et  coutumes.  Ces  différentes  sections  ont- 
elles  été  rédigées  en  même  temps,  et  en  quelle  langue  ont-elles  été  écrites 
tout  d'abord?  Après  une  discussion  minutieuse,  M.  P.  croit  que  le  texte 
original  a  été  le  texte  latin,  au  moins  pour  le  prologue,  la  règle,  les  cou- 
tumes et  pour  une  partie  des  lois.  Nous  sommes  assez  disposé  à  être  de 
son  avis;  mais  quelques-unes  des  raisons  qu'il  donne  ne  nous  paraissent 
pas  être  bien  concluantes.  Il  dit,  entre  autres  :  dans  le  texte  original,  les 
citations  de  la  Bible  doivent  être  conformes  à  la  Vulgate;  or,  cette  con- 
formité existe  toujours  dans  le  texte  latin  ;  elle  est  plus  rare  dans  le  texte 
allemand.  Donc,  celui-là  est  l'original.  Il  n'y  a  d'exception  que  pour 
certains  chapitres  des  lois,  où  la  citation  en  allemand  est  plus  exacte  que 
la  citation  en  latin;  aussi,  pour  ces  chapitres,  M.  P.  ne  décide  rien  ;  il 
incline  à  croire  que  l'allemand  est  le  texte  primitif.  Mais  ce  critérium 
nous  semble  dangereux.  Un  traducteur  peut  parfaitement  rétablir  une 
citation  et  surtout  donner  tout  au  long  une  citation  faite  de  façon  incom- 
plète dans  l'original.  Ainsi  on  lit  : 


I.  En  réalité  trente-un,  puisque  le  manuscrit  de  Kœnigsberg  contient  à  la  fois 
un  texte  allemand  et  la  version  en  vieux  français  et  puisque  le  manuscrit  i63  de  la 
reine  de  Suède  (Vatican)  nous  donne  un  texte  latin  et  un  texte  allemand. 


452 

Lois,  chap.  3o.  Texte  latin. 

Fratres,..   contendant    secun- 

dum    ewangeliiini    majoritatem 

mutuis  ministeriis  et  caritatis  of- 

ficiis  obtinere. 


REVUS   CRITIQUE 

Texte  allemand. 
...sulen  aile  die  brûdere  mit  vlîze 
stên,  daz  sie...  ouch  mit  minnen 
Linde  dînste  und  dêmûtecheit  gegen 
einander  daz  erwerben,  daz  sie  in 
dem  himelrîche  erhohet  werden,  als 
daze  ewangelium  sprichet:  der  sich 
hie  genideret,  der  wird  dort  gehôhet. 

Le  texte  allemand  fait  sans  doute  une  citation  exacte  deMathieu, XXIII, 
II  et  12;  mais,  pour  mon  compte,  je  n'y  vois  qu^une  paraphrase  du 
texte  latin.  Je  regarderais  ici  le  texte  le  plus  court  comme  Toriginal,  le 
texte  le  plus  long  comme  une  explication,  un  commentaire  de  l'original. 

Étant  admis  que,  dans  l'ensemble,  le  texte  latin  représente  l'original, 
à  quelle  époque  a-t-il  été  rédigé?  Ici  encore  M.  P.  fait  des  distinctions 
subtiles.  Selon  lui,  le  prologue,  et  la  règle  qui  est  assez  conformée  celle 
du  Temple,  datent  de  1245;  ils  ont  probablement  pour  auteur  Guillaume, 
cardinal-évêque  de  Sabine;  les  coutumes  vinrent  ensuite,  puis  les  lois: 
celles-ci  ont  été  composées  à  des  époques  diverses:  les  premières  avant 
1  25 1 ,  les  dernières  sûrement  avant  1 264.  On  possède  un  manuscrit  alle- 
mand de  1264,  où  déjà  ces  diverses  parties  sont  fondues  en  un  seul 
tout  (bibliothèque  de  Berlin,  vis.  Borussica,  n°  79). 

En  résumé,  Péditionde  M.  Perlbach  est  parfaite  :  elle  forme  un  excel- 
lent pendant  à  la  règle  du  Temple  que  M,  Henri  de  Curzon  a  donnée 
naguère  à  la  Société  de  l'Histoire  de  "France,  Mais  les  conclusions  de 
l'auteur  sur  la  date  des  statuts  ne  sont  pas  certaines  ;  il  y  est  arrivé  en 
s'appuyant  sur  de  fragiles  arguments. 

Ch.  Pfister. 


559.  —  Das  wlte    Strassï>ui*g    vom    13,    «îaïjrluiiitîcrl    ï>îs  zuui   «Sahre 

ISTO.  Geschichiliche  Topographie  nach  den  Urkunden  und  Chroniken,  bear- 
beitet  von  Adolph  Seyboth.  Strassburg,  Heitz  und  Mûndel,  iSgo,  x,  aSg  p  gr. 
in-4  illustr.  Prix  :  ifc!  fr.  72  c. 

Il  y  a  trente-cinq  ans  M.  Frédéric  Pilon,  bibliothécaire  de  la  Faculté 
de  médecine,  publiait  en  deux  gros  volumes  in-quarto  un  ouvrage  inti- 
tulé Strasbourg  illustré,  dans  lequel  il  donnait,  non  sans  études  très 
sérieuses,  mais  sans  aucun  appareil  érudit,  la  description  topographi- 
que de  Strasbourg,  en  y  mêlant  les  faits  principaux  de  son  histoire  et| 
celle  des  environs  immédiats,  en  y  ajoutant  même  des  excursions  dans! 
les  Vosges  et  dans  la  Forêt-Noire,  visibles  du  haut  de  la  vieille  cathé- 
drale.   Cet  ouvrage,  depuis   longtemps  épuisé,  mais   resté  populaire, 
amena  sans  doute,  un  quart  de  siècle  plus  tard,  M.  Charles  Schmidt  à 
se  délasser  de  ses  études  d^histoire  ecclésiastique,  par  un  travail  analo-^ 
gue,  de  dimensions  plus  restreintes,  mais  conçu  d'une  façon  plus  systé- 
matique. En  dépouillant  tous  les  titres  de  propriété,  les  baux,  les  con- 


d'histoire  et  de  nrrÉRATURE  453 

trais  de  vente,  les  recensements  officiels,  en  un  mot  tous  les  documents 
accessibles  dans  les  dépôts  publics,  comme  entre  les  mains  des  particu- 
liers, M.  Schmidt  en  tira  son  petit  volume  intitulé  Noms  de  mes  et  de 
maisons  à  Strasbourg  au  moyen  âge,  qui  présente  un  intérêt  si  vif  pour 
l'histoire  des  mœurs  locales,  des  traditions  et  de  la  langue  du  passé  1. 
C'est  à  l'ouvrage  du  savant  professeur  que  M.  Seyboth  a  été  redevable, 
à  son  tour,  de  l'idée  première  de  son  travail  si  méritoire.  Son  Vieux 
Strasbourg  est  également  une  topographie  systématique  de  la  ville 
rhénane  ;  seulement  il  a  notablement  étendu  le  cadre  de  ses  recherches, 
en  les  poursuivant  jusqu'en  1870,  puis  il  ne  s'est  pas  contenté  de  noter 
les  noms  des  maisons  de  chaque  rue  ~,  rriais  il  a  tâché  de  retrouver,  dans 
la  mesure  du  possible,  les  noms  des  différents  propriétaires  et  même  de 
ceux  qui  depuis  l'origine  d'une  maison  jusqu'à  l'annexion  de  l'Alsace, 
ont  habité  les  différents  immeubles.  C'était  un  travail  énorme,  minu- 
tieux, absorbant,  ingrat  surtout  en  ce  sens,  que  nul  ne  pouvait  espérer 
le  mener  à  bout  d'une  façon  tout  à  fait  satisfaisante.  En  y  mettant  plu- 
sieurs années  d'un  labeur  acharné,  en  ne  se  laissant  rebuter  par  aucune 
besogne  ennuyeuse  ^,  M.  S.  a  réuni  cependant  une  masse  énorme  de 
noms  et  de  faits;  il  a  réussi  surtout  à  fournir  un  relevé  très  complet  de 
tous  les  bâtiments  publics  et  privés  qui  existaient  à  l'intérieur  de  Stras- 
bourg, au  moment  où  commençait  le  bombardement  de  la  ville,  qui 
devait  en  changer  si  profondément  la  physionomie,  soit  en  détruisant 
les  anciens  quartiers,  soit  en  amenant  la  construction  de  quartiers  nou- 
veaux, en  dehors  de  l'ancienne  enceinte,  aujourd'hui  disparue.  Le 
volume  splendidement  exécuté  de  M.  S,  est  en  somme  un  catalogue 
topographique,  énumérant  l'une  après  l'autre,  les  rues  du  vieux  Stras- 
bourg, depuis  lexin®  siècle,  et,  dans  chaque  rue,  les  différentes  maisons, 
avec  leurs  numéros  anciens  et  modernes,  la  liste  de  leurs  propriétaires 
connus,  des  faits  plus  ou  moins  notables  qui  se  rattachent  à  chacune 
d'elles,  etc. 

Le  travail  de  M.  S.  ne  présente  pas,  en  dehors  de  la  préface,  de  rédac- 
tion suivie.  Pour  économiser  de  la  place,  comme  aussi  pour  mettre  les 
historiens  locaux  futurs  à  même  de  se  servir  avec  plus  de  confiance  des 
renseignements  amoncelés  dans  son  livre,  l'auteur  s'est  contenté  de  mettre 
bout  à  bout  ses  extraits,  chacun  dans  la  langue  originale  du  document 
auquel  il  l'emprunte.  Ainsi  les  données  sont  en  laiin  pour  le  xin^  et  le 
xiv^  siècles,  en  allemand  pour  les  trois  siècles  suivants  et  la  première 

1.  Une  seconde  édition,  revue  et  augmentée  des  Strassburger  Cassen  =  und 
Haeusernamen  a  paru  en   1889  (Strasbourg,  Bull.) 

2.  11  n'y  avait  que  peu  de  choses  à  glaner  après  M.  Schmidt,  sous  ce  rapport,  les 
vieilles  maisons  ayant  gardé  leurs  noms  du  moyen  âge  jusqu'à  la  Révolution,  et  les 
nouvelles  se  contentant  depuis  lors  des  numéros  égalitaires  et  prosaïques  de  l'admi- 
nistration municipale  moderne. 

3.  C'est  ainsi  que  M.  S.  a  dépouillé,  numéro  par  numéro,  les  cent  cinquante-sept 
années  des  Petites  Affiches  de  Strasbourg,  et  la  longue  série  des  registres  de  l'an- 
cienne Chambre  des  Contrats  aux  Archives  municipales. 


434  REVUE    CRITIQUE 

moitié  du  xvni«,  en  français  enfin  pour  les  cent  dernières  années  avant 
1870  -.  Des  tables  de  matière,  dressées  avec  le  plus  grand  soin,  se  rap- 
portant l'une  aux  noms  de  lieux,  l'autre  aux  noms  de  personnes,  et 
rédigées  en  double  au  point  de  vue  de  la  nomenclature  allemande  et 
française,  permettent  de  trouver  facilement  les  renseignements  dont  on 
a  besoin,  et  chaque  Strasbourgeois  peut  constater,  en  un  moment, 
quels  sont,  pour  six  siècles  en  arrière,  ses  prédécesseurs,  sur  le  lopin  de 
terre  qu'il  occupe.  Grâce  à  une  subvention  considérable  de  la  munici- 
palité, M.  S.  a  pu  joindre  à  son  volume,  bien  que  publié  à  prix  très 
réduit,  un  album  de  planches  en  photogravure  contenant  des  vues  stras- 
bourgeoises  du  xvie  au  xvin®  siècle,  soit  entièrement  inédites,  comme 
les  curieux  dessins  du  célèbre  peintre  Hans  Baldung  Grien,  soit  exces- 
sivement rares  aujourd'hui.  Un  beau  plan,  très  détaillé,  accompagne 
Touvrage  de  M.  Seyboth,  qui  fait  grand  honneur  à  la  patiente  et  solide 
érudition  de  l'auteur.  R. 


56o.  —  l^e  Conseiller  Pierre  de  Lanere,  par  A.  Comhunay.  Agen,  imprimerie 
V  Lamy,  1890,  grand  in-8  de  66  p. 

M.  Communaydit,  au  début  de  sa  monographie,  que  parmi  les  phy- 
sionomies les  plus  curieuses  des  membres  dn  Parlement  de  Bordeaux, 
a  se  détache,  étrangement  éclairée,  celle  du  conseiller  Pierre  de  Lancre, 
auteur  de  nombreux  ouvrages  aussi  singuliers  par  leur  style  que 
par  le  sujet  traité  »,  et  où  l'on  trouve  «.  la  naïveté  la  plus  enfantine 
et  l'érudition  la  plus  dilïuse  qu'on  puisse  imaginer  ».  Le  véritable 
nom  de  famille  de  P.  de  Lancre  était  Rosteguy  ~.  Avant  de  raconter  la 
vie  du  célèbre  démonographe.  M,  C.,  qui  est  un  très  habile  généalo- 
giste 3,  établit  qu'il  descendait  de  Bernard  de  Rosteguy,  originaire  de  la 
paroisse  de  Juxue  (canton  d'Iholdy,  arrond.  de  Mauléon,  Basses-Pyré- 
nées) qui  vint  se  fixer  à  Saint-Macaire  (Gironde),  vers  l'an  i5io,  et  que, 
trois  ans  après,  on  trouve  qualifié  bourgeois  et  marchand  de  cette  ville. 
En  avril  1  538,  il  céda  sa  maison  de  commerce,  sa  boutique  et  ses  chais  à 
son  fils  aîné  Bernard,  lequel  acquit  la  maison  noble  de  Tastes  et  fut  le 
grand'père  de  Pierre  Rosteguy,  dit  de  Lancre,  et  de  Catherine,  mariée  à 
Florimond  de  Raymond,  le  docte  conseiller  au  parlement  de  Bordeaux''. 

1.  Il  n'y  a  pas  de  renvois  aux  sources,  ce  qu'on  peut  assurément  regretter,  au  point 
vue  scientifique,  mais  ce  qu'on  ne  saurait  reprocher  à  l'auteur  dont  le  volume  aurait 
plus  que  doublé  par  le  nombre  infini  de  ces  renvois. 

2.  En  se  taisant  appeler  de  Lancre,  Rosteguy  renia  soii  véritable  nom,  s'aff'ublant 
de  celui  d'une  seigneurie  qui  n'a  jamais  existé. 

3.  Il  l'a  prouvé  récemment  dans  sa  très  importante  publication  intitulée  :  Essai 
généalogique  sur  les  Montferrand  de  Guyenne,  suivi  de  pièces  justificatives  (Bor- 
deaux, Ve  Moquet,  1889,  in-40). 

4.  En  novembre  1601,  Pierre  de  Rosteguy  assista  dans  ses  derniers  moments, 
son  beau-frère,  FI.  de  Raymond,  lui  promettant,  à  son  lit  de  mort,  d'être  le  conseiller 
constant  et  le  protecteur  dévoué  de  ses  enfants.  M.  C.  nous  apprend  qu'il  tint  reli- 
gieusement sa  parole. 


« 


d'histoire  et  de  littérature  455 

Pierre  naquit  à  Bordeaux  en  i553,  alla  suivre  à  Turin  les  cours  de 
Jean  Antoine  Manuce,  passa  quatre  ans  en  Italie,  visita  Rome  en  1  SjS, 
se  lia  à  Naples  avec  le  fameux  Baptiste  Porta,  l'auteur  de  la  Magie 
naturelle,  revint  à  Bordeaux  en  1578,  y  fit  connaissance  de  Pierre  de 
Médicis,  qui  venait  de  la  cour  de  Nérac  où  se  trouvait  alors  sa  parente 
la  reine-mère,  fut  reçu  docteur  en  droit  à  Turin  en  ibjg,  parcourut 
de  nouveau  l'Italie,  de  la  Calabre  jusqu'à  Venise,  fit  une  excursion  en 
Bohême  jusqu'à  Prague  et  fut,  après  tant  de  voyages,  reçu  conseiller  au 
Parlement  de  Bordeaux  le  3  août  i582.  En  i588,  il  épousa  Jehanne  de 
Mons,  petite-nièce  de  Michel  de  Montaigne  ^  En  1 600,  il  est  de  nouveau 
à  Rome  où  «  il  eut  occasion  d'admirer  un  des  caslesplus  étranges  du  pou- 
voir du  diable  »,  car  il  vit  une  jeune  fille  qui,  pendant  quelque  temps, 
avait  été  changée  en  un  gros  garçon  ^.  Par  une  commission  royale,  datée 
du  17  janvier  1609,  il  fut  chargé,  ainsi  que  le  président  d'Espagnet, 
de  rechercher  et  de  punir  les  sorciers  du  Labourd.  M.  C.  donne  des 
détails  navrants  sur  les  cruautés  commises  par  les  deux  magistrats,  détails 
empruntés  pour  la  plupart  aux  relations  mêmes  de  P.  de  Lancre.  C'est 
l'occasion  de  dire  que  l'excellent  biographe  analyse  avec  un  soin  extrême 
tous  les  rarissimes  ouvrages  du  brûleur  de  sorciers  et  trace  ainsi  un 
très  neuf  chapitre  d'histoire  littéraire.  Autre  nouveauté.  M.  G.  raconte, 
daprès  P.  de  Lancre,  une  visite  faite  en  1620  par  Louis  XIII  au 
démonographe  dans  sa  maison  de  campagne  de  Loubens  (non  loin 
de  Cadillac),  visite  qui  n'a  été  relatée  par  aucun  chroniqueur  et  dont 
l'auteur  de  V Incrédulité  et  mescréance  parle  avec  la  plus  enthou- 
siaste reconnaissance  dans  son  Epltre  au  Roi.  Ce  fut  dans  cette  maison 
de  campagne  que  le  bourreau  du  Labourd  mourut  le  9  février  i63r. 

Soit  au  point  de  vue  historique,  soit  au  point  de  vue  bibliographique, 
la  notice  de  M.  Communay  n'est  pas  moins  exacte  que  curieuse. 

T.  DE  L. 

1.  Voir  à  V Appendice  (no  I),  le  contrat  de  mariage,  du  21  décembre  i588.  Les 
autres  pièces  justificatives  sont  :  (n°  11)  les  lettres  patentes  du  5  août  iDgg  autori- 
sant M.  Pierre  de  Rosteguy  de  Lancre  à  prendre  un  congé  d'un  an  pour  aller  visiter 
les  Lieux  Saints;  (nO  1 1 1)  les  lettres  patentes  commettant  fiy  janvier  loou)  MM.  d'Es- 
pagnet et  de  Lancre  pour  se  rendre  au  pays  de  Labourd  et  y  juger  souverainement 
de  tous  les  délits  de  sorcellerie;  (n"  ivj  les  lettres  de  Jussion  adressées  par  le  Roi  au 
Parlement  de  Bordeaux,  le  18  février  1609,  pour  qu'il  ait  à  enregistrer,  sans  nouveau 
délai,  la  Commision  donnée  aux  sieurs  d'Espagnet  et  de  Lancre;  (no  v)  une  lettre 
écrite  de  Bordeaux,  le  22  juin  1609,  par  Charles  de  Sorhaindo,  lieutenant  en  la  mai- 
rie de  Bayonne,  annonçant  à  la  municipalité  de  cette  ville  le  départ  de  MM.  d'Espa- 
gnet et  de  Lancre;  (n"  vi)  un  document,  du  ii  septembre  1609,  relatif  au  vin  d'hon- 
neur qui  leur  fut  offert  parla  ville  de  Bayonne;  (n"  vu)  l'acte  de  fondation  (icr  juillet 
i6i6)  par  le  seigneur  de  Loubens  et  sa  femme  du  couvent  des  religieuses  de  Notre- 
Dame  à  Bordeaux;  (no  vin)  le  testament  (24  septembre  i63o)  de  P.  de  Rosteguy  de 
Lancre. 

2.  La  robuste  crédulité  de  P.  de  Lancre  ne  recule  même  pas  devant  des  histo- 
riettes comme  celle  qu'il  raconte  d'un  roi  des  Goths  qui  «  faisait  souffler  les 
vents  du  côté  qu'il  tournait  son  bonnet  sur  sa  tête,  comme  si  c'eût  été  une  gi- 
rouette. » 


456  REVUE    CRITIQUE 

56 1.     —    Dr.  Th.    Sùpfle.    Gescliîelilc    »lei-    deutsclicn     Kultnrscinflû^ise 

auf  Frankreich  mit   besonderer   Beiûcksichtigung  dor   litterarischen  Einwirkung* 

Gotha,  in-S. 
Zwcitei*  Bund.  Zwelte  Al>tliciluiig.  Von  Lessing  bis  zum  Ende  der  roman- 

tischeii  Schule  der  Franzosen,  1888,  xxir,  210  pages. 
Zweiter  nnncl.   z-vveîto    Abtlicilung.  Von  der  Regierungszeit  Louis  Philip- 

pes  bis  zu  unsern  Tagen,  1S90,  x,  166  pages. 

Le  volume  en  deux  parties,  dont  on  vient  de  lire  le  titre,  termine  l'his- 
toire des  influences  civilisatrices  et  littéraires  de  TAllemagne  sur  la 
France,  œuvre  conside'rable  entreprise  il  y  a  de  longues  années  déjà  par 
M.  Th.  Sûpfle  et  qu'à  force  de  patientes  recherches  il  est  parvenu  à 
mener  à  bien.  Dans  un  premier  volume,  publié  en  1886,  il  avait  fait  le 
tableau  de  ces  influences  diverses  depuis  les  origines  de  notre  histoire 
Jusqu'au  milieu  du  xviiie  siècle;  c'est  à  partir  de  cette  date  seulement 
qu'il  en  suit  aujourd'hui  la  trace.  Si  l'espace  de  temps  pendant  lequel  il 
les  étudie  est  ainsi  beaucoup  moins  étendu,  il  est  aussi  bien  autrement 
rempli.  L'Allemagne,  dans  le  domaine  littéraire  du  moins,  n'a  guère 
fait  sentir  son  influence  sur  la  France  avant  la  fin  du  premier  tiers  du 
siècle  dernier  ;  jusque-là  ses  écrivains  sont  restés  à  peu  près  inconnus 
chez  nous;  mais  avec  l'avènement  de  Klopstock  et  des  poètes  des  Bremer 
Beitrcige,  tout  change  rapidement;  à  l'indifférence  presque  absolue  que 
nous  inspirait  la  littérature  allemande  succède  l'intérêt  le  plus  vif;  non 
seulement  on  en  traduit,  mais  on  en  imite,  en  France,  les  représentants 
les  plus  illustres. 

Une  partie  considérable  du  premier  volume  de  M.  Th.  S.  a  été  con- 
sacrée à  nous  montrer  quelle  fortune  singulière  firent  chez  nous  quel- 
ques-uns des  écrivains  allemands  des  deux  premiers  tiers  du  siècle  der- 
nier, comme  Gessner  par  exemple,  si  populaire  en  France  î  la  veille  de 
la  Révolution  ;  c'est  avec  Lessing,  le  réformateur  véritable  de  la  littéra- 
ture d'Outre-Khin,  que  s'ouvre  la  première  moitié  du  second  et  nouveau 
volume  de  M.  Th.  S.;  il  se  continue  par  l'histoire  de  l'influence  de  l'es- 
thétique allemande  et  de  Winckeimann,  ainsi  que  des  premiers  écrits  de 
Goethe  et  de  Schiller,  de  Herder  et  de  Kant  en  France;  puis  vient  l'épo- 
que delà  Révolution  et  du  premier  Empire,  et  M""'  de  Staël,  qui  ramena 
pour  longtemps  sur  la  poésie  d'Outre-Rhin  l'attention  détournée  par  les 
guerres  de  la  République  et  de  Napoléon.  Etudiant  ensuite  l'influence 
du  théâtre  de  Schiller  et  de  Gœthe  sur  le  théâtre  français,  ainsi  que  celle 
des  œuvres  épiques  de  ce  dernier,  M.  Th.  S.  arrive  à  l'époque  de  l'école 
romantique,  et  il  recherche  ce  qu'elle  doit  à  la  littérature  allemande 
dans  le  triple  domaine  de  la  critique,  de  la  poésie  et  des  études  scien- 
tifiques. 

Cette  étude  termine  la  première  partie  du  second  volume,  la  seconde 
partie  commence  à  la  Révolution  de  i83o;  elle  se  compose  de  quinze 
chapitres;  les  huit  premiers  sont  consacrés  à  l'examen  des  rapports  de 
la  France  avec  l'Allemagne,  au  triple  point  de  vue  littéraire,  scientifî- 


d'histoire  et  de  littérature  457 

que  et  musical,  pendant  le  règne  de  Louis-Philippe;  M.  Th.  S.  y  a 
accordé  une  attention  particulière  aux  écrivains  et  aux  différents  orga- 
nes qui  servirent  alors  de  médiateurs  entre  les  deux  pays.  Les  deux  cha- 
pitres suivants  nous  montrent  ce  que  furent  leurs  relations  intellectuel- 
les pendant  le  second  empire;  enfin,  dans  les  cinq  derniers,  l'auteur  en 
suit  les  destinées  si  diverses  depuis  la  guerre  de  1870  jusqu'à  nos  jours. 
Comme  on  le  voit,  le  tableau  ne  pouvait  être  plus  complet. 

C'est  en  1737  que  furent  connues  en  France  les  premières  œuvres  de 
Lessing.  Depuis  lors  il  ne  cessa  pas,  jusqu'au  commencement  de  notre 
siècle,  d'occuper  la  critique  française.  hQ  Journal  étranger^  qui  venait  de 
paraître  et  la  Galette  littéraire,  qui  poursuivit  comme  lui  le  but  utile 
de  révéler  à  la  France  la  littérature  des  pays  voisins,  et  en  particulier  de 
TAllemagne,  contribuèrent,  avec  le  Mercure,  à  faire  connaître  en  France 
l'auteur  d'EmiliaGalotti;  en  même  temps,  des  traducteurs  comme  H uber, 
Junker,  Friedel,  de  Bonneville,  faisaient  passer  dans  notre  langue  quel- 
ques-uns de  ses  écrits.  Ce  furent  ses  œuvres  dramatiques  qu'on  étudia 
ou  traduisit  d'abord  ;  mais  le  tour  de  ses  ouvrages  de  critique  littéraire 
ou  esthétique  ne  tarda  pas  à  venir;  dès  1766,  le  Laocoon  fut  annoncé 
dans  le  Journal  encrclopédique.  Vanderbourgdevait  le  traduire  en  1802. 
Les  ouvrages  de  Winckelmann  se  répandirent  encore  plus  vite  en  France. 
En  1756,  le  Journal  étranger  fit  connaître  ses  Pensées  sur  l'imitation 
des  Anciens  ;  à  peine  publiée,  l'Histoire  de  l'art  dans  Vantiquiîé  était 
annoncée  par  la  Galette  littéraire  et,  en  [71 1-84,  Huber  en  donnait  une 
traduction  complète.  Hagedorn,  Moses  Mendelssohn,  Sulzer  et  leurs 
ouvrages  esthétiques  ou  philosophiques  furent  également,  M.  Th.  S.  le 
montre,  annoncés  ou  traduits  presque  aussitôt  que  publiés.  Il  en  fut  de 
même  des  Essais  sur  la  physionomie  de  Lavater. 

Un  des  chapitres  les  plus  intéressants  de  VHistoire  de  Vinfluence  lit- 
téraire de  l'Allemagne  est  celui  qui  traite  de  Wieland  et  des  romanciers 
contemporains  d'Outre-Rhin.  11  n'en  est  pas  qui  montre  d'une  manière 
plus  manifeste  combien  la  littérature  allemande  était  recherchée  et  en 
honneur  en  France  bien  avant  M°"=  de  Staël.  Si  à  cette  femme  célèbre 
revient  l'incontestable  mérite  d'avoir  donné  d'abord  un  tableau  complet 
de  cette  littérature,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  quand  elle  l'écrivit, 
tous  les  grands  écrivains  allemands  du  xvin^  siècle  étaient  connus  depuis 
longtemps  en  France.  C'était  le  cas  pour  Gœthe  et  Schiller  en  particu- 
lier, dont  les  premiers  écrits  nous  furent  révélés  presqu'aussitôt  après 
leur  apparition.  M.  Th.  S.  a  relevé  avec  beaucoup  de  soin  les  révéla- 
tions des  premières  œuvres  des  deux  grands  poètes,  ainsi  que  des  imita- 
tions dont  elles  furent  l'objet;  c'est  là  un  chapitre  bien  curieux  de  notre 
histoire  littéraire  à  une  époque,  —  ce  fut  pendant  le  dernier  quart  dn 
siècle  dernier,  —  où  les  grands  noms  et  les  grandes  œuvres  lui  font 
également  défaut.  L'étude  des  imitations  diverses  dont  UV/erther  et 
le  Gœt:;^  de  Gœthe,  les  Brigands,  Cabale  et  amour,  Don  Carlos,  etc., 
de  Schiller,  ont  été  l'objet  chez  nous,  n'en  offre  que  plus  d'intérêt,  et  on 
ne  peut  savoir  trop  de  gré  à  M.  Th.  S.  de  l'avoir  entreprise. 


458  REVUE    CRITIQUE 

Hei'der  n'a  été  connu  en  France  au  siècle  dernier  qu'assez  tard  et  par 
des  œuvres  secondaires;  il  n'en  fut  pas  de  même  de  Kant;  grâce  à 
Cil.  Villers,  l'auteur  de  la  Critique  du  jugement  nous  fut  révélé  et  put 
être  apprécié  chez  nous  peu  d'années  après  la  publication  de  ses  grands 
ouvrages.  Mais  sa  philosophie  ne  fut  pas  acceptée  sans  opposition  et  le 
bruit  des  armes  n'était  pas  fait  pour  aider  à  la  répandre.  L'époque  vers 
laquelle  elle  nous  fut  révélée  marque  d'ailleurs  un  temps  d'arrêt,  relatif 
au  moins,  dans  la  diffusion  des  idées  et  de  la  littérature  allemande  en 
France;  ce  n'est  pas  qu'on  ait  alors  cessé  entièrement  de  s'en  occuper; 
des  revues,  comme  la  Décade  philosophique,  continuent  d'en  parler  ; 
mais  c'est  hors  de  France  que  parut  la  plus  importante  d'entre  elles,  le 
Spectateur  du  Nord,  publié  à  Hambourg  et  dans  lequel  écrivirent  Vil- 
lers, Chênedollé  et  plusieurs  autres  exilés.  Il  ne  faut  pas  oublier  de  Gé- 
rando, l'un  des  connaisseurs  les  plus  enthousiates  delà  philosophie  alle- 
mande au  commencement  du  siècle.  Ainsi,  malgré  l'opposition  qui  ten- 
dait à  cette  époque  à  éloigner  la  France  et  l'Allemagne,  la  littérature  de 
ce  dernier  pays  ne  cessa  pas  d'être  l'objet  d'études  et  de  travaux  considé- 
rables ;  Mercier  avait  autrefois  montré  pour  elle  un  zèle  et  une  admi- 
ration profonds,  Joseph  Chénier  s'en  était  inspiré  dans  plusieurs  de  ses 
œuvres,  et  maintenant  Benjamin  Constant,  traduisant  ou  imitant  Schil- 
ler, écriv dit  V a Iste in.  M'^Me  Staël  ne  devait  qu'achever  l'œuvre  commen- 
cée par  tant  d'illustres  précurseurs;  mais  leurs  efforts  avaient  porté  sur 
des  points  isolés  de  la  littérature  allemande,  M'"*^  de  Staël  entreprit  d'en 
retracer  le  tableau  dans  son  ensemble;  c'est  par  là  que  son  ouvrage  fait 
époque  et  inaugure  une  ère  nouvelle  dans  l'histoire  des  rapports  intel- 
lectuels delà  France  et  de  TAllemagne. 

Les  années  qui  suivirent  la  publication  du  livre  de  cette  femme  célè- 
bre sont  celles  où  l'influence  allemande  a  été  la  plus  grande  en  France; 
elle  se  fait  sentir  tout  d'abord  dans  le  domaine  dramatique;  les  chefs- 
d'œuvre  de  Lessing,  de  Gœthe,  de  Schiller,  ainsi  que  de  Kotzebue  et 
d'Ifïland,  auteurs  secondaires,  dont  le  premier  est  devenu  presque  popu- 
laire chez  nous,  allaient  bientôt  paraître  dans  le  Théâtre  étranger  de 
Ladvocat;  la  plupart  furent  aussi  imités.  La  Martelière,  Alex.  Sou- 
met, Pierre  le  Brun,  Amelot,  Gust.  de  Wailly,  de  Pixérécourt,  Léon 
Halévy  et  bien  d'autres  dont  les  noms  sont  aujourd'hui  oubliés,  s'attachè- 
rent à  faire  passer  dans  notre  langue  ou  à  porter  sur  notre  scène  le  théâ- 
tre de  Schiller.  Gœthe,  dont  Ramond  de  Garbonnières  avait  imité  le 
Gœt^^  dès  le  siècle  dernier,  ne  pouvait  pas  être  oublié;  Gérard  de  Ner- 
val, le  comte  de  Saint-Aulaire,  Alfred  Stapfer,  traduisirent  entre  autres 
ItFaust^  Edgar  Quinet  s'en  inspira  àans  son  Ahasvérus .  En  même  temps, 
les  périodiques  nouveaux,  comm&  Id^  Revue  encyclopédique,  le  Globe, 
étudiaient,  analysaient  les  drames  des  deux  grands  poètes  allemands. 
Les  œuvres  épiques  et  les  romans  de  Gœthe  fuient  aussi  alors  révélés 
ou  imités.  Hermann  et  Dorothée  avait  été  traduit  par  Bitaubé  dès  1800, 
les  Années  d'apprentissage  de  Wilhelm  Meister,  en  1802;  mais  denoij- 


b'histoire  et  de  littérature  459 

velles  traductions  parurent  sous  la  Restauration  ;  il  n'en  pouvait  être 
autrement,  avec  l'intérêt  que  l'Ecole  romantique  portait  tout  d'abord  à 
Sciiiller  et  à  Goethe.  Mais  les  successeurs  des  deux  grands  écrivains  ne 
tardèrent  pas  à  être  aussi  étudiés,  traduits  ou  imités.  Lœve-Weimar  nous 
révéla  Jean-Paul,  le  Sternbald  de  Tieck  fut  traduit,  les  drames  de  Wer- 
ner,  trop  admirés  par  M^^^de  Staël,  le  furent  aussi  en  partie  dans  le  Théâ- 
tre étranger,  ayez  la  Faute  de  Mullner  etl'^zezJede  Grillparzer;  toute- 
fois ce  fut  surtout  Hoffmann,  qui  jouit  alors  de  la  plus  grande  réputa- 
tion; il  devint  le  père  d'un  genre  nouveau.  En  même  temps,  la  poésie 
lyi  ique  si  riche  de  rAlIemagne  s'imposait  à  l'admiration  de  nos  écrivains. 
Depuis  un  demi-siècle  déjà  le  nom  de  Burger  était  connu  en  France, 
ceux  de  Claudius,  de  Stolberg  y  pénétrèrent  bientôt.  Les  poésies  lyriques 
de  Klopstock,  de  Gœthe  et  de  Schiller  ne  tardèrent  pas  non  plus  à  se 
répandre  chez  nous.  Bans  ses  Poésies  allemandes,  Gérard  de  Nerval 
en  lit  connaître  quelques-unes.  Les  imitations  ne  se  firent  pas  attendre; 
celles  de  la  Lénore  de  Burger  ne  se  comptent  pas;  Emile  Deschamps 
se  fit  remarquer  par  ses  essais  dans  ce  genre.  L'admiration  qu'inspirait 
la  poésie  allemande  ne  pouvait  manquer  de  porter  nos  écrivains  à  y  cher- 
cher des  inspirations;  nombre  de  poètes  de  l'École  romantique,  M.  Th. 
S.  le  montre,  se  sont  faits  les  imitateurs  de  leurs  émules  ou  de  leurs 
précurseurs  d'Outre- Rhin. 

En  même  temps  que  la  poésie,  la  philosophie  allemande  était  étudiée 
en  France  avec  zèle;  en  1826-1827  Edgar  Quinet  traduisit  les  Idées 
sur  la  philosophie  de  l'histoire  de  l'humanité  de  Herder;  Victor  Cousin 
se  faisait  de  son  côté  le  révélateur  de  Hegel;  Barchou  de  Penhoen,  Ler- 
minier  écrivaient  sur  la  philosophie  d'Outre-Rhin;  Fichte,  Schelling 
étaient  l'objet  d'études  curieuses,  en  même  temps  que  les  travaux  juri- 
diques de  Savigny  étaient  mis  en  honneur,  et  que  Guizot,  dans  son 
Histoire  de  la  civilisation  en  France,  subissait  l'influence  manifeste 
des  théories  historiques  en  honneur  en  Allemagne.  Cet  intérêt  porté 
sous  la  Restauration  aux  choses  de  l'Allemagne  ne  se  ralentit  pas  pen- 
dant le  règne  de  Louis-Philippe,  mais  l'influence  de  sa  littérature  fut 
alors  moins  puissante,  tandis  que  sa  musique  en  acquit  au  contraire  une 
inconnue  jusque-là. 

Je  renverrai  pour  cette  dernière,  à  l'ouvrage  même  de  M.  Th.  S.;  et 
me  bornerai  à  parler  des  rapports  littéraires  qui  existèrent  alors  entre 
la  France  et  l'Allemagne.  Ce  qui  les  distingue  tout  d'abord,  ce  sont  les 
efforts  tentés  par  deux  écrivains  allemands,  célèbres  à  des  titres  diffé- 
rents, pour  les  multiplier  et  les  rendre  plus  intimes;  il  s'agit  de  Borne 
et  de  Heine.  M.  Th.  S.  a  très  bien  caractérisé  l'action  de  ces  deux 
publicistes  ;  il  a  fort  bien  aussi  mis  en  évidence  le  rôle  de  révélatrice 
joué  par  l'Alsace  à  cette  époque  vis-à-vis  de  l'Allemagne.  Jacques  Mat- 
ter  et  Joseph  Willm,  l'auteur  d'une  Histoire  de  la  philosophie  alle- 
mande depuis  Kant,  occupent  une  place  d'honneur  à  cet  égard.  De  toutes 
parts,  d'ailleurs,  on  travaillait  alors  à  nous  faire  connaître  la  littérature 


40O 


lŒVUE    CRITIQUE 


allemande  ;  c'est  à  cette  époque  que  remontent  les  premières  études  que 
Blazc  de  Bury  lui  a  consacrées.  La  poésie  lyrique  attira  tout  d'abord  les 
regards;  Uhland  qui  la  représentait  surtout,  dans  son  pays,  depuis  l'exil 
volontaire  de  Heine,  ne  tarda  pas  à  être  traduit  et  imité  chez  nous;  on 
étudia  aussi  Ruckert,  Korner,  Ghamisso,  Platen,  Lenau,  même  Zed- 
litz,  et  quelques-unes  de  leurs  œuvres  furent  bientôt  imitées. 

Le  mouvement  ainsi  commencé  se  continua  après  la  Révolution  de 
1848,  pendant  toute  la  durée  du  second  empire;  la  Revue  germanique^ 
fondée  alors' par  Nefftzer  et  Dollfus,  se  donna  pour  mission  de  tenir  la 
France  au  courant  du  mouvement  scientifique  et  littéraire  de  l'Alle- 
magne; ce  fut  le  premier  surtout  qui  attira  alors  l'attention  en  France; 
la  philosophie  allemande  continua  à  être  cultivée  avec  ardeur;  les  étu- 
des philologiques  y  trouvèrent  aussi  bientôt  crédit.  Philarète  Chasles, 
Laboulaye,  Emile  Montégut  entreprirent,  chacun  à  un  point  de  vue 
particulier,  de  nous  faire  connaître  la  civilisation  germanique  ;  en  même 
temps,  d'autres  écrivains  reproduisaient  ou  imitaient  quelques  uns  des 
meilleurs  poètes  allemands  contemporains  ou  de  la  génération  précé- 
dente; c'est  ce  que  firent  entre  autres,  Max  Buchon  dans  ses  Poésies 
allemandes,  Boulmier  dans  ses  Rimes  loyales,  de  Châtelain  en  écrivant 
les  Fleurs  des  bords  du  Rhin,  etc.  La  critique  ne  resta  pas  en  arrière, 
et  Saint-René  Taillandier,  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes,  multiplia 
pendant  vingt-cinq  ans  ses  études  sur  la  littérature  d'Outre-Rhin.  Le 
roman  allemand  jusqu''alors  dédaigné  chez  nous  y  pénétra  à  son  tour; 
les  nouvelles  de  Zschokke,  le  Lichtenstein  de  Hauff  furent  traduits, 
ainsi  que  Doit  et  Avoir  de  G.  Freytag  ;  Auerbach  y  devint  presque 
populaire  et  y  suscita  plus  d'une  imitation. 

La  guerre  de  1870  vint  arrêter  le  rapprochement  des  deux  peuples; 
mais  si  la  poésie  allemande  parut  cesser  alors  de  trouver  faveur  en 
France,  il  n'en  fut  pas  de  même  de  la  philosophie,  dont  les  nouveaux 
représentants,  comme  Schopenhauer,  Hartmann,  furent  étudiés  avec 
curiosité;  l'attention  se  porta  toutefois  de  préférence  sur  les  institutions 
du  peuple  vainqueur,  sur  son  organisation  militaire,  ses  établissements 
d'enseignement.  Avec  le  temps,  on  est  revenu  aussi  à  s'intéresser  à  la 
littérature;  des  études  étendues  ont  été  faites  sur  quelques-uns  des  écri- 
vains les  plus  célèbres  de  l'Allemagne,  et  chaque  année  presque  en  voit 
paraître  de  nouvelles  ;  mais  Tinfluence  allemande  ne  se  fait  guère  sentir 
chez  nous,  néanmoins,  que  dans  le  domaine  scientifique.  Si  on  étudie 
encore  les  poètes  et  les  écrivains   d'Outre- Rhin,  on  ne  les  imite  plus. 

On  voit,  par  ce  qui  précède,  —  quelque  abrégé  qu'en  soit  l'exposé  — 
combien  ont  été  fréquents  depuis  un  siècle  et  demi  les  rapports  litté- 
raires et  scientifiques  de  la  France  et  de  l'Allemagne;  M.  Th.  Siipfie  a 
eu  le  grand  mérite  d'en  faire  le  long  et  difficile  tableau  ;  sans  doute  on 
peut  reprocher  à  son  œuvre  —  ce  qui  tient,  il  est  vrai,  à  la  nature  du 
sujet  —  d'être  trop  souvent  une  sèche  et  monotone  énumération  de 
noms  et  de  faits,  et  de  ne   pas  suivre  toujours  assez  rigoureusement 


d'histoire  et  de  littérature  461 

l'ordre  chronologique,  mais  on  ne  saurait  trop  reconnaître  les  patientes 
recherches  qu'elle  lui  a  coûté,  ni  trop  le  remercier  d'avoir  poursuivi, 
sans  se  laisser  arrêter  par  les  difficultés,  une  étude  aussi  ardue  et  qui 
demandait  une  égale  connaissance  de  la  littérature  allemande  et  de  la 
littérature  française. 

Ch.  J. 

562.  —  Friedrich  B^wdivîg  Scîn-oedei'.  Ein  Beitrag  zur  deutschen  Litteratur- 
und  Theatergeschichte,  von  Berthold  Litzsîann.  Hambourg,  Voss,  1890.  In-8, 
XV  et  33o  p.  8  mark. 

C'est  le  premier  tome  de  la  biographie  de  Schroder  que  M.  Litzmann 
nous  annonçait  (cf.  Revue  1888,  n°  23).  L'auteur  divise  son  volume 
en  deux  livres  :  1°  années  de  jeunesse  (Jiigendjahre)  ;  2°  combats  et 
erreurs  (KiJmpfe  iind  Irriingen).  Son  récit  est  composé  avec  grand  soin 
et  en  bon  style,  plein  de  détails  inédits,  et  très  attachant.  Il  nous  offre  à 
la  fois  la  biographie  de  Schroder  et  l'histoire  du  théâtre  de  cette  époque. 
Si  Meyer  de  Bramstedt  avait  surtout  étudié  l'homme,  M.  L.  étudie 
particulièrement  l'artiste  et,  comme  il  dit,  «  ses  rapports  avec  les  ques- 
tions et  les  mouvements  littéraires  de  son  temps  »  (p.  vim.  Schônemann, 
Ackermann,  leur  troupe,  leurs  tournées  à  travers  l'Allemagne,  leurs 
triomphes  et  leurs  insuccès,  leur  influence  sur  le  répertoire,  tout  cela 
nous  est  décrit  en  même  temps  que  l'existence  aventureuse  de  Schroder. 
On  remarquera,  dans  le  premier  livre,  le  séjour  de  la  troupe  d' Acker- 
mann en  Alsace  et  en  Suisse  (cf.  le  jugement  de  Caroline  Schuize  sur 
le  public  strasbourgeois,  p.  17g)  et,  dans  le  second  livre,  toute  la  partie 
consacrée  aux  «  premières  années  de  Hambourg  »  (1764-1767),  à  Les- 
sing  et  à  la  critique  des  acteurs,  aux  intrigues  qui  dégoûtèrent  Acker- 
mann de  la  direction.  Mais  on  suit,  avec  non  moins  d'intérêt,  les  pro- 
grès de  Schroder;  on  le  voit  former  son  goût  littéraire,  prendre  une  idée 
de  plus  en  plus  haute  de  sa  profession,  profiter  des  conseils  de  sa  mère 
qui  lui  fait  lire  à  haute  voix  les  pièces  nouvelles  (p.  192),  se  lier  avec 
Ekhof  dont  «  le  voisinage  et  l'exemple  agirent  sur  lui  comme  l'acier  sur 
I  la  pierre  »  (p.  225).  Bref,  ce  premier  volume  est  excellent  —  tout  au 
!  plus  reprocherait-on  à  M.  Litzmann  d'avoir  trop  insisté  sur  la  ville  de 
Hambourg  et  ses  habitants,  ainsi  que  sur  Hagedorn  —  et  l'ouvrage, 
une  fois  terminé,  sera  un  des  meilleurs,   un  des  plus  importants  que 

nous  ayons  sur  l'histoire  du  théâtre  allemand. 

A.  C. 


563.  —    Mémoires   et    »ou\'enirs  tlu  baron  Hyde  de  TVeu ville.  Tome    II. 
Paris,  Pion,    i8go.  In-8,  5  [6  p.  8  fr. 

Ce  second  tome  (cf.  sur  le  premier,  Revue  1888,  n"^  41),  embrasse  la 
■Restauration,  les  Cent-Jours  et  le  règne  de  Louis  XVIII.  Hyde  de  Neu- 
ville raconte  son  arrivée  en  France  qui  a  pour  lui  «  toute  la  douceur 


462  REVUE   CRITIQUE 

du  réveil  après  un  mauvais  rêve  »,  ses  missions  en  Angleterre  et 
ailleurs  dans  Tannée  18 14 — à  noter  p.  6,  le  portrait  deVitroUes  —  son 
séjour  à  Gand,  et  son  retour  à  Paris.  «  Que  cette  entrée  a  Paris  ressem- 
blait peu  à  la  première!  Je  n'avais  pas  été  témoin  de  l'ivresse,  de  l'en- 
thousiasme qui  l'avaient  saluée  en  18 14,  mais  je  les  sentais  vibrer  encore 
lorsque  j'arrivais  en  France.  Une  douleur  secrète  pesait  sur  les  cœurs. 
On  sentait  que  la  paix  que  Louis  XVIII  apportait  à  la  France  ne  pou- 
vait effacer  la  honte  de  ses  revers.  Mornes,  abattus,  prévoyant  sinon 
de  nouvelles  catastrophes,  au  moins  peu  confiants  en  l'avenir,  silen- 
cieux, nous  entourions  nos  princes.  Le  tableau  était  sinistre  :  il  avait 
pour  cadre  ces  hordes  d'étrangers  qui  bivouaquaient  sur  nos  quais  et 
nos  places  publiques  »  (p.  120- 121).  Hyde  de  Neuville  fut  alors  chargé 
d'aplanir  dans  plusieurs  départements  les  difficultés  que  créait  l'occu- 
pation étrangère.  Élu  député  de  la  Nièvre,  il  prit  une  part  assez  active 
aux  débats  de  la  Chambre  introuvable.  En  18 16,  il  fut  nommé  ministre 
de  France  aux  Etats-Unis  ;  il  y  connut  Monroe,  Madison,  Dupont  de 
Nemours,  et  y  surveilla  les  réfugiés  français  qui  projetaient,  les  uns  de 
faire  évader  Napoléon  de  Sainte-Hélène,  les  autres  (comme  Lakanal)  de 
proclamer  Joseph  Bonaparte  roi  du  Mexique.  Mais  ses  Mémoires  ne  nous 
éloignent  pas  de  la  France  ;  Hyde  y  insère  à  cet  endroit  sa  correspondance 
avec  la  princesse  delà  Trémoïlie,  avec  la  marquise  de  Montcalm,  sœur 
du  duc  de  Richelieu,  et  d'autres  personnages.  Ces  lettres  donnent  quel- 
quefois de  précieux  détails  sur  la  situation  de  la  France,  et  particulière- 
ment sur  Tesprit  royaliste  de  l'époque,  sur  les  discussions  parlementai- 
res et  les  menées  sourdes  des  partis;  elles  devront  être  consultées  par 
tous  ceux  qui  veulent  faire  ou  bien  connaître  Thistoire  de  la  Restaura- 
tion. C. 

564.  —  l-a  science  secrète,  par  Barlet,  Ferran,  Papus,  etc.  Paris,  G.  Carré, 
1890,  in-i2,  174  pp. 

Ce  petit  volume  est  un  recueil  d'articles,  d'étendue  variable,  dû  à; 
divers  écrivains.  Ils  s'accordent  sur  ce  point,  que  la  théosophie  donne  la 
clé  des  mystères  que  pose  l'étude  de  Punivers  et  de  Thomme;  ils  repré-  | 
sentent  une  tradition,  qui  a  eu  des  représentants  à  bien  des  époques  et 
pour  laquelle  ils  revendiquent  des  origines  fabuleuses.  Nous  sommes 
enchanté  d'apprendre  que  les  procédés  d'initiation  de  l'Inde  furent  appor- 
tés en  Egypte  environ  sept  mille  ans  avant  notre  ère  et  que,  dans  l'Inde 
elle-même,  ils  remontaient  beaucoup  plus  haut.  Nous  ne  voyons  pas 
trop  pourquoi  MM.  Barlet,  Ferran,  Papus  et  autres  nous  font  de  pareil- 
les confidences,  que  nous  nous  déclarons  incapables  d'accueillir  avec  la 
gravité  convenable;  nous  voyons  qu'ils  ont  le  désir  d'exciter  notre  inté- 
rêt, mais  ils  n'en  prennent  guère  le  chemin  en  montrant  une  si  pro- 
fonde ignorance  de  l'état  actuel  des  études  d'histoire  et  de  littératuç 
ancienne. 

M.  V. 


d'histoire  et  de  littérature  463 

565.    —    I>o    poesîs    Graecorum     rliytlimicae     msu     et    origine,    scripsit 
Carolus  Deutschiiann.  Confluentibus,  jioccclxxxix  ;  29  p.  in-4. 

La  brochure  de  M.  Deutschmannest  consacrée  à  réfuter  l'opinion  de 
M.  W.  Meyer  sur  l'origine  de  la  versification  rythmique  des  Grecs.  On 
sait  que  dans  un  travail  inséré  dans  les  Abhandlungen  der  k.  bayer is- 
chen  Akademie  der  Wissensch.  de  Munich,  (I,  Cl.  XVII,  Ed.,  II, 
Abth.,  1884),  M.  W.  Meyer  a  essayé  de  démontrer  que  ce  système  nou- 
veau de  versification  s'était  introduit  en  Grèce  (et  à  Rome)  sous  l'in- 
fluence du  christianisme,  par  imitation  de  la  littérature  hébraïque  et 
syrienne. 

M.  Deutschtnann  qui  voit  dans  la  naissance  de  la  versification  ryth- 
mique une  évolution  des  anciennes  formes  métriques  parallèle  à  l'évo- 
lution de  la  langue  grecque  elle-même,  ignore  que  cette  opinion  a  déjà 
été  présentée,  ailleurs  qu'en  Allemagne,  il  est  vrai,  —  et  appuyée  de 
nombreux  et  excellents  arguments  dans  un  gros  volume  de  près  de 
400  pages,  publié  il  y  a  quatre  ans  1.  S'il  eût  connu  le  livre  du  P. 
Bouvy,  M.  Deutschmann  aurait  sans  doute  jugé  inutile  d'écrire  la  dis- 
sertation dont  nous  avons  transcrit  le  titre  en  tête  de  cet  article,  et  la 
science  n'y  eût  rien  perdu. 

L.  DuvAU. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Les  Lettres  de  Servat  Loup,  abbé  de  Ferrières,  publiées  par  M.  G. 
Desdevises  Du  Dezert  (Bouillon,  biblioth.  de  l'École  des  Hautes-Études,  fasc.  77), 
d'après  un  manuscrit  unique  conservée  la  Bibliothèque  nationale,  seront  bien  reçues 
de  tous  ceux  qui  ne  possèdent  pas  l'édition  de  Baluze.  L'éditeur  adopte  un  nouveau 
classement  des  lettres.  Un  tableau  de  concordance  de  son  édition  avec  les  précé- 
dentes eût  été  fort  utile. 

—  La  Vie  de  Grégoire  VII,  à  laquelle  M.  l'abbé  Delarc  travaillait  depuis  une  ving- 
taine d'années,  est  terminée  (Saint  Grégoire  VII  et  la  réforme  de  l'Église  au 
xie  siècle.  Retaux-Bray,  3  vols.  in-8").  L'auteur  connaît  admirablement  toute  la  litté- 
rature du  sujet.  Son  livre  fait,  somme  toute,  honneur  à  ia  science  française. 

—  Nous  recevons  de  M.  André  Joubert  une  Étude  sur  les  comptes  de  Macé  Darne 
maître  des  œuvres  de  Louis  I^'  duc  d'Anjou  et  comte  du  Maine  (i36j-i3j6),  d'après 
un  manuscrit  du  British  Muséum.  (Angers,  impr.  Germain  et  Grassin,  in-S»).  Des 
fragments  considérables  de  ces  comptes  sont  publiés  par  M.  Joubert.  L'ouvrage  se  ter- 
mine par  une  table  générale  des  noms  de  personnes  et  de  lieux. 

ALLEMAGNE.  —  M.  Laband  publie  la  2*  livraison  du  tome  II  de  son  grand  ouvrage 
sur  le  droit  public  de  l'Empire  allemand,  Das  Staatsrecht  des  deutschen  Reiches 
(Fribourgen  Brisgau,  Mohr).  Cette  seconde  édition,  commencée  dès  1888,  sera  inces- 
samment terminée;  il  ne  manque  plus  qu'une  livraison.  L'ouvrage  formera  deux  volu- 
mes gr.  in -80).  La  dernière  livraison  que  nous  annonçons,  est  consacrée  à  l'organi- 
sation militaire  allemande. 

I .  Poètes  et  Mélodes.  Etude  sur  les  origines  du  rythme  tonique  dans  l'hymnogra- 
phie  de  l'Eglise  grecque,  par  le  P.  Edmond  Bouvv,  Nîmes,  1886. 


464  REVUE    CRITIQUE    d'hiSTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

ÉTATS-UNIS.  —  On  nous  envoie  :  The  Life  of  the  ancient  Greeks  bibliography 
and  syllabus  ofCornell  University  Lectures,  pav  M.  B.  Ide  Wueeler,  ithaca,  1890 
(20  pp,  in-S°).  C'est  un  sommaire  des  leçons  du  proresseur  piécédé  de  la  bibliogra- 
phie de  chacune  d'elles. 

ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRB:S 


Séance  du  5  décembre  iSgo. 

M.  GefFroy,  directeur  de  rÉcole  française  de  Rome,  annonce  la  découverte  d'une 
série  d'insciiDtions  trouvées  sur  la  live  droite  du  Tibre,  vers  les  Pvaii  di  Castello. 
11  y  a  jusqu'à  i5o  ou  200  lignes,  en  petits  caractères.  Ce  sont  des  fragments  des 
actes  du  collège  des  X  V  viri  sacris  J'aciundis.  Quelques  paragraphes  se  détachent 
en  belles  et  grandes  lettres  du  temps  d'Auguste.  L'un  d'eux  contient  cette  mention 
assez  inattendue  :  «  Carmen  saecu'iare  composuit  Q.  Horatius  Flaccus.   » 

L'Académie  procède  au  vote  pour  la  présentation  de  deux  candidats  aux  fonctions 
de  directeur  de  l'Ecole  française  d'Athènes.  M.  HomoUe  est  présenté  en  première 
ligne,  par  28  voix,  contre  3  données  à  M.  Wescher.  M.  CoUignon  est  présenté  en 
seconde  ligne,  par  21  voix,  contre  7  données  à  M.  Wescher  et  2  à  M.  Haussoullier. 

L'Académie  constate  la  vacance  de  trois  places  parmi  ses  correspondants  étrangers 
et  d'une  place  p.-irmi  ses  correspondants  français.  Deux  commissions  seront  élues  è 
la  prochaine  séance  pour  présenter  des  candiuats  à  ces  diverses  places. 

M.  CLrniont-Ganneau  communique  les  légendes  de  deux  anciens  sceaux  sémiti- 
ques de  la  collection  du  Musée  britannique.  Le  nom  gravé  sur  l'un  de  ces  sceaux, 
Nefîsî  ou  Nefoûsî,  doit  être  rapproché  de  celui  des  Benê-Nefousîm,  une  des  familles 
qui,  selon  les  livres  d'Esdias  et  de  Néhémie,  revinrent  de  la  captivité  de  Babylone 
sous  Zoiobabel. 

M.  Oppert  communique  une  note  sur  le  Persée  chaldéen.  Il  s'agit  d'un  héros  de 
la  m3'thologie  chaldéenne,  grand  guerrier  et  grand  chasseur,  dont  les  exploits  ont  été 
racontés  dans  des  textes  cunéiformes.  On  ignorait  jusqu'ici  la  véritable  forme  de  son 
nom  :  ce  nom,  dans  les  textes,  est  écrit  en  caractères  idéographiques,  qu'on  avait  lus 
Istubar.  M.  Oppert  a  constaté  que  ce  nom  doit  être  lu  Gilgamès  et  que  le  personnage 
en  question  est  mentionné  dans  un  passage  d'Elien,  qui  complète  nos  renseigne- 
ments sur  cette  légende.  Comme  le  Persée  grec,  Gilgamès  est  le  tils  d'une  princesse 
enfermée  dans  une  tour,  qu'un  être  invisible  ou  surnaturel  a  rendue  mère;  il  est 
précipité  et  sauvé  par  un  aigle. 

M.  Lecoy  de  la  Marche  lit  une  étude  sur  la  prise  de  la  ville  d'Elne  en  Roussilloh 
par  l'armée  de  Philippe  le  Hardi,  en  i285.  D'apiès  l'étude  des  lieux,  le  dépouille- 
ment des  archives  des  rois  de  .Majorque  et  l'examen  des  chroniques  contemporaines, 
l'auteur  de  la  communication  conclut  que  les  assertions  des  auteurs  catalans  sur  le 
massacre  des  habitants  et  la  destruction  de  la  ville  sont  empreintes  d'une  grande  exa- 
gération. M.  Lecoy  de  la  Marche  ajoute  qu'il  prépare  un  travail  d'ensemble  sur  les 
relations  de  la  France  avec  les  rois  de  Majorque,  souverains  du  Roussillon  et  de 
Montpellier. 

M.  Ernest  Babelon,  conservateur-adjoint  à  la  Bibliothèque  nationale,  commence 
une  communication  sur  les  monnaies  et  la  chronologie  des  rois  de  Sidon  antérieurs 
à  Alexandre. 

M.  Babelon  croit  avoir  retrouvé  les  noiiTS  de  ces  rois  sur  des  monnaies  perses 
étnises  en  Phénicie  au  iv'  siècle  avant  notre  ère.  Les  noms  qu'il  lit  sur  ces  mon- 
naies, où  ils  sont  écrits  en  abrégé,  sont  ceux  de  Straton  \",  de  Tennès,  de  Géros- 
iratos  et  de  Straton  II;  ils  sont  accompagnés  de  dates  exprimées  en  années  de  règne. 

La  suite  ae  la  communication  de  M.  Babelon  est  cousacrée  aux  monnaies  frappées 
en  Cilicie  par  le  satrape  iMazaios  et  en  Egypte  par  les  satrapes  qui  gouvernèrent  ce 
pays,  au  nom  des  rois  de  Perse,  avant  l'arrivée  d'Alexandre. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Wallon  :  Mommsen  ^Th  )  et  Marquardt  (J.),  Manuel 
des  antiquités  romaines,  traduit  sous  la  direction  de  M.  Gustave  Humbert,  VII  :  le 
Droit  public  romain,  par  Th.  Mommsen,  traduit  par  Paul-Frédéric  Girard,  "VII;  —  par 
M.  Deloche  :  Drapeyron  (Ludovic),  le  Premier  Atlas  national  de  la  France;  — par 
M.  Maspero  :  diverses  publications  égyptologiques  de  MM.  Grébaut,  Fouquet,  Artin 
pacha  et  Améli.\eau;  —  par  M.  de  iiarthélemy,  au  norn  de  M.  Héron  de  Villefosse  : 
1°  Maître  (Léon), /«  Villes  disparues  de  la  Loire-Inférieure,  :>'  livraison;  2°  Espé- 
randieu  (Emile),  Salbart  (extrait  des  Paysages  et  Monuments  du  Poitou) ; —  v^t 
M.  Barbier  de  Meynard  :  R;nn  (Louis),  Histoire  de  l'insurrection  de  iSjien  Algérie; 
—  par  M.  de  Boislisle  :  Baudrillart  (Alfred),  Philippe  V  et  la  cour  de  France, 
tome  II;  —  par  M.  de  Rozière  :  Gasati  (C.-Ch),  Code  pénal  commenté  par  la  jurispru- 
dence la  plus  récente,  etc . 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  23. 


^D' 

REVUE    CRITIQUE 

HISTOIRE    ET    DE     LITTÉRATURE 

W 

'  51 

—  22  décembre  — 

1890 

Sommaire  t  566.  De  Gara,  Les  Hyksos.  —  567.  Gutscher,  Epitaphes  attiques. 

—  bon.  SoDEN,  Commentaire  du  Nouveau-Testament,  III,  2.  —  3ôg,  Lœb,  Lé 
Juif  de  l'histoire  et  de  la  légende.  —  570.  Lippert,  L'ordre  de  Santiago.  —  571. 
G.  Meyer,  Chants  populaires  grecs.  —  572.  Lanquetin,  L'œuvre  de  Villalobos.  — 
573    Bayle,  Correspondance,  p.  p.  Gigas.  —  574.  Lentzner,  Bacon  et  Shakespeare. 

—  575.  Joseph  Bertrand,  Pascal.  —  576.  Lods,  Les  églises  protestantes  de  Mont- 
béliard.  —  077.  Guérin,  La  question  du  latin.  —  57S.  H.  Cordier,  Stendhal  et 
ses  amis.  7-  579.  Parigot,  Augier.  —  58o.  Schrader,  Atlas  de  géographie  mo- 
derne. —  58i.  Dubois,  Précis  de  géographie  moderne.  —  582.  Fischer,  Foi  ou 
science.  —  Lettre  de  M.  d'Arbois  de  Jubainville  et  réponse  de  M.  Gaidoz.  — 
Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


|i6é.  —  G.  de  Cara.  Glî  ll^Usôs  o  rte  l^astoi-î  dî  Egitto^  ricerche  di  Archeo- 
logia  Egizio-Biblica  del  P.  Cesare  A.  de  Cara.  Roma^  Tipografia  dei  Lincei,  1889, 
in-8,  xiii-372  p.  Prix:   i5  fr. 


f7. 


Chabas  avait  mesuré  cinquante-six  pdges  in-4°  aux  Pasteurs  en 
'gjyte  :  le  père  Cesare  de  Cara  leur  alloue  près  de  quatre  cents  pages 
n-S''.  Cette  disproportion  n'est  pas  due  au  nombre  de  monuments  nou- 
eaux  qui  ont  été  découverts  en  Egypte  depuis  vingt  ans  :  elle  tient  à  une 
ifférence  dans  la  manière  d'envisager  le  sujet.  Chabas  avait  voulu  don- 
er  au  public  savant  tout  ce  que  Ton  connaissait  de  son  temps  sur  la 
latière  et  n'avait  presque  pas  développé  ses  conclusions  :  il  agissait  eil 
gyptologue  parlant  avant  tout  aux  égyptologues.  Le  père  de  Cara  ne  s'est 
as  enfermé  dans  le  domaine  de  la  stricte  égyptologie  :  la  question  des 
[lyksos  se  rattache  dans  son  esprit  à  un  ensemble  de  questions  plus 
astes,  toutes  relatives  à  l'histoire  des  Hébreux  et  à  l'authenticité  du 
'entateuque.  Il  y  a  de  Tapologiste  en  lui  au  moins  autant  que  du  savant, 

je  le  remarque,  non  pour  lui  en  faire  un  reproche,  mais  simplement 

ur  expliquer  comment  il  a  été  amenée  composer  un  gros  volume  sur 
ne  matière  qui  semblait  ne  comporter  qu'un  mémoire  assez  court.  Il 
limet  la  tradition  fort  ancienne  qui  place  l'arrivée  de  Joseph  et  des 
tébreux  en  Egypte  sous  les  Pasteurs,  et  plus  spécialement  sous  un  des 
)is  Apophis  :  il  veut  donc  savoir  plus  exactement  qu'on  ne  l'a  su  jus- 
j'à  présent  ce  qu'était  ce  peuple  barbare,  d'où  il  venait,  comment  il 
itablit  en  Egypte,  combien  de  temps  il  y  resta,  quels  furent  ses  rois 

ce  qu'ils  firent.  Les  documents  sont  rares  :  quelques  débris  mutilés 
jîManéthon,  quelques  monuments  des  Hyksos  eux-mêmes,  quelques 
■res  allusions  dans  les  textes  égyptiens  d'époque  postérieure;  le  tout 
îndrait  en  vingt  pages  au  plus.  Mais  on  a  beaucoup  discuté  sur  ces 

ngt  pages,  on  a  beaucoup  affirmé,  beaucoup  nié,  et  avant  d'en  arriver 
Nouvelle  série,  XXX.  5i 


466  REVUE   CRITIQUE 

à  l'examen  des  textes  eux-mêmes,  il  faut  peser  l'une  après  l'autre  les 
principales  au  moins  des  hypothèses  qui  encombrent  le  champs  des 
recherches.  Le  père  de  Gara  l'a  fait  avec  beaucoup  de  modération  dans 
la  forme,  et  en  grand  détail.  Peut-être  a-t-il  pénétré  trop  avant  dans  k 
passé  et  a-t-il  tué  des  théories  qui  étaient  mortes  et  oubliées  depuis 
quelque  temps  déjà.  Une  connaissance  trop  profonde  de  la  bibliogra- 
phie du  sujet,  voilà  en  vérité  un  beau  reproche,  et  qu'on  n'a  pas  souven 
l'occasion  de  faire,  en  ce  temps  où  beaucoup  d'égyptologues  ignorent  i 
peu  près  tout  ce  qui  s'est  fait  avant  eux,  ou  se  donnent  l'apparence  d< 

l'ignorer.  I 

Je  ne  puis  pas  exposer  ici  l'ensemble  de  faits  et  de  raisonnements  qui" 

le  père  de  Gara  a  fort  ingénieusement  combinés  pour  éiayer  sa  thèse.  Oi 

sent  que  le  père  de  Gara  a  dû  étudier  à  fond  la  logique,  et  son  œuvr 

est  comme  une  chaîne  de  syllogismes  habilement  cachée,  qui  peu  à  pei 

enlace  le  lecteur  et  le  lie  à  Tidée  que  l'auteur  s'est  efforcé,  dès  le  début 

de  lui  présenter.  Je  veux  seulement  indiquer  la   thèse  elle-même.  Le 

Hyksos  ne  sont  pas  un  peuple  homogène;  ils  formaient  une  confédéra 

tion  plus  ou  moins  lâche  de  plusieurs  nations  et  de  plusieurs  famille 

diverses,  sous  Thégémonie  des  peuples  de  la  Syrie  septentrionale.  Gett 

confédération  était  la  même  que  celle  qui,  plus  tard,  sur  les  monument 

de  la  XVIII^  et  de  la  XIX«  dynastie,  prit  le  nom  de  Routonou  et  d 

Khiti,  ou,  du  moins,  elle  comprenait  des  portions  des  mêmes  peuples 

Elle  se  jeta  sur  l'Egypte  et  la  soumit  sans  difficulté,  sans  combat.  L 

père  de  Gara  recherche  ici  quelles  causes  ont  pu  rendre  aisée  la  conqui 

de  rÉgypte  et  refuse  d'y  faire  entrer  un  morcellement  du  pays  analogu 

à  celui  qui  favorisa,  vingt  siècles  plus  tard,  les  invasions  éthiopiennes  ( 

assyriennes.  Il  refuse  également  d'admettre  le  témoignage  de  ManéthoE 

quand  cet  historien  assure  que  les  chefs  barbares  mirent  le  feu  aux  villes 

renversèrent  les  temples  des  dieux  et  traitèrent  les  indigènes  en  ennem^ 

tuant  les  uns,  réduisant  les  autres  en  esclavage  avec  leurs  femmes  ( 

leurs  enfants.  Les  Hyksos,  loin  d'être  des  hordes  sauvages,  comme  O' 

le  prétend  d'ordinaire,  et  Manéthon  le  premier,  possédaient  une  civilisa 

tion  très  semblable  à  celle  de  leurs  adversaires.  S'ils  triomphèrent,  ce 

qu'ils  avaient  non  seulement  des  soldats  bien  aguerris,  aussi  nombreu 

que  ceux  de  l'Egypte,  mais  qu'ils  surent  les  lancer  à  l'improviste  av^ 

que  le  Pharaon  régnant  eût  vent  de  l'attaque  et  pût  rassembler  ses  foret 

pour  leur  tenir  tête.  L^Égypte  fut  envahie,  battue  et  réduite  par  sm 

prise.  «  La  façon  dont  Manéthon  dit  que  l'invasion  se  produisit,  sar 

«  violence,  sans  bataille,  sans  la  moindre  difficulté,  est  à  mon  sens  1 

«plus   naturelle  et  la  plus  probable;   aussi  réputé-je  peu  naturels^ 

«  improbables  tous  ces  actes  de  cruauté  que  le  même  auteur  attribue  au 

«  envahisseurs.  En  effet,  si  l'on  considère  l'entreprise  des  Hyksos  dai 

«  son  principe  et  dans  son  développement  successif  de  plusieurs  siècle 

«  et  qu'on  tienne  compte  des  qualités  morales  et  politiques  dont  ils 

<'  montrent  remarquablement  fournis  dans  leur  manière  de  gouverne 


d'histoire  et  de  littérature  467 

a  on  doit  conclure  à  bon  droit  que  la  conquête  de  PÉgypte  fut  conçue, 
«  préparée  et  méditée  par  eux  en  toute  maturité  de  jugement  et 
«  avec  une  ferme  résolution  de  la  rendre  durable...  Conscients  de  leur 
«  force,  du  nombre  et  de  la  vaillance  de  leurs  armées,  de  la  faiblesse  des 
«  Egyptiens  de  la  Basse-Egypte,  pourquoi  auraient-ils  recouru  a  la  vio- 
«  lence  et  aux  massacres?  (p.  297)  »  Ils  se  maintinrent  sans  peine  sur 
le  pays  entier,  jusqu'au  moment  où  les  princes  thébains  delà  XVI 1»  dynas- 
tie leur  déclarèrent  cette  guerre  qui  aboutit  à  la  délivrance  de  l'Egypte, 
après  un  siècle  et  demi  de  lutte. 

Telle  est,  en  quelques  mots,  Tidée  que  le  père  de  Cara  s'est  formée  des 
Hyksos  et  de  leur  domination.  Chacun  des  menus  détails  en  est  traité 
avec  amour,  et  donne  lieu  à  des  dissertations  approfondies,  sur  le  culte  du 
dieu  Soutekhou,  sur  l'emplacement  d'Avaris  et  son  identification  avec 
Péluse,  sur  la  stèle  de  l'an  400  et  sur  la  valeur  qu'on  doit  prêter  à  la  date 
extraordinaire  qu'elle  renferme,  sur  le  récit  du  Papyrus  Sallier  n°  I  et 
sur  le  plus  ou  moins  d'authenticité  qu'il  présente.  Dans  son  ardeur  à  tout 
recueillir  et  à  faire  arme  de  tout,  le  père  de  Cara  s'est  laissé  entraîner  à 
commettre  quelques  erreurs  de  fait.  La  lecture  Râ-ââ-ab-toui  du  car- 
touche prénom  d'Apophi  est  une  erreur  de  Mariette,  qu'il  corrigea  lui- 
même    plus   tard  :   le  nom    se    lit  Aqnounrî,   ou,   si   cette   façon  de 
le  vocaliser  scandalise  par  trop  le  lecteur,  Râ-âa-qenen.  C'est  le  pendant 
d'un  cartouche  prénom  que  portent  plusieurs  princes  thébains  contem- 
porains, Soqnounrî,  ou  Râ-sqenen.  De  même,  il  est  exagéré  dédire  que 
le  cartouche  nom  d'un  roi  pasteur  ne  renferme  jamais  le  nom  de  Râ. 
En  fait,  le  nom  d'Apophi  au  Papyrus  Sallier  71°  I  se  lit  Kk-Apophi^  et 
celui  du  roi  dont  Naville  a  découvert  la  statue  à  Bubastis,  lanrx  écrit 
Râ-iAN.  Je  dois  avouer  également  que  le  caractère  romanesque  du  Papy- 
rus Sallier,  n°  I,  me  paraît  aussi  fermement  établi  que  jamais.  Les  détails 
qu'on  y  lit,  malgré  les  lacunes,  sur  les  hippopotames  qui  habitent  le  lac 
de  Thèbes  et  qui  empêchent  le  roi  Pasteur  de  dormir  dans  Avaris,  ne  me 
paraissent  pas  indiquer  un  récit  historique  suffisamment  vraisemblable.  Le 
père  de  Cara  les  écarte  parce  qu'ils  se  trouvent  dans  les  parties  les  plus 
mutilées  du  texte  :  ils  sont  certains  pourtant,  comme  un  examen  répété 
du  fac-similé,  des  photographies  et  du  papyrus,  même  par  plusieurs  égyp- 
tologues,  le  prouve.  Lorsqu'on  a  devant  soi  un  document  en  lambeaux, 
on  est  toujours  libre  d'en  récuser  l'autorité;  mais  si  on  admet,  malgré 
les  lacunes,  le  témoignage  d'une  partie  des  fragments,  il  faut  admettre  au 
même  titre  le  témoignage  de  l'autre  partie.  Je  continue,  pour  ma  part, 
à  croire  que  Goodwin  avait  raison  de  penser  que  le  Papyrus  Sallier 
n'^   I  est   dénué  de  caractère  historique  :    je  le  considère    comme   un 
conte  écrit  vers  la  fin  de  la  XVII I^  dynastie.  Il  peut  nous  aider  à  com- 
prendre ce  que  les  Egyptiens  pensaient  des  Hyksos  longtemps  après  l'évé- 
nement ;  mais  nous  n'avons  pour  le  moment  aucun  moyen  de  déterminer 
jusqu'à  quel  point  le  roman  populaire  était  conforme  à  la  réalité. 
Je  suis  porté  à  croire  aussi  que  le  père  de  Cara  est  allé  un  peu  loin 


468  REVUE   CRITIQUE 

en  déclarant  que  Mane'thon  avait  accusé  à  tort  les  Hyksos  de  barbarie, 
dans  les  premiers  temps  qui  suivirent  leur  conquête  de  l'Egypte.  D'abord 
quel  est  l'état  de  la  question?  Nous  avons  un  témoignage  positif,  celui 
de  Manéthon,  puis  quelque  chose  que  je  ne  puis  définir  un  témoignage, 
bien  que  le  père  de  Gara  s'en  serve  fort  habilement  pour  combattre 
Manéthon.  Mariette  a  découvert  que  les  rois  Hyksos  ont  respecté  les 
temples  de  Tanis,  et  que  plusieurs  d'entre  eux  ont  ou  bien  élevé  ou  bien 
usurpé  des  monuments,  preuve  qu'ils  n'étaient  pas  si  barbares  qu'on  le 
disait  :  le  père  de  Gara  en  conclut  qu'ils  n'étaient  pas  barbares  du  tout 
et  que  Manéthon,  en  les  chargeant,  s'est  laissé  entraîner  par  un  préjugé 
de  haine  nationale.  L'argument  tiré  des  monuments  n'a  point  de  valeur 
en  l'espèce,  Manéthon  disait  que  les  premiers  Hyksos  avaient  mis  le 
feu  aux  villes  et  renversé  les  temples  des  dieux,  tué  ou  asservi  les  habi- 
tants. On  avouera,  je  l'espère,  que  la  présence  d'une  demi  douzaine  de 
monuments  des  Hyksos  en  Egypte  ne  saurait,  à  un  degré  quelconque, 
prouver  que  les  Hyksos  ne  brûlèrent  pas  des  villes  ou  ne  massacrèrent 
pas  des  fellahs  :  elle  ne  prouve  même  pas  qu'ils  respectèrent  les  temples. 
Il  est  certain  que  les  barbares  saccagèrent  Rome  plus  d'une  fois,  depuis 
la  mort  de  Théodose  jusqu'au  xvi«  siècle:  Dieu  sait  pourtant  si,  malgré 
tout,  il  reste  à  Rome  beaucoup  de  monuments  antiques  ou  qui  remon- 
tent aux  premiers  siècles  du  moyen  âge.  En  appliquant  à  l'histoire 
de  Rome  la  même  rigueur  de  déduction  que  le  père  de  Gara  applique  à 
l'histoire  d'Egypte,  on  aurait  beau  jeu  à  prouver  par  le  Colysée  ou  la 
colonne  de  Phocas,  ou  le  Marc-Aurèle  du  Capitole,  que  les  récits  des 
chroniqueurs  sur  les  ravages  et  la  cruauté  des  barbares  sont  de  pure  inven- 
tion, et  que  les  Vandales  ou  les  Normands  ou  les  soldats  des  armées  alle- 
mandes ont  été  calomniés.  Je  crois,  quant  à  moi,  qu'en  l'absence  de 
documents  contemporains,  le  mieux  est  de  suspendre  son  jugement,  ou 
d'admettre  le  témoignage  de  l'homme  qui  travaillait,  comme  Manéthon, 
sur  des  documents  que  nous  n'avons  plus,  si  son  récit  ne  contient  rien 
de  contraire  à  la  vraisemblance.  Après  tout,  ce  que  Manéthon  raconte  des 
Hyksos,  entre  le  moment  où  ils  envahirent  l'Egypte  et  celui  où  ils  accla- 
mèrent Salatis  roi,  n'a  rien  d'invraisemblable  :  piller,  brûler,  tuer, 
étaient  péchés  communs  dans  les  invasions  antiques,  et  aussi,  je  le  crains, 
dans  les  modernes. 

En  résumé,  l'ouvrage  est  bien  conduit,  et  l'examen  minutieux  auquel 
le  père  de  Gara  a  soumis  les  monuments  a  dissipé  plus  d'une  erreur. 
Il  y  avait  un  certain  courage  à  prendre,  pour  sujet  d'un  premier  mémoire 
en  égyptologie,  un  sujet  aussi  obscur  que  l'est  l'histoire  des  Hyksos  :  le 
père  de  Gara  s'est  tiré  à  son  honneur  de  cette  entreprise  hardie,  et  son 
ouvrage  reste  encore,  malgré  tout,  le  plus  solide  de  ceux  qu'on  a  écrits 
sur  le  même  sujet. 

G.  Maspero. 


d'histoire  et  de  littérature  469 

567.  —  Hans  GoTSCHER.  Dîe  Attisclien  GE'absclirîften  chronologisch  geordiiet, 
erlaeutert  und  mit  Uebersetzupgen  begleitet.  Leoben,  1890.  Gr.  in-S,  4?  p. 

Le  sujet  de  ce  travail  a  été  traité  en  même  temps,  bien  qu'avec  moins 
de  détails,  par  M.  Loch  (cf.  Rev.  crit.^  1890,  II,  p.  23);  il  n'est  pas  sur- 
prenant que  les  deux  auteurs,  opérant  sur  des  matériaux  identiques, 
soient  arrivés  aux  mêmes  résultats.  M.  Gutscher,  qui  ne  destine  pas  le 
sien  aux  seuls  philologues  de  profession,  a  cité  très  peu  d'inscriptions 
dans  le  texte  original,  mais  il  a  donné  des  traductions  métriques  de  toutes 
les  épitaphes  versifiées;  ces  traductions  sont  souvent  assez  élégantes.  La 
masse  des  épitaphes  attiques  a  été  répartie  par  lui  en  quatre  sections  : 
l'époque  archaïque,  le  V  siècle,  le  iv^,  le  111°  et  le  11^,  l'époque  romaine; 
les  épitaphes  chrétiennes,  étudiées  autrefois  par  M.  Bayet  dans  une  thèse 
latine,sont  restées  en  dehors  de  son  cadre.  Dans  chaque  série,  M.  G.  signale 
les  formules,  les  idées  nouvelles  qui  se  font  jour,  les  particularités  rela- 
tives à  l'indication  de  l'ethnique,  du  démotique,  etc.  Le  développement 
parallèle  de  l'art  plastique  dans  les  stèles  funéraires  et  de  l'art  poétique 
dans  les  épigrammes  lui  a  suggéré  quelques  bonnes  observations.  Son 
travail  est  mieux  qu'une  sèche  statistique  et  intéresse  l'histoire  des 
mœurs  non  moins  que  l'épigraphie.  Nous  somiTies  d'autant  plus  heureux 
de  lui  en  faire  compliment  qu'il  l'a  rédigé  dans  des  conditions  bien  peu 
favorables:  M.  Gutscher  est  professeur  au  gymnase  de  Leoben. 

S.  R. 


568.  —  Hand-Coinmentai*  zum  IVeuen  Testament^  bearbeîtet  von 
Holtzmann,  Lipsius,  etc.  Dritter  Band,  zweite  Abtheilung.  Hebreeerbrief,  Briefe 
des  Petrus,  Jacobus,  Judas.  Bearbeitet  yon  H.  v.  Soden.  Freiburg  i.  B.,  J,  G.  B. 
Mohr,  1890.  In-8,  viii-182  p. 

La  Revue  critique  (n*»  du  6  janvier  1890)  a  signalé  le  premier  volume 
de  cette  publication  et  les  qualités  qui  la  recommandent  à  l'attention 
des  exégètes.  Le  commentaire  des  cinq  Epîtres  qui  sont  étudiées  dans  le 
présent  fascicule  est  substantiel,  concis,  littéral.  Celui  de  PEpître  aux 
Hébreux  et  de  la  première  Épître  de  Pierre  a  été  particulièrement 
soigné,  à  cause  de  l'importance  plus  considérable  de  ces  écrits,  M.  v. 
Soden  a  pris  pour  base  de  ses  explications  le  texte  grec  dans  l'édition  de 
Tischendorf  -v.  Gebhardt.  Les  discussions  exégétiques  sont  générale- 
ment conduites  avec  beaucoup  d'érudition  et  de  sagacité.  Les  introduc- 
tions présentent,  sous  une  forme  abrégée,  tous  les  renseignements  géné- 
raux concernant  l'histoire,  Torigine  et  le  contenu  de  chacune  des  Épîtres, 
En  ce  qui  concerne  l'origine,  M.  v.  Soden  procède  sans  aucun  parti 
pris  favorable  ou  défavorable  aux  opinions  traditionelles;  il  ne  perd  pas 
le  temps  en  discussions  inutiles  ;  ses  conclusions  s'appuient  sur  une 
étude  approfondie  des  textes  et  de  leurs  rapports  avec  l'histoire  priini- 
tive  du  christianisme.  Justice  étant  rendue  à  la  méthode,  il  convient 
d'ajouter  que  toutes  les  opinions  soutenues  par  l'auteur  ne  sont  pas  de 


470  REVUE    CRITIQUE 

valeur  égale,  ni  élevées  au-dessus  de  toute  contestation.  Par  exemple, 
les  arguments  allégués  pour  démontrer  que  les  destinataires  de  l'Épître 
aux  Hébreux  n'étaient  pas  des  Juifs  convertis,  mais  des  chrétiens  sortis 
delà  gentilité,  méritent  pour  le  moins  d'être  pris  en  considération;  au 
contraire,  l'attribution  de  la  première  Epître  de  Pierre,  censée  écrite 
sous  Domitien,  à  Sylvanus  (d'après  I  Petr.  v,  12),  n'est  qu'une  conjec- 
ture assez  singulière  et  peu  vraisemblable.  Puisque  M.  v.  Soden  n'a  pas 
cru  devoir  s'en  rapporter  à  la  suscription  de  la  lettre,  il  aurait  agi,  ce 
semble,  avec  prudence,  en  ne  mettant  en  avant  aucun  nom  propre, 
comme  il  a  fait  avec  raison  pour  l'Epître  aux  Hébreux. 

A.  LoisY. 


569.  —  JLe  Juif  de  l'iilstoîre  et  le  Juif  de  la  légende,  par  Isidore  Lœb,  Paris, 
Léopold  Cerf,  1890,  in-12,  54  p. 

M.  Isidore  Lœb  n'est  pas  seulement  un  Israélite  des  plus  érudits;  c'est 
un  vrai  savant,  qui  sait  distinguer  entre  l'essentiel  et  le  secondaire,  qui 
sait  choisir  ses  sources  et  ses  renseignements.  C'est,  d'autre  part,  un 
écrivain  qui  manie  sa  langue  avec  souplesse.  C'est  pourquoi  un  sujet, 
qui  risquait  de  prêter  à  la  déclamation,  est  devenu  sous  sa  plume  une 
occasion  toute  naturelle  de  grouper  un  petit  nombre  de  données  préci- 
ses, desquelles  se  dégage  une  lumineuse  conclusion,  à  savoir  que  le 
Juif  a  beaucoup  souffert,  que,  sauf  ses  rudes  épreuves,  on  lui  prête 
dans  les  siècles  passés  un  rôle  qu'il  n'a  jamais  eu  et  qu'il  ne  demande 
aujourd'hui  qu'à  remplir  ses  obligations  de  citoyen  en  jouissant  de  la 
protection  que  l'Etat  lui  promet  en  retour.  J'ai  été  particulièrement  aise 
de  voir  M.  L.  établir  d'une  façon  très  nette  que  les  Juifs  ont  été  essen- 
tiellement agriculteurs  jusqu'aux  environs  de  l'ère  chrétienne,  et  qu'ils 
ne  sont  devenus  commerçants  qu'à  leur  corps  défendant  :  la  Bible,  qui 
prêche  la  justice  et  l'égalité,  qui  s'attaque  constamment  aux  riches,  est 
un  livre  d'agriculteurs.  «  L'histoire  des  persécutions  subies  par  les  Juifs 
est  une  honte  pour  l'humanité,  a  bien  raison  de  dire  M.  L.,  et  qui 
doit  rendre  modestes  ceux  qui  parlent  de  civilisation,  de  progrès,  de 
morale  et  de  charité.  «  Et  ailleurs  :  «  La  moitié  de  la  Bible  hébraïque 
est  consacrée  à  défendre  contre  le  riche  les  intérêts  des  pauvres  et  des 
humbles.  »  La  brochure  de  M.  Lœb  ne  pouvait  être  écrite  que  par  un 
homme  connaissant  à  fond  le  passé  et  le  présent  du  judaïsme  ;  elle  con- 
tient plus  de  vérités  et  d'indications  positives  que  maint  gros  volume. 

M.  Vernes, 


370.  —  Woldemar  Lippert.    Des   Rltterordens   von    Santiago    Xlieetigkeit 

rûr  das  faeilige  l.and.  Brochure  in-8,  45  pages.  Innsbrûck,  Wagner,  1890.  !|| 

M.  Lippert  a  trouvé  aux  archives  de  Vienne  une  série  de  pièces  tou- 
chant l'ordre  militaire  de  Santiago  et  provenant  des  anciennes  archives 


d'histoire  et  de  littérature  471 

du  chapitre  de  Salzbourg.  Ces  documents  montrent  qu'au  milieu  du 
xiri^  siècle  les  chevaliers  de  cet  ordre  ne  se  contentaient  pas  de  frapper 
en  Espagne,  à  l'instar  de  leurs  rivaux,  les  chevaliers  d'Alcantara  et  de 
Calatrava,  de  grands  coups  d'épée  contre  les  Musulmans  ;  avec  la  per- 
mission du  Souverain -Pontife,  ils  envoyaient  des  délégués,  chargés  de 
recueillir  des  dons  pour  la  Terre-Sainte,  dans  les  pays  les  plus  éloignés, 
en  Allemagne,  en  Danemark,  en  Suède,  en  Hongrie,  en  Pologne.  Ces 
frères  quêteurs  n'étaient  pas  toujours  bien  reçus  des  populations  et  le 
pape  dut  écrire  qu'on  les  traitât  avec  égard  et  qu'on  leur  rendît  facile 
leur  tâche.  De  semblables  quêtes  eurent  lieu  sous  le  pontificat  d'Alexan- 
dre IV  (1254-1261),  de  Clément  IV  (1265-1268),  et  de  Grégoire  X 
(1271-1276J.  Probablement  elles  cessèrent  tout  à  fait,  quand  au  concile 
de  Lyon,  en  1274,  les  évêques  et  les  abbés  eurent  promis  de  renoncer, 
8  pendant  six  ans,  en  faveur  des  chrétiens  de  Palestine,  à  la  dîme  de  tous 
leurs  revenus. 

Ces  faits  étaient  inconnus  et  il  faut  savoir  gré  à  M.  Lippert  de  les 
avoir  mis  en  lumière.  Sa  brochure  est  un  extrait  du  tome  X  des  Mit- 
tkeilungen  des  Instituts  fur  œsterreichische  Geschichtsforschimg. 

Ch.  Pfister. 


571.  -  Griechisclie  Volkslîeder  in  deutscher  Nachbildung  von  Gustav  Meyer. 
Stuttgart,  1890,  in-i2,  io3  p. 

En  feuilletant  l'élégant  petit  volume  de  l'éminent  helléniste  de  PUni- 
versité  de  Graz,  on  est  tenté  au  premier  abord  de  croire  à  une  mystifica- 
tion dans  le  genre  du  Mirza-Schaffy  de  F.  Bodenstedt,  tant  ces  jolis 
vers  sentent  peu  la  traduction  et  même  l'adaptation,  tant  ils  ont  une 
couleur  allemande,  souvent  heinesque,  tant  ce  sont  de  vrais  Lieder. 
En  lisant  la  Préface  et  en  se  reportant  à  la  table  des  matières,  où  les 
textes  originaux  sont  indiqués,  on  finit  par  se  convaincre  que  ces  char- 
mants poèmes  sont  traduits  du  grec  et  qu'ils  le  sont  même  avec  fidélité. 
La  traduction  la  plus  fidèle  n'est-ce  pas  celle  qui  donne  au  lecteur 
l'illusion  de  sa  propre  poésie,  de  sa  langue  nationale?  S'adressant  à  un 
public  allemand,  M.  G.  Meyer  s'est  proposé  le  V olksl ie d  ^ouv  modèle 
(p.  7).  Le  but  est  atteint,  à  s'y  méprendre. 

Cet  aimable  recueil  contient  des  chansons  provenant^  les  unes  de  la 
Grèce  proprement  dite,  les  autres  de  PApulie  et  de  la  Calabre,  où  le 
grec  se  parle  encore.  Ce  sont  toutes  des  chansons  d'amour,  tristes  ou 
joyeuses,  mélancoliques,  ou  parfois,  badines.  L'accent  en  est  toujours 
pénétré  et  pénétrant.  Ceux  qui  aiment  la  poésie  populaire  grecque 
liront  ce  livre  avec  plaisir.  Ce  n'est  pas  seulement  Pœuvre  d'un  savant  ; 

il  y  a  là  les  vers  d'un  poète. 

Jean  Psichari. 


m 


473  RKVUE    CRITIQUE 

byi.  —  Francisco  l.opcz  «lo  villuiobo».  Sur  les  contagieuses  et  maudites 
bubas.  Histoire  etmcJecine.  Traduction  et  Commentaire  par  le  D""  E  Lanquetin. 
Paris,  Masson,  i8go.  In-12,   162  pages. 

L'œuvre  de  Villalobos,  qui  précéda  de  trente-deux  ans  le  poème  de 
Fracastor  sur  la  Syphilis,  fut  imprimée  en  1498  à  Salamanque,  à  la 
suite  d'un  abrégé  de  la  médecine  d'après  les  Canons  d'Avicenne,  du 
même  auteur.  Elle  se  compose  de  soixante-quatorze  strophes  ou  tirades 
de  dix  vers  dodécasyllabiques  :  chaque  tirade  est  formée  de  deux  qiiin- 
if//7a5  soigneusement  rimées  dans  l'ordre  AB  A  A  B.  M.  L.  l'a  publiée 
dans  la  «  collection  choisie  des  anciens  syphiligraphes  »  d'après  une 
copie  que  lui  avait  envoyée  de  Madrid  le  docteur  Montejo  :  il  ne  reste 
que  quatre  exemplaires  de  l'édition  princeps,  et  aucun  n'est  à  Paris.  Il 
est  à  regretter  que  M.  L.  ait  poussé  la  fidélité  de  la  reproduction  jus- 
qu'à supprimer  la  ponctuation  totalement  absente  dans  Toriginal  :  1| 
lecteur  lui  saurait  gré  d'avoir  facilité  par  l'emploi  des  points  et  des  vir 
gules  l'intelligence  d'un  texte  qui  n'est  pas  toujours  sans  difficulté  l 
M.  L.  a  joint  à  sa  publication  une  traduction  et  un  commentaire.  De  la 
première  nous  dirons  qu'elle  est  plus  élégante  que  fidèle  :  non  qu'elle 
renferme  aucune  inexactitude  scientifique,  mais  elle  ne  serre  pas  d'assez 
près  et  parfois  il  semble  que  le  traducteur  n'ait  pas  fait  un  mot  à  mot 
rigoureux  de  certaines  constructions  obscures  et  embarrassées.  Quant 
au  commentaire,  il  est  de  tout  point  intéressant,  mais  notre  incompé 
tence  dans  la  matière  ne  nous  permet  pas  d'en  apprécier  dûment  la  va- 
leur 2.  G.  Strehly.  j 


f 


bj3.  —  Lettres  înédîtes  de  «lîvers  savants  de  la  fin  du  xvn*  siècle  et  cil" 
commencement  du  xviu'  siècle  publiées  et  annotées  par  Emile  Gigas,  de  la 
Bibliothèque  royale  de  Copenhague.  Publication  faite  sous  les  auspices  de 
fondation  Carlsberg.  Tome  I.  Choix  de  la  correspondance  de  Pierre  BaylPf 
1670-1706.  Copenhague,  Gad.  Paris,  Firmin-Didot,   1890,  in-8  de  xvni-728  p.    ' 

Après  la  mort  de  Bayle,  sa  famille  forma  le  projet  de  publier  une 
partie  de  la  correspondance  de  l'éminent  critique.  On  songea,  pour 
l'édition,  à  un  certain  Du  Puy,  «  littérateur  de  profession  sans  être  fojj 
illustre  dans  ce  métier  ».  Mais  à  la  suite  de  circonstances  inconnues^ 
l'idée  fut  abandonnée  et  les  rnatériaux  du  recueil  destiné  à  paraître  sous 
les  auspices  des  héritiers  de  Bayle  furent  achetés  par  un  amateur  étran- 
ger, le  cornte  Otto  Thott  (1703-1785),  «  ministre  d'Etat  danois  et  grar^d 


1.  Observons  que  des  fautes  d'impression  s'y  rencontrent  çà  et  là:  p.  ex.  copauera, 
p.  80,  lisez  cZpaiïera  ;  ta  queda,  p.  81,  lisez  tan  qiieda;  prosigne,  p.  84,  lisez  ;?ro5/- 
gue ;  ai^ogne,  p.  85,  1.  a^ogue,  etc.,  etc. 

2.  Signalons  toutefois  une  ou  deux  corrections  :  p.  33,  Zûr  corr.  Zur;  p.  ii5,une 
citation  sans  renvoi  de  quelques  vers  du  Roman  de  la  Rose  :  le  premier  me  paraît 
fautif:  el  sel,  traduit  par  et  si  elle  est  plus  que  douteux  ;  p.  119,  en  ça  ne  veut  pas 
dire  environ  cf.  Littré;  p.  i56,  thériaque  ne  vient  pas  de  6r,p  et  à/do/j^xi,  mais  sim- 
plement de  Or,ptxy.yj, 


d'histoire  et  de  littérature  473 

bibliophile,  possesseur  delà  plus  riche  bibliothèque  privée  au  xviiie  siè- 
cle. »  Le  collectionneur  étant  mort,  la  correspondance  de  Bayle  passa 
dans  la  Bibliothèque  royale  de  Copenhague  où  elle  remplit  deux  gros 
volumes  in-40.  Ces  volumes  composés  d'environ  cinq  cents  lettres,  les 
unes  du  philosophe,  les  autres  à  lui  adressées,  sont  la  source  —  qui  n'avait 
encore  été  troublée  par  aucun  chercheur  —  où  M.  E.  Gigas  a  puisé  son 
Choix  de  la  correspondance  de  Pierre  Bayle^  première  série  d'un 
recueil,  qui  servira,  espère-t-il,  «  à  jeter  quelque  lumière  sur  Phistoire 
de  la  littérature  de  l'Europe  »  dans  la  dernière  partie  du  règne  de 
Louis  XIV. 

Cette  première  série  est  formée  :  i»  d'une  Introduction  dont  je  viens 
de  citer  quelques  lignes  i;  2°  de  vingt-quatre  lettres  de  Bayle  écrites 
depuis  son  extrême  jeunesse  (à  l'âge  de  2  3  ans)  jusqu'à  la  veille  de  sa 
mort  ;  3°  de  cent  soixante-seize  lettres  de  divers  personnages,  ses  pa- 
rents, amis,  confrères,  etc.,  les  uns  porteurs  de  noms  illustres,  Nicolas 
Malebranche,  Denis  Papin,  Charles  Perrault,  les  autres  moins  célèbres, 
mais  recommandables  à  divers  égards,  tels  que  Jacques  Abbadie,  Ame- 
lot  de  la  Houssaye,  Charles  Ancillon,  Jean  Anisson,  Adrien  Baillet, 
Basnage  de  Beauval,  Jacob  Bayle,  Beausobre,  François  Bernier,  Char- 
les Drelincourt,  l'abbé  Dubos,  Jacques  du  Rondel,  Daniel  de  Larroque, 
Jean  Le  Clerc,  Jacques  Lenfani,  Michel  Le  Vassor,  Vincent  Minutoli, 
Claude  Nicaise  2,  Jean  Rou,  Jean-Baptiste  Santeuil,  Frédéric  Spanheim, 
Jacques  Spon,  François  Turettini  3;  40  ^e  notes  biographiques,  biblio- 
graphiques, géographiques,  etc..  qui  remplissent  près  de  cent  pages 
imprimées  en  menus  caractères;  5°  d'un  index  des  noms. 

L.' Introduction  est  fort  intéressante,  M.  G.  a  eu  le  bon  esprit  d'y 
mettre  quelques  extraits  de  lettres  qui  ne  lui  paraissaient  point  mériter 
d'être  publiées  complètement.  Il  mêle  ainsi  le  piquant  de  l'inédit  à  ses 
judicieuses  appréciations  de  Bayle  et  des  principales  œuvres  de  cet  écri- 
vain (son  Journal  critique  et  son  Dictionnaire),  à  ses  appréciations 
aussi  des  plus  notables  correspondants  de  son  héros,  le  philologue  Jac- 
ques du  Rondel,  «  qui  était  peut-être  l'admirateur  le  plus  passionné  du 
génie  de  Bayle»,  le  théologien  genevois  Vincent  Minutoli,  ami  de  jeunesse 
du  grand  sceptique,  Jacob  Bayle,  ministre  au  Caria,  son  frère  aîné  *. 

1 .  A  la  suite  de  V Introduction  on  remarque  un  Tableau  généalogique  de  la  famille 
de  Bayle. 

2.  Déjà  diverses  lettres  de  Bayle  à  ce  facteur  du  Parnasse  avaient  paru  dans  le 
recueil  de  M.  Caillemer  (Lettres  de  divers  savants  à  l'abbé  Nicaise,  Lyon,  i885, 
grand  in-8oj,  recueil  dont  j'ai  eu  l'honneur  de  rendre  compte  ici. 

3.  Plusieurs  lettres  de  Bayle  se  trouvent  dans  les  Lettres  inédites  adressées  à  J.  A. 
Turretini,  dont  l'édition  est  due  aux  soins  de  M.  de  Budé  (Genève  et  Paris,  3  vol. 
in- 12)  et  dont  je  me  suis  encore  occupé  ici. 

4.  Parmi  les  plus  curieux  extraits  donnés  par  M.  G.,  on  remarquera  (p.  xxv- 
xxvi),  divers  passages  des  lettres  adressées  à  Bayle  par  Gregorio  Leti,  personnage 
que  l'éditeur  exécute  prestement  en  ces  termes  :  «  Cet  italien,  d'une  honnêteté  assez 
douteuse  et  expulsé  de  pays  en  pays,  entêté  de   sa  propre  grandeur   et  battant   tou- 


474  REVUE    CRITIQUE 

Les  lettres  de  Bayle  à  son  père,  à  ses  frères,  à  quelques-uns  de  ses 
meilleurs  amis,  font  très  avantageusement  connaître  son  caractère  et 
fournissent  des  détails  nouveaux  sur  quelques  circonstances  de  sa  vie. 
Là,  comme  dans  la  seconde  partie  du  recueil,  Bayle  nous  apparaît  doué 
des  plus  aimables  et  des  plus  précieuses  qualités,  et  tout  le  bien  que  ses 
biographes  ont  jamais  dit  de  lui  est  confirmé  et  même  dépassé  par  les 
témoignages  de  sa  correspondance.  A  ces  renseignements  sur  l'homme 
et  sur  l'auteur,  se  joignent  divers  renseignements  dont  profitera  Fhis- 
toire  littéraire  générale,  notamment  en  ce  qui  regarde  (p.  io6)  le  ma- 
nuscrit des  Vies  des  poètes  français  par  Guillaume  CoUetet  dont  Char- 
les Perrault  songeait  à  entreprendre  la  publication  (lettre  du  29  août 
1691). 

Dans  les  pages  écrites  par  les  correspondants  de  Bayle,  règne  la  plus 
grande  variété.  La  plupart  de  ces  correspondants  envoyaient  au  roi  du 
journalisme  du  xvii*  siècle  toute  sorte  de  nouvelles  :  les  unes  venant  de 
Paris  et  de  la  province,  les  autres  de    Berlin,  de  Genève,  de   Londres, 
etc.  Evénements,  hommes,  livres,  tout  passe  devant  nos  yeux.  Telles 
lettres  sont   graves,  telles  autres  enjouées.  Ici   s'étend  la  dissertation, 
plus  loin  pétille  l'anecdote.  C'est  un  pèle-méle  charmant.  L'Allemagne, 
l'Angleterre,  la  Suisse,  la  Hollande,  la  France,  y  revivent  tour  à  tour. 
Théologiens,  romanciers   philosophes,    poètes,  érudits,   beaux   esprits, 
bas-bleus  ',  se  disputent  notre  attention.  C'est  principalement  dans  les 
lettres  de  l'abbé  Nicaise  «  épistolographe  par   excellence  et  chronique 
littéraire  vivante  du  temps  »,  et  encore  plus  dans  les  lettres  de  l'abbé 
J.-B.  Dubos,  écrites  avec  une  verve  si  amusante,  qu'abondent  les  nou-^ 
velles  de  la  cour,  de  la  ville,  de  l'Académie.  Les  grands  noms  de  Boi- 
leau,  de  Bossuet,  de  Corneille,  de  La  Fontaine,  de  Racine  brillent  en 
la  seconde  partie  du   volume  à  côté  des  noms  d'Antoine  Arnauld,  de 
Balzac,  de  Barbin,  de  Bouhours,  deBurnet,  de  Bussy  Rabutin,  de  Cati- 
nat,  de  Claude,  de  Cuper,  de  Dacier,  du  P.  Daniel,  de  Tabbé    Faydit, 
de   Gassendi,   de  Grotius ,  du   P.    Hardouin,    de  Tarchevêque  F.    de 
Harlay,  de  l'évèque  Huet,  de  Jurieu,  de  l'abbé  de  La  Chambre,  de  Ma- 
thieu et  Daniel  de  Larroque,  de  Longepierre,  de  Louis  Maimbourg,  de 
Ménage,  de   Mézeray,  de  Nicole,  d'Eusèbe  Renaudot,  de  Saint  Evre- 
mond,  de  St-Réal,  de  Spanheim,  de  Thévenot,  etc. 

Les  notes  som  aussi  excellentes  que  nombreuses.  Comme  dans  Vintro- 
duction,  M.  G.  y  a  mêlé  beaucoup  d'extraits  des  lettres  écrites  à  Bayle 
qui  n'avaient  pas  trouvé  place  dans  le  recueil,  de  sorte  que  le  commen- 
taire est  aussi  un  supplément.  Ce  commentaire,  fait  avec  autant  de  soin 

jours  la  grosse  caisse  pour  ses  nombreuses  productions,  importunait  le  rédacteur 
des  Nouvelles  de  la  République  des  lettres  de  ses  protestations  d'amitié  intéressées, 
mélange  d'adulation  et  de  susceptibilité,  dont  le  style  rappelle  le  charlatan.  » 

i.  Signalons  les  passages  relatifs  à  Mme  Dacier,  à  Mme  Deshoulières,  surtout  à  M"« 
de  La  Force  dont  les  aventures  furent  si  extraordinaires.  L'Index  des  noms  fournit 
toute  les  références  désirables  pour  suivre  la  trace  de  ces  dames. 


d'histoire  et  de  littérature  475 

que  de  savoir,  et  où  sont  condensées  des  recherches  infinies,  nîérite  des 
éloges  sans  réserve  '. 

Que  M.  Gigas,  encouragé  par  le  succès  qu'obtiendra  certainement, 
auprès  de  tous  les  lettrés  de  l'Europe,  le  premier  volume  de  la  corres- 
pondance inédite  de  divers  savants,  continue  son  grand  travail  aussi 
bien  qu'il  l'a  commencé,  et  il  aura  pour  toujours  attaché  son  nom  à 
une  des  plus  curieuses  et  des  plus  importantes  publications  de  notre 
temps.  T.  DE  L. 

574.  —  Karl  Lentzner.  Zur  Shakespeare  t=  Bacon  =  Xheorïe.    Halle,    Nie- 
meyer,  1890,  in-8,  viii,  48  pages. 

La  question  de  l'authenticité  des  drames  de  Shakespeare  ne  cesse  pas 
d'occuper  l'attention  de  l'autre  côté  des  Vosges,  comme  en  Angleterre  et 
en  Amérique;  la  Revue  critique  a  rendu  compte  dernièrement  de  la 
brochure  que  M.  Schipper  lui  a  consacrée  l'année  dernière,  en  voici  une 
que  M .  Karl  Lentzner  lui  consacre  à  son  tour,  mais  en  la  traitant  d'une 
manière  un  peu  différente.  M,  Schipper  s'était  surtout  attaqué  à  l'ou- 
vrage fantaisiste  d'Ign.  Donnelly,  publié  en  1886,  son  émule  reprend  la 
question  de  plus  haut  et  dès  son  origine. 

C'est  en  i856  qu'elle  a  été  véritablement  soulevée.  Huit  ans  aupara- 
vant, l'américain  Hart  avait  déjà  mis  en  doute  —  presque  en  passant, 
il  est  vrai  —  que  Shakespeare  fût  véritablement  l'auteur  des  drames  mis 
sous  son  nom,  mais  ce  fut  seulement  en  i856  que  l'Anglais  Henry 
Smith  contesta  au  grand  poète  la  paternité  de  ses  œuvres.  Depuis  lors, 
les  contradicteurs  ne  se  comptent  plus;  M.  K.  L.  en  cite  trois  en  parti- 
culier. Miss  Délia  Bacon,  le  juge  Nathaniel  Holmes  et  Ign.  Donnelly, 
tous  originaires  d'Amérique.  A  l'exception  de  Miss  Bacon,  qui  a  cru 
trouver  dans  la  profondeur  philosophique  des  drames  shakespeariens  la 
preuve  qu'ils  sont,  non  du  célèbre  auteur,  mais  de  Bacon,  —  découverte 
qui  n'a  pas  empêché  son  trop  ingénieux  auteur  de  tomber  dans  la  folie, 

I.  Je  dis  sans  réserve,  parce  que  les  observations  que  je  pourrais  présenter  se- 
raient insignifiantes.  Il  y  aurait  du  mauvais  goût  à  reprocher  quelques  incorrections 
à  un  étranger  qui  se  sert  de  notre  langue  {dubieuse  pour  douteuse,  s'acclimatisa 
pour  s'acclimata,  alludent  pour/ort/  allusion,  etc.).  Quelques-unes  des  mille  indica- 
tions bibliographiques  ne  sont  pas  assez  précises,  celle-ci,  par  exemple  (p.  628)  : 
«  Il  existe  un  grand  ouvrage  en  beaucoup  de  volumes  touchant  son  procès  [le  procès 
de  Foucquet].  »  Pourquoi  ne  pas  citer  le  titre  même  du  recueil  avec  la  date  de  la 
publication  et  le  nombre  des  volumes  (quinze,  si  je  ne  me  trompe)  ?  On  lit  (p.  63o)  : 
«  Philippe  de  Cospean  ou  Caspean.  »  Ni  l'un  ni  l'autre.  L'évêque  d'Aix,  de  Nantes 
et  de  Lisieux  s'appelait  en  réalité  Philippe  Cospeau.  C'est  par  une  faute  d'impres- 
sion facile  à  commettre  que  ïu  final  a  été  très  souvent  changé  en  n.  —  Le  nom 
écrit  Larbons  (p.  647)  —  oublié  à  YIndcx  —  doit  être  Larboust.  L'éditeur,  parlant 
de  la  vie  de  Saumaise  par  Philibert  de  la  Mare,  conseiller  au  Parlement  de  Bourgo- 
gne, dit  (p,  708)  :  «  Elle  resta  manuscrite,  à  ce  qu'il  semble,  n  Je  puis  certifier  que 
cette  précieuse  biographie  est  encore  inédite,  mais  je  puis  ajouter  que  prochainement 
elle  sera  publiée  par  un  professeur  de  l'Université  parmi  les  pièces  justificatives 
d'une  thèse  pour  le  doctorat  es  lettres  sur  Claude  de  Saumaise. 


476  REVUB    CRITIQUE 

—  les  raisons  invoquées  contre  les  droits  du  poète  de  Stratford  par  tous 
les  partisans  de  Bacon  sont  à  peu  près  les  mêmes  :  l'ignorance  prétendue 
et  l'éducation  négligée  de  Shakespeare,  la  publication  posthume  des 
drames  qu'on  lui  attribue  et  la  disparition  de  son  nom  sur  ces  drames 
après  sa  mort.  M.  K.  L.  n'a  pas  eu  de  peine  à  réfuter  des  arguments 
aussi  frivoles;  il  montre  que  la  légende  de  l'ignorance  du  grand  poète 
ne  repose  sur  aucun  fondement;  comment  oser  dire,  par  exemple,  que 
l'auteur,  à  dix-neuf  ans,  du  poème  de  Vénus  et  Adonis,  ne  connaissait 
point  l'antiquité  et  ne  l'avait  point  étudiée.  D'un  autre  côté,  le  témoi- 
gnage unanime  de  ses  contemporains  depuis  ses  éditeurs  jusqu'à  Robert 
Greene,  Mères,  Ben  Jonson,  ne  peut  laisser  aucun  doute  sur  son  talent 
dramatique.  11  nous  apprend  que  le  grand  poète  commença  par  rema- 
nier d''anciennes  pièces,  avant  de  s'élever  à  ces  conceptions  sublimes 
qui  Pont  immortalisé.  Le  témoignage  des  écrivains  de  la  génération 
suivante,  celui  de  Milton,  par  exemple,  n'est  pas  moins  formel  à  cet 
égard. 

Trouve-t-on  rien  de  pareil  en  faveur  de  Bacon?  Son  prétendu  talent 
poétique,  la  peur  de  se  compromettre  qui  l'aurait  poussé  à  faire  jouer 
ses  drames  sous  un  nom  étranger,  ne  sont  que  des  hypothèses    ou  de 
ridicules  rêveries.  On  ne  s'expliquerait  point  que  Bacon,  si  soucieux  de 
sa  gloire  littéraire,  et  qui  passa  les  années  de  sa  retraite  forcée  à  revoir 
et  à  publier  ses  œuvres  philosophiques,  eût  laissé  des  mains  étrangères 
faire  l'édition  défectueuse  et  fautive,  celle  de  1623,  des  drames  qu'on  lui 
attribue  si  gratuitement.  On  ne  s'expliquerait  pas  davantage  qu'il  n'eût 
point  laissé  un  témoignage  certain  et  précis,  qui  eût  permis  à  la  posté- 
rité de  lui   restituer  la  paternité  de  tant  de  chefs-d'œuvre  et  de  mettre 
ainsi  le  sceau  à  sa  gloire.  Car,  quant  au  cryptogramme  découvert  par 
Ign.Donnelly,  c'est  l'invention  d'un  esprit  mal  fait  ou  malade,  non  une 
preuve  véritable   en  faveur  du  génie  dramatique  de  Bacon.   M.  K.  L. 
invoque  encore  contre  les  partisans  du  philosophe  d'autres  raisons  tirées 
du  caractère  même  et  de  la  manière  de  penser  de  Bacon,  ainsi  que  des 
sentiments  si  puissamment  exprimés  dans  les  drames  shakespeariens; 
comme  il  le   dit  fort  bien,  ce  n'est  pas  l'auteur  des  traités  de  la  Beauté 
et  de  V Amour ,  où  la  première  est  envisagée  d'un  point  de  vue  si  vul- 
gaire, et  où  le  second  est  traité  avec  un  si  froid  dédain,  qui  a  pu  créer 
les  héroïnes  de  Shakespeare,  peindre  leurs  passions  avec  tant  de  force, 
ou  exalter,  comme  il  l'est  dans  ses  sonnets,  le  sentiment  de  l'amour,  que 
Bacon  regarde  presque  comme  bas  ou  funeste.  Il  n'était  point  besoin 
peut-être  de  raisons  si  nombreuses  pour  réfuter  une  thèse  qui  touche  à 
l'absurde,  mais  il  faut  reconnaître  que  M.  Karl  Lentzner  a  le  mérite 
de  l'avoir  combattue  de  la  manière  la  plus  victorieuse  et  la  plus  habile. 

Ch.  J. 


D  HISTOIRE   ET    DE    LITTERATURE  477 

575.   —   Joseph    Bertrand.    Biaise    Pascal.    Paris,    Calmann-Lévy,   1891,   xiv- 
399  p.  in-8. 

Un  grand  géomètre  jugé  par  un  grand  géomètre;  le  croyant  le  plus 
passionné  qui  fût  jamais  étudié  par  un  aimable  sceptique  —  tel  est  le 
livre  de  M.  Joseph  Bertrand  sur  Pascal.  Livre  original,  assurément,  et 
qui,  après  tant  d'écrits  sur  le  même  sujet,  présente  des  choses  connues 
sous  un  jour  nouveau,  en  les  éclairant  de  quelques  autres  que  Sainte- 
Beuve  et  Ernest  Havet  ont  ignorées. 

M.  B.  avertit,  dans  sa  préface,  qu'il  n'est  ni  janséniste,  ni  jésuite  :  on 
s'en  aperçoit  assez.  Le  caractère  qui  frappe  tout  d'abord,  c'est  l'indé- 
pendance absolue  de  sa  critique  :  sur  tous  les  points  en  litige,  il  s'est 
fait  une  opinion  personnelle  d'après  les  textes,  négligeant  même  plus 
que  de  raison  (il  paraît  n'avoir  pas  lu,  par  exemple,  l'excellente  étude 
de  M.  Droz)  les  conclusions  ou  les  conjectures  d'autrui.  Les  dix  pages 
de  Jugements  sur  Pascal  qu'il  a  insérés  dans  sa  préface  font  l'effet  d'un 
placage  ;  ils  sont  du  reste  assez  mal  choisis  '.  Ailleurs,  quand  il  parle 
de  Cousin  et  de  Viliemain,  c'est  en  général  pour  se  moquer  de  leurs 
grandes  phrases.  M.  B.  plaisante  agréablement  Cousin  qui  s'est  pâmé 
d'admiration  devant  les  mots  raccourci  d'abîme,  lus  par  lui  dans  le 
manuscrit  des  Pensées  :  vérification  faite,  Pascal  a  écrit  raccourci 
d'atome,  ce  qui  a  du  moins  l'avantage  d'avoir  un  sens.  La  mésaven- 
ture du  rhéteur  est,   en  effet,  piquante,  et  M.  B.  l'a  finement  racontée. 

Les  quatre  chapitres  qui  composent  ce  livre  sont  d'une  longueur 
inégale;  on  est  surpris  de  la  petite  place  qu'occupent  \es  Pensées.  Elles 
tiennent  60  pages,  tandis  que  les  Provinciales  en  ont  i56  et  la  biogra- 
phie de  Pascal  122;  le  reste,  soit  34  pages,  concerne  Pascal  physicien 
et  géomètre.  Ces  chiffres  marquent  la  préférence  de  l'auteur  pour  les 
Petites  Lettres,  mais  on  verra  qu'il  ne  les  admire  pas  sans  réserves. 

M.  J.  B.  ne  veut  point  être  dupe;  le  culte  qu'il  professe  pour  Pascal 
ne  l'aveugle  pas.  Dans  des  circonstances  graves,  à  plusieurs  reprises, 
Pascal  a  manqué  de  franchise  et  de  justice.  Après  la  mort  de  son  père, 
il  désire  garder  la  part  de  Jacqueline  en  lui  servant  une  rente  viagère. 
Jacqueline  est  consentante,  mais  un  acte  unique  conclu  dans  ce  sens 
serait  l'équivalent  d'un  prêt  à  intérêt,  contraire  à  la  maxime  fameuse  : 
Mutuum  date  nihil  sperantes.  On  tourne  la  difficulté  au  moyen  de  deux 
donations  successives,  en  apparence  indépendantes  l'une  de  l'autre,  dont 
le  texte  a  été  retrouvé  par  M.  Barroux.  Biaise  assure  à  sa  sœur  une 
rente  de  sept  cents  livres  «  pour  le  bon  amour  que  ledit  sieur  donateur  a 
dit  porter  à  ladite  demoiselle  ».  Jacqueline  fait  à  Biaise  un  don  de  huit 
mille  livres  «  pour  la  bonne  amitié,  etc.  »  M.  B.  trouve  que  Pascal 
avait  oublié  cet  artifice  quand,  cinq  ans  plus  tard,  il  écrivit  la  huitième 
Provinciale,  et  il  ajoute  (p.  jj)  :  «  Les  donations  mutuelles  de  Pascal 


1.  On  cherche  en  vain  Désiré  Nisard  et  Louise  Ackermann  à  côté  de  Daunou  et  de 
Bordas  Dumoulin. 


4^8  REVUE    CRITIQUE 

et  de  sa  sœur  seraient,  dans  leur  ensemble,  parfaitement  équitables,  si 
diverses  clauses,  en  rendant  illusoires  et  fictifs  les  avantages  accordés  à 
Jacqueline,  ne  leur  donnaient  un  caractère  véritablement  léonin.  » 

Dans  la  querelle  entre  Pascal  et  Descartes,  M.  B.  moatre  ingénieu- 
sement que  Pun  et  l'autre  ont  pu,  sans  mentir,  altérer  la  vérité  comme 
ils  Pont  fait;  mais  il  blâme  sévèrement  la  conduite  de  Pascal  envers 
rhorloger  de  Rouen,  dans  Tafïaire  de  la  machine  à  calculer,  envers  le 
jésuite  Lalouèreet  Torricelli,  dans  celle  de  la  cycloïde.  «  Pascal,  dans  la 
polémique,  est  dur  et  querelleur  »  (p.  1 1 5).  —  «  Pascal  a  deux  poids  et 
deux  mesures  »  (p.  178).  Citant  (p.  SgS)  quelques  fragments  obscurs 
des  Pensées  :  «  Les  éditeurs,  dit  M.  B.,  ont  conservé  ce  fatras.  »  Il  ne 
suffit  pas  qu'une  ligne  soit  de  Pascal  pour  que  M.  B.  y  trouve  des  beau- 
tés sublimes;  là  où  d'autres  en  découvrent  à  foison,  comme  dans  le 
Discours  sur  les  passions  de  l'amour,  il  est  disposé  à  voir  la  main  d'un 
imitateur  et  à  suspecter  l'authenticité  du  morceau.  C'est  peut-être 
pousser  loin  le  scepticisme,  mais  c'est  prouver  aussi  l'indépendance 
de  son  jugement.  «  Je  n'ai  pas  assez  d'esprit,  écrit  M.  B,,  pour  tout 
admirer  dans  Pascal  »  (p.  3).  Il  en  a  pourtant  beaucoup. 

Le  long  chapitre  sur  les  Provinciales  a  paru  d'abord  dans  la  Revue 
des  Deux  Mondes,  où  il  a  fait  quelque  bruit.  Ms^  d'Hulst  y  répondit 
dans  le  Correspondant  avec  plus  d'érudition  que  de  bonne  grâce; 
M.  Brunetière,  sans  prétendre  au  rôle  d'arbitre,  prit  Poccasion  de  cette 
controverse  pour  publier,  dans  la  Revue  bleue,  un  des  meilleurs  articles 
qu'on  ait  jamais  écrits  sur  Pascal.  La  thèse  de  M .  Bertrand  n'est  pas  nou- 
velle, mais  il  l'a  très  habilement  présentée.  Pascal  est  injuste  en  attri- 
buant aux  jésuites  une  casuistique  dont  ils  n'avaient  pas  le  monopole; 
il  n'a  pas  compris  que  la  casuistique  est  une  conséquence  nécessaire  de  la 
confession  et  que  ses  attaques,  si  elles  atteignaient  la  première,  devaient 
mettre  en  cause  l'institution  de  la  seconde.  '(  Ceux  qui  font  la  guerre 
aux  casuistes  la  déclarent  à  la  confession  »  (p.  219).  Enfin  —  et  c'est  là 
un  point  que  M.  B.  a  fort  heureusement  mis  en  lumière — Pascal  com- 
fond  évidemment,  dans  l'ardeur  de  sa  polémique,  le  péché  non  mortel 
avec  l'acte  permis  ou  méritoire  (p.  256).  Précisément  parce  qu'il  n'est 
ni  jésuite  ni  janséniste,  M.  B.  reconnaît  que  les  jansénistes  ont  porté  des 
coups  déloyaux  aux  jésuites  et  qu'à  prendre  le  mot  dans  son  acception 
moderne,  il  y  a  eu  jésuitisme  des  deux  côtés.  M.  B.  conclut  par  cette 
phrase  singulière,  la  seule  qui  soit  mal  écrite  dans  son  livre  et  que  l'auteur 
des  Etudes  sur  les  Tragiques  grecs  aurait  pu  lui  envier  (p.  281)  : 
«  Comment  l'imprudent  qui,  sans  être  un  ami  des  adversaires  de  Pascal, 
oserait,  pour  rester  impartial,  reprochera  l'auteur  des  Provmcza/e^  une 
faute  aussi  grave  contre  la  justice,  serait-il  traité  par  les  admirateurs  de 
toute  ligne  tombée  de  sa  plume  ?  » 

En  ce  qui  touche  les  Pensées,  M.  B.  n'admet  pas  le  pyrrhonisme  de 
Pascal,  si  énergiquement  affirmé  par  Ernest  Havet.  «  Pascal,  dit-il,  est 
un  croyant;  jamais,  sur  les  questions  de  foi,  le  doute  n'a  effleuré  son 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  47g 

âme;  mais,  en  dehors  des  vérités  éternelles,  rien  ne  l'intéresse,  ou  plu- 
tôt, rien  ne  lui  semble  digne  d'intérêt...  Il  s'aperçoit  qu'aucune  des 
vérités  énumérées  par  Havet  n'est  démontrable,  mais  de  l'esprit  il  fait 
appel  au  cœur,  c'est-à-dire  à  l'intuition,  et  les  croit  plus  certaines  que  la 
géométrie.  »  (p.  384-385).  Pas  plus  que  Havet,  du  reste,  M.  B.  ne 
donne  son  assentiment  ;  «  Les  honnêtes  gens  sont  innombrables  qui, 
même  après  avoir  admiré  votre  livre,  ne  parient  pas  et  vivent  heureux, 
résignés,  sans  remords,  au  mépris  de  Pascal  pour  leur  folie...  Un  scep- 
tique peut  se  dire  :  j'ai  cultivé  chez  moi  l'esprit  géométrique  et  l'esprit 
de  finesse;  on  ne  dit  pas  que  ce  soit  sans  succès  (le  sceptique  se  désigne 
ici  assez  clairement)...  J'ai  acquis  le  droit,  sans  aucun  reproche  de 
conscience,  de  me  résigner  aux  ténèbres.  » 

Il  y  a  trois  graves  lacunes  dans  cet  ouvrage,  dont  ni  les  qualités  ni 
les  défauts  ne  sont  médiocres.  D'abord,  M.  B.  oublie  le  rôle  de  Pascal 
dans  la  querelle  des  anciens  et  des  modernes  :  l'importance  de 
l'écrit  que  Bossut  a  intitulé  «  De  l'autorité  en  matière  de  philoso' 
phie  »  lui  échappe  complètement.  La  seconde  lacune  est  plus  surpre- 
nante encore.  M.  B.  admire,  dans  Pascal,  le  grand  écrivain,  mais  il  n'a 
pas  cherché  à  préciser  les  motifs  de  son  admiration.  Nous  apprenons  de 
lui  ce  que  la  géométrie  et  la  physique  doivent  à  Pascal,  mais  non  pas  ce 
que  lui  doit  la  prose  française.  Il  ne  suffit  point  de  dire  que  les  Provin- 
ciales sont  écrites  avec  génie  ;  il  faut  montrer  pourquoi,  et  comment 
le  génie  de  l'écrivain  y  ajoute  à  celui  de  la  langue.  La  comparaison 
s'impose  entre  Pascal  et  les  autres  jansénistes,  dont  le  style,  dans  ce 
qu'il  a  de  meilleur,  n'est  que  celui  de  leur  temps;  elle  n'a  même  pas  été 
esquissée  par  M.  Bertrand.  C'est  dommage,  car  on  eût  aimé  entendre 
là-dessus  l'opinion  d'un  homme  qui  joint  l'esprit  de  finesse  à  l'esprit 
géométrique.  La  troisième  lacune  concerne  les  sources  de  Pascal.  Ces 
sources^  pour  le  livre  des  Pensées,  sont  peu  nombreuses  :  M.  Molinier 
a  dit  l'essentiel  à  ce  sujet  dans  la  préface  de  son  édition  critique, 
dont  M.  B.  n'a  pas  fait  une  fois  mention.  Montaigne,  Charron,  la  Bible, 
le  Pugio  fidei^  sont  les  arsenaux  où  Pascal  a  pris  ses  armes  :  M.  B. 
n'en  a  pas  soufflé  mot.  Sur  ce  point,  on  peut  dire  que  son  livre  est  en 
retard  de  deux  siècles,  car  Bayle  déjà,  dans  son  Dictionnaire^  cite  le 
passage  d'Arnobe  auquel  Pascal,  qui  pouvait  le  connaître  de  seconde 
main,  paraît  avoir  emprunté  l'idée  du  pari.  Cette  question  des  secours 
des  Pensées  est  d'autant  plus  importante  que  les  phrases  d'où  l'on  a 
conclu  au  pyrrhonisme  de  Pascal  sont  presque  toutes  des  emprunts  ^. 
M.  Bertrand  dira  sans  doute  que  son  livre  était  déjà  gros  et  qu'il  a  pu 
être  très  bref  sur  les  Pensées;  mais  fallait-il  donc  rapporter  in  extenso, 

I.  Ce  ne  sont  pas  les  seules.  M.  B.  se  moque  de  Pascal,  qui,  s'appropriant  une  con- 
sultation de  Port-Royal,  considère  que  la  virginité  est  «  souhaitable  aux  pères  et 
aux  mères  pour  leurs  enfants,  parce  qu'ils  ne  la  peuvent  plus  désirer  pour  eux  ». 
Cette  idée,  qui  semble  si  plaisante  à  M.  B.  (p.  104),  n'est-elle  pas,  sous  une  forme 
un  peu  baroque,  le  commentaire  du  mot  célèbre  de  saint  Jérôme  (epist.  XVIII)  ; 
«  Laudo  nuptias,  laudo  conjugium,  sed  quia  mihi  virgities  générant?  n 


480  REVUK    CRITIQUE 

d'après  M"""  Périer,  des  anecdotes  aussi  connues  que  suspectes  sur  la 
jeunesse  de  Pascal?  Si  la  géométrie  est  la  science  des  proportions,  on 
conviendra  que  l'illustre  géomètre,  en  écrivant  ce  livre,  a  péché  un  peu 
contre  la  géométrie. 

Salomon  Reinach. 


576.  —  Les  églises  protestantes  de  l'ancienne  principauté  de  Montbéliard 
pendant  la  Révolution  et  le  pasteur  Kilg,  par  Armand  Lods.  Paris,  Fischbacher, 
1891.  In-8,  3o  p. 

M.  Lods  nous  raconte  d'abord  la  vie  du  pasteur  Kilg,  délégué  à  Ver- 
sailles, en  1789,  par  les  protestants  des  Quatre  terres  de  la  principauté 
de  Montbéliard  (Blamont,  Clémont,  Héricourt,  Châtelot),  membre  du 
conseil  général  du  Doubs  en  1792,  arrêté  deux  ans  plus  tard  par  le 
représentant  Lejeune,  acquitté  par  le  tribunal  révolutionnaire  et  suc- 
cessivement juge  de  paix  de  Blamont,  membre  du  Directoire,  président 
de  Padministration,  et  après  avoir  repris  quelque  temps  son  ministère 
pastoral,  conseiller  de  préfecture  et  sous-préfet  de  Baume-les  Dames. 
Puis  il  esquisse  les  destinées  des  églises  protestantes  de  la  principauté 
de  Montbéliard  jusqu'au  moment  où  elles  furent  réorganisées  par  le 
Concordat.  On  trouvera  dans  cette  dernière  partie  du  travail  de 
M.  Lods  de  curieux  détails  sur  la  situation  des  pasteurs  (extrait  des 
mémoires  de  Charles  Cuvier  et  lettre  du  Comité  révolutionnaire  du  dis- 
trict de  Montbéliard  à  la  commune  d'Abbevillers). 

C. 


577.  —  La  Question  du  latin  et  la  Réforme  profonde  de  l'Enseigne- 
ment  secondaire,  par  M.  Guérin.  Paris,  librairie  Léopold  Cerf,  i  vol.  in- 18, 
328  pages.  Prix  :  3  fr.  5o. 

Il  serait  trop  long  d'analyser  ce  livre  chapitre  par  chapitre  ;  je  me 
contenterai  seulement  d'exposer  quelques-unes  des  idées  de  l'auteur. 
Gardons,  dit  M.  Guérin,  les  langues  latine  et  grecque  à  la  base  de  l'en- 
seignement secondaire,  mais  enseignons-les  autrement  qu'on  ne  l'a  fait 
jusqu'ici.  Qu'on  supprime  les  exercices  grammaticaux,  thèmes,  vers, 
discours,  dissertations,  et  qu'on  ne  fasse  que  des  versions  écrites  ou  des 
explications  orales,  La  seule  connaissance  des  déclinaisons  et  des  conju- 
gaisons, l'emploi  de  vocabulaires  restreints  à  leur  plus  simple  expres- 
sion, voilà  qui  sera  suffisant  pour  apprendre  à  fond  les  deux  langues  les 
plus  savantes  et  les  plus  compliquées  du  monde  ancien.  Remarquez 
que  M.  G.  ne  plaisante  pas.  On  arrivera  par  cette  méthode  à  lire  cou- 
ramment, à  expliquer  «  non  par  bribes,  mais  par  masse  »  Homère, 
Platon,  Virgile,  Horace,  Tite-Live,  et  comme  il  n'est  pas  plus  difficile 
d'apprendre  à  la  fois  plusieurs  langues  de  la  même  famille  que  d'en 
apprendre  une  seule,  les  écoliers,  guidés  par  des  maîtres  qui  naturelle- 


i 


d'histoire  et  de  littérature  481 

ment  doivent  savoir  avec  le  latin,  Tiialien  et  l'espagnol,  en  un  mot 
toutes  les  langues  néo-latines,  deviendront,  eux  aussi,  des  polyglottes 
aussi  étonnants  que  Pic  de  la  Mirandole,   sans  compter  que  le  grec 
ancien  leur  servira  à  parler  le  grec  moderne,  car  «  on  va  naturellement 
de  l'un  à  l'autre.  »  Pour  des  élèves   ainsi  préparés,  il  va  sans  dire  que 
l'anglais  et  l'allemand  ne  seront  qu'un  amusement,  en  sorte  que,  dès 
l'âge  de  seize  ans,  dans  un  espace  de  temps  qui  ne  dépassera  pas  celui  des 
programmes  actuels,  ils  connaîtront  sept  langues,  dont  six  vivantes.  A 
seize  ans  cet  enseignement  général  sera  terminé,  après  quoi  les  élèves 
passeront  à  l'enseignement  spécial  ou  professionnel^  c'est-à-dire  que  les 
uns  suivront  les  cours  de  médecine,  les  autres  les  cours  de  droit,  que 
ceux-ci  se  prépareront  aux  écoles  normales,  ceux-là  aux  écoles  militai- 
res. A  vingt  et  un  ans,  ils  seront  ce  qu'on  appelle  des  hommes,  et  qui 
plus  est,  des  savants  auxquels  on  n'aura  plus  guère  à  apprendre.  Voilà 
qui  est  simplement  mirifique.  Mais  M.  G.  ignorerait-il  que  sa  méthode 
a  été,  à  peu  de  chose  près,  depuis  quelques  années,  appliquée  à  l'ensei- 
gnement du  grec  et  du  latin  ?  Les  résultats,  tout  le  monde  le  sait,  en 
sont  lamentables.  Un  élève  de  troisième,  je  parle  par  expérience,  n'est 
pas  toujours  capable  d'expliquer  un  texte  latin  aussi  couramment  que  le 
faisait  il  y  a  vingt  ans  un  élève  de  sixième.  Quant  au  grec,  depuis  qu'on 
en  commence  l'étude  en  quatrième  ou  à  la  fin  de  la  cinquième,  depuis 
que  le   professeur   explique,    commente   la  grammaire,   sans  la    faire 
apprendre  par  cœur,  comme  le  veut  M.  G.,  il  n'est  pas  rare  de  trouver 
même  en  rhétorique  des  élèves  qui  en  ignorent  les  principes  les  plus 
élémentaires,  j'allais  dire,  qui  savent  à  peine  le  lire.  Et  dans  la  même 
classe,  en  dépit  de  cet  enseignement  de  la  métrique  qui  a  remplacé  les 
exercices  de  vers  latins,  combien  y  en  a-t-il  qui  connaissent  bien  la  struc- 
ture d'un  hexamètre,  qui  en  goûtent  la  cadence  et  l'harmonie  ?  Je  ne 
doute  pas  que  M.  G.   ne  soit  de  bonne  foi,  car  on  sent  réellement  dans 
son  livre  une  forte  conviction,  mais  j'ai  peur  qu'à  son  insu  il  n'obéisse 
pas  à  d'autre   mot  d'ordre  que  celui-ci  :  «  Ne  laissons  rien  debout  de 
tout  ce  que  nos  prédécesseurs  ont  élevé.  »  Et  comme  il  est  très  facile  de 
démolir,  on  démolit  avec  rage,  sans  se  préoccuper  aucunement  de  réédi- 
fier, ou  bien,  ainsi  que  M.  G.,  on  bâtit  dans  les  nuages  je  ne  sais  quoi 
qui  ne  repose  sur  aucun  fondement.  Les  réformateurs  feignent  d'oublier, 
quelques-uns  ignorent  complètement  que  nos   plus  grands  écrivains, 
ceux  qui  font  la  gloire  de  la  France,   ceux  qui  font  l'admiration  du 
monde  entier,  ont  été  d'excellents  latinistes,  et  que  cela  ne  les  a  pas 
empêchés  d'écrire  des  chefs-d'œuvre  en  français  1.  Qu'on  parcoure  les 
annales  des  concours  généraux  :  on  verra  que  les  exercices  latins  «  ces 

I.  Lorsque  le  discours  latin  céda  au  grand  concours  la  place  au  discours  français, 
j'ai  entendu  un  personnage  politique,  qui  présidait  dans  un  lycée  de  province  une 
distribution  de  prix,  dire  aux  élèves  avec  ce  ton,  avec  cet  air,  que  donne  une  belle 
ignorance  :  «  Enfin,  mes  amis,  maintenant  que  vous  n'écrirez  plus  en  latin,  vous 
saurez  écrire  en  français.  »  L'orateur,  il  est  presque  superflu  de  le  dire,  n'avait  pas 
poussé  ses  classses  au  delà  du  De  Viris, 


482  REVUE    CRITIQUE 

pelés,  ces  galeux  d'où  vient  tout  le  mal  »,  n'ont  pas  nui  aux  Villemain, 
aux  Littré,  aux  Michelet,  aux  Cousin,  aux  Sainte-Beuve,  auxTaine,  et 
à  cent  autres  que  je  pourrais  citer.  Pour  avoir  eu  au  grand  concours  un 
prix  de  dissertation  latine,  Alfred  de  Musset  n'en  a  pas  moins  été  le  plus 
français  de  nos  poètes.  La  discipline,  cela  va  de  soi,  n'a  pas  plus  échappé 
que  nos  bonnes  et  vieilles  humanités  à  ce  prurit  d'innovations.  On  l'a 
d'abord  singulièrement  adoucie,  puis  on  l'a  supprimée.  Un  moraliste 
pénétrant  a  dit  que  les  enfants  étaient  colères,  envieux,  menteurs,  dissi- 
mulés, qu'ils  ne  voulaient  point  souffrir  le  mal  et  aimaient  à  en  faire  : 
appréciation  d'un  esprit  chagrin  !  C'était  peut-être  vrai  jadis,  mais 
aujourd'hui  tous  les  enfants  sont  des  agneaux  qui  ne  demandent  qu'à 
brouter  dans  les  pâturages  de  la  science,  à  condition  que  le  berger  n'ait 
ni  chiens,  ni  houlette.  Donc  pour  toute  sanction  disciplinaire,  il  n'y 
aura  que  de  mauvaises  notes  et  quelques  mots  de  blâme  :  avec  cela 
M.  G.  est  persuadé  que  tout  professeur  obtiendra  de  ses  élèves  a  une 
attitude  silencieuse  et  respectueuse  ».  Du  reste,  ajoute-t-il,  il  ne  doit 
demander  rien  de  plus,  rien  de  moins.  Que  si  par  hasard  il  se  rencon- 
trait quelques  têtes  folles,  quelques  esprits  rebelles  pour  qui  le  travail 
n'eût  aucun  attrait,  la  responsabilité  en  retombera  sur  les  parents  :  ce 
sera  la  punition  des  fils  et  des  pères. 

M.  G.,  dans  les  six  derniers  chapitres  de  cet  ouvrage,  trace  ce  qu'il 
appelle  l'esquisse  de  son  programme  développé  de  l'enseignement  secon- 
daire. Ce  n'est  pas  assez  que  les  enfants  mènent  de  front  sept  langues, 
il  faudra  que  dès  l'âge  de  dix  ou  douze  ans,  ils  descendent  dans  les 
profondeurs  et  les  abîmes  delà  science,  car  dès  lors  ils  sont  capables  de 
voir  clair  dans  les  théories  qui  sont  pour  les  savants  eux-mêmes  un 
terrain  de  lutte,  un  vrai  champ  de  bataille.  Un  maître  spécialisé  leur 
fera  l'histoire  des  différentes  cosmogonies,  rien  que  cela  ;  un  autre  leur 
expliquera  ce  que  c'est  que  la  juonère,  et  comment  dans  ses  évolutions 
multiples,  à  travers  des  milliers  de  siècles,  elle  a  produit  les  organismes 
les  plus  compliqués  ;  après  quoi,  il  ne  sera  pas  dilTicile  de  leur  démontrer 
qu'ils  ne  sont  que  les  descendants  perfectionnés  d'un  groupe  de  singes 
catarrhiniens.  Comme  on  pourrait  objecter  à  M.  G.,  qu'il  y  a  des  singes 
qui  se  balancent  et  se  balanceront  encore  longtemps  avec  leurs  singeots 
aux  branches  des  arbres,  il  a  soin  de  nous  prévenir  qu'il  y  a  eu  parmi  eux 
une  famille  plus  favorisée  qui  seule  a  été  admise  az^^rtiie  de  l'humanité! 
Cette  explication  n'empêchera  pas  les  enfants  terribles  de  penser  et  même 
de  dire  tout  haut  que  les  forces  cosmiques,  organiques,  etc.,  sont  bien 
injustes.  Pour  les  rendre  à  la  fois  plus  modestes  et  plus  réfléchis,  le  pro- 
fesseur leur  répondra  que  ces  singes,  dont  les  contorsions  et  grimaceries 
les  amusent,  peuvent  enseigner  aux  hommes  la  sobriété,  le  courage, 
l'amour  de  la  famille,  comme  certaines  fourmis  du  Texas  ^  qui  labou- 

I.  Ces  fourmis  du  Texas  ne  seraient-elles  pas  un  peu  parentes  de  ces  fameuses 
fourmis'  indiennes,  grosses  comme  des  chiens  ou  des  loups,  dont  parle  le  bon 
Hérodote .' 


I 


D^HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE  ^83 

rent,  sèment,  moissonnent,  leur  sont  un  exemple  de  discipline  et  de 
travail.  Au  printemps  «  que  herbelettespoingnent  et  blé  sont  raverdi^», 
les  oiseaux  donneront  encore  aux  écoliers  des  leçons  qui  ne  leur  seront 
pas  moins  profitables.  Ils  distingueront  chez  ces  chantres  ailés  «  déjà  à 
un  degré  supérieur,  toute  la  moralité  qui  naît  chez  les  parents  de  l'union 
des  sexes  et  de  la  famille.  »  Bien  que  la  vérité  puisse  être  exposée  toute 
nue,  il  sera  cependant  opportun  «  que  le  savant  spécialisé,  »  en  faisant 
l'histoire  de  l'organisation  de  la  famille  chez  les  quadrupèdes  et  les 
oiseaux,  «  emploie  une  gravité  sévère,  «  ce  qui  veut  dire  sans  doute  qu'il 
devra  devant  ses  folâtres  et  jeunes  auditeurs,  parler  avec  réserve  des 
«  manèges  des  mâles  pour  séduire  et  captiver  les  femelles,  »  et  c'est  avec 
plus  de  délicatesse  encore  qu'il  fera  la  description  des  épousailles.  Comme 
on  le  voit,  M.  G.  a  autant  d'estime  que  de  tendresse  pour  tousjles  ani- 
maux sans  exception  ;  c'est  un  François  d'Assise  qui  appellerait  volon- 
tiers les  hirondelles  «  mes  sœurs  ».  Je  lui  demande  bien  pardon  de  le 
comparer  à  un  saint,  lui  qui  a  en  horreur  toutes  les  religions,  dont 
«  l'histoire,  dit-il,  est  le  martyrologe  de  l'humanité  ».  Le  mot  n'est  pas 
nouveau  ;  on  peut  d'ailleurs  l'accommoder  à  toutes  les  sauces,  par  con- 
séquent il  ne  prouve  rien;  mais  n'insistons  pas.  La  philosophie,  la 
métaphysique,  ne  sont  pas  à  ses  yeux  moins  funestes  que  les  religions  : 
il  faut  balayer  de  l'esprit  humain  les  ténèbres  épaisses  dont  elles  l'ont 
enveloppé,  après  quoi  nous  nagerons  tous  dans  un  océan  de  lumière, 
dans  la  Science  qui  seule  voit,  sait,  explique  toutes  choses!  On  est  presque 
tenté  de  dire  :  ainsi-soit-il.  Mais  que  dire  de  cette  science  bâtarde  qui 
proscrit  les  religions,  la  philosophie  et  la  métaphysique,  c'est-à-dire 
tout  ce  qui  agrandit  l'âme,  tout  ce  qui  élargit  le  cœur  et  l'esprit?  J'aurais 
grand'peur,  ce  sera  la  conclusion  de  cet  article,  qu'une  jeunesse  élevée  et 
instruite  selon  la  méthode  de  M.  Guérin,  se  racornît  au  point  de  don- 
ner une  suite  à  ces  vilains  livres  :  les  Sous-Offs  et  les  Chapons. 

A.  Delboulle. 


578.  —  Stendhal  et   ses  amis.   Notes  d'un   curieux,    1890.  Grand  in-4,  iS/fp. 
(200  exemplaires  seulement  sont  mis  dans  le  commerce). 

L'auteur  de  ce  beau  volume  —  M.    Henri  Cordier  —  est  un  des 

;•     hommes  qui  connaissent  le  mieux  Stendhal,  sa  correspondance  et  ses 

f     œuvres.  Il   a   réuni   depuis  longtemps  des   lettres,  gravures  et   docu- 

V     ments  de  toute  sorteconcernant  Stendhal,  et  nous  communique  quelques 

1;    pièces  de  sa  collection  particulière.  Il  possède  un  exemplaire  de  Molière 

f    dont  les  pages  ont  été  couvertes  de  notes  par  Henri  Beyle.  Enfin,  il  a 

:•    consulté  les  papiers  conservés  à  la  Bibliothèque  publique  de  Grenoble. 

D'ailleurs  il  ne  prétend  pas  écrire  une  Vie  de  Stendhal  ;   ce  qu'il  veut, 

c'est  nous  gratifier  des  renseignements  et  documents  originaux  qu'il  a 

rassemblés,  c'est  nous  donner  les  impressions  que  Beyle  a  produites  sur 

lui,  et,  comme  il  dit,  les  donner  «  sans  souci  des  préjugés  du  monde  et 


484  REVUE    CRITIQUE 

de  la  critique  ».  Pour  nous,  nous  avons  lu  cette  étude  avec  curiosité! 
et  plaisir.  Nous  y  avons  trouvé  une  analyse  des  papiers  de  Grenoble,  etj 
notamment  du  scénario  de  la  comédie  la  plus  considérable  de  BeyleJ 
Les  deux  hommes,  un  catalogue  de  ses  livres  en  l'an  XH,  une  liste  de] 
ses  pseudonymes,  de  nombreux  détails  sur  l'année  181 3  (une  des  épo- 
ques les  plus  importantes  de  sa  vie,  tant  par  la  campagne  à  laquelle  il| 
assista  que  par  ses  ambitions  préfectorales  et  ses  embarras  d'argent),  suri 
l'amour  chez   Beyle  qui  fut  «   un  vrai  mâle  et  nullement  un  hommej 
mièvre  »,  sur  sa  préoccupation  constante  delà  mort  et  sa  manie  defairej 
des  testaments,  sur  l'admiration  que  lui  inspirait   Paul  de  Musset,  suri 
ses  relations  avec  Balzac.  Nous  avons  lu  avec  non  moins  d'intérêt  tout 
ce  qui  concerne  les  amis  de  Beyle,  Colomb  et  surtout  sa  sœur  Pauline,] 
le  seul  être  qui  le  rattachait  à  sa  famille  et  au  pays  natal.  Mais,  chose! 
curieuse,  et  comme  l'auteur  l'observe  avec  raison,  lorsque  Beyle  parle  à| 
Pauline,  c'est  un  a  oncle  grognon  »,  et  non  un  frère;   «  il  ronchonne;| 
il  est   mortellement  ennuyeux;   il  parle  de  l'Esprit  des  lois  à   cette 
gamine  qu'il  traite  quelques  instants  plus  tard  de  petite  imbécile,  il^ 
l'appelle  petite  bringue  après  l'avoir  rasée  avec  Montaigne  ».  Naturelle- 
ment, l'auteur  insiste  sur  les  relations  de  Mérimée  et  de  Stendhal  ;  il 
montre  finement  leurs  points  de  ressemblance  et  de  différence  ;  il  remar- 
que que  tous  deux  étaient  «  dépourvus  d'imagination  »,  que  tous  deux 
«  mettaient  avec  soin  de  côté  les  produits  de  leur  fantaisie  »,  et  furent 
d'excellents  fonctionnaires.  Au  reste,  les  jugements  littéraires  ne  man- 
quent pas  dans  ces  «  Notes  d'un  curieux  »  et,  venant   d'un    homme 
d'esprit  et  de  goiit  qui  a  vécu  en  un  commerce  intime  avec  Beyle  durant 
plusieurs  années,  ils  méritent  d'être  consultés  et  retenus  :   Siendhal, 
nous  dit-on  par  exemple,  manque  de  simplicité  et  «  tombe  dans  la 
préciosité,  qu'il  déteste,  justement  par  l'affectation  qu'il  met  à  chercher 
le  naturel,  quMl  aime  »  (p.  34);  «  il  ne  lui  a  manqué  qu'une  chose  pour' 
avoir  du  génie,  un  peu  d'abandon  »  (p.  37). 

A.  C. 


579.  —   Emile   A,ugier,  par  Hippolyte    Parigot.    i   vol.  in-8.    Paris,   Lecène  ej 
Oudin,  1890. 

11  paraît  que  nous   adoptons  la  mode  anglaise.    Chez  nos  voisins' 
d'outre-Manche,  à  peine  un  personnage  célèbre  est-il  mort  qu'un  bio- 
graphe prend  la  plume  et  retrace  la  vie  du  défunt  en  citant  de  copieux 
extraits  de  sa  correspondance  et  de  ses  ouvrages.  Ainsi  fait  M.  Parigot 
pour  Emile  Augier,  et  nous  ne  songeons  guère  à  nous  en  plaindre. 

Son  livre  n'est  peut-être  pas  très  bien  composé;  son  plan  le  force 
répéter  trop  de  fois  les  mêmes  choses;  de  là  quelques  longueurs  et  des 
efforts  sensibles  pour  varier  Pexpression  de  trois  ou  quatre  idées  qui 
reviennent  perpétuellement.  En  revanche,  de  la  première  à  la  dernière 
page  de  cette  étude,  on  sent  un  goût  et  une  intelligence  remarquables 


d'histoire  et  de  littérature  485 

du  théâtre.  Le  point  de  départ  de  toute  Toeuvre  d'A.  est  mis  en  pleine 
lumière  :  c'est  la  boiirgeoisie  née  de  la  Révolution  que  le  dramaturge  a 
voulu  peindre  dans  ses  vertus,  dans  ses  défaillances  et  dans  ses  vices. 
Les  caractères,  même  les  plus  modestes,  sont  analysés  avec  une  finesse 
et  une  vivacité  qui  font  plaisir,  et  il  ne  reste  plus  rien  à  dire,  après 
M.  P.,  sur  l'iionnêteté  familiale  et  la  composition  sobre  et  modérée, 
presque  anti-romantique,  de  toute  Toeuvre  dramatique  du  maître. 

Il  est  à  regretter  que  M.  P.  ait  cru  devoir  insister  sur  un  rapproche- 
ment qu'on  a  dès  longtemps  institué  entre  Molière  et  Augier.  M.  P. 
lui-même  fait  à  ce  propos  plus  d'une  juste  réserve;  mais  les  réserves  ne 
suffisent  pas,  La  différence  essentielle  entre  Molière  et  Augier,  ç^est  qu'en 
général,  les  personnages  de  Molière,  honnêtes  ou  non,  nous  prennent  par 
le  rire,  tandis  que  ceux  d'Augier,  plus  graves,  nous  inspirent,  dès  la  pre- 
mière scène,  une  sympathie  ou  une  antipathie  formelles.  La  différence  est 
considérable,  car  elle  a  son  origine  dans  une  modification  des  mœurs  et 
du  caractère  de  tout  un  peuple.  —  D'autre  part,  pourquoi  vouloir 
cacher  que  bien  des  scènes  d'A.  nous  paraissent  aujourd'hui  démodées? 
Je  sais  bien  que  ceux  qui  ont  suivi  A.  dans  toute  sa  carrière  professent 
pour  lui  une  admiration  intransigeante  (M.  P.,  qui  est  pourtant  bien 
jeune,  en  vient  lui-même,  dans  son  admiration,  jusqu'à  prendre  le  style 
de  1840  pour  décrire  la  Bourse,  p.  124  sqq.)  ;  mais  la  vérité  se  réduit  à 
ceci,  que  même  où  A.  a  le  plus  vieilli,  il  a  moins  vieilli  que  ses  rivaux 
à  la  scène. 

En  somme,  l'étude  de  M.  Parigot  est  complète,  claire,  sortie  d'un 
esprit  enthousiaste  et  fin;  on  n'a  jamais  autant  ni  mieux  dit  sur  Emile 
Augier. 

Léon  Dorez. 


58o.  —   Atlas  de  géograpliîe  nioderne«  par  F.  Schradeh,    F.  Prudent   et  E. 
Anthoine.  Paris,  librairie  Hachette,  1890,  in-f'",  en  feuilles,  20  fr.,  relié  25  fr. 

L'atlas  dont  nous  avons  à  parler  ici  est  essentiellement  classique  :  il 
faut  le  dire  tout  de  suite,  et  insister  sur  ce  titre,  parce  que  c'est  là  juste- 
ment son  principal  mérite.  Ce  serait  en  effet  lui  rendre  un  mauvais 
service  que  de  le  comparer  à  tel  atlas  étranger,  comme  celui  de  Stieler, 
qui  n'est  pas  classique  du  tout,  malgré  son  titre  de  Hand^Atlas,  et 
s'adresse  à  un  public  beaucoup  plus  exigeant.  Sous  ce  rapport,  nous  ne 
voyons  pas  qu'il  y  ait  bien  besoin  de  faire  sonner  la  question  de  patrio- 
tisme à  propos  de  cette  nouvelle  publication.  Ses  mérites  sont  assez 
grands  sanstela  :  c'est  avec  les  autres  atlas  classiques,  mis  jusqu'à  pré- 
sent entre  les  mains  de  nos  écoliers,  qu'il  faut  comparer  l'atlas  de  la 
maison  Hachette,  et  là,  le  progrès  est  énorme  et  la  somme  de  rensei- 
gnements mis  à  leur  disposition,  incomparablement  plus  considérable. 

Avant  tout,  deux  innovations  pratiques  attirent  l'attention  :  on  a 
imprimé,  sur  le  verso  de  chacune  des  64  cartes  qui  composent  l'atlas. 


486  REVUE    CRITIQUE 

une  notice,  que  la  finesse  de  son  impression  rend  souvent  fort  étendue, 
et  qui  est  elle-même  littéralement  bourrée  de  petites  cartes  de  détail,  de 
croquis,  de  plans,  de  diagrammes.  De  plus,  et  c'est  ici  surtout  qu'il 
faut  féliciter  les  directeurs  de  Tatlas  de  leur  bonne  idée,  le  volume  se 
termine  par  un  index  alphabétique,  qui  ne  comprend  pas  moins  de 
32  pages  à  8  colonnes,  de  tous  les  noms  contenus  dans  les  cartes,  avec 
l'envoi  au  carré  formé  par  les  longitudes  et  les  latitudes.  C'est  là  un 
avantage  dont  on  ne  contestera  pas  le  prix,  à  coup  sûr.  —  Enfin  les 
gens  du  métier  constateront,  non  sans  quelque  surprise  peut-être,  que 
toutes  les  cartes,  coloriées  avec  goût  et  d'une  netteté  irréprochable,  ont 
été  obtenues  par  la  lithographie  :  et  c'est  ce  qui  explique  la  modicité  du 
prix  de  l'atlas,  considération  qui  n'est  pas  à  dédaigner  pour  l'usage 
qu'on  en  fera. 

Passons  au  choix  des  cartes  et  au  travail  des  notices.  Une  critique 
s'impose  d'abord,  ici  :  c'est  que  plusieurs  cartes  semblent  n'avoir  été 
introduites  que  pour  donner  une  occasion  aux  notices.  Elles  sont  inté- 
ressantes, mais  peu  nécessaires.  Telles  sont  les  deux  premières  cartes 
(i,  2),  qui  renferment  huit  petits  hémisphères  fort  jolis,  mais  dont  le 
seul  but  est  de  montrer  la  forme  générale  des  diverses  parties  du  globe; 
tel  encore  le  planisphère  politique  (5),  assez  inutile  après  les  deux  planis- 
phères physique  et  hypsométri  que;  ou  la  carte  de  France  politique  (12)  que 
suivent  aussitôt  quatre  feuilles  plus  développées.  Ces  doubles  emplois 
eussent  certainement  été  remplacés  avec  avantage  par  quelques  cartes  de 
détail  dont  le  besoin  se  fait  sentir  pour  certains  pays  dont  l'étude  est  de 
chaque  jour.  Ainsi,  une  carte  pour  les  Pays-Bas  ou  la  Suisse,  rien 
de  mieux,  mais  une  seule  pour  l'Angleterre,  c'est  peu,  et  c'est  même 
tout  à  fait  insuffisant  dans  un  atlas  de  64  cartes  :  on  comprendra  qu'il 
ne  peut  y  avoir  grand'chose  dedans.  L'Allemagne  a  été  un  peu  mieux 
traitée  puisqu'il  y  a  une  carte  de  l'Europe  centrale.  Une  de  plus,  néan- 
moins eût  utilement  pris  la  place  d'une  des  cartes  d'hémisphères. 

Rien  à  dire  pour  le  reste.  On  ne  s'étonnera  pas  de  voir  la  France  par- 
ticulièrement bien  traitée  (cartes  muette,  physique,  hypsométrique, 
géologique;...  plus  19  petites  cartes  spéciales  et  une  vingtaine  de  plans 
ou  croquis,  dans  le  texte).  Il  faut  signaler  la  très  réussie  reproduc- 
tion phototypique  directe  de  la  carte  en  relief,  qui  donne  de  l'orogra- 
phie de  notre  pays  une  impression  saisissante,  covamo,  vivante .  Parmi 
les  autres  bonnes  cartes  de  l'atlas,  notons  encore  l'Europe  hypsométri- 
que (le  relief  du  sol  et  la  profondeur  des  mers  ont  été  l'objet  de  soins 
spéciaux  dans  le  volume);  la  Suisse  et  surtout  le  système  complet  des 
Alpes,  cartes  nettes  et  bien  comprises;  l'Europe  centrale,  l^^bassin  de  la 
Méditerranée;  puis  la  région  du  Caucase,  l'Inde,  l'Afrique  en^trois feuil- 
les, cinq  cartes  bien  au  courant  et  très  soignées... 

Les  notices  sont  dues  à  une  quinzaine  d'auteurs  différents,  mais  ont 
été  rédigées  sur  le  même  plan  :  situation,  superficie,  limites  et  côtes, 
relief,  hydrographie,  climat,  population,  administration,  culte,  grandes 


d'histoire  et  de  littérature  487 

villes,  agriculture,  commerce,  industrie,  budget,  communications, 
enfin  aperçu  historique.  Ces  notices  sont  plus  ou  moins  étendues,  cela 
va  sans  dire,  selon  le  nombre  des  cartes.  Ainsi  la  Russie,  ayant  trois 
cartes  pour  elle  seule,  a  donné  lieu  à  un  vrai  article.  En  général,  on  a 
beaucoup  insisté  sur  le  côté  économique,  etlinographiqne,  sur  les  cli- 
mats, les  pluies,  etc.  On  a  pris  soin  aussi,  dans  les  petites  cartes,  de  don- 
ner, souvent,  pour  faire  comprendre  les  dimensions  des  choses,  des  points 
de  comparaison  faciles  à  saisir  à  première  vue  :  par  exemple,  le  croquis 
de  la  France  comparé  aux  colonies,  aux  pays  exotiques;  les  lacs  d'Afri- 
que ou  d'Amérique,  au  lac  de  Genève,  etc. 

La  direction  générale  a  été  confiée  à  M.  Franz  Schrader,  déjà  bien 
connu  par  d'excellents  travaux,  qui  s'est  chargé  aussi  de  sept  notices, 
toutes  excellentes:  entr'autres  l'introduction,  relative  à  la  vie  terrestre  ; 
la  France  en  général,  et  la  France  physique;  les  Alpes,  le  Caucase  etc. 
Parmi  ses  collaborateurs,  il  convient  de  citer  en  première  ligne  M.  Léon 
Rousset,  qui  a  un  peu  des  mêmes  qualités  :  vues  d'ensemble  et  résumés 
dominant  bien  la  question,  informations  et  points  de  vue  pris  sur  les 
lieux  et  non  pas  imaginés  dans  le  travail  du  cabinet...  Les  notices 
signées  de  lui  sont  :  l'Autriche-Hongrie,  la  péninsule  des  Balkans,  la 
Roumanie,  la  Turquie  d'Asie  et  l'Empire  chinois.  —  M.  Rousselet  a 
donné  un  bon  article  sur  l'Inde,  qu'il  connaît  si  bien  ;  M.  A.  Saint-Paul 
a  signé  un  tableau  net  et  exact  de  la  formation  territoriale  de  la  France; 
M.  O,  Reclus,  la  notice  sur  le  Canada;  M.  Jacottet,  celles  sur  nos  colo- 
nies; M.  Aïtoff,  celles  sur  la  Russie.  M.  Kaltbrunner  a  rédigé  les 
5  notices  de  l'Afrique  et  les  3  de  l'Amérique  du  Sud;  et  M.  Poirel  a 
mis  beaucoup  de  précision  et  de  netteté  dans  ses  8  notices  sur  le  relief 
du  sol,  les  races,  la  description  physique  et  politique  de  l'Europe  et  de 
l'Asie,  etc. 

On  n'a  pas  manqué,  comme  de  raison,  de  laisser  aux  pays  étrangers 
les  vrais  noms  de  leurs  villes  (au  moins  entre  parenthèses)  et  des  termes 
géographiques  employés  dans  leurs  cartes  nationales,  ce  qui  a  donné 
lieu,  à  la  fin  de  l'atlas,  à  une  petite  table  spéciale,  à  un  glossaire  de  ces 
termes  de  toute  langue,  qui  ne  sera  certes  pas  dédaigné  1. 

H.   DE  CURZON, 

58 1.  —  M.  Dubois.  l»i'écîs  «le  la   Géographie  économique   des  cinq   par- 
ties du  monde.  Paris,  Masson,   1890,  xiii-Siô  p. 

Dans  un  précis  de  géographie  économique,  la  tâche  la  plus  délicate 
est  de  faire  à  la  géographie  la  part  qui  lui  est  due.  De  nombreux  exem- 
ples témoignent  de  cette  difficulté.  Outre  que  l'économie  politique,  avec 
ses  chiffres,  ses  statistiques,  ses  tableaux  est  matériellement  envahissante, 

I.  La  maison  Kachelte  promet,  tous  les  ans  ou  tous  les  deux  ans,  une  livraison 
supplémentaire  contenant  les  additions  ou  les  rectifications  auxquelles  pourront  don- 
ner lieu  les  hasards  de  la  politique  générale  ou  les  découvertes  de  nos  voyageurs. 


488  BEVUE    ÇRITIQUP 

les  économistes  sont  trop  portés  à  croire  que  les  lois  appelées  par  eux 
économiques  évoluent  par  leur  vertu  propre  et  indépendante  du  milieu. 
M.  Dubois  étudie  ces  phénomènes  dans  leurs  relations  avec  les  circons.. 
tances  géographiques.  Il  fait  œuvre  de  géographe;  c'est  là  son  origina- 
lité. Il  professe  l'horreur  des  doctrines  et  des  doctrinaires.  Sa  préface 
(qui  ne  s'adresse  apparemment  pas  aux  seuls  écoliers  auxquels  ce  Précis 
est  destiné)  est  une  attaque  contre  les  dogmes  qui  sous  les  vocables  de 
libre  échange  et  de  protectionnisme  ont  longtemps  régi  la  vie  commer- 
ciale et  industrielle  des  nations.  M.  D.  ne  prend  point  parti  :  il  constate 
les  faits;  il  se  résigne  à  cet  «  isolement,  égoïste  si  Ton  veut,  mais  pro- 
fondément naturel  »  (p.  809),  où  les  Etats  sont  condamnés.  «  Profondé- 
ment naturel  »  ;  voilà  deux  mots  qui  inquiéteront  la  conscience  de  géo- 
graphes moins  résignés. 

Après  la  sûreté  de  la  méthode,  il  resterait  à  louer  la  sûreté  des  infor- 
mations; il  y  aurait  mauvaise  grâce  à  signaler  des  lacunes  dans  un 
volume  de  800  pages  qui  embrasse  les  cinq  parties  du  monde.  L'on  ne 
saurait  pas  non  plus  reprocher  à  l'auteur,  dans  les  chapitres  notamment 
consacrés  à  la  France  et  à  ses  colonies,  un  optimisme  qui  est  de  style, 
pour  ainsi  dire,  dans  les  livres  d'enseignement,  un  optimisme  pédago- 
gique. Ce  sentiment  inspire  la  conclusion  de  Touvrage,  où  M,  Dubois 
proclame  qu'un  jour  la  métropole,  grâce  aux  produits  de  son  empire 
colonial,  aura  conquis,  à  l'égard  des  autres  peuples,  son  indépendance 
économique.  Le  patriote  ici  ne  semble  pas  faire  tort  au  géographe. 

B.  AUERBACH. 

582.  —  Glauben  oder  ■%Vîssen  ?  Eine  Untersuchung  ueber  die  menschliche 
Geisteseinheit  auf  biologischer  Grundlage,  von  Prof.  D''  Karl- Fischer.  Gotha, 
Perthes,  1890;  in-8,  60  p. 

L'auteur  de  cette  dissertation,  nourrie  et  solide,  s'est  proposé  d'établir 
que  la  science,  en  revendiquant  son  indépendance  théorique,  s'abuse 
sur  son  point  de  départ  et  sur  ses  moyens  d'action;  elle  procède  tou- 
jours de  suppositions  premières,  que  l'on  peut  admettre  ou  rejeter.  Donc 
toute  science  repose,  au  fond,  sur  un  acte  de  foi.  11  en  résulte  que  l'es- 
prit humain  est  un  dans  ses  procédés  et  que  le  divorce  que  Ton  veut  sou- 
vent faire  prononcer  entre  les  sciences  exactes  et  la  religion  repose  sur 
un  malentendu.  La  foi  et  la  science  n'ont  point  à  s'exclure,  mais  à  s'ap- 
puyer mutuellement.  —  Cette  étude  d'un  pédagogue  distingué  mérite 
d'être  signalée. 

M.  V. 

Lettre  DE  M.  d'Arbois  de  Jubainvillb. 


Dans  le  numéro  44  de  la  Revue  critique,  mon  savant  confrère  et  ami  M.  Gai- 
doz  rend  compte  du  Catalogue  des  manuscrits  celtiques  et  basques  de  la  Bibliothè- 
que Nationale, -pac  M.  H.  Omont.  Il  apprécie  avec  la  plus  bienveillante  courtoisie 
ma  collaboration  au  travail  de  l'érudit  bibliothécaire.  Il  termine  en  proposant  une 


I 


d'histoire   Et   DE   LITTÉRATURE  489 

traduction  nouvelle  du  titre  d'un  ouvrage  pieux  composé  au  xvii^  siècle  par  le  prê- 
tre catholique  irlandais  Geoffroy  Keating  :  Eochair-Sgiath  an  Aifrinn,  que  M.  R. 
Aïkinson  a  traduit  :  Key-shield  of  the  Mass  1,  littéralement  «  Clef-bouclier  de  la 
Messe  »,  étant  entendu  que  des  deux  mots  «  clef  »  et  «  bouclier  »  le  premier  est  le 
complément  déterminatif  du  second,  comme  si  l'on  disait  «  bouclier  de  clef  >\ 

M.  Gaidoz  propose  de  traduire  :  «  Bouclier  tranchant  de  la  messe  »  en  remplaçant 
le  complément  déterminatif  par,  un  adjectif,  ce  qui  est  conforme  au  génie  de  notre 
langue,  mais  en  donnant  aU  mot  eochaii-  un  sens  différent  de  celui  qu'ont  admis 
jusqu'ici  les  érudits  qui  ont  parlé  du  livre  de  Keating.  Après  avoir  cité,  pour  justifier 
cette  nouveauté,  la  légende  épique  du  héros  Cûchulainn,  il  fait  appel  à  mon  juge- 
ment. Je  ne  puis  lui  répondre  autrement  qu'en  exposant  les  raisons,  bonnes  ou 
mauvaises,  pour  lesquelles  j'ai  cru  devoir  donner  la  traduction  insérée  dans  le  cata- 
logue de  M.  H.  Omont. 

Pour  saisir  le  sens  des  expressions  dont  Keating  s'est  servi,  il  faut,  ce  me  semble, 
commencer  par  se  mettre  dans  l'esprit  que  le  livre,  dont  ces  expressions  constituent 
le  titre,  est  un  ouvrage  religieux  et  chrétien  ;  c'est  à  la  Bible  et  non  à  la  légende  de 
Cûchulainn  qu'on  doit  faire  appel,  si  on  veut  expliquer  l'ouvrage  dont  il  s'agit.  La 
«  clef  »  dont  il  est  question  dans  le  titre  est  un  meuble  métaphorique;  comparez  la 
clavis  scientiae  de  la  Vulgate,  saint  Luc,  chap.  xi,  verset  52.  Le  «  bouclier  »  est  éga- 
lement métaphorique  :  Keating  récitait  tous  les  jours  les  compiles,  par  conséquent 
le  psaume  90  et  le  verset  5  de  ce  psaume  :  Sciito  ciixumdabit  te  veritas  ejus  (scilicet 
Dei),  Dans  ces  textes  bibliques  et  chez  Keating,  eochaii-  et  clavis,  sgiath  et  sciitum 
sont  employés  au  «  sens  figuré  ».  Ce  «  sens  figuré  »  est  pour  les  deux  premiers  de 
ces  mots  «  explication  »  pour  les  deux  autres  «  protection  ».  Eochair-Sgiath  an 
Aifrinn  signifie,  en  supprimant  les  métaphores  :  «  Protection  expliquée  de  la  Messe  », 
ou  peut-être,  en  développant  davantage  :  «  Explication  des  causes  pour  lesquelles 
«  la  Messe  protège  le  chrétien  contre  les  attaques  du  démon.»  On  pourrait  dire  :  «  Clef 
«  ou  explication  du  bouclier,  c'est-à-dire  de  la  protection  que  procure  la  Messe.  » 

J'ignore  si  la  traduction  de  M.  R.  Atkinson,  Key-Shield,  offre  un  sens  clair  pour 
le  lecteur  anglais.  «  Clef-bouclier  »  est  inadmissible  en  français.  «  Clef  à  bouclier 
de  la  Messe  »  ou  mieux  peut-être  «  Clef  au  bouclier  de  la  Messe  »,  «  A  Key  to  the 
Shield  of  the  Mass»,  comme  a  écrit  O'Reilly,  n'est  pas  une  traduction  absolument 
littérale,  puisque  le  rôle  principal  est  pris  par  le  mot  qui,  dans  l'original,  est  com- 
plément déterminatif,  mais  cette  traduction  a  l'avantage  de  reproduire  la  métaphore 
incohérente  qui  caractérise  le  titre  imaginé  par  Keating  et  de  lui  conserver  par  là 

•  une  place  à  part  au  milieu  des  titres  métaphoriques  fréquents  à  cette  époque;  je 
•citerai  le  «  Jardin  des  racines  grecques  »  et  un  livre  moins  connu  ;  «  Les  sept  trom- 
.«  pettes  spirituelles  pouf  réveiller  les  pécheurs-  » 

•  Avant  de  terminer,  je  demanderai  à  vous  et  à  M.  Gaidoz  la  permission  de  récla- 
mer contre  une  expression  dont  se  sert  de  très  bonne  foi  mon  savant  confrère,  quand 
il  qualifie  de  vol  la  saisie  du  ms.  celtique  n"  i  par  les  commissaires  de  la  section  de 
Beaurepaire.  Il  n'y  a  pas  vol  sans  intention  «  frauduleuse  »  fraudiilosa  ^,  et  un 
des  éléments  de  la  fraude  est  la  mauvaise  foi  ^.  Le  vol  suppose  l'intention  de 
faire  un  gain,  lucri  faciendi,  comme  dit  le  texte  reçu  des  Institutes  et  du  Digeste  *, 


t.  R.  Atkinson,  Trî  bior-ghaoithe  an  bhâis,  p.  3o2,  368. 

2.  Institutes  de  Justinien,  1.  IV,  t.  i,  §  i  ;  Digeste,  fr.  i,  §  3,  de  furtis  ;  Code  pénal,  art.  379. 

3.  Dolo  malo,  S<?«^^«ces  de  Paul,  1.  II,  t.  li,  §  I. 
4^  Aux  passages  priiciKis. 


490  REVUE   CRITIQUE 

dont  la  doctrine  se  retrouve  chez  les  jurisconsultes  français  du  xviii' siècle  .Les' 
commissaires  de  la  section  de  Beaurepaire  auraient  été  des  voleurs,  s'ils  avaient  été  j 
de  mauvaise  foi  et  s'ils  avaient  prétendu  s'approprier  le  ms.  celtique  n*'  i  ;  mais, 
sans  se  cacher  et  au  grand  jour,  ils  ont  fait  ce  qu'ils  croyaient  leur  devoir,  ils  ont 
porté  ce  ms.  dans  un  dépôt  public;  ils  n'ont  donc  pas  commis  de  vol.  Si  les  repré- 
sentants de  l'Etat,  qui  ont  enlevé  les  objets  confisqués  en  vertu  des  lois  révolution- 
naires, étaient  des  voleurs,  les  bibliothécaires  et  les  archivistes  d'aujourd'hui,  qui 
détiennent  ces  objets,  seraient  les  continuateurs  ou  les  complices  de  ces  voleurs.  Mon 
savant  et  spirituel  confrère  ne  songeait  guère  à  cette  conséquence,  qui  m'atteindrait 
personnellement,  puisque  j'ai  été  vingt-huit  ans  archiviste,  et  que  j'ai,  pendant  près 
de  vingt  ans,  collaboré  à  l'administration  d'une  bibliothèque  publique.  Il  est  donc 
certain  qu'il  admettra  ma  réclamation  et  qu'il  ne  s'en  blessera  point,  qu'au  contraire 
il  l'accueillera  avec  l'amabilité  dont  il  m'a  déjà  donné  tant  de  preuves. 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


RÉPONSE  DE  M.  GaIDOZ. 

Mon  explication  de  l'irlandais  eochair-sgiath  n'a  pas  convaincu  M.  d'A.  de  J.  Je 
ne  cacherai  pas  que  cet  insuccès  m'humilie  un  peu.  Et  pourtant,  malgré  le  commen- 
taire tropologique  de  mon  érudit  et  aimable  contradicteur,  je  ne  puis  toujours  pas 
accepter  une  interprétation  qu'il  déclare  lui-même  être  «  une  métaphore  incohé- 
rente «.  Incohérente A  ce  compte,  je  crois  que  Keating  préférerait  ma  traduction, 

s'il  pouvait,  pour   une  heure,  sortir   de  sa  tombe  comme  ce  Senchan  Torpeist  dont 
M.  d'A.  de  J.  nous  a  autrefois  raconté  l'histoire. 

M.  d'A.  de  J.  me  conteste  l'exactitude  du  terme  de  a  vol  »,  appliqué  par  moi  à 
l'enlèvement  du  manuscrit  irlandais  que  «  les  commissaires  de  la  section  Beaurepaire 
ont  trouvé  dans  une  de  leurs  visites  ».  M.  d'A,  de  J.  parle  à  ce  propos  des  «  objets 
confisqués  en  vertu  des  lois  révolutionnaires»;  mais  ce  qu'il  cite,  c'est  le  Digeste  et 
\ts  Inslitutes  de  Justinien,  non  pas  une  «  loi  révolutionnaire  »  autorisant  les  commis- 
saires des  sections  de  la  Commune  de  Paris  à  saisir  des  manuscrits  chez  des  particu- 
liers au  cours  de  leurs  «visites  ».  M.  d'A.  deJ.  ne  produit  pas  le  texte  d'une  sem- 
blable «  loi  révolutionnaire  »  qui  pourrait  innocenter  ses  clients.  Mais,  au  surplus, 
je  m'étais  placé  au  point  de  vue  de  l'équité  et  du  droit  naturel,  non  au  point  de  vue  ! 
de  la  procédure. 

Je  ne  me  permettrai  donc  pas  de  discuter  une  question  de  droit  avec  un  avocat  de 
la  Convention  et  de  la  Commune  de  Paris  aussi  bon  jurisconsulte  que  M.  d'A.  di 
J.  J'aime  mieux  retirer  une  expression  qui  a  éveillé  ses  scrupules  et  offensé  sa  cons 
cience  d'archiviste.  Je  remercie  M.  d'A.  de  J.  de  m'accorder  le  bénéfice  des  circons 
tances  atténuantes  :  je  ne  prévoyais  pas,  en  effet,  que,  derrière  «  les  commissaires  de 
la  section  Beaurepaire  »,  je  risquais  d'atteindre  le  corps  tout  entier  des  bibliothécai 
res  et  des  archivistes  de  France,  corps  que  je  respecte  profondément. 

H.  Gaidoz, 


f 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  La  Faculté  des  Lettres  de  Reims  vient  de  s'assurer  la  collaboration 
de  M.  A     DE   La  Borderie,  membre   de  l'Institut,  qui  se  charge   d'un   cours  libre  .^ 

i.  Huyot,  Répertoire  universel  et  raisonné  de  jurisprudence,  in-4»,  t.   XVII   (ly^^S),  p.  644; 
Muyart  de  Vouglans,  Les  lois  criminelles  de  la  France,  in-f"  (1780),  p.  278, 


D  HISTOIRE   ET   DE    LITTERATURE  49  I 

d'histoire  de  Bretagne.  Le  professeur  traitera,  cette  année,  des  grandes  divisions  de 
cette  histoire,  considérée  dans  son  ensemble.  L'institution  de  ce  cours,  qui  vient 
s'adjoindre  à  celui  de  langue  et  littérature  celtiques  de  M.  Loth  et  à  celui  d'Histoire 
de  Bretagne  aux  xvii°  et  xviii'=  siècles  de  M.  A.  Dupuy,  est  une  innovation  heureuse 
dont  il  convient  de  féliciter  la  Faculté  de  Rennes. 

—  Notre  collaborateur,  A  Loisy,  commence,  dans  le  dernier  numéro  (novembre- 
décembre)  de  la  Revue  des  religions,  une  étude  sur  la  Religion  chaldéo-assyrienne . 
A  propos  des  sources,  il  retrace  à  grands  traits  les  débats  soulevés  par  la  question 
suméro-accadienne.  Nous  sommes  surpris  que  M.  L.  n'ait  pas  fait  mention  de  l'évo- 
lution caractéristique  de  Stanislas  Guyard  sur  ce  point  particulier. 

—  M.  HÉRON  DE  ViLLEFossE  publie  en  tirage  à  part  Le  Marbre  de  Vieux,  discours 
prononcé  à  Caen  à  la  séance  publique  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Normandie, 
le  19  décembre  1889  (Caen,  Delesques,  1890;  25  pp.  in-80).  C'est  l'analyse  de  ce 
document  important,  plus  connu  sous  le  nom  de  monument  de  Thorigny,  accompa- 
gnée d'un  spirituel  commentaire  qui  met  la  question  à  la  portée  des  esprits  les  moins 
préparés. 

ALLEMAGNE.  —  La  librairie  Schwartz  (Oldenbourg  et  Leipzig)  vient  de  publier 
deux  volumes  de  souvenirs  de  voyage  et  d'impressions  esthético-pittoresco-quel- 
conques.  Le  premier,  de  M.  Woldemar  Kaden,  Italienische  Gypsfiguren  (un  vol. 
petit  in-8»,  IV,  454  pp.),  contient  des  tableaux  de  la  Campanie,  de  Naples,  de  Rome, 
des  notes  sur  la  Calabre,  sur  Faust  et  la  critique  italienne,  avec  la  traduction  d'une 
nouvelle  de  De  Amicis  et  d'une  saynète  de  Gracosa.  L'autre,  de  M.  Adolf  Stern, 
Wanderbuch,  Bilder  und  Sk.izzen(un  vol.  petit  in-80,  VIH,  33o),  contient  une  inté- 
ressante description  de  la  Passion  d'Oberammergau  de  1871,  des  impresssions 
vénitiennes  de  1874  et  romaines  de  1S90,  et  entre  autres  morceaux  analogues,  une 
étude  sur  la  représentation  des  Niebelungen  à  Bayreuth  en  1877  qui  aura  plus 
d'intérêt  que  les  autres  pièces  pour  les  lecteurs  français. 

ANGLETERRE.  —  Les  deux  derniers  numéros  du  Fortnightly  Review  (novembre 
et  décembre)  contiennent  un  article  de  M™'  James  Darmesteter  sur  la  vie  du  paysan 
français  au  xiv"  siècle  (Rural  life  in  France  in  the fourteenth  centuj-y),  faisant  suite 
à  une  étude  publiée  précédemment  dans  le  même  recueil  sur  l'Ouvrier  français  au 
xiv°  siècle.  L'auteur  fait  connaître  les  subdivisions  et  les  relations  des  diverses 
classes  rurales,  l'origine,  la  valeur  et  le  sens  de  la  corvée,  et  décrit  tour  à  tour  les 
diverses  cultures  en  faveur  et  l'élevage  du  temps;  les  méthodes  et  les  instruments 
employés  ;  la  vie  intime  du  laboureur,  sa  maison,  son  mobilier,  son  costume,  sa 
médecine,  son  éducation,  ses  écoles;  enfin  les  effets  de  la  guerre  de  Cent-Ans  sur  la 
condition  des  classes  agricoles.  «  Peut-être  les  pauvres  furent-ils  ceux  qui  en  souffri- 
rent le  moins.  La  hausse  soudaine  et  sans  précédent  du  prix  du  travail  ne  les  attei- 
gnit pas  ou  ne  les  affecta  que  favorablement.  La  Grande  Peste,  qui  indirectement 
ruina  les  grands  propriétaires  fonciers,  laissa  le  paysan  fermier  indemne.  Il  prospéra, 
mit  de  côté  ses  épargnes,  acheta  pièce  à  pièce  les  terres  du  noble  diminué.  Nulle  cir- 
constance ne  prépara  d'une  façon  si  insidieuse  ni  si  complète  la  ruine  de  la  féodaliLé,  » 


ACADÉMIE   DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  12  décembre  18 go. 

M.  Geffroy,  directeur  de  l'Ecole  française  de  Rome,  adresse  à  l'Académie  des  ren- 
seignements complémentaires  sur  les 'actes  dQ^XVviri  sacris  faciundis,  dont  il  a 


492  REVUE   CRITIQUE    D  HISTOIRE   ET   DE   LITTERATURE 

parlé  dans  sa  dernière  lettre,  et  sur  une  autre  inscription,  portant  les  mots  :  Sahis 
Scitioniana. 

M.  le  D'  Carton,  médecin  militaire  à  Souk-el-Arba  (Tunisie),  adresse  à  l'Académie 
une  note  sur  une  dédicace  à  Saturne,  trouvée  à  Sidi-Mohammed-el-Azreg. 

Sur  la  proposition  de  la  Commission  des  travaux  littéraires,  MM.  Héron  de  Ville- 
fosse  et  Waddington  sont  désignés  pour  diriger,  avec  le  concours  de  M.  Cuq,  la 
publication  du  tome  IX  des  Œuvres  de  Borgliesi. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  lit  une  note  sur  l'histoire  des  Teutons,  à  propos  d'un 
travail  récent  de  M.  le  D''  Kossinna.  Avec  M.  Kossina,  et  Mûllenhoff,  et  contrairement 
à  M.  Mommsen,  il  jjense  que  les  Teutons  ont  fait  leur  apparition  dans  l'histoire  en 
même  temps  que  les  Cimbres,  en  l'an  !i3  avant  notre  ère,  et  non  pas  seulement  en 
l'an  io3.  L'autre  thèse  du  même  auteur,  selon  laquelle  les  Cimbres  habitaient  la 
Saxe  actuelle,  c'est-à-dire  la  vallée  de  l'Elbe,  et  non  le  Jutland,  ne  lui  paraît  pas  des- 
tinée à  prévaloir  sur  l'opinion  reçue. 

M.  Levasseur  signale  une  rectification  importante  qui  vient  d'être  faite  par  un 
professeur  de  l'Université  de  Gand,  M.  Hulin.a  un  passage  des  Prolégomènes  de  Benja- 
min Guérard  sur  le  Polyptyque  d'Irminon,  abbé  de  Saint-Germain-des-Prés.  M.  Gué- 
rard,  d'après  les  calculs  fondés,  disait-il,  sur  l'examen  du  texte  du  Polyptyque,  avait 
évalué  la  partie  connue  du  domaine  de  Saint-Gerinain-des-Prés,  au  xi^  siècle,  à 
221,019  hectares,  dont  197,927  en  bois.  M.  Hulin  a  refait  sur  le  texte  du  document, 
parcelle  par  parcelle,  le  calcul  approximatif  des  surfaces  boisées,  et  il  est  arrivé  à 
un  total  de  1  3, 000  à  17.000  hectares  tout  au  plus  :  ce  qui  réduit  le  total  général  à 
moins  de  40,000  hectares. 

M.  Levasseur,  qui  dans  son  livre  sur  la  Population  française,  avait  pris  les  rensei- 
gnements fournis  par  le  Polyptyque  pour  base  d'une  hypothèse  sur  la  densité  de  la 
population  en  Gaule  au  ix^  siècle,  déclare  qu^ii  renonce  maintenant  à  cette  hypothèse. 
II  lui  avait  paru  légitime  de  conclure  d'une  superficie  de  2,210  kilomètres  carrés  à 
l'ensemble  du  pays;  mais  un  territoire  de  moins  de  400  kilomètres  carrés  lui 
semble,  pour  un  pareil  calcul,  une  base  tout  à  fait  insuffisante. 

Sont  élus  membres  : 

De  la  commission  chargée  de  présenter  des  candidats  aux  places  de  correspon- 
dants étrangers,  MM.  Renan,  Gaston  Paris,  d'Arbois  de  Jubainville,  Boissier. 

De  la  commission  chargée  de  présenter  des  candidats  à  la  place  de  correspondant 
français,  MM.  Delisle,  Georges  Ferrot,  Paul  Meyer,  Anatole  de  Barthélémy. 

M.  Maspero  communique,  de  la  part  de  M.  Casanova,  membre  de  la  mission  archéo- 
logique française  au  Caire,  une  figurine  de  terre  cuite  qui  a  été  trouvée  dans  les  fau- 
bourgs du  Caire  et  qui  appartient  à  MM.  Innés.  Elle  représente  un  bouquetin  aux. 
cornes  recourbées,  probablement  le  bouquetin  à  manciiettes,  si  fréquent  encore 
aujourd'hui  dans  le  désert  de  l'Egypte.  On  y  lit  une  inscription  arabe  qui  se  traduit 
ainsi  :  «  L'imam  c'est  el-Hakim-billah.  »  C'est  la  profession  de  foi  d'un  croyant 
druse  :  on  sait  que  les  Druses  ont  rendu  et  rendent  encore  un  culte  au  veau  et  par- 
fois à  la  gazelle,  et  le  bouquetin  est  au  nombre  des  animaux  que  le  peuple  d'Egypte 
confond  sous  le  nom  générique  de  gazelles.  M.  Schefer  possède  un  objet  analogue  à 
celui-ci,  mais  en  bronze  et  avec  une  inscription  persane. 

M.  Ernest  Babelon  termine  sa  communication  sur  les  monnaies  des  rois  de  Sidon 
sous  la  domination  des  Perses  Achéménides. 

Les  monnaies  étudiées  dans  ce  mémoire  portent,  d'un  côté,  la  galère  sidonienne, 
de  l'autre  l'image  du  Roi  des  Rois,  dans  un  char  traîné  par  trois  chevaux,  suivi  d'un 
satrape  ou  d'un  roi  tributaire  à  pied.  La  légende  se  compose,  sur  la  plupart,  de  deux 
lettres  phéniciennes  et  d'un  chifl're.  M.  Babelon  répartit  ces  m.onnaies  en  groupes 
caractérisés  chacun  à  la  fois  par  la  légende  et  par  l'aspect  ou  la  facture  des  pièces  : 
il  reconnaît  dans  chaque  groupe  les  monnaies  d'un  personnage  distinct,  soit  un  roi 
de  Sidon,  soit  un  satrape  perse  d'Egypte  (après  qu'Artaxerxès  111,  Ochus  eut  recon- 
quis ce  pays  en  345],  soit  le  satrape  de  Cilicie,  Mazaios.  Il  voit  dans  les  lettres  phéni- 
cicennes  les  initiales  des  noms  des  divers  princes,  et,  dans  les  chiffres,  les  dates,  for- 
mulées par  les  années  de  leurs  règnes.  Il  reconstitue  ainsi,  d'après  ces  données,  la 
chronologie  des  rois  de  Sidon  : 

1°  Un  roi  innomé  mort  en  374; 

2»  Strabon  I",  374-3G2; 

3°  Tenues,  362-35o; 

4°  Interrègne,  35o-349  ; 

5»  Evagoras  II  (roi  dépossédé  de  Salamine),  349-346; 

60  Strabon  II,  340-332. 

En  janvier  332,  la  prise  de  Sidon  par  Alexandre  met  fin  à  la  dynastie. 

Ouvrage  présenté,  de  la  part  de  l'auteur,  par  M.  Siméon  Luce  :  Naef,  Noies  sur 
les  fouilles  pratiquées  dans  le  chœur  de  l'églisejie  Graville-Sainte- Honorine. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant:  ERNEST  LEROUX. 
ht  fuy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


I 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N°  52  -  29  décembre  —  1890 


Sommaire  t  583.  Hérodote,  II,  p.  p.  Wiedemann    —  5S4.  Hardt,  Le  bouddhisme. 

—  585.  FujisHiMA,  Le  bouddhisme  japonais.  —  586.  A.  Darmesteter,  Le  Tahuud. 

—  587.  Skutsch,  Les  noms  en  -no-.  —  588.  Stowasser,  Mots  obscurs.  —  589. 
BuRY,  Le  bas  empire  romain.  —  590.  Mûllenhoff,  Antiquité  allemande,  I,  p.  p. 
Rœdiger.  —  Sgi.  AuDisio,  Histoire  civile  et  religieuse  des  papes  de  Constantin  à 
Charlemagne.  —  592.  Massif,  Le  collège  de  Tournon.  —    593.  Biart,  Cervantes. 

—  594.  Tûchert,  Racine  et  Héliodore.  —  505.  Meyneil,  Napoléon  I.  —  596.  Mi- 
NOR,  Schiller,  1  et  II.  —  597.  Walzel,  Lettres  de  Frédéric  Schlegel  à  son  frère 
Guillaume.  —  598.  Barton,  Histoire  de  la  Nouvelle-Galles  du  Sud.  —  599-  Sou- 
RiAU,  L'esthétique  du  mouvement.  —  6co.  Bergson,  Les  données  immédiates  de 
la  conscience.  —  601.  P.  Janet,  L'automatisme  psychologique.  —  602.  Schopen- 
hauer,  Le  monde  comme  volonté  et  comme  représentation,  III,  p.  p.  Burdeau.  — 
6o3.  Conta,  Les  fondements  de  la  métaphysique.  —  604..  Naville,  Le  libre  ar- 
bitre. —  6o5.  Kroman,  Logique  et  psychologie.  —  Chronique.  —  Académie  des 
Inscriptions. 


583.  —  A.  Wiedemann.  Hérodote  Z'weîtes  Bueli  mit  sachlichen  Erlœuterungen 
herausgegeben  von  A.  Wiedemann.   Leipzig,  Teubner,   1890,   in-8,  viii-624  p. 

Le  second  livre  d'Hérodote  a  tenté  plus  d^un  égyptologue,  et  j'en  sais 
au  moins  un  qui  avait  commencé  à  Tannoter  dans  Tintent  ion  d'en  publier 
le  commentaire.  L'ouvrage  de  M.  Wiedemann  retardera  pour  lui  l'exé- 
cution de  ce  projet,  mais  sans  l'amener  à  renoncer  au  projet  lui-même. 
Il  y  a,  en  effet,  pour  un  égyptologue  deux  rnanières  de  commenter 
Hérodote, en  rapprochant  les  données  du  texte  grec  des  données  que  nous 
fournissent  les  monuments,  en  joignant  aux  données  verbales  des  textes 
monumentaux  le  dessin  des  monuments  eux-mêmes,  ou  du  moins  des 
figures  qui  peuvent  illustrer  le  texte  grec.  C'est  cette  seconde  manière  à 
laquelle  je  m'étais  arrêté:  M.  Wiedemann  a  choisi  la  première.  Son  livre 
ne  renferme  aucune  vignette,  ce  qui  nuit  évidemment  à  l'intelligence  des 
explications  qu'il  donne.  Les  savants  habitués  aux  seuls  monuments  des 
peuples  classiques  ont  souvent  peine  à  se  figurer  le  détail  de  l'archéo- 
logie égyptienne  d'après  de  simples  descriptions  :  il  faut  leur  mettre  les 
objets  sous  les  yeux  si  l'on  veut  leur  éviter  toute  erreur.  Aussi  regretté- 
je  sincèrement  que  l'éditeur  de  M.  Wiedemann  ne  lui  ait  pas  demandé 
quelques  figures  :  les  frais  d'impression  auraient  été  plus  considéra- 
bles, il  est  vrai,  mais  le  livre  aurait  été  plus  utile. 

Tel  qu'il  est,  il  renferme  des  parties  excellentes.  M.  W^iedemann,  à 
qui  on  ne  demandait  que  d'être  égyptologue,  a  préféré  donner  un  com- 
mentaire complet,  dont  beaucoup  de  parties,  touchant  à  des  points  de 
Nouvelle  série,  XXX.  52 


494 


REVUE    CRITIQUE 


littérature,  d'histoire  ou  d'érudition  hellénique,  échappent  à  nia  compé- 
tence. Je  ne  parle  donc  ici  que  des  parties  empruntées  aux  monuments 
égyptiens.  Comme  toujours,  M.  Wiedemann  a  témoigné  de  connaissan- 
ces bibliographiques  étendues  :  il  a  lu  et  cité  la  plupart  des  brochures 
qui  touchent  à  son  sujet  par  quelque  point.  C'est  à  peine  si  on  peut  ] 
relever  çà  et  là  quelques  omissions  ou  quelques  oublis  :  ainsi,  à  propos 
du  canal  de  Néko,  le  mémoire  de  Lieblein,  Omden  garnie  Sue^-Kanal 
dans  ses  JEgyptoIogiske  Studiej'  (Mémoires  de  l'Académie  de  Christia- 
nia, 1870);  ainsi  le  long  fragment  de  commentaire  que  j'ai    publié  en 
1878,  dans  VAnnitaire  de  l'Association  pour  V encouragement  des  Etu- 
des grecques,  Ql  o\x  j'ai  défini  le  rôle  des  prétendus  prêtres  égyptiens 
qui  renseignaient  Hérodote,  presque  dans  les  mêmes  termes  que  M. Wie- 
demann dans  sa  Geschichte  ^gyptens  de   1880  (p.  92  sqq)  ;  ainsi  la 
lettre  de  Mariette,  Identification  des  dieux  d'Hérodote  avec  les  dieux 
Egyptiens,  dans  la  Revue  archéologique  (i885,  t.  I,  p.  343-35o).  11  y 
a  une  certaine  difficulté  à  se  procurer  les  tirages  à  part,  ou  les  brochu- 
res de  quelques  pages  dont  se  compose  la  plus  grande  partie  de  la  litté- 
rature égyptologique  :  aussi  je  n'insiste  pas  sur  ce  sujet.  De  pareilles 
omissions   sont  à  peu  près  inévitables,  et  chacun  de  nous   s'en  connaît 
trop  à  son  compte  pour  avoir  bonne  grâce  à  les  reprocher  aux  autres. 

Si  je  voulais  examiner  par  le  menu  les  six  cents  pages  dont  le  livre  de 
M.  W.  se  compose,  j'y  relèverais  beaucoup  de  faits  douteux.  Ce  sera 
plus  tard  affaire  aux  égyptologues  de  les  signaler  et  de  les  écarter.  Les 
critiques   tomberaient,  pour  la   plupart,    sur   des   passages  dont  l'ex- 
plication   restera    probablement   toujours    incertaine.     Saurons-nous 
jamais,  par  exemple,  d'une  façon  indubitable,  quelle  était  l'inscription 
que  les  drogmans  montraient  aux  voyageurs,  et  sur  laquelle  ils  préten- 
daient lire  le  nombre  exact  des  oignons  et  des  rations  de  légumes  dis- 
tribués aux  ouvriers  de  la  grande  pyramide?  Les  solutions  les  plus  vrai- 
semblables qu'on  ait  données  de  ce  récit  laissent,  malgré  tout,  subsister 
quelque  doute.  Une  critique  portant  sur  des  questions  de  ce  genre  au- 
rait, pour  effet,  de  mettre  le  lecteur  non  égyptologue  en  méfiance  contre 
M.  W.,  ce  qui  serait  fort  injuste.  M.  Wiedemann   a  le  plus  souvent^ 
proposé  des  interprétations  certaines  :  oti  elles  ne  paraissent  pas  l'être, 
elles  sont  du  moins   ingénieuses   et  conformes   à  Tétat   actuel   de  laJ 
science.  Les  hellénistes  et   les  historiens  de  la  littérature  ancienne  qui 
entreprennent  l'étude  du  second   livre  d'Hérodote,  ou  qui  ont  besoin  | 
de  savoir  en  quoi  le  témoignage  des  monuments   originaux   confirme  | 
ou  infirme  celui  de  leur  auteur,  trouveront  dans  M.  Wiedemann  un 
guide  bien  informé,  d'un  jugement  parfois  un  peu  court,  mais  d'une, 
érudition  très  étendue  et  de  bon  alol. 

G.  Maspero. 


d'histoire  et  de  littérature  49  5 

584.  —  I.  Der  Buddliismus  nach  aelteren  Pâli-Werken  dargestellt  von  Dr. 
Edmund  Hardy.  Munster,  Aschendorff,  1890  (Darstellungen  aus  dem  Gebiete 
der  nichtchristlichen  Religionsgeschichte,  I.  Band). 

585.  —  II.  Le  BouddliÊsme  Japonais,  par  Ryauon  FujisHiMA,  membre  de  la 
Société  asiatique  de  Paris.  Paris,  Maisonneuve,  1889. 

I.  Le  volume  de  M.  Ed.  Hardy  ouvre  une  série  de  manuels  qui 
doivent  former  une  histoire  générale  des  religions  en  dehors  du  chris- 
tianisme. L''éditeur  de  la  collection  se  propose  de  présenter  sous  une 
forme  condensée  les  principaux  résultats  des  recherches  récentes  au 
public  cultivé,  et  de  fournir  aux  débutants  les  notions  indispensables 
pour  entreprendre  des  études  personnelles.  Les  rapports  de  la  religion 
avec  l'histoire  et  la  civilisation,  les  analogies  de  culte  ou  de  doctrine 
avec  le  judaïsme  et  le  christianisme  y  doivent  être  indiqués  dans  une 
juste  mesure,  sans  laisser  toutefois  de  place  à  l'arbitraire  et  à  la  fan- 
taisie. 

Le  travail  de  M.  H.  est  l'application  scrupuleuse  de  ce  programme. 
L'auteur  a  partagé  son  sujet  en  sept  chapitres  :  I  Généralités,  sources; 
état  religieux  de  Plnde  à  l'époque  du  Bouddha;  II  Vie  du  Bouddha; 
III  Doctrines  du  Bouddhisme  primitif;  IV  Les  ordres  bouddhiques; 
V  Le  Bouddhisme  et  le  Jaïnisme,  rapports  et  divergences;  VI  Un  pro- 
tecteur du  bouddhisme  au  ni=  siècle  av.  J.-C,  Açoka;  VII  Le  Boud- 
dhisme et  le  Christianisme.  L'appareil  scientifique  est  irréprochable. 
M.  H.  n'avance  point  de  fait  ni  d'opinion  sans  citer  ses  autorités,  mais 
il  a  soin  de  rejeter  ces  pièces  justificatives  à  la  suite  de  son  exposé  qui 
gagne  ainsi  en  clarté  et  en  élégance.  Il  ajoute  un  index  de  termes  tech- 
niques, un  tableau  détaillé  du  canon  pâli  avec  l'indication  des  éditions 
parues,  et  enfin  une  bibliographie  générale,  sobre  et  substantielle  à  la 
fois.  Le  choix  des  ouvrages  cités  suffirait  à  attester  l'érudition  solide  et 
judicieuse  de  M.  Hardy.  Mais  il  ne  s'est  pas  contenté  de  recourir  aux 
autorités  les  plus  sûres;  il  est  familier  avec  les  textes  mêmes;  il  leur  a 
emprunté  avec  un  goût  discret  de  courts  et  nombreux  extraits  qui 
rompent  la  monotonie  de  l'exposition.  Et  cependant,  malgré  tant  de 
mérites  réels,  l'ouvrage  est  incomplet  et  inexact  dans  son  ensemble, 

M.  H.  a  cru  limiter  strictement  son  sujet;  il  Ta  mutilé.  Le  boud- 
dhisme s'est  divisé  en  deux  grandes  branches  :  le  bouddhisme  méridional 
(Ceylan  et  Indo-Chine)  fondé  sur  le  canon  pâli,  et  le  bouddhisme  sep- 
tentrional (Népal,  Chine,  Japon,  etc..)  fondé  sur  le  canon  sanscrit. 
Les  deux  traditions  prétendent  avec  une  égale  insistance  au  droit 
d'aînesse,  et  la  science  n'a  pas  encore  tranché  ce  litige.  L'une  et  l'autre 
peuvent  se  réclamer  de  noms  considérables  dans  l'Occident.  Les  cir- 
constances et  peut-être  aussi  la  mode  ont  favorisé  de  notre  temps  la 
doctrine  méridionale;  mais  une  réaction  facile  à  prévoir  ne  manquera 
pas  de  se  produire  le  jour  où  les  textes  sanscrits,  un  peu  délaissés,  et  les 
traductions  chinoises  seront  mieux  connus  et  plus  approfondis.  M.  H. 
n'a  pas  donné  d'arguments  nouveaux  en  faveur  du  canon  pâli;  il  ne 


q.g6  KKVUE    CRITIQUE 

s'est  décidé  que  sur  des  raisons  de  seniimeiit,  les  plus  perfides  et  les 
moins  scientifiques  des  raisons.  D'ailleurs,  la  priorité  de  celte  tradition 
fùt-eKe  établie  par  le  fait,  le  bouddhisme  septentrional  n'en  aurait  pas 
moins  droit  à  figurer  dans  un  tableau  général  du  bouddhisme.  Qu'il  ait 
bifurqué  dès  Torigine  ou  qu'il  se  soit  détaché  après  coup  de  Téglise 
orthodoxe,  il  est  Pœuvre  directe  ou  déviée  de  la  pensée  bouddhique;  il 
en  caractérise  le  principe  ou  l'évolution;  il  en  représente  la  conception 
la  plus  répandue  et  la  plus  populaire.  Le  bouddhisme  du  Sud,  humain 
et  familier  jusqu'au  terre  à  terre,  ne  suffit  pas  à  expliquer  le  prodigieux 
succès  de  l'évangile  prêché  par  Gotama.  Réduit  à  ces  proportions,  il 
n'aurait  pas  lutté  victorieusement  contre  tant  d'autres  confessions;  le 
dieu  y  manque,  si  grand  qu'y  soit  l'homme.  Les  lecteurs  de  M,  H.  ne 
comprendront  certainement  pas  l'action  du  bouddhisme  sur  les  foules; 
ils  n'y  verront  qu'une  secte  fondée  sur  des  théories  philosophiques, 
groupée  dans  des  sortes  de  phalanstères,  plus  occupée  d'exercices  inté- 
rieurs que  de  la  conquête  des  âmes. 

L'esprit  général  de  la  collection  inaugurée  par  M.  H.  explique  cette 
lacune  fondamentale,  s'il  ne  la  justifie  pas.  La  composition  même  de 
l'ouvrage  accuse  le  vice  inhérent  à  l'entreprise.  Les  six  chapitres  sur  la 
vie  du  Bouddha  et  sur  son  œuvre  font  un  total  de  cent  dix  pages; 
le  septième,  sur  les  analogies  du  bouddhisme  et  du  christianisme,  a 
trente-deux  pages  et  forme  environ  le  quart  du  volume.  La  science  y 
cède  le  pas  à  la  polémique  apologétique.  Nous  ne  voulons  pas  suivre 
l'auteur  sur  ce  terrain  glissant,  ni  discuter  en  détail  ses  assertions.  La 
foi  est  toujours  respectable,  mais  elle  ne  justifie  pas  les  injures  grossières 
à  l'adresse  des  adversaires.  M.  H.  outrepasse  les  droits  de  la  critique 
lorsqu'il  compare  les  apôtres  européens  du  bouddhisme,  si  discutable 
que  puisse  être  leur  personne,  à  «  des  échappés  de  maisons  de  fous  ».  Il 
poursuit  la  comparaison  des  deux  religions  et  de  leurs  fondateurs  avec 
un  acharnement  minutieux;  il  suffit,  pour  en  donner  l'idée,  de  repro- 
duire la  table  analytique  :   «  Buddha  et  le  Christ;  leur  personne,  leur 
doctrine,  leur  œuvre.  Buddha  et  les  Buddhas;  Christ,  le  seul  Sauveur. 
Incarnation;  conception  sans  intervention  humaine.  Prédiction  d'Asita 
et  de  Siméon;  la  tentation  de  Buddha  et  du  Christ.  La  vie  publique  de 
l'un  et  de  l'autre.   Miracles  et  prédictions.  Fin  du  Christ  et  de  Buddha. 
Différences  de  doctrine  (Dieu,  âme,  péché,  délivrance,  état  final).  Morale. 
Eff'ort  moral;  idée  du  mariage;  esprit  des  chrétiens  et  des  bouddhistes. 
L'église  du  Christ  et  les  ordres  bouddhiques;  la  confession.  —  Progrès 
par  ie  bouddhisme  et  par  le  christianisme.  Réformes  sociales  introduites 
par  le  christianisme  pendant  la  période  romaine;  influence  du  chris- 
tianisme sur  la  culture  populaire,  l'art  et  la  science  de  ce  temps.  Adou- 
cissement des  mœurs;  la  noblesse  des  sentiments  et  de  la  vie  propagée 
par   le  bouddhisme;   pas    de  tentative   mémorable    pour  améliorer  la 
situation  sociale  des   femmes.   La  culture  populaire  hâtée,  la  science 
négligée  et  l'art  employé  à  l'usage  des  cloîtres  par  le  bouddhisme.   » 


> 


a  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURK  ^gj 

L'argumentation  de  M.  H.  dans  ce  long  chapitre  est  sans  doute  en 
harmonie  avec  les  doctrines  orthodoxes;  elle  ne  laisse  pas  que  de  paraître 
étrange  aux  critiques  impartiaux.  On  sent  trop  souvent  qu'il  suffirait 
d'un  parti-pris  inverse  pour  retourner  les  termes  et  aboutir  à  une  solu- 
tion opposée.  M.  Hardy  a  dès  le  début  de  son  manuel,  et  sans  même 
s'en  rendre  compte,  subi  Tattraction  du  chapitre  final;  chacune  des 
sections  tend  directement  à  la  conclusion  préconçue.  C'est  ainsi  qu'il  a 
été  porté,  malgré  sa  loyauté  évidente,  à  sacrifier  entièrement  la  tradition 
sanscrite,  plus  merveilleuse  et  par  là  plus  divine,  et  à  passer  sous  silence 
l'action  civilisatrice  exercée  par  le  bouddhisme  sur  tant  de  races  éparses 
à  la  surface  du  globe. 

ILL^Bouddhisme  japonais dcM.  Fujishima est  la  contre-partie  instruc- 
tive autant  que  piquante  du  tableau  tracé  par  M.  Hardy.  L'auteur  est 
un  bouddhiste  fervent,  ancien  élève  de  la  Faculté  bouddhique  du  Nishi- 
Hongwapzi,  à  Kyoto.  Il  est  venu  en  Europe  pour  s'y  former  aux  métho- 
des occidentales,  il  a  passé  quatre  années  chez  nous  à  étudier  surtout  la 
philosophie  et  l'histoire  des  religions,  et  à  se  familiariser  avec  notre 
langue.  M.  F.  est  arrivé  à  écrire  en  français;  il  continue  à  penser  en 
oriental.  Le  contraste  entre  la  pensée  originale  et  l'instrument  employé 
s'accuse  à  toutes  les  pages,  et  donne  au  livre  une  saveur  de  haut  goût. 
L'ouvrage,  à  proprement  parler,  est  la  traduction  d'un  traité  japonais 
où  l'histoire  et  les  doctrines  des  douze  grandes  sectes  bouddhiques  du 
Japon  sont  exposées  brièvement  par  des  prêtres  choisis  parmi  les  plus 
autorisés  de  chaque  école.  M.  B.  Nanjio  avait  donné,  avant  M.  F., 
une  version  anglaise  de  cette  compilation  ;  mais,  outre  qu'elle  est  diffi- 
cile à  rencontrer,  elle  ne  se  comprend  qu'à  peine.  M.  F.  a  légèrement 
remanié  l'ouvrage;  il  a  élagué  le  superflu  et  il  a  complété  les  indica- 
tions trop  sommaires  par  des  emprunts  aux  sources  les  plus  sûres;  il  a 
mis  le  livre  au  point.  Chacune  des  sectes  est  traitée  naturellement  avec 
une  faveur  égale;  chacune  se  targue  des  avantages  les  plus  éclatants; 
chacune  prétend  refléter  avec  fidélité  l'enseignement  du  Bouddha.  Les 
termes  techniques,  lus  à  la  façon  japonaise,  sont  accompagnés  de  leurs 
équivalents  sanscrits;  un  index  de  ces  mots  termine  le  volume  et  per- 
met aux  indianistes  de  s'y  reconnaître  et  de  s'y  orienter.  Le  travail,  en 
effet,  n'intéresse  pas  seulement  les  études  d'Extrême-Orient;  le  boud- 
dhisme japonais  est  un  produit  secondaire  de  la  tradition  septentrionale, 
du  bouddhisme  sanscrit.  Les  douze  grandes  sectes  dérivent  par  des  voies 
plus  ou  moins  détournées  des  prédications  jadis  prononcées  au  pays  de 
Magadha  ;  les  unes  sont  d'origine  indienne;  d'autres  viennent  de  la 
Chine;  d'autres  enfin  sont  autochtones.  Pour  connaître  exactement 
tout  ce  que  le  bouddhisme  initial  contenait  en  germe,  il  est  indispen- 
sable de  le  suivre  jusqu'à  ces  lointaines  ramifications.  L'historique  des 
sectes  donne  aussi  de  précieux  détails  sur  la  transmission  de  la  doctrine 
et  la  série  chronologique  des  patriarches. 

L'introduction  composée  par  M.  F.  complète  heureusement  l'ouvrage. 


498  REVUE    CRITIQUE 

M.  F.  y  embrasse  l'ensemble  et  le  développement  des  douze  sectes.  H 
les  fond  dans  un  harmonieux  syncrétisme,  et  les  justifie  toutes  par  leur 
valeur  historique;  elles  représentent  chacune  une  des  voies  par  où  l'hu- 
manité doit,  selon  les  capacités  respectives  des  individus,  passer  pour 
atteindre  au  salut.  Elles  ont  toutes  leur  raison  d'être  dans  la  variété 
infinie  des  tempéraments;  elles  sont  également  orthodoxes  et  indispen- 
sables. Pour  les  rendre  plus  facilement  intelligibles  à  l'Occident,  M.  F. 
les  interprète  en  quelque  sorte  par  les  équivalents  les  moins  infidèles  que 
puisse  fournir  la  langue  technique  de  notre  philosophie.  Les  douze 
systèmes  se  classent  en  trois  grandes  catégories  :  I  Petit  véhicule  (Hî- 
nayâna)  ;  le  Kou-cha  (Abhidharma-koça),  matérialisme  :  non-existence 
du  moi  et  existence  de  la  matière  qui  compose  le  moi;  —  le  Jô-jitsou, 
nihilisme  :  non  existence  du  moi  et  de  la  matière;  —  le  Ritsou,  éthi- 
que: préceptes  de  morale  pratique.  II  Moyen  véhicule  (Madhyamayâna) 
le  Hossô,  idéalisme  subjectif  :  la  pensée  seule  est  réelle;  —  le  San-ron, 
nihilisme  absolu  :  la  vérité  est  Tétat  inconcevable.  III.  Grand  véhicule 
(Mahàyâna)  :  le  Kégon  et  le  Tendaï,  réalisme  panthéistique  :  la  nature 
absolue  (bhûta-tathâtâ)  est  l'essence  de  toutes  choses;  —  le  Shin-gon, 
mysticisme  :  Mahâvairocana  (forme  du  Buddha)  est  le  principe  de  tout 
être;  -—  le  Zen,  système  contemplatif  :  il  ne  faut  pas  chercher  la  vérité 
dans  la  tradition,  mais  dans  la  pensée  individuelle;  —  le  Nithi-ren, 
réalisme  panthéistique  :  la  vérité  est  le  principe  des  trois  grandes  lois 
ésotériques;  —  le  Jô-do  et  le  Shin,  mysticisme  d'adoration  exclusive  : 
la  vérité  s'obtient  par  la  grâce  d'Amitâbha  Buddha.  M.  F.  discute  la 
notion  si  controversée  du  nirvana,  et  en  donne  une  interprétation  inté- 
ressante ;  il  exalte  la  morale  du  bouddhisme,  et  il  conclut  en  proclamant 
la  supériorité  incontestable  de  cette  religion  :  «  Le  bouddhisme  se 
fonde  sur  la  philosophie,  et  il  est  constamment  d'accord  avec  l'expé- 
rience de  la  science  moderne...  Le  bouddhisme  ne  saurait  être  un  dan- 
ger pour  la  société  humaine,  il  n'y  a  donc  aucune  raison  de  partager 
l'inquiétude  de  certains  savants  occidentaux  qui  tiennent  le  nirvana 
bouddhique  pour  un  grand  péril...  La  morale  du  bouddhisme  est  d'une 
beauté  qui  ne  le  cède  à  aucune  autre,  pas  même  à  la  morale  chré- 
tienne. »  On  est  presque  tenté  de  savoir  gré  à  M.  Fujishima  de  sa  pré- 
vention enthousiaste;  le  lecteur  lui  doit  d'entrer  en  communion  directe 
avec  une  âme  bouddhique,  de  pénétrer  le  dédale  obscur  des  consciences 
orientales  que  la  philologie  ne  suffit  pas  à  éclairer.  La  métaphysique 
aride  et  scholastique  des  vieux  textes  s'anime,  imprégnée  de  tendresse 
et  de  toi.  C'est  que  la  religion,  étrangère  à  la  raison  et  à  la  science,  ne 
s'explique  pas  seulement  par  la  raison  et  par  la  science  ;  elle  est  l'œuvre 
du  cœur  plus  que  de  l'esprit,  et  doit  s'apprécier  aussi  par  le  cœur  plus 
que  par  l'esprit.  Ce  n'est  pas  assez  de  lire  en  érudit  les  textes  sacrés  pour 
la  comprendre;  il  faut  encore  l'aimer  avec  la  ferveur  d'un  dévot,  tout 
prêt  d'ailleurs  à  aimer  d'autres  croyances  avec  une  ferveur  égale.  L'ana- 
lyse qui  démonte  pièce  à  pièce  un  organisme  religieux  est  impuissante  a 


D  HISTOIRE   ET   DE    LITTERATURE  499 

atteindre  le  ressort  intime  qui  l'anime  et  le  dirige.  Le  dessin  minutieux 
d'un  anatomiste  ne  vaut  pas  la  rapide  esquisse  d'un  peintre  pour  donner 
aux  yeux  le  sentiment  et  l'impression  de  la  vie.  L'histoire  des  religions, 
pour  être  exacte  et  fidèle,  doit  recourir  également  à  Térudition  patiente 
et  à  l'intuition  ;  elle  est  en  même  temps  une  science  et  un  art. 

Sylvain  Lévi. 

585.  —  Le  Talmud»  par  Arsène  Darmestete».   Paris,  Lçopold  Cerf,  1889,  in-S, 
66  p. 

En  tête  de  cette  substantielle  brochure,  des  mains  autorisées  ont  placé 
l'avis  suivant:  «  Cette  étude  sur  le  Talmud  a  été  écrite  avant  1870,  sauf 
un  passage  qui  a  été  ajouté  plus  tard.  Nous  la  reproduisons  ici  sans  y 
rien  changer,  Arsène  Darmesteter  était  bien  jeune  quand  il  Ta  écrite,  et 
il  a  pu  commettre  quelques  erreurs  de  détail,  à  peu  près  inévitables  en 
un  sujet  aussi  obscur  et  aussi  vaste.  En  outre,  les  études  talmudiques 
ont  fait,  depuis  vingt  ans,  de  grands  progrès;  les  questions  et  la  manière 
de  les  envisager  se  sont  complètement  transformées.  Telle  qu'elle  est, 
l'étude  de  A.  Darmesteter  sur  le  Talmud  n'en  est  pas  moins,  à  présent 
encore,  une  œuvre  utile  et  instructive;  il  en  a  tracé  le  cadre  avec  une 
sûreté  et  une  largeur  étonnantes,  et  elle  est  encore  la  description  la  plus 
exacte  et  la  plus  complète  qu'on  ait  de  cet  important  monument  reli- 
gieux des  Israélites.  »  Nous  ne  pouvons  que  nous  associer  à  cette  appré- 
ciation et  recommander  à  ceux  qui  s'occupent  du  judaïsme  une  étude 
destinée  à  faciliter  singulièrement  leurs  recherches. 

Voici  les  divisions  du  travail  :  Première  partie,  Etude  analytique  du 
Talmud  :  L  Caractères  généraux;  II.  La  Halakha;  III.  La  Haggada. 
Deuxième  partie,  Formation  du  Talmud,  esprit  de  cette  forma" 
tion  :  I.  La  Halakha  suivant  la  synagogue;  II.  Histoire  de  la  forma- 
tion de  la  Halakha;  III.  Influence  des  événements  sur  le  développement 
halakhique;  IV.  Esprit  du  développement  halakhique;  V.  Le  Talmud 
au  moyen  âge  et  dans  les  temps  modernes,  conclusion. 

M.  Vernes. 


587.  —  Fr.  Skutsch.  De  nominibus  latinîs  suffis.!  -no-  ope  formatis  obserua- 
tiones  uariae.  Vralislauiae,  G.  Kœbner,  1890,  34  pp.  in-8  (Diss.  iiiaug.). 

588. —  Dunkie  'Woei'ter.  Lexikalisches  von  I.  M.  Stowasser.  Wien  u.  Prag, 
Tempsky;  Leipzig,  Freytag,  1890,  02  pp.  in-8  (Sonder- Abdruck  aus  dem  Jahres- 
berichte  des  Franz-Iosepli-Gymnasiums  fur  1889/90). 

M.  Skutsch  part  de  l'impossibilité  du  passage  de  * uenenijîcus  à  ueni- 
ficus  pour  établir  que  nenenum  est  composé  de  uenes-  et  du  suffixe  ~no-. 
Ce  point  avait  été  déjà  établi  par  M.  Bréal.  Les  noms  en  -eno-  sont,  pour 
M,  S.,  formés  à  l'aide  du  suffixe  -ino-,  connu  dans  des  noms  féminins 
(doctrina),  dont  Vi  se  serait  dissimilé  devant  un  i  précédent  :  Nasidie^ 
nus  z=:  *  Nasidinus,  cp.pietas.  En  revanche,  dans  les  noms  de  divinités, 


500  REVUE    CRITIQUE 

comme  Iiigatîmis,  Potina,  on  a  la  forme  faible  du  suffixe  -ion..  Enfin 
les  suffixes  -gno-,  -gneo-,  -gino-,  -gineo-  ont  été  créés  par  suite  d'une 
fausse  analyse  de  mots  comme  ilignus,  iligiieiis,  où  les  suffixes  -no-  et 
•rico-  étaient  précédés  d'une  gutturale,  Cette  explication  avait  été  déjà 
donnée,  avec  plus  de  précision  et  de  brièveté,  par  M.  Louis  Havet  (Mém. 
Soc .  Ling.,  V,  SgS).  Il  y  a  donc  peu  de  nouveau  dans  cette  brochure. 
On  regrette  l'absence  d'un  index.  L'auteur,  qui  a  le  goût  de  la  polémique, 
aborde  au  passage  des  discussions  qu'on  voudrait  pouvoir  retrouver 
facilement  au  besoin. 

^L  Stowasser  s'occupe  d'une  centaine d'étymologies.  11  commence  par 
effacer  un  mot  des  lexiques  :  iillageris  qui  serait  dans  les  gromatici  une 
faute  pour  iiel  lagenaris.  Une  partie  des  mots  étudiées  sont  des  emprunts 
au  grec  :  mica  ([j-f/.y.6;),  sonarhim  (i^wvâpiov),  obtiirare  (xupoç),  stiiprum 
(ff-uçpo;),  mutto  (jjiOwv),  prospère  (^rpoçosp-rj;),  redimire  (cY;iJ-a],  properare 
[T.^ooi^i)i),fetiales[[T^ç,o\  -ç-ziTsia),  triumphus  [* içt[o\j.'so(^,  ganeum  [*^dva\.ov, 
cp.  Ivva-.ov),  perendie  (7:lp-/;v  die),  caeremonia  (y^oupe  moniiim),  paluda 
(àJ-AciBa).  Dans  d'autres  mots,  M.  S.  reconnaît  des  composés  latins  : 
amoena  loca  [admoena^admoeniaj,  nouerca  (adj.  de  noua  era) ,  priiiera 
(priua  era),  iiîtricus  (adj.  dsiiir  iter),  nutritus  (noiiitritus) ,  uinolentiis 
(iiinum  olens),  ceruix  (*ceruehexj.  On  voit  que  M.  S.  cherche  à  expli- 
quer le  latin  par  le  latin  ou  par  des  emprunts,  au  lieu  de  recourir  aux 
considérations  de  grammaire  comparée.  Dans  chacune  de  ces  petites  dis- 
sertations, si  les  résultais  sont  quelque  peu  hardis  ou  contestables, 
M.  Stowasser  fait  toujours  preuve  d'une  connaissance  très  personnelle 
de  l'emploi  des  mots  dans  les  textes  et,  suivant  l'heureuse  expression 
d'un  maître,  il  s'est  pénétré  de  sémantique  pour  croître  en  intelligence. 
On  retrouve  dans  son  travail  la  méthode  et  l'esprit  de  M.  Bréal.  C'est 


% 


assez  en  faire  l'éloge. 


P.  L. 


589.  —  J.  B.   BoRY.  A  history  of  ilie  latei»  I^oinan   Kinpii-e  from  Arcadius 
to  Irène,  London,   1889,  2  vol.  in-8,  4S2-579  pages,  chez  Macmillan. 

Si  le  livre  de  M.  Bury  n'était,  ainsi  qu'il  semble  au  premier  abord, 
que  le  récit  des  événements  dont  le  monde  romain  oriental  fut  témoin 
pendant  les  siècles  qui  ont  suivi  la  mort  de  Théodose,  il  n'y  aurait 
lieu  de  lui  consacrer  ici  que  quelques  lignes  :  il  suffirait  de  remercier 
l'auteur  pour  avoir  étudié  à  son  tour  une  période  peu  connue,  pour 
avoir  présenté  les  faits  avec  clarté  et  méthode,  et  pour  avoir  raconté 
avec  développement  certaines  parties  de  l'iiistoire  sur  lesquelles  on 
trouve  difficilement  des  récits  d'ensemble  :  il  y  aurait,  par  contre,  à 
exprimer  le  regret  qu'il  n'ait  pas  cru  devoir  faire  aux  références  la 
large  part  que  leur  a  donnée  Tillemont,  qui  reste  toujours  le  modèle 
et  le  maître  des  historiens  érudits. 

Mais  il  y  a  dans  ces  deux  volumes  une  idée  maîtresse,  exprimée  en 


d'histoire  et  de  littérature  Soi 

quelques  pages,  qui  mérite  d'être  signalée.  Pour  la  plupart  des  gens, 
même  éclairés,  les  siècles  qui  suivent  la  mort  de  Théodose  et  les  faits  qui 
se  déroulèrent  à  Constantinople  ou  dans  sa  sphère  d'action,  ne  valent 
pas  la  peine  d'être  étudiés;  il  n'y  a  rien  de  saillant  que  deux  ou  trois 
grands  règnes;  entre  le  monde  romain  et  celui  du  moyen  âge  existe 
une  lacune  qu'on  ne  prend  pas  la  peine  de  combler,  parce  que  l'on  ne 
croit  pas  qu'elle  mérite  de  1  être.  L'auteur  veut  réagir  contre  cette  opi- 
nion. Pour  lui,  le  rôle  qu'a  joué  à  ce  moment  l'empire  de  Constantino- 
ple a  été  considérable.  En  réalité,  on  ne  doit  pas  le  nommer  empire 
byzantin,  ni  empire  grec;  mais  bien  empire  romain  :  les  empereurs 
romains  ont  continué  sans  interruption  d'Arcadius  à  Constantin  Paleo- 
logue.  Sans  doute,  l'empire  romain  du  temps  de  Constantin  VII,  au 
X*  siècle,  est  complètement  différent  de  celui  de  Constantin-le-Grand; 
mais  c'est  toujours  l'empire  romain,  de  même  qu'un  homme  est  tou- 
jours le  même  dans  sa  vieillesse  comme  dans  son  enfance.  Il  a  persisté 
jusqu'en  14b  3  ;  mais  à  partir  de  800,  et  c'est  la  date  où  s'arrête  le  livre 
de  M.  B,,  il  a  eu  un  rival  dans  l'empire  romain  germanique  de  Charle- 
magne. 

Pendant  toute  cette  période,  l'empire  romain  a  continué,  sans  jamais 
défaillir,  l'œuvre  de  civilisation  qu'il  poursuivait  depuis  plusieurs  siè- 
cles. C'est  lui  qui  a  été  le  boulevard  de  l'Europe  contre  les  dangers 
venant  de  l'Orient  —  «  Maurice  et  Hcraclius,  dit  M.  B.,  sont  les  succes- 
seurs de  Thémistocle  et  de  Scipion  l'Africain  »  —  c'est  lui  quia  gardé  les 
traditions  littéraires  et  artistiques  gréco-romaines,  si  bien  que  les  Bar- 
bares iront  les  lui  demander,  quand  le  moment  sera  venu  pour  eux  de  les 
mettre  en  œuvre  ;  c'est  lui  qui  a  sauvé  le  commerce  européen,  lui  enfin 
quia  su  conserver  une  idée  dont  l'histoire  de  l'Europe  occidentale  a 
subi  l'influence  jusqu'à  nos  jours,  celle  de  l'empire  romain  lui-même  : 
sans  Constantinople,  l'idée  impériale  aurait  sombré  dans  la  tourmente 
des  invasions. 

Telle  est  la  conception  qui  a  guidé  l'auteur  et  qui  fait  l'originalité 
du  livre.  Ainsi  considérée,  la  période  historique  qui  sert  de  trait  d'union 
entre  le  monde  antique  et  le  moyen  âge  prend  un  intérêt  tout  particu- 
lier. M.  B.  l'a  bien  mis  en  lumière  et  l'a  défendu  avec  une  chaleur 
qui  lui  fera,  sans  doute,  plus  d'un  adepte.  Il  a  commencé  d'ailleurs  par 
en  chercher  dans  sa  famille,  puisque  le  chapitre  relatif  à  l'art  byzantin 
est  dû  à  la  plume  de  sa  femme  :  ce  n'est  pas  un  des  moins  agréables  à 
lire. 

R.  Gagnât. 

bgo.  —  Karl  Mùllenhoff.  Deutsche  Aîtertumskunde.  Erster  Band,  neuer 
vermehrte  Abdruck  besorgt  durch  Max  Rœdiger  mit  einer  Karte  von  Heinrich 
Kiepert.  Berlin,  Weidmann,  1890,  in-8,  xxxv-544  pages.  14  mark. 

Le  savant  au  zèle  pieux  duquel  nous  devons  cette  seconde  édition, 
s'est  attaché  à  faire  en  sorte  que  les  renvois  aux  pages  de  la  première 


5o2  RRVUE    CRITIQUE 

édition  se  rapportent  également  aux  pages  de  celle-ci.  Feu  Mûllenhoff 
avait  laissé  un  exemplaire  de  la  première  édition,  dans  lequel  il  avait 
changé  la  rédaction  d'un  certain  npmbre  de  passages,  et  sur  les  marges 
duquel  il  avait  écrit  des  additions.  Dans  la  seconde  édition,  les  change- 
ments ont  été  faits,  les  additions  ont  été  insérées  dans  le  texte,  quand  la 
réalisation  de  ces  deux  espèces  d'améliorations  pouvait  se  concilier  avec 
le  maintien  de  la  pagination  delà  première  édition.  Dansje  cas  contraire, 
les  changements  et  les  additions  ont  été  renvoyés  à  la  fin  de  Touvrage, 
où,  réunis  aux  quatre  pages  et  demie  àtNachtrage  iind  Berichtigungen 
de  la  première  édition,  ils  forment  les  douze  pages  et  demie,  cotées  497-509. 

Il  aurait  certainement  mieux  valu  faire  au  texte  primitif  toutes  les 
modifications  projetées  par  l'auteur  et  imprimer  en  marge  les  numéros 
des  pages  de  la  première  édition.  Telle  qu'elle  est  cependant,  la  seconde 
édition  sera  supérieure  à  la  précédente. 

Comme  exemple  des  additions  qu^en  France  on  lira  avec  intérêt,  citons 
celle  qui  concerne  la  page  1 10  et  qui  est  rejetée  à  la  page  5oo  :  il  s'agit 
de  la  date  où  Marseille  a  été  fondée.  Le  volume  se  termine  par  une  table 
alphabétique,  tandis  que  la  première  édition  n'en  a  pas  ;  enfin,  la  préface 
de  la  première  édition  a  été  complétée  par  deux  morceaux  dûs  à  la  plume 
de  Mûllenhoff  et  par  des  notes  de  M.  M.  Rœdiger  :  ces  deux  sortes 
d'additions  nous  font  connaître  la  genèse  de  l'œuvre  érudite  et  ingé- 
nieuse du  savant  défunt. 

H,  d'à.  de  J, 

591.  —  G.  AuDiSlo.  Histoire  civile  et  i>eligieus^e  des  papes  de  Constan» 
tin  à  oiiarlemagne,  traduite  de  l'italien  par  le  chanoine  Labis  et  annotée  par 
le  chanoine  Delvigne.  i  vol.  in-8,  444  pages.  Lille,  Desciée  ei  C'%  s.  d. 

Un  premier  volume  de  M.  Audisio,  qu'a  traduit  M.  Labis  (Bruges, 
i885),  contenait  l'histoire  civile  et  religieuse  des  papes  sous  les  empe- 
reurs païens.  Depuis,  auteur  et  traducteur  ont  poursuivi  leur  oeuvre.  Le 
nouveau  tome,  dont  nous  devons  rendre  compte,  nous  conduit  de 
Melchiade  à  la  mort  d'Hadrien  P""  (310-795). 

M.  A.  nous  donne  successivement  la  biographie  des  différents  papes, 
et,  en  même  temps,  il  expose  de  façon  sommaire  les  divers  faits  religieux 
qui  ont  marqué  leur  pontificat.  Son  récit  manque  d'éclat;  il  est  à  la 
fois  terne  et  déclamatoire.  Aucun  portrait  bien  vivant  n'est  tracé.  Tous 
ces  personnages,  auxquels  Técrivain  attribue  \ts  mêmes  vertus,  se  res- 
semblent. 

L'auteur  connaît  assez  bien  l'histoire  générale  ;  il  a  entrepris  quelques 
recherches  spéciales  sur  son  sujet  et  a  parcouru  les  anciens  recueils.  Mais 
il  ignore  à  peu  près  les  travaux  modernes.  Il  ne  s'est  point  servi  des 
Régestes  de  Jaffé  :  il  regarde  comme  authentiques  un  certain  nombre  de 
bulles,  reconnues   manifestement   comme  fausses  ^;    il  a  commis  des 

I.  Sans  parler  de  la  lettre  du  pape  Anastase  à  Clodovech,  nous  citerons  la  missive 
qu'aurait    adressée    Symmaque   à   Théodore,    évêque   de   Laurique.    Jaffé    n"    767. 


I 


d'histoire  et  de  littérature  5o3 

petites  erreurs  de  date  i  qu^une  simple  inspection  des  Régestes  lui  eût 
évitées.  Il  ne  connaît  pas  davantage  les  ouvrages  de  M.  l'abbé  Duchesne. 
Cet  historien  des  papes  s''imagine  encore  qu'Anastase  le  bibliothécaire 
est  Tauteur  du  Liber  pontificalîs. 

On  devine  ce  que  sont  les  jugements  de  M.  Audisio.  Tous  ceux  qui 
n'ont  pas  dévié  de  la  foi  orthodoxe  ou  qui  ont  rendu  quelque  service  au 
catholicisme,  sont  comblés  par  lui  de  louanges.  A  peine  s'il  blâme  l'assas- 
sinat de  Crispus,  commis  par  Constantin.  Tous  ceux  au  contraire  qui  se 
sont  écartés  du  symbole  de  Nicée  sont  considérés  comme  des  coupables 
et  leur  mémoire  est  chargée  des  plus  abominables  méfaits.  On  lit  dans 
son  livre  des  phrases  de  ce  genre  (p.  20)  :  «  Aux  novateurs  se  joint  un 
cortège  de  femmes,  honteux  et  ordinaire  appendice  des  hérésies  de  toute 
espèce.  » 

L'empereur  Julien  surtout  est  accablé.  On  écrit  :  «  D'empereur,  il 
devint  boucher.  »  On  réédite  sur  lui  les  plus  invraisemblables  anecdotes, 
p.  84  :  «  A  Carrhes,  il  se  renferma  dans  le  temple  fameux  de  Diane  et 
en  fit  sceller  les  portes.  Après  son  départ,  on  Touvrit  et  qu'y  trouva-t-on  ? 
Le  cadavre  encore  chaud  d'une  victime  humaine,  dans  les  entrailles  de 
laquelle  Julien  avait  cherché  l'avenir.  » 

En  somme,  l'auteur  a  compulsé  certains  documents;  son  livre  aura 
le  double  avantage  d'édifier  les  fidèles  et  de  leur  apprendre  quelques 
faits.  Mais,  dans  l'ensemble,  il  est  médiocre  et  les  érudits  le  peuvent 
négliger. 

Ch.   Pfister. 


5g2.  —  Le  collège  de  Tournon  en  Vîvai*ais  d'après  les  documents  originaux 
inédits,  par  Maurice  Massif,  ancien  archiviste  du  département  de  l'Ardèche.  Paris, 
Alphonse  Picard,   1890,  grand  in-8  de  Sig  p. 

Le  collège  de  Tournon  a  été  un  des  plus  célèbres  collèges  de  l'ancienne 
France.  Cet  établissement  méritait  de  trouver  un  historien  aussi  con- 
sciencieux et  aussi  habile  que  M.  Massip.  Son  volume,  orné  de  diverses 
grandes  qualités,  en  possède  surtout  deux  des  plus  enviables  :  il  est  neuf 
et  il  est  plein.  Neuf,  il  l'est  tellement  que  l'histoire  du  collège  de 
Tournon  était,  avant  la  publication  de  M.  M.,  à  peine  connue.  On  n'a- 
vait, sur  cet  établissement,  que  deux  notices  courtes,  insignifiantes,  nul- 
lement documentées  et  où  était  seulement  invoqué  ce  témoignage  de  la 
tradition  qui  est  toujours  incertain,  quand  il  n'est  pas  complètement 
trompeur.  Plein,  le  livre  l'est  à  ce  point,  que  l'auteur  a  été  surpris  et 
même  presque  effrayé  de  l'abondance  des  trouvailles,  dont  il  a  dû  tirer 
parti.  Les  nombreux  titres  du  collège  étaient  dispersés  un  peu  partout, 

M.  Audisio  s'appuie  aussi  sur  les  Actes  latins  de  saint  Sylvestre.,  tout  en  en  recon- 
naissant la  fausseté. 

I.  Melchiade  est  devenu  pape  le  2  juillet  3 10,  et  non  en  3ii;  Sylvestre  II  est  mort 
le  3i  décembre  335,  et  non  le  3i  décembre  336.  Agalhon  mourut  le  10  janvier  681, 
et  non  en  682,  etc.,  etc. 


504  REVUE    CRITIQUE 

en  Auvergne,  en  Dauphiné,  en  Languedoc,  en  Provence.  Leur  réunion 
entre  les  mains  du  zélé  ciierchcur  l'a  obligé  à  changer  le  plan  d'une  étude 
qui  prenait,  à  raison  des  relations  étendues  du  sujet,   des  proportions 
tout  à  fait  imprévues.  La  simplication  devenait  indispensable  et  l'auteur, 
tout  en  s'efforçant  de  ne  rien  omettre,  a  dû  tout  abréger.  Voici,  du  reste, 
comment  il  se  justifie  de  n'avoir  pas  donné  à  sa  monographie  toute  l'am- 
pleur qui  lui  convient  :  «  Celle-ci  suffira,  croyons-nous,  aux  anciens 
élèves  du  lycée  de  Tournon,  pour  qui  elle  est  écrite.  Ils  nous  ont  fait 
l'honneur  de  nous  la  demander  ;  nous  sommes  heureux  de  la  leur  offrir. 
Ils  désiraient  qu'elle  ne  fût  ni  trop  longue  ni  trop  savante.  Il  est  diffi- 
cile d'aller  vite  sur  un  chemin  où  des  Protestants,  des  Ligueurs,  des  Jan- 
sénistes, des  Cartésiens,  des  Malebranchistes,  arrêtent  à  chaque  pas  le 
voyageur;  où  il  rencontre  des  juges  dont  les  arrêts  troublent  sa  bonne 
foi;  des  maîtres  dont  il  voudrait  écouter  la  parole;  des  imprimeurs  qui 
l'invitent  à  feuilleter  leurs  savants  livres  ;  des  apôtres  qu'il  voudrait  sui- 
vre; des  écoliers  qui  veulent  l'entraîner  dans  le  monde,  à  la  Cour,  dans 
les  camps,  dans  les  cloîtres  et  toujours  loin  du  collège.  Et  comment  le 
récit  de  celui  qui  a  vu  tant  de  choses  singulières  et  tant  de  savantes  gens, 
pourrait-il,  s'il  est  bref,  n'avoir  pas  l'apparence  d'une  impression  super- 
ficielle, recueillie,  en  passant,  par  un  observateur  trop  pressé.  Nous  le 
donnons  ainsi,  puisque  tel  on  Ta  voulu,  et  fidèle  néanmoins,  souhaitant 
qu'il  soit  conforme  au  goût  de  ceu.K  qui  voudront  le  lire.  Ceci  expli- 
quera pourquoi,    après  avoir  si  longtemps  cherché    et  abondamment 
recueilli,  nous  n'avons  utilisé  qu'une  partie  de  nos  ressources.  Ceci  expli- 
quera encore  pourquoi  cette  histoire  se  présente  au   lecteur  sans  être 
accompagnée,  comme  le  veut  l'usage,  d'un  cortège  érudit  de  pièces  justi- 
ficatives. Les  preuves,  aussi  bien  que  les  faits  secondaires,  devaient  ici 
céder  la  place  aux  faits  essentiels.  Il  nous  a  paru  suffisant  d'indiquer  les 
sources;  il  sera  toujours  facile  de  les  retrouver  ». 

La  monographie  est  divisée  en  quatres  livres  :  I.  Les  origines  du  col- 
lège; II.  Les  Jésuites;  III.  Bureau  du  collège;  IV.  Les  Oratoriens. 
Chacun  de  ces  livres  est  subdiviséen  plusieurs  chapitres  relatifs  —  je  ne 
mentionne  que  les  principaux  —  au  fondateur  (le  cardinal  François  de 
Tournon)  \  à  l'édifice  (construit  en  1548)  \  aux  premières  dotations,  aux 
études,  au  principal  et  aux  régents,  au  nouveau  régime,  au  temporel  et 


même 


1.  L'ouvrage  débute  par  la  rectification  d'une  erreur  très  répandue  et  qui  a  

été  admise  parles  auteurs  de  ï Histoire  générale  du  Languedoc  (t.  V,  p.  160)  :  «  Quel- 
ques erudits  ont  attribué  l'honneur  de  cette  fondation  mémorable  au  baron  Just  I"de 
Tournon,  frère  aîné  du  cardinal  Le  prélat,  dit-on.  après  avoir  érigé  un  collège  à 
Auch  dont  il  était  archevêque,  donna  l'idée  à  son  frère  d'en  fonder  un  autre  dans  sa 
ville  natale  et  il  concourut  à  cette  fondation  en  1 534  avec  ses  neveux,  Jacques,  évêque 
de  Valence,  et  Charles,  évêque  de  Viviers.  On  oublie  que  Just.  frère  aîné  du  cardi- 
nal etau  mort  en  i525  à  la  bataille  de  Pavie,  que  le  cardinal  ne  prit  possession  de 
1  archevêché  d'Auch  qu'en  ,538  et  que  le  collège  auscitain  fut  fondé  en  i543». 

2.  Rien  n'a  survécu  des  constructions  du  xvi«  siècle.  L'édifice  occupé  aujourd'hui 
par  le  lycée,  héritier  du  collège,  date  de  1714. 


d'histoire  et  de  littérature  5o5 

aux  boursiers,  aux  écoliers  et  pédagogues,  aux  programmes  et  méthodes, 
à  l'incendie  du  collège  (3  avril  1714),  à  ses  propriétés,  à  ses  revenus,  à 
ses  charges,  aux  lettres  patentes  de  1767,  de  1769,  de  1770,  à  la  situa- 
tion générale  de  l'établissement  au  moment  où  les  Oratoriens  succédè- 
rent aux  Jésuites,  après  la  dissolution  de  la  compagnie,  aux  études  et  aux 
pensionnaires  sous  la  remarquable  administration  du  Père  Laurent  d'An- 
glade,  fils  d^un  ancien  président  au  siège présidial  de  Condom,et  qui  lui- 
même  s'intitulait  «  vrai  gascon  de  la  Gascogne  ^  »,  à  l'influence  de  la 
Révolution  sur  les  destinées  du  collège,  à  l'ordre  nouveau  dans  les  étu- 
des, etc. 

Tous  les  renseignements  condensés  en  ces  divers  chapitres  ont  été  pui- 
sés aux  sources  les  plus  pures,  aux  documents  des  archives  départemen- 
tales de  l'Ardèche  et  de  quelques  autres  dépôts  (Drôme,  Isère,  Lyon, 
Toulouse,  etc.).  Certes  l'auteur  n'a  pas  négligé  les  documents  imprimés, 
depuis  les  plus  anciens,  comme  le  rarissime  traité  de  Jean  Pélisson  (de 
l'antiquité  de  la  famille  de  Tournon,  i565),  jusqu'aux  plus  récents, 
comme  V Histoire  du  collège  de  la  Flèche  que  vient  de  publier,  en  qua- 
tre substantiels  volumes  in-8°,  le  R.  P.  C.  de  Rochemonteix.  Mais  on 
peut  dire  que  la  véritable  base  de  son  livre,  le  solide  substriictum  ào.  son 
monument,  est  une  masse  énorme  de  documents  authentiques  et  inédits 
employés  avec  une  sage  discrétion  et  un  art  des  plus  heureux. 

Dans  l'Appendice  (p.  283-3 17I,  ont  été  rejetées  des  notes  sur  François 
de  Tournon,  sur  la  gratuité  de  renseignement  (réclamée  par  le  fameux 
Ramus  dès  i562);  sur  Pierre  Richer,  sur  Pierre  de  Villars,  sur  le  P.  Ed- 
mond Auger,  sur  Bon  de  Broé,  sur  le  P.  Coton,  sur  Jacques  de  Banne, 
sur  l'étude  de  la  langue  française  (avec  citation  d'un  passage  du  Demo- 
critic  de  Jacques  Tahureau,  i565,  et  d'un  passage  de  la  harangue  du 
conseiller  d'État  Barin  inaugurant,  cent  ans  après,  le  collège  de  Riche- 
lieu), etc. 

Le  volume  est  imprimé  sur  très  beau  papier,  comme  il  convient  à  un 
livre  sortant  des  presses  d'Annonay;  et,  ce  qui  vaut  encore  mieux,  il  est 
très  correctement  imprimé.  A  peine  y  voit-on  de  petites  fautes  comme 
celle  qui  (p.  171)  transforme  le  nom  de  Geraud  de  Langalerie  en  celui 
de  Giraud  de  Langalerie.  Cela  disparaîtra  facilement  dans  une  nouvelle 
édition  qui  me  semble  devoir  être  très  prochaine.  Je  demande  pour  cette 
nouvelle  édition  une  table  des  matières,  injustement  sacrifiée,  cette  fois, 
comme  nous  l'apprend  le  trop  modeste  auteur  en  une  note  de  la  page  283  : 
oc  Le  grand  nombre  de  noms  cités  dans  cette  notice  nous  avait  engagés  à 
la  faire  suivre  d'une  table  alphabétique  générale.  Nous  avons  craint,  ce 
faisant,  de  donner  à  notre  travail  un  air  d'importance  qui  ne  saurait  lui 
convenir.  » 

T.  DE  L. 

I.  Tout  le  chapitre  sur  le  P.  d'Anglade  abonde  en  détails  charmants.  C'est,  après 
le  cardinal  de  Tournon,  le  héros  du  livre.  Déjà  cet  oratorien  éminent  avait  été  hono~ 
rablement  mentionné  dans  V Histoire  de  Pierre  de  Bérulle,  par  Tabaraud  (Paris, 
1817,  tome  II,  p.  3o5),  dans  V Instruction  publique  à  Condom  sous  l'ancien  régime,  par 
M.  J.  Gardère  (Auch,  1889,  grand  in-80,  p.  i32). 


5o6  REVUE   CRITIQUE 

5g3,  cian$>iquc«»   populaires   édités  par  Lecène   et   Oudin.    Cervantes,  par 

Lucien  Biart.  Un  volume  de   233    pages,  avec  nombreuses  gravures  hors  texte. 
Paris,  1890.  I  fr.  5o. 

Quand  il  s'agit  non  seulement  du  premier  prosateur  espagnol,  mais 
d'un  génie  aussi  universellement  populaire  que  Cervantes,  c'est  peu,  sans 
doute,  de  deux  cents  pages  pour  donner  une  idée  exacte  à  la  fois  de 
l'œuvre  et  de  l'écrivain.  C'est  ce  que  M.  Lucien  Biart  s'est  proposé  de 
faire,  et  j'estime  qu'il  y  a  réussi.  Mêlant  la  critique  à  l'analyse,  les  ren- 
seignements historiques  aux  extraits,  il  nous  donne  dans  ce  court  volume 
une  biographie  du  «  Manchot  de  Lepante  »,  un  aperçu  de  ses  principa- 
les productions,  en  même  temps  qu'il  apprécie  avec  justesse  leur  valeur 
respective,  le  but  et  la  portée  littéraire  et  morale  du  Don  Quichotte,  La 
traduction  des  extraits  ne  laisse  rien  à  désirer  au  point  de  vue  de  la  lan- 
gue et  rend  bien  la  physionomie  de  l'original.  On  peut  regretter  seule- 
ment que  le  manque  d'espace  ait  obligé  M.  Biart  à  mutiler  excessive- 
ment ce  livre,  dont  on  ne  peut  lire  le  premier  chapitre  sans  aller  jusqu'au 
bout,  et  que  son  admiration  pour  l'auteur  de  l'ingénieux  HiJalgo  ferme 
ses  yeux  aux  mérites  très  réels  de  la  littérature  chevaleresque  au  moyen 
âge. 

G.  Strehly. 


594.    —    Racine   und   lleliodor.    Inaugural-dissertation    von    Aloys    Tûchert. 
K.  Studienlehrer  in  Zweibrûcken.  Zweibrikken,  iSgo. 

A  quels  signes  et  dans  quelle  mesure  peut-on  retrouver  dans  l'œuvre 
de  Racine  l'influence  du  romancier  grec  Héliodore?  Telle  est  la  ques- 
tion que  se  pose  M.   Tûchert  dans  cette  intéressante  étude.  On  connaît 
le  passage  célèbre  des  mémoires  de  Louis  Racine,  où  le  fils  du  grand 
tragique  nous  rappelle  avec  quelle  passion  son  père,  pendant  son  séjour 
à  Port-Royal,  s'était  adonné  à  la  lecture  du  roman  grec  :   «  Les  amours 
de  Théagène  et  Chariclée.  »  Le  sacristain  Claude  Lancelot,  le  surpre- 
nant dans  cette  lecture,  avait  jeté  le  livre  au  feu.    Racine  trouva  le    -■ 
moyen  de  s'en  procurer  un  autre  exemplaire,  qui  eut  le  même  sort  :  le 
même  manège  recommença  pendant  quelque  temps,  et,  de  guerre  lasse, 
Racine  apprit  le  livre  par  cœur  pour  se  soustraire  à  la  pieuse  persécu-. 
tion  de  Lancelot.  Il  était  impossible,  dans  ces  conditions,  qu'une  lec 
ture  aussi   approfondie  du  roman    d'Héliodore    n'eût    exercé   aucune 
influence  sur  les  tragédies  de  Racine  :  M.   T.   s'est  donné  la  tâche  de 
retrouver  cette  influence,  et  il  a  su  distinguer,  avec  beaucoup  de  clair-j 
voyance,  ce  qui  revient  au  modeste  romancier  grec  dans  l'œuvre  à 
Racine  :  la  part  de  l'imitation  n'est  pas   grande,  mais  elle  existe,  e 
M.  T.  est  bien  en  droit  de  la  chercher.  Seulement,  il  a  le  tort  de  pous 
£er  trop  loin  son  idée  :   à  force  de  chercher  l'imitation,  il  l'invente'. 
N'est-il  pas  étrange  de  noter  un  passage  d'Héliodore  où  le  romancierj 
grec  parle  de  l'obscurité  coutumière  des  oracles  et  de  faire  observer  quff 
Ylphigénie  de  Racine  contient  en  effet  une  prophétie  à  double  sens?  Cet 


d'histoire  et  de  littérature  5o7 

exemple  montre  assez  clairement  qu'il  faut  user  avec  modération   de 
semblables  rapprochements.  On  peut  accorder  en  effet  que  le  roman 
d'Héliodore  fût  très  familier  à  Racine  :  il  est  beaucoup  moins  vraisembla- 
ble qu'il  lui  fût  sans  cesse  présent  à  la  mémoire.  Un  reproche  plus 
sérieux  peut  s'adresser  à  la  composition  même  de  l'ouvrage  :  du  com- 
mencement à  la  fin  l'étude  se  rétrécit  au  lieu  de  s'élargir.  L'auteur  entre 
en  matière  par  les  remarques  les  plus  générales  :  il  constate,  à  la  fois 
chez  le  romancier  et  chez  le  tragique,  l'abus  des  périphrases,  la  recherche 
constante  du  terme  noble,  les  mêmes  jeux  d'antithèses  qui  font  s'entre- 
choquer les  membres  de  phrase  chez  Héliodore  et  les  hémistiches  chez 
Racine;  il  montre  comment,  chez  l'un  et  l'autre  écrivain,  les  caractères 
de  femmes  sont  le  plus  souvent  énergiques  et  passionnés  tandis  que  les 
hommes  paraissent  ternes  et  fades;  il  est  frappé  de  constater,  de  part  et 
d'autre,  Tamour  du  vainqueur  pour  le  vaincu,  la  passion  de  Trachinus 
pour  Chariclée  et  celle  de  Pyrrhus  pour  Andromaque;   il  observe  avec 
raison  que  le  lomancier  grec  et  le  poète  français  donnent  à  la  femme  un 
rôle  et  une  importance  que  lui  refusait  l'antiquité;  il  nous  signale  enfin 
l'abus  des  confidents,  la  prédilection  des  deux  auteurs  pour  les  dénoue- 
ments heureux,  l'absence  de  couleur  locale.   Ce  sont  là  de  fort  justes 
remarques  qui  donnent  beaucoup  d'intérêt  à  la  première  partie  de  l'ou- 
vrage; mais  est-il  naturel,  ou  même  habile,  de  faire  suivre  ces  observa- 
tions générales  d'une  nomenclature,  assez  exacte  d'ailleurs,  des  passages 
d'Héliodore  imités  par  Racine?  La  dissertation  cesse  tout  d'un  coup 
pour  faire  place  à  un  index.  Il  s'ensuit  que  la  seconde  moitié  de  l'ouvrage 
est  à  peu  près  illisible,  ou  ne  se  lit  qu'au  prix  d'un  assez  grand  effort. 
Les  remarques  se  succèdent  suivant  l'ordre  chronologique;  ce  qui  est 
d'une  composition  bien  artificielle  et  bien    rudimentaire.  C'est  là  le 
défaut  le  plus  grave  de  l'ouvrage  de  M.  Tûchert.  On  doit  toutefois  lui 
savoir  gré  d'avoir  traité  son  sujet  avec  conscience  et  avec  goût,   sinon 
avec  une  parfaite  mesure.  Son  étude  est  pleine  d'une  respectueuse  admi- 
ration pour  Racine  qu'il  connaît  bien  et  qu'il  sent  bien  :  elle  offre,  en 
somme,  un  assez  grand  intérêt  pour  les  lecteurs  d'Héliodore  —  aujour- 
d'hui bien  peu  nombreux  —  et  pour  les  amis  de  Racine,  qui  ne  sont  pas 
tous  en  France,  on  le  voit. 

Georges  Dalmeyda. 


595.  —  L.  Meyntel.  iVapoléon  1er,  sa  vie,  son  œuvre,  i  vol.  in-8,  viii-270  pages. 
Paris,  Delagrave,   1890. 

M.  Meyniel  écrit  dans  son  avant-propos  :  «  Notre  livre  ne  s'adresse 
pas  aux  érudits,  ni  aux  lettrés.  Nous  avons  écrit  surtout  pour  le  peuple, 
pour  la  jeunesse  des  écoles.  Modeste  promeneur  au  pays  de  l'Histoire, 
nous  n'avons  pas  la  prétention  de  nous  poser  en  rhéteur  ou  en  histo- 
rien ;  notre  seul  but  est  de  vulgariser  les  exploits  de  nos  pères,  et  surtout 
de  substituer  la  vérité  à  cette  légende  césarienne  qui  pèse  encore  si  lour- 


n 


5oS  REVUE    CRITIQUE 

dément  sur  la  France.  »  Le  livre  de  M.  M.  est  donc  avant  tout  un  pré- 
cis. L'histoire  des  campagnes  de  Napoléon  y  est  convenablement  résu- 
me'e  ;  les  principales  institutions  du  Consulat  et  de  TEmpire  ne  sont  pas 
oubliées;  mais  on  devine  par  la  phrase  citée  que  M.  Meyniel  insiste 
plutôt  sur  les  défauts  que  sur  les  qualités  de  l'Empereur  des  Français, 
que,  par  suite,  il  est  partial.  Il  a  pour  guide  au  début  le  général  Jung 
et  il  s'attarde  plus  que  de  raison  pour  un  manuel  à  discuter  la  date 
de  la  naissance  de  Bonaparte  et  à  suivre  le  jeune  Corse,  devenu  sous- 
lieutenant,  dans  ses  différentes  garnisons.  Plus  tard,  il  emprunte  vo- 
lontiers ses  citations  à  Lanfrey  et  à  Taine.  Il  n^écrit  pas  toujours  bien 
ses  noms  propres;  il  imprime  Brunswick,  Liibech,  etc.,  James-Toiim 
pour  Jamestown.  Parfois  il  manque  de  netteté.  P.  8,  on  lit  :  «  l'École 
militaire  de  Paris  avait  été  supprimée  en  1776  »;  p.  i3  :  «i  Napoléon 
demanda  à  être  admis  en  qualité  de  cadet-gentilhomme  à  l'École  mi- 
litaire de  Paris.  »  11  fallait  écrire  dans  la  première  phrase  :  «  TÉcole 
avait  été  transformée.  »  La  carte  de  l'Europe  centrale  publiée  page  222 
est  très  mauvaise  ;  vous  y  chercheriez  en  vain  les  noms  d'Eylau  et  de 
Friedland.  Ce  sont  là  des  chicanes  de  détail.  Dans  son  ensemble,  le 
livre  ne  présente  ni  grands  défauts  ni  grandes  qualités.  On  doit  savoir 
toutefois  gré  à  l'auteur  des  nombreux  faits  qu'il  a  réunis. 

Ch.  P. 


596.  —  Schîllei-,    sein   Leben    und    seine  Werke,   dargestellt  von  J.  Minor  o.œ. 
Professor  an  der  Universitœt  Wien.  Berlin,  Weidmann,  i^ter  et  2''^^  Bd.  iiSgo. 

L'ouvrage  complet  formera  quatre  volumes  in-8,  de  cinq  à  six  cents 
pages  chacun.  Les  deux  premiers  ont  seuls  paru  jusqu'à  présent,  l'un  en 
décembre  1889,  l'autre  en  septembre  dernier.  Ils  ne  conduisent  encore 
la  vie  de  Schiller  que  jusqu^à  la  publication  de  Don  Carlos,  en  1787; 
mais  on  peut  dès  maintenant  juger  de  la  valeur  générale  du  travail  en- 
trepris par  M.  Minor. 

D'abord  ce  travail  arrive  à  son  heure.  En  ces  vingt  dernières  années, 
une  foule  d'études  particulières  ont  éclairci  les  derniers  points  restés 
obscurs  ou  douteux  dans  l'histoire  de  Schiller  et  de  son  entourage.  Les 
résultats  acquis  valaient  la  peine,  paraît-il,  qu'on  les  consignât  dans 
une  grande  publication  d'ensemble;  car  les  biographies  nouvelles  de 
Schiller  abondent  depuis  1880  (Duntzer  1881,  Hepp  i885,  Weltrich 
i885,  Palleske  (i2''édit.)  1886,  Otto  Brahm  1888),  et  quelques-unes 
sont  fort  volumineuses.  Celle  de  M.  Minor  n'est  pas  seulement  la  plus 
récente  de  toutes  et  sera  probablement  la  plus  complète  ;  elle  se  distin- 
gue par  un  mérite  intrinsèque  qui  lui  est  propre,  l'originalité  et  la  jus- 
tesse de  l'idée  fondamentale  dont  s'inspire  son  plan.  Ceux  qui  jusqu'ici 
ont  raconté  l'adolescence  de  Schiller,  n'avaient  jamais  attentivement 
analysé  le  fonds  d'idées  et  de  connaissances  qu'il  avait  acquis  primiti- 
vement. Ils  ne  voyaient,  dans  les  circonstances  de  jeunesse  qui  ont  le 


d'histoire  et  de  littérature  5 09 

plus  influé  sur  lui,  que  d'insignifiantes  données  et  des  renseignements 
dépare  curiosité.  Ils  n'ont  pu  ainsi  éclairer  de  sa  vraie  lumière  la 
période  d'assimilation,  base  et  fondement  de  la  période  de  production. 
Le  premier,  M.  M.  a  utilisé  et  classé  ces  menus  détails  comme  de  pré- 
cieux documents  qui  ouvrent  un  jour  tout  nouveau  sur  le  premier  éveil 
et  le  développement  graduel  des  pensées  les  plus  fécondes  de  Schiller. 

C'était  là  un  point  capital.  Gomme  l'auteur  le  constate  avec  raison,  le 
caractère  distinctif  de  Schiller,  penseur  et  poète,  est  la  parfaite  unité 
morale  de  son  existence  d'écrivain,  relTort  constant  de  son  esprit  vers 
le  même  idéal  à  atteindre,  un  irrévocable  attachement  aux  principes 
philosophiques  et  littéraires  dont  il  s'est  imprégné  une  fois  pour  toutes 
dans  le  cours  de  sa  jeunesse.  Comparé,  en  effet,  au  génie  de  Goethe,  sans 
cesse  en  évolution  et  plein  de  métamorphoses,  toujours  puissant,  mais 
finissant  par  un  sensible  déclin,  celui  de  Schiller,  tout  aussi  étendu, 
mais  peu  souple  et  d'une  rare  fixité,  n'a  jamais  dévié  de  sa  direction - 
primitive  et,  jusqu'au  dernier  souffle  de  l'homme,  n'a  cessé  de  progres- 
ser, en  traversant  brillamment  une  série  d'épurations,  toutes  opérées 
dans  le  même  sens.  Or,  du  moment  que  ce  génie,  si  droit  et  si  consé- 
quent avec  lui-même,  a  été  remarquable  aussi  par  son  extraordinaire 
précocité,  et  qu'il  s'est  muni  de  bonne  heure  de  la  provision  d'idées  et 
de  principes  nécessaires  à  ses  triomphes  ultérieurs,  il  était  essentiel  de 
ne  jamais  perdre  de  vue  les  rapports  naturels  qui  doivent  exister  entre 
l'histoire  particulière  de  son  éducation  ou  de  ses  études  et  la  genèse  de 
ses  grandes  œuvres.  C'est  parce  que  M.  M.  a  reconnu  cette  correspon- 
dance intime  dans  toute  sa  réalité  qu'il  a  pu  éviter  avec  tant  de  succès, 
dans  son  difficile  premier  volume,  l'écueil  de  toutes  les  biographies  anté- 
rieures à  la  sienne  :  l'incertitude  du  plan  ou  l'obscurité  qui  résulte  de 
Tentassement  confus  des  matériaux. 

L'auteur  doit  cette  idée  maîtresse  de  son  œuvre  à  une  heureuse  for- 
tune. Il  lui  a  été  accordé  de  soumettre  à  une  nouvelle  et  minutieuse 
révision  les  archives  de  Schiller  à  l'époque  où  les  possédait  le  baron  de 
Gleichen-Ruszwurm,  et  il  a  pu  relever  enfin,  dans  leur  intégralité  et  dans 
leur  ordre  exact  de  succession,  les  lectures  faites  ouvertement  ou  en 
cachette  par  son  héros,  enfant  ou  élève.  Il  a  découvert  deux  cahiers  de 
notes  de  Schiller,  l'un,  daté  de  1779,  résumé  du  cours  d'un  de  ses  pro- 
fesseurs sur  la  poétique  et  la  stylistique,  l'autre,  de  1773,  ayant  rapport 
à  la  géographie  politique  de  l'Allemagne.  Il  a  constaté,  en  outre,  dans 
la  bibliothèque  mise  à  sa  disposition,  la  présence  de  la  vieille  traduc- 
tion allemande  des  Vies  de  Plutarque  par  Schirach,  et  celle  du  propre 
Goet\  von  Berlichingen  que  Schiller  s'était  jadis  procuré  dans  l'inten- 
tion de  concourir  pour  le  prix  attribué  par  Nuremberg  à  un  drame  de 
même  genre.  M.  M.  a  donc  pu  étendre  et  creuser  à  fond  la  question  si 
importante  des  premières  impressions  littéraires  de  l'écrivain.  Aussi,  en 
tournant  les  pages  de  son  premier  volume,  a-t-on  autant  de  profit  que 
de  plaisir  à  voir  le  goût  de  Schiller  se  décider  si  franchement,  et  son 


5  10  REVUE    CRITIQUE 

talent  s'oiienter  si  aisément,  d'abord  à  la  lecture  de  Klopstock,  puis 
sous  le  coup  des  publications  les  plus  admirées  de  l'époque,  Werther, 
Goet^,  Jules  de  Tarcnte  et  des  traductions  de  Piutarque  et  de  Shaks- 
peare,  endn  par  l'effet  de  l'étude  réfléchie  des  principales  oeuvres  de  Vir- 
gile, de  J.-J.  Rousseau,  d'Adam  Ferguson,  de  Wieland,  de  Lessing 
et  de  Herder. 

Rien  ne  pouvait  mieux  montrer  la  profonde  connexion  entre  le  tra- 
vail des  rapides  années  d'apprentissage  et  l'idée  ou  la  forme  des  œuvres 
de  maîtrise  du  grand  homme,  queletableau  d'ensemble,  si  vrai,  silumi- 
neux,  quoique  si  rempli,  que  le  premier,  M,  M.  a  su  tracer  du  passage 
forcé  de  son  héros  par  l'Académie  militaire  de  Stuttgart.  Tout  Schiller 
s'explique  et  se  comprend  mieux  comme  poète,  comme  philosophe  et 
comme  historien,  dès  que  son  génie  si  varié  peut  être  observé  et  suivi 
à  travers  tous  les  degrés  de  son  développement  initial.  La  poésie,  dira-t- 
on, était  en  lui  un  don  de  nature.  Cela  est  vrai.  Mais  les  tendances 
particulières  des  plus  grands  artistes  ont  rarement  une  autre  origine 
qne  leur  admiration  juvénile  pour  quelques  modèles,  et  la  vérité  sur  la 
nature  de  ces  modèles  est  ici  des  plus  instructives.  Ainsi,  Schiller 
a  eu  de  très  bonne  heure,  au  cours  même  de  la  rédaction  des  Bri- 
gands, l'idée,  bien  qu'encore  vague,  d'une  nouvelle  forme  dramatique, 
intermédiaire  entre  l'économie  diffuse  des  pièces  shakspeariennes  et 
l'excessive  concentration  de  la  tragédie  française.  Comment  se  ren- 
dre compte  de  cette  hardie  intuition  de  son  génie,  si  l'on  ignore 
que  Schiller,  si  jeune  qu'il  fût,  avait  eu  à  l'école  ducale  l'occasion 
de  juger  sur  pièces  les  représentants  les  plus  illustres  des  deux 
systèmes  dramatiques  qu'on  commençait  à  opposer  l'un  à  l'autre? 
D'une  part,  il  avait  lu,  avec  tout  l'enthousiasme  des  Allemands  de  son 
temps,  Goet^  de  Berlichingen,  Jules  de  Tarente  et  le  théâtre  de 
Shakspeare  traduit  par  Wieland;  d'autre  part,  il  avait  suivi  un  cours 
de  français  et  fréquemment  entendu  son  professeur,  un  ancien  acteur 
du  nom  d'Uriot,  vieillard  aimable  et  tout  pénétré  de  la  tradition  classi- 
que, déclamer  avec  amour,  et  non  sans  commentaires,  des  scènes 
entières  de  Molière,  de  Racine  et  de  Voltaire. 

Né  poète  et  ayant  trouvé  dans  l'étude  une  simple  indication  pour  la 
direction  de  son  talent,  il  est  devenu  au  contraire  philosophe  en  écoutant 
un  de  ses  maîtres  les  plus  aimés,  J.-Fr.  Abel.  Celui-ci,  un  éclectique  qui 
empruntait  ses  opinions  à  Leibnitz,  à  Wolf,  à  Locke  et  aux  Ecossais, 
avait  adopté  et  recommandé  plus  spécialement  à  ses  élèves  la  doctrine 
d'Adam  Ferguson  sur  le  rôle  fondamental  joué  dans  la  vie  humaine  par 
les  deux  principes  de  l'amour  désintéressé  et  de  l'esprit  spontané  de 
sacrifice.  Schiller,  à  qui  en  particulier  il  communiqua  son  enthousiasme 
pour  cette  doctrine,  la  fit  sienne  pour  toujours,  en  prenant  dès  lors  pour 
livre  de  chevet  la  récente  édition  allemande  (1771)  des  Institutes  of 
moral  philosopliy  du  penseur  anglais.  La  preuve,  c'est  que  les  deux 
principes  de  Ferguson  se  retrouvent  au  fond  de  la  plupart  des  poésies    i 


d'histoire  et  de  littérature  5  I  I 

et  des  dissertations  scolaires  du  jeune  Schiller,  et  qu^on  les  rencontre 
plus  tard  dans  les  Dieux  de  la  Grèce,  dans  V  Hymne  à  la  joie,  dans  le 
rôle  du  marquis  de  Posa,  dans  la  Fête  d'Eleusis  et  jusque  dans  la 
Cloche. 

Non  moins  importante  à  noter  est  Paction  exercée  sur  lui  par  son  pro- 
fesseur d'histoire,  Schoît.  Elle  a  été,  en  un  genre  ici  secondaire,  une  des 
plus  durables.  En  1778,  ce  maître,  préféré  entre  tous  à  l'École  de 
Charles,  fit  pleurer  à  chaudes  larmes  tout  son  Jeune  auditoire  en  lui 
racontant  l'infortune  de  Conradin  et  les  malheurs  de  Marie  Stuart.  Une 
autre  fois,  en  1779,  il  exposa  devant  ses  élèves  avec  la  même  émotion 
la  politique  de  Philippe  II  et  la  révolte  des  Pays-Bas.  Si  Schiller  a  traité 
plus  tard  les  mêmes  sujets  que  son  maître,  ce  n'est  pas  pur  hasard,  mais, 
on  peut  hardiment  l'affirmer,  une  suite  de  la  profonde  impression  qu'il 
avait  ressentie  dans  les  cours  de  Schott. 

De  pareils  traits  sont  destinés  à  pénétrer  le  plan  de  l'ouvrage  entier,  â 
en  fortifier  Funité  intérieure  et  à  faire  concorder  dans  une  harmonieuse 
vérité  ses  parties  les  plus  éloignées.  Tous  les  volumes  à  venir  devront 
en  recevoir  quelque  lumière  nouvelle.  On  peut  déjà  le  constater  facile- 
ment pour  le  second  qui  vient  de  paraître.  Mais  nous  n'insisterons  pas 
sur  ce  point  particulier.  Nous  préférons  indiquer  le  développement 
propre  d'un  autre  ordre  d'idées,  particulièrement  intéressant  pour  des 
lecteurs  français. 

Les  audaces  des  Brigands  avaient  montré  en  Schiller  l'émule  ins- 
tinctif des  poètes  de  la  période  d'orage.  Il  ne  voulait  reconnaître  au  théâ- 
tre d'autre  modèle  que  Shakspeare.  Très  mal  disposé  pour  la  tragédie 
classique  des  Français,  ce  n'est  qu'à  la  fin  de  1785  qu'il  cite  enfin,  dans 
le  premier  numéro  de  sa  Thalie,  quelques-uns  de  nos  auteurs  sans  anti- 
pathie ou  sans  parti-pris  de  dénigrement.  Il  avait  donc  à  triompher  de 
fortes  préventions  personnelles,  pour  prendre  goûta  leur  lecture  et  sur- 
tout pour  essayer  de  s'assimiler  leurs  qualités.  M.  M.  a  eu  l'excellente 
idée  de  noter  tous  les  progrès  que  Schiller  a  faits  successivement  dans 
cette  voie  ;  car  de  ces  progrès  dépendait  l'originalité  du  système  nouveau 
crée  par  le  grand  dramaturge.  Le  point  de  départ  est  dans  le  séjour  assez 
prolongé  qu'il  fit,  après  sa  fuite  de  Stuttgart,  dans  un  pays  de  goût  exclu- 
sivement français,  le  Palatinat.  Charlotte  de  Kalb,  sa  grande  amie  à 
Mannheim,  avait  voué  dès  Tenfance  une  admiration  sans  bornes  à  notre 
littérature  et  elle  continuait  de  se  montrer  enthousiaste  surtout  de  Racine 
et  de  Voltaire.  Dans  le  salon  de  Sophie  de  la  Roche,  où  Schiller  s'initia 
aux  habitudes  et  au  langage  du  monde  aristocratique,  le  ton  était  celui 
de  Paris,  et  l'on  s'y  entretenait  aussi  volontiers  d'œuvres  françaises  que 
d'œuvres  allemandes.  Il  n'y  a  pas  Jusqu'au  public  de  Mannheim  qui 
n'abondât  dans  le  sens  français  en  réclamant  avec  instance  des  tragédies 
de  l'école  classique  et  en  murmurant  contre  les  refus  obstinés  de  l'inten- 
dant Dalberg  et  du  comité  de  direction  du  théâtre.  Les  impressions  qu'il 
reçut  dans  ce  milieu, expliquent  comment  Schiller  traduisit  en  1784,  un 


Dr2  REVUE    CRITIQUE 

manuscrit  inédit  de  Diderot,  qu'il  intitula  Curieux  exemple  de  ven- 
geance féminine.  Le  fait  a  d'autant  plus  d'importance  que  le  style  serré 
et  épii^rammatique  de  l'écrivain  français  fut  une  excellente  école  pour 
Schiller  qui,  en  prose,  inclinait  encore  beaucoup  trop  vers  l'emploi  des 
périodes  longues  et  traînantes.  A  partir  de  ce  moment,  il  lut  assez  régu- 
lièrement un  certain  nombre  de  nos  auteurs.  Ceux  dont  le  nom  est  le 
plus  important  à  connaître  sont  Vertot,  Saint-Réal,  Duport  du  Tertre 
et  surtout  Mercier.  Ce  dernier  est  pour  nous  l'auteur  presque  inconnu 
(1784)  d'un  drame  informe  et  déclamatoire  en  cinquante-deux  scènes 
sur  le  sujet  de  don  Carlos  dont  Schiller  s^occupait  déjà  depuis  deux  ans. 
Ses  contemporains  ignorèrent  complètement  le  prétentieux  précis  histo- 
rique dont  il  l'avait  fait  précéder.  Schiller,  au  contraire,  traduisit  sur  le 
champ  ce  précis  pour  sa  Thalie,  et  il  le  fît  avec  d'autant  plus  d'ardeur 
qu'il  commençait  alors  à  s'adonner  à  l'histoire  et  que,  en  véritable  enfant 
du  xvni"  siècle,  il  se  berçait  des  mêmes  robustes  illusions  sur  l'action 
intérieure  des  gouvernements.  Vivant  à  Dresde  dans  l'éloignement  de 
tout  théâtre,  il  ne  devait  être  par  suite  que  trop  porté  à  sacrifier  les  con- 
ditions de  la  réalité  scénique  au  développement  oratoire  de  certains  prin- 
cipes généraux  d'ordre  politique  et  social.  Comme  le  montre  M.  M.,  les 
idées  passionnées  et  la  manière  dramatique  de  Mercier  ont  été  pour 
beaucoup  dans  la  transformation  insensible,  subie  en  1785  par  ce  don 
Carlos,  qui  devait  être  d'abord  un  tableau  d'intérieur  et  qui  devint  mal- 
heureusement l'immense  et  disparate  pièce  politique  que  l'on  connaît. 
Toutes  ces  lectures  eurent  cependant  quelques  bons  résultats.  Jusqu'alors, 
Schiller  faisait  fi  de  la  principale  qualité  qu'il  reconnaissait  à  nos  tra- 
giques, le  parfait  sentiment  des  bienséances  scéniques;  il  est  désormais 
plus  retenu  dans  son  style;  il  cesse  dans  Cabale  et  Amour  de  prêter  à 
tous  ses  personnages  indistinctement  le  langage  des  classes  inférieures; 
il  arrive  enfin  dans  don  Carlos  à  écrire  des  scènes  entières  sans  pathos 
de  rhétorique.  Non  que  l'influence  française  se  soit  exercée  d'une  manière 
exclusive  pendant  cette  période  sur  son  génie  si  indépendant,  si  éclairé. 
II  y  a  aussi  à  faire  les  parts  de  Shakspeare,  du  chevalier  de  Klein,  de  Wie- 
land  et  de  Lessing.  L'influence  de  ce  dernier  a  été  vraisemblablement  la 
plus  considérable  de  toutes,  et  l'on  conçoit  fort  bien  que  M.  M.  ait  tenu 
à  en  signaler  les  plus  lointains  effets. 

La  nouvelle  biographie  vaut  donc,  indépendamment  de  l'intérêt  et  de 
la  vérité  des  tableaux,  par  un  fonds  essentiel  d'idées  générales  et  particu- 
lières qui  appartiennent  en  propre  à  l'auteur.  M.  M.  n'est  pas  d'ailleurs 
un  simple  érudit  de  bibliothèque.  Son  talent  d'analyse  est  très  grand  et 
il  sait  éclairer  les  faits,  quand  cela  importe,  en  vrai  psychologue.  Qu'on 
parcoure,  par  exemple,  l'exposé  entier  de  la  genèse  si  complexe  de  don 
Carlos  ;  qu'on  note  le  rapport  relevé  là,  pour  la  première  fois,  entre  le 
sujet  de  la  pièce  et  le  thème  favori  de  l'esprit  pédagogique  du  dernier 
siècle  :  l'éducation  des  princes  héritiers;  qu'on  remarque  le  soin  avec 
lequel  (p.  143)  l'auteur  indique  partout  la  part  de  la  réalité  dans  les 


d'histoire  et  de  littérature  5  I  3 

prétendues  créations  purement  idéales  de  Schiller;  qu'on  lise  enfin 
l'explication  profondément  humaine  (p.  292  et  s.)  de  l'amitié  qu'une 
jeune  fiancée  saxonne  voua  pour  la  vie  à  un  poète  de  vingt-six  ans,  atta- 
ché au  théâtre  de  Mannheim. 

La  forme  de  l'ouvrage  est-elle  absolument  digne  du  fonds?  Personne, 
croyons-nous,  n'en  doutera  sérieusement  en  Allemagne;  à  l'étranger,  on 
fera  peut-être  quelques  réserves.  11  nous  semble  que  l'analyse  des  œuvres 
entraîne  par  moments  l'esprit  beaucoup  trop  loin  des  grandes  lignes  de 
la  vie  de  l'écrivain.  On  éprouve  principalement  cette  impression  lorsque 
M.  M.  nous  parle  des  quatre  premiers  drames  de  Schiller.  Il  les  examine 
à  tant  de  points  de  vue  divers  et  touche,  en  les  analysant,  à  tant  de  ques- 
tions secondaires,  que  les  chapitres  qu'il  leur  consacre  paraissent,  dans 
leur  longueur,  comme  isolés  de  la  biographie  proprement  dite.  L'appré- 
ciation des  Brigands  compte  quarante  pages  à  elle  seule.  L'auteur  y 
retrace  les  circonstances  qui  ont  provoqué  la  naissance  de  la  pièce,  les 
rapports  qu'en  offre  la  conception  avec  d'autres  données  semblables,  les 
caractères  et  les  dessous  vivants  des  personnages,  l'originalité  et  la  portée 
tragique  du  motif  traité  par  le  poète.  Il  nous  renseigne  sur  l'économie 
générale  du  drame,  sur  la  distribution  des  rôles,  sur  les  effets  de  la  mise 
en  scène,  sur  les  qualités  et  le  mouvement  du  dialogue,  sur  le  pathos 
propre  au  jeune  Schiller.  Il  relève  et  commente  les  imperfections  de  l'oeu- 
vre, il  combat  les  objections  des  directeurs  récalcitrants  qui  trouvent  trop 
malaisée  la  représentation  telle  quelle  des  Brigands,  et  finalement  ne 
nous  tient  quittes  qu'après  avoir  mentionné  toutes  les  imitations  et  tra- 
ductions de  la  pièce,  tant  à  l'étranger  qu'en  Allemagne  même.  Les  chapi- 
tres sur  Fiesque,  Cabale  et  Amour  ou  don  Carlos  sont  encore  plus 
étendus,  et,  pour  ces  trois  drames,  M.  M.  recherche  tout  aussi  minutieu- 
sement, à  travers  les  âges  et  dans  les  principales  contrées,  les  origines,  les 
précédents  et  les  semblables  1. 

Mais  on  sait  la  passion  qu'a  le  gotàt  germanique  pour  la  variété  et  non 
pour  le  choix  des  points  de  vue.  Les  ouvrages  de  critique  ou  d'histoire 
littéraire  ne  sont,  en  général,  écrits  de  l'autre  côté  du  Rhin  que  par  des 
professeurs.  Leurs  lecteurs  sont,  de  même,  gens  d'étude  ou  du  moins 
gens  formés  aux  méthodes  sérieuses  dans  les  universités.  Les  préoccupa- 
tions d'ordre  scientifique  sont  donc  inévitables.  Les  historiens  de  la 
littérature  visent  à  la  vérité  des  détails  et  se  soucient  avant  tout  d'être 
complets.  De  là  leur  énorme  amas  de  matériaux.  De  là,  le  caractère 
exclusivement  érudit  que  revêtent  leurs  études.  Le  malheur,  c'est  qu'avec 
cette  disposition  d'esprit,  le  goût  perd  bien  vite  sa  vigue'u-  native;  à  force 
de  raisonner  ses  motifs,  il  s'habitue  à  trouver  sa  règle,  non  plus  dans  le 
sentiment,  qui  sur  le  champ  aime  ou  se  détourne,  mais  dans  l'intelli- 


I.  On  comprend  très  bien  que  M.  Minor  cite  les  endroits  des  premières  représenta- 
tions de  Cabale  et  Amour  en  Allemagne;  mais  pourquoi  citer  toutes  les  représenta- 
tions de  drames  analogues  données  en  France  jusqu'en  1S47  î  Pourquoi  ne  pas  abréger 
ces  indications  comme  pour  l'Angleterre  et  l'Italie,  ou  les  reléguer  dans  une  noter 


5  14  REVUE   CRITIQUE 

gence,  qui,  par  elle-même,  n'aperçoit  partout  que  matière  â  multiples 
comparaisons  et  à  studieuses  analyses.  Si  les  Allemands  apprécient  un 
écrivain,  ils  consacrent  à  ses  productions  les  plus  insignifiantes  une  aussi 
sérieuse  attention  qu'à  ses  œuvres  les  plus  considérables.  Ils  passent  en 
revue  tous  ses  écrits  indistinctement,  l'un  après  r.aui.re,  et  ne  songent 
nullement  à  grouper  les  semblables,  à  éviter  les  longueurs,  à  rejeter  les 
superfluités.  Et  voilà  pourquoi  M .  M.  s'arrête  si  longtemps  à  examiner  les 
moindres  petites  pièces  lyriques,  les  dissertations  d'élève  et  jusqu'aux 
informes  essais  philosophiques  du  jeune  Schiller.  Il  oublie  que  ce  pro- 
cédé risque  fort  de  lasser  l'attention,  qu'il  donne  lieu  à  des  redites  invo- 
lontaires ■  et  que,  somme  toute,  il  sacrifie  par  trop  l'essentiel  à  l'acces- 
soire, le  plaisir  à  l'instruction,  l'art  à  la  science. 

Le  style  se  ressent  de  la  méthode  de  l'auteur  et  ne  nous  satisfait  pas 
entièrement.  Il  est  simple,  il  est  net,  on  n'y  trouve  ni  vagues  générali- 
tés 2,  ni  longues  périodes,  ni  métaphores.  M.  M.  appartient  à  la  jeune 
école  qui  a  pris  pour  modèle  le  genre  familier,  pressé  et  pourtant  élé- 
gant de  Wilhelm  Scherer,  Si  d'envieux  détracteurs  ont  cru  déprécier  ce 
style,  en  disant  quMl  convient  mieux  dans  le  feuilleton  (Feuilletonstyl), 
ils  ont  eu  tort.  Quoique  le  style  du  disciple  soit  bien  éloigné  de  la  viva- 
cité d'allure  qui  distingue  celui  du  maître,  il  a  de  la  tenue  et  une  cons- 
tante correction  s.  Pourtant,  il  manque  de  relief  ou  plutôt  de  trait.  L'ou- 
vrage est  trop  nourri,  trop  chargé  d'idées  dans  le  détail  pour  permettre 
de  résumer  les  situations  ou  les  jugements  complexes  en  ces  sortes  de 
phrases  énergiques  et  concises  qui  se  gravent  dans  l'esprit.  Ce  que 
M.  M.  pense  de  la  pièce  des  Brigands  revient  parfaitement  à  ce  qu'en 
disait  si  justement,  dès  1787,  le  critique  français  Imbert  :  «  Elle  n'an- 
nonce pas  un  homme  de  goût,  mais  un  génie  vigoureux.  »  C'est  là  une 
formule  précise  et  topique.  On  regrette  de  ne  pas  la  rencontrer  ni  d'en 
trouver  beaucoup  de  semblables  dans  le  volumineux  travail  du  biogra- 
phe allemand. 

Mais  on  peut  avoir  toute  confiance  dans  la  valeur  générale  et  dans  le 
succès  de  l'œuvre  que  M.  M.  a  entreprise.  Son  travail,  une  fois  ter- 
miné, formera  sûrement  un  véritable  monument  littéraire  et  sera  la 


1.  L'histoire  de  la  famille  de  Marschalk-Ostheim,  famille  à  laquelle  appartenaient 
Charlotte  de  Kalb  et  M*^  de  Wolzogen,  est  donnée  pour  l'essentiel  jusqu'à  trois  fois. 
Cf.  p.  79,  09  et  333  du  2' volume. 

2.  Notons  cependant  la  réflexion  suivante  qui  nous  étonne  d'autant  plus  que,  dans 
une  foule  d'autres  passages,  l'auteur  témoigne  d'une  connaissance  approfondie  de  la 
littérature  française.  «  Le  Misanthrope  de  Molière  est  un  réquisitoire  contre  la  phi- 
losophie égoïste  de  son  temps  qui  voyait  dans  l'amour  propre  l'unique  source  des 
vertus  humaines.  »  La  réflexion  est  radicalement  fausse  ou  elle  est  exprimée  trop 
vaguement.  Elle  se  trouve  p.  492  du  2"  vol. 

t.  Citons  cependant  deux  lapsus  :  l'un  p.  bi  du  premier  volume,  où  l'auteur  dit 
étourdiment  :  Die  Hoven  stammten  wie  die  Schiller  aus  einem  alten  niederlœndischen 
Adelsgeschlechte  ab,  welches...,  l'autre  p.  245  du  deuxième  volume  où  la  négation 
est  de  trop  :  einen  Brief,  welchen  man  schwerlich  fiir  etwas  anderes  halten  kann  als 
fur  eine  hinterlistige  Abmahnung  sicit  mit  Schiller  nicht  mehr  ein.iulassen. 


d'histoire  et  de  littérature  5i5 

première  biographie  complète  de  Schiller.  M.  M.  est  homme  de  théâ- 
tre; on  nous  dit  même  qu'il  a,  dans  sa  jeunesse,  monté  sur  les  plan- 
ches; en  tout  cas,  on  sent  à  ses  réflexions  sur  les  pièces  de  Schiller  qu'il 
a  la  pratique  intime  des  choses  de  la  scène;  et  ce  n'est  pas  un  mince 
avantage  lorsqu'il  faut  juger  le  plus  grand  des  dramaturges  allemands. 
En  outre,  ce  biographe  d'un  poète  aux  idées  humanitaires  et  libérales  a 
lui-même  l'esprit  assez  généreux  et  assez  libre  pour  que  son  héros  ne 
pâtisse  point  de  l'extrême  acuité  des  préjugés  nationaux  du  jour.  Ce 
libéralisme  se  rencontre  plus  difficilement  en  Prusse  qu'en  Autriche; 
on  joue  rarement  à  Berlin  le  rival  littéraire  de  Goethe;  on  y  loue  Tasse 
et  Iphigénie  plus  que  Guillaume  Tell  ;  peu  s'en  faut  qu'on  n'y  regarde 
Schiller  comme  un  révolutionnaire  dangereux.  M.  Minor  est  un  libéral, 
et  voilà  pourquoi  il  comprend  si  bien  Schiller  et  l'interprète  dignement. 

E.  Veyssier. 

507.  —  Frîedriclï  Selilegel's  Ï5i-îefe  an  seinen  Brude»*  August  ^Vilhelm, 

hrs.g.  von  Oskar  F.  Walzel.    Berlin,  Steyer  et  Peters,  1890.  In-S,  xxvi  et  6S0  p. 
20  mark. 

Excellente  et  très  utile  publication.  Ces  lettres  de  Frédéric  Schlegel  à 
son  frère  étaient  conservées  depuis  longtemps  à  la  bibliothèque  royale 
de  Dresde;  maisWaitz,  Dilthey,  Haym  les  avaient  consultées.  M.  Wal- 
zel les  publie  toutes  en  un  fort  beau  volume.  Elles  vont  de  1771  à  1828, 
de  l'époque  où  Frédéric  suivait  les  cours  de  l'Université  de  Leipzig,  jus- 
qu'à la  dernière  année  de  sa  vie.  Elles  forment  un  précieux  recueil  de 
documents  pour  l'histoire  littéraire,  et  quiconque  veut  étudier  et  con- 
naître à  fond  le  romantisme  allemand,  devra  les  consulter;  elles  em- 
brassent en  effet  toute  la  vie  d'un  des  chefs  de  l'école  ;  elles  exposent 
plus  complètement  qu'aucune  autre  correspondance,  qu'aucun  autre 
recueil  de  souvenirs,  les  questions  littéraires  de  l'époque  et  les  buts 
divers  que  se  proposaient  les  romantiques.  M.  W.  a  rangé  ces  lettres 
sous  huit  périodes  :  I.  Leipiig,  1 791 -1794.  II.  Dresde,  1794- 1796. 
III.  Berlin,  1797-1799.  IV.  léna,  1800-1801.V.  Dresde  et  Paris, 
i8o2-i8o3.  VI.  Vienne,  i8ii-i8i5.  VIL  Francfort  et  Wiesbaden. 
i8i5-i8i8.  VIII.  Vienne,  1818-1828.  Lui-mêm.e  a  évidemment  con- 
sacré le  plus  grand  soin  à  la  reproduction  de  ces  documents  qui  sont, 
paraît-il,  difficiles  à  lire,  et  il  les  accompagne  de  notes  courtes,  pré- 
cises, mais  qui  disent  l'essentiel,  et  dont  aucune  n'est  inutile.  Un  index 
complet  et  très  bien  fait  rehausse  la  valeur  de  cette  publication  qui  fait 
à  M.  Walzel  le  plus  grand  honneur.  A.  C. 


5ç^8,  —  G.  B.  Barton.   Hîstory    of    Xeiv    Soutli    "^Vales,    from  the  records. 
Vol.  I.  Governor  Phielip,  1783-1789.  Sydney  et  Londres,  1889,  Lxxxv-625  p. 

La  colonie  de  la  Nouvelle-Galles  du  Sud,  pour  célébrer  le  centenaire 
de  sa  fondation,  s'offre  le  luxe  d'une   histoire   nationale.    État  jeune 


5i6 


REVUR    CRITIQUE 


encore,  mais  glorieux  et  prospère,  c'est  avec  fierté  qu'elle  jette  un  coup 
d'œil  en  arrière  sur  sa  laborieuse  enfance.  Elle  a  la  conscience  d'avoir 
justirié  la  prophétie  du  premier  et  du  plus  fameux  de  ses  gouverneurs, 
Phiilip  —  prophétie  qui  sert  d'épigraphe  à  cette  publication,  —  qu'elle 
est  a  la  plus  précieuse  acquisition  que  la  Grande-Bretagne  ait  jamais 
faite  «.  Arihur  PhilIip  contribua  lui-même  en  grande  partie  à  réaliser 
cette  prédiction.  Aussi  n'est-ce  pas  indûment  que  ce  volume  de  600  pages 
est  consacré  à  son  administration  de  six  années.  L'auterir,  M.  Barton, 
s'excuse  à  la  vérité  de  cette  ampleur.  Mais  il  a  voulu  épuiser  sa  matière, 
noter  jusqu'aux  détails  qui  semblent  «  au-dessous  de  la  dignité  de 
l'histoire  ».  Néanmoins  il  revendique  le  titre  d'historien.  On  lui  décer- 
nera plus  volontiers  celui  d'historiographe  qui  convient  mieux,  sinon  à 
son  ambition,  du  moins  à  sa  manière. 

Dans  son  introduction  morcelée  en  petites  dissertations,  M.  B.  traite 
du  problème  du  continent  austral  qui  passionna  les  géographes  du 
xvni*  siècle.  C'est  un  intéressant  chapitre  d'histoire  géographique,  illustré 
de  quelques  reproductions  de  cartes  anciennes;  celle  de  Robert  de  Vau- 
gondy,  membre  de  l'Académie  de  Nancy,  qui  figure  dans  l'ouvrage  du 
Président  de  Brosses,  se  distingue  par  sa  précision  divinatrice.  Les 
savants  français,  de  Taveu  de  M.  B.,  émirent  les  idées  les  plus  justes  et 
les  plus  autorisées.  Le  gouvernement  de  Louis  XVI,  pour  les  vérifier,  fit 
les  frais  d'explorations  scientifiques;  les  Anglais  se  soucièrent  moins  du 
côté  spéculatif  que  de  la  valeur  pratique  de  l'entreprise. 

Il  se  trouva  en  Angleterre,  dès  la  découverte  de  Botany-Bay,  des 
hommes  qui  préconisèrent  la  colonisation  de  ce  coin  du  continent  nou- 
veau; ce  furent  Sir  Joseph  Banks,  l'éminent  naturaliste,  et  un  autre 
enthousiaste,  un  gentleman  du  nom  de  Matra.  Ils  surent  émouvoir  les 
gouvernants  :  ils  songèrent  à  transplanter  en  Australie  les  loyalistes 
d'Amérique.  Cette  conception  d'une  colonie  libre  ne  pénétra  pas  dans  la 
tête  des  hommes  d'État  britanniques;  ni  lord  Seymour  «  politicien  au 
cœur  léger  »  (l'espèce  se  rencontrerait  donc  aussi  en  Grande-Bretagne  !) 
président  du  Home  office  en  1783,  quand  le  plan  fut  proposé,  ni  Pitt 
lui-même,  fermé,  d'après  M.  B.,  aux  questions  sociales,  n'imaginèrent 
d'autre  type  que  la  colonie  pénitentiaire.  Ce  système  prévalut. 

Le  récit  de  l'établissement  de  la  colonie  est  minutieux,  puisé  aux 
pièces  officielles,  aux  lettres  et  au  journal  de  Phiilip.  Celui-ci  est  le 
principal  personnage  de  l'action  :  l'auteur  étudie  avec  amour  cette  figure 
de  l'officier  de  marine  se  révélant  du  coup  administrateur  de  génie;  il 
ne  fait  grâce  d'aucun  des  faits  et  gestes  du  héros,  le  suit  sur  mer  et  sur 
terre,  à  pied  et  à  cheval.  Ce  qui  ressort  de  cet  exposé,  c'est  que  les 
bonnes  intentions  de  Phiilip  furent  contrecarrées  par  l'élément  militaire, 
et  que  la  tentative  d'assimilation  ou  d'éducation  des  aborigènes  échoua 
grâce  à  la  présence  des  convicts.  Phiilip  créa  pour  la  colonie  des  orga- 
nismes nouveaux.  M.  B.,  en  sa  qualité  àtbarrister  at  lan>,  of  Middle 
Temple,  attache  une  importance   spéciale  aux  institutions  judiciaires, 


d'histoire    et   de    LIITÉRATURE  Siy 

les  comparant  à  celles  de  la  métropole;  le  public  anglo-saxon  est  assez 
friand  de  ces  points  de  doctrine  constitutionnelle.  Une  question  qui 
toucherait  davantage  le  lecteur  français  est  celle  de  la  transportation  et 
de  la  relégation  :  elle  est  abordée  dans  plusieurs  chapitres  malheureuse- 
ment dispersés.  M.  Barton  s'indigne  rétrospectivement  qu'une  politique 
coloniale,  basée  sur  l'esclavage  et  la  transportation,  ait  trouvé  faveur  en 
Angleterre  :  il  a  le  patriotisme  naïf. 

Il  se  dégage  à  nos  yeux  de  ce  fouillis  de  faits  et  de  documents  une 
leçon  de  morale  politique.  On  y  verra  les  difficultés,  les  erreurs  origi- 
nelles d'une  œuvre  coloniale  quiacommencé  au  milieu  de  l'indifférence 
de  l'opinion,  qui  a  périclité  par  le  désaccord  de  ses  administrateurs,  et 
qui  a  merveilleusement  prospéré.  Amis  et  adversaires  de  la  colonisation 
officielle  trouveront  profit  à  cette  lecture. 

B.  AUERBACH. 


Sgg.  —    I.    P.    SouRUU.    L.'estliétique    tlu  mouvement.    Pains,    Alcan,    1889, 

33 1  p.  in-8.  5  fr. 
600.  —  II.  Henri  Bergson.  Essai  sui*  les  données  immédiates  de   la  cons- 

eience,  ibid.,  i88g,  182  p.  in-S.   3  fr.  yb. 
60t.  —   III.   Pierre  Janet.    L,'automatisme  psycliologique,  ibid.,  1889,  496  p. 

in-8.  7  fr.  5o. 

602.  —    I\^  ScHOPENHAUER.   Le  monde  comme  volonté    et  eomme    repré- 
sentation, trad.  BuRDEAU,  ibid.,  1890,  460  p.  in-8.  7  fr.  5o. 

603.  —  V.    B.  Conta.    Les  fondements  de  la   métaphysiques  trad.  du   rou- 
main par  D.  Tescanu,  ibiJ,   1890,   i55  p.  in-12.  2  fr.  5o. 

604.  — VI.  Ernest  Naville.  Le  libre  ai-l>itre.  Paris,  Fischbacher.  1890,  338  p.  in-8. 

605.  —   VII.    K.    Kroman.   ICurzgerasste   Logik.  und  Psycliologie,  Ûbersetzt 
von  F.  Bendixen.  Kopenhagen.  Leipzig,   1890,  389  p.  in-8.  5  mark. 

I.  Le  livre  de  M.  P.  Souriau  est  très  riche  d'idées  précises  et  neuves, 
présentées  avec  une  méthode  singulièrement  ingénieuse  et  claire,  sous 
une  forme  remarquablement  nette  et  ferme.  Certains  chapitres,  notam- 
ment celui  qui  traite  de  l'expression  de  l'aisance,  sont  tout  à  fait  nou- 
veaux et  parfaits;  certains  autres,  comme  ceux  qui  traitent  du  méca- 
nisme des  attitudes  ou  de  la  locomotion,  contiennent  un  plus  grand 
nombre  de  choses  déjà  étudiées;  tel  autre,  Je  veux  dire  celui  qui  traite 
de  l'expression  des  sentiments  moraux,  est  manifestement  incomplet  et 
l'est  sans  doute  à  dessein.  Dans  son  ensemble,  l'ouvrage  est  excellent. 

II.  La  thèse  de  M.  Bergson  n'est  pas  de  celles  qu'il  est  possible  d'ex- 
poser et  de  critiquer  en  un  très  petit  nombre  de  lignes.  L'idée  fondamen- 
tale est  que  la  psychologie  scientifique  moderne,  au  lieu  de  saisir  les 
faits  psychiques  dans  la  pureté  qualitative  de  leur  essence,  les  revêt 
d'une  forme  quantitative  et  spatiale  qui  en  fait  des  produits  morts  et 
matérialisés.  La  position  et  les  solutions  contradictoires  du  problème 
de  la  liberté  sont  un  exemple  de  cette  confusion,  et  des  difficultés  qu'elle 
entraîne.  Cette  thèse  qui  n'est  ni  sans  nouveauté,  ni,  à  coup  sûr,  sans 
hardiesse,  est  exposée  et  défendue  avec  une  très  remarquable  souplesse 


5i8  REVUE   CRITIQUE 

d^esprit,  et  une  grande  richesse  d'arguments  empruntés  aux  divers 
domaines  de  la  science.  Peut-être  l'allure  négative  et  critique  de  la  dé- 
monstration ei  l'absence  de  toute  contre-partie  positive  imposent-elles 
un  effort  qui  eût  pu  être  moindre  à  qui  veut  se  mettre  tout  entier  et  en 
toute  sincérité  au  point  de  vue  de  Fauteur.  La  langue  de  M.  Bergson  est 
d'une  fermeté  et  d'une  simplicité  peu  communes, 

III.  L'abondance  et  la  variété  des  faits  cliniques  et  expérimentaux 
étudiés  par  M.  Pierre  Janet  ont  valu  à  son  livre  un  succès  qui  n'est 
sans  doute  pas  encore  épuisé.  Peut-être  peut-on  trouver  qu'il  a  apporté 
une  certaine  précipitation  à  la  rédaction  de  ce  gros  ouvrage,  qu^il  s'abuse 
parfois  sur  la  nouveauté  de  certains  faits  ou  de  certaines  interpréta- 
tions de  faits,  qu'il  s'abuse  également  parfois  sur  la  portée  de  certaines 
conséquences  philosophiques  qu'il  en  tire.  D'une  manière  générale,  la 
réflexion  philosophique,  attentive  et  pénétrante,  n'est  pas  ce  qui  frappe 
le  plus  à  la  lecture  de  son  livre  ;  mais  il  convient  de  lui  être  reconnais- 
sant de  la  somme  considérable  de  faits  qu'il  offre  tant  à  la  recherche 
scientifique  qu'à  la  manie  d"h3'pnotisme  et  de  suggestion  qui  sévit  actuel- 
lement en  France. 

IV.  M.  Burdeau  a  terminé,  avec  l'aide  de  M,  Alekan,  la  traduction 
du  grand  ouvrage  de  Schopenhauer.  Je  ne  vois  à  reprendre,  dans  ce 
dernier  volume,  qu'un  très  petit  nombre  de  lapsus  ou  d'impropriétés 
de  termes  (p.  3o  /.  7  d'en  bas,  réfraction  pour  réfutations,  p.  29,  au 
vuîieii,  les  sensibilités,  p.  33  1.  12,  une  incorrection,  p.  5i,  le  mens, 
p.  56  1.  4  d'en  bas.  les  animaux  d'une  intelligence  importante,  etc.).  Je 
sais  peu  de  traductions  aussi  parfaites. 

V.  M.  Tescanu  n'a  certes  pas  voulu  faire  tort  à  la  mémoire  de  B. 
Conta,  mais  je  ne  puis  croire  que  l'auteur,  qui  paraît  avoir  été  un  esprit 
susceptible  de  développement,  eût  donné  au  public  cette  première  ébau- 
che du  livre  qu'il  rêvait  d'écrire.  Il  se  fût  sans  doute  aperçu  à  temps  que 
son  réalisme  matérialiste,  très  hautain  et  très  ambitieux,  n'était  encore 
que  le  balbutiement  désordonné  d'idées  bien  vieilles  et  bien  mal  assi- 
milées. 

VI.  L'homme  est  libre,  nous  dit  M.  E.  Naville,  car  i^  la  réalité  subs- 
tantielle de  l'esprit,  condition  de  la  personnalité,  condition  à  son  tour 
de  la  conscience  psychique,  a  pour  corrélat  immédiat  la  liberté  d'arbitre; 
2°  la  vie  humaine,  individuelle  et  sociale,  n'est  intelligible  que  s'il  y  a 
liberté,  et  3»  les  objections  psychologiques  et  physiologiques  ne  tien- 
nent point  devant  un  examen  attentif  du  problème  ;  donc  le  matéria- 
lisme et  l'idéalisme,  qui  ont  le  déterminisme  pour  corollaire,  sont  faux, 
et  l'hypothèse  spiritualiste,  qui  seule  admet,  démontre  et  justifie  la 
liberté,  est  le  vrai.  —Y  avait-il  une  giande  utilité  à  nous  redire  ces 
vieilles  choses  en  un  long  volume? 

VII.  Le  petit  livre  de  M.  Kroman,  qui  n'est  qu'un  manuel  à  l'usage 
des  écoles  danoises,  traite  trop  brièvement  de  la  logique,  et  développe 
avec  trop  de  complaisance  les  idées  traditionnelles  en  matière  de  psy- 


I 


d'histoire  et  de  littérature  5  1 9 

chologie;  mais  il  est  écrit  avec  une  vivacité  de  style  qui  n'est  pas  sans 
quelque  agrément. 

Lucien  Herr. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  Edouard  Chavannes  vient  de  traduire  en  français  le  Traité  sur 
les  sacrifices  Fong  et  Chaii  de  Se  Ma  T'sien  (Peking.  Typogr.  du  Pei-t'ang.  Extrait 
du  «  Journal  of  tiie  Peking  Oriental  Society  ».  In-8°,  XXXI  et  gS  p.K  Ce  1  raité  permet 
de  de'gager  quelques  uns  des  caractères  essentiels  de  l'ancienne  religion  chinoise. 

—  La  maison  Hachette  vient  de  faire  paraître  le  volume  de  M.  Fustel  de  Coulanges 
sur  la  Gaule  Romaine  (i  in-8  de  3 20  p.).  Ce  n'est  pas  la  réimpression  pure  et 
simple  des  deux  premières  parties  de  la  2^  édition  des  Institutious  politiques  de 
Vançienne  France  (t.  1er,  1877).  Le  nouvel  ouvrage,  écrit  en  18S7  par  l'auteur, 
renferme  plus  de  cent  pages  inédites,  et  a  été  soigneusement  revu.  Le  volume  qui 
suivra  celui-ci  dans  la  collection,  V  Invasion  germanique  et  la  fin  de  l'Emyire,  est  en 
cours  d'impression.  On  sait  que  les  volumes  III,  IV  et  V  des  Institutions  politiques 
ont  déjà  paru.  Ce  sont  la  Monarchie  franque,  —  l'Alleu.  —  les  Origines  du  système 
féodal.  Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  annoncer  un  Vie  et  dernier  volume,  les 
Transformations  de  la  Royauté,  qui  sera  la  conclusion  naturelle  de  l'œuvre  de 
M.  Fustel  de  Coulanges.  Les  six  volumes  formeront  ainsi  un  tout  complet,  embrassant 
toute  l'histoire  de  nos  institutions  depuis  les  origines  jusqu'à  l'établissement  définitif 
du  système  féodal. 

—  La  librairie  Masson  nous  envoie  :  i"  Éléments  de  grammaire  latine  à  l'usage 
des  classes  de  sixième  et  de  cinquième,  par  H.  Brelet;  Paris,  1890;  VIII-344  pp. 
in-i8.  L'auteur  a  voulu  faire  une  petite  place  à  la  linguistique;  un  peu,  c'est  encore 
trop.  Pourquoi  décompose- t-il  domin-i  en  regard  de  domino?  M.  B.  distingue  la 
syntaxe  des  mots  et  celle  des  propositions;  celle  des  réfléchis  «  appartient  à  la  fois 
aux  deux  syntaxes.  »  II  eût  été  pédagogique  de  la  placer  non  entra  les  deux,  mais  à 
la  suite.  M.  B.  veut  revenir  aux  exemples  courts  et  clairs  de  Lhomond,  et,  en  feuil- 
letant son  livre,  on  trouve  des  exemples  comme  celui-ci  :  Sophocles  afiliis  in  iudicium 
uocatus  est,  ut,  quemadmodum  nosiro  iure  maie  rem  gerentibus  patribus  bonis 
interdici  solet,  sic  illum  a  re  familiari  remonerent  iudices.  Je  propose  qu'avant  de 
mettre  une  grammaire  dans  les  mains  des  enfants,  on  fasse  réciter  à  l'auteur  tous 
les  exemples  qu'elle  contient.  En  matière  d'orthographe,  il  faut  éviter  tout  excès 
dans  un  livre  classique  :  M.  B.,  qui  n'écrit  pas  michi  ou  nichil  devrait  s'interdire 
quum.  —  1°  V.  Charpy,  Exercices  latins,  classe  de  sixième  Paris,  1891,  272  pp. 
in-i8.  L'impression  de  ce  volume  est  soignée,  même  élégante.  Cependant  le  lexique 
des  exercices  est  dans  un  caractère  fatigant;  le  tableau  des  pp.  46-47  de  la  grammaire 
est  impraticable. 

— M.  PisANi  publie  une  brochure  intitulée:  les  Possessions  vénitiennes  de  Dahnatie 
du  xvie<3«  xviu«  siècle  'Paris,  1890,  1 1  pp.  in-8j.  Ce  travail  est  accompagné  de  deux 
cartes;  l'une  indique  avec  exactitude  les  différentes  limites  des  territoires  dépendants 
de  Venise  :  la  linea  Nani  (1671)  fixant  les  bornes  de  VAcquisto  Vecchio,  la  linea 
Grimani  (1700)  déterminant  VAcquisto  Nuovo,  et  la  linea  Mocenigo  (i733)  enve- 
loppant VAcquisto  Nuovissimo;  l'autre  carte  est  une  reproduction  de  la  carte  annexée 
au  traité  de  Passarovitz  d'après  l'original  conservé  aux  Archives  politiques  du  Gou- 
vernement à  Zara. 


5  20  REVUE    CRITIQUE    d'hiSTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

—  La  famille  de  Montesquieu  va  publier,  avec  le  concours  de  la  Société  des  biblio- 
philes de  Guienne,  les  écrits  inédits  de  l'immortel  auteur  de  Y  esprit  des  Lois.  Cette 
publication,  dont  le  commencement  est  sous  presse,  n'aura  pas  moins  de  sept  ou 
huit  volumes,  composés  de  divers  mémoires,  parmi  lesquels  on  cite  \&T>iscours  sur 
la  différence  entre  la  considération  et  la  réputation  et  le  Mémoire  sur  un  arrêt  du 
conseil  du  roi  du  27  février  1725  portant  défense  de  faire  de  nouvelles  plantations  de 
vignes  dans  la  généralité  de  Guienne.  M.  le  baron  Albert  de  Montesquieu  prépare 
la  publication  de  la  relation  des  voyages  du  président  en  Allemagne,  en  Hongrie,  en 
Italie  et  en  Hollande.  La  Société  des  bibliophiles  de  Guienne  avait  déjà  annoncé  la 
publication  des  Réflexions  sur  la  Monarchie  universelle  en  Europe  et  du  catalogue 
de  la  bibliothèque  de  Montesquieu  annoté  par  lui-même. 

—  ^L  le  général  Thoumae  vient  de  publier  à  la  librairie  Pion  (in-S",  XI  et  822  p. 
3  fr.  5o)  la  deuxième  série  des  Causeries  militaires,  qui  ont  paru  d'abord  dans  le 
journal  le  Temps  (6  juin  1888-19  avril  1S89).  Il  s'attache,  comme  il  dit,  aux  ensei- 
gnements du  passé,  non  en  leur  donnant  la  forme  didactique,  mais  en  les  appuyant 
sur  des  exemples  que  les  récentes  circonstances  et  la  lecture  des  ouvrages  nouveaux 
lui  remettent  en  mémoire.  Une  table  des  noms  cités  rehausse  l'utilité  du  volume. 


ACADEMIE    DES   INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  ig  décembre  18 go. 

^L  d'Arbois  de  JubainviUe  termine  sa  communication  sur  les  Teutons. 

Selon  M.  Kossinna,  dit-il,  les  Teutons  habitaient  la  vallée  du  Main,  c'est-à-dire  la 
Bavière  septentrionale;  ils  étaient  Celtes,  et  leur  nom  est  gaulois.  Cela  n'est  pas 
démontré.  Le  nom  des  Teutons  paraît  remontera  une  date  où  les  Germains  n'avaient 
pas  encore  déformé  leur  langue  par  la  substitution  des  consonnes.  Les  Gaulois,  et, 
grâce  aux  Gaulois,  les  Romains  l'ont  conservé  sous  sa  forme  primitive.  C'est  ainsi, 
ajoute  M.  d'Arbois  de  JubainviUe,  que  chez  nous  Mayence  est  un  mot  plus  archaïque 
que  Mainz,  sa  forme  allemande. 

M.  Edmond  Le  Blant  communique  à  l'Académie  la  reproduction  d'une  gravure  sur 
bois  du  Térence  édité  à  Lyon  par  Trcchscl  en  1493.  Dans  le  rez-de-chaussée  d'un 
théâtre,  représenté  sur  cette  gravure,  le  dessinateur  a  figuré  \c?,fornices  où  se  tenaient 
les  filles  publiques  et  y  a  placé  une  scène  rapportée  par  saint  Ambroise  et  par  les 
actes  des  martyrs,  l'histoire  de  sainte  Théodora,  enfermée  par  ordre  du  juge  païen 
dans  un  lieu  de  débauche  et  délivrée  par  saint  Didyme. 

M.  Schefer  communique  à  l'Académie,  au  nom  de  M.  de  Mély,  le  plan  de  Cons- 
tantinople  au  moyen  âge  que  M.  le  comte  Riant  avait  préparé  pour  la  Société  de 
l'Orient  latin.  M.  de  Mély,  à  qui  M.  Riant  a  remis  le  soin  de  publier  une  partie  des 
travaux  littéraires  qu'il  a  laissés  inachevés,  a  tenu  à  le  soumettre  à  l'Académie  avant 
la  publication. 

M.  Germain  Bapst  communique  des  recherches  sur  la  décoration  et  la  mise  en 
scène  des  mystères  du  moyen  âge.  Il  traite  successivement  de  la  structure  du  théâtre, 
de  la  composition  de  l'auditoire,  du  rôle  des  femmes  sur  la  scène,  des  décors,  du 
costume  et  des  accessoires.  Il  termine  par  un  chapitre  sur  la  peinture  décorative  et 
les  peintres  décorateurs,  où  il  montre  de  célèbres  miniaturistes,  Jean  Foucquet  et 
autres,  qui  ne  craignirent  pas  de  s'abaisser  à  peindre  des  toiles  de  fond  pour  la  repré- 
sentation des  mystères. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Delisle  :  1°  [La  Trémoïlle  (le  duc  de)],  les  La  Tré- 
moille  pendant  cinq  siècles,  I,  Guy  VI  et  Georges,  1 343-1446  ;  2°  Valentin- 
S.MiTH  (J.-E.j,  la  Loi  Gambette,  reproduction  intégrale  de  tous  les  manuscrits  connus; 
—  par  l'auteur  :  Hamy,  Congrès  international  d'anthropologie  et  d'archéologie  préhis- 
toriques, 10"  session,  compte  rendu;  —  par  M.  Georges  Perrot  :  Bardot,  Poucet  et 
Brevton,  Mélanges  carolingiens  (tome  Vil  de  la  Bibliothèque  de  la  Faculté  des  lettres 
de  Lyoni;  —  par  M.  Wallon  :  Jovy  (Ernest),  Études  et  Recherches,  I,  Guillaume 
Prousteau,  fondateur  de  la  bibliothèque  publique  d'Orléans,  et  ses  lettres  inédites  à 
Nicolas  Thoynard;  —  par  M.  Héron  de  ViUefosse  :  Engelmann  (R.),  Bilder-Atlas 
^um  Homer  et  Bilder-Atlas  f  «  Ovids  Metamorphosen. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

-  ■- ■  -■  — I  --     — 1— 

Lb  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Samt-Laurent,  23. 


N°  27  Vingt-quatrième  année  7  juillet  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 

Directeur  :  A.  CHUQUET 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  2  5  fr. 

PARIS 
ERNEST    LEROUX, ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,      RUE    BONAPARTE,      28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédactiott  à  M.  A.  Chuqute 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  d'^nt  ils 
désirent  un  compte-rendu. 

KRNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28, 


r 


LES   ACTES   DES   MARTYRS   DE    L'E- 

LjLIoC  V>C_/r  1  t.  Etude  critique  par  E.  Amélineau.  Un 
beau  volume  grand  in-S 10  fr. 

CONTES   ET    ROMANS  DE  L'EGYPTE 

L>rlr\r!,  1  lËJNiN-C,  recueillis  et  traduits  par  E.  Amélineau. 
2  volumes  in- 1 8 , i o  fr. 

LES    MOINES    ÉGYPTIENS,     vie  de  Schnoudi,  par 
E.  Amélineau.   In-i8 3  5o 

ESSAI  SUR  L'HISTOIRE  DES  iSRAÉLI- 

lEO  UC  IUINIoIe,  depuis  les  temps  les  plus  reculés 
jusqu'à  l'établissement  du  Protectorat  de  la  France,  par  D.  Cazès. 
In-i8 , 2  5o 


1 


PERIODIQUES 

Tbe  Academy,  n"  946  :  Bancroft,  History  of  the  Pacific  States  of  North 
America,  vol.  XXI,  Utah  (décrit  surtout  le  mouvement  mormon).  — 
Thcoloi^y  and  pieiy  alike  free,  from  the  point  ot  view  ot  Manchester 
New  Collège.  —  Les  Contes  moralises  de  Nie.  Bozon,  p.  p.LucyToul- 
min  Smith  and  P.  Meyf.r  (publication  de  grande  valeur  où  le  philolo- 
gue, l'historien  et  le  folkloriste  trouveront  à  prendre).  —  Current  lite- 
iature  :  M"""  Carette,  The  eve  of  an  empire's  fall  ;  Pimplett,  Emin 
pacha  (ce  dernier  livre  ne  peut  être  recommandé  que  cornrae  compi- 
lation). —  Cockncy.  (Murray.)  —  Hanselyn-anselin.  (Stevenson.)  —  The 
Vandals  and  Andalusia.  (Krebs.)  —  Ships^  masts  and  yards,  and  the 
sign  of  the  cross.  —  Some  books  on  classical  philology  :  Neue,  For- 
menlehre  der  latein.  Sprache,  H;  Reisig-Heerdegen  ,  Vorles.  iiber 
latein.  Sprachwissenschaft,  II,  Semasiologie;  Georges,  Lexicon  der 
latein.  Wortformen  ;  Handb.  der  class.  Aliertumswiss.  II,  griech.  u. 
lat.  Sprachwiss.  ;  Stephani,  De  Martiale  verboruni  novatore;  Hoffmann, 
Das  praesens  der  indogerm.  Grundsprache  ;  Bell,  De  locativi  in  prisca 
laiinitaie  vi  et  usu  ;  Soltau,  Zur  Erkl.  der  Reden  des  Hanno;  Meis- 
ter,  Die  griech.  Dialekte,  II,  et  Zum  el.  arcad.  u.  kypr.  Dialect.  — 
Mythology  and  Monuments  of  ancient  Athens,  being  a  translation  of  a 
portion  of  the  Attica  of  Pausanias  by  Margaret  de  G.  Verrall,  with 
introd.  essay  and  archaeolog.  comment,  by  Jane  E.  Harrison.  (témoi- 
gne de  soin  et  de  savoir.)  —  A  collection  of  Babylonian  tablets. 

The  Athenaeiiin,  n°  3269  :  Poetry  and  prose  by  John  Keats,  a  book  of 
fresh  verses  and  new  readings,  p.  p.  Formann.  —  Extracts  from  records 
of  the  royal  burgh  ofStirling  1667-1752.  —  Tout,  History  of  England, 
for  the  use  of  the  middle  forms  of  schools,  III,  William  and  Mary  to 
the  présent  time.  (Livre  pratique  pour  les  classes),  —  Excavations  at 
Megalopolis.  (Loring.) 

Lilerarisches  Centralblatt,  n"  26  :  Veste,  Gesch.  der  braunschw.  Landes- 
kirche  von  der  Reform.  bis  auf  unsere  Tage.  (Important.)  —  Heister- 
bergk,  Fragen  der  ait.  Gesch.  Siciliens.  (Gp.  Revue,  1889,  n°  33.)  — 
Pannenborg,  Lambert  von  Hersfeld.  {Cp.  Revue,  1889,  n°  5o.)  —  Riez- 
LER,  Gesch.  Baierns,  HI.  (Gp.  Revue,  n°  24.)  —  Landau,  gesch.  Kaiser 
Karl's  VI  als  Kônig  von  Spanien  (680  pages  sur  un  roi  éphémère,  sans 
terre,  sans  puissance  et  sans  argent;  en  réalité,  ne  traite  que  de  la 
guerre  de  succession  d'Espagne  sur  laquelle  on  a,  d'ailleurs,  d'autres 
ouvrages  excellents.)  —  Kriegsgesch.  Einzelschriften,  XII.  —  Kaerger, 
Brasilian.  Wirthschaftsbilder,  Erlebn.  u.  Forschungen.  —  Epping,  As- 
tronomisches  aus  Babylon  oder  das  Wissen  der  Chaldiier  liber  den  ge- 
siirnten  Himmel,  unter  Mitwirk.  von  Strassmaier  (fera  époque).  "^ — 
Euripides'Herakles,  erkl.  von  Wilamowitz-Moellendorff  (très  inté- 
ressant, embrasse  un  grand  et  important  domaine  de  l'histoire  littéraire 
de  l'antiquité;  touche  à  une  foule  de  questions  contestées,  apporte  bien 
des  choses  nouvelles  et  suggestives).  —  Theodosii  Alex,  canones,  Che- 
robosci  Scholia,  Sophronici  excerpta,  p.p.  Hilgard,  I  (excellent  travail). 
—  LoTH,  Les  Mabinogion,  I.  (Cp.  Reviie,  1889,  n»  37.)—  Burger,  Ged.', 
p.  p.  Griseeach  (bon).  —  Gœthes  Tagebiicher  der  sechs  ersten  Wei- 
mar.  Jahre,  erleutert  (de  Duntzer,  naturellement,  et  sera  utile,  mais 
pourquoi  de  telles  sévérités  envers  ses  devanciers,  lorsqu'on  n'est  pas 
irréprochable?).  —  Hayn,  Bibliothecagerman.  nuptialis,  Verz.  vo'n  Ein- 
zeldrucken  deutscher  Hochzeitsged.  u.  =  Scherze  in  Prosa  von  Mitte  des 
XVI  Jahrh.  bis  zur  Neuzeit.  —  Wolf,  Deutsches  Lesebuch  (en  5  vo- 
lumes, pour  les  écoles  de  Transylvanie;. 


Philologische  Wochenschrift,  n"  25  :  Krit.  Bemerk,  zu  Eutrop  (Dias).  — 
Programme  :  Scheck,  De  font,  démentis  Alex.  ;  Steinberger,  Œdipus, 
Trag.  von  Seneca,  ûbers.  u.  hist.  krit.  erleuteit,  I;  Bob,  Zur  Kritik  u. 
Eikl.  der  Satiren  Juvenals;  Renn,  Diegriech.  Eigennamen  bei  Martial; 
Gelger,  g.  Marins  Victorinus  Afer,  u.;  J.  Bauer,  Das  Bild  in  der 
Sprache;  Ruess,  Die  tiron.  Endungen;  Wunderer,  Bruchstûcke  einer 
afrikan.  Bibeliibers.  in  der  pseudocypr.  Schiift;  Ipfelkofer,  Die  Rhe- 
torik  des  Anaximenes  unter  den  Werken  des  Aristoteles;  Schepss, 
Conradi  Hirsaug.  Didascalon.  —  Tannery,  pour  l'hist.  de  la  science 
hellène,  deThalèsà  Empédocle  (2^art.;  cp. Revue,  iSSg,no  37).— Varro, 
rerum  rustic.  libri  très  recogn.  Keil  (précieux  complément  de  Téd.  de 
1884).  —  Linke,  Studien  zur  Ilala  (très  soigné).  —  Gkoiset  (A.  et  M.), 
Hist.  de  la  litt.  grecque,  I  {en.  Revue,  1888,  n°  9).  —  W.  Ghrist, 
Gesch.  der  griech.  Liter.  bis  âuf  die  Zeit  Justinians  (abondants  mais 
beaucoup  de  critiques  à  faire  sur  des  points  de  détail).  —  Prellwitz, 
Die  argiv.  Inschriften.  —  Fallu  de  Lessert,  Les  fastes  de  la  Numidie 
sous  la  domin.  rom.  (cp.  Revue,  1889,  n°  9).  —  Leonhard,  Roms 
Vergangenheit  u.  Deutschlands  Recht  (intéressant  et  remarquable).  — 
Matzat,  Die  UeberfûUungder  gelehrten  Fâcher  u.  die  Schulreformfrage. 

Deutsche  Zeitschrift  fur  Gesch ichtswissenschaft,  hrsg.  von  Quidde  (à  Fri- 
bourg  en  Brisgau,  chez  Mohr,  paraît  quatre  fois  par  an,  au  prix  de 
18  mark),  i^""  volume,  le^  fascicule,  1889  :  Quidde,  zur  Einfuhrung.  — 
Hartwig,  Ein  Menschenalter  Florentinischer  Gesch.  i25o-i252.  — 
Brosch,  Schuldig  oder  non  liquet?  Zur  Streitfrage  ûber  Maria  Stuart. 
—  Bernheim,  Ueber  die  chronolog.  Einteil.  des  histor.  Stoffes.  —  Von 
Bippen,  Die  Hinrichtung  der  Sachsen  durch  Karl  den  Grossen.  — 
H.  von  Kap-herr,  Die  unio  regni  ad  imperium,  ein  Beitrag  zur  Gesch. 
der  staufischen  Politik,  I.  —  Kaufmann,  Die  Universitatsprivilegien 
der  Kaiser.  —  Kleine  Mitteiliingeyi  :  Quidde,  Zum  Romzugsplan  von 
Wilhelm  von  Holland.  -  Heuer,  Zur  Heirath  der  Lucrezia  Borgia  mit 
Alfons  von  Este.  —  Hôhlbaum,  Die  Papiere  des  Grafen  Heinrich 
Mathias  von  Thurn.  —  Berichte  u.  Besprechungen  :  Neuere  Literatur 
zur  Gesch.  Englands  im  Mittelalter  (Liebermann),  —  Nachrichten  u. 
Noti\en  :  Histor.  Comm.  in  Mûnchen;  Mon.  germ.  hist.;  Preuss. 
Station  in  Rom;  Monum.  Borussica;  Hist.  Comm.  fur  die  prov. 
Sachsen;  Hansischer  G.  V.;  Gesellsch.  fur  Rhein.  Geschichtskunde; 
Bad.  liist.  Comm.;  Lexical.  Nachschlagewerke  ;  Herausg.  deutscher 
Verwaltungsacten  ;  Franz.  Beschwerden  iiber  Ausschliess.  von  elsass. 
lothr.  Archiven  ;  etc. 

i"  volume,  2°  fascicule  :  H.  Haupt,  Waldensertum  u.  Inquisition  im 
sûdl.  Deutschiand  bis  zur  Mitte  des  XiV  Jahrh.  —  H.  von  Kap-herr, 
Die  unio  regni  ad  imperium,  IL  —  Ulmann,  Aus  deutschen  Feldiagern 
wiihrend  der  Liga  von  Cambrai.  —  Bernays,  Zur  inneren  Entwickelung 
Casliliens  unter  Karl  V.  —  Prutz,  Franzôs.  polnische  Umtriebe  in 
Preussen,  1689.  —  Kleine  Mitteilungen  :  v.  Below,  Die  Kôlner 
Richerzeche.  —  Sommerfeldt,  Erzbischof  Balduin's  von  Trier  italien, 
Einnahme  i3i  i,  ein  neuerdings  entdecktes  Einnahme  register. —  Heyd, 
Ueber  den  Plan  der  Erricht.  eines  Fondaco  dei  Tedeschi  in  Mailand 
1472.  —  Berichte  u.  Besprechungen  :  Neuere  Liter.  zur  Gesch. 
Englands  seit  dem  XVI  Jahrh.  (Brosch);  id.  im  Mittelalter  (Lieber- 
mann). —  Nachrichten  u.  Notizen.  —  Masslov^^,  Liter.  von  1888  u. 
1889,  Bibliogr.  zur  deutschen  Geschichte. 

2*=  volume,  i^""  fascicule  :  H.  Baumgarten,  Differenzen  zwischèn  Karl  V 
u.  seinem  Bruder  Ferdinand  1524.  —  Buchholz,  Ursprung  u.  Wesen 
der  modernen  Geschichtsauflfassung.  —  Hartwig,  Ein  Menschenalter 
Florentinischer  Gesch.  1250-1292,  V-VI.  —Sommerfeldt,  Konig  Hein- 


ricli  VII  u.  die  lombard.  Stiidte  i3io-i3i2.  —  Kleine  Mitteilimgen  : 
Ulmann,  Zur  Hinricht.  der  Sachsen  782.  —  Fester,  Zur  Gesch.  der 
Frankfurteii  Association  1697.  —  Berichte  u  Besprechungen  :  Die  ge- 
schichtl.  Studien  in  Frankreich  (Monod).  —  Die  neuere  boiimische 
Gescliichtsforsch.  (Vancura).  —  Neuere  Liter.  zur  Gescti.  Englands  im 
Mittelalter  I.  Besprecli.  einz.  Werke,  II.  Kurze  Mitteil.  ûber  die  Liter. 
von  1887- 1888  (Liebermann).  —  Nachrichten  u.  Notizen.  —  Bibliogr. 
zur  deutschen  Gesch.  Liter.  1889,  mitte  marz  bis  mitte  Juni.  Auf  Octo- 
ber  1888,  mitte  Juni  1889,  mit  Nachtragen  zu  1888,  Jan.  Sept,  bearb. 
von  Masslow. 

2"  vol.  2"  fasc.  :  Quidde,  Jul.  Weizsacker.  —  Sackur,  Der  Rechtsstreit 
der  Klôster  Waulsort  u.  Hastière,  ein  Beitrag  zur  Gesch.  mittelalt. 
Fillschungen.  —  Wolkan,  Der  Winterkônig  im  Liede  seiner  Zeit.  — 
Arheim,  Beitr.  zur  Gesch.  der  iiordischen  Frage  in  der  zweiten  Hâlfte 
des  XVI II  Jahrh. —  Kleine  Miltheilungen:  K.  Maurer,  Zur  illteren  nor- 
weg.  Gesch.  —  I.  v.  Gruner,  Zwei  Schriftstûcke  Justus  Gruner's,  eine 
Denkschrift  1809  u.  ein  Bericht  an  Hardenberg  181 1.  —  Kaufmann, 
Rehfues  ûber  die  Anfilnge  seiner  admin.  Thâtigkeit  in  den  preuss. 
Rheinlanden.  —  Berichte  u.  Besprechungen  :  Public,  der  K.  belg. 
histor.  Commission  (Hubert).  —  Neuere  Liter.  zur  Gesch.  Englands  im 
Mittelalter,  einz.  Werke  u,  Liter.  1887-1889  (Liebermann).  — Nachtr. 
u.  Berichtig.  zu  den  Berichten  Monod's  u.  Vancura's  im  vorigen  Heft. 
—  Nachrichten  u.  Notizen.  —  Masslow  u.  Sommerfeldt,  Bibliogr.  zur 
deutschen  Gesch.  Liter.  mitte  Juni.  —  Ende  Sept.  1889. 

y  volume,  1'=''  fascicule,  1890  :  Pohlmann,  Zur  Beurtheil.  Georg 
Grote's  u.  seiner.  griech.  Geschichte.  —  M.  Ritter,  Wilhelm  von 
Oranien  u.  die  Genter  Pacification  1576.  —  Fester,  Arthur  Scho- 
penhauer  u.  die  Geschichtswissenschaft.  —  Lindner,  Die  Vemepro- 
cesse  gegen  Herzog  Heinrich  den  Reichen  von  Baiera-Landshut.  — 
A.  Stern,  k.  E.  Oelsner's  Briefe  u.  Tagebûcher,  eine  vergessene  Quelle 
der  Gesch.  der  franz.  Révolution.  —  Kleine  Mittheihingen  :  O.  Fischer, 
Der  Zeitpunkt  der  ersten  Austrasischen  Période.  —  Zur  Absetzung 
Konig  WenzePs,  die  Stellung  Sachsens  auf  dem  Mainzer  Tage  Sept,  i  399 
(aus  dem  Nachlasse  Weizsaecker's).  —  Em.  Arnoldt,  Kuno  Fischer's 
Leibniz  Biographie.  —  Quidde,  Chronologisches.  Kindieintag.  — 
Berichte  u.  Besprechungen  :  Neuere  Literatur  zur  Gesch.  Frankreichs 
im  Mittelalter  (A.  Molinier);  Franz.  Geschichtsliter.  des  Jahres  1889, 
neuere  Zeit  (L.  Farges);  Neuere  Liter.  zur  Gesch.  Englands  im  Mitte- 
lalter (Liebermann);  Neuere  Liter.  zur  Gesch.  Englands  seit  dem  XVI, 
Jahrh.  (Brosch.)  —  Nachrichten  u.  Notizen.  —  Bibliogr.  zur  deutschen 
Gesch.  (Liter.  von  Sept.  1889  bis  Anfang  Januar  1890,  bearb.  von 
Masslow.) 


EMILE  BOUILLON,  ÉDITEUR,  67,  RUE  RICHELIEU. 

EN    VENTE 

COiiRESPONDiNCE   DE  MADAME  DUCBESSI   D'ORLÉANS 

Extraite  de  ses  lettres  originales  déposées  aux  Archives  de  Hanovre 

et  de  ses  lettres  publiées    par  M.  L.-W.    Holland. 

Traduction  et  notes  pai  E.  Jaeglé. 

DEUXIÈME    ÉDITION    RKVUE   ET   AUGMENTÉE 

3  vol.  petit  in-8.  —  Prix  :  10  fr.  50. 
Quelques  exemplaires  sur  papier  de  Hollande.  Prix  :  iO  francs. 


LePuy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


NO  28  Vingt- quatrième  année  14  juillet  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  -   Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

%DE   l'École    des  langues    orientales   vivantes,    etc. 
28,     RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


KRNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

LES   ACTES   DES    MARTYRS   DE    L'É- 

CjLIoC    OOr   1  fc.    Etude  critique  par  E.  Amélineau.  Un 
beau  volume  grand  in-8 10  fr. 

GRAN.MAIRE    DE    LA    LANGUE 

CHAME,     par  E.  Aymonier.  In-8 7  5o 

CHAN"S  POPULAIRES  DES  AFGHANS 

recueillis,  publiés  et  traduits  par  James  Darmesteter.  In-8.     20  fr. 

L'INSTRUCTION  SOUS  LA  CONVEN- 

llN-/r\,     par  J.-G.  Prat.  Troisième  édition.  In-i8...,     i  fr. 


n 


PERIODIQUES 

Revue  rétrospective,  i''''  juillet  :  Mém.  inédits  d'Hippolyte  Auger,  1810- 
1817.  —  Une  fille  de  Desaix.  —  Prise  du  Trocadéro.  —  Un  chevalier 
peu  galant  (1748).  —  Erreur  judiciaire  et  indemnité  (1767). 

Bulletin  critique,  n''  1 3  :  Lemm  (von),  Koptische  Fragm.  zur  Patriar- 
chengesch.  Alexandriens  (excellent).  —  Franck,  Nouveaux  essais  de  cri- 
tique philosophique.  —  J,  Thomas,  Princ.  de  philosophie  morale.  — 
RiEMANN,  Syntaxe  latine  (nouvelle  édition;  contient  dUmportantes  mo- 
dihcations).  —  Chotard,  Louis  XIV,  Louvois,  Vauban  et  les  fortif.  du 
nord  de  la  France,  diaprés  les  lettres  de  Louvois  à  M.  de  Chazerat  (re- 
cherches insuffisantes). 

The  Academy,  n»  947  :  Russell,  Nelson  and  the  naval  supremacy  of 
England  (insuffisant).  —  G.  Brandes.  Impressions  of  Russia,  transla- 
ted  tVom  the  Danish  by  Eastman  (intéressant,  mais  a  parfois  le  caractère 
d'une  compilation,  et  renferme  bien  des  négligences).  —  Some  historical 
books  :  MoRRisoN,  The  Jewsunder  Roman  rule  (très  sobre  et  judicieux)  ; 
O'  CoNNOR  Morris,  Dublin  Castle;  Burckhardt,  The  civilisation 
of  the  Renaissance  in  Italy,  translatée!  by  Niddlemore).  —  Some  classi- 
cal  texts  :  The  speech  of  Demosthenes  againstthe  lawof  Leptines,  p.  p. 
Sandys;  Eutyphro,  p.  p.  Adam;  Livy,  IV,  p.  p.  Stephenson;  Herodo- 
tus,  V,  p.  p.  Schuckburgh  ;  Demosthenes,  orations  against  Philipp,  II, 
p.  p.  Abbott  and  Mattheson;  Homeri  llias,  p.  p.  Cauer;  p.  p.  Rzach  ; 
Horati  opéra,  p.  p.  Keller  u.  Hauessner.  —  Cockney  (Murray).  —  Sca- 
dinayia  (Bradley).  —  Survivais  in  negro  funeral  cérémonies  (Brown).  — 
O.  ScHRADKR,  prehistoric  antiquities  of  the  Aryan  peoples.  transi,  by 
Jevons,  from  the  second  éd.  of  the  german.  —  Philological  books  : 
Schumacher,  Northern  Ajlûn  (un  des  meilleurs  volumes  publiés  par  le 
Palestine  Exploration  F'und);  De  Hamme,  The  Pilgrim's  Handbook  to 
Jérusalem;  King,  The  Asaph  P.'^alms  in  their  connexion  with  the  early 
religion  of  Babylonia  ;  Schabbaih,  p.  p.  Strack;  Bâcher,  Die  Agada 
der  Tannaiten,  II.  —  The  Yenissei  inscriptions,  n"  1 1 1  (Rob.  Brown, 
juin).  —  Some  books  on  Roman  archaeology  :  HIibner,  Rom.  Herr- 
schaft  in  Europa  (recueil  d'essais  fort  utiles);  P.Lejay,  Inscriptions  anti- 
ques de  la  Côte-d'Or  («  a.  usefui  and  valuable  publication  »). —  Gagnât, 
L'année  épigraphique  1889  («  a  continuation  of  Gagnat's  admirable 
epigraphic  su  m  ma  ries).  —  Das  rôm  Lager  in  Bonn.  —  Archaeol. 
epigr.  Mittheil.  XXI,  i. 

The  Athenaeiim,  n»  3270  :  W.  M.  Rossetti,  Dante  Gabriel  Rossetti  as 
designer  and  writer. — Waifs  and  strays  of  Geltic  tradition.  Argyllshire 
séries,  n"  II,  folk  and  hero  taies,  coll.,  éd.  and  transi,  by  Mac  Innés, 
with  notes  by  the  editor  and  Nutt.  —  Edwards,  The  Romanoffs  tsars 
of  Moscow  and  emperors  of  Russia  (intéressant,  quoique  non  sans  né- 
gligences). —  Thomson  (Jos.),  Mungo  Park  and  the  Niger.  —•  Theolo- 
gical  books:  Westcott,  The  Epistle  to  the  Hebrews,  the  Greek  text, 
with  notes  and  essays;  Orelu  (von),  The  prophecies  of  Jeremiah,  transi, 
by  Banks.  —  M.  Baber  (not.  nécrol.).  —  Washington's  ancestry.  — 
Théories  about  Junius  (Rae). 

Litterarisches  Centralblatt,  n»  27  :  Brandt,  Die  mandaische  Religion.  — 
Antonini^Placemini  itinerarium  mit  deutscher  Uebers.,  p.  p.  Gildemeis- 
TER.  —  Klee,  Geschichtsbilder  aus  der  deutschen  Urzeit  (fait  d'une  fa- 
çon intéressante).  —  Seeliger,  Erzkanzleru.  Reichskanzler  (travail  très 
soigné  qui  aboutit  à  des  résultats  importants  et  qui  est  précieux  pour 
rhistoire  de  l'administration).  —  Pflugk-Harttung,  Gesch.  des  Mittel- 
alters,  I.  (On  avait  jusqu'ici  Dahn  et  Kaufmann.  Mais  Dahn  qui  com- 
prend quatre  gros  volumes,  est  si  prolixe  et  si  irrégulièrement  composé 


qu'il  y  a  peu  de  gens  qui  Taient  lu  d'un  bout  à  Tautre.  Kaufmann  est 
de  beaucoup  plus  maniable  et  pluslisible;  mais  il  traite  trop  longuement 
certains  détails,  touche  trop  brièvement  à  d'autres,  et  en  laisse  d'autres 
de  côté.  L'auteur  du  présent  ouvrage  cherche  à  éviter  ces  défauts  en  le- 
traçant  dans  un  grand  tableau  d'ensemble  tous  les  côtés  de  l'ancienne 
vie  germanique.  Sa  tâche  difficile  a  été  entreprise  avec  sérieux  et  ter- 
minée avec  succès.  On  apprend  beaucoup  dans  ce  premier  volume  qui 
est  à  la  fois  clair  et  complet,  sous  une  forme  concise.)  —  Elben,  Nie- 
derôsterreich  u.  seine  Schutzgebiete  i524,  ein  Beitr.  zur  Gesch.  des 
Bauernkrieges.  —  Ratzel,  Die  Schneedecke  bes.  in  deutschen  Gebir- 
gen.  —  Clerke,  Gesch.  der  Astronomie  imXIX  Jahrh.  —  Alb,  Levy, 
Beitr.  zum  Kriegsrecht  im  Mittelalter,  insbes.  in  den  Kampfen,  an 
welchen  Deutschland  betheiligt  war.  (peu  de  résultats  scientifiques;  ne 
connaît  pas  toutes  les  sources  du  sujet).  —  Subhadra,  buddhist.  Cate- 
chismus  zur  Einfiihr.  in  die  Lehre  des  Buddha  Gautama.  —  Von  Scala, 
Die  Studien  des  Polybios,  I  (quelques  bonnes  remarques,  mais  l'auteur 
lire  des  documents  plus  qu'ils  ne  le  permettent).  —  Lejay,  Inscriptions 
antiques  de  la  Côte-d'Or  (très  estimable  travail).  —  Bruder  Hermanns 
Leben  der  Grafin  Jolande  von  Vianden,  p.  p.  Meier  (bon).  —  Sittard, 
Zur  Gesch.  der  Musik  u.  des  Theaters  am  wiirltemb.  Hofe,  I,  1458- 
1773.  —  Besson,  De  Seb.  Brant  sermone;  Etude  sur  Fischart  (le  travail 
sur  Fischart  est  fort  recommandable).  —  Froitzheim;  Gœthe  u.  H,  L. 
Wagner  (trop  de  fantaisie). —  Goldschmidt,  Liibecker  Malerei  u.  Plastik 
bis  i53o  (très  bon  travail), 

Deutsche  Litteraturzeitimg,  no  26  :  Bruch,  seine  Wirks.  in  Schule  u. 
Kirche  1821-1872.  —  Koltzsch,  Melanchtons  philosoph.  Ethik.  — 
K.  A.  ScHMiD,  Gesch.  der  Erzieh.  vom  Anfang  an  bis  auf  unsere  Zeit, 
11,2.  —  Sal.  Stein,  Das  Verbum  der  Mischnahsprache;  Rosenberg, 
Das  aram.  Verbum  im  babylon.  Talmud  ;  M.  Schlesinger,  Das  aram. 
Verbum  im  Jérusalem.  Talmud  (de  bons  travaux;  celui  de  Schlesinger 
est  excellent).  —  Glossae  codicum  Vaticani  332i,  Sangall.  912,  Leid. 
67  F.,  p,  p.  GoETz.  —  Wormstall,  Ueber  die  Chamaver,  Bructerer  u. 
Angrivarier,  mit  Rûcksicht  auf  den  Ursprung  der  Franken  u.  Sachsen 
(contestable).  —  Lamprecht,  Die  rom.  Frage  von  Kônig  Pippin  bis  auf 
Kaiser  Ludwig  den  Frommen  («  laisse  trop  de  carrière  au  Jeu  de  la 
sagacité  »).  —  Archiv  fur  Frankfurts  Gesch.  u.  Kunst,  III,  2,  —  Bi- 
bliothek  denkwûrd.  Forschungsreisen,  p.  p.  Falkenhorst,  i-3.  — 
Burckhardt,  Zur  Gesch.  der  locatio  conductio.  —  Alb.  Levy,  Beitr. 
zum  Kriegsrecht  im  Mittelalter,  insbes.  in  den  Kampfen,  an  welchen 
Deutschland  beteiligt  war  (sujet  ingrat).  —  Mack,  Die  Finanzverwalt. 
der  Stadt  Braunschweig  bis  1374  (a  de  bonnes  parties). —  I  Nibelunghi, 
trad.  Pizzi  (fait  avec  soin,  et  bien  réussi).  —  Generalversammlung  der 
Gœthegesellschaft  (réunion  du  3i  mai). 

Gœttingische  gelehrte  Anzeigen,  n"  12  :  Dr.  Martin  Luthers  Werke, 
VI^  vol.  p.  p.  Kolde.  — NuTT,  Studieson  the  legends  of  the  holy  Grail 
(long  et  important  article  de  H.  Zimmer  qui  constate  qu'il  manque 
beaucoup  à  M.  Nutt  et  qui  conclut  par  le  vers  «  ut  desint  vires,  tamen 
est  laudanda  voluntas  »  ;  Nutt  ne  connaît  point  par  lui-même  les  lan- 
gues et  les  littératures  celtiques  et  se  trouve  réduit  à  des  traductions, 
des  sommaires,  etc.;  en  outre,  il  n'a  aucune  idée  de  l'influence  que  les 
peuples  civilisés  de  l'Europe,  Romans,  Celtes,  Germains,  ont  exercée 
les  uns  sur  les  autres  pendant  mille  ans). 

Berliner  philologisc'ne  Wochenschrift,  n»  26  :  Die  Ausgrab.  in  Troja.  — 
Zu  den  Hymnen  des  Proklos  (Ludwich).  —  Ammon,  De  Dionysii  Halic. 
libr.  rhetor.  foniibus  (instructif).  —  Philodemi  fragm.,  p.  p.  Hausrath. 
—  Zelle,    Novum   Testam.  graece,  I.  Das  Evangel.  des  Matthâus.  — 


Horaz,  I.  Oden  u.  Epoden ,  3"  Aufl.  p.  p.  Schûtz  —  TertuUian, 
p.   p.   Reifferscheid  et  Wissowa,  I  (texte  considérablement  amélioré). 

—  Studniczka,  Kyrene,  eine  altgriech.  Gôttin  (fait  avec  grand  soin).  — 
Gabriel  Melin,  La  clientèle  romaine  (original,  soigné,  mais  trop  d'ypo- 
thèses.  —  V.  Henry,  Esquisses  morphologiques,  V.  Les  infinitifs  latins 
(travail  où  l'infatigable  auteur  montre  de  nouveau  sa  pénétration). 

Deutsche  Rundschau,  juillet  :  G.  von  Loeper,  Gœthe  u.  Weimar  (confé- 
rence faite  le  3i  mai  à  l'assemblée  générale  de  la  Société  de  Gœthe).  — 
JuNKER  VON  Langegg,  Heilige  Baume  und  Pflanzen,  culturgesch.  Skizze. 
— O.  Hartwig,  Florenz  u.  Savonarola.— Rodenberg,  Jul.  Dingelstedt, 
Blâtter  aus  seinem  Nach^ss,  mit  Randbemerkungen  :  Der  Theaterin- 
tendent  und  Freiherr.  M/inchen.  I,  1851-1857.  —  Eucken,  Der  Kampf 
der  Gegenwart  u.  die  Lebensanschauung  im  Lichte  der  w^eltgeschicht- 
hchen  Arbeit.  —  Krause,  Aus  dem  Berliner  Musikleben,  —Nietzsche, 
Berichtigung.  —  Ad.  Frey,  Aus  einer  Schweizerischen  Kleinstadt.  — 
Die  Nibelungen  in  italieni^cher  Uebersetzunii 

Neues  Archiv  der  Gesellschaft  fur  aeltere  deutsche  Geschichtskunde,  XV,  3  : 
Sackur,  Reise  nach  Nord-Frankreich  1889.  —  Simonsfeld,  Bericht 
ûber  einige  Reisen  nach  Italien.  —  Gundlach,  Ueber  die  Columban- 
Briefe.  —  Hartmann  (L.  M.),  Ueber  die  Orthographie  Papst  Gregors  L 

—  Breslau,  Zusatz  ûber  einen  Gregor  I  zugeschriebenen  Brief  (Ori- 
ginal aut  Papyrus  in  Monza).  —  V.  Simson,  Kritische  Erôrterungen.  — 
MiscJlen  :  Wrede,  Zwei  ostgot.  Miscellen;  Chroust,  Topogr.  Èrklar. 
zu  einigen  Steilen  in  den  Monum.  Germ.;  L.  V.  Heinemann,  Die 
alteren_ Diplôme  fur  das  Kloster  Brogne  u.  die  Abfassungszeit  der  Vita 
Gerardi;  Sackur,  Zu  den  Legenden  des  hlg.  Franz  von  Assisi;  Baum- 
garten  (P.  M.),  Ueber  eine  Handschrift  der  Briefe  Gregors  I  ;  Schmitz, 
Tiron,  Miscellen;  Lippert,  Zu  dem  Necrol.  S.  Vitoni  Virdunensis. 

Zeitschrift  fïir  romanische  Philologie,  1890,  XIV,  1-2  Heft  :  W^ieprecht, 
Die  latein.  Homilien  des  Haimo  von"  Halbeistadt  als  Quelle  der  altio- 
thring.  Haimo  —  Uebersetzung.  —  E.  Gessner,  Die  hypothetische  Pé- 
riode im  spanischen  in  ihrer  Entwickelung.  —  Ch/BoNNiER,  Etude 
critique  des  chartes  de  Douai,  1223-1275.  —  Schiavo,  Fede  e  supers- 
lizione  nell'antica  poesia  francese.  —  Crescini,  Azalais  d'Altier.  — 
Gorra,  Fonetica  del  dialetto  di  Piacenza.  —  Vermischtes  :  Baist,  Die 
Todtenbrucke.  —  Appel,  zu  Guillelm  Ademar,  Grimoart  Gausmar  u. 
Guillem  Gasmar.  —  Kôppel,  Ist  Bice  Portinari  Dante's  Béatrice?  — 
BiNz,  Zum  Evangile  de  femmes.  —  Suchier,  Zu  Aucassin  (tateron, 
soïsté).  Schuchardt,  Wortgeschichtliches  (Span.  dengue;  mimus,  mo- 
mus;  malandria;  gilet;  span.  port,  tomar  ;  franz.  mauvais,  altfr.  mauve). 
Baist,  manera.  —  Besprechungen  :  A  Thomas,  poésies  complètes  de 
Bertran  de  Born.  —  Du  Puitspelu,  Dict.  etymol.  du  patois  lyonnais. 
—  Leop.  de  Eguilaz  y  Yangvas.  glos.  etimolog.  de  las  palabras  espano- 
les.  —  Kressner,  Bibl.  span.  Schriftsteller.  —  Barseanu,  Doine  si  Stri- 
gaturi  din  Ardeal  ;  Marian,  Descanteze  poporane  romane;  Schwazfëld, 
poesiile  populare  colectia  Alecsandri;  Xenopol,  Storia  Rominilor  din 
Dacia  Traiana.  —  Bédier,  Le  lai  de  l'ombre. 

Theolog'ische  Literaturzeitimg-,  n"  i3  :  Resch,  Agrapha,  aussercanon. 
Evangelienfragm.  —  Wolf,  The  Lutherans  in^America.  —  Weiss, 
Einleit.  in  die  christl.  Ethik.  —  Euler,  Handb.  zum  Kleinen  Cate- 
chismus  Luthers.  —  Wild,  Der  Kleine  Catechismus  Luthers.  — 
Œhmke,  Die  funf  Hauptstiicke  des  lutherischen  Katechismus.  —  No- 
tiz.  zu  Priscillian.  ^Schepss.) 


LePuy.  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laureni.   il. 


N*^  29  Vingt-quatrième  année  21  juillet  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      H  E  li  D  O  M  A  D  A  1  K.  K 


Directeur  :  A.  GHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA    SOCIÉTÉ    ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,     RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  coinmiinicatiojts  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 

EUNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

PRINCIPES    DE    LA   FORTIFICATION 

A  IN  1  Iv^Uc,  depuis  les  temps  préhistoriques  jusqu'aux 
croisades,  pour  servir  au  classement  des  enceintes  dont  le  sol  de 
la  France  a  conservé  la  trace,  par  M.  G.  de  la  Noé,  colonel  du 
génie,  i"  fascicule.  Fortification  préhistorique  et  fortification  gau- 
loise. In-8,  fig.  et  planches 3  5o 

2"  fascicule.  Fortification  romaine.  In-8,  5  planches 3   5o 

De  AivL^OiA  1  LJC  1  A,  thesim  proponebat  Facultati 
Litterarum  Parisiensi  Theod.  Reinach.  ln-8 3  fr. 

L'AFRIQUE  DU  SUD.  Histoire  de  la  colonie  an- 
glaise du  Cap  de  Bonne  Espérance  et  de  ses  annexes.  Par  M.  Paul 
LÉLu.  In-8,  carte 2  5o 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n°  948  :  The  Journal  of  Marie  Bashkirtseff,  translatée! 
with  an  introd.  by  Math.  Blind.  —  Stubbs,  The  history  of  the  Univer- 
sity  of  Dublin,  from  his  foundation  to  the  end  of  the  XVIII  century.  — 
DoLsoN,  Russia's  railway  advance  into  Central  Asia,  notes  of  a  journey 
from  St.  Petersburg  to  Samarkand.  —  The  etymology  of  davit  (Skeat). 

—  Cockney  (Chance)  —  The  Apographon  of  the  Ambrosian  palimp- 
sest  of  Plautus,  p.  p.  Studemund.  —  The  art  of  Judaea  (Pétrie).  —  The 
Antigone  at  Bradfield.  (Sandys  et  Am.  B.  Edwards] . 

The  Athenaeum,  5  Juillet  :  Continental  literature,  july-iSSg  july  1890  : 
Belgique,  Bohème,  Danemark,  France,  Allemagne,  Grèce,  Hollande, 
Italie,  Norvège,  Pologne,  Russie,  Espagne  (Laveleye  et  Fredericq  ; 
Cermak;  Peiersen,J.  Reinach  ;  Zimmermann  ;  Lambros;  Van  Campen; 
Bonghi;  Jaeger;  Belcikowski;  Milyoukov;  Riano).  —  Stanley,  In 
Darkest  Africa,  or  the  quest,  rescue  and  retreat  of  Emin,  governor  of 
Equatoria.  —  Prince  Dorus  (Tuer).  —  The  manuscripts  of  the  House 
of  Lords.  —  The  explorations  at  Cyprus  (Munro). 

Literarisches  Centralblatt,  n°  28  :  The  psalms  in  Greek,  p.  p.  Swete.  — 
Neumanm,  Der  rômische  Staat  u.  die  allgemeine  Kirche  bis  auf  Diocle- 
tian.  I.  (excellent).  —  Rodenberg,  Ueber  wiederholte  deutsche  Kônigs- 
wahlen  im  XIII  Jahrh.  (instructif).  —  Hanserecesse  1477-1530,  p.  p. 
D.  ScH^FER,  IV.  —  GiTNDLACH,  dcT  Strcit  dcr  Bistûmer  Arles  u.  Vienne 
(cp.  Revue,  n°  26). —  Heigel,  Quellen  u.  Abhandl.  zur  neueren  Gesch. 
Bayerns,  neue  Folge  (neuf  études).  —  G.  Wolf,  Josefina  (extraits  de 
documents).  —  Scheele,  Die  Lettres  d'un  officier  prussien  Friedrich's 
des  Grossen  (fait  avec  méthode  et  soin).  —  Bartholomae,  Indogerm.  ss 
(cp.  Revue,  n°  16).  —  Larsen,  Studia  critica  in  Plutarchi  moralia 
(composé  avec  une  bonne  méthode  et  non  sans  pénétration).  —  Hue  de 
Rotelande's  Ipomedon,  ein  franz.  Abenteuerroman  des  XII  Jahrh.,  p.  p. 
KuLBiNG  u.  KoscHwiTz.  —  KiLiAN,  Die  Mannheimer  Buhnenbearbeit. 
des  Gôtzvon  Berlichingen  vom  Jahre  1786,  hrsg. —  Drovsen,  Heerwe- 
sen  u.  Kriegfûhr.  der  Griechen,  II.  (Toujours  le  même  savoir,  la  même 
abondance  de  matériaux  et  le  même  soin).  —  Hogarth,  Dévia  Cypria 
(cp.  Revue,  n°  7).  —  Schiess,  Die  rômischen  coUegia  funeraticia  nach 
den  Inschriften  (cp.  Revue,  n°  29). 

,  Deutsche  Literaturzeitung',  n"  27  :  Bibliothèque  de  l'École  des  Hautes 
Etudes,  sciences  religieuses,  vol.  I  (cp.  Revue  1889,  n»  65).  —  O. 
JilGER,  Abriss  der  neusten  Gesch.  1815-1871,  2^  Aufl.  —  l'he  minor 
Law-Books,  translated  by  Julius  Jolly,  part  I,  Nârada,  Brihaspati 
(très_  bon).  —  Grundmann,  Ueber  98  in  Attica  gefundene  Henkelin- 
schriften  auf  griech.  Tongefassen  (art.  de  Kaibel  «  eine  grûndliche  Pru- 
fung  u.  Beurteilung  des"  reichen  Materials  ist  dringend  von  Nôten; 
weder  was  G.  noch  was  seine  Vorgânger  ermittelt  haben,  kann  genii- 
gen  ))).  —  Leisev\^itz,  p.  p.  R.  M.  Wernep.  —  Rajna,  Le  corîi  d'amore 
(conférence  qui  est  devenue  un  petit  livre  destiné  au  grand  public;  ce 
qu'il  renferme  de  plus  important,  se  trouve  à  la  note  67).  —  G.  F. 
Hertzberg,  Gesch.  der  Stadt.  Halle  a.  S.  (l'auteur  qu"on  a  coutume  de 
rencontrer  sur  le  domaine  de  l'histoire  byzantine  et  romaine,  a  écrit 
Thistoire  de  sa  ville  natale,  avec  beaucoup  de  soin  et  de  couleur]. 
N.  Weiss,  La  chambre  ardente,  étude  sur  la  liberté  de  conscience  sous 
François  I*-^  et  Henri  II  (très  recommandablel.  —  SiFFARo,  Gesch.  des  xMu- 
sik  =und  Concertwesens  in  Hamburg;  Studien  u.  Charakteristiken. — 

—  SuRcouF,  Un  corsaire  malouin,  Robert  Surcouf  (se  lit  avec  intérêt). 


LIBRAIRIE     HACHETTE     ET     C 

79,    BOULEVARD   SAINT-GERMAIN,   PARIS. 

FUSTEL  DE  COULANGES 

Membre  de  l'Institut  (Académie  des  sciences  morales), 
professeur  en  Sorbonne. 


HISTOIRE 

DES 

INSTITUTIONS  POLITIQUES  DE  L'ANCIENNE  FRANCE 

LES  ORIGINES  DU  SYSTÈME  FÉODAL 
LE  BÉNÉFICE  ET  LE  PATRONAT  PENDANT  l'ÉPOQUE  MÉROVINGIENNE 

Revu  et  complété,  sur  le  manuscrit  et  d'après  les  notes  de  l'auteur 

Par  Camille  JULLIAN 
Chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux. 

Un  volume  in-8,   broché 7  fr.  5o 

DU    MÊME   AUTEUR  : 

Histoire  des  institutions  politiques  de  l'ancienne  Franck  : 
La  Gaule  romaine.  1  vol.  in-8°  (En  préparation). 
L'Invasion  germanique.  1  vol.  in-8°  (En  préparation). 
La  Monarchie  franque.  1  vol.  in-8°,  broché.  7  fr.  50. 

L'alleu  et  le  domaine  rural  pendant  l'époque  mèrovingieniie.  1  vol.  in-8,   bro- 
ché. 7  fr.  50. 

SOURCHES   (Marquis  de) 


MÉMOIRES  SUR  LE  RÈGNE  DE  LOUIS  XIV 

Publiés  d'après  le  manuscrit  authentique  appartenant  à  M.  le  duc  des  Cars 
Par  le  comte  DE  COSNAC  (Gabriel-Jules) 

ET 

Edouard  PONTAL,  archiviste  paléographe. 

Mise  en  vente  du  Tome  X  embrassant  la  période  de  janvier  1706 

à  décembre  1707. 

Un  volume  in-8,  broché 7  fr.  5o 

L'ouvrage  complet  formera  environ  15  volumes. 

Il  a  été  tiré  150  exemplaires  numérotés   sur  grand  raisin  vélin  de   Hollande,  à 
20  fr.  le  volume. 

Les    neuf  premiers  volumes   (septembre  1681  -  janvier  1704)  ont  paru  précé- 
demment. Chaque  volume.  7  fr.  50. 


LIBRAIRIE      HACHETTE      ET      C 

79,     BOULEVARD     SAINT-GERMAIN,    PARIS 

THIERRY-POUX 


1  e 


PREMIERS  MOOTECTS  DE   L'IMPRIMERIE  M   FRANCE 

AU    XV'   SIÈCLE 
Un  vol.  in-folio,  cartonné 60  fr. 

LES  CAHIERS  D'UN  RHÉTORICIEN 

DE  1815 

Un  volume  petit  in-16,  imprimé  sur  papier  du  Marais,  broché.     .     .    7  fr.  50 
Cet  ouvrage  n'a  été  tiré  qu'à  500  exemplaires  numérotés. 

Tous  ceux  qui  ont  passé  par  l'Université,  dans  les  années  qui  précédèrent  la 
révolution  de  1848,  ont  gardé  le  souvenir  de  M.  Bary,  qui  était  professeur  de  phy- 
sique et  répétiteur  de  science  à  l'Ecole  polytechnique.  Ses  enfants  ont  retrouvé 
dans  ses  archives  trois  cahiers,  d'un  papier  "jauni,  écrit  par  leur  père,  et  qui  por- 
taient ce  Litre  :  Mes  Ephémérides.  M.  Bary,  à  l'heure  où  il  était  encore  sur  les 
bancs  du  lycée,  en  rhétorique,  avait  eu  idée  de  noter,  chaque  soir,  ses  impressions 
du  jour,  d"écrire  son  journal.  Le  journal  ne  dura  que  trois  mois,  ou  du  moins, 
on  li'en  a  retrouvé  que  trois  cahiers.  Mais  ces  trois  mois  sont  précisément  ceux 
que  l'on  a  nommés  les  Cent  jours,  ce  qui  permit  à  l'enfant  de  s'occuper  de  politi- 
que et  de  nous  montrer,  en  parlant  de  son  père  et  des  amis  de  son  père,  l'état  des 
esprits  à  cette  époque  si  troublée  et  si  curieuse. 

On  a  fait  imprimer  les  cahiers  tels  quels,  sans  y  changer  un  mot.  Ils  sont  bien 
amusants  à  lire,  parce  qu'ils  nous  donnent  des  renseignements  très  précis  sur  les 
idées,  les  mœurs  et  les  tours  d'esprit  de  celte  génération  d'écoliers,  qui  allaient 
être  des  hommes  et  accomplir  les  grandes  choses  de  la  Restauration. 

(Extrait  du  17P  Siècle  du  4  avril  1890.) 

GUILLAUME  (J.) 


PESTALOZZE 

(ÉTUDE  biographique) 
Un  volume  in-16,  broché,  avec  un  portrait  de  Pestalozzi.     .     .     .     3  fr.  50 


FERDINAND  BRUNETIERE 


L'ÉVOLUTION    DES    GENRES 

DANS  L'HISTOIRE  DE  LA  LITTÉRATURE 

LEÇONS    PROFESSÉES    A    l'ÉCOLE    NORMALE    SUPÉRIEURE 

TOME  PREIVIIER 
Introduction  :  L'évolution^  de  la  critique  depuis  la  Renaissance  jusqu'à 

nos  jours. 

Un  volume  in-16,  broché 3  fr.  50 


Le  Puy    imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N°  30  Vingt- quatrième  année  28  juillet  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL.      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  2  5  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA    SOCIÉTÉ    ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES    LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 

KKNEST  LKROUX,  EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

PRINCIPES    DE    LA    FORTIFICATION 

A  IN  1  Iv-^UC,      depuis    les    temps     préhistoriques    jusqu'aux 
croisades,  pour  servir  au    classement  des  enceintes  dont    le    sol   de 
la  France    a  conservé   la   trace,  par  M.  G.  de  la  Noé,  colonel  du 
génie,    i^''  fascicule.   Fortification  préhistorique  et  fortification  gau 
loise.  In-8,  fig.  et  planches 3   5o 

2°  fascicule.  Fortification  romaine.  In-8,  5  planches 3  5o 

J-JC  AiNV^rllA  1  wClA,  thesim  proponebat  Facultati 
Litterarum  Parisiensi  Theod.   Reinach.  ln-8. 3  fr. 

L'AFRIQUE  DU  SUD.  Histoire  de  la  colonie  an- 
glaise du  Cap  de  Bonne  Espérance  et  de  ses  annexes.  Par  M.  Paul 
Lélu.  In-8,  carte 2  5o 


PERIODIQUES 

BiiUetiu  du  Cercle  Saint-Simon,  n°  2,  juin  1890  :  Assemblée  générale  du 
29  mars.  —  Nomination  du  bureau  et  des  commissions.  —  Nouveaux 
membres.  —  Li^'res  nouveaux.  —  Chronique  (le  prochain  numéro  con- 
tiendra un  compte-rendu  des  conférences  de  MM.  Durand-Gréville, 
MouNET-SuLLY  et  G.  Deschamps,  et  des  dernières  réunion?  qui  ont  eu 
lieu  au  Cercle). 

The  Academy,  n»  941  :  Stanley,  In  Darkest  Africa  on  thequest,  rescue 
and  retreat  of  Emin,  governor  of  Equatoria.  Deux  volumes.  —  Mac- 
CARTHY,  The  French  Révolution,  vol.  I.  (Ne  contient  encore  qu'une 
introduction  aux  trois  volumes  suivants).  —  Wright,  The  composition 
ot  the  four  gospels,  a  critical  inquiry.  —  Woodbury,  Talks  with  Emer- 
son. —  Myers,  Lord  Althorp.  —  Some  books  on  folklore  :  Allen,  Ko- 
rean  taies:  Gôrnes,  studien  zur  gtiech.  Mythologie;  Lauchert,  Gesch. 
des  Physiologus;  Marx,  Griech.  Miirchen  von  dankbaren  Tieren  u. 
Verwandtes  (cp.  sur  Lauchert,  Revue,  1889,  n°  24  et  sur  Marx,  Revue, 
1889,  n"  37).  —  Notes  and  news.  —  A  Pâli  adress  to  an  English  gover- 
nor.-— De  Quincey's  alleged  untruthfulness  (Florence  Baird-Smith,  De 
Quincey's  daughther).  —  The  lost  works  of  Philo  (Conybeare).  —  The 
substantive  louke  in  Ghaucer  (Skeat).  —  An  Icelander  upon  the  bond- 
man  (Stefanson).  —  Printing  at  Avignon  in  1444  (Axon  :  1'  «  ars  scri- 
bendi  artiticialiter  »  de  Waldvogel  ne  serait-il  pas  un  terme  impropre 
«  for  stencils  to  be  used  by  the  scribe  »  ?)  —  Lilly,  On  Right  and 
Wrong.  —  Contributions  to  Pâli  lexicography  :  i  Lûha,  luhasa, 
lukhasa.  2  Rabhasa.  3  Arana-vihârî  4.  Sâlittaka.  5  Pitta.  6.  Samâsîtîs 
7.  Satakkatu.  8.  Sahunnavâsî  (R.  Morris).  —  Millar,  The  historical 
castles  and  mansions  of  Scotland,  Perthshire  and  Forfarshire. 

The  Athenaeum,  n°  3272  :  Ernst  II,  Herzog  von  Sachsen  Coburg  Go- 
tha, Aus  meinem  Leben  und  aus  meiner  Zeit,  III  Band,  Memoirs  of 
Ernest  II,  Duke  of  Saxe-Coburg-Gotha,  vols  III  and  IV,  translated 
from  the  German  by  Percy  Andreae.  —  Driver,  Notes  on  the  Hebrew 
texl  of  the  Books  of  Samuel,  with  an  introd.  on  Hebrew  palaeography 
and  the  ancient  versions  and  facsimiles  of  inscriptions.  —  Fraser  Mac- 
kintosh,  Letters  of  two  centuries.  —  The  Gutenberg  célébration  in  Co- 
logne. —  The  officiai  despatches  of  the  Great  Rébellion.  —  Lermolieff, 
Kunstkritische  Studien  ûber  italienische  Malerci,  die  Galérien  Borghese 
und  Dorian  Panfili,  in  Rom.  —  Notes  from  Athens  (Lambros).  —  The 
British  Archaeological  Association  at  Oxford.  —  The  British  School  at 
Athens. 

Literarisches  Centralblatt,  n°  29  :  Margoliouth,  An  essay  on  the  place 
of  Ecclesiasticus  in  Semitic  literature.  —  Von  Hase,  Kirchengesch.  — 
Anonymi  Gesta  Francorumet  aliorum  Hierosolymitanorum,  p.  p.  Ha- 
GENMEYER  (édition  définitive  et  indispensable  par  son  commentaire).  — 
WiTTE,  Die  Armagnaken  im  Elsass  (attachant).  —  N.  Weiss,  La  cham- 
bre ardente,  étude  sur  la  liberté  de  conscience  sous  François  P""  et 
Henri  II  («  image  saisissante  de  la  cruauté  de  la  persécution  et  du  mar- 
tyre héroïque  des  protestants  français  »).  — Von  Werner,  Ein  deutsches 
Kriegsschiff  in  der  Sùdsee.  —  Die  Befestigungen  Frankreichs,  ein  Bei- 
trag  zur  Kenntniss  der  franz.  Landesverlheidigung.  —  Mommsen, 
Romisches  Stadtrecht,  III,  i  et  2.  —  Reinisch,  Die  Kunama-Sprache  in 
Nordost-Afrika,  II.  —  Alb.  Zimmeumann,  Krit.  Untersuchungen  zu  den^ 
Posthomerica  des  Quintus  Smyrnaeus  (met  à  une  trop  rude  épreuve  la 
patience  du  lecteur).  —  Bulering,  Gesch.  der  Ablaute  der  starken 
Zeitworter  innerhalb  des  Siidenglischen  (fait  avec  grande  compétence 
et  méthode).  —  Appel,  Provenzalische  inedita  aus  Pariser  Handschrif- 


1 


ten  (travail  fort  consciencieux).  —  Gaston  Paris,  Extraits  delà  Chanson 
de  Roland  et  de  la  Vie  de  S.  Louis,  2«  éd.  (guide  commode  et  sûr  ;  la 
main  du  maître  qui  s'est  trouvée  prête  pour  une  tâche  en  apparence  peu 
importante,  ne  se  dément  nulle  part).  —  Bonet-Maury,  Bûrger  et  les 
origines  anglaises  de  la  ballade  littéraire  en  Allemagne  (rien  de  nouveau, 
mais  l'essentiel  devait  être  mis  plus  clairement  en  relief  et  il  faudrait 
en  certains  endroits  plus  d'exactitude;  cp.  Revue,  n°  i). —  Roscher, 
Ausfûhrl.  Lexicon  der  griech.  u.  rôm.  Altertûmer,  I,  i  u.  2.  Aba  bis 
Hysiris.  —  Bohn,  Altertûmer  von  Aegae,  unter  Mitw.  von  K.  Schu- 
CHARDT,  hrsg.  (important).  —  Lutsch,  Die  Kunstdenkmaler  der  Land- 
kreise  des  Regierungsbezirkes  Breslau,  IV.  —  Ziel,  Erinner.  aus  dem 
Lehen  eines  alten  Schulmannes.  —  De  Parville,  L'exposition  univer- 
selle, lettre-préface  par  Alphand.  —  Caspar's  Directory  of  the  American 
book,  news  and  stationery  trade,  wholesale  and  retail,  comprising  the 
publishing,  subscription,  retail  book,  antiquarian,  etc.  in  the  United 
States  and  Canada  (servira  d^indicateur  à  la  librairie  américaine).  — 
Jahresverzeichnis  der  an  den  deutschen  Schulanstalten  erschienenen 
Abhandlungen,  L 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n"  28  :  Delitzsch,  Buch  Jesaia.  —  Adam, 
Die  Aristotel.  Théorie  vom  Epos  nach  ihrer  Entwickl.  bei  Griechen  u. 
Romern.  (n'est  pas  au  courant).  —  Hubner,  Bibliogr.  der  Klass.  Alter- 
tumswiss.  a**  éd.  —  Schipper,  Zur  Kritik  der  Shakspere  —  Baconfrage 
(cp.  Revue,  n"  28).  —  Max  Herrmann,  Siegfried  I  Erzbischof  von  Mainz 
1060-1084  (bon  à  critiquer  sur  plusieurs  points).  —  Stanley  Lane 
Poole,  The  Barbary  Corsai rs  (fait  avec  soin  et  habileté).  —  Van  Muyden, 
La  Suisse  sous  le  pacte  de  181 5  [cp.  Revue,  n"  24).  — De  La  Martinière, 
Marocco,  journeys  in  the  Kingdom  of  Fez  and  to  the  court  of  Mulai 
Hassan.  —  G.  Galland,  Gesch.  der  holltlnd.  Baukunst  u.  Bildnerei  im 
Zeitalter  der  Renaissance,  der  nationalen  Bliite  u.  des  Classizismus 
(bien  des  reproches  à  faire  :  manque  de  clarté  et  d'ensemble,  pas  de 
grands  points  de  vue,  pas  de  caractéristique  frappante,  mais  enthou- 
siasme pour  le  sujet  et  connaît  en  détail  les  œuvres  d  art).  —  Amerika- 
nische  orientalische  Gesellschaft  (7  mai). 

Bulletin  international  de  l'Académie  des  sciences  de  Cracovie,  mai  :  Zdziechowski, 
sur  les  critiques  de  Byron.  —  Porebowicz,  Notice  relative  à  la  biblio- 
graphie espagnole  (liste  des  livres  espagnols  de  la  Bibliothèque  de  Cra- 
covie).  —  Lewicki,  Ueber  das  Verhaltnis  Lithauens  zu  Polen  zur  Zeit 
Jagiellos  und  Witolds. 

Magazin  fiïr  die  Litteratur  des  In-iind  Auslandes,  n°  25  :  Rehberg,  Der 
Niedergang  der  Lyrik.  —  Von  Sutner.  Octave  Mirbeau.  —  Neumann- 
Hofer,  Berliner  Theaterbriefe.  —  Aus  Thomas  Moore's  Irish  Mélodies, 
libers,   von  Gisberte  Freiligrath.   —  Guy  de  Maupassant,  Wer  weiss  ? 

N°  26  :  K.  Blind,  Ein  griech.  Forscher  unter  den  alten  Deutschen 
I.  (Il  s'agit  de  Pytheas.)  —  01a  Hansson,  Scandin.  Litteratur,  II.  — 
P.  Rachi,  Hélène  Swarth.  —  Otto  Ernst,  Neue  Lyrik.  —  A.  F.  Die 
Bruderschaft  der  Humanitât  in  Nordamerika.  —  Alecsandri,  Der 
Schub  nach  Sibirien,  ubertr.  von  Radow.  —  Guy  de  Maupassant,  Wer 
weiss? 

N"  27  (paraît  désormais  avec  une  couverture  de  couleur  jaune)  : 
Harden,  Rembrandt  als  Erzieher.  —  O.  Ernst,  Die  Scheu  vor  der  Ten- 
denzdichtung.  —  Stossel,  Bucher-Physiognomien.  —  Gurlitt,  Gott- 
fried  Shadow  als  Impressionist.  —  Aus  der  niederlândischen  Lyrik 
(Uebersetz.  von  Pluim).  —  Gia.mpou,  Schierling,  I  (ubers.  von  Lo- 
cella;. 


DICTIONNAIRE    GÉNÉRAL 


DE    LA 

LANGUE  FRANÇAISE 

DU  COMMENCEMENT  DU  XVIP  SIÈCLE  JUSQU'A  NOS  JOURS 

PRÉCÉDÉ  d'un 

TRAITÉ  DE  LA  FORMATION  DE  LA  LANGUE 

ET  CONTENANT  : 

1°  LA   PRONONCIATION  FIGURÉE  DES  MOTS  ; 

2°    LEUR     ÉTVMOLOGIE;    LEURS   TRANSFORMATIONS    SUCCESSIVES,     AVEC     RENVOI 

AUX  CHAPITRES  DU  TRAITÉ  QUI  LES  EXPLIQUENT, 

ET    l'exemple     le     PLUS     ANCIEN     DE    LEUR     EMPLOI  ; 

3^  LEUR    SENS  PROPRE,   LEURS   SENS  DÉRIVÉS  ET    FIGURÉS,   DANS    L'ORDRE  A  LA    FOIS 

HISTORIQUE  ET  LOGIQUE  DE    LEUR  DÉVELOPPEMENT  ; 

4°  DES  EXEMPLES  TIRÉS  DES  MEILLEURS  ÉCRIVAINS,  AVEC   INDICATION 

DE    LA  SOURCE  DES  PASSAGES  CITÉS 

PAR  MM. 

Adolphe    HATZFELD 

PROFESSEUR      DE      RHÉTORIQUE      AU      LYCÉE     LOUIS-LE-GRAND 

ET 

Arsène  DARMESTETER 

PROFESSEUR    DE    LITTÉRATURE    FRANÇAISE  DU  MOYEN  AGE  ET   d'HISTOIRE  DE    LA  LANGUE 
FRANÇAISE   A  LA     FACULTÉ  DES   LETTRES  DE   LYON 

AVEC    LE    CONCOURS    DE 

M,  Antoine  THOMAS 

CHARGÉ  DU  COURS  DE  PHILOLOGIE  ROMANE  A  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  DE  PARIS 


é 


MODE    DE   PUBLICATION 

Cet  ouvrage  sera  publié  en  30  fascicules  de  80  pages,  du  prix  de  1  franc 
chacun. 

Il  paraîtra  un  fascicule  tous  les  deux  mois  au  début  de  la  publication,  et 
bientôt,  nous  l'espérons,  un  par  mois. 

On  souscrit  d'avance  à  l'ouvrage  complet  au  prix  de  30  francs. 

Les  souscripteurs  recevront,  sans  frais,  tous  les  fascicules  au  fur  et  à  mesure 
de  leur  apparition,  et  bénéflcieront,  en  outre,  sans  que  le  montant  de  leur 
souscription  en  soit  augmenté,  de  tout  ce  qui  pourra  paraître  en  plus  de  ces 
30   fascicules. 

Les  souscriptions  doivent  être  adressées,  en  mandat-poste,  à  la  Librairie 
Delagrave,  15,  me  Soufflât,  Paris. 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N°  31  Vingt-quatrième  année  4  août  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,   20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,   25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC, 

28,     RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

i  MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 
ALBUM   ARCHÉOLOGIQUE 

DES 

MUSÉES     DE     PROVINCE 

Publié  sous  les  auspices  du  Ministère  de  l'Instruction  publique  et  sous  la  direction  de 

ROBERT  DE  LASTEYRIE 

Membre  de  l'Institut 

Première  livraison,  comprenant  i3  feuilles  de  texte  et  8  pi.  en  héliograv.     12  fr. 

Cet  ouvrage  n'est  fourni  qu'en  compte  ferme. 

FAC-SIMILÉS  DES  MANUSCRITS  GRECS  DATÉS 

DE  LA  BIBLIOTHÈQUE  NATIONALE 

DU  IX^   AU  XIV«   SIÈCLE 

Publiés  par  HENRI  OMONT 

La  première  livraison  vient  de  paraître.  —  Prix  de  souscription  à  l'ouvrage 

complet 60  fr. 

I.  L'ouvrage  est  publié  en  deux  livraisons  de  chacune  5o  planches  in-folio,  accompa- 
gnées d'un  texte  explicatif.  Ces  100  planches  contiendront  environ  i5o  reproduc- 
tions en  héliotypie  de  tous  les  rnanuscrits  à  date  certaine,  du  ix^  au  xiv«  siècle, 
conservés  à  la  Bibliothèque  nationale,  et  formeront  le  recueil  le  plus  complet  pu- 
blié jusqu'à  ce  jour  pour  l'étude  de  la  paléographie  grecque  au  moyen  âge. 


I 


PERIODIQUES 

Bulletin  critique,  n"  14:  Harris,  The  rest  of  the  words  of  Baruch,'a 
Christian  Apocalypse  ot  the  year  1  36  (édition  très  soignée).  —  Duchesne, 
Origines  du  culte  chrétien,  étude  sur  la  liturgie  latine  avant  Charle- 
magne  (répond  à  ses  critiques,  entre  autres  à  M.  Sabatier;  cp.  Revue, 
n°  22).  —  Serre,  Au  large!  Esquisse  d'une  méthode  de  conciliation 
universelle.  —  De  La  Grasserie,  De  la  catégorie  des  cas  (des  réserves  à 
faire  :  mais  l'auteur  a  le  premier  en  France  tenté  de  mettre  en  œuvre 
les  données  de  linguistique  polyglotte  si  riches  et  si  neuves,  pour  la 
plupart  recueillies  et  débrouillées  dans  les  ouvrages  de  Miiller  et  Win- 
ckler;  cp.  Revue,  n°  18).  —  G.  Thomas,  Du  Danube  à  la  Baltique,  des- 
criptions et  souvenirs  (excellent  compagnon  de  voyage  pour  ceux  qui 
aiment  à  voyager  dans  leur  fauteuil).  —  Analecta  Bollandiana ,  IX, 
I  et  2. 

Mélusine,  Juillet-août  :  Loquin,  La  nouvelle  brochure  de  M.  Gaston 
Paris  «  Les  chants  populaires  du  Piémont  »  (théorie  séduisante  et 
exacte).  —  H.  G.  Les  contes  populaires  dans  l'antiquité  classique,  — 
Les  chemins  de  fer,  IL  —  Chansons  populaires  de  la  Basse-Bretagne, 
XXIV,  Les  trois  buveuses  (Ernault).  —  L'étymologie  populaire  et  le 
folklore;  V.  Dans  les  bras  de  Morphée  (en  français,  «  de  Porfèvre  »,  en 
irlandais,  «  de  Murphy  »)  ;  Saint  Virgile  (ce  saint  est  l'Irlandais  Fergal 
ou  Fergil,  évêque  de  Salzbourg  qui  latinisa  son  nom).  —  Irish  prognos- 
tications  from  the  howling  of  dogs  (O'Grady).  —  Devinettes  de  la 
Haute- Bretagne,  XI  (Orain).  —  Tuchmann,  La  fascination,  4.  Les  fas- 
cinateurs.  Moyens  d'acquérir  le  pouvoir  de  fascination.  —  Bibliogra- 
phie :  Ortoli,  Les  conciles  et  synodes  dans  leurs  rapports  avec  le  tradi- 
tionnisme  (travail  intéressant;  ce  serait  l'étude  de  la  superstition  et  des 
traces  du  paganisme  dans  les  canons  des  conciles;  mais  pour  faire  un 
semblable  travail,  il  faut  être  un  critique  ou  mieux  encore  un  historien, 
c'est-à-dire  un  autre  savant  que  M.  Ortoli).  —  Jahn,  Schwaenke  und 
Schnurren  aus  Bauern  M  und;  Volkssagen  aus  Pommern  und  Riigen, 
2^  éd.  (le  i''»'  vol.  contient  ig  contes  du  genre  facétieux;  le  second,  les 
légendes  et  traditions  de  la  Poméranie  et  de  l'île  de  Riigen).  —  Finamore 
Credenze,  usi  e  costumi  abruzzesi.  —  El  Folk-lore  Filipino,  II,  p.  p. 
de  Los  Reyes. 

The  Acadeniy,  n°  gSo  :  Brow^n,  George  Buchanan,  humanist  and  refor- 
mer, a  biography  (très  recommandable).  —  Morfill,  Russia  (la  partie 
historique  laisse  à  désirer,  mais  le  reste  est  excellent).  —  Fr.  Warner, 
Mental  Faculty.  —  The  latin  hymn  writers  and  their  hymns,  by  the 
late  Samuel  Willoughby  Duffield,  éd.  and  completed  by  R.  E.  Thomp- 
son. —  An  unknown  édition  of  'l'yndale's  New  Testament.  —  The  Ro- 
maunt  of  the  Rose  (Skeat).  —  Cockney  (Wedgwood).  —  A  logus  old- 
english  word  (Logeman).  — The  Bondmaii  (Gaine).  —  Fitzerald's  Omaï 
Khayyam  (Weekes).  —  Luniak,  Quaestiones  Sapphicae  (traité  de  i  5o  pa- 
ges en  latin,  et  modèle  de  monographie).  —  Pétrie,  Historical  scarabs, 
a  séries  of  drawings  from  the  principal  collections.  *j 

The  Athenaeuni,  n°  3278,  Thornton,  Opposites,  a  séries  of  essays  on 
the  unpopular  sides  of  popular  questions.  —  Conway,  Climber's  Guide 
to  the  Central  Pennine  Alps.  —  Arbuthnot,  Aiabic  authors,  a  manual 
of  Arabian  history  and  literature  (petit  livre  sans  prétention,  mais  méri- 
toire). —  Keiîr,  History  of  Curling.  —  Clinch,  Bloomsbury  and  St 
Giles',  past  and  présent.  —  Du  Bled,  Le  prince  de  Ligne  et  ses  con- 
temporains. —  Irish  history.  —  The  public  schools  in  1890.  —  Mr  Co- 
sens'  mss.  —  Joshua,  his  life  and  times.  -  The  Washingtons  of  Warton. 
—  Royalist  composition  cases.  —  Scottish  National  Memorials,  illus- 
trated.  —  The  British  Archaeological  Association  at  Oxford,  IL  —  The 
site  of  Hieropolis-Castabala  (Bent), 


LIBRAIRIE      HACHETTE     ET     C 

79,    BOULEVARD    SAINT-GERMAIN,    PARIS. 

FUSTEL  DE  COULANGES 

Membre  de  l'Institut  (Académie  des  sciences  morales) 
Professeur  en  Sorbonne, 


HISTOIRE  DES  INSTITUTIONS  POLITIQUES  DE  L'ANCIENNE  FRANCE 


m  m\mn  du  mnu  fëodâl 

LE  BÉNÉFICE  ET  LE  PATRONAT  PENDANT  L'ÉPOQUE  MÉROVINGIENNE 

OTJVRAGE    REVU    ET  COMPLÉTÉ  SUR   LE  MANUSCRIT  ET  d'aPRBS    LES  NOTES   DE    l' AUTEUR 

PAR  Camille  JULLIAN,  chargé  de  cours  a  la  faculté 

DES    lettres   de  BORDEAUX 

Un  volume  in-8°,  broché.   —  Prix 7  fr.  5o 

Du  même  auteur  : 
HISTOIRE  DES   INSTITUTIONS  POLITIQUES   DE  L'ANCIENNE  FRANCE  : 


La  Monarchie  franque  1  volume  in-8, 
broché 7  fr.  50 

L'Alleu  et  le  domaine  rural  pen- 
dant l'époque  naérovingienne, 
1  volume  in-8,  broché.     .     .    7  fr.  50 


La  Gaule  romaftie .  1  volume  in-8  (en 
préparation) . 

L'Invasion    germanique.    1    volume 
in-8  len  préparation). 


Marquis  de  SOURCHES 


MEMOIRES 

SUR 

LE    RÈGNE    DE   LOUIS   XIV 

PUBLIÉS  d'après  le  MANUSCRIT    AUTHENTIQUE  APPARTENANT 

A  M.  LE  Dic  BES  Cars,  PAR  LE  Comte  de  Gosnac  (Gabriel-Jules), 
et  Edouard  Pontal,  archiviste  paléographe 

Mise  en  vente  du  tome  X,  embrassant  la  période  de  janvier  1706  à  décembre  1707 

Un  volume  in-8,  broché.  —  Prix 7  fr.   5o 

L'ouvrage  complet  formera  environ   15  volumes 
Il  a  été   tiré  150   exemplaires    numérotés    sur   grand    raisin    vélin    de    Hollande, 

à  20  francs  le  volume 

Les  neuf  premiers  volumes  (septembre  1681  —  décembre  1705) 

ont  paru  précédemment.  —  Chaque  volume.    7  fr.  50 


LIBRAIRIE      HACHETTE      ET      C'« 

79,     BOULEVARD     SAINT-GERMAIN,    PARIS 

COLLECTION    DES    GRANDS    ÉCRIVAINS    FRANÇAIS 


Albert    S  0  R  E  L 
de  l'Institut. 


MADAME  DE  STAÈL 

Un  volume  in-i6,  avec  un  portrait  en  photogravure,  broché.     2  fr. 
EN  VENTE  DANS  LA  MÊME  COLLECTION  : 


Victor  Cousin,  par  M.  Jules  Simon,  de 
l'Académie  française.  1  vol. 

Montesquieu,  par  Albert  Sorel.  1  vol. 

D'Alembert,  par  Joseph  Bertrand,  de 
l'Académie  française,  secrétaire  per- 
pétuel de  l'Académie  des  sciences. 
1  vol. 

Madame  de  Se  vigne,  par  M.  Gaston 
BoissiER ,  de  l'Académie  française. 
1  vol. 


George  Sand,  par  M.  E.  Garo,  de  l'A- 
cadémie française.  1  vol. 

Turgot,  par  M.  Léon  Say,  de  l'Acadé- 
mie française.  1  vol. 

A.  Thiers,  par  P.  de  Rémusat,  séna- 
teur. 1  vol. 

Vauvenargues,  par  M.  Maurice  Pa- 

LÉOLOGDE.   1    vol. 


Chaque  volume  in-16,    avec   un  por- 
trait en  photogravure   broché.     .    2  fr. 


J.  GUILLAUME 


ÉTUDE  BIOGRAPHIQUE 

Un  volume  in-16,  broché,  avec  un  portrait  de  Pestalozzi. 


3  fr.  50 


THIERRY-POUX 


PREMIERS  immmn  w  liipriiuërië  m  frmcë 


AU   XV«    SIÈCLE 
Un  volume  in-folio  cartonné 


60  francs. 


Le  Puy    imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N°  32-33  Vingt-quatrième  année         di-48  août  1890 

REVUË"CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEHDOMADAÎRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,   20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  2  5  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des   langues    orientales   vivantes,    etc, 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


KKNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

LA    BRODERIE 

DU     XP     SIJÈCLE     jusqu'à     NOS     JOURS 

D'après  des  spécimens  authentiques  et  les  anciens  inventaires 

Par  M.  LOUIS  DE  FARCY 

L'ouvrage  est  publié  en  deux  volumes  in-folio,   comprenant  chacun 
au  moins  5o  pages  de  texte  et  60  planches.  Prix  de  souscription.    80  fr. 

Ce  prix  sera  portée  100  fr.  lors  delà  publication  du  second  volume. 

Le  premier  volume  vient  de  paraître. 

PRÉCIS  DE    L'ART    ARABE 

et  matériaux    pour    SERVIR  A    l'hISTOIRE,  A   LA   THEORIE   ET  A   LA   TECHNIQUE 

DES  ARTS      ET      DE      l'oRIENT     MUSULMANS 

Par  J.  BOURGOIN 
Livraisons  7  à  12.  Chaque  livraison 7  fr.  5o 


PERIODIQUES 

Revue  historique,  Juillet-août  1890  :  Alfred  Baudrillart,  Les  intrigues' 
du  duc  d'Orléans  en  Espagne,  1708-1709  (suite  et  tin).  —  B.  de  Man- 
DROT,  Jacques  d'Armagnac,  duc  de  Nemours,  1433- 1477  (premier  arti- 
cle). —  P.  Marais,   Docum.  inédits  sur  la  Révolution  dans  le  dép.  de 
la  Gironde,  Les  frères  Faucher,  Laffon  de  Ladébat  et  leur  correspon- 
dance inédite.  —  Bulletin  historique  :  France  (A.  Molinier  et  G.  Mo- 
nod).  Roumanie  (Xénopol).  —  Comptes-rendus  :  Duchesne,  Origine  du 
culte  chrétien,  étude  sur  la  liturgie  latine  avant  Charlemagne  (net  et 
pénétrant).  —  Hinschius,  Das  Kirchenrecht  der  Katholiken  u.  Protes- 
tanten  in  Deutschland,  IV,  2,  I-II  (consacrés  à  l'instruction  publique 
et  à  l'enseignement  des  clercs,  ainsi  qu^à  la  juridiction  ecclésiastique). 
—  Ehrle,  Die  Spiritualen,  ihr  Verhaeltniszum  Franziskanerorden  u.  zu 
den  Fraticellen  (il  était  difficile  d'apporter  à  Téclaircissement  de  points 
encore  si  neufs  pour  la  plupart,  tant  de  qualités  diverses  et  également 
précieuses,    une  pratique  profonde  de  la  bibliographie  et  des    dépôts 
publics    de    toute    sorte,    une   connaissance    parfaite   de  Thistoire    de 
l'église  et   de  la  philosophie   scolastique ,    à    laquelle    l'auteur  ratta- 
che  avec  raison  les  débats  qui  l'ont  occupé,  un  sens  critique  des  plus 
sûrs,  une  impartialité  enfin  d'autant  plus  louable  qu'elle  avait  à  s'exer- 
cer sur  des  objets  plus  délicats.  Œuvre  essentiellement  d'érudition  qui 
ne  pouvait  avoir  d'autre  but  que  d'exhumer  des  documents  inconnus 
jusqu'ici  ou  encore  à  peine  soupçonnés,  d'en  établir  la  valeur  et  le  sens 
exact,  les  relations  entre  eux,  tout  au  plus  d'en  livrer  quelques  conclu- 
sions destinées  à  servir  de  point  de  repère  pour  une  histoire  définitive 
des  discussions  franciscaines).  —    Faguet,  Dix-huitième  siècle,   Etudes 
littéraires  (art.  de  G.  Monod  :  «  Livre  admirable,  le  plus  intéressant,  le 
plus  amusant,  le  plus  nourrissant  qui  soit;  aucun  qui  vous  fasse  voir 
plus  de  pays,  ni  en  compagnie  d'un  guide  plus  intelligent.  L'auteur  est 
à  un  degré   éminent,   instructif  et  persuasif,  neuf  sans  être  paradoxal, 
sensé  sans  être  banal.  Il  a  ce  don  singulier  de  modifier  vos  jugements 
en  vous  laissant  persuadé  que  vous  avez  toujours  pensé  comme  lui. 
Aucun  critique  n'est  aussi  impersonnel  que  lui,  aussi  libre  de  parti  pris 
et  d'opinions  préconçues,  aussi  objectif.  11  se  met  en  face  des  livres;  il 
les  prend,  les  lit,  comme  si  on  n'avait  jamais  rien  écrit  à  leur  sujet,  et  il  dit 
à  son  tour  ce  qu'il  y  a  trouvé,  sans  s'inquiéter  si  ce  qu'il  dit  paraîtra  un  lieu 
commun  ou  un  paradoxe.  Et  il  se  trouve  dire  presque  toujours  des  choses  à 
la  fois  vraies  et  neuves.  Même  si  elles  ne  sont  pas  neuves  en  elles-mêmes, 
elles  le  sont  par  la  manière  dont  il  les  dit,  parce  qu'elles  sont  nées  de  l'im- 
pression immédiate,  directe  del'œuvre,parce  qu'elles  sont  senties  et  jamais 
répétées.  Il  faut  se  pénétrer  de  ce  livre.  On  y  trouvera  une  riche  matière  à 
instruction  et  à  réflexion.  Trois  critiques  seulement  :  le  style,  coloré,  vi- 
vant, riche  en  formules  expressives,  en  trouvailles  heureuses,  trouvailles 
de  mots  et  trouvailles  de  pensées,  est  souvent  haché,  contourné,  encom- 
bré d'incidentes,  volontaiiement  négligé;  on  sent  rarement  l'émotion 
admirative,  et  pour  pénétrer  tout  à  fait  le  xvni''  siècle,  siècle  d'action  et 
de  passion,  peut-étie  faut-il  mêler  un  peu  plus  de  sensibilité  à  son  in- 
telligence; —  l'introduction,  indigne  du  volume,  n'est  qu'une  critique 
assez  étroite  des  défauts  de  la  littérature  du  xvjiic  siècle;  dire  que  ce 
siècle  a  été  inférieur  au  xvii''  parce  qu'il  n'a  été  ni  chrétien  ni  français, 
sans  expliquer  ce  qu'il  faut  entendre  par  ces  mots,  c'est  faire  une  phrase. 
Mais  c'est  la  seule  que  j'ai  trouvée  dans  l'admirable  livre  de  M.  Faguet;| 
car  je  ne  m'en  dédis  pas  ;  pour  admirable,  il  l'est.  ») 

Literarisches  Centralblatt,  n"  3o  :  Tertulliani  opéra,  rec.  ReifferscheidI 
et  WissowA  I  (cher,  mais  excellent).  —  Cornélius,  Die  Rûckkehr  Cal-j 
vin's  nach  Genf.  II.  Die  Artichauds.  III.  Die  Berufung  (simple  et  atta-^ 


\ 


chant).  —  Wendt,  Der  deutsche  Reichstag  unter  Kônig  Sigmund  bis 
ZLim  Ende  der  Reichskriege  gegen  die  Hiissilen,  1410-1431  (soigné).  — 
Bibliothek  deutscher  Geschichte,  I.  Egelhaaf,  Deutsche  Gesch.  im  XVI 
Jahrhundert,  I,  i5  17-1526  (ne  donne  pas  «  le  pendant  de  lacaiicature 
de  Janssen  »);  II.  Moriz  Ritter,  Deutsche  Gesch.  inî  Zeitaher  der  Ge- 
genreformation  u.  des  dreissigjàhrigen  Krieges,  I,  i555-i586  (fait  d''un 
seul  jet  et  très  attachant,  très  solide).  —  A.  Buchholtz,  Geschichte  der 
Buchdruckerkunst  in  Riga,  i588-i888.  —  Gust.  Mûller,  Die  Entwicke- 
lung  der  Landeshoheit  in  Geldern  bis  zur  Mitie  des  XIV  Jahrhunderts, 

—  Salemann  und  Shukowski  ,  Persische  Grammatik  mit  Literatur, 
Chrestomathie  und  Glossar  (cp.  Revue^  n°  17).  —  Hartman,  Analecta 
Xenophontea  nova.  —  Hense,  Teletis  reliquiae  (fait  avec  tout  le  soin 
possible).  —  Ausonii  Mosella.  p.  p.  De  La  Ville  de  Mirmont  (impor- 
tant pour  le  bibliophile  et  offre  peu  au  philologue,  cp.  Revue,  n»  lo). 

—  Schweigel,  Esclarmonde,  Clarisse  ei  Florent,  Yde  et  Olive,  drei  Fort- 
setzungen  der  Chanson  von  Huon  de  Bordeaux,  nach  der  einzigen 
Turiner  Handschrift  (textes  qui  attendaient  encore  leur  publication  et 
qui  sont  reproduits  avec  une  exactitude  «  diplomatique  »).  —  Katalog 
over  den  Arnamagnaeanske  Handsckriftsamling,  II.  —  Minor,  Aus 
dem  Schillerarchiv,  Ungedrucktes  und  Unbekanntes  zu  Schiller's  Leben 
und  Schriften  (intéressant).  —  Bopp,  Der  Vocalismus  des  Schwabischen 
in  der  Mundari  von  Munsingen.  —  Lehfeldt,  Bau-und  Kunstdenkma- 
1er  Thiiringens,  VI.  Herzogthum  Sachsen-Meiningen.  Amtsgericht 
Saalfeld,  —  Herm.  Schiller,  Padagogische  Seniinarien  tûr  das  hôhere 
Lehramt.  Geschichte  und  Erfahrung. 

Deutsche  Litteraturzeitung,  no  29  :  Katajev^,  Geschichte  der  Predigt  in  der 
russischen  Kirche,  eine  kurze  Darstellung  ihrer  Entstehung  u.  Enlwicke- 
lung  bis  auf  das  XIV  Jahrhundert,  ûbeitragen  von  Al.  Markow  (recueil 
qui  contient  de  nombreuses  citations  et  qui  sera  le  bienvenu).  —  Gokkres, 
Studien  zur  griechischen  Mythologie  (tout  un  systèmequi  n'est  fondé  que 
sur  les  affirmations  assurées  de  l'auteur;  cette  sorte  de  mythologie  doit 
être  rejetéc  d'emblée;  là  où  il  n'y  a  pas  de  preuves,  il  n'y  a  pas  de  réfu- 
tation, et  nous  doutons  que  les  théologiens  trouvent  dans  cet  ouvrage 
«  un  arsenal  pour  combattre  rincrédulité  »).  —  Goitein,  Der  Optimismus 
und  Pessimismus  in  der  jûdischen  Religionsphilosophie,  eine  Studie  iiber 
die  Behandlung  der  Theodicee  in  derselben  bis  auf  Maimonides  (bon). 

—  Jacob  Wackernagel,  Das  Dehnungsgesetz  der  griechischen  Compo- 
site (convaincant,  instructif,  clair,  méthodique).  —  Taciti  de  vita  et 
moribus  Julii  Agricolae  liber,  p.  p.  Schoene  (pas  une  correction  évi- 
dente).—  Kleinere  deutsche  Gedichte  des  XI  und  XII  Jahrhunderts, 
hrsg.  von  Warg  (l'éditeur  ne  possède  même  pas  les  éléments  de  la  gram- 
maire allemande,  quoiqu'il  ait  le  ton  hardi  et  prétentieux;  il  n'a  pas 
rougi  d'imprimer  5,35o  vers  tirés  de  mauvais  manuscrits,  sans  apporter 
une  simple  obole  à  l'établissement  du  texte;  je  me  trompe  :  il  hasarde 
une  conjecture,  une  seule,  et  qui  ne  vaut  rien).  —  Dopffel,  Kaisertum 
und  Papstwechsel  unter  den  Karolingern  (bon,  mais  un  peu  «tûftelnd», 
subtile  et  sans  conclusion,  cp.  Revue,  1889,  11°  44).  —  Inventaire-som- 
maire des  archives  départementales  antérieures  à  1790,  département  de 
la  Lorraine;  archiviste,  M.  Edouard  Sauer  .  Metz,  1879  (cet  inventaire 
publié  il  y  a  dix  ans,  vient  seulement  d'entrer  dans  le  commerce;  mais 
les  sommaires  surprennent  soit  par  leur  trop  grande  concision,  soit  par 
leur  diffusion  ;  dit  trop  au  dilettante  et  trop  peu  au  savant).  —  Pribram, 
Oesterreichische  Vermittelungs-politik  im  polnisch-russischen  Kriege 
1654-1660  (possède  tous  les  mérites  des  précédents  travaux  du  jeune 
érudit).  —  Ancien  plan  de  Constantinople  imprimé  entre  i566  et  1574 
avec  notes  explicatives,  par  Caedicius.  —  Rosenberg,  Geschichte  der 
modernen  Kunst  (trois  volumes  sur  l'histoire  de  l'art  depuis  la  Révolu- 


tion  jusqu'à  nos  jours;  excellenl  guide).  —  Fay,  Journal  d'un  officier 
de  l'armée  du  Rhin  (*.<  prouve  que  la  France  n''était  pas  prête  et  l'engage 
à  être  prête  une  autre  fois.  Mais  cet  avis  doit  servir  à  un  autre  peuple: 
même  sur  les  lauriers  il  n'y  a  pas  de  repos,  et  heureuse  la  nation  dont 
le  gouvernement  reste  vigilant,  dont  Parmée  est  telle  que  le  vif  courant 
de  l'esprit  populaire  et  du  patriotisme  puisse  s''y  montrer  toujours  à 
temps  et  dans  sa  pleine  vigueur,  pour  sauver  même  dans  de  difficiles 
circonstances  la  patrie  menacée  et  punir  l'orgueil  de  Tennemi!  »).  — 
Alfred  Lord  Tennyson,  Demeter  and  other  poems.  —  Gaston  Paris,  La 
littérature  française  au  moyen  âge,  2<^  éd.  (de  nombreuses  améliorations, 
et  un  tableau  chronologique  très  utile). 

Berliuer  philologische  "Wochenschrift,  n°  27  :  Euripides,  Ion  p.  p.  Bay- 
FiELD  (utile)  —  Menzel,  Der  griech.  Einfluss  auf  Prediger  u.  Weisheit 
Salomos  (bon  tableau  d'ensemble) ,  —  Mentz,  De  L.  Aelio  Stilone 
(rendra  service  à  l'étude  des  vieux  grammairiens  latins). —  Plew.  Quel- 
lenunîersuch.  zur  Gesch.  des  Kaisers  Hadrian  (cp.  Revue^  n"  3).  — 
HouQUES-FouRCADE,  Massurius  Sabinus,  sa  vie,  son  œuvre,  les  théories 
sabiniennes  (clair  et  réfléchi)  —  Engelbrecht,  Studien  ûber  die  Schrif- 
ten  des  Bischofes  von  Reii  Faustus  (travail  louable).  —  Gagnât,  Cours 
d'epigr.  latine,  2*  edit.  (excellent;  cp.  Revue,  n°  20).  —  Hûbner,  Rô- 
mische  Herrschaft  in  "Westeuropa  (très  intéressant  et  plein  de  détails).  — 
Kallee,  Das  ratisch  obergerman.  Kriegstheater  der  Rômer.  (L'auteur  a 
été  chef  de  l'état-major  wurtembergeois;  son  étude  stratégique  est  un 
des  meilleurs  travaux  qui  aient  paru  sur  le  domaine  de  la  littérature  du 
«  limes  m).  —  Bricon,  De  la  profession  d'homme  de  lettres  chez  les  an- 
ciens (rien  de  nouveau,  mais  sensé  dans  l'ensemble  et  très  clair).  — 
Broccardi,  Grammatica  latina  secondoi  metodi  piu  recenti  (compilation 
sans  valeur  scientifique  et  qu'on  ne  peut  consulter  qu'avec  précaution). 
—  ITstpay.iS-/;?,  Fpaij.ij.aTr/.Y^  r^ç  'EXX-/;v'.-/.'^ç  Y).a)îc;*r]ç.  (Repose  sur  des  étu- 
des très  soignées;  mais  n'a  pas  la  vertu  grecque  de  la  mesure;  sera  un 
tourment  pour  les  écoliers  et  écolières). 

Gœttingische  gelelirte  Anzeigeu,  n"  i3  :  Bartholomae,  Indogermanisches 
ss.  (le  chemin  qu'a  pris  l'aureur,  ne  le  conduit  pas  au  but).  —  Von 
MiASKOwsKi,  Agrarpolitische  Zeit  =  und  Streitfragen. 

Magasin  fur  die  Litteratur  des  In=iind  Aiislandes,  no  28  :  01a  Hansson, 
Arne  Garborgs  Bûcher.  —  Ernst,  Die  Scheu  vor  der  Tendenzdich- 
tung,  IL  —  Karl  Blind,  Ein  griechischer  Forscher  unter  den  alten 
Deutschen,  IL  —  Ramon  de  Campoamor,  Weihnachten  ;  Pedro  Soto 
de  RojAs,  An  einen  Stieglitz  (ûbers.  aus  dem  span.  von  A.  Môser 
u.   Fr.   Léon).  —  Ciampoli,   Schierling.  II  (ûbers.  von  Locella).* 

—  No  29  :  SiLEsius,  philosophische  Rundschau,  I.  —  Mahrenholtz, 
Franzôsische  Sprachveiwirrung.  -  Ola  Hansson,  Arne  Garborgs  Bû- 
cher II.  — •  Fernan,  Ein  Buch  der  Zukunft.  —  Ernst  (O.),  Andacht  im 
Gebirge.  —  Ciampoli,  Schierling,  II  (ûbers.  von  Locella). 

—  N°  3o  :  Ola  Hansson,  Scandinavische  Litteratur,  IV.  —  Brause- 
WETTER,  Neue  Dramen.  —  H.  Frunkel,  Eine  verlockende  Aufgabe  fur 
deutsche  Erzàhler.  —  Sherwood,  Neue  Tauchnitz-Bànde.  — •  Silesius, 
Philosophische  Rundschau,  IL  —  Pol  de  Mont,  In  der  Schmiede.  — 
Ciampoli,  Schierling,  II  (fin). 


Le  Puy,  t3pographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  2Î. 


N°  34-35  Vingt-quatrième  année  25  août-1  septembre  1890 

"revue  critique 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,   20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25   fr. 

PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     La     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues    orientales   vivantes,    etc. 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'ei^voyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendic. 

EUNEST  LEROUX,  EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

VOYAGE  DANS  LA   TURQUIE   D'EU- 

ixWi   fc,    par  E.  Parmentier.  Un  volume  in- 18 3  fr. 

DIPLOMATIE   DE    L'ANCIENNE    RUS- 

oie,     par  Serge  de  Westman.  In-8 i  fr. 

m     LES  ACTES  DES  MARTYRS   DE   L'ÉGLISE   COPTE 

étude  critique  par  E.  AMÉLINEAU 
Un  beau  volume  grand  in-8 10  fr. 


O' 


I 


PRINCIPES  DE  LA  FORTIFICATION  ANTIQUE 

Par  M.  le  colonel  G.  DE  LA  NOÉ 

i^""  fascicule.  Fortification  préhistorique  et  fortification  gauloise.  In-8. 
planches 3  fr.   5o 

2»  fascicule.  Fortification  romaine.  In-8,  planches 3  fr.   5o 


PERIODIQUES 

Revue  rétrospective,  i'=''  août  :  Mém.  inédits  d'HippoIyte  Auger,  suitef^ 
18 10-1869.  —  Journal  de  M.  de  Bausset,    1740  (voyage  de  Pondichéry' 
à  Trisirapally).  —  La  république  et  le  savon  (1793).  —  Un  procès  de 
perruquiers  (1776).  —  Chateaubriand  candidat  malgré  lui.- 

Anualesdu  Midi,  n"  7,  juillet  1890  :  A.  Jeanroy,  La  tenson  provençale. 

—  Douais,  Les  manuscrits  du  château  de  Merville.  —  Spont,  La  taille 
en  Languedoc,  i45o-i5i5.  —  Mélanges  et  documents  :  A.  T.  Notice 
sur  un  recueil  de  mystères  provençaux  du  xv^  siècle.  —  A.  T.  Rodrigue 
de  Villandrando  en  Auvergne.  —  L'imprimerie  à  Avignon  en  1444.  — 
Comptes-rendus  :  L.  Delisle,  Instructions  adressées  par  le  comité  des 
travaux  historiques  et  scientifiques  aux  correspondants  du  Ministère  de 
l'instruction  publique  et  des  cultes.  Littérature  latine  et  histoire  du 
moyen  âge  (signale  aux  érudits  un  grand  nombre  de  documents  inédits 
et  contribue  par  cela  même  au  progrès  de  nos  connaissances  historiques). 

—  Granet,  Histoire  de  Bellac  (Thistoire  de  Bellac  jusqu'au  commence- 
ment du  xvii^  siècle  reste  encore  à  écrire).  —  A.  Leroux,  Géographie  et 
histoire  du  Limousin  ifort  réussi  comme  tableau  d'ensemble  et  repose  sur 
des  fondements  scientifiques  très  sérieux.  Cp.  Revue,  n°  20).  —  J.  Mar- 
chand, Un  intendant  sous  Louis  XIV,  étude  sur  Padministration  de 
Lebret  en  Provence,  1687-1704  (sera  fort  utile).  —  Plantet,  Corres- 
pondance des  deys  d'Alger  avec  la  cour  de  France,  1 579-1833  (excellent; 
cp.  Revue,  n°  29).  — Rossignol,  Histoirede  l'arrondissement  de  Gaillac 
(Tarn)  pendant  la  Révolution,  1789- 1800  (l'auteur  est  un  annaliste 
simple,  concis  et  vrai).  —  Nécrologie  (note  sur  le  docteur  Barthélémy, 
auteur  de  l'Histgire  d'Aubagne;  sur  Fr.  Combes,  sur  Adolphe  Tardif, 
sur  le  D'- J.-B.  Noulet). 

Revue  celtique,  n"  3,  juillet  1890  :  D'Arbois  de  Jubainville,  Variétés  : 
l.  L'inscription  prétendue  gauloise  de  Nîmes.  IL  Camaracus.  —  III. 
Tridentum.  IV.  Callemarcius.  V.  Nancy,  —  L'abbé  Bernard,  Mystère 
breton  de  la  Création  du  monde  (suite).  —  Netlau,  The  Fer  Diad 
épisode  of  the  Tain  Bo  Cuailnge.  —  Mélanges  ;  Mowat,  Epitaphe 
britannique  chrétienne.  —  Loth,  Rapprochement  entre  l'épopée  irlan- 
daise et  les  traditions  galloises;  saint  Amphibalus,  Aguetou,  Cynneu. — 
Bibliographie  :  Loth,  Chrestomathie  bretonne  (Ernault  :  publication 
qui  présente  un  intérêt  scientifique  de  premier  ordre;  elle  est  appelée  à 
faciliter  grandement  l'étude  approfondie  de  l'armoricain  aux  Bretons 
bretonnants  et  autres  :  c'est  surtout  pour  la  période  si  peu  connue  du 
ix^  au  xV  siècle  que  les  recherches  laborieuses  de  l'auteur  ont  été  fécon- 
des en  résultats  nouveaux;  par  sa  revision  du  ms.  du  Cartulaire  de 
Redon  et  son  étude  sur  les  textes  des  chartes  et  des  vies  de  saints,  il  a 
rendu  à  la  science  historique  du  breton  un  service  éminent  dont  tous  les 
celtistes  doivent  lui  sovoir  gré).  ~  Chronique  :  Traduction  du  Nouveau 
Test,  par  M.  Le  Coat.  —  O'Grady,  Irish  items,  notes  critiques  sur  les.| 
Vies  de  saints  irlandais  du  Livre  de  Lismore.  —  Une  grammaire  irlan- 
doise  du  moyen  âge,  découverte  par  M.Kuno  Meyer.  —  Vies  des  saintsj 
contenues  dans  le  ms.  de  Bruxelles,  dit  de  Salamanque.  Les  trois  aiguil-j 
Ions  de  la  mort,  de  Geoffroy  Keating,  p.  p.  Atkinson.  —  Leçon  de| 
M.  John  Rhys,  sur  l'ethnologie  primitive  des  Iles  Britanniques.  —  La] 
revue  Y  Cymmrodor  ;  art.  de  M.  Gaidoz  sur  l'usage  antique  des  rançonslj 
consistant  en  un  métal  précieux  dont  le  poids  est  égal  à  celui  de  la  per- 
sonne rachetée.  —  Max  Bonnet,  Le  latin  de  Grégoire  de  Tours.  —  John 
L.  RoBiNSON,  Celtic  remains  in  England.  —  Thurneysen,  L'étude  des 
formes  verbales  sigmatiques  en  irlandais.  —  Jullian,  Inscriptions 
romaines  de  Bordeaux,  vol.  II  (rendra  de  grands  services).  —  D'Arbois 
de  Jubainvili.e,  Résumé  du  cours  de  droit  irlandais  et  Recherches  sur 


I 


l'origine  de  la  propriété  foncière  et  des  noms  de  lieux  habités  en  France. 

—  Mémoire  de  Fr.  Kluge  sur  l'histoire  la  plus  ancienne  des  dialectes 
germaniques  dans  le  Giundriss  der  Germanischen  Philologie  de  Paul. 

—  Muret  et  Chabouillet,  Catalogue  des  monnaies  gauloises  de  la 
Bibliothèque  nationale.  —  Nuit,  Celtic  myth  snd  saga  (dans  le  n°  1 1  du 
Folklore).  —  OsTHOFFet  Brugmann,  V^  partie  des  morphologische  Unter- 
suchungen  auf  dem  Gebiete  der  indogermanischen  Sprachen.  —  Docu- 
menta de  S.  Patricio  Hibernorum  apostolo  ex  libro  Armachano,  II, 
p.  p.  P.  E.  Hogan  (le  glossaire  est  une  des  plus  importantes  contribu- 
tions à  la  lexicographie  du  vieil  irlandais  qui  se  soient  produites  depuis 
plusieurs  années).  —  Holder,  Altceltischer  Sprachschatz  (l'impression 
de  ce  grand  travail  est  commencée).  —  Le  nom  d'homme  Arda.  •— 
L'inscription  gauloise  du  menhir  du  Vieux-Poitiers  et  les  mémoires  de 
MM.  Lièvre  et  Ernault. 

Anmiles  de  l'Ecole  libre  des  sciences  politiques,  n°  3  :  Capperon,  Lamartine  par- 
lementaire, 1834-1848.  —  G.  Bertrand,  La  reforme  delà  législation  des 
cabarets  en  Alsace-Lorraine,  —  Marge,  La  cour  des  comptes  italienne 
(suite).  —  Zolla,  Le  budget  des  grandes  routes  en  France  (suite  et  fin). 

—  P.  de  Quirielle,  Pie  IX  et  l'église  de  France.  —  PotNSARD,  Introduc- 
tion à  l'étude  de  l'économie  rurale.  —  Afîalyses  et  comptes-rendus  : 
Lebon,  Etudes  sur  l'Allemagne  politique  (intéressant).  ~  Jules  Ferry, 
Le  Tonkin  et  la  mère  patrie  (plaidoyer,  qui  vient  à  son  heure).  —  Lévy- 
Bruhl,  L'Allemagne  depuis  Leibniz  (très  suggestif  et  original).  —  La 
vie  politique  à  l'étranger,  année  1889.  —  Plantkt,  Correspondance  des 
deys  d'Alger  avec  la  cour  de  France  (cp.  Revue,  n"  29).  —  La  Réforme 
sociale  et  le  Centenaire  de  la  Révolution.  —  Macleod,  The  theory  of 
crédit,  I.  —  Fr.  de  Pressensé.  L'Irlande  et  l'Angleterre  depuis  l'acte 
d'union  jusqu'à  nos  jours  (plein  d'intérêt  et  d'enseignement).  —  Do- 
MERGUE,  La  révolution  économique.  —  Block,  Les  progrés  de  la 
science  économique  depuis  Adam  Smith.  —  De  Courcy,  Renonciation 
des  Bourbons  d'Espagne  au  trône  de  France  (cp.  Revue  1889,  n°  i5). 

—  Marquis  de  Vogué,  Villars  (cp.  Revue  n"  11).  —  Lioy,  La  philoso- 
phie du  droit.  —  M.  Monnier,  Des  Andes  au  Para.  —  Gebhart,  L'Ita- 
lie mystique  (suite  de  tableaux  curieux,  colorés,  harmonieux,  mais  n'est 
pas  un  livre).  —  S.  Luge,  La  France  pendant  la  guerre  de  Cent-Ans, 
épisodes  historiques  et  vie  privée  au  xiv^et  au  xv^  siècle  (encore  une  sé- 
rie de  tableaux  séparés,  et  non  pas  un  livre  suivi).  —  Max  Leclerc, 
Lettres  du  Brésil  (observations  sérieuses  et  clairvoyantes,  (cp.  Revue, 
n»  16,  p.  5i8). 

Annales  de  l'Est,  n°  3,  juillet  1S90  :  E.  Krantz,  Alfred  de  Musset  (le- 
çon d'ouverture).  —  Debidour,  Le  général  Fabvier  (suite).  —  Nerlin- 
ger.  Pierre  de  Hagenbach  et  la  domination  bourguignonne  en  Alsace. 

—  Ch.  Pfister,  Le  duché  mérovingien  dAlsace  et  la  légende  de  sainte 
Odile.  —  Variétés  :  Lemercier,  Sur  un  passage  du  Phédon,  69  A,  B.  — 
Bibliographie  :  De  La  Ville  de  Mirmont,  La  Moselle  d'Ausone,  édit. 
crit.  (cp.  Revue^  n»  10).  —  O.  Berger-Levrault,  Les  costumes  stras- 
bourgeois  édités  au  XVII®  siècle  par  Fr.  Guill.  Schmuck  et  au  xyiii^  siècle 
par  ses  fils,  reproduits  en  fac-similés  (cp.  Revue,  1889,  n°  52).  —  Lau- 
gel,  Henry  de  Rohan,  son  rôle  politique  et  mifitaire  sous  Louis  XIII 
(cp.  Revue  n"  1 1).  —  Thiriet,  L'abbé  L,  Chatrian,  sa  vie  et  ses  écrits. 

—  Amours  et  voyages.  —  Recueils  périodiques  et  savantes.  —  Chroni- 
que de  la  Faculté  des  lettres  de  Nancy  (126  étudiants,  dont  r3  corres- 
pondants; 3o  aspirants  à  la  licence  littéraire,  6  à  la  licence  philosophi- 
que, 7  à  la  licence  historique,  9  à  la  licence  d'allemand,  23  au  certificat 
d'aptitude  à  l'enseignement  de  l'allemand;  19  aspirants  à  l'agrégation  de 
grammaire,  5  à  l'agrégation  de  philosophie,  7  à  celle  d'histoire,  12  à 


celle  d'allemand,   2  à  celle  de  l'enseignement  secondaire  spécial,   6  di- 
vers). 

La  Révolution  française,  n"  i,  14  juillet  1890  :  A  nos  lecteurs  (la  Revue 
devient  la  propriété  et  l'organe  de  la  société  de  l'histoire  de  la  Révolu- 
tion. Elle  sera  envoyée  gratuitement  à  tous  les  membres  adhérents  de  la 
Société.  Le  prix  de  l'abonnement  annuel  pour  les  autres  personnes, 
reste  fixé  à  20  fr.  Rien  n'est  changé  au  titre,  ni  au  programme,  ni  à  la 
méthode.)  —  Edme  Champion,  L'unité  nationale  et  la  Révolution.  — 
AuLARD.  La  diplomatie  du  premier  Comité  de  salut  public  :  Suisse,  Ge- 
nève et  Valois.  —  Et.  Charavay,  Le  général  Fromentin.  —  Robiquet, 
Documents  inédits  :  la  correspondance  de  Bailly  et  de  La  Fayette.  — 
Chronique  et  bibliographie  :  Liste  des  meinbres  de  la  Société  de  This- 
toire  de  la  Révolution  ^comprend  142  noms).  —  Tourneux,  Bibliogr. 
de  rhist.  de  Paris  pendant  la  Révol.  I  ;  Tuktey,  Répertoire  général  des 
sources  manuscrites  de  l'hist.  de  Paris  pendant  la  Révol.  I  (Deux  beaux 
travaux  que  nul  historien  de  la  Révolution  ne  pourra  se  dispenser  d'a- 
voir sur  son  bureau  et  sous  sa  main.  Ces  deux  œuvres  sœurs  se  répon- 
dent et  se  complètent  harmonieusernent;  elles  forment  les  deux  parties 
d'un  inonument  bibliographique  qui,  une  fois  achevé,  sera  un  des  types 
les  plus  remarquables  de  l'érudition  contemporaine).  —  Mgr.  de  Salamon, 
Mém.  inédits  de  l'internonce  à  Paris  pendant  la  Révolution,  1790- 
1801,  p.  p.  Bridier  (cp.  Revue,  n°  3o). 

Revue  de  Belgique,  n"  7,  i5  juillet  :  de  Laveleye,  Le  congrès  des  che- 
mins de  fer.  —  Navez,  Les  causes  et  les  conséquences  de  la  grandeur 
coloniale  de  l'Angleterre  (fin).  —  Potvin,  Les  syndicats  professionnels 
et  agricoles.  —  Essais  et  notices  :  Vallin,  La  lucha  por  los  nacionali- 
dades;  Te  Winckel,  Les  évolutions  du  «  nederlandsch  »  (dans  le 
Grundriss  der  german.  Philologie  de  Paul);  Léon  de  Monge,  Etudes 
morales  et  littéraires;  Recensement  général  de  Buenos-Ayres  ;  Luzac, 
De  landen  van  Overmaze,  inzonderheid  sedert  1662. 

The  Athenaeum,  n°  3274:  P.  Hume  Brown,  George  Buchanan,  huma- 
nist  and  reformer  (bon  livre  sur  un  homme  qui  fut  «  a  cold,  hard- 
headed,  far-seeing  opportunist  »)  —  The  Journal  of  Marie  Bashkirtseff, 
translated  by  Mathilde  Blind.  —  Caird,  The  critical  philosophy  of  Im- 
manuel Kant,  2  vols.  —  Sir  Charles  Wilson.  Lord  Clive  (utile  et  im- 
partial exposé,  fait  partie  de  la  collection  des  «  English  men  of  action  »). 
—  Les  contes  moralises  de  Nicole  Bozon,  p.  p.  Miss  L,  Toulmin  Smith, 
et  P.  Meyer  (excellente  publication  d'un  texte  important  à  beaucoup 
d'égards).  —  Stanley  Lane-Poole,  The  barbary  corsairs  (plein  de  vie  et 
de  vigueur,  mais  composé  par  un  gallophobe).  —  Shakspeare's  Sonnets 
edited  with  notes  and  introduction  by  Thomas  Tyler  {«  marks  an 
important  stage  on  the  progress  of  Shakspearean  criticism.  »).  —  Philo- 
logical  literature  :  Tisdall,  Simplified  Grammar,  and  Reading  Book  of 
the  Panjabi  language;  Records  of  the  past,  new  séries,  vol.  II,  p.  p. 
Savce;  Irish  ms.  séries,  etc.  —  MAHAN,The  influence  of  sea-power  upon 
history  1660-1783.  —  A  Malagasy  Maud  (Oliver).  —  The  Bishop  of 
London  transcript.  (Phillimore)  —  AnotherGœihe  anecdote  (H.  Schiitz 
Wilson).  —  The  Dies  irae  in  English  (Warren).  —  Ecclesiasticus  and 
the  Wisdom  of  Solomon.  —  Raverty's  Notes  on  Afghanistan.  —  Monk- 
HOUSE,  The  earlier  English  water-colour  painters.  --  "Waldstein,  ca- 
talogue of  casts  in  the  Muséum  of  classical  archaelogy,  Fitzwilliam  Mu- 
séum, Cambridge.  —  Notes  from  Pisidia  (Ramsay  et  Hogarth).  —  Louis 
Engel,  From  Handel  to  Halle,  biographical  sketches.  —  Haigh,  The 
Attic  théâtre  ;  Du.mon,  Le  théâtre  de  Polyclète. 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,   2?. 


N°  36-37        Vingt-quatrième  année       8-15  septembre  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  2  5   fr. 

PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,      RUE    BONAPARTE,      28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  coynmissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

VOYAGE  DANS  LA   TURQUIE   D'EU- 

IxC/rt,     par  E.   Parmentier.   Un  volume  in- 18 3  fr. 

DIPLOMATIE   DE    L'ANCIENNE    RUS- 

oifc,     par  Serge  de  Westman.   In-8 i   fr. 

LES  ACTES  DES  MARTYRS   DE   L'ÉGLISE   COPTE 
étude  critique  par  e.  AMELINEAU 
Un  beau  volume  erand  in-8 10  fr. 


o' 


PRINCIPES  DE  LA  FORTIFICATION  ANTIQUE 

Par  M.  le  colonel  G.  DE  LA  NOÉ 

i*""  fascicule.  Fortification  préhistorique  et  fortification  gauloise.  In-8. 

planches 3  fr.   5o 

2*  fascicule.  Fortification  romaine.  In-8,  planches 3  fr.  5o 


PÉRIODIQUES 

La  Révolution  française,  14  août  :  Lettres  de  Michelet,  de  Quinet  et 
d'Hippolyte  Carnot  à  Marc-Dufraisse.  —  Rouvière,  Le  général  de  Mé- 
nard.  —  Un  débat  sur  Danton  au  Sénat.  —  Bornarel,  Danton  colla- 
borateur de  Barère. 

Bulletin  critique,  n°  i5  :  Maspero,  Les  contes  populaires  de  TEgypte 
ancienne  (recueil  renfermant  dix  contes  complets  et  six  fragments).  — 
Maspero,  L'archéologie  égyptienne  (livre  de  bonne  et  saine  vulgarisa- 
tion, qui  expose  clairement  des  notions  précises  sur  les  arts  et  1  industrie 
en  Egypte).  —  The  IV  Book  of  Thucydides,  p.  p.  Rutherford  (tenta- 
tive intéressante  —  comme  exercice  de  philologie  —  d'un  élève  de  Co- 
bet).  — Cellarier,  Rapports  du  relatif  et  de  l'absolu.  —  Mûntz,  Les 
archives  des  arts,  recueil  de  documents  inédits  ou  peu  connus,  i''^  série 
(ne  contient  que  des  matériaux  bruts,  des  documents  enfilés  les  uns  au 
bout  des  autres,  mais  se  lit  avec  intérêt  et  profit  ;  premier  volume  d'une 
série  dont  il  faut  souhaiter  la  durée).  —  L.  Havet,  La  simplification  de 
lorthographe;  M.  Bréal,  La  réforme  de  l'orthographe  française.  —  Le 
GoFFJC  et  Thieulin,  Nouveau  traité  de  versification  française.  —  Voyage 
d'Alain  Desprez,  recteur  de  Saint-Julien  de  Vouvantes  à  Brioude,  1710. 

Revue  de  l'instruction  publique  en  Belgique,  tome  XXXIII,  4^  livre  :  L.  Par- 
mentier,  Une  correction  au  texte  de  Thucydide,  I,  11.  —  Comptes 
rendus  :  Quicherat  et  Daveluy,  Dictionn.  latin-français,  nouv.  éd.  p.  p. 
Châtelain  (œuvre  sensiblement  améliorée).  —  Castelein,  Cours  de 
philosophie,  II. —  Dissertations  académiques  publiées  par  G.  Kurth, 
l^'"  fascicule.  (Deux  travaux  :  Donv,  l'auteur  unique  des  vies  des  saints 
Amat,  Romaric  et  Arnulphe;  Bacha,  Etude  biographique  sur  Eginhard.) 

—  Annales  de  la  faculté  de  philosophie  et  lettres  de  l'Université  de 
Bruxelles,  I,  i*^»"  fasc.  (trois  travaux  :  Leclère,  L'élection  du  pape  Clé- 
ment V;  Vereruysse,  La  chronique  d'Albert  d''Aix;  Wodon,  Le  wergeld 
des  Romains  libres  chez  les  Ripuaires).  —  Prou,  Manuel  de  paléogra- 
phie latine  et  française  du  vi^^  au  wn'^  siècle  (bien  supérieur  à  Chassang 
par  la  méthode,  par  l'abondance  des  renseignements,  par  la  sûreté  des 
informations  et  le  soin  apporté  à  l'exécution;  divisions  très  nettes; 
doctrine  sobre  et  puisée  aux  bonnes  sources).  —  Bonjean,  L'hypnotisme. 

—  Jaspar,  Grieksche  Spraak  Kunsl  (consciencieux  travail;  quelques 
points  exigent  une  revision  très  attentive).  —  Harrisse,  Christophe  Co- 
lomb, les  Corses  et  le  gouvernement  français  (la  question  est  close].  — 
Engelmann,  Bilderatlas  zu  Ovids  Metamorphosen  (malgré  des  critiques 
de  détail,  rendra  un  vrai  service  aux  étudiants  et  aux  professeurs  de  l'en- 
seignement secondaire).  —  Koch,  Griechische  Schulgrammatik,  i  3^  édit. 
(excellent;  quelques  modifications  à  faire  encore).  —  Varia  (De  Ceule- 
neer). 

The  Academy,  n°g5i  :  Mahan,  The  influence  of  sea-power  upon  his- 
tory  1660-1673.  (Remarquable  et  très  intéressant.)  —  Driver,  Notes 
on  the  Hebrew  text  of  the  Books  of  Samuel.  —  Th.  Wood,  The  Rev. 
J.  G.  Wood,  his  life  and  work.  —  Historical  books  :  Bridgett,  Blun- 
ders  and  forgeries,  historical  essays;  Ferguson,  Cumberland,  Col.  Mal- 
leson,  Akbar.  —  General  Plantagenet  Harrison.  —  Mémorial  to  the 
author  of  «  John  Halifax,  gentleman.  »  —  Shakspere's  sonnets  in  Italy. 

—  A  mémorial  to  Richard  Jefferies.  —  Notes  from  Rennes  (W.  Stokes.) 
Cockney  (Max  Mliller).  —  Old-French  encrement  et  la  goule  d'aoust 
(Paget  Toynbee).  —  Hetman  and  Hauptmann  (Krebs).  —  Fitzgerald's 
Omar  Khayyam.  —  Salmoné,  An  Arabic-English  Dictionary  on  a  new 
System.  —  Philology  notes.  (A  Darmesteter,  et  Hatzfeld,  Dictionnaire 
général  de  la  langue  française,  i^r  fascicule).  —  P.  de  Nolhac,  La  reine 


Marie-Antoinette.  (Charmant  et  nécessaire  complément  du  livre  de 
Lord  Ronald  Gower.)  —  M.  Fiinder  Petrie's  excavations  in  Palestine. 
—  SculptLired  slabs  from  Mesopotomia  found  in  Egypt.  (Sayce.)  -— 
Egyptian  jottings  (Am.  B.  Edwards;. 

—  N°  952  :  The  corresp,  of  mad.  Dunoyer.  —  Fr.  Thackerav, 
Translations  of  Prudentius.  —  Warren  Hastings  in  the  Indian  State 
Papers,  Sélections  from  State  papers  in  the  Foreign  Department  of  the 
Government  in  India,  1772-1785,  p.  p.  Forrest  (très  intéressant  et 
important).  —  Wood-Martin,  History  of  Sligo,  county  and  town.  — 
Scandinavian  books.  —  Wynkyn  de  Worde's  Morte  Darthur  (Brown).  — 
Old-French  encrement  et  la  goule  d'aoust  (Mayehw).  —  Otaman,  Ata- 
man,  Hetman,  Hauptmann  (Bain).  —  Cockney  (Wedgwood).  —  The 
sagas  (Gaine).  —  Jevons,  Pure  logic  and  other  minor  works,  —  Hebrew 
inscriptions  of  the  pre-exilic  epoch  (Sayce).  —  British  inscriptions  of  the 
Emperor  Victorinus  (Westwood).  —  Archer,  Macready. 

—  N°  953  :  Sir  Charles  Duffy,  Thomas  Davis,  the  Memoirs  of  on 
Irish  patriot,  1840-1846.  Memorials  of  the  civil  War  in  Cheshire,  edi- 
ted  by  James  Hall  for  the  Record  Society  for  the  public,  of  original 
documents  relating  to  Lancashire  and  Cheshire.  —  Hoskier,  Collation 
of  Cod.  Ev,  604  ad  Essays  in  New  Testament  criticism.  —  Hubert, 
Liberty  and  a  living.  —  Mad.  Ackermann  Letters,  in  party  unpubli- 
shed,  of  Samuel  Pepys.  —  A.n  Italian  translation  from  Tennyson.  — 
The  Franks  Casket  (Browne).  —  Hetman  and  Hauptmann  (Krebs).  — 
The  fragment  of  Wynkin  de  Wordes  La  Morte  Darthur  (Sommer).  — 
The  etymology  of  mveigle  (Skeat).  —  The  substantive  louke  in  Chaucer 
(Hart).  —  Prou,  Manuel  de  paléographie  et  Dictionnaire  des  abrévia- 
tions (très  bon  et  rendra  de  bien  grands  services).  —  Satellite  (Rob. 
Brown).  —  Christ,  Gesch.  der  griech.  Liter.  bis  auf  die  Zeit  Justinians 
(bon,  solide  et  sans  rival  en  Angleterre).  —  Italian  works  on  majolica. — 
The  supposed  slabs  supposed  to  hâve  been  brought  from  Mesopotamia 
to  Egypt  (Sayce). 

The  Athenaetim,  n"  3275  :  Diciionary  of  national  Biography,  XIX- 
XXIII.  —  Bohm-Bawerk,  Capital  and  interest.  —  Rec.  des  actes  du 
comité  de  salut  public,  I  et  II,  p.  p.  Aulard;  Procès-verbaux  du  Co- 
mité d'instr.  publ.  de  la  Législative,  p.  p.  Guillaume  (cp.  Revue.  i88g, 
n»^  40  et  5i  ;  1890,  n°  10).  —  Frozer,  The  golden  bough,  a  study  in 
comparative  religion  (important  et  par  les  résultats  et  surtout  par  l'exem- 
ple qu'il  donne).  —  Firth,  Nation  making,  a  story  of  New  Zealand 
(intéressant).  —  Select,  from  the  letters,  despatches  and  other  State 
Papers  preserved  in  the  Foreign  Department  of  the  government  of 
India,  i772-i78'7,  p.  p.  Forrest  (de  très  grande  valeur).  —  Antiqua- 
rian  literature.  —  Nicholas  Bozon  (Atwood).  —  An  early  Hebrew  ins- 
cription (Neubauer.  —  Margaret  de  Verrall,  Mythology  and  monu- 
ments of  ancient  Athens,  a  translation  of  a  portion  of  the  Attica  of 
Pausanias,  with  introductory  essay  and  archaeol.  comment,  by  Jane 
Harrison.  —  The  Oxford  Congress  of  the  British  Archaeological  Asso- 
ciation. 

TheEuglish  Historical  Review,  juillet,  1890  (vol.  V,  n"  19)  :  Parker,  The 
seven  libéral  arts.  —  Strachan-Davidson,  The  decrees  of  the  Roman 
plebs.  —  Wells,  St  Patrick's  earlier  life.  —  Miss  Kate  Norgate,  Odo 
of  Champagne,  count  of  Blois  and  «  tyrant  of  Burgundy  »  — Stanley 
Lane-Poole,  Sir  Richard  Church.— A^o^e^  and  documents:  gafol  (Round). 
—  The  Black  Death  in  Lancashire,  p.  p.  Little,  •—  The  Trial  of  Ri- 
chard Wyche,  p.  p.  Matthew.  —  The  Drafc  Dispensation  for  Henry's 
VI H  marriage  with  Anne  Boleyn,  p.  p.  Gairdner.  —  Aske's  Examina- 
tion,  p.  p.  Miss  Mary  Bateson.  —  Reviewsof  books  :  Sack,  Die  Religion 


Ahisraels  (malgré  quelques  exagérations,  digne  d'être  lu,  surtout  pour 
ce  qui  concerne  le  développement  du  rabbinisme]  —  Bury,  A  history  of 
the  Later  Roman  Empire,  from  Arcadius  to  Irène,  SgS-Soo.  [Sujet 
difficile  et  traité  avec  conscience,  mais,  en  somme,  un  peu  sec  et  terre  à 
terre.)  —  L.  M.  Hartmann,  Untersuchungen  zur  Geschichte  der  byzan- 
tinischen  Verwaltung  in  Italien  (bon  travail).  —  Il  Regesto  di  Farfa 
di  Gregorio  da  Catino,  p.  p.  Giorgi  et  Balzani,  11,  III,  IV;  Regesto 
sublacense  delT  undecimo  seculo,  p.  p.  Allodi  et  Leva.  —  Select  pleas 
in  manorial  and  other  seignorial  courts,  I,  edited  for  the  Selden  Society 
by  Maitland.  —  Papers  of  the  American  Society  of  Church  History, 
vol.  I.  —  Études  de  critique^ et  d'histoire  par  les  membres  de  la  section 
des  sciences  religieuses  de  l'Ecole  des  Hautes-Etudes.  —  A  de  La  Bor- 
DERTE,  Essai  sur  la  géographie  féodale  de  la  Bretagne,  avec  la  carte  des 
fiefs  et  seigneuries  de  cette  province.  —  Year-Books  of  the  reign  of  King 
Edward  III,  years  14  and  i5,  p.  p.  Pike.  —  Calendar  of  Wills,  Court 
of  Husting,  London,  p.  p.  Sharpe.  — G.  Ross,  Oliver  Cromwell  and  his 
Ironsides,  a  study  in  military  history.  —  Calendar  of  Domestic  State 
Papers,  1644,  p.  p.  W.  D.  Hamilton.  —  Wakefield,  Life  of  Thomas 
Atwood,  —  De  la  Gorce,  Histoire  de  la  seconde  république  française. 

—  MoRFiLL,  Russia.  —  Arbuthnot,  Arabie  authors,  a  manual  of  Ara- 
bian  history  and  literature.  —  Ebner,  Die  klôsterlichen  Gebets-Ver- 
brûderungen  bis  zum  Ausgange  des  Karolingischen  Zeitalters.  — 
Church,  Early  Britain.  —  Ferguson,  History  ofCumberland.  —  Fiske, 
The  beginnings  of  New  England  or  the  Puritan  theocracy  in  its  rela- 
tions to  civil  and  religious  liberty. 

Bulletin  international  de  l'Académie  des  sciences  de  Cracovie,  juin  1890  :  Pel- 
czAR,  Ueber  das  Leben  und  die  Schriften  des  Nicolaus  Hussovianus 
(sur  Fauteur  du  poème  De  statura,  feritate  ac  venatione  bisontis).  — 
K0RZEN10WSKI,  Catalogus  actorum  et  documentorum  res  gesta  Poloniae 
illustrantium  quae  ex  codicibus  manu  scriptis  in  tabulariis  et  biblioihe- 
cis  italicis  servatis  Expeditionis  Romanae  cura  deprompta  sunt  (40  to- 
mes de  documents  provenant  des  recherches  de  1886- 1888  et  recueillis 
par  les  soins  de  M.  Smolka  et  de  ses  compagnons).  —  Id.  Excerpta  ex 
libris  manu  scriptis  ArcMvi  Gonsistorialis  Romani  ^matériaux  concernant 
la  hiérarchie  polonaise  du  xvi«  siècle).  —  Blumenstok,  Die  Canonen- 
sammlung  der  Bibliothek  Sainte  Geneviève. 

Germania,  I.  1890  (35*^  année,  nouvelle  série,  XXIII)  :  Hettema,  Der 
alte  Druck  der  Westerlauwerschen  Rechte.  —  Bechstein,  GottfriedStu- 
dien,  1.  von  der  Hagens  collation  der  Florentiner  Tristan-Handschrift. 

—  Max  Herrmann,  Zur  Frânkischen  Siitengeschichte  des  XV  Jahrhun- 
derts.  —  Ehrismann,  Gruntwelle,  selpwege;  Unsih,  iuwih -,  Meatris.  — 
Bartsch  u.  Ehrismann,  Bibliographische  Uebersicht  der  Erscheinungen 
auf  dem  Gebiete  der  germanischen  Philologie  i885,  I.  —  Preisaufgaben 
der  Jablonowski  Gesellschaft  in  Leipzig. 

Deutsche  Rundschau,  août  ;  Erich  Schmidt,  Derchristliche  Ritler  ein  Idéal 
des  XVI  Jahrhunderts.  —  J.  Rodenberg,  Julius  Dingelstedt,  Blatter  aus 
seinem  Nachlass,  mit  Randbemerkungen,  Der  Theaterintendant  und 
Freiherr,  II,  Weimar,  1857-1867.  —  J.  Rosenthal,  Grundsatze  der 
Naturforschung.  —  Kluckhohn,  Heinrich  von  Sybel's  Geschichte  der 
Begrundung  des  neuen  deutschen  Reiches.  — Gneomar  Ernst  von  Natz- 
MER,  Die  Réfugiés  und  die  Gebrûder  Gaultier.  —  Professer  Fournier 
und  Gruner's  Aufenthalt  in  Oesîerreich.  —  Der  Katalog  eines  Hand- 
schriftensammiers  (lettres  autographes  composant  la  collection  de 
M.  Alfred  Bovet,  décrites  par  Et.  Charavay). 


LE    PUY.   —   IMPRIMERIE    MARCHESSOU    FILS 


N°  38-39        Vingt-quatrième  année     22-29  septembre  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  2  5  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 
DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire ),  les  livres  dont  ils 
désiretit  un  com_pte -rendu. 


ERNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

HISTOIRE    DE    LA    GRÈCE 

Sous  la  domination  romaine 

PAR     G. -F.     HERTZBERG 

Traduit    de    l'allemand    sous    la    direction    de 

A.  BOUCHÉ-LEGLERCQ 

Professeur    à    la    Faculté    des    Lettres    de    Paris. 

3  forts  volumes  in-8 3o  fr, 

La  publication  de  cet  ouvrage  termine 

L'H  I  STOIRE    GRECQU  E 

Par  CuRTius,   Droysen,   Hertzberg 

Traduite  en  français  sous  la  direction  de  M.  A.  Bouché-Leclercq. 

12  volumes  in-8,  dont  un  atlas 100  fr, 

COURONNÉ  PAR  L'ACADÉMIE  FRANÇAISE 
Et   par  l'Association   pour  l'Encouragement   des   Études  Grecques. 


PÉRIODIQUES 

Literarisches  Centralblatt,  n°  3i  :  Novum  Testam.,  p.  p.  Wordsworth, 

1.  Evang.  sec.  Matthaeum.  —  Luther  und  Emser,  ihre  Streitschrilten 
aus  dem  Jahre  i52i,hrsg.  von  Enders,!.  —  Lindenschmit,  Das  rômisch- 
germanische  Gentral-Museum  in  bikilichen  Darstellungen  aus  seinen 
Sammlungen  .  —  G.  Meyer,  Die  Herlcunft  der  Burggrafen  von  Nûrn- 
berg,  der  Ahnherren  des  deutsclien  Kaiserhauses  (méritoire).  —  Bach- 
feld,  Die  Mongolen  ini  Jahre  1241  (lourd).  —  Rubsam,  Johann  Baptista 
von  Taxis,  ein  Staatsmann  und  Militar  unter  Philipp  1 1  und  Philipp  III, 
i53o-i6io,  nebst  einem  Excurs.  Aus  der  Urzeit  der  Taxischen  Posten 
(insuffisant).  —  Buttner,  Reisen  ini  Congolande.  —  Tirouvallouva, 
Le  livre  de  Pamour,  trad.  par  Fontainieu  (cp.  Revue  n»  10).  —  Bechtel, 
Die  Inschriften  von  Aigina,  Pholegandros,  Anaphe,  Astypalaia,  Teles, 
Nisyros,  Knidos.  —  Fehrnborg,  De  verbis  latinis  in  uo  (cp.  Revue, 
n"  20),  —  Altprovenzalische  Marienklage  des  XIII  Jahrhunderts,  p.  p. 
MusHACKE  (fait  avec  soin  et  méthode).  —  Lessing,  Minna  von  Barnheim, 
p.  p.  Primer  (édition  très  instructive  et  qui  épuise  le  sujet).  —  Breusing, 
Die  Lôsung  des  Trierenriithsels  (cp.  Revue,  n°  10).  —  Hasse,  Kunst- 
studien,  111,4,  die  Verklarung  Christi  von  Raffael. 

—  N°  32  :  Baur,  Zwingli's  Théologie,  ihr  Werden  u.  ihr  System,  II, 

2.  —  GiiLDENPENNiNG,    Die  Kirchengesch.   des  Theodoret  von  Kyrrhos 
(n°   19).  —  Hist.   des  guerres  d'Amda  Syon,   roi  d''Ethiopie,  trad.  de 
réthiopien  par  J.  Perruchon  (travail  très  recommandable  quoique  Fau- 
teur n'ait  pas  connu  la  traduction  de  Dillmann  et  que  son   jugement 
historique  ne  soit  pas  tout  à  fait  mûri).  —  J.  Schneider,  Die  alten  Heer 
=  und  Handelswege  der  Germanem  Rômer  und  Franken  im  deutschen 
Reich,  VII.  —  H.  Graf,  Roman.  Altertûmer  des  bayer.   Nationalmu- 
seums.  —  Lévy-Brûhl,  L'Allemagne  depuis  Leibniz  (bien  pensé  et  en 
somme  réussi).  —  Forster,   Deutsch-Ostafrika,  Geogr.   u.  Gesch.   der 
Colonie.  —  W.  Geiger,   Etymol.  des  Baluci.  —  De  Lagarde,  Ueber- 
sicht  ûber  die  im  Aram.,  Arab.  u.   Hebraischen  tibliche  Bildung   der 
Nomina  Ides  idées  neuves  et  des  pensées  fécondes).  —  Franken,  Rumàn. 
Volkslieder  u.  Balladen  ubers.  u.   erleutert.  —  Rob.  von  Blois,  Beau- 
dous,  ein  altfranz.  Roman  des  XIII  Jahrh.,  p.  p.  Ulrich,  I.  —  Donati, 
fonetica,  morfologia  e  lessico  délia  raccolta  d'esempi  in  antico  Veneziano 
(soigné  et  sensé).  —  (Zorson,  An  introd.   to  the  study   of  Shakspeare 
(n'est  pas  à  recommander,  suffit  peut-être  aux  Américains).  —  Frankl, 
Friedrich  von  Amerling. 

—  N°  33  :  Dubois,  Das  Buch  der  Religionen,  i .  —  Krause,  Das  Eigen- 
thuml,der  Wesenlehre.  —  Barchudarian,  Leibniz  u.  Herbart.  —  Pflugk- 
Harttung,  Geschichtsbetrachtungen  (important).  —  Diehl,  Etudes  sur 
l'administr.  byzantine  dans  Texarchat  de  Ravenne;  Hartmann,  Unter- 
such.  zur  Gesch.  der  byzant.  Verwaltung  in  Italien  (deux  bons  travaux 
qui  se  complètent  et  s^appuient  l'un  l'autre).  — Kretzschmar,  Die  For- 
mularbûcher  aus  der  Canzlei  Rudolfs  von  Habsburg  (très  louable).  — 
Gradnauer,  Mirabeau's  Gedanken  liber  die  Erneuer.  des  franz.  Staat- 
swesens  (bon  jugement  historique  et  connaissance  du  sujet).  —  Alfred 
Stern,  das  Leben  Mirabeau's  (excellent).  —  Buttikofer,  Reisebilder  aus 
Libéria.  — J.  Barth,  Die  Nominalbildung  in  den  semit.  Sprachen,  I. 
Die  schlichten  Nomina  (beaucoup  de  répétitions  et  de  négligences  de 
style;  mais  le  fond  est  bon  et  importante  beaucoup  d'égards).  —  Midden- 
dorf,  Das  Runa  Simi  oder  die  Keshua  Sprache,  wie  sie  gegenwârtig  in 
der  Provinz  Cusco  gesprochen  wird.  —  Lipse,  Autobiogr.  p.  p.  Bergmans 
(soigné  et  exact).  —  Waldstein,  Fornnorska  Homilieookens  Ljudlàra. 
—  Bréal,  la  réforme  de  l'orthographe  française  (excellent  jugement, 
c'est  ainsi  qu'il  faut  employer  les  armes  de  la  science  contre  le  dilettan- 


tisme).  —  Mende,  Die  Aussprache  des  franzos.  unbetonten  e  imWortaus- 
laut  (petit  travail  intéressant  et  méritoire).  —  Timon,  Sliakspeare's  Drama 
in  seiner  natûrl.  Entwickelung  (beaucoup  de  soin  et  d'enthousiasme; 
mais  Timon  —  ou  M.  M.  P.  de  Haan  —  manque  de  métliode  et  de  cri- 
tique;. —  Trautmann,  Oberammergau  u.  sein  Passionsspiel. —  Prôhle, 
Abhandl,  ûber  Gœthe,  Schiller,  Bûrger  u.  einige  ihrer  Freunde  (tiennent 
le  milieu  entre  «  Essay  und  Forschung  «].  —  Studniczka,  Kyrene,  eine 
altgriech.  Gôttin,  archaol.  u.  mytholog.  Untersuchungen  [rend  un  grand 
service  aux  archéologues,  et  l'on  voudrait  des  livres  semblables  sur  Rho- 
des, Chypre,  la  Crète).  —  Aleertt,  Die  Schule  des  Redners. 

Deutsche  Liiteraturzeitimg',  n°  3o  :  Godet,  Commentar  zu  dem  Evange- 
lium  des  Lukas,  deutsch  bearb.  von  Wunderlich,  2"  aufl.  —  Wahle, 
Die  Gluckseligkeitslehre  der  Ethik  des  Spinoza.  —  Catalogue  of  Addi- 
tions to  the  manuscripts  of  the  British  Muséum  1882- 1887  (œuvre 
gigantesque  et  d'un  prix  inestimable).  —  Kalinka,  De  usu  conjunctio- 
num  quarundam  apud  scriptores  atticos  antiquissimos  (soigné,  exact, 
utile).  —  Ullrich,  Studia  Tibulliana  (écrit  avec  soin  et  clarté;  cp. 
Revue,  n"  12).  —  Gœthes  Gesprache,  hrsg.  von  Biedermann,  III  u.  IV. 
18 19-1823.  —  Kreyssig,  Geschichte  der  franz.  Nationalliteiatar  von 
ihren  Anfangen  aufdie  neueste  Zeit.  ô^verm.  Auflage  gânzlich  umgearb. 
von  Kressn'Er  u.  Sarrazin,  II.  —  Kubicki,  Das  Schaltjahr  in  der  gros- 
sen  Rechnungsurkunde.  Corpus  Inscr.  Ait.  I,  n°  2-3,  II.  —  Deutsche 
Zeitschrift  fur  Geschichtswissenschaft,  p.  p.  Quidde  (cp.  la  couverture 
du  n"  27  de  la  Revue).  —  Thouvenel,  Le  secret  de  Fempereur,  corresp. 
confident,  et  inéd.  entre  Thouvenel,  le  duc  de  Gramont  et  le  comte  de 
Flahaut,  j  860-1 863  [intéressant  .  —  Blink,  Der  Rhein  in  den  Nieder- 
landen.  —  Litzmann,  Fr.  L.  Schroeder,  ein  Beitrag  zur  deutschen  Liter. 
u.  Theatergeschichie,  I  (bon).  —  Von  der  Wengen,  Karl  Graf  zu  Wied. 

—  Margarete  von  BiiLOw,  Neue  Novellen. 

—  N°  3i  :  DrLLMANN,  Der  prophet  Jesaia,  5'^  éd  (excellent  répertoire). 

—  Biese  ,  Das  Metaphorische  in  der  dichterischen  Phantasie.  — 
Baumann,  Einftihrung  in  die  Pâdagogik.  —  Soltau,  Zur  Erklarung 
der  in  punischer  Sprache  gehaltenen  Reden  des  Karthaginensers  Hanno 
im  V  Act  der  Komodie  Poenulus  von  Plautus  (absurdités  naïves  d'un 
celtomane).  —  Philademi  II  fragmenta,  p.  p.  Hausrath.  —  Fehrnborg, 
De  verbis  latinis  in  uo  divisas  desinentibus  disputatio  (utile  ;  cp. 
Revue,  n°  20).  —  H.  Ad.  von  Keller,  Verzeichnis  altdeutscher  Hand- 
schriften  hrsg.  von  Ed.  Sievers.  —  Kuttner,  Das  Naturgefiihl  der 
Franzosen  u.  sein  Einfluss  auf  die  Dichtung  (peu  de  résultats).  — 
Bachmann,  Die  deutschen  Kônige  u.  die  Kurfurstl.  Neutralitat,  1438- 
1447  (détails  utiles).  —  Meinardus,  Protokolle  und  Relationen  des 
brandenburgischen  Geheimen  Rates  aus  der  Zeit  des  Kurfûrsten  Fried- 
rich Wilhelm,   I.  bis  zum  14  April  1463  (publication   très  importante). 

—  WoLF,  Josefina  (quelques  documents).  —  Fabricius,  Theben  (cp. 
Revue,  n"  29).  —  Roguin,  La  règle  de  droit.  —  Zeyss,  Adam  Smith  und 
der  Eigennutz. 

—  N°  32  :  Urba,  Beitr.  zur  Gesch.  der  Augustinischen  Kritik.  — 
ScHURÉ,  Les  grands  initiés,  esquisse  de  Thist.  secrète  des  religions  (aussi 
peu  utile  à  Thistoiredes  religions  qu'un  roman  historique  à  la  science). 

—  Reinisch,  Das  Zahlwort  vier  und  neun  in  den  chamitisch  —  semi- 
tischen  Sprachen.  —  Teletis  reliquiae,  p.  p.  Hense  (très  bon).  —  Siebs, 
Zur  Gesch.  der  englisch-friesischen  Sprache  (n'est  pas  assez  mûri).  — 
Stanislai  Hosii  cardinahs  episcopi  Varmiensis  epist.  II,  i55i-/558, 
p.  p.  Hippler  et  Zakrzewski  (très  méritoire).  —  Ang.  de  Gubernatis, 
Dizionario  degli  artisti  italiani  viventi.  —  Niemeyer,  Depositum  irre- 
gulare.  —  Nestroys  gesamm.  Werke,  p.  p.  Chiavacci  u.  Ganghofer,  I. 


mm  IMERMTIOMDES  AMÉRICAMSTES 

<Ç^   session    i8go. 


PROGRAMME 


— CNC-CCNS-O— 


Par  décision  du  Congrès  international  des  Américanistes,  tenu  à  Ber- 
lin en  1888,  la  ville  de  Paris  a  été  désignée  comme  siège  de  la  huitième 
session,  qui  aura  lieu  du  14  au  18  octobre  i8go. 

Le  Congrès  international  des  Américanistes  a  pour  objet  de  contribuer 
au  progrès  des  études  scientifiques  relatives  aux  deux  Amériques,  spé- 
cialement pour  les  temps  antérieurs  et  immédiatement  postérieurs  à 
Christophe  Colomb.  Il  sert  aussi  à  mettre  en  rapport  les  personnes  qui 
s'occupent  de  ces  études. 

Toute  personne  s'intéressant  au  progrès  des  sciences  peut  faire  partie 
du  Congrès  en  acquittant  la  cotisation  qui  est  fixée  à  12  francs. 

Le  reçu  du  trésorier  donne  droit  à  la  carte  de  membre  et  à  toutes  les 
publications  émanant  du  Congrès. 

Les  adhérents  sont  priés  de  faire  parvenir  le  plus  tôt  possible  le  mon- 
tant de  leur  cotisation,  soit  en  un  mandat  postal,  soit  en  un  chèque  sur 
une  des  grandes  capitales  européennes,  à  M.  C.  Aubry,  trésorier-adjoint,  184, 
boulevard  Saint-Germain,  à  Paris. 

Les  communications  seront  orales  ou  écrites  et  ne  pourront  durer 
plus  de  vingt  minutes.  Les  mémoires  dont  la  lecture  exigerait  un  temps 
plus  long  seront  déposés  sur  le  bureau,  et  il  en  sera  présenté  au  Congrès 
un  résumé  soit  écrit,  soit  oral,  faisant  connaître  l'objet  ainsi  que  les 
points  importants  et  les  conclusions  du  travail. 

Les  auteurs  qui  enverront  des  mémoires  auxquels  cette  dernière  dis- 
position serait  applicable  devront  les  accompagner  d'une  analyse. 

Les  mémoires  des  personnes  qui  ne  pourraient  se  rendre  à  Paris  de- 
vront être  adressés  au  Secrétaire  général  du  Comité  d'organisation  avant 
le  i^r  octobre  i8go.  De  même,  les  membres  qui  voudraient  en  personne 
faire  des  communications,  sont  invités  à  en  aviser  le  Secrétaire  général 
avant  le  i'^''  octobre,  afin  qu'on  puisse  distribuer  le  programme  détaillé 
du  Congrès  à  l'ouverture  de  la  réunion. 

Les  auteurs  qui  assisteront  aux  travaux  du  Congrès  sont  instamment 
priés  de  substituer  à  la  lecture  un  exposé  oral. 

Les  livres,  manuscrits  ou  autres  objets  offerts  au  Congrès  seront  ac- 
quis aux  établissements  scientifiques  de  Paris  ;  leur  destination  défini- 
tive sera  déterminée  par  le  Comité  d'organisation  après  la  clôture  de  la 
session. 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N°  40  Vingt-quatrième  année        6  octobre  1890 

REVUE  CRITIQUE 

^     D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

R  b:  C  U  E  I  L      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris.  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des  langues    orientales   vivantes,    etc, 
28,     RUE   BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


KHNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

HISTOIRE    DE    LA    GRÈCE 

Sous  la  domination  romaine 

PAR    G. -F.     HERTZBERG 

Traduit   de    l'allemand    sous    la    direction    de 

A.  BOUCHÉ-LECLERGQ 

Professeur    à    la    Faculté    des    Lettres    de    Paris. 

3  forts  volumes  in-8 3o  fr. 

La  publication  de  cet  ouvrage  termine 

L'H  I  STOIRE    GRECXiUE 

Par  CuRTius,  Droysen,  Hertzberg 

Traduite  en  français  sous^a  direction  de  M.  A.  Bouché-Leclercq. 

12  volumes  in-8,  dont  un  atlas 100  fr. 

COURONNÉ  PAR  L'ACADÉMIE  FRANÇAISE 
Et   par  l'Association   pour  l'Encouragement   des   Études  Grecques. 


PÉRIODIQUES 

Deutsche  Litteraturzeitung',  n°  33  :  Weiss,  Christl.  Ethik. —  Ziegler,  Sittli- 
ches  Sein  u.  sittl.  Werden.  —  Kaler,  Moral  der  Zukunft.  —  Pertsch, 
Verzeichnis  der  îiirk.  Handschriften  der  Kôngl.  Bibliothek  zu  Berlin, 
VI.  —  Breusing,  Die  Lôsung  des  Trierenratsels  (ne  résout  pas  la  ques- 
tion, mais  est  une  contribution  utile  à  la  discussion).  —  Kopechy,  Die 
attischen  Trieren  (de  seconde  main).  —  Bolte,  DerBauer  im  deutschen 
Liede,  32  Lieder  des  XV-XIX  Jahrli.  nebst  einem  Anhange  (inédits  et 
intéressants).  —  Bull,  délia  Soc.  Dantesca,  I.  —  Boutkowski,  Petit 
Mionnet  de  poche.  —  Lindner,  Deutsche  Gesch.  unter  den  Habsbur- 
gern  u.  Luxemburgern  1 273-1437.  I  (de  Rodolphe  de  Habsbourg  à 
Louis  de  Bavière  ;  simple  et  lumineux  tableau  d'ensemble).  —  Baumann, 
in  Deutschostafrika  wahrend  des  Aufstandes.  —  H.  H.  Koch,  Die 
Karmelitenkloster  derniederd.  Provinz, XlII-XVIJahrh.  —  Delbrûck, 
Die  Stratégie  des  Perikles  erleutert  durch  die  Stratégie  Friedrichs  II 
(cet  ouvrage  est,  en  somme,  la  meilleure  et  la  plus  indispensable  intro- 
duction à  une  histoire  de  la  guerre  du  Péloponnèse  et  le  plus  instructif 
commentaire  de  Thucydide  qu'on  ait  jamais  écrit). 

Berlinerphilolog-ischeWochenschrift,  n^  28:  PfalzischeGrabfunde(Mehlis), 
—  Zu  Hesiodos  et  Zum  Recht  von  Gortyn  (Ludwich).  —  Kausche, 
Mythologumena  Aeschylea  (très  utile).  —  Semitelos,  AiwpOa)Tf/.à  ci;  Ejpi- 
7:ic-^v  (un  grand  nombre  de  conjectures,  mais  l'auteur  n'a  pas  de  méthode 
ni  une  connaissance  exacte  de  la  métrique,  de  la  grammaire,  du  lexique 
et  du  style).  —  Anabasis,  p.  p.  Rehdantz,  I,  6^  éd.,  p.  p.  Carnuth.  — 
Ovidi  Tristium  libri  V,  p.  p.  Owen  (cp.  Revue,  n»  3).  —  Handbuch  der 
klass.  Altertumswiss.  p.  p.  Iwan  Miiller  (cp.  Revue,  1888,  n»  16).  — 
G.  Chr.  BuRCKHARDT,  Zur  Gesch.  der  locatio  conductio  (joli  travail 
d'ensemble).  —  Laistnen,  Das  Riitsel  der  Sphinx  (que  de  soin  et  même 
de  sagacité  en  pure  perte  !)  —  Olivier,  Une  voie  gallo-romaine  dans  la 
vallée  de  l'Abbaye  et  le  passage  d'Annibal  dans  les  Alpes  (ne  convaincra 
que  l'auteur).  —  De  La  Grasserie,  De  la  catégorie  des  cas  (clair  et  com- 
préhensible pour  tous,  mais  sur  beaucoup  de  points  on  sera  d'une  autre 
opinion  que  Fauteur;  cp.  Revue,  n°  18).  —  Arnold  Hirzel,  Gleichnisse 
u.  Metaphern  im  Rigveda  in  culturhistorischer  Hinsicht  zusammen- 
gestellt  u.  verglichen  mit  den  Bildern  bei  Homer,  Hesiod,  Aeschylus, 
Sophokles  und  Euripides  (travail  solide  dont  les  résultats  sont  très  inté- 
ressants et  persuasifs,  et  offrent  une  importante  contribution  à  la  «  tro- 
pique »  comparée  de  la  poésie).  — Tocco,  Le  opère  latine  di  Giordano 
Bruno  espostee  confrontate  con  le  italiane. 

—  N°*  29-30,  19  juillet  1890  :  Die  rômischen  Ausgrabungen 
vom  I  Jan.  1889  bis  i  Mai  1890  (O.  Richter).  —  Flinders  Pétrie, 
Naukratis ,  I;  Gardner,  II;  Pétrie,  Tanis,  II;  Pétrie,  Hawara, 
Biahmu  and  Arsinoe  (cp.  Revue,  no  i);  Marucchi,  Monmenta  pa- 
pyracea  Aegyptia  bibliothecae  Vaticanae  ;  Hirschberg,  Aegypten , 
S"tudien  eines  Augenarztes  ;  H.  Zimmern,  Die  Assyriologie  als  Hûlfs- 
wissenschaft  fur  das  Studium  des  alten  Testaments  u.  des  klassischen 
Altertums;  Epping,  Astronomisches  aus  Babylon  ;  Jensen,  Die  Kosmo- 
logie  der  Babylonier  (cp.  Revue,  n"  2  5)  —  Euripides  Herakles,  erkl.  von 
WiLAMOWiTZ-MôLLENDORFF,  I.  Einleitung  iu  die  attische  Tragôdie;  II. 
Text  und  Commentar  (long  article  défavorable  de  Wecklein  qui  blâme 
la  «  Konjekturerei  »  de  Fauteur  et  assure  qu'on  ne  peut  lire  une  demi- 
page  du  commentaire  sans  trouver  une  erreur;  aussi  ce  que  le  livre 
renferme  de  bon  et  d'utile,  est-il  gâté  ou  échappe  aux  yeux).  —  Gunther, 
Geschichte  der  antiken  Naturwissenschaft  und  Philosophie,  Mathematik, 
Natur^vissenschaft,  Medicin,  und  wissenschaftl.  Erdkunde  im  Altertum 
(très  intéressant  et  fait  d'après  les  sources).  —  Historische  Studien  aus 


dem  pharmakologischen  Institute  der  kaiserl.  Universitat  Dorpat,  hrsg. 
von  Rud.  Robert.  —  Bradke,  Ueber  die  arischealtertumswissenschaft 
und  die  Eigenart  unseres  Sprachstammes  (cp.  Revue  1888,  11°  49). 

—  N°^    3i-32    :  Die  rôm.  Ausgrab.    jan.   mai  i8go  (O.    Richiter). 

—  Pv.ôm.  Reitergrabmal  in  Trier  (The  Iliad.,  with  Englisli  notes 
and  introd,  by  Leaf.  I,  II  (remarques  très  détaillées  qui  n'ont  trait 
qu'aux  passages  difficiles  et  douteux.)  —  Hiller,  Beitr.  zur  Text- 
gesch.  der  griech.  Bukoliker  (excellent  travail  qui  servira  de  base  à 
la  critique  des  textes  traités].  —  Schulze,  quaest.  grammat.  ad  Xeno- 
phontem  pertinentes  (très  louable).  —  Lucianus  recogn.  Sommerbrodt 
(premier  et  très  long  art.  sur  la  seconde  partie  du  premier  volume).  — 
Thiele,  Quaest.  de  Cornifici  et  Ciceronis  artibus  rhetoricis  (bien  fait  et 
indispensable).  —  Bob,  zur  Kritik  u.  Erklâr.  der  Satiren  Juvenals  (par- 
fois inexact  et  contestable,  parfois  juste).  —  Delbrûck,  Die  Stratégie  des 
Perikles  erlautert  durch  die  Stratégie  Friedrichs  des  Grossen,  mit  einem 
Anhang  uber  Thukvdides  u.  Kleon  (étude  très  minutieuse  et  juste  dans 
ses  résultats).  —  A  catalogue  of  engraved  gems  in  the  British  Muséum. 

—  I.  H.  ScHMiDT,  Handbuch  der  latein.  u.  griech.  Synonymik  (très 
savant  et  instructif).  —  Cas.  von  Morawski,  Beitr.  zur  Gesch.  des  Hu- 
manismus  in  Polen.  (Deux  études  :  J.  Sylvius  Siculus  et  Melanchton 
appelé  en  Pologne).  —  Monum.  germ.  paedag.  X.  Gesch.  des  Militâr- 
Erziehungs-und  Bildungswesens  in  den  Landen  deutscher  Zunge  I 
intéressant  et  plein  de  matériaux  utiles).  —  Zum  griech.  u.  latein.  Un- 
terricht  (traité  de  quatorze  grammaires  et  livres  d'exercices;  Hœhne, 
Koch,  Hartel,  Hensell,  Bôhm,  Wetzel,  Schenki,  Jacobs,  Lutsch,  Rie- 
mann  et  Gœlzer,  Heussner,  Scheindler,  Schmidt). 

—  N"  33  :  Zum  griech.  u.  latein.  Unterricht  (ouvrages  de 
Lutsch,  Steiner  et  Scheindler,  Holzweissig,  "Wesener,  Wezel,  von  .lan). 

—  Lucianus,  p.  p.  Sommerbrodt,  I;  2  (il  faudra  ou  que  l'éditeur 
suive  dans  les  volumes  ultérieurs  de  tout  autres  principes,  ou  qu'il 
ait  un  rival  qui  soit  en  état  de  faire  une  édition  de  Lucien  digne  de 
ce  nom).  —  Quinto  Orazio  Flacco  opère  espurgate,  versione  delFAu- 
relio  Colla.  —  Bilger,  De  Ovidi  Heroidum  appendice  quaest.  Paridis 
et  Helenae  epistulae  sintne  Ovidi  quaeritur  (contestable). —  Zimmermann, 
De  Tacito  Senecae  philosophi  imitatore  (méritoire). —  Schiess,  Die  rôm. 
collegia  funeraticia  nach  den  Inschriften.  —  Darbishire,  notes  on  the 
spiritus  asper  im  Greek  (méthode  exacte  et  résultats  à  remarquer).  — 
Krets.chmer,  Beitr.  zur  griech.  Grammatik  (très  fouillé). —  Hofmeister. 
Die  Matrikel  der  Universitat  Rostock,  1419-1499. 

Gœttingische  gelehrte  Anzeigen,  no  14  :  Schuppe,  Das  Gewohnheitsrecht, 
zugleich  eine  Kritik  der  beiden  ersten  Paragraphen  des  Entwurfs  eines 
bijrgerlichen  Gesetzbuches  fur  das  deutsche  Reich.  —  Viollet,  Hist. 
des  institutions  politiques  et  administratives  de  la  France,  I  (long  article 
de  Sickel  qui  juge  l'ouvrage  plus  original  que  celui  de  Glasson  et  plus 
instructif  que  celui  de  Fustel). 

Theologische  Literaturzeituug',  n°  14  :  Keilinschriftliche  Bibliothek,  Il  Bd. 

—  Siegfried,  Die  theologische  u.  die  historische  Betrachtung  des  Alten 
Testaments.  —  P.  Ewald,  Das  Hauptproblem  der  Evangelienfrage  und 
der  Weg  zu  seiner  Losung.  ~  Nestlé,  De  Sancta  Cruce,  ein  Beitrag 
zur  christlichen  Legendengeschichte  ;  Holder,  Inventio  sanctae  crucis, 
Actorum  Cyriaci  pars  I  latine  et  graece,  ymnus  antiquus  de  sancta 
cruce,  testimonia  inventae  sanctae  crucis.  —  Von  Dôllinger,  Beitràge 
zur  Sektengeschichfe  des  Mittelalters  {cp.  Revue,  n°  7).  —  Reifferscheid, 
Marcus  Evangelion  Mart.  Luthers.  nach  der  Septemberbibel  mit  den 
Lesarten  aller  Originalausgaben  und  Proben  aus  den  hochdeutschen 
Nachdrucken  des  XVI  Jahrunderts  (très  louable).  —  Weiss,  La  Cham- 


bre  ardente,  étude  sur  la  liberté  de  conscience  en  France  sous  Fran- 
çois I"  et  Henri  II,  1 540-1  55/-,  suivie  d'environ  5oo  arrêts  inédits,  ren- 
dus par  le  parlement  de  Paris  (excellente  et  indispensable  mine  pour  la 
connaissance  de  cette  époque). 

—  N*'  i5  :  "H  y.x'.vr;  c'.aO-r;-/.-^ ,  Novum  Testam.  cum  parallelisS.  Scrip- 
turae  locis,  vetere  capit.  notât.,  canon.  Eusebii,  —  Pergamene  pur- 
puree  Vaticane  di  Evangelario  a  caratteri  di  ore  e  di  argento,  memo- 
ria  di  Giuseppe  Gozz.\-Luzi.  —  Jundt,  Rulman  Merswin  et  l'Ami 
de  Dieu  de  l'Oberland,  un  problème  de  psychologie  religieuse  (accède 
à  Targumentation  de  Denifle,  mais  veut  prouver  que  Merswin  était 
un  halluciné:  solution  qui  n'est  pas  plus  simple  et  plus  sûre  que 
celle  de  Denifle).  — Beste,  Geschichte  der  braunschweigischen  Lan- 
deskirche  von  der  Reform  bis  auf  unsere  Tage  (beaucoup  de  docu- 
ments peu  connus  et  inédits,  d'ailleurs  bien  disposés).  —  Michel,  Die 
rômische  Kirche,  ihre  Einwirkung  auf  die  German.  Stâmme  u.  das 
deutsche  Volk.  —  Kleinert,  Zur  christl.  Kultus  =  und  Kulturges- 
chichte,  Abhandl.  u.  Vortrage. 

—  N°  16  :  Novum  Testam.  e  codice  Vaticano  1209  phototypice 
repraesentatum ,  p.  p.  Cozza-Luzi.  —  Kuhl  ,  Die  Heilsbedeutung 
des  Todes  Christi.  —  H.\rris  and  Gifford,  Ttie  acts  of  the  martvrdom 
of  Perpétua  and  Félicitas,  the  original  Greek  text  now  first  edited,  — 
RôHM,  Zur  Tetzel-Legende.  —  Mittheil,  iiber  die  konfessionellen  Ver- 
hàltnisse  in  Wurttemberg,  XIII  Heft. 

Literaturblatt  fur  germanisciie  und  romanische  Philologie,  n°  6,  juin  :  Gol- 
ther,  Studien  zur  germanischen  Sagengeschichte;  I,  der  Valkyrjenmy- 
thus;  II,  ueber  das  Verhâltnis  der  nordischen  u.  deutschen  Form  der 
Nibelungensage (original,  mais  contestable).  —  Strnadt,  Der  Kirnberg 
bei  Linz  u.  der  Kiirenberg-Mythus,  ein  kritischer  Beitrag  zu  Minne- 
sangs  Frûhling  (intéressant)  —  Hurch  ,  zur  Kritik  des  Ktirnbergers 
(n'éveille  pas  la  confiance).  —  Hirt,  Untersuchungen  zur  westgerma- 
nischen  Verskunst,  I,  Kritik  des  neueren  Théorie,  Metrik  des  Angel- 
sâchsischen  (très  recommandable;  dirigé  contre  Sivers,  non  sans  saga- 
cité ni  profondeur;  mais  n'a  pas  raison  contre  Miiller).  —  Callaway, 
The  absolute  participle  in  Anglo-Saxon  (un  des  meilleurs  travaux  qui 
aient  paru  sur  la  syntaxe  dans  ces  dix  dernières  années).  —  Schipper, 
Zur  Kritik  der  Shakspeare-Bacon-Frage  (prouve  que  toute  cette  ques- 
tion Shakspearo-baconienne  n'est  que  «  amerikanischer  Humbug  und 
dilettantische  Flunkerei  »;  cp.  Revue,  n°  28).  —  Birch-Hirschfeld, 
Geschichte  der  franzôs.  Literatur  seit  Anfang  des  XVI  Jahrhunderts 
(livre  à  saluer  avec  joie,  clair,  attachant  et  très  instructif;  cp.  Revue, 
n°  II).  —  KuTTNER,  Das  Naturgefiihl  der  Altfranzosen  und  sein  Ein- 
fluss  auf  die  Dichtung  (très  bon  travail).  —  Tristranromanens  gammel- 
franske  prosahaandskrifter  i  Pariser  nationalbibliotheket  af  Eilert  Lo- 
SETH  (n'avance  pas  la  science).  —  A,  Thomas,  Poésies  complètes  de 
Bertran  de  Born  (très  long  art.  d'Em.  Levy). 

—  N*  7,  juillet  :  A.  Schultz,  Das  hôfische  Leben  zur  Zeit  derMinne- 
singer,  2^  aufl.  —  Hamann,  Der,  Humor  Wallers  von  deï  Vogehveide 
(épuise  le  sujet).  —  Schweitzer,  Etude  sur  la  vie  et  les  oeuvres  de  Hans 
Sachs  (très  louable,  cp.  Revue,  n°  47).  —  Bulbring,  Geschichte  der 
Ablaute  der  starken  Zeitwôrter  innerhalb  des  Sûdenglischen  (soigné  et 
méthodique!.  —  The  Jew  of  Malta,  p.  p.  A.  Wagner.  —  G.  Paris,  La 
littérature  française  au  moyen  âge,  2^  édition  revue,  corrigée,  augmentée 
et  accompagnée  d'un  tableau  chronologique  (très  long  art.  de  W.  Foer- 
ster).  —  Antoniewicz,  Ikonographisches  zu  Chrestien  de  Troves.  — 
Negroni,  sul  testo  délia  Divina  Commedia,  discorso  accademico. 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N°  41  Vingt-quatrième  année       13  octobre  1890 

„       ^  III  -  -> 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL       HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,   20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,   25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX, EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues    orientales    vivantes,    etc. 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


KKNEST  LEROUX,    EDITEUR,   RUE   BONAPARTE,  28 

LES  RUINES  D'ANGKOR 

Etude  historique  et  artistique 
sur    les    monuments    Khmers    du    Cambodge    Siamois 

PAR  LUCIEN  FOURNEREAU 

Architecte,    chargé    d'une    mission    archéologique 

par  le  Ministère  de  l'Instruction  publique 

et  des  Beaux-Arts 

ET  JACQUES  PORCHER 
Professeur  à  l'Ecole  municipale  J,  B.   Say. 

Un  beau  volume  in-4,  comprenant  un  texte,  richement  illustré 
de  vues,  de  types,  de  sites,  de  monuments,  etc.,  une  carte  et 
101  planches  reproduisant  par  la  phototypie  les  chefs  d'oeuvre 
des   temples    d'Angkor.  Le    tout   en    un  carton   artistique.    . .     5o  fr. 


PÉRIODIQUES 

Revue  rétrospective,  i'^'"  sept.  Mém.  inédits  d'Hyppolyte  Auger,  suite, 
III,  de  1817  à  1820. 

[i^r  oct.  id.  (suite)  de  1820  à  i83o. 

Bulletin  critique,  11°  16  :  A.  Bertrand,  La  psychologie  de  l'effort.  — 
Berthelé,  Recherches  pour  servir  à  Thist.  des  arts  en  Poitou.  —  H.  de 
Larochejaquelein  et  la  guerre  de  la  Vendée.  —  Lebon,  Etudes  sur 
TAUemagne  politique  (très  précis  et  utile).  —  Metchnikoff,  La  civilisa- 
tion et  les  grands  fleuves  historiques.  (Le  «  latalisme  potamique  »  est  le 
dernier  mot  du  livre.) 

—  N"  17:  Novum  Testam.  graece  rec.  Tischendorf,  éd.  octava  cri- 
tica  major,  vol.  III,  Prolegomena,  rec.  Gregory.  —  Diehl.  Etudes  sur 
l'admin,.  byzantine  dans  l'exarchat  de  Ravenne  (remarquable  par  la 
sûreté  et  Tampleur  des  informations  comme  par  le  talent  de  Fauteur). 

—  De  BoNNiOT,  L'âme  et  la  physiologie.  —  Du  Boys,  Lettres  de  Pra- 
dilhon  de  Sainte-Anne  et  M.  du  Verdier. 

—  N"  18  :  Hatzfeld  et  A.  Darmesteter,  Dict.  gén.  de  la  langue  fran- 
çaise, I  er  fasc.  (publication  magistrale  ;  rédaction  sobre  et  claire  ;  logique 
rigoureuse  dans  le  classement  des  sens).  ■— -  Aubert,  Le  Parlement  de 
Paris  1 3  14-1422  (second  volume,  considérable  à  tous  égards  et  plein  de 
faits  nouveaux).  —  Lair,  Foucquet  (ti  es  consciencieux  et  très  intéressant). 

—  No  19  :  Edm.  de  Pressensé,  L'Eglise  et  la  Révoi.  franc.,  hist,  des 
relations  de  l'EgUse  et  de  l'Etat  de  1789  à  1814  (effort  persévérant  vers 
l'impartialité,  inlatigable  énergie  à  plaider  la  cause  de  la  liberté  de 
conscience,  hauteur  des  vues).  —  Bergaigne  et  V.  Henry,  Manuel  pour 
étudier  le  sanscrit  védique  (art.  de  P.  Regnaud  qui  «  montre,  en  con- 
centrant ses  critiques  sur  une  courte  pariie  d'un  court  chapitre,  à  quel 
point  les  principes  erronés  de  l'école  de  la  nouvelle  grammaire  sont  de 
nature  à  stériliser  et  à  fausser  les  explications  auxquelles  on  prétend  les 
appliquer  »).  --  Gartault,  Vases  grecs  en  forme  de  personnages  grou- 
pés. —  Garusi,  L'azione  publiciana  in  diritto  Romano  (écrit  avec  clarté 
et  conscience).  —  Blanchet,  Numismatique  du  moyen  âge  et  moderne, 
(encyclopédie  spéciale  très  portative,  au  courant  des  questions).  — 
Em.  MoLiNiER,  Venise,  ses  arts  décoratifs,  ses  niusées  et  ses  collections 
(bon  guide  et  résumé  substantiel). 

The  Academy,  no  954  :  Glark  and  Hughes,  The  life  and  letters  of  Adam 
Sedgwick.  —  Grot,  Iz  istorii  Ugrii  i  Slavianstra  v'  XU  viekie  (neuf  et 
détaillé).  —  Hosie,  Threeyears  in  Western  Ghina.  —  Gardinal  Newman 
(Greenhill).  —  The  International  «  Gonférence  du  Livre  »  at  Antwerp. 

—  The  original  French  éditions  of  the  Kalender  of  Shepherdes.  — 
Hetman  and  Hauptmann.  —  The  Ogam  Stones  in  the  isleof  Man.  — 
Madhava  and  Sayana. 

—  N»  955  :  Memoirs  of  Ernest  U,  Duke  of  Saxe-Gobourg-Gotha,  vols 
111  and  IV.  —  Dante's  Treatise  De  vulgari  eloquentia  transi,  by  Howell. 
~  Oliver,  Across  the  Border,  or  Pathan  and  Biloch.  —  G  arpenter, 
The  first  ihree  Gospels,  their  origin  and  relations  (important,  et  le 
meilleur  livre  sur  ce  côté  de  la  question)  —  Macgarthy,  The  French 
Révolution,  11  (quelques  bons  endroits  et  des  portraits  bien  tracés.)  — 
Letters,  in  part  unpublished,  of  Samuel  Pepys.  —  Ghaucer's  prioress's 
nun  chaplain.  —  Bellesheim's  History  of  the  Gathoiic  Ghurch  in  Ire- 
land.  —  The  mss.  of  the  New  Testament.  —  The  Memorials  of  St 
Edmundsbury.  —  l'he  Ogam  suMies  in  the  isle  of  Man.  —  Taylor  the 
Platonist.  —  Tbegods  Zur  and  Ben-Hadad.  —  The  Béni  Hassan  car- 
touches. —  Tiie  !)ahr-el  Bahari  mummies. 


LIBRAIRIE      HACHETTE 

79,    BOULEVARD    SAINT-GERMAIN,    PARIS. 


E  T     C 


ATLAS 


DE 


GÉOGRAPHIE    MODERNE 

Ouvrage  contenant  64  cartes  en  couleur 

Accompagnées  d'un  texte  géographique,  statistique  et  ethnographique 
et  d'un  grand  nombre  de  cartes  de  détail 

Par  F.   SCHRADER 

Directeur  des  travaux  cartographiques  de  la  Librairie  Ilacliette  et  C'ie 


E.  ANTHOINE 

Ingénieur-chef  du  service  de  la  carte  de  France 

et  de  la  statistique  graphique  au  Ministère 

de  l'Intérieur. 

Un   volume   in-folio,    relié 25  fr. 


F.  PRUDENT 

Lieutenant-colonel    de   génie  au    service 
géographique  de  l'armée. 


LE  MEME  ATLAS  DIVISE  PAR  CLASSES 

CLASSE  DE  QUATRIÈME 
Un  volume  in-folio,  cartonné,    contenant    i6  cartes.    Prix,   . 

LISTE  DES  CARTES 


fr. 


o  I  8  Hémisphères. 

3  Planisphèie  physicjue. 

4  —  hypsoiiiétrique. 

5  —  politique. 


6  Amérique  du  Nord  physique 

7  —  —  politique. 

8  Canada. 

9  États-Unis. 

10  —  parties  E.  et  O. 

développées. 


11  Mexique. 

12  Antilles  et  Amérique  Cen- 

trale. 

13  Amérique  du  Sud  physique. 

14  —  —  politique. 

15  )  Amérique  duSud  en  deux 

16  j       feuilles. 


CLASSE  DE  TROISIÈME 
Un  volume  in-folio,  cartonné,  contenant  19  cartes.  Prix.     7  tr.  5o 


1  Asie  physique. 

2  —      politique. 

3  Empire  Ru.sse. 

4  Arménie,  Caucasie. 

5  Asie  Mineure. 
C  Perse. 

7  Ilindoustan. 


LISTE  DES  CARTES 

8  Indo-Chine. 

9  Archipel  malais. 

10  Empire  Chinois. 

11  Japon,  Chine  orientale. 

12  Afrique  physique. 

13  —        politique. 


14) 

15  i  Afrique  en  3  feuilles. 

16  5 

17  Océanie. 

18  Australie. 

19  Australasie. 


CLASSE  DE  SECONDE 


Un  volume  in-folio,  cartonné,  contenant  i8  caries.  Prix.     7  fr.  5o 


1  Europe  physique. 

2  —         nypsométrique 

3  —        politique. 

4  Iles  Britanniques. 

5  Belgique  et  Pays-Bas 

6  Suisse. 


LISTE  DES  CARTES 

7  Alpes. 

8  Italie. 

9  Espagne  et  Portugal. 

10  Allemagne. 

1 1  Europe  centrale 

12  Autriche-Hongrie. 


13  Balkans. 

14  Grèce. 

15  Méditerranée. 

16  Suède-Norvège, Danemark. 

17  Russie  d'Europe. 

18  Russie  occidentale. 


CLASSE  DE  RHETORIQUE 


Un   v(^:uine  in-lolio,  contenant   11  cartes. 

LISTE  DES  CARTES 


Prix. 


5  fr. 


1  France  luuette. 

2  —         physiijue. 

3  —         hypsométrique      et 

géologique. 


4  France  politique  et  adminis- 

trative en  1  feuille. 

5  f   France  politique    el  admi- 

6  (       uistrative  en  4  feuilles. 


7  \   France  politique  et  admi- 

8  S       nistrative  en  4  feuilles. 
0  Algérie-Tunisie 

10  Colonies  françaises. 

11  —  — 


LIBRAIRIE      HACHETTE      ET      C'^ 

79,     BOULEVARD     SAINT-GERMAIN,    PARIS 

COURS     CO  MPLET 

D'HISTOIRE    DE    FRANCE 

A  L'USAGE  DES  LYCÉES  ET  COLLÈGES 
Par     M.     Victor    DURUY 

Ancien  Ministre  de  Tlnstruction  publique 
Membre  de  l'Académie  française,  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques 

et  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres. 

NOUVELLE  ÉDITION,  COMPLÉTÉE  ET  REMANIÉE  CONFORMÉMENT  AUX  PROGRAMMES  DU  28  JANVIER  1890 

sous  LA  DIRECTION   DE 

M.     E  .    LAVISSE 

Professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris 

3  volumes  in-16,  avec  gravures  et  caries,  cartonnage  toile 


I 


Histoire  de  l'Europe  et  de  la  France,  jusqu'en  1270,  Classe  de  Troisième, 
par  M     i'aimentier,  professeur  au  Lycée  de  Troyes,  i  vol 4  f.  50 

Histoire  de  l'Europe  et  de  la  France,  de  1270  à  1610,  Classe  de  Seconde, 
par  M.  Mariejol,  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres  de  Dijon,  i  vol...     5  fr. 

Histoire  de  l'Europe  et  de  la  France,  de  1610  à  1789,  Classe  de  Rhéthori- 
que,  par  M.  Lacour  Gayei,  docteur  es  lettres,  professeur  au  Lycée  Saint-Louis. 
I   vol 5  fr . 


LECTURES  HISTORIQUES 

RÉDIGÉES  CONFORMÉIVIENT  AU  PROGRAMME  DU  28  JANVIER  1890 

A  l'usage  des  lycées  et  collèges 

6  volumes  in-16,  illustrés  de  nombreuses  gravures,  cartonnage  toile. 

Histoire  ancienne  (Egypte,  Assyrie),  à  l'usage  de  la  classe  de  Sixième,  par  M.  G. 
Maspero,  membre  de  l'Institut,  professeur  au  collège  de  France,  i  vol.  in-i6,  illus- 
tré de  nombreuses  gravures,  cartonnage  toile 5  fr. 

Histoire  grecque  (Vie  privée  et  vie  publique  des  Grecs),  à  l'usage  de  la  classe  de 
Cinquième,  par  M.  P.  Guiraud,  maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale  supérieure. 
I  vol.  in-i6  illustré  de  nombreuses  gravures  d'après  les  monuments,  cartonnage 
toile 5  tr. 

Histoire  romaine  (Vie  privée  et  vie  publique  des  Romains),  à  l'usage  de  la  classe 
de  Quatrième,  par  M.  F.  Guiraud,  maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale  supé- 
rieure. I  vol.  in-i6,  illustré  de  nombreuses  gravures  d';iprès  les  documents,  car- 
tonnage toile ...     »     » 

Histoire  du  moyen  âge,  à  l'usage  de  la  classe  de  Troisième,  par  M.  Ch.-V.  Lan- 
glois,  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris,  i  volume  in-i5,  illustré  de 
nombreuses  gravures  d'après  les  monuments,  cartonnage  toile 5  fr. 

Histoire  du  moyen  âge  et  des  temps  modernes,  à  l'usage  de  la  classe  de  Se- 
conde, par  M.  Mariejol,  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres  de  Dijon,  i  volume 
in-t6,  illustré  de  nombreuses  gravures,  cartonnage  toile »     » 

Histoire  des  temps  modernes,  à  l'usage  de  la  classe  de  Rhétorique,  par  M.  La- 
cour-Gayet,  docteur  es  lettres,  professeur  au  Lycée  Saint-Louis,  i  volume  in-i6, 
illustré  de  nombreuses  gravures,  cartonnage  toile »     « 


Le  Puy    imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23» 


N°  42  Vingt-quatrième  année      20  octobre  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL.      H  E  B  D  O  M  A  D  A  I  K  E 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues    orientales   vivantes,    etc, 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


EKNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

Instructions  adressées  par  le   Comité  des   Travaux    historiques  et  scientifiques 
aux  correspondants  du  Ministère  de  l'Instruction  publique. 

I.  Lîttérfttiire  latine  et  Histoire  du  moyen  â$;^e,  par 

Léopold  Delisle,  membre  de  l'Institut.  In-8,  avec  une  planche  en 
héliogravure 3  fr.   5o 

IL  t-'Épîgnapliie  elirétienne  en  Onule  et  dans  l'Afrique 
romaine,  par  M.  Edmond  Le  Blant,  membre  de  l'Institut.  In-8, 
avec   5  planches   en  héliogravure 4  fr. 

ALEX.  MAX.  DE  ZOGHEB 

L'Egypte  ancienne.  Aperçus  sur  son  histoire,  ses  mœurs  et  sa 
religion.  Ouvrage  illustré  de  61  dessins.  Un  volume  in-8.     .     5  fr. 

H.    DE   GRAMMONT 

Correspondance  des  Consuls  d'Alger  (1690- 1742).  Un 
volume  in-8 6  fr. 

ARCHIVES  DES  MISSIONS  SCIENTIFIQUES  ET  LITTÉRAIRES 

TABLE  GÉNÉRALE 

COMPBENANT   les   trois   séries   jusqu'au  tome   XV  INCLUS 

Un  volume  in-8 9  fr. 


PÉRIODIQUES 

Mélusine,  u°  5,  septembre-octobre  :  Gaidoz,  L'opération  d'hiscuiape.  — 
id.,  Echos  de  la  iittér.  antique  au  moyen  âge.  —  Tuchmann,  Les  fasci- 
nateurs,  moyens  d'acquérir  le  pouvoir  de  fascination  (suite).  —  H.  G. 
Le  solarisme  boulangiste.  —  Israël  Lévi,  La  légende  d'Alexandre  dans 
le  Talmud.  —  Bibliogr.  :  Krauss,  Volksglaube  u.  relig.  Brauch  der 
Sûdslawen  (louable).  —  Curtin,  Myths  and  folk-lore  of  Ireland.  — 
Meyrac,  Trad.  cont.  lég.  et  contes  des  Ardennes  (trop  long).  —  Auri- 
cosTE  DE  Lazarque,  Cuislnc  messine  (plein  d'originalités  et  d'excellentes 
recettes).  —  La  mythologie  lithuanienne  et  M.  Veckenstedt  (étude  con- 
sidérable de  M.  Karlowicz  qui  démontre  les  <i  bévues  »  de  M.  Vecken- 
stedt, sa  «  rare  ignorance  ».  sa  «  témérité  insolite  »  —  il  invente  tout 
bonnement  la  mythologie  lithuanienne). 

Revue  d'Alsace,  II''  fasc. (avril  mai-juin):  Sahler,  La  coopération  au  pays 
de  Montbéliard  et  ses  rapports  avec  la  question  sociale.  —  Ch.  Pfister, 
Les  mss.  allemands  de  la  Bibliothèque  nat.  relatifs  à  l'hist.  d'Alsace 
(suite).  —  Benoit,  Jean  Vivant,  évéque  de  Paris,  suffragantde Strasbourg, 
1 730-1739.  —  LiBLiN.  Ancien  nécrol.  de  l'église  de  Strasbourg,  tiré  des 
mss.  de  Grandidier  1 181-1293.  —  Berdellé,  Poésies  de  Ch.  Boese  en 
dialecte  alsacien  (suite). 

IIP  fasc.  { juillet-août-septembre):  R.  Reuss,  L'Alsace  pendant  la  Révol. 
fr.  (corresp.  offic.  de  Schwendt.). —  Pfister,  Les  mss.  allemands  de  la 
Bibl.  nat.  (suite).  —  Mossmann,  Guei  re  de  Trente  Ans,  matériaux  tirés 
des  archives  de  Colmar,  i3  juillet-26  août  1647.  —  Liblin,  La  dynastie 
colmarienne  des  Haussmann.  —  Waltz,  Mémoires  de  P.  H.  J.  Chauf- 
four  dit  le  syndic  (suite).  —  Chroniques  centenaires  de  la  Haute-Alsace. 

La  Révolution  française,  14  sept.  :  Champion,  Bailliages  et  sénéchaussées 
de  1789  et  leurs  cahiers.  —  Viguier,  L'encadastrement  des  biens  et 
droits  féodaux  en  Provence.  —  Vidal,  Mission  polit,  de  Cassanyes  dans 
le  Mont-Blanc.  —  Robiquet,  Corresp.  de  Bailly  et  de  Necker.  —  Chron. 
et  bibl.  Robiquet,  Le  personnel  municipal  de  Paris.  —  Maugras,  Jour- 
nal d'un  étudiant.  —  Une  lettre  deCam.  Desmoulins. 

Revue  de  Belgique,  1 5  août  :  Romberg,  Les  lettres  missives,  étude  de 
propriété  littéraire.  —  X.  de  Reul,  Une  leçon  de  géologie.  —  Errera, 
La  respiration  des  plantes.  —  De  Lombay,  Au  Sinaï,  souvenirs  de 
voyage,  I. 

—  i5  sept.  :  Vercamer,  La  Vendée  belge.  —  De  Lombay,  Au  Sinaï, 
(fin).  —  Gittée,  L'étude  du  folklore  en  Flandre.  —  Potvin,  La  partici- 
pation aux  bénéfices. 

Revue  de  l'instniction publique  (supérieure  et  moyenne)  en  Belgique,  tome  XXXII I, 
5"  livraison  :  Keelhoff,  note  sur  un  passage  de  César,  B.  G.,  I,  4.  c. 
VIT,  XIV.  —  Magnette,  L'instruction  publique  à  la  République  argen- 
tine. —  Coinptes  rendus  :  Muller  et  Diegerick,  Doc.  conc.  les  relat. 
entre  le  duc  d'Anjou  et  les  Pays-Bas,  1576-^583,  Tome  II,  Troubles 
des  Maicontents  et  des  Gantois  1578-1579  (très  important).  —  Pirard, 
Choix  de  fables  d'Esope.  —  Freund,  Wander.  auf  klassischem  Boden, 
die  griech.  Ruhmesstiitten  (trop  hâtif).  —  Chot,  Grammaire  française 
(simple  et  clair).  —  Socin,  Schriftspr.  u.  Dialekte  im  Deutschen  nach 
Zeugn.  alter  u.  neuer  Zeit  (matériaux  abondants),  -  Bangert,  Die 
Tiere  im  altfr.  Epos  (travail  surtout  lexicographique  et  plein  de  référen- 
ces très  précieuses). 


The  Academy,  n^  gSô  :  Marshall,  Princ.  of  Economies,  I.  —  Sy- 
MONDS,  Essays  spéculative  and  suggestive.  —  Guiness  (mrs),  The  new 
world  of  Central  Africa.  —  Wakeman,  Life  of  Fox  (clair  et  intéressant). 

—  Jenkins,  Ignatian  difïiculties  and  historié  doubts.  —  Some  letters  from 
Cardinal  Newman.  —  Letters  of  Sam.  Pepys. —  The  original  French  édi- 
tions of  the  Kalender  of  Shepherdes.  —  The  Carlsruhe  Bede.  —  The  mss. 
of  the  New  Test.  —  La  goule  d'aoust.  —  Isaac  Taylor,  The  origin  of 
the  Aryans  (clair,  savant,  plein  d'intérêt). —  Some  contributions  to  Pâli 
lexicography.  —  A  first  Aryan  Reader.  —  Schmarsow,  S.  Martin  von 
Lucca  u.  die  Anfânge  der  toskan.  Sculptur  im  Mittelalter.  —  An 
ancient  inscribed  stone  on  Exmoor.  —  The  Dahr-el-Bahari  mummies. 

—  N°  957  :  The  book  of  John  Mandeuill,  a  hitherto  unpubl.  Engljsh 
version  from  the  unique  copy  in  the  Brit.  Mus.  edited,  together  vvith 
the  French  text,  notes  and  an  introd.  by  Warner.  —  Noël,  Lord  Byron 
(satisfaisant).  —  Child,  Church  and  State  under  the  Tudors.  —  Chan- 
TEPiE  DE  La  Saussaye,  Lehrbuch  der  Religionsgesch.  I.  —  Pendleton, 
Newspaper  Reporting  in  olden  time  and  today.  —  Laurfe,  Lectures  on 
linguistic  method;  Fitch,  Nates  on  American  schools  and  collèges.  — 
Pro  Roscio,  p.  p.  Stock.  —  Notes  from  the  Lincoln  Registers,  L  — 
Letters  of  Sam.  Pepys.  —  Discovery  of  Greek  texts  of  thethird  century 
(papyrus  grecs  rapportés  d'Egypte  par  M.  Pétrie;  fragments  du  Phédon 
et  de  l'Antiope  d'Euripide).  —  The  Exmoor  and  Ballaqueny  inscrip- 
tions. —  An  obscure  passage  in  The  Pearl.  —  Dante's  De  vulgari  elo- 
quentia.  — J.  Darmesteter,  Chants  populaires  des  Afghans  (œuvre  qui 
réunit  à  la  fois  les  qualités  du  philologue,  de  l'historien   et  du  poètej . 

—  The  goddess  Kadesh  and  the  semitism  ofthe  Hittites.  —  The  Aryans 
(I.  Taylor).  -  Faenza  and  Cafaggiolo.  —  Inscr.  of  the  emperor 
Piavonius. 

—  No  958  ;  Bagwell,  Ireland  under  the  Tudors,  III  (très  conscien- 
cieux et  minutieux  ;  quelques  défauts  néanmoins;  manque  d'intérêt).  — 
Selected  poems  of  Matthew  Prior,  p.  p.  Dobson. —  Diaries  of  Sir  Moses 
and  Lady  Montefiore,  p.  p.  Loewe.  —  Arbuthnot,  Arabie  authors,  a 
manual  of  Arabian  history  and  literature.  —  Early  reviews  of  great 
writers,  1 786-1 832,  p.  p.  Stevenson.  —  Hauréau,  Des  poèmes  latins 
attribués  à  saint  Bernard.  — An  obscure  passage  in  The  Pearl.  —  The 
pound  of  flesh  in  the  Merchant  of  Venice.  —  Paris  and  Tristran  in  the 
Inferno.  —  The  mss.  ofthe  New^  Testament.  —  Hale,  An  international 
idiom,  a  manual  of  the  Oregon  trade  language  or  Chinook  Jargon.  — 
The  Aryans  (Glennieet  Sayce).  —  Conway,  Literary  remains  of  Albrecht 
Durer,  with  transcripts  from  the  British  Muséum  mss.  and  notes  upon 
them  by  Lina  Eckenstein.  —  Vandalism  in  Pembrokeshire. 

—  No  939  :  La  Morte  Darthur,  by  Sir  Thomas  Malory,  faithfuUy  re- 
printed  from  the  original  édition  (1485)  of  William  Caxton,  éd.  by  N. 
O.  Sommer,  vols.  I  and  IL  (excellente  édition.)  —  Malleson,  Dupleix 
(un  des  meilleurs  livres  de  la  collection  dirigée  par  Sir  W.  Hunter).  — 
Rodwelle,  The  Mosaie  sacrifices  in  Leviticus  I-VIII.  —  Kraushan, 
Sprawa  Zygmunta  Unruga,  epizod  historycrny  z  Czasôw  Saskich,  171 5- 
ijj^.o.  —  Thiselton-Dyer,  The  loves  and  marriages  of  some  eminent 
persons.  —  Notes  from  the  Lmcoln  Registers,  II.  —  Old-Norse  names 
in  the  Irish  annals  (W.  Stokes).  —  The  mss.  of  the  New  Testament.  — 
An  obscure  passage  in  The  Pearl.  —  H.  Ellis,  The  criminal.  —  The 
Yenissei  inscriptions,  n*  i   (Rob.  Brovi^n  jun.)  —  de  Cara.  Gli  Hycsos. 

—  Irish  and  Eastern  art. 

—  N°  960  :  Earl  of  Dundonald,  The  autobiography  of  a  seaman  (li- 
vre très  intéressant  sur  lord  Cochrane  dont  la  vie  est  un  drame  aussi 
héroïque  que  la  vie  de  Drake  ot  de  Raleigh).  —  Austin,  English  lyrics, 


p.  p.  Watson.  —  Marquis  of  Dufferin,  Speeches  delivered  in  India, 
1884-1888.  —  CoTTON,  Barnstaple  and  the  Northern  part  of  Devon- 
shire  during  the  Great  Civil  War  1642- 1646.  —  Lady  Wilde,  Ancient 
cures,  charms  and  usages  of  Ireland,  contrib.  to  Irish  lore.  —  Koel- 
LiNG,  Der  erste  Brief  Pauli  an  Timotheus;  Steck,  Der  Galaterbrief  nach 
seiner  Echtheit;  Steinmeyer,  DieGesch.  der  Auferweck.  des  Lazarus.  — 
Two  of  Lyef  Tolstoi's  letters.  —  English  scholars  and  the  Morte  Dar- 
thur.  —  Junius'  transcripts  of  OKI  English  texts.  (Logeman).  —  Ara- 
bian  poetry  for  English  readers  (Clouston).  —  Contrib.  to  Pâli  lexico- 
graphy  (Morris).  —  Grébaut's  forthcoming  work  on  the  National  Egyp- 
tian  Muséum.  (Le  musée  égyptien,  recueil  de  monuments  choisis  et  de 
notices  sur  les  fouilles  en  Egypte.) 

The  Babylonian  and  Oriental  Record,  n°  8  :  Bonavia,  Bananas  and  melons 
as  dessert  fruits  of  Assyrian  monarchs.  —  T.  de  L.  On  Eastern  names 
of  thebanana. — Arkwrigt,  On  a  Lycian  inscription.  —  Terrien  de  La- 
coupERiE,  An  unknown  King  of  Lagath,  from  a  lost  inscription  of  6000 
years  ago.  —  De   Harlez,  A  Buddhist  repertory. 

—  N»  9  :  Terrien  de  Lacouperie,  An  unknown  King  of  Lagath, 
from  a  lost  inscription  of  6,000  years  ago  (suite).  —  Glennfe,  The  tra- 
ditional  déluge  and  its  geological  identification.  —  De  Harlez,  A  Bud- 
dhist repertory  (suite). 

—  N''  10  :  Terrien  de  Lacouperie,  The  calendar  plant  of  China,  the 
cosmic  tree  and  the  date-palm  of  Babylonia.  —  Rob.  Brown  jun.,  The 
Yenessei  inscriptions,  L  —  De  Harlez,  A  Buddhist  repertory  (fin). 

Altpreussische  Monatsschrift,  IH-IV  :  Krumbholtz,  Samaiten  u.  der  deuts- 
che  Orden  bis  zum  Frieden  am  Melno-See  (fin).  —  Em.  Arnoldt,  Zur 
Beurtheilung  von  Gœthe's  Kritik  der  reinen  Vernunft  und  Kant's  Pro- 
legomena.  —  Frydrychowitz,  Der  Ritterorden  von  Calatrava  inTymau 
bei  Mewe.  —  Sembrzycki,  Sprachl.  Bemerk.  zu  den  drei  Kônigsberger 
Zwischenspielen  von  1644.  —  Treichel,  Dialect.  Râthsel,  Reime  u. 
Marchen  aus  dem  Ermlande  et  Sprachliche  Ueberbleibsel  aus  der  Franzo- 
senzeit.  —  Frischbier,  Ostpreussische  Sagen.  —  Bolte,  Zu  den  Kônigs 
berger  Zwischenspielen  von  1644.  —  Kritiken  und  Referate:  Nerrlich, 
Jean  Paul,  sein  Leben  u.  seine  Werke  ;  Bystron,  Katechizm  Ledesmy 
w  przekladzie  v\'schodnio-iitewskim;  Stankiev^^ez,  W  sprawie  gromad- 
zenia  matervalow  do  dziejow  Pismiennictwa  Litewskiego  ;  Lohmeyer, 
Herzog  Albrecht  von  Preussen,  eine  biogr.  Skizze  —  Alterthums  — 
Gesellschaft  Prussia  1889.  —  Universitats  Chronik  1890  —  Altpreuss. 
Bibliographie  1889. 

Magazin  fur  die  Litteratur  des  In=nnd  Auslandes,  n°  3i  :  Neumann-Hofer, 
Die  junge  Génération  —  Prolss.  Zur  Geschichte  der  franzosischen  Emi- 
gration, 1 789-1 793  —  Kraus,  Zur  Reform  der  Gymnasien  —  Rehberg, 
Allerhand  Gutgemeintes  —  Stossel,  Drei  Gedichte  —  Arne  Garborg, 
eine  Grossthat  (libers  aus  dem  nordischen  von  Marholm). 

—  N"  32  :  Neumann-Hofer,  Eine  strafgerichtliche  Verfolgung  der 
Litteratur  —  Rehberg,  Allerhand  Gutgemeintes  (suite)  —  Hoepfner, 
Fausto.  —  Carus,  Das  psychologische  Problem  und  die  Religion 
(deutsch  von  Bertha  von  Suttner)  —  Coppée,  Liebesbriefe,  ûbertr. 
von  Em.  Burger). 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N°  43  Vingt-quatrième  année       27  octobre  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

R  K  C  U  E  I  L      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25  fr. 

PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues    orientales   vivantes,    etc. 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
fi  anco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 

EKNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 
BIBLIOTHÈQUE   ORIENTALE   ELZÉYIRIENNE 

TOME    LXV 

L.es  i%ntiquités  sémitiques,  par  Ch.  Clermont-Ganneau, 
membre  de  l'Institut.   Un  volume  in-i8 2  fr.   5o 

Etudes  sur  l'Asie  Centrale,  d'après  les  historiens  chinois, 
par  Edouard  Specht.  Première  livraison.  Indo-Scythes  et  Ephtha- 
lites.    In-8.    2  fr. 

San  li  tu,  tableau  des  trois  Itituels.  Traits  de  mœurs 
chinoises  avant  l'ère  chrétienne,  par  G.  de  Harlez.  In- 8,  avec 
une  planche. 2  fr.  5o 

Pour  paraître  dans  quelques  jours 

MUSÉES  ET  COLLECTIONS  ARCHÉOLOGIQUES  DE  L'ALGÉRIE 

Publiés  sous  la  direction  de  M.  R.  DE  LA  BLANCHÈRE 

Première  livraison  :  Musée  d'Alger,  par  M.  Doublet.  In-4,  avec 
17  planches i5  fr. 


PÉRIODIQUES 

Annales  de  TEst,  n"  4,  octobre  1890  :  Gampaux,  La  critique  du  texte 
d'Horace  avant  Peerlkamp  (suite  et  tin).  —  Ch.  Schmidt,  Laurens  Pries, 
de  Colmar.  —  V.  Jacques,  Le  siège  d'Epinal  par  le  maréchal  de  Gréqui, 

—  Aug.  Jundt  (nécrol.).  —  Covwtes-rendus  :  Germain  (Léon),  Mélanges 
hist.  sur  la  Lorraine  (livre  d\in  travailleur  infatigable,  le  dom  Pelletier 
moderne).  —  Heimweh,  La  question  d''Alsace;  le  régime  des  passseports 
en  Alsace- Lorraine.  —  Diehl,  Excursions  archéol.  en  Grèce.  —  Société 
des  amis  de  l'Univ.  de  Nancy. 

La  Révolution  française,  14  oct.  Gaffarel,  L^annexion  du  Piémont  à  la 
France,  1798.  —  Bussière  et  Legouis,  Beaupuy  et  Wordsworth.  — 
GcGLiA,  Le  Journal  polit,  nat.  de  Rivarol.  —  Aulard,  Les  cendres  de 
Ma-abeau. —  Les  Mém.  de  Talleyrand. —  Mém.  de  Moreau  de  Jonnês,  L 

—  Chron.  et  bibl.  :  Stendahl,  Vie  de  H.  Brulard,  p.  p.  Stryenski  ; 
Mém.  du  duc  des  Cars;  Page,  Le  diocèse  de  la  Gorrèze  pendant  la 
Rév.,  etc. 

The  Academy,  n°  961  :  Conway,  Hawthorne  (de  valeur).  —  Delitzsch, 
Bibl.  comm.  on  the  prophecies  of  Isaiah  ;  Herford,  The  prophecies  of 
the  captivity.  —  Altamira,  Hist.  de  la  propiedad  communal.  —  An 
undescribed  (?)  impression  of  the  Elzevir  Virgil,  i636.  —  English  scho- 
lars  and  the  Morte  Darthur.  —  A  Blasphemy  Case  in  Poland.  —  The 
life  of  Byron.  —  Keilinschriftl.  Bibliothek,  H,  p.  p.  Schrader;  id., 
Zur  Geogr.  des  assyr.  Reichs.  —  Pâli  Asuropa  and  Asulopa  of  the  Asoka 
inscr.  —  'Itcttôt/jç  —  Vispati. 

The  Athenaeimi,  n°  3276  :  Handbook  for  Lincolnshire;  Usher,  An 
Anglo-Saxon  cathedral,  a  handbook  to  Stow  Church,  near  Lincoln.  — 
Ovid,  Tristia,  p.  p.  Owen  (cf.  Revue,  n°3). —  Sir  Charles  Duffy,  Thomas 
Davis,  the  Memoirs  of  an  Irish  patriot  ;  Prose  writings  of  Thomas  Da- 
vis, p.  p.  R0LLESTON.  —  Jusserand,  The  English  novel  in  the  time  of 
Shakespeare  («  a  contribution  of  permanent  value  to  the  history  of  Eli- 
zabethan  literature  »).  —  D.  Owen,  Déclaration  of  war,  a  survey  of  the 
position  of  belligérants  and  neutrals,  with  relative  considérations  of 
shipping  and  marine  Insurance  during  war.  —  Schlumberger,  Nicé- 
phore  Phocas  (cf.  Revue,  n°  26).  —  British  Muséum  reports  for  1889. 
—  Juniusand  his  contemporaries.  —  Clark  and  Hughes, The  life  and 
letters  ofSedgwick.  —  Nightingale,  The  church  plate  of  the  county  of 
Dorset.  —  Uhle,  Kultur  u  .  Industrie  sûdamerik.  Vôlker.  —  Griffith, 
The  inscr.  of  Siût  and  Der  Rifêh  (cf.  Revue,  1889,  n»  49).  —  Bettona. 

—  N°  3277  :  Baines,  Records  of  the  manor,  parish  and  borough 
Hampstead.  —  Thackeray,  Translations  from  Prudentius.  —  Hosie, 
Three  years  in  Western  China.  —  Anecdota  Oxoniensia,  Lives  of  Saints 
from  the  Book  of  Lisrnore,  p.  p.Whitley  Stokes,  —  Gray  and  his  friends, 
letters  and  relies  in  great  part  hitherto  unpublished,  p.  p.  Tovey.  — 
Daphnis  and  Chloe,  the  Elizabethan  version,  from  Amyot's  translation, 
by  Angel  Day,  reprinted  from  the  unique  original  édition  andeditedby 
Jos.  Jacobs.  —  Cardinal  Newman.  —  Wordsworth's  verses  in  his  Guide 
to  the  Lake  Country.  —  The  Conférence  du  livre  at  Antwerp.  —  Bur- 
gess,  Archaeolog.  Survey  of  India,  the  Sharqi  architecture  of  Jaunpur, 
with  notes  on  Zafarabad,  Sahet-Mahet,  and  other  places.  —  Norwich 
cathedral.  —  Notes  from  Isauria  and  Cappadocia. 

—  N°  3218  :  Baillie,  Kurrachee,  past,  présent  and  future.  —  Pish- 
wicK,  The  history  of  the  parish  of  Rochdale.  —  Morrisson,  The  Jews 
under  Roman  rule  (couri  et  complet  néanmoins).  —  Perrens,  Hist. 
de  Plorence,  HI  (cf.  Revue,  n"  22).  —  Burton,  The  history  of  Heming- 
borough.  —  Schumacher,  Northern  Ajlùn,  within  the  Decapolis  (petit 


volume  plein  de  renseignements).  —  Philological  literatuie  :  Sweet,  A 
primei"  of  spoken  English;  Dudgeon,  An  introd.  to  the  origin  of  surna- 
mes;  King  and  Gookson,  An  introd.  lo  the  comparative  grammar  of 
Greek  and  Latin  ;  Batiffol,  La  Vaticane  de  Paul  III  à  Paul  V  (cf.  Re- 
vue,  n°  41).  —  Gh,  Gibbon.  —  Plantin  as  a  poet.  —  Defoe's  birth  and 
marriage  (Aitken).  —  Aftertlioughts  on  Gardinal  Newman  as  a  man  of 
letters.  —  Brydall,  Art  in  Scotland,  its  origin  and  progress.  —  Aquae 
Solis.  —  An  inscr.  of  Megalopolis.  —  Notes  from  Athens  (Lambros). 

—  N"  3279  :  Symonds,  Essays,  spéculative  and  suggestive.  —  Daniell, 
The  industrial  compétition  of  India.  —  Gyzicki,  A  student's  manual 
for  ethical  philosophy.  —  Ellis,  On  Early  English  pronunciation,  with 
especial  référence  to  Shakspeare  and  Ghaucer,  V.  Existing  Dialectal  as 
compared  with  West  Saxon  pronunciation  (fin  de  ce  long  et  laborieux 
ouvrage  qu'aucun  autre  peut-être  n'aurait  exécuté  avec  un  égal  succès). 

—  HoLROYD,  Memorials  of  the  life  of  G.  E.  Gorrie.  -—  Whitney,  A  con- 
cise dictionary  of  the  principal  roads,  chief  towns  and  villages  of  Japan. 

—  Unpublished  verses  by  Goieridge.  —  Nicholas  Bozon.  —  Early  prin- 
ting  at  Avignon.  —  Letters  of  Sir  John  Vanbrugh.  —  Allen,  The  mo- 
numental history  of  the  Early  British  church.  — Greek  médical  writers 
(Lambros).  —  The  Gambrian  archaeological  association  at  Holywell. 

—  M.  Petrie's  forthcoming  exhibition  of  Egyptian  antiquities.  —  Aquae 
Solis  (De  Gray  Birch).  —  Masques  and  entertainments  by  Ben  Jonson, 
éd.  by  H.  Morley. 

—  N"  3280:  Sir  Frederick  Abel,  Address  to  the  British  association  for 
the  advancement  of  science.  —  Rimmer,  Summer  rambles  about  Man- 
chester. —  Gorresp.  secr.  de  Mercy  avec  Joseph  II,  p.  p.  D'Arneth  et 
Flammermont,  I.  —  RuTHERtORD,  The  fourth  booic  of  Thucydides,  a 
revision  of  the  text  illustrating  the  causes  of  corruption  in  the  ms.  of 
this  author.  —  Cushing,  Anonyms,  a  dictionary  ot  revealed  author- 
ship.  —  Miss  Marianne  North.  —  The  Welsh  Prayer  Book  and  the 
proposed  furiher  revision.  —  Some  early  poems  of  Wordsworth. — 
Letters  of  Sir  John  Vanbrugh,  II.  —  H.  Ellis,  The  Griminal.  —  Nu- 
mismatic  literature  :  Thorbukn,  Aguid  to  the  coins  of  Great  Britain  and 
Ireland  ;  Howorth,  Goins  and  tokens  of  the  English  colonies;  Boutko- 
wsKi,  petit  Mionnet  de  poche. —  Fleay,  A  chronicle  history  of  the  Lon- 
don  Stage,  1559-1642. 

—  N°  3281  :  Lilly,  On  right  and  wrong.  —  Gebhart,  L'Italie  mysti- 
que, hist.  de  la  Ren.  relig.  au  moyen-âge  («  a  delightful  little  book  »). 

—  Calendar  of  the  State  Papers  and  ms.  relating  to  English  affairs  exis- 
ting in  the  archives  and  in  other  libraries  of  Northern  Italy.  —  Mac- 
kay,  a  sketch  of  the  history  of  Fife  and  Kinross.  —  A  new  palimpsest 
of  Mount  Athos  (Lambros).  —  Ganon  Liddon.  —  Wroth,  Gatalogue  of 
Greek  coins,  Pontus.  Paphlagonia,  Bithynia  and  the  Kingdom  of  Bos- 
phorus.  —  The  tomb  at  Vaphion  (Stillman).  —  Tonge  Halle.  —  Notes 
from  the  Piraeus. 

—  N°  3282  :  Victor  Hugo,  En  voyage,  Alpes  et  Pyrénées.  —  Malle- 
son,  Dupleix  (récit  concis  et  souvent  animé,  non  seulement  de  la  carrière 
de  Dupleix  dans  les  Indes,  mais  de  la  lutte  entre  LAngleterre  et  la 
France).  —  Encyclopaedia  Americana.  —  The  ptedecessors  of  the  Ser- 
vice Book.  —  An  Elizabethan  poet  and  his  relations.  —  Bonfires.  — 
The  archaeological  societies.  —  The  Royal  Society  of  Antiquaries  of 
Ireland  in  Donnegal.  —  The  tomb  of  Vaphio  (Gardner), 

—  No  3283  :  Gastellani,  L'origine  tedesca  e  Torigine  olandese  de 
l'invenzione  délia  stampa  ;  La  stampa  in  Venezia.  (cf.  Revue,  n°  12).  — 
The  Roxburghe  ballads,  p.  p.    Ebsworïh,  XX.  —  Lord  Rosslyn's  poe- 


try.  —  Capt.  Cook's  logs.  —  Boiifnes  or  bonefires.  —  The  predeces- 
sois  of  the  Service  Book.  —  Fontainebleau  Greek  mss.  (Sur  la  publica- 
tion de  M.  Omont).  — Tiie  Cecil  papers. 

—  N»  3284:  Giovani  Pico  délia  Mirandola,  his  life  by  his  nephew  G. 
Fr.  Pico   :  also  three  of  his  letters,  his  interprétation  of  Psalm  XVI, 
his  twelve  points  of  a  perfect  lover,  and  his  deprecatory  hymn  to  God, 
transi,   fiom  the  Latin  by  Sir  Thomas  More,  p.  p.  with  introd,  and 
by  RiGG.  —  Chronicon  Henrici  Knighton,  monachi  leycestrensis,  p.  p 
Lomby;  Ada  Murimuthi  continuatio  Chronicorum.  Robertus  de  Aves 
bury  de  gestis  mirabilibus  régis  Edwardi  lll,  p.  p.  Maunde  Thompson 
Year  books  of  the  reign  of  King  Edward  III,   years  XIV  and  XV,  ed 
and  transi,  by  Pike.  —  Schkumpf,  A  tirst  Aryan  reader;  Hyde,  Lea^ 
bhar  Sgeulaigheachta;  Brûnnow,  A  classitîed  listof  ail  simple  and  com 
pound  ideographs  occurring  in  the  texts  hitherto  published,  with  their 
Assyro-Babyionian  équivalents,  phonetic  values,  etc.  —  A  new  ms.  of 
the  conquest  of  the  Canaries  (Warner).  —  The  Greek  mss.  at  Salonika 
(Lambros).  —  Last  notes  from  Asia  Minor  (Hogarth  et  Headlam).  — 
Archer,  William  Charles  Macready. 

—  N*'  3285  :  Sir  William  Butler,  Sir  Charles  Napier  (pourrait  être 
meilleur).  —  Hare,  France.  —  W.  Wright,  Lectures  on  the  compar. 
grammar  ot  the  Semitic  languages.  —  Henley,  Views  and  reviews, 
essays  in  appréciation.  — Morfill,  A  grammar  of  the  Russian  language; 
KiNLOGH,  Russian  conversation  grammar;  Motti,  Russian  convers. 
gramm.,Elem.  Russian  grammar.  —  A  proposed  monument  to  Shelley 
(Saunders).  —  The  next  Oriental  Congress.  —  Higher  éducation  in 
America.  —  The  Dict.  of  Nat.  Biography  (de  Lea  à  Lempriere).  —  New 
ms.  of  the  conquest  of  the  Canaries  (V/yïie).  —  Heales,  The  churches  ot 
Gottland,  olher  than  those  of  Wisby . 

Bulletin  international  de  l'académie  des  sciences  de  Cracovie,  juillet  :  Wit- 
Kowsivi,  das  Verhaltnis  des  Gedichtes  Kochanowski's  Szachy  zum  Ge- 
dichte  Vida's  Scacchia  iudus.  —  Karlowicz,  Ueber  die  leydensche 
Handschrift  der  Silvae  von  Modrzewski.  —  Lozinski,  Leopol  ancien, 
étude  pour  servira  Phistoire  des  arts  et  des  mœurs  :  I.  L'orfèvrerie  à  Leo- 
pol, dans  les  siècles  passés;  IL  Le  patriciat  et  la  bourgeoisie  de  Leopol 
au  xvi«  et  au  xvn''  siècle  (œuvre  de  longue  haleine,  pleine  de  détails  et 
de  faits  inédits  sur  une  ville  qui,  formée  tout  d'abord  de  tant  d'éléments 
étrangers,  devint  en  définitive  essentiellement  polonaise  et,  jetée  sur 
les  derniers  confins  de  la  frontière  orientale,  représente  brillamment  la 
civilisation  orientale). 

Deutsche  Rundschau,  septembre  :  M.  Necker,  Marie  von  Ebner-Eschen- 
bach,  ein  liter.  Charakterbild.  —  Hubner,  Granada.  —  Rodenberg, 
Dingelstedt,  der  Theaterintendant  u.  Freiherr,  III,  Wien  (1867-1881). 
—  RuMELiN,  Ueber  die  Temperamente.  —  Henke,  Aurora  u.  Nacht 
des  Michelangelo.  —  Richard,  Stanley's  neuestes  Werk.  —  Kraus, 
Histor.  Forsch.  in  den  Rheinlanden.  —  G.  Keller.  -  Zur  Gesch.  der 
Iranz.  Rev.  —  Pniower,  W.  Scherer  in  franz.  Darstell. 

Octobre  :  Haeckel,  Alger,  Erinner.  —  W.  Scherer,  Achim  von  Ar- 
nin.  —  Reinke,  Die  preuss.  Commission  zur  wissensch.  Untersuch. 
der  deutschen  Meere.  —  Cohn,  Die  Beamten-Consumvereine  in  En- 
gland.  —  Batsch,  Helgoland  fest  oder  sicher?  —  Justi,  Das  Ende  ei- 
nes  alten  Stadtthores.  —  Gustav  zu  Putlitz.  —  Salis  C.  F.  Meyer). 


Le  t'uy,  typographie  Marchessou  lils,  boulevard  Saint-Laurent,   23. 


N°  44  Vingt-quatrième  année     3  novembre  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  ; 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ    ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire ),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  com_pte-rendu. 


EUNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

MUSÉES 

ET 

COLLECTIONS    ARCHÉOLOGIQUES 

DE  L'ALGÉRIE 

Publiés  par  ordre  de  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique 

sous  la  direction  de 

M.  R.  DE  LA  BLANCHÈRE 

Délégué    du    Ministère    de    l'Instruction    publique 
et  des  Beaux-Arts  en  Algérie  et  Tunisie, 

Premier  fascicule 

Musée  d'Alger.  Texte   rédigé  par  M.  Georges  Doublet,  ancien 

membre  de  l'Ecole  d'Athènes. 

In-4,    en   un   carton,  avec    17    planches  en  héliogravure 
et  en  phototypie 1 2  fr. 


PERIODIQUES 

Literariscbes  Centralblatt,  n°  84  :  Basler  Chroniken,  IV,  p.  p.  Bernoull' 
(cf.  Revue,  n"  41).  —  Schirrmacher,  Gesch.  von  Spanien.  V  (très  louable). 

—  LippERT,  Deutsche  Sittengeschichte,  III,  die  Neuzeit  (inéi^al).  — 
BiDERMANN,  Gcsch .  dcr  ôsterr.  Gesammtstaatsidee  II,  1705-1740  (d'abon- 
dants matériaux).  —  Brockelmann,  Das  Verh.  von  Ibn-el-Athirs  Kamil 
fit  Tarih  zu  Tabaris  Ahbar  errusul  walmuluk.  —  Hess.  Der  demot. 
Roman  von  Stne  Hamus  (soigné).  —  Locella,  Zur  deutschen  Dante- 
Literatur. —  Schiller,  Die  Kûnstler,  p.  p.  Grosse. 

—  N''35  :  HuBER,  Die  Erwerb.  SiebenbiirgensdurchKônig  Ferdinand  I 
(i55  i).  —  Bertin,  La  soc.  du  Consulat  et  de  l'Empire  (Lf.  Revue,  n»  6). 

—  Wellmann,  h.  W.  von  Horn.  —  Kuropatkin,  Russ.  tûrk.  Krieg.  — 
Bismarcks  deutsche  Politik  seit  Begriind.  des  neuen  Reiches.  — 
Frôhlich,  Das  Kriegswesen  Casar's  (instructif  et  de  valeur  durable,  cf. 
Revue,  n"  18).  —  Merx,  Hist.  artis  gramm.  apud  Syros  (avance  réelle- 
ment la  science).  —  Odyssea,  p.  p.  Ludwich,  I.  —  Gagnât,  L'année 
epigraph.  (très  soigné).  —  Henzen,  Die  Trâume  in  der  altnord.  Liter. 
(intéressant). 

—  N"  36  :  ScHULTE,  De  restit.  atque  indoiegenuinae  versionisgraecae 
in  libro  Judicum.  —  Hefele,  Conciliengesch.  IX.  —  Hoffmann,  Gesch. 
der  Hansestadt  Liibeck,  I  (un  peu  confus).  —  Thommen,  Gesch,  der 
Univ.  Basel,  1 5 32- 1 632  (poursuit  l'œuvre  de  Vischer).  —  Krebs, 
Schaffgotsch.  (intéressant).  —  Amagat,  La  gestion  conservatrice  et  la 
gestion  républicaine  jusqu'aux  conventions  (tableau  complet) .  —  Weis- 
BACH,  Die  Achâmeiiiden-Inschriften  zweiterArt.  (beau  travail). — Schmid, 
Der  Atticismus  in  seinen  Hauptvertreiern,  II  (très  méritoire).  —  Rubio 
Y  Ors,  Lo  Gayter  del  Llobregat. 

—  N"  37  :  Rosenthal,  Die  monist.  Philos.  —  Simson,  Der  Begriff  der 
Seele  bei  Plato.  —  Buttlar,  Joachim  I  von  Brandenb.  gegen  den  Adel. 

—  Ignacii  diaconi  vita  Tarasii  archiepiscopi  Constantinopolitani , 
p.  p.  Heikel  (édit.  très  soignée  et  correcte).  —  Blumenstock,  Der  Pâpstli- 
che  Schutz  im  Mittelalter  (un  peu  prolixe).  —  Mûller,  Das  Conclave 
Plus'  IV  (bien  fait).  —  Dieffenbach,  der  franz.  Einfluss  in  Deutschland 
unter  Ludwig XIV  (très  mauvais).  — Hoffmann,  Einige  Phônik.  Ins- 
chriften  (instructif).  —  Regnaud,  Les  grandes  lignes  du  vocalisme  et  de 
la  dérivation  dans  les  langues  indo-européennes.  —  Danielsson,  Epigra- 
phica  (cf.  Revue,  n"  29).  —  Kammer,  Ein  aesthet.  Commentar  zu  Homer's 
Ilias  (recommandable).  —  Torp,  Den  graeske  Nominalflexion  (méritoire). 

—  Die  Prolokolle  des  Mannheimer  Nationaltheaters  unter  Dalberg.  — 
Wernicke,  Die  griech.  Vasen  mit  Lieblingsnamen. 

—  N"  38  :  Stricker,  Calvin  als  erster  Pfarrer  der  reform.  Kirche  zu 
Strassburg  (important).  —  Finck,  Uebers.  der  Gesch.  desOrdensS.  Johan- 
nis  von  Spital  zu  Jérusalem  u.  der  Balley  Brandenburg  (clair  et  court). 

—  Baissac,  Les  grands  jours  de  la  sorcellerie  (sera  le  bienvenu).  — 
W^engen,  Karl  Graf  zu  Wied.  —  Kunz,  Der  poln.  russ.  Krieg  von  i83i. 

—  Baussnern,  Deutschland  u.  Oesterreich-Ungarn.  Abh.  Reden  u. 
Briefe.  1868-1869. — Reinisch.  Die  Saho-Sprache,  IL  —  Smyth,  The 
vowel  System  of  the  lonic  dialect  (cf.  Revue,  n"  3o).  —  Hagen,  Ueber 
Wesen  u.  Bedeut.  der  Homer-Frage  (simple  conférence).  — Caumont, 
Cours  de  littér.  franc.  —  Stichel,  Beitr.  zur  Lexicogr.  des  altprovenz. 
Verbums  (blâmable  sur  beaucoup  de  points'.  —  Klette,  Die  griech. 
Briefe  des  Fr.  Philelphus  («  acribie  »  très  remarquable).  —  Montchres- 
tien's  Sophonisbe,  p.  p.  Fries.  —  Spanier,  Der  Papist  Shakspeare  in 
Hamlet  («  pliimpe  Tendenzschrift  »).  — J.  Grimm,  Vorreden,  Zeit- 
geschichtliches  und  Personljches.  —  Briefw.  zwischen  M.  von  Schwind 
u.    Môrike,  p.  p.  B.aechtold.  —    Henkel,   Gœthe   u.   die  Bibel  (sera 


accueilli  avec  joie).  —  Buresch,  Klaros,  Untersuch.  zum  Orakelwesen 
des  spâteren  Altertums.  —  Schreiber,  Die  hellenist.  Reliefbilder,   2-6. 

—  N°  39  :  Barth,  Die  Geschichtsphilos.  Hegel's  u.  der  Hegelianer 
bis  auf  Marx  u.  Hartmann  (spirituel  et  plein  de  choses).  —  Bachmann, 
Die  deutschen  Kônige  u.  die  Kurfûrstl.  Neutralitat,  1438-1447  (clairet 
très  détaillé),  —  Stanley  Lane-Poole,  The  barbary  corsairs  (incomplet, 
peu  profond,  quoique  habilement  faiL).  —  Gonner,  Die  Luxemburger 
in  der  neuen  Welt.  —  Stockmar,  Ludwig  XVI  u.  Marie-Antoinette  auf 
der  Flucht  nach  Montmedy  (cf.  Revue,  n^  24).  —  Meister,  Zum  eleis- 
chen,  arkad,  u.  kypr.  Dialect.  — Teuffel,  Studien  u.  Charakteristiken 
zur  griech.  u.  rôm.  Literaturgesch.  2^  éd.  —  Plauti  fabularum  reliquiae 
Ambrosianae  codicis  rescripti  Ambrosiani  apographum,  p.  p.  Studemund 
(détinitif  dans  Tessentiel).  Schweitzer,  Gesch.  der  skandin.  Liter.  im 
XIX  Jahrh  'cf.  Revue,  1889,  n»  18).  —  Krauss,  Volksglaube  u.  relig. 
Brauch  der  Sûdslaven.  —  Zimmermann,  Versuch  einer  Schillerschen 
Aesthetik. 

—  No  40  :  Rechn.  aus  demA-rchiv  der  Stadt  Kronstadt,  II. —  Hôfler, 
Der  Hohenzoller  Johann.  —  Ehrenberg,  Hamburg  u.  Antwerpen  seit 
3oo  Jahren  (savant  et  intéressant).  —  Lotheissen,  Zur  Culturgesch. 
Frankreichs  im  XVII  u.  XVIIl  Jahrh.  —  Michael,  Ranke's  Weltgesch. 

—  Edkins,  The  evolut.  of  the  Hebrew  longuage.  —  Schûtz,  Sophokl. 
Studien  (sera  le  bienvenu^.  —  Weiske,  Anmerk.  zur  griech.  Syntax.  — 
Kaukfmann,  Gesch.  der  schwab.  Mundart  im  Mittelalter  u.  in  der 
Neuzeit  (occupera  une  des  premières  places  parmi  les  travaux  de  ce 
genre).  —  Rosenberg,  Gesch.  der  modernen  Kunst  III  (très  remarqua- 
ble et  offre  de  nombreuses  qualités).  —  BettingeN;,  Grundz.  der  draniat. 
Kunst. 

N"  41  :  Hartel,  Patrist.  Studien  (4  fasc.  sur  la  crit.  du  texte  de 
Tertullien).  —  Pflugk-Harttung,  Specimina  sel.  chartarum  pontif. 
roman.  I-III,  —  Erinn.  aus  dem  Leben  des  Gen.  Feldm.  Boyen, 
p.  p.  NippoLD,  III.  —  Fay,  Journal  d'un  otf.  de  l'armée  du  Rhin, 
5®  édit.  (cf.  Revue,  n°  36).  —  Maupaviaw/jç,  'Ia-îcp(a  xwv  'loviwv  vyjcjwv, 
1797-1815.  —  Censorinide  die  natali  liber,  p.  p.  Cholodniak.  —  Jahn, 
Dionysiaca,  —  Lactantii  opéra  omnia,  p.  p.  Brandt  et  Laubmann,  I 
(remplit  son  but).  —  Fritzsche,  Glarean,  sein  Leben  u.  seine  Schriften. 

—  Max  Bonnet,  Narratio  de  miraculo  a  Michaele  archangelo  Chonis 
patrato  (traité  à  fond).  —  Simonsen,  Sculpt.  et  inscr.  de  Palmyre  à  la 
glyptothèque  de  Ny  Carlsberg.  —  Pinloche,  La  réf.  de  l'éduc.  en  Allem. 
au  xvni^  siècle.  Basedow  et  le  philanthropisme  (très  sérieusement  fait  et 
enrichit  la  littérature  delà  pédagogie  historique). 

—  N^  42  ;  KoEHNE,  Der  Urspr.  der  Stadtverf.  in  Worms,  Speier  u. 
Worms.  —  Ubrich  Schmidels  Reise  nach  Sûd-Amerika  1534-1 554,  p. 
p.  Langmantel  (très  soigné)  —  Hœnig,  Cromwell,  II  u.  III  (trop  de 
défauts,  surtout  manque  de  mesure).  --  Barton,  Hist.  of  South  Wales, 
1. — Guglia,  Die  conserv.Elem.  Frankreichs  am  Vorabend  der  Revol. — 
GuNTHER,  Handb.  der  mathem.  Geogr.  —  Hermann,  Noch  ûber  ein 
Wort  liber  Mithio  (savant,  mais  non  convaincant).  —  Engelmann,  Bil- 
deratlas  zu  OviJs  Metamorph.  —  Sili  Italica,  p.  p.  Bauer.  I,  i-io  (soin 
louable).  —  Lammens.  Rem.  sur  les  mots  français  dérivés  de  Tarabe 
(beaucoup  de  savoir).  —  Helten,  Altfries.  Grammatik  (diffus  et  manque 
de  précision).  —  Bischoff,  J.  B.  Schupp  (bonne  esquisse). 

Annalen  des  historischen  Vereins  fur  den  Niederrhein  insbes.  die  alte  Erzdiôcese 
Koln.  50'"'^  fascicule  (avec  un  portrait  de  feu  le  prof.  D^  H.  Floss).  Léon. 
KoRTH,  Koln  im  Mittelalter.  —  Scholten,  Urkundl,  ûber  Movland  u. 
Till  im  Kreise  Cleve.  —  Merlo,  Zur  Gesch.  des  Kôlner  Theaiers 
im  XVI II   u.  XIX    Jahrh.  —  E.  FRiEDLaNDER,   Rhein.  Urkunden,  I. 

—  Rechnungs-Ablage  fur  1888- 1889. 


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EDMOND  SCHÉRER 

Un  volume  in-i6,  broché 3  fr.  5o 

ANDRÉ    LE    BRETON 

LE   ROMAN 

AU  DIX -SEPTIÈME  SIÈCLE 

Un  volume  in-i6,  broché.. 3  fr.   5o 


(A.-Ed.)  CHAIGNET 
Recteur  de  rAcadémie  de  Poitiers,  correspondant  de  l'Institut. 


HISTOIRE 


DE 


LA  PSYCHOLOGIE  DES  GRECS 

Tome  III  :  La  psychologie  de  la  nouvelle  Académie  et  des  Ecoles 

éclectiques. 

Un  volume  in-8,  broché 7  fr.  5o 

EN    VENTE  : 

Tome  l^^  :   Histoire   de  la  psychologie   des    Grecs   avant   et  après 

Aristote. 

Un  volume  in-8,  broché 7  fr.  5o 

Tome  II  :    La   psychologie    des    Stoïciens,    des   Épicuriens    et  des 

Sceptiques. 

Un  volume  in-8,  broché 7  fr.  5o 

Le  Puy    imprimerie  M archessôiTfilsV  boulevard "Saint^LâÂirentrSSi 


N°  45  Vingt-quatrième  année    10  novembre  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEll.      HEBDOMADAIRE 


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PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des  langues    orientales   vivantes,    etc. 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


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(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  2^). 

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DE  L'ALGÉRIE 

Publiés  par  ordre  de  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique 

sous  la  direction  de 

M.  R.  DE  LA  BLANCHÈRE 

Délégué    du    Ministère    de    l'Instruction    publique 
et  des  Beaux-Arts  en  Algérie  et  Tunisie, 

Premier  fascicule 

Musée  d'Alger.  Texte   rédigé  par  M.  Georges  Doublet,  ancien 

membre  de  PEcole  d'Athènes. 

In-4,    en   un   carton,  avec    17    planches   en  héliogravure 
et  en  phototypie 1 2  fr. 


PÉRIODIQUES 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n»  34  :  Cohn,  Saadia,  Buch  Hiob  (cf.  Revue, 
1889,  n"  49I.  —  Hale,  The  Cum-constructions;  Harvard  Studies  in 
classical  philology.  —  Eckard,  Das  Prafix  ge  in  verb.  zusammensetz. 
bei  Berthold  von  Regensburg  (louable).  —  Foelsing-Koch,  Lehrb.  der 
engl.  Sprache,  III  wissensch.  gramm.  —  Bulle,  Gesch,  des  zweiten 
Kaiserr.  u.  des  Kônigr.  Italien  ;  Bamberg,  Gesch.  der  orient.  Angelegenh. 
im  Zeitraume  des  Parisen  u.  des  Beriiner  Friedens;  Oncken,  das  Zeital- 
ter  des  Kaisers  Wilhelm.  —  Anionini  Placentini  Itiner,  p.  p.  Gilde- 
MEiSTER.  —  Homers  Odyssée  ûbers.  von  Jordan 

—  N°  35  :  Varentrapp,  Joh.  Schulze  u.  das  hohere  preuss.  Unter- 
richtswesen  in  semer  Zeit.  (réussi).  —  Strack,  Uebungsstûcke  zur  hebr. 
gramm.;  Hebr.  Vocabul.  fur  Anfanger  (excellents  livres  d'enseigne- 
ment). —  Deutschmann,  De  poesis  Graecorum  rhythmicae  usu  et  ori- 
gine (peu  convaincant).  — Wentzel,  DegrammaticisGraecis  quaess-sel. 
I.  —  Litzmann,  Schiller  in  lena  (cf.  Revue,  n»  8).  —  Cochin,  Boccace 
(cf.  Revue,  n°  20).  —  Nicolai  episcopi  Botrontinensis  rel.  de  Henrici  VII 
itinere,  p  .  p.  Heyck  (cf.  Revue,  1889,  n^  2).  —  Hyde  de  Neuville, 
Mém.  et  souvenirs,  II.  —  Wernicke,  Die  griech.  Vasen  mit  Lieblingsna- 
men.  —  Béringuier,  Die  Rolande  Deutschlands  (très  méritoire  et 
attachant). 

—  N*'  36  :  Weiss,  Der  Barnabasbrief.  —  Reich,  Gravina  als  Aesthe- 
tiker.  --  Manutikâsangraba,  p.  p,  Jolly,  III,  —  P.  Lejay,  Inscr.  de  la 
Côte  d'or;  Espérandieu,  Epigr.  rom.  du  Poitou  et  de  la  Saintonge  (cf. 
Revue,  n°  6^.  —  R.  M.  Meyer,  Die  altgerm.  poésie  nach  ihren  for- 
melhaften.  Elem.  (études  profondes,  extraits  savamment  faits,  mais  de 
la  fantaisie  et  un  style  de  feuilleton).  —  Wirth,  Quaest.  Severianae 
(bien  étudié,  résultats  contestables).  —  Maurenbrecher,  Gesch.  der 
deutschen  Kônigswahlen  X-XIII  Jahrh.  —  Rodenberg.  Ueber  wider- 
holte  deutsche  Kônigswahlen   im  XIII  Jahrh.  (recherches  pénétrantes). 

—  Kennan,  Sibirien. 

—  N°  37  :  Briefe  u.  Erkl.  von  Dôllinger  (cf.  Revue,  n»  38).  —  Husein, 
Aldschisr,  Die  Hamid.  Abhandl.  ûber  das  Wesen  der  islam.  Relig.  u. 
die  iiicht.  des  Gesetzes  Mohammeds.  —  Marbach:  Die  psychologie  des 
Lactantius.  —  Bloomfield,  The  origin  of  the  récessive  accent  in  Greek 
(cf.  Revue,  1889,  n°  5).  —  Dombowski,  Mitteil.  ûber  Gœthe  u.  seinen 
Freundeskreis.  —  Corson,  An  introd.  to  the  study  of  Shakspeare  (juge- 
ment stjr,  exposition  claire,  livre  très  recommandable).  —  Davidsoh^, 
Philipp  August  u.  Ingeborg  (cf.  Revue,  1888,  no  5i).  —  Breysig,  Der 
Process  gegen  Danckelmann  (très  bon  travail).  —  Lammert,  Polybios  u. 
die  rôm.  Taktik  (arbitraire  et  à  rejeter).  —  Heyse,  Gedichte,  4«  éd. 

—  No  38  :  Kliefoth,  Chrisil.  Eschatologie.  —  Eucken,  Die  Leben- 
sanschauungen  der  grossen  Denker  (savant,  mais  inégal).  —  Brinton, 
The  ethnologie  affinities  of  the  ancient  Etruscans;  On  Etruscan  and 
Libyan  names  (deux  conférences;  beaucoup  de  choses  insoutenables, 
mais  d'autres  à  remarquer).  —  Caesar.  Bellum  civile,  p.  p.  Dinter, 
p.  p.  Paul.  —  Wadstein,  Fornnorska  Homiliebokens  Ljudlara  (soigné). 

—  Bernheim,  Lehrb  der  histor.  Méthode  icf.  Revue,  n°  38).  —  Mitteil. 
zur  Gesch.  des  Heidelberger  Schlosses,  I  u.  II.  —  Guize,  Le  militarisme 
en  Europe. 

—  No  39  :  Tertullianus,  p.  p.  Reifferscheid  et  Wissowa,  I  (très  bon 
et  à  continuer).  —  Bettingen,  Grundz.  der  dramat.  Kunst  (creux).  — 
R.  ScHMiDT,  Vier  Erzâhl.  aus  der  Gukasaptati  (établissement  réfléchi  du 
texte  et  traduction  sûre).  —  Dionysii  Halicarn.  de  imitatione  reliq. 
epistulaeque  criticae  duae,  p.  p.  Usener.  —  Reichel,  Von  der  deutschen 
Betonung  (du  bon  et  du  neuf).  —  Bertana,  LArcadia  délia  scienzia, 
Rezzonico  (cf.  Revue,   n^  32).  —  Treusch  von  Buttlar,   Der  Kampf 


i 


Joachims  I  von  Brandenburg  gegen  den  Adel  (très  attachant).  —  Th. 
Platters  Briefe  an  seinen  Sohn  Félix,  p.  p.  Burckhardt (fort  intéressant). 

—  Wlislocki,  Vom  wandernden  Zigeunervolke.  Bilder  aus  dem  Leben 
der  Siebenbtirger  Zigeuner  (un  des  hvres  les  plus  remarquables  sur 
Tethnologie).  —  Burns,  Gedichte  (deux  trad.  en  vers,  Tune  par  Leger- 
LOTZ,  l'autre  par  Rueti). 

—  N°  40  ;  Harnack,  Lehrb.  der  Dogmengesch,  III.  —  System.  Verz. 
der  Lessinoliter.  der  hzl.  Bibl.  zu  Wolfenbiittel  mit  Ausschluss  der 
Hschr.  —  Alden  Smith,  Die  Keilschrifttexte  Asurbanipals  (un  bon 
ensemble,  consciencieux  et  sûr).  —  Klotz,  Grundz.  altrôm.  Metrik 
(exposé  brillant,  mais  la  vérité  est  entre  Klotz  et  Ritschl).  —  Marcus 
Evangelion  Mart.  Luthers,  nach  der  septemberbibel  mit  den  Lesarten 
aller  Originalausg.  u.  Proben  aus  den  hochd.  Nachdrucken  des  XVI 
Jahrh.,  p.  p.  Reifferscheid.  —  Gietmann,  Ein  Gralbuch  (peu  de  nou- 
veau, point  de  vue  arriéré).  —  Koehne,  Der  Ursprung  der  Stadtverf.  in 
Worms,  Speier  u.  Mainz.  (fait  avec  un  très  grand  soin).  —  Recueil  des 
Actes  du  Comité  de  salut  public,  lu.  II  (cf.  Revue,  1889,  n'  40  et 
1890,  n°  10).  —  Stanley,  Im  dunkelsten  Africa.  —  Lepsius,  Griech. 
Marmorstudien  (travail  d'un  géologue  qui  sera  bien  accueilli).  —  Cam. 
RoussET,  La  conquête  de  l'Algérie,  1841  1 857  (très  intéressant,  brillam- 
ment écrit,  les  petits  faits  trop  éclairés,  J^s  faits  plus  importants  trop 
obscurcis;  cf.  Revue,  1889,  n°  23).  —  Amerik.  philol.  Gesellschaft. 

—  N'J  41  :  Brandt,  Die  mand.  Religion  (cf.  Revue.  n°^  6  et  12.)  — 
Reinisch,  Die  Sahosprache,  II.  —  Herman  Grimm,  Homer.  Ilias,  1-9 
Gesang  (jugements  d'un  homme  cultivé,  fines  analyses,  rapprochements; 
mais  bien  des  choses  qui  étonnent].  —  Maximiani  Elegiae,  p.  p.  Pet- 
scHENiG  (cf.  Revue,  n°  43).  —  Gœdeke,  Grundriss  zur  Gesch.  der  deuts- 
chen  Dicht.  fortgef.  von  Gœtze  IV,  i.  —  Buechner,  De  Neocoria  (cf. 
Revice,  1889,  n°  3).  — Fûrstenb.  Urkundenbuch,  VI.  1360-1469. — 
Zwiedineck-Sûdenhorst,  Deutsche  Gesch.  im  Zeitraum  der  Grûnd.  des 
preuss.  Kônigtums  (très  soigné  et  sera  le  bienvenu  pour  mainte  ques- 
tion). —  KuNTZE,  Der  servus  fructuarius  des  rôm.  Rechts. 

—  N»  42  :  Fr.  Giesebrecht,  Beitr.  zur  Jesaiakritik.  —  Jensen,  Die 
Kosmologie  der  Babylonier  (cf.  Revue,  n°  25).  —  Epping,  Astronom. 
aus  Babylon.  —  Smyth,  The  vowel  system  of  the  lonic  Dialect  (cf. 
Revue,  n°  3o).  —  Kôrting,  Latein.  romaniches  Worterbuch,  1-4  Lie- 
fer  (très  recommandable).  —  Pastor,  Gesch.  der  Pabste,  II,  im  Zeital- 
ter  der  Renaissance  bis  zum  Tode  Sixtus  IV.  (Ne  s"é!éve  pas  toujours  à 
la  hauteur  des  travaux  antérieurs,  ne  comble  pas  suffisamment  les  lacu- 
nes, et  malgré  le  mérite  de  la  forme  et  bien  des  choses  neuves,  offre  trop 
de  disproportion  entre  l'œuvre  elle-même  et  les  prétentions  qu'elle  élève). 

—  Hesse-Wartegg,  Mexico,  Land  u  Leute.  —  Martersteig,  Die  pro- 
tokolle  des  Mannheimer  Theaters  1781-1789.  —  Strassburger  Zunft  = 
und  Polizeiverordn.  des  XIV  u.  XV  Jahrh.,  p.  p.  Brucker  (très  instruc- 
tif). —  Teicher,  Kleber  (cf.  Revue,  n"'  19  et  21).  —  Firdos'is  Kônigs- 
buch,  libers,  von  Rûckert.  —  Id.  p.  p.  Pizzi  (cf .  Revue,  n°  i5). 

—  N"  43  :  Schabbâth,  p.  p.  Strack.  —  Zimmermann,  Die  Univ.  Engl. 
imXVIJahrh.  (Polémique.)  —  Conway,  Verner's  lawin  Italy  (cf.  Revue, 
1889,  n°  14).  —  Ignatii  Diaconi  Vita  Tarasii  archiep.  Constant,  p.  p. 
Heikel  (bon).  —  K.  Fischer,  Die  Erklâr.  des  Gœtheschen  Faust;  Kreys- 
sig's  Vorles.  iiber  Faust,  p.  p.  Kern.  — Stschukareff,  Unters.  tiber  die 
athen.  Archontenliste  des  III  Jahrh.  (en  russe  très  instructif).  —  Marcks, 
Die  polit,  kirch.  Wirks.  des  Agobard.  —  Ghiron,  Annali  d'Italia  in 
contin.  al  Muratori  (cf.  Revue,  1889,  n°  44).  —  Ottolini,  le  5  giornate 
milanesi  del   18-22  marzo  1848.  —  Studniczka,  Kyrene  (fort  louable). 

—  Die  Kriege  Friedrichs  desGrossen.  hrsg.  vom  Grossen  Generalstabe, 
I.  Der  erste  schlesische  Krieg,  1740-1742,  I.  Die  Besetz.  Schlesiens  u. 
die  Schlacht  bei  Mollwitz  (excellent  à  tous  égards). 


LIBRAIRIE      HACHETTE 

79,    BOULEVARD    SAINT-GERMAIN,    PARIS. 


E  T     C 


NOUVELLE   PUBLICATION 


A  TL  A 

DE  GÉOGRAPHIE  MODERNE 

PAR 

F.    SCHRADER 

Directeur  des  travaux  cartographiques  de  la  librairie  Hachette  et  Cie. 


F.    PRUDENT 

Lieutenant-colonel  du  génie  au  service  géo- 
graphique de  l'armée. 


E.   ANTHOINE 

Ingénieur-chef  du  service  de  la  carte   de 

France  et  de  la  statistique  graphique 

au  Ministère  de  l'Intérieur. 


COLLABORATEURS 

NOTICES 
D.  AïROF.  —  H.  BoLAND.  —  Gamena  d'Almeida.  —  M.  DiEULAFOY.  —  M.  Dubois.   — 
L.    Gallois.  —  H.  Jacottet.  —  D.  Kaltbrunner.  —  G.  Kœchlin.  —   Emm.  de 
Margeuie.  —  L.  PoiREL   —  Gh .  Rabot.  —  Elisée  Reglus.  —  Onésime  Reclus.  — 
L.  Rousselet.  —  L.  RoussET. 

CARTES 

G.  Bagge.  —  L.  Béninger.  —  René  Bolzé.  —  H.  Delachaux.  —  Victor  Huot.  — 
G.  Perron.  —  M.  H.  Ghesneau.  —  T.  Weinreb.  —  E.  Giffadlt. 


2)8  Hémisphères. 

3  Planisphère  physique. 

4  —        hypsométrique. 

5  —        politique. 

6  Europe  physique. 

7  —       hypsométrique. 

8  —       politique. 

9  France  muette. 

10  —      physique. 

11  —      hypsométrique  et 

géologique . 

12  —      politique  et  admi- 

nistrative en  1 
feuille. 


13j 
Ul 
15/ 
I6l 
17 
18 
19 
20 
21 
22 


France  politique  et  admi- 
nistrative en  4  feuilles. 

Algérie-Tunisie. 
Colonies  françaises. 

Iles  Britanniques. 
Belgique  et  Pays-Bas. 
Suisse. 


LISTE    DES    CARTES 

•23  Alpes. 
-24  Italie. 

25  Espagne  et  Portugal. 

26  Allemagne. 

27  Europe  centrale. 

28  Autriche-Hongrie. 

29  Balkans. 

30  Grèce. 

31  Méditerranée. 

32  Suéde-^sorvège, Danemark 

33  Russie  d'Europe. 

34  Russie  occidentale. 

35  Asie  Mineure. 

36  —    politique. 

37  Empire  russe. 

38  Arménie,  Caucasie, 

39  Asie  Mineure. 

40  Perse. 

41  Hindoustan. 
4-2  Indo-Chine. 

43  Archipel-malais. 

44  Empire  Chinois. 

45  Japon,  Chine  oi'ientale. 

46  Afrique  physique. 

47  —        politique. 


48  / 

49  )  Afrique  en  3  feuilles. 
.50  ! 

51  Océanie. 

52  Australie. 

53  Australasie. 

54  Amérique  du  Nord  phy- 

sique. 

55  Amérique  du  Nord  poli- 

tique. 

56  Canada. 

57  Etats-Unis. 

58  —         pai'tie  E  et  0. 
développées. 

59  Mexique. 

60  Antilleset  Amérique  cen- 

trale . 

61  Amérique  du  Sud  physi- 

que. 

62  Amérique  du  Sud  politi- 

que. 

63  )  Amérique  du  Sud   en 


64 


2  feuilles. 


L'ouvrage  complet  comprend  64  cartes  en  couleur ,  accompagnées  d'un  texte 
géographique,  statistique  et  ethnographique  et  d'un  grand  nombre  de  cartes  de 
détail,  ainsi  que  d'un  répertoire  alphabétique  des  noms  contenus  dans  l'Atlas, 
permettant,  à  L'aide  de  renvois,  de  trouver  immédiatement  le  nom  cherché  sur 
la  carte. 

Prix  de  l'Atlas  complet,  en  feuilles,  20  fr.j  relié,  25  fr. 


Le  Puy    imprimerie  Marcbessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  83. 


N°  46  Vingt-quatrième  année    17  novembre  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 
DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC, 

28,     RUE   BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


EKNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE^.^ 
INSTRUCTIONS 

ADRESSÉES    PAR  LE 

COMITÉ  DES  TRAVAUX  HISTORIQUES 

ET   SCIENTIFIQUES 
Aux  Correspondants  du  Ministère  de  lTnstruction  publique 


I.  LITTÉRATURE  LATINE  ET  HISTOIRE  DU  MOYEN-AGE, 

par  Léopold  Delisle,  membre  de  Tlnstitut.   In-8,  avec  planches 
en  héliogravure 3  fr.  5o 

II.  L'ÉPIGRAPHIE  CHRÉTIENNE  EN  GAULE  et  dans  l'Afrique 

romaine,  par  M.  Edmond  Le  Blànt,  membre  de  l'Institut,  In-8, 
avec  5  planches  en  héliogravure 4  fr. 

III.  INSTRUCTIONS  POUR  LA  RECHERCHE  DES  ANTIQUI- 
TÉS DANS  L'AFRIQUE  DU  NORD,  par  Messieurs  les  membres 
de  la  Commission  d'Afrique.  (Sous  presse.) 

IV.  INSTRUCTIONS  NUMISMATIQUES,  par  M.  A.  de  Barthé- 
lémy, membre  de  l'Institut.  (Sous  presse.) 


PÉRIODIQUES 

Berliner  philologische  Wochenschrift,  n"  34  :  Steiger,  Der  Eigenname  in 
der  att.  Kom.  (très  soigné).  Junghahn,  Agos-Siihne  als  polit.  Forder. 
bei'lhuk.  I,  126-139. — Xenophons  Heilenika  III.  S-y,  p.  p^Grosser. 

—  Catull,  p.  p.  Postgate  (cf.  Revue,  n"  14).  —  Wilde,  De  Plinii  etTra- 
jani  epist.  muluis.  —  Lersch,  Einleit.  in  die  Clironologie  verschiede- 
ner  Vôlker  u.  Zeiten  (intéressant).  —  Rendall,  The  cradle  of  the 
Aryans.  —  Iîrugmann,  Griech.  Gramni.  ;  Stolz  u.  Schmalz,  Latein. 
Gramm.  Manuel  d'Iwan  Mûller).  —  Thommen,  Gesch.  der  Univ.  Basel, 
i532-i632. 

—  N°  35  :  GuRLiTT,  Pausanias  (cf.  Revue,  n°  11).  —  Menge  u. 
Preuss,  Lexicon  Caesar.  (court,  bon  marché  et  recommandable,  quoique 
inférieur  à  Meusel).  —  Wôlfflin,  Ueber  die  Latinitat  des  Asinius 
PoUio  ;  Pollionis  de  bello  Africo  comm.,  p.  p.  Wôlfflin  u.  Miodonski 
(l'^'art.) — Chénon,  Et.  hist.  sur  ledefensor  civitatis  (utile).  —  Edlinger, 
Ueber  die  Bildungder  Begrifîe,  I.  —  Bartholomae,  Stud,  zur  indogerm. 
Sprachgesch.  I  (cf.  Revue,  n^  16).  —  Stubbs,  The  hist.  of  the  Univ.  of 
Dublin. 

— N°  36:  Humann  u.  Puchstein,  Rèisen  in  Kleinasien  u.  Nordsyrierî. 

—  Wôlfffin,  Pollio  (2«  art.).  —  Fugner,  Lexicon  Livianum,  I  (fait 
avec  conscience).  —  Ghaignet,  Hist.  de  la  philos,  des  Grecs.  II,  stoïciens, 
epicur.,  sceptiques  (travail  sérieux  d'un  homme  qui  est  «  le  plus  habile 
et  le  plus  laborieux  des  érudits  français  sur  le  domaine  de  la  philosophie 
ancienne  »).  —  I.  Taylor,  Hist.  of  the  transmission  of  ancient  books  to 
modem  times  together  with  the  process  of  historical  proof  (d'une  valeur 
scientifique  générale).  —  Pichlmayr,  T.  Flavius  Domitianus  (fait  avec 
soin).  —  De  La  Grasserie,  De  la  véritable  nature  du  pronom.  — 
Fehrnborg,  De  verbis  latinis  auf  uo  (cf.  Revue,  n°  20). 

—  No  37:  Gomperz,  Die  Apologie  der  Heilkunst,  eine  griech.  Sophis- 
tenrede  (long  art.  dTlberg,  qui  place  le  discours  au  temps  de  Protagoras). 

—  Brutus,  p.  p.  Piderit-Friedrich.  ~  Von  Gutschmid,  Kleine  Schrif- 
ten,  p.  p.  RuHL,  I.  —  Marx,  Griech.  Marchen  von  dankb.  Thieren 
(cf.  Revue,  1889,  n°  3y).  —  Otto,  Zur  Gesch.  der  ait.  Hausthiere  ;bon 
et  réfléchi).  —  Fisch,  Die  latein.  nomina  personalia  auf  o-onis  (érudit 
etsagace).  —  Klemm,  European  schools. 

— N°  38:  CouAT,  Aristophane  et  l'anc.  comédie  attique(intéressant;cf. 
Revue,  n°  i3).  —  Plutarchi  moralia,  p.  p.  Bernardakis  (plus  conserva- 
teur que  Hercher).  —  Sabbadini,  Studi  crit.  salla  Enéide  (instructif;  cf. 
Revue,  n"  9).  —  W.  Meyer,  Die  Berliner  Centones  der  Laudes  Dei  des 
Dracontius  (résultats  inattaquables).  —  Aug.  Rossbach,  Griech.  Metrik 
(art.  de  Reimann  sur  cette  nouvelle  édit.  qui  a  reçu  de  très  importantes 
additions).  —  Jahresber.  der  Geschichtswiss.,  p.  p.  Jastrow,  IX.  — 
Nettleship,  Contrib.  to  Latin  lexicography  (très  recommandable).  — 
Bueler,  Verzeichnisder  Programm-Be'^lagen  derSchweiz.  Mittelschulen. 

—  N°  39:  BaRwrNKEL,  Zur  Odyssée  (louable).  —  Ovid,  Fasten, 
p.  p.  Peter,  3^  éd.  —  Schiller,  Gesch.  der  rôm.  Kaiserzeit,  II,  von 
Diokletian  bis  zuni  Tode  Theodosius  d"  art  ).  —  Onffroy  de  Thoron, 
Les  Phéniciens  il  Haïti  et  sur  le  continent  américain,  les  vaisseaux 
d'Hiram  et  de  Salomon  au  fleuve  des  Amazones  (fantaisies).  —  Immer- 
WAHR,  Die  Lakonika  des  Pausanias  auf  ihre  Quellen  untersuchl  (de 
grande  valeur).  —  Zarnxke,  Die  Entsteh.  der  griech.  Litteratursprachea 
(cf.  Revue,  n^  18).  —  Korting,  Latein.  roman.  Wôrterbuch,  I  (utile 
aux  latinistes  comme  aux  romanistes).  —  Die  Pelasgcr  als  Trilger  der 
mvken.  Kultur. 


—  N°  40  •  Hermenjat,  Les  dieux  et  Thomme  chez  Thucydide  (Juste  et 
agréable).  —  Danielsson,  Epigraphica  (cf.  Revue ^  n°  29).  —  Dahl, 
Latinsk  Litteraturhistorie  (cf.  Revue,  1889,  n»  32).  —  Welzhofer, 
Gesch.  des  griech.  Volkes  bis  zur  Zeit  Solons  (cf.  Revue^  n°  22).  — 
Schiller,  Gesch.  der  rôm.  Kaiserzeit  (2°  art.  livre  très  instructif  et  de 
lecture  attachante).  —  Garofalo,  I  fastidei  tribuni  délia  plèbe  (cf.  Revue, 
n°  7).  —  Head,  a  catalogue  of  Greek  coins  of  the  Brit.  Mus.  Corinth. 
colonies  of  Corinth,  etc.  —  Neroutsos,  Xpiaxiavaat  'AO'^vat.  —  Isaac 
Taylor,  The  origin  of  the  Aryans  (très  savant  et  convaincant),  — 
Rethwisch,  Jahresber,  ûber  das  hôhere  Schulwesen,  III. 

— N°  41  :  Odyssea,  p.  p.  Cauer  (n'est  pas  à  recommander  pour  Pécole). 

—  Voss,  Die  Natur  in  der  Dichtung  des  Horaz  (tin  et  plein  d^un  chaud 
enthousiasme).  —  Kôpke,  Die  lyrischen  Vermasse  der  Horaz,  fur  Pri- 
maner  erklart.  —  Hartman,  De  Phaedi  fabulis  comm.  (très  recomman- 
dable).  —  Allcroft  u.  Masom,  A  history  of  Sicily  (agréable  à  lire).  — 
Oertmann,  Die  fiducia  im  rôm..  Privatrecht  (obscur  et  subjectif).  — 
Studien  auf  dem  Gebiete  des  arch.  Lateins,  p.  p.  Studemund,  I,  2 
(excellent  travail  et  de  méthode  sùrc).  —  Sormani,  Spécimen  litter.  de 
J.  Schraderi  philologi  vita  ac  scriptis. 

—  No  42  :  Ruge,  Quaest.  Strabonianae.  —  Flav.  Josephi  opéra, 
p.  p.  NiESE,  p.  p.  Naber  [d.. Revue,  1888,  no6;  1889,  n»  2).  —  Mahn, 
De  Dionis  Chrysostomi  codicibus  (bon).  —  Tertulliani  apol.  adversus 
gentes  pro  christ.,  p.  p,  Bindley.  —  Allen,  Notes  on  abbrev.  on  Greek 
mss.  —  Sayce,  Records  of  the  past,  II.  —  Ihnè,  Rôm.  Gesch.  VII  u. 
VIII.  ~  BoRZA,  La  Lucania  (du  soin).  —  Goodwin,  Syntax  of  the 
moods  and  tenses  of  the  Greek  verb  (détaillé).  —  Reisig  u.  Haase, 
Vorles.  ûber  latein.  Sprachw    II.  Semasiologie,  bearb.  von  Heerdegen. 

—  Klette,  Beitr.  zur  Gesch.  u.  Liter.  der  italien.  Gelehrtenrenaissance, 
II  (cf.  Revue,  n»  4). 

—  No  43  :  Meister,  Cypriaca.  —  Ebeling,  Schulw.  zu  Homers  Odys- 
sée u.  Ilias,  5*^  verb.  Aufl.;  Capelle,  Vollst.Wôrterb.  ûber  die  Ged.  des 
Homeros  u.  der  Homeriden,  ^^  verb.  Aufl.  —  Finsler,  Die  Orestie  des 
Aischylos  (intéressant).  —  Draheim,  Sophokles  Chôre  (trad.  sans  valeur). 

—  Aristotelis  quae  leruntur  de  plantis,  mirab.  auscult.,  mechanica, 
lin.  insec.  vent,  situs  et  nomina,  de  Melisso  Xenophane  Gorgia,  p.  p. 
Apelt  (a  des  rnéritesK  —  Die  i^atiren  des  Horatius,  deutsch  von  Kipper. 

—  CiMA,  Saggi  di  studi  latini,  —  Keil,  De  Flavio  Capro  gramm.  quaest. 
cap.  II.  (Beaucoup  de  soin  et  jugement  sain).  —  Bender,  Grundr.  der 
rôm.  Literaturgesch.  2^  Aufl.  —  Fr.  Cauer,  Parteien  u.  Politiker  in 
Megara  u.  Athena  (résultats  qu'on  ne  peut  accepter).  —  Babelon, 
manuel  d'archéol.  orient,  (très  recommandable).  —  Bibl.  apostol.  vatic. 
cod.  miss.  II  graeci,  p.  p.  Stevenson. 

Literarisches  Centralblatt,  n*  43  :  Scott,  Buddhism  and  chrislianity.  — 
DRasEKE,  ges.  patrist.  Untersuch.  (excellente  méthode).  Liv-Est-und 
Curlànd.  —  Urkundenbuch,  p.  p.  Bunge  u.  Hildebrand,  IX.  — 
Der  erste  schlesische  Krieg,  1740-1742,  hrsg.  vom  Grossen  Gene- 
ralstabe,  I.  Die  Besetzung  Schlesiens  u.  die  Schlacht  bei  Mollwitz  (in- 
comparable à  tous  égards). —  Stadelmann,  Aus  der  Regierungsthatigkeit 
Friedrich's  des  Grossen.  —  Brosch,  Gesch.  von  England,  VI  (suite  de 
Lappenberg-Pauli  et  trompe  Taltente,  laisse  à  désirer).  —  Belot,  Dict. 
franc,  arabe,  I.  (très  utile  pour  traduire  les  mots  et  expressions  du  fran- 
çais en  arabe). — Wharton.  Etyma  latina  (court  et  pratique). —  A.  Sorel, 
M™^  de  Staël  (élégant  et  intéressant).  —  athenaei  Naucratitae  Depno- 
soph.  libii  XV,  rec.  Kaibel,  III,  ii-i5  et  indice^  (termine  la  publica- 
tion et  sera  bienvenu).  —  Dumon,  Le  théâtre  de  Polyclète  (fait  avec  soin 
et  peine;  le  but  est-il  atteint?)  —  Wychgram,  l'instr.  publ.  des  femmes 
en  France,  trad.  par  Esparcel. 


Theologische  Litteraturzeitung,  n"  17  :  Gesenius,  Hebr.  Gramm.  25''  Aufl., 
p.  p.  Kautzsch  (excellent).  —  Delitzsch,  Messianische  Weissagungen 
in  geschichtl.  Folge.  — Vôlter,  Die  Kompos,  der  paulin.  Hauptbriefe, 
I.  Ber  Rômer=und  Galaterbrief,  —  Mayor,  The  Latin  Heptateuch. 

—  Pastor,  Nachwort  zum  zweiten  Bande  der  Gesch.  der  Pàpste. 

—  N»  18  :  DiLLMANN,  Der  Prophet  Jesaia.  —  Holtzmann,  Das  Ende 
des  Jud.  Staatswesens  u.  die  Entsteh.  des  Christenthums  (très  recom- 
mandable).  —  Frohschammer,  Die  Philosophie  des  Thomas  von  Aquino. 

—  J.  Schneider,  Gesch.  der  evang.  Kirche  des  Elsass  in  der  Zeit  der 
franz.  Revol.  (bon).  —  Jenkins,  The  life  of  Valentin  Alberti.  •—  TeBsuv, 
Kavov'.xat  Staxâ^etç.  —  Hooijkaas,  Coup  d'œil  sur  Pane,  église  cathol.  de 
Hollande  et  récit  de  ce  qu'on  a  fait  sous  Clément  XIV.  —  Trede,  Das 
Heidentum  in  der  rôm.  Kirche,  Bilder  aus  dem  relig.  u.  sittl.  Leben 
Sûditaliens,  II  (intéressantes  communications,  et  en  grande  partie 
affligeantes). 

—  N°  19  :  Weyland,  Omwerkings  —  en  compilatie — hypothesen  toe- 
gepast  op  de  Apokalypse  van  Johannes;  Rovers,  Apocalypt.  Studien  ; 
Spitta,  Die  Offenbarung  des  Johannes,  —  Fricke,  Der  paulin.  Grund- 
begriff  der  ciy.atoijûvY]  Gsou.  —  Brandt,  Die  mandâische  Religion  (cf. 
Revue,  n°s  6  et  12).  —  Goitein,  Der  Optim.  u.  Pessimismus  in  der  jud. 
Religionsphilosophie  (de  bonnes  études).  —  Neander,  Der  h.  Bernhard 
u.  seir.  Zeitalter,  mit  Zusâtzen  u.  Einleit.  von  Deutsch  (méritait  d'être 
réédité); 

—  N»  20  :  Von  Schroeder,  Indiens  Literatur  u.  Cultur  in  histor.  Ent- 
wick.  —  Preiss,  Religionsgesch.  Gesch.  der  Entw.  des  relig.  Bewusst- 
seins  in  seinen  einzelnen  Erscheinungsformen.  —  Atzberger.  Die  christl. 
Eschatologie  in  den  Studien  ihrer  Offenbar.  im  A.  u.  N.  Testamente. 
Glubokowski,  Der  selige  Theodoret,  Bischof  von  Cyrus,  sein  Leben  u. 
seine  schriftst.  Thatigkeit  (une  des  monographies  patristiques  les  plus 
remarquables  depuis  l'Ignace  de  Lightfoot). 

—  N"  2 1  :  Driver,  Notes  on  ihe  Hebrew  text  of  the  books  of  Samuel. 
~  Sinker,  The  Psalm  of  Habbakuk.  —  Rômheld,  Theologia  sacro- 
sancta  et  Beweise  fur  die  Einheitder  Offenb.  des  ew.  gottes.  —  Œuvres 
de  Krause.  —  Ed.  von  Hartmann,  Lotze's  philosophie.  —  Baader,  Ged. 
ûber  Staat  u.  Gesellsch.  Revol.  u.  Reform.,  p.  p.  Claassen.  —  J.  Wer- 
ner,  Die  soziale  Frage  im  Zeitalter  der  Reform. 

Zeitschrift  fiir  Katholische  Théologie,  III  Heft  (Quartalheft)  Innsbruck, 
Rauch.  Abhandlungen  :  Frins,  Ueber  das  Wesen  derSunde,  3  — Arndt, 
Das  Sectenwesen  in  der  russischen  Kirche  —  Grisar,  Rom  u.  diefrànk. 
Kirche  vornehml,  im  VI  Jahrh.  —  Recensionen  :  Friedrich,  Tempel 
u.  Palast  Salomo's;  Wolff,  Der  Tempel  von  Jérusalem  u.  seine  Maasse; 
Sylvain,  Hist,  de  S.  Ch.  Borromée  ;  Dûsterwald,  DieWeltreiche  u.das 
Gottesreich  bel  Daniel;  G.  A  Mullkr,  Pontius  Pilatus;  G.  A.  Muller, 
Christusbei  Josephus  Flavius;  Pastor,  Gesch.  der  Peepste,  II  ;  Heiner, 
Grundriss  des  Kathol.  Eherechts;  Westcott,  The  Epistle  to  the  He- 
brews;  Wellesheim,  Gesch.  der  Kathol.  Kirche  in  Irland,  I.  —  Analek- 
ten  :  Die  Statuten  der  Passauer  Synode  1437;  Gregorius  praesul  meritis 
et  nomine  dignus;  Die  Jesuiten  u  der  Weltklerus  in  England  zur  Zeit 
Elisabelhs:  Ingeborg,  Innocenz  111  u.  Dr.  Davidsohn. 


Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N"  47  Vingt-quatrième  année    24  novembre  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  GHUQUET 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —   Etranger,  25  fr. 

PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues    orientales  vivantes,    etc. 
28,     RUE    BONAPARTE,      28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-retidu. 

EKNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

THÈSES  DE  DOCTORAT 

CUCUEL  (Ch.) 

Quid   sibi    in    Dialogo    cui    Cratylus   inscribitur    proposuerit    Plato. 
In-8 3  fr. 

Le    Cratyle    de  Platon     est    au    programme     pour    l'agrégation   de 
grammaire   cette  année. 

REINACH  (Théodore) 
De   Archla   poeta.    In-8 3  fr. 

PIAT  (l'abbé  G.) 

L'Intellect  actif.  Du  rôle  de  l'activité  mentale  dans  la  formation   des 
idées.   In-8 4  fr. 

—  Quid  divini  nostris  ideis  tribuat  divus  Thomas.    In-8.     .       2  fr. 

Ces  deux  derniers  ouvrages  réunis  en  un  volume  in-8.     .     .       5  fr. 


PÉRIODIQUES 

Bulletin  critique,  n°  20  :  Plinii  epist,  ad  Trajanum,  p.p.  Hardy.  — 
MoMMSEN,  Le  droit  public  romain,  tiad.  par  Gikard;  Mauquardt,  Organ. 
de  l'empire  romain,  trad.  par  Weiss  ei  Louis-Lucas;  Le  culte  chez  les 
Romains,  trad.  par  Brissaud  (cf.  Revue,  n"  27  et  34-35).  —  Valois,  Le 
Conseil  du  Roi  auxxiv%  xV^  et  xvi«  siècles,  nouvelles  recherches  suivies 
d'arrêts  et  de  procès-verbaux  (approfondi).  —  Hennequin,  Ecrivains 
francisés,  Dickens,  Heine,  Tourguénef,  Poe,  Dostoïewski, Tolstoï,  essais 
de  critique  scientifique  (bon  à  lire,  malgré  les  insaisissables  obscurités 
d'un  style  changement  tourmenté). 

—  N°  21  :  Galabert,  Manual  de  lengua  sanskrita.  —  Denys  d'Hali- 
carnasse.  Jugement  sur  Lysias,  texte,  trad.  et  comm.  par  Desrousseaux 
et  Max  Egger  (texte  très  lisible  et  trad.  exacte  qui  se  lit  facilement).  — 
Jaugey,  Dict.  apolog.  delà  loicathol.  —  Liénard.  Monogr.  de  la  numism. 
verdunoise  (nullemeni  définitif,  incomplet,  inexact;  «  les  avis  donnés  à 
l'auteur  sont  demeurés  inutiles  »).  —  Beautemps-Beaupré,  Coût,  et 
instit .  de  l'Anjou  et  du  Maine  au  xvi'^  siècle,  I  (neuf).  —  Jarry,  Louis, 
duc  d'Orléans  (cf.  Revue,  1889,  n°  21).  —  Charvériat,  Huit  jours  en 
Kabylie  (cf.  Revue,  n»  16). 

Bulletin  du  cercle  Saint-Simon,  n"  3,  juillet-septembre  :  Nouveaux  mem- 
bres. —  Obligations.  —  Comptes  de  1889.  —  Livres  nouveaux.  — 
Chronique. 

Revue  historique,  sept.  oct.  1890  :  A.  Vandal,  Négoc.  avec  la  Russie 
relat.  au  second  mariage  de  Napoléon  I^"'.  —  Ch.  V.  Langlois,  Les 
Archives  de  l'hist.  de  France.  —  Batiffol,  Les  archives  de  l'empire 
russe  à  Moscou  d'après  Chimko.  —  Desclozeaux,  L'amb.  de  Sully  en 
Angleterre  (1601)  et  les  Econom.  royales.  —  Morel-Fatio,  Marchena 
et  la  propagande  révol.  1792-93.  —  Lettre  de  l'abbé  Peretti  sur  le  lieu 
d'origine  de  Chr.  Colomb.  —  Bulletin  :  France  (Farges  et  Monod); 
Danemark  (Steenstrup);  Alsace,  1  (Reuss),  —  Comptes-rendus  :  H  De- 
renbourg,  Ousâma,  1.  —  Halbe,  Friedrich  II  u.  der  papstl,  Stuhl; 
Koehler,  Das  Verh.  Friedrichs  II  zu  den  Papsten  seiner  Zeit.  —  Baer, 
Die  Bezieh.  Venedigs  zum  Kaiserreiche  in  der  stauf.  Zeit  (bien  conduit). 

—  J,  ScHMiTT,  Die  Chronik  von  Morea,  eine  Unters.  ûber  das  Verh. 
ihrer  Hss.  u.  Versionen.  —  Wauters,  Supplém.  à  la  table  chron.  des 
chartes  et  diplômes  conc,  l'hist.  de  la  Belgique.  —  Ulmann,  Maximi- 
lian's  I  Abs.  auf  das  Papsthum  i5o7-i5ii.  —  Creighton,  Cardinal 
Wolsey  (bon).  ~  Calvi,  Blanca  Maria  Sforza (décousu,  mais  instructif). 

—  ScHMOLLER,  Zur  Lit.  der  Staats-und  Sociahviss.  —  Turner,  A  sketch 
of  the  Germanie  constit.  from  early  times  to  the  dissol.  of  ihe  Empire 
(bref  et  parfois  inexact). 

—  Nov.-déc.  1890  :  de  Mandrot,  Jacques  d'Armagnac,  duc  de 
Nemours  1453-1477  (suite  et  fin).  —  Prou,  De  la  nature  du  service 
milit.  dû  par  les  roturiers  xi"  et  xu<^  siècles.  —  Vignols,  Le  commerce 
holland.  et  les  congrég^  juives  à  la  fin  du  xvn^  siècle.  —  Bulletin  : 
France,  moyen  âge  (Monod  et  Molinier).  —  Alsace  (R.  Reuss). —  Alle- 
magne, hist.  de  la  Réforme  (Stern).  —  Comptes-rendus  :  Guérin,  Jéru- 
salem (a  déçu  quelque  peu  l'attente  des  savants),  —  Briquet,  Papiers  et 
filigranes  de  Gênes.  —  Public,  de  la  Soc.  hist.  d'Utrecht  :  !•  Rapports 
et  communie.  ;  2"  Œuvres.  —  Baumgartner,  Gœthe. 

Remania,  juillet  (n°  75)  :  P.  Lot,  Geoffroi  Grisegonelle  dans  l'épopée. 

—  Jeanroy,  Sur  la  tençon  Car  vei  fenir  a  tôt  dia.  —  Piaget,  Oton  de 
Granson  et  ses  poésies '(suite  et  fin).  — ■  Mélanges  :  G.   P.    Andain; 
A.  LoTH,  Les  noms  Tristan  et  Iseut  en  gallois;  P.  M.   Fragment  de 


Méraugis.  —  Comptes-rendus  :  A.  Darmesteter,  Reliques  scientifiques 
(forme  un  bel  ensemble  et  atteste  suffisamment  le  fécond  et  ardent 
travail  de  vingt  ans).  —  D'Arbois  de  Jubainville,  Rech.  sur  Torig.  delà 
propriété  foncière  et  des  noms  de  lieux  habités  en  France  (livre  considé- 
rable et  important,  fruit  d'un  grand  et  heureux  effort  scientifique).  — 
La  Vie  de  S°  Marguerite,  p.  p.  Spencer.  —  Roetgen,  Vokalismus  des 
altgenuesischen.  —  Chronique. 

Annales  de  l'Ecole  libre  des  sciences  politiques,  n»  4,  i5  oct.  1890  : 
Auburtin,  Les  débuts  diplom.  de  Talleyrand,  sa  mission  à  Londres  en 
1792.  —  Capperon,  Lamartine  parlementaire  (fin).  —  Stourm,  Bibliogr. 
des  finances  au  xviu®  siècle.  —  Le  Colonjon,  La  question  des  pen- 
sions civiles  en  France  (suite).  —  D'Orgeval,  Les  protectorats  alle- 
mands. —  Marge,  La  cour  des  comptes  italienne  (fin).  —  Comptes- 
rendus  :  D'Avril,  Négoc.  relat.  au  traité  de  Berlin  et  aux  arrang.  qui 
ont  suivi.  —  Jarriaud,  Hist.  de  la  Novelle  118  dans  les  pays  de  droit 
écrit  depuis  Justinien  jusqu'en  1789. 

Revue  celtique,  n°  4  :  Omont,  Catal.  des  mss.  celtiques  et  basques  de  la 
Bibl.  nat.  (cf,  Revue,  ^°  4-4)'  —  Kuno  Meyer,  La  plus  anc.  vers,  du 
Tochmarc  Emire  ou  demande  en  mariage  d'Emer  par  le  héros  Cûchu- 
lainn.  —  Ernault,  Etudes  bretonnes,  VII,  L'analogie  dans  la  conjugai- 
son. —  Mélanges  :  D'A.  de  J.  Les  noms  de  lieu  gaulois  dans  le  Rous- 
sillon  ;  Loth,  Saint  Branwalatr  ;  d'A.  de  J,,  Conversion  de  Maelsuthain  ; 
K.  Meyer,  Mots  d'emprunt  au  vieil  irlandais;  Loth,  Sur  un  passage  du 
Mabinogi  de  Kulhwch  et  Owen.  d'A.  de  J.,  Vicus  Artiacus  en  Italie, 
près  de  Vérone.  —  Corresp.  (S.  Reinach).  —  Chronique.  —  Ernault, 
Table  des  mots  étudiés  dans  le  tome  XI  de  la  Revue. 

Annales  du  Midi,  n°  8,  octobre  1890  :  Jeanroy,  La  tenson  provençale 
(fin).  —  Deloye,  Pétrarque  et  les  dames  de  Saint-Laurent,  à  Avignon.  — 
Spont,  La  taille  en  Languedoc,  1450-1  5i  5  (fin).  —  Mél.  et  doc.  Pages, 
Note  sur  le  chansonnier  provençal  de  Saragosse  ;  Lécrivain,  La  lutte 
d'Arles  et  de  Vienne  pour  la  primatie  des  Gaules.  —  Revue  des  périodiques. 

Revue  de  Belgique,  i5  oct.  P.  Hoffmann,  Les  sociétés  pour  la  culture 
morale  en  Amérique.  —  Rahlenbeck,  Feu  Doellinger,  La  justification 
des  Templiers.  —  Chalon,  Aux  Lipari.  —  Essais  et  notices  :  Grand- 
Carteret,  J.-J.  Rousseau,  jugé  par  les  Français  d'aujour'hui;  Schuer- 
MANS,  La  pragm.  sanction  de  saint  Louis. 

Altpreussische  Monatsschrift,  V  et  VI,  juillet-septembre  :  Beckherrn, 
Gesclî.  der  Befestig.  Konigsbergs  (avec  esquisse).  —  Neubaur,  G.  Greflin- 
ger,  eine  Nachlese.  —  Univ.Chronik,  1889- 1890.  —  Lyceum  Hosianum 
in  Braunsberg.  —  Altpreuss.  Bibliographie,  1889. 

Garmania,  XXIII,  2  :  Damkohler,  Mundart  der  Urk.  des  KIosters 
Ilsenburg  u.  der  Stadt  Halberstadt  u.die  heutige Mundart.  —  Ehrismann, 
Ags.  twegen,  begen  u.  ein.  germ.  Verwandtschaftsbegriffe.  —  Jeitteles, 
Predigt  auf  Johannes  den  Taufer.  —  Obser,  Histor.  Volkslieder  aus 
dem  oster.  Erbfolgekrieg.  —  Bech,  Lesefriichte,  i, —  Behaghel,  Die 
Heimat  Walthers.   —  Liebrecht,  Zur  Volkskunde,    i. 

Gœttingische  gelehrte  Anzeigen,  n°  i5  :  Knust,  aesch.  der  Legenden  der 
hl.  Kaiharina  von  Alexandrien  u.  der  h.  Maria  .^gyptiaca  (cf.  Revue, 
no  40^  —  DopFFEL,  Kaisertum  u.  Papstwechsel  unter  den  Karolingern 
(cf.  Revue,  1889,  n»  44).  —  Gurlitt,  Ueber  Pausanias  (cf.  Revue, 
n®  II).  —  Dutt,  a  history  of  civilisation  in  Ancient  India  (cf.  Revue, 
n"  21). 

Magazin  fiir  die  Litteratur  des  In-iind  auslandes,  n°  33  :  Silesius,  Gottfried 
Keller.  —  Duboc.  Ein  unbei  iihmter  Dichter.  —  Rehberg,  Allerhand 
Gutgemeintes.  —  Achelis,  Zur  vergl.  Rechtswiss.  —  Hansson,  Skand. 
Liter.  V.  —  Fastenrath,  Span.  Poésie.  — Drei  Gedichte  (Hoyos,  Verer- 


bung;  Bellaggio,  Nocturno;  Neapol.  Volkslied.)  —  Schlaf,  Aus  der 
Sommerfrische. 

—  N°  34  :  LiNz,  Bauernfeld.  —  Bahr,  Berliner  Kunstaustell.  — 
AcHELis,  Zur  vergl.  Rechtswiss.  —  Rehberg,  Allerhand  Gutgemeintes. 

—  Gaedertz,  Ein  Miinchener  Mysterienspiel  i5io.  —  Silesius,  Gottfried 
Keller.  —  Baranzewitsch,  Der  Quiilgeist. 

—  N»  35  :  Wilhelm,  Immermann.  —  Rehberg,  Allerh.  Gutgem.  — 
Loti,  Le  roman  d'un  enfant  (Prôlss).  —  Gaedertz,  Ein  Mûnch.  Mys- 
terienspiel i5io.  —  MûNz,  Gosche.  —  Detlev  von  Lilienkron,  Zwei 
Gedichte  (Seffinka,  Die  Birke). —  Mikszath,  Aus  meiner  Advokatenzeit. 
(Aus  dem  magyar,  von  Kohut). 

—  No  36  :  (M,  Stôssel  se  retire  etM.  W.  von  Reiswitz  reste  seul  chargé 
de  la  direction)  Ameranischer  Brief.  —  Schmidt  (Lothar),  Die  Priester 
im  Dekameron.  —  Blind,  Sind  die  Englânder  Skandinaven?  —  Hoep- 
fner,  Eine  italien.  Anthologie.  —  Bahr,  Die  Krisis  des  franz,  Natura- 
lismus.  —  Burns,  An  Mary  Campbell,  Jch  hab'  eine  Locke,  ûbertr. 
von  Geilfus.  —  Schugay,  Ein  Apostel  des  Kommunismus. 

—  N"  37  :  Neumann-Hofer,  Die  Freie  Volksbûhne.  —  Wigger,  Por- 
tug.  Liter.  —  Wolff,  J.-P.  Jacobsen.  —  Keller-Jordan,  Das  Drama 
in  Spanisch-Amerika. — Annie  Vivanti,Aus  Lirica  (ûbertr.  vonVal.Mar- 
thes).  —  Schlaf,  Aus  der  Sommerfrische,   IL  Die  Recension. 

—  N°  38  :  Grottewitz,  Wie  kann  sich  die  moderne  Literaturrich- 
tung  weiter  entwickeln?  —  V.  Brandenstein,  Die  Gesch.  des  Teufels. 

—  FrcInkel,  Bildungsschwindel.  u.  Volksbegluckung.  —  Hansson, 
Skandin.  Liter.  VL  —  Jordan,  Aus  Spanisch-Amerika. —  Coppée,  Hin- 
terlassene  Werke  (ûbertr.  von  Burger). 

—  No  39  :von  Reisswitz,  Bertha  v.  Sultner  u.  der  ewige  Frieden.  — 
Brausewetter,  Neue  Dramen  II.  —  Grottewitz,  Das  Allgem.  Mens- 
chl.  in  der  Dichtung.  — Lothar  Schmidt,  Maupassant's  neuester  Roman. 

—  KosiAKiEwicz,  Aus  der  Kinderweit,  die  Krahe  (ûbert.  von  FelZand), 

—  Ein  Gesprâch  (aus  dem  russ.  des  Fûrsten  D.  Politzin  von  Adèle 
Berger). 

—  No  40  (nouveaux  changements  :  la  feuille  a  pour  directeur  M.  de 
Reiswitz,  pour  rédacteur  en  chef  M.  Neumann-Hofer,  et  pour  éditeurs 
MM.  Lehmann,  Berlin,  W.  Kôthenerstrasse,  3o  et  pour  titre  :  Das 
Magazin  fur  Litteratur)  :  Wildenbruch,  Die  Haubenlerche,  I,  i5,  In 
eigener  Sache.  —  Bôlsche,  poésie  der  Grosstadt.  —  Neumann-Hofer, 
Tolstois  Nachwort  zur  Kreutzer-Sonate.  —  L.  Schmidt,  Bellamy  als 
Mystiker.  —  Hansson,  Zu  Strindbergs  Vater  auf  der  Freien  Bûhne.  — 
Gênée,  Gœthes  erster  Gôtz-Entwurf  auf  der  Bûhne  des  Kôn.  Schau- 
spielhauses.  —  Sudermann,  Vier  Gedichte. 

—  No  41  ;  E.  von  Wildenbruch,  Die  Haubenlerche,  I,  6-8.  —  Helve- 
ticus,  Die  Gottfried-Keller-Stiftung.  —  Bahr,  Die  Râtsel  der  Liebe.  — 
Grottewitz,  Der  Impressionismus  in  Deutschland.  — -  Ernst,  Zur  Tech- 
nik  Dostojewskis.  —  Schlaf,  Aus  der  Sommerfrische. 

—  No  42  :  E.  von  Wildenbruch,  Die  Haubenlerche,  I,  9-12.  — Wille, 
Die  Freie  Volksbûhne.  —  Schwarz-Kopf.  Wiener  Theater.  —  Bult- 
HAUPT,  Marsyas.  —  Rosegger,  Ehre.  —  Servaes,  Zur  EnthûU.  des  Les- 
sing  Denkmals.  —  Rûckerts  Firdosi  (L.  Chr.  Stern). 

—  No  43  :  E.  von  Wildenbruch,  Die  Haubenlerche.  II,  1-4.  —  Sch- 
warzkopf,  Sudeimann's  «  Ehre  »  in  Wien.  —  W.  Ernst,  Zu  Diester- 
wegs  100.  Gebunstag.  —  Frau  Dr.  Goldschmidt,  Der  allgem.  deutsche 
Frauen-Verein.  —  Lothar  Schmidt,  Vagabondirende  Gedanken.  — 
TovoTE.  Sonnenuntergang.  —  Neue  Dicht.  (O.  Ernst). 

Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N°  48  Vingt-quatrième  année      1  décembre  1890 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC, 

28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  fet  tton  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


EKNEST  LEROUX,  EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

RECUEIL 


DES 


INSCRIPTIONS  JURIDIQUES 

GRECQUES 

Texte,    traduction,    commentaire 

par  R.  DARESTE, 
Membre  de  l'Institut,  conseiller   à  la   Cour   de  cassation 

B.  HAUSSOULIER,  ^ 

Directeur-adjoint  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes 

Th.  REINAGH, 
Docteur  en  droit  et  es  lettres. 

Premier  fascicule.  Un  volume  grand  in-8,  de  200  pages,.,     7  fr.  5o 
L'ouvrage  sera  complet  en  3  fascicules. 


PÉRIODIQUES 

Bulletin  critique,  n°  22  :  Mommsen,  Der  Religionsfrevel  nach  rOm. 
Rccht;  Allard,  Lesdern.  perséc.  du  111°  s.;  La  perséc.  de  Diocléiieii  et 
le  triomphe  de  l'Eglise;  Fûhrer,  Ein  Beitr.  zur  Los.  der  Felicitasfrage. 

—  A.  de  Barthélémy,  Nouveau  manuel  de  numism.  anc.  (cf.  Revue, 
n°  17). — DiEHL,  Excurs,  archéol.  en  Grèce  (cf.  Revue,  no  44). — Allmer 
et  Dissard,  Trion,  antiq.  découv.  en  i885  et  1886  (très  bon).  —  J.  M. 
Richard,  Cartul.  de  l'Hôpital  S. -Jean  en  l'Estrée  d'Arras  (cf.  Revue, 
1889,  n»  44).  —  Lettre  de  M.  Henry. 

La  Révolution  française,  n"  5,    14  nov.  :  Stern,  Mirabeau  et  la  polit, 
étrangère.  —  Thénard,  Les  débuts  oratoires  du  conventionnel  Goujon, 

—  Debidour,  Le  Napoléon  de  la  paix.  —  Doc.  inéd.  Mém.  de  Moreau 
de  Jonnès  (suite).  —  Chron.  et  bibl.  :  Lefebvre,  La  commune  de  La- 
valla;  Rossignol,  Hist.  de  l'arrond.  de  Gaillac  ;  Wallon,  Les  représen- 
tants en  mission.,  V. 

Mélusine,  n°  6,  nov.-déc.  1890  :  Gaidoz,  Jean  de  l'Ours.  —  Lefébure, 
La  motte  de  terre.  —  L'étym.  popul.  et  le  folklore,  VI,  Nyrop,  Noms 
de  saints;  VIL  Gaidoz,  Le  ministre  H.  Fourtou,  La  princesse  Sophie  à 
Athènes,  S.  Mathurin,  En  Luxembourg,  En  Allemagne.  —  Tuchmann, 
Effets  de  la  fascination.  —  Gaidoz,  La  photographie,  I.  —  Israël  Lévi, 
Le  juif  en  morceaux.  —  Gaidoz,  Oblations  à  la  mer  et  présages.  — 
G.  L'arc-en-ciel,  XXXV,  —  Bibliogr.  :  Otto,  Die  Sprichw.  u.  sprichw, 
Redensarten  der  Rômer  (étude  approfondie).  -  Murr,  Die  pflanzen- 
\velt  in  der  griech.  Mythol.  (consciencieux).  —  Hartland,  English  fairy 
and  other  taies.  —  Erlanger  Beitr.  zur  engl.  Philologie. 

The  Acaderay,  n°  962  :  Tovey,  Gray  and  his  friends,  letters  and  relies 
in  great  part  hitherto  unpubl.  —  Mackay,  A  sketch  of  the  hist.  of  Fife 
and  Kinross.  —  Coupland,  The  gain  of  life  and  other  essays.  —  W.  Jun- 
ker,  Travels  in  Africa  1857-1878,  transi,  by  Keane. —  Henley,  Views 
and  reviews,  essays  in  appréciation.  —  Caravelli,  Pirro  Schettini  el'an- 
timarinismo  (curieux).  —  A  catalogue  of  old  English  ballads.  —  A 
fragment  of  a  lost  Greek  poet  (Sayce).  —  The  impérial  university  of 
Warsaw.  —  Junius,  transcrlpts  of  old  English  texts  (Sweet)  —  A  blas- 
phemy  case  in  Roland.  —  The  life  of  Lord  Byron.  —  Poetry  and 
science  in  folk-lore.  —  P.  Schmidt,  Die  Pluralbild,  der  indogerm. 
Neutra  (cf.  Revue,  18S9,  11°  33),  —  The  zodiac  and  cycles  of  Babylonia 
and  their  Chinese  derivatives  (Terrien  de  Lacouperie).  —  Pâli  Asuropa 
and  Asulopa  of  the  Asoka  inscr.  (Morris).  —  Burmese  coinage  and  cur- 
rency,  I  (Temple).  —  Early  Irish  art  (Margaret  Stokes) 

—  N°  963  :  Bacon's  Essays,  p.  p.  Reynolds.  —  Russell,  A  visite  to 
Chile.  —  Bôhm-Bawerk,  Capital  and  interest.  —  Walford,  William 
Pitt,  a  biography  (manque  de  soin).  —  Alexandrenko,  Angliiski  Taini 
soviet  i  ego  Istorya,  Chast  Vtoraya  1547-1649  (à  remarquer  surtout  la 
partie  qui  traite  des  relations  de  l'Angleterre  et  de  la  Russie  au  xvi^  siècle). 
—  The  éditions  of  Plutarch  (Galba  and  Otho,  p.  p.  Hardy;  Timoleon, 
p.  p.  Holden).  —  Prof.  Thorold  Rogers  and  prof.  Sellar  (tous  deux 
morts  le  12  octobre).  —  Ogams  and  Runes  in  Mann  (Browne).  —  Ju- 
nius' transcripts  of  Old-English  texts.  —  The  etymoi.  of  «  blunt  ».  — 
Hoskier's  ms.  of  the  Gospels.  —  Poetry  and  science  in  folk-lore,  — 
Are  there  any  traces  of  Babylonian  or  Assyian  names  in  Pâli  litera- 
ture?  (Morris).  —  Burmese  coins  and  currency,  II  (Temple), 

—  No  964  :  Salt,  The  life  of  Thoreau;  Thoreau,  Anti-slavery  and  re- 
form  papers,  p.  p.  Salt.  —  Ashton,  Social  England  under  the  Regency 
(compilation  qui  n'est  pas  sans  intérêt).  —  Sir  S.  W.  Baker,  Wild  beasts 
and  their  ways.  —  Some  modem  Greek  books  (Psichari,  Essais  de 
gramm.  hist.  néo-grecque;  etc.).  —  Sir  Richard  Burton  (not.  nécroL). 


Jérusalem  in  the  tablets  of  Tel-el-Amarna  (Sayce).  —  The  apology  of 
Aristides  (Robinson).  — Junius'  transcripts  of  Old-English  texts  (Swect). 

—  Cockney  (Chance).  —  Bacon  and  Wotton.  —  The  dérivation  of  Yes 
Tor.  —  The  v<  pound  and  flesh  »  story.  —  Notes  on  Pâli  and  Prâkrit 
(Giierson).  —  Burmese  leaden  coins  (Nicholson). 

—  N"  965  :  A.  Lang,  Lite,  lelters  and  diaries  of  sir  Stafford  Norihcote 
first  earl  of  Iddesleigh.  —  Thornton,  The  Stuart  dynasty,  short  studies 
of  its  rise,  course  and  early  exile.  —  Hare.  North-Eastern  France; 
South-Eastern  France;  South  Eastern  France.  —  Stockton,  Ting-a- 
Ling  taies.  —  Sir  Richard  Burton,  II  (not.  nécrol.).  —  M.  Stanley  at 
Cambridge.  — The  quarrei  between  Turgeniev  and  Tolstoi  (Ch.  Johns- 
ton).  —  a  As  just  as  a  squire  »  (W.  Skeat).  —  11  semplice  Lombardo, 
Purg.  XVI  (Toynbee).  —  The  etym.  of  Hyperion  (Hooerfield).  —  Some 
books  on  assyriology  (Pinches,  Babyl.  and  Assyrian  cylinder-seals  and 
signets  in  the  poss,  of  Sir  Henry  Peeîc;  Tallqvist,  Die  Sprache  der  Con- 
tracte Nabu-naids  ;  Peiser,  jurisprudentiae  babylonicae  quae  supersunt). 

—  Pétrie,  Kahun,  Gurob  and  Hawara. 

—  No  966  :  Gladstone,  Landmarks  of  Homeric  study.  —  Hutton, 
Cardinal  Newman.  —  Jaeger,  The  life  of  Hendrik  Ibsen.  —  Yacoub 
Artin  Pasha,  L'instr.  publ.  en  Egypte  (cf.  Revue,  n°  19).  —  AI.  J.  Ellis 
(not.  nécrol.)  —  The  hero  of  the  Chaldean  epic.  (Sayce).  — The  lan- 
guage  of  the  Micmac  Indians,  the  word  «  toboggan  »  (Skeai).  —  Ogams 
and  runes  in  Man  (Kermode), — W.Wright.  Lectures  on  the  comparative 
Grammar  of  the  Semitic  languages.  —  Contrib.  to  Pâli  lexicopraphy, 
I  Vani.  IL  Karoti  (Morris).  —  Récent  additions  to  the  South  Kensing- 
ton  Muséum.  —  Burmese  coins  and  currency,  III  (Temple). 

—  N»  967  :  Lecky,  Hist.  of  England  in  the  XVIII  century,  vol.  VII 
and  VIII  (!'='■  art.).  —  W.  G.  Barttelot,  The  life  of  Edm.  Margr. 
Barttelot;  Ward,  Five  years  with  the  Congo  (Cannibalsi.  —  Watkins, 
Modem  criticism  considered  in  its  relation  to  the  Fourth  Gospel.  — 
Shakspere,  p.  p.  Irving,  and  Marshall,  VIII.  —  Proposed  emend.  in 
Harl.  ms.  2252  (Sommer).  —  Norfolk  Manor  Court  Rolls  (the  Barwick 
mss.) .  —  Bacon's  Essays. —  Cockney.  —  The  inscr,  of  Toramâna  Shâha 
(Cunningham). 

Gœttingische  gelehrle  Anî^eigen,  n»  16  :  Die  Trierer  Ada  Handschrift. 
(art.  de  Springer).  —  Aeltere  Universitiitsmatrikeln,  I.  Frankfurt.  II, 
Rostock. —  AcHELis,  Die  Entwickel.  der  modernen  Ethnologie  (esquisse 
un  peu  fragmentaire,  mais  méritoire). 

—  N°  17  :  W.  Meyer,  Die  lateinische  Sprache  in  den  romanischen 
Landern  (fait  partie  du  «  Grundriss  der  roman.  Philol.  »  de  Grôber; 
l'auteur  de  l'article,  Em.  Seelmann,  fait  à  W.  Meyer  de  nombreux  et 
graves  reproches;  «  le  cas  de  Meyer-Lubke  est  un  symptôme;  on  ne 
considère  plus  la  qualité,  l'indépendance  et  la  profondeur  du  travail, 
mais  la  masse,  la  diversité,  la  rapidité  de  la  fabrication.  On  identifie  un 
vaste  champ  de  travail  avec  un  vaste  point  de  vue,  une  compilation  con- 
fuse avec  une  parfaite  connaissance  des  matériaux,  des  affirmations  har- 
dies avec  des  recherches  étonnamment  exactes,  un  tâtonnement  super- 
ficiel avec  Pœuvre  d'un  maître»).  — Nauck,  Tragicorum  graecorum 
fragmenta,  2*^  éd.  (Crusius). 

—  No  18  :  Gussfeldt,  Die  Erziehung  der  deutschen  Jugend  (De  La- 
garde). 

—  N°  19  :  Joh.  Schmidt,  Die  Pluralbild.  der  indogerm.  Neutra 
(Johansson  :  fera  époque  et  aura  l'influence  la  plus  piofonde;  sagacité, 
érudition,  argumentation  pénétrante  et  fondée  sur  les  faits,  méthode 
scientifique,  tout  élevé  cet  ouvrage,  très  intéressant  et  instructif,  au- 
dessus  de  toute  louange;  cf.  Revue,  1889,  n°  33). 


LIX3RAIRIE   DE   L'ART 

29,  Cité  d'Antin,  PARIS 

BIBLIOTHÈQUE  INTERNATIONALE  DE  L'ART 

PLBLIÉK    SOUS   LA    DIRECTION    DE 

M.  Eugène  MUNTZ 
Conservateur    de    l'Ecole    des    Beaux-Arts. 


VIENT  DE  PARAITRE 


LES 

(lORRESPO^OÂMS  m  lllCHEl'AXGE 

I.  —  SEBASTIANO  DEL  PIOMBO 

Texte  italien  publié  pour  la  première  fois  par  le  commandeur 
Gaetano  Milanesi,  surintendant  des  archives  de  Florence,  avec  tra- 
duction française  par  le  docteur  A.  Le  Pileur  et  une  introduction 
de    M.   Eugène   Miintz. 

Prix  :  bioché...  = 20  fr. 

Relié  fers  spéciaux c...         2  5  fr. 

2  5  exemplaires  sur  papier  de  Hollande  numérotés.  .  .        40  fr, 

DANS   LA  MÊME   BIBLIOTHÈQUE 


LES  ARCHIVES  DES  ARTS 

Recueil  de  documents  inédits  ou  peu  connus. 
PREMIÈRE  SÉRIE,  par  Eugèue  MUNTZ 

Prix  broché 12  fr. 

i5  exemplaires  sur  papier  de  Hollande 24  fr. 

Ouvrage    honoré   d'une   souscription    du    Ministère    de   Tlnstruction 
publique  et  des  Beaux-Arts, 


Le  Puy    imprimerie  Marchessou  flis,  boulevard  Saint-Laurant,  23. 


i 


N°  49  Vingt-quatrième  année      8  décembre  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

R  E  C  U   E  1  I-      H  E  IJ  D  O  M  A  D  A  I  K  E 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  2  5  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ    ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE      DES     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC, 

28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concerna^it  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire ),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


EKNESr  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

LES    RUINES    KHMÈKES 

CAMBODGE       ET      SIAM 

Documents   complémentaires    d'architecture,    de   sculpture 

et  de  céramique 

PAR  L.  FOURNEREAU 

Arcliitecte,    chargé    d'une    mission    archéologique    par    le    Ministère 

de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts. 

Album  de  1 10  planches  in-4,  en  un  carton  artistique.     .     .     3o  fr. 

Cet  ouvrage  fait  suite  a  : 

LES    RUINES    D'ANGKOR 

Etude  historique  et  artistique 

sur  les  monuments  Khmers  du  Cambodge  Siamois 

par  Lucien  Fournereau 

et  Jacques  Porcher 

Un  beau   volume  in-4,  comprenant  un  texte  richement  illustré  de 

vues,  de  types,   de  sites,  de   monuments,  une  carte  et    loi  planches. 

En  un  carton   i  rtistique 5o  fr. 


PERIODIQUES 

Romania,  octobre  1890  :  S.  Berger,  Nouv.  rech.  sur  les  bibles  pro- 
venç.  et  catalanes.  —G.  Paris,  La  Chanson  d'Antioche  prov,  et  la  Gran 
Conquista  de  Ultramar  (suite).  —  Mélanges  :  Le  suffixe  ise  :=  itia  (Mu- 
ret) ;  A  propos  d^estaler  (Loth);  Gormond  et  Hasting  (Loth);  Fragm, 
d'un  lai  inédit  d'Arnoul  Greban  (Picot).  —  Comptes-rendus  :  Langlois, 
Not.  des  mss.  franc,  et  prov.  de  Rome.  —  Le  lai  de  TOmbre,  p,  p. 
BÉDiER  (travail  d'un  critique  lin,  d^un  éditeur  attentif,  d^un  grammairien 
instruit). 

Revue  de  Belgique,  i5  nov.  :  Duchesne,  La  Société  liégeoise  de  littéra- 
ture wallonne  et  son  œuvre.  —  Vanlair,  La  naupathie.  —  Norga,  A 
propos  de  la  revision  de  la  constitution.  —  Essais  et  Notices  :  Defré- 
CHEUX,  Vocabulaire  de  noms  wallons  d'animaux,  2^  éd. 

Bulletin  international  de  r Académie  des  sciences  de  Cracovie,  octobre  1890  : 
Pawlicki,  Hist.  de  la  philosophie  grecque  depuis  Thaïes  jusqu'à  la  mort 
d\Aristote,  I  (finit  avec  le  tableau  des  écoles  socratiques).  —  Krzyzano- 
wsKi,  Das  Urkundenwesen  u.  die  Kanzlei  Przemyslaw's  II  von  Gross- 
polen.  —  Comptes-rendus  de  la  commission  d'anthropologie,  Pulawski, 
Recherches  archéol.  en  PoJolie  russe;  Ossowski,  Excursion  paléo-ethn. 
en  Galicie;  Neym.an,  Not.  archéol.  sur  la  Podolie;  Hryncewicz,  Caract. 
phys.  du  peuple  ukrainien,  etc. 

The  Academy,  n»  968  :  Dollinger,  Studies  in  European  history,  transi. 

—  Mackail.  Select  epigrams  from  the  Greek  anthology.  —  Lightfoot, 
Leaders  in  the  Northern  church,  sermons  preached  in  the  diocèse  of 
Durham  («  a  valuable  contribution  to  church  history  «)  ef  Ordination 
addresses  and  counsels  to  clergy.  —  Trotter,  Warren  Hastings  (bon 
i-écit).  —  The  orders  of  letters  in  the  Runic  futhork.  (Skeat).  —  Cross 
and  crosier  (Mayhew).  —  The  Memorials  of  St  Edmundsbury.  —  Ba- 
con's  Essays.  — "Brugmann,  Grundriss  der  vgl.  Gramm.  der  indogerm. 
Sprachen,  11.  (Sayce  :  «  a  monument  of  labour,  sobriety  and  research  »). 

—  The  American  Oriental  Society.  —  Some  words  in  the  Asoka  ins- 
cription (Morris). 

The  Athenaeum,  n^  3286  :  Mireio,  a  Provensal  poem,  transi,  by  Pres- 
jON.  —  Smith  and  Shortt,  The  history  of  the  parish  of  Ribchester.  — 
HuTTON,  Cardinal  Newman.  -  Ethé,  Catal.  ot  the  Persian  mss.  in  the 
Bodleian  library  (cf.  Revue  n°  42)  —  Thorold  Rogers  (not.  nécrol.).  — 
Thackeray's  marriage.  —  Roth,  The  Aborigines  of  Tasmania.  —  Sacred 
stones  (A.  Lang  et  Stevenson).  —  A  new  variorum  édition  of  Shakes- 
peare p.  p.  Furness,  VIII,  As  you  like  it. 

—  N"  3287  :  Sir  Samuel  Baker,  Wildbeasts  and  theirways.  —  Memoirs 
of  the  extraordinary  military  career  of  John  Shipp.  —  De  Maulde  La 
Clavière,  Hist.  de  Louis  X1I(«  a  iruly  fine  picture  »).  — JuNKER,Travels        l 
in  Africa  1875-1878,  transi,  by  Ke.ane.  —  Sir  Richard  Burton.  —  The        1 
Pétrie  papyri,  the  acts  of  a  Greek  probate  court  in  the  Fayoum.  —  The         ■ 
Bombav  branch  of  the  Asiatic  Society. —  HowelTs  letters.  —  Transcripts 

in  the  Public  Record  Office.  —  The  next  Oriental  Congress.  — Notes 
from  Athens  (Lambros). 

—  N»  3288  :  Lang,  Life,  letters  and  diaries  of  sir  Stafford  Northcote, 
first  Earl  ol  Iddesleigh.  —  General  Booth,  In  Darkest  England  and  the 
way  out  —  F.  Ch.  Gooch,  Face  to  face  wiih  the  Mexicans  —  Jacobs, 
English  fairy  taies —  H.  Lewis,  The  ancient  laws  of  Wales  —  Addison's 
Spectator  mss.  —  Howell's  «  Familial  Letters  ».  —  The  predecessors 
of  the  Service  Book.  —  The  Dict.  of  Nat.  Biogr.  (art.  de  Lobb  à  Lowe). 
—  The  next  Oriental  Congress  (Cust).  —  Mr  Mudie.  — •  La  collection 
Spitzer,  antiquité,  moyen-âge.  Renaissance,  L  —  Gozzi,  Memoiis, 
transi,  by  Symonds. 


—  N°  3289  :  The  Journal  of  Sir  Walter  Scott  from  the  orig.  ms.  at 
Abbotsford.  —  Pallain,  Le  min.  de  Talleyrand  sous  le  Directoire. 
—  Smith,  Hist.  of  Longridge  and  district.  —  A  counter  reply.  —  The 
next  Oriental  Congress  —  A.  J.  Ellis  (not.  nécrol.).  —  Dict.  of  Nat. 
Biogr    (art.  de  Lowenthal  à  Lyveden).  —  Thackeray's  marriage. 

—  No  3290  :  Froude,  Lord  Beaconsfield.  —  Smalley,  London  let- 
ters.  —  Das  Testam.  von  Erasmus,  22  jan.  1  527,  p.  p.  Sieber  ;  Invent, 
iiber  die  Hinterlassenschaft  des  Erasmus,  22  juli  i5  36.  —  The  David 
Goxes  at  Birmingham. 

—  No  3291  :  Spalding,  SuvorofF.  —  Hughes,  A  history  of  the  Stan- 
ley Expédition  (Mounteney-Jephson,  Emin  Pasha;  W.  G.  Barttelot, 
The  life  of  E.  M.  Barttelot;  Ward,  Five  years  with  the  Congo  Canni- 
bals;  Troup,  With  Stanley's  rear  column).  —  The  lyrical  ballads  of 
i8oo.  —  A  source  of  the  Book  of  Tobil  (Bickell).  —  Conway,  Literary 
remains  of  A.  Durer. 

The  English  Historical  Review,  octobre  :  Maitland,  Northumbrian  tenu- 
res.  — CoLBY,  The  grow[h  of  oligarchy  in  English  towns.  —  Bent,  The 
English  in  the  Levant.  —  Speirs,  The  Salzburgers.  —  Lord  Acton,  Dôl- 
linger's  historical  work.  —  Notes  and  documents  :  Twelfth  century  notes 
(Round).  —  The  dates  of  the  Prerogativa  Régis  (Henderson).  —  The  mis- 
singms.  of  Eccleston'sChronicle  (Little).  —letterof  George  Hickes,  dean 
of  Worcester  (Firth).  —  The  influence  of  Alberoni  in  the  disgrâce  of  the 
Princes'  des  Ursins  (Armstrong).  — The  battle  of  Trafalgar  (Prothero). 
Reviens  o/books  :  Oman,  Hist.  of  Greece  ;  Plew,  Quellenunt.  zur  Gesch. 
des  Kaisers  Hadrian  ;  Sternfeld,  Karl  von  Anjou  als  Graf  der  Pro- 
vence; Thompson,  Edit.  ofChronicon  Galfridi  le  Baker  de  Swynebroke; 
Knuttel,  Catal.  van  Pamfletten-verzam.  ;  Bretschneider  ,  Médiéval 
researches  from  Eastern  Asiatic  sources;  Pirenne,  Hist.  de  la  const. 
de  Dinant;  Pastor,  Gesch.  der  pâpste,  H;  The  Dict  of  nat.  Biogr. 
1-XXII  ;  Macray,  Ed.  of  Clarendon's  Hist.  of  the  Rébellion;  Lebon, 
Rec.  des  instr.  aux  amb.  de  France,  Bavière;  Moses,  The  fédéral  go- 
vernment  of  Switzerland;  Monro,  Constit.  of  Canada;  Bourinot, 
Fédéral  government  of  Canada  ;  Mcevoy  and  Ashley,  The  Ontario 
township;  Surcouf,  Robert  Surcouf;  Welschinger,  Le  divorce  de 
Napoléon. 

Gœttingische  gelehrte  Anzeigen,  n»  20  :  Hist.  litt.  de  la  France,  tome 
XXX.  Suite  du  xiv^  siècle  (Zimmer  :  long  art.  contre  le  travail  de  M. 
G.  Paris,  sur  les  romans  en  vers  du  cycle  de  la  Table  Ronde). 

—  N°  21  :  Matzat,  Rom.  Zeitrechn.  fur  die  Jahre  219-1.  —  Lands- 
BERG,  Die  Quaest.  des  Azo.  —  Lang,  Musik  zu  Sophokles'  Antigone.  — 
HiRscHFELD,  Untcrs.  zur  Lokasenna.  —  Beitr,  zur  Gesch.  der  Saldria 
(important  pour  l'hist.  de  la  pédagogie). 

—  N^  22  :  SpRiNGER,  Forsch.  auf  dem  Geb.  der  Gesch,  der  Miniatur- 
malerei  ;  Tikkanen,  Die  Genesismosaiken  von  S.  Marco  in  Venedig.  — 
Von  ScALA,  Die  Studien  des  Polybios  1  (cp.  Revue,  n»  38). 

Literarisches  Centralblatt,  n°  44  :  Delitzsch,  Messian.  Weissag.  in  ges- 
chichtl.  Folge.  —  Chantepie  de  la  Saussaye,  Lehrb.  der  Religionsgesch. 
IL  —  Spiegler,  Gesch.  der  philos,  des  Judentums  (manque  de  modes- 
tie, de  simplicité  et  de  véracité).  —  Venet.  Depeschen  vom  Kaiserhofe, 
I.  —  Zeissberg,  Quellen  zur  Gesch.  der  Politik  Oesterreichs,  III.  — 
MoRLEY,  Walpole  (intéressant).  —  Kennan,  Sibirien.  —  Kleinpaul, 
Die  Ratsel  der  Sprache  (causerie  spirituelle  d'un  dilettante).  —  Delitzsch, 
Assyr.  Wôrterbuch.  III.  —  Aeli  Dionysii  et  Pausaniae  atticistarum 
fragm.  p.  p.  Schwabe  (bon),  —  Reuling,  Die  komische  Figur  in  den 
wichtigsten  deutschen  Dramen  bis  zum  Ende  des  XVII  Jahrh.  (Fauteur 


a  encore  bien  des  choses  à  apprendre,  mais  il  a  parfois  des  jugements 
indépendants  et  justes).  —  Lessing,  Minna  (publié  dar  un  descendant 
de  Tauteur).  —  Hôlder,  Die  rom.  Thongefasser  der  Altertumssamml. 
in  Rottweil.  —  Janitschek,  Gesch.  der  deutschen  Malerei  (très  soigné, 
très  étudié,  et  des  jugements  originaux), 

—  No  45  :  Peter,  DieAltercatioSimonis  Judaei  etTheophili  Christiani. 

—  PrI'Ssel,  Die  Zerstreuung  des  Volkes  Israël,  4  u.  5.  —  Zwiedineck- 
SuDENHORST,  Dcutsche  Gesch.  I  Vom  westph.  Frieden  bis  ziim  Tode 
des  grossen  Kurfûrsten.  (Rien  de  nouveau).  —  Low,  Ges.  Schriften.  — 
HoRSTMANN,  Die  Frauzoseu  in  Saarbrûcken. —  Dreih.  Bildn.  u  Lebens- 
abr,  beriihmter  deutscher  Mànner  p.  p.  Gaedertz.  —  Rust,  Die  deuts- 
che  Emin-Pascha  Expédition.  —  Rossbach  u.  Westphal,  Théorie 
der  mus.  Kunste  der  Hellenen  III,  2.  —  Xenophontis  hist.  graeca, 
p.  p.  O.  Keller  (bon,  mais  il  y  a  encore  beaucoup  à  faire).  —  Engel- 
MANN,  Bilder-Atlas  zum  Homer;  zu  Ovid's  Métamorphoses.  —  P. 
Herrmann,  das  Griiberfeld  von  Marion  (cp.  Revue ^  1889,  n^  i5). 

—  N**  46  :  Vernes,  Les  résultats  de  l'exégèse  biblique  (à  lire  malgré  son 
radicalisme).  —  Bâcher,  Die  Agada  der  Tannaiten,  II.  —  Lassuritz, 
Gesch.  der  Atomistik  (manqué  dans  Tessentiel,  malgré  une  application 
recommandable  et  la  grande  quantité  des  documents).  —  Ihne,  Rom. 
Gesch.  VII  u.  VI II.  —  David  Gans'  chronik.  Weltgesch.  iibertr.  von 
Klemperer,  p.  p.  Grûmvold.  —  WicHMANN,  Dcukw.  aus  dem  ersten 
deutschen  Parlament.  —  Rausch  von  Tuaubenberg,  Hauptverkehrswege 
nach  Persien.  —  Schrumpf,  A  first  Aryan  reader  (cf.  Revue,  n»  38).  — 
Herodot's  zweites  Buch,  p.  p.  Wiedemann  (bon).  —  Canaburzae  mag.  ad 
principem  Aeni  et  Samothraces  in  Dion.  Halic.  comment,  p.  p.  Leh- 
NERDT.  —  ScHûNBACH,  Ucber  eiuc  Grazer-Handschrift  lat.  deutscher 
Pred.  —  Schubert,   Herodot's  Darstell.  der  Cyrussage  (très  instructif). 

—  WiLKE,  Diesterweg  u.  die  Lehrerbildung. 

—  N°  47  :  Driver,  Notes  on  the  Hebrew  text  of  the  books  Samuel.  — 
Egelhaaf,  Grundz,  der  Gesch.  (bon  manuel).  — Hoefer,  Konon,  Text 
u.  Quellenunt.  —  Gurti,  Die  Sprachschopfung  («  macht  den  Eindruck 
eines  denkenden  Laien  »).  —  Deraosthenes'  Rede  fur  die  Megalopoli- 
ten,  griech.  u.  deutsch,  p.  p.  Fox  (à  saluer  avec  joie).  —  Moore,  Con- 
trib.  to  the  textual  criticism  of  the  Divina  Commedia  (très  estimable). 

—  Carmina  Norrœna,  p.  p.  Wisen,  II,  glossarium.  —  Heinemann 
(O.  v.),  Die  Hss.  der  herz.  Bibliothek  zu  Wolfenbiittel,  II,  Die  Augusteis- 
chen  mss.  —  Gnapheus,  Acolastus,  p.  p.  Bolte  (i''''  fasc.  d'une  nouvelle 
collection  qui  sera  accueillie  avec  intérêt).  —  Ed.  Hoffmann,  Der  mun- 
dartl.  Vocalismus  von  Basel-Stadt.  —  Neuwirth,  Die  Wochenrechn.  u. 
der  Betrieb  des  Prager  Dombaues  1 372-1 378. 

—  N"  48  :  Kabisch,  Das  vierte  Buch  Esra.  —  Wolf,  Der  Augsb. 
Religionsfriede  (soigné).  —  Grunhagen,  Schlesien  unter  Friedrich  II, 
I,  1740-1756.  (Très  original  et  instructif).  —  Wenck,  Deutschland  vor 
hundert  Jahren,  II.  (Sera  le  bienvenu).  —  Chatzidakis,  Die  griech. 
Schriftsprache  (en  grec;  très  suggestif).  —  Meyer-Lûbke,  Italien. 
Gramm.  (de  très  grands  mérites).  —  Wendriner,  Die  paduan.  Mundart 
bei  Ruzante  (fait  avec  méthode).  —  Braune,  Abriss  der  ahd.  Gramm. 
(très  bon).  —  Rigal,  Alex.  Hardy  (monographie  vaste  et  détaillée).  — 
Birlinger,  Rechtsrheinisches  Alamannien,  Grenzen,  Sprache,  Eigenart. 
(de  nombreux  matériaux.)  —  Kopecky,  Die  attischen  Trieren  (fort  soi- 
gné). —  Kekulé,  Die  Bronze-statue  des  sogen.  Idolino. 


LePuy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent    28. 


N°  50  Vingt-quatrième  année    15  décembre  1890 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      PIEBDOMADAIKE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an^  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  25  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des   langues    orientales  vivantes,    etc, 
28,      RUE    BONAPARTE,      28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  im  compte-rendu. 


EUNEST  LEHOUX,   EDlTEtlR,   RETE^  HO NA PARTE",  28^. 

OTTO  RIBBECK 

HISTOIRE   DE   LA    POÉSIE    LATINE 

Jusqu'à    la    fin    de    la    République 

traduite 

par  E.  DROZ,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Besançon 

et  ALBERT  KONTZ,  professeur  au  Lycée  Victor  Hugo, 

chargé  d'un  cours  à  la  Faculté  des  Lettres 

de  Besançon. 

Un  volume  in-8 c 7  fr.  5o 

BIBLIOTHÈQUE   ORIENTALE  ELZÉYIRIENNE 

Tome  LXV 

LES  ANTIQUITÉS  SÉMITIQUES 

Par  Ch.  CLERMONT-GANNEAU 

Membre  de  P Institut,  professeur  au  collège  de  France. 

Un  volume  in-i8 2  fr.   5o 


PERIODIQUES 

Philologische  Wochenschrift,  n°44:  Sternbach,  Anthol.  Planud.  appendix 
Barberino-Vaticana.  —  The  satires  and  epistles  of  Horace,  p.  p.  Grée- 
NOUGH  (élémentaire).  —  Corn.  Nepotis  Vitae,  p.  p.  Gitlbauer,  3«  éd.  — 
Titi  Livi,  lib.  VIII,  p.  p.  Luterbacher.  —  Meister,  Diegriech.  Dialecte 
aut'Grundl.  von  Ahrens' Werk(i"art).  — Pizzi,Firdusi  (ct'.i^ewie,  n»  i5). 

—  N°  45  :  Zu  den  orph.  Fragm.  zu  den  Sibyllin.  Orakeln  (Ludwich). 
—  Wetssenborn,  Achilleis  u.  llias  (bon).  —  Gôttsching,  Apollonius  von 
Tyana  (fait  avec  soin  et  réflexion).  —  De  finibus,  p.  p.  Giambelli; 
p.  Nemethy.  —  Kronenberg,  Minuciana  sive  annot.  crit.  in  Min.  Fel. 
Octavium;  Synnenberg,  Observ.  crit.  in  Octavium  (art.  de  Dombart 
qui  loue  ces  deux  travaux).  —  Neckel,  Das  Ekkyklema  (méritoire).  — 

Meister,  Die  griech.  Dial.  (2^  art.) Krebs,  Zur  Rection  der  Gasus  in 

der  spat.  histor.  Gracitât. 

—  N°46:  Rép.  de  Dumon  à  Dôrpfeld. —  ŒdipusCol.,  p.  p.Wecklein 
(méritoire).  — Wii.son,  On  the  interpret.  of  Plato's  Timaeus.  —  Simson, 
Der  Begriff  der  Seele  bei  Plato  (diffus  et  présomptueux).  —  Hertz,  De 
Horatii  operum  exempl.  olim  Guyetano  (cf.  Revue,  n'  18).  —  Scribonii 
Largi  compos.  Marcelli  de  m.edic,  p.  p.  Helmreich.  —  Windelband, 
Gesch.  der  Philos,  i.  —  Martin  (Alb.),  Quomodo  Graeci  ac  peculiariter 
Athenienses  fasdera  publica  jurejurando  sanxerint.  —  Cuno,  Vorgesch. 
Roms,  II.  Die  Etrusker  u.  ihre  Spuren  im  Volk  u.  im  Staate  der 
Rumer  (n'est  pas  au  courant).  —  V.  Henry,  A  short  compar.  grammar 
of  Greek  and  Latin,  transi,  by  Elliott  (excellent,  à  la  fois  court  et 
scientifique).  — Meister,  Diegriech.  Dialecte  (2^  art.). 

—  N»  47  :  Wintzell,  Studia  Theocrita  (méritoire).  — Xenophontis 
comm.,  p.  p.  Gilbert.  —  Harris  and  Gifford,  The  acts  of  the  mar- 
tyrdom  of  Perpétua  and  Félicitas.  —  Poiret,  Horace  (cf.  Revue,  n°  5). 
Ovid,  Verwandl.  ûbcrs.  von  Dieckmann.  —  ThUssing,  De  temporum  et 
modorum  in  enuntiatis  pendentibus  apud  Plinium.  —  Monceaux,  Les 
proxénies  grecques  (rien  de  nouveau).  —  Lehner,  Dieathen.  Schatzverz. 
des  IV  Jahrh  (résultats  problématiques).  —  Meister,  Die  Griech.  Dial. 
auf  Grundl.  von  Ahrens'Werk  (2"  art.) —  Wendt,  Griech.  Schulgramm. 

— N"  48  :  Lanckoronski,  Stadte  Pamphiliens  u.  Pisidiens,  I  (i"art.). 

—  Odyssée,  p.  p.  Ameis,  I,  2,  8*^  éd.,  II,  2,  7^  éd. —  Anhang  zu  Homers 
Odyssée,  p.  p.  Ameis,  II,  3^  éd.,  p.  p.  Hentze.  —  Scholia  in  Odysseae 
a  238-3o9,  p.  p.  Ludwich,  —  J.  A.  Simon,  Xenophon-Studien,  II.  — 
Ipfelkofer,  Die  Rhetorik  des  Anaximenes  unter  den  Werken  des  Aris- 
toteles  (méritoires  et  méthodiques  recherches).  —  Campaux,  De  la  crit. 
du  texte  d'Horace  (rien  de  nouveau).  —  Germania,  p.  p.  Schweizer- 
Sidler,  5'^  éd.  —  Benesch,  De  casuum  obliq.  apud  Justinum  usu.  — 
Oehmichen,  Das  Bûhnenwesen  der  Griechen  u.  Rômer  fà  critiquer  sur 
nombre  de  points).  —  Schneider,  Die  alten  Heer-und  Handelwege  der 
Germanen,  Rômer  u.  Franken  im  deutschen  Reiche,  7-9  ;  Rômerstr. 
im  Reg.  Aachen;  Die  Via  Aurélia. 

Deutsche  Rundschau,  novembre  :  Du  Bois-Reymond,  Naturwiss.  u.  bil- 
dende  Kunst.  —  Haeckel,  Alger.  Erinner  (fin).  —  von  Liliencron,  Das 
deutsche  Drama  im  XVi  Jahrh.  v.  Prinz  Hamlet  aus  Danemark.  — 
Albrecht,  Wohn.  fiir  die  Armen,  I.  —  Frey,  Gottfried  Keller,  das 
letzte  Jahr.  —  Erinner.  aus  der  Franzosenzeit. —  Paul  Hevses'  italien. 
Dichler  (P.  D.  Fischer). 

Décembre  :  Schneider,  Dasneue  italien.  Strafgesetzbuch.  —Albrecht, 
Wohn.  fur  die  Armen,  II.  — Krummel,  Ein  Tag  auf  Ascension.  —  Der 
Sturz  Robespierre's.  —  Robert-tornow,  der  Sammler  u.  die  Seinigen. 
Wachs,  Die  Etappenstr.  von  England  nach  Indien.  —  Ed.  Bendemann. 

—  Naudé,  Koser's  Friedrich  der  Grosse. 


ALFRED  MAME  ET  FILS,  ÉDITEURS  A  TOURS 


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TRAGÉDIE     CHRÉTIENNE     EN   CINQ    ACTES 
PAR  PIERRE  CORNEILLE 


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l'Institut,  et  des  éclaircissements  par  MM.  Paul  Allard,  Edouard  Garmer  et 
Léon  Legrand. 

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Orné  d'un  portrait  de  Corneille  gravé  par  Burkey,  et  de  cinq  eaux-fortes,  d'après  les 
compositions  d'ALBERT  Maignan,  gravées  par  Boilvin,  Bracquemond,  Le  Coûteux 
et  Waltxer.  —  Frises,  lettres  ornées  et  culs-de-lampe  dans  le  style  du, xvii« siècle 
par  Léon  Leniept.  —  Nombreuses  gravures  sur  bois  dans  le  texte  des  Éclaircisse- 
ments par  LÉON  Rousseau,  d'après  les  dessins  d'ÉoouARD  Garnier. 

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par  Méauile,  d'après  les  dessins  de  M.  Andriolli,  Joseph  Blanc,  Barrias,  de  Curzon, 
Edouard,  Frémiet,  Hanoteau,  Jourdain,  J. -P.  Laurens,  Le  Blant,  Laminais,  Albert 
Maignan,  Maillard,  Martin,  Rochegrosse,  Zier. 

SAINT   LOUIS 

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SAINTE  ELISABETH  DE  HONGRIE 

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chromolithographie,  de  28  grandes  gravures  et  d'environ  i3o  dessinsdans  le  texte. 

CH A  RLE  MAGNE 

Par  ALPHONSE  VÉTAULT 

Avec  une  introduction  par  Léon  Gautier  e.t  des  éclaircissements  par  i\L\L  Anatole 
de  Barthélémy,  G.  De.may,  A.  Longnon,  etc.  —  Ouvrage  couronné  en  1877  par 
l'Académie  française.  Grand  prix  Gobertde  10,000  francs.  —  Un  volume  petit  in-40, 
orné  de  deux  eaux-fortes,  d'une  chrnmolilhogiaphie,  de  i5  grandes  gravures  hors 
texte,  d'une  carte  de  l'empire  de  Charlemagde  et  d'environ  120  dessins  dans  le 
texte,  d'après  les  manuscrits  du  ix"  siècle. 

SAINT  MARTIN 

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texte,  2  fac-similé  et  environ  140  gravures  dans  le  texte, 

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Richement  cartonné  en  percaline,  ornements  en  noir  et  or,  tranche  dorée., .  20  » 

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PRIX     EXCEPTIONNELS. 


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L'Algérie,  histoire,  conquête  et  civili- 
sation, par  Gaffarel 


Ilios,  ville  et   pays    des    Troyens,    par 

ScHLIEMANN 

Egypte,  par  Ebers  traduction  Maspéro. 
2  vol.  en  1 *....... 


Dictionnaire  de  l'art,  curiosité.  Bibe- 
lot, par  Bosc 

Dictionnaire  du  Théâtre,  par  Pou- 
gin 

Durer,  par  Thausing 

Les  femmes  dans  la  société  chrétienne 
par  Dantier 

La  Comédie  û,  la  cour,  par  Julliex... 

Sainte-Bible,  par  l'abbé  Salmon,  illus- 
trations de  ScHNOR 

Architecture  (histoire  de  1'),  par  Le- 
SUEUR 

Grandes  Epouses,  par  de  Lescure.  . 

Mères  illustres,  Id 

Monde  enchanté  Id 

Tapis  Orientaux,  par  Lessing... 

Voyage  en  Orient,  par  Laborde 

Paris  Dilettante,  par  Jullien 

La  Chanson  populaire,  par  Weker- 
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Le  Puy,  typographie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N°  51  Vingt-quatrième  année    22  décembre  1890 

"revue  critique 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 
Directeur  :  A.  CHUQUET 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  2  5  fr. 

PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues    orientales   vivantes,    etc. 
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Adresser  les  coymnunications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compite-rendu. 

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LE  TRAITÉ  SUR  LES   SACRIFICES  FONG  ET  CHAN 

DE    SE-MA-T'SIEN  ,      traduit    en    français    par     Edouard 
Cha VANNES,   1 890 .    I  n-8 o * 4  fr. 

DICTIONNAIRE  DES  TERMES  DE  DROIT,  D'ÉCO- 
NOMIE POLITIQUE  ET  D^ ADMINISTRATION,  i885, 

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DICTIONNAIRE  DES  TERMES  D'ART  MILITAIRE,  DE 
MARINE  ET  D'HIPPOLOGIE,   1887.  In-8,  cartonné.     5  fr. 
Ces  deux  ouvrages  sont  publiés  par  la  Société  de  langue  française 

de  Tôkiô, 

L'ÉCOLE  PHILOSOPHIQUE  MODERNE  DE  LA 
CHINE  ou  système  de  la  nature  (Sing-Li),  par  G.  de  Harlez. 
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Petite  Bibliothèque  américaine  publiée  sous  la  direction 
de  M.  A.-L.  Pinart. 

I.  VOCABULARIO  CASTELLANO  CUNA,  par  A.-L.  Pi- 
nart, 1890.  In-i8,  carré 5  fr. 

II.  VOCABULARIO  CASTELLANO  DORASQUE  dialectos 
Chumulu,  Gualaca,  y  Ghanguina,  par  A.-L.  Pinart,  1890.  In-i8, 
carré 5  fr. 


PÉRIODIQUES 

Revue  des  études  grecques,  III,  n°io  :  Partie  administrative  .-Assem- 
blée générale  du  5  avril  :  Discours  de  M.  A.  CRorsET:  rapport  de 
M.  P.  Girard;  prix;  rapport  de  la  commission  administrative.  — 
Partie  littéraire  :  Michel  Bréal,  Graecia...  artes  intulit;  Sayce,  deux 
contrats  grecs  du  Fayoum  ;  G.  Costomiris,  les  écrits  inédits  des  anciens 
médecins  grecs  (2^  série)  ;  J.  Darmesteter,  Jacques  d'Edesse  et  Claude 
Ptolémée;  D.  Hesseling,  Istambol.  —  Notes  et  documeiits  :  A.  Hau- 
VETTE,  sur  un  passage  de  Thucydide  (1  41,  i);  Th.  Reinach,  noms 
méconnus,  V.  Porinos  ;  H.  Omont,  La  Paléographie  grecque  de  Mont- 
faucon  et  le  P.  Hardouin.  —  Chronique  :  Bulletin  épigraphique 
(B.  Haussoullier);  correspondance  grecque;  actes  de  l'Association; 
livres  offerts. 

—  N°  II.  Partie  littéraire  :  Gustave  Hirschfeld,  les  inscriptions  de 
Naucratis  et  l'histoire  de  Talphabet  ionien  ;  Ernest  Lacoste,  les  Polior- 
cétiques  d'Apollodore  de  Damas,  avec  une  préface  par  A.  de  Rochas  ; 
Paul  Tannery,  Etudes  sur  les  alchimistes  grecs,  Synésius  à  Dioscore  ; 
Lazare  Belléli,  Une  version  grecque  du  Pentateuque  du  xvi^  siècle.  — 
Notes  et  documents  :  Henri  Weu,,  Fragment  iambique  inédit  rapporté 
par  M.  Sayce;  Théod.  Reinach,  Sur  Aristote,  Poét.  18;  Ch.-E.  Ruelle, 
Notes  sur  trois  manuscrits  parisiens  d'Hermias  scholies  pour  le  Phèdre 
de  Platon).  —  Chronique.  Bulletin  archéologique  (T.  R.)  ;  correspon- 
dance grecque  (D.  B.)  ;  nouvelles  diverses.  —  Bibliographie.  Comptes 
rendus. 

Bulletin  critique,  n°  23  :  Bonnet,  Narr.  de  mirac.  a  Michaele  archangelo 
Chonis  patrato.  —  Labbé,  Synt.  latine.  —  Nohl,  Ciceronis  orat.  sel.  — 
Public,  récentes  sur  Jeanne  d'Arc.  —  Dejob,  M"'^  de  Staël  et  l'Italie. 

The  Academy,  n°  969  :  Mahaffy,  The  Greek  world  under  Roman 
sway,  from  Polybius  to  Plutarch  —  SpALDiNG,  Suvoroff  —  Some  foreign 
books  (Le  Breton,  Le  roman  au  xvii^  s.;  Pellissier,  Le  mouv.  litt.  au 
xix'^  s.  ;  Bonet-Maury,  Burger).  —  Cathedral  (Freeman).  —  The  order 
of  the  letters  in  the  Runic  futhork  (Taylor).  —  The  treasury  of  Rham- 
psinit.  (Clouston.)  —  The  source  of  a  Chaucer  simile.—  Norfolk  manor 
court  rolls  —  Arist.  Ethica  Nicomachea.  p.  p.  Bywater.  —  A  new 
Babylonian  version  of  the  création  story  (Pinches).  —  Maspero,  Lectu- 
res historiques,  Egypte,  Assyrie. 

The  Athenaeum,  n°  8292  :  Gladstone,  Landmarks  of  Homeric  study  — 
Sir  Edward  Hamley,  The  war  in  the  Crimea  —  Gardiner,  A  student's 
history  of  England,  from  the  earliest  times  to  i885  —  Ars.  Darmeste- 
ter, Reliques  scientifiques;  Dict.  gén.  de  la  langue  française.  —  Tho- 
mas M  un.  —  A  source  of  the  Book  of  Tobit.  —  Conway,  Literary 
remains  of  A.  Durer  (2"=  art.) 

Literarisches  Centralblalt,  n°  49  :  Vogelstein,  Der  Kampf  zwischen 
Priestern  u.  Leviten  seit  den  Tagen  Ezechiel's — PREGER,Verf.  der  franz. 
Waldenser  —  Krebs,  Die  polit.  Publicistik  der  Jesuiten  u.  ihrer  Gegner 
vor  dem  dreissigjâhr.  Krieg.  —  J.  Darmesteter,  Chants  popul.  des 
Afghans  (à  recommander  à  tous  les  amis  du  folklore  et  de  la  poésie  popu- 
laire). —  Sandys,  Demosthenes,  The  speech  against  the  law  of  Leptincs. 

—  Maximiani  elegiae,  p.  p.  Petschenig.  —  Grimm,  Deutsche  Gramm. 
III,  p.  p.  Roethe  et  Schrôder.  —  Rensch,  J.  E.  Schlegel.  —  Litzmann, 
Schrôder.  (bon.)  —  Katalan.  Troubadours  der  Gegeriwart,  verd.  von 
Fastenrath.  —  MuRR,  Die  Pflanzenwelt  in  der  griech.  Mythol.  (Soigné.) 

—  Baumann,  Einftihr.  in  die  Padagogik. 

Deutsche  Literaturzeitung,  no  44  :  Gore,  Lux  mundi  —  Bibl.  Indica,  a 
coll.   of  Oriental  works,   published  by  the  Asiatic  History  of  Bengal. 


—  Lucian,  p.  p.  Sommerbrodt,  I,  1-2.  (Méritoire.)  —  Fisch,  Die  latein. 
nom.  person.  auf  o,  onis  (bon).  —  Canti  popol.  del  Piemonte  p.  p. 
NiGRA  —  Sdralek,  Die  Streitschr.  Altmanns  v.  Passau  u.  Wezilos  v. 
Mainz  (Source  de  premier  rang  pour  l'hist.  de  la  querelle  des  investi- 
tures). —  BiscHOFF,  Schupp.  —  Die  ôsterr.  ung.  Monarchie  in  Wort  u. 
Bild,  8i-iio.  —  Katal.  des  baier.  Nalionalmuseums,  V.,  i.  Roman. 
Altertûmer,  von  Hugo  Graf. 

—  No  45  :  Handmann,  Das  Hebraerevangelium.  —  Froschhammer, 
die  Philos,  des  Thomas  von  Aquino;  Antoniades,  Die  Staatslehre  des 
Thomas.  —  Akadem.  Athandl.  til  prof.  dr.  Bugge  2  mai  1889  fra 
taknemmeiige  élever.  —  Thalheim,  Quaest.  Demosth.  —  Môller,  Zur 
ahd.  Alliterationspoesie.  (Important  et  indépendant.)  —  Cauer,  Parteien 
u.  Politiker  in  Megara  u.  Athen,  (Attachant.)  —  Sybel,  Die  Begrûnd, 
des  deutschen  Reiches,  IV.  u,  V.  (Met  l'essentiel  en  relief.)  —  Hôlder, 
Die  rôm.  Tongefasse  der  Altertumssamml.  in  Rottweil. 

— N"  46  :  Neumann,  Der  rôm.  Stat  u.  die  allg.  Kirche  bis  auf  Diocle- 
tian.  I.  (Chef-d'œuvre.)  —  Genetz,  Suomen  partikkelimuodot. — 
SETâLà,  Les  explosives  du  suomi  (cf.  Revue,  n»  46,  p.  35  i).  —  Hart- 
MAN,   Anal.   Xenoph.    nova    (plus  faible  que  le  premier).  —  Schweiz. 

Schausp.  XVI  Jahrh.,  p.  p.  BacHxoLD  (sera  le  bienvenu).  —  Constans, 
Chrest.  de  l'anc.  français.  —  Stat.  pot.  comm.  Pistorii  1296  p.  p. 
Zdekauer.  —  Janssen,  Zeit-und  Lebensbilder,  4^  éd.  —  Jurien  de  la 
Gravière,  Anglais  et  Hollandais  dans  les  mers  polaires.  —  Oertmann, 
Die  fiducia  im  rôm.  Privatrecht  —  Hermann,  Noch  ein  Wort  ûber 
Mithio. 

—  N"  47  :  Kolde,  Luthers  Selbstmord,  eine  Geschichtsliige  Majun- 
kes.  —  Brugsch,  Relig.  u.  Mythol.  der  alten  Aegypter,  II,  —  W. 
ScHMiD,  Der  Atticismus  in  seinen  Hanptvertretern,  II,  6.  Aristides.  — 
RiBBECK,  Gesch.  der  rôm.  Dicht.  II.  August.  Zeitalter  (instructif  et 
important).  —  Vidal,  so  fo  el  temps  c^om  era  jays,  p.  p.  Cornicelius.  — 
Harrison,  Cromwell;  M.  Carrière,  Lebensbilder  (le  travail  de  Harrison 
est  le  meilleur  qu'on  ait  sur  Cromwell).  —  Neuwirth,  Die  Wochen- 
rechn.  u.  der  Betrieb  des  Prager  Dombaues  i  372-1378. 

—  N°  48  :  Delitzsch,  Messian.  Weissag.  —  Harris,  Biblical  fragments 
from  Mount  Sinaï.  — Korais,  Œuvres,  I-III.  —  Schônbach,  Walther 
von  der  Vogelweide.  (Bon.)  —  English  miracle  plays  moralities  and 
interludes,  p.  p.  Pollard.  —  v.  Uslar-Gleichen,  Beitr.  zu  einer  Fami- 
liengesch.  des  Uslar-Gleichen  ,  Reg.  zur  Familiengesch.  der  Alten.  — 
Egelhaaf,  Deutsche  Gesch.  im  XVI  Jahrh.  I,  i  517-1526  (travail  d'en- 
semble). —  Wachsmuth,  Athen  im  Altertum,  II.  (Mêmes  mérites  que 
dans  le  le^  volume.) 

—  N°  49  :  BoDEMANN,  Der  Briefw.  des  Leibniz  in  der  Bibl.zu  Hanno- 
ver.  —  The  Questions  of  King  Milinda,  transi,  from  the  pâli  by  Rhys- 
Davids.  —  Zimmermann,  Krit.  Unters.  zu  den  Posthom.  des  Quintus 
Smyrn.  (Dirigé  contre  Koechly.)  —  Hauréau,  Des  poèmes  latins  attri- 
bués à  S.  Bernard.  —  Kraus,  Jan  z  Michalovic.  —  Sigebotos  Vita  Pau- 
linae,  p.  p.  Mitzschke.  —  Schliephake,  Gesch.  von  Nassau,  forrg.  von 
Menzel,  VII  (tin  de  l'ouvrage).  —  Koldewey,  Die  antiken  Reste  der 
Insel  Lesbos  (très  précieux  matériaux  pour  l'histoire  des  villes  grecques). 

Das  Magazin  fiir  Litteratur,  n°  44  :  Grelling,  Die  Theater-Censur.  — 
Wildenbruch,  Die  Haubenlerche,  II.  — Goldmann,  Adam  Mûller. — 
Guttenbrunn.  — Max  Nordau,  Derlondoner  intern.  Litteraturcongress. 

—  Liter.  Chronik  (Sudermann).  —  Jules  Simon  ûber  den  nachslj. 
berliner  Congress.  —  Wiener  Theater.  —  Kraemer,  Sodoms  Ende, 
ein  tragicom.  Schauspiel.  —  01a  Hansson,  Ged.  in  prosa. 


LIBRAIRIE  VICTOR  PALMÉ,  RUEDES  SAINTS-PÈRES,  76,  A  PARIS 


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QAR  SCOTT,  BRUN,  LALANNE,  TOUSSAINT,  FRAIPONT,  ClAPPORI,  CAUSSIN,  DUBRÉ,  CHAPON, 

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DO  MONT  SAINT-MICHEL  A  LORIENT 


4°   PARTIE.   —  UN  VOLUME 

COTES     GASCONNES 

DE  LA  ROCHELLE  A  HENDAYE 


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DE  LORIENT  A  LA  ROCHELLE 


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N°  52  Vingt- quatrième  année    29  décembre  1890 

^  REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL      HEBDOMADAIRE 


Directeur  :  A.  CHUQUET 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.    —  Etranger,  2  5  fr. 


PARIS 


ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des   langues    orientales   vivantes,    etc. 
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Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  Rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement  et 
franco  par  la  poste  (et  non  par  commissionnaire),  les  livres  dont  ils 
désirent  un  compte-rendu. 


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Manuscrits  des  xv^  et  xvi^  siècles.  —  Plutarque  annoté  par  Rabe- 
lais. —  Plutarque  annoté  par  Racine.  —  Publications  de  la 
Société  des  Anciens  Textes.  —  Ouvrages  sur  peau  de  vélin.  — 
Importante  collection  d'ouvrages  en  grec  moderne  et  relatifs  à 
la  Grèce.  —  Livres  sur  Dunkerque  et  la  Flandre.  —  Collection 
importante  d'ouvrages  sur  la  musique,  partitions  d'orchestre, 
partitions  d'opéras.   —   Le  Monde  illustré. 


PÉRIODIQUES 

La  Révolution  française,  14  déc.  1890  :  Charavay,  Lazare  Carnot  (confé- 
rence du  Cercle  Saint-Simon).  —  Gaffarel,  L'annexion  du  Piémont  à 
la  France.  —  Les  quatorze  armées  de  la  Convention.  —  La  Hollande 
et  la  maison  d'Orange-Nassau.  —  Docum.  inédits;  Mem.  de  Moreau 
de  Jonnès  (suite  et  tin).  —  Chronique  et  bibliographie  :  La  Soc.  de 
IHist.  de  la  Révol.  ;  Cahiers  de  FAgenois,  par  A.  de  Mondenard  ;  Hist. 
de  France  racontée  par  les  contemporains,  p.  p.  B.  Zeller. 

The  Academy,  n"  970  :  The  Journal  of  Sir  Walter  Scott,  from  the 
original  ms.  at  Abbotsford.  —  Latham,  Pastor  Pastorum.  —  Lecky, 
History  of  England  in  the  eighteenth  century  (2"  art.).  —  William  Bell 
Scott.  —  George  Bell.  —  The  order  of  runes  in  the  Futhork(Skeat).  — 
English  prose  (Earle).  —  The  monarchical  spirit  in  France.  —  The 
source  ot  a  Chaucer  simile.  —  Maximiani  elegiae,  p.  p.  Petschenig.  — 
The  zodiacal  crab.  (Rob.  Brown  jun.).  —  The  Ion  at  Cambridge  — 
Two  books  on  Roman  arches  (Kinch,  L'arc  de  triomphe  de  Salonique; 
Salomon  Reinach,  L'arc  de  Titus). 

—  N°  971  :  Hatch,  The  infl.  of  Greek  ideas  and  usages  upon  the 
Christian  church,  — Campbell,  Aeschylus  in  English  verse.  —  Crawfurd, 
Round  the  Calendar  in   Portugal.  —  Cathedral  and  bishop-designate. 

—  The  order  of  runes  in  the  futharc  (Bradley).  —  Odysseus  and  Helen 
(A.  Langl. —  The  Eurasian  Mediterranean  and  Aryan  origines  (Glennie). 

—  J.  L.  Petit.  Archit.  studies  in  France,  new  éd.  —  The  hero  of  ihe 
Chaldaean  epic.  (Ward). 

The  Athenaeiim,  n"  3298  :  Wemyss  Reid,  The  life,  letters  and  friendships 
of  Richard  Monckton  Milnes,  first  Lord  Houghton.  —  Percy  Fitzge- 
rald, Picturesque  London.  —  Max  Mûller,  Natural  Religion.  — 
White,  The  development  of  Africa.  —  The  Pétrie  papyri,  II,  the 
classical  fragments.  —  George  Bell.  —  Notes  from  Athens. 

—  N°  3294  :  Renan,  Hist.  d'Israël,  III  (vivant).  —  Harrison,  Wayfa- 
ring  in  France.  —  Campbell  and  Rankin,  The  Church  of  Scotland  (va 
jusqu'à  1688).  — ■  Sp:ton  Karr,  The  Marquess  Gornwallis  (intéressant). 

—  Béatrice,  princess  Henry  of  Battenberg,  The  Adv.  of  Count  George 
Albert  of  Erbach,  transi,  from  the  german  ofEm.  Kraus;  Rob.  Brown, 
The  Adv.  of  Thomas  Pellow.  —  Dodge,  Alexander  the  Great  (bon  en 
somme).  —  Original  Docum.  relat.  to  the  Hostages  of  John,  king  of 
France  and  the  treaty  of  Bretigny,  p.  p.  Duckett.  —  Shelley  at  Syon 
House  Academy.  —  Roman  inscriptions  at  Chester.  —  Notes  from 
Rome. 

Cas  Magaziu  fur  Litteratur,  no  45  :  Peters,  Stanley  u.  Emin  Pascha.  — 
Bayer,  Aus  Ruckerts  Nachlass.  —  Dehmel,  Prolog,  besprochen  zur 
Erôffn.  der  Freien  Volksbuhne.  —  01a  Hansson,  Ged.  in  Prosa,  V.  — 
Lôwenfeld,  Tolstois  Erstlingsweik. —  Garschln,  Die  Krôteu.  die  Rose. 

—  Hertzka,  Lorenz  Stein,  1.  —  Sodoms  Ende  von  H.    Sudermann, 
im  Lessing  Theater. 

No  46  :  Sudermann,  Sodoni  Ende,  I,  1-2.  — Em.  Reich,  DieGrillpar- 
zer  z=  Gesellschaft.  —  Hertzka,  Lorenz  Stein,  IL  —  A.  de  Quatrefages, 
Der  diesj.  Amerikanisten  —  Congress. 

Literarisches  Centralblatt,  n^  5o  :  Bellesheim,  Gesch.  der  Kathol.  Kirche 
in  Irland,  I,  432-1509  (remarquable).  —  Groh,  Gesch.  des  ostrôm. 
Kaisers  Justin  II  (cf.  Revue,  n°  5o).  —  Lange,  Der  Papstesel  (savante 
étude).  —  Heyl,  Gestalten  u.  Bilder  aus  Tirol's  Drang=  u.  Sturmpe- 
riode  (vie  d'Ant.  Kurn).  —  Muller  (H.),  Epigr.  Denkm.  aus  Arabien 
(méritoire,    mais   ne  satisfait  pas  entièrement).    —   Pétri   Abaelardi 


planctus  i-vi,  p.  p.  W.  Meyer.  —  Keller,  Altspan.  Lesebuch  (excellent). 

—  Eddalieder,  II,  p.  p,  Jonsson.  —  Eyb,  deutsche  Schriften,p.  p.  Max 
Herrmann,  I,  Das  Ehebuchlein.  —  Baumeister,  Bilder  aus  dem  griech. 
u.  rôm.  Altertum  fur  Schûler,  5-8.  —  Von  Schônherr,  Gesch.  des 
Grabmals  Maximilians  I  u.  der  Hofkirche  zu  Innsbruck. 

—  N°  5i  :  Marti,  Der  prophet  Jeremia  von  Anatot.  —  Hauck, 
Kirchengesch.  Deutschlands (cf.  Revue,  n"  45). —  Pape,  Die  Gebietsentw. 
der  Einzelstaaten  Deutschlands.  —  Bouvy,  Pietro  Verri  (cf.  Revue, 
n°36).  Krones,  Tirol  1812- 1816  u.  Erzh.  Joliann  (diffus  et  sans  ordre). 

—  Reiseschild.  aus  dem  Flussgeb.  des  Dnjepr.  —  Feige,  Gesch.  des 
Mar  Abhdiso  u.  seines  Jungers  Mar  Qardagh.  —  Brugsch,  Die  Aegypto- 
logie  (termine  louvrage  et  dépasse  la  première  moitié  en  volume  et  en 
valeur).  —  Bulle,  Dante's  Béatrice  im  Leben  u.  in  der  Dichtung  (bon). 

—  Venus,  Gartlein,  p.  p.  Waldberg,  Reuter,  Luscspiele,  p.  p.  Ellinger. 

Deutsche  Litteraturzeitimg,  n»  5o  :  Lobstein,  Doctr.  de  la  Saint- Cène; 
Dogme  de  la  naiss.  mirac.  du  Christ.  —  Schmidt,  Gesch.  d.  Piidag.  — 
Bradke,  Arische  Altertumswiss.  u.  Eigenart  unseres  Sprachst.  ;  Beitr. 
zur  Kenntn.  der  vorhist.  Entw.  uns.  Sprachst.;  Meth.  u.  Ergebn.  der 
arischen  Altertumsw.  —  Scala,  Die  Studien  des  Polybios,  I  (et.  Revue, 
n"  38).  —  Albrecht,  Lessings  Plagiate,  I,  i,  I  (veut  prouver  que  les 
œuvres  de  L.  sont  des  centons!)  —  Eine  altlomb.  Margaretenlegende, 
p.  p.  WiESE.  —  Vernes,  Précis  d'hist.  juive  (essai  remarquable,  malgré 
tout).  —  GuNDLACH,  Der  Streit  der  Bistiimer  Arles  u.  Wien  um  den 
Primatus  Galliarum.  —  Haller,  Culturgesch.  desXIX  Jahrh.  in  ihren 
Bezieh.  zu  der  Entw.  der  Naturw^.  —  Gunther,  Handb.  der  mathem. 
Geogr.  —  Winkler,  Das  Kurb.  Regim.  Graf  Tattenbach  in  Spanien 
1 695-1 701.  —  Heyse,  Dramat.  Dicht.  XVII-XXIII. 

Philologische  Wochenschrift,  n°  49  :  Lanckoronski,  Stadte  Pamphyliens 
u.  Pisidiens  (2^  art.).  —  Edwards,  The  Odyssey  of  Homer,  X.  — 
Herodotos,  p,  p.  Stein,  IV,  livre  VII.  —  Huit,  Etudes  sur  le  Banquet 
de  Platon.  —  Hoerschelmann,  De  Catulli  carminé;  Birt,  De  Catulli  ad 
Mallium  epistr.;  Weber,  Quaest.  CatuUianae;  Birt,  Commentarioli 
Catulliani  supplem.  —  Ovidii  Metam.  Auswahl  von  Meuser,  4"  éd., 
p.  p.  Egen.  —  Ovid,  Ausgcw.  ged.,  p.  p.  Sefilmayer,  4* éd.  —  Agricola. 
p.  p.  ScHŒNE.  —  Salomon  Reinach,  L'arc  de  Titus  et  les  dépouilles  du 
temple  de  Jérusalem  (clair  et  instructif).  —  O.  Schrader,  Sprachvergl. 
u.  Urgesch.  (commode,  plein  de  |savoir  et  de  méthode).  —  Cauer, 
Der  Unterricht  in  Prima,  ein  Abschluss  u,  ein  Anfang.  —  Griech. 
ReisebLicher. 

—  N"  5o  :  Lanckoronski,  Stadte  Pamphyliens  {3"  art.)  —  Franco,  I 
frammenti  di  Mimnermo  (rien  de  scientifique).  —  Konon,  Text.  u. 
Qnellenunt.  von  Hoefer  (bon).  —  Amphitrio,  p.  p.  Palmer.  — 
A.  Benoit,  Du  jus  sepulcri  à  Rome  (très  satisfaisant).  —  Strack,  Bau- 
denkm.  des  alten  Rom.  — Von  Wegele,  Aventin  (bonne  biographie). 

Gœttingische  gelehrte  Anzeigen,  n''23  :  Schrader,  Sprachvergl.  u.  Urgesch. 
2^  éd.  —  Bibl.  de  l'Ecole  des  Hautes-Etudes,  sciences  relig.  I.  —  Kro- 
nenberg,  Minuciana. 

—  N»  24  :  Chantepie  de  laSaussaye,  Lehrb.  der  Religionsgesch.  I  u. 
II  (utile).  —  Wallaschek,  Studien  zur  Rechtsphilosophie.  — Souchon, 
Die  Papstwahlen  von  Bonifaz  VIII  bis  Urban  VI  (soigné). 

Theologische  Litteraturzeitung,  n°  22  :  Smith,  Lectures  on  the  religion  of 
the  Sémites,  I,  The  fundam.  instit.  (important).  — Dalman,  Studien 
zur  bibl.  Theol.  Der  Gottesname  Adonai  u.  seine  bibl.  Gesch.  — 
Honig,  Die  Uphiten.  —  Gwatkin,  The  Aryan  controversy.  —  Ebert, 
zur  allgem.  Gesch.  der  Lit.  der  Lit.  des  M.  A.  im  abendlande,  I,  2"  éd. 


LIBRAIRIE    DE    FIRMIN-DIDOT    ET    Gi« 

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Revue  critique  d'histoire  et 
de  littérature 


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